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Poésie

TOUT ce qu’il saigne de vin (Francis Vielé-Griffin)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2020



 

George Inness _-_overall_-_2

TOUT ce qu’il saigne de vin
Des pressoirs de l’aurore
Au gris flanc des amphores,
Le boirons-nous demain?

Et tout ce qu’il poudroie à l’occident,
D’or prodigué,
Quel geste fatigué
Doit l’amasser, ce soir, pour des luxes d’amant?

Printemps, tes beaux clairs milliers d’émeraudes,
Les foulerai-je, encor, vers l’autre été?
Sur nos cieux en grisaille un hiver rôde
Depuis l’Éternité?

(Francis Vielé-Griffin)

Illustration: George Inness

 

5 Réponses to “TOUT ce qu’il saigne de vin (Francis Vielé-Griffin)”

  1. flipperine said

    il faut espérer que malgré les aléas de la météo le vin sera une bonne cuvée cette année

  2. (1) Paysage familier
    ———————–

    La plaine est comme un océan,
    Comme un beau jardin sont les cieux ;
    Leur vide n’est point le néant,
    Il est peuplé de petits dieux.

    L’air est plus doux qu’une liqueur,
    Un oiseau crie comme un devin ;
    Un poème chante en mon coeur
    Et ma coupe est emplie de vin.

    L’atmosphère inaccoutumée,
    Sans brume ainsi que sans fumée,
    Semble d’un rivage de mer.

    Vers l’horizon, la lune est ronde
    Et son rire n’est pas amer :
    Son ivresse n’est point profonde.

    (2) Amphore sans métaphores
    ———–

    Je ne suis pas un océan,
    Nous a dit l’amphore songeuse ;
    Je ne contiens pas le néant
    Ni la tempête ravageuse.

    Mon âme n’est point belliqueuse,
    Ce n’est pas un gouffre béant ;
    Ma parole n’est pas moqueuse,
    Mon maître n’est pas un géant.

    Cette amphore inaccoutumée
    Produit un écran de fumée,
    Comme une brume sur la mer.

    Vois-tu, sa forme n’est pas ronde,
    Son vin n’est nullement amer ;
    Bois-le si ta peine est profonde.

    • Amphore de Pise
      ————–

      Le gardien de la Tour est un bon petit vieux,
      J’aime en sa compagnie me divertir et boire ;
      Il a dans son cellier ce qu’on trouve de mieux,
      Du vin couleur de sang, puis de la bière noire.

      Il déclame des vers à la face des cieux,
      D’illustres inconnus ou bien d’auteurs notoires ;
      Les deux catégories se valent à ses yeux,
      Presque toute écriture est pour lui méritoire.

      La Tour est inclinée, les amphores aussi,
      Sur l’oblique paroi nichent des hirondelles,
      En bas pousse une rose, et c’est fort bien ainsi.

      Les blagues du gardien ne sont jamais cruelles,
      Chacun peut les entendre avec sérénité ;
      De ce rare talent je voudrais hériter.

  3. Amphore impériale
    —————

    Celui qui boit mon vin, c’est un empereur fou,
    Lequel garde toujours sa coupe sur la table ;
    Il dit que la boisson peut le rendre imbattable,
    Mais j’ai peine à le croire, il en devient trop mou.

    Esope sur mon compte écrivit une fable,
    Ce vaillant plumitif aime aussi boire un coup ;
    Goûtons de son humour la saveur ineffable,
    Aux auteurs du futur il apporte beaucoup.

    De l’Empire, dit-on, la chute est attendue,
    Même la capitale est bien mal défendue ;
    Mais toujours survivront les oeuvres de l’esprit.

    Le vin sait déchiffrer les cerveaux et les âmes,
    Dont, précise Aristote, il détient le sésame ;
    De tout ça l’empereur n’a jamais rien compris.

    • Vin du sacrificateur
      ———-

      Ce nectar passera de l’amphore au calice,
      Nous verserons le sang d’un bouc au bord de l’eau ;
      Dans la nuit, nous serons éclairés de falots,
      Et, pour nous assister, des spectres sans malice.

      Plus tard, nous parlerons à la lune complice,
      Puis nous éveillerons la dame au jardin clos ;
      Ensemble nous prendrons le frais sur un îlot,
      Ou bien nous passerons par le miroir d’Alice.

      L’amphore est un cadeau des gnomes du Ponant,
      Ceux de qui nous tenons des savoirs étonnants ;
      Ici, leur marchandise est grandement prisée.

      Nous avons notre vigne au-delà des remparts,
      Au sein d’une étendue clairement balisée ;
      Raisins dont les oiseaux prennent souvent leur part.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?