Lézardrieux : pourquoi Yves Cadic est-il reconnu comme héros du Cap-Horn ?

Une salle de la Maison de la Mer à Lézardrieux porte désormais son nom. Yves Cadic, vaillant capitaine, a sauvé 26 marins anglais en pleine tempête au Cap Horn. Voici son histoire.

L'unique photo du capitaine Yves Cadic.
L’unique photo du capitaine Yves Cadic. ©DR
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À Lézardrieux (Côtes-d’Armor), une salle de la Maison de la Mer porte désormais son nom : Yves Cadic. Ce capitaine s’est illustré par son courage et sa détermination début XXe lors du sauvetage de 26 marins anglais, en pleine tempête au Cap Horn. Malheureusement, il mourut quelques mois plus tard à Lézardrieux épuisé par cet exploit

Cap-horniers

Par une exposition éphémère lors des Journées du Patrimoine 2023, la municipalité a inauguré ce nouvel espace. L’exposition, conçue et documentée par Yvonnick et Brigitte Le Coat, a permis aux visiteurs de replacer l’histoire d’Yves Cadic dans la longue histoire des cap-horniers. 

Les descendants d’Yves Cadic étaient présents et ce sont les arrière-arrière-petits-fils, Martin et Louis Cadic, qui ont dévoilé la plaque, honorant leur aïeul.

Mais qui était cet Yves Cadic, oublié jusqu’à récemment, et dont le nom revient aujourd’hui parmi les Lézardriviens ? 

Les descendants d'Yves Cadic, réunis autour du maire Henri Paranthoën
Les descendants d’Yves Cadic, réunis autour du maire de Lézardrieux, Henri Paranthoën. ©La Presse d’Armor

Fils de capitaine

Né sur île de Bréhat en 1884, c’est le fils d’un capitaine des baliseurs des Ponts-et-Chaussées La Confiance puis Fresnel.

En 1889, lors du transfert du Parc de Balisage à Lézardrieux, la famille Cadic s’installe sur les rives du Trieux. Après une scolarité à l’école communale, durant l’été 1899, Yves navigue comme mousse sur le Fresnel puis est recruté par la Compagnie Bordes et en 1909, il devient capitaine au long cours.

C’était une grosse compagnie d’armateur fondée en 1868 pour faire le commerce au-delà du Cap Horn et qui possédait, à la veille de la Première Guerre mondiale, 17 trois-mâts et pas moins de 28 quatre-mâts. 

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Sauvetage en pleine tempête

Le 22 mars 1913, le quatre-mâts Loire commandé par le capitaine Jaffré, avec Yves pour second, quitte Hambourg pour Port-Talbot puis Valparaiso, atteint le 24 juillet.

Il charge ensuite du nitrate chilien à Iquique et appareille pour Douvres le 1er octobre. Dans la nuit du 9 au 10 octobre, faisant route vers le Cap Horn, en pleine tempête, le voilier français aperçoit les feux de détresse du trois-mâts anglais Dalgonar.

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Ne pouvant approcher du navire en danger, le capitaine Jaffré va exiger de tous un travail surhumain : durant trois jours et trois nuits, le Loire tire de longs bords pour garder le contact.

À chaque changement de cap, sous les ordres d’Yves Cadic et des deux lieutenants, l’équipage doit rejoindre le pont balayé par les vagues tandis que les gabiers grimpent dans les matures.

Le 13 octobre au matin, le Dalgonar est en vue. Une baleinière, avec sept hommes commandés par Yves Cadic, est mise à l’eau.

À midi, en deux transbordements, 26 naufragés (sur 30 hommes) sont sauvés.

Décès prématuré

Dès le lendemain, Yves Cadic est souffrant. Trois jours de manœuvres dans la tempête et le froid, une matinée à crier des ordres alors que les paquets de mer assaillent la baleinière l’ont épuisé. Il résiste, assure son service, mais doit s’aliter en décembre.

Lorsqu’il débarque à Dunkerque le 5 janvier 1914, il est atteint d’une laryngite « grave ». Le médecin qu’il consulte à Lézardrieux le 8 janvier diagnostique une « affection rénale suraiguë  » avec complications pulmonaires qui l’emporteront le 10 mars.

À 29 ans, il laisse une veuve de 27 ans et un fils de 14 mois, André Cadic.

Médaille du roi d’Angleterre

Ce sauvetage, considéré comme un des plus hauts faits de l’histoire de la navigation cap-hornière, valut à Yves Cadic distinctions et décorations.

En particulier une médaille d’argent offerte par le roi George V, la médaille de sauvetage or de 1ʳᵉ classe attribuée par le Ministre de la Marine, et la médaille d’argent de la Liverpool Shipwreck and Humane Society.

La tombe d'Yves Cadic au cimetière de Lézardrieux
La tombe d’Yves Cadic au cimetière de Lézardrieux. ©La Presse d’Armor

Il fut enterré au cimetière de Lézardrieux, sa pierre tombale est surmontée d’une colonne brisée, symbole de cette vie fauchée en pleine jeunesse.

Sa veuve Marie Cadic, née Riou restera veuve jusqu’à son décès en mars 1939.

Son fils André deviendra journaliste, essentiellement à Ouest-France. Personne dans sa lignée ne deviendra marin…

Dans Spirou

Ce sauvetage hors norme a été repris par Joseph Conrad dans un de ces derniers essais, et a même fait le bonheur des lecteurs de Spirou, dans les pages intitulées « Les belles histoires de l’oncle Tom », preuve que cet acte d’héroïsme est resté dans les mémoires.

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Michel Chouau, mari de la petite-fille d’ Yves Cadic et représentant la famille, a rappelé que  » cette page d’histoire qui appartient au patrimoine culturel du monde de la mer, nous amène à nous interroger sur les valeurs que partageaient ces marins, inconsciemment prêts à sacrifier leurs vies pour secourir leurs semblables, et dans les pires conditions. On les a parfois appelés des pêcheurs d’hommes. Les mêmes forces morales animent les sauveteurs d’aujourd’hui, toujours prêts au dévouement extrême pour arracher à l’océan les vies en danger ». 

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