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  • Je vous propose mes diverses lectures sur des thématiques étendues : littérature, philosophie, histoire, poésie, à partir de 2015 également politique, sociologie, et des réflexions sur des thèmes d'actualité.
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29 mai 2013

"L'homme révolté" Albert Camus

 

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albert-camus4136-6d216Albert CAMUS

La révolte fait partie de l'homme, révolte contre son statut, par rapport au regard de l'autre, de sa place dans la société. Révolte par rapport à sa finitude, à l'existence de Dieu. L'homme se révolte contre lui-même, contre les autres, contre l'invisible, l'iréel, contre une société dans laquelle il a du mal à vivre.

Camus se sert d'exemples, dans la littérature, dans les grands moments de révolte de l'humanité. Derrière ces révoltes une grande voie philosophique : le nihilisme et ce qui en découle. La révolution, différente de la révolte, la révolution française, russe, la révolte jusqu'à la mort, le Roi Dieu disparaît, les mondes changent, une soif d'égalité qui passe par la négation d'un monde de croyance. Dieu est mort, les poètes révoltés et nihilistes le ressentent, apparition du surréalisme, vison artistique, irréelle, fuite également d'un monde insupportable.

L'homme révolté est à la fois un bien, une nécessité. L'imperfection humaine, notre finitude créent des tensions dans le vivre ensemble qui elles-mêmes génèrent des révoltes, parfois des révolutions. Lorsque la révolte s'exprime par le meurtre, le suicide, nous abordons les terres de l'absurde, du nihilisme absolu. Après avoir tué Dieu, l'homme doit apprendre à vivre avec l'homme et non tuer l'homme. Camus réfléchit en profondeur sur la révolte à travers les oeuvres d'écrivains, de poètes, de philosophes. Il analyse la révolte au regard de l'historicité, l'art, la géopolitique. Écrit en 1951, Camus a produit une réflexion très pertinente de l'humanité en révolte permanente.

Quelques pensées tirées de son livre :

"Introduction.

Il y a des crimes de passion et des crimes de raison, dès l’instant où le crime se raisonne, il prolifère comme la raison elle-même, il prend toutes les figures du syllogisme. Il était solitaire comme le cri, le voilà universel comme la science.

Hier jugé il fait la loi aujourd’hui.

Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommé de fournir ses justifications.

Il sagit de savoir si l’innocence à partir du moment ou elle agit, ne peut s’empêcher de tuer.

Si on croit à rien, si rien n’a de sens et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur, tout est possible et rien n’a d’importance.

La conclusion dernière du raisonnement absurde est, en effet le rejet du suicide et le maintien de cette confrontation désespérée entre l’interrogation humaine et le silence du monde.  Tout suicide solitaire, lorsqu’il n’est pas de ressentiment est en quelque endroit, généreux ou méprisant.

Je crie que je ne crois à rien et que tout est absurde, mais je ne puis douter de mon cri et il me faut au moins croire à ma protestation. La première et la seule évidence qui me soit ainsi donnée, à l’intérieur de l’expérience absurde, est la révolte !

L’homme révolté.

Qu’est-ce qu’un homme révolté ? un homme qui dit non, le non affirme l’existence d’une frontière. On aime l’humanité en général pour ne pas avoir à aimer les êtres en particulier. La révolte est profondément positive puisqu'elle révèle ce qui, en l'homme est toujours à défendre. La révolte est le fait de l’homme informé, qui possède la conscience de ses droits.

La révolte métaphysique.

La révolte métaphysique est la revendication motivée d’une unité heureuse, contre la souffrance de vivre et de mourir.

Les fils de Caïn.

Avec Caïn la première révolte coïncide avec le premier crime.

La négation absolue.

Sade, la nature pour lui est le sexe, sa logique le conduit dans un univers sans loi où le seul maître sera l’énergie démesurée du désir. La liberté qu’il réclame n’est pas celle des principes, mais des instincts. Mais sa haine pour la peine de mort n’est d’abord que la haine d’hommes qui croient assez à leur vertu, où à celle de leur cause, pour oser punir, et définitivement, alors qu’ils sont eux-mêmes criminels. On ne peut à la fois choisir le crime pour soi et le châtiment pour les autres.

La licence de détruire suppose, qu’on puisse être soi-même détruit. Dans la république barbelée de Sade, il n’y a que des mécaniques et des mécaniciens. On a exécuté Sade en effigie, il n’a tué de même qu’en imagination. En ceci Sade est l’homme de lettre parfait. Il a bâti une fiction pour se donner l’illusion d’être.

La révolte des Dandys.

Pour combattre le mal, le révolté, parce qu’il se juge innocent renonce au bien et enfante à nouveau le mal. Il joue sa vie, faute de pouvoir la vivre. Il la joue jusqu’à la mort, sauf aux instants où il est seul et sans miroir. Etre seul pour le Dandys revient à n’être rien. Le romantisme démontre en effet que la révolte a partie liée avec le dandysme, l’une de ses directions est le paraître. Dans ses formes conventionnelles, le dandysme avoue la nostalgie d’une morale.

Le refus du salut.

Si le révolté romantique exalte l’individu et le mal, il ne prend donc pas le parti des hommes, mais seulement son propre parti. Dans le cas d’Ivan Karamazov, la foi suppose l’acceptation du mystère et du mal, la résignation à l’injustice. Celui que la souffrance des enfants empêche d’accéder à la foi ne recevra pas la vie immortelle. Dans ces conditions, même si la vie immortelle existait, Ivan la refuserait.

Le sens de la vie supprimé, il reste encore la vie. Sil n’y a pas d’immortalité, il n’y a ni récompense, ni châtiment, ni bien ni mal. Ivan ne se permettra pas d’être bon. Le nihilisme n’est pas seulement désespoir et négation, mais surtout volonté de désespérer et de nier. Ivan nous offre que le visage défait du révolté aux abîmes, incapable d’action, déchiré entre l’idée de son innocence et la volonté de meurtre. Il hait la peine de mort parce qu’elle est l’image de la condition humaine, et en même temps il marche vers le crime. Pour avoir pris le parti des hommes, il reçoit la solitude. La révolte de la raison, avec lui s’achève en folie.

L’affirmation absolue.

Nietzsche n’a pas formulé une philosophie de la révolte, mais édifié une philosophie sur la révolte. Le christianisme croit lutter contre le nihilisme, alors qu’il est nihiliste lui-même dans la mesure où, imposant un sens imaginaire à la vie, il empêche de découvrir son vrai sens. Le nihiliste n’est pas celui qui ne croit à rien, mais celui qui ne croit pas à ce qui est. Ne plus prier, bénir, et la terre se couvrira d’homme dieux. Dire oui au monde, le répéter, c’est à la fois recréer le monde et soi-même, c’est devenir le grand artiste, le créateur.

La poésie révoltée.

Hawthorne a pu écrire de Melville qu’incroyant, il ne savait se reposer dans l’ignorance. Lautréamont démontre que le désir de paraître se dissimule aussi, chez le révolté, derrière la volonté de banalité. Comme le Rimbaud des illuminations, jeté contre les limites du monde, le poète choisit d’abord l’apocalypse et la destruction plutôt que d’accepter la règle impossible qui le fait ce qu’il est dans le monde tel qu’il va.

Le conformisme est une des tentations nihilistes de la révolte qui domine une grande partie de notre histoire intellectuelle. Dès ses origines, le surréalisme, évangile du désordre s’est trouvé dans l’obligation de créer un ordre. La révolution pour les surréalistes n’étaient pas qu’une fin qu’on réalise au jour le jour mais un mythe absolu et consolateur.

Nihilisme et histoire.

L’insurrection humaine dans ses formes élevées et tragiques n’est et ne peut être qu’une longue protestation contre la mort une accusation enragée de cette condition régie par la peine de mort généralisée. La révolution commence à partir de l’idée. Elle est l’insertion de l’idée dans l’expérience historique quand la révolte est seulement le mouvement qui mène de l’expérience individuelle à l’idée.

Le nouvel évangile.

Le contrat social est d’abord une recherche sur la légitimité du pouvoir. Chacun de nous dit Rousseau « met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale et nous recevons en corps chaque membre, comme partie indivisible du tout. » . Rousseau justifie la peine de mort, « c’est pour n’être pas la victime d’une assassin qu’on consent à mourir si on le devient ».

La religion de la vertu.

Rousseau pense que l’art de gouverner n’a produit que des monstres parce que jusqu’à lui on n’a pas voulu gouverner selon la nature. La révolution française en prétendant bâtir l’histoire sur un principe de pureté absolue, ouvre les temps modernes en même temps que l’ère de la morale formelle.

Les déicides.

La transcendance divine, jusqu’en 1789, servait à justifier l’arbitraire royal. A près la révolution française, la transcendance des principes formels, raison ou justice, sert à justifier une domination qui n’est ni juste ni raisonnable. L’effort de Hegel, puis des hégéliens, a été au contraire de détruire de plus en plus toute transcendance et toute nostalgie de la transcendance. La phénoménologie est, sous un de ses aspects une méditation sur le désespoir et la mort.

La valeur suprême de l’animal étant la conservation de la vie, la conscience doit s’élever au-dessus de cet instinct pour recevoir la valeur humaine. L’histoire entière de hommes n’est en tout cas qu’une longue lutte à mort, pour la conquête du prestige universel et de la puissance absolue.

Aucune réalité humaine ne serait donc engendré si par une disposition qu’on peut trouver heureuse pour le système de Hegel, il ne s’était trouvé, dès l’origine, deux sortes de conscience dont l’une n’a pas le courage de renoncer à la vie, et accepte donc de reconnaître l’autre conscience comme une chose. Cette conscience qui, pour conserver la vie animale, renonce à la vie indépendante est celle du maître. Elles se distinguent l’une de l’autre dans le moment où elles s’affrontent et où l’une s’incline avant l’autre. Le dilemme à ce stade n’est plus être libre ou mourir, mais tuer ou asservir. Ce dilemme retentira sur la suite de l’histoire, bien que l’absurdité à ce moment, ne sont pas réduite encore.

Les terroristes ont décidé qu'il fallait tuer et mourir pour être puisque l’homme et l’histoire ne peuvent se créer que par le sacrifice et le meurtre. « Dieu sans l’homme n’est pas plus que l’homme sans Dieu » Hegel

Le terrorisme individuel.

Stendhal voyait une première différence des allemands avec les autres peuples en ce qu’ils s’exaltent par la méditation au lieu de se calmer. L’origine du terme nihilisme a été forgé par Tourgueniev dans un roman père et enfant dont le héros Bacarov figurait ce type d’homme.

Si l’homme est le reflet de Dieu, alors il n’importe pas qu'il soit privé de l’amour humain, un jour viendra ou il sera rassasié. Mais s’il est une créature aveugle, errant dans les ténèbres d’une condition cruelle et limitée, il a besoin de ses pareils et de leur amour périssable.

Un monde sans loi est-il un monde libre, telle est la question que pose toute révolte.

Le terrorisme d’état et la terreur irrationnelle.

Le rêve prophétique de Marx et les puissantes anticipations de Hegel ou de Nietzsche  ont fini par susciter, après que la cité de Dieu eut été rasée, un état rationnel ou irrationnel, mais dans les deux cas terroriste. Mussolini et Hitler, leur différence avec le mouvement révolutionnaire classique est que, dans l’héritage nihiliste ils ont choisi de déifier l’irrationnel, et lui seul au lieu de diviniser la raison. La terreur irrationnelle propose la destruction non seulement de la personne, mais des possibilités universelles de la personne, la réflexion, la solidarité, l’appel vers l’amour absolu.

Le terrorisme d’état et la terreur rationnelle.

Marx est à la fois un prophète bourgeois et révolutionnaire. Pour les chrétiens comme pour les marxistes, il faut maîtriser la nature. Les grecs sont d’avis qu'il vaut mieux lui obéir. Chez Maistre comme chez Marx la fin des temps satisfait le grand rêve de Vigny, la réconciliation du loup et de l’agneau, le monde du criminel et de la victime au même autel, la réouverture ou l’ouverture d’un paradis terrestre. Pour Marx les lois de l’histoire reflètent la réalité divine. Mais pour le premier la matière est la substance pour le second la substance de son dieu s’est incarné ici bas. L’éternité les sépare au principe, mais l’historicité finit par les réunir dans une conclusion réaliste.

L’ère positiviste qui succèderait nécessairement à l’être métaphysique et à l’être theologique devait marquer l’avènement d’une religion de l’humanité. Henri Gouhier définit justement l’entreprise de Comte en disant qu’il s’agissait pour lui de découvrir un homme dans trace de dieu.

Le prolétariat est forcé d’user de sa richesse pour le bien universel. Il n’est pas le prolétariat, il est l’universel s’opposant au particulier, c’est-à-dire au capitalisme. Le jusge c’est l’histoire, l’exécution de la sentence c’est le prolétaire. Les crises succèderont aux crises, la déchéances du prolétariat s’approfondira, son nombre s’étendra jusqu’à la crise universelle ou disparaîtra le monde de l’échange, et ou l’histoire, par une suprême violence, cessera d’être violente. Le royaume des fins sera constitué.

L’échec de la prophétie.

Le marxisme fait éclater le divorce profond qui s’est établi entre la raison scientifique, fécond instrument de recherche, de pensée, et même de révolte, et la raison historique, inventer par l’idéologie allemande dans sa négation de tout principe.

Le royaume des fins.

Le dialogue relation des personnes a été remplacé par la propagande ou la polémique, qui sont deux sortes de monologues. Ceux qui refusent la souffrance d’être et de mourir veulent alors dominer « la solitude c’est le pouvoir » dit Sade.

La pensée qui se forme avec la seule histoire, comme celle qui se tourne contre toute histoire, enlèvent à l’homme le moyen ou la raison de vivre. La première pousse à l’extrême déchéance du « pourquoi vivre » la seconde au « comment vivre ».

Auparavant notons, qu’au je me révolte, donc nous sommes, au « nous sommes seuls » de la révolte métaphysique, la révolte aux prises avec l’histoire ajoute qu’au lieu de tuer t mourir pour produire l’être que nous ne sommes pas, nous avons à vivre et faire vivre pour créer ce que nous sommes.

La révolte et l’art.

Aucun artiste ne tolère le réel dit Nietzsche, il est vrai mais aucun artiste ne peut se passer du réel. Vis-à-vis du roman l’exemple de Proust :

En art la révolte s’achève et se perpétue dans la vrais création, non dans la critique ou le commentaire. La société industrielle n’ouvrira les chemins d’une civilisation qu’en redonnant au travailleur la dignité du créateur, c’est-à-dire en appliquant son intérêt et sa réflexion autant au travail lui-même qu’à son produit. L’histoire a peut être une fin, notre tâche pourtant n’est pas de terminer, mais de créer, à l’image désormais, de ce que nous savons vrai.

La pensée de midi

Révolte et meurtre.

Après avoir longtemps cru qu’il pourrait lutter contre dieu l’esprit européen s’aperçoit donc qu’il lui faut aussi, s’il ne veut pas mourir, lutter contre les hommes.

Il est donc possible de dire que la révolte, quand elle débouche sur la destruction est illogique. Réclamant l’unité de la condition humaine elle est force de vie, non de mort. En réalité l’absolu purement historique n’est même pas concevable. La pensée de Jaspers, par exemple dans ce qu’elle a d’essentiel, souligne l’impossibilité pour l’homme de saisir la totalité, puisqu'il se trouve à l’intérieur de cette totalité.

La liberté absolue raille la justice. La justice absolue raille la liberté.

Mesure et démesure.

Ni le réel n’est entièrement rationnel, ni le rationnel tout à fait réel.

La pensée de midi.

C’est la révolte qui est la mesure, qui l’ordonne, la défend et la recrée à travers l’histoire et ses désordres. La mesure née de la révolte ne peut se vivre que par la révolte.

Au-delà du nihilisme.

Il y a un mal, sans doute que les hommes accumulent dans leur désir forcené d’unité. Mais un autre mal est à l’origine de ce mouvement désordonné. Devant ce mal, devant la mort, l’homme au plus profond de lui-même crie justice. Le christianisme historique n’a répondu à cette protestation contre le mal, que par l’annonce du royaume, puis de la vie éternelle, qui demande la foi. Mais la souffrance use l’espoir et la foi, elle reste solitaire alors, et sans explication. Les foules du travail, lassées de souffrir et de mourir sont des foules sans dieu. Notre place est dès lors à leur côté, loin des anciens et des nouveaux docteurs".

 

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