Saint-Malo : Yves Menguy, ce Cap-Hornier qui n'a jamais perdu un homme en mer

Loïc Josse s'est intéressé à celui qui fut l'un des derniers "albatros" français, Yves Menguy, qui passa 23 fois le périlleux Cap-Horn sans jamais y perdre un seul de ses hommes. 

Yves Menguy au port de Saint-Malo
Yves Menguy, ici au port de Saint-Malo, fut l’un des derniers « albatros » français, terme qui désigne les capitaines ayant passé le cap Horn sur des voiliers de commerce.  ©DR
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À Saint-Servan, une place près de la tour Solidor porte le nom du commandant Yves Menguy. Qui était-il ? Loïc Josse, l’ancien libraire de la Droguerie de Marine, apporte un éclairage inédit sur ce marin qui a connu la fin d’une époque (celle de la navigation à la voile) et le début d’une autre (les bateaux à moteur).

Un capitaine « verni »

Né en 1877 près de Paimpol, formé à l’école d’hydrographie de Saint-Malo, il était l’un des derniers « albatros » français, terme qui désigne les capitaines ayant passé le périlleux cap Horn sur des voiliers de commerce.

Yves Menguy l’a fait 23 fois entre 1907 et 1921, à la tête du Vincennes, un trois-mâts barque en acier. Sans jamais perdre un seul de ses 23 hommes d’équipage

« C’était sa plus grande fierté, souligne Loïc Josse. C’était un capitaine prudent, très humain, tout en étant autoritaire. » Il était aussi « verni », de son propre aveu. On disait de lui qu’il avait « une ligne téléphonique avec saint Pierre »…

Pour garder ses hommes, il dut aussi aller, revolver au poing, en chercher quelques-uns qui s’étaient faits « shangaïer » dans un port, c’est-à-dire embobiner puis ficeler par des rabatteurs, « dans l’attente d’être embarqués de force sur un autre navire ».

Loïc Josse
Loïc Josse consacre son dernier livre au Cap-Hornier Yves Menguy, qui fut maire de Saint-Servan dans les années 50.  ©Le Pays Malouin / B.R. 

« Marins de gravure »

Le livre que Loïc Josse consacre à « l’albatros servannais » est aussi un hommage à son fils, Edward Menguy, décédé en 2021 à l’âge de 99 ans. « Il me parlait de son père et petit à petit j’ai rassemblé des éléments. »

L’ancien libraire, qui a écrit plusieurs ouvrages sur les terre-neuvas, avait aussi assisté à l’ultime congrès de l’amicale des Cap-Horniers en 2003 et « cela m’avait marqué ». Ainsi son ouvrage est l’occasion de décrire la rudesse de la vie à bord et de lister les insultes fleuries des cap-horniers à l’égard des « marins de gravure »… 

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Sa femme a « pris deux fois le gris » 

À terre, la famille attendait des nouvelles qui ne venaient que par un télégramme, à l’arrivée, en Californie ou au Chili. S’il y avait du retard, « l’épouse du marin se mettait en vêtement sombres, elle ‘prenait le gris’, antichambre d’un deuil envisagé ». La femme d’Yves Menguy le fit deux fois.

« Il m’est arrivé en deux ans de campagne de ne pas compter plus de quatre jours de vie de famille. Lors d’un certain voyage, je restai cent-soixante-dix jours sans pouvoir donner de mes nouvelles. Notre appareil à gouverner s’était brisé en passant le Cap. Nous avions mis soixante-sept-jours à doubler la Terre de Feu. » 

Témoignage d’Yves Menguy

Il remorque son propre voilier pour la casse

Le Vincennes est désarmé en 1921. C’est la fin, ou presque, de l’épopée des Cap-Horniers. La Grande guerre a sonné le glas des grands voiliers de commerce, laissant la place aux navires à vapeur.

Yves Menguy a rapidement rebondi, prenant en 1923 le commandement du remorqueur de haute mer et de sauvetage, le Tourbillon. Avec cet ancêtre de L’Abeille Bourbon, il secourut une vingtaine de navires. Ironie du sort, il dut remorquer pour la casse son propre voilier, le Vincennes, « avec des larmes dans les yeux ». 

Chasse au trésor

Avec le Tourbillon, puis à bord de l’Artiglio, il prit part en 1928 à la recherche l’épave de l’Élisabethville, qu’on croyait chargée de 12 kilos de diamants ! Le navire fut retrouvé, mais pas ce supposé trésor… 

C’est en 1931 qu’Yves Menguy met « sac à terre » en devenant officier de port, d’abord au Havre, puis à Douarnenez et enfin à Saint-Malo jusqu’à sa retraite en 1941. Il « se prit d’amour » pour Saint-Servan, dont il sera maire de 1953 à 1959, avant sa mort en 1965 à l’âge de 88 ans. 

Yves Menguy
Le commandant Yves Menguy, dont une place porte le nom près de la tour Solidor, fut maire de Saint-Servan dans les années 50.  ©DR
Cap-Hornier, Odyssée d’un marin entre deux siècles. Illustré par l’aquarelliste Benoît Colnot. 22€. Loïc Josse sera en dédicace sur le stand des éditions Locus Solus ce week-end à Étonnants Voyageurs

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