Tomopteris de Heligoland

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica | (Greeff, 1879)

N° 5533

Atlantique Nord Est

Clé d'identification

Annélide planctonique transparente
Jusqu'à 5 à 10 cm de long
Se déplace en pleine eau par ondulation
Corps bordé de nombreux parapodes (14 à 16 paires visibles)
Corps prolongé par une longue queue effilée
2 antennes dont la longueur est d’environ 2/3 de la longueur du corps

Noms

Noms communs internationaux

Plankton worm, gossamer worm (GB), Planktonwurm (D)

Synonymes du nom scientifique actuel

Nereis phasma Dalyell, 1853
Tomopteris scolopendra Gosse, 1865
Tomopteris pagenstecheri Quatrefages, 1866
Tomopteris quadricornis Leuckart & Pagenstecher in Quatrefages, 1866
Tomopteris helgolandica Greeff, 1879
Tomopteris catharina Rosa, 1908

Distribution géographique

Atlantique Nord Est

Zones DORIS : ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française], ● Atlantique Nord-Ouest

L' espèce se rencontre principalement dans l'Atlantique, au nord d'une ligne New-York-Bretagne (avec une présence possible à Saint-Pierre-et-Miquelon).
Sa présence a également été signalée en Méditerranée, mais ceci pourrait résulter d'une confusion avec une autre espèce du genre Tomopteris.

Biotope

Cette espèce holopélagique* est rencontrée en pleine eau, surtout en haute mer. Les adultes sont généralement rencontrés en eaux plus profondes que les jeunes individus, même s’il est possible d’en rencontrer près de la surface. Ils sont couramment collectés à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Cette espèce peut réaliser des migrations verticales quotidiennes, pour se rapprocher de la surface la nuit afin de suivre ses proies.

Description

Animal presque transparent, de forme allongée, pouvant atteindre une dizaine de centimètres mais souvent d’une taille comprise entre 3 et 4 cm. Il possède entre 18 et 21 (voire 24 selon certains auteurs) paires de parapodes* biramés (donc certains sont difficilement visibles et on n’en compte généralement que 16) et une queue effilée. Cette dernière porte quelques parapodes rudimentaires de taille réduite. Chaque rame des parapodes est bordée des deux côtés par des lamelles, appelées pinnules*. Les deux premiers segments du corps sont fusionnés avec le prostomium* et portent des palpes*. La seconde paire de palpes supporte des « antennes » (appendices sétigères*) dont la longueur peut atteindre les 2/3 de la longueur du corps.
Deux petits yeux noirs sont bien visibles.
Les pinnules comportent une glande spécifique qui a notamment un rôle dans la bioluminescence*, une rosette de couleur jaune, à proximité immédiate de la rame, visible à la loupe binoculaire. Sur les deux premières rames ventrales, les rosettes ne sont pas positionnées sur les pinnules mais sur les rames elles-mêmes.
Le proboscis* est bien visible par transparence. Il n’est pas armé.
Chez les jeunes individus, la première paire de palpes porte également des appendices sétigères. Par ailleurs, la queue est alors absente.
Les gonades* sont présentes dans les rames ventrales et dorsales, de la première à la treizième paire de parapodes.
Lorsqu’il est observé en pleine eau, le ver nage en ondulant son corps et en se propulsant à l’aide de ses parapodes.

Espèces ressemblantes

La famille des Tomopteridés comporte, au niveau mondial, une soixantaine d’espèces dont l’allure est globalement similaire à celle de Tomopteris (Johnstonella) helgolandica.
Chez les espèces appartenant au genre Tomopteris, les pinnules* bordent les côtés intérieurs et extérieurs des rames des parapodes.
Chez les espèces du genre Enapteris, l’autre genre de la famille, les pinnules ne bordent que le côté externe des rames (ce caractère n’est observable qu’à la loupe binoculaire).

La détermination des espèces du genre Tomopteris est fondée sur la présence ou l’absence de glandes spécifiques dans les pinnules, dont certaines ne sont mises en évidence qu’après une coloration chimique particulière : les rosettes, les glandes hyalines* et les glandes chromophiles. Ce mode de détermination « moderne » n’est pas accessible hors laboratoire.
Les espèces du sous-genre Johnstonella possèdent des rosettes (voir photo) mais pas de glandes hyalines, tandis que les espèces du sous-genre Tomopteris possèdent des glandes hyalines mais pas de rosettes.

En plongée, il faut donc se fonder sur des critères externes, ce qui ne pourra s’appliquer de manière correcte qu’aux individus matures compte tenu de ce qui a été exposé plus haut (absence de queue chez les jeunes individus).
- Les Enapteris, qui ne dépassent pas 3 cm de long, ont les antennes nettement plus longues que le corps.
- Chez les Tomopteris, la plupart des espèces n’ont pas de queue, cette particularité étant plutôt l’apanage du sous-genre Johnstonella. Tomopteris (Johnstonella) helgolandica se distingue à la fois par la longueur des antennes (environ les 2/3 de la longueur du corps) et la longueur de la queue.
D’une manière générale, Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est l’espèce la plus fréquemment rencontrée ou capturée lors des pêches au filet à plancton dans nos eaux, ce qui réduit le risque de confusion, sans toutefois le supprimer totalement.

Alimentation

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est un prédateur actif. Il capture ses proies en extroversant son proboscis*. Il peut avaler des proies de taille conséquente par rapport à sa propre taille (alevins, cténaires, appendiculaires, siphonophores comme Agalma elegans, etc.). Il a par ailleurs été suggéré que cette espèce pouvait se nourrir de chaetognathes (notamment Parasagitta elegans) en perforant la paroi externe (selon des modalités inconnues puisque le proboscis de Tomopteris (Johnstonella) helgolandica n’est pas armé) puis en aspirant le fluide corporel.

Reproduction - Multiplication

Comme toutes les annélides, Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est une espèce gonochorique*. La taille maximale des femelles (10 cm) est supérieure à celle des mâles (6 cm).
La littérature est peu prolixe sur sa reproduction. Dans les eaux irlandaises, la reproduction s’étendrait de mai à juillet.
Les gonades* sont situées dans les parapodes.
Les ovules matures des femelles sont visibles par transparence, chaque femelle en portant plusieurs centaines.
De la même façon, les mâles matures peuvent être identifiés à la présence de vésicules séminales vers la queue.
Les orifices génitaux sont situés sur les 4ème et 5ème segments (entre les parapodes).
Le développement larvaire* de cette espèce a, en revanche, fait l’objet d’études détaillées par Bertil Åkesson.
Les œufs fécondés donnent naissance à une larve trochophore*, qui se transformera en larve présentant des rudiments de parapodes* au bout de 4 jours.
La larve de 5 jours ressemble fortement à l’adulte, avec un nombre limité de parapodes et des rames qui ne sont pas encore clairement distinctes.
Les larves commencent à s’alimenter à partir d’une quinzaine de jours.

Vie associée

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est trouvé régulièrement infecté par des cercaires, larves*, du trématode Lecithocladium excisum, un parasite du maquereau, dont il serait donc l’un des hôtes intermédiaires.

Divers biologie

Quand l’espèce est manipulée, elle peut générer une grande quantité de mucus visqueux.

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est une espèce capable d’émettre de la lumière sous forme de flashes lumineux de couleur jaune (λmax = 573 ± 2 nm), ce qui est particulièrement rare dans le monde animal (où la phosphorescence est plutôt de couleur verte, plus rarement bleue). Cette lumière est émise par les rosettes. Il a longtemps été considéré, sans élément de preuve, que cette lumière pouvait servir à des échanges intraspécifiques. Les études conduites par Gouveneaux, Gielen et Mallefet ont montré que Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est effectivement attiré par des flashes de lumière jaune. De même, elle est attirée par une lumière bleue continue comme peuvent en produire ses proies, mais est au contraire repoussée par des flashes bleus. L’attractivité de la lumière bleue s’estompe au bout d’une quinzaine de secondes.

Par ailleurs, cette bioluminescence* étant sous contrôle du système nerveux, il est probable qu’elle soit également utilisée pour se protéger des prédateurs, selon des modalités qui restent à découvrir.

La bioluminescence dans le monde animal est souvent produite par une réaction entre une molécule spécifique, de type luciférine (il en existe plusieurs types, dont la coélentérazine rencontrée chez les cnidaires, les copépodes, les radiolaires, etc.), et une enzyme*, la luciférase. Il existe également des réactions plus complexes, initiées par des protéines spécifiques, appelées photoprotéines, protéines qui vont être activées par un facteur spécifique, sans avoir besoin d’enzyme externe, et émettre un photon.
Des études récentes ont montré que la molécule à l’origine de la bioluminescence chez Tomopteris (Johnstonella) helgolandica était une aloe émodine, une molécule que l’on trouve naturellement chez certaines plantes comme les Aloès. On ne sait pas encore si cette molécule est métabolisée par le ver lui-même ou si elle est produite par un symbionte* ou encore accumulée à partir d’une proie spécifique. L’hypothèse d’une production par un symbionte est aujourd’hui plus probable. En effet aucun métazoaire connu ne métabolise de molécule du type de l’aloe émodine, alors que des bactéries, certaines algues ou champignons en sont capables.

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica utilise ses parapodes pour nager. L’animal est également capable de rester immobile en pleine eau tout en agitant ses parapodes, ce qui joue probablement un rôle dans la diffusion de l’oxygène à l’intérieur du corps. La nage de Tomopteris (Johnstonella) helgolandica repose sur une synchronisation poussée à plusieurs niveaux : le corps ondule latéralement (comme celui d’un serpent), cette action ayant pour objectif de positionner les parapodes actifs dans une zone d’eau calme, non perturbée par les déplacements. Dans les parapodes actifs, les pinnules qui produisent la poussée sont totalement étendues. Elles se rétractent ensuite lors du mouvement de retour pour diminuer la trainée. En aquarium, la vitesse de nage est estimée entre 0,15 et 0,4 fois la longueur du corps par seconde (soit 2 cm/s pour un spécimen de 5 cm).

Informations complémentaires

Tomopteris (Johnstonella) helgolandica est vendu vivant pour les aquariophiles marins passionnés, l’espèce étant spectaculaire lorsqu’elle est éclairée par des ultraviolets. Mais sa durée de vie en aquarium serait très limitée…

Origine des noms

Origine du nom français

Simple traduction du nom de genre et du nom d'espèce.

Origine du nom scientifique

Le genre Tomopteris a été initialement décrit, en 1825, par Johann Friedrich von Eschscholtz (1793-1831), sans donner d’explication. L’étymologie précise du genre laisse donc la place à deux interprétations possibles. Le préfixe provient du grec ancien [tomod] = coupe, morceau. Le suffixe peut provenir, selon les auteurs, soit du grec ancien [pteris] = fougère, allusion probable à la ressemblance des espèces du genre avec un morceau de feuille de fougère, soit du grec ancien [pteron] = plume, aile, allusion au fait que les parapodes, qui ressemblent à des nageoires, s’achèvent par deux rames.

Philip Henry Gosse (1810-1888) a dédié le genre Johnstonella (devenu sous-genre du genre Tomopteris) à Mme Catharine Johnston (1794-1871), une illustratrice botanique réputée à l’époque.

Le nom d’espèce Helgolandica provient de l’archipel allemand d’Héligoland (Helgoland en allemand), où cette espèce avait été rencontrée par Richard Greeff (1829-1892). Ce dernier a souhaité la désigner ainsi pour la distinguer clairement de Tomopteris onisciformis, espèce type du genre, décrite par Eschscholtz en 1825 et présente dans le Pacifique.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 334946

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Annelida Annélides

Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites.

Classe Polychaeta Polychètes

Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles.

Sous-classe Errantia Annélides Polychètes Errantes

La tête porte plusieurs organes sensoriels et des mâchoires. Animaux très mobiles et prédateurs. Parapodes biramés avec un notopode et un neuropode, chaque lobe du parapode a des baguettes squelettiques (acicule) liant le muscle parapodial aux lobes et aux soies ; cirres parapodiaux dorsaux et ventraux ; deux ou trois palpes sur le prostomium.

Ordre Phyllodocida Phyllodocides

Tous les segments sont identiques, les parapodes sont saillants, bien développés, les soies longues (souvent composées). La région céphalique et les organes sensoriels sont bien développés, la trompe est souvent armée de mâchoires.

Sous-ordre Phyllodocida incertae sedis
Famille Tomopteridae Tomopteridés
Genre Tomopteris (Johnstonella)
Espèce helgolandica

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