Vous êtes sur la page 1sur 807

A propos de ce livre

Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L’expression
“appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.

Consignes d’utilisation

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s’agit toutefois d’un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d’utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N’envoyez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l’attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des fichiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n’en déduisez pas pour autant qu’il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l’utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d’afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère.

À propos du service Google Recherche de Livres

En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frano̧ais, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http://books.google.com
Annales de dermatologie et
de syphiligraphie
Société française de dermatologie et de syphiligraphie

DE POSDELOW Pror STHEOER NARHOLZ 4 MOSCOU.


No.

BOSTON
MEDICAL LIBRARY ,

19 BOYLSTON PLACE .

.
!
i
ANNALES
DE

DERMATOLOGIE ET DE SYPHILIGRAPHIE
ANNALES
DE

DERMATOLOGIE ET DE SYPHILIGRAPHIE
FONDÉES PARA.DOYON

DEUXIÈME SÉRIE

PUBLIÉE PAR
MM .
ERNEST BESNIER
A. FOURNIER
Médecin de l'hôpital Saint -Louis, Professeur à la Faculté de médecine,
Membre de l'Académie de médecine .
Médecin de l'hôpital Saint - Louis .
A. DOYON P. HORTELOUP
Médecin inspecteur des eaux d'Uriage,
Chirurgie l'hôpital
Correspondant de l'Académie de médecine . Secrétair e général de la Sociétédu deMidi
n de ,
chirurgie .
Secrétaire de la rédaction :
Dr P. MERKLEN

..۱.:، ‫ م دن‬.‫و ان اد‬. ‫ر‬

TOME VI: 1885

PARIS
G. MASSON, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, BOULEVARD SAINT - GERMAIN , EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE,

MDCCCLXXXV
ST
MEDIC
PO
N
AL
JUN14 1897

LIBRARY

1680

CATALOGUES
JUN 14 1897
E. H. B.
5 ANNALES
4 20
DR

GON MED
DERMATOLOGIE DIMULUSTFYLLIGRAPHIE
FONDÉES- R DOYON
BRARY
DEUXIEME SERIE

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

1.

LE LUPUS ET SON TRAITEMENT


(3° Article) ( 1 ) .
Par M. Ernest BESNIER .

Hier encore, les rapports qui unissent le lupus à la tuberculose étaient


ignorés ou généralement contestés , et voilà que, du jour au lendemain ,
la légitimité de ces rapports est apparue à ce point manifeste qu'elle est
proclamée sans réticence par la presque unanimité des membres pré
sents au congrès de Copenhague, par des savants tels que Doutrelepont,
Lang, Leloir, Neisser, Pick , Unna !
On pourrait croire que nous allons saisir l'occasion de rappeler la
part que nous avons pu prendre à cette conversion, et considérer toutes
ces déclarations nouvelles comme équivalant à une preuve entière et
définitive. Nullement. La discussion des choses de la science ne se
juge pas comme une argumentation politique ou judiciaire à la majo
rité ; elle demeure ouverte aussi longtemps qu'il reste des opposants
dont la compétence ou la loyauté ne peuvent pas être contestées, et il
( 1) Voy . Annales de dermat . et de syphil . , 2e série , 1 , 1 , p . 686 , 1880, et 1. IV,
.

p . 377 , 1883 .
ANNALES DE DERMAT. , 2e SÈRIE , VI. 1
2 ERNEST BESNIER .

suffit de trouver parmi ces derniers Jarisch , Kaposi , Schwimmer , Émile


Vidal, etc. , pour maintenir la question à l'étude.
En fait, d'ailleurs, le dissentiment qui sépare les dermatologistes sur
cette question étant aussi clair que profond, il n'y a qu'à le constater
et à marquer les points sur lesquels, il s'agit, à présent, de renouveler
l'enquête. Tel est l'objet de ce très court article. Unité nosographique
du lupus . Unité nosologique. Rapports avec la tuberculose. État actuel
de la thérapeutique du lupus, voilà les têtes de chapitres.

% ler. Unité nosographique du lupus .


Ce point est celui sur lequel le désaccord est le moins étendu, et
l'on peut affirmer qu'il est moins réel que ne semblent l'indiquer quel
ques - unes des communications faites à Copenhague. Tous les dermato
logistes se comprennent aujourd'hui quand ils prononcent le mot de
lupus , et il n'est pas besoin de rompre des lances entre nous pour com
battre l'abus qui avait porté quelques médecins à ajouter au mot de lupus
des qualificatifs, tels que syphilitique, cancéreux , etc .; « lupus » veut
dire l'une des espèces du genre, c'est- à -dire lupus de Willan, lupus de
Cazenave, ou lupus mixte. Alors même que l'on admettrail, avec le pro
fesseur Pick et quelques autres, qu'il existe , peut-être, des lésions cu
tanées auxquelles nous donnons le nom de lupus, et qui ne sont pas des
lupus, il n'y aurait encore là qu'une erreur de mince valeur au point de
vue de la généralité des faits.
Qu'il existe des cas ambigus, dans lesquels le diagnostic immédiat
puisse être impossible ou soit erroné, nul doute , mais ces cas sont
l'exception rare , j'entends pour les médecins compétents, pourvus d'une
bonne méthode dermatologique , et jaloux de s'astreindre à une termi
nologie exacte . Alors même qu'il nous arriverait , à chacun, de prendre
quelquefois pour un lupus un syphiloderme ou une néoplasie indéter
minée, cela ne nous arrivera jamais que très exceptionnellement, et ces
erreurs de diagnostic ne sont pas de nature à altérer une statistique. Il
n'est peut-être pas une seule affection de la peau sur laquelle l'interna
tionalité apporte moins de divergence diagnostique, en raison de l'extrême
facilité que présente le plus communément le diagnostic du lupus . En
core une fois, il n'y a là rien de particulier au lupus, et si quelqu'un
pense que l'on applique à tort, plus souvent que nous le croyons, la
qualification de lupus, à lui de le prouver.
Pour notre part , sortons des assertions, et précisons . Quels sont les
cas de lupus dont le diagnostic est assez ambigu pour qu'ils puissent
être confondus avec autre chose, ou pour qu'ils soient méconnus ? Quels
sont les néoplasies qui peuvent simuler le lupus ?
LE LUPUS ET SON TRAITEMENT . 3

Sur le premier point, le terrain est restreint; il ne peut être question


que de certaines formes frustes de lupus érythémateux de la face ou
des extrémités, des mains, des paupières, du cuir chevelu ; de certaines
variétés d'acné érosive ou atrophique. Ou encore, peut-on hésiter à
l'occasion de quelques déviations de type ayant produit des hyperkera
toses, des papillomes, des brides, ou des mutilations. Mais les derma
tologistes, vraiment experts en ces choses, surmontent le plus ordinai
rement la difficulté parce qu'ils la connaissent. Même remarque à propos
du lupus de la conjonctive, de la voûte palatine, des gencives, des na
rines et de la cloison des fosses nasales. La dissemblance et la difficulté
n'existent d'une manière absolue que pour ceux dont l'expérience der
matologique a besoin d'être plus consommée. Et, en tout cas, la diffi
culté dépend de l'imperfection de nos connaissances, et elle n'implique,
en aucune manière, la réalité fondamentale de la dissemblance.
Sur le deuxième point, existe- t - il des néoplasies innominées, incon
nues, que nous confondrions avec le lupus ? Sicela est , que l'on veuille
bien le montrer . Mais asseoir une argumentation sur une hypothèse né
gative , n'est pas faire acte scientifique.
Et parmi les lésions classées quelles sont celles que l'on peut con
fondre avec le lupus ? Certaines formes de syphilis, de lèpre ou de sclé
rodermie mutilante ? Cela s'est réalisé certainement du fait d'observa
teurs incompétents ou insuffisants ; nous avons signalé, nous -mêmes,
plusieurs de ces erreurs. Mais nous sommes encore, ici , dans l'excep
tion , et il est bien peu de ces cas qui restent définitivement obscurs
devant une observation éclairée et attentive.
Dans la même série d'argumentations, on a invoqué la similitude
d'aspect de certaines syphilides tuberculeuses, ou tuberculo -gommeuses
avec le lupus ; nul ne conteste cette similitude ni l'ambiguité objective
que présentent certains syphilodermes lupoïdes ou certains lupus syphi
loides ; mais on concédera que ces cas sont, en réalité, en très infime
minorité, et qu'il est fort rare que l'erreur soit debout après un examen
attentif contrôlé par l'épreuve thérapeutique.
Le cas de ce genre auquel a fait allusion , à Copenhague, mon ami le
professeur Leloir, et dont j'ai le souvenir parfaitement présent, malgré
la date déjà éloignée de l'observation , n'a peut-être pas été présenté
dans tout son jour : il s'agit d'un ecclésiastique, encore jeune, qui était
venu consulter le professeur Fournier pour une lésion de la région tem
porale, laquelle n'était autre qu'une syphilide tuberculeuse groupée.
Toutefois, le caractère religieux du malade, l'absence de tout antécédent
spécifique appréciable, joints à une coloration assez vive des tubercules ,
avaient donné au cas particulier assez d'intérêt pour que mon savant
collègue et ami ait eu la pensée de m'en rendre témoin . Nous n'eûmes
4 ERNEST BESNIER .

sur ce point aucun dissentiment ; l'âge de la lésion était bien plus indi
cateur d'une syphilide que d'un lupus, le traitement ioduré était indiqué
nettement. C'était nn de ces cas, très peu rares, dans lesquels la porte
d'entrée de la syphilis échappe absolument et dans lesquels on se résigne
(un peu trop facilement aujourd'hui) à faire intervenir la syphilis dite
« héréditaire tardive » .
Mais en réalité, je le répète, tout cela est exceptionnel en présence
des cas si nombreux de lupus manifestes au premier coup d'ail ; et sur
l'unité nosographique du lupus, sur son diagnostic objectif, l'accord est
fait , ou bien près de l'être . Ce qu'il faut dire, seulement, c'est que l'on
doit, aujourd'hui plus encore que par le passé, apporter une grande
sévérité dans le diagnostic des cas de lupus que l'on met en æuvre dans
un but de recherches nouvelles sur la nature de l'affection .

II . Unité nosologique du lupus . Lupus et tuberculose .


Les dermatologistes qui restent opposés à l'unité nosologique du lupus ,
et plus particulièrement ceux qui n'admettent en aucune façon ses rap
ports avec la tuberculose, basent leur opposition sur les points suivants :
Dissemblance du lupus de la peau ou des muqueuses avec les lésions des
mêmes parties jusqu'à présent dénommées tuberculeuses. Caractère
contestable des rapports qui existent entre le lupus et la tuberculose des
autres organes, celle du poumon en particulier. Valeur douteuse des
preuves empruntées à l'histologie et à l'expérimentation. Un mot sur
chacun de ces points, très brièvement.

A ) . Dissemblance du lupus de la peau et des maqueuses avec les lésions


des mêmes parties jusqu'à présent dénommées tuberculeuses.
Cette dissemblance est grossière, frappante, et l'on comprend aisément
qu'elle soit mise à profit, au cours d'une discussion , pour remplacer les
arguments directs deficients . Mais, en vérité, cette argumentation n'est
pas digne des savants qui y ont eu recours. En vertu de quel principe
de nosologie générale peut- on déclarer que la dissemblance objective de
deux lésions implique leur différence de nature ? Et si ces dissemblances
n'existaient dans tous les genres morbides, sur quoi seraient basées les
espèces de ces genres, les formes de ces espèces, et les variétés de ces
formes ? Pourquoi une lésion de nature tuberculeuse aurait -elle toujours
la même formule dermatopathique alors que les lésions syphilitiques ,
carcinomateuses, etc., présentent au plus haut degré des aspects dissem
blables selon la période, le degré, la forme, l'espèce, ou même la plus
simple variété ? Un chancre papuleux nain n'est - il pas un chancre
aussi bien que le chancre phagédénique ? L'épithéliome bénin et plat de
LE LUPUS ET SON TRAITEMENT . 5

la face n'est- il pas plus différent de l'épithéliome végétant et rongeant de


la même région que ne l'est le lupus de l’ulcère dit tuberculeux. Il n'est
pas nécessaire d'insister.
De même que les dermopathies de la syphilis secondaire different de
celles de la syphilis tertiaire, de même la tuberculose primaire de la
peau ( lupus ) n'a pas les caractères de la tuberculose infectieuse ou
tertiaire qui , seule, se manifeste à la peau, ou sur les muqueuses, par
des granulations et des ulcerations typiques dites tuberculeuses.
De ces deux lésions, l'une est une tuberculose externe locale évoluant
longtemps, localement, sur un sujet non infecté ; l'autre est un accident
de l'infection générale réalisée , celle - ci précédant toujours celui- là . Ce
serait vraiment vouloir en venir à l'équivoque que de maintenir dans la
discussion un argument purement spécieux ; c'est avec regret que nous
l'avons vu remettre au jour au congrès de Copenhague après la discussion
à laquelle nous l'avions soumis ( 1 ) ; mais il nous semble superflu d'in
sister après la réplique de Neisser qui l'a , de nouveau, réfuté avec le
plus grand talent.
B. Rapports du lupus avec la tuberculose des autres organes et celle du
poumon en particulier.
La négation renouvelée des rapports numériques et chronologiques
qui existent entre le lupus et la tuberculose, et cela malgré les affirma
tions des membres présents du congrès, malgré tout ce que nous avons
établi antérieurement ( 2 ) , est de nature à surprendre profondément ceux
qui n'ont pas une notion exacte de la difficulté du problème à résoudre .
Pour nous , nous ne sommes pas moins ému de la protestation de notre
savant ani, le professeur Kaposi, que nous ne l'avons été des négations
de notre cher collègue Emile Vidal ; c'est là une impression que nous ne
saurions dissimuler .
Aussi ne nous refusons -nous pas à refaire, par des observations nou
velles, la preuve que nous avons déjà faite . Mais nous réclamons, de la
loyauté de nos contradicteurs, une nouvelle enquête, des faits nouveaux
observés et présentés dans les conditions de précision diagnostique et
chronologique que nous avons précédeniment indiquées.
Pour le moment, nous nous bornons à redire que les sujets atteints
de lupus présentent, dans le plus grand nombre de cas , le caractère
net de l'état scrofuleur tel que le comprenaient les anciens auteurs, tel
qu'on pouvait le concevoir avant la découverte de la nature para si
'aire de la tuberculose, de cet état que l'ori doit désigner, aujourd'hui,
sous le nom d'état lymphatique ou lymphocellulaire, lequel constitue un
1 ) Loc . supra cit . , t . IV, p . 379 .
( 2 ) Voyez articles antérieurs et Thèse de Renouard , Paris 1884 .
6 ERNEST BESNIER .

terrain de culture favorable à la réception et à la germination de l'élé


ment tuberculeux . Sur ce terrain , le tubercule, dans celle de ses formes
élémentaires qui est propre au lupus, évolue avec lenteur, aussi bien à
la peau que dans les ganglions ou dans les viscères, et réalise des formes
cliniques, torpides, le plus communément, et des lésions anatomiques
spontanément curables. Les lupeux qui deviennent phthisiques, le de
viennent de diverses façons que nous avons précisées , mais ils le de
viennent le plus ordinairement d'une manière latente et très lente. C'est
là ce qui a détourné l'attention de la réalité des choses et produit le
dissentiment qui éclate aujourd'hui.
Nous en appelons avec patience, ainsi que nous l'avons fait déjà pour
d'autres points de la scrofulotuberculose, à l'épreuve du temps ; elle ne
nous fera pas plus défaut qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent , car ce que
nous exprimons est basé sur une observation précise, longue et abso
lument indépendante .

C) Valeur des preuves histologiques et expérimentales.


Pour nous, l'unité nosologique du lupus est réalisée ; les divers lupus
ne sont autres que les espèces, les formes, les variétés d'un seul et même
genre pathologique, lesquelles peuvent exister séparément ou coexister. Le
jour où chacun reconnaîtra que l'élément tuberculeux, dans une variété,
sur laquelle il reste, il est vrai , à acquérir plus ample information, est l'agent
essentiel de l'irritation cellulaire néoplasique qui constitue l'affection ,
la vérité sera inattaquable, et l'unicité complétée.
Les arguments qui ont été présentés pour révoquer en doute la valeur
des preuves histologiques et expérimentales considérables apportées
jusqu'à présent en faveur de l'identité de la tuberculose et du lupus ne
sont ni directs , ni nouveaux. Ils avaient déjà été invoqués par plusieurs
de ceux -là même qui reconnaissent, aujourd'hui, leur erreur, et qui
sont, avec ou sans restriction , devenus partisans de l'identité devant
l'évidence des faits.
Sur ce point, nul ne peut être plus que nous libre d'esprit. Adonné
tout entier à la clinique, et laissant volontairement l'histologie aux histo
logistes , et l'expérimentation aux expérimentateurs, nous avons annoncé
ce résultat de nos observations cliniques avant la production des preuves
histologiques et expérimentales, attendant sans crainte, de celles-ci , la
confirmation qu'elles nous ont amplement donnée .
Si les résultats aujourd'hui produits sont vraiment sujets à revision ou
à infirmation, peu d'années suffiront pour le montrer, et les noms des
histologistes aussi bien que des expérimentateurs qui agitent en ce
moment la grande question de la tuberculose, en sont un sûr garant.
LE LUPUS ET SON TRAITEMENT. 7

Quant aux dissertations générales qui ont été produites sur l'incertitude
de l'histologie ou les illusions de l'expérimentation , leur valeur est nulle et
le temps de ce procédé d'argumentation est passé ; c'est aux observations
et aux faits qu'il faut , à présent, en venir; ce sont ces faits et ces obser
vations que nous réclamons et que nous examinerons en toute indépen
dance quand ils seront produits .

2 III . Thérapeutique du lupus .


Indications. .
Cautérisations interstitielles. Nouvelle application
de l'acide pyrogallique .
Vous ne présenterons que de courtes remarques , mais des remarques
nécessaires, sur un sujet que nous avons déjà longuement traité anité
rieurement.
1 ° Il n'est pas inutile de rappeler qu'il ne saurait être question de
l'existence d'une méthode curative du lupus applicable à tous les faits ;
chaque cas particulier fait naitre des indications propres et spéciales,
qui dérivent de l'espèce , de la forme ou de la variété de la lésion, non
moins que de son siège anatomotopographique, et de son étendue en
surface ou en profondeur .
- Tous les procédés qui détruisent mécaniquement ( chimiquement)
les éléments lupiques ; tous ceux qui déterminent, dans les départements
cutanés envahis , une phlegmasie exsudative et éliminatoire , de
moyenne intensité, sont des procédés curatifs ; leur valeur particulière
dépend moins de la nature des agents employés que de la façon judicieuse
et éclairée avec laquelle ces moyens sont mis en @uvre. Le médecin qui
veut traiter le lupus ne peut improviser ; il faut qu'il ait pris la peine de
voir traiter les lupiques, et d'apprendre à manier, sur la peau, les divers
agents thérapeutiques appropriés.
3. Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur le danger ou surl'immunité
des méthodes sanglantes au point de vue de l'auto-infection tubercu
leuse des sujets atteints de lupus, il n'est pas nécessaire d'y avoir re
cours dans le traitement du lupus ; des résultats au moins égaux à tous
les points de vue pouvant être obtenus par diverses autres interventions.
4° La méthode des cauterisations interstitielles, telle que nous l'avons
instituée,à l'aide du thermocautère ou des électrocautères, convient au
premier chef à un grand nombre de cas de lupus, au plus grand nombre.
1

Elle est , seule, applicable , en réalité , au lupus de la conjonctive, des ca


vités narinaire, nasale, bucco -phanyngienne. Elle est certainement la plus
facile et la plus sûre pour les réparations partielles que l'on est oblige de
faire au cours des années, chez les sujets atteints de lupus, toutes les
fois où le traitement n'a pas été appliqué dès l'époque où les lésions
8 ERNEST BESNIER,

étaient assez localisées pour être complètement détruites d'emblée.


5. Les cas de lupus très anciens, très étendus, avec mutilations déjà
réalisées, sont, à vrai dire, réfractaires à toute médication dans une
certaine mesure ; et les cautérisations interstitielles, en raison même
de l'étendue superficielle des lésions, présentent des difficultés d'exécu
tion qui ne le cèdent pas à celles de la plupart des autres procédés.
C'est dans ces circonstances que l'on a avantage, surtout , à avoir recours
aux dermatites suppuratives provoquées, ainsi que l'a très bien indiqué
le professeur Schwimmer. L'acide pyrogallique se prête parfaitement
à cette action , soit en pommade appliquée jusqu'à irritation suffisante ,
selon la pratique de ce savant confrère , soit en applications directes à
l'aide de l'éther, comme je le fais actuellement. Les surfaces lupiques
sont badigeonnées avec un pinceau imbibé de solution au maximum
d'acide pyrogallique dans l'éther, ou recoivent une pulvérisation faite
avec cette solution éthérée . Dans les deux cas, la surface se couvre à
l'instant d'une couche blanche et adhérente d'acide pyrogallique en na
ture, que je recouvre immédiatement d'une couche de traumaticine.
Dans les jours qui suivent, une irritation analogue à celle d'une forte
vésication se produit dans les tissus pathologiques ; à la périphérie ,
à peine un peu de tuméfaction sans rougeur. La cicatrice qui succède
à ces applications est lisse , et les badigeonnages ou les pulvérisations sont
renouvelés jusqu'à ce que tout foyer lupique ait disparu de la cicatrice.
C'est ce que nous avons pu, jusqu'ici , réaliser de plus simple et de plus
expéditif en même temps que de moins doulouroux.
Aucun pansement n'est nécessaire avant que la suppuration ait détaché
ou rompu la couche de traumaticine ; une seule application est suffisante
pour produire la dermatite curative ; on l'obtient plus ou moins éner
gique selon l'épaisseur de la couche d'acide pyrogallique que l'on dépose
à la surface du lupus.
C'est surtout sur le visage où l'application de la traumaticinepyrogal
lique est indiquée ; elle convient pour les policliniques, et est aisément
applicable à tous les sujets pusillanimes si nombreux, enfants ou adultes .
Le lupus de Willan dans ses diverses formes est le mieux approprié
à ce dernier mode de traitement; à moins d'être très superficiel, le lupus
erythémateux se prête moins bien à cette action qui reste, en réalité,
assez superficielle toutes les fois où elle ne rencontre pas le tubercule
mou du lupus vulgaire . Pour le lupus érythémateux, l'électro-cauterisa
tion interstitielle est la méthode thérapeutique par excellence. Le résul
tat en est assuré à la condition de l'exécuter correctement et avec l'éner
gie nécessaire . Les cicatrices, d'abord assez déprimées, se relèvent spon
tanément, et si quelque saillie irrégulière se produisait, la scarification,
ignée ou non , la régulariserait aisément.
II

SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX .

Une importante communication de M. le Dr I. Straus à la Société de


Biologie, a remis en question la virulence du bubon qui accompagne
le chancre mou . Un débat s'est immédiatement ouvert sur ce sujet , et
déjà des vénéorologistes dont le nom fait autorité, MM . Horteloup et
P. Diday, ont opposé aux conclusions de M. Straus des faits et des
arguments qui méritent considération . Nous devons aux lecteurs des
Annales communication de cette intéressante discussion , nous réser
vant, d'ailleurs , d'attendre les conclusions de l'enquête qui se pour
suit en ce moment.
LA RÉDACTION .

SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU, par M. I. STRAUS.


( Société de Biologie, 22 nov. 1884. )
Depuis les recherches de M. Ricord (1 ), on admet deux variétés dans les
bubons qui accompagnent le chancre mou , le bubon sympathique et le bubon
symptomatique. Le pus du bubon sympathique n'est pas inoculable ; celui du
bubon symptomatique est virulent ; quand on l'inocule , on reproduit une pus
tnle chancrense caractéristique ; souvent, après l'incision , les lèvres de la
plaie deviennent chancreuses, ce qui lui a fait donner le nom de bubon chan
creur . Cette distinction est demeurée classique.
Aujourd'hui la virulence implique nécessairement l'idée de microbe ; aussi
ai-je cherché à mettre en évidence celui du chancre mou . Pour éviter les
organismes d'impureté qui se trouvent à la surface ulcérée et à découvert
du chancre mou, j'ai fait porter mes investigations sur le pus du bubon non
encore ouvert .
Mes recherches ont été faites sur 42 cas de bubons consécutifs au chancre
mon , à tous les stades d'évolution, les uns naissants, les autres plus avancés
en date , d'autres sur le point de s'ouvrir . Toutes les précautions exigées par
la rigueur expérimentale étaient prises ; la peau était lavée avant l'incision ,
le bistouri flambé. Des échantillons de pus furent prélevés,1 non seulement
sur les premières portions s'écoulant à l'incision, mais sur le pus profond
exprimé par une forte pression ou aspiré à l'aide d'un tube effilé . Les parti
cules de pus, desséchées en couches très minces sur des lamelles, furent
traitées par les procédés de coloration actuellement en usage ; dans aucun
1 Traitė pratique des maladies venériennes ou sur l'inoculation appliquée à
raude de ces maladies. Paris, 1838. — Leçons sur le chancre, rédigées par
A. Fournier, 2e édition . Paris, 1860.
10 1. STRAUS .

des 42 cas , il ne me fut possible de déceler dans le pus la présence de micro


organismes . Dans quelques cas , on procéda à l'excision, au moment de l'ou
verture , d'un fragment de paroi de l'abcès; sur des coupes de ces fragments
durcis dans l'alcool absolu , les tentatives de coloration furent également sans
résultat.
Un peu de pus fut chaque fois, au moment de l'incision, semé dans des
milieux de culture variables (bouillons de Pasteur, bouillon de gélatine
peptonisé, bouillon peptonisé rendu solide par l'agar-agar) ; les cultures,
placées soit à l'étuve à 32 degrés, soit à la température ordinaire du labora
toire , demeurèrent stériles, sauf quelques -unes qui se troublèrent par des
organismes d'impureté .
En présence de ces tentatives infructueuses de coloration et de culture,
j'ai été conduit à rechercher si le pus du bubon avait , en réalité , la virulence
du chancre lui-même. Je procédai donc à l'inoculation du pus, au moment
de l'incision du bubon . L'inoculation était faite, avec toutes les précautions
nécessaires , soit sur la peau du ventre, dans le voisinage de l'ombilic, soit
au bras; le point d'inoculation était ensuite protégé par un verre de montre
fixé par du diachylum , quelquefois par une couche de coton flambé (moins
gènanteau bras) . Or, dans les 42 cas , l'inoculation n'a jamais donné lieu à
une pustule chancreuse ( 1 ) ,
Souvent on inoculait en même temps sur l'autre côté de l'abdomen ou à
l'autre bras, la sécrétion du chancre, avec les mêmes précautions. Alors que
l'inoculation de la sécrétion chancreuse était toujours positive , celle du pus
du bubon était toujours restée stérile.
Dans ses expériences, faites de 1831 à 1837 , M. Ricord a obtenu 271 fois
un résultat positif à la suite de l'inoculation du pus du bubon ; 42 fois seule
ment le pus du bubon , inoculé le jour de l'ouverture, sc montra virulent; les
229 autres résultats positifs ont été obtenus par l'inoculation du pus pris un
ou plusieurs jours après l'ouverture du bubon ; dans ces 229 cas , l'inocula
tion faite le jour de l'ouverture avait été inefficace.
Pour M. Ricord , ces résultats semblent établir que le pus du bubon chan
creux est souvent virulent; qu'il n'est pas toujours virulent au moment de
l'ouverture , mais qu'il le devient dans la suite .
Pour expliquer cette particularité surprenante, M. Ricord avait imaginé 1

que la virulence réside dans le pus profond , intra - ganglionnaire, tandis que
le pus superficiel, périganglionnaire en est destitué .
il pouvait déjà paraitre étonnant que le chancre mou caractéristique s'ac
compagnát tantôt d'une variété de bubon , tantôt d'une autre ; mais il est
bien plus surprenant encore de voir, dans un même bubon, le pus, inoffensif
le premier jour, devenir virulent les jours suivants.
Pour ce qui est de la virulence au moment de l'ouverture du bubon , nous
ne l'avons pas plus rencontrée dans le pus profond que dans le pus super
ficiel. Nous avons, dans quelques cas, puisé au moyen d'un tube de verre
effilé le liquide issu du ganglion lui-même incisé ; ce liquide inoculé demeu
rait stérile .
Toutes les inoculations faites par nos devanciers au moment de l'ouver
ture auraient donc été stériles comme celles que nous avons pratiquées

( 1 ) Dans deux cas seulement, on constate une fausse pustule, se distinguant de la


pustule caractéristique par son évolution plus lente, l'absence de bords tailles à
pic, de fond grisâtre, la guérison rapide et spontanée, la non -réinoculabilité.
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 11

nous-même, si , au lieu de laisser la piqûre d'inoculation exposée aux


souillures des produits du chancre, transportées soit par la main , soit par
Tu chemise, le linge de pansement, etc. , ils l'avaient soigneusement protégée
par un verre de montre ou autrement. Même sans cette précaution , le chiffre
des résultats positifs aurait été diminué, si seulement , au lieu d'inoculer à la
caisse ( comme faisait Ricord ), ils avaient inoculé à toute autre région plus
éloignée du chancre.
Il n'est pas besoin d'invoquer la virulence d'un pus profond ne venant à la
surface que quelques jours après l'ouverture de l'abcès pour expliquer les
résultats des expériences de M. Ricord. Si , dans ces expériences, la viru
lence du pus au moment de l'ouverture est exceptionnelle, c'est que la plaie
du bubon n'a pas encore été souillée par la sécrétion du chancre . Si le pus se
montre virulent dans la suite , c'est qu'il l'est devenu par le transport sur la
plaie de la matière virulente du chancre lui-même. On sait en effet avec
quelle facilité , chez un individu porteur de chancre, toute plaie faite à la peau
peut devenir consécutivement chancreuse .
Dans nos expériences, nous n'avons jamais vu , dans les jours qui ont
suivi l'incision du bubon, le pus devenir virulent ni les bords de la plaie
prendre l'apparence chancreuse. Pour cela, il nous suffisait de protéger,
après l'incision , la plaie contre toute contamination possible par la sécrétion
du chancre, à l'aide d'un simple pansement occlusif, consistant en une couche
de coton flambé .
L'examen analomique, les résultats des cultures ainsi que des inoculations
concordent donc et la conclusion qui s'impose est celle-ci :
Il n'y a pas deux espèces de bubons accompagnant le chancre mou ; il n'y
a que aa le bubon du chancre mou » .
Le bubon du chancre mou n'est jamais originellement virulent ; il ne
devient virulent et chancreux que par inóculation secondaire, après l'ouver
ture ( 1 ).

DE LA VIRULENCE DES BUBONS , par M. HORTELOUP (Société de Chirurgie,


17 décembre 1884. )
Je vous demande la permission de vous présenter quelques réflexions sur
l'adénite virulente qui accompagne le chancre mou , et de vous communiquer
une observation d'adénite chancreuse qui me parait digne d'intérèt.
Ce qui m'engage à vous entretenir de ce petit point de pathologie, c'est
qu'une lecture faite récemment à l'Académie des sciences et à la Société de
Biologie par un de nos plus savants collègues des hôpitaux, semble vou
loir détruire tout ce que nous considérions comme absolument certain sur
ce sujet .
Nous admettions, d'une façon classique , que le chancre simple peut donner
lieu soit à une adénite simple, bubon sympathique, soit à une adénite viru
lente : l'adénite simple fournissant un pus qui n'est pas inoculable, l'adénite
virulente , produisant un pus dont l'inoculation donne naissance à un véri
table chancre mou , qui a la propriété de se réinoculer indéfiniment.
Vous savez combien il est important, pour le chirurgien, de savoir s'il
( 1 ) Ces recherches ont été faites à l'hôpital du Midi, dans le service de mon
maitre et ami M. le docteur Mauriac, qui m'a genéreusement ouvert ses salles ;
j'adresse aussi mes remerciements à l'interne de M. Mauriac, M. Le Roy, qui m'a
prêté son concours le plus dévoué .
12 P. HORTELOUP .

aura à traiter un bubon inflammatoire ou un bubon chancreux, soit pour


faire de larges incisions capables d'éviter des clapiers, soit pour employer un
pansement modificateur ; aussi , a - t -on indiqué différents signes qui permettent
de présumer le diagnostic de ces deux espèces d'adénites, et je demande la
permission de vous les rappeler en quelques mots .
On a dit que , dans l'adénite chancreuse, le début étant signalé par une
douleur inguinale vive, le ganglion , devenant rapidement volumineux, ne
reste pas longtemps mobile et qu'il devient vite adhérent à la peau ; que
celle-ci rougit vivement, et qu'elle est tendue , luisante, très douloureuse au
toucher. La tumeur est dure et amène très vite un ramollissement qui se fait
simultanément dans toute la masse . La peau , violacée, fortement amincie,
semble réduite à la couche épidermique. Le bubon, ainsi que l'a fait remar
quer M. Rollet, présente l'aspect d'une ampoule purulente ou d'une grosse
bulle . Si l'adénite chancreuse s'ouvre spontanément, on ne remarque pas
une ouverture seule , comme pour l'adénite inflammatoire, mais bien plusieurs
pertuis donnant l'aspect d'un crible. Si on ouvre le bubon , il se vide pour
ainsi dire en une seule fois , donnant lieu à un écoulement de pus sanieux,
roussâtre, couleur chocolat; dans l'adénite inflammatoire, le pus sort avec
difficulté de la cavité qu'il faut comprimer .
L'adénite chancreuse demande au moins quatre semaines de traitement ,
et l'adénite inflammatoire guérit en quinze jours.
Ces signes ne sont pas infaillibles et souvent le pus de bubons, présumés
chancreux, n'a nullement pu donner, par l'inoculation , naissance à la pustule
caractéristique. La difficulté est même quelquefois plus grande, car M. Four
nier, avec sa nelteté d'observation, a fait remarquer que l'on rencontre souvent
des bubons en voie de guérison , dont il serait impossible d'affirmer la nature
simple ou chancreuse sans en faire l'inoculation , mais nous savens lous
1

combien c'est là une expérience dont on doit être peu prodigue, car on
signale, àà la suite d'inoculation expérimentale, des cas de phagédénisme et
même de mort .
Enfin, un fait important à noter dans l'histoire des bubons virulents, c'est
que , de tous les chancres, ceux du frein sont le plus fréquemment suivis
d'adénite chancreuse. Les chancres du frein ont une marche fatale , ils de
chirent le frein soit de haut en bas, soit transversalement en laissant un pont
que l'on est souvent obligé de sectionner. Celle destruction porte sur une
région très riche en lymphatique, dont l'ouverture permettrait facilement
l'entrée du pus.
Ainsi , on admettait que le chancre simple pouvait s'accompagner de deux
sortes d'adénites, l'une intlammatoire, l'autre chancreuse ; que celle dernière
avait, le plus ordinairement, une marrhe et un aspect particuliers permettant
de la faire soupçonner , et que certains chancres paraissaient plus particu
lièrement prédisposés par leur siège anatomique.
Mais dans l'histoire du bubon chancreux, il y a un point très obscur qui
n'a pas encore reçu une explication bien précise : lorsqu'on pratique, au
moment de son ouverture, l'inoculation du pus d'un bouton qui deviendra
chancreux, il est très exceptionnel que l'on obtienne la pustule : autrement
dit, il est exceptionnel que le résultat soit positiſ. Ainsi, sur 338 bubons
chancreux inoculés le jour de l'ouverture, M. Ricord n'a obtenu que 63 re
sultats positifs ( Traité de l'inoculation , 1836 ); mais vingt-quatre el surtout
quarante -huit heures après l'incision ou après l'ouverture spontanée, l'inocu
lation donne un résultat positif.
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 13

Pour interpréter cette bizarrerie pathologique, plusieurs explications ont


été données.
M. Ricord qui, le premier, a eu le mérite de débrouiller l'histoire des
adénites inguinales consécutives aux affections vénériennes, disait que , dans
une adenite suppurée à la suite d'un chancre simple, il y avait deux sortes
de pus , l'un superficiel, phlegmoneux, dù à la périadenite, l'autre profond ,
développé dans le ganglion par le transport du virus du chancre effectué
par l'intermédiaire des lymphatiques, et que la difficulté de puiser le pus
virulent, au moment de l'incision, était la cause de l'insuccès.
Suivant d'autres, le pus virulent serait, pour ainsi dire, noyé au milieu du
pus phlegmoneux et il faudrait attendre l'inoculation de toute la paroi gan
glionnaire, qui devenant alors un véritable chancre, produirait du pus viru
lent
Pour moi, j'ai ru pouvoir admettre qu'il se fait, dans l'intérieur du gan
glion , une véritable gangrène susceptible, comme on le sait, de tuer l’élé
ment virulent, lequel reparaitrait après l'élimination des points mortifiés.
M. Aubert (de Lyon) , qui a étudié d'une manière si curieuse l'influence
de la chaleur sur la marche du chancre simple , admet que, tant que le
bubon n'est pas ouvert, la température est assez élevée pour détruire la
virulence, mais qu'une fois l'incision faite , l'abaissement de température pro
duit par l'atmosphère, suffit pour faire renaître l'élément de la spécificité.
Tout récemment, M. Straus a cru pouvoir affirmer que le bubon du chancre
mou n'est jamais originellement virulent et qu'il ne devient chancreux
que par inoculation secondaire après l'ouverture » . Je m'empresse de
dire que si cette opinion se confirme , M. Straus aura rendu un immense
service, car il aura fait disparaitre une des graves complications du chancre
simple.
M. Straus part d'un principe qui doit être absolument vrai : « c'est que
toute virulence implique l'idée de microbes » , aussi a-t -il cherché à mettre
en évidence celui du chancre mou . Comme il n'est pas toujours facile
d'obtenir une grande quantité de pus sur l'ulcère chancreux, notre collègue
a fait porter ses recherches sur le pus de quarante -deux bubons et il lui a
elè impossible de déceler, à l'aide des méthodes actuelles de coloration, la
présence d'aucun organisme . Tout aussi infructueuses ont été ses tentatives
de culture dans des milieux liquides ou solides. Les inoculations pratiquées
le jour de l'ouverture ont toujours été négatives, et il en a été de même
pour les inoculations faites le deuxième et le troisième jour; il en conclut que
ses devanciers se soni laissé abuser par des expérimentations faites dans
de mauvaises conditions, ayant laissé l'ouverture de leurs bubons et de leurs
inoculations exposée aux souillures des produits du chancre transportés par
la chemise on par les linges de pansement.
Vous voyez, messieurs, si la théorio de M. Straus est exacte, combien ce
fait mal expliqué, des inoculations ne devenant positives que quarante - huit
heures après l'ouverture des bubons, est facile à comprendre. On ouvre un
buton et, le jour même de son ouverture, du pus transporte artificiellement,
soit par la verge du malade, soit par un cataplasme, soit par de la charpie
sou : llée de pus, soit par la main , par les instruments du chirurgien ou du
panseur, vient inoculer cette plaie simple et la transforme en plaie virulente.
Je ne doute pas que d'une façon tout exceptionnelle ce mode d'inoculation
De puisse se produire . J'ai observé, dans mon service , un fait qui m'a servi
de leçon.
14 P. HORTELQUP .

Un malade, entré pour un bubon chancreux ouvert spontanément depuis


plusieurs jours, présentait un hygroma aigu que j'ouvris et drainai. Le pan
sement du genou était fait avec de la charpie trempée dans de l'eau alcoo
lisée , recouverte de ouate et maintenue par une bande roulée; sur le bubon
j'avais fait appliquer un cataplasme. Souffrant du genou pendant la nuit, cet
homme défit son pansement et glissa sur son genou le cataplasme qui couvrait
la région inguinale. Prévenu à la visite du lendemain de ce qui était arrivé ,
je m'empressai de faire laver et injecter l'hygroma, mais l'inoculation était
produite, et quelques jours après, je pouvais constater la transformation en
chancre simple des deux plaies.
Je crois donc qu'il faut redouter ce mode de contamination et qu'un cata
plasme , mal maintenu, pouvant toucher la verge, serait capable de porter du
pus chancreux sur la région inguinale ; aussi ai-je depuis longtemps adopté
pour les bubons ouverts des pansements maintenus par des bandes roulées
en spirales . Malgré cela , j'ai eu des bubons chancreux.
Tout à l'heure je vous rappelais que M. Ricord, dans sa statistique de
338 bubons inoculés le premier jour, avait obtenu 63 résultats positifs; mais
M. Ricord faisait ses inoculations à la cuisse et les laissait sans protection ,
il se pouvait parfaitement que le pus du chancre de la verge ait coulé sur la
plaie d'inoculation et produisit l'inoculation,aussi peut-on ne pas les admettre ;
mais, depuis longtemps, au Midi et dans d'autres hôpitaux, les plaies d'ino
culation sont faites sur la paroi abdominale el recouvertes avec un verre de
montre ; il est plus difticile de penser que le malade aura soulevé ce panse
ment protecteur pour laisser le pus de la verge se mettre en contact avec la
plaie faite artificiellement.
Mais où la théorie de M. Straus devient plus difficile à admettre, c'est en
présence de bubons chancreux survenus chez des individus dont les chancres
étaient guéris au moment de l'ouverture du bubon .
Ainsi , dans le Traité de l'inoculation de Ricord , se trouvent relatées sept
observations fort instructives et fort démonstratives à ce point de vue.
Dans la première observation , page 352 : Le 22 octobre , on ouvre le
bubon qui donne une assez grande quantité de pus rougeâtre. On inocule le
pus à la cuisse droite par une piqûre. Le chanere du frein est guéri. Le 24 ,
l'inoculation du 22 a pris, et la pustule est large et bien développée ; on
l'ouvre et on inocule son pus à la cuisse gauche. Le 27, l'inoculation du 24 a
pris ; la pustule est formée ; on la déchire et au -dessoris on voii l'ulcère chan
creux entamant toute l'épaisseur de la peau. »
Page 360 : « Les chancres sont guéris par la cautérisation . Le bubon est
largement suppuré; on l'ouvre le 25 ; il vient un peu de pus rougeâtre .
Le 28, on inocule le pus du bubon sur la cuisse droite par une seule piqûre ;
es bords de l'incision d'ouverture paraissent ulcerés . Le 30 , la piqûre d'ino
culation a pris et fournit la pustule caractéristique. »
Page 362 : « Le 9 août on ouvre le bubon et l'op inocule son pus à la cuisse
gauche par une piqûre, les chancres du gland sont guéris. Le 15 , la piqure
d'inoculation parait avoir réussi, mais elle se développe lentement. Les bords
de l'incision faite sur le bubon ont pris la forme ulcéreuse. Le 18 , la pustule
d'inoculation a marché; elle est aujourd'hui caractéristique.
Page 369 : « Aujourd'hui les chancres sont guéris et les deux bubons en
pleine suppuration, le foyer est vasie, il y a beaucoup de décollement. On
ouvre à droite et à gauche, il sort un pus brun, peu lié. Le 18 , on inocule le
pus des bubons, celui de droite et la cuisse droite , par deux piqûres ; celui
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 15

de gauche à la cuisse gauche par une seule piqûre ; les bords de l'ouver
ture paraissent ulcérés ; à droite et à gauche il y a beaucoup de pus. Le 20 ,
les piqûres d'inoculation ont produit les pustules caractéristiques sur les deux
cuisses.
Page 374 : « Aujourd'hui il ne reste plus de chancres, on ouvre les deux
bubons, le pus est sanieux et peu lié. Le 23, on inocule le pus du bubon droit
à la cuisse gauche. Le 28 , la vésicule est formée. »
Page 376 : « Les chancres sont guéris ( 13 septembre). Le 30 , le bubon
est ouvert; on inocule le pus à la cuisse droite . Le 1er octobre, la piqûre a
réussi.
Page 381; « Aujourd'hui le chancre est cicatrise ; on ouvre les deux bubons
et l'on inocule le pus du bubon droit à la cuisse droite et celui du bubon
gauche à la cuisse gauche . Le 20, aucune des inoculations n'a pris. On pra
tique une nouvelle inoculation . Le 23, Tinoculation du pus du bubon droit n'a
rien produit ; celle du bubon gauche a donné la pustule caractéristique.
Je rappellerai aussi une observation que j'ai publiée en 1880 dans les An
nales de dermatologie et de syphiligraphie. Il s'agissait d'un homme qui a
eu deux adenites suppurées bien nettement virulentes, puisque l'inoculation
à donné un résultat positif, dont le point de départ a dù ètre rapporté à un
chancre complètement guéri depuis trois mois.
Comment expliquer, dans ces huit cas, la virulence des bubons ? Il faudrait
admettre que la contamination a été produite par du pus chancreux emprunté
à un autre malade et transporté à l'état liquide, soit par la main, soit par une
piece de pansement, et cela , le jour même de l'ouverture, puisque vingt
quatre ou quarante -huit heures après l'incision , la virulence existait. Or, le
chancre simple demande au moins quarante- huit heures d'incubation .
Je ferai remarquer, en outre, que si c'est ainsi que se forme le bubon
chancreux, il est peu aisé de comprendre pourquoi le nombre des adénites
chancreuses n'est pas plus considérable et comment une plaie quelconque ne
devient pas chancreuse dans nos services des vénériens.
Peu de jours après la communication de notre contrère , j'ai pu recueillir
l'observation suivante qui me parait infirmer la théorie si séduisante de
M. Straus .
L ... ( Ernest), ågé de vingt-huit ans, entre dans mon service à l'hôpital
du Midi, le 29 novembre 1884, pour un bubon consécutif à un chancre du
frein .
Le chancre doit remonter environ à quinze jours. Le maladu, à cette épo
que, remarqua sur la partie latérale droite du frein une petite bulle qui a
creve ei qui a donné naissance à une ulceration. Trois jours après avoir
observé cette ulceration, il se produisit un pbimosis.
Le 18 novembre, il ressentit une vive douleur et le lendemain il constata
une tumefaction dans l'aine droite .
A son entrée , nous constatons un phimosis incomplet , ne permettant
1

pas de découvrir le gland jusqu'à la rainure balano - préputiale ; mais nous


constatons une tumefaction intlammatoire du prépuce, écoulement sanieux
puruleni assez abondant et un point douloureux au niveau du frein .
Dans la région inguinale droite, il existe une tumeur à grand diamètre,
parallile à l'arcade de Fallope, de la grosseur d'une mandarine ; sur toute
l'éteadue de la tumeur , la peau est légèrement écailleuse , violacée , très
amincie ; la fluctuation est totale et donne la sensation classique d'une vessie
pleine. Il n'existe pas d'induration périphérique. Le malade nous dit que
16 P. HORTELOUP .

depuis vingt-quatre heures, la tumeur n'a pas changé d'aspect . Je porte le


diagnostic de chancre mou situé au niveau du frein et, d'après les caractères
cliniques du bubon, son début hâtif, sa marche rapide, sa coloration spé
ciale , l'amincissement de la peau , je pense que le bubon doit être un
bubon chancreux.
Je dirai, du reste, que, le 9 décembre, après des injections sous- prépu
tiales, le phimosis diminuait et que, pouvant découvrir tout le gland , je cons
tatai la présence d'un chancre mou ayant détruit une partie du frein, de
bas en haut.
Pour profiter de ce cas et vérifier l'exactitude de la communication de
M. Straus, le bubon est ouvert le 29 novembre , le lendemain de l'entrée du
malade .
Après avoir pris toutes les précautions antiseptiques, fait laver les mains
dans l'eau phépiquée, stériliser la paroi du bubon avec une solution phéni
quée au cinquantième, je fais faire par mon interne, M. Wickham , aide d'ana
tomie de la Faculté, l'incision du bubon avec un bistouri neuf, préalablement
trempé dans l'eau phéniquée.
Le bubon se vide, pour ainsi dire instantanément, en laissant écouler un
pus sanieux , roussâtre, couleur chocolat. Avec le bistouri ayant servi à l'in
cision , je fais faire, après avoir stérilisé la peau de l'abdomen , une inocula
tion à trois centimètres de l'ombilic .
La plaie de l'inoculation est recouverte avec un verre de montre .
La plaie inguinale est pressée avec de la charpie trempée dans de l'eau
phéniquée, et on fait un pansement avec de l'ouale extraite d'un paquet neuf
et exposée au spray pendant plusieurs minutes.
Le tout est maintenu par une bande de tarlatane trempée dans de l'eau
phéniquée .
Le malade est reconduit à son lit ; on lui recommande de ne pas toucher à
l'appareil sous peine des plus graves accidents .
Observé avec soin par le surveillant de la salle , le pansement examiné
matin et soir, n'a pas bougé jusqu'au 1er décembre, c'est -à - dire pendant
quarante -huit heures .
Le fer décembre , le pansement est défait, l'inoculation de l'avant-veille n'a
rien donné ; si le verre de montre n'était pas là , il serait impossible de soup
çonner l'inoculation . La suppuration du bubon n'a pas été très abondante : les
parois du foyer sont flottantes, mais les bords ne sont pas ulcérés.
A un centimètre environ de la première inoculation, je fais refaire une
seconde inoculation avec un bistouri neuf, en ayant soin de laisser écouler le
sang avani de déposer le pus sur la plaie qui vient d'être faite . Un verre de
montre, maintenu par du diachylon , est placé sur l'inoculation, et de l'ouate
intacte et phéniquée recouvre le bubon ; le tout est maintenu avec une bando
de tarlatane phéniquée. Les mèmes précautions sont prises comme surveil
lance .
Le 4 décembre , je renouvelle le pansement, l'inoculation du 1er décembre
se présente sous l'aspect d'une vésicule purulente , rompue en deux endroits
différents, entourée d'une auréole inflammatoire, mais pour pouvoir affirmer
l'authenticité de l'inoculation, je réinocule le pus de cette première inoculation
à cinq centimètres en dehors de la première , en me servant d'un bistouri el ,
après avoir sterilisė la peau, je reinocule entin pour la troisième fois le pus
du bubon sur la paroi abdominale à gauche de l'ombilic.
Les bords de l'incision inguinale soni festonnés, uicérés, et présentent les
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 17

caractères cliniques du bubon chancreux. Le 6 décembre , le chancre, prove


nant de l'inoculation faite le 1er décembre, s'est accentué ; la réinoculation
du pus de ce chancre a donné lieu à une vésicule blanchâtre , non rompue,
entourée d'une auréole inflammatoire, vésicule typique ; enfin j'ajouterai que
la troisième inoculation du pus du bubon a donné un résultat positif.
Le 8 décembre, les diverses inoculations continuent à suivre une marche
régulière, et leurs caractères cliniques ne different pas de ceux des chancres
simples .
Cette observation me parait concluante quant à ce qui concerne la virulence
de certains bubons accompagnant le chancre mou, car je ne vois pas par
quelle porte le virus aurait pu entrer .
Le bistouri d'ailleurs ne peut être mis en cause, puisque, dans ces diffé
rentes inoculations, il n'a été employé que des instruments neufs ou remis à
neuf et, dans tous les cas, le pus, qui aurait pu se trouver sur la lame, aurait
été sec , et nous savons par l'expérience que le pus desséché ne peut donner
naissance à un chancre simple .
Doit -on incriminer l'ouate ou la charpie qui nous ont servis aux panse
ments ?
Le même jour où je faisais ces expériences, j'ouvrais et j'inoculais un autre
bubon , ne présentant aucun des signes cliniques du bubon chancreux, je
pansai la plaie inguinale et l'inoculation avec l'ouale, la charpie prises dans
la mėme corbeille et le même paquet : le résultat fut négatif ; réinoculé,
48 heures plus tard , le résultat ne fut pas modifié .
Enfin, je dirai que, chez mon malade, j'ai fait protéger les plaies d'inocula
tions avec un verre de montre, maintenu par du diachylon. Nos verres et
notre pansement sont restés tels que nous les avions appliqués.
Je crois donc pouvoir conclure que, chez mon sujet, le bubon n'est pas
devenu chancreux, et qu'il l'était avant l'ouverture . L'inoculation a confirmé
les prévisions fournies par la clinique .
Je pense donc que M. Straus a rencontré une série cliniquement heureuse ,
et qu'il s'est un peu trop hâté de nier le bubon chancreux.
Cette complication du chancre simple est assurément moins fréquente que
certaines statistiques le laisseraient supposer, mais malheureusement elle
existe, et en communiquant cette observation, j'ai voulu que l'on ne crût pas
trop facilement à la non-virulence des bubons accompagnant le chancre sim
ple et que , par conséquent, on ne fût pas entrainé à porter un pronostic trop
bénin que la marche du bubon, même pansé par l'occlusion, pourrait ne pas
vérifier .

DU BUBON CHANCRELLEUX, par P. DIDAY. (Note communiquée à la


Société de Chirurgie, 7 janvier 1885. )
Le bubon chancrelleux est- il un bubon d'absorption ? M. Horteloup répond
par l'affirmative, et répond péremptoirement, puisque de par la clinique et
de par l'expérimentation, il établit qu'il en peut etre, qu'il en doit être , qu'il
en est ainsi.
Pourtant les battus n'étant pas contents ce semble – c'est leur droit quoi
que, en la circonstance, ils me paraissent bien difficiles ! – voulez- vous
accueillir l'opinion d'un vieux tirailleur ? J'aime le sujet, et prétends m'y
connaitre, car en fait de bubons de cette espèce :
« J'en ai vu, et j'en ai eu. 1
ANNALES DE DERNAT . , ** SERIE, VI .
18 P. DIDAY .

J'en ai vu à l'époque où ils foisonnaient; et j'en ai eu un à l'âge où je


pouvais, voulais et savais observer.
Aux signes par lesquels M. Horteloup a fort bien caractérisé l'individualité
du bubon chancrelleux, j'ajouterai la douleur,
Ce foyer est douloureux d'une façon particulière; particulière quant à la
nature de cette sensation, et particulière aussi quant à l'époque où elle se
produit. Ce dernier point surtout louche à la polémique actuelle .
Autrefois, dès qu'on avait incisé le foyer, on poussait entre les bords de
l'incision une mèche de charpie. Eh bien ! cette pratique irrationnelle nous
servira du moins à démontrer la vive sensibilité dont, à ce moment, était
douée la face interne du foyer. Si quoiqu'on la poussát doucement, on pous
sait la mèche trop profondément, l'opéré criait plus que de raison pour un
si faible attouchement,
Mais c'est sur la souffrance consécutive que j'ai à m'expliquer : car celle
là quamque ipse... Et puisse ce fragment des mémoires d'un chancrellisé ne
pas vous paraitre inopportun !...
Lorsque, en 1851 , je m'inoculai, à la lancette, sur le fourreau, la chancrelle
je n'éprouvai, les trois premiers jours, que peu de douleur. A ce moment,
la pustule, bien formée, futcautérisée au canquoin. Or, cette cautérisation, plus
que suffisante en profondeur, avait été insuttisante en largeur. Aussi l'inocu
lation de la surface cautérisée eut- elle lieu , et m'en advint-il ultérieurement
une chancrelle phagédénique.
La cautérisation, ai-je dit, avait détruit toute l'épaisseur de la peau. Aussi
cinq jours après, sentis-je, étant assis, une vive , extrêmement vive douleur
envahir l'endroit malade. C'était l'inoculation qui s'opérait, c'était le pro
cessus érosif qui attaquait la couche profonde du tégument.
Bon : les semaines se passent, une adenite se forme, Pétrequin l'ouvre par
une incision correcte. Quatre ou cinq jours après, n'ayant pas quitté le
lit, je ressens au lieu incisé une douleur violente. C'était le même processus
érosif qui de nouveau s'allaquait aux mêmes couches profondes et nerveuses
du tégument. Cette douleur se prolongea deux ou trois heures.
Second caractère . Contre ces douleurs, soit de l'incision , soit de l'intérieur
du foyer (ces dernières existent dès l'ouverture faite ), bains, cataplasmes
narcotiques ne peuvent rien , seules les injections de nitrate d'argent les
calment.
Ces faits d'observations établissent que l'état chancrelleux du bubon préexiste
à l'évacuation du pus.
La théorie nouvelle prétend que l'adénite coexistante avec l'ulcere mou
est une inflammation simple; que si elle devient chancreuse, je dis, moi,
chancrelleuse , pour éviter une méprise, c'est que accidentellement quel
que parcelle de sécrétion chancrelleuse aura touché et inoculé la plaie d'ou
verture du bubon !
Ceci évidemment peut expliquer quelques cas ; et je me souviens d'en
avoir vu un exemple, montré comme exception par Ricord .
Mais à ceux qui en font la règle, je pose quatre questions :
10. Bien souvent à l'hôpital comme en ville, surtout dans les hôpitaux mi
litaires , des bubons — quelle qu'en soit l'espèce – sont traités par la mé
thode des vésicatoires. Eh bien ! ces inoculations accidentelles ont beau jeu
pour se produire là, à l'aine, dans la région meme où on les dil si fré
quentes, sur ces surfaces vésiquées, excoriées, souvent saignantes. –- Eu
voit-on ?
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 19

Les bubons fluctuants quelle qu'en soit l'espèce-


sont ordinaire
ment ouverts par incision . Cette incision a une certaine étendue ; — j'ai même
entendu dire qu'on en revient maintenant aux coups de sabre de 4 ou 5 cen
timètres ! Eh bien ! si cette plaie d'incision est inoculée par une goutte con
tagieuse venue du dehors, l'érosion chancrelleuse de la surface incisée
commencera par un point, par le point que la goutte a couché, pour s'étendre
ensuite de proche en proche. On voit toujours les bords de l'incision devenir
simultanément, dans toute leur longueur, festonnés, déchiquetés, pultacés ;
preuve qu'ils ont été inoculés à vergo , de dedans en dehors, par le pus qul
coule à pleins bords sur ces bords.
3º Quand les bords de l'ouverture faite à un bubon deviennent chancrelleux,
cette transformation de la plaie simple en ulcère spécifique se fait toujours
vers le cinquième ou sixième jour. Or si cette transformation est, comme on
le soutient, due à l'apport accidentel d'une parcelle contaminante venue d'une
source extérieure, me dira- t-on quel singulier hasard, ce singulier accident
n'a jamais lieu après le premier septénaire ?
4. Enfin de même qu'il y a des bubons de telle physionomie qu'on peut
prédire, avant de les ouvrir, qu'ils seront chancrelleux, de même il y en a
les strumeux desquels à coup sûr, par contre , on peut affirmer qu'ils ne
ledeviendront pas. Celui qui les porte a une chancrelle ; il est dans un hôpital
de vénériens , exposé par conséquent à toutes ces causes de réinoculation
qui seules, dit-on, font les bubons chancrelleux. — N'ayez crainte : strumeux
il naquirent, strumeux jusqu'au bout ils resteront.
RECUEIL DE FAITS.

MOYEN FACILE ET RAPIDE DE GUÉRIR L'ORCHI-ÉPIDIDYMITE


BLENNORRHAGIQUE PAR L'EMPLATRE DE VIGO ET LE
SUSPENSOIR OUATE ,
Par le Dr STOCQUART (de Bruxelles).

Parmi les nombreux traitements qui ont été préconisés et mis en usage
pour combattre l'orchi-épididymite blennorrhagique, il en est peu qui soient
réellement efficaces et d'une application facile ; il y en a même qui sont nui
sibles ou dangereux et cruels . La meilleure méthode, en cas d'affection aiguë ,
serait celle des applications locales de glace, conseillée par M. Diday(de
Lyon) ; d'après cet auteur, on obtiendrait ainsi, dans la plupart des cas , la
diminution de la douleur au bout de quinze minutes et la guérison du malen
2 ou 3 jours. Pour les cas d'engorgement chronique du testicule, M. Langle
bert a conseillé le pansement ouato -caoutchouté, moyen très recommandable
par sa simplicité et avec lequel notre procédé présente de grands points de
ressemblance comme action curative et comme mode d'application . On réa
lise ainsi trois effets curatifs, l'immobilisation, la compression et la sudation ,
qui, d'après M. Langlebert, suffiraient dans beaucoup de cas pour amener à
la longue la résorption complète de ces engorgements . Nous avons appliqué
au traitement de l'état aigu de l'affection le principe de cette méthode, ren
forcé par celui de l'action résolutive de l'emplâtre mercuriel.
Notre traitement consiste dans l'application exacte d'un emplâtre de Vigo
sur toute la surface du testicule malade , qu'on recouvre ensuite d'une couche
d'ouate et qu'on enferme dans un suspensoir de dimensions voulues pour
exercer une compression supportable. On a soin d'appliquer la ceinture du
suspensoir assez haut pour relever plus ou moins le testicule et empêcher
ainsi toute traction ou tiraillemeut du cordon . L'efficacité de ce traitement
est démontrée par les cas qui suivent :
1° V. L... , 40 ans, Uréthrite chronique. Orchi-épididymite datant de 12 jours.
Le malade est alité , ne peut marcher et souffre beaucoup le long du cordon .
Le testicule est douloureux et compacte . Nous prescrivons l'application de
l'emplâtre de Vigo avec suspensoir ouate .
Le lendemain , suppression de la douleur. Trois jours plus tard , la pression
du testicule n'est plus douloureuse et la malade peut sortir .
2° F. D... , 42 ans, Uréthrite chronique. Poussée aiguë depuis six semaines.
Orchi-epididymite gauche datant de trois jours.
Même traitement.
Deux jours après, le malade marche et peut reprendre sa besogne de ga
zier. Le testicule est dégonflé et à peine douloureux à la pression, mais il roste
compacte et dur.
ORCHITE BLENNORRHAGIQUE . 21

Trois semaines plus tard, le testicule n'est plus augmenté de consistance,


mais il est un peu moins volumineux que l'autre.
3. B. G... , 32 ans. Urethrite aiguë, il y a 6 semaines. Orchi-épididymite
gauche datant de 4 jours, avec phénomènes fébriles intenses et douleur vive
augmentant par le moindre mouvement et s'étendant jusqu'au canal in
guinal.
Même traitement.
Deux jours plus tard, la douleur a beaucoup diminué et malade peut mar
cher. Le quatrième jour de traitement, le malade peut reprendre sa besogne,
Le testicule et le cordon restent très durs .
Quinze jours plus tard , à la suite d'injections urethrales faites par le ma
lade , de son propre chef, nouvelle poussée d'orchite. Le cordon est fort
épaissi et dur dans toute son étendue ; la face antérieure du testicule est molle
et fluctuante . Traitement : repos de l'organe. Injections de chloral. Suspen
soir ouaté simple .
Deux jours après, gonflement moindre du testicule.
Au bout de dix jours de traitement par l'iodure de potassium à la dose de
2 grammes par jour, le testicule est redevenu quasi-normal.
L'écoulement s'étant reproduit, le malade a fait de nouvelles injections
irritantes. Huit jours après, le testicule droit est devenu le siège d'une inflam
mation , qui s'est étendue le long du cordon jusqu'au canal inguinal . Traite
ment : Emplâtre de Vigo et suspensoir ouaté.
Trois jours plus tard , il n'existe plus de douleur et le malade peut marcher
facilement. Le testicule reste dur et augmenté de volume .
1º H. D... , 22 ans. Uréthrite chronique . Recrudescence il y a 8 jours et
marche forcée il y a cinq jours ; le lendemain, orchi-épididymite droite.
Même traitement.
Trois jours plus tard , suppression de la douleur, le malade peut reprendre
sa besogne.
Le 6e jour du traitement, le testicule n'est plus douloureux à la pression,
ni emplatré, mais 20 jours après, l'épididyme est encore dur et épaissi.
5. H. V... , 31 ans. Uréthrite aiguë il y a 3 semaines.
Pas de traitement.
Il y a 3 jours, épididymite droite avec extension inflammatoire jusqu'au
canal inguinal Masse testiculaire normale en volume et en consistance . Phé
Domènes fébriles .
Même traitement.
Deux jours après, la douleur a diminué et la marche est devenue facile
Le canal déférent reste gros et légèrement douloureux à la pression.
6. J. R... , 33 ans. Urethrite chronique . Poussée aiguë il y a 3 semaines.
Traitement par injections.
Mouvement exagéré de la jambe droite ; le même jour, début d'une orchi
épididymite de ce côté.
Mème traitement (emplâtre et suspensoir).
Le lendemain, amélioration notable ; la douleur a quasi disparu et la mar
che est relativement facile . Le testicule est encore dur el doulor'eux à la
pression .
Trois jours après, il n'existe plus qu'un peu d'épaississement et d'augmen
tation de la consistance de l'épididyme, qui disparaissent complètement quatre
jours plus tard .
22 STOCQUART.

Comme l'établissent ces observations, ce qui caractérise notre traitement,


c'est la simplicité de son exécution, ainsi que la promptitude de son action
curative .
Le repos au ſit n'a été qu'exceptionnel ou de courte durée et générale
ment les malades ont pu rapidement reprendre d'une manière modérée ct
prudente et même ne pas suspendre complètement leurs occupations, et cela
de façon à ce que rien ne pût trahir l'existence d'une affection vénérienne de
l'espece.
REVUE DE DERMATOLOGIE .

1.- TRAITEMENT DU LUPUS , par Pick . (Wiener med . Presse, n° 49, 1884.)
II . CONTRIBUTION AU TRAITEMENT DU LUPUS, par S. Kohn. ( Viertel
jahresschrift für Dermatologie und Syphilis, nºs 1 et 2, 1884. )
1. Dans les séances du 21 et du 28 novembre dernier de l'Associa
tion des medecins allemands de Prague, le professeur Pick a résumé
les travaux les plus récents sur l'étiologie du lupus et a insisté spéciale
ment sur les rapports de cette affection avec la scrofulose et la tubercu
lose. Puis il á conímuniqué les résultats de ses recherches sur les
bacilles du lupus et leurs conditions morphologiques, et examiné ensuite
leur identité avec les bacilles de la tuberculose ; en se basant sur les
inoeulations de bacilles des lupus, lesquelles ont déterminé des tubercu
loses localisées de la peau , il est disposé à considérer le lupus comme
une forme de tuberculose cutanée. Selon Pick , ces résultats confir
meraient l'opinion qui avait déjà cours antérieurement que le lupus est
une maladie infectieuse . Passant ensuite à la thérapie du lupus il se de
mande quelle est dorénavant la marche à suivre. Il indique à ce propos
les tendances de la thérapie actuelle des maladies infectieuses. Si jusqu'à
ce jour on n'est pas parvenu à détruire le germe infectieux, on est arrivé
par contre à rendre le tissu plus susceptible de résistance au virus,
c'est- à - dire à le rendre impropre à la végétation des micro-organismes.
Pour obtenir la guérison du lupus et pour empêcher les récidives, on a
surtout cherché à réaliser un tissu conjonctif fibreux , pauvre en cellules,
contenant peu de vaisseaux sanguins. Il a expérimenté les diverses
méthodes de traitement du lupus, et après quelques considérations sur
l'emploi interne de l'arsenic et des autres médicaments prescrits à l'in
térieur, il s'occupe du traitement local par les caustiques ; la scarifi
cation et la galvanocaustique.
Il étudie les résultats de ces diverses inéthodes au point de vue de leur
action destructive et des cicatrices qui en résultent ; il termine sa com
munication en présentant un appareil galvanocaustique qui se distin
guerait des autres appareils connus jusqu'à présent, par sa simplicité et
sa construction parfaitement appropriée au but qu'il se propose; ainsi
que par la faible dépense qu'exige son emploi.
Cet appareil consiste et une élégante caisse de bois qui contient un
récipient en verre dans lequel la batterie composée d'une double rangée
OGIE
24 REVUE DE DERMATOL ,

d'éléments de zinc et de charbon peut être plus ou moins enfoncée . La


communication des divers éléments est réalisée par une tige en caout
chouc vulcanisé. Une solution de chrome alimente la pile . Trois éléments
suffisent pour porter au rouge blanc le fil du galvano - cautère. Pour
obtenir un courant constant il faut imprimer à la batterie un léger
mouvement (1) .
II . Dès 1877 Auspitz avait recommandé le traitement suivant du
lupus :
La curette, contre les infiltrats lupeux aplatis peu étendus ainsi que
contre les ulcères lupeux ; l'aiguille à cautérisation , contre les petites
nodosités lupeuses ; la scarification, contre l'aréole rouge d'infiltration ;
et enfin un traitement mixte dans tous les cas où il s'agit de grandes
surfaces lupeuses (qui ne forment pas une partie uniformément infiltrée,
ni un ulcère lupeux, ni différentes petites nodosités lupeuses), mais sur
lesquelles surfaces le lupus tranche par sa base d'un rouge foncé .
Le raclage et la scarification ne détruisent pas les nodosités du
lupus qui représentent le début du processus sur la peau saine, comme
foyers lupeux proprement dits, et sa récidive sur la cicatrice ; le crayon
étant généralement insuffisant vu la quantité de nodosités, Auspitz avait
conseillé d'enfoncer dans chaque nodosité une aiguille conique ou trian
gulaire après en avoir trempé la pointe dans une solution de glycérine
iodée (iode pur 1 gramme, glycérine 20 grammes ).
Ce procédé a été une première fois modifié par le Dr Schiff et c'est ce
lui que le Dr Kohn a cherché àà perfectionner.
La pointe triangulaire de l'aiguille, placée dans l'instrument d'Aus
pitz sur la face postérieure, est percée sur sa surface antérieure et au
voisinage de la pointe d'une ouverture oblique. Cette ouverture représente
l'orifice d'un canal qui traverse toute l'aiguille et communique avec le
réservoir situé dans la tige de l'instrument. Dans ce canal glisse une
tige communiquant avec une pièce que l'on peut faire avancer ou reculer
à volonté. En plongeant l'aiguille dans le liquide et en repoussant en
arrière le coulant on remplit la cavité de l'instrument, puis on fait sortir
le liquide goutte àà goutte ou en jet en poussant plus ou moins rapidement
le coulant avec le pouce.
L'orifice de l'aiguille ne s'ouvre pas à la pointe, mais un peu en arrière ,

(1) C'est par un oubli , certainement involontaire, quo M. le professeur Pick a


omis de mentionner la méthode, le procédé, et les appareils de galvanocaustique
ou de thermocaustique de Ernest Besnier. Nous réparons cette omission regrettable
en indiquant le travail de notre confrère dans lequel sont exposés cette méthode ,
ce procodé et ces appareils .
ERNEST BESNIER . Le lupus et son traitement . (Annales de dermatologie, 2. série ,
1. IV , 1883, p . 377 et suiv . )
REVUE DE DERMATOLOGIE . 25

de manière à ce qu'elle reste toujours acérée . On enfonce l'aiguille et on


pousse le coulant en même temps.
La quantité de liquide aspiré (environ 18 à 20 gouttes) est suffisante
pour détruire facilement et rapidement l'une après l'autre un grand
nombre de nodosités. A l'extrémité du manche de l'instrument, il y a
une ouverture pourvue d'une vis dans laquelle sont vissés un tube pour
expulser les comédons (Comedonenquetscher ), ainsi qu'une aiguille à
scarification cachée dans une cavité du manche).
L'instrument imaginé par le D' Kohn constitne une véritable trousse
dermatologique dont les diverses parties sont réunies en une seule pièce.
( curette, aiguille, injecteur, expulseur de comédons, aiguille à scarifier)
?

que l'on peut utiliser non seulement pour le traitement des différentes
périodes du lupus, mais encore dans d'autres maladies de la peau (acné
vulgaire et comédons, acné rosée , lupus érythémateux, sycosis, verrues ,
condylomes acuminés et papillomes, épithéliomes ).
Voici selon le D' kohn les avantages du traitement mécano -caustique
avec l'aiguille à cautérisation (autrement dit aiguille à injecteur, Stachel
injector) .
a) En raison de la forme triangulaire de la pointe de l'aiguille et de la
cautérisation simultanée, les tubercules lupeux sont radicalement détruits.
(Unna cherche à obtenir ce même résultat en imprimant un mouvement
de rotation à l'aiguille à injection ).
b) La destruction a lieu très rapidement par la cautérisation simultanée.
c) L'introduction rapide de l'aiguille détermine une douleur insigni
fiante et cesse du reste aussitôt après l'opération ; la douleur provoquée
par le crayon dure souvent plusieurs heures par suite des mouvements de
rotation qu'on lui imprime.
d) Le traitement appliqué plusieurs fois par semaine, à la face , aux
paupières, sur les membres, etc. , n'est jamais accompagné de réaction .
e) La destruction des nombreuses nodosités au moyen du traitement
mécano -caustique ne laisse rien à désirer au point de vue de la commo
dité et de la simplicité .
0 Les cicatrices produites par l'aiguille à cautérisation sont à peine
visibles, délicates et plates.
L'auteur nous promet des observations de malades traités par cette
méthode ; nous tiendrons nos lecteurs au courant. A. Doyon .

III . SIGNIFICATION PATHOLOGIQUE DU PRURIGO, par G. Riehl. (Viertel


jahresschrift für Dermatologie und Syphilis, nºs 1 et 2 , 1884.)
IV . CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU PRURIT D'Hiver, par le Pr OBERSTEINER .
(Wiener medizinische Wochenschrift, n ° 16 , 1884. )
26 REVUE DE DERMATOLOGIE .

V. – DE L'EMPLOI DE LA COCAÏNE DANS LE TRAITEMENT DES MALADIES DES


FEMMES , NOTAMMENT DANS LE VAGINISME ET LE PRURIT DE LA VULVE , par
HOFFMANN. (Wiener mediz. Presse , 1884, n ° 50 et 51. )

Sous le nom de prurigo, on entend depuis Hebra une maladie


III .
qui commence avec la première enfance et persiste durant toute la vie
avec des intermittences d'une durée irrégulière, dont le symptôme prin
cipal est l'éruption de papules très prurigineuses qui sont surtout lo
calisées sur le côté de l'extension des membres.
On connaît les lésions que détermine dans ces affections un grattage
énergique et persistant : excoriations, eczéma, pigmentation , épaississe
ment du derme, engorgement des ganglions lymphatiques, etc... , lé
sions qui constituent la dernite artificielle, mais que, en raison de leur
localisation caractéristique, on peut considérer comme le caractère
essentiel du diagnostic du prurigo, puisque aucune des autres derma
toses prurigineuses n'attaque d'une manière aussi exclusive certaines
régions et en même temps en laisse d'autres indemnes (côté de la flexion
des grandes articulations, paume des mains , plante des pieds, cuir che
velu, organes génitaux). D'autre part presque tous les observateurs
admettent aussi avec Hebra que le prurigo est une maladie sui generis
de la peau.
Les efflorescences du prurigo donnent lieu à des interprétations dif
férentes. Doit-on, comme Hebra, considérer les papules comme en
étant la conséquence , ou bien admettre avec Cazenave et certains
auteurs modernes que le prurit est le symptôme primaire, l'expression
d'une névrose, tandis que les papules seraient le résultat du grattage ?
De la réponse à cette question dépendent et l'idée que l'on peut se
faire de la nature du prurigo et la place que cette dermatose doit
occuper dans la classification .
Les auteurs sont loin d'être d'accord sur ces différents points ; nous
n'avons pas à. indiquer ici ces divergences.
Voici le résultat des observations de l'auteur qui ont porté sur des
adultes, et ayant particulièrement trait à l'état des papules pendant l'évo
lution tout entière du prurigo.
Si on observe sur de petits enfants les premiers phénomènes du pru
rigo , on constate toujours l'absence des papules qui surviennent chez les
adultes .
A leur place on trouve des pomphi de forme et de grosseur variables
qui , à peu près dans les derniers mois de la première année et plus tard,
chez les enfants atteints de prurigo typique, apparaissent disséminés
irrégulièrement comme des efflorescences isolées sur toutes les régions
du corps et représentent à cette période le seul symptôme objectif du
REVUR DE DERMATOLOGIE . 27

prurigo, car ce n'est que peu à peu que l'on voit survenir et s'accentuer
les effets du grattage et leurs conséquences.
Au début, on confond souvent le prurigo avec l'urticaire.
Vers la fin de la première année et dans le cours de la deuxième on
trouvera toujours, à un exament attentif, disséminées entre les pomphi
typiques, d'autres élevures plus petites, de toutes dimensions jusqu'à
celles d'un grain de chènevis, et principalement sur le tronc et sur les
surfaces d'extension des membres.
A mesure que l'enfant avance en åge, ces petits pomphi augmentent de
nombre à chaque nouvelle poussée, tandis que relativement les gros
pomphi deviennent toujours plus rares et le plus souvent disparaissent
complètement dans les années suivantes ;; aussi chez les enfants de trois
à quatre ans on ne rencontre d'ordinaire que des papules de la grosseur
d'un grain de millet ou de chènevis ; c'est seulement dans les exacerba
tions violentes que l'on voit plus tard encore de l’urticaire.
Dès lors les papules ne surviennent plus disséminées, mais envahis
sent régulièrement les surfaces d'extension des membres, notamment
des jambes, – le tronc principalement, la région sacrée, parfois si le
prurigo est intense, la face et le cou, mais on ne les observe presque
jamais sur les surfaces de flexion des grandes articulations, des mains
et des pieds, au cuir chevelu et sur les organes génitaux . Elles repré
sentent alors les papules de prurigo proprement dites .
L'urticaire forme donc le premier symptôme et se transforme gra
duellement en prurigo typique.
Si on examine des éruptions récentes chez des enfante plus âgés (5 à
8 ans) atteints de prurigo et chez des adultes, on se convaincra souvent
que le plus grand nombre des papules reste analogue aux pomphi comme
forme et comme coloration, ainsi que par leur mode de développement.
Les efflorescences sont constituées par des papules aplaties , peu proé
minentes, de la grosseur d'une tête d'épingle ou d'un grain de chènevis,
de coloration rouge clair, rose ou blanc jaunâtre, et présentent parfois
l'aspect que l'on désigne pour les pomphi sous le nom de « porcelaine » ;
lorsqu'elles sont récentes leur consistance est dure comme celle des
pomphi.
La papule naît rapidement, donne lieu à un violent prurit au moment
de son apparition, et , si elle est dans un point facilement accessible ,l’en
?

fant la gratte .
Les efflorescences non grattées disparaissent au bout de peu d'heures en
laissant après elles une tache pigmentaire brun jaune, plus ou moins pro
noncée, sur laquelle on peut encore reconnaitre des traces d'hyperhémie.
Ces efflorescences n'ont de ressemblance clinique ni avec le lichen
pilaire ni avec les élevures de la peau ansérine.
28 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Même chez les sujets plus âgés on trouve encore des pomphi typiques,
disséminés, de la grosseur d'une lentille, on peut voir aussi les papules
atteindre ce volume sous l'influence d'une friction douce ; Hebra avait déjà
signalé le fait.
Ainsi donc à mesure que les prurigineux avancent en âge, on observe
la transformation graduelle et directe des pomphi, - la seule forme d'ef
florescence du prurigo dans l'enfance, - en papules caractéristiques ;
-

aussi doit-on considérer ces deux espèces d'efflorescences comme étant


de même valeur au point de vue clinique .
C'est là un point sur lequel les dermatologistes ont trop peu insisté,
quoique l'on ait souvent observé l'urticaire chez les enfants prurigineux
(Hebra, Einsicht); toutefois Kaposi aurait le premier démontré que l'ur
ticaire précède toujours l'apparition de prurigo.
Mais par contre on manque de données exactes sur la période de tran
sition qui sépare le stade ortié du prurigo complètement développé ; cet
intervalle qui est de la plus haute importance pour bien comprendre le
prurigo, se trouve à peu près entre le huitième et dix -huitième mois et
représente plusieurs mois pour chaque cas.
L'examen anatomique est incontestablement la meilleure voie à suivre
pour se rendre compte de la nature des papules du prurigo et pour con
trôler les recherches cliniques.
Les opinions des dermatologistes sur cette phase intermédiaire sont
loin d'être concordantes, ce qui tient sans doute à la difficulté de trouver
des papules de prurigo isolées, intactes.
Toutefois si on étudie une papule récemment apparue et coupée sur le
vivant, on trouve à l'examen histologique toujours les mêmes altérations :
L'épiderme et le réseau de Malpighi ne présentent aucun changement,
le réseau à mailles des couches supérieures du derme parait relâché , les
vaisseaux sanguins et lymphatiques dilatés et tout autour d'eux il existe
une infiltration contenant une faible proportion de petites cellules,
quelle accompagne principalement le réseau vasculaire de la base des
papilles et quelques cordons vasculaires qui se dirigent dans les couches
profondes. On trouve de nombreuses cellules migratrices de forme irré
gulière et fréquemment pigmentées dans quelques papules, non seule
ment entre les infiltrats cellulaires relâchés autour des vaisseaux ,
mais aussi entre les faisceaux fibreux du derme. Les glandes sébacées
et sudoripares, les follicules pileux, les muscles lisses et le tissu grais
seux ne présentent rien d'anormal.
L'état anatomique de la papule offre donc les caractères d'une modi
fication inflammatoire aiguë dans les couches supérieures du derme,
notamment dans la couche papillaire, par contre ni exsudation dans
l'épiderme, ni dépôt de squames et kératinisation du follicule pileux, état
REVUE DE DERMATOLOGIE . 29

qui différencie suffisamment les papules de prurigo des efflorescences


de l'eczéma ou de celles du lichen pilaire.
Mais la plus grande différence de ces phénomènes inflammatoires cir
conscrits consiste dans l'état anatomique des pomphi de l'urticaire
papuleux, surtout en ce qui concerne le peu d'importance des infiltrats
cellulaires en comparaison de la proéminence et la densité des efflores
cences.
Riehl a toujours trouvé ces rapports sur des papules récentes de pru
rigo. Aussi ce même auteur considère - t- il, d'après ses recherches cli
niques et anatomiques, les efflorescences du prurigo comme des papules
analogues à des pomphi ( für quaddelähnliche Knötchen ), puisqu'on
peut constater la ressemblance clinique et anatomique des papules avec
les pomphi, et que l'on voit les premières provenir peu à peu des derniers
dans le cours de la maladie, et qu'une série de symptômes cliniques
concorde exactement avec cette hypothèse .
Quel est rôle des papules dans le prurigo ?
L'auteur se range sur ce point à l'avis de Hebra que : « les éruptions
de papules sont la cause de tous les phénomènes ultérieurs du prurigo et
que l'on doit par conséquent considérer les papules comme de véritables
efflorescences primaires. » Hebra explique expressément que le dévelop
pement des papules précède et provoque le prurit, contrairement aux
théories anciennes (Cazenave) et spécialement en opposition avec l'hy
pothèse d'une névrose. Il attribue le prurit à l'irritation que l'exsudation
exerce dans les papules sur les terminaisons nerveuses.
Chaque nouvelle aggravation du prurigo est déterminée par une érap
tion papuleuse ; les papules se reproduisent toujours pendant toute la
durée de l'accès, elles manquent durant les périodes d'accalmie .
Dans les points où le prurit est le plus violent, les papules sont très
nombreuses et dans les diverses récidives de poussées prurigineuses
leur nombre est en rapport constant avec l'intensité de la démangeaison.
Les excoriations que l'on voit régulièrement sur toutes les papules
indiquent bien que ces dernières sont le point de départ du prurit ; dans
les cas de moyenne intensité on ne trouve d'excoriations saignantes que
sur les papules . D'autre part il est évident que les papules ne sont pas
produites par le grattage, puisqu'on rencontre fréquemment des papules
intactes dans des régions inacessibles aux doigts des malades, tout
comme dans les poussées d'urticaire dans lesquelles les pomphi à la
portée des ongles sout excoriés , tandis que sur ceux de la région dorsale
les effets du grattage font défaut.
On trouve dans les efflorescences un motif suffisant pour le prurit qui
survient dans la sphère des éruptions et il n'y a pas lieu de faire inter
venir une névrose de la sensibilité. Toutefois il reste à expliquer le début
30 REVUE DE DERMATOLOGIE .

régulier du prurigo dans la première enfance et en particulier son appa


tion sous la forme d'urticaire .
Dans le prurit cutané, qui est une véritable névrose de la peau , -
la démangeaison n'est pas moins vive que dans le prurigo ; toutefois elle
n'est pas limitée à des régions déterminées du tégument externe et elle
survient sans production préalable ou concomitante d'efflorescences. Le
prurigo d'Hebra ést du reste depuis longtemps différencié de la névrose
dont il vient d'être question.
Certains prurigineux souffrent cependant parfois de prurit dans les
intervalles des poussées, mais il est facile d'expliquer cet état, si on
tient compte de la forme de dermite que l'on rencontre toujours chez ces
malades .
Tous les eczémas , surtout les eczémas squameux chroniques à
sécrétion glandulaire restreinte, peuvent provoquer une sensation de
prurit ainsi que la dermite chronique squameuse des malades atteints de
prurigo. Mais ces derniers distinguent parfaiteinent eux -mêmes entre
le prurit violent d'une nouvelle éruption et la démangeaison momentanée,
relativement modérée de la dermite.
Si on examine la peau épaissie d'un sujet atteint de prurigo, on trouve
toujours dans les nerfs périphériques des infiltrats inflammatoires dans
les gaînes des nerfs. Le plus souvent les faisceaux sont entourés d'une
enveloppe de petites cellules arrondies , l'adventice et même le tissu
conjonctif entre les fibres nerveuses traversés de nombreux éléments
cellulaires sont épaissis. Il est facile de comprendre que, avec des infil
trations de cette nature, il peut survenir non seulement des troubles de
la sensibilité, mais encore de nutrition, une diminution des sécrétions
sébacée et sudorale, etc.
Tout au contraire on commettrait un paralogisme si , pour expliquer
le prurigo, on voulait considérer ces altérations des nerfs périphériques
comme en étant la cause essentielle, car on ne les trouve que dans les
parties de la peau qui sont déjà atteintes de dermite chronique, par
conséquent chez les adultes atteints de prurigo presque régulièrement
dans les points prurigineux ; dans le prurigo mitis des adultes ou chez
les enfants ces lésions nerveuses manquent toujours.
En résumé l'auteur considère le prurigo comme une forme chronique
de l'urticaire avec localisation particulière et comme une affection sui
generis nettement distincte de toutes les autres affections prurigineuses
de la peau . Comme on sait que ies variétés d’urticaire, -même sous forme
de lichen ortié qui se rapprocherait le plus morphologiquement du
prurigo, - donnent lieu à un violent prurit pendant l'éruption , ce
symptôme s'explique facilement d'après ce qui a été dit. L'évolution
extrêmement chronique et l'apparition intermittente de l'affection , -
REVUE DE DERMATOLOGIE . 31

phénomènes qui rappellent les formes rebelles de l'urticaire chronique,


– viennent également à l'appui de cette manière de voir.
On ne sait pas encore à quelle cause tient la localisation spéciale du
prurigo ; on peut toujours admettre une cause anatomique, peut- être une
anomalie congénitale dans la disposition de la peau ; on voit en effet le
prurigo survenir fréquemment chez plusieurs enfants d'une même fa
mille et il en est ainsi dans l’ichthyose, affection héréditaire existant
également depuis l'enfance , laquelle présente la même localisation et que
tous les observateurs ont considéré comme une anomalie congénitale de
l'épiderme.
L'auteur voudrait en terminant montrer que, dans certains exanthèmes,
les efflorescences surviennent soit exclusivement soit de préférence sur
les surfaces d'extension ( érythème multiforme, purpura, psoriasis ), ce qui ,
va la diversité de ces maladies, indiquerait pour en expliquer le siège
plutôt une cause locale qu'une influence nerveuse.
Tant qu'on ne sera pas plus avancé sur ce point, on doit se borner
à apprécier les prurigos d'après leurs caractères objectifs et par consé
quent à les ranger aussi près que possible de l'urticaire . A. DOYON .

IV. — Selon Obersteiner le prurit d'hiver décrit pour la première fois


par L.-A. Duhring, en 1874, n'a été que très rarement observé jusqu'à
présent, bien que ce soit une affection assez commune.
Suivant Duhring, on rencontre fréquemment, en Amérique, au nord
de Philadelphie (40 ° latitude nord ), le prurii d'hiver, tandis qu'il ne lui
a pas été possible de constater cette maladie dans des latitudes plus mé
ridionales . Pendant son séjour en Europe ( Angleterre, France, Alle
magne), notamment à Vienne, Duhring n'a jamais vu un seul cas de
prurit d'hiver, ni entendu parler de cette affection ( 1 ) .
Le cas suivant observé par Obersteiner est surtout intéressant par son
origine. Il s'agit d'un jeune homme de 37 ans, très vigoureusement cons
titué, habitant le Caire. Ce malade raconte que depuis plusieurs années
il lui survenait régulièrement au mois d'octobre un violent prurit sur la
peau des deux mollets , lequel devenait très intense dans le cours de
l'hiver, et disparaissait ensuite au commencement du printemps, dans le
mois de mars ; le jour ce prurit était très supportable, mais pendant la
nuit il atteignait son summum . Tous les traitements essayés avaient été
inutiles . Les émotions morales amenaient toujours une notable aggrava
tion. Pas d'autres symptômes morbides, ni de troubles organiques quel
conques ; la peau elle -même ne présentait rien de pathologique . La sen
sibilité du tégument externe était , aux jambes, parfaitement normale.
11 , Voyez sur ce sujet : E. BESNIER, Gazelte hebdomadaire, Paris, 9 mai 1884,
r 19, p . 318, et E. BESNIER et A. Doyon . Notes de la Traduction française de
haposi. T. II , p. 381 , 382 , 383.
32 REVUE DE DERMATOLOG
IE
.

Rien du côté de l'hérédité, aucune maladie antérieure.


Toutefois deux points sont à noter :
1° Ce malade habite un pays bien plus au sud que Philadelphie, c'est
à-dire le Caire, qui est situé sous le 30 ° degré de latitude nord. Dans
cette région la température, dans le courant de l’hiver, ne descend
presque jamais au-dessous de 50 centigrades ; la température moyenne
du mois d'octobre, époque à laquelle commence ordinairement le prurit,
est de 22,5° centigrades. L'hiver au Caire n'est ni exceptionnellement
humide, ni très sec . Aussi est- il difficile d'admettre que, dans ce cas, la
cause du prurit soit le froid ; on pourrait plutôt penser que la tempéra
ture de l'hiver, comparée à celle de l'été, est relativement beaucoup plus
basse qu'ailleurs . Il est vrai qu'on aurait pu s'attendre à voir survenir
les premiers symptômes de la maladie au moment où le malade reve
nait à Vienne, c'est - à -dire vers la fin de septembre, or il n'en fut rien .
2° La maladie s'aggravait après des émotions morales vives. Aussi
doit-on être autorisé à considérer cette affection comme une véritable
névrose .
En ce qui concerne le traitement, Obersteiner pense qu'une médica
tion locale ne peut être efficace que si on agit en même temps sur le sys
tème nerveux en général (par exemple avec l'arsenic ).
Relativement à la pathogenèse de cette affection , l'auteur croit qu'il
est impossible de s'en faire une idée tout à fait nette .
La peau doit être considérée comme un organe des sens, qui , sous
beaucoup de rapports, est analogue aux autres surfaces sensitives; mais
il est impossible de trouver des phénomènes analogues dans d'autres
districts sensoriaux . On ne pourrait pas appeler le prurit d'hiver une
hallucination et il ne faut pas rechercher sa cause fondamentale dans le
cerveau , ni dans la moelle; mais le point de départ des phénomènes
doit bien plutôt résider dans les nerfs périphériques, spécialement dans
leurs organes de terminaisons. Certainement les diverses espèces de
prurit diffèrent selon l'excitation qui agit sur les terminaisons ner
veuses périphériques.
C'est ainsi qu'il faut rapporter le prurit sénile aux altérations séniles
de la peau , peut-être moins à l'atrophie du tissu dermique propre qu'à
la dégénérescence sénile des organes nerveux terminaux . Dans le prurit
qui survient dans le cours du diabète sucré, il faut se rappeler que,
puisque on a affaire dans ce cas à un trouble du système nerveux, il
faut plutôt tenir compte de l'origine nerveuse de la lésion cutanée que
d'une accumulation de matière étrangère dans la peau.
Par contre le prurit des personnes hystériques est certainement en
connexion intime avec un état anormal du système nerveux central, 7

encore imparfaitement connu , et qui est la cause de l'hystérie.


REVUE DE DERMATOLOGIE . 33

Toutefois il reste à savoir comment, dans le prurit de Duhring, le sys


tème nerveux est affecté, si le principal rôle doit être attribué à la basse
température ou à d'autres influences climatériques.
L'auteur fait remarquer en terminant qu'un grand nombre de méde
cins lui ont dit avoir observé en Autriche des états tout à fait analogues ,
mais qu'il ne regarde pas comme étant tous de même nature que le prurit
d'hiver ; il est cependant très probable que cette affection ne se ren
contre pas seulement en Amérique, mais aussi à Vienne.
A. DOYON .
V. Si quelques-unes des causes du prurit de la vulve sont aujour
d'hui bien connues , il n'en est pas de même des moyens propres à le
faire cesser . Dans quelques cas on lui a opposé avec succès le bromure
de potassium , l'acide phénique, etc. , les applications calmantes et modi
ticatrices les plus variées. Si toutes ont parfois donné de bons résultats,
toutes aussi ont échoué dans certains cas rebelles, ou du moins l'action
des inédicaments les plus efficaces ne s'est pas maintenue longtemps . Et
c'est même là un des caractères de cette si pénible affection , c'est que
l'influence favorable des agents les plus énergiques est le plus souvent
passagère. Aussi les malades sont constamment obligés de recourir à de
nouveaux remèdes .
En présence des résultats si remarquables obtenus avec la cocaïne
comme anesthésique local , il était tout indiqué de l'employer dans le
traitement de certaines affections prurigineuses localisées de la peau et
notamment dans le prurit de la vulve. C'est ce que vient de faire avec
succés M. le Dr Hoffmann, qui a publié ( 1 ) un travail important sur l'em
ploi de la cocaïne dans le traitement des maladies des femmes et notam
ment dans le vaginisme et le prurit de la vulve.
L'auteur a employé la cocaïne sous forme de pommade (vaseline) dans
la proportion de 3 sur 100, en applications deux à trois fois par jour,
suivant l'intensité de la démangeaison . Au bout de quelques jours toutes
les malades soumises à cette médication affirmaient que la souffrance
était beaucoup plus supportable et que le besoin si irrésistible de se
gratter avait presque disparu, qu'elles perdaient peu à peu l'anxiété de
se mettre au lit , qu'elles se trouvaient très bien pendant le jour et pou
vaient reposer tranquillement la nuit. Après huit jours, les malades n’em
ployaient plus la pommade que le soir avant le coucher, dans le jour
elle devenait plus ou moins inutile.
Ces résultats sont dignes d'attention et l'avenir nous dira si la cocaïne
ne perd pas à la longue son action anesthésique. Mais, même dans ce cas,
( 1) J. HOFFMANN. Ueber die Anwendung des Cocains in der frauen arztlichen
Praris, insbesondere bei Vaginismus und Pruritus Vulvae ( in Wiener medizinische
Presse, 1881, nº 50 et 51 ) .
AXIALES DE DESMAT. , 20 SERIE , VI. 3
34 REVUE DE DERMATOLOGIE .

elle aurait toujours la valeur d'un secours d'autant plus précieux que,
par sa nature , la maladie qu'elle atténue, semble exiger un changement
fréquent de médications. Ne serait-ce pas aussi dans ces cas qu'il y aurait
lieu de pratiquer des injections sous-cutanées d'une faible solution de
cocaïne qui ont une action locale sur les nerfs de la peau, ainsi qu'en
témoignent les expériences du Dr v. Anrep, de Saint-Pétersbourg, qui,
le premier, aurait découvert ( 1 ) , en 1879, l'action anesthésique locale de
la cocaïne (2) A. DOYOX .

VI . — ZUR KENNTNISS DES PIGMENTES IM MENSCHLICHEN HAAR (CONTRIBUTION A


L'ÉTUDE DU PIGMENT DANS LE POIL HUMAIN) , par le Dr G. Riehl. ( In Vier
teljahresschrift für Dermatologie und Syphilis, 1884, nºs 1 et 2.)
Les nombreuses variations que l'on observe dans la coloration des
poils sont occasionnées par la proportion variable de pigment contenu
dans la cuticule .
D'autres conditions jouent également un rôle accessoire, comparé à
celui du pigment.
C'est ainsi que la coloration propre des cellules cornées qui composent
la cuticule des poils, le degré de l'enduit graisseux de la surface, l'in
troduction plus considérable de l'air n'ont d'importance que dans de
certaines circonstances. Les différences dans la structure de la moelle
du poil d'une part en raison de ses couches profondes, et de l'autre à
cause de l'apparition et de la distribution variables de la moelle dans le
poil , n'ont qu'une faible influence dans la coloration des cheveux.
Les recherches de l'auteur (cheveux, poils de la barbe et des paupières
l'ont amené aux résultats suivants : Si on fait des coupes transversales,
sur des papilles dans leur plus grande circonférence, on trouve sur les
poils en voie de croissance les cellules irrégulièrement formées enfoncées
dans le tissu papillaire, à protoplasma granulé, très pigmenté, sans
noyaux distincts. Les cellules sont arrondies, ou fusiformes, ou encore à
contours tout à fait irréguliers, ce sont des cellules migratrices pis:
mentées . La quantité de pigment qu'elles renferment varie beaucoup
dans les différentes cellules, et même dans une cellule on peut trouver
un pôle plus fortement pigmenté que l'autre .
Sur quelquescoupes , on rencontre des « cellules de pigment » jusque vers
les cellules de la matrice de la cuticule du poil, à sa base, et on peut voir,

(1) Pſüger's Archiv, vol . XXI , p . 47.


(2) Lo succès des applications de pommade à la cocaine a été constaté par M. E.
BESNIER, Don seulement dans le prurit de la vulve, mais encore dans le prurit anal.
Le prix élové du médicament ne permet pas encore d'étendre ces applications à
tous les prurits , mais il y a lieu de concevoir à ce sujet de réelles espérances.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 35

particulièrement sur des coupes fines, des prolongements filiformes, en


massue, claviformes, pénétrant même entre les cellules de la matrice, de
sorte que sur des poils très pigmentés les cellules de la matrice paraissent
séparées les unes des autres par une gaine pigmentée très fine.
Mais ces prolongements s'enfoncent entre les cellules situées au-dessus
des cellules de la matrice et peuvent atteindre une longueur équivalente
à 2, à 4, diamètres de cellules. On voit des cellules de pigment qui
envoient 3 à 5 de ces prolongements dans les interstices des cellules
épithéliales et dont le corps paraît réduit à un minimum . Les prolonge
ments sont de forme et de dimension très variables ; des filaments à peine
visibles avec H. 8, avec ou sans terminaisons sphériformes, alternent
avec des prolongements de l'épaisseur d'un noyau de cellules et d'un
aspect irrégulièrement noueux .
Sur des coupes longitudinales, on trouve dans les couches inférieures
de cellules et dans la matrice un état tout à fait analogue . Si on exa
mine la tige du poil en un point élevé , par exemple là où la couche de
Huxley est déjà kératinisée , il n'y a que des débris peu abondants
des cellules de pigment et des prolongements que j'ai décrits sous forme
de filaments courts, pigmentés, enfoncés entre les cellules du poil ; par
contre du pigment se produit dans le protoplasma sur bon nombre de
cellules qui ne sont pas encore complètement kératinisées ; tous les
noyaux sont libres .
Le protoplasma de ces cellules renferme de fines granulations de pig
ment qui paraissent serrées les unes contre les autres autour des noyaux
des cellules, mais irrégulièrement réparties dans les autres portions de
la cellule ; aussi le noyau de la cellule se détache - t - il nettement du pro
toplasma par son état incolore.
Si on isole, par la coction dans une solution alcaline, les cellules
fibreuses d'un poil pigmenté, on peut démontrer ce mode de distribution
da pigment dans toutes les cellules, tout particulièrement dans les
cellules jeunes où le noyau est encore très visible .
Dans les cellules anciennes à kératinisation plus avancée, la coloration
est plus diffuse, et on voit parfois les grains de pigment en petits amas.
Il paraît que dans ces cellules le pigment complètement confondu avec la
substance cornée se trouve en quelque sorte dissous.
Quant au mode suivant lequel le pigment arrive dans les épithéliums
par les cellules migratrices ramifiées et leurs prolongements, des
coupes transversales et longitudinales sur les cheveux et les poils de la
barbe permettent de s'en rendre compte dans une certaine mesure . Si on
suit les prolongements des cellules de pigment, on en trouvera fréquem
ment dont la partie tournée vers le corps de la cellule présente des
contours nets et se distingue nettement des épithéliums clairs, tandis
36 REVUE DE DERMATOLOGIE .

que leur extrémité terminale n'est indiquée que par un liseré pâle , ou
tout à fait indistinct. Au voisinage de ces prolongements, on trouve tou
jours dans le protoplasma des cellules de la cuticule du poil une teinte
brun jaune, et des grains de pigment en quantité plus ou moins con
sidérable et souvent entassés sur la face dirigée vers le prolongement, de
telle sorte que l'on croirait que le prolongement s'est fondu et a été ab
sorbé par les cellules épithéliales.
Dans ce passage du pigment dans les ceilules épithéliales, le proto
plasma des cellules de pigment est-il absorbé , ou bien persiste -t- il ? C'est
là un point que l'auteur a été dans l'impossibilité de résoudre, car il n'a
pas réussi à trouver entre les cellules anciennes de la cuticule du poil ,
des cellules migratrices décolorées ou leurs débris. Il ne lui a pas été
possible non plus de constater la présence de pigment libre en un point
quelconque du poil entre les cellules.
D'après les observations de Riehl, le pigment du poil paraît toujours
lié aux cellules, celui de la papille et de la matrice en grande partie aux
cellules migratrices, celui des portions kératinisées ou en voie de kérati
nisation de la cuticule toujours lié au protoplasma des cellules épithé
liales .
Si , chez des sujets bruns, on examine des fragments de peau avec des
poils pigmentés en pleine croissance ou des parties en mue, on trouve
souvent dans les papilles des poils et des poils au début de nombreuses
cellules de pigment, et on peut constater aussi leur présence dans le stra
tum vasculaire profond du derme en suivant le cours des vaisseaux. Il est
donc probable que ces cellules migratrices qui transportent du pigment
prennent leur point de départ au voisinage des vaisseaux , et de là pénè
trent dans le tissu des papilies du poil et dans le poil meme.
Cette hypothèse repose sur la présence du pigment dans l'épiderme à la
fin de processus inflammatoires et néoplasiques; on trouve là fréquem
ment des cellules migratrices dans les infiltrats de cellules rondes entou
rant les vaisseaux et entre les fibrilles de tissu conjonctif ; ces cellules
ont une coloration jaunâtre et brun foncé qui tient à la présence de grains
de pigment dans leur intérieur, et on peut suivre sur des coupes leur
migration à la surface des papilles et dans les cellules du réseau où elles
déposent leur pigment.
Il est encore impossible de dire avee certitude si la totalité du pigment
arrive par cette voie au moyen des cellules migratrices dans la matrice
et la cuticule du poil, et si l'on doit considérer ce processus comme le
seul, ou s'il en existe d'autres, par exemple si le protoplasma cellulaire
y prend part?
Toutefois ces premières recherches expliquent en quelque sorte la dif
férence apparente qui existe dans les observations de Unna, qui a trouvé
REVUE DE DERMATOLOGIE . 37

du pigment entre les cellules de formation et Waldeyer qui ne l'a ren


contré que dans les cellules épithéliales . A. DOYON .

Eix FALL VON PERIODISCHEM WECHSEL DER HAARFARBE (CAS DE CHANGEMENT


PÉRIODIQUE DE LA COULEUR DES CHEVEUX ), par le Dr REINHARD (Archiv
für pathologische Anatomie und Physiologie, etc. , von Virchow ,
1884, numéro de février).
n s'agit d'une idiote de 13 ans, admise, le 1er avril 1880 , à l'asile d'aliénés
de Dalldorf-Berlin, et qui mourut le 21 juin 1882. La mère donne les ren
seignements suivants sur la famille : un cousin de la malade est idiot, loute
fois pas à un degré aussi prononcé. La malade est née à terme . Pendant sa
grossesse , sa mère n'a eu ni émotions morales, ni ennuis, ni maladies . Pas
de syphilis chez les parents, ni chez la malade.
Au moment de son admission à Dalldorf, elle présentait l'aspect repous
sant de l'idiotisme à son plus haut degré. Quoique âgée de 13 ans , aucun
indice de puberté, son aspect extérieur était celui d'une enfant de 7 ans .
Tous les 8 ou 13 jours , crises épileptiques ; en outre, alternatives assez régu
lières d'excitation et de calme ; chacune de ces phases durait en général une
semaine, avec un intervalle de 2 à 3 jours. Durant la période d'excitation , on
pouvait constater, outre les phénomènes ordinaires d'agitation , une augmen
tation de la sécrétion cutanée , tandis que dans la période de calme la peau
était sèche et rugueuse .
Dans les premiers temps de son séjour à l'asile , on fut étonné de voir que
sa chevelure n'avait pas toujours la mème couleur, mais qu'elle paraissait
tantôt plus sombre tantôt plus claire ; sa mère n'avait auparavant jamais rien
observé de semblable, elle racontait que la chevelure de sa fille avait toujours
été d'un blond uniforme tirant un peu sur le rouge. Sa chevelure fine, mais
fournie , passait de temps en temps du blond jaune au rouge doré et vice
versa . Ce changement de couleur se produisait d'ordinaire assez rapidement.
Dans l'espace de 48 à 60 heures, il avait en général atteint son summum . Il
de se produisait pas au mème degré sur toute la chevelure, mais il y avait
des différences, même lorsque le changement était le plus accusé, dans les
puances de coloration claire et foncée ; cependant la plupart des cheveux
atteignaient leur summum de coloration .
Ce changement de coloration se produisait d'abord à la pointe des che
veux . Au début, on apporta peu d'attention à ce phénomène ; plus tard , on
remarqua que cet état était isochrone avec la périodicité de l'état psychiquo ;
la coloration rouge doré de la chevelure coïncidait avec la période d'excita
tion , la teinte blonde avec l'état de stupeur . Toutefois, l'agitation pouvait
exister depuis 25 à 48 heures alors que la coloration blond jaunâtre de la
chevelure prédominait encore ou vice versa la période de stupeur commen
çait bien que la teinte rouge doré des cheveux persistait encore .
Pas de maladie appréciable des cheveux ni du cuir chevelu ; elle avait
conservé tous ses cheveux, seulement la sécrétion sebacée du cuir chevelu
diminuait notablement durant la période de stupeur.
La malade mourut le 21 juin 1882, après une crise épileptique de plusieurs
jours, d'une pneumonie hypostatique droite et d'un cedeme pulmonaire.
38 REVUE DE DERMATOLOGIE .

A l'autopsie, la moelle ainsi que les cornes antérieures étaient atrophiées,


les cordons paraissaient normaux ; microcéphalie ; hyperostose du crâne ;
le cerveau est petit ; les sillons sont rges ; pointiilé sanguin peu prononcé
sur les coupes des hémisphères, dont les surfaces ont un aspect très briilant;
coloration gris clair pâle de la substance corticale.
L'examen microscopique de la substance corticale du cerveau permit de
constater la présence de cellules- araignées, la prolifération des noyaux ,
l'épaississement des parois des vaisseaux et la dilatation des espaces lym
phatiques péri - vasculaires, en différents points la rareté et la petitesse des
cellules ganglionnaires, l'altération de leur forme caractéristique et l'amin
cissement des cylindres axes. Dans les cornes antérieures de la moelle, les
grosses cellules ganglionnaires étaient raréfiées, légèrement ratatinées et
fortement pigmentées; de nombreux vaisseaux étaient atteints de dégéné
rescence graisseuse. Les cordons latéraux contenaient peu de granulations
graisseuses, mais se coloraient plus fortement avec le carmin qu'à l'état
normal .
On examina au microscope 40 cheveux environ dans toute leur longueur.
Leur épaisseur moyenne oscillait entre 0,04 à 0,05 millimètres. La tige
du cheveu était cylindrique ou presque cylindrique. La cuticule de couleur
claire ne paraissait pas si régulièrement contournée que celle des che
veux foncés, car bon nombre de squamules faisaient saillie, aussi la surface
avait- elle un aspect un peu rugueux. Dans l'acide sulfurique, les squamules
des cheveux clairs se détachaient très facilement de la substance corticale .
La substance médullaire ne manquait presque complètement dans aucun
cheveu , dans quelques - uns elle n'existait que sur des espaces peu consi
dérables et n'était pas distincte , sans qu'il fût possible cependant de cons
tater, sous ce rapport, une différence essentielle entre les cheveux blond
jaunâtre et les cheveux rouge doré.
Dans les cheveux clairs et les cheveux foncés, on trouvait dans la sub
stance médullaire, ainsi que dans la substance corticale , un pigment jau
nåtre, dans la première sous forme de petites granulations, dans la deuxième
il n'en était ainsi que dans les cheveux foncés, tandis que dans les cheveux
clairs le pigment était réparti d'une manière plus diffuse.
Un examen plus attentif montrait qu'il y avait des gradations entre les co
lorations extrêmes , et de plus, que dans les cheveux châtains l'extrémité
périphérique présentait une coloration claire , tranchée, tandis que la teinte
ne devenait graduellement plus foncée que vers le centre; ces gradations
étaient de moins en moins prononcées suivant que les cheveux se rappro
chaient du maximum ou du minimum de coloration, de sorte que dans les
cheveux très colorés il n'y avait qu'une seule coloration .
A l'examen microscopique des cheveux à l'état sec, les foncés présentaient
en général un ton plutôt brunâtre, les clairs un ton plutôt gris foncé.
La substance corticale des cheveux à teinte claire était le siège de nom
breuses lacunes très étroites, petites, allongées entre cellules fibreuses
qui, à la lumière transmise, paraissaient sombres, à la lumière incidente très
brillantes. Ces lacunes étaient si petites qu'on ne les voyait nettement qu'à
un grossissement de 5 à 600 diamètres. Sur les cheveux de couleur foncée,
ces lacunes étaient en très petit nombre et ce qui ici paraissait sombre à la
lumière transmise, restait aussi presque toujours sombre à la lumière inci
dente. Dans les cheveux chatains, cet état était d'autant plus fréquent et
plus visible que la puance des cheveux se rapprochait plus de la couleur
REVUE DE DERMATOLOGIE . 39

claire. Les lacunes les plus fines et les plus nombreuses se trouvaient dans
la partie périphérique des cheveux de couleur claire. Ces derniers avaient
aussi, à la lumière transmise, un liseré sombre, plus ou moins foncé , avec
de petites dépressions foncées en quelques points , tandis que sur les cheveux
de couleur foncée les dépressions manquaient complètement, et le liseré
paraissait plus étroit et moins foncé. Ces parties étaient d'autant plus bril
lantes à la lumière incidente qu'elles paraissaient auparavant plus sombres,
le plus souvent donc dans les cheveux de la couleur la plus claire.
Mais la plus grande différence entre les deux variétés de cheveux était
l'élat que la substance médullaire offrait à la lumière transmise et à la lumière
incidente . Tandis que la substance médullaire paraissait plus sombre que
la substance corticale à la lumière transmise dans les cheveux de couleur
foncée (rouge doré) sur des espaces peu nombreux et petits, elle paraissait
dans un très grand nombre de cheveux blond jaunâtre et sur de grandsespaces
beaucoup plus sombre, souvent presque noire, surtout à la périphérie. Dans
quelques-uns des cheveux de la couleur la plus claire, la substance corticale
paraissait presque noire dans toute son étendue. Le plus ordinairement elle
présentait là des dépressions fusiformes assez régulières.
Cet état était surtout très net avec une solution à 50 0/0 de potasse caus
tique.
A la lumière incidente tous les espaces foncés, noirs, prenaient un éclat
clair argenté. Là où à la lumière transmise la coloration noire était apparue
dans une grande étendue, on trouvait à la lumière incidente l'éclat argenté
presque homogène, sans trace de granulations foncées entre elles .
Dans les cheveux les plus foncés cet état n'était représenté que par des
points brunåtres relativement peu nombreux et petits dans la substance mé -
dullaire, lesquels présentaient à la lumière incidente l'éclat clair dont nous
avons parlé .
Les cheveux de couleur claire, lorsqu'on les cassait ou les coupait, avaient
une plus grande tendance à s'effiler que ceux de coloration foncée et il sem
blait qu'ils s'éclaircissaient plus rapidement et se fendillaient plus prompte
ment dans une solution de potasse caustique concentrée que les derniers.
Traitée avec une solution de potasse étendue, la substance corticale des che
Feux foncés s'éclaircissait et prenait une coloration plus diffuse (analogue à .
alle des cheveux de couleur claire). Il était impossible de reconnaitre net
tement, soit avec l'acide acétique étendu, soit par la coction dans la lessive
de soude, le prétendu cordon (Henle) de la substance médullaire. Il en était
de même pour tous les cheveux . Les cellules de la substance médullaire
Halent très ratatinées dans les cheveux de couleur claire. Quant aux racines
des cheveux, celles des cheveux de couleur foncée contenaient un peu plus
de pigment que celles des cheveux de couleur claire. On n'a examiné ni les
follicules pileux ni les papilles.
Il résulte de ce qui précède que les cheveux de couleur claire contenaient
tertainement beaucoup d'air , non seulement dans la substance médullaire,
mais encore dans les très nombreuses petites fentes situées entre les cellules
tibreuses de la substance corticale et même entre cette dernière et la cuticule .
Du moins, on ne pouvait expliquer que de cette manière, le bord foncé à la
lamiére transmise, le bord clair à la lumière incidente, ainsi que les saillies
et les dépressions de la cuticule. Le degré le plus prononcé de l'accumula
tion de l'air dans la substance médullaire était représenté en certains points
en quelque sorte par une bulle unique . Il s'agissait bien d'air et non de
40 REVUE DE DERMATOLOGIE .

graisse, car l'éther ou un mélange d'éther et de chloroforme n’exerçait


aucune influence sur cet état . Cette accumulation d'air était surtout très
accusée dans les cheveux de teinte très claire et blond jaunâtre.
La présence de cette grande proportion d'air dans la tige des cheveux
clairs, doit-elle être considérée comme physiologique ou bien faut-il la rap
porter à des processus pathologiques ? Dans les cheveux très blonds ou tout
à fait blancs (des vieillards), on ne trouve pas d'ordinaire beaucoup plus
d'air que dans les cheveux foncés de notre malade . L'air dans les premiers
est presque limité à la substance médullaire. Mais on n'a jamais constaté dans
ces cas des bulles d'air aussi considérables que chez cette malade.
Quelle est la cause du changement de coloration des cheveux ? Suivant
l'auteur, l'air joue le rôle principal ; il donne au cheveu une teinte plus
claire, en ce qu'il recouvre plus ou moins le pigment ; peut- être blanchirait
il aussi un peu le pigment des cheveux . S'il en était ainsi , il faudrait égale
ment admettre que le pigment, après la disparition de l'air, pourrait reprendre
son ancienne coloration , ce qui semble possible quoique peu vraisemblable .
Mais il serait plus invraisemblable encore de voir disparaitre dans l'espace
de peu de jours une partie du pigment des cheveux et de le voir revenir dans
un laps de temps tout aussi court. D'autre part, il parait tout aussi improbable
que la coloration du pigment des cheveux puisse se modifier autrement que
par une action du système nerveux trophique. L'élat rugueux des cheveux
clairs, leur grande sécheresse contribuaient à produire la teinte claire. Henle
attribue aux rugosités et aux inégalités de la surface des cheveux, une
influence sur la production de la couleur, laquelle dépend vraisemblable
ment de modifications dans la réfraction de la lumière. On sait, en outre,
que le cheveu à l'état sec présente une teinte plus claire que lorsqu'il est
humide. Dans le cas actuel comme dans tous ceux où il s'est produit une
modification de la couleur des cheveux, on a attribué cet état à l'accumu
lation de l'air et à des troubles trophiques dans la sphère des nerfs du cuir
chevelu .
Dans tous ces cas comme dans celui-ci, on a noté un trouble moral
concomitant. Chez l'idiote de Dalldorf, il existe une différence essentielle
d'avec les autres faits, dans lesquels on a constaté un changement rapide
dans la couleur des cheveux ; c'est que chez notre malade, les cheveux ont
toujours repris leur aspect antérienr, tandis que dans les autres cas, les
cheveux devenus plus clairs ont ensuite conservé cette même coloration .
Quelle est la cause de cette différence ? Les processus trophiques jouent cer
lainement un rôle dans ces cas, ainsi qu'en témoignent les modifications
simultanées de la température, de la turgescence et de la sécrétion de la
peau que chaque fois on a observées avec le passage de la période agitée dans
la période de stupeur et vice versa , et qui rappellent beaucoup dans leur
mode des processus analogues dans les psychoses cycliques. Tandis que les
phénomènes trophiques dans la période d'agitation se rapprochent de l'état
normal , ceux de la période de stupeur, doivent être considérés comme étant
de nature atrophique.
On peut admettre, relativement aux cheveux, que dans cette dernière
période il survenait un trouble de nutrition qui se traduisait par un ratatine
ment de la substance médullaire et des lacunes dans le tissu intercellulaire,
ce qui permettait que, exceptionnellement, beaucoup d'air pouvait s'accu
muler dans l'espace médullaire, dans les fentes interfibrillaires de la subs
tance corticale et entre cette dernière et la cuticule.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 41

Durant la période d'agitation, sous l'influence de l'augmentation de l'inner


vation trophique, il se produisait de nouveau une stimulation et une lumé
faction des cellules médullaires et une participation plus profonde des autres
éléments cellulaires du cheveu et par suite l'air se trouvait en grande partie
expulsé .
Quant à l'origine de cette grande accumulation d'air, le Dr Reinhard pense
qu'il pouvait venir de l'extérieur dans la tige du cheveu, et probablement
aussi de gaz existants dans le sang . Il faut se rappeler que la cuticule du
poil est constituée comme l'épiderme, et par conséquent perméable à l'air
dans une faible proportion . Dans le cas actuel, l'introduction de l'air devait
être facilitée par l'état rugueux, inégal du cheveu, et par la disparition presque
complète de la couche de graisse qui le protège d'ordinaire.
Quant à l'air contenu dans la substance médullaire, il provenait probable
ment des capillaires et des ramifications veineuses des papilles ; cette hypo
thèse est assez vraisemblable puisqu'elle est généralement admise pour les
gaz qu'on rencontre profondément dans la peau et qui proviennent de cette
source . Dans le cas actuel , cette expiration devait se faire dans la période de
stupeur, d'autant plus énergiquement qu'il existait une stase veineuse consi
dérable .
La présence de l'air en grande quantité dans la partie périphérique de la
tige du cheveu et surtout de la substance médullaire tient à ce que les parties
les plus éloignées du terrain nourricier devaient dans une altération tro
phique, étre les premières et les plus fortement atteintes et par conséquent
permettaient à l'air d'entrer très facilement et en grande quantité . Cet état
s'explique encore en partie, parce que l'air tend toujours dans un milieu plus
dense à s'élever.
L'auteur termine son mémoire par les conclusions suivantes :
1 ° Toutes sortes de troubles cérébraux, des troubles trophiques peuvent
survenir dans la sphère des nerfs craniens ;
2º Ces troubles trophiques s'étendent même jusqu'aux cheveux ;
30 Ces troubles trophiques peuvent, tout aussi bien que d'autres phéno
mènes nerveux , présenter un caractère périodique;
4. Les altérations des cheveux peuvent se traduire par la diminution de leur
coloration ;
5 ° Ce phénomène tient à une accumulation anormale de l'air et peut être
passager . A. DOYON .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

REVUE DES THÈSES DE SYPHILIGRAPHIE . (PARIS , 1883 A 1884.)


(Fin. )

Des MANIFESTATIONS OCULAIRES DE LA SYPHILIS HÉRÉDITAIRE TARDIVE,


par Moise MASSALOUX -LAMONNERIE (Th. de Paris, 1883 ).
L'auteur inyoque surtout l'influence du traitement par les injections
sous - cutanées de peptonate de mercure ou de sublimé pour établir l'ori
gine syphylitique de certaines lésions oculaires, de la kératite intersti
tielle particulièrement. Cette dernière affection n'est pas toujours
influencée d'une manière évidente par le traitement spécifique ordinaire.
Les injections sous - cutanées modifieraient rapidement les cas les plus
rebelles. Massaloux cite à l'appui plusieurs observations recueillies pour
la plupart à la clinique d'Abadie, inspirateur de la thèse . Dans la
seconde, nous voyons un malade traité énergiquement pendant trois
mois par les frictions mercurielles et par de fortes doses d'iodure de
potassium sans aucun résultat. Il éprouve de l'amélioration dans les
vingt-quatre heures qui suivent une première injection de peptonate de
mercure. C'est évidemment très remarquable.
De ce que le traitement spécifique n'a pas son efficacité ordinaire dans
le traitement de certaines manifestations tardives de la syphilis, il ne
faudrait pas nier l'influence de la vérole. Fournier a très justement dit
que la syphilis ne produit pas que des lésions syphilitiques et, en ce qui
concerne la kératite interstitielle, il ajoute que c'est « une lésion vulgaire,
banale, une simple lésion de nutrition que diverses influences morbides
sont aptes à réaliser » . La syphilis occupe le premier rang, mais il n'est
pas démontré que cette kératite soit une lésion essentiellement syphili
tiqne même lorsqu'elle a pour cause certaine la syphilis héréditaire.
Ce n'est pas seulement aux lésions oculaires que s'adresse cette
critique qui a une portée plus générale. Nombre de médecins font le
raisonnement suivant : « J'examine tel malade ; je le trouve atteint de
syphilis dans le cours de laquelle divers accidents se montrent, céré
braux, ou autres. Je crois probable et logique quand le traitement
intervient, que ces accidents sont syphilitiques. Or je donne le traitement
et comme je n'obtiens pas la guérison , j'en conclus que mon premier
jugement a été erroné et que les accidents que j'avais sous les yeux ne
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 43

relevaient pas de la vérole . » C'est là une conclusion toute fausse . Four


nier met en garde ses élèves contre de pareilles déductions. La vérole
produit des lésions spécifiques et des lésions banales; les unes sont jus
tieiables du traitement, les autres résistent, quoique nées de la syphilis .
D'autre part, certaines exostoses disparaissent incomplètement ou pas du
tout, si elles sont anciennes. Certaines syphilis sont rebelles, et donnent,
en dépit du traitement, des accidents subintrants ; on le voit fréquem
ment pour la peau , les os ou les muqueuses ; pourquoi en serait-il
autrement pour les centres nerveux ou pour les yeux ? Supposons par
exemple que la syphilis ait causé de l'artérite et de la thrombose céré
brale, et qui ces oblitérations vasculaires aient été assez intenses pour
amener une interruption durable de l'afflux sanguin . Le ramollissement
cérébral qui s'ensuivra fatalement persistera en dépit du traitement,
même alors que les agents spécifiques auraient fait disparaître les proli
férations qui encombraient le calibre du vaisseau. Eh bien , ce ramollis
sement n'en sera pas moins dû à la vérole par ce fait qu'il résiste au
traitement. De même pour la méningite, dont les plaques épaissies ne
seront pas résorbées et qui continueront à comprimer ou à irriter les
couches corticales du cerveau. De même d'une foule d'autres phéno
mènes morbides que l'observateur clairvoyant n'hésitera pas à rapporter
à la vérole . Le succès du traitement de la vérole dépend d'une foule
de conditions : doses du médicament, qualité de ces médicaments, mé
langes de plusieurs spécifiques , tolérance des médicaments et durée
assez prolongée à dose suffisante, opportunité et précocité de l'adminis
tration du traitement, terrain sur lequel la vérole s'est déclarée et aussi
parfois qualité même du virus qui a engendré la vérole.
La pierre de touche thérapeutique donne souvent des renseignements
précieux, mais elle n'est pas infaillible .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES RÉTINITES SYPHILITIQUES ET EN PARTICULIER


DE LA RÉTINITE PÉRIMACULAIRE, par ZÉNON CAPon ( Th . de Paris, 1883) .
Le premier chapitre de cette thèse est consacré à la description des
différentes formes de rétinites ou chorio - rétinites syphilitiques, parmi
lesquelles on est surpris de ne pas en trouver une qui devait intéresser
particulièrement l'auteur : c'est la chorio - rétinite syphilitique localisée
dans la macula et qui est loin d'être rare. La rétinite périmaculaire qui
fait l'objet de ce travail est bien distincte des chorio -rétinites maculaires.
Elle est caractérisée par le début brusque du trouble visuel qui peut aller
jusqu'à la cécité presque complète , par sa disparition rapide, par ses ré
cidives . A l'ophthalmoscope, on constate un trouble nuageux du fond de
l'ail sur lequel la macula se détache avec une coloration d'un rouge vif.
44 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

Après plusieurs poussées successives, l'altération de la vue peut devenir


définitive et se compliquer d'atrophie de la papille . C'est une manifesta
tion tardive de la syphilis.
Nous avouons ne pas comprendre du tout ce qu'est cette rétinite qui
débute si subitement et disparaît si facilement si elle est périmaculaire ;
pourquoi abolit-elle la vision centrale et produit-elle un trouble si pro
fond de la vue quand les rétinites généralisées l'intéressent en général si
peu ? L'auteur reconnaît que la symptomatologie de cette affection res
semble beaucoup à celle de l'embolie de l'artère centrale ou des hémor
rhagies interstitielles du nerf optique. Il nous semble que c'est dans un
trouble vasculaire qu'il faut en chercher la canse, soit que la lésion siège
dans le nerf, soit qu'elle intéresse directement l'artère, lésion qui pour
rait bien être de l'artérite syphilitique.

DE LA SYPHILIS DES AMYGDALES, par PIVAUDRAN


( Th . de Paris, 1884).

La syphilis, dit l'auteur, a pour les amygdales une prédilection mar


quée. Cela est vrai pour les accidents secondaires, mais pour le chancre
ou pour les gommes dont parle Pivaudran, il eût été bon de dire que
ce sont là des exceptions . En mars 1884 , Legendre aa fait une étude sur
le chancre de l'amygdale et démontre bien que c'est bien une possibilité,
mais une rareté, en dépit de l'hypothèse de Diday qui admet chez les
nourrissons de femmes syphiliques, une certaine fréquence du chancre
amygdalien. Cette vue de l'esprit ne semble pas confirmée par les faits.
Dans ses annales, Merklen a rapporté jadis une observation intéressante
de chancre syphilitique chez une vieille femme ; aussi avait -on d'abord
pensé au cancer . Il faut des circonstances aussi extraordinaires que
celles -ci pour que le chancre amygdalien ait une allure bien différente du
chancre génital. En général, comme ce dernier, il guérit vite et bien .
On trouve dans cette thèse une observation bien remarquable de notre
ami Brocq, dans laquelle il s'agit d'un chancre de l'amygdale qui fut
pris pour une amygdalite gangreneuse.
On peut dire que le diagnostic est facile dès qu'on y pense ; si l'esprit
ne se porte pas de côté , il est plus commun de diagnostiquer une gomme
qu'un accident primitif.
A la période secondaire, au contraire, suivant l'expression si exacte
de Fournier, les amygdales sont de véritables nids å syphilides. Tous
ces faits sont bien connus ; nous n'y insisterons pas ici. Nous ne ferons
également que mentionner l'hypertrophie amygdalienne qui a été signalée
dans le cours de la syphilis secondaire ; car, comme dit Cornil, l'amyg
dale tout entière est une sorte de ganglion lymphatique et il subit les
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 45

mêmes lésions que tous les ganglions lymphatiques. Nous ferons


observer que c'est là une idée théorique : en effet, s'il n'est qu'un petit
nombre de syphilis sans les adénopathies secondaires des aines , même
dans les cas de chancre extra - génital, on ne rencontre qu'avec une
rareté relative les hypertrophies amygdaliennes ; on lira avec intérêt
dans les Annales de 1882 , le mémoire fait sur ce sujet par Hamonic.
A la page 53 de sa thèse, Pivaudran dit que les auteurs s'accordent à
reconnaitre que , dans la thérapeutique des syphilides buccales se
condaires, la médication par le nitrate d'argent ou de mercure est
toujours de beaucoup supérieure au traitement hydrargyique interne.
Nous ne pensons pas que ce soit exact. Sans doute , les deux traitements
s'entraident, mais s'il fallait se passer de l'un des deux, nous croyons
qu'on pourrait se priver bien plutôt des cauterisations que de la médica
lion interne. D'ailleurs, non seulement, comme le dit l'auteur, avec le
nitrate acide, mais même avec le crayon vulgaire, il faut se garder de
faire des cautérisations plus fréquentes que tous les 5 ou 6 jours. Sans
quoi on détermine une irritation assez forte pour entretenir et même pour
exaspérer les syphilides. Pivaudran insiste avec raison en terminant sur
l'importance de l'hygiène de la bouche dans le traitement des syphi
lides .
A propos des syphilides tertiaires, c'est avec réserve que l'auteur dis
tingue les syphilides tuberculo -ulcéreuses des syphilides gommeuses ;
- les deux lésions sont de nature gommeuse ; dans le premier cas , la
comme s'est développée dans l'épaisseur de la muqueuse, tandis que,
dans le second, c'est dans le tissu sous-muqueux . D'ailleurs les gommes
primitivement amygdaliennes sont bien rares ; pour notre part, nous
n'en n'avons pas observe de cas. D'après l'auteur , Virchow , Cornil,
Mandle, Passaquay signalent leur existence à l'exclusion de lésions
gommeuses dans les parties voisines . Il est intéressant alors de les dis
tinguer des ulcérations cancéreuses . On y arrivera, grâce aux caractères
suivants : fond sanieux, dureté des bords , fongosités de mauvaise na
ture parfois considérables, fétidité extrême, tendance aux hémorragies ,
présence de ganglions cervicaux , inefficacité de l'iodure , enfin état ca
chectique du malade. Il faut lire l'observation XV d’un cas d'une lésion
ulcéreuse de la gorge opérée pour un cancer, guérie pendant six mois,
récidivant ensuite et guérie définitivement en 3 mois par 50 centigram
mes d'iodure de potassium par jour. Pivaudran signale enfin la possi
bilité du cancer des amygdales développé chez un syphilitique et la pro
duction d'une hybridité morbide. Le fait relaté dans la thèse d'Ozenne
siégeait non seulement sur l'amygdale mais sur le voile du palais et sur
la joue .
46 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

ESSAI SUR LES LYMPHOPATHIES SYPHILITIQUES, par Paul SALLÉ


( Th. de Paris, 1884) .
Les altérations des ganglions lymphatiques dans les maladies infec
tieuses sont assez fréquentes; dans la syphilis depuis les adénopathies
symptomatiques du chancre jusqu'aux gommes ganglionnaires ( voir par
exemple au musée de l'hôpital Saint-Louis le beau moulage de gommes
ganglionnaires inguinales symétriques), elles ont été bien étudiées par
Ricord et par Fournier. Les lésions des vaisseaux lymphatiques sont re
lativement rares , exception faite de la fameuse corde dorsale dans les cas
de chancre pénien. Les différences de structures et de fonctions qui exis
tent entre les ganglions et les vaisseaux donnent l'explication de ces faits .
Toutefois, on conçoit que le virus syphilitique, circulant dans la lymphe ,
puisse parfois altérer aussi les vaisseaux lymphatiques simultanément et
à un degré moindre toutefois que les ganglions. Parmi les lymphangites
des syphilitiques, beaucoup ne sont que des lymphangites simples, épi
phénomènes d'une ulcération spécifique irritée . C'est une phlegmasie con
trairement à la lymphopathie de la période secondaire survenue au voi
sinage et sous l'influence du chancre. Outre ces deux variétés, Sallé dé
crit (39) une lymphopathie secondaire, non en rapport avec une altération
locale diffuse , ou disséminée, et développée sous l'influence de la diathèse
syphilitique au même titre que les adénopathies multiples signalées par
les classiques; (4 ) une lymphangite tertiaire vraisemblablement consti
tuée par une sclérose des vaisseaux lymphatiques. Nous rappellerons à
ce sujet la lymphangite gommeuse étudiée tout particulièrement par
Lailler qui en a fait déposer plusieurs moulages au musée de l'hôpital
Saint-Louis. Il s'agit alors non de sclérose mais de véritables gommes,
disposées en lignes noires et tortueuses et développées, dans l'épaisseur
et par conséquent selon le trajet des vaisseaux lymphatiques, gommes
susceptibles de se ramollir et de s'ulcérer, comme dans un cas de Four
nier ( V. aussi le moulage, très remarquable au musée ); (50) une inflam
mation spéciale des vaisseaux lymphatiques pouvant déterminer des
indurations monolliformes aphlegmasiques, persistantes consécutivement
à une altération tardive de la syphilis héréditaire.
(69) Enfin Sallé consacre un dernier chapitre aux altérations produites
par la syphilis acquise ou héréditaire sur les lymphatiques des viscères
et en particulier sur les lymphatiques du poumon : lymphopathie vis
cérale syphilitique. Il faut mentionner ici une observation avec nécropsie
de gommes de l'estomac.
Plusicurs autres observations de cette these sont intéressantes à étu
dier, notamment la Vie où sont décrites des lymphangites disseminées sur
le membre thoracique depuis le doigt où siégeait l'accident primitif jus
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 47

qu'au ganglion épitrochléen et de là jusqu'au cou. On trouvera aussi re


latée là une double épididymite syphilitique développée moins de 2 mois
après l'infection.
Cliniquement les diverses lymphopathies se caractérisent surtout par
l'existence de cordons durs, mobiles, indolents, aphlegmasiques, situés
exactement sur le trajet anatomique des vaisseaux lymphatiques .
Le traitement doit être spécifique et interne. On devra ne pas employer
les frictions qui, malgré leur efficacité au point de vue de l'absorption
mercurielle , sont mauvaises ici. Elles peuvent en effet irriter la peau et
par suite enflammer ou altérer les lymphatiques déjà prédisposés aux
phlegmasies ou atteints par elles par le fait de la diathèse syphilitique.
En résumé, c'est là une thèse dont nous conseillons la lecture à tous
ceux qui voudront avoir un bon exposé de nos connaissances sur un su
jet encore à l'étude.

DE L'ÉPIDIDYMITE SYPHILITIQUE , par PASCALIS


( Th . de Paris, 1884).
Sans être aussi rare que l'orchite palustre décrite à la Guyane, l'épi
didymnite d'origine directement et exclusivement syphilitique est cepen
dant fort peu commune. Toutefois, des observateurs trop sérieux l'ont
décrite pour qu'on puisse douter de sa réalité . Or, cet accident est cer
tain, mais il est rare , voilà la vérité. Il s'agit ici , non du sarcocèle spé
eifique ou de l'orchi- épididymite , mais de la localisation syphilitique sur
l'épididyme seul. Pascalis envisage ce syphilome nodulaire dans sa for
me chronique, la plus fréquente, et dans sa forme subaiguë ou aiguë ,
survenant, soit à la période secondaire, soit à la période tertiaire de l'in
fection . Il les décrit d'après les travaux de Dron (1863 ), Fournier ( 1875) ,
Balme ( 1876) , Tédenat ( 1881 ) et Reclus (1882). Toutefois, il insiste sur
tout sur la forme aiguë de l'épididymite qui avait été moins étudiée .
Avant 1863, il était entendu qu'à l'inverse de ce qui se passe pour la
tuberculose ou les tumeurs malignes, l'épididyme dans la syphilis n'était
envahi que secondairement. Dron montre alors que le testicule n'est pas
toujours atteint le premier. Cette proposition est mise en doute par Sig
mund , par Kocher, etc. Mais Fournier l'admet et considère l'épididymite
comme un accident secondaire. Dans la thèse précédente, nous trouvons
un de ces accidents, à marche aiguë, développé moins de 2 mois après
l'infection . Tedenat l'a observé 5 ans après le chancre. D'après le même
auteur, l'infiltration diffuse du cordon peut aussi se voir comme compli
cation et la vaginale serait plus souvent intéressée qu'on ne le dit cou
ramment; elle le serait notamment chaque fois que les lésions envahis
sent tout l'épididyme ( V. Thèse de Kirmisson, 1883 ). Notre ami Walther,
48 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

dans son article du Dictionnaire de Jaccoud, décrit l'épididymite syphili


tique dont Reclus rapporte aussi 2 observations, l'une notamment de
marche franchement aiguë . Tous ces travaux sont analysés dans le récent
mémoire de Bohmer, qui mentionne aussi des observations d'Horteloup
( forme aiguë sans vaginalite, contrairement aux cas de Dron ; ce qui
prouve bien que les 2 états peuvent avoir lieu ; le fait d'Horteloup sem
ble même plus commun d'après les observations de Balme et celui de
Pascalis). Le cordon peut être pris ( Tédenat) mais rarement; il en est
de même du testicule ; d'autres fois, la vaginalité existe sans épanchement,
mais avec la variété plastique. On aa même observé de la pachy - vaginalite .
Sur les 10 observations de Pascalis , la lésion fut secondaire 7 fois
dont 4 fois sous la forme aiguë, parfois bilatérale (5 fois sur 20, Balme),
le plus souvent unique (8 fois sur 10, Pascalis). La tête de l'organe
-

est le plus fréquemment atteinte ; Verneuil pense que la syphilis touche


cet organe quand il a été antérieurement lésé d'une manière quelconque .
D'après l'auteur, le développement spontané doit rester la règle. Il s'appuie
-

non seulement sur ses observations, -ce qui est une base solide , – mais
sur les paroles de Dupuytren « l'apparition sans cause connue d'une tu
meur épididymaire ou testiculaire chez un individu syphilitique doit a
priori faire soupçonner la nature spécifique de la lésion » . Ces mots ont
moins de valeur qu'ils ne paraissent parce qu'ils ont été dits à une époque
où la blennorrhagie était encore considérée comme un accident spécifique.
A l'occasion de la dernière observation de cette thèse intéressante où il
s'agit d'un malade syphilitique et tabétique, porteur d'une tumeur bos
selée, bilatérale développée au niveau de la queue de l'épididyme et du
testicule, rappelons que certains observateurs ont décrit une lésion tes
ticulaire avec vaginalite comme procédant directement du tabes (Soc .
cliniq . 1884) . — Il nous semble plus rationnel d'admettre que les lésions
testiculaires et médullaires sont nées d'une seule et même cause, la
syphilis.

ÉTUDE SUR LES GOMMES SYPHILITIQUES SOUS-CUTANÉES, par Henri BASSET


( Th . de Paris, 1884 ). .
L'auteur commence par dire que presque toutes les lésions circons
crites de la vérole tertiaire peuvent être considérées comme des gommes ;
cette proposition est trop absolue, car un des processus non moins habi
tuels de la vérole tertiaire est la sclérose . Tous les classiques signalent
les syphilomes scléreux (de la langue, du foie, de l'intestin, etc. ) , les
syphilomes scléro - gommeux, etc. Cette réserve faite , la gomme est la
caractéristique de la vérole tertiaire. L'auteur aurait pu dire que la
gomme n'attendait pas toujours la période tertiaire pour se montrer .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 49

Chez les sujets alcoolisés , par exemple, il y a , souvent, disséminées au


milieu des accidents secondaires, des lésions ulcéreuses et croûteuses
qui ne sont pas autres choses, au point de vue histologique et clinique ,
que des gommes superficielles, soit de la peau , soit de l'hypoderme.
Besnier nous apprend que , dès 1512 , le terme de gummi ( tumeurs
noueuses et gommeuses) était employé couramment.
La description clinique de la gomme est faite ici d'après une leçon pro
fessée au mois de juin par Fournier. Nous en rappellerons les points les
plus saillants : les sièges les plus connus de la gomme sont les jambes,
puis les épaules et le cou . La gomme ramollie ne s'affaisse pas comme
un abcès vidé ; c'est qu'il y a un bourbillon. Mais ici ce bourbillon est
foriné aux dépens de la production néoplasique, gommeuse , tandis que,,
dans l'anthrax, par exemple, le bourbillon est - formé aux dépens du
tissu normal, des glandes de la péal er du tissu cellulaire sous-cutané
Ce bourbillon , véritablex corps étranger, est bientôt éliminé : de là
l'ulcère gommeux, reconnaissable -atik sept caractères classiques réunis
par Fournier en un tableau si frappant : orbicularité du contour ; aspect
caverneux , creusė; entaillure nette ; bords en falaise, taillés à pic, bords
adhérents, non décollés , bords entourés d'une auréole vineuse, d'un
brun foncé ; fond inégal, raviné (Ricord), étagé ( Bazin ); fond bourbillon
neux ; aspect putrilagineux et vermicelliforme des débris du bourbillon
(sorte de feutrage des fibres conjonctives et d'éléments cellulaires morts ).
Nous n'insistons pas. Les leçons de Fournier ont bien répandu ces no
tions qui rendent aux cliniciens des services journaliers.
L'anatomie pathologique des gommes est exposée dans cette thèse
d'après les travaux les plus récents. Rappelant ceux de Virchow , de
Hayem , de Cornil, de Chambard , de Brissaud, d'Hutinel, de Malassez,
l'auteur utilise les recherches de Balzer ( Revue mensuelle, août 1884)
et insiste sur les altérations, les segmentations en grains des fibres élas
tiques de la peau. La lésion débute toujours autour des vaisseaux (Hu
tinel, Chambard ), qui sont entourés, par places, de manchons ( gommes
miliaires d'Hutinel ) , de cellules embryonnaires (nodules périvasculaires
de Balzer), en même temps que leur cavité tend à s'obstruer par la des
quamation et la prolifération de leur endothelium (Chambard ). Ce fait
explique la nécrobiose , la mortification des cellules centrales qui , très
serrées et mal nourries, ne tardent pas à constituer le bourbillon destiné
à l'élimination ou à la résorption . Malassez distingue les nodules gom
meux en lymphoïdes et en épithéloïdes : « ces derniers constitués par des
cellules volumineuses sont de même nature que les premiers, mais ils
paraissent correspondre à un processus moins aigu. »
Ces nodules s'accompagnent d'une hyperplasie notable du tissu con
jonctif, d'un travail de sclérose assez actif au fur et à mesure que le
AXXALES DE DERMAT . , 2 SERIE . VI .
50 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

vaisseau se rétrécit et que le tissu plus dense gêne l'apport nutritif.


Un des caractères histologiques les plus remarquables de la gomme,
c'est la longue persistance des vaisseaux , leur lente oblitération , ce qui
explique la rapide résorption sous l'influence du traitement. La clinique
avait sur ce point précédé l'histologie , ainsi que le prouve le précepte
formel de Fournier, à savoir, qu'il ne faut jamais ouvrir une gomme, si
fluctuante qu'elle puisse paraitre : les gommes, à tous leurs degrés de
développement, se trouvant justiciables de l'iodure.
Cette longue persistance des vaisseaux est un des caractères qui dis
linguent la gomme du tubercule où les vaisseaux sont oblitérés rapide
ment : de là la dégénéreseenga jamies habituellement prompte. De
plus, le follicule gommgux:se développe adapthieu d'un tissu de sclérose,
tandis que le follicule mberculeux se développe primitivement au milieu
du tissu sain (Brissapd). LaluN14 togph tissy de sclérose qui dégé
nère (Balzer ). Toutes considérations s'appliquent aussi bien à la peau
qu'aux viscères. L
Cette thèse, on le voit, SLUBURIABilerses recherches qui ont été
faites récemment sur ce sujet et donne une idée exacte de ce qu'est la
gomme sous -cutanée, tant au point de vue clinique qu'au point de vue
histologique.

DES PÉRIOSTITES GOMMEUSES DE L'OMOPLATE, par FOLLIOT


( Thèse de Paris, 1884 ).

Appliquons les notions qui précèdent aux os et au périoste, et nous


connaîtrons les ostéomes gommeux et les périostites gommeuses . Ce
sont les omoplates qui sont étudiées ici à ce point de vue spécial, cet os
et la région qu'il occupe étant spécialement affectionnés par la vérole.
On peut y observer la gomme circonscrite ou l'infiltration gommeuse
diffuse ; ce sont des lésions peu douloureuses, On peut les confondre
avec l’abcès froid ou l'ostéosarcome. Elles peuvent laisser après elles des
exostoses de l'omoplate. En général , le traitement amène la résorption
complète.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 51

DE LA VALEUR THÉRAPEUTIQUE DU MERCURE COMME AGENT ANTISYPHILITIQUE


LOCAL .

(Communication du Pr HENRI KOEBNER, de Berlin .)


47€ ASSEMBLÉE DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS A MAGDEBOURG .
(Section de médecine - interne .)
Séance du 22 septembre 1884 .
Conformément à une opinion presque générale , affirmant que les
préparations mercurielles n'agissent sur tous les organes atteints de
syphilis, et sur tous également , que par l'intermédiaire du sang, on en
est arrivé, dans le traitement de la syphilis , à ne viser que la mercuriali
sation générale , et accessoirement les applications locales et surtout les
préparations appliquées au traitement cutané de la syphilis . En face de
cette théorie devait se dresser une série de faits aussi affirmatifs, dé
montrant une influence directe et locale du mercure sur les tissus syphili
riques, action plus précise et plus complète que celle que connaissent,
du mercure seul , les anciens observateurs en particulier. Aussi ces
faits doivent-ils rendre possible et même exiger un emploi thérapeu
tique et méthodique de cette action locale.
L'efficacité des préparations antisyphilitiques employées localement
est aussi remarquable dans leur application épidermique qu'endermique
ou hypodermique.
L'application endermique est considérée comme la plus pratique et la
plus connue, surtout depuis le patronage de Sigmund . Les sels mercu
riels solubles, aussi bien que les sels insolubles et le mercure métal-
lique sous forme d'onguent gris ou d'emplâtre mercuriel guérissent
les scléroses étendues en leur faisant avant tout subir une complète
résorption , bien plus rapidement que tous ces remèdes (aujourd'hui
pour la plupart abandonnés ) ou l'iodoforme en vogue à cette heure. Il
arrive souvent , en effet, de pouvoir se débarrasser, par l'application
locale du mercure, d'indurations qui persistaient des semaines et des
mois, malgré le mercure employé comine traitement général, quelle que
soit la méthode. J'ai vu cette action locale incomparablement plus pro
noncée par des fomentations de formiamide mercuriel (solut. au cen
tième), que par son injection sous-cutanée (ce qui , pour le dire en pas
sant, ne confirme pas la théorie de son mélange forcé au sang ). Les
préparations mercurielles sont encore utilisables contre les ulcérations
secondaires ou tertiaires de la peau et des muqueuses , et aussi contre
les condylomes plats. Cette action endermique serait due simplement à
une action caustique ou en tout cas antiseptique des préparations mer
curielles , et cette opinion, défendue par Harnack, Buchheim dans leur
récent et excellent traité de thérapeutique, et par d'autres, a aussi été la
52 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

mienne lorsque je cherchais à la prouver pour le formiamide mercurique


en solution au centième, employée en instillation ou en fomentation sur
les bourgeons charnus de bonne nature, ainsi que sur la base fraîche
ment dénudée par les ciseaux des bulles de pemphigus; il en résulte au
bout de quelque temps une escharification mince, grise, toujours fine ,
une coloration très marquée et une coagulation . Enfin, l'opinion non
encore justifiée, comme dit Harnack, que le virus syphilitique est plus
sûrement anéanti par le mercure que par toute autre substance employee
jusqu'à ce jour, trouve ses appuis les plus solides dans certaines obser
vations d'injections sous - cutanées.
Dès 1868, j'en présentais une série d'où je concluais à l'action locale
du sublimé en injections sous-cutanées . Il s'agissait dans un cas de con
dylomes plats de la mamelle : après deux injections de sublimé faites
dans leur voisinage, je les vis disparaître et sécher en 6 jours, tandis
que ceux de l'anus et du pharynx de la malade restaient dans le même
état. Chez une autre malade possédant une syphilide papuleuse
abondante de la région scapulaire au milieu de laquelle plusieurs injec
tions au sublimé avaient été faites, la lésion disparut rapidement, tandis
qu'un autre groupe de mêmes dimensions siégeant aux lombes ne
subissait aucune altération . Plus tard , enfin, Leissl aîné soutint dans
un rapport relatant ses expériences sur les injections sous- cutanées de
sublimé, que les papules ulcérées, les scléroses, les adénites leur résis
taient avec opiniâtreté ; mais que ces deux dernières se résorbaient
définitivement et rapidement si l'injection avait lieu dans leur voisinage.
On peut , du reste, montrer tout aussi clairement les bons effets de
l'action locale et directe de la méthode épidermique sur les produits
syphilitiques. Passons aux onctions .
Fait-on oindre seulement aux extrémités, . un malade couvert d'une
roséole papuleuse généralisée, la syphilide du tronc, soigneusement
épargnée par l'onction, dure 8 à 10 jours de plus qu'aux extrémités ; de
même lorsque l'onction ne porte que sur le dos , la disparition est plus
tardive à la poitrine. Je puis encore citer, comme l'exemple le plus
typique de cette action directe, l'observation d'un homme couvert d'une
syphilide papuleuse généralisée extraordinairement abondante qui avait
dans le dos un molluscum pendulum gros comme une noisette, sur
lequel se trouvaient deux papules. Après six semaines de traitement,
dues à l'énorme induration ganglionnaire et pas moins de 120 grammes
d'onguent mercuriel cendré, toutes les papules du corps avaient déjà
disparu depuis 15 jours, les unes invisibles, les autres encore recon
naissables et en partie seulement à la pigmentation restante ; seules les
deux papules du molluscum qui n'avaient pu être graissées avec le dos ,
continuaient à prospérer. Je les sectionnai. A cette remarque s'ajoute
53
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

cette autre , que les onctions locales résorbent les adénites syphilitiques
ainsi que les lésions qui siègent autour des foyers d'infection . Elles font
disparaître les bubons de résorption, lésions plus tardives et plus éloi
gnées avec infiniment plus de sûreté qu'une mercurialisation générale ;
soit par les combinaisons employées à l'intérieur, y compris le nouveau
tannate mercuriel si actif au temps jadis ; soit par les onctions limitées à
un département, toujours le même, de la peau ; soit par les injections
de sublimé ou de formiamide. Sigmund avait déjà montré l'action infé
rieure de ces dernières, lorsqu'il appliqua aux affections ganglion
naires les onctions modifiées et adaptées à sa niéthode .
Il existe encore des cas , dans lesquels je vis des gommes de la peau
et du tissu cellulaire, surtout aux membres inférieurs , que des semaines
d'injections sous-cutanées de sublimé au point malade amélioraient à
peine , et qui par contre disparaissaient assez rapidement sous l'in
fluence d'onctions locales d'onguent cendré . D'autres observateurs purent
constater que des syphilides papuleuses de la tête , qui n'avaient point
été influencées par 16 et de plus grands nombres d'injections de peptone
mercurique, avaient été rapidement guéries par l'application d'emplâtre
hydrargyrique.
Tous ces exemples doivent, comme je l'ai dit, suffire pour montrer
que l'action principale des mercuriaux appliqués sur l'épiderme vient
de leur absorption directe par la peau et non , comme on l'a cru
souvent depuis Kirchgasser, dans son traitement embrogatif, par
l'inhalation du mercure volatilisé . Mais je ne veux pas vous en dire
plus long sur ce point, et vous renvoie à ce qu'a publié récemment à
Strasbourg et sur mes conseils le Di Nega : « Recherches comparées
sur la résorption et l'action des différentes préparations mercurielles
employées comme traitement cutané . » (Strasbourg chez Trübner.) Je
tiens surtout à insister sur l'utilisation thérapeutique du mercure comme
procédé auxiliaire dans son application locale ou mieux régionale, et
parallèlement au traitement général. Si nous adunettons que les germes
d'une multiplication du virus et d'une nouvelleinvasion , survivantau traite
ment général, persistent autour de la cicatrice de l'ulcération primaire
ou des lymphatiques qui en partent, dans tout reliquat de tissu malade, et
particulièrement dans tout ganglion hypertrophié, il est rationnel de cher
cher à les extirper aussi loin que possible et par conséquent le plus
possible par l'action directe ou régionale du mercure . C'est ainsi qu'on
oindra , par exemple, les ganglions occipitaux , mastoïdiens, cervicaux,
dont le département lymphatique n'est pas pris en considération dans les
onctions ; et souvent aussi les ganglions inguinaux et cruraux non seu
lement pendant, mais longtemps après la fin de la cure générale, avec
des périodes d'arrêt pour ménager la peau , car toute inflammation
54 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

entráve la résorption . Dans les infections extra - génitales on ne doit pas


perdre de vue les ganglions du réseau correspondant au siège de l'ino
culation , toujours profondément atteints et plus désespérément retarda
taires ; il en est ainsi des ganglions cubitaux , axillaires et thoraciques
pour le chancre du doigt , des ganglions sous -maxillaires, sus-hyoïdiens
et cervicaux pour le chancre des lèvres . Je vis à plusieurs reprises, et
après sclérose des lèvres , des paquets gros comme une noix de ces gan
glions contre lesquels d'autres confrères avaient employé jusqu'à cent
grammes et plus d'onguent mercuriel sur les extrémités et sur le tronc,
qui cependant rétrocédaient par les onctions locales, et pour lesquels il
suffisait d'une bien moindre quantité d'onguent. On peut encore utiliser
avec avantage les solutions mercurielles contre les indurations ganglion
naires du cou, consécutives à des ulcérations de la muqueuse pharyn
gienne, surtout des amygdales.
Si toute tentative dirigée en vue de la régression des ganglions vient à
échouer, le traitement médical peut alors agir puissamment, et particu
lièrement l'emploi de l'iode , si ces organes sont atteints de scrofulose ,
malades antérieurement à la syphilis ou séparés de leur rayon lympha
tique par l'irritation. Aussi doit- on, par exemple, rechercher les ulce
rations des fosses nasales lorsque les ganglions cervicaux se montrent
tenaces. Dans tous les autres cas, on doit chercher à agir localement en
répétant les applications sur les reliquats, après intervalles et qu'on
n'aura pu obtenir leur diminution et qu'on sentira leur complète rétrac
tion indurative .
J'ajouterai encore deux mots : c'est que mes essais n'ont point seule
ment été faits avec l'onguent gris, mais encore avec le savon mercuriel
( formule d'Oberlander) avec l'oléale de mercure, l'emplâtre mercuriel,
ainsi qu'avec les injections sous-cutanées locales de sublimé et chlorure
de sodium et de formiamide mercurique. Les autres préparations m'ont
semblé plus irritantes et par cela moins actives que l'ongnent gris frai
chement préparé. Enfin , d'autres recherches ont été faites sur la matière
et l'action locale du mercure en d'autres régions me semble parfaitement
possible . Di S. RENOUARD .

LA SYPHILIS HÉRÉDITAIRE ET L'HÉMATOPOLĖSE HÉPATIQUE, par le Di Rocco


DE LUCA. (Journal international des sciences médicales, 1884. )
Le foie est , pendant la vie intra - utérine et dans le premier mois qui
suit la naissance, un organe hématopoiétique : on y rencontre des glo
bules rouges en voie d'évolution, c'est -à -dire des hématoblastes, sur
l'existence desquels tous les embryologistes sont d'accord, bien qu'ils
les décrivent de tant de manières différentes que l'on peut dire que
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 55

que « chacun a le sien » . Neumann, en effet, les regarde comme un


noyau particulier naissant, par formation libre, du protoplasma de cel –
>

lules spéciales et s'entourant ultérieurement d'une substance jaune ho


mogène ; Rindfleisch les décrit comme des cellules jaunâtres dont la seg
mentation , d'abord nucléaire, donne naissance à des cellules fixes
destinées à former, par une série de transformations ultérieures , les
globules sanguins adultes ; Malassez, appelle protohémoblastes des cellules
nucléées, uniformément colorables en rouge violet par l'éosine ou l'hé
matoxyline, et se transformant d'abord en cellules , puis en globules
rouges ; pour Hayem , les globules rouges dérivent de petites granula
tions discoïdes ; Foa et Salviotti, enfin, réservent le nom d'hémato
blastes à des cellules à noyau central bourgeonnant, semblables à celles qui
ont été rencontrées par Kölliker et Bizzozero dans la moelle des os, ainsi
que par Remak et Peremercko dans le foie et la rate embryonnaires.
En examinant le foie de fætus et de nouveau-nés issus de parents
manifestement syphilitiques et portant eux -mêmes des lésions cu
tanées dont le diagnostic ne pouvait être douteux, M. de Luca a constaté
que les caractères hématopoiétiques y étaient plus accusés et y persis
taient plus longtemps que dans les foies normaux : c'est à la démonstra
tion et à l'interprétation de ce fait intéressant qu'est consacré le travail
que nous allons analyser.
Les caractères macroscopiques du foie dans la syphilis héréditaire ont
été très exactement donnés par Gubler et surtout par Parrot, dont nous
reproduisons intégralement la description ( 1 ) : « Le foie, dit ce savant
regrettable, est atteint d'une manière diffuse ou seulement par places.
Dans le premier cas, il est plus gros, plus lourd, globuleux , à bords
arrondis, de couleur cannelle ou pierre à fusil, élastique , dur, criant
sous le scalpel, à tranche lisse et luisante , ne laissant échapper, par la
pression , qu'une sérosité légèrement rosée et souvent parsemée de petits
grains d'un blanc mat que l'on aa justeinent comparés à ceux de la se
moule ou de la farine. Dans le second, il est parsemé d'un certain
nombre de nodosités arrondies, en général ocreuses ou d'une teinte
plus claire, légèrement saillantes, excepté à leur centre, souvent déprimé
et tacheté de blanc, constituées par un tissu nacré, fibroïde, beaucoup
plus dur que le reste de la glande. »
A l'examen microscopique, M. de Luca constate les lésions de l'hépa
tite interstitielle , propre à la syphilis héréditaire. Le stroma conjonctif,
en voie de prolifération et infiltré d'éléments embryonnaires , disloque et
dissocie les tubercules lobulaires dont les cellules sont le siège d'une
multiplication de noyaux manifestes .Autour des ramifications portes, les
( 1 ) PARROT. Coup d'ail sur la syphilis héréditaire. (Revue mensuelle de médecine
et de chirurgie, 1877.)
56 REVUE DE DERMATOLOGJE .

cellules embryonnaires se réunissent en amas circonscrits qui simule


raient les gommes miliaires, n'était le nombre moins considérable de
leurs éléments et l'intégrité des vaisseaux qui les traversent . Mais c'est
sur d'autres faits, plus nouveaux , que M. de Luca attire surtout notre
attention .
Entre les cellules hépatiques dissociées, et surtout entre celles-ci et les
vaisseaux sanguins, se voient des amas plus ou moins réguliers d'élé
ments constitués par une masse protoplasmique non granuleuse, renfer
mant en son centre ou au voisinage de l'axe de ses pôles un groupe de
2 à 5 noyaux contigus, dépourvus de nucléoles. Ces éléments se dis
tinguent des cellules hépatiques par leur siège , par les caractères de
leur protoplasma et l'aspect de leurs noyaux. M. de Luca les regarde
comme des hématoblastes analogues à cerix auxquels Foa et Salviotti
font jouer, dans l'hématopoiese, un rôle si important. Cette hypothèse
serait encore confirmée par ce fait , que l'on rencontre à côté d'eux des
éléments hématiques à différents degrés de développement, se présen
tant, les uns comme des amas de noyaux semblables à des noyaux hé
matoblastiques sortis de la masse protoplasmique qui les entourait; les
autres comme des cellules à protoplasma légèrement jaunâtre rappelant
celles que Foa et Salviotti ont décrites dans le foie embryonnaire normal.
D'autres, enfin , sont des globules sanguins adultes appliqués le long des
parois vasculaires et semblant près de pénétrer dans le torrent circula
toire.
M. de Luca tire de ces faits cet enseignement, que la syphilis hérédi
taire, en détruisant, comme toutes les infections chroniques, les globules
sanguins adultes et en créant une olighémie à laquelle on peut attribuer
la mort de beaucoup de petits malades à l'autopsie desquels on ne ren
contre pas d'autres lésions , oblige l'organisme à une surproduction d'élé
ments sanguins : c'est le foie qui est le siège de cette hyperplasie com
pensatrice ; aussi les fonctions hématopoiétiques de cet organe sont-elles
non seulement plus actives , mais encore plus durables que chez les sujets
normaux .
Le mémoire de M. de Luca nous a paru fort intéressant : il aurait,
cependant, un plus grand caractère de précision si l'auteur nous y avait
indiqué plus minutieusement les méthodes histologiques dont il s'est
servi, et l'avait illustré de figures suffisantes. Son travail est, il est vrai,
accompagné d'un dessin ; mais ce dessin est, de l'aveu même de la lé
gende, schématique : nous aurions voulu voir la représentation exacte
des diverses phases de la transformation des cellules hématoblastiques
à noyaux multiples en globules rouges du sang . D* E. CHAMBARD .
BIBLIOGRAPHIE .

LEÇONS SUR LA PÉRIODE PRÆATAXIQUE DU TABES D'ORIGINE SYPHILITIQUE, par


le Pr ALFRED FOURNIER (1 ) . (1 vol . in - 8°, chez G. Masson, 1885.)
Depuis ses premières leçons sur l'ataxie locomotrice d'origine syphi
litique qui remontent à dix ans, M. Fournier s'est attaché à démontrer
les connexions intimes du tabes avec la syphilis . Son livre sur le tabes
spécifique désormais classique, a définitivement établi cette étiologie,
l'on sait avec quel talent et quelle autorité. Sur 100 cas de tabes, il
en est 93 développés chez des sujets affectés de syphilis : telle est la con
clusion qui se dégage d'une imposante statistique portant actuellement
sur 249 observations.
Malgré ces faits indiscutables, une objection importante avait été op
posée à la doctrine de l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique : le
traitement spécifique est le plus souvent sans action sur l’ataxie loco
motrice, donc la lésion médullaire du tabes n'est pas une lésion syphi
litique . M. Fournier rétorquait d'avance cet argument en disant : dans
l'énorme majorité des cas, le traitement est institué trop tard , car la
sclérose des cordons postérieurs pent exister à l'état de lésion irrémé
diable avant l'invasion de l'incoordination motrice. Et il ajoutait plus
loin , à titre de déduction pratique : « Ce qui comporte un intérêt pra
tique de premier ordre, ce qui s'élève au véritable rang d'un devoir pro
fessionnel, c'est de s'efforcer à surprendre le tabes naissant, à le dé
pister sous ses formes multiples si variées et si particulièrement
insidieuses , de façon à l'enrayer ab ovo, à le guérir en germe, si je puis
ainsi parler. »
C'est à ce programme que répondent les Leçons sur la période præ
atarique du tabes . Pour être utile aux malades affectés de tabes syphi
litique, il faut arriver à temps, c'est-à -dire avant la destruction des cor
dons postérieurs . Donc tout ce qui concerne les manifestations initiales
de la maladie comporte un intérêt de premier ordre ; et c'est à l'étude
des symptômes qui permettent d'en faire le diagnostic précoce que
notre savant maître consacre le nouveau livre dont nous donnons ici
l'analyse .
I. – La constance d'une période præataxique dans l'évolution du
(1 ) Leçons recueillies par W. DUBREUILH .
58 BIBLIOGRAPHIE .

tabes est une règle qui ne supporte que peu d'exceptions . D'autre part,
cette période a une durée telle, des manifestations si diverses et si com
plexes , qu'elle acquiert dans l'histoire de l'ataxie locomotrice une impor
tance majeure . C'est habituellement de la troisième à la sixième année
qu'apparaissent les troubles d'incoordination motrice ; mais ils peuvent
se montrer plus tôt ou plus tard, quelquefois même jamais. Tel est le
cas de ce malade qui , après trente ans de tabes, était encore indemne
de tout phénomène ataxique.
Rien de variable et de multiple comme les symptômes de cette pé
riode præataxique . Il n'est , pour ainsi dire, aucun organe qui ne puisse
en être le siège , et l'expression de polymorphisme initial, employée par
M. Fournier mérite d'être conservée pour bien fixer cette particularité.
Des phénomènes præataxiques les uns sont aujourd'hui bien connus :
tels les douleurs, les troubles divers de la sensibilité, de la fonction
visuelle , les paralysies oculaires, etc. L'auteur Jes a d'ailleurs longue
ment étudiés dans son précédent ouvrage ; ses nouvelles leçons, traitent
de quelques symptômes initiaux d'ordre moins connu .
II . De ce nombre sont les phénomènes vésicaux figurant 98 fois
sur 224 cas dans la statistique de M. Fournier, et qui 8 fois ont
marqué le commencement de la maladie : tabes à début vésical.
Ces symptômes sont de plusieurs ordres : paresse vésicale, avec ou
sans rétention ; incontinence ; pollakisurie , c'est-à-dire besoins
fréquents d'uriner avec ténesme; coliques vésicales avec douleurs de
miction, etc. Leur importance ne saurait mieux être démontrée que
par les exemples suivants : un malade est pris , sans cause provo
catrice , d'une difficulté douloureuse d'uriner et bientôt de rétention
d'urine absolue ; à partir de ce moment, il n'urine plus qu'avec
la sonde ; cinq ans après , surviennent toutes les autres mani
festations du tabes . Chez un autre, l'émission accidentelle et invo
lontaire d'un petit filet d'urine, survenant en dehors de la miction ,
est le premier phénomène appréciable. Un troisième malade est pris
de deux crises successives de pollakisurie avec ténesme et épreintes
douloureuses ; quelques mois plus tard , apparaissent de l'anesthé
sie des cuisses , de l'anesthésie rectale , de la débilitation géné
sique, etc. Ces faux urinaires, qui le plus souvent se soumettent sans
résultat aux investigations urethrales ou vésicales, doivent être tenus
pour suspects au point de vue du tabes .
III .A côté du tabes à début vésical , le tabes à début génital . Les
troubles des fonctions génitales , symptôme constant du tabes con
firmé, peuvent déjà se montrer dans la période praataxique. L'éré
thisme vénérien a été signalé à une période jeune de la maladie,
mais c'est un symptôme rare ( 4 fois sur 224 cas) . Bien plus fréquentes
BIBLIOGRAPHIE . 59

sont les pertes séminales ou pollutions involontaires , ordinairement


nocturnes, présentant cela de particulier qu'elles reviennent par crises,
sans besoin et sans éréthisme vénérien , durant plusieurs jours et se
reproduisant plusieurs fois la même nuit, pour cesser ensuite pendant
un temps plus ou moins long, jusqu'à un nouvel accès . Ces pollutions
ont été observées un ou deux ans avant les autres manifestations initiales
du tabes. Enfin, et cela est encore plus commun , une débilité génésique
progressive marque chez de nombreux tabétiques le début de leur
mal. Érections rares, difficiles, imparfaites; éjaculation impossible ou
hâtive et prématurée ; abolition du sentiment voluptueux du coït ; dimi
nution de l'appétence sexuelle ; telles sont les diverses modalités de cette
débilité génésique .
IV . Le tabes syphilitique est tout à la fois, de par ses symptômes,
une affection de la moelle et une affection du cerveau ; c'est une syphi
lose cérébro-spinale : telle est la proposition que M. Fournier développe
dans sa quatrième leçon . Et les chiffres qu'il donne à l'appui sont am
plement démonstratifs. Sur 224 observations, il en est 72 où ont pris
place divers symptômes d'ordre manifestement cérébral, tels que ver
tiges, ictus apoplectiformes, accès épileptiformes, hémiplegie, etc. Ces
faits présentent un intérêt d'autant plus grand, que les accidents céré
braux se produisent souvent dans la période præataxique, voire même
au début du tabes : c'est le tabes à début cérébral.
Les vertiges tiennent une grande place dans cet ordre de symptômes.
Indépendamment des vertiges symptomatiques ou réflexes (ocu
laires, auriculaires, laryngés, etc. ) , le vertige s'observe fréquemment
à titre essentiel. C'est tantôt la sensation soudaine et passagère
de tournoiement avec ou sans obnubilation qui appartient à tout ver
tige ; parfois il est assez intense pour déterminer la perte d'équilibre et
même la chute ; à un degré plus accentué, le vertige tabétique s'accom
pagne de vomissements ou d'hallucinations de la vue. Mais ce qui carac
térise davantage ces accidents, c'est qu'ils apparaissent habituellement
à l'occasion d'un mouvement brusque de la tête, plus particulièment
d'un mouvement d'extension , celui qu'on réalise lorsqu'on regarde
en l'air. Comme exemple, la première manifestation du tabes , chez un
malade de M. Fournier, fut un vertige apparu en visitant l'exposition de
tableaux de 1878 .
Le vertige tabétique n'est sans doute qu'une forme atténuée des ictus
congestifs, épileptiformes, aphasiques qu'il précède d'ailleurs souvent.
Quelle que soit l'intensité de ces accidents, qu'il s'agisse d'un simple
étourdissement ou d'un véritable état apoplectique, de grand ou de petit
mal, d'aphasie simple ou associée à l'hémiplegie, leur caractère propre
est de ne durer que quelques instants, quelques heures ou au plus quel
60 BIBLIOGRAPHIE .

ques jours, et eu second lieu de se reproduire à plusieurs reprises à


des échéances plus ou moins éloignées. En pareil cas , il faut toujours
songer à la possibilité d'un tabes .
V. – Les paralysies oculaires constituent une des manifestations les
plus communes de la période præataxique. Mais à cela ne se bornent pas
les troubles moteurs accompagnant le début du tabes , Diverses paralysies
ont été relevées dans 41 cas sur 224 observations réunies par M. Four
nier. Ces accidents ont affecté des localisations diverses, se répartissant
comme il suit :

Coco
Hémiplegie . 18 cas .

10
oo
Hémiplegie faciale .
Parésie linguale . 3
Monoplégies.
Paralysie laryngée . . 2
Paralysie des muscles extenseurs du poignet .. .

Paralysie deltoïdienne. .
Paraplégie. 5

Constater et analyser de pareilles manifestations comporte un intérêt


pratique très grand . Ces paralysies praataxiques seraient facilement
méconnues, quant à leur origine, si ce n'était leur caractère essentielle
ment bénin , fugace, résolutif, quelquefois, mais rarement récidivant.
Telle est aussi l'allure des paralysies oculaires ; aussi, d'une analyse
comparative de l'hémiplégie, de l'hémiplegie faciale et des paralysies
oculaires , M. Fournier peut -il tirer cette formule générale :
« Des paralysies de divers sièges peuvent prendre place au nombre
des symptômes qui constituent la période praataxique du tabes; et ces
paralysies, sinon toujours, au moins dans la majorité des cas, offrent
ceci de remarquable : de consister en des paralysies résolutives, rapi
dement résolutives et spontanément résolutives. Et comme conséquence,
il faut tenir pour éminemment suspecte, chez un sujet syphilitique,
toute hémiplegie bénigne qui guérit vite et qui guérit spontanément.
Et cela, pour la raison très simple qu'une hemiplegie qui se présente
avec ces caractères encourt par cela seul , ipso facto, le soupçon de
constituer un symptôme d'ordre tabétique. »
VI . – Tabes à début psychique, tabes à début simulant la paralysie
générale : c'est là une modalité rare , mais également possible. Des
troubles passagers de l'intelligence, de véritables paralysies de l'intel
lect, comparables aux paralysies motrices transitoires, peuvent 'com
mencer la période præataxique. D'autres fois , ce sont des troubles
permanents rappelant la pseudo - paralysie générale de la syphilis .
Mais en général, ces accidents ne se montrent qu'à une période assez
BIBLIOGRAPHIE . 61

avancée de la maladie, constituant alors ce type hybride, que M. Four


nier propose d'appeler tabes cérébro-spinal.
C'est qu'en effet vertiges, ictus, paralysie, troubles psychiques peu
vent s'associer, faisant penser à une affection cérébrale plutôt qu'au ta
bes ; et le diagnostic initial de syphilis du cerveau n'est remplacé que
plus tard par celui de tabes à début cérébral. Ce n'est plus là le
tabes presque exclusivement médullaire de Duchenne; d'ailleurs l'ana
tomie pathologique confirme les indications fournies par la clinique,
en révélant des lésions mixtes de périencéphalite et de sclérose des cor
dons postérieurs de la moelle (observation de la page 138. )
VII . — Des troubles auditifs divers, surdité, bourdonnements , ver
tiges , s'observent dans la période præataxique du tabes ; ils peuvent
en marquer le début et servir de signes révélateurs de la maladie.
La surdité tabétique est remarquable par un certain nombre de carac
tères : 1 ° ses progrès rapides ; 2º sa tendance à la bilatéralité; 3° son
intensité excessive ; 4° son incurabilité habituelle; 5° sa production en
dehors de toutes lésions appréciables pendant la vie . Cliniquement, dit
M. Fournier, cette surdité de tabes est le pendant de l'amaurose tabé
tique qu'elle rappelle à divers titres par ses symptômes, par son évolu
tion et surtout par son incurabilité . Donc il n'est rien que de très légi
time à supposer qu'elle doive dériver de lésions identiques à celles d'où
procede l'amaurose ; auquel cas il existerait une atrophie tabétique du
nerf auditif, tout comme il existe une atrophie tabétique du nerf optique.
Mais ce n'est encore là qu'une hypothèse.
A la surdité peuvent s'ajouter des bourdonnements , des bruits musi
caux incessants, parfois assez intenses pour troubler le sommeil. Enfin ,
mais plus rarement, surdité et bourdonnements sont accompagnés de
vertiges . Cette triade alors constitue la maladie de Menière, mais elle
ne s'observe qu'exceptionnellement dans sa forme parfaite . Le vertige,
quand il existe , est léger et transitoire, sans les caractères propres qui
distinguent le vertige de Menière.
VIII . - Des accidents de parésie ou de paralysie musculaire peuvent
affecter les membres inférieurs au cours de la période præataxique. Ce
fait, sur lequel M. Fournier a appelé déjà l'attention des lecteurs des
Annales, n'a été jusqu'ici que peu remarqué . Sans parler des parésies tran
sitoires, il est des cas ( M. Fournier en possède huit observations) où l'ataxie
a eu pour prélude la paraplégie véritable. Il existe donc un tabes à début
paraplégique d'ailleurs variable dans ses allures. Une paraplégie se mani
feste chez un syphilitique ; elle guérit sous l'influence du traitement pour
récidiver parfois au bout de quelques mois. Ou bien elle disparait com
plètement et les symptômes d'ataxie ne se manifestent qu'ultérieurement,
ou encore elle ne se dissipe qu'incomplètement et l'ataxie évoluant au
62 BIBLIOGRAPHIE .

cours des symptômes paraplégiques, constitue un premier mode de ce


que M. Fournier a appelé l'ataro-paraplégie de la syphilis. Dans un
second mode, plus exceptionnel, les symptômes d'ataxie et de paraplé
gie se manifestent d'une façon à peu près contemporaine.
Que se passe-t- il en pareil cas ? Y a-t-il , comme le pense Gowers,
une myélite primitivement étendue à tout un segment de la moelle, puis
ultérieurement circonscrite au système des cordons postérieurs; ou
comme l'avance Buzzard, une phase initiale de méningo-myélite ? C'est
une question qui ne saurait encore être résolue .
IX . M. Fournier consacre une longue et intéressante leçon aux
troubles gastro - intestinaux , au tabes à début gastrique, au tabes à
début intestinal. Les accidents gastriques ivent être ramenés à
ces quatre variétés : 1 ° vomissements ; 2º douleurs gastralgiques; 3° co
liques gastriques constituant la grande crise gastrique du tabes ; 4° ano
rerie tabétique. Ces diverses formes peuvent d'ailleurs s'associer ou
alterner. Elles sont toutes remarquables par leur absolue résistance
à tous les agents thérapeutiques. C'en est à ce point que cet insuc
cès presque fatal de tous remèdes pourrait, le cas échéant , leur cons
tituer un élément de diagnostic différentiel.
Les troubles intestinaux de la période præataxique ont été moins étu
diés que les troubles gastriques. Ils sont cependant aussi importants et
comme fréquence, et comme valeur séméiologique. M. Fournier les caté
gorise sous les trois chefs suivants : 1 ° ténes me intestinal, c'est-à-dire
fréquence insolite et inexplicable des besoins de défécation ; 2 ° diarrhée
tabétique ( 13 cas), diarrhée simplement caractérisée par la fréquence et
la quantité des gardes- robes, par sa durée et par sa résistance aux mé
dicaments ; 3 ° accidents rectaux de divers ordres : constipation rectale,
incontinence anale, tenesme recto -anal, anesthésie recto -anale.
X. – Depuis que M. Féréol a établi la connexion des troubles laryn
gés avec le tabes , divers observateurs se sont occupés de cette question.
M. Fournier donne à son tour le résultat de son expérience personnelle
et , vu l'importance de ces accidents dans la période præataxique, en
fait une étude complète.
On peut observer, au même titre que les paralysies oculaires, des
paralysies laryngées, celles-ci servant quelquefois d'exorde au tabes.
Dans les cinq cas connus, ces paralysies ont porté sur une seule corde
vocale inférieure . Elles sont remarquables, comme la plupart des para
lysies motrices de la période præataxique, par leur faculté de résolution
spontanée. Dans une seconde catégorie de troubles laryngés, prend place
la toux spasmodique coqueluchoide; puis vient le spasme aphonique,
variété grave, mais heureusement rare , caractérisé par des interruptions
brusques et intermittentes de la voix , avec cornaye inspiratoire et des
BIBLIOGRAPHIE . 63

inspirations saccadées, convulsives et répétées tenant à des convulsions


du diaphragme. Ces symptômes qui relèvent manifestement d'une lésion
du pneumogastrique, comportent un pronostic grave et peuvent entraî
ner la mort dans un accès de suffocation . Enfin , l'expression la plus
terrifiante de la crise laryngée d'origine tabétique, est le spasme d'apnée
sidérante apoplectiforme. La tracheotomie peut alors devenir néces
saire, comme dans le cas bien connu de Krishaber qui réalise ce der
nier type clinique.
XI. – Le tabes à début trophique tient encore une place impor
tante dans l'histoire de la période præataxique. Il s'agit de ces troubles
trophiques autrefois rapportés à des lésions concomitantes des cornes
antérieures et qui, depuis les travaux de Déjerine et Pierret, paraissent
devoir être attribués à des névrites dégénératives des nerfs périphé
riques. M. Fournier décrit successivement les arthropathies , le mal per
forant, la chute des ongles et les dystrophies unguéales ; la chute spon
tanée des dents, enfin , comme accidents rares , le zona et le vitiligo .
En terminant, l'auteur ne fait que mentionner quelques phénomènes
exceptionnels qu'il a observés au début du tabes, notamment l'atrophie
testiculaire et l'accélération du pouls. Ce sont là des faits d'attente,
mais trop incertains pour servir de base à un exposé didactique.
XII . Étant donné un malade atteint de quelqu'une des manifesta
tions qui constituent la période præataxique du tabes, le médecin peut
il trouver dans le signe de Westphal, la confirmation du diagnostic ?
En d'autres termes, le réflexe rotulien est-il supprimé dès la période
praataxique ?
L'étude minutieuse de cette question a conduit M. Fournier aux con
clusions suivantes :
Le réflexe rotulien se trouve affecté au cours de la période præa
taxique, dans la grande majorité des cas , dans les deux tiers des cas
environ . Tantôt l'altération du pouvoir réflexe est complète, dans d'autres
cas, elle n'est qu'incomplète, c'est-à-dire que le réflexe est atone, capri
cieux , ne se produisant qu'à certains intervalles et sous l'influence
d'incitations fortes.
Seconde conclusion très intéressante : L'abolition complète, absolue,
du réflexe rotulien peut se produire à une époque très précoce de la
période præataxique du tabes ; elle peut même être contemporaine des
premiers temps de la maladie. Mais , d'autre part, cette abolition peut
être très tardive , et certains malades traversent toute la période prea
taxique, en conservant l'intégrité physiologique de leurs réflexes ro
tuliens.
Enfin , il est possible que l'on ait à constater, au cours de la période
64 BIBLIOGRAPHIE .

præataxique, une exagération quelquefois très accentuée des réflexes


rotuliens, sans que l'on connaisse la raison de cette anomalie.
Au même titre que le réflexe rotulien , le réflexe pupillaire ( signe
d'Argyll Robertson) est souvent aboli dans la période præataxique. C'est
un signe qu'il ne faudra pas manquer d'utiliser.

Le livre de M. Fournier se termine par une série de notes et pièces


justificatives. La première est une statistique nouvelle sur le degré de
fréquence des antécédents syphilitiques dans l'alaxie locomotrice. Puis
viennent diverses observations de tabes à la période praataxique, cor
respondant aux formes décrites dans l'ouvrage. L'une des plus intéres
sante est celle qui fait l'objet de la note V : tabes à début génital et
cérébral avec suppression des réflexes rotuliens combattu avec succès
par le traitement spécifique.
Nous avons cherché à signaler tous les points intéressants de ces nou
velles leçons. Cette rapide analyse suffira, nous l'espérons, à faire com
prendre toute leur importance. Nous ne saurions trop en conseil
ler la lecture à tous les médecins soucieux de reconnaître dès ses pre
miers débuts une maladie à allures aussi multiples et aussi insidieuses .
Ce sera , d'ailleurs , une tâche aussi utile que facile, toutes les difficul
tés du sujet étant aplanies, grâce à cette exposition claire, vivante
et pleine d'intérêt que les lecteurs des Annales connaissent depuis
longtemps. P. MERKLEN .

LE GERANT : G. MASSON .

Paris , Société d'imprimerie PAUL DUPONT. 41 rue J. - J.-Rousseau (C1.196.1.85 .


N° 2 . 25 Février 1885,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES.

1.

DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE


DANS LE LICHEN PLAN ,
Par le Dr Georges THIBIERGE, ancien interne des hôpitaux .

Les affections chroniques de la muqueuse buccale peuvent reconnaître


des causes très variées . Les unes sont dues à une sorte de traumatisme
local, telles que les plaques dites des fumeurs , ou les plaques opalines
professionnelles des ouvriers verriers. D'autres relèvent évidemment
d'une cause générale encore mal déterminée : tel est le psoriasis buccal
de Bazin , ou mieux la leukoplakie des auteurs contemporains ; telle est
encore la glossite exfoliatrice marginée. Nombre d'elles sont d'origine
syphilitique . Enfin, il est une autre classe de stomatites chroniques
ayant une importance bien plus grande pour les dermatologistes : ce sont
les altérations de la muqueuse buccale en rapport avec les diverses der
matoses dont elles ne constituent en réalité qu'une localisation, accom
pagnant ou même précédant l'affection cutanée et relevant de la même
cause générale qui produit celle-ci . Mais, pour la plupart des derma
toses, il n'a pas encore été possible de faire une description des lésions
de la muqueuse buccale parallèle à celle des lésions cutanées.
Ayant eu récemment l'occasion d'observer des lésions très accusées
de la bouche chez un malade atteint de lichen plan , nous avons, sur le
conseil de notre cher maitre, M. Ernest Besnier, colligé les observations
de ce genre et recherché ces lésions chez d'autres malades atteints de
lichen plan . Nous avons été mis ainsi à même de constater que les lé
sions de la bouche présentent une assez grande fréquence dans le lichen
plan , et qu'elles y offrent des caractères spéciaux méritant une descrip
tion absolument distincte de celle des stomatites chroniques générale
ment connues .

Au reste, ces lésions n'ont pas passé absolument inaperçues et les


ANNALES DE DERMAT. , 2 ° SÉRIE , VI. 5
66 - GEORGES THIBIERGE .

auteurs étrangers en ont publié un certain nombre d'observations dont


nous donnons le résumé .
Erasmus Wilson , dans le court mémoire (1) où il décrit pour la pre
mière fois et avec une remarquable précision la variété de lichen appe
lée avec lui et depuis lui lichen plan , signale la possibilité du dévelop
pement de lésions sur la langue, la mugueuse buccale et la muqueuse
de la gorge . Dans l'observation XXII, la malade, âgée de 56 ans, présen
tait une éruption sur la muqueuse buccale; elle se plaignait d'une sen
sation de rudesse de la langue, sensation qui s'étendait aussi à la gorge ;
la langue et la bouche étaient le siège d'une sensation de brûlure . Chez
une femme de 27 ans, qui fait le sujet de l'observation XLIII , il y avait sur
la langue de petites taches blanches . La malade de l'observation XLVIII ,
âgée de 57 ans, était atteinte de lichen plau depuis 5 mois et depuis
6 semaines il existait sur les deux côtés de la langue de petites taches
blanches, avec sensibilité de cet organe.
Dans son Traité des maladies de la peau, le même auteur (2) cite le
cas d'une dame de 56 ans, atteinte de lichen plan depuis deux mois,
chez laquelle l'éruption se montra sur la langue, la muqueuse buceale
et le bord libre de la lèvre inférieure sous la forme de taches rondes,
blanches, ayant les dimensions normales des papules cutanées, mais sans
saillie ; la malade se plaignait d'une sensation de rugosité de la langue
sans sécheresse ni soif, et la même sensation s'étendait à la gorge, de
sorte, ajoute Wilson, qu'il est probable qu'un état semblable peut exister
dans quelques cas dans le canal alimentaire et être une des causes du
marasme décrit par lebra . (Cette observation est probablement celle déjà
citée dans son mémoire sous le n ° XXII . )
J. Hutchinson ( 3 ), dans une leçon sur le lichen psoriasis, rappelle les
obseryalions de Wilson et rapporte les observations de deux cas dans
lesquels l'éruption cutanée s'accompagnait de lésions de la muqueuse
buccale. Dans une de ces observations, une femme de 34 ans , atteinte
depuis six mois de lichen plan , avait sur la langue des taches fran
chement blanches de la largeur du bout du doigt , légèrement ru
gueuses ; la langue était malade depuis au moins un an . Huit mois
plus tard, la langue était encore sensible, mais à un moindre degré,
Dans une autre observation, un homme de 44 ans avait sur la langue
des taches blanches, légèrement saillantes, unies, d'une teinte terne
franchement blanche, quelques -unes très petites, formant de simples
( 1 ) E. Wilson , On leichen planus (Journal of cutaneous medicine and diseases
of the skin , vol . III , 11° 10, juillet 1869, p . 120, 125 , 129 el 131 ) .
( 2. E. Wilson, On diseases of the skin . & system of cutaneous medicine. Sixth
cdition . Londres, 1876 , p . 192 .
( 3) Jonathan Hutchinson, Lectures on clinical surgery. Londres, 1879 , t . I,
p . 211, 222 , 224 , 225 .
DES LESIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE DANS LE LICHEN PLAN . 67

points , d'autres plus larges et de formie irrégulière, plus nombreuses


sur le côté droit que sur le côté gauche. Sous la langue, sur les
parties latérales, il y avait une apparence semblable, mais les papales
blanches se présentaient dans cette région sous la forme de raies sur
montant les plis de la membrane muqueuse. Sur la face interne des
joues , il y avait de très nombreuses petites taches blanches, probable
ment glandulaires ; elles n'étaient pas douloureuses et la malade ne con
paissait pas leur existence . Quatre mois plus tard , l'éruption cutanée
persistait, mais les lésions de la langue avaient presque disparu. Hut
chinson cite également le cas d'une femme de 81 ans, atteinte de lichen
depuis environ 15 mois , dont la langue était souvent douloureuse et
présentait de profondes crevasses entre les papilles ; mais ce fait est
donné sans détails et ne paraît pas se rapporter à une affection buccale
en relation avec le lichen .
• En 1882 , Crocker ( 1 ) présente à la Société Médicale de Londres un
malade de 59 ans atteint de lichen plan avec éruption sur la peau et sur
le gland et sur la langue duquel il y avait, de chaque côté, des plaques
blanches symétriques ; la muqueuse buccale présentait des raies éten
dues depuis les parties adjacentes aux dernières dents molairesjusqu'aux
lèvres. Il signale la possibilité du développement de semblables lésions
antérieurement à l'apparition de l'éruption cutanée et note la symétrie
des plaques linguales ainsi que la disposition des raies blanches qui se
divisent comme les fougères. Plusieurs membres de la Société avaient
vu des lésions semblables de la muqueuse buccale admettent leur re
lation avec le lichen plan ; cependant Mason élève des doutes sur ce
dernier point .
Quelques mois plus tard, Crocker (2) revient sur ce sujet et rapporte
les deux observations suivantes. Un étudiant en médecine âgé de 20 ans,
non syphilitique, remarque dans sa bouche en juillet 1881 des taches
blanches qu'il examine avec une attention particulière . Un mois après,
le lichen plan se montre sur la peau . Crocker constate alors sur les
joues , depuis le niveau de la dernière molaire jusqu'auprès de la com
missure labiale, des lignes blanches tranchant sur la muqueuse , mon
trant une préférence pour le sommet de quelques-uns de ses plis. De
chaque côté de la langue, il y avait une plaque symétrique formant une
raie ; la surface inférieure de la langue présentait des lignes blanches ;
de plus, il y avait de place en place des plaques blanches qui comme les
lignes étaient plus marquées vis-à-vis des dents. Dans un autre cas , un

(1) RADCLIFFE CROCKER, Medical Society of London, 27 mars 1882 . -


The Lancet,
8 avril 1882 .
(2) RADCLIFFE CROCKER , On affections of the mucous membranes in lichen ruber
vel planus (Jonatshefte für praktische Dermatologie, p. 161, août 1882.)
68 GEORGES THIBIERGE .

homme de 45 ans avait sur le dos de la langue, de chaque côté du raphé,


une tache blanche unie, non saillante, ayant l'aspect d' « une tache d'étoffe
blanche appliquée sur la muqueuse avec une petite brosse » . La partie
antérieure se prolongeait en pointe ; en outre, il y avait une tache isolée,
légèrement saillante, convexe, d'environ deux millimètres de diamètre
sur le côté droit du raphé.
Crocker a vu ces lésions dans plusieurs cas; la langue lui parait être
moins souvent atteinte que le reste de la muqueuse. buccale où on con
state de petites taches ou, plus rarement, des raies blanches. Cet état
est, pour lui , si caractéristique, qu'il diagnostiqua le lichen plan chez
une femme de 67 ans, atteinte de lésions de la face interne des joues et
des parties latérales de la langue, en se basant sur leur existence et sur
celle de prurit des cuisses, alors qu'il n'y avait encore aucune trace
d'éruption cutanée . Il signale aussi l'absence habituelle de symptômes
fonctionnels en rapport avec ces altérations de la muqueuse. Les pro
duits de raclage ne renferment ni micrococcus ni organismes semblables .
Pospelow ( 1 ) présente en 1881 à la Société médicale de Moscou l'ob
servation d'un étudiant de 23 ans atteint de lichen plan et sur la langue
duquel on trouvait des papules tout à fait plates, sans atrophie du centre ;
sur la voûte palatine, dans le voisinage du bord alvéolaire des incisives,
il y avait des saillies consistantes, de coloration blanchâtre; le nodule le
plus ancien était un peu plus gros qu’un grain de millet, atrophié au
centre et avait l'aspect d'un petit anneau de couleur nacrée. Le malade
avait constaté très nettement avec la langue la présence et les caractères
de cette lésion ; l'éruption cutanée avait apparu au mois d'avril et les
lésions buccales s'étaient manifestées seulement au mois de décembre
suivant.
Quelques jours plus tard, Neumann (2) présentait à la Société des
médecins de Vienne un malade présentant les lésions cutanées du lichen
plan ; sur la muqueuse de la lèvre inférieure, de la langue et des deux
joues, on voyait, notamment à la lèvre inférieure, plusieurs papules apla
fies et de la grosseur d'une lentille ; sur la langue et sur la muqueuse
des joues, la lésion avait tout à fait l'aspect d'un psoriasis de la mu
queuse. Le malade n'était pas syphilitique; il fut soumis au traitement
arsenical et l'affection de la muqueuse disparut.
Unna (3) qui rapporte ces deux derniers cas, ne croit pas les faits de
(1) Pospelow , Ein Fall einer seltenen Hautkrankeit (Lichen ruber planus) vorge
tragen in der Sitzung der physikalisch -medizinischen Gesellschaft an der kaiser
lichen Universität zu Moskau am 20 april (2 mai) 1881 (St-Peterburger medizinis
che Wochenschrift, 1881 , 11 ° 44 , 31 octobre ( 12 novembre).
(2) Anzeiger der k. k. Gesellschaft der Erzle in Wien, 1881 , nº 26. ( Citation
empruntec à Unna. Nous n'avons pu consulter l'original de cette observation .)
(3) Uxna, Veber die Mundaffektion bei Lichen ruber (Monatshefte für praktische
Dermatologie, p . 237 , novembre 1882) .
DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE DANS LE LICHEN PLAN . 69

ce genre exceptionnels et pense qu'on en retrouverait d'autres dans la


littérature médicale allemande : nous avons fait dans ce sens quelques
recherches qui sont restées infructueuses.
Tel est le bilan des observations publiées jusqu'à ce jour que nous
avons pu nous procurer. Les travaux parus en France sur le lichen plan
ne renferment aucune observation de lichen des muqueuses et leurs au
teurs signalent seulement les faits observés à l'étranger. Dans sa thèse
récente, notre collègue Lavergne (1 ) indique seulement la possibilité du
développement du lichen plan sur les muqueuses sans en faire la descrip
tion . C'est en raison même de cette pénurie de documents que nous
avons cru devoir résumer les observations publiées antérieurement (2) .
No're savant maitre, M. Ernest Besnier, dont l'attention est appelée
depuis plusieurs années sur les stomatites épithéliales chroniques , a
observé plusieurs cas de lésions buccales dans le lichen plan et nous a
cité le fait d'une de ses clientes qui, guérie des manifestations cutanées
du lichen , est venue le consulter pour une lésion de la langue analogue
à celles que nous décrivons ici .
Notre maitre et ami, le Dr Balzer, nous a dit avoir observé de sem
blables lésions chez un homme atteint de lichen plan : elles occupaient
le bord libre de la lèvre inférieure et aussi , mais à un moindre degré, la
muqueuse des joues .
Voici maintenant l'observation qui a été le point de départ de nos re
cherches : les lésions y sont étendues à une grande partie de la mu
queuse buccale et présentent leur intensité la plus considérable ; ce fait
est surtout intéressant parce qu'une stomatite de forme spéciale a pré
cédé de longue date l'éruption cutanée du lichen .
OBSERVATION I. — M. X ... , externe des hópitaux, agé de 26 ans , re
marque, au mois de janvier 1884 , à la face interne de la joue gauche, une
plaque blanche, uniforme, offrant l'aspect d'une muqueuse cautérisée au
nitrale d'argent, mais accompagnée d'un notable épaississement de la mu
queuse. Cette plaque occupe la partie la plus reculée de la joue , au voisi
nage du pli de la gencive inférieure ; peu à peu , elle s'étend en arrière vers
l'isthme du gosier, inais surtout en avant, en suivant une ligne horizontale
qui se porte vers la commissure labiale . Au mois de mai , celle plaque a
atteint le voisinage de la commissure labiale ; M. X .. , nous montre alors
celle plaque qui présente absolument les caractères d'une plaque de leuko

(1 ) LAVERGNE, Contribution à l'élude du lichen planus ( Thèse de doctorat, Paris,


1883, p . 22) .
(2) M. SAISON (Diagnostic des manifestations de syphilis sur la langue, Thèse
de Paris , 1871 , p . 45), décrit bien le lichen de la langue, mais sans en donner
d'observations et les csractères qu'il lui assigne paraissent se rapporter à une va
riété grave de leukoplakio buccale ayant quelque analogio avec les placards du
lichen agrius (prurigo de Hebra ); l'auteur ne dit pas s'il a vu cet état de la langue
coïncider avec une éruption de lichen sur la peau .
70 GEORGES THIBIERGE .

plakie de la joue ; cependant, elle nous surprend par sa position à la partie


posterieure de la jone, par l'intégrité des parties voisines de la commissure
labiale, fait qui contraste avec l'évolution habituelle des plaques des fumeurs;
un autre caractère anormal est l'unilatéralité de la lésion , le côté droit ne
présentant aucune trace de semblable altération. Malgré cette anomalie, il
ne nous semble pas possible de porter un autre diagnostic que celui de leu
koplakie de la joue, provoquée par l'abus du tabac ; du reste , M. X ... vient
au -devant de ce diagnostic en nous déclarant que , depuis quelques mois, il
fume beaucoup, qu'il a pris l'habitude de la pipe dont il n'usait pas aupara
vant. Nous engageons le malade à s'ab - tenir complètement de fumer .
Quelques jours plus tard , M. X ... éprouve au niveau des malléoles et à
la partie postérieure des avant-bras un prurit assez intense , surtout marqué
le soir, et voit apparaitre de petites papules dans ces régions; mais le
prurit qui avait précédé ces premières lésions cutanées diminue notablement,
le malade cesse d'y préter attention et ne cherche point à rattacher l'affec
tion de la peau à celle de la muqueuse buccale.
Pendant les mois qui suivent, les lésions de la bouche se modifient peu à
peu; la langue commence ii offrir, au mois d'octobre, des altérations qui
étonnent d'autant plus le malade qu'il a cessé de fumer. L'éruption cutanée
s'est étendue progressivement à presque toute la surface du corps ; le prurit
est parfois assez intense pour déterminer de l'insomnie, mais le malade,
éloigné de Paris depuis plusieurs mois, ne suit aucun traitement, ni pour
les lésions buccules ni pour l'affection cutanée .
Le 8 novembre , M. X ... est vu par M. Ernest Besnier et par nous. L'af
fection cutanée occupe maintenant les avant-bras, les malleoles et la partie
inférieure des jambes, le cou el la paroi abdominale antérieure : elle est
constituée par des papales à sommet plan, brillantes, par places réunies sous
forme de plaques ; le diagnostic ne peut ètre douteux : il s'agit d'un cas de
lichen plan , absolument caractéristique.
Quant à la muqueuse buccale, ses altérations sont très différentes de celles
que nous avions constatées au mois de mai.
Sur la face interne de la joue gauche, les lésions forment une plaque non
continue, parlant de l'espace intermaxillaire et se prolongeant jusqu'à la
commissure labiale; cette plaque, de contours irréguliers, et formée par la
réunion de plusieurs petites plaques arrondies, présente à sa surface de petites
saillies d'un blanc d'argent, à sommet acuminé et non pas plan comme les
papules cutanées, de forme généralement arrondie, mais quelques-unes irré
gulières et comme étoilées ; elles ont la largeur d'une petite tête d'épingle.
Entre les papules, la muqueuse a un aspect légèrement érosif et présente
quelques dépressions superficielles qui semblent n'ètre que l'exagération de
ses plis normaux ; cet état, cependant, ne s'observe qu'à la partie postérieure
de la plaque et , au voisinage de la commissure labiale, la muqueuse a con
servé son apparence normale dans l'intervalle des papules. Celles-ci sont
disposées irrégulièrement à la surface des plaques, sur toute leur élendue ;
cependant, sur les parties les plus récentes, leur disposition rappelle la forme
des feuilles de fougère. Au toucher, la plaque est rude, rugueuse, et on
constaie un épaississement assez notable de la muqueuse à son niveau.
La grande plaque se prolonge sur la face externe et le bord libre de la
gencive inférieure, au niveau des deux dernières molaires qui ont été enie
vées, et présente à ce niveau l'aspect des parties récentes, voisines de la
commissure labiale .
DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE DANS LE LICHEN PLAN . 71

- Sur la muqueuse de la face interne de la joue droite , on ne voit que quel


ques petites papules disséminées ou groupées par petites plaques de la lar
geur d'une lentille, à la partie moyenne de la joue ; l'une d'elles correspond
à la dernière grosse molaire qui est cariée; les papules sont moins larges,
moins saillantes et moins rudes que sur la joue gauche .
Sur la voûte palatine , il n'y a que quelques papules très petites, acumi
nées, d'un blanc éclatant, auprès de l'avant- dernière molaire gauche.
La partie latérale gauche de la langue présente une ligne légèrement
sinueuse, d'un blanc légèrement grisâtre, allongée dans le sens antéro -pos
téro-postérieur sur une longueur de 4 à 5 centimètres et une largeur de 3 à
4 milliméires ; cette trainée blanche qui tranche très nettement par sa colo
ration sur les parties voisines de la langue, n'offre aucune saillie ; sa surface
est plane ; à son niveau les papilles semblent effilées et amincies; au toucher
elle est légèrement rugueuse , mais beaucoup moins que les plaques des
joues. Cne tache blanche, arrondie, de même largeur, est située un peu en
dehors de sa partie antérieure.
Sur la face inférieure de la langue, à droite, se trouve une petite plaque,
de la dimension d'une petite amande, de coloration blanche et légèrement
saillante ; sa surface est uniforme et lisse, et on a beaucoup de peine à dis
tinguer les papules qui la constituent; la muqueuse n'offre à son niveau
qu'un très faible épaississement.
Le malade n'éprouve au niveau des lésions des joues et de la langue au
cune sensation douloureusc ; les aliments, quels qu'ils soient, n'y produisent
pas de cuisson et le seul phénomène que le malade perçoive est une sen
sation de rudesse de la muqueuse lorsqu'il promène la pointe de la langue
sur la joue, c'est- à -dire une sensation purement tactile .
M. X ... n'a jamais eu d'accidents syphilitiques ni de maladies de la mu
queuse buccale ; mais les dents sont mauvaises, et plusieurs d'entre elles ont
dů étre enlevées par suite de leur carie ; actuellement encore il y a deux
dents cariées qui deviennent souvent l'occasion de complications inflamma
toires.
M. Besnier prescrit au malade un traitement arsenical (six gouttes de
liqueur de Fowler chaque jour, dose qui sera portée progressivement à
vingt goulles par jour, à moins qu'il ne survienne des phénomènes d'intolé
rance ).
Au bout d'une quinzaine de jours, le prurit cutané a très notablement,
diminué ; il ne se produit plus de nouveaux éléments .
Les lésions buccales , d'abord stationnaires, subissent ensuite une légère
amélioration .
Le 6 décembre, après un mois de traitement arsenical , nous constatons
que sur la langue les plaques sont moins nettement limitées : leur contour
est un peu diffus ; les papilles reprennent sur les bords une apparence nor
male . Les plaques de la partie postérieure de la joue ont perdu leur aspect
érosif; les papules y sont moins nelles; à la partie antérieure, les papules
sont un peu plus étalées, à sommet moins acumine; leur coloration est devenue
un peu grisâtre et ressemble davantage à celle d'une muqueuse cautérisée au
nitrale d'argent. Il ne s'est pas développé de nouvelles lésions de la mu
queuse buccale. Le malade n'a suivi d'autre traitement que le traitement
arsenical, il n'a fait usage d'aucun topique contre la lésion buccale et a
même , malgré nos conseils, repris peu àà peu l'usage de la cigarette.
72 GEORGES THIBIRRGE .

Nous devons à la bienveillance de M. le professeur Fournier de pou


voir publier l'observation suivante, qui nous a été signalée par notre
ami Dubreuilh , interne de son service. Bien qu'il s'agisse dans ce cas
d'un malade syphilitique par hérédité, les lésions de la bouche pré
sentent de telles analogies avec celles du cas précédent que nous
croyons devoir sans hésitation les rapporter à la même cause .
OBSERVATION II . D ... , couvreur, âgé de 25 ans, entre le 29 no
vembre 1884 à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. le professeur
Fournier.
Cet homme a eu dans son enfance des accidents de syphilis héréditaire, et
on peut encore voir sur son pharynx des cicatrices dues à cette cause .
Actueilement, il est atteint de lichen plan ; l'éruption a débuté il y a en
viron deux mois sur les jambes, puis a atteint les avant-bras et l'abdomen .
Sur les membres et principalement sur les jambes, elle forme des plaques
épaisses et larges, recouvertes de squames résistantes ; sur la paroi abdo
minale antérieure, il n'y a qu'un petit nombre d'éléments éruptifs.
A peu près à l'époque où débutaient les lésions cutanées, le malade s'est
aperçu en promenant la langue dans cavité buccale que la muqueuse pré
sentait en certains points une rudesse anormale; néanmoins, il n'éprouvait
aucune sensation subjective correspondant à celte sorte d'impression tactile
el n'a pas cherché à se rendre compte de la cause de celle-ci . Il n'attire du
reste pas l'attention sur l'état de sa muqueuse buccale, et notre ami Dubreuilh
ne le constate qu'en procédant à l'examen complet du malade .
Les lésions buccales occupent la lèvre inférieure, la face interne des joues
et les gencives.
La lèvre inférieure, un peu épaissie et ayant l'aspect que l'on voit chez
les strumeux, présente à son bord libre, dans toute sa partie moyenne, de
petites saillies d'un blanc éclatant, છેà sommet un peu pointu , disposées suivant
une ligne arrondie et irrégulière et délimitant une plaque irrégulière : au
niveau de la partie centrale de cette plaque, on remarque quelques papules
blanches disséminées et l'épithélium semble généralement aminci; au mo
ment de l'entrée du malade, cette plaque était recouverte de squames blan
ches, assez épaisses et peu adhérentes.
Sur la face interne de la joue droite, la muqueuse présente des plaques
irrégulières, larges comme l'ongle de l'index, siégeant au voisinage des
culs - de -sac gingivaux supérieur et inférieur et au niveau de l'espace inter
maxillaire, formant par leur ensemble une sorte de fer à cheval irrégulier.
Ces plaques sont légèrement déprimées par rapport aux parties saines de la
muqueuse, les sillons normaux de la muqueuse sont exagérés , et les plaques
sont parcourues par de légères saillies linéaires, de coloration blanche, irré
gulièrement entrecroisées; à la péripherie des plaques, on voit de petites sail
lies acuminées, d'un blanc brillant, larges comme une pointe d'épingle. Ces
plaques s'étendent sur la face externe de la gencive inférieure, au niveau
des deux dernières molaires, en conservant les mêmes caractères.
A la partie antérieure de la face interne de la joue, sur le mème plan
horizontal que la commissure labiale , se trouvent deux plaques irrégulières,
d'inégale élendue, plus déprimées, froncées, avec papules blanches périphé
riques plus développées ; au premier abord, ces plaques présentent une appa
rence cicatriciclle ..
DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE DANS LE LICHEN PLAN. 73

Sur la partie moyenne de la joue, on voit une dizaine de petites saillies


blanches, punctiformes, acuminées et très disséminées.
Sur la muqueuse de la joue gauche, les lésions présentent la mêine dispo
sition générale qu'à droite, mais sont un peu moins étendues et n'offrent
pulle part l'apparence cicatricielle .
La muqueuse de la face dorsale de la langue ne présente pas de plaques
blanches ; sur la partie latérale droite de la face inférieure de la langue, on
trouve une saillie blanche linéaire , très étroite .
Le malade fume chaque jour environ 10 grammes de tabac en cigarettes,
et cela depuis plusieurs années.

Dans l'observation suivante , recueillie à la policlinique de M. Ernest


Besnier, les lésions buccales sont beaucoup moins développées que dans
les précédentes. Nous la rapportons cependant comme un nouvel
exemple de ces lésions et comme type de leur forme légère

OBSERVATION III . - Mm. S ... , couturière, âgée de 35 ans, se présente le


17 novembre 1884 à la consultation de M. Ern . Besnier , à l'hôpital Saint
Louis. Depuis environ deux mois, elle a remarqué sur le cou , puis sur les
avant-bras, les jambes et la paroi abdominale antérieure, de petits boutons

qui sont la cause d'un prurit assez intense . On constate sur ces diverses ré
gions une éruption Type de lichen plan, d'abondance modérée, constituée
par des papules et des plaques peu étendues ; l'éruption est surtout déve
loppée sur la face antérieure des avant-bras et sur l'abdomen .
En examinant la langue de la malade, on remarque sur la partie moyenne
de celle-ci trois taches blanches, larges comme la moitié d'une lentille ; ces
taches sont arrondies, mais leur contour n'est pas régulier et leurs bords
sont un peu diffus; leur coloration est d'un blanc légèrement grisåtre, lai
teux , mais tranche sur celle des parties normales de la muqueuse ; elles n'of
frent aucune saillie et , à leur niveau , les papilles semblent rétrécies et
effilées.
Sur la muqueuse de la face interne des joues , on remarque, au niveau de
la deuxième grosse molaire, une petite tache large comme l'extrémité du
petit doigt, d'un blanc éclatant, de forme un peu irrégulière , constituée par
de petites saillies papuleuses, acuminées, ayant environ les dimensions d'une
petite tête d'épingle ; sur la partie moyenne de l'espace intermaxillaire, dans
le point qui correspond à la couronne des molaires dans l'occlusion de la
bouche, on voit une ligne horizontale, irrégulière, de coloration blanche,
semblable à celle que produirait un allouchement de nitrate d'argent. Ces
lésions existent des deux côtés et sont à peu près symétriques.
La malade s'est aperçue, il y a environ huit jours, des taches qui existent
sur la langue ; elle les a constatées par hasard et n'éprouve , soit au niveau
de la langue, soit à la face interne des joues, aucune sensation anormale ni
aucune gène douloureuse .
Elle n'avait jamais auparavant eu de maladies de la bouche ; elle mange
ordinairement une nourriture assez fortement épicée.
Pas de trace de syphilis .
La malade est soumise au traitement arsenical (6 gouttes de liqueur de
Fowler par jour ).
Le 25 novembre, nous voyons de nouveau la malade. Le prurit cutané a
GEORGES THIBIERGE , ,

notablement diminué; les lésions cutanées sont à peu près stationnaires.


Les lésions de la muqueuse buccale n'ont subi aucune modification .
Le 9 décembre, amélioration considérable des lésions cutanées ; les taches
de la langue sont à peine visibles .

* Les faits qui précèdent montrent que l'on peut observer en même
temps que l'éruption cutanée du lichen plan des lésions buccales plus
ou moins étendues et offrant quelques caractères spéciaux.
Ces lésions peuvent précéder l'affection cutanée pendant un temps
plus ou moins long, ou bien être constatées en même temps que celles
ci ou encore survivre à l'éruption cutanée et être remarquées par le malade
après la disparition du prurit et des papules de la peau ; mais leur
époque d'apparition est rarement déterminée d'une façon exacte , parce
qu'elles ne donnent ordinairement pas lieu à des troubles fonctionnels
marqués.
Les malades, en effet , ne ressentent ordinairement qu'une rudesse de
la muqueuse, mais pas de douleurs, pas de cuissons provoquées par les
aliments et ils ne s'aperçoivent des lésions buccales que par hasard .
Dans la première de nos observations, les lésions paraissent avoir été
constituées au début par une plaque de stomatite épithéliale chronique ;
mais nous devons avouer que l'examen du malade a peut-être été in
suffisant à ce moment : il est fort possible que déjà à cette époque, les
lésions aient eu quelques caractères spéciaux susceptibles de mettre sur
la voie du diagnostic un observateur prévenu ; en tout cas leur siège
spécial permet de croire qu'il ne s'agissait pas là seulement d'une pla
que de stomatite vulgaire sur laquelle se seraient développées ultérieu
rement des éléments particuliers, mais bien de la manifestation première
du lichen plan sur la muqueuse buccale.
Dans la plupart des cas , les lésions occupent la langue et la muqueuse
des joues et affectent dans ces deux régions des caractères distincts.
Sur la langue, ce sont des taches blanches tranchant par leur colora
tion sur celle des parties voisines, de forme arrondie ou légèrement
irrégulière ,' sans aucune saillie : les papilles semblent diminuées
d'épaisseur et deviennent plus rudes ; ces taches sont isolées ou réunies
et dans ce cas le plus souvent sous forme de lignes parallèles aux bords
de la langue.
Sur la muqueuse des joues , on voit des papules de petites dimensions,
acuminées, arrondies ou étoilées , d'un blanc pur et souvent brillant :
ces papules sont isolées ou réunies sous forme de plaques plus ou moins
larges à la surface desquelles elles formerit des saillies isolées ou des
lignes blanches diversement disposées. Au niveau de ces plaques, dans
l'intervalle des papules, la muqueuse est souvent altérée, présente des
érosions superficielles ou même elle est déprimée et offre une apparence
DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE DANS LE LICHEN PLAN . 75

cicatricielle. Ces plaques sont disséminées sur toute la surface de la


joue, mais lorsqu'elles ont une certaine étendue , elles occupent de pré
férence la partie la plus reculée de la joue, au voisinage des dernières
molaires : c'est en ce point qu'elles paraissent plus anciennes et de là
elles s'étendent en avant vers la commissure labiale et se prolongent en
dedans sur la face externe des gencives.
Sur les autres parties de la muqueuse buccale, les papules acuminées
sont orlinairement isolées et en petit nombre . Cependant elles peuvent
encore former des plaques assez étendues sur la face inférieure de la langue
et sur la muqueuse des lèvres, principalement sur le bord libre de la lèvre
inférieure .
. L'apparition de ces lésions sur la muqueuse buccale est souvent favc-
risée par des causes locales : abus du tabac , des aliments épicés, mau
vais état des dents. Elles se rencontrent aussi bien chez les fenimes que
chez les hommes. Leur fréquence est assez grande; sur quatre malades
atteints de lichen plan observés par nous dans ces derniers temps, trois
en étaient porteurs.
Ces lésions persistent un temps plus ou moins long ; mais sur les
malades suivis assez longtemps, on a toujours constaté leur tendance +

vers l'amélioration ou même leur guérison complète .


Nous n'insisterons pas sur le diagnostic de ces lésions, qui ne nous
parait présenter aucune difficulté : les plaques de la langue ne ressem
blent en rien ni aux plaques opalines de la syphilis , ni aux contours ·
circinés de la glossite exfoliatrice inarginée, encore moins peut-être aux
lésions de la leukoplakie. Quant aux 'lésions de la muqueuse de la
face interne des joues, la présence des saillies papuleuses blanches
les distingue des diverses formes connues de stomatite épithéliale et leur
localisation à la partie postérieure n'est pas non plus le fait ordinaire
dans ces dernières ; l'apparence cicatricielle que les lésions buccales
du lichen plan revêtent dans quelques cas pourrait cependant induire
en erreur si on ne constatait nettement les papules blanches occupant
la partie centrale ou la périphérie des plaques.
Le lichen ruber de Hebra peut, s'il faut en croire une observation de
Unna (1 ) , s'accompagner aussi de lésions buccales ; mais, dans ce fait
unique et bien anormal, la langue présentait des érosions multiples ab
solument différentes des plaques observées dans le lichen plan .
Dans la dermatite exfoliatrice généralisée, notre ami Brocq (2) signale
la présence de plaques blanches irrégulières, mais le plus ordinairement
ce sont des fissures douloureuses ou des productions pseudo -membra
neuses que l'on observe dans cette maladie.
(1) USA, Loc . cit .
(2) L. BROCQ, Étude sur la dermatite ( Thèse de doctorat, Paris 1882, p. 123) .
76 GEORGES THIBIERGB .

Dans aucune autre affection que le lichen plan, nous n'avons vu si


gnaler des lésions de la muqueuse buccale semblables à celles que nous
venons de décrire . La seule observation de Crocker où les lésions buc
cales ne s'accompagnaient pas d'éruption cutanée se rapporte à une
malade atteinte depuis quelques jours de prurit cutané et , comme la
malade n'a pas été revue ultérieurement, il est fort possible que l'affec
tion buccale n'ait été que la première manifestation du lichen . D'autre
part, ces lésions ont été vues assez souvent et toujours avec des ca
ractères identiques — par divers observateurs pour qu'on ne puisse ad
mettre une simple coïncidence d'une lésion banale de la inuqueuse avec
une éruption de lichen plan . Aussi nous croyons - nous autorisé à les
regarder comme liées au lichen plan , dont elles sont la manifestation
sur la muqueuse buccale.
Il est vrai qu'elles s'y présentent avec des caractères différents de
ceux observés sur la peau , que les papules sont ordinairement acumi
nées au lieu d'être plates ou même déprimées au centre, que les sensa
tions analogues au prurit cutané font défaut; mais il faut bien observer
que la muqueuse buccale présente une structure différente de celle de la
peau . Evoluant sur des terrains différents histologiquement, les éléments
d'une même affection du système ectodermique doivent présenter des diffé
rences en rapport avec celles présentées par la membrane qui les sup
porte. L'absence d'examen histologique des éléments buccaux du lichen
plan ne nous permet pas de discuter cette question . D'ailleurs si ces élé
ments présentent un aspect extérieur un peu différent des éléments cu
tanés, ce sont, comme ceux-ci , des éléments papuleux, isolés ou formant
des plaques d'étendue variable .
II

CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU ,


Par Alexis POSPELOW ,
Docteur en médecine, médecin en chef de l'hôpital de la Measnitzkaïa (Moscou).

Prenant en considération le vif intérêt qu'a excité récemment la


question de l'influence du système nerveux sur la production de cer
taines affections cutanées, je crois utile de publier un cas remarquable
d'une dystrophie de la peau , que j'ai eu l'occasion d'examiner .
Le cas en question présente une forme typique d'un trouble trophique
cutané et des ongles et prouve , d'une façon évidente, que les affections
cutanées sont sous la dépendance du système nerveux .
Au mois de mai 1882, entre à mon hôpital de la Measnitzkaïa (Moscou) ,
une malade que j'avais déjà traitée auparavant. C'est une femme non
mariée , âgée de 63 ans , assez robuste pour son âge , d'un teint pâle,
accusant une vive douleur dans le bras gauche, mais principalement dans
la main , qu'elle tient ordinairement posée sur un coussin moelleux et
recouverte d'un fichu . En découvrant la main on constate qu'elle est
passablement gonflée, et que principalement les doigts 2, 3 , 4, 5, au
niveau de leurs troisièmes phalanges, paraissent grossis et remplis d'un
liquide. Vers le bout des doigts le gonflement diminue visiblement; de
sorte que les doigts 2, 3, 4, 5, rappellent un fuseau, tandis que le pouce
présente la forme d'un petit cylindre ; il est couvert d'une croûte brun
foncé et inégale. Sous la pression du doigt il se forme un creux peu
prononcé, lequel s'égalise au bout de quelque temps, laissant à sa suite
une rougeur assez notable ; vers le bout des doigts la sensibilité est plus
vive. Sur les parties gonflées des doigts, la peau paraît tendue, épaissie ;
à la surface dorsale de la main , elle est, au contraire, mince , flétrie et
se plisse facilement.
Sur toute la face palmaire de la main gauche la peau est luisante,
d'un jaune pâle (glossyskin ), tandis que sur la troisième phalange des
doigts 2, 3, 4, 5, sur lesquels se constate le gonflement, elle prend la
>

couleur de la cire demi-transparente et la couleur jaune est plus accen


tuée. La peau de la face palmaire de la main et des doigts offre un
contraste frappant, par sa couleur et par sa consistance, avec celle de la
78 ALEXIS POSPELOW .

main droite, sur laquelle la peau est normale, quoique flétrie par l'âge.
Les vaisseaux sanguins ( les veines et les artères) sont dilatés et présen
tent des lignes bleu foncé et rouge carmin à la face dorsale des doigts
2, 3 , 4 , ainsi qu'à la face dorsale du pouce.
La main relevée après une immobilité prolongée permet de voir les
capillaires de la peau élargis, visibles à l'ail nu ; ils deviennent de nou
veau invisibles au bout de quelque temps. A la face palmaire du
pouce ,, à 1/4 de centimètre au - dessus du pli de l'ongle existe une croûte
gris brunâtre, inégale, fendillée par places et sèche, laquelle s'arrête
nettement à 2/3 de centimètres de l'articulation de la deuxième pha
lange avec le premier os métacarpien . En examinant une croûte ré
cemment tombée de la face palmaire du pouce, de 1 centimètre de long
sur 3/4 de large et 3 millimètres d'épaisseur, j'ai pu constater qu'elle
était absolument semblable à la croûte restée sur le doigt. L'épiderme
de la surface du premier doigt, duquel la croûte s'est détachée, pré
sente une surface inégale et raboteuse par places ; en plongeant la main
gauche dans l'eau tiède, ces aspérités épidermiques enflent rapidement et
prennent la forme de petites colonnes, lesquelles, sans doute, ont servi au
paravant de substance de rattacheinent immédiat entre la croûte et la
peau malade.
Le même aspect se retrouve, mais moins accentué sur la première
phalange des doigts 2 , 3 , 4 où l'épiderme se présente sous la forme de
7

lignes brun foncé transversales, légèrement saillantes, sèches et séparées


par une peau à l'apparence saine. Les lignes mentionnées se rétrécissent
en s'étendant et se perdent insensiblement sur une peau normale. On
note que le degré de la lésion cutanée des doigts correspond au degré
de la sensation douloureuse causée par leur extension . A la surface dor
sale de la main se trouvent des plaques épidermiques au nombre de ö ,
ol'un jaune brun et du volume d'une petite lentille, séparées les unes
des autres .
A la surface palmaire de la main les pores des glandes sudoripares,
lesquels se trouvent sur les lignes de la peau , se présentent sous forme de
petits points grisâtres légèrement saillants ressemblant à des piqûres
d'aiguille. Ces orifices, examinés à la loupe, semblent bouchés par des
amas épidermiques. Au dire de la malade, il n'y aurait eu, depuis le dé
but de la maladie, aucune apparition de sueur sur la face palmaire de
la main gauche, même quand elle élait posée sur le coussin moelleux et
chaudement recouverte. A la face palmaire de la main droite, il apparait
parfois de la sueur, mais elle s'y montre aussi en diminuant.
Les ongles de la main gauche offrent un aspect frappant et carac
téristique tant par leur forme que par leur croissance. Dès l'abord , ils
s'appellent les ongles atteints de mycose. Celui du pouce est brun foncé,
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 79

rude , épais et formé de plusieurs couches. Le derme sus-ungéal est


effacé à ce point que la couche épidermique épaissie de la première
phalange passe tout droit sur l'ongle. Le même fait se constate sur les
doigts 2, 3, 4, 5. L'ongle du pouce est formé de 6 couches concentri
>

ques, passablement fragiles, d'un jaune naeré ; cette couleur, leur donne
- une certaine ressemblance avec de la vieille cire de bougie. La coniche
externe la plus voisine du pli de l'ongle s'est détachée ; elle ressemble à
-un tin copeau de corne . Les ongles des autres doigts out les mêmes ca
racteres. Leur forme varie notablement selon l'intensité des douleurs ;
la lésion va en diminuant du premier au cinquième doigt; la malade
éprouve, par conséquent, les plus fortes douleurs dans les doigts 1 , 2,
et les modifications des ongles de ces bigts sont naturellement plus
frappantes. Les autres modifications de la main atteinte sont sujeites aux
mêmes variations . 3
Parfois après des accès de douleurs plus violentes qu'à l'ordinaire, des
morceaux considérables d'ongles tombent; puis ils se reforment pour
subir à nouveau les mêmes modifications. 1
Ni la peau de la face palmaire, ni celle de la face dorsale de la main
droite ne présentent de lésion : nous y notons simplement les modifica
tions naturelles et ordinaires à l'âge de la patiente, et ces dernières sont
même peu prononcées.
Des modifications peu appréciables se constatent sur l'ongle du
pouce de la main droite. Quand une douleur se déclare et ne se fait
sentir que faiblement d'abord, elle continue à devenir de plus en plus
forte dans les doigts 1 , 2 , mais principalement dans le pouce . ,
Le bout libre de l'ongle du pouce est légèrement cuneiforme, tandis
que l'autre extrémité est en forme de zigzags et présente des lignes sail
lantes d'un jaune trouble, longitudinales et cessant à une petite distance
de l'ongle. Les modifications de l'ongle du deuxième doigt sont moins
notables . Les autres ongles de la main droite sont absolument sains. La
peau des pieds excepté les tissus cellulaires) et les ongles présentent un
caractère normal.
L'examen microscopique des croûtes et des ongles a donné les résul
tats suivants : la coupe verticale de la croûte faite avec le microtome
Schance présente des couches épidermiques jaune foncé de différentes
épaisseurs , réunies les unes aux autres, en partie concentriques et en
partie irrégulièrement superposées. Dans différents points , entre les
couches , il existe des bactéries à différents degrés de développement et
avec différents éléments organiques. On constate facilement au moyen
de l'objectif 9 à immersion et de l'oculaire 4 de Hartnack , que les bac
téries se présentent sous deux aspects différents ; les unes forment des
colonnes séparées et appartiennent au bactérium termo; les secondes
80 ALEXIS POSPELOW .

présentent des filaments excessivement fins renfermant les spores du


bacillus subtilis.
Les recherches pratiquées sur ces parasites par notre aimable et obli
geant mycologue, le professeur V.-A. Tichamirow , ont confirmé les faits
que j'avais préalablement constatés, c'est-à - dire que les bactéries sont
de deux espèces différentes (micrococcus crepusculum et bacillus sub
tilis), puisqu'elles apparaissent comme semées sur un terrain favorable
à leur vie, et non comme des facteurs qui prendraient une part immé
diate aux souffrances de la peau.
Entre autres éléments organiques, le professeur Tichamirow a cons
taté des spores de lycopode avec lequel il parait que la malade avait l'ha
bitude , il y a trois ans, de se saupoudrer la main .
Grâce à la libéralité du Dr V.-A. Tichamirow , que je ne saurais
trop remercier ici de son obligeance, il m'a été donné de définir l'appa
rence des bactéries que j'avais découvertes.
En examinant les ongles de la malade après les avoir préalablement
préparés dans la potasse absolue, j'ai pu constater ce qui suit : les
cellules du tissu cornéal de l'ongle ne renferment pas de bactéries ;
les bactéries que j'avais découvertes dans les croûtes, ne se montrent
qu'entre les couches friables de l'ongle, et seulement en petite quan
tité . Quant à ce qui se rapporte à la structure du tissu corneal de l'ongle
malade, voici ce que donne l'examen : les cellules sont presque rondes,
gonflent rapidement et renferment deux ou trois noyaux et une assez grande
quantité de substance granuleuse, les tissus privés de noyaux sont ou
complètement transparents , ou bien renferment des petits grains couleur
rouille ; cette dernière particularité se constate surtout dans les cellules
des couches les plus anciennes des ongles malades Une partie de l'ongle
du pouce ayant été coupée parait avoir gardé toute sa souplesse;
l'ongle est tant soit peu épaissi, mais pas cassant ; plusieurs examens
microscopiques n'ont amené aucune découverte de bactéries. Les cellules
de la couche cornée paraissent gonfler plus rapidement qu'à l'ordinaire.
Un examen général du corps de la malade nous montre quelques
plaques épidermiques, brun foncé ou teinte rouille; ces plaques se trou
vent à la région de la tempe droite , sur le front, sur le coude du bras
droit, à la région interne du tibia ; un petit nombre de plaques existent
encore dans la direction du nerf sa phène interne. Les plaques men
tionnées disparaissent entièrement par moments, puis apparaissent de
nouveau .
En enlevant des parcelles des plaques précitées, on constate des modi
fications à peu près semblables à celles de l'épiderme des doigts, mais
elles ne renferment pas de bactéries. La couche graisseuse sous-cutanée
des extrémités inférieures masque parfois leurs formes naturelles au point
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 81

qu'elles rappellent l'ædème . Cependant la pression plus ou moins pro


longée ne produit pas de dépression. Les tissus cellulaires graisseux
du mollet serrés entre les doigts forment facilement un gros pli com
pacte. Il est nécessaire de noter ici , qu'après une pression modérée,
mais prolongée des doigts sur la peau , il se produit le lendemain des
taches pareilles à celles que produit un coup suivi d'une ecchymose.
Il fut fait à plusieurs reprises un examen détaillé sur les modifications
de la sensibilité de la maladie par le Dr Vlad.-K. Roth , que je prie d'ac
cepter ici l'assurance de ma sincère 'reconnaissance pour son aimable
coopération dans les recherches sur le système nerveux de la malade.
SYSTÈME NERVEUX . ETAT DE LA SENSIBILITÉ .

Sensibilité à la douleur. Les sensations de douleur sont partout


conservées; par places il y a même de l'hypéralgésie. L'impression dou
loureuse produite par une température élevée est moins vive dans l'avant
bras gauche que dans le bras du même côté et dans l'avant-bras du
côté droit, tandis que la face dorsale et la moitié interne de la face
palmaire de la main gauche sont plus sensibles que les parties corres
pondantes à droite .
L'hypéralgésie occupe à droite la paume de la main , se montre parfois
à la surface dorsale du pouce et de l'index; elle est assez forte à la partie
supérieure de l'avant-bras et s'étend sur le bras.
A l'extrémité supérieure gauche, l'hyperalgésie est très accentuée à la
face palmaire du pouce et de l'index ; dans les autres doigts jus
qu'au dernier, elle se montre en intensité décroissante. A la paume, elle
>

n'occupe que l'éminence thénar. A la face dorsale, l'hypéralgésie est


moindre, surtout pour l'annulaire et le médius; les troisièmes phalanges
sont relativement plus sensibles. Au pouce, c'est la partie métacarpienne
qui est hypéralgésique. En touchant la croûte, qui recouvre le doigt avec
un objet résistant, de sorte que l'impression se propage jusqu'à la peau,
on ne provoque pas de douleur.
Cette hyperalgésie est un obstacle assez considérable pour l'explora
tion de la sensibilité tactile à l'aide du compas de Weber. Tantôt la dou
leur provoquée par un simple attouchement avec les deux branches du
compas ne permet pas à la malade d'apprécier le nombre d'impressions :
c'est ce qui se passe à la face palmaire des deux premiers doigts à
gauche, à la première phalange du pouce, et à la partie supérieure de
l'avant-bras à droite ; tantôt les deux attouchements font l'impression
de piqûres.
Voici les chiffres plus ou moins exacts obtenus par l'exploration de
différentes parties de la peau d'après la méthode mentionnée :
ANNALES DE DERMAT ., 2° SÉRIE, VI . 6
82 ALEXIS POSPELOW . '

Extrémité supérieure droite :


Face palmaire. – L'attouchement des deux branches du compas
donne une double sensation à une distance :

Au bout du petit doigt , de ...... 2 millimètres.


-
de l'annulaire .. 3
du médius . 3
de l'index 4

1 re phalange petit doigt . 6


annulaire . . 6
médius . 7
index 8
Main ... 15
surface dorsale près des doigts ..... 25

III
près de l'avant-bras .. 30
Avant-bras surface palmaire en bas ... 40
dorsale 30-40 -

Bras ... 45

Extrémité supérieure gauche :


Bout du petit doigt . 3 millimètres.
de l'annulaire ..
IIII

3
Face dorsale troisièmes phalanges , index ,
annulaire, petit doigt .. 4
Médius ..
Main ....
లలసాశలు్రీా

surface dorsale près du doigi..


au milieu ..
Avant - bras....
surface palmaire au milieu .....
plus haut.....
La perception des impressions tactiles est partout bien nette . Le plus
léger attouchement avec un pinceau mou est senti par toute la surface
du corps.
Sensibilité thermique (1 ).
Les résultats de l'exploration de la température sont parfois contra
dictoires , ce qui s'explique en partie par l'abaissement de la tempéra
ture de la peau de l'extrémité supérieure gauche, et en partie par les
( 1 ) L'exploration de la sensibilité thermique a été faite avec le thermo-thésio
mètre du Dr Roth (Voir Méditzinskoe Ubussrénie, nº 18, p . 807, 1882.)
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU. 83

oscillations vaso -motrices qui y ont lieu . Ainsi la malade distingue avec
toutes les parties de la main gauche une différence de température de
3. R. (23-28 . R.); la différence de 2º est perçue par la paume à la pre
mière exploration , mais pas à la seconde. De plus petites différences de
température ne sont pas distinguées .
A l'avant-bras, la malade distingue parfois une différence de 1 1/2
(23 1 / 2-25 °); ailleurs une différence de 2º ( 25-27 °; 31-36 °), même de
3° 29-32°) ne se distingue pas ; tandis que la dernière différence entre
25 et 28 ° se perçoit très bien . Dans le premier cas les réservoirs d'eau à
29-320 sen blent être froids. La température 35° paraît à peine tiède ;
tandis qu'une tenípérature de 30° produit une sensation indifférente, ni
chaude ni froide .
Dans la main et dans l'avant-bras droit, la malade distingue une diffé
rence de 1 ° 25-26 ° R .); la différence de 20 (33-35 ° R.) ne se distingue
0

pas sur l'avant-bras, ni sur le front, mais elle se distingue nettement


au-dessus de la fourchette du sternum .
A la pression de la peau des extrémités supérieures, une douleur se
fait sentir profondément par places, mais cette douleur n'est pas localisée
exclusivement dans la direction des principaux troncs nerveux . Ainsi,
sur l'arant-bras droit, une douleur se fait sentir à la pression dans la
direction du nerf radial mais pas dans tout le nerf; elle fait défaut au
niveau du bord externe de l'humérus. A la partie interne de l'avant
bras, la douleur se fait sentir par places dans la région du nerf mé
dian, mais elle est plus violente au niveau du muscle rond pronateur ;
sur le bras la douleur est plus forte pour le tiers inférieur sous le bord
interne du biceps ; dans le tiers supérieur du bras, la plus vive sensa
tion se trouve surtout près de l'insertion du muscle deltoïde. Le nerf
cubital n'est pas sensible ; le plexus brachial comprimé au -dessus du
milieu de la clavicule parait être très douloureux ; mais les muscles
scalènes sont aussi douloureux et un peu rigides. La pression au-dessous
de la clavicule ne produit pas de douleur.
Du côté gauche, une douleur intense se fait sentir à chaque pression
sous la clavicule ; pour le muscle scalène, la douleur excitée est moins
forte. La pression sur différentes parties de l'épaule amène une douleur
dans les tissus graisseux sous-cutanés. Cette sensibilité correspond à
des nodosités palpables dans le tissu cellulaire ; là où il n'existe pas
de nodosités, il n'y a pas non plus de douleur.
En examinant la contractilité électrique des muscles, nous avons
rencontré un nouvel obstacle ; une très mauvaise conductibilité de la
peau , grâce à laquelle la batterie de 45 piles de Siemens s'est trouvée
être insuffisante pour obtenir une pleine formule de contractilité. Au
moment de l'exploration, le grand électrode (indifférent) fut placé au
84 ALEXIS POSPELOW.

milieu du sternum , et le plus petit fut placé sur le nerf, ou sur le


muscle ; la force naturelle du courant fut mesurée avec le galvanomètre
d'Erb , en usant les 200 tours de fil.
Extrémité supérieure droite :
Nombre Éloignement de
des éléments . l'aiguille.
M. trapèze partie supérieure en ( FKC 18 1° = 1 m A

8s 四 仍
irritant le nerf..... | FAC 22 1 1 /2° 1,5 m A
Nerf médian au pli du coude... FKC =FAC 25 5° 6,0 m A
Nerf médian , tiers inférieur deſ FKC 33 4 1/2"
l'avant-bras... | FAC 45 7° 8.0 m d
OAC = 0 -

118
一如 S 四 四 四 绍

1
OKCO
M. adducteur du pouce ...... FKC 40 . 2° ‫ܕ‬ m A
FAC 45 m A
Nerf cubital ..... FKC>FAC 20 3° 3,0
Muscles interosseux .. FKC 30 49 : 5,0
Nerf radial .. FKC 27 6° 1,2
FA = 0 45 20° 17,0

Extrémité supérieure gauche :


Nerf médian au pli du coude .... FKC>FAC 27 4° = 5,0 m A
» »
tiers inférieur... FKC 27 40 = 5,0 m A
Nerf de l'avant-bras . FAC 30 5° = 6,0
Nerf radial.. FKC 40 8° 9,0
FAC = 0 45
Nerf cubital (1) ......... FAC = 0 45 5º = 6,0
FA = 0
Musclo abducteur du petit doigt.. FKC 45 3° 3,0
FA = 0
Muscles interossoux .... FKC > FAC 40 5,0

Le premier nerf interosseux se contracte plus fort que les autres ,


même si les muscles avoisinants interosseux sont excités , mais en eux ,
on constate FAC > FKC.
Courant induit.
Le grand appareil de Krüger et Hirschmann avec deux éléments de
Leclanché donne :
A droite : A gaucho :
Distance entre la première et la seconde bobine
en centimètres .
Nerf médian in plica cubiti.. 7

Au tiers inférieur de l'avant


bras ...... 7 7
Nerf cubital près de l'olécrane. 8 (1 ) Voir la note .

( 1 ) La contraction se formo seulement dans le muscle ulnaris internus ; le nerf


est irrité au -dessous de l'épitrochlée et ne peut pas être excité aux autres
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 85

Muscles interosseux .. 8. A gauche, les contractions de la même


force du courant sont un peu faibles;
mais ici la résistance est plus grande.
Voir les résultats de l'exploration avec
lo courant continu .
Muscle adducteur du pouce, 7 1/2 .
Muscles extenseurs des doigts , 5.

En examinant les données des tableaux ci - dessus, nous n'avons pas


le droit de parler d'anomalie dans l'excitabilité électrique des muscles,
à l'exception peut-être du premier muscle interosseux de la main
gauche, dans lequel l'excitabilité pour les courants faibles n'était pas
augmentée ; mais un courant d'une certaine force provoquait dans ce
muscle une contraction beaucoup plus énergique que dans les mêmes
muscles de l'autre côté , et les autres muscles interosseux.
Sensibilité de la malade. Elle accuse une douleur intense dans
tout le bras gauche, mais principalement dans le poignet ; à son dire
le mal est si vif, qu'il n'y a que la morphine prise à l'intérieur, à la
dose de 0.05 , qui puisse la faire dormir pendant plusieurs heures de
suite ; si la malade prend une plus forte dose de morphine, le mal,
non seulement ne disparaît pas, mais le narcotique produit des halluci
nations . La malade assure aussi que le froid augmente la douleur, et
que c'est pour cette raison qu'elle a pris l'habitude de poser la main sur
un coussin et de la couvrir chaudement. L'excessive sensibilité de notre
malade l'empêche d'aller en voiture sur roues, elle va à pied en été, et
en traineau l'hiver ; notons que les secousses augmentent les douleurs
et les font durer plusieurs heures de suite . Quant aux voyages en
chemin de fer, ils lui sont comparativement supportables, mais elle ne
supporte qu'avec peine le tramway ; et pour éviter les secousses pro
duites par le mouvement du wagon , elle est forcée de se tenir debout,
la main posée sur un coussin que sa servante soutient.
Système musculaire. Le système musculaire de la malade est
passablement fort en dépit de ses 63 ans, dont 5 années de souffrances
continues ; elle peut marcher seule les yeux fermés ; la démarche est
absolument régulière ; la force musculaire est égale dans les deux
jambes ; les réflexes tendineux ne sont nulle part ni affaiblis , ni
augmentés. On constate parfois un tremblement dans tout le poignet
de la main malade, mais surtout alors que la douleur augmente d'in
tensité. Dans le deuxièmne doigt de la main malade, surviennent des
points. En plaçant l'électrode sous la gouttière qui sépare l'épitrochléo de l'olé
cråne, ainsi que sur le tiers inférieur de l'avant-bras, sur la région de l'électrisa
tion du nerf cubital, nous obtenons la contraction des fléchisseurs innervés par le
nerf médian . Le même phénomène se constate à la F A à l'excitation du courant
indait. Il est évident qu'il y a ici une anomalie anatomique .
86 ALEXIS POSPELOW .

crampes cloniques des muscles fléchisseurs de l'index , les fléchisseurs


des autres doigts restant constamment dans un léger degré de con
traction à cause des douleurs qui augmentent pendant l'extension.
Quand la douleur augmente dans le poignet, la malade s'efforce d'étendre
les doigts contractés de la main atteinte et cet effort la soulage .
Un examen des autres parties de l'organisme de la malade nous
montre ce qui suit :
Appareil digestif. - La langue est humide, un peu blanchâtre. Pas
d'appétit. Un demi- verre de lait de vache, que notre malade boit le
matin , lui suffit pour toute la journée. Elle ne boit ni thé , ni eau.
Elle éprouve un dégoût très prononcé pour la viande en général . Un
demi - verre d'eau de Vichy cause à notre malade une pesanteur à la
région de l'estomac ; la pression sur le creux de l'estomac ne produit
pas de douleur.
En examinant la peau du ventre, on constate qu'elle est flétrie
comme celle des vieillards . Pas de météorisme. Le foie et la rate sont
de grandeur normale. Elle ne se plaint d'aucune douleur à la région
du foie, des reins, ni à la région des intestins. La malade est sujette
à des constipations d'une semaine de durée ; elle en souffre depuis l'âge
de 25 ans.
Le besoin d'uriner est rare. L'urine est en petite quantité (500 cent.
cub . par jour), de couleur brun foncé, de réaction acide ; sa den
sité 1,020 ; au fond du vase, on constate un léger sédiment, lequel
examiné au microscope, se compose de petits corps mucilagineux, pro
venant de l'épithélium plat de la vessie et des uretères. On ne note
pas d'autres altérations. Des recherches pratiquées à plusieurs reprises,
au point de vue de l'albumine, du sucre de l'indican ( 1 ) ont amené des
résultats négatifs. La quantité du pigment urinaire est augmentée. On
n'observe aucune altération dans la région des ovaires et de la matrice .
Pas de menstruation .
Les organes respiratoires sont normaux .
Les organes de la circulation du sang montrent ce qui suit : le
deuxième temps du ceur est plus prononcé; point de souffle, les
limites du cæur sont normales. Le pouls est différent aux deux bras,
Le pouls droit est plus plein que le pouls gauche ; ce dernier parait
tendu ; il se sent plus difficilement et se prête plus facilement à la
pression. Au niveau de l'articulation du coude et sur le trajet de l'artère
humérale, cette différence ne s'observe pas. Les pulsations par minute
sont régulières au nombre de 86 , sur les deux bras. Vu l'âge de la
( 1 ) La réaction de l'indican a été produite d'après le procédé du professeur Jaffé
( Ueber Ausscheidung des Indicun unter physiologischen und pathologischen
Verhaltnissen ).
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 87

patiente, les sinuosités et la rigidité de l'artère temporale ne sont pas


frappantes.
La transpiration est diminuée partout, principalement dans le bras
gauche
Les ganglions lymphatiques sont dans l'état d'atrophie de la vieillesse.
Organes des sens. Relativement à l'âge de la malade, la vue est
normale ; même pendant les accès de douleurs, pas de diplopie , ni
de strabisme. La perception des couleurs est absolument nette ; le
fond de l'æil est normal et la malade voit de loin . Elle a conservé le
goût et l'odorat; l'oreille gauche seule est affaiblie. Pour ce qui con
' cerne le toucher, nous l'avons déjà décrit.
Des antécédents héréditaires de notre malade, nous connaissons ce
qui suit : ses parents ont atteint un âge très avancé; son père est mort
à 90 ans, d'une pneumonie ; sa mère à 80 ans , d'une péritonite . Le père
était d'une constitution robuste, jouissait d'une bonne santé, même
pendant sa vieillesse; la mère était également d'une constitution robuste,
mais malgré cela et une vie aisée, elle était hystérique et sujette à des
douleurs le long de la colonne vertébrale . On raconte qu'un récit , tant
soit peu drôle, suffisait pour lui donner une attaque hystérique qui dé
butait par le rire et se terminait par les sanglots ; de sorte que ceux qui
l'entouraient évitaient de rire. Outre ces attaques d'hystérie , la mère
souffrait encore de violentes douleurs dans le dos , qui ne disparais
saient que sous la pression d'un objet dur. Les oncles, les tantes et les
seurs de la malade sont vivants et bien portants ( à l'exception d'une des
seurs, qui souffre d'une asphyxie locale des extrémités).
Antécédents personnels. — La patiente a habité la campagne jusqu'à
l'âge de 23 ans ; à son dire elle n'aurait jamais été malade ; au contraire,
elle aurait été robuste, fraiche, d'une fraîcheur · remarquable même. Il
reste encore à noter qu'elle a toujours eu une bonne nourriture . Au
mois de mai 1842 , ayant atteint sa 23e année, elle prit un bain chavd,
apris lequel, cédant aux conseils d'une amie , elle alla prendre un bain
froid dans la rivière ; l'eau était froide, et ce bain froid était son premier
de cette année -là . A peine entrée dans l'eau elle perdit connaissance, et
faillit se noyer : c'est à grand peine qu'on parvint à la retirer de l'eau,
à l'habiller et à la mettre au lit ; après quoi elle tomba dans un profond
somuneil de 24 heures , duquel on ne parvint à la réveiller qu'avec beau
coup de peine. Après cet accident, la malade garda le lit durant plu
sieurs jours, se plaignant d'une douleur généralisée dans tout le corps ;
le plus léger attouchement lui était excessivement douloureux et excitait
un frémissement dans tout son être, puis augmentait sensiblement le
mal dans tout le corps. L'état que nous venons de décrire se prolongea
de 5 à 6 jours; la malade ne se souvient pas si les symptômes men
-88 ALEXIS POSPELOW .

tionnés furent suivis de fièvre, mais elle assure qu'à partir de ce


moment- là , il s'opéra un grand changement dans sa santé; elle devint
pâle, et son teint si remarquablement frais disparut pour toujours ; les
oreilles devinrent blanches et transparentes , et la malade se sentit de
venir comme gonflée.
Cet état maladif donna de l'inquiétude à ses parents qui s'adressèrent
à un médecin . Celui -ci croyant la patiente atteinte d'helminthiase, donna
un purgatif, lequel produisit une dyssenterie , puis une diarrhée longue
et pénible qui fut suivie de l'état de constipation habituelle à laquelle la
malade est sujette encore aujourd'hui; malgré cet état maladif des in
testins, elle ne suivait pas de régime rationnel; illui arrivait de manger
1

de la salade au vinaigre et de boire de la crème après, puis de manger


du homard , etc. , mais elle avait par -dessus tout un dégoût de viande.
Malgré cela, elle se sentit passablement bien pendant plusieurs années ;
mais elle ressentait, de temps à autre, une sensation de froid et une
douleur dans les bras , laquelle était plus prononcée à la région interne
des bras, où elle se concentrait en disques de 4 centimètres de long.
Au mois d'août 1877 , la malade, en revenant d'une campagne avoisi
nante, éprouva une sensation de froid dans tout le corps et principale
ment dans le bras gauche; quoique la course ne durât que trois quarts
d'heure, elle ressentit en approchant de la maison une sensation de bras
gelé accompagnée d'une forte douleur. A peine arrivée chez elle , elle
plongea, pour obtenir quelque soulagement, les deux mains dans une
eau chaude à un degré presque pas supportable, ce qui calma la dou
leur ; mais elle raconte que la même nuit elle fut prise d'une douleur
si intense dans l'index de la main gauche, qu'elle excita une attaque
de nerfs, laquelle débuta par des sanglots ; pareille chose ne s'était jamais
présentée auparavant. Depuis l'époque en question , la douleur s'est
établie dans la main gauche, s’amoindrissant de temps à autre, puis
reprenant de nouveau toute son intensité.
Dans la suite, la douleur passa graduellement dans les autres doigts ;
les attaquant successivement du premier au cinquième. La main droite
resta indemne.
Dans le courant des deux premières années, la malade n'observa
aucune autre altération dans la main , outre la douleur précitée et les
disques de la surface interne du bras également mentionnés. Ce ne fut
que deux ans plus tard qu'elle s'aperçut des altérations survenues dans
l'ongle du premier doigt, lequel s'épaissit, jaunit, devint plus fragile et
se cassait sous les ciseaux . Au-dessus du pli de l'ongle, la peau était
devenue plus foncée , plus épaisse ressemblant à une croûte naissant
sous ce repli et couvrant toute la première phalange du premier doigt,
simulant ainsi un étui fait pour préserver ce dernier de toute lésion
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 89

mécanique. Des altérations absolument pareilles se manifestèrent de


temps à autre, sur les autres doigts. L'affection des ongles est stricte
ment conforme à la gradation et à l'ordre de la propagation des douleurs
dans la main . Au début de la maladie, la patiente pouvait remuer les
doigts, non , sans augmentation de douleurs ; mais à mesure que les
douleurs augmentaient dans les autres doigts , et que le gonflement
envahissait toute la main, mais principalement les doigts 2 , 3, 4 , 5,
ainsi que la deuxième phalange du premier doigt, le moindre mou
vement causait des souffrances à la malade , qui finit par ne plus étendre
les doigts sans nécessité absolue. La contracture du fléchisseur du
deuxième doigt l'empêchait aussi d'étendre les doigts, néanmoins, la
malade dit, que lorsqu'elle s'efforçait d'étendre les doigts au moment
des accès de douleurs , ces dernières paraissaient plus supportables ;
elle dit encore qu'un bandage très serré diminuait aussi sensiblement
les douleurs.
Les douleurs en augmentant dans la main gauche se prolongèrent sur
le bras et s'irradièrent dans l'épaule; de temps à autre le mal devenait
plus violent : la malade éprouvait des douleurs principalement à la
région de l'épaule correspondant à l'origine du biceps; à ce niveau elle
ressentait comme un disque douloureux du diamètre d'un rouble argent.
Depuis une année, la patiente accuse des douleurs analogues, quoique à
un plus faible degré dans le premier et le deuxième doigt de la main
droite qui avait été intacte jusqu'alors. De temps à autre, elle ressentait
dans les jambes des douleurs ressemblant à des picotements; elles se
faisaient sentir dans la direction des troncs nerveux et se succédaient
sous forme d'accès ; elles étaient assez rares ; jamais d'affaiblissement
de la vue , ni de difficulté dans les mouvements volontaires; la malade
voyait nettement de loin et marchait facilement dans l'obscurité. Au
moindre froid qui arrivait à la main gauche les douleurs augmentaient
sensiblement; il suffisait alors de réchauffer la main pour faire monter
la température et les douleurs diminuaient.
Au dire de la malade, elle aurait pris froid au mois d'avril 1882, et
aurait été obligée de garder le lit, alleinte d'une hyperesthésie généra
lisée, à la suite de laquelle le plus léger attouchement lui était doulou
reux ; cette douleur était insupportable et excitait des réflexes dans
différentes parties du corps. Pendant toute sa durée (7 jours), l'hyperes
thésie fut accompagnée de violents maux de tête, phénomène qui ne
s'était jamais déclaré auparavant. Il est à noter que , durant cette hype
resthésie généralisée, les douleurs disparurent complètement de la main
gauche, et qu'avec la disparition de l'hyperesthésie elles reparurent de
nouveau . (A suivre .)
RECUEIL DE FAITS .

DEUX OBSERVATIONS POUR SERVIR A L’ÉTUDE DE LA LOI


DE COLLES,
Par Henri GAUDICHIER , externe des hôpitaux .

Le 15 mars 1884 entre à l'hôpital Saint-Louis, salle Henri IV , lit nº 34,


service de M. le professeur Fournier, la nommée Pépita R ... , âgée de 24 ans,
accompagnée de son enfant présentant des lésions syphilitiques nettement
caractérisées .
C'est un petit garçon, ågé de 4 mois , de chétive apparence, considérable
ment amaigri. Il présente sur les fesses de vastes ulcerations, séparées nette
ment les unes des autres par des e- paces de peau saine, semblant taillées
comme à l'emporte - pièce. Il en existe de semblables à la partie postérieure
du scrotum . Les plis normaux de cette région sont remplacés par des fissures
profondes, laissant échapper un liquide visqneux, mais transparent, empesant
le lingo ; il en est de même pour la partie postérieure des cuisses. Sur le
pourtour du menton et la lèvre supérieure on observe une éruption papulo
squameuse des plus nettes. Cette éruption , au point de vue de la configura
tion extérieure, rappelle la forme d'un fer à cheval.
Le pourtour du nez et le front sont desquamės ; les bras et le dos sont
également le siège d'une éruption papulo-squameuse. Les commissures la
biales sont fissurées; les lèvres et les bords latéraux de la langue sont le
siège de petites ulcérations grisâtres; l'anus en présente 3 ou 4 de semblable
apparence, mais plus larges. Les faces palmaires des mains, de même que
les faces plantaires des pieds, ne présentent rien de particulier.
Le testicule droit est d'un volume double de celui du côté gauche et plus
dur que ce dernier.
Le tiers intérieur des deux humerus est considérablement épaissi.
L'enfant est venu au monde ayant sur la face l'éruption dont nous avons
parlé. Les lésions des fesses ne seraient survenues qu'à deux mois et demi;
l'éruption sur le dos et les bras n'aurait apparu qu'il y a huit jours.
L'enfant, nourri par sa mère, reste dans le service jusqu'au ö avril, et suc
combe après avoir présenté un vaste abcès occupant la région du coude
droit, abers probablement de nature osseuse, et pour lequel une ponction
avait été pratiquée.
Nous venons de dire que cet enfant était nourri par sa mère. Celle-ci est
une femme de robuste et saine constitution . A été réglée à 13 ans, toujours
bien régulièrement; n'est pas mariée. A eu il ya 4 ans une petite fille qui se
porte bien et n'a jamais rien présenté sur la peau ; elle n'est pas du même
père que l'enfant qui nous occupe. Après celte enfant survinrent veux fausses
couches, toutes deux à six mois; l'enfant actuel serait donc le quatrième.
Cette femme ne présente absolument rien sur le corps ; elle n'a jamais eu
DEUX OBSERVATIONS POUR SERVIR A L'ÉTUDE DE LA LOI DE COLLES . 91

acune éruption, jamais de maux de tête, jamais de croûtes dans les che
Feux ; rien en somme qui puisse même se rattacher à la syphilis .
Nous l'examinons avec le plus grand soin , sur toutes les régions du corps,
sans pouvoir constater la trace d'aucune lésion ancienne ou récente.
Il n'en est pas de même du père. Celui-ci , le nommé Léon G ... , boulanger,
est ågé de 28 ans. A l'âge de 20 ans, il aurait eu un chancre sur le prépuce,
chanere qui aurait duré 3 mois et qui aurait élé pansé à l'iodoforme. Un
médecin appelé au moment du chancre aurait ordonné deux cuillerées par
jour de liqueur de van Swieten pendant 6 mois .
Peu de temps après le chancre, il nous avoue avoir eu souvent mal à la
gorge, mal à la langue; il nous raconte parfaitement que ces maux consis
taient en de véritables plaques qui, selon ses propres expressions, s'en allaient
et revenaient. Le médecin les cautérisa au crayon de nitrate d'argent. Il
aurait eu également de violents maux de tête, des croûtes dans les cheveux ,
quelques taches sur le corps et des plaques à l'anus.
Actuellement nous ne trouvons absolument rien sur le corps; mais , on le
voit, la syphilis n'est pas douteuse.
Tel est le premier cas que nous avions à relater. Il est des plus nets,
en même temps des plus caractéristiques et nous osons dire des plus
probants. Le second, qu'il nous reste à étudier, ne l'est pas moins.
Ce second cas s'est présenté le 15 décembre dernier dans le service
de M. le Dr Besnier qui a eu l'extrême obligeance de bien vouloir nous le
laisser recueillir.

Il s'agit d'un petit enfant de sept semaines du sexe masculin , d'assez bonne
apparence et venu à terme .
Cet enfant présente sur la face une éruption extrêmement confluente, sur
lout au niveau du menton . En l'examinant avec soin , on voit qu'elle est
constituée par des papules desquamantes. Au front, l'éruption est nettement
papulo -squameuse ; sur les fesses, le pourtour de l'anus, la partie postérieure
de cuisses, elle est papulo-érosive. Elle est plus disséminée et plus claire sur
le dos et surtout sur le ventre . La lèvre supérieure présente de petites éro
sions. Eruption papulo-squameuse à la paume des mains; rien à la plante
des pieds. Les papules se groupent par places, de façon à former des sortes
de demi- cercles. L'enfant tett: bien, mais est amaigri, chétif, et a une diarrhée
verte .
Les caractères des lésions ne permettent pas de douter un seul instant de
la spécificité de la maladie.
La mère, la nommée Agnės B... , ågée de 21 ans, donne le sein à son en
fant. C'est une femme de bonne constitution, bien réglée ; elle s'est mariée
il y a 4 ans. Neuf mois après, première grossesse. L'entant vient à 7 mois
et n'avait pas d'éruption sur le corps ; il est mort peu de temps après,
athrepsique.
Elle n'a jamais présenté d'éruption sur le corps ; n'a jamais eu de maux
de gorge, de croûtes dans les cheveux; n'a jamais rien présenté sur la vulve ;
la surface cutanée est normale .
Le père, le nommé Albert B... , est âgé de 23 ans et exerce la profession
d'employé de commerce . N'a jamais fait de maladie élant jeune, sauf la
fièvre typhoïde à l'âge de 6 ou 7 ans.
92 HENRI GAUDICHIER .

A l'âge de 15 ans, il a été affecté d'un chancre sur la partie gauche du


prépuce, de la grosseur d'une lentille et dont on trouve la cicatrice tout à fait
superficielle et sans dépression. Ce chancre n'a pas été suivi à son début de
bubon suppuré. Il aurait duré 3 mois. Un médecin consulté aurait prescrit un
sirop et des pilules.
Un an après ce chancre , il dit avoir eu une éruption sur le corps , éruption
surtout abondante au niveau de la poitrine et qui aurait duré une quinzaine
de jours. C'est à ce moment qu'il aurait eu des croûles sur le cuir chevelu ;
en même temps, les cheveux seraient tombés. Rien du côté de la bouche, de
la gorge ou de l'anus. Depuis il n'aurait eu aucun accident.
Actuellement, rien de particulier sur le corps; quelques cicatrices d'acné
seulement. En résumé, nous nous trouvons en présence d'une syphilis béni
gne, mais certaine . Les caractères du chancre, les croûtes dans les cheveux,
la chute ces derniers , l'éruption sur le corps, le traitement institué ne
permettent pas d'en douter.

Ces deux cas , comme on le voit, se ressemblent de point en point.


Tous deux sont nettement confirmatifs de la loi de Colles .
Les cas de cet ordre , néanmoins, sont fort rares : les deux précédents
sont les deux seuls que nous ayons été à même d'étudier pendant notre
année d'externat à l'hôpital Saint-Louis ; et c'est à ce titre qu'il nous a
paru intéressant de les relater ici .
REVUE DE DERMATOLOGIE .

OBSERVATION SUR LA TOPOGRAPHIE DES BACILLES DE LA LÈPRE DANS LES


TISSUS ET SUR LES BACILLES DU CHOLÉRA DES POULES, par Victor BABÈS
(Archives de Physiologie, n ° 5 , 1883).
>

Nous n'analyserons, de ce travail, que ce qui a trait à la localisation et


à la répartition, dans la peau , des bacilles de la lèpre tuberculeuse.
Le bacille lépreux se rencontre dans tous les éléments cellulaires du
tissu conjonctif; il y détermine, par sa seule présence , un processus
irritatif qui se traduit par la tumefaction du protoplasma et une tendance
à la prolifération . Il existe dans les cellules lymphatiques qui , à l'in
verse de celles qui renferment le bacille tuberculeux , sont hypertrophiées.
et ont perdu leur faculté motrice; dans les cellules lépreuses de Virchow
qui ne sont, pour M. Cornil, que des cellules lymphatiques hypertro
phiées; dans les cellules fixes du tissu conjonctif, dont les dimensions
sont aussi notablement accrues , et, enfin , dans les cellules granuleuses
plasmatiques ou Mastzellen d'Ehrlich . On rencontre encore des mi
crobes libres dans les voies de la circulation lymphatique interstitielle.
La répartition du bacille dans les différentes régions et les divers
appareils de la peau est plus intéressante encore au point de vue
pathogénétique : M. Babès l'étudie dans les nodules lépreux, les vais
seaux , les nerfs, les glandes et l'épithélium de revêtement.
Le nodule lépreux est formé de la réunion de nodules élémentaires,
dont la plupart ont pour axe de formation un vaisseau sanguin ou
lymphatique, un fascicule nerveux ou un follicule pilo -sebacé , et dont
les éléments constituants sont des cellules lépreuses d'autant plus volu
mineuses et plus riches en bacilles qu'on se rapproche de leur péri
phérie. Superficiellement, le nodule est assez nettement limité et séparé
de l'épiderme par une zone de tissu conjonctif sain ; profondément, av
contraire, ses bords sont plus diffus et se rattachent aux pelotons adi
peux sous -cutanés par une infiltration de cellules embryonnaires dans
lesquelles l'on peut encore retrouver le bacille caractéristique.
Les vaisseaux sanguins et lymphatiques qui traversent les nodules
sont revenus à l'état embryonnaire, et les éléments fusiformes qui cons
tituent leurs parois ainsi que leur endothelium sont tuméfiés et remplis
d'éléments parasitaires. Dans les cas de lepre invétérée, les vaisseaux
des ganglions sont sclérosés et leur lumière est oblitérée par des amas
bacillaires .
94 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Les faisceaux nerveux présentent des lésions analogues . Les cellules


fixes de leur gaine lamelleuse et de leur endonèvre sont gonflées et rem
plies de masses, quelquefois confluentes, de bâtonnets.
Les bacilles occupent, dans les appareils pileux, une situation qu'il
importe de préciser. On les trouve dans la gaine interne de la racine,
dans l'espace qui sépare le poil de cette gaine et entre les cellules voi
sines de la gaine externe.
Les glandes sebacées renferınent des amas bacillaires assez considé
rables qui obturent quelquefois leur canal excréteur jusqu'à la surface
cutanée. Par contre, M. Dabès n'a jamais rencontré de microbes lépreux
dans les glandes sudoripares.
Les espaces intercellulaires de l'épiderme renferment, autour de l'ori
fice des glandes et des follicules pileux, des bacilles qui se limitent à la
couche profonde du corps muqueux de Malpighi. L'on voit quelquefois,
enfin , « de minces canalicules remplis de bacilles que l'on peut suivre
jusque dans les interstices situés entre les cellules les plus profondes
de l'épithélium . »
De la présence du microbe de la lèpre dans les appareils épidermi-
ques et de la présence de ceux -ci au centre des nodules lépreux, M. Babes
tire cette conclusion importante que les organismes parasitaires peuvent,
comme ceux de la tuberculose (Soc. biol., 17 avril 1882 ), traverser les
couches épithéliales et que « le tégument, les glandes sebacées et les fol
licules des poils, en particulier, sont une voie, non seulement d'éliini
nation , mais , probablement aussi, de pénétration des parasites ) .
L'intéressant mémoire de M. Bubis est accompagné d'une bonne
planche histologique et le lecteur y trouvera , en détail, l'exposé des
méthodes qu'il a suivies dans ses recherches. D' E. CHAMBARD .

NOTE SUR L’HISTOLOGIE DES DERMATOPHYTES, par F. BALZER.


(Arch . de physiologie, n ° 8, 1881).
A l'aide d'une méthode qui lui appartient ( 1 ) , M. Balzer étudie la mor
phologie des dermatophytes du pityriasis versicolor, du favus et de la tri
cophytie; nous signalerons les points les plus nouveaux de ce conscien
cieux travail.
1.I. Pityriasis versicolor : Microsporon furfur.. — Les spores sont
constituées par une mince couche de protoplasma que l'éosine teint for

( 1) Dégraissage par l'alcool et l'éther, coloration par la solution aqueuse ou


alcooligne d'éosine , montage dans la solution de potasse à 40 0/0 ou dans la solu
tion chlorofornique de baume du Canada .
REVUE DE DERMATOLOGIE , 952

tement en rouge, entourant un gros noyau qui se colore en rose et en


touré par une enveloppe cellulosique qui demeure incolore. Ces éléments
sont réunis dans l'épiderme en amas qu'entoure une zone pseudo - cap
sulaire de celules épithéliales fortement tassées ou en nappes contenues
entre le feuilleté épidermique largement décollé .
II . Favus : Achorion Schanlinii. La méthode de M. Balzer
permet de voir très nettement les chaines de spores qui , sous forme de
réseaux à larges mailles, infiltrent le poil en s'arrêtant devant le bulbe
comme devant un mur, selon l'expression de Unna .
Les éléments du godet sont aussi parfaitement visibles. Sa consis
tance, bien connue du dermatologiste , est due à l'intrication des tubes
de mycelium et surtout à une substance particulière, la glaire ou gangue
amorphe, dont la signification a beaucoup exercé la sagacité des crypto
gamistes . Sans se prononcer sur ce point, et l'envisageant au point de
vue purement dermatologique, M. Balzer lui reconnaît pour fonctions
d'agglutiner les éléments du godet et de les protéger contre les agents de
destruction ; la glaire apporte, d'autre part, un obstacle sérieux à l'étude
histologique du godet , et le meilleur moyen de s'en débarrasser est
d'écraser les fragments soumis à l'examen dans une goutte de solution
de potasse à 10 0/0 .
III . Tricophytie : tricophyton tonsurant. - On sait que deux théo
ries sont en présence pour expliquer la pénétration des dermophytes
dans le poil : l'une, théorie du détour, admet que le parasite descend
dans l'infundibulum pileux et par les gaines kératinisées du follicule
jusqu'au bulbe, où il se réfléchit dans le poil ; d'après l'autre, théorie du
passage direct, soutenue par Unna , le champignon passe directement de
l'épiderme dans le poil en traversant l'épidermicule et s'étend ensuite
vers le bulbe et vers l'extrémité libre . M. Balzer se rattache à la théo
rie du détour .
Nous avons analysé le travail de M. Balzer sur l'érythème tricophy
tique ( Archives de physiologie, nº 1 , 1883) ; dans le mémoire dont nous
rendons compte aujourd'hui, notre auteur ajoute quelques faits nouveaux
à son histoire. Les spores du tricophyton géant sont constituées par un
protoplasma, parfois très granuleux, qui se colore fortement par l'éosine
et dont les granulations sont très souvent animées d'un mouvement très
rapide. Au milieu du protoplasma, qui est assez abondant, se voit un
noyau elliptique ou arrondi que les matières colorantes teignent moins
fortement et renfermant quelquefois un nucléole très pâle et diflicile à
distinguer. La masse protoplasmique, enfin , est enveloppée d'un épi
spore cellulosique, enveloppe homogène, transparente et non colorable .
D' E. CHAMBARD .
96 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ÉLÉPHANTIASIS DES ARABES. HYPERTROPNIE DU NERF ET DES GANGLIONS


LYMPHATIQUES . NÉPHRITE ALBUMINEUSE . DÉGÉNÉRESCENCE AMYLOÏDE DU
FOIE ET DE LA RATE . EXAMEN MICROSCOPIQUE, par le M. le Di CORNIL ( Bul
letin de la Société anatomique, 1883) .

Les pièces que M. Cornil présente à la Société anatomique provien


nent d'un malade de M. le professeur Girard, de Grenoble, atteint d'élé
phantiasis vrai des Arabes et mort albuminurique. On trouva , à son
autopsie, une infiltration amyloïde de la rate et des reins et une dégéné
rescence graisseuse du foie, mais nous ne nous occuperons ici que des
lésions cutanées, lymphatiques, vasculaires et nerveuses des régions
malades.
1 ° Peau . - La peau des jambes éléphantiasiques est granuleuse,
verruqueuse, mamelonnée, recouverte partout d'une couche épaisse d'é
piderme et ulcérée, en un point, sur une étendue de 4 ou 5 centimètres
carrés. C'est à la longue suppuration due à cet ulcère que l'on attribua
les altérations amyloïdes constatées dans le rein et la rate du malade.
A l'examen histologique des régions non ulcérées, M. Cornil a trouvé
l'épiderme normal, mais revêtu d'une couche cornée très épaisse et des
quamant à sa surface ; les papilles hypertrophiées en tous sens et leurs
vaisseaux dilatés; le derme en voie d'hyperplasie conjonctive et par
couru par des vaisseaux lymphatiques dilatés. Au niveau de l'ulcération,
l'épiderme et le corps papillaire faisaient défaut, et le derme, hyperpla
sique dans ses couches profondes, était transformé, dans ses couches
superficielles, en tissu embryonnaire à surface libre.
2° Ganglions lymphatiques . — Hypertrophie inflammatoire des gan
glions et dilatation des voies lymphatiques afférentes et de celles de la
substance médullaire .
3° Vaisseaux . L'artère crurale était atteinte d'endo- et de péri-ar
térite ; la veine crurale d'endo- et de périphlébite subaiguë ; la lumière
de ces deux vaisseaux est libre .
4 ° Nerfs . - Le sciatique et le crural sont notablement hypertro
phiés. Au microscope, on constate, dans les faisceaux du sciatique, un
épaississement du névrilemme et du tissu conjonctif périfasciculaire. En
certains points, les cylindres- axiles des tubes nerveux semblent avoir
disparu . ' D ' E. CHAMBARD .
1
DR POSPELOW PHOT SCHEPER NABHOLZ 40" MOSCOU .
REVUE DE DERMATOLOGIK. 97

TUMEUR MALIGNE (SARCOME) DE LA VULVE ET DU PUBIS DÉVELOPPÉE CAEZ ONE


ENFANT DE 5 ANS . QUATRE RÉCIDIVES . GÉNÉRALISATION . INFILTRATION DE
LA PAROI ABDOMINALE . TUMEUR DE LA VESSIE. Mort, par M. F.-E. HA
MONIC, interne des hôpitaux (Bulletin de la Société anatomique, 1883).
Interessante observation , avec examen microscopique, déjà publiée en
partie dans le travail de M. de Saint-Germain, sur les tumeurs mali
gnes de l'enfance (Revue mensuelle des maladies de l'enfance , jan
vier 1883). D* E. CHAMBARD .

ÉPITHÉLIOMA DU POUCE DÉVELOPPÉ SUR UNE CICATRICE , par M. Paul BERBEZ,


interne des hôpitaux ( Bulletin de la Société anatomique, 1883 ).
Cette très intéressante observation est un bel exemple de l'influence
de l'hérédité des processus pathologiques antérieurs et du traumatisme
sur le développement et la localisation des néoplasies . Le malade qui en
est le sujet, homme de 49 ans, exerçant le métier de tailleur, a perdu
son père asphyxié par l'ouverture, dans la trachée, d'une tumeur volu
mineuse du corps thyroïde, et sa mère, emportée par des accidents céré
braux dus à une tumeur de l'orbite, deux fois récidivée. C'est, d'autre
part, sur une ancienne cicatrice de brûlure, constamment froissée par
l'anneau de ses lourds ciseaux de tailleur, que se développa l'épithélioma
papillomateux qui l'obligea à entrer dans le service de M. Monod, à Ivry,
et nécessita l'amputation de l'avant- bras.
Nous trouvons encore , dans ce cas, deux faits d'une signification
beaucoup moins nette, mais propre à contribuer à l'étude de la marche,
si obscure et si peu connue , des néoplasies . Deux ou trois ans avant le
début du cancroïde, les cicatrices de brûlure, qui étaient nombreuses et
remontaient aux premières années de la vie du malade, étaient devenues
douloureuses, surtout au moment des grands froids ; quelques-unes
même s'étaient enflammées et avaient suppuré. D'autre part, l'appari
tion de l'ulcère épithélial au niveau de la cicatrice exposée à la pression
de l'anneau fut bientôt suivie de la formation de lésions semblables sur
d'autres cicatrices préservées de tout traumatisme habituel. Il semble
donc, quelque nette qu'ait été , dans ce cas, l'influence déterminante du
traumatisme, que l'évolution néoplasique existait déjà , en puissance, au
moment où la cause mécanique est intervenue. La diathèse néoplasique,
en effet, sous quelque forme histologique qu'elle se présente , n'est pas
une affection locale, mais bien une maladie générale, souvent hérédi
taire, le résultat d'une aberration trophique des éléments anatomiques,
ou mieux, peut-être, d'un véritable délire des centres nerveux régula
ANNALES DE DERMAT. , 2 SÉRIE, VI. 7
98 REVUE DE DERMATOLOGIE .

teurs de la morphologie des éléments et des tissus qui attend toujours,


pour éclater, qu'une cause fortuite le réveille ou le localise.
D " E. CHAMBIRD .

NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ÉLÉPHANTIASIS STRUMEUX , par le


D ' A. MATHIEU ( Bulletin de la Société anatomique, 1882 ).
M. Mathieu donne le nom de pseudo - éléphantiasis strumeux à une
dermatose voisine du lupus et bien distincte du véritable éléphantiasis
des Arabes, dont elle diffère par des caractères cliniques et anatomo
pathologiques importants. Dans cette affection , la jambe et le pied sont
le siège d'un cedème permanent que compliquent, à de certaines époques
et sous des influences indéterminées, des poussées inflammatoires qui
rappellent la fluxion pseudo -érysipélateuse des scrofuleux . A la longue ,
le derme et l'hypoderme s'indurent par un processus de dermatite néo
plasique et la surface de la peau se couvre, ici de végétations verru
queuses dues à Phypertrophie des papilles, là d’ulcérations dont l'aspect
rappelle le lupus scrofuleux . S'il se rapproche, à une période avancée de
son évolution, du véritable éléphantiasis par les poussées inflammatoires
et la dermatite productive dont la peau est secondairement le siège, ce
pseudo -éléphantiasis s'en éloigne plus encore par l'envahissement du
pied et le caractère vedémateux du processus initial .
Une femme, atteinte depuis plusieurs mois de pseudo - éléphantiasis
strumeux et morte de granulie dans le service de M. Lailler, a permis à
M. Mathieu d'étudier les caractères histologiques de cette affection .
Sur des préparations de la peau de la jambe, du pied' et des orteils,
M. Mathieu a constaté dans le derme, l'hypoderme et les papilles hyper
trophiées , un ædème inflammatoire manifeste. Les glandes sudoripares
étaient le siège d'un processus inflammatoire se traduisant par une infil
tration lymphatique périacineuse et péricanaliculaire, ainsi que par la
desquamation de leur épithélium ( 1 ) . Les faisceaux conjonctifs du tissu
sous-cutané, la paroi propre de certaines glandes sudoripares et les arté
rioles étaient, en outre, comme englués par une matière colloïde, à
demi-opaque, que l'auteur croit de nature amyloïde.
L'épiderme présentait des traces d'un processus d'irritation chronique.
Les cellules étaient tuméfiées, creusées de vacuoles et séparées par un
épais ciment. Les culs-de- sacinterpapillaires, plus agrandis que ne le com
portait l'hypertrophie des papilles, se prolongeaient dans les couches
( 1) On peut comparer ces lésions des glandes sudoripares, à celles que nous
avons décrites , dans le lichen hypertnophique et qui semblent dues,à l'oblitération
des pores sudoriferes. (Voy. Lichen hypertrophique et Nigritie, in Annales de der
matologie et de syphiligraphie, 1883, p. 520. )
• NEVUE DE DERMATOLOGIE . 99

superficielles du derme, en formant un réseau autotypique au sein dur


quel se voyaient des formations globulaires rappelant les globes de l'é
pithélioma pavimenteux .
L'étude des aleérations était plus importante encore, au point de vue
auquel se plaçait M. Mathieu . Au niveau de leurs bords, l'on voyait dis
paraitre successivement l'épiderme et le corps papillaire; leur fond était
constitué par une couche de tissu embryonnaire dont les éléments « sem
blaient, sur certains points, se réunir en petits amas arrondis et se disa
poser sous forme de nodules tuberculeux . Et, de fait, on voyait parfois,
vers leur centre, des amas plus opaques, jaunâtres, constitués par des
éléments qui semblaient se confondre les uns avec les autres pour cons
tituer des cellules géantes'.
La distinetion faite par M. Mathieu entre l'éléphantiasis vrai des
Arabes et les pseudo - éléphantiasis est fort juste, et sa description répond
à une réalité clinique ; mais le nom qu'il donne à l'affection décrite par
lui est-il complètement justifié ? Pour qu'il en soit ainsi, il reste à dé
montrer la nature tuberculeuse , au sens histologique du mot, des lésions
qui la caraetérisent, et la nature' scrofuleuse du terrain sur lequel elle
évolue . Du sens dubitatif de la deseription même, le premier point est
encore douteux : peut- être aurait -il dû chercher, dans ses préparations,
le bacille de Koch ; nous attendrons, pour juger du second, qu'il ait
publié, ainsi qu'il se le propose, l'observation clinique de sa malade.
D' E. CHAMBARD .

LE RMNOSCLÉROME, par M. le Pr CORNIC ( Bulletin de la Société anato


mique, 1883).
Le rhinosclérome est une tumeur de dureté cartilagineuse, mamelon
née, débutant par la cloison du nez et la partie voisine de la lèvre supé
rieure et s'étendant, par une marche lente mais fatale, à la bouche, à la
voûte palatine et même au pharynx, qu'elle rétrécit au point de porter
un sérieux obstacle à la respiration et à la déglutition. Décrite par Hebra ,
etadiée par Kaposi, Neumann, Chiari, Klebs; Eppinger, etc., cette
singulière néoplasie a récemment inspiré à M. Pellizari, de Florence, un
travail complet dont on trouvera, dans les Annales, une analyse extrê
mement détaillée (numéro du 25 septembre 1883 ).
La symptomatologie et la marche du rhinoselerome sont, aujourd'hui,
assez bien connues, mais deux questions encore devront être élucidées :
quels sont ses caractères histologiques et quelles sont ses causes ?'
La première semble être de solution relativement facile. Dans un bou-
ton dur, rosé, non ulcéré et implánté sur la elbison des nurines, excisé
REVUE DE DERMATOLOGIE .
100

par M. Verneuil à un jeune Américain considéré par M. Ernest


Besnier comme atteint de rhinosclérome, M. Cornil a trouvé l'épiderme et
ses productions glandulaires à peu près intacts, les papilles développées
et vascularisées , le derme, enfin , dont les vaisseaux sont entourés d'une
zone embryonnaire ou scléreuse , infiltré d'éléments embryonnaires et de
grosses cellules que cet observateur regarde comme caractéristiques. Ce
sont des cellules sphéroïdales, d'un diamètre moyen de 20ų, renfermant
un ou plusieurs noyaux et des boules réfringentes, hyalines, qui peuvent
en sortir et se rencontrer à l'état libre au sein du stroma conjonctif.
De cette description , assez conforme à celle des histologistes qui se
sont déjà occupés de la question, il résulterait, selon M. Cornil, que le
rhinosclérome est une tumeur aà part, ne ressemblant en rien aux autres
tumeurs connues. Ce n'est évidemment pas une néoplasie d'origine épi
théliale ni endotheliale, et l'absence de vaisseaux embryonnaires ne
permet pas , non plus, de la rattacher au sarcome; mais, s'il fallait l'in
tégrer dans les cadres ontologistes aujourd'hui admis, sous l'impulsion
mêmedes travaux de M. Cornil et de M. Ranvier, peut-être pourrait-on
la regarder comme un fibrome dans lequel les éléments cellulaires de la
période embryonnaire subissent , en partie, une infiltration colloïde à
laquelle la tumeur doit sa consistance spéciale .
La pathogénie du rhinosclérome est beaucoup plus obscure et l'analyse
d'observations plus nombreuses que celles que nous possédons aujour
d'hui pourra seule l'éclairer. Geber et Mikulicz le regardent comme un
processus d'inflammation chronique; Hebra et Kaposi en font un néo
plasme essentiel; d'autres auteurs, avec Weinlechner, le rangent parini
les manifestations ultimes de la syphilis, bien que les spécifiques n'aient
sur lui aucune action ; Freide, enfin , rattache tout le processus, dégéné
rescence des cellules et hyperplasie conjonctive, à la présence de para
sites. M. Cornil s'abstient sagement de prendre parti et nous imiterons
sa réserve ; à l'observation clinique et à l'expérimentation de juger.
Dr E. CHAMBARD .

LA PURPURA INFETTIVA (DU PURPURA INFECTIEUX), par CANTANI, de Naples


(Archiv. clinico italiano, 1884, n° 17) .
L'auteur rapporte l'observation d'un homme de 48 ans, syphilitique,
qui souffrit tout d'un coup d'une sorte de purpura aigu; ses jambes se cou
yrirent de taches rouges puis le reste du corps, le foie et la rate tuméfiés,
la fièvre ( 39°), la fréquence du pouls et des inspirations, les ædemes
erratiques , une faiblesse très grande, enfin l'apparition du sang dans les
urines, les épistaxis , tout portait à croire qu'il s'agissait bien d'une <
REVUE DE DERMATOLOGIE . 101

dyscrasie hémorrhagique, et l'on admit une hémoglobinurie syphilitique,


contre laquelle, cependant, le mercure resta sans influence.
Cantani fait remarquer avec raison les différences qui séparent ce
purpura infectieux de la maladie maculeuse de Werlhoff généralement
considérée comme exempte de lésions sur les organes internes . Ici au
contraire les plèvres et le péritoine étaient pleins de sérosité probable
ment hémorrhagique, et les reins accusaient une néphrite diffuse aiguë .
Ce processus infectieux, cette sorte de scorbut aigu est encore attesté par
l'inefficacité des spécifiques. Le seul traitement rationnel est basé sur
l'action des antiseptiques, l'acide phénique et surtout l'essence de téré
benthine conseillée par Russo.
Cette variété d'infection liée à la période dyscrasique de la vérole n'est
point chose nouvelle, nous avons eu nous-même l'occasion de la signaler
à plusieurs reprises ; Augusto Murri lui a consacré quelques lignes dans
son bel ouvrage sur l'hémoglobinurie; enfin le musée de l'hôpital Saint
Louis contient plusieurs pièces remarquables d'éruptions purpuriques
liées à la syphilis . JULLIEN .

ULCERA CUTANEA D'ORIGINE NERVOSA (ULCÈRE CUTANÉ D'ORIGINE NERVEUSE ,


par le P: Celso PELLIZZARI, de Pise (Giorn. Ital . delle ma . ven . e
della pelle, 1884, p. 92).

Bateman et Willan ont décrit une forme de Rupia escharotique comme


spéciale aux enfants à la mamelle ou sevrés depuis peu , cachectiques
par défaut de nutrition ; l'éruption commence par des vésicules sur les
lombes, les cuisses, les jambes, pour aboutir à des eschares suivies de
cicatrices profondes.
Celso Pellizzari amené à poser le diagnostic de cette lésion chez un
enfant de 17 mois récemment sevré, nous donne d'intéressants détails
sur son histoire clinique et sa pathogénie. L'ulcère siégeait sur le mollet
gauche, on voyait une perte de substance de 3 centimètres et demi dans
le sens transversal, et de plus de 2 centimètres dans le sens longitudinal;
elle comprenait toute l'épaisseur de la peau et du tissu cellulaire jus
qu'aux muscles ; fond pâle et baveux (bavosa), contours violacés, bords
en pente douce jusqu'au centre. Pas d'engorgement ganglionnaire, pas
de lésion osseuse, aucun autre signe morbide quelconque, si ce n'est que
le membre inférieur gauche est froid et un peu flasgue, ballant. Ajoutons
que l'enfant se nourrissait mal, avait perdu le sommeil , qu'il était triste
et ne marchait pas .
Sans s'arrêter un seul instant à discuter l'hypothèse d'un chancre sy
philitique, Pellizzari reconnut la lésion de Batemann . Mais il fallait
102 REVUE DE DERMATOLOGUE .

encore en établir la pathogénèse, et tout de suite il :songea à la possibilité


d'un vice trophique d'origine nerveuse. Cette hypothèse appuyée sur les
aveux du père au point de vue de l'alcoolisme, les troubles digestifs de
l'enfant, la cessation de l'allaitement, la forme phlyeténulaire de la
lésion, l'atonie de la perte de substance et enfin l'eschare, fut pleinement
confirmée par l'examen des fonctions nerveuses et la thérapeutique que
l'on en déduisit.
Le Di Turchini , dont la compétence en électricité médicale est fort
appréciée, reconnut aisément que la sensibilité et la contractilité étaient
normales dans tout le corps, à l'exception du membre inférieur gauche,
où la contractilité farado -musculaire était abolie. Cependant avec un cou
rant galvanique énergique on obtenait quelques contractions, soit en
expérimentant directement sur les muscles, soit sur le point d'émergence
des nerfs moteurs.
Le traitement fut tout entier basé sur l'action du courant continu
ascendant, un pôle sur le point d'émergence du sciatique, et l'autre à la
plante du pied. Ce ne fut qu'à la neuvième séance que les contractions
commencèrent à se manifester. A la onzième, l'enfant se plaignait que
l'application des électrodes fut très douloureuse, à la quatorzième la plaie
était guérie ; en même temps l'état général avait été transformé et l'ap
pétit était devenu extrêmement vif.
11 serait superflu de faire ressortir tout l'intérêt qui s'attache à cette
observation si concluante ; elle fait le plus grand honneur au jeune et
infatigable professeur, en même temps qu'elle confirme les vues modernes
sur la véritable étiologie des dermopathies. JULLIEX .

UEBER ANTIPYRIN UND ANTIPYRINEXANTHEM (DE L'ANTIPYRINE ET DE L'EXAN


THÈME ANTIPYRINIQUE ), par le Dr A. CAHN ( Berliner klinische Wochen
schrift, 1884, n° 36).
On sait que l'antipyrine a une action marquée dans les maladies
fébriles, mais le Dr Cahn, chef de clinique du professeur Kussmaul, a
remarqué que son emploi était quelquefois suivi de l'apparition d'éry
thèmes tout à fait analogues à ceux qu'on observe après l'administration
de la quinine.
Des deux cas rapportés par le Dr Cahu, le premier concerne une
très vigoureuse malade de 48 ans, atteinte de fièvre typhoide. Du 9 au
19e jour de la maladie, elle avait pris, avec grand succès, 45 grammes
d'antipyrine, lorsque le matin du 20e jour il survint, sans phénomènes
subjectifs et sans aucune modification du eôté de la fièvre , une éruption
érythémateuse. Cette éruption était caractérisée par des taches arron
REVOR DE DERMATOLOGIE . 103

dies, rouge cinabre , un peu saillantes ; leur coloration disparaissait


complètement sous la pression du doigt ; les bords n'étaient pas nette
ment accusés et leurs dimensions variaient de 5 centimètres à 2 milli
mètres . Au niveau des coudes et des genoux les taches se confondaient
les unes avec les autres de manière à former de grandes plaques rouge
clair, de sorte qu'on ne voyait presque plus de peau norinale. Les pla .
ques étaient en général plus nombreuses sur la surface d'extension des
membres que sur la surface de flexion ; plus nombreuses aussi sur le dos
que sur la poitrine et le ventre ; la tête, la paume des mains et la plante
des pieds étaient indemnes,
Pensant immédiatement qu'il s'agissait d'un érythème médicamenteux ,
on suspendit l'usage de l'antipyrine, et déjà dans l'après-midi l'éruption
avait påli, et il ne restait plus qu'une légère rougeur aux genoux. Le
jour suivant, cette plaque ayant aussi disparu , on prescrivit de nouveau
à la malade à 2 et 3 heures de l'après-midi, 2 grammes d'antipyrine.
A 6 heures du soir de ce même jour, on vit de nouveau l'exanthème
réapparaitre à l'avant -bras et envahir, dans l'espace d'une demi-heure ,
les jambes , les bras, le dos, la poitrine et le cou . En peu de temps la
surface d'extension des avant- bras et des genoux était le siège d'une
rougeur scarlatiniforme confluente , tandis que sur les autres parties du
corps on voyait de nombreuses taches rouges . Cette fois -ci, la malade
éprouvait dans les régions les plus fortement atteintes une légère sen
sation de brûlure, ce que démontrait du reste un thermomètre appliqué
sur la peau . La température des points ainsi congestionnés était sensi
blement plus élevée ; ainsi au niveau de la rotule, d'ordinaire une des
parties les plus froides, la température était de 10,5 plus élevée qu'à la
face interne des cuisses . Le lendemain matin , tout avait de nouveau
>

dispara , sans laisser de trace , et rien ne revint aussi longtemps qu'on


cessait l'antipyrine. Toutefois, pour bien s'assurer qu'il en était ainsi,
on donna de nouveau , dans l'après-midi du jour suivant , 2 grammes
d'antipyrine et 2 heures 1/2 plus tard , l'exanthème se manifestait
comme les précédentes fois, pour disparaître encore à la suite de la ces
sation du remède. Deux jours après la disparition de l'éruption , il sur
vint une légère desquamation furfuracée qui dura six jours.
Dans le second cas, il s'agissait d'une femme de 36 ans, enceinte,
atteinte de toux, sueurs nocturnes et hémoptysie ; huit jours après son
accouchement, cette malade présentait une sténose très prononcée du
larynx et tous les phénomènes d'une phthisie pulmonaire . La sténose
disparut au bout de deux jours par l'ouverture spontanée d'un abcès ;
par contre, formation de cavernes au sommet des deux poumons , avec
perte des forces et fièvre intense . On prescrivit également de l'antipyrine
et après 30 grammes pris dans l'espace de dix jours, on vit survenir un
104 REVUE DE DERMATOLOGIE .

exanthème sur presque tout le corps. Dans ce cas aussi , l'éruption avait
envahi de préférence la surface d'extension des membres et formait au
niveau des coudes des plaques étendues ; toutefois, elle se distinguait de
celle du cas précédent en ce que la face, le cou et les oreilles étaient
également atteints. L'éruption présentait d'ailleurs tous les autres carac
tères que nous avons indiqués ci-dessus .
Trente-six heures après le début des phénomènes cutanés, l'exanthème
commença à pâlir, et après quarante - huit heures, il avait complètement
disparu.
De ces deux cas, on peut conclure que, chez les sujets prédisposés,
l'usage prolongé de l'antipyrine peut provoquer des exanthèmes. Il
reste provisoirement établi que des doses, même passagères, de l'anti
pyrine peuvent donner lieu à une éruption , si toutefois il est permis
d'admettre une idiosyncrasie analogue à celle qui existe pour la
quinine.
L'auteur a vu, depuis l'envoi de cet article , survenir plusieurs fois des
exanthèmes antipyriniques chez des typhiques sans phénomènes subjec
tifs et il est convaincu que, malgré cela, l'emploi de ce médicament est
sans inconvénient. On a aussi observé des faits analogues dans les cli
niques de Breslau et de Zurich . A. DOYON .

Dans la séance du 14 novembre dernier de la Société de médecine de


Vienne, le professeur Podratzki a présenté un homme atteint d'une
affection particulière de la peau et qui consisterait, d'après l'opinion du
professeur Kaposi, en stries cutanées atrophiques, semblables à celles
qu'on observe chez les femmes , sur le sein et sur le ventre ; ces stries,
chez ce malade, étaient localisées au tronc et plus particulièrement aux
jambes, et provenaient peut-être d'une distension du tégument, occa
sionnée par une croissance rapide , et suivie de petites hémorrhagies
sous- cutanées. Les lésions sont représentées par des plaques cutanées,
arrondies, déprimées, de coloration différente suivant leur ancienneté .
Il serait possible que le processus provint d'une dilacérabilité anor
male des vaisseaux sanguins.
(Extrait du compte rendu du Wiener medizinische Wochenschrift,
n° 47, 1884.)

FAVUS GÉNÉRALISÉ.
Nous empruntons au compte rendu de la Wiener medizinische Presse
du 26 octobre dernier le résumé d'une présentation, par le prof. Kaposi,
dans la séance du 17 octobre de la Société de médecine de Vienne, d'un
REVUE DE DERMATOLOGIE . 105

malade atteint de favus généralisé. Ce malade, âgé de 40 ans, est né en


Galicie. Le favus est localisé comme à l'ordinaire au cuir chevelu et date
de 20 à 30 ans. C'est dans cette région, comme on le sait, que l'achorion
de Schönlein trouve les conditions les plus favorables non seulement
pour sa végétation , mais aussi pour les récidives.
L'éruption favique est très abondante chez ce malade ; il faut tou
jours s'étonner que, dans des conditions analogues, le favus passe si
rarement du cuir chevelu sur d'autres régions du corps (ainsi que sur
d'autres personnes); c'est là un fait d'autant plus extraordinaire que,
dans une autre dermatomycose, l'herpes tonsurant, la transmission est
très fréquente alors que le parasite est peu abondant et recouvert au
point qu'on ne le trouve qu'au microscope.
Cependant la présence du favus dans des régions non velues, recou
vertes de poils follets, n'est pas tout à fait exceptionnelle et on l'observe
dans trois circonstances différentes :
1 ° Comme dans le cas actuel par transport direct du favus du cuir
chevelu ;
2. D'une manière directe par des cataplasmes en macération, point
sur lequel Hebra a le premier appelé l'attention ;
3. Par inoculation expérimentale du favus.
Or, quoique dans les deux derniers cas , ainsi que dans le favus du
cuir chevelu , après l'enlèvement des godets, on puisse observer la repro
duction du favus au bout de la troisième semaine et un développement
assez rapide des lésions faviques, Kaposi n'admet pas que le favus puisse
acquérir en si peu de temps une telle intensité et une telle extension
comme cela a eu lieu chez ce malade, abstraction faite de ce qu'on n'a
pas encore observé un favus généralisé à ce point.
kaposi a vu ce malade le 25 septembre à sa consultation. Il présen
tait sur la paupière supérieure gauche et vers la région malade 8 à 10 go
dets punctiformes et de la grosseur d'une tête d'épingle , outre un godet
plus volumineux ombiliqué ; complètement déshabillé le malade pré
sentait un aspect véritablement unique . La surface d'extension des
membres supérieurs et inférieurs était le siège de nombreux points
jaune soufre ayant tous la grosseur d'une tête d'épingle, lesquels étaient
entourés d'un petit liséré rouge et auraient pu, à un mil peu exercé ,
en imposer pour un exanthème à petites pustules ( syphilis, ou comme
Kaposi l'a vu, pour un exanthème consécutif à l'usage de l'huile de
foie de morue) . Sur le tronc, les fesses, on trouvait des points analogues,
irrégulièrement disséminés ou en petits amas . Pendant ces trois se
maines le favus avait envahi presque tout le corps, les membres, le
tronc et la face et formait, au niveau des épaules, des articulation
des genoux et des mains, sur les fesses, des godets considérables et con
106 REVUE DE DERMATOLOGIE .

fluents. En boadcoup de points, spécialement sur la face postérieure des


jambes, les favi avaient disparus à la suite d'une réaction inflammatoire
intense et d'exsudation et laissé des dépressions cicatricielles aplaties.
De plus on pouvait voir un nombre considérable de godets du cuir che
velu ainsi que les traces de la maladie ancienne (cicatrices, sécheresse
et aspect terne des cheveux , desquamation ), ainsi que les altérations
ordinaires des ongles . Cet état était très pénible pour le malade en raison
de la tension douloureuse de la peau au niveau des masses épaisses et
en partie desséchées de favus (au niveau des articulations), des excoria
tions et des fissures sanguinolentes de la peau ; à la base des favi isolés
et des masses faviques accumulées, le tégument était rouge et infiltré.
Il était intéressant de voir et d'observer chaque jour sur les différentes
parties du corps les nombreux favi qui apparaissaient sous forme de
points jaune soufre, de la grosseur d'une graine de pavot, spécialement
dans la région sternale .
Ce malade ayant succombé peu de jours après à un processus phleg
moneux du creux poplité, le prof. Kundrat est venu exposer à la So
ciété de médecine les résultats de l'autopsie et montrer des pièces anato
miques fort intéressantes. Ce malade était un buveur, aussi présente- t -il
les lésions qu'entraîne l'alcoolisme. Sur toute l'étendue de la muqueuse
intestinale il existe de nombreuses érosions analogues à des piqûres d'é
pingle, et sur des parties infiltrées on trouve des lambeaux d'exsudat de
la grosseur d'un grain de chènevis ou plus volumineux, très adhérents à
la muqueuse . Au voisinage du pylore, il y avait un infiltrat de la dimen
sion d'une pièce de 2 francs, recouvert d'une eschare diphthéritique de
2 milliinètres d'épaisseur; catarrhe chronique de l'intestin ; dans la
portion la plus inférieure de l'iléum ; furfuration épithéliale ; dans le
gros intestin , pertes de substance, en groupes, dans le colon ascendant,
d'ailleurs isolées et de l'étendue d'une pièce de 50 centimes, la plupart
simples, de sorte que les couches muqueuses étaient à nu. Un examen
plus attentif fit voir qu'il s'agissait d'un favus de l'estomac : dans les
masses d'exsudat on constatait la présence de mycéliums de favus ana
logues à ceux que l'on observe sur la peau. Dans l'intestin , il ne fut pas
possible de découvrir de mycélium . En général les champignons de
moisissure ne surviennent que sur la peau et dans les conduits en con
tact avec l'air extérieur. Dans le cas actuel le champignon semble avoir
provoqué la maladie ; le parasite n'existe dans l'estomac que dans les
points enflammés, dans l'intestin on ne le retrouve pas, sans doute parce
que les champignons étaient exposés à l'action des liquides intestinaux ;
de plus les pertes de substance dans l'intestin étaient déjà àà une période
avancée . Il ne saurait être question ici d'un processus diphthéritique or
dinaire, car les ulcérations sont arrondies, placées entre les plis et non,
RENTE DE DERMATOLOGIE . 107

comine le processus diphthéritique, sur les plis. Il s'agissait donc bien


d'une gastro-entérite faveuse . Il est probable que l'acidité du suc gas
trique était assez diminuée pour permettre de développement des
champignons.
Le prof. Kaposi dit que ce malade était complètement envahi par le
favas . Toute la peau en était recouverte . Même les parties qui se trou
vaient entre les godets faviques et qui en apparence paraissaient indemnes;
le parasite adhérait partout mécaniquement. Kaposi se range à l'avis de
Kundrat. Ce malade était atteint d'une diarrhée incoercible, bizarre, sans
fièvre, qui aurait peut- être pu mettre sur la voie du diagnostic, mais
jusqu'ici on n'avait jamais observé le favus de l'estomac, pas même chez
les animaux .
Weichselbaum rapporte à ce propos que les champignons que l'on
considère comme tout à fait inoffensifs peuvent devenir dangereux par
leur localisation . Zehentner a observé des métastases de parasite du mu
guet dans le cerveau, et lui-même en a rencontré deux cas dans lesquels
il parait que l'aspergillus primaire est survenu et a provoqué certaines
altérations morbides .
Prof. Bamberger. Pour expliquer la rareté du favus dans les voies
digestives, on pourrait admettre que jamais le champignon n'est introduit
dans l'estomac, quoique probablement les malades atteints de nombreax
fayi portent souvent les doigts à la bouche après s'être grattés. Il ne
partage pasl'opinion deKundrat, car selon lui l'acide du suc gastrique ne
peut pas êtreun obstacle au développement du champignon . D'autres pa
rasites végétaux peuvent survenir dans l'estomac, comme par exemple des
sarcinées dans le carcinome, etc. Il serait du reste facile d'éclaircir ces
points au moyen de cultures dans des liquides acides. Il est probable
que l'adhérence des champignons est due à l'état catarrhal de la mu
queuse .
Le prof. Ludwig fait observer que si l'on ajoute de l'acide chlorhy
drique à du suc gastrique artificiel et qu'on laisse reposer le mélange il
se forme de nombreuses mucédinées, l'acide chlorhydrique n'empêche
donc pas leur développement.
Weichselbaum . Il est, en effet, certain que les champignons de moisis
sure se développent principalement dans les milieux acides, les bac
téries dans les liquides alcalins.
Le prof. Bamberger demande si les parasites du favus se comportent
comine les autres mucédinées.
Weichselbaum . C'est probable, parce que botaniquement ils appar
tiennent tous les deux au même groupe.
Prof. Kaposi. Les conditions de végétation des champignons qui amé
nent des naladies de la peau sont cependant très différentes ; il faut sur
108 REVUE DE DERMATOLOGIE.

tout admettre des différences relativement aux milieux plus particuliè


rement favorables à chaque espèce.
Le prof. Mauthner rappelle que Leber a observé un cas de kératite
produite par des champignons de moisissure ; on a trouvé aussi ces
parasites dans les canaux lacrymaux .
Le prof. Gruber signale la présence des mucédinées dans le conduit
auditif externe et sur la membrane du tympan, ils peuvent donner lieu
à de l'inflammation dans les cas où l'épiderme a de la tendance à se dé
tacher sur une grande étendue.
Reuss conteste l'existence de mucédinées dans les conduits lacrymaux,
mais croit qu'on Уy trouve des bactéries . A. DOYOX .

EXITUS LETALIS NACH ERYSIPELIMPFUNG BEI INOPERABLEM MAMACARCINOM


UND MIKROSKOPISCHER BEFUND DES GEIMPFTEN CARCINOMS (INOCULATION
DE L'ÉRYSIPÈLE DANS UN CAS DE CARCINOME INOPÉRABLE DU SEIN .
MORT. EXAMEN MICROSCOPIQUE DU CARCINOME INOCULÉ) , par le Dr 0.
JANICKE et le proft A. Neisser (in Centralblatt für Chirurgie, 1884 ,
nº 25).
Ce sont les faits de Busch et de Volkmann sur l'influence de l'érysi
pèle dans les tumeurs malignes ainsi que les résultats thérapeutiques
obtenus par Fehleisen grâce à l'inoculation de l'érysipèle dans les carci
nomes inopérables qui ont décidé M. Janicke à essayer l'inoculation
dans un cas de récidive inopérable de carcinome du sein.
Il s'agit d'une femme de 40 ans, qui avait été opérée une première fois, en
octobre 1882, d'un carcinome du sein gauche. Deux à trois mois plus tard ,
une récidive obligea cette malade à réclamer une seconde fois l'intervention
chirurgicale. Mais malheureusement une opération radicale n'était plus pos
sible à ce moment, en raison de l'infiltration diffuse des masses carcinoma
7

teuses dans les parties molles des régions pectorale et axillaire. Le dévelop
pement considérable du tissu graisseux sous-cutané avait empêché avant
l'opération de se rendre exactement compte de l'état local .
Dans le milieu d'avril 1883, il se produisit de nouveau des douleurs très
vives dans le bras et la poitrine, ainsi qu'une tumefaction considérable du
bras gauche. La tumeur carcinomateuse s'était reformée, notamment dans le
creux axillaire et sur le trajet des vaisseaux et des nerfs du bras, avec engor
gement des ganglions lymphatiques au niveau de la clavicule . Le néoplasme
très riche en tissu conjonctif formait au niveau du creux de l'aisselle et de la
partie supérieure du bras une véritable cuirasse, et la peau élait soudée à la
paroi thoracique sur une grande étendue .
Les douleurs devenant intolérables , et la malade supportant très difficile
ment la morphine, l'état des organes ne révélant aucune lésion, l'auteur se
décida à tenter l'inoculation de l'érysipèle .
Le 20 mai, à 11 heures du matin, il appliqua un fragment de la grosseur
REVUE DE DERMATOLOGIE . 109

d'une tête d'épingle de culture érysipélateuse préparée par le Dr Fehleisen.


On fit cette inoculation sur la peau, au niveau du carcinome, préalablement
scarifiée horizontalement et verticalement sur une étendue d'un centimètre
carré. Le soir de ce même jour , entre 6 et 7 heures , la malade eut un frisson
et sa température s'éleva à 40°, 2 C. Dès le lendemain matin , un érysipele
avait envahi toute la région pectorale gauche. Température 40°, 6 C. Pouls
accéléré, mais plein. Etat subjectif mauvais. Les parties atteintes d'érysipele
douloureuses.
Le même soir, la rougeur érysipélateuse a gagné le côté droit de la poitrine
et les régions scapulo- axillaires gauches. Température 41,0 ; pouls 116.
Les 21, 22 et 23, l'érysipèle s'étendit sur tout le bras gauche et la moitié
du bras droit, la poitrine, l'abdomen, le cou et une partie du dos. La tem
pérature ne descendit plus au-dessous de 40°,4 ; le pouls se maintenait de
120 à 140 , et le soir il était devenu petit et arythmique.
Le quatrième jour au soir, la malade succomba sans qu'il survint aucune
autre complication .
Sous l'influence de l'érysipele, on avait pu constater dans le carcinome les
modifications suivantes : une nodositė, grosse comme une noisette, apparte
nant probablement å un ganglion lymphatique et qui se trouvait immédiate
ment au - dessous de la clavicule, avait, déjà le deuxième jour, perdu de sa
consistance, il diminua et disparut complètement le quatrième jour.
La masse carcinomateuse avait diminué de volume, elle était devenue plus
molle et on pouvait plisser la peau qui la recouvrait. A l'autopsie de cette
Dodosité — il fut impossible de faire la nécropsie complète on ne trouva
qu'une très mince couche de tissu conjonctif infiltré de sérosité.
Des incisions faites à travers la masse cancéreuse jusqu'aux côtes mon
trèrent une infiltration séreuse énorme des parties ; pas de suppuration.
Examen microscopique de la tumeur par le professeur Neisser .
Les nids cancéreux élaient disséminés entre les trainées plus ou moins
abondantes de tissu conjonctif au niveau des vaisseaux du bras. Les cellules
cancéreuses élaient assez petites et contenaient dans un protoplasma peu
abondant un gros noyau, se colorant facilement, transparent, avec plusieurs
petits corpuscules granuleux. Ces nids cancéreux étaient de forme très variée.
Il s'agissait donc d'un carcinome typique, d'un squirrhe.
Si on colorait avec le brun Bismarck, on voyait, dans les parties où les nids
cancéreux étaient en très petit nombre , des stries et des foyers brun foncé
très fortement colorés. Mème à un faible grossissement, on constatait dans
ces stries et ces foyers un pointillé très fin et très net d'où partaient des pro
longements anastomosés entre eux et qui se ramifiaient dans les foyers car
cinomateux en devenant de plus en plus ténus.
A un plus fort grossissement, tous ces amas et ces stries se résolvaient en
de longues trainées de cocci assez volumineux à coloration nette et pro
Doncée, lesquelles formaient des lignes sinueuses et enchevétrées. Des gros
amas, qui correspondaient aux faisceaux conjonctifs épais, partaient des stries
plus fines qui rayonnaient dans toutes les directions jusque dans les nids
cancéreux. Il était facile de reconnaitre que les cocci se glissaient entre les
cellules pour les envelopper d'un réseau de manière å former de petits amas
qui, par leur grosseur et leur disposition, étaient absolument identiques à
ceux des cellules cancéreuses. Les cocci pénétraient-ils dans les cellules ou
leur étaient-ils simplement superposés ? C'est là une question que l'auteur a
110 ARVUR DR DERMATOLOGIE .

élé dans l'impossibilité d'élueider complètement. De même oni me put cons


tater une modification particulière des cellules cancéreuses , elles paraissaient
seulement plus, påles et moins distinctes les unes des autres. Elles se colo
raient plus difficilement, de sorte qu'il s'agissait là . d'une espèce de nécrose
de coagulation
Quant aux micrococci, ils étaient de moyenne grosseur ;: accouplési en
chaines , par séries, mais jamais en amas. Les conglomérats que l'on pouvait
observer n'étaient en réalité que les points de croisement des chaines de
cocci. Enfin il faut rappeler que les cocci ne se trouvent pas constamment à
égale distance les uns des autres, mais toujours par paires, formant des
groupes de diplococci.
Il s'agissait donc d'un carcinome envahi par une quantité considérable de
micrococci. Au début, les cocci avaient suivi les larges stries de tissu con
jonctif pour se propager ensuite dans les foyers, cancéreux et enfin dans les
cellules cancéreuses elles -mêmes .
Les nids cancéreux correspondant à l'invasion des micrococci avaient peu
à peu disparu, sans processus intlammatoire dans le tissu conjonctif, mais
bien plutot par l'action directe des cocci sur les cellules cancéreuses. Comme
grosseur et comme arrangement, ces micrococci correspondaient très exaete
ment, aux descriptions que Koch et. Fehleisen, ont données.

L'auteur fait ensuite remarquer que, de cette très intéressante obser


vation , il résulte : primo, la notion du danger des inoculations pratiquées
dans un but thérapeutique avec l'érysipele , et secundo la démonstration
de la curabilité du carcinome par l'érysipele, puisque les cocci qui carac
térisent eette dernière affection détruisent directement les foyers cancé
reux et les cellules cancéreuses. A. DOYON .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

1. CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA TRANSMISSION DE LA SYPINLIS, par


NEUMANN (Wiener , med . Blätter , n ° 18 , 19, 1884).
Il s'agit d'une journalière âgée de 52 ans qui fut admise à l'hôpital
avec un chancre induré de la lèvre et un exanthème consécutif. Cette
femme, dont la fille était mariée, avait donné des soins à l'enfant de cette
dernière qui était atteinte, de syphilis héréditaire et portait aux lèvres
une série d'érosions papuleuses. Elle avait l'habitude , pour calmer les
cris de l'enfant, de l'embrasser sur la bouche.
Il fut impossible d'avoir des renseignements sur le père de l'enfant,
mais l'examen le plus minutieux de la mère ne permit d'observer chez
elle aucune trace de syphilis bien qu'elle eût nourri elle -même l'enfant .
Neumann inocula à cette femme 16 fois dans l'espace d'un mois et sur
différentes parties du corps l'exsudat s'écoulant d'un chanere spécifique
et les produits sécrétés par des papules syphilitiques secondaires. Ces
inoculatious resterent sans aucun résultat. La malade fut observée pen
dant plus de 171 jours après les dernières inoculations ; il ne fut pos
sible d'observer sur son corps aucune trace d'infection spécifique. Par
contre des inoculations faites avec du pus de chancres mous furent
chaque fois suivies de succès.
Cette observation semblerait confirmer d'une façon assez évidente la
P. SPILLMANN .
loi de Colles.

II. SUR LA TRANSMISSIBILITÉ DE LA SYPHILIS DE L'HOMME AUX ANIMAUX .


Recherches expérimentales du D' R. DE LUCA, Docent de la clinique
dermo-syphilitique de rUniversité de Catane.
Dans une série d'expériences qui semblent avoir été bien conduites,
M. de Luca a tenté de syphiliser les lapins, en leur inoculant dans l'épais
seur du derme, sous la peau ou dans les veines, tantôt de la sérosité
provenant d'éléments éruptifs dus à l'infection syphilitique , tantôt des
haineurs physiologiques , telles que le sang et le sperme.
Dans une première série d'expériences, les résultats parurent positifs:
les animaux tombaient dans le marasme, perdaient leurs poils, présem
taient à ia région tarsienne des papules d'un rouge sombre , et même, à
l'autopsie, des lésions osseuses et articulaires. M. de Luca eut la sagesse
112 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

de résister à cette apparence de succès et ne tarda pas à constater que


les conditions hygiéniques auxquelles ses lapins étaient soumis étaient
seules la cause de semblables lésions : celles-ci se rencontraient chez des
animaux non inoculés et d'ailleurs , aucun accident primitif comparable
au chancre et à l'adénopathie ne s'était montré au point d'inoculation .
Une seconde série d'expériences, poursuivies dans des conditions
hygiéniques meilleures , donna des résultats absolument négatifs et per
mit à l'auleur de donner à son travail les conclusions suivantes :
1 ° La syphilis ne peut être communiquée aux lapins ;
2. Des lésions identiques à celles qui ont été observées chez les lapins
inoculés et dont certaines semblaient spécifiques peuvent s'observer sur
les lapins non inoculés.
Ce mémoire, intéressant comme exemple de bonne méthode scienti
fique, est illustré de deux figures montrant l'identité d'aspect des papules
tarsiennes chez les lapins inoculés et vierges de toute inoculation .
D' E. CHAMBARD.

III.- CONTRIBUTION AU DIAGNOSTIC DU CHANCRE SYPHILITIQUE DE L'AMYGDALE ,


par M. Paul LEGENDRE (Archives générales de médecine, janvier et
mars 1884) .
IV . - DU CHANCRE DE L'AMYGDALE , par TAYLOR (New - York Medical journ .,
24 mai 1884).
III- C'est à M. Diday que revient le mérite d'avoir démontré l'existence
du chancre amygdalien, quoique avant lui Rollet ait déjà effleuré la ques
tion . Parmi les auteurs qui mentionnent cet accident, Mauriac ( Leçons sur
les maladies vénériennes , 1883) est celui qui lui accorde la description la
plus importante . C'est une lésion rare et qui souvent passe ignorée à cause ,
des aspects très dissemblables qu'elle peut offrir.
M. Legendre donne une première observation concernant un malade
chez lequel les caractères objectifs de la lésion amygdalienne étaient
tels, que l'on pensait d'abord à une angine diphthéritique. « Le voile du
palais , les piliers et l'amygdale gauche étaient le siège d'une légère rou
geur . L'amygdale droite, plus volumineuse que sa congénère, présentait
sur sa face interne et sa partie antérieure un exsudat épais, grisâtre,
assez adhérent et exhalant une très mauvaise odeur, ainsi que l'haleine. ,
Débarrassée de cet exsudat, l'amygdale offre une excavation inégale ,
anfractueuse , à bords irréguliers. Tuméfaction considérable des gan
glions sous-maxillaire du côté droit. On observa plus tard de la roséole ,
de la céphalée . La sensation que donnait au doigt l'amygdale malade
était absolument cartilagineuse . Le malade s'est rapidement amélioré sous
l'influence du proto -iodure de mercure .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 113

Dans une 2u observation, le malade porteur d'un chancre amyg


dalien a été considéré comme atteint d'angine gangreneuse (obser
vation recueillie par M. Brocq dans le service de M. Laboulbène) .
Ce malade, scrofuleux , après avoir subi des cautérisations sur son
amygdale atteinte de chancre , est entré à la Charité, offrant au niveau de
la tonsille droite « une plaque noirâtre, d'aspect sphacélique, large de
1 centimètre environ dans tous les sens, à bords assez nettement déli
mités ; entre eux et le reste de l'amygdale existe une sorte sillon d'éli
mination rempli de pus ) . Adenite cervicale et sous-maxillaire.
Ce n'est que longtemps après qu'on a fait le diagnostic exact de cette
lésion ; et M. Moutard -Martin , s'en rapportant à l'existence d'une roséole
nettement syphilitique, à l'adénopathie sous-maxillaire et à l'absence
de chancre infectant sur tous les points du corps, a pu affirmer que la
prétendue angine gangreneuse était un chancre amygdalien .
M. Th . Auger a porté d'emblée le diagnostic de chancre amygdalien
chez un individu dont l'amygdale très rouge et volumineuse « portait
sur sa partie interne une ulcération ovalaire paraissant assez profonde,
à fond jaunâtre et à bords nets . Le toucher permettait de constater que
l'amygdale était d'une dureté cartilagineuse » .
Souvent on confond le chancre amygdalien avec l'épithélioma. C'est ce
qui est arrivé dans une intéressante observation publiée par M. Merklen .
Il s'agissait d'une femme âgée dont l'amygdale gauche présentait « une
ulceration profonde, anfractueuse, à fond bourbillonneux ; les tissus voi
sins étaient tuméfiés et donnaient au doigt la sensation d'une dureté
ligneuse » . Peu de douleurs si ce n'est au moment de la déglutition .
M. Verneuil pensa qu'il s'agissait d'un épithélioma évoluant sur un
terrain syphilitique , « d'où l'indolence de l'ulceration , affection mixte,
hybride, que les résultats du traitement ioduré permettraient de carac
tériser définitivement » . La malade guérit rapidement. M. Merklen pen
sait qu'il s'agissait là d'une syphilide tertiaire , lorsque la malade offrit
une plaque muqueuse au niveau de la commissure buccale. Le doute
n'était plus possible. La lésion amygdalienne était un chancre infec
tant ,
M. Legendre reproduit ensuite une observation analogue à la précé
dente et publiée par M. Hue dans la France médicale du 31 mai 1883.
Nous renvoyonsle lecteur à l'analyse que nous avons faite de ce cas in
téressant dans les Annales de dermatologie du 28 janvier 1884.
Dans deux circonstances ( cas de M. Legendre et cas de M, Duguet)
le chancre amygdalien a d'abord été pris pour gomme ulcérée.
Dans deux autres observations ( M. Hélot, Annales de dermatologie)
le chancre tonsillaire avait l'aspect d'une ulcération à bords déchiquetés
et irréguliers, dont « la surface était recouverte de débris blanchâtres entre
ANNALES DE DERMAT. , 2e SERIE , VI. 8
114 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

lesquels on apercevait le fond rougeâtre de l'ulcération » . Induration con


sidérable de l'ulcère, et ganglion sous-maxillaire très volumineux.
L'observation de M. Morel- Lavallée ( Annales de dermatologie) est re
maquable en ce que, avec chancre syphilitique de l'amygdale, coexistait
une hypertrophie de la tonsille du côté opposé. Le chancre amygdalien
d'abord « d'un rouge vif, brillant, lisse , vernissé » ne tarda pas à « s'exC

caver à son centre, en gardant le fond lisse. Il pålit et blanchit par


place » , et plus tard il prit un « aspect diphthéroïde d'un blanc lardacé par
endroits » .
Dans un cas de M. Spillmann (Annales de dermatologie) où le diag
nostic resta en suspens, l'amygdale droite offrait « une plaie de l'étendue
d'une pièce de cinquante centimes environ , superficielle, légèrement ex
cavée , et tapissée d'un enduit d'une teinte un peu grisâtre » .
M. Legendre démontre, après avoir rapporté deux autres observa
tions de chancres des piliers du voile du palais ( MM. Hélot et Barthélemy ),
qu'on est exposé à confondre le chancre infectant tonsillaire avec l'an
gine diphthéritique, l'angine gangreneuse, l'épithelioma et la gomme
ulcérée , erreurs faciles à commettre étant donnée la variabilité de l'as
pect objectif du chancre de l'amygdale.
Mais doit-on lui décrire plusieurs formes différentes, dépendant des
aspects différents qu'il peut revêtir (formes érosive, ulcéreuse, diphthe
roïdes, gangreneuse) ? ou plutôt, ces aspects ne sont -ils pas les étapes
successives suivies par le chancre dans son évolution morbide ? Peu im
porte, car « ce n'est pas d'après ces caractères de coloration, de forme,
de profondeur ou d'étendue que nous pouvons faire le diagnostics . Il faut
.

surtout trouver l'induration spéciale qui fait du chancre infectant une


sorte de tumeur ulcérée, un syphilome primitif.
L'adénopathie ne manque jamais. L'épithélioma est une affection dou
louloureuse, et se différencie en cela du chancre. Son adenopathie con
siste en ganglions peu volumineux, mais douloureux à la pression .
L'unilatéralité du chancre doit faire écarter l'idée de diphthérie .
L'apparence gangreneuse du chancre est très rare. L'apparition des
accidents secondaires fixera ici le diagnostic, toujours très difficile, sinon
impossible objectivement.
Le meilleur signe diagnostique entre le chancre et la syphilide ulcé
reuse tertiaire de l'amygdale consiste, d'après M. Legendre, en une rou
geuse érythémateuse et un gonflement périphérique assez étendus autour
du chancre.
L'affection tuberculeuse et scrofuleuse de l'amygdale peut offrir les
plus grandes difficultés de diagnostic.
Quant au chancre mou de l'amygdale, M. Legendre n'en a trouvé
qu'une seule observation due à M. Diday (Annales de dermatologie ).
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 115

M. Rizat a observé au Midi deux chancres tonsillaires sur le même


sujet, un sur chaque amygdale.
Le chancre amygdalien aurait une durée plus courte que celui des
autres régions (Diday ). Quant à son étiologie le coit peno -buccal doit évi
demment être mis en cause. Cependant M. Legendre, d'après ses obser
vations, incrimine le baiser buccal ou le contact par les lèvres d'un bi
beron contaminé. Quoi qu'il en soit, le virus spécifique déposé dans la
bouche, est attiré vers l'isthme du gosier par les mouvements de déglu
tion ou d'aspiration, et vient se fixer dans les cryptes de l'amygdale qu'il
contamine aisément (Diday). PAUL HAMONIC .

JV Après l'étude si complète et si intéressante que vient de faire


paraître M. Legendre dans les Archives de médecine, sur le chancre de
l'amygdale , il est intéressant de dire quelques mots de la récente commu
nication que le Do Taylor vient de faire sur le même sujet à l'Académie
de médecine de New - York.Comme l'auteur français, le syphiligraphe amé
ricain insiste sur l'importance de cette localisation de l'accident initial
de la syphilis, sur sa fréquence , et sur ce fait que n'ayant pas jusqu'ici
attiré l'attention des observateurs, il serait fort possible que la plupart
des anciens cas de syphilis d'emblée aient eu ce mode de début. C'est
surtout au point de vue de la pathogénie et de l'étiologie que le Dr Taylor
a étudié le chancre de l'amygdale et il rapporte à cet égard quelques
observations inédites : celle d'une jeune femme de 22 ans qui fut prise
d'un chancre induré de l'amygdale gauche à la suite de rapports contre
nature ; celle d'un jeune enfant de 9 ans qui eut un chancre induré de
l'amygdale gauche à la suite de maneuvres obscènes exercées sur lui
par un inconnu ; celle d'un homme (observation due au D' G. H. Fox)
qui eut également un chancre de l'amygdale gauche après avoir eu de
nombreux rapports anormaux avec une femme, celle d'une jeune femme
dont la syphilis avait débuté par un chancre de l'amygdale gauche et
qui racontait avec tous les détails possibles comment elle l'avait pris en
ayant des rapports anormaux avec son amant, enfin celle d'un homme
observation due à Bumstead) qui aurait contracté son chancre en se
livrant à de honteuses maneuvres . Un autre fait inédit cité par l'auteur
lui a été communiqué par le Dr Wigglesworth , de Boston , et a trait à un
étudiant qui vit se développer un chancre induré sur son amygdale
droite un mois après avoir pratiqué l'insufflation bouche à bouche à un
nouveau - né. Il parle ensuite des deux cas de Schirajew (Petersb ., méd .
1

Wochens . , 39, 1880 ), des cas de Spillmann , de Hulot , et de Boeck ; nous


regrettons qu'il n'ait pas cité les cinq observations inédites dues à diffé
rents observateurs qui se trouvent dans le travail de M. Legendre,
puisque ce travail paru en janvier et en février était bien antérieur au
116 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

sien lequel n'a paru qu'en mai. L'auteur fait remarquer avec juste raison
qu'il ne faut pas trop laisser de côté dans l'étiologie des chancres de
l'amygdale les rapports contre nature . Il n'est certes pas besoin pour
cela de contact direct de lésions vénériennes avec l'amygdale, puisque
des hommes ont été contagionnés après n'avoir eu de rapports contre
nature qu'avec des femmes ; mais il n'en est pas moins vrai que ces
conditions anormales doivent favoriser singulièrement l'infection des
liquides buccaux, et dès lors l'inoculation du virus syphilitique aux
moindres lésions de l'amygdale. L'auteur d'accord en cela avec M. Le
gendre admet d'ailleurs que le chancre amygdalien se développe surtout
par le mécanisme du baiser, ou bien à la suite d'une contagion indirecte,
par l'intermédiaire d’un biberon , d'un cigare , d'une pipe, d'un verre
d'une cuillère ou de tout autre ustensile semblable. C'est ainsi que
knight (New York méd . journal, 14 juin 1884) vient de relater le fait
d'une femme parfaitement honorable, mariée, qui contracta, à 28 ans
environ , un chancre de l'amygdale pour s'être servie de la même poudre
dentifrice qu'un de ses neveux, jeune homme de seize ans , qui était
atteint de plaques muqueuses buccales . L. BROCQ .

SYPHILIS CÉRÉBRALE . — GUÉRISON PAR UN TRAITEMENT D'UN AN AVEC L'IODURE


DE POTASSIUM A HAUTES DOSES, ET PAR LE MERCURE, par M. L. BOUCHER
( France médicale, 2 août et 23 août 1884) .
Il s'agit dans cette observation d'un officier qui contracta à 23 ans un
chancre infectant diagnostiqué par M. Rollet (de Lyon) . Le malade ne suivit
pas le traitement prescrit , et ne voyant pas de manifestations secondaires, il
se crut guéri, dès que le chancre eut disparu .
Vingt- cinq ans après il fut pris tout à coup , à cheval, d'un étourdissement
violent, perdit connaissance et tomba sur le sol , en se faisant d'assez graves
contusions.
Le lendemain , cependant , il pouvait se lever, mais il marchait en titubant,
comme un homme ivre .
M. Lasegue consulté pensa à une insolation.
Le malade reprit peu àa peu ses occupations n'éprouvant pour lout symptôme
qu'une légère perte d'équilibre le soir après son diner.
Cinq ans après, nouvel étourdissement, mais sans perte de connaissance .
A partir de ce moment la marche devint incertaine après chaque repas. Un
médecin militaire pensa à du vertige stomacal et administra amers, purga
tits , pepsine, etc. , sans obtenir le moindre effet .
Une douleur frontale devint persistante et s'irradia à la nuque ; de nou
veaux étourdissements survinrent à d'assez courts intervalies , et la marche
devint très pénible , presque impossible.
M. Boucher crut à une tumeur du cervelet ou des méninges cérébel
leuses .
Il administra de l'iodure de potassium à dose de 50 centigrammes par
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 117

jour, en augmentant progressivement jusqu'à 3, 4 et 6 grammes, et fit pra


tiquer des frictions mercurielles.
Sept mois après les douleurs existaient encore ; elles étaient lancinantes et
s'irradiaient de la nuque vers le front, les bras et les jambes, comme des
éclairs . La marche était pénible , la sensibilité bien conservée . Les réflexes
tendineux, exagérés le matin au réveil, s'affaiblissaieul et disparaissaient
après une longue marche. L'ophthalmoscope ne décelait presque rien du côté
des yeux , qui se fatiguaient rapidement par la lecture. La force musculaire
était intacte .
On pensa à une forme frustre d'ataxie locomotrice .
Le malade pouvait marcher avec un bandeau sur les yeux. Ses fonctions
digestives étaient excellentes. Aucune crise viscérale.
Vers cette époque, M. le profr Fournier consulté , se rangea à l'idée d'une
syphilis cérébrale et conseilla de continuer le traitement.
Pendant deux mois on administra des doses massives d'iodure de potassium
ainsi que des pilules de Dupuytren . Au bout de ce temps, la marche devint
moins incertaine et trois mois plus tard le malade presque guéri pouvait
aller à Bagnères -de -Luchon.
M. Boucher considère que cette observation est une confirmation de l'opi
nion de M. Fournier, à savoir que : Les syphilis légères comme manifesta
tions primitives fournissent le plus fort contingent aux accidents tertiaires.
Le long intervalle entre le chancre et l'apparition des accidents est digne
de remarque .
M. Boucher rapproche cette observation d'un fait de M. Gamel, semblable
au point de vue clinique, et pour lequel l'autopsie démontra l'existence d'une
gomme du cervelet. P. HAMONIC.

A XÉVRISME DE L'AORTE D'ORIGINE SYPHILITIQUE, par MM . Barbe et POBLANC


(Communication à la Société clinique) (France médicale du 6 mai 1884 ) .
Le malade qui fait le sujet de cette observation contracta la syphilis à
15 ans, ne suivit aucun traitement et six mois après eut une éruption de sy
philides pustuleuses. Ce fut tout comme accidents secondaires. Une calvitie
dente survint plus tardivement et dura plusieurs années.
Après avoir été atteint d'orchite (?) et de chancre non infectant, le malade
eut une glossite (?) et une stomatite (?) cinq ans après son chancre syphi
litique .
Un an plus tard , exosloses et douleurs ostéocopes dans les deux bras.
Vers la fin de 1882, il ressentit des douleurs dans l'épaule droite , revenant
par accés, et plus intenses la nuit . Elles s'étendirent au bras droit et au côté
droit .
En 1883 , le malade contracte une bronchite qui dure six semaines et donne
une dyspnée remarquable . Les douleurs deviennent intolérables, un cdème
localisé envahit la paroi thoracique du côté droit, les veines du thorax se
dilatent, et le malade ressent des battements sur le côté droit du sternum .
Un traitement à l'iodure de potassium et au sirop de Gibert fait disparaitre
l'ædėme . Mais les battements persistent et quelques mois après la douleur
devient atroce et s'irradie dans le dos, dans l'épaule et le côté droit. L'oe
dème reparait et devient persistant, M. Dieulafoy qui reçoit ce malade dan
118 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

son service à l'hôpital Saint-Louis constate l'existence d'une tumeur ovalaire


qui pointe en avant, et qui est placée le long du bord droit du sternum .
Cette tumeur offre un soulèvement isochrone au choc du caur et appré
ciable à la vue . A l'auscultation on constale un double souffle, le premier en
jet de vapeur, le second plus rude et plus court.
Le sternum et les côtes sont deformés par la tumeur qui parait très su
perficielle .
Circulation collatérale très développée. Le pouls est faible et retardé à
droite. Le malade a une langue syphilitique. ( Fissures en tous sens. )
On prescrit l'iodure de potassium et les frictions mercurielles .
Vingt jours après , le malade crache le sang à flots et meurt.
L'autopsie permet de constater l'existence d'un volumineux anévrysme de
l'aorte ascendante et de la crosse . On voit un orifice de communication entre
la poche et une bronche assez volumineuse, et autour de lui existe dans le
poumon droit un noyau d'apoplexie pulmonaire.
L'examen histologique de la poche donne les lésions de l'artérite chro
nique.
La tunique interne et la tunique externe sont très épaissies, tandis que la
tunique moyenne est très amincie et effacée en partie . Sur plusieurs points
de la paroi interne de la poche on trouve des nodosités fibrineuses qui, enu
cléées, permettent de voir des dépressions cupuliformes, au niveau desquelles
la couche élastique atteint son maximum d'amincissement. Ces dépressions
sont probablement l'origine de prolongements diverticulaires pleins de fibrine,
communiquant avec la poche, et qui se portent en divers sens autour de l'a
névrysme.
Cette observation nous paraît intéressante à plusieurs titres . D'abord elle
confirme pleinement la doctrine de MM . Cornil et Ranvier sur le mode de
formation des anévrysmes (altération des tuniques interne et externe , dis
parition plus ou moins complète de la tunique moyenne qui donne normale
ment sa résistance élastique à l'artère, et ectasie consécutive de celle -ci).
Remarquons l'apparition rapide des syphilides pustuleuses, qui dans ces
circonstances indiquent toujours non seulement une atteinte profonde de l'or
ganisme, mais même une sorte d'anomalie évolutive de la syphilis. C'est dans
les cas ainsi déviés de la marche normale, surtout si le malade ne se soigne
pas énergiquement, dès le début, que l'on observe les manifestations vascu
laires toujours graves ot entraînant un pronostic presque fatal, ainsi que té
moignent les observations déjà nombreuses publiées sur ce point.
P. HAMONIC .

SYPHILIS LARYNGÉE . DESTRUCTION DES CORDES VOCALES. FORMATION D'UNE


GLOTTE ARTIFICIELLE TRANSVERSALE, par le Dr CADIER (Annales des ma
ladies de l'oreille et du larynx, mars 1884, n° 1 ) .

Le malade observé par M. Cadier est syphilitique depuis neuf ans. Il a suivi
un traitement spécifique très irrégulier et insuftisant. A plusieurs reprises il
a éprouvé depuis deux ans des menaces de suffocation .
L'examen laryngoscopique montre que la partie postérieure des cordes
vocales est complètement détruite. En avant les deux tronçons de ces der
nières sont soudés. La glotte se trouve transformée en une sorte de fente
+

Transversale , irrégulière, limitée en avant par l'épiglotte et les débris des


REVUE DE SYPHILIGRAPHIB . 119

cordes vocales, et en arrière par les éminences aryténoïdes hypertrophiées.


Le malade soumis à de fortes doses d'iodure de potassium , et à des cau
térisations laryngées avec le nitrate acide de mercure , présentait une amé
lioration sensible au bout de trois mois . Les accès de suffocation avaient
complètement cessé.
Trois ans après, la glotte s'était sensiblement modifiée . Elle offrait la forme
d'un triangle, à base située en arrière .
Les tronçons des cordes vocales en constituaient les côtés latéraux. Ils pou
vaient se rapprocher et s'écarter légèrement, lors de l'émission des sons. Les
cartilages aryténoïdes avaient eux aussi repris une certaine mobilité. La voix
du malade s'était sensiblement modifiée. Lorsqu'un son élevé était émis, la
lèvre postérieure du triangle se portait en avant ; tandis que les lèvres laté
rales se rapprochaient de la ligne médiane .
D'après M. Cadier, lorsque la gloite avait l'apparence d'une fente trans
versale, la voix se produisait grâce à la possibilité qu'avait la lèvre posté
rieure de la glotte de se porter en avant , sous l'influence du muscle crico
arytenoidien latéral, et en arrière, sous celle du muscle crico-aryténoïdien
postérieur. Il est à remarquer que les aryténoïdes ne pouvaient plus pivoter
sur leur axe . Ils ne pouvaient que basculer directement en ayant ou en
arrière.
Celle observation montre que dans des lésions du larynx paraissant irré
médiables, il peut se faire un rétablissement relatif de la phonation et de la
respiration par la formation d'une glotte artificielle transversale. P. HAMONIC .
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE.

LA CHALEUR ET LE CHANCRE SIMPLE, par M. LORMAND (Trance


médicale, 5 avril 1884) .
MM . Martineau et Lormand ont, à l'hôpital de Lourcine, repris les
expériences de M. Aubert de Lyon , relativement à l'influence thérapeu
tique que la chaleur exerce sur le chancre simple.
MM . Martineau et Lormand ont soumis des malades atteintes de
chancres non infectants ou de bubons chancreux à des bains prolongés,
dont l'eau était maintenue entre 39 et 40 °. On avait soin , à l'aide de
drains ou de petits tampons d'ouate hydrophile de permettre l'accès de
l'eau jusque dans la profondeur des bubons ou des ulcères anfractueux .
Voici ce qu'ont obtenu MM . Martineau et Lormand.
La virulence a disparu rapidement dans tous les cas, et l'auto- inocu
lation est devenue négative après un ou plusieurs bains. Il y a eu une
exception cependant,
Il s'agissait d'une malade atteinte d'un chancre de l'urethre, et d'un
chancre de l'anus.
Malgré un bain de huit heures, l'auto -inoculation s'est accomplie avec
succès. Faut- il admettre que la situation spéciale des chancres, et leur
profondeur ont été la cause de ce résultat ? C'est probable .
Dans les autres circonstances, soit qu'on ait eu affaire à des chancres
simples ou phagédéniques ou bien à des bubons chancreux ouverts, la
plaie virulente s'est toujours transformée en plaie simple avec une grande
rapidité . La plupart du temps un seul bain de sept ou huit heures a
suffi.
MM . Martineau et Lormand cessent d'être d'accord avec M. Aubert
lorsqu'il s'agit de la destruction par la chaleur de la virulence des bu
bons chancreux non ouverts .
Mais nous croyons pouvoir dire qu'à ce point de vue les observations
sont insuffisantes. Dans le travail que nous analysons, nous n'en trou
vons que deux, dont une a confirmé pleinement les résultats de M. Au
bert. L'autre est restée négative. On a auto -inoculé en deux points diffé
rents une malade avec du pus intra -ganglionnaire (retiré à l'aide d'une
seringue de Pravaz, par aspiration) et avec du pus chancreux . La ma
lade portait un chancre de la fourchette et un bubon inguinal . L'auto
inoculation est demeurée positive après un bain de huit heures à 40 °,
comme elle l'avait été avant ce bain .
RBVUB DE VÉNÉOROLOGIP . 121

Malgré cet insuccès, que penser de la méthode de M. Aubert ?


D'après MM. Martineau et Lormand elle est bonne et peut rendre de
grands services dans les cas graves. Toujours elle hâte la guérison .
Cette méthode est même beaucoup plus pratique qu'on ne pourrait le
penser au premier abord .
Quand le malade est dans le bain , il faut appliquer fréquemment des
compresses d'eau froide sur la tête , donner des cordiaux , et laisser tou
jours quelqu'un dans la salle de crainte de syncope, etc.
Il est inutile de plonger la totalité du corps dans l'eau. Il suffit de
baigner la moitié inférieure du corps , car le plus ordinairement le
chancre infectant siège aux organes génitaux externes ou à l'anus.
P. HAMONIC .

TRAITEMENT LOCAL ANTIPARASITAIRE DE LA BLENNORRHAGIE URÉTHRALE ,


par M. DIDAY (Lyon médical, 2 mars 1884).
Admettant la nature parasitaire de la blennorrhagie, M. Diday vise
deux points dans son traitement : le parasite lui- même et la structure
de l'urethre .
Le sublimé tue le microbe en dilutions même très étendues ( 1 pour
20,000 , Doutrelepont). Il faut remarquer que pour tuer les colonies de
micrococcus, qui se reproduisent sans cesse, il faut que le contact de
l'agent antiseptique soit prolongé .
Il faut de plus, étant donnée la disposition anatomique du canal , et
pour pouvoir atteindre et tuer le microbe , porter le sublimé sur toute
la région malade, distendre le canal , à l'aide de cet agent antiseptique et
ne pas se contenter d'en laver la surface .
On peut employer l'irrigateur ordinaire, à la canule duquel on adapte
une canule en gomme ou une sonde de même matière. Celle-ci est in
troduite plus ou moins profondément dans l'uréthre, suivant le point
sur lequel on doit agir.
On ouvre peu à peu le robinet de l'irrigateur, et en comprimant le
gland entre le pouce et l'index, on distend le canal autant de temps
qu'on veut.
On concentre la solution antiseptique, à mesure que le canal s'y
habitue davantage.
Un sceau suspendu au plafond, et auquel est adopté un tube aboutis
sant à la sonde urethrale, remplace avantageusement l'irrigateur.
PAUL HAMONIC .
192 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

DES URÉTHRITES LATENTES, par M. GUIARD (Annales des maladies des


organes génito -urinaires, 1er février 1884).
La plupart des malades atteints de goutte militaire n'offrent pour tout
symptome que l'apparition d'une gouttelette de pus au niveau du méat, par
la pression du canal, seulement le matin au réveil. Chez eux la sécrétion
puriforme est si lente qu'elle passe inaperçue dans la journée, entrainée par
les mictions répétées auxquelles se livre le malade.
D'autres fois le liquide morbide sécrété par le canal est presque transparent
et le malade parait guéri complètement.
Mais si on a soin d'examiner son canal à l'aide d'un explorateur à boules,
comme le recommande M. le professeur Guyon , on ramène toujours quelques
grumeaux grisâtres ou un peu de liquide puriforme, preuves que la blen
norrhée existe encore .
Ce sont là des formes de blennorrhagies chroniques aussi atténuées et aussi
rapprochées de la guérison que possible .
M. Guiard pense qu'on peut observer une forme plus atténuée encore, dans
laquelle l'affection « peut faire un pas de plus vers la guérison sans l'at
teindre, et donner lieu à une sécrétion assez peu abondante pour qu'il n'y ait,
même le matin, ni tache sur la chemise, ni goulte ramenée au méat par la
pression » .
C'est là ce que M. Guiard désigne sous le nom d'uréthrite latente. L'explo
ration du canal (explorateur à boules) est absolument nécessaire pour en per
mettre le diagnostic.
On comprend que celui - ci sera toujours relativement facile si l'altération
porte sur l'urethre antérieur ( situé en avant de la portion membraneuse ou
sphincter inter-uréthral). Mais si c'est l'urethre postérieur qui est malade, la
difficulté deviendra excessive.
Et cependant cette dernière localisation est de beaucoup la plus habituelle,
l'urethre antérieur subissant seul l'influence thérapeutique des injections. Il
est des cas où cette uréthrite postérieure ne se manifeste que « par l'arrivée
intermittente et subite au méat d'une goutte volumineuse sous forme d'éja
culation » ou bien par une « fausse spermatorrhée qui survient au moment
des garde -robes, lorsque des matières dures viennent exercer sur la région
prostatique une compression assez forte » .
D'autres fois encore, le premier jet d'urine contient un bouchon muqueux ,
ou des filaments blanchâtres grumeleux.
Ces symptômes fugitifs n'attirent pas l'attention du malade qui n'en est pas
moins atteint d'uréthrite latente .
Beaucoup de gens n'en sont du reste pas le moins du monde incommodés.
Mais chez d'autres un excès quelconque peut amener une recrudes
cence . C'est là l'origine de beaucoup d'urethrites à répétition . La contagio
sité peut même se réveiller avec les phlegmasies.
L'uréthrite latente peut, comme la blonnorrhée, se compliquer de retracis
sements , de cystites, de prostatites, d'épididymites .
De là il faut conclure que le médecin doit explorer très soigneusement et
à plusieurs reprises l'urethre de son malade avant de lui garantir la guérison
complète .
L'exploration de l'urethre postérieur doit être faite avec les plus grands
ménagements, surtout si le malade n'est pas à une époque très éloignée de
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE . 123

la blennorrhagie. Avant de pratiquer cette exploration , il faut laver l'avant


canal pour ne pas inoculer l'urethre postérieur, en y portant avec la boule
de l'explorateur du pus secrété en avant du sphiacter inter-uréthral.
Au point de vue thérapeutique, il faut instituer un traitement général en
rapport avec la diathèse dont le malade est entaché. Localement il faut aller
modifier, à l'aide du nitrate d'argent en instillations, les glandules uréthrales
qui sont le siège de la maladie .
L'électrisation du canal de l'urethre alternant avec des instillations d'er
gotine, les douches froides périnéales sont des moyens adjuvants dont il ne
faut pas négliger l'emploi . PAUL HAMONIC .

NOTE SUR UN CAS DE FISTULE VESTIBULO - URÉTHRALE D'ORIGINE BLENNORRHA


GIQUE, par M. H. LORMAND ( France médicale du 27 septembre 1883 ).
A l'heure actuelle, on connaît bien les localisations de la blennorrhagie
aux follicules pré- uréthraux, dont deux débouchent en dehors, et tout
près du méat urinaire, et sont remarquables par la longueur de leur
conduit .
Dans le service de M. Martineau, M. Lormand a eu l'occasion d'ob
server une fistule complète vestibulo - urethrale . Un orifice était au
niveau du vestibule, et l'autre sur la paroi urethrale, comme le prou.
vaient l'exploration à l'aide du stylet et l'injection d'un liquide coloré .
Cette malade, syphilitique, était en outre atteinte d'uréthrite blennor
rhagique, et trois semaines avant son entrée à l'hôpital de Lourcine, elle
avait eu au niveau du follicule préuréthral du côté gauche, un abcès qui
s'était ouvert spontanément, et qui évidemment reconnaissait la blen
norrhagie pour cause .
La pathogénie de ce petit fait intéressant est évidente. La blennor
rhagie atteint le follicule, et cette phlegmasie devient chronique, surtout
si le terrain est scrofuleux ou arthritique. Une irritation quelconque
complique cette folliculite de périfolliculite. Le pus formé est plus rap
proché de la paroi urethrale que de l'orifice du follicule . Il la décolle, la
perfore et la fistule est constituée. Dès lors, un stylet fin , engagé dans le
conduit de la glandule, vient paraître dans le canal de l'urethre.
Ces fistules uréthro -vestibulaires très rarement observées, permettent
tout au plus l'issue de quelques gouttes d'urine. Dans ces conditions, la
seule indication est de guérir la blennorrhagie uréthrale et folliculaire.
Celle -ci est combattue par des cautérisations pratiquées à l'aide d'un
crayon de nitrate d'argent très effilé, qu'on introduit dans l'orifice
externe de la fistule . PAUL HAMONIC .
124 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE.

LA BLENNORRHAGIE ET LES AFFECTIONS DU COEUR, par E. MOREL (Revue


de thérapeutique, 15 octobre 1883) .

Aux treize observations de sa thèse inaugurale et aux deux publiées


par Delprat en 1882 et recueillies par Dérignac, M. Morel vient joindre
un seizième cas de cardiopathie consécutive à la blennorrhagie.
Un jeune homme de 25 ans est atteint de blennorrhagie en décembre 1882 .
Traitement sédatif et antiphlogistique institué le 9 janvier 1883.
Le 26 du même mois, le malade est oppressé et ne peut respirer qu'en
restant assis sur son lit.
A la pointe du cæur, souffle de moyenne intensité , au premier temps et
se propageant dans l'aisselle .
L'écoulement urethral a beaucoup diminué depuis 48 heures.
Le soir et la nuit suivante , le malade a plusieurs frissons.
Traitement KBr . Digitale (quelques gouttes de teinture), lait.
Le 27, le malade offre une arthrite du genou gauche.
L'état s'améliore peu à peu dans l'espace d'une vingtaine de jours.
Le 17 février, nouveau frisson , et, à l'auscultation du cour, outre le
souffle de la pointe au premier temps, on entend un souffle à la base et au
second temps .
Oppression marquée.
L'écoulement est insignifiant. Sulfate de quinine , KB:, liqueur d'Hoffmann
et révulsion comme traitement .
Le 20 mars, le malade va bien. Le souffle de la pointe a disparu ; celui de
la base persiste . Le genou fonctionne difficilement.
Ce qu'il y a de remarquable dans ce cas c'est l'apparition de la mani
festation cardiaque avant celle de la manifestation articulaire .
Pour expliquer la pathogénie de ces divers accidents , on ne peut
mieux faire que d'invoquer la théorie de la septicémie ( Talamon, Paget,
Lasègue, Weiss).
Du reste, à l'heure actuelle, la blennorrhagie rentre de plus en plus
dans le cadre des affections septiques dont la virulence est le résultat
d'un organisme spécifique. PAUL HAMONIC .
BIBLIOGRAPHIE .

TRAITÉ THÉORIQUE ET PRATIQUE DES MALADIES DE LA PEAU, par J.-B. HILLAI


RET et E. GAUCHER . Tome lor, 2º fascicule ( Dermatoses inflammatoi
res communes) avec figures dans le texte et huit planches chromo
lithographiques hors texte ( Paris, Octave Doin, éditeur, 1885).

La dermatologie accomplit, dans ce pays, une évolution et une trans


formation que certains publicistes étrangers, dépourvus de bienveillance
et mal informés, ont interprétée à contre- sens, et dont il est, cependant,
fort aisé de se rendre compte.
Pendant près de vingt années, deux savants éminents et illustres, Bazin
et flardy, ont représenté la plus grande part de l'école française, ou , si
l'on veut, de l'école de l'hôpital Saint-Louis ; tous deux, soit comme
derinatologistes, soit comme dermatographes, sont restés les maîtres
réels pour toute la génération médicale qui avait pris rang dans la pra
tique avant l'année 1870. C'est simple justice de reconnaître ce que leur
doivent la science, l'art et la pratique, mais c'est chose assez manifeste
pour n'avoir besoin d'être rappelée que, pour brillant qu'il fût, leur
règne sur la dermatologie française fut exclusif et absolu à ce point que
le mouvement considérable qui agitait, pendant sa durée, la science au
dehors, demeura comme non avenu . Il en fût encore resté plus ou moins
longtemps ainsi si notre cher collaborateur et ami , A. Doyon , n'eût créé
7

les Annales de dermatologie, et mis entre les mains des médecins fran
çais l'auvre capitale de Hebra . Aujourd'hui encore, malgré la réforme
purement fictive) de l'enseignement secondaire , les nouvelles généra
tions médicales de ce pays ne possèdent pas les langues étrangères, et
ne savent du mouvement scientifique des autres nations que ce que leur
apportent les traductions et la presse médicale . C'est pourquoi nous
avons poursuivi l'auvre de vulgarisation, et nous continuerons de pour
suivre ce que nous considérons, tous les deux, comme un acte pa
triotique, et comme le moyen le plus certain de contribuer aux progrès
de la dermatologie dans notre pays.
Lorsque Bazin et Hardy eurent cessé d'enseigner, et lorsqu'on eut
pris notion des travaux de l'étranger, on n'eut pas de peine à s'aperce
voir que presque tout était à refaire en pathologie cutanée : anatomie et
physiologie pathologiques, classement, pathologie générale, thérapeu
tique; c'est cette tâche laborieuse à laquelle s'est vouée la génération
126 BIBLIOGRAPHIE .

dermatologique qui détient aujourd'hui l'enseignement et la pratique de


la pathologie cutanée ; c'est cette période d'étude , d'analyse , de réforme,
de reconstitution qui se poursuit aujourd'hui sur les bases les plus lar
ges, mais qui n'est pas encore terminée.
Loin de regretter que cette génération n'ait pas encore produit d'ou
vrage original , didactique et complet, qui remplace les æuvres de Bazin
et de Hardy, il faut la féliciter ouvertement de sa réserve et de sa tem
porisation ; une cuvre digne d'elle, et à la hauteur des efforts qu'elle
réalise, une création vraiment personnelle, ne se peut ainsi improviser.
Je dirai plus, cela ne peut être fait en aucun pays à l'heure présente
par un dermatologiste ni par plusieurs associés ; la publication collec
tive la plus récente qui ait paru à l'étranger, bien qu'elle renferme des
documents précieux dont nous donnerons connaissance au public mé
dical français, montre trop clairement que la révolution dermatologique
est universelle, et que le moment n'est pas encore venu de systématiser
l'ensemble de cette partie de la pathologie.
Nous ne faisons pas difficulté de reconnaître qu'il peut être fort utile
aux médecins et aux élèves de posséder, dès à présent, des manuels
ou des compilations qui facilitent l'étude ou la recherche, et nous ne
manquerons pas de signaler de notre mieux , ou d'encourager de toutes
nos forces, les productions de ce genre qui seraient faites par une main
autorisée, ou correctement et loyalement exécutées. Mais, nous ne sau
rions trop le dire, les élèves, aussi bien que les médecins francais ou
étrangers qui veulent véritablement apprendre la pathologie cutanée
peuvent trouver à l'hôpital Saint- Louis, dans l'enseignement officiel ou
libre, ce qu'ils chercheraient ailleurs en vain : musée sans égal ; libre
accès des salles dans lesquelles sont réunis en permanence plus de
six cents malades hospitalisés, offrant tous les types de dermopathies ;
accès gratuit partout, dans les salles , au musée, aux cours cliniques et
policliniques. Vienne un peu d'organisation des élèves, et que leur pré
sence réelle soit rendue obligatoire pendant un délai déterminé, voilà
constituée une école dermatologique sans pareille.

II

Au moment où la mort est venue frapper d'une manière si cruelle


ment imprévue notre regretté collègue Billairet, il commencait l'exécu
tion d'un projet fort louable et utile entre tous, celui de résumer en un
traité élémentaire l'expérience d'une carrière de dermatologiste longue
et bien remplie . Mais il sentait que, pour l'accomplissement de cette
lourde tâche, il lui était, dès l'abord, nécessaire de s'associer un colla
BIBLIOGRAPHIE .
127

borateur qui fùt au courant des procédés de la science nouvelle, et qui


pút l'aider à retrancher ce qui était devenu inutile ou à ajouter ce qui
devenait nécessaire . Nous avons dit déjà ( 1 ) combien nous considérions
comme digne de remplir cette mission le jeune et distingué collabora
teur choisi par Hillairet, Ernest Gaucher ; nous sommes heureux d'an
noncer, anjourd'hui, la publication de la deuxième partie du premier
volume qu'il vient de faire paraître (2) .
Dans une revue bibliographique antérieure (3) , j'ai déjà exposé le plan
général de l'ouvrage et indiqué les principes adoptés par l'auteur avec
assez de détails pour n'avoir pas à y revenir aujourd'hui.
Le second fascicule, que vient de donner M. Ernest Gaucher, com
prend les « Dermatoses congestives ou inflammatoires communes » :
Erythèmes, - Erysipèle, - Eczéma, - Herpės, —- Pemphigus, – Ec
-

thyma, – Impétigo, – - Lichen, — Prurigo, – Psoriasis, - Pityriasis,


-

c'est-à- dire une grande partie de la pathologie cutanée proprement dite.


Sur tous ces points, l'auteur s'est efforcé de rester fidèle à la mission
qu'il s'est donnée de respecter la part du maître, tout en ajoutant celle
des auteurs français ou étrangers contemporains ; ce m'est un véritable
plaisir de constater qu'il s'en est acquitté de la manière la plus heureuse ,
et que le praticien aussi bien que l'élève trouveront dans l'ouvrage un
guide excellent pour l'étude ou pour la pratique .
Plusieurs chapitres, celui qui est consacré à la Pellagre, par exemple,
ont reçu des auteurs un développement considérable ; c'est tout bénéfice
pour le lecteur, mais cela mène, aussi , à regretter que tous les sujets
n'aient pas été traités avec la même ampleur. A vrai dire, cela ne serait
possible qu'à la condition d'augmenter considérablement les proportions
du livre. Aussi est-ce là ce qui s'impose aujourd'hui aux publications
sur la dermatologie, dont le champ s'est considérablement étendu à
l'époque actuelle . Manuel, ou traité complet et à grand développement,
voilà les deux seuls livres dermatologiques que comporte un avenir
prochain .
L'élève ou le médecin qui consulteront le livre de Hillairet et de
1. Gaucher trouveront à la fin du volume des planches en chromolitho
graphie d'une exécution parfaite, et dont l'utilité est incontestable . Elles
pourraient assurément servir de modèle et de type à un atlas populaire
de dermatologie qu'il serait aisé de mener à bonne et rapide exécution ,
à l'aide des pièces magnifiques de Baretta qui composent le musée de
l'hôpital Saint-Louis . Mais le nombre des chromolithographies à exécu
ter serait considérable, et les auteurs , aussi bien que les éditeurs de ce

( 1 ) Annales de dermatologie, 1881 et 1882 .


L'ouvrage sera complet en deux volumes ; le second est sous presse .
13, Annales de dermatologie, 1881 , p . 793.
128 BIBLIOGRAPHIE .

pays, savent qu'ils n'ont à compter sur aucun secours de l'administra


tion ni de l'État; ils savent, aussi , que le public médical français
n'achète guère les ouvrages d'un prix quelque peu élevé, alors surtout
qu'ils ont trait à une branche spéciale de la pathologie. C'est une raison
de plus de savoir gré aux auteurs ainsi qu'à l'éditeur d'avoir donné tout
ce qu'il leur a été possible de donner ; et le succès très légitime de la
publication n'en pourra qu'être accru . ERNEST BESNIER .

L : Gérant : G. Masson.

Paris. – Société d'imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue J. - J. -Rousseau (Cl .) 51.2.85 .
N° 3 . 23 Mars 1885 ,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

DERMITE PROFESSIONNELLE SPÉCIALE (ECZÉMA DES FILEURS


ET VAROULEURS DE LIN),
Par le D: Henri LELOIR, Professeur chargé de la Clinique des maladies cutanées
et syphilitiques à la Faculté de médecine de Lille, Médecin de l'hôpital
Saint-Sauveur.

J'ai observé en 1884 et 1885 dans ma clinique des maladies cutanées


et syphilitiques à l'hôpital Saint-Sauveur, aussi bien dans mes salles des
hommes que dans mes salles des femmes, une maladie de la peau spé
ciale aux ouvriers fileurs de lin , maladie de la peau qui n'a pas encore
été décrite .
L'étude suivante s'appuie sur les observations de mon service et sur
une enquête que j'ai faite, en visitant et examinant les ouvriers de plu
sieurs filatures de lin .
L'affection siège aux mains . Elle est symétrique ; cependant la main
gauche semble plus ordinairement atteinte que la main droite.
A la main , la dermite affecte des sièges de prédilection . Ce sont :
la face interne du pouce, la face externe et palmaire de l'index, en un
mot la face interne de la pince que constituent ces deux doigts ; le bord
cubital et palmaire de la main et du petit doigt.
Vient ensuite la paume de la main et des doigts . Ainsi donc cette
affection est surtout palmaire . Dans les cas plus intenses, elle peut enva
hir toute l'étendue de la main et des doigts, mais il y a toujours prédo -
minence au niveau des points précités. Dans des cas exceptionnels, je
lui ai vu envahir les avant - bras jusqu'aux coudes.
Cette dermile est une dermite eczémateuse. Elle peut être un simple
eczéma érythémato - vésiculeux plus ou moins fluent , parfois un eczenia
vésico -pustuleux ou un eczéma squameux .
Mais bien plus souvent elle se présente sous forme d'eczéma lychénoïde
sec : le derme est épaissi , ses plis sont plus accentués qu'à l'état normal,
ANNALES DE DERMAT. , 2• SERIE , VI . 9
130 HENRI LELOIR .

l'épiderme est lisse, brillant , parfois cependant légèrement squameux.


Presque toujours l'épiderme est plus ou moins profondément crevassé.
En outre , surtout au niveau des éminences thénar et hypothénar, parfois
dans toute l'étendue de la paume de la main et des doigts il y a épaissis
sement notable de la couche cornée ( eczéma lychénoïde corné ). Les
ongles sont très rarement pris. Le prurit est variable comme intensité,
mais il est constant. Cet eczéma amène des troubles fonctionnels plus
ou moins accentués, en général relativement peu accentués (raideur de
la main et des doigts, disposition en griffes).
Tous les ouvriers ne sont pas atteints. D'après mes statistiques, on
peut dire qu'il y en a 3 ou 4 de pris sur 10. Mais encore faut- il distin
guer. Les uns sont atteints seulement quand ils travaillent; s'ils cessent
leur travail , la dermite disparait spontanément au bout d'une à deux
semaines. Chez d'autres ouvriers, l'affection est beaucoup plus persis
tante ; elle se prolonge pendant de longs mois après cessation de tout
travail. Il en existe en ce moment plusieurs cas dans mes salles .
J'ai dit que tous les ouvriers n'étaient pas atteints ; j'en ai vu qui sont
fileurs et varouleurs depuis 12, 15 et 20 ans, qui n'ont jamais cessé leur
travail et qui n'ont jamais rien eu . Un grand nombre de ceux qui sont
atteints avaient eu des douleurs dans les jointures, des migraines, des
torticolis , de l'urticaire ; quelques- uns avaient eu de l'eczéma de la face.
En un mot, l'on trouve chez un grand nombre d'entre eux ou chez leurs
parents des signes de ce que l'on appelle la diathèse arthritique.
Un certain nombre de ces ouvriers sont atteints d'eczéma sec, lyché
noïde des régions plantaires et perimalléolaires. Cet eczéma des pieds
est assez rare. Il me paraît provenir de ce que les malades marchent
constamment dans la filature pieds nus (ou dans des sabots), les pieds
incessamment trempés par l'eau chaude qui tombe des boites où passe
le fil de lin .
Cette dermite est spéciale aux ouvriers qui travaillent le lin « à
l'humide » ( fileur à l'humide, varouleur). Les ouvriers qui travaillent le
le lin au sec (presseurs, peigneurs de lin, etc. ) présentent parfois un peu
d'hyperkeratinisation palmaire, mais pas d'eczéma. En revanche , ils
sont sujets aux épistaxis, aux angines, aux laryngites et aux bronchites
plus ou moins chroniques.

Voici quelle est, selon moi, la pathogénie de cette dermite eczéma


teuse .
Les ouvriers (en général jeunes gens ou jeunes femmes) sont des
ouvriers fileurs de lin au « mouillé » . Les mèches de lin et les fils
qui en proviennent traversent un grand bac (boîte) rempli d'une eau
DERMITE PROFESSIONNELLE SPÉCIALE . 131

très chaude destinée à débarrasser le lin de certaines impuretés et à


faciliter le filage. Les manipulations du filage, et surtout du rattachage
nécessité par la rupture des fils, se faisant à chaque instant ( rupture qui
se fait surtout dans la bcîte), font que les ouvriers ont toujours les mains
mouillées par l'eau des boîtes. Leurs mains sont constamment enduites
d'une eau visqueuse chargée des impuretés dont le fil s'est débarrassé
dans la boile ; elles sont couvertes d'une sorte de couche mucilagineuse
ou gommeuse .
Je dois noter que, ainsi que me l'ont fait remarquer des filateurs, mes
parents, MM . Catel, ce sont surtout les ouvriers fileurs d'étoupes et
filant de gros numéros de fils qui sont atteints . Car, dans ce mode
spécial de filage, les ruptures de fils sont beaucoup plus fréquentes et
nécessitent un « rattachage » de tout instant.
D'autre part, ces dermites sont plus (réquentes dans les filatures où
l'eau des boites est plus rarement renouvelée et par conséquent plus
chargée d'impuretés provenant du lin, impuretés qui fermentent et
s'alièrent plus ou moins.
L'eau des boîtes a une teinpérature de 35 degrés environ , elle est de
couleur brune, plus ou moins visqueuse. En voici l'analyse que M. le
professeur Violette , doyen de la Faculté des sciences , a bien voulu
faire sur ma demande.
Cette eau renferme par litre :
067, 045 , chlorure de sodium ,
Ost,021, sulfate de chaux,
( ,115 , de chaux (Cao ), combiné aux acides organiques,
Osr, 158, matières organiques gommeuses et acides botyriques et
lentiques.
087,6 40 , résidu par litre.

Titre hydrométrique, 17°,5.


La chaux ne s'y trouve pas à l'état de bicarbonate, mais à l'état de
combinaison à des principes organiques. C'est de l'eau d'Emmerin
naturelle, renfermant le principe mucilagineux du lin transformé en
partie par fermentation en acides butyriques et lactiques, et combinés à
la chaux du bicarbonale tenu en dissolution dans les eaux .
L'eau est neutre aux papiers colorants . A peine une légère trace
d'alcalinité .
Cette eau contient en outre, ainsi que j'ai pu le constater, une quan
tité variable de inicro -organismes divers ( ferments, etc. ).
Donc, en résumé : action prolongée de l'eau à une température élevée
sur le tégument, diminution de la quantité des sels de chaux dans cette
132 HENRI LELOIR .

cau venant encore faciliter la macération de l'épiderme , présence de


substances plus ou moins irritantes dans l'eau des boites, telles sont les
différentes causes qui paraissent amplement suffisantes pour pouvoir
produire, chez des sujets prédisposés peut- être, la dermite eczémateuse
que je viens de décrire.

Cette dermite se rapproche donc, à certains égards, de la dernite étu


diée sous le nom de mal de bassines, de mal des vers chez les tireuses
et dévideuses de cocons de vers à soie, par Poton ( Lyon, 1852 ), puis
par Duffours, et Melchiori , de Novi ( Ligurie) .
Elle en diffère par sa pathogenie professionnelle spéciale, par son
siège palmaire (le mal des vers siège à la face dorsale de la main ), par
son aspect d'eczéma lychénoïde et corné (le mal des vers est une der
mite vésico-pustuleuse très inflammatoire et même phlegmoneuse).

L'eczéma des ouvriers fileurs et varouleurs de lin constitue une variété


nouvelle de dermite à adjoindre au chapitre déjà si grand malheureuse
ment des dermites professionnelles.
Son traitement me paraît consister ( lorsqu'on ne peut faire renoncer
à leur travail les ouvriers prédisposés) à recommander aux patrons de
faire renouveler l'eau des boîtes le plus souvent possible et d'y faire
ajouter les sels de chaux qui y manquent. A recommander aux ouvriers
de bien se laver les mains lorsqu'ils interrompent leur travail et de se
les graisser avec de la glycérine pendant leur travail.
La dermite une fois apparue , je recommande les gants de caoutchouc,
les onctions avec du glycérolé d'amidon , la pommade à l'oxyde de
zinc, les -pulvérisations et lotions faites avec de l'eau glycérinée et , dans
certains cas , les lotions astringentes.
Je fais faire en ce moment une thèse sur ce sujet par M. Nollet , élève
de mon service .
II

CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU,


Par Alexis POSPELOW ,
Docteur en médecine, Médecin en chef de l'hôpital de la Measnitzkaïa (Moscou) .
( Fin.)

La première chose qui frappe la vue en examinant notre malade , c'est


la déformation de la main gauche ; la peau et le tissu cellulaire sont
ædématiés . En pressant avec le bout du doigt sur la peau enflée,
on remarque facilement que cette dernière se prête difficilement à la
pression ; elle est élastique coinme la gutta - percha; après la pression le
creux s'égalise et rougit. Il est évident que l'ædème de la peau et du
tissu cellulaire existe dans ce cas ; mais il n'est pas pareil à celui qui
se présente dans plusieurs autres cas, comme, par exemple, dans la
maladie de Bright, dans les affections de cœur, dans la grossesse, etc.
Dans l'anasarque, il se forme facilement un godet sous la pression du
bout des doigts sur la surface de la peau . La peau et le tissu cellulaire
rappellent l'élasticité de la pâte ; ils sont peu élastiques ; dans le cas qui
nous occupe, la peau et le tissu cellulaire sont au contraire, malgré leur
imbibition séreuse, compacles et élastiques. L'edeme a une forme
pareille à celle que présente le sclérème, il est plus prononcé sur les
doigts que sur la main . Si nous nous rappelons que le degré de l'ædème
des doigts est proportionnel à l'intensité de leurs douleurs, puisque
l'æleine augmente à mesure que les douleurs dans les doigts deviennent
plus fortes et diminue également à mesure que les douleurs s'amoin
drissent, il me paraît incontestable que l'ædème est en relation intime
avec un trouble de l'innervation . En un mot, la cause de l'ædème
provient des nerfs et est en relation intime, non seulement avec une
modification de la circulation du sang , mais indéniablement aussi de la
circulation lymphatique .
Une seconde allération de la peau, c'est l'agrandissement de la couche
cornéale et la déformation des ongles de la main .
La couche corneale, laquelle à l'état normal chez un sujet bien por
tant se desquame d'une façon presque imperceptible à l'ail nu , a atteint
chez notre malade une dimension considérable ; dans le courant de
134 ALEXIS POSPELOW .

5 années de souffrances, elle a atteint sur le pouce une épaisseur de


3 millimères et s'est transformée en une croûte brun foncé , fendillée ,
formant un étui cylindrique qui entoure le doigt et le préserve de toute
lésion mécanique. Il n'était pas possible d'enlever la croûte : elle servait
effectivement de protection à ce doigt , puisque le plus liger attouche
ment excitait parfois , au dire de la malade, une douleur indicible, tandis
qu'un léger coup sur la croûte n'excitait aucune douleur. Pour exa
miner la formation de la croûte en question , j'ai profité d'une partie qui
s'était detachée de la surface palmaire de la première phalange du
pouce .
En examinant la croûte en question , on observe qu'elle consiste en
plusieurs couches concentriquement superposées. La formation des
couches est inégale : entre ces couches se présentent des plaques cur
vilignes absolument régulières; on observe, en outre , des couches
plissées en zigzag lesquelles semblent n'avoir pu que difficilement
trouver place entre les couches avoisinantes par suite de leur croissance
plus rapide que celle des autres couches. Ce dernier fait porte à croire
que la formation des couches de la croûte ne s'était pas faite régulière
ment, mais par accès.
Un examen pratiqué microscopiquement sur les croûtes coupées avec
le microtome, après avoir été préalablement plongées dans un mélange
de glycérine et de gomme arabique , puis durcies dans l'alcool absolu , a
prouvé que chacune de ces couches microscopiques est à son tour formée
d'une rangée de feuilles minces, d'une épaisseur inegale. Une formation
aussi irrégulière, nous montre que la force de leur croissance était sujette
à des mouvements périodiques. Il parait que les altérations du tissu
épidermique, lequel forme la croûte, coïncide avec le degré du mal qui
existe dans les doigts. Donc, la plus forte douleur se trouvant dans le
pouce, l'altération de l'épiderme y est plus notable ; l'intensité des
douleurs des autres doigts va en diminuant de sorte que la formation
des couches de l'épiderme va aussi en diminuant. L'altération des
ongles de la main malade est absolument analogue à ce que nous
venons de décrire : les ongles présentent des couches stratifiées ; sur
le pouce elles sont au nombre de six , irrégulières, concentriques, for
mant des zigzags par points, d'une épaisseur différente. Les couches des
ongles , leur couleur, leur fragilité, en général le degré de leur affection
est proportionnel à la topographie de l'intensité des douleurs dans les
doigts, comme c'est le cas aussi pour les modifications de la couche
épidermique. Une altération aussi graduelle de la couche cornéale des
ongles et des doigts ne doit, d'après mon opinion , être considérée comme
accidentelle ; elle est absolument analogue à l'ædèine grad sel des doigts
déjà cité. De temps à autre, la malade remarquait que les ongles deve
CAS RARE D'UNE DYSTROPHE DE LA PEAU . 135

naient plus fragiles et principalement après les accès de fortes douleurs,


lesquels se répétaient périod quement ; si , à la suite de l'amoin
drissement des douleurs, les ongles ne tombaient pas entièrement, ils
se cassaient en grande partie et étaient par la suite remplacés par d'autres,
présentant également une lamelle malade . Ce phénomène nous montre
une perturbation du système nerveux, devenant périodiquement plus
forte, le système nerveux étant soumis à des modifications rebelles . Nous
avons déjà vu quelles sont ces modifications, nous y reviendrons plus tard .
Pour en finir avec l'examen des modifications morbides du tissu cor
néal , il nous reste à dire quelques mois sur les microbes que nous
avons constatés dans notre examen des croûtes épidermiques et des
ongles .
Puisque nous les constatons au milieu des lésions, la question sui
vante se présente : N'avons- rous pas à faire, dans notre cas, à une
mycose de la peau ; n'est- ce pas là la cause de toutes les modifications
dont nous avons parlé ?
L'étude de la dermopathologie pronve que, dans un très grand nombre
de cas, les dermatomycoses se produisent par la présence d'un seul
parasite , qui cause une mladie définitive, tandis que les autres élé
ments tombant sur le même terrain (peau ), périssent sans se développer
et cèdent la place au plus fort, lequel en se reproduisant devient com
plètement maître du terrain. Nous savons , du reste, que plus la maladie
cutanée est récente, plus ilest facile d'y découvrir la présenee du cham
pignon , lequel produit spécialement cette maladie . Le contraire s'observe
dans notre cas, les microbes que nous avons découveris se présentant
sous deux aspects différents ( inicroccocus crepusculum , bacillus subtilis)
qui existaient sur le même terrain , absolument indépendants les uns des
autres, comme l'on constate parfois dans un tas de décoinbres des
dizaines d'espèces d'insectes qui vivent en commun .
Les deux espèces de microbes qui existent dans notre cas, ne se domi
nent pas l'une l'autre, vu que les microbes découverts sont les semences
du hasard , et non les productions de la maladie . Des recherches faites à
plusieurs reprises sur les microbes de la lamelle de l'ongle du pouce de
la main droite, lequel venait d'être atteint, puis, sur des plaques foncées
de l'épiderme, enlevées de la partie interne de la jambe gauche , ont
donné des résultats négatifs. Cette dernière particularité nous donne le
droit d'admettre que les microbes se sont ajoutés après le début de la
maladie du tissu cornéal , circonstance qui nous porte à conclure que
les modifications de la peau et des ongles ne pourraient être produites
par la présence des microbes qui y ont été découverts . Une des causes les
plus importantes desquelles dépendent les souffrances actuelles de la
peau, est indéniablement le trouble du système nerveux .
136 ALEXIS POSPELOW .

Un examen du corps de la malade nous montre que le poignet de la


main gauche est presque toujours pâle, et principalement la face dorsale ;
il est notablement plus pâle que celui de la main droite ; la patiente y
éprouve une sensation de froid continu , tandis que dans la main droite,
cette sensation de froid ne se fait sentir que rarement. Au toucher, l'ex
trémité de la main gauche est plus froide que celle de la main droite .
Comme une sensation de froid ne manque jamais d'exciter une vive
douleur, notre malade a pris l'habitude de s'envelopper la main d'une
couverture en édredon , même en été ; quand la malade plonge la main
dans l'eau chaude, ou même, quand elle la couvre plus chaudement que
d'habitude, la main et le poignet rougissent rapidement. Une rougeur
apparaissant aussi subitement sur une main habituellement très pâle,
s'observe aussi chaque fois qu'elle se cogne, ou que quelqu'un lui
donne par hasard un petit coup sur le bout des doigts 1 , 2. Il est
à noter aussi que, quand la malade pose la main horizontalement sur
un coussin , ou bien sur une table, une rougeur appréciable se montre
au bout de 20 minutes sur la paume de la main ; cette rougeur est accom
pagnée d'un élargissement des capillaires, des artères et des veines de la
pau , visible même à l'æil nu ; le même fait se constate après une
pression sur la peau cedématiée du dos de la main malade.
L'injection des vaisseaux sanguins excite une sensation de chaleur,
mais ne produit jamais aucune douleur; donc, lors même qu'on n'atta
cherait pas d'importance à la différence du calibre des artères de la
main malade et de la main restée indemne et que l'on considérerait peut
être ce fait comme une anomalie anatomique, la constriction rapide
des vaisseaux cutanés, puis la dilatation également rapide de ces vais
seaux , telles qu'on les perçoit à l'æil nu , principalement dans les
artères et dans les veines de la surface dorsale des doigts, doivent être
considérées comme la conséquence d'un trouble nerveux vaso- moteur.
L'existence des nerfs vaso-moteurs a été parfaitement démontrée de
nos jours, grâce aux recherches de Luchzinger, Kendall ( 1 ), Ostrou
mow (2) et Lewachew (3) ; leur action est prouvée non seulement sur
la peau, mais aussi d'après les recherches de Heidenhain et de Grütz
ner ( 4), sur les muscles. Quant à leur trajet on sait qu'une partie des
-

(1) Zur innervation der Gefässe ( Prüger's Arch . , 1876, Bd XIII, p . 197).
Luchzinger. Fortgesetze Versuche zur Lehre von der loperyation der Gefässe
(Prüger's Arch . , Bd XV, p . 391 ) .
(2) Versuche über die Hemmungsnerven der Hautgefässe (Pfüger's Arch., Bd XII ,
p . 219, elc . , 1876) .
(3) LEWACHEW , Sur l'influence du N. crural sur la transparence des vaisseaux
de l'extrémité inférieure ( Dissert . , 1879).
(4) Heidenhain und P. Grützner . Beiträge zur Kenntnis Gefässinnervation. (Prü .
ger's Arch . , 1878 , Bd XVI , p. 1. Heideuhain . Veber die Innervation der Muskel
gefsässe (ibid. , p . 47).
CAS RARK D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 137

vaso -moteurs chez les chiens et les chats, vont de la moelle lombaire
aux extrémités postérieures, que d'autres naissant de la moelle dorsale
suivent le trajet du sympathique pour entrer dans le nerf sciatique
(Ostroumow ), d'où il suit que les appareils terminaux des vaisseaux
cutanés ont différents centres d'irritation ( Luchzinger, Kendall) . Schiff (1 )
dans ses examens sur la physiologie des nerfs, a démontré que les
nerfs des vaisseaur cheminent à travers la moelle épinière jusqu'à la
moelle allongée ; il s'ensuit que cette dernière doit être considérée
comme étant le centre des vaso-moteurs ; puis Aftsiannikow (2) a prouvé
que les vaso -moteurs peuvent être suivis jusqu'aux tubercules quadriju
meaux .
Comme le dit Seligmüller (3) , la diffusion des troubles vaso-moteurs
(lesquels atteignent souvent les quatre extrémités à la fois), nous montre
qu'il faut rechercher leur cause dans le centre des nerfs vaso -moteurs,
dont le principal est situé dans la moelle allongée, tandis que d'innom
brables centres secondaires sont étagés dans la moelle cervicale et dans
la moelle épinière.
Mais outre les centres déjà découverts et qui dirigent les mouvements
des vaisseaux sanguins, et se trouvent dans la moelle, les recherches de
Putzeiss, celles du professeur Tarchanow , de Huizing ( t) , etc. , ont dé
montré qu'il existe encore des appareils périphériques ( plexus et gan
glions nerveux ), situés autour des parois des vaisseaux ou dans leur
épaisseur ; ceux - ci peuvent exercer leur influence sur le calibre des
vaisseaux sans le concours de la moelle épinière, comme les cellules
ganglionnaires de Rémak agissent sur le cæur et les intestins.
D'autre part, les observations faites sur les nerfs cutanés après la sec
tion du nerf ischiatique, par le Dr Lewachew (5) , ont démontré que
l'action des vaso-moteurs augmente du centre à la périphérie. Le même
fait s'observe aussi , au dire de Lewachew , aux extrémités supérieures ; il
a remarqué que les modifications de calibre des vaisseaux des extrémités
inférieures dépendent de la quantité des fibres vaso -motrices ; ces der
nières sont en plus grand nombre vers la périphérie que vers les parties
plus rapprochées du centre.
La série des troubles vaso-moteurs de notre malade démontre que ses
vaso -moteurs sont dans un état d'altération maladive ; on remarque
facilement qu'une légère irritation des doigts de la main gauche ordinai

(1) Untersuchungen zur Physiologie des Nervensystems mit Berücksichtigung


der Pathologie, 1855, p. 198 .
(2) Die tonischen und reflectorischen Centren der Gefassnerven . Leipzig, 1871 .
(3) SELIG MÜLLER . (Manuel des maladies du système nerveux, p. 334.)
( 4) L’ntersuchung über die Invervation der Gefässe in der Schwimhaut des
Frosches ( Prüger's Arch ., Bd XI , p . 207 ) .
(5) LEWACHEW , Innervation des Hautgefässe ( Prüger's Arch ., Bd XXVIII, p. 389 ).

1
138 ALEXIS POSPELOW .

rement pâle, produite ou par un coup , ou bien par un bain chaud de la


main , amène rapidement une hypérémie accompagnée d'un élargisse
ment des veines et des artères de la face dorsale des doigts ; élargisse
ment prononcé à un tel point , qu il est même visible à l'ail nu ; tandis
que le froid excite une douleur aiguë dans toute la main , qui devient
extrêmement pâle. Selon mon opinion , cette maladie n'est pas tant
localisée dans les ganglions périphériques, lesquels entourent les parois
des vaisseaux , que dans les centres mêmes du système nerveux de la
moelle épinière et de la moelle allongée. Je fonde cette supposition sur
des signes anamnestiques très importants, lesquels indiquent claire
ment la cause qui a produit ces altérations. Un trouble remarquable
s'est produit dans le système de la circulation du sang, au dire de la
malade, immédiatement après le bain froid dans la rivière, qu'elle a pris
après un bain chaud. Il faut admettre que les vaisseaux sanguins dilatés
par le bain chaud, se sont rapidement resserrés, sous l'influence d'une
température comparativement froide (il me semble nécessaire de rap
peler ici que ce bain froid était son premier de la saison ), et les vaso
constricteurs ont pris le dessus sur les vaso - dilatateurs .
La prédominance des vaso -constricteurs ne fut pas passagère ; la
malade se souvient nettement qu'après le sommeil de 24 heures qui
suivit le bain, elle devint rapidement pâle. Le pavillon des oreilles
devint blanc et transparent ; en général, tout son organisme s'affai
blit et depuis elle n'a plus recouvré sa santé d'autrefois. L'anxiété
que témoignaient ses parents, nous montre que son état maladif était
frappant. Il est par conséquent permis de conclure que , depuis le moment
du bain froid ( refroidissement), une profonde altération s'opéra dans les
centres du système vaso -moteur , lesquels se trouvent dans la moclle
allongée et spinale, et qu'en même temps commença la maladie des
centres périphériques.
Outre l'affaiblissement général de la nutrition et de la formation du
sang, lesquelles s'étaient améliorées quelques années après l'événement
décrit, mais ne sont tout de même plus jamais revenues à leur état pri
mitif, la malade commença encore à éprourer une continuelle sensation
de froid, et plus tard , elle ressentait même en été une sensation de main
geléc . En notant que cette sensation de froid accompagnée parfois de
cyanose et de douleurs qui persistent jusqu'à présent, dépend du trouble
des vaso-moleurs , comme l'ont démontré en ces derniers teinps les obser
vations de Raymond ( 1 ) et de Weiss ( 2) , il faut admettre que les douleurs
ressenlies par la malade aux extrémités supérieures, douleurs sur
venues à la suite d'une augmentation de la sensation de froid des mains,
(1 ) Voir la Revue médicale, 1874 , 1. I. p. 2 .
(2) Veber symmetrische Gangrän ( Wiener klinik , 1882. Liyr. X et XI) .
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 139

proviennent d'une même source, du trouble des vaso -moteurs avec les
altérations qui en résultent dans la nutrition des tubes nerveur. Les
modifications dans la circulation du sang dues à la perversion de l'in
nerration vaso-motrice devaient nécessairement se refléter sur la nu
trition des tubes nerveux , lesquels ont une irrigation sanguine et lym
phatique leur appartenant en propre. Des données bien connues de
physiologie et de neuro -palhologie ont depuis longtemps prouvé le rapport
inume qui existe « entre la circulation du sang , réglant la nutrition et les
fonctions des nerfs ; des expérimentations faites de nos jours ont montré
que le trouble de la nutrition provenant d'une simple anémie du tube
nerveux, peut aller jusqu'à l'hypérémie , jusqu'à l'inflammation , même
jusqu'à la névrite » .
L'existence de cette dernière phase de la maladie a été démontrée de
nos jours d'une manière expérimentale sur des animaux ( les chiens) ;
elle est prouvée par le cas de Weir- Mitchell ( 1 ), ainsi que par diverses
affections cutanées décrites par Chabrier (2), Leloir (3 ), etc. (névrites
parenchymateuses ).
Il est irrefutable que dans le cas présent l'altération du système vaso
moteur a dû modifier la nutrition des tubes nerveux avec leurs branches ;
et effectivement les recherches faites sur l'état de la malade ont montré
que la sensation de froid dans la main qui se manifestait d'une manière
intermittente est actuellement remplacée par une douleur continue qui
est parfois très intense ; la douleur est augmentée par une pression dans
la direction des tubes nerveux de l'épaule et des plexus brachiaux des
deux bras , puis par des convu'sions localisées consistant en tiraillements
des muscles, par une altération dans la sudation , par des troubles ther
miques, et toute une suite de dystrophies bien accentuées de la peau et
des ongles des mains.
La persistance de douleurs intenses et continues, lesquelles augmentent
de temps à autre, mais qui dans le courant des six dernières années n'ont
jamais quitté la malade, fait supposer qu'il ne s'agit pas de douleurs né
vralgiques , ces dernières apparaissant par accès, et les malades n'éprou
rant pas de douleurs dans leur intervalle. Notre malade, au contraire, ne
peut être calmée pour quelque temps, que par une injection sous -cutanée de
morphine et mêine le narcotique amoindrit seulement la douleur, mais
ne la fait pas disparaître.
Il est impossible d'expliquer cette douleur continue dans la main par

(1 ) Cité d'après Schwimmer. Voir Die neuropathischen Dermatonosen , 1883,


P. 17 .
(2) Étude sur le vitiligo (Thèse de Paris, 1880 ).
(3) Recherches cliniques et anatomo-pathologiques sur les affections cutanées
d'origino nerveuse. Paris , 1882.
140 ALEXIS POSPELOW .

une simple ischémie des tubes nerveux, qui est augmentée par le froid
et légèrement diminuée par une température chaude ; - malgré le
réchauffernent des mains et la dilatation visible des vaisseaux , la douleur
ne passe pas. Cette dernière circonstance nous porte à présumer, que
l'altération dans la nutrition des tubes nerveux est plus enracinée et ne
peut être considérée comme une simple ischémie, ou une hypérémie des
tubes nerveux . On peut admettre que les altérations dans le système ner
veux consistent dans notre cas, en une inflammation chronique des tubes
nerveux , une névrite chronique des nerfs sensitifs et des nerfs moteurs .
Ni le Dr V. K. Roth , ni moi, nous n'avons pu constater, il est vrai , de
tuméfaction des cordons nerveux .
Mais ce gonflement ne se rencontre pas facilement quand le nerf est
profondément situé. L'absence de la timéfaction du nerf accessible au
toucher n’exclut donc pas dans notre cas l'existence de la névrite, si
l'on considère l'épaisseur du tissu graisseux à travers lequel il nous a
fallu faire cette exploration.
Pour ce qui se rapporte à l'excitabilité galvanique et faradique, il est
à remarquer que les cordons nerveux et leurs branches ne présentent
dans notre cas aucune altération appréciable; si même elle existait, elle
n'aurait qu'une importance diagnostique secondaire par rapport aux
autres symptômes, mais non une importance absolue . D'après l'opinion
d'Erb, une excitabilité élevée pour les courants continus et les courants
>

induits se rencontre au début de la maladie et dans des cas peu in


tenses , tandis que nous avons incontestablement affaire à une maladie
chronique, c'est- à -dire, à une névrite chronique.
En admettant l'existence d'une inflammation des cordons nerveux et
de leurs branches, il se présente une question à résoudre , question
d'une grande importance clinique dans notre cas : comment expliquer
une dystrophie aussi localisée de la peau et des ongles, si l'altération
des nerfs va, comme il faut le supposer, de la périphérie au centre,
et s'étend du bout des doigts jusqu'aux plexus brachiaux ?
Il y a lieu de croire que la névrite, qui existe chez notre malade, ne
présente pas partout une intensité égale, et qu'il s'agit de cette forme
de névrite dite parenchymateuse, prouvée non seulement par des faits
cliniques mais aussi anatomiquement.
Chabrier ( 1 ) et Leloir (2) ont présenté en 1879, à l'Académie des
sciences de Paris, un mémoire sur ce sujet. D'après les recherches faites
par ces deux auteurs , la névrite parenchymateuse, qui se rencontre dans
différentes maladies cutanées limitées (vitiligo , ichthyose, ecthyma, etc. )

( 1 ) Etude sur le vitiligo (Thèse de Paris, 1880) .


(2) Recherches cliniques et anatomo- pathologiques, etc.
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU .

consiste en une altération profonde et limitée du système nerveux


périphérique des parties cutanées, ce qui explique probablement la
limite nette , que l'on constate dans les maladies précitées. En faisant
la biopsie de ces maladies cutanées, Chabrier et Leloir n'ont trouvé
que quelques fibres nerveuses altérées; après leur séjour dans l'acide
osmique et leur coloration par le picro-carmin , elles présentaient une
ressemblance frappante avec la névrite atrophique ; dans quelques-unes
(3 sur 30), le cylindre axe avait complètement disparu , la myéline rem
plissait les tubes nerveux sous forme de gouttes fragmentées, le nombre
des noyaux de la membrane de Schwann était augmenté.
L'importance de ces observations semble être diminuée par les recher
ches de Sigmund Mayer ( 1 ) , sur la dégénération et la régénération du
système nerveux périphérique , recherches dont la monographie très
complète de Leloir ne fait pas mention , malgré sa riche bibliographie.
Recherches cliniques et anatomo-pathologiques sur les affections cutanées
d'origine nerveuse) , et cependant les observations de S. Mayer semblent
contredire les recherches de Leloir. Le fait est que S. Mayer a examiné
les tubes nerveux à l'état normal chez l'homme, chez les mammifères,
les oiseaux, les poissons, etc. , et à différentes époques de leur existence ;
il a trouvé que les tubes nerveux dans le courant de la vie ne restent
jamais dans un état stationnaire , mais que la plupart d'entre eux sont
soumis à la dégénération et à la régénération et présentent à différentes
époques des différences dans leur structure , ainsi que dans leur com
position chimique. Ainsi donc, d'après les recherches de Mayer, nous
pouvons trouver même à l'état normal des tubes nerveux dont l'activité
fonctionnelle est abolie, avec leur cylindre axe détruit et même des
gaines vides ; nous verrons pourtant que la force des arguments de
Leloir, pour prouver l'existence de la névrite parenchymateuse, n'est
aucunement réfutée par les observations précitées .
Les déductions de Leloir méritent, selon moi, en tout cas, plus de
confiance, parce qu'elles ont été vérifiées par des recherches de contrôle
sur la peau saine. Avant de se prononcer , Leloir aa examiné un nombre
considérable de lambeaux de peau excisés de 1 à 20 heures après la
mort, dans différentes maladies d'enfants, d'adultes et de vieillards ; or
dans les nombreuses préparations faites avec ces lambeaux cutanés, il
n'a pas trouvé un seul tube nerveux altéré ; ce qui le fait arriver à la
conclusion que les nerfs cutanés ne contiennent pas à l'état normal des
fibres dégénérées chez l'homme .
Mais si Vulpian a trouvé dans des cas très rares, à l'état normal dans

( 1 ) S. MAYER, Ueber Vorgänge der Degeneration und Regeneration in unverschrten


peripherischen Nervensystem (Zeitschrift. Heilkunde, Bd II, 1881 ) .
142 ALEXIS POSPELOW .

les racines spinales, dans les nerfs périphériques des animaux (Stricker ),
ou même dans les nerfs cutanés chez l'homme des tubes nerveux altérés ,
coinme l'ont constaté une fois Leloir et Déjerine, ce fait est tellement
rare, comme le dit Leloir, que la proposition précédente n'en conserve
pas moins toute sa valeur.
Les recherches de Leloir et Déjerine, ont, en outre, prouvé que les
nerfs périphériques dans des cas ordinaires de maladies cutanées, comme
le psoriasis, le lupus erythémateux , les abcès, la gangrène, la goinme, etc. ,
sont à l'état normal ; ces recherches détaillées et contrôlées ont, selon
moi, le caractère de la certitude et expliquent certaines maladies cu
tanées d'origine nerveuses.
Il y aurait donc bien lieu de supposer la névrite parenchymateuse
dans notre cas ; cela est démontré : 1° par la nette délimitation de l'af
fection cutanée entièrement proportionnée à l'intensité des douleurs ner
veuses ; 2 ° par l'apparition d'une plus grande altération locale des ter
minaisons des nerfs périphériques immédiatement après que la malade
eut plongé ses mains dans l'eau chaude. En nous rappelant l'histoire
de la malade, nous voyons que c'est après avoir plongé ses mains dans
l'eau chaude qu'elle éprouva la même nuit une violente douleur dans
la main gauche, douleur qui provoqua pour la première fois de sa vie
une violente attaque hystérique.
En nous rappelant, en outre, que cette douleur dans la main gauche
ne disparut plus, et qu'en augmentant elle s'accompagna de modifica
tions de la peau et des ongles marchant de pair avec la douleur, le diag
nostic de la névrite parenchymateuse devient très probable. Pour
s'assurer de l'existence de ce genre de névrite, le meilleur moyen eût
été de couper un lambeau de peau de la partie malade ( biopsie) et de
le soumettre à un examen d'après la méthode de Leloir; mais considé
rant qu'il eût fallu couper pas moins d'un centimètre de peau du doigt
malade, la biopsie m'a paru impraticable, d'abord à cause de l'âge
avancé de la malade, puis àà cause des douleurs intenses qu'elle éprouve
dans la main .
Pour ce qui se rapporte aux nerfs sudoripares spéciaux, dont l'exis
tence a été prouvée de nos jours (Kendall, Luchzinger, Nawrotzki, Adam
kéwitch, etc. ), leur innervation se trouve aussi altérée dans le cas qui
nous occupe. La malade assurait qu'elle ne transpirait plus. N'ajoutant
pas foi à ses paroles , nous avons pratiqué une injection sous - cutanée d'un
14 gramme de pilocarpine dans le dos entre les omoplates. Deux mi
nutes après l'injection , la patiente eut une forte salivation , sa figure se
colora , mais principalement les joues et les oreilles ; elle eut la nausée,
des battements de cæur et le pouls devint plus rapide ( 100 ), mais la
transpiration attendue ne se produisit pas ; les aiselles devinrent à peine
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 1 13

bumides et la main malade quoique chaudement couverte , était absolu


ment sèche .
Cette expérience nous prouve clairement que l'innervation des fibres
nerveuses sudoripares est intéressee. C'est dans ce dernier phénomène que
nous devons chercher l'explication du fait que j'ai constaté, l'obstruciion
des pores des glandes sudoripares, dont l'épithélium n'étant pas imbibé,
et ne pouvant pas être excrété avec la sueur, s'est amassé dans les orifices
et les encoinbre en forme de bouchon . Sachant que sur la paume de la
main , il n'existe ni glandes sébacées, ni follicules pileux , il faut
admettre que les bouchons kératoïdes que j'ai constatés , appartiennent
précisément aux orifices des glandes sudoripares.
Pour ce qui concerne la sécrétion de la graisse de la peau , ce fonc
tionnement, s'il n'est pas complètement aboli dans la main malade, est
toutefois considérablement affaibli ; phénomène qui provient, certes, en
partie des altérations de la peau causées par la vieillesse. L'amoindris
sement de la sécrétion de la graisse et de la sueur sur la main malade
a rendu la peau sèche, rappelant le parchemin ; elle s'imbibe difficile
ment et ne laisse, par conséquent, pas même passer de forts courants
galvaniques. Mais une fois imbibée la peau soumise à un courant con
tinu de vingt éléments , devient le siège d'une urticaire , expression
d'une angio -névrose pure, montrant d'une façon évidente la mobilité
maladive du calibre des vaisseaux sanguins.
Si nous considérons que la sueur est indépendante de la pression du
sang , ainsi que cela a été prouvé , il faut admettre que la diminution
de la sueur chez notre malade, n'est pas en relation avec une lésion du
systėme vaso -moteur, mais en raison de la généralisation de ce phéno
mène, qu'il a son origine dans les centres sudorifiques, qui sont situés
dans la moelle spinale et dans la moelle allongée. (Nawrotzki (1),
Adamkéwilch (2 ), Lachzinger (3) . ]
Passons à l'évaluation des autres altérations morbides . Nous avons
signalé l'accumulation anormale de la graisse dans le tissu sous - cutané,
et constaté que dans les extrémités inférieures ainsi que dans les extré
mités supérieures gauches, la graisse dépasse considérablement la quan
tité normale comparativement aux autres parties du corps.
En terminant le diagnostic du cas que nous avons examiné, il importe
de mentionner que les altérations de la couche cornéale de la peau et
surtout des ongles, et les altérations de la sensibilité étudiées récemment

(1) Studien der physiologischen Institut in Breslau , 1885 .


2) Die Secretion des Schweisses , eine bilateral symmetr. Nervenfunction ,
Berlin , 1878 .
3 Zür lunervation der Schweissdrüssen (Centralb. p. d . med. Wiss., 1878 , n ° 1
et 2) .
144 ALEXIS PUSPELOW .

par G. Ballet, Dutil (1 ) et Déjerine (2) , s'observent fréquemment chez


les sujets qui souffrent d'ataxie locomotrice progressive et peuvent dé
pendre , non seulement de l'affection du système nerveux central,
comme c'est le cas ici , mais surtout d'une affection périphérique à savoir
d'une névrite chronique des nerfs périphériques. On peut donc se de
mander si les altérations de la peau et des ongles de notre malade ne
dépendent pas du tabes ?
Malgré l'opinion de Bernhardt (3), qui récuse l'influence des lésions
périphériques du système nerveux sur l'accroissement des ongles, –
influence qui peut de nos jours être considérée comme entièrement dé
montrée, tant pour la peau que pour les ongles, - les observations cli
niques du D ' A. Pitres ( 1) montrent que chez les ataxiques, à la suite
de violents accès (sans le moindre phénomène inflammatoire), les ongles
tombent et sont remplacés par d'autres . Ces observations ont été con
firmées par celles de Joffroy, Roques, etc.
En outre, les observations de Ballet et de Dutil dans la clinique du
professeur Charcot, nous ont démontré que chez les sujets atteints du
tabes, en plus des altérations des ongles, apparaît encore quelquefois
l'ichthyose.
Malgré ces analogies, la conservation de l'intégrité de la miction ,
du réflexe des tendons, l'absence de strabisme (même pendant les
accès les plus violents) et d'atrophie des nerfs visuels , la sensibilité
qui est conservée, la démarche ferme malgré l'âge avancé; tous ces
faits, parlent contre l'origine tabétique des altérations des tissus corneaux
de notre malade.
Quant à la différence existant entre notre cas et d'autres maladies
cutanées d'origine nerveuse , avec lesquelles on pourrait confondre cette
maladie , il est à peine nécessaire de noter les particularités qui carac
térisent le cas qui nous occupe , et qui nous interdisent de le confondre
avec d'autres maladies connues d'origine nerveuse (sclerodermie ,
ichthyose, myxædème, etc. ) .
Nous n'avons trouvé dans la littérature médicale qu'un seul cas rap
pelant le nôtre : le cas en question appartient à Leloir et se trouve décrit
dans sa monographie (5) . Il s'agit d'une femme excessivement nerveuse,
laquelle a consulté le Dr Lallier pour une hypéresthésie considérable des
mains, troublant son sommeil. Sur la face, on notait une pigmentation

(1 ) Le Progrès médical, 1883, n ° 20 .


(2) Arch . de physiologie, 1883, juillet.
(3) Centralbl. f. Psychiatrie, 1882 , nº 2 .
(4) Do la chute spontanée des ongles chez les ataxiques ( Progrès médical, 1882,
nº 8 , p . 139) .
(5) Leloir , loc. cit . , p . 44, Observation V.
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 145

fortement a centuée rappelant un masque ; les mains étaient grossières,


les ongles presque tous déformés, plais, cassants, très ninces avec ten
dance à se dédoubler. La pulpe des doigts était excessivement douloureuse
à la pression et la malade pouvait àà peine se servir de ses mains ; en
quelques points, il se faisait une sorte de durillon . La malade présentait,
en outre, des phénomènes de syncope et d'asphyxie locales des extré
mités. Leloir considère ce cas , comme une anomalie du pigment cutané,
lequel se constate chez les malades qui souffrent d'un trouble central ou
périphérique du système nerveux (Couyba, Morat, Germain - Bech
>

terew , etc. , etc. ) .


En terminant l'interprétation de ce cas de maladie cutanée, bel
exemple des modifications de la peau qui surviennent sous l'influence
des troubles du système nerveux , il serait très intéressant de connaître
le mécanisme qui produit toutes ces altérations ; il serait également inté
ressant de savoir si la cause de la maladie provient d'un trouble des
vaso- moteurs (angio -névrose), et consécutivement d'une altératien de la
nutrition, ou bien si l'altération de la nutrition précède la maladie des
nerfs appelés trophiques (tropho-névrose).
Pour expliquer le mécanisme des troubles cutanés trophiques, il existe
différentes théories : la théorie irritative (Brown - Séquard, Charcot) , la
théorie des vaso - moteurs (Brown - Séquard, Schiff, Robin ); la théorie
des nerfs trophiques (Samuel ) ; la théorie de l'abolition de l'activité fonc
tionnelle des nerfs ( Vulpian).
La première de ces théories est depuis longtemps réfutée : la théorie
des vaso -moteurs, selon laquelle la modification des tissus provient
de ce qu'après la section du nerf les vaisseaux se dilatent et une hype
rémie se déclare est insuffisante ; d'ailleurs Claude Bernard a prouvé
que la section du grand sympathique au cou , ne produit pas de troubles
trophiques, quelles que soient la durée et l'intensité de l'hyperémie
consécutive. Charcot (1 ) fait remarquer que l'irritation des nerfs péri
phériques dans les conditions où elle détermine ordinairement les trou
bles trophiques, parait plutôt accompagnée d'un abaissement du chiffre
thermique. La paralysie vaso -motrice, comme l'ont dit Snellen, O. Weber,
Vulpian, est insuffisante pour expliquer la formation des troubles trophi
ques ; si elle joue un certain rôle dans ce processus, c'est uniquement
en qualité de cause prédisposante. D'autre part Liégeois, Charcot et
Vulpian n'ont constaté aucun trouble trophique dans les nombreux cas
d'angio -névroses, accompagnées de constrictions vasculaires.
Ces recherches déniontrent que l'altération de la nutrition des tissus
ne peut être attribuée à l'effet des vaso-moteurs seul, à l'exception des

(1 ) Leçons sur les maladies du système nerveux, 1876 , 1. lºr, p . 37 .


ANNALES DE DERMAT. , 2° SÉRIE, VI . 10
ALEXIS POSPELOW .
146

angio -névroses pures , tels que la roséole , le purpura , l'urticaire.


D'après les observations de Vulpian et de Charcot, les altérations de la
peau purement trophiques sont rarement accompagnées de phénomènes
vaso - moteurs ( 1 ) . Elles dépendent d'une affection des nerfs cutanés, des
nerfs sensitifs et peut-être des nerfs sympathiques ( Vulpian , Schwimmer),
lesquels sont, sans doute , physiologiquement analogues aux nerfs
qui dirigent la sécrétion glan Julaire , si , comme le fait remarquer
Leloir , on considère la peau comme une glande étalée sur la surface du
corps .
Le désir de prouver que les troubles trophiques sont sous la dépen
dance de nerfs spéciaux , a donné lieu à une théorie à part des nerfs
trophiques (Samuel), dont l'existence n'a jamais été démontrée, ni par
la physiologie, ni par l'anatomie .
Leloir, avec MM . Vulpian, Charcot, Eulenburg, etc. , etc. , croit d'après
les expérimentations physiologiques , d'après les enseignements de l'ana
tomie normale et pathologique et de la clinique, que les fibres nerveuses
qui président aux troubles trophiques cutanés , ne se dis :inguent pas
des fibres sensitives, que ce sont probablement des fibres sens tives cu
tanées; que ces fibres se rendent à la périphérie, mêlées aux nerfs
moteur's ( nerfs mixtes ), pour se terminer dans le derme et l'épiderme
par des terminaisons spéciales ; que leurs terminaisons spécifiques sont
encore peu connues malgré les travaux de Langerhans, Hensen, Eberth,
Poncet (de Cluny ), etc.; que d'autre part, leur trajet central est encore
indéterminé, qu'elles semblent traverser les ganglionis spinaux (sans
toutefois être toutes, comme on l'a affirmé, originaires des cellules de ces
2

ganglions , enfin qu'elles arrivent dans les cornes postérieures de la


moelle à travers ses racines postérieures.
D'après les recherches et les données pathologiques, dit le professeur
Schwimmer ( 2 ), la moelle allongée ainsi que les ganglions du nerf sym
pathique, sont les centres supposés des nerfs trophiques. Schwiin mer
n'est nullement d'accord avec ceux qui pour soutenir l'idendité anato
mique des centres trophiques et vaso -moteurs, dans la moelle allongée
et les ganglions du grand sympathique, identifient les uns avec les autres
et attribuent aux vaso-moteurs l'importance des centres trophiques.
Pour ce qui concerne la théorie de l'atfaiblissement fonctionnel des
nerfs ( Vulpian , Mayet), il est reconnu, malgré ses défenseurs, que c'est
une hypothèse qui ne fournit at une explication satisfaisante , comme il
en est de la théorie des nerfs trophiques et de la théorie irritative.
De cette manière, aucune des théories données dans ces derniers

( 1 ) LELOIR , p . 187. SCHWIMMER , p. 42 et 43 .


(2) SCHWIMMER , loc. cit . , p . 42-43 .
CAS RARE D'UNE DYSTROPHIE DE LA PEAU . 147

temps, comme explication des troubles trophiques cutanés, ne peut


répondre à nos exigences. 1

Mais si on ne peut pas attribuer les dystrophies de la peau aux trou


bles vaso -moteurs, il est impossible (à l'exception des angio -névroses
pures), de ne pas admettre que la nutrition des éléments nerveux, et
par conséquent leurs troubles, ne sont pas en relation intime avec la
circulation sanguine, et nécessairement aussi avec l'état des vaso
moeurs ; puis, que le trouble de la nutrition du systè.ne nerveux ,
peut, à son tour, avoir une influence réflexe sur l'excitation dus vaso
moteurs; dans notre cas, du moins, il nous parait qu'il faut l'almettre .
C'est pour cette raison que je l'ai nommé : un cas d'une dystrophie de
la peau , et non tropho- névrose, ou angio - névrose, nom doané souvent
à tort à des maladies cutanées d'origine nerveuse.
En résumé, l'affection que nous venons de décrire doit son origine à
une névrite parenchymateuse graduelle, en relation intime avec un trouble
du système vaso -moteur central et périphérique, puis à des nerts sen
sitifs, et en partie des nerfs moteurs. Pour ce qui concerne le pronostic,
on peut le porter clairement d'après cette lésion profonde et dissé
minée, laquelle est incurable, et dont le traitement ne peut être que
symptomatique.
RECUEIL DE FAITS .

DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS POUR SERVIR A L'HISTOIRE


DE LA SYPHILIS HÉRÉDITAIRE DANS SES MANIFESTATIONS
SUR L’APPAREIL AUDITIF .
(Recueillies par le Dr HERMET , à l'hôpital Saint - Louis ,
service de M. le Pr FOURNIER . )

Le 4 février se présentait à la consultation externe de M. le profes


seur Fournier, à l'hôpital Saint-Louis, une jeune femme de 25 ans. Elle
était mariée depuis deux mois et se plaignait de douleurs vaginales très
vives pendant les rapports sexuels. L'examen montra qu'elle était affec
tée de vaginisme.
En outre , celle femme était très sourde et sa mère qui l'accompagnait
ne se faisait comprendre d'elle que par signes.-- M. Fournier me pria de
l'examiner, et je ne fus pas peu surpris de constater une intégrité parfaite
de tout l'appareil transmetteur, c'est-à-dire de la membrane du tympan ,
et de la chaine des osselets . Les trompes d'Eustache étaient libres . - La
mère que j'interrogeai me répondit que sa fille était devenue sourde à l'âge
de 9 ans et cela en 4 jours « à la suite d'une peur' » . L'intensité de la
cophose, la rapidité de son évolution , l'âge à laquelle elle était survenue,
me firent penser à la syphilis héréditaire, et c'est de ce côté que je
dirigeai mon interrogatoire. En effet, une surdité aussi brusque, aussi
intense ne peut reconnaître que trois causes :
L'hystérie ;
Le tabes ;
La syphilis héréditaire .
Je ne pouvais m'arrêter à la première hypothèse, pour deux raisons
majeures : d'abord en raison de l'âge auquel la surdité était survenue ;
puis à cause de sa durée. La surdité hystérique est l'apanage de l'ado
lescence ou de l'âge mûr, et son critérium principal est la curabilité.
Je ne pouvais davantage mettre en cause le tabes , quoique la surdité
des tabétiques (que j'ai décrite l'an dernier dans l'Union médicale ) ait
la même marche foudroyante et une intensité au moins égale . Mais
l'époque de l'apparition empêchait d'admettre un seul instant une
telle hypothèse. On n'est pas tabétique à 9 ans. — D'ailleurs la ma
lade ne présentait aucun symptôme de tabes .
SYPHILIS HÉRÉDITAIRE DANS SES MANIFESTATIONS SUR L'APPAREIL AUDITIF . 149

Restait donc la syphilis héréditaire. – La malade était grande,


blonde, bien conformée en apparence, et certes elle était loin d'avoir le
masque hérédo-syphilitique si bien décrit par Hutchinson dans son Étude
clinique sur les maladies de l'æil et de l'oreille dans la syphilis hérédi
taire. - Les dents étaient normales. Elle avait bien sous l'aisselle gauche
une cicatrice suspecte et présentait sur les cornées des opacités notables,
restes de kératite interstitielle ; mais tout cela était bien insuffisant pour
instituer un diagnostic, d'autant plus que M. le Dr Trousseau , qui suivait
en ce moment les cliniques du Pr Fournier, nous déclara, après un
examen ophtalmoscopique minutieux , que ces opacités étaient dues à
à une kératite interstitielle banale , superficielle, sans caractère spécial.
Malgré cela, convaincu qu'une surdité aussi intense , survenue aussi
brusquement à l'âge de 9 ans, et exempte de lésions apparentes, ne
pouvait être due qu'à la syphilis héréditaire, je posai à la mère les ques
tions d'usage ; et ma satisfaction fut grande lorsqu'elle me donna les
renseignements qui suivent :
Elle avait 58 ans , et elle s'était mariée une première fois à 20 ans .
De ce premier mariage, elle avait eu sept grossesses, qui s'étaient termi
nées de la façon que voici :
1. Une fausse couche de 3 mois , trois mois après son mariage ;
2º A 21 ans, une fille venue à terme et morte à 18 mois de convul
sions ;
3º A 23 ans, une fille à terme, morte à 18 mois, également de convul
sions ;
40 A 25 ans , une fille à terme , morte à 2 ans en nourrice « probable
>

ment de convulsions ;
50 A 27 ans, une fille à terme, morte à 3 ans de convulsions ;
6 A 28 ans , une fausse couche de 8 mois ;
70 A 30 ans, une fille à terme, morte à 4 ans de convulsions .
Devenue veuve à cette époque , elle s'était remariée à 32 ans .
De ce second mariage, elle avait eu deux enfants , la malade actuelle
et une autre fille vivante et bien portante .
Comme on le voit, cette polyléthalité ne faisait que confirmer mon
diagnostic. Cependant, pour ne laisser subsister aucun doute, je n'hésitai
pas à poursuivre l'enquête et je ne fus pas autrement étonné lorsque
sur des questions plus précises la mère me répondit ceci : Que son
premier mari « avait des boutons à la verge au moment de son
mariage » , et que le second, père de la malade, mort tuberculeux, lui
avait avoué avoir contracté la syphilis dans sa vie de garçon .
Elle ajouta que le médecin qui le soignait lui avait fait la même con
fidence . Elle niait du reste avoir jamais eu pour son compte aucun
accident suspect .
150 HERMET .

Sa fille n'avait jamais eu une bonne santé Elle avait eu mal aux yeux
fort longtemps, et « des taches jaunes sur le corps » . Elle n'avait jamais
pris d'autre médicament que de l'huile de foie de morue.
Quant à la cicatrice, située sous l'aisselle gauche, elle provenait d'une
« tumeur » , sur la nature de laquelle je ne pus être renseigné, et que
M. Péan avait enlevée en 1878.
Comme on le voit , les renscignements fournis par la mère ne laissaient
aucun doute, sur l'origine de la surdité dont était afiectée sa fille. Cette
surdité était manifestement due à la syp'ilis héréditaire. De cette obser
vation résultent deux faits d'une importance capitale, sur lesquels il est,
je crois, nécessaire d'appeler l'attention .
1 ° Dans certains cas, on peut dicouvrir la diathèse hérédo-syphili
tique par le seul examen de l'appareil auditiť ;
2° La syphilis héréditaire tardive peut ne se manifester que par un
trouble de l'organe de l'ouïe, trouble qui consiste en une surdité com
plète, absolue, survenant brusquement, d'une façon presque foudroyante,
et compatible avec une intégrité parfaite de l'appareil transmetteur
(membrane du tympan , chaine des ossele's, trompe d'Eustache).
J'ajouterai qu'il est difticile, sinon impossible, dans l'état actuel de la
science, de détermirer la cause anatomo-pathologique de cette surdité.
Me basant sur des faits cliniques, j'ai cru pouvoir conclure, dans les
annotations que j'ai faites au livre d'Hutchinson, que cette surdité est
imputable à une névrite du nerf auditif.
La deuxième observation est loin de présenter l'intérêt de la première
et je ne la publie qu'à cause de la rareté de la lésion qu'elle m'a permis
d'observer.
Pour la faire apprécier à sa juste valeur, il est nécessaire de résumer
brièvement les lésions classiques, pour ainsi dire, que provoque la syphilis
héréditaire vers l'oreille.
Ces lésions sont de deux ordres.
La première est caractérisée par une otite moyenne purulente, otite
qui détermine les mêmes accidents locaux que l'otite moyenne commune,
mais qui en diffère par un point capital, c'est qu'elle est indolore. J'ai
publié l'an dernier, dans les Annales de dermatologie, une série d'ob
servations d'otiles moyennes purulentes liées à la syphilis héréditaire, et
dans tous les cas , l'écoulement était survenu brusquement sans avoir
été précédé de ces douleurs si violentes qui sont l'apanage ordinaire de
l'otite moyerine aiguë.
La seconde n'est autre que celle dont je viens de parler succinctement
dans l'observation précédente .
Je n'avais constaté que ces deux altérations, chez les syphilitiques
SYPHILIS DÉRÉDITAIRE DANS SES MANIFESTATIONS SUR L'APPAREIL AUDITIF . 151

héréditaires que j'avais examines, lorsque en décembre 1884, je vis à


l'hôpital Saint-Louis unesyphilide ulcéreuse du conduit auditif externe,
d'origine hérédo - syphilitique. C'est ce cas que je relate ici :
La nommée Jeanne C. , âgée de 3 ans, était amenée par sa mère à l'hô
pital Saint-Louis, le 17 décembre 1884 , pour un écoulement d'oreilles.
La physionomie de cet enfant était caractéristique; son nez était déformé,
son front était protubérant. Son frère , âgé de 2 ans, qui l'accompagnait,
présen'ait une physionomie analogue. A premiere vue , on soupçonnait
la syphilis hériditaire, et M. Fournier me chargea de l'enquete.
La petite fille avait du microdontisme dentaire et de la carie noire .
Elle portait sur le corps quelques cicatrices suspectes. Le petit garçon
ne présentait rien de seinblable.
La mère que j'interrogeai me donna les renseignements suivants :
Elle s'était niariée en avril 1880 , avec un homme de 27 ans, qui avait
>

eu la syphilis à l'âge de 19 ans . Elle était enceinte de la malade au


moment de son mariage, et elle accoucha 7 mois après. L'enfant, au
moment de sa naissance, était bien conformée et ne présentait aucun
signe de syphilis. A un an , elle eut un abcès de la région mastoïdienne,
et à 2 ans 1/2 seulement, on constata sur elle les premières manifesta
tions de la syphilis. Le médecin qui la traitait porta le diagnostic de
-

plaques muqueuses » . A peu près au même moment, la mère avaitdes


boutons rouges sur tout le corps (syphilides papuleuses, au dire du même
médecin ) .
Sur ces entrefaites, l'oreille gauche de l'enfant se mit à couler sans
que l'icoulement fùt précédé d'une douleur quelconq'ie.
Sept mois après l'apparition de l'écoulement qui n'avait pas discon
tinua, la mère s'aperçut qu'il y avait une plaie dans le conduit auditif
externe de son enfant et la conduisit à l'hôpital.
Je pratiquai l'examen au spéculum , et je constatai une large perfora
tion de la membrane du tympan , occupant tout le segment intérieur
Le conduit était plein de pus et ce ne fut qu'après plusieurs lavage .
successifs que l'examen me fut possible.
Le segment interieur tout entier du conduit auditif externe était
occupé par une vaste ulcération rougeâtre , saignant facilement, à bords
tetlement délimités, que je reconnus pour être une syphilide ulcéreuse.
M. Fournier contirma du reste mon diagnostic.
Sous l'influence de cauterisations au nitrate d'argent, d'injections
astringentes et d'un pansement permanent avec de l'acide borique pulvé
risé, l'écoulement et la sypliilide ulcéreuse disparurent en quinze jours.
On administrait, bien entendu, en même temps le traitement
général.
Le petit garçon avait eu, à un an , une « syphilide papuleuse » .
II

PHTHISIE SYPHILITIQUE . GUÉRISON .


( Observation rccucillic dans le service de M. le Dr FOURNIER ,
à l'hôpital Saint-Louis
par Henri Gaudichier, externo des hôpitaux) .

Le 1er mars 1884 est entré à l'hôpital Saint- Louis, dans le service de
M. le professeur Fournier, salle Saint-Louis, lit n ° 74, un malade dont
l'observation clinique nous paraît digne d'être relatée.
Il s'agit d'un nommé François T ... , âgé de 39 ans, exerçant la profes
sion de charretier vidangeur. C'est un homme sobre , de conduite régu
lière, ne présentant rien de particulier à signaler sous le rapport de ses
antécédents personnels ou héréditaires. Son père est mort à 41 ans,
le malade ne sait de quoi . Sa mère est morte à 78 ans . Il a eu 3 frères
et 2 seurs. Le premier est mort à 46 ans à la suite d'un traumatisme;
un autre, à 38 ans, paralysé , et le dernier, à onze ans , à la suite d'une
rougeole . De ses deux seurs, l'une serait morte, à 43 ans, de la poi
trine; l'autre, à 38 ans, d'une affection aiguë .
Cet homme se présente à nous dans l'état suivant : le tibia du côté
gauche est énorme, inégal, comme bosselé dans tout son entier. A sa
partie moyenne, il forme une véritable tumeur . Du côté des surfaces
cutanées, nous trouvons, à la partie antérieure de la jambe, une vaste
plaie, dont le fond semble adhérer à l'os sous-jacent. All-dessous de
celle-ci et un peu plus en dedans, il en existe une seconde large comme
une pièce de 2 francs à peu près, siégeant à 6 larges travers de doigt au
dessus de la malléole externe. Ces lésions cutanées présentent comme
aspect général celui de véritables lésions gommeuses syphilitiques .
Le tibia du côté droit est également augmenté de volume d'une façon
notable à sa partie moyenne. La peau , là encore, adhère à l'os sous
jacent . La tête de l'astragale, du même côté , présenle, elle aussi , une
hyperostose considérable. Ces lésions, d'après le dire du malade, auraient
débuté il y a 23 ans.
Telles sont, du côté des membres, les altérations qui frappent tout
d'abord la vue .
Si l'on examine le tronc , on observe une hyperostose énorme de la
clavicule gauche, qui est au moins triplé de volume dans sa partie
moyenne .
Malgré l'étendue de ces lésions, ce n'est pas pour elles que le malade
PHTHISIE SYPHILITIQUE . 153

entre à l'hôpital . Cet homme nous raconte, en effet, que depuis 2 mois
il a commencé à maigrir, et cela « sans aucune raison » , selon ses
propres expressions. Bientôt la fatigue fut telle qu'il ne put continuer à
travailler, ce qui l'a déterminé à entrer à Saint-Louis. Il n'aurait com
mencé à tousser que quelques jours avant son entrée ; n'aurait pas eu de
fièvre le soir, pas de sueurs pendant la nuit ; jamais la moindre hémop
tysie ; néanmoins pendant les 2 ou 3 premiers jours qui ont suivi son
entrée , nous avons pu observer une expectoration assez abondante, de
nature muco -purulente et striée de sang . Ces phénomènes nous déter
minent à pratiquer un examen attentif du poumon . Du côté gauche
existe tous les signes d'une caverne avancée, occupant la région anté
rieure du sommet pulmonaire correspondant. L'auscultation fait entendre
un souffle caverneux en même temps qu'un véritable gargouillement; à
la percussion, il existe presque un bruit de pot felé. En arrière, l'aus
cultation ne dénote que quelques râles fins. Cette caverne semble repré
senter à peu près comme volume celui de la moitié du poing. A droite,
la respiration est un peu souftlante, aussi bien en avant qu'en arrière ;
on peut entendre quelques râles sous -crépitants disséminés .
Après cet examen , la nature de ces lésions ne semble guère douteuse
M. Fournier porte le diagnostic d'hyperostoses syphilitiques, avec
lésions tuberculeuses des deux sommets, plus avancée à gauche.
Malheureusement, l'origine de cette syphilis serait assez obscure. Le
malade, assez peu soucieux de sa personne , prétend n'avoir jamais rien
eu en fait de syphilis; néanmoins nous trouvons une cicatrice sur la
verge, datant de 4 ans, résultant d'un chancre mou ; une sur le bras
droit, une autre sur la cuisse droite, une autre encore sur la jambe du
>

même côté. A -t -on affaire ici à une syphilis dont les premiers accidents
auraient ( comme cela arrive si souvent) passés inaperçus, ou bien à une
syphilis héréditaire ? Cette dernière hypothèse est assez peu probable. En
effet, il n'existe pas de cicatrices aux fesses, pas de cicatrices aux coins
des lèvres ; les dents ne présentent rien de particulier; il existe une taie
sur l'æil gauche et une surdité assez considérable des deux oreilles, plus
accentuée à gauche qu'à droite.
Mais l'examen otoscopique, pratiqué par notre ami , M. le Dr Hermet,
serait négatif en ce qui touche la syphilis héréditaire. A droite l'acuité
auditive est de 0,03 c. à la montre. La membrane du tympan est légère
ment épaissie , le manche du marleau fait une saillie exagérée au dehors.
Ces signes sont ceux d'une otite chronique moyenne non suppurée. —
A gauche, la montre n'est entendue qu'au contact. Ces altérations sont
les mêmes que de l'autre côté , mais plus marquées ; les trompes sont
libres .
Dès son entrée, ce malade , en raison du diagnostic porté, est soumis
154 GAUDICHIER .

à un traitement anti- syphilitique : 4 grammes d'iodure de potassium


chaque jour ; vin de quinquina ; pansements par occlusion au sparadrap
de Vigo.
Au bout d'une quinzaine de jours , la jambe gauche commence à dimi
nuer de volume, la marche devient plus facile , en même temps que l'état
général s'améliore d'une façon notable. Si l'on ausculte le poumon,
au lieu du gargouillement que l'on entendait à son entrée, nous n'enten
dons plus que des râles sous- crépilants ; en même temps, le soufile a
diminué d'intensité .
De jour en jour, le malade reprend de l'embonpoint. – Les tumeurs
-

osseuses diminuent. Bientôt ( 40 jours après son entrée ), à l'auscul


tation du poumon , nous n'entendons aucun des bruits pathologiques
que nous avions entendus au début; la respiration est devenue presque
normale ; plus de souftle ni de ràles, tout au plus une légère submalité
à gauche et en arrière.
20 jours après, c'est - à -dire 2 mois après son entrée , le malade part
en convalescence à Vincennes, presque absolument guéri. Les lésions
pulmonaires ont disparu, et les tumeurs osseuses considérablement
diminué. En présence de l'action merveilleuse que l'iodure de polas
sium avait produile sur ce malade, le diagnostic de syphilis se trouvait
nettement confirmé; mais il n'en é ait pas de mème de celui de caverne
tuberculeuse. Nous nous étions évidemment trouvés en présence de lésions
gommeuses des deux sommets, plus avancées et plus considérables à
gauche. Aucun symptôme au début ne permettait de distinguer la nature
tuberculeuse ou syphilitique de la lésion pulmonaire. Le traitement seul
nous a permis de porter un diagnostic précis et de guérir ainsi le malade.
L'attention doit être attiréesur ces faits . Combien de lésions pulmo
naires survenant chez les syphilitiques anciens, et prétendues tubercu
leuses, guériraient, si un traitement spécifique était institué ! C'est l'in
térêt pratique qui se rattache aux cas de ce genre qui nous a déterminé
à mentionner celui qui précède comme un des plus concluants.
P. S. Nous avons revu le malade le 7 février 1883 , c'est -à -dire
11 mois après sa sortie . - Les lésions pulmonaires sont complètement
- L'état général est excellent. - Seule, la jambe gauche s'est
guéries. —
ulcérée à nouveau . Le malade, du reste , n'aurait pris de l'iodure de
potassium que pendant un mois après sa sortie.
III

OBSERVATION D'URTICAIRE
D'URTICAIRE PIGMENTÉE,
Par M. Henri FEULARD, interne des hôpitaux.

L'urticaire pigmentée, urticaria pigmentosa, est une affection cutanée


de description récente, connue surtout à l'étranger, en Angleterre et en
Amérique, où ont été publiées les premières observations.
Ces observations au nombre de 19 , ont été réunies et étudiées par
Colcoit Fox dans un mémoire que MM . Besnier et Fournier ont fait
longuement analyser par notre ami, M. le Dr Brocq, dans les Annales
de dermatologie, du mois d'août 1884.
Nous avons été assez heureux pour rencontrer, il y a déjà deux
années, un cas d'urticaire pigmentée que nous n'avons cessé de suivre :
c'est celte observation , vraisemblablement la première observation fran
çaise de cette maladie, que nous publions aujourd'hui.
Au mois de septembre 1883 , on nous envoya à l'hôpital Laennec,
une petite fille âgée de 19 mois, couverte de la tête aux pieds d'une
éruption bizarre formée de taches brunes de dimensions et de formes
differentes qui donnaient à la peau de l'enfant un aspect tigré cu
rieux .
Ignorant ce que pouvait être cette éruption qui durait déjà depuis fort
longtemps et dont quelques médecins, malgré le manque de preuves et
en se fondant sur la teinte brune des taches, avaient fait une éruption
syphilitique, nous montrâmes la petite malade à M. le Dr Vidal, notre
futur maitre à l'hôpital Saint-Louis. M. Vidal qui n'avait pas encore vu
de cas semblable, mais connaissait les observations anglaises, n'hésita
pas à poser le diagnostic d'urticuire pigmentée : le mémoire de Colcott
Fox n'était publié en France que plusieurs mois après.
Vo.ci quel était alors l'état de la malade :
Gabrielle D ... , âgée de 19 mois, est le dix -huitième enfant de la fa
mille et de la même mère : huit fières et seurs sont encore vivants et
jouissent d'une bonne santé : deux cependant ont eu des becs de lièvre.
Les autres enfants sont morts d'affections diverses convulsions, fièvre
typhoïde, etc. ) .
La mère, âgée de 47 ans, a depuis l'âge de 34 ans un lupus du nez
qu'elle n'a jamais voulu faire traiter : c'est une femme robuste qui a
nourri tous ses enfants .
136 HENRI FEULARD .

Le père âgé de 53 ans est bien portant.


L'enfant a été nourrie au sein jusqu'à l'âge de 15 mois.
C'est à l'âge de 4 mois et demi que l'affection a débuté.
Le mode de début est difficile à retrouver : la mère parle de gros bou
tons rouges , d'élevures blanchâtres s'accompagnant de très vives déman
geaisons ( 1 ) . L'éruption qui commença par l'abdomen gagna peu dà peu le
reste du corps et n'a atteint la face que depuis deux mois environ : elle
aurait donc ainsi mis une année à se compléter.
L'enfant est forte et bien développée (on trouve à la lèvre inférieure
une petite malformation qui consiste en une sorte de dédoublement du
bord libre de la lèvre) .
Le corps est entièrement recouvert de taches brunâtres dont la colo
ration varie du café au lait au brun cuivré . Suivant les diverses parties
du corps les taches sont disséminées, isolées et leurs dimensions varient
de la dimension d'une lentille à celle d'une pièce de cinquante cen
times ; ou bien elles sont réunies et forment des plaques confluentes.
Au tronc , sur la poitrine, les taches foncées en couleur sont larges et
par leur confluence forment des plaques irrégulières : leur contour est
assez nettement délimité et elles tranchent sur les parties saines restées
blanches. Elles forment sous le doigt une très légère saillie .
Le dos est la partie du corps la plus envahie, à ce point que l'étendue
des parties malades et pigmentées l'emporte sur celle des parties blan
ches . La disposition irrégulière est la même qu'à la poitrine : le relief
est appréciable. Si l'on saisit une plaque entre les doigts, ou a la sensa
tion d'un léger épaisissement du derme qui est comme infiltré . Le relief
est surtout marqué au niveau des plaques récentes : la coloration de ces
dernières est aussi moins brune, presque rosée en certains endroits et
l'on peut en frottant la peau de l'enfant amener l'apparition de plaques
ortiées franches. Les plaques anciennes ont un aspect chagriné.
Les démangeaisons qui ont été très vives dans le début, paraît-il, per
sistent encore et l'on trouve sur les épaules des traces de grattage,
excoriations et croûtes : la poitrine semble être le siège de moins fortes
démangeaisons bien que l'enfant porte toujours ses petites mains en se
frettant sur le thorax et l'abdomen .
Au visage, l'éruption se présente sous formes de taches isolées arron
dies de petiíes dimensions (4 à 5 millimetres de diamètre), tranchant
nettement sur les parties saines, sans relief appréciable. La voûte pala
tine et la muqueuse buccale sont saines.

( 1 ) Il y a en ce moment dans le service de M. le professeur Fournier, à l'hôpi


tal Saint-Louis, un tout jeune enfant atteint d'urticaire pigmentée. L'éruption
encore recente permettra d'éludicr lo mode de début de cette curicuse maladie .
OBSERVATION D'URTICAIRE PIGMENTÉE . 157

Le cuir chevelu est le siège partout de taches pigmentées analogues a


celles du visage .
Sur les membres supérieurs les taches sont petites, isolées, discrètes
relativement.
Sur les membres inférieurs elles se présentent de même, la coloration
y est moins foncée que sur le reste du corps ( 1 ) .
Sur le dos de la main et le dos du pied les taches sont rosées : sur la
paume de la main et la plante du pied ce sont des élevures blanchâtres
à peine marquées : démangeaisons très vives en ces points.
On prescrivit alors les lavages avec la décoction de racine d'aunée, les
onctions avec le glycerolé tartrique ( 4 0/0), la poudre d'amidon en sup
primant tout ce qui pourrait exciter la peau, entre autres l'huile de foie
de morue .
L'enfant fut revue par nous de deux mois en deux mois environ pen
dant l'année 1884. Sous l'influence du traitement les apparitions de
nouvelles plaques d'urticaire diminuerent.
Les plaques ortiées qui se formaient ne se pigmentaient plus : nous
avions observé dans les débuts, en produisant le frottement, une plaque
d'urticaire et en la marquant, la transformation pigmentée de cette
plaque.
L'enfant a grandi, elle est toujours fort bien portante : son corps a
toujours le même aspect tigré mais les élevures anciennes s'affaissent
et l'éruption, surtout au visage et à la poitrine, pâlit peu à peu.
Nous nous proposons de suivre la petite malade et nous ne désespé
rons pas de la voir enfin atteindre la guérison .

T Un moulage d'une jambe de l'enfant a été fait l'année dernière à l'hôpital


Saint-Louis, par M. Baretta : c'est le n° 945 du Musée . Par l'irritation du mou
lage, quelques plaques sont devenues saillantes et rouges ; d'autre part la petite
malade a été présentée à la Société clinique, dans la séance du 9 octobre 1884 .
IV

SYPHILIS CÉRÉBRALE SIMULANT UNE PARALYSIE


GENERALE.
(Communication faite à la Société médico -psychologique,
Par M. CHARPENTIER , médecin - adjoint à la Salpêtrière .)

Messieurs,
La malade que nous avons l'honneur de vous présenter diffère actuelle
ment de ce qu'elle était lorsque nous l'avons vue pour la première fois, en
avril 1883, dans le service de M. Moreau, de Tours, à la Salpètrière.
Elle se trouvait alors dans le service des gâteuses, accroupie sur sa chaise
que l'état de faiblesse, malgré l'absence de paralysie vraie des membres, ne
lui permettait pas de quitter; elle était gåteuse, dans l'acception du mot, lais
sant s'écouler sous elle les urines et les selles ; elle nous était présentée
comme atteinte de paralysie générale à la période de démence ; aux questions
que nous lui adressions, elle ne pouvait répondre, car elle ne comprenait
pas ; et , d'ailleurs, les mouvements de la langue soustraits à la volonté ne lui
permettaient de ne prononcer que des sons confus, inintelligibles; elle ne
pouvait même sortir la langue qui restait pendante entre les dents pendant
qu'on lui ouvrait la bouche pour la montrer. La physionomie immobile, élon
née, hébétée de la malade permettait de comprendre son indilférence non
seulement aux questions qu'on lui adressait, mais encore à tout ce qui l'en
tourait; de la lèvre inférieure pendante s'écoulait la salive qui relombait sur
ses vêtements ; c'était avec la plus grande peine qu'on parvenait à la faire
manger non parce qu'elle refusait ou qu'elle ne pouvait pas, mais parce
qu'elle n'y songeait pas ; il fallait l’exciter et en quelque sorte la réveiller
pour la décider à recevoir les aliments qu'on présentait devant ses lèvres ; il
en était de même pour la déshabiller, la lever et la coucher; elle ne parais
sait pas souffrir ou du moins ne se plaignait pas ; des piqûres failes sur les
différentes parties du corps finissaient par étre senties. Nous la faisions se
dresser debout; elle pouvait l'aire quelques pas soutenue par des aides, mais
s'arrêtait aussitôt cherchant à s'affaisser si on ne continuait pas l'impulsion
première. Nous lui faisions étendre les bras qu'elle laissait tomber tout
d'abord, puis parvenait à les maintenir avec un tremblement modéré, mais
assez accusé aux extrémités.
Notre attention au premier examen avait été d'emblée sollicitée par l'odeur
repous-ante qu'exhalait le visage de la malade, odeur qui s'expliquait par un
écoulement purulent, sanieux , blanc verdâtre épais par la narine gauche
laquelle était rouge tumefiée et déformée et par un autre écoulement non
moins abovdant et non moins félide qui se produisait par le méat auditif de
l'oreille gauche. En poursuivant notre examen , nous constations sur la région
frontale gauche trois tuméłactions non adhérentes à la peau, mais ne glis
SYPHILIS CÉRÉBRALE SIMULANT UNE PARALYSIE GÉNÉRALE . 189

sant pas sur le crâne dont elles paraissaient faire partie, offrant une résis
tance élast que, depressible surloit au centre, arrondie-, se fon lant insensi
blement sur leurs bords avec l'os, mais néanmoins délimitables entre elles.
La plus saillante, celle qui persiste en ore quoique amoindrie , très rappro
chée de la ligne médiane, dépas-ait large nent les din :ensions d'une pièce de
cinq fra ':es, les deux autres situées en dehors et un peu inférieurement, mais
sans atteindre le rebord de l'arcade o , bitaire offraient les dimensions, l'ung
d'une pièce de deux francs et la plus externe le diamètre d'un fianc ; leur
pression ne paraissait pas douloureuse, les léguments étaient colorés et tu
meties, mais modérément; partout ailleurs sur le crâne nous ne copslations
rien : mais dans l'épaisseur de la paupière supérieure gauche qui était tom
bante, edémariee el un peu rouge, nous trouvions une tumeur semi- dure,
élastique, de la grosseur et de la forme d'une grosse noisette, glissant entre
la peau et la conjonctive palpebrale, laissant pénétrer entre elle et l'arcade
orbitaire le doigt qui, aivsi introduit, permettait de sentir que cette lumeur
alla s'eftilant en haut et en arrière par un pédicule dont on ne pouvait saisir
la surface d'implantation, mais qui paraissail s'insérer sur le périoste de la
paroi supérieure de la caviié orbitaire. Le globc oculaire du même coté pa
raissait un peu plus saillant et dévié en bas et en dehors . Les pupilles mode
rément di atées paraissaient égales, mais immobiles malgré les présentations
ou suppressions d'irritants lumineux.
Nous n'avions pour ainsi dire aucun renseignement sur la malade , que
personne ne venait visiter, qui était dans cet état depuis 2 mois (9 février)
et allait en s'affaiblissant tous les jours. Le certificat d'entrée portail : dé
menee consécutive å une paralysie générale. Le certificat de Sainte-Anne où
la malade n'avail d'aill. urs séjourn. qu'un journée portail la mention sui
sante :. affaiblissement des facultés mentales avec sensiblerie ; confusion
dans les idées, incohérence, faiblesse musculaire.
Le certificat de la préfecture un peu plus explicite portait : paralysie géné
rale, affaiblissement des facultés, hésitation de la parole, inégalité pupillaire,
inconscience de sa situation ; arrèlée dans la rue , ne sachant plus relrouver
son domicile .
Aussi peu pourvus de renseignements, il nous é'ait assez difficile de dia
gnostiquer la forme clinique du Trouble mental en présence duquel nous
nous trouvions; mais nous avons pensé qu'un tel diagnostic devrait céder
facilement le pas aux notions étiologiques concomitantes : périostiles gom
meuses du frontal, gomme de la paupière, osteite nasale, osteile de l'oreille,
age de la malade, circonstances réunies qui nous permettaient d'admellre la
syphilis comme cause des lésions que nous venons d'énumérer, sinon des
troab es cérébraux ci -dessus d crits.
Nous avons prescrit quatre grammes d'iodure de potassium par jour et de
larges frictions mercurielles quotidiennement répétées.
Quinze jours après que ce traitement a été institué, nous revoyons la ma
lade dont l'odeur infecte a disparu en même temps que les écoulements de
Toreille et de la narine s'étaient laris ; les téguments frontaux avaient repris
leur colo ation , la paupière clait moins ædemaliée, les tuméfactions du crâne
moins saillantes. La malade peut sur notre demande se lever seule, faire
quelques pas , essaye mais incomplètement de tourner sur elle -même, pré
sente le membre qu'on lui désigne, esquisse même un léger sourire qui per
met de remarquer que la cominissure labiale droile est abaissée et fait slip
poser une parésie faciale du même colé ; toutefois les mains serrent encore
160 CHARPENTIER .

trop mollement, et les mouvements des membres inférieurs sont encore trop
incertains pour que l'on puisse constater l'affaiblissement d'un côté du corps ;
elle nous répond quelques mots montrant qu'elle comprend nos questions,
mais une fatigue intellectuelle rapide ne nous autorise pas encore à compler
sur ses renseignements ; le langage est d'ailleurs confus, la parole empátée,
lente ; elle peut sortir la langue non déviée, tremblotante, mais pas de fré
missement vermiculaire de cet organe, non plus que des lèvres, le tremble
ment des membres supérieurs existe encore mais peu accusé. La malade ne
gåte plus.
Un mois après le commencement du traitement (for mai 1883) l'amélioration
intellectuelle est telle que la malade peut nous fournir les renseignements
suivants , assez précieux, quoique nécessairement incomplets . Elle a 39 ans,
est giletière, mariée, mais séparée de son mari qui la battait souvent et l'a aban
donnée trois mois avant son arrestation ; elle a un fils de 17 ans bien portant.
Elle ne connaît ni aliénation , ni maladie nerveuse dans sa famille. Elle-mème
a rarement été malade jusqu'en 1879 ; elle a loujours été bien réglée; elle se
rappelle avoir eu un écoulement vaginal quelque temps après son mariage,
dit n'avoir pas eu de maladies de peau , a eu souvent des maux de gorge ;
ses cheveux tombent depuis quelques années.
Il y a six ans, elle a eu de violentes céphalalgies frontales et occipitales,
médianes, souvent suivies de nausées et de vomissements ; elle éprouve depuis
six ans de vives douleurs passagères dans la continuité des membres infé
rieurs ; les nausées et les vomi : sements ont cessé depuis une attaque de nerfs
qu'elle aurait eue un jour sans cause connue , sans prodrome et pour la pre
mière fois il y a quatre ans ; atlaque de nerfs avec perte de connaissance,
mouvement convulsif, pas de morsure de langue , retour complet de la raison
à la suite et aucune trace consécutive .
Depuis, ces attaques se sont fréquemment répétées et dans la dernière
année venaient trois fois par mois , avec les mêmes caractères que la première,
sauf qu'elles survenaient le plus souvent la nuit ; elle n'a jamais eu d'attaques
sans perte de connaissance ; il n'y a jamais eu d'incontinence d'urine ; ni dé
lire , ni paralysie, ni contracture, ni troubles de la sensibilité après ses atta
ques ; elle ne se souvient pas d'avoir jamais déliré , d'avoir eu des emporte
ments violents , ni fait de fuite hors de la maison ; elle n'a jamais fait d'excès
de boissons ; souvent elle avaitdes épistaxis à la suite des coups que lui por
tait son mari, mais pas d'autres accidents .
7

Au moment où la malade nous fournit ces renseignements, la mémoire est


encore très altérée. Ainsi ses réponses sur les domiciles des personnes qui
l'ont connue ou avec lesquelles elle a vécu , sont nulles ou fausses. L'intelligence
parail revenue, mais est très ordinaire ; elle a conscience de sa situation,
demande ce qu'elle va devenir , s'inquiète de ce que sont devenus sa mère et
son fils ; elle cherche encore longtemps ses réponses. La parole encore lente
et empåtée n'est ni bredouillée, ni scandée ; il se mêle à la voix un retentis
sement nasal qui augmente la confusion ; mème déviation de la commissure ;
faiblesse de la main droite quand elle exerce une pression ; la malade traine
un peu la jambe droile ; à peine de tremblement; pas de troubles de la sensi
bilité ; elle s'occupe aux travaux des infirmières, mais les troubles de la vue
l'empèchent de coudre ou de lire. Les deux gommes frontales externes sont
sur le point de disparaitre; la plus grande persiste amoindrie ; la gomme de
la paupière a bien diminué; le globe oculaire n'est plus devie ; la physionomic
prend un peu d'expression.
SYPHILIS CÉRÉBRALE SIMULANT UNE PARALYSIE GÉNÉRALE . 161

Nous avons présenté notre malade à M. le professeur Fournier qui, avec sa


haute expérience, confirma en quelques minutes l'existence des périostites
gommeuses, de la gomme de la paupière, nous fit constaler une perte de
substance ancienne et due à une ulcération de longue durée à la narine
gauche, une mise à nu des cornets dans la cavité nasale, une perforation du
vomer qui expliquait le nasonnement (rien à la bouche ni au pharynx) et enfin
une pigmentation discrète, cicatricielle, caractéristique au périnée et une ci
catrice de chancre à la partie inférieure de la grande lèvre droito ; rien sur
le tégument ni aux autres parties du squelette.
Notre ami, M. Parinaud , attaché comme ophthalmologiste à la clinique des
maladies nerveuses de la Salpêtrière, a bien voulu nous communiquer sur
notre malade la note suivante :
Atrophie blanche des deux papilles consécutives à la névrite optique
(traces d'infiltration ), cécité presque complète de l'oeil gauche. Ne peut
compter les doigts.
M. le D: Hermet, médecin auriste, qui s'occupe spécialement des surdités
vénériennes, a constaté une perforation très nette comme laillée à l'emporte
pièce occupant le segment inférieur de la membrane du tympan , consécutive
à une otite moyenne suppurée.
En résumé, après une série d'attaques épileptiformes survenues tardive
meat à 35 ans et dont la dernière a motivé l'arrestation de la malade qui
avait perdu conscience d'elle-même, apparition d'une déchéance mentale et
graduelle, en même temps que manifestations syphilitiques tertiaires, mul
tiples et externes, déchéance tellement profonde que la malade est enregistrée
comme démente paralytique ; puis amélioration rapide et parallèle des mani
festations externes de la syphilis et des troubles cérébraux intellectuels et
moteurs sous l'influence de la médication spécifique.
Messieurs , des faits dont nous venons de vous donner lecture, il résulte
bien évidemment que nous sommes en présence d'accidents syphilitiques
ayant déterminé des troubles mentaux . Il serait difficile, étant donné l'amen
dement simultané des deux ordres de symptômes, leur amélioration parallè
lement graduelle et se faisant avec la même rapidité sous l'influence du trai
tement, de ne voir là qu'une coïncidence entre les troubles cérébraux et les
manifestations syphilitiques. Quel que soit le diagnostic de la forme mentale et
quel qu'en soit le mécanisme, il nous est impossible de ne pas la rattacher à
l'étiologie vénérienne. Nous éliminerons ainsi l'hypothèse d'une affection
mentale étrangère à la syphilis, guérie ou en rémission par elle-même pen
dant la guérison des manifestations syphilitiques, d'autant que tant que le
traitement n'est pas intervenu , les choses allaient de mal en pis au point que
la démence était complète.
Car c'est bien à une démence que nous avons ou affaire ; le tableau symp
tomatique que nous avons tracé ne correspond à aucun autre trouble
mental .
Mais si le diagnostic de démence est incontestable , il pourrait paraitro plus
difficile d'aſtiriner que notre démence soit une démence paralytique, c'est- à
dire consécutive à une paralysie générale. Et cependant si nous examinons
les autres causes des démences, nous voyons qu'il faut y renoncer.
Nous éliminons la démence par stupeur mélancolique, car la malade ne
nous fournit aucun renseignement rétrospectif capable de nous y faire penser ;
aucune terreur, aucune angoisse, aucune hallucination , aucune de ces con
ceptions fausses, délirantes, dont de tels malades gardent le souvenir et qu'ils
ANNALES DE DERMAT., 20 SERIE, VI. 11
162 CHARPENTIER .

vous racontent lorsque la crise pénible est passée . La démence alcoolique sans
cauchemars, sans terreurs nocturnes, sans hallucination de la vue, sans
troubles périphériques de la sensibilité et en présence des renseignements
négatifs de la malade ne peut être admise non plus ; d'ailleurs l'aggravation
graduellement croissante de la démence depuis l'entrée de la malade alors
qu'elle était depuis deux mois soustraite aux prétendues influences alcooli
ques et son amélioration si brusque après l'administration de l'iodure tendrait
encore à écarter l'idée de rapporter cette démence à l'alcoolisme .
La démence post-épileptique pourrait être supposée, mais l'époque tardive
(35 ans) de la première attaque, l'absence de troubles nerveux antérieurs,
d'incontinence noclurne d'urine, d'accès de fureur, de fuite hors de la maison,
de délire après les attaques et, d'un autre côté , l'inégalité des pupilles , l'hési
tation de la parole, la marche croissante de l'état jusqu'à l'intervention de
l'iodure peuvent être légitimement invoquées contre l'épilepsie que pourrait
faire supposer l'amnésie partielle de la malade, amnésie cui peut s'expliquer
aussi bien par des accès congestifs, epileptiformes ou apoplectiformes.
La démence par encéphalomalacie, par ramollissement cérébral, que celui
ci soit causé par une artérite syphilitique ou loute autre cause , ne peut être
admise , en raison de l'incurabilité qu'elle entraine forcément lorsqu'elle est
arrivée à ce degré.
Nous restons donc par élimination en présence de la démence paralytique,
de la démence consécutive à la paralysie générale, paralysie générale dont
la malade a présenté presque tous les symptômes : ictus épileptiforme, tardif,
brusque ; ictus répétés depuis, suivis d'amnésies partielles ;désordres, incohé
rences et affaiblissement des idées ; troubles musculaires parétiques ; inégalité
pupillaire , atrophie des pupilles; tremblement de la langue et des extré
mités; hésitation, lenteur de la parole, langage empáté et confus; inconti
nence des matières ; déchéance intellectuelle complète. Il manque , il est vrai,
au tableau symptomatique le frémissement vermiculaire de la langue et des
muscles de l'expression buccale, et surtout le délire soit ambitieux, soit hypo
condriaque, soit mélancolique avec ses caractéristiques de niaiserie, de con
tradiction ou d'incohérence. Mais l'absence de cette forme délirante et de ce
frémissement vermiculaire ne suffisent pas pour écarter l'idée de paralysie
générale; d'ailleurs notre malade a pu présenter un de ces délires qui aurait
échappé à sa conscience ou à son souvenir personnel et qui, trop peu mani
feste plus tard , a également fait défaut à l'observation .
Nous pouvons donc conclure à une démence paralytique.
Quant au mécanisme des accidents cérébraux quant à leur relation avec
les troubles osseux du voisinage, et quant à la nature même des lésions
encéphaliques proprement dites, nous devons être très réservés.
Nous ne pouvons songer à un foyer qui se serait fait jour par les fosses
nasales et le conduit auditiſ ; il cùt été trop étendu, eût eu des conséquences
plus graves; d'ailleurs aucune perforation à la voûte nasale ; nous ne pou
vons supposer une irradiation aiguë et cela à cause de l'absence des sympº
tòmes, par extension de l'ostéite nasale ou du rocher aux méninges voisines.
Nous ne pouvons supposer qu'une manifestation lente insidieuse en rapport
avec les symptômes, une irritation méningitique subaiguë à marche chro
nique par lésion osseuse du voisinage, par gomme développée à la face
interne du crâne ou par nappe gommeuse des méninges, avec production
proliférante diffuse dans la substance grise; les mêmes lésions ont-elles re
connu pour cause une gomme ou une sclérose de l'encéphale primitive, dé
SYPIILIS CÉRÉBRALE SINULANT UNE PARALYSIE GÉNÉRALE . 163

butant par les vaisseaux ou le tissu cellulaire, c'est ce que nous ne pouvons
établir. Si les ictus épileptiformes , selon l'opinion de M. Lancereaux sont
bien plus fréquents dans les irritations méningées syphilitiques, nous pou
vons penser à une lésion de ces enveloppes comme cause productive prin
cipale .
Neanmoins en raison de l'analogie des symptômes présentés par la malade
avec ceux de la paralysie générale progressive type, nous sommes portés å
supposer l'existence dans notre cas, et sous loute réserve nécropsique, d'une
diffusion proliférante cellulaire méningitique et encéphalique analogue aux
lésions de la paralysie générale type, mais conservant en vertu de l'étiolo
gie de sa production, un modus vivendi particulier qui lui a permis de
céder à l'action du spécifique .
Messieurs, si nous nous sommes permis de produire cette observation, c'est
qu'elle nous a paru puiser, dans le groupement et la multiplicité des symptômes,
dans leur mode d'apparition , dans leur marche graduellement croissante et
dans leur amélioration rapide et simultanée par l'intervention thérapeutique,
une démonstration des plus manifestes de l'influence de la syphilis sur la
production des phénomènes propres de la paralysie générale progressive.
La plupart des observations publiées à ce sujet consistent en observation de
malades ayant contracté la syphilis , puis présentant les symptômes de la
paralysie générale, et ensuite ameliorés par le traiteinent spécifique, et nos
doutes persistaient à leur lecture sur l'efficacité réelle de ce traitement.
Mais, chez notre malade , les lésions syphilitiques extérieures, multiples, os
tensibles ei palpables peuvent être considérées dans leur marche et leur
amendement comme un reflet visible des modifications analogues qui s'opé
raient dans le contenu de la cavité crânienne et un tel consensus de circons
tances ne peut manquer de faire disparaitre les doutes qui pourraient per
sister et de confirmer la possibilité de l'existence de manifestations syphi
lítiques capables de simuler la paralysie générale, ensemble symplomatique
que M. le professeur Fournier a si heureusement décrit sous le nom de
pseudoparalysie générale syphilitique.
REVUE DE DERMATOLOGIE.

1. DE LA SCROFULE . RAPPORTS ANATOMIQUES ET CLINIQUES ENTRE LA


SCROFULOSE ET LA TUBERCULOSE, par H. MARTIN . (Revue de médecine,
1884, p . 773. )
ll. Note SUR QUATRE CAS DE GOMMES SCROFULO - TUBERCULEUSES HYPO
DERMIQUES, par M. LETULLE . (Société médicale des hôpitaux, 28 no
vembre 1884. )

I. - Dans ce nouveau mémoire, M. Hippolyte Martin cite quelques


inoculations pratiquées dans le but de rechercher la véritable nature des
lésions scrofuleuses : les unes positives , confirmant la nature tubercu
leuse des lésions tardives de la scrofule, telles que les abcès froids, les
adénites sous-maxillaires ; les autres, au contraire , négatives au point de
vue de la nature tuberculeuse de l'impétigo et des adénites qu'il déter
mine. S'appuyant sur ces résultats, M. Hippolyte Martin admet qu'il n'y
a aucun lien réel , en dehors du terrain lymphatique sur lequel elles évo
luent ordinairement, entre les scrofulides superficielles primitives,
cutanées et muqueuses de Bazin , et les autres scrofulides du même
auteur. Pour M. Martin , les premières sont des manifestations pré
coces de l'arthritisme héréditaire et les adénopathies légères qu'elles
déterminent ne deviennent jamais caséeuses ; si ces adénopathies sup
purent quelquefois, c'est en tout cas un accident local, sans généralisa
tion infectieuse possible. Les autres scrofulides ne sont que des locali
sations de la tuberculose, tuberculose débutant ordinairement par le
poumon chez l'enfant et se généralisant ensuite par les voies lympha
tiques pour produire des adénopathies cervicales ou autres . La produc
tion de ces adenopathies est facilitée par une irritation ganglionnaire
simple préexistante, telle que celle produite par les lésions arthritiques
précoces , et on voit alors les ganglions subir la transformation caseeuse,
ccrouelleuse . La transformation maligne de l'adénopathie peut aussi être
le résultat d'une inoculation directe du germe tuberculeux à travers les
surfaces enflammées et excoriées de la peau et de la muqueuse.
En résumé, « la scrofule n'est qu'une expression clinique sans subs
tratum anatomique apparente ........ toutes les altérations morbides qui
lui étaient jusqu'à présent attribuées paraissent être tributaires, les unes
de l'arthritisme, les autres de la tuberculose. » GEORGES THIBIERGE .

IL – L'intérêt des trois premières observations de M. Letulle consiste


REVUE DE DERMATOLOGIE . 105

surtout dans les inoculations expérimentales auxquelles elles ont donné


lieu .
Dans la première, le pus d'une gomme scrofulo -tuberculeuse qui
contenait très peu de bacilles (un seul sur vingt préparations) , inoculé à
deux cobayes , donne les résultats suivants : l'un des cobayes meurt
dans le marasme trois cent dix-huit jours après l'inoculation et pré
sente une tuberculose généralisée ; l'autre, sacrifié un an après l'inocu
lation , présente un tubercule caséeux au point d'inoculation , des adé
nopathies tuberculeuses multiples et des îlots tuberculeux récents dans
les deux poumons .
Dans la deuxième observation , le pus des gommes ne renfermait au
cun bacille ; l'inoculation "fut pratiquée sur deux cobayes : l'un d'eux
succomba au bout de vingt- deux jours avec des lésions de tuberculose
généralisée bacillaire qui donnèrent une série d'inoculations positives ;
l'autre cobaye succomba au bout de quarante-trois jours, et l'autopsie
montra une tuberculose infiltrée généralisée, également bacillaire et
inoculable en série.
Dans la troisième observation , le pus de la gomme ne renfermait pas
de bacilles; un des cobayes inoculés mourut au bout de soixante -dix
jours avec des lésions de tuberculose généralisée et bacillaire; le
deuxième cobaye sacrifié au bout de quatre - vingt- un jours, était atteint
de tuberculose diffuse au début.
La quatrième observation , purement clinique, montre la guérison
d'une gomme scrofulo-tuberculeuse sans évacuation de son contenu fluc
tuant , sous l'influence de badigeonnages iodés .
Ces observations fournissent à M. Letulle l'occasion d'intéressantes
remarques que nous allons résumer.
Tout d'abord , elles confirment les recherches expérimentales de Kiener
et Poulet, Colas, Cohnheim , Grancher, H. Martin , Charcot, Koch qui
ont reproduit la tuberculose en inoculant aux animaux des produits
scrofuleux; elles confirment aussi les résultats de Demme, Koch , Schu
chardt et Krause , Bouilly et Debove, C. Pellizzari qui ont trouvé des
bacilles, généralement peu nombreux , dans le pus des gommes scrofulo
>

tuberculeuses .
« Que devient alors la scrofule en présence de toutes ces recherches
et de tant de résultats concordants ? » Faut-il la supprimer en l'identi
fiant à la tuberculose ? Mais alors , comment interpréter les faits où les
observateurs les plus compétents et les plus convaincus de la nature tu
berculeuse des lésions scrofuleuses n'ont pas pu trouver de bacilles
dans ces lésions ? Comment appliquer et la rareté des bacilles et la len
teur d'évolution de la tuberculose expérimentale provoquée par l'inocula
tion de produits scrofuleux ? Ces deux derniers faits auxquels on n’ac
166 REVUE DE DERMATOLOGIE .

corde pas toujours une suffisante attention et qui se retrouvent cependant


dans toutes les relations d'expériences, sont des caractères distinctifs de
la plus haute importance.
Après avoir retranché de la scrofule toutes les vraies tuberculoses , il
reste encore une série de malades typiques, qui sont des scrofuleux. La
scrofulose et la tuberculose sont deux maladies qui ne sont pas absolu
ment identiques, même au point de vue parasitaire et expérimental;
et le micro -organisme scrofuleux est d'une nocuité bien moins considé
rable que celui de la tuberculose ; mais la scrofule constitue un terrain
de prédilection pour la culture des parasites de la scrofule et pour leur
transformation en micro -organismes tuberculeux.
Nous ne voulons pas actuellement entrer; au sujet de la nature de
la scrofule, dans une discussion qui nous entraînerait bien loin ; nous
ferons seulement remarquer la note discordante qui vient se jeter au
milieu du concert des histologistes et des expérimentateurs partisans de
l'identité absolue de la scrofule et de la tuberculose; les arguments mis
en valeur par M. Letulle et tirés des recherches d'auteurs différents et
déjà nombreux méritent une attention toute particulière et ne peuvent
être négligés dans la formule de définition de la scrofule que rechercheni
en ce moment un si grand nombre de médecins . GEORGES THIBIERGE .

III . - ETUDE CRITIQUE ET CLINIQUE SUR LE PITYRIASIS RUBRA , par L. Brocq.


(Archives générales de médecine, 1884, mai, juillet et août.)

M. Brocq reprend dans ce travail l'étude de « ce que l'on désigne à


l'étranger sous le nom de pityriasis rubra ou , pour mieux dire, de toutes
les éruptions rouges et généralisées. » Sur bien des points, ce nouveau
mémoire est le résumé de sa remarquable thèse inaugurale sur la der
matite exfoliatrice généralisée (Voir Annales de dermatologie, 18833,
p . 90) . Aussi ne suivrons - nous pas l'auteur dans sa discussion des
diverses formes du pityriasis rubra . Nous rappellerons seulement qu'il
divise le pityriasis rubra en six affections distinctes : 1 ° herpétides exfo
liatrices (Bazin) ; 2° pityriasis rubra pilaire ( Besnier et Richaud ); 3° éry
thème scarlatiniforme desquamatif ; 4° dermatite exfoliatrice générali
sée ; 5° pityriasis rubra chronique grave (type de Hebra ); 6° pityriasis
rubra bénin .
Ces diverses affections sont successivement l'objet de descriptions
soignées ; mais la plupart de ces descriptions sont le résumé soit des
chapitres correspondants de la thèse de M. Brocq , soit de celle de
Richaud, et nous n'atons pas à les reproduire ici, Nous nous contente
REVUE DE DILLATOLOGIS . 107

rons de résumer l'étude faite par M Brocq, à l'aide d'observations non


velles, de l'érythème scarlatiniforme desquamatif.
Considérée pour la première fois comme une entité morbide distincte ,
par MM. Féréol, Besnier et Vidal , cette affection ne peut être confondue
avec les éruptions médicamenteuses. Elle débute par des symptômes
généraux d'une durée variable. L'éruption a son siège initial dans des
points fort variables et tend à se généraliser en un ou plusieurs jours ,
mais peut respecter la tête ; elle se montre, au début, sous la forme de
petites taches rouges, légèrement papuleuses et prurigineuses, ou de
plaques rouges uniformes uniques ou multiples. La rougeur est intense, un
peu variable suivant les régions et moins marquée à la face ; elle disparaît
par la pression en laissant une légère teinte jaunâtre des téguments. Il
y a quelquefois un cedème généralisé et souvent de l'épaississement de
la peau. La desquamation qui parait au bout d'un temps variable, quel
quefois avant la généralisation complète de l'éruption , se fait sous forme
de squames furfuracées par places, mais presque partout larges et lamel
leuses, présentant des caractères variables suivant les régions. L'érup
tion est toujours sèche; les malades éprouvent une sensation de séche
resse de la peau . Assez souvent, il y a une angine érythémateuse assez
légère, quelquefois de l'injection des conjonctives ; ordinairement, la
langue se dépouille et prend un aspect lisse , vernissé, rouge vif . A partir
de la période de desquamation, les phénomènes généraux disparaissent.
Les ongles présentent presque toujours à leur racine un sillon ou plutôt
une dépression transversale, plus ou moins profonde, suivant l'intensité
du processus desquamatif ;. parfois ils tombent au bout de plusieurs
mois, soulevés à leur partie postérieure par l'ongle nouveau ; mais il n'y
a pas, comme dans la dermatite exfoliatrice, mortification totale et en
masse de la matrice et du derme sous -ungueal. La chute des poils est
exceptionnelle, mais peut se produire, de sorte qu'il n'est guère pos
sible d'établir une différence radicale entre les premières attaques d’éry
theme et une attaque faible de dermatite exfoliatrice généralisée. L'éry
thème scarlatiniforme desquamatif récidive souvent : les attaques se
reproduisent au bout de plusieurs mois ou de plusieurs années ; mais
elles se rapprochent ensuite en devenant moins intenses. Débutant ordinai
rement entre 20 et 40 ans, celle affection est plus fréquente chez l'homme
que chez la femme, se développe ordinairement chez des personnes peu
sujettes à transpirer, et est peut- être en rapport avec l'arthritisme.
Après avoir décrit séparément les diverses formes du pityriasis rubra,
31. Brocq reconnaît qu'il est des cas impossibles à classer, même parmi ceux
qu'il a pu observer ; ces faits semblent être des cas hybrides, ienant de
chacun des types précédents et ne peuvent actuellement düüner lieu a
aucune conclusion .
168 REVUE DE DERMATOLOGIE .

En terminant, l'auteur déclare que, dans l'état actuel de la science,


ces diverses formes du pityriasis rubra doivent être décrites séparément
et que l'on doit s'en tenir à l'analyse des faits connus. Cependant il ne
méconnaît pas les rapports de ces diverses affections, les analogies que
cachent mal leurs différences, et il ne lui semble pas impossible que
l'on arrive à en faire des processus d'une seule et même nature, comme
le voulait Devergie . GEORGES THIBIERGE .

IV.- PURPURAS CACHECTIQUES, par M. ALBERT MATHIEU . ( Archives générales


de médecine, 1883, t . II, p. 273. )
V. NOTE SUR TROIS CAS DE PURPURA INFECTIEUX FOUDROYANT CHEZ L'EN
FANT, par M. O. GUELLIOT. (Union médicale du Nord-Est , 1884.)
VI . UN CAS DE MYÉLOPATHIE AIGUE A MARCHE ASCENDANTE , RAPPELANT LA
PARALYSIE ASCENDANTE AIGUL (AVEC POUSSÉES RÉPÉTÉES DE PURPURA SUR
LES JAMBES AU DÉBUT ), par Barth. (France médicale , 1884, 17 avril,
p. 561. )
VII . SYPHILIS ET PURPURA , par M. HARTMANN . (France médicale,
12 juillet 1884. )
-

IV. - Complétant par ce travail sa thèse inaugurale déjà analysée dans


les Annales (1883, p . 290 ), M. Albert Mathieu passe successivement en
revue les diverses variétés de cachexies : anémies progressives, tubercu
lose, cachexies hydropigènes (brightique et cardiaque). Il montre que
la pathogénie du purpura est variable dans ces cas divers, que les condi
tions en sont complexes et que le purpura cachectique, encore si peu
connu, constitue un groupe sans homogénéité : au point de vue de la
physiologie pathologique, le purpura cachectique doit être démembré
aussi bien que la classe artificielle des purpuras en général.
Dans les anémies pernicieuses, M. Mathieu comprend non seulement
la fameuse entité morbide, si contestable, de Biermier et Immermann,
mais encore les cachexies produites par des hémorrhagies répétées de
causes diverses et celles relevant des affections de la rate , dans lesquelles
on rencontre si souvent du purpura, même sans leucocythémie et sans
thromboses possibles de leucocytes . Le cancer se rapproche de ce
groupe, où les hémorrhagies relèvent de l'altération du sang et peut -être
de lésions vasculaires.
Dans la tuberculose, le purpura se produit parfois en conséquence de
lésions du système nerveux (méningites); dans quelques cas, il affecte
la forme du purpura névropathique; d'autres fois il semble dù à une
véritable infection (purpura survenant au moment de poussées aiguës
REVUE DE DERMATOLOGIE . 169

de tuberculose); quelquefois aussi les hémorrhagies sont expliquées par


l'asystolie , l'albuminurie, les lésions du foie. Presque toujours, dans la
tuberculose, il s'agit de purpura chez des cachectiques plutôt que de
purpura cachectique.
Dans la cacherie brightique, la toxémie joue peut-être un rôle im
portant, mais il faut tenir compte de la déchéance organique générale,
des lésions des tissus et des vaisseaux : presque toujours le purpura se
montre en même temps que des ædèmes et précède de peu les phéno
mènes propres à l'urémie. Le purpura sénile semble devoir être rangéà
côté du purpura brightique et relever comme lui de lésions artérielles
et de la dégénérescence des tissus .
Dans les maladies du cæur, le purpura est difficile à expliquer, car
tout le monde en parle et personne ne l'a vu : sa pathogénie semble
complexe et relever à la fois des lésions artérielles, hépatiques et ré
nales.
Au point de vue symptomatique, le purpura cachectique se présente
sous la forme de pétéchies pilo-sébacées ou simplement cutanées et d'ec
chymoses pouvant être assez étendues pour qu'il se forme de véritables
bosses sanguines ; jamais on ne trouve les formes papuleuse, érythéma
teuse , qui appartiennent au purpura névropathique rhumatoïde.
GEORGES THIBIERGE .

V. - M. Guelliot (de Reims) a observé, chez des enfants de 7 mois à


-

3 ans , dans l'espace de deux mois , trois cas de purpura offrant les symp
tômes suivants : début brusque par des convulsions, des vomissements et
une dyspnée intense, puis coma et , dans un cas, douleur vive à la région
lombaire. Au bout de quelques heures , apparition de taches purpuriques
symétriques, à la face antéro - interne des cuisses, d'abord foncées, res
semblant aux macules de la roséole syphilitique, puis prenant une cou
leur plus vive, franchement pourpre et enfin tournant au noir. L'éruption
gagnait ensuite le tronc et la face. Dans les trois cas, la marche a été
foudroyante et la mort est arrivée après 14, 15 et 20 heures de
maladie .
Un point important des observations de M. Guelliot, c'est que les trois
enfants habitaient une même rue . Cette rue était à ce moment très mal
propre, elle était voisine d'un dépôt de chiffons exhalant une mauvaise
odeur et, de plus, au moment de la mort des enfants, la pluie était
tombée en abondance. Enfin , quelques jours plus tard et dans le même
quartier, un enfant de quelques mois succombait dans des conditions
analogues.
M. Guelliot rapproche de ces observations un fait semblable rapporté
par Rilliet et Barthez ; puis, discutant le diagnostic, il élimine toute
170 REVUE DE DERMATOLOGIE .

intoxication par des agents chimiques et rejette l'idée d'une variola


hémorrhagique, car les enfants avaient été vaccinés et que la variole ne
régnait pas à Reims. L'idée d'une fièvre intermittente n'est guère admis
sible non plus que celle d'un ictère grave sans ictère ; mais une analogie
existe entre ces cas et les typhus. En tout cas , il semble bien y avoir
intervention d'un agent infectieux .
D'ailleurs les purpuras infectieux existent bien ( Mathieu, Du Castel, etc.)
dans des conditions variables et encore incomplètement déterminées.
M. Guelliot admet donc un typhus purpurique infectieux des enfants.
L'autopsie eût été bien nécessaire pour établir la nature d'une maladie
évoluant si rapidement que le médecin peut à peine en observer les
apparences cliniques. Quoi qu'il en soit et surtout en raison des appa
rences d'épidéinicité dans ces cas, les faits de M. Guelliot sont impor
tants à enregistrer à cette époque surtout où l'on cherche à établir net
tement le bilan des maladies infectieuses et où , de plus, le purpura et
ses diverses formes sont plus que jamais des questions d'actualité .
GEORGES THIBIERGE.

VI . Un homme de 50 ans, alcoolique, est pris à la suite de fatigues d'un


état fébrile pour lequel il prend coup sur coup plusieurs purgatifs ; à partirde
ce moment, il ressent des douleurs vagues dans les jambes, et chaque fois qu'il
veut marcher il voit se développer une poussée abondante de purpura sur les
membres inférieurs. Lors de son entrée à l'hôpital, il se plaint de douleurs
dans les chevilles et les genoux, et on constale des taches purpuriques re
montant à des dates diverses, quelques- unes récentes el franchement pélé
chiales. Les jours suivants , il n'y a pas de nouvelles poussées purpuriques;
mais les douleurs articulaires s'étendent aux membres supérieurs et résistent
au salicylate de soude. Une iritis se produit, puis survient de la parésie des
membres inférieurs, puis des membres supérieurs, qui s'accuse de plus en
plus , les réflexes sont abolis, la sensibilité cutanée devient obtuse ; il y a de
l'anurie et le malade meurt dans une syncope trois semaines après son entrée
à l'hôpital. Pas d'autopsie.

M. Barth discute le diagnostic de cette affection singulière et arrive


à cette conclusion qu'il s'agissait d' « une forme de myelopathie très voi
sine de la paralysie ascendante aiguë ou maladie de Landry » . Cette
interprétation ne saurait, à notre avis, être contredite : aussi donnons
nous cette observation comme un des documents les plus importants
publiés jusqu'ici à l'appui de la théorie myelogène du purpura. En dehors
de sa valeur théorique, le fait que nous venons de résumer comporte un
enseignement pratique sérieux, àà savoir que, chez un sujet surmené, le
purpura dit rhumatismal doit être tenu en suspicion , car il peut n'être
que la première manifestation d'une maladie grave de la moelle suscep
tible même d'amener la mort. GEORGES THIBIERGE .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 171

VII.-M. Hartmann publie un certain nombre d'observations, qui ne


font que confirmer des faits déjà connus .
De ces observations, il ressort que le purpura hémorrhagique peut
survenir dans la période secondaire de la syphilis en même temps que
les autres accidents cutanés , ou muqueux qui apparaissent alors. Le
purpura peut même être très hâtif et suivre de près le chancre infec
tant.
Il se produit par poussées successives, très variables tant au point de
vue de leur localisation que de leur mode d'apparition .
L'urine contient quelquefois de l'albumine. On observe aussi de
l'adème ou de l'anasarque, des douleurs dans les membres inférieurs
des troubles gastro - intestinaux et surtout de la diarrhée .
Le purpura hémorrhagique peut apparaître plus tardivement, et coïn
cider avec les accidents tertiaires .
Qu'il soit hâtif ou tardif, le purpura est-il bien une manifestation di
recte de la syphilis ?
Il est plus probable que le purpura est l'expression simple, banale de
la cachexie de l'organisme qui résulte fatalement de l'infection syphili
tique.
C'est là l'opinion de M. Lallier qui cependant a des observations posi
tives de purpuras survenus sous l'influence immédiate de la syphilis.
Mais dans ces cas il s'agit de syphilides papuleuses devenues localement
hémorrhagiques par suite d'une disposition spéciale des tissus à ce niveau
(état variqueux par exemple ). Dans ces dernières circonstances, l'état
général est souvent excellent, ce qui indique bien qu'il ne s'agit pas là
d'un véritable purpura . PAUL HAMONIC .

VIII . DES MANIFESTATIONS CUTANÉES DE LA CHORÉE CHEZ LES ENFANTS , par


M. A. OLLIVIER . (Revue mensuelle des maladies de l'enfance, 1884,
avril, p . 170. )

M. Ollivier rapporte deux observations d'affections cutanées dévelop


pées chez des sujets choréiques et rhumatisants.
Dans la première observation , un enfant de 13 ans, atteint de chorée
depuis six semaines, était atteint d’érythème polymorphe (macules,
papules et nodosités développées d'abord sur les mains, puis sur le cou ,
le tronc et les membres inférieurs, et affectant une disposition circinée);
l'affection cutanée persista environ quinze jours . Le malade éprouvait
en même temps des douleurs dans les articulations des deux genoux et
était atteint d'une endocardite mitrale .
Dans la deuxièine observation, une fillette de 13 ans fut prise de dou
172 REVUE DE DERMATOLOGIE .

leurs articulaires dans les doigts, en même temps que se produisait une
éruption d'urticaire sur les poignets, puis appararent des mouvements
choréiques qui persistèrent pendant plusieurs mois.
Comme le remarque M. Ollivier, il s'agit très probablement, dans ces
cas, d'affections cutanées développées, comme la chorée, comme l'endo
cardite, sous l'influence du rhumatisme : la connexité des accidents doit
leur faire reconnaître une seule et même origine.
La coïncidence d'éruptions cutanées avec la chorée n'est pas notée par
les auteurs, et M. Ollivier ne connaît pas, dans la littérature médicale,
d'observations semblables aux siennes.
Les faits de ce genre ne sont cependant peut- être pas aussi excep
tionnels que pourrait le faire supposer le silence des auteurs. Depuis la
publication du travail de M. Ollivier, il aa été relaté par M. Morel -Laval
lée ( Revue mensuelle des maladies de l'enfance , 1884 , septembre,
p. 421 ) une observation présentant quelque analogie avec les précé
dentes : un enfant de 11 ans, en traitement depuis 3 semaines pour une
chorée intense accompagnée d'endocardite, est pris de pleurésie et de
pericardite , puis on voit apparaître une éruption d'érythème polymorphe,
nummulaire, circiné et ortié occupant les membres, qui disparait au
bout de 3 jours ; l'enfant succombe quelques jours après à une pneumo
nie . Nous pouvons citer aussi le fait d'une petite fille de 9 ans que nous
avons observée récemment et qui , atteinte de chorée depuis quinze jours,
présentait sur le tronc et les membres une éruption des plus remar
quables d'érythème circiné, sans concomitance de décrimination rhuma
tismale soit sur les jointures, soit sur les séreuses cardiay.cs.
De tels faits n'ont rien d'extraordinaire si l'on admet l'origine rhuma
tismale de la chorée et de certaines variétés de l'érythème polymorphe :
il n'y a alors rien que de naturel à voir s'associer deux manifestations
relevant de la même cause. Ils sont cependant bons à noter à une époque
où l'on procède au déclassement des exanthèmes rhumatismaux et où
l'on a grande tendance à en distraire l’érythème polymorphe.
GEORGES THIBIERGE .

IX . CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU PEMPHIGUS ÉPIDÉMIQUE , par COLRAT.


(Revue de médecine, 1884, p . 935. )
Ayant eu l'occasion d'observer une petite épidémie de pemphigus
chez les enfants, M. Colrat a étudié l'inoculabilité de cette affection et a
recherché les micro -organismes contenus dans les bulles de pemphigus.
Comme M. Vidal, l'auteur a constaté que le pemphigus est auto - inocu
lable et que l'inoculation donne toujours une bulle qui se reproduit à la
REVUE DE DERMATOLOGIE . 173

deuxième et à la troisième génération, mais en diminuant de volume


à chaque génération.
L'auteur n'a pas retrouvé dans les croûtes le champignon décrit par
Riehl, ni dans le liquide des bulles les bactéries signalées par MM. Vi
dal et Déjerine ; mais dans le liquide des bulles, il a constaté la présence
de microcoques en 8 de chiffre assez analogues à ceux du rouget du
pore, animés de mouvements oscillatoires assez rapides, et se colorant
par le violet de méthyle. Ces microcoques ont pu être cultivés dans le
bouillon de bæuf salé. L'inoculation des cultures n'a fourni que des
résultats peu concluants, que l'inoculation ait été faite sur les enfants
ou sur les lapins.
M. Colrat a pu constater que, dans les bulles de varicelle, il n'existe
pas de microcoques en 8 de chiffre semblables à ceux qu'il a constam
ment trouvés dans les bulles de pemphigus. GEORGES THIBIERGE .

X. - LES NODOSITÉS RHUMATISMALES SOUS -CUTANÉES, par M. TROISIER .


(Communication à la Société médicale des hôpitaux). ( Progrès médi
cal, nos 47, 48, 52, 1883 et nº 1 , 1884 ; et Union médicale, 1884,
nos 32, 33, 36 et 38. )
XI . DISCUSSION SUR CETTE COMMUNICATION : M. FÉRÉOL. ( Société médi
cale des hôpitaux, 9 novembre 1883.)
XI . DES NODOSITÉS RHUMATISMALES A LONGUE DURÉE, par M. F. WIDAL .
(Gazette hebdomadaire, 1883, p. 825.)
X. - M. Troisier a déjà publié, dans la Revue de médecine de 1881,
en collaboration avec M. Brocq , un mémoire sur les nodosités rhuma
tismales qui a été analysé dans les Annales (1882, p. 371 ) .
La nouvelle observation de M. Troisier peut être résumée avec lui de
la façon suivante :
Un homme de 28 ans avait été atteint d'un rhumatisme articulaire qui
a n'avait été ni très violent, ni très prolongé ; aucune complication n'était
survenue. Cependant le malade conservait, au bout d'un mois, des douleurs
articulaires, mais sans rougeur et sans tumefaction au niveau des jointures ;
il était très affaibli. C'est alors qu'apparurent successivement, en l'espace de
15 jours , un certain nombre de nodosités sous-cutanées à la partie anté
rieure du poignet gauche, sur l'index et le médius de la main droite , au mė
dius gauche, au coude gauche, au jarret droit, sur les malléoles internes, sur
les rolules et enfin sur le crâne, où elles occupèrent l'occiput, le front et les
deux régions parie!ales . Ces nodosités s'étaient développées les unes sur les
tendons, d'autres sur les ligaments et les membranes fibreuses qui entourent
les articulations ; celles de la tête adhéraient au péricrâne. Après une durée
moyenne de dix à douze jours, elles disparurent les unes après les autres,
174 REVUE DE DERMATOLOGIE .

sans laisser de traces. En même temps, le rhumatisme rétrocédait peu à peu,


les articulations restées douloureuses reprenaient la liberté de leurs mouve
ments et la convalescence s'établissait d'une façon régulière .
Dans l'observation de M. Vulpian, dont une partie a déjà été publiée en
1881 , par M. Troisier, les nodosités se présentèrent comme une inanifesta
tion isolée du rhumatisme et l'une d'elles , développée à la paume de la main,
paraissait faire corps avec la face profonde de la peau et déterminait des
douleurs extrêmement viyes .

M. Troisier décrit ensuite les caractères de ces nodosités d'après


toutes les 'observations connues : tantôt accusées par un relief plus ou
moins prononcé, elles ne sont parfois perceptibles que par la palpation ;
ordinairement du volume d'un grain de blé ou d'un pois, sphériques ou
ovoïdes, elles ont une consistance ferme et plutôt élastique, elles glis
sent facilement sous la peau , mais adhérent aux tissus fibreux , tout en
étant plus ou moins mobiles sur les tissus sous-jacents ; la peau n'offre
ni rougeur, ni chaleur à leur niveau ; parfois indolores, mais le plus
souvent douloureuses à la pression , elles ne sont annoncées par aucun
phénomène précurseur; leur accroissement est ordinairement très rapide
et est terminé au bout de quelques heures, puis elles ne diminuent de
volume que peu à peu , disparaissent en moyenne au bout de quinze à
vingt jours sans laisser la moindre trace ; elles se montrent ordi
nairement par poussées successives en l'espace de huit à quinze
jours. Elles peuvent se produire au niveau de toutes les articula
tions, de tous les os superficiels et même sur les aponévroses superfi
cielles , isolées ou réunies par groupes , et quelquefois confluentes ; leur
distribution est souvent symétrique.
Barlow et Warner ont constaté, dans les autopsies, que ces nodosités
sont soudées aux tendons, qu'elles ne sont pas développées primitive
ment dans le tissu cellulaire sous- cutané, qu'elles sont semi-transpa
rentes et présentent quelques ressemblances avec les grains de sagou
cuits .
Au microscope, d'après les descriptions de Hirschprung, de Barlow
et Warner, il semble y avoir là une néoplasie conjonctive prenant nais
sance sur le tissu fibreux et ne subissant jamais une évolution assez com
plète pour qu'on puisse la regarder comme formée de tissu fibreux pro
prement dit ; on comprend dès lors leur existence passagère et leur ten
dance à la disparition spontanée.
Le diagnostic de ces nodosités est facile ; cependant, si elles se dé
veloppent chez les syphilitiques, il peut devenir embarrassant, comme
dans les deux cas communiqués à M. Troisier par M. Fournier.
Quant aux nodosités éphémères des arthritiques décrites par M. Fé
réol, elles ne durent ordinairement qu'un jour, se développent habituel
lement sur le front, forment une saillie souvent mal délimitée, salis
REVUE DE DERMATOLOGIE . 175

changement de coloration à la peau, tout à fait indolente, même à la


pression . M. Troisier ne pense donc pas que les faits de M. Féréol soient
analogues aux siens, comme il l'avait cru d'abord et comme il avait
cherché à l'établir en 1881 : aussi rejette - t- il l'épithète d'éphémère
qu'il avait d'abord adoptée et qui ne convient qu'aux faits de M. Féréol.

XI . – M. Féréol , qui a vu le malade de M. Troisier, est également


d'avis que ce fait diffère absolument de ceux qu'il a observis : les seules
analogies sont le développement des nodosités chez des sujets rhuma
tisants, leur apparition et leur disparition soudaine, sans changement
de coloration de la peau ; mais celles qu'il a décrites ne s'observent pas
sur les membres, sont peu nombreuses, offrent une tumefaction vague,
font corps avec la peau et sont légèrement mobiles avec elle sur les par
ties profondes ; enfin, elles sont absolument et littéralement éphémères,
disparaissant complètement en l'espace de vingt-quatre heures et sem
blent se rapprocher des cedèmes.
M. Féréol en a observé un nouveau cas chez une malade fort sujette
aux migraines . Des cas semblables paraissent avoir été vus par MM. Teis
sier et Olive .

XII . - Le cas de M. Widal est remarquable par la très longue persis


-

tance des nodosités .


Un homme de 23 ans, atteint de rhumatisme articulaire aigu , depuis envi
ron quinze jours, découvrit par hasard des tumefactions siégeant au niveau
des coudes . Entre à l'hôpital au bout de deux mois, pour des douleurs va
gues, il avait à la partie postérieure des deux coudes et au bord externe de
la rotule des nodosités du volume d'une amande environ , offrant les mêmes
caractères que dans les cas de M. Troisier . Trois mois plus tard , c'est-à-dire
cinq mois après leur première constatation par le malade, elles n'avaient
subi aucune modification . GEORGES THIBIERGE .

XIII. – RÉSORCINE DANS L'ICHTHYOSE, par le D ' J. ANDEER. (Monatshefte


für praktische Dermatologie, 1894, n ° 12. )
Il s'agit d'une fille de 6 ans atteinte depuis sa naissance d'ichthyose
qui était surtout prononcée aux pieds et aux mains, et spécialement aux
doigts et aux orteils .
Dans les régions où la peau était fine et délicate, l'ichthyose était sem
blable à la peau d'une teigne vulgaire.
Dans les parties où l'épiderme était exposé aux frottements des vête
ments , aux coudes, aux genoux , sur les épaules, l'épaississement de l'épi
derme était plus accusé, la peau avait un aspect écailleux .
Cette enfant était très ainaigrie, jaune chlorotique, les organes internes
176 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ne présentaient rien d'anormal. Outre l'insomnie résultant d'un prurit


très pénible, des frissons , des sensations de brûlure, la malade ne se
plaignait que d'un grand appétit, souvent même exagéré.
Sur les parties légèrement atteintes, l'auteur prescrivit des onctions
avec une poinmade de résorcine à 3 0/0, sur les régions plus profondé
ment affectées à 5 et 20 0/0 ; on les enveloppait ensuite avec de l'ouate.
Au bout de huit jours, la malade était complètement guérie. Même dans ce
court intervalle, l'embonpoint avait augmenté et le teint était meilleur.
Quant aux phénomènes réflexes, comme le prurit, la malade ne s'en
plaignit plus. Il ne se produisit pas de résorcinisme aigu, quoique l'urine,
à la suite d'une friction énergique sur tout le corps, présentåt une colo
ration vert olive très nette .
La résorcine doit donc être considérée comme un moyen nouveau, à
action rapide , pour nettoyer la peau ichthyosique ; mais comme le soufre
et d'autres médications, elle ne saurait guérir cette difformité de la peau.
A. DOYON .

XIV. - CAS D'AINHUM, par Louis A. DUHRING . ( The american Journal of


the medical sciences, janvier 1884, p. 150. )
Le cas suivant de cette rare affection à laquelle on a donné le nomi
d'ainhum , nous paraît digne d'être analysé avec quelques détails à cause
de l'examen histologique fort complet qu'il contient, examen qui a été
fait par le Dr Henry Wile.
Le malade est un nègre ågé de 40 ans . Il avait 10 ans lorsqu'il s'aperçut
pour la première fois de l'existence d'un sillon dans le pli-digito plantaire du
petit orteil, à la face inférieure des deux pieds . Depuis lors ce sillon s'ac
centua de plus en plus en lui causant une douleur continuelle et fort intense.
Les orteils devinrent peu à peu très volumineux . Los téguments semblaient
etre moins sensibles à leur surface, tandis qu'au fond des plis ils étaient fort
douloureux. Le Dr Simpson vit le malade il y a une dizaine d'années, et, à
cette époque, un des orteils semblait être presque amputé ; on aurait fort
bien pu l'enlever tout à fait sans crainte de perdre beaucoup desang . Enfin,
il y a environ deux ans, il se détacha. Peu de temps après, l'autre orteil
tomba à son tour et on put le recueillir et en faire l'examen micrographique.
Le père du malade avait également perdu ses deux orteils de la même fa
çon , et sa mère est atteinte à l'heure actuelle de la même infirmité, mais elle
n'a encore perdu aucun de ses orteils . Ces derniers détails ont, comme le
fait remarquer Duhring, une grande importance, car ils semblent prouver
que l'ainhum est une affection héréditaire ainsi que l'avait déjà dit le D' H.
Weber .
Voici la description de l'orteil dont on fit l'examen microscopique ; la
pièce comprend la phalange ungueale du petit orteil droit. Elle est irrégu
lièrement sphéroïdale, a environ un pouce de diamètre et sur sa partie dor
sale on voit un ongle bien développé. A son extrémité supérieure se trouve
REVUE DE DERMATOLOGIE . 177

l'endroit par lequel elle adhérait au pied : cette partie présente un aspect
inégal; elle a un quartde pouce de diamètre, est arrondie, et on y remarque
des sortes de cercles concentriques la faisant ressembler jusqu'à un certain point
à la tranche d'un rouleau de papier épais . La pièce a une teinte blanchâtre
et est extrêmement dure bien qu'elle paraisse cedémateuse ; il est vrai de
dire qu'on l'a conservée dans l'alcool . Voici le résumé de l'examen histolo.
gique, que son extreme longueur nous a empêchés de traduire in extenso .
La couche cornée de l'épiderme est augmentée d'épaisseur, les cellules qui
la composent semblent ètre plus volumineuses, quelques -unes sont troubles,
granuleuses et renferment un noyau qui devient de plus en plus petit à mesure
que l'on approche de la surface. Le rete de Malpighi est également hyper
trophié et très fortement ondulé, car les prolongements interpapillaires sont
énormes. Il n'y a que les cellules de la couche basilaire qui renfermentdu
pigment et ce pigment est inégalement réparti , car il manque presque com
pletement dans les cellules qui sont situées an sommet des papilles . tandis
qu'il est fort abondant dans les autres . Le corps papillaire est donc très
hypertrophié; les papilles de la couche supérieure du chorion sont très
dilatées et remplies de globules blancs et de globules rouges . Tout autour de
ces vaisseaux le derme est infiltré de leucocytes qui forment même par place de
veritables amas ; en certains points cette infiltration cellulaire a même déier
miné un commencement d'organisation, et il s'est produit du tissu conjonctif
qui forme comme un anneau autour du vaisseau. Les mailles du chorion
contiennent, d'ailleurs, aussi çà et là des amas plus ou moins considérables
de petites cellules rondes, qui tendent à former du tissu conjonctif ; mais,
i faut bien le reconnaitre , c'est surtout autour des vaisseaux, ainsi que nous
venons de le dire, que se fait cette proliferation. Les couches inférieures du
derme sont constituées par des faisceaux de tissu conjonctif et de tissu mus
culaire lisse formant des mailles assez larges et délimitant des espaces vides
de grandeur variable . Les vaisseaux sanguins , artères, capillaires, veinules,
sont partout très nombreux ; ils sont dilatés et remplis de globules sanguins.
Presque toutes les veines sont vides. Les artères les plus volumineuses ont
leurs tuniques musculaires et celluleuses très notablement épaissies ; leur
endothelium est en prolifération. Les lymphatiques sont dilates, mais pour la
plupart ils sont vides. Les glandes sudoripares sont nombreuses; elles sont
entourées d'un plexus vasculaire fort congestionné , elles ont subi un certain
degré d'atrophie, et tout autour de leurs glomérules on trouve de nombreuses
vésicules de graisse et des alvéoles arrondis remplis de cellules lymphoïdes.
Vers le pédicule qui réunissait l'orteil au pied , l'épiderme devient de plus en
plusmince, et finit par disparaitre complètement. Il ne se termine pas progres
sivement et d'une manière insensible, mais par un ressaut brusque. Le corps
papillaire finit aussi brusquement, et l'on ne trouve plus au delà que des
faisceaux étroitement serrés de tissu conjonctif, entremêlés de plusieurs
bandes de tissu élastique jaune. A l'endroit où élait situé le pédicule les
tissus semblent avoir été coupés carrément avec un couteau .

D'après cet examen microscopique, l'auteur pense que ce processus


morbide dépend d'un trouble de la circulation , trouble dont la cause a
dù être intermittente . Si l'on applique , dit-il , une ligature à la racine de
l'orteil, on voit que les veines superficielles étant oblitérées , tandis que
les artères profondes restent perméables, l'orteil se congestionne, et il
ANNALES DE DERMAT. , 2C SÉRIE , VI. 12
178 REVUE DE DERMATOLOGIE .

s'y produit un peu d'exsudation dans le tissu cellulaire. Si l'on enlère


la ligature, la circulation se rétablit par des veines dilatées . Si l'on ré
tablit ensuite la ligature, on aggrave les lésions précédentes, et l'on finit
par aboutir à l'altération morbide que l'on désigne sous le nom d'ædème
inflammatoire ( inflammatory adema). On trouve alors entre les fais
ceaux de tissu conjonctif des espaces remplis d'un exsudat contenant
de grandes quantité de cellules, tandis que dans l'cedème simple l'exsu
dat ne contient que fort peu d'éléments figurés. L'hypothèse d'une liga
ture posée à la base de l'orteil expliquerait donc parfaitement.d'après
l'auteur les altérations constatées dans l'orteil malade. Certes, cela est
bien possible ; mais qu'on me permette de faire observer que dans
l'ainhum les altérations subies par l'orteil qui se détache ne sont que
des altérations secondaires. La lésion principale est sans aucun doute
celle qui se produit au pédicule et qui amène l'étranglement, l'atrophie
de la base de l'orteil , et finit par la sectionner comme le ferait une liga
ture élastique. Sous quelle influence, comment et pourquoi se développe
cette ligature élastique ? Voilà ce qu'il faudrait préciser.
En terininant, Duhring fait remarquer que l'on n'a encore publié en
Amérique que quelques cas de cette affection . L'ainhum s'observe sur
tout sur la côte occidentale de l'Afrique, et dans certaines localités de
l'Amérique du Sud , en particulier à Bahia, Rio de Janeiro, Buenos-Ayres.
On en a cependant vu quelques cas dans la Caroline du Nord ( Flornaday
et Pitman, Journal médical de la Caroline du Nord, septembre 1881 ).
L. B.

XV . - DE L'INFILTRATION LÉPREUSE DE L'ÉPIGLOTTE, par le D' GEORGE THN.


(Britich medical Journal, 19 juillet 1884, p . 109.)

L'auteur accepte comme parfaitement démontré que la lèpre tubercu


leuse est une affection parasitaire : aussi le but de son travail n'est-il pas
de donner une nouvelle preuve, qui serait tout à fait superflue, de ce pa
rasitisme, mais de rechercher de quelle façon le bacille lépreux se
multiplie dans l'organisme et attaque tel et tel tissu . Le larynx sur lequel
ont porté ses recherches provient d'un lépreux qui a succombé dans la
Nouvelle-Galles du Sud . Les Drs Maclaurin et Cox , de Sidney, lui ont
>

envoyé cette pièce entière dans l'alcool . Le malade était un homme de


34 ans, manifestement atteint de lèpre tuberculeuse ; sa voix s'était
rapidement altérée ; il avait présenté, outre un léontiasis particulière
ment hideux , des lésions de langue, puis une aphonie complète , el était
mort d'asphyxie. Les cordes vocales étaient en partie détruites, la mu
queuse du larynx était tellement tumétiée que le passage de l'air pen
REVUE DE DERMATOLOGIE . 179

dant la vie devait être tout particulièrement difficile ; l'épiglotte était


très épaisse .
L'examen microscopique de coupes de l'épiglotte montre que l'épais
sissement avait surtout pour siège le tissu cellulaire sous-muqueux,
mais il ne dépendait pas tout entier de l'infiltration lépreuse. L'infiltration
lépreuse était constituée par des amas de cellules assez nettement dis
tincts des tissus avoisinants : or, la tuméfaction de ces tissus tenait en
partie à de l'adème, en partie à de l'hyperplasie du tissu conjonctif . Les
différentes dimensions des cellules lépreuses , et les rapports des bacilles
avec ces cellules sont dans le larynx absolument les mêmes que dans
la peau . Ces cellules varient, comme grosseur, de la grosseur des petits
globules blancs du sang à celle de grosses cellules sphériques. Les
plus petites ne contiennent que très peu de bacilles ; parfois on ne peut
en voir qu'un ou deux ; les plus volumineuses en sont au contraire
remplies. C'est d'ordinaire au centre même des nodules lépreux que
l'on trouve les cellules les plus grosses ; il y en a également vers les
bords , mais en ce point ce sont surtout les petites qui dominent.
Il est fort intéressant d'étudier les altérations des vaisseaux dans la
lepre, et le Dr Thin insiste tout particulièrement sur celles qu'il a ren
contrées dans l'épiglotte. La première modification qui survienne est
un gonflement du vaisseau ; au niveau malade il ne contient cepen
dant encore que des globules rouges intacts. A mesure que la lésion
s'accroît , les globules rouges s'altèrent plus ou moins, finissent par
se désagréger, de telle sorte que dans les dernières périodes il existe
une cavité considérable remplie de débris dont la plus grande partie
semble provenir de globules rouges détruits : les parois vasculaires
sont fort altérées, parfois elles ont presque complètement disparu, et
dans leur voisinage se trouvent des cellules lépreuses. Le tout forme
dans son ensemble une masse volumineuse de tissus désorganisés qui
s'infiltre de plus en plus d'éléments lépreux . D'après le Dr Thin , voici
quelle serait la pathogénie de ces lésions : une ou plusieurs cellules con
tenant des bacilles s'arrêtent en un point d'un vaisseau , elles у détermi
nent un arrêt de circulation , la dilatation du vaisseau, puis la destruction
de ses parois, enfin une prolifération des cellules lépreuses. Tel serait
le mode de formation des amas de cellules lépreuses dans l'intérieur
et autour des vaisseaux ; l'auteur explique aussi de la même façon pour
quoi le développement des corpuscules caractéristiques de la lepre
se fait dans certains tissus le long des vaisseaux . Il a d'ailleurs sou
rent rencontré dans l'intérieur même des capillaires des bacilles isolés
et des cellules lépreuses contenant des bacilles .
L'épithélium de l'épiglotte ne semble contenir ni cellules lépreuses ,
ni bacilles ; il en est de même du cartilage ; peut- être la plus grande
180 REVUE DE DERMATOLOGIE .

immunité de ces tissus tient-elle à ce qu'ils ne sont pas vasculaires.


L'auteur aborde ensuite l'étude de l'origine des cellules lépreuses.
Il fait remarquer que l'examen minutieux de ces cellules ne lui a
jamais permis d'y découvrir de trace de division ou de multiplication,
tandis qu'il est évident que les cellules jeunes ressemblent complète
ment aux leucocytes ou globules blancs du sang. Or, il a trouvé sur
une de ses préparations, dans un vaisseau lymphatique, un globule
blanc renfermant des bacilles . Il semble donc tout naturel d'admettre
que les petites cellules lépreuses ne sont que des corpuscules blancs
du sang, exsudés, et qui dès qu'ils arrivent à contenir des bacilles
changent de caractère et de dénomination et deviennent des éléments
lépreux. Dès lors ils possèdent de tout autres propriétés ; devenus
cellules lépreuses, leurs dimensions s'accroissent, et ils semblent
avoir la faculté de rendre les cellules jeunes qui les environnent sus.
ceptibles de recevoir des bacilles : ils deviennent de plus des sortes
de corps étrangers, déterminant autour d'eux une légère irritation
inflammatoire, suffisante pour amener une diapédèse plus abondante
de globules blancs, mais non des phénomènes d'inflammation franche
et active . En même temps le tissu cellulaire dans lequel se forme le
nodule lépreux se détruit , et il se forme du tissu fibreux nouveau
tout autour du nodule . L. B.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

1. – DE LA SYPHILIS ÉQUINE (MAL DU coïT, DOURINE , etc. ) , par LaQUER


RIÈRE . ( Gazette hebdomadaire, nº 31 , 33 et 34, 1883) .
L'auteur, dans une monographie très importante, fait l'histoire du mal
du coit qu'il désigne sous le nom de syphilis équine , afin de bien expri
mer l'identité qu'il cherche à établir entre la maladie du cheval et la
syphilis de l'homme. La symptomatologie du mal du coït est calquée sur
celle de la syphilis . Après une période d'incubation dont la durée varie
de six jours à deux mois, surviennent des accidents locaux, vésicules ,
pustules, papules, quelquefois véritables chancres. M. Trasbot a obtenu
sur une jument soumise plusieurs fois à l'accouplement avec un étalon
porteur de plaques muqueuses, une petite ulcération qui , d'après le
témoignage de M. Fournier, présentait tous les caractères du chancre
parcheminé. A cette syphilis locale succède la syphilis constitutionnelle.
L'infection de l'économie provoque des accidents qui , d'après leur ordre
d'apparition, sont divisés en précoces ou tardifs, ou encore en accidents
secondaires et tertiaires . Les accidents secondaires comprennent les
ædèmes et les engorgements des organes génitaux du mâle et l'ædème
de la vulve chez la femelle, une éruption polymorphe de la muqueuse
génitale, l'adénite inguinale, des syphilides cutanées, des troubles des
organes digestifs, des fonctions de nutrition et d'innervation , les atro
phies et les algies musculaires, les claudications, l'amaigrissement,
l'adénopathie générale . Les accidents tertiaires dont l'évolution coexiste
souvent avec celle des accidents secondaires, comprennent les paralysies
locales, la paraplégie, le ramollissement du cerveau et de la moelle, la
cachexie , etc.
Quelque analogie que présentent les symptômes du mal du coït et ceux
de la syphilis humaine, l'identité des deux maladies ne peut être démon
trée que par l'étiologie et l'expérimentation . Au point de vue étiologique ,
l'auteur accepte l'opinion autrefois exprimée par le général Daumas, à
savoir : que la dourine est une maladie vénérienne communiquée à
l'ânesse par le crime de bestialité assez commun en Afrique, prise par le
baudet, puis donnée à la jument lorsqu'on veut lui faire jeler des mulets.
Signol, Vital, Viardot, Merche ont également signalé cette étiologie de la
syphilis équine.
M. Laquerrière conclut donc à l'identité de la dourine et de la syphilis
bumaine. Depuis la publication de son mémoire a paru dans le Diction
182 REVUE DE SYPITILIGRAPHIE .

naire encyclopédique l'article Syphilis, de M. Rollet. L'auteur, au


chapitre Syphilis des animaur, étudie longuement la dourine, mais pour
mettre en doute son identité avec la syphilis. Ce sont, dit-il, deux espèces
morbides aussi différentes que peuvent l'être , par exemple, la clavelée
du mouton et la variole de l'homme. Il réserve toutefois son jugement,
attendant, pour se prononcer définitivement, les expériences d'inocula
tion de la syphilis humaine à l'espèce chevalinc. Les rares tentatives de
ce genre faites jusqu'à présent ont été négatives. P. M.

II. LA SYPHILIS ET LA THÉORIE PARASITAIRE , par A. GÉMY . ( Leçons


d'ouverture de la clinique des malades syphilitiques de l'école d'Alger,
1884. )
L'auteur, se basant surtout sur les résultats heureux du traitement
mercuriel et ioduré, se déclare partisan de la théorie parasitaire de la
syphilis. Il développe particulièrement cette idée, basée sur son expé
rience personnelle, que la syphilis est d'autant plus grave qu'elle a été
contractée à une source vierge de tout traitement, par conséquent non
atténuée par le traitement parasiticide, d'autant plus bénigne qu'elle
a été contractée à une source méthodiquement atténuée. La malignité
des syphilis en Algérie tiendrait à ce fait que les indigènes syphilisés ne
se mercurialisent pas et communiquent aux Européens un virus en
pleine activité . A l'appui de son opinion , M. Gémy rapporte deux obser
vations de syphilis maligne communiquée à des médecins européens par
des kabyles vierges de tout traitement. Le pronostic d'une syphilis devrait
donc s'inspirer de l'origine dont elle émane. P. M.

III.— SUR LE LEUCODERME SYPHILITIQUE, par le prof. A Neisser , de Breslau.


Le leucoderme syphiliticum , syphilide pigmentaire des auteurs
français, est une affection fort peu connue en Allemagne. Pour combler
cette lacune le professeur Neisser en donne une description fort com
pléte, mais il émet sur le développement et la pathogénie de cette
affection des idées tout à fait différentes de celles qui sont généralement
reçues en France .
L'auteur définit le leucoderme : une anomalie pigmentaire constituée
pár des taches dépourvues de pigment, plus blanches que la peau nor
male , se détachant sur un fond anormalement pigmenté. Cette dépig
mentation des taches blanches n'est bien nette que lorsque la maladie
est en voie de développement, car lorsqu'elle a atteint son plus haut
degré, la teinte tend à s'uniformiser.
REVUE DE SYPITILIGRAPHIE . 183

Neisser a surtout observé le leucoderme chez des femmes brunes dont


le cou était naturellement plus coloré que le reste du corps ; quant aux
autres localisations, il les a surtout observées chez des hommes que leur
métier exposait à la chaleur d'un foyer, comme des forgerons, des bou
langers.
Ildécrit le développement de la lésion de la façon suivante : après
leur éruption érythémateuse ou érythémato - papuleuse, et au moment où
la tache de roséole ou la papule est remplacée par une macule brune,
il se développe autour de chaque macule une aire blanche qui gagnant à
la fois vers le centre et la périphérie fait disparaître la macule et s'étend
d'une façon centrifuge.
Ces taches blanches ne se multiplient plus mais, en s'étendant elles
deviennent confluentes et forment des plaques à contour polycyclique
séparées par un réseau pigmenté.
Les taches foncées ne sont que le reste de la coloration brune du cou ,
antérieure à la syphilide, et qui rend les taches blanches beaucoup plus
visibles au cou qu'elles ne le seraient sur d'autres parties du corps .
Les taches blanches sont dues à la proliferation rapide des cellules du
corps muqueux de Malpighi, prolifération qui accompagne la formation
des papules .
Enfin Neisser explique la résistance du leucoderme au traitement spé
cifique par ce fait que ce n'est plus une conséquence directe de l'infec
tion syphilitique, c'est un processus de cicatrisation .

IV. -- SYPHILIS ET TABES, par Voigt. (Berliner Klin . Wochenschrift,


1883 >, n° 3. )

L'auteur est de plus en plus persuadé que la syphilis est la cause


réelle du tabes. Sur 76 malades, 62 c'est -à - dire 81,4 0/0 avaient été
atteints précédemment de syphilis. La maladie avait évolué d'une façon
très bénigne et n'avait jamais donné lieu à des accidents tertiaires ; de
même le traitement avait été fort bénin .
L'auteur insiste sur l'emploi du traitement antisyphilitique dans le
tabes. Il faut l'instituer le plus tôt possible. P. SPILLMANN .

V. – DE LA SURDITÉ DANS LE TABES SYPHILITIQUE , par M. le D' HERMET


(Union médicale, 14 juin 1881) .
Deux particularités caractérisent cette surdité spéciale :
1 ° L'absence totale de lesions de l'appareil transmetteur (membrane
du tympan , chaine des osselets, trompe d'Eustache) ;
184 REVEE DE SYPHILIGRAPHIE .

2. La rapidité de son évolution .


Elle débute quelquefois d'une façon brutale, foudroyante, quelques
inois ou plusieurs années après le chancre.
Elle peut être le premier symptôme du tabes , et mettre sur la voie du
diagnostic de cette affection .
Cette surdité varie depuis un affaiblissement de l'acuité auditive, jus
qu'à la cophose complète. A une période plus ou moins éloignée, appa
raissent les symptômes caractéristiques de l'ataxie. Cependant il est des
cas où ceux - ci précèdent la surdité. L'intervalle de temps séparant ces
deux ordres de phénomènes morbides peut être fort long, atteindre
même 15 années.
L'hystérie et la syphilis héréditaire sont les seules affections capables
de provoquer une surdité à peu près analogue à celle du tabes syphili
tique. Quoique cela , le diagnostic différentiel est toujours facile.
La surdité du tabes syphilitique est incurable L'électricité à courant
continu appliquée dans les oreilles, parait être le meilleur agent, pou
vant, sinon guérir le malade, du moins l'améliorer .
Il va sans dire que le traitement spécifique doit être suivi très métho
diquement.
Quant à la nature de cette surdité spéciale, elle parait être une alté
ration labyrinthique, s'étendant sur le trajet du nerfauditif, et peut être
analogue à la névrite que l'on a constatée et étudiée dans le nerf optique
des ataxiques. P. HAMONIC .

VI . – PARALYSIE INFANTILE DUE A LA SYPHILIS HÉRÉDITAIRE. Note clinique du


D' Rocco De Luca, Docent libre de la clinique dermo -syphilitique de
l'Université royale de Catane.
Michelino F ... , enfant de belle apparence, ågé de 21 mois, fut subite
inent atteint, à 11 mois et demi, d'une paralysie complète des membres
inférieurs que précédèrent, pendant trois jours, des douleurs vagues, de
l'inappétence et une forte fièvre. Le membre gauche a recouvré aujour
d'hui une grande partie de sa puissance et ne présente guère qu'une
parésie limitée à quelques muscles de la région crurale antérieure ; le
membre droit, au contraire, pend froid et inerte : ses ligaments sont
flasques comme du coton et ses masses musculaires, grêles et atro
phiées , ont perdu, pour la plupart, leur contractilité faradique. Le pied,
dont les muscles paraissent intacts, affecte la déformation du pied varus
équin paralytique .
Il était impossible, en présence d'un tableau aussi net, de méconnaître
la forme classique de la paralysie musculaire atrophique de l'enfance ; tel
fut le diagnostic de M. R. de Luca ; certaines particularités de l'histoire
REVUE DE SYPHILIGRAPATE . 185

de son petit malade, l'engagèrent, en outre , à compléter le diagnostic


clinique par un diagnostic étiologique qui constitue l'élément intéressant
mais aussi critiquable, du travail que nous analysons .
En dépit de sa bonne mine, Michelino est un enfant de syphilitique ,
plus encore, selon toute probabilité , un syphilitique héréditaire . Son
père contracta la vérole neuf mois avant son mariage et la donna à sa
femme qui eut six avortements avant de mettre au monde le petit malade.
Lui-inême, présente plusieurs des stigmates que l'on est accoutumé, sur
tout depuis les travaux de Parrot, à regarder comme caractéristiques : son
crâne est natiforme ; sa voûte palatine est étroite, profonde ; sa luette est
irrégulière et cicatricielle ; ses dents, enfin, petites, tartrées dentelées
et implantées sans ordre dans leurs alvéoles, ressemblent à des soldats
qui ont rompu leurs rangs. Ce sont les dents d'Hutchinson .
Ces antécédents et les stigmates suffisent, aux yeux de M. de Luca, a
démontrer la nature syphilitique de l'affection de son malade et l'exis
tence de la paralysie infantile syphilitique qui , pour avoir échappé à tous
les observateurs, n'en serait pas moins, peut-être , assez commune . Beau
coup de myopathies infantiles dont l'étiologie est si obscure seront,
selon lui, bien mieux connues lorsque les syphiligraphes n'abandonneront
plus aux non -spécialistes, leur étude et lorsque les lésions de la syphilis
héréditaire seront plus familières à la généralité des médecins ; il arrivera
alors de ces affections ce qu'il est advenu de l'ataxie locomotrice dont
l'origine spécifique est si fréquente et l'on pourra répéter, une fois de
plus, avec Ricord, que la syphilis tend à s'annexer la pathologie interne
tout entière .
Loin de nous la pensée de nier, a priori, la réalité de la relation cau
sale que cherche à établir notre distingué confrère , mais le fait unique
qu'il rapporte à son appui ne saurait entraîner notre conviction et les
conclusions de son intéressant travail me paraissent encore prématurées.
Et d'abord , est - il certain que le jeune Michelino soit atteint de syphilis
héréditaire ? Les antécédents bien constatés du père, certaines lésions
faciales reconnues pour spécifiques survenues chez la mère, un peu
avant sa dernière grossesse, les six avortements qui ont précédé la
naissance du inalade, les stiginates, enfin , reconnus chez ce dernier,
rendent le fait infiniment probable et nous l'acceptons volontiers pour
certain. Nous devons, toutefois , faire remarquer que ces stigmates, à
eur seuls, ne suffisaient pas à faire la preuve de l'hérédité syphilitique.
Ce sont des stiginates de dégénérescence et toutes les causes de dégéné
rescence , si nombreuses dans les races civilisées, peuvent les produire.
La syphilis est peut- être l'une des plus actives, mais elle n'est pas la
seule ; en dehors d'elle , le crâne natiforme, la voûte palatine ogivale et
7

bien d'autres déformations se rencontrent chez tous les dégénérés, chez


186 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

les aliénés héréditaires, par exemple, comme les travaux et les dessins de
Morel en font foi. Les dents d'Huchinson , elles-mêmes , ne sont pas
propres aux descendants de syphilitiques et nous avons vu de nombreux
sujets qui en présentaient de magnifiques, contrastes des syphilis dont
la gravité et l'extériorité rendaient peu probables de pareils antécédents.
De ce que Michelino était soumis à toutes les chances que comporte
la syphilis héréditaire, il n'en résulte pas, toutefois que son affection
médullaire relève de la syphilis. Pour qu'un rapport de causalité cer
tain ou même probable puisse être établi entre une maladie générale et
une affection , il faut que cette dernière présente avec celle-ci certains
rapports de fréquence, d'évolution et de sensibilité thérapeutique. C'est
ainsi que la plaque muqueuse est spécifique de la syphilis parce qu'elle
n'apparaît que dans le cours et même à une certaine période du cours
de cette maladie infectieuse ; que la réalité de l'endocardite rhumatis
male repose en partie sur l'extrême fréquence de cette lésion chez les
rhumatisants, que les rapports de la migraine et de la goutte sont prou
vés par l'alternance des accidents céphalalgiques et podagres chez les
individus soumis à la constitulion goutteuse et qu'enfin , la communauté
de traitement permet de rattacher à l'impaludisme les phénomènes
morbides les plus dissemblables. Ces conditions, dont nous pourrions
étudier la liste, ne nous semblent pas remplies dans l'observation de
M. de Luca ; aussi dût l’étiologie de la paralysie atrophique de l'enfance
conserver encore son obscurité, gardons -nous toute notre défiance pour
le vieil adage : Post hoc, ergo propter hoc. D ' E. CHAMBARD .
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

1. - SUR L'ÉTAT LATENT DU DÉBUT DE LA CYSTITE BLEN NORRHAGIQUÈ,


par M. AUBERT. (Lyon médical du 5 juin 1884.)
M. Aubert pratique des lavages de l'urethre antérieur chez tous les
malades atteints de blennorrhagie. Pour cela , il place dans l'urethre un
tube mince en caoutchouc qu'il enfonce jusqu'au sphincter interuréthral.
Il y pousse une injection qui reflue d'arrière en avant entre le tube et
le canal de l'urethre . Si le malade, après ce lavage, se livre à la miction,
le premier jet d'urine balaye les sécrétions de l'urethre postérieur.
M. Aubert recueille ce premier jet dans un verre à part. L'urine qui
vient immédiatement après et qu'on peut recueillir aussi à part en
changeant rapidement de verre est de l'urine vésicale .
Par l'examen de ces diverses urines on peut localiser exactement la
blennorrhagie.
M. Aubert , procédant de la sorte, a constaté une sécrétion purulente
dans l'urethre postérieur et dans la vessie sans qu'aucune douleur ou
qu'aucun trouble de la miction n'ait fait soupçonner l'invasion des ré
gions profondes . C'est là une véritable cystite imperceptible car la sécré
tion purulente est un criterium indiscutable) et bien différente de la
cystite que l'on décrit habituellement.
Dans ces circonstances, souvent le toucher rectal révèle un peu de
sensibilité de la prostate qui n'est pas augmentée de volume.
M. Aubert a eu soin dans ses recherches de se mettre en garde contre
trois causes d'erreur :
1. Lavage imparfait de l'urethre antérieur ;
2. Retard dans la miction après ce lavage;
3. Projection par le fait même de ce lavage du pus de l'urethre anté
rieur dans l'urethre postérieur.
Il importe en effet d'être certain que le pus vient bien des parties
profondes ( urethre postérieur et vessie) et uniquement de là .
Le pus de l'urethre postérieur ne tombe pas d'ordinaire dans la vessie.
Il séjourne dans ce segment du canal, retenu en avant par le sphincter
interurethral , et en arrière par le sphincter vésical .
Il est donc possible cliniquement en isolant le premier jet d'urine
urine urethrale) d'obtenir une urine vesicale pure.
Mais cette dernière pourrait être troublée par du pus venant des ure
188 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

tères et du rein . Aussi M. Aubert s'est-il assuré de l'état de ces organes


chez les sujets qu'il a observés .
Donc quand l'urine vésicale a été purulente , le pus était bien sécrété
par la vessie, et ne venait pas d'ailleurs . Il s'agissait là de véritables
cystites , mais absolument latentes, et ne se révélant que par un seul
symptôme: présence d'un peu de pus dans l'urine vésicale .
Il est probable que cette variété de cystite aboutit souvent à la cystite
classique (avec douleurs, épreintes, etc. , etc), ou passe inaperçueau malade
>

qui , sauf quelques douleurs fugaces, n'en est pas autrement incom
modé.
On comprend que dans ces cas, un excès quelconque , un refroidis
sement, etc. , pourra amener subitement une cystite aiguë ou suraigue,
qui ne sera que la transformation de la cystite latente .
Il importe donc, à tous les points de vue , de diagnostiquer cette forme,
et pour cela, après lavage de l'urethre antérieur, d'exanıiner l'urine de la
vessie . P. HAMONIC .

II . – MOYEN PRATIQUE DE LIMITER LES INJECTIONS A L'URÈTHRE ANTÉRIEUR, par


M. AUBERT (Lyon médical du 10 février 1884).
Il est important de ne pas pousser , par le fait d'une injection , du pus
blennorrhagique de l'urethre antérieur dans l'urethre postérieur ,
lorsque celui-ci n'est pas encore contaminé . Il suffit d'une pression
trop énergique pour que ce passage ait lieu, à travers le sphincter inter
uréthral ( portion membraneuse ).
Le problème qu'a cherché à résoudre M. Aubert est le suivant : Modi
fier par l'injection la totalité de l'urethre antérieur atteint de blennor
rhagie, mais ne pas franchir le sphincter interuréthral pour éviter
d'inoculer l'urethre postérieur. M. Aubert introduit donc dans l'urethre
un tube de caoutchouc de 10 à 12 centimètres de longueur, et fixe à
l'extrémité libre de celui-ci le bec de la seringue usuelle en verre . Il
pousse l'injection . Le liquide arrive facilement jusqu'au sphincter inter
uréthral, puis reflue en avant entre les parois de l'urètre et le tube en
caoutchouc dont le calibre doit être assez petit pour permettre facilement
ce retour de l'injection .
Par ce moyen , l'urethre antérieur se trouve complètement balayé,
d'arrière en avant, et l'urethre postérieur est sauvegardé .
P. HAMONIC .
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE . 189

III . – DEUX OBSERVATIONS D'OPHTHALMIE BLENNORRHAGIQUE ATTÉNUÉE, par


M. AUBERT (Lyon médical, 5 octobre 1884).
Un malade atteint d'un écoulement blennorrhagique, a l'imprudence
de se laver l'eil avec son urine. Il en résulte une ophthalmie remarquable
en ce qu'elle est relativement légère. L'écoulement disparait assez rapi
dement, mais dans le liquide uréthral on constate des gonococcus.
L'ophthalmie est restée localisée à un seul wil , quoiqu'on n'ait pris
aucune précaution pour isoler l'autre.
A quoi attribuer ces faits ? probablement à ce que l'ophthalmie a été
provoquée par une blennorrhagie arrivée à son déclin .
L'existence du gonococcus dans le liquide uréthral démontre bien ,
d'après M. Aubert, que le sujet avait une blennorrhagie légitime.
L'atténuation de l'ophthalmie pourrait tenir aussi à l'existence préa
lable d'une inflammation chronique de la conjonctive , comme semble
le démontrer une seconde observation que publie M. Aubert. On conçoit,
en effet, que par le fait de cette phlegmasie préexistante, les voies lym
pbatiques soient oblitérées et la propagation profonde du microbe soit
rendue plus difficile.
Il importe beaucoup de chercher, dans le pus oculaire, la présence du
gonococcus pour rattacher à leur véritable cause ces formes atténuées
d'ophthalmie blennorrhagique. P. HAMONIC .
BIBLIOGRAPHIE .

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS OSSEUSES DE LA SYPHILIS


TERTIAIRE . DE L'OSTÉOMYÉLITE GOMMEUSE DES OS LONGS, par le De
MICHEL GANGOLPHE, ex - chef de clinique chirurgicale à la Faculté de
médecine de Lyon.
Ce mémoire est divisé en deux chapitres ; le premier contient une
description anatomo -pathologique de l'ostéomyélite gommeuse des os
longs, basée sur deux observations personnelles et sur les faits publiés
par Ricord , Thierfelder, Méricamp, Chiari ; dans le second , l'auteur
étudie le rôle étiologique et pathogénique de l'osteomyélite gommeuse
dans les fractures attribuées à la syphilis.
CHAPITRE ler . - Le plus souvent multiples , les foyers d'ostéomyélite
gommeuse envahissent non seulement plusieurs segments du squeletle,
mais se présentent souvent disséminés sur le même os dans la substance
médullaire, le tissu spongieux des épiplıyses . Le petit nombre d'autopsies,
l'existence souvent latente de ces lésions ne permettent pas d'indiquer
avec précision leur fréquence, et leur siège de prédilection , cependant
la plupart des faits tendent à démontrer l'origine centrale, médullaire,
du processus pathologique.
Le syphilome médullaire ou épiphysaire peut être circonscrit ou
diffus. – S'agit-il de syphilome diffus diaphysaire, les parties molles
sont quelquefois envahies par les lésions gommeuses, l'os est doublé,
triplé de volume, et recouvert par un périoste épaissi, inégalement
adhérent. L'aspect extérieur de l'os dépouillé de son périoste est carac
téristique; sa surface extérieure est trouée d'orifices, de nombre et de
calibre variables, les plus grands constituant des vestibules, au fond
desquels on aperçoit de plus petites perforations, Inégalement hyperos
tosé , et raréfié, l'os est parcouru par des tunnels (analogues aux gale
ries spiroïdes décrites par Poulet pour le crâne) qui en diminuent con
sidérablement la résistance, et mettent en communication la substance
gommeuse sous -périostique et la néoplasie centrale . — Le tissu morbide
gélatineux, rosé au début, serait plus tard jaune -safran . Ajoutons que
la sécheresse des lésions, la rareté de la nécrose méritent d'être rangées
parmi les caractères différentiels du processus syphilomateux . Le
syphilome diaphysaire circonscrit, se présente sous l'aspect de noyaux
plus ou moins dégénérés, entourés de tissu scléreux avec hyperostose
plus ou moins marquée de la coque diaphysaire.
BIBLIOGRAPHIE . 191

Les lésions épiphysaires peuvent être également circonscrites ou diffu


ses ; dans ce dernier cas elles peuvent déterminer des arthrites
secondaires .
Au point de vue histologique, ces lésions seraient caractérisées par
un tissu fibrillaire adénoïde contenant dans ses mailles une masse de
petits éléments cellulaires subissant au centre la désintégration granu
leuse. Pas de lésions notables du système vasculaire. La réparation
des parties osseuses atteintes d'ostéomyélite gommeuse paraît due à un
processus de sclérose osseuse et fibreuse ; ajoutons qu'à un point de
Vue plus général, les fonctions hématopoiétiques de la moelle osseuse
permettraient de considérer ces lésions comme offrant de grandes ana
logies avec celles des ganglions de la rate .
CHAPITRE II . -- La syphilis tertiaire rend les os plus fragiles par ses
manifestations locales ; l'existence d'une atrophie, d'une raréfaction
générale du squelette est encore à démontrer. Aucun fait anatomique
n'établit l'existence d'une fracture par raréfaction simple, sans lésions
localisées .
Cette conclusion est basée sur l'analyse de 39 observations de frac
tures attribuées à la syphilis tertiaire. Cil , M.
ERRATUM .

Page 51 . Au lieu de : Cette action endermique serait due, etc...,


lire : Cette action endermique des préparations mercurielles serait due
simplement à une action caustique ou tout au plus antiseptique; et cette
opinion , défendue par Harnack , Bucheim , dans leur récent et excellent
Traité de thérapeutique, et par d'autres auteurs , j'ai cherché de mon
côté à la contrôler pour le formiamide mercurique en solution au cen
tième.
Et plus loin , page 52, même paragraphe, au lieu de : Enfin , l'opinion
non encore justifiée..., lire : Or, tandis que les effets, ci-dessus désignés,
produits sur des ulcérations syphilitiques, permettent encore de discuter
l'opinion « non encore justitiée au dire d'Harnack, et consistant à
affirmer que le virus syphilitique est plus sûrement anéanti par le mer
cure que par toute autre substance spécialement caustique employee
jusqu'à ce jour ; ces effets, dis -je, trouvent des appuis, les moins discu
tables, dans certaines observations d'injections sous-cutanées .

Le Gérant : G. Massox.

Paris. Société d'imprimerie PacL DUPONT, 11 , rue J.- J.-Rousseau (Cl.: 52.3.8.
N° 4 . 25 Avril 1885 ,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES.

A QUEL MOMENT LA SYPHILIS DEVIENT -ELLE


CONSTITUTIONNELLE ?
Par Erik PONTOPPIDAN,
Docteur en médecine, chef de clinique de l'hôpital municipal Copenhague) .

Dans le compte rendu du Congrès international de Copenhaguc (sec


tion de dermatologie et de syphilis), M. le Dr Barthélemy, au bon
souvenir duquel je saisis cette occasion de me rappeler, " a rapporté ma
demonstration d'un malade sur lequel une expérience d'inoculation avait
été faite ; mais, tout en me faisant l'honneur d'attacher une certaine
importance à cette expérience, il s'est mépris sur le sens des principaux
passages de mon exposé ; sans doute, parce que j'avais le désavan
-

tage de m'exprimer dans une langue étrangère pour nous deux . C'est
pourquoi je prends la liberté de présenter une rectification de cette
expérience et une petite liste de cas analogues , qui pourront peut-être
intéresser les syphilographes .
Les expériences tentées dans ces dernières années pour l'excision de
l'induration syphilitique primaire, ont donné une importance singuliè
rement pratique à la doctrine d'après laquelle cette affection serait un
symptôme initial local ou un signe d'infection constitutionnelle déjà
complète . Les partisans de la méthode d’excision ont voulu trouver dans
les cas où les symptômes constitutionnels ont manqué ensuite, une
preuve de la nature locale de la sclérose, tandis qu'au contraire, les
adversaires de la méthode ont cherché dans les insuccès , assurément
très fréquents, une nouvelle preuve à l'appui de leur opinion , que l'in
lection était déjà constitutionnelle à l'apparition de la sclérose.
En présence des résultats obtenus jusqu'ici dans les expériences
d'excision , - suivies , dans la grande majorité des cas , de syphilis cons
titutionnelle ; dans un nombre de cas moindre, exemptes de cette
ANNALES DE DERMAT. , 2° SÉRIE, VI . 13
194 ERIK PONTOPPIDAN .

affection , – il est permis de dire que les deux camps peuvent s'en pré
valoir avec autant, ou plutôt aussi peu de raison, pour appuyer leur
opinion . Les cas où la syphilis ne s'est pas manifestée après l'excision,
ont été jusqu'ici proportionnellement si rares, qu'ils ne suffisent pas à
infirmer, d'une manière positive , l'assertion de ceux qui soutiennent
qu'il est possible que la syphilis ne se fût pas non plus manifestée, si
l’excision n'eût pas eu lieu, soit parce que le diagnostic avait été
incertain , ou parce que quelques cas isolés d'induration bien caractérisée
peuvent rester localisés sans accidents ultérieurs.
Une autorité telle que le diagnostic, si supérieure qu'elle soit, ne
suffit pas à fournir ce raisonnement strict et complet, nécessaire pour
asseoir une preuve, quelque convaincu que l'on soit personnellement.
Mais, d'un autre côté, les cas où l'excision est suivie de syphilis, même
s'ils fornient incontestablement la grande majorité, bien plus, s'ils sont
même tous de cette catégorie, ne peuvent nullement prouver que l'in
ſection syphilitique , à ce moment, était déjà constitutionnelle . Ils démon
trent seulement, et rien de plus , que le virus s'est étendu au delà de la
7

partie excisée ; mais on ne peut par là déterminer dans quelle étendue.


Pour trouver des preuves de la valeur de la sclérose comme expression
de l'infection universelle, il faut retourner aux bonnes vieilles expé
riences d'inoculation . L'inoculation d'une induration à un individu non
syphilitique, donne une induration ; l'inoculation d'une induration à un
individu constitutionnellement syphilitique donne un résultat négatif ;
l'inoculation d'une induration au sujet qui en est lui-même porteur,
donne aussi toujours un résultat négatif : donc, cet individu est déjà
infecté de syphilis constitutionnelle
Cette conclusion, en apparence inattaquable, a pourtant quelques
points faibles. Même si, pour le moment, nous concédons la justesse des
prémisses, on conçoit facilement que rien n'est prouvé, quant au mo
ment de l'inoculation, et, en tous cas, quant à la durée de la période
d'incubation pour l'induration éventuelle n° 2 ; ou , en d'autres mots,
on peut bien se figurer que l'opération imperceptible qui a lieu dans
les premières semaines après l'inoculation, et qui s'appelle la première
incubation, s'effectue régulièrement comme dans tout autre orga
nisme non syphilitique; mais , comme au moment où la plus forte pro
lification, c'est-à- dire l'induration va se développer, cet organisme a été
saturé de poison , la sclérose nº 2 ne trouve plus de terrain vierge
pour se développer ; on obtient alors un résultat négatif.
Si ce raisonnement est juste, on conçoit facilement qu'on pourrait
pourtant rencontrer des cas où l'inoculation aurait eu lieu de si bonne
heure qu'une nouvelle sclérose aurait eu le temps de se développer plus
ou moins. Or, c'est précisément ce qui peut arriver : Wallace, Puche,
A QUEL MOMENT LA SYPHILIS DEVIENT- ELLE CONSTITUTIONNELLE ? 195

Beck, Bidenkap et Büman ont publié quelques cas isolés , où l'autoino


culation d'une sclérose a donné une nouvelle sclérose . Si ces résultats
positifs ne représentent que des exceptions si complètement isolées dans
les masses d'expériences, cela peut , jusqu'à un certain point , s'expliquer
par la manière dont elles sont ordinairement pratiquées. Elles sont le
plus souvent faites d'après l'exemple de Ricord , dans un but diagnostique :
si l'inoculation d'un ulcère donne, dans les premiers jours, un autre
ulcère, le résultat est noté comme positif ; si le coup de lancette reste
sans réaction , le résultat est considéré, après quelques jours, comme
négatif . Dans une longue série d'inoculations que j'ai pratiquées, pen
dant plusieurs années, comme chef de clinique dans la 4° section de
l'hôpital de la municipalité , il en fut de même au commencement;
mais en continuant d'observer les malades, je m'aperçus que , dans
certains cas, les traces d'inoculation qui avaient déjà disparu, repa
raissaient au bout de quelques semaines ; il survenait des taches ou
papules rouges de la grosseur d'une tête d'épingle, qui , dans certains
cas, disparaissaient de nouveau à l'apparition des symptômes constitu
tionnels, tandis que , dans d'autres inoculations pratiquées de bonne
heure, elles avaient le temps de se développer en indurations d'inocula
tion typiques, sensibles .
En terminant, je me permettrai de présenter cinq cas des plus carac
térisés ; ils ont tous été observés à l'hôpital , où les malades doivent se
présenter tous les jours complètement nus à l'examen des méde
cins.

1. — C. J... , ouvrier de l'usine à gaz, fut admis , le 3 février 1883 , dans


la 49 section de l'hôpital de la municipalité. L'époque de l'infection ne peut
étre établie avec certitude, le malade n'ayant renoncé au coït , auquel il
s'était régulièrement livré, que 8 jours avant son admission à l'hôpital. On
suppose pourtant qu'elle remonte à 3 semaines . Quelque temps après, il vint
sur le gland , une vésicule qui , dans les derniers jours, s'ulcéra . A la pre
mière examination, on avait trouvé une plaie un peu sale , de la grandeur
d'un pois au sulcus coronarius . On sentait une faible induration peu déve
loppée , un peu douteuse pourtant ; les glandes étaient aussi un peu tumé
fiées aux aines, probablement guère au delà de l'état habituel. Le diagnos
tic élait ainsi incertain ; on pratiqua, le 20 jour, une inoculation pour le
préciser (3 coups de lancette à l'abdomen ). Le 5e jour (après l'examen)
on nota un résultat négatif ; les légères traces des coups de lancette furent
sans réaction et disparurent plus tard . Il se forma sur le côté droit du penis,
environ au milicu , une pustule quilaissa une excoriation de la grandeur d'un
pois, et qui, le 11 ° jour, avait une base infiltrée. Plaie . Le sulcus coronarius
s'était, dans l'intervalle, induré plus sensiblement . Le 13 , on constata que les
glandes étaient, depuis peu , devenues plus grosses ct indolentes à l'aine
droite . Le 15 , les ulcérations, même la cutanée , étaient plus fortement indu
rées . Sur les traces d'inoculation, il était survenu des papules rouges, un
peu élevées, de la grosseur d'un chènevis . Aucun accident constitutionnel.
196 ERIK PONTOPPIDAN .

Les papules, l'une d'elles surtout, continuèrent de se développer, landis


que les ulcérations se cicatrisaient . Le: 22e jour, alors qu'une des papules
était à peu près de la dimension d'un pois et dure, le malade fut, à sa
demande, renvoyé à un traitement policlinique. Le 27° jour, il se présenta a
l'examen : les papules étaient restées stationnaires; les plaies s'étaient
cicatrisées, mais fortement indurées. Le 31e jour, les papules avaient aug
menté de volume , la plus grande comme une petite fève et sensiblement
indurée . Le malade se plaignait de maux de tèle et d'abattement. Le 36° jour,
toutes les indurations avaient diminué, même les papules d'inoculation,
dont la plus grande avait au sommet une petite croûte. Il était survenu des
taches syphilitiques .
Le malade présentait ainsi trois indurations survenues à différentes périodes ;
savoir, celle du gland qu'on trouva à la première exploration ; puis, la cu
tanée qui ne commença à se développer que le 11 ° jour et qui le 15°, était
sensiblement réduite, et enfin la papule d'inoculation bien prononcée sur
l'abdomen .

II . – J. J ... fut admis à l'hôpital de la municipalité le 23 juin 1883 .


-

Dernier coït datant de 4 jours, l'avant - dernier remontant à 3 semaines. Pen


dant 15 jours, il avait remarqué de petites excoriations sur le prépuce. A la
première exploration, on trouva un ulcère sale , profond, de la grandeur d'un
pois et quelques autres moindres au sulcus coronarius, qui étaient d'une
induration douleuse . Les glandes inguinales étaient un peu tuméfiées . Le 2e jour,
on pratiqua à l'abdomen trois inoculations qui, le 4 jour, restérent sans
résultat. Le 6e , les ulcères étaient plus propres , mais l'infiltration dure aug.
mentait . Le 18°, l'induration s'était développée et s'étendait autour de l'ori
fice de l'urèlhre. Les tumeurs des glandes augmentaient de volume; aucun
accident constitutionnel . Le 23€, on remarqua qu'il survenait sur les traces
d'inoculation, des papules rose -clair, un peu élevées, de la grosseur d'une
tête d'épingle. Le 31 °, apparurent des taches et des papules ; les papules
étaient cependant plus grandes et dures au toucher. Le 39e, les papules des
inoculations commencèrent à på lir ; le 40° , le malade commença le traite
ment par les injections de formiamide mercurique. Le 44° , les papules des
inoculations étaient écailleuses et aplaties ; les autres papules encore sensi
blement élevées . Le 58€ jour, il ne paraissait plus que des taches pigmentées
à la place des papules des inoculations . Les autres accidents sauf un reste
d'induration du gland avaient complètement disparu.
III. — M. J ... fut admis le 6 août 1883 , à l'hôpital de la municipalité.
L'infection remontait à environ un mois . Le malade avait au collet du gland ,
à droite, des ulcerations sales de la grandeur d'une fève avec une sécrétion
assez abondante, mais très peu d'infiltration autour, et de petites tumeurs
glandulaires aux aines . Le 3e jour, on pratiqua trois inoculations qui, le 5 *,
ne donnèrent qu'un résultat négatif . Le ge, les traces d'inoculation étaient à
peine visibles . Le 11 °, les glandes inguinales élaient tuméfiées, indolentes ;
pas d'autres accidents. Le 16e jour, on remnarqua qu'aux parties où avaient
été faites les inoculations dont les traces étaient alors complètement dispa
rues , il était survenu deux papules rougeâtres de la grosseur d'une lète
d'épingle. Le 20€, l'une d'elles , surtout, s'était développée et était sensible
ment élevée. Le 23°, elle avait encore augmenté de volume, était à peu près
de la grosseur d'un pois et dure au toucher ; elle avait un petit collet d'écailles
A QUEL MOMENT LA SYPHILIS DEVIENT-ELLE CONSTITUTIONNELLE ? 197

au sommet. Aucun accident constitutionnel . Le 24º, il survint des taches


syphilitiques sur le tronc ; on sentait au toucher de petites glandes indolentes
aux aines, au condyle de l'humerus et au cou . Le 26°, on commença le trai
tement par les injections. Le 27e, les taches pullulaient, les papules des inocu
lations de la grosseur de pois étaient netlement circonscrites, mais étaient plus
aplaties et écailleuses à la surface. Le 30°, les papules des inoculations s'apla
tirent encore plus ; les taches étaient encore visibles . Le 410 jour, les laches $
disparurent ; les papules des inoculations étaient encore visibles. Le 42°,
apparurent sur les tonsilles des ulcérations superficielles qui furent touchées
avec le nitrate d'argent. Le 45° jour, il y avait encore une induration notable
du gland , et des tumeurs glandulaires; les autres symptômes avaient dis
paru ; à la place des papules, il n'y avait que des taches lisses pigmentées.
IV. – F. A ... fut admis le 20 juin 1884, à l'hôpital de la municipalité,
avec un ulcère induré douteux du pénis . Le dernier coït remontait à
3 jours ; l'avant-dernier, à 4 semaines. Le même jour, on fit immédiatement
trois inoculations à l'abdomen. Le 30 jour, on nota un résultat négatif; par
contre, inflammation des glandes inguinales , et induration sensible. Dès lors,
on ne remarqua aucun changement particulier jusqu'au 12e jour, où il
apparut des taches rouges, à peine élevées de la grandeur d'une tête d'é F

pingle sur les traces des inoculations. Cependant l'induration et l'inflammation


augmentaient et étaient, le 190, très notables . Sur les traces des inoculations
avaient maintenant surgi trois papules rouges , sensiblement élevées de la
grosseur d'un grain de millet . Aucun accident constitutionnel. Le 26°, appa
rurent des taches et des papules syphilitiques . Les papules des inoculations
etaient de la grosseur d'un pois et changées en pustules qui se couvraient
de croûtes. Le malade commença le traitement par les injections . Le 28°, on
fit une reinoculation des pustules sans le moindre résultat. L'efflorescence
augmentait et était , le 32°. très développée ; les pustules des inoculations ayant
aussi atteint leur entier développement, diminuaient alors ; le 36e, les croûtes
étant tombées, laissérent une induration plate et écailleuse qui , de même que
Teilorescence, pålit alors lentement. Le 52e jour (après 15 injections) le
malade fut présenté à la section dermatologique du congrès médical inter 1

national. On trouva alors à la place de chacune des trois pustules , une saillie
arrondie, ardoisée et dure , ayant l'étendue d'une petite pièce de 20 centimes
qui, mėme dans leur période retrograde actuelle furent diagnostiquées sans
Lésitation et sans crainte d'erreur, chancres syphilitiques à la période de
réparation et d'induration persistante.

V.-L. A... entra à l'hôpital de la municipalité, le 12 août 1884, avec


un petit ulcère sale au sulcus coronarius et se dit avoir été infecté 10 jours
auparavant. Le 20 jour, la plaie était plus propre, mais élargie et durement
intiltrée. On fit trois inoculations à l'abdomen, qui, le 40 , furent notées comme
sans résultat, tandis que l'induration était alors nettement développée. Le 6e,
lestraces d'inoculation étaient à peine visibles . Le 11 °, il était survenu une
inflammation des glandes inguinales. Le 130 , sur l'une des parties inoculées
correspondant au premier coup de lancelle) il était survenu une petite tache
rouge non élevée . Le 18°, l'induration augmentait, elle était plus grande
qu'une pièce de un centime, I inflammation des glandes aussi, aucun acci
dent constitutionnel. La tache était rouge, un peu bombée . Le 20€, la papule
d'inoculation était sensiblement élevée ; aucun accident constitutionnel . Le
198 ERIK PONTOPPIDAN .

22° , la papule d'inoculation se développe. Taches douteuses peu dévelop


pées. Le 25º , la papule de la grossour d'un pois, est dure au toucher et bom
bée . Il est survenu des taches syphilitiques. Le traitement par les injections
commence. Le 29e jour, la papule est un peu plus aplatie et pâle. Le 33°,
l'efflorescence tachetée a disparu. La papule rouge est presque lisse. Le
33e jour , la papule d'inoculation élait visiblement pâlie ; le 40€, presque effacée.

Ces cas se ressemblent tellement, sont si typiques, qu'on peut les


résumer sous un paradigme: une inoculation pratiquée sitôt que le
moment coïncide avec l'apparition de la première induration naissante,
encore un peu douteuse , donne pour résultat, après une période d'incu
bation de deux à trois semaines , pendant laquelle nulle réaction ne
s'est manifestée, de petites papules rouges , à peine sensibles d'abord,
dont l'apparition précède toujours l'explosion des symptômes constitu
tionnels, et qui , pendant un développement qui atteint la grosseur d'un
pois ou d'une fève, s'indurent à la base avec ulcération ou écaillement
de la surface pour commencer leur résolution , lorsque la syphilis cons
titutionnelle s'est manifestée .
Cette marche de la maladie, prouve donc que l'organisme peut réagir,
dans certains cas, contre une autoinoculation syphilitique, du moins,
jusqu'à un certain point, tout comme un organisme sain , c'est - à -dire
non syphilitique.
Cette période d'incubation typique sans réaction exclut, dans ces cas,
l'idée d'un chancroïde de Clerc , et le seul moyen possible de se dispenser
d'admettre comme de véritables scléroses initiales, les résultats d'inocu
lation que je viens de décrire, semble être de les expliquer , comme
symptômes d'une tendance, chez les syphilitiques dans la période secon
daire, à faire des plaies le point de départ de manifestations syphili-'
tiques et surtout d'une espèce de pseudo -induration . Et pourtant, cette
doctrine se soutient à peine, et lorsqu'on voit , comme dans ces cas, des
inoculations si promptement suivies de papules indurées, après la pé
riode d'incubation réglementaire, il faut bien s'attendre aussi à ce que
des égratignures d'épingle, après d'autres lésions accidentelles, dont il
est impossible que ces individus aient été exempts, produisent les mêmes
conséquences. Mais on n'a rien observé de tel.
La seule alternative, à mon avis , c'est de regarder les résultats d'ino
culation ainsi obtenus, comme de régulières scléroses initiales, peut
être avec tendance à résolution abortive, parce que l'infection constitu
tionnelle qui se développe, leur dérobe, pour ainsi dire , le terrain. En
ce cas , il y aurait quelque vraisemblance dans cette supposition que
l'infection , au commencement de l'induration , s'étend, il est vrai ,
comme le prouve le résultat négatif de tant d'excisions, bien au delà
A QUEL MOMENT LA SYPHILIS DEVIENT- ELLE CONSTITUTIONNELLE ? 199

de ses limites, et a peut-être déjà commencé à occuper la prochaine


étape, les glandes les plus voisines par exemple, mais que le virus n'a
achevé de saturer tout l'organisme qu'à un moment ultérieur , dans la
seconde incubation qui peut avoir lieu trois semaines après la première
apparition d'induration , quoique, en général, l'intervalle ne soit pro
bablement pas si long. On ne peut pourtant qualifier une pareille
théorie que de supposition plus ou moins fondée , jusqu'à ce qu'un jour
des transmissions opérées à des individus sains, ou peut-être la dé
monstration d'un bacile de la syphilis viennent fournir une preuve plus
concluante .
SUR LES AUTO-INOCULATIONS DU CHANCRE SYPHILITIQUE
(A propos du travail de M. Pontoppidan ),
Par T. BARTHÉLEMY.

La lecture des observations in extenso de M. le Di Pontoppidan (1 )


est fort intéressante, je dirai même instructive. Il est vrai que leur portée
est purement théorique et que c'est uniquement sur la physiologie pa
thologique de la vérole qu'elles fournissent un utile éclaircissement. En
effet, je ne pense pas qu'elles puissent modifier l'opinion des observateurs
sur la valeur réelle de l'excision du chancre, non seulement pour l'éradica
tion, mais même pour l'atténuation de l'infection syphilitique . Les expé
riences du Dr Pontoppidan font mieux connaître la marche graduelle du
virus à travers l'économie , marche graduelle que le professeur Fournier a
enseigné à suivre cliniquement depuis longtemps. S'agit- il , par exemple,
d'un chancre de la paupière, on peut voir l'adénopathie envahir succes
sivement les ganglions préauriculaires, les ganglions sous - maxillaires,
puis les cervicaux et enfin les sus - claviculaires ; or, cette marche, facile
à saisir ici , peut être appliquée aux autres cas. A la confirmation de ces
notions se borne, à mon avis , l'intérêt , tout théorique par conséquent,
des auto -inoculations dont il s'agit ici ; car, comment pourrait- on at
teindre ou même poursuivre par le fait de la destruction du foyer pri
mitif , les particules virulentes qui ont déjà quitté ce foyer ?
Des expériences analogues ont été faites dès longtemps sur la vaccina
tion . Raynaud et Chauveau ont démontré qu'on pouvait faire trois séries
d'inoculations vaccinales positives avant que l'immunité constitutionnelle
ait eu le temps de se réaliser. Mais il n'en reste pas moins acquis que la
première inoculation suffit pour assurer cette immunité et que , en dépit
de la destruction , même précoce, de la première pustule d'inoculation,
(1) Je remercie le De Pontoppidan du bon souvenir qu'il m'adresse. Je le prie de
recevoir ici l'expression de mes meilleurs sentiments . Le rôle de ceux qui ont
pour mission de faire connaitre aux ab -ents un événement scientifique consiste
non seulement à mentionner les communications mais encore à traduire les im
pressions qu'elles ont fail naitre. Ces appreciations sur un même fait scientifique
varieront forcément avec la manière de voir de chaque auditeur : j'espère que mon
excellent collègue de Copenhague ne considérera cette réponse que comme le résultat
d'une de ces divergences d'opinion , si frequentes en médecine.
SUR LES AUTO- INOCULATIONS DU CHANCRE SYPHILITIQUE. 201

l'immunité a lieu. Elle est fatale pour ainsi dire et se produit même
lorsqu'a été abolie de bonne heure la lésion vaccinale qui en a pourtant
été la cause première.
La vérole se conduit dans l'organisme à la manière de la vaccine ;
c'est bon à savoir; c'est ce que démontrent les expériences du Dr Pontop
pidan ; mais elles ne prouvent pas davantage. C'est parce qu'elles pré
sentent un réel intérêt que j'avais tout d'abord conseillé de les répéter.
Mais, j'ai réfléchi depuis ce temps et il me semble aujourd'hui qu'elles
ne doivent être faites qu'avec la plus grande réserve et surtout par ceux
là même qui y attachent le plus d'importance. Je vais m'expliquer ; mais
auparavant, qu'il me soit permis de relater le fait suivant : ,
« A la fin de septembre 1883, j'étais consulté par un jeune homme de
vingt-cinq ans, porteur d'un chancre rouge, lisse, vernissé, formé par
une érosion superficielle et sans bord , assez étendu , induré à la base,
accompagné d'une pléiade ganglionnaire inguinale double . J'inscrivis le
diagnostic de chancre syphilitique développé à la face supérieure du
sillon balano - préputiai (chancre en feuillet de livre) . En vérité, il ne
s'agissait là ni d'herpès , ni de chancre simple, ni de folliculite ou tyso
nite, comme disent quelques-uns. Cette lésion unique ne pouvait pas
étre autre chose, je le crus alors et le crois encore, qu’un chancre
syphilitique. Néanmoins, pour des considérations extra -médicales, je ré
solus d'attendre, avant d'instituer le traitement spécifique la preuve
indubitable de l'infection constitutionnelle et de laisser la roséole se
produire. Le chancre se guérit dans les limites classiques, laissa , bien
qu'aucune cautérisation n'ait été pratiquée , une induration qui persista
jusqu'à la fin de décembre, et des adénopathies inguinales qui existaient
encore le 19 janvier 1884 quand elles furent exaspérées par une poussée
d'herpès et une blennorrhagie . Ce même jour, je pus constater des adé
nopathies bilatérales du cou , plus prononcées du côté gauche. Or, malgré
>

le soin que le malade et moi , nous mimes à constamment surveiller les


muqueuses aussi bien que les téguments, nous ne découvrimes jaunais de
lésion , même suspecte, sauf une petite érosion qui apparut sur le
pénis le 3 mars 1884 et qui disparut spontanément après une durée de
18 jours sans avoir jamais présenté de caractère suffisamment net pour
permettre de fixer un diagnostic. Et puis ce fut tout...
« Jamais, depuis 18 mois qu'il a été à maintes reprises observé de
très près, ce jeune homme n'a présenté d'accident syphilitique d'aucune
sorte, je ne lui ai pas prescrit de traitement spécifique et pourtant je suis
convaincu qu'il a eu un chancre syphilitique. C'est le premier cas de ce
genre que j'observe ; mais je crois pouvoir affirmer la réalité de ce qui
précède. Ne semble - t- il pas qu'il y ait eu là un organisme à peu
près réfractaire à la vérole ? »
202 T. BARTHÉLEMY .

Je termine par ces deux réflexions :


1 ° Si j'avais fait l'excision , j'aurais infailliblement et de la meilleure
foi du monde, attribué à l'excision le bénéfice d'une si notable atténua
tion du virus syphilitique ;
2° D'autre part, si j'avais fait les auto inoculations répétées du
D' Pontoppidan, n'aurais-je -pas transformé cette syphilis si remarquable
ment bénigne en une syphilis plus grave ? Car enfin , le malade que le
Di Pontoppidan nous a montré au Congrès, avait, outre les indurations
du chancre et des auto -indurations, une r'oséole intense et une vérole
assez sévère . En d'autres termes, ne peut-on pas redouter, dans ces
conditions, une surinfection ?
III

SUR LES MICRO -ORGANISMES DU RHINOSCLEROME,


par MM . CORNIL et ALVAREZ ( 1) .

Nous demandons à l'Académie la permission de l'entretenir d'une


maladie peu connue parmi nous , et dont le nom est aussi dur que le
tissu qui la compose , le rhinosclérome.
On appelle ainsi l'épaississement , sous forme de plaques et de tumeurs,
qui atteint le tissu de la cloison nasale, de la lèvre supérieure, des narines,
des fosses nasales, et qui s'étend aux parties voisines, à la lèvre inférieure,
au pharynx, au larynx en produisant une sténose de cet organe qui né
cessite souvent la trachéotomie .
C'est une maladie à évolution lente, très lente, qui diffère absolument,
par ses lésions, ses symptômes et son traitement, de la syphilis et de
la scrofule. Elle n'est nullement justiciable du traitement antisyphili
tique.
Décrite par Hébra, Kaposi , etc. , cette maladie a été étudiée au point
de vue de ses micro -organismes par Frish, Pellizari, Chiari , etc. Cepen
dant leur existence n'a pas été vérifiée par tous les observateurs, et der
nièrement MM . Payne et Semon n'en ont pas vu dans un fait qu'ils ont
communiqué à la Société de pathologie de Londres ( séance du 3 mars
1883 ).
Le premier cas de cette maladie que nous ayons examiné se rapporte
à un jeune homme de l'Amérique centrale, qui avait été adressé à
M. Verneuil . Il portait un tubercule de la cloison à son but. L'examen
d'un morceau de la tumeur permit d'affirmer qu'il s'agissait d'un rhi
nosclérome ( 2) .
M. Alvarez , dans sa pratique à San Salvador, dans l'Amérique Cen
trale, a observé un certain nombre de ces tumeurs . Nous en avons exa
miné ensemble quatre au microscope.
Dans nos premiers examens, faits il y a deux ans, nous n'avions pas
vu les micro - organismes du rhinosclérome. Par de légères modifications
de la technique des colorations, nous les avons depuis constamment
( 1) Communication à l'Académie de médecine, séance du 31 mars 1885 .
2) C'est de ce même malade qu'il a été fait mention à la Société pathologique
de Londres.
204 CORNIL ET ALVAREZ .

observés sur les préparations nouvelles de quatre pièces de M. Alvarez


et du fragment enlevé par M. Verneuil, en tout cinq examens. Nous
avons vu de plus que ces bactéries ont une forme spéciale et qu'elles
présentent une apparence capsulaire .
Les coupes de ce néoplasme présentent une structure tout à fait carac
téristique : il est recouvert par les couches épidermiques ; le derme est
remplacé par un tissu fibreux rempli de cellules rondes, et de grosses
cellules dont un grand nombre renferment des globes ou des granula
tions colloïdes qui se colorent avec intensité par toutes les substances
colorantes tirées de l'aniline.
Nous ne rappellerons pas, Messieurs, les détails de cette structure,
qui est décrite partout et classique ( 1 ) . Nous désirons seulement insister
sur les caractères des micro -organismes tels que nous les avons cons
tatés et que nous vous les soumettons dans des préparations microsco.
piques .
Lorsqu'on emploie comme substance colorante le violet 6B dans lequel
on laisse les coupes pendant vingt-quatre heures , puis la solution iodée,
et qu'on décolore par l'alcool et l'essence de girofle, on voit des bâton
nets cours ayant de 2 1/2 à 3 y de longueur sur 0,4 à 0,5 de largeur.
Ces bâtonnets présentent des grains plus colorés, qui ressemblent à des
spores ; le bord du bâtonnet dépasse un peu ces grains. Mais on ne re
connait bien leur forme qu'après avoir coloré les coupes pendant qua
rante -huit heures dans une solution à 2 1/2 0/0 de violet 6B et les
avoir laissées se décolorer pendant quarante -huit heures dans l'alcool
absolu . Ils se présentent alors sous la forme d'ovoïdes très réguliers dont
la périphérie est formée d'une substance transparente hyaline, légère
ment colorée en bleu violet et entourant le bâtonnet à la façon d'une
capsule . Au centre de cette capsule se trouve le bâtonnet, qui est tantôt
homogène et lisse , fortement coloré , tantôt formé de deux ou de trois
ou de quatre grains ronds ou ovoïdes, également très foncés en couleur.
Autour du bâtonnet il y a toujours une ligne claire. Beaucoup de ces
bâtonnets encapsulés sont libres dans le tissu, entre les fibrilles du ré
ticulum , autour des grandes cellules , dans les espaces du réticulum ou
dans les vaisseaux lymphatiques de la partie superficielle ou de la partie
profonde du derme.
Sur les préparations ainsi obtenues on peut s'assurer que ces bactéries
encapsulées sont libres et qu'elles se déplacent avec leur capsule ; on les
fait mouvoir, en effet, en imprimant une légère pression sur le verre à
recouvrir. Leur capsule est formée par une substance anhyste colloïde,

(1 ) Voy . en particulier le Manuel d'histologie pathol. , de Cornil et Ranvier,


1. II, p . 852, 1884 ,
SUR LES MICRO -ORGANISMES DU RHINOSCLÉROME . 205

dure et résistante, car elle ne change nullement de forme quand on


presse sur la lamelle .
Ces bactéries très nombreuses se réunissent quelquefois, soit deux à
deux par fusion de la capsule qui les entoure, et on a alors une capsule
plus longue, parfois étranglée en son milieu . Les deux bâtonnets appar
tenant à chacune des capsules ainsi unies sont isolés .
Souvent aussi plusieurs de ces bactéries se réunissent; leur substance
périphérique se fond en une figure irrégulière; lorsqu'il y en a seulement
quatre ou cinq ainsi unies, la capsule commune n'est pas très colorée ;
mais, lorsqu'elles se réunissent en plus grand nombre, leur substance
colloïde périphérique se colore beaucoup plus, surtout dans sa partie
centrale, de telle sorte qu'on ne distingue plus nettement les bâtonnets
qu'à la périphérie de l'agglomération ainsi produite. Ces agglomérations
sont plus ou moins régulièrement sphéroïdes . Elles peuvent se montrer
indépendantes de toute cellule ; mais le plus ordinairement elles siègent
dans les grandes cellules du néoplasme.
Dans une même préparation on peut voir, en différents points , des
bactéries plus ou moins décolorées . Celles qui sont le plus colorées
montrent leur capsule de couleur bleu intense et le bâtonnet peu visible ;
celles qui sont plus décolorées montrent la capsule en bleu clair et le
bâtonnet très foncé ; les plus décolorées montrent le bâtonnet plus clair,
tandis que les grains conservent leur coloration .
La disposition des bactéries dans les voies lymphatiques est très re
marquable. Elles forment une bordure le long de la paroi , en contact
avec les cellules endotheliales, et elles y sont très nombreuses; quelques
unes sont en même temps libres dans le canal.
On en trouve aussi quelquefois dans les vaisseaux sanguins de la tu
meur. Leur agglomération dans l'intérieur des cellules est particulière
ment intéressante ; presque toujours elles sont entourées d'une sub
stance hyaline transparente , qui se colore fortement et les masque plus
ou moins .
Il existe de plus dans ces grandes cellules des granulations exacte
ment arrondies, de diverses grandeurs, et des globes qui se colorent d'une
façon très intense par les couleurs d'aniline ; toutes résistent absolument
à la décoloration par l'alcool , et par l'essence de girofle, même quand les
coupes ont passé par la solution iodée. La couleur ne résiste pas à l'ac
tion de l'acide nitrique au tiers.
Y a - t-il un rapport entre la substance colloïde qui forme la capsule
des bactéries et ces globes colorés ? Cela est possible, mais souvent ces
grains arrondis siègent dans des cellules qui ne contiennent pas de bac
téries .
D'après ce qui précède, les bactéries que nous avons trouvées dans
206 CORNIL ET ALVAREZ .

tous nos faits de rhinosclérome possèdent des réactions et une forme qui
leur appartiennent en propre. Ces bacilles possèdent une capsule dure et
nous ne connaissons pas d'autres bacilles capsulés analogues dans les lé
sions pathologiques. Les diplocoques capsulés de la pneumonie ne pos
sèdent pas, comme les bâtonnets de rhinosclérome, des capsules hya
lines , réfringentes , dures et colorables, qui puissent leur être comparées.
La constance et la forme spéciale de ces bactéries dès le début de la
maladie constituent de fortes présomptions pour faire admettre la nature
parasitaire du rhinosclérome. Frish croit avoir réussi à cultiver les micro
organismes, mais ils ne sont pas pathogènes pour les animaux. Nous
n'avons pas répété ces expériences ni ces cultures, car nous n'avons eu
à notre disposition, depuis longtemps , que des pièces conservées dans
l'alcool .
Ce néoplasme récidive habituellement après l'ablation ; cependant, en
combinant les ablations partielles du tissu sclérosé avec des cautérisa
tions au cautère actuel, M. Alvarez a réussi à provoquer la formation du
tissu cicatriciel; on améliore ainsi l'état des malades, mais l'affection
n'en dure pas moins un temps extrêmement long.
RECUEIL DE FAITS .

SYPHYLIS HÉRÉDITAIRE. – LÉSIONS DU FOIE. LÉSIONS


DE LA RATE OSTEOMALACIE .

Observation recueillie par M. Léon TISSIER , interne des hôpitaux .

T... , L... , âgé de 19 ans, découpeur sur or, entré le 8 novembre 1883 ,
salle Saint-Jérôme, lit nº 2 , service du Dr Siredey.
Antécédents héréditaires. — Le père d'une vie quelque peu désor
donnée, serait mort d'une maladie des voies urinaires. Eut-il la syphilis ?
L'interrogatoire de la mère, qui parait avoir eu son mari en petite estime,
laisse soupçonner tout ce que l'on veut de moins flatteur pour la mémoire
du défunt, mais ne permet d'arriver à rien de précis.
La mère, arthritique (urticaire, dyspepsie flatulente, coliques hépatiques
?

et craquements articulaires ), bien portante actuellement, ne présenta


jamais de maux de gorge ni d'éruptions cutanées durables.
Elle eut quatre enfants : deux petites filles sont mortes à deux ou trois
ans, il reste ( outre notre malade) , un grand garçon de trente ans, tous
seur, peut- être tuberculeux. Jamais elle ne fit de fausse couche et tous
ses accouchements eurent lieu à terme .
Antécédents personnels.- Tout jeune, à six ans notre malade fut admis
àl'hôpitalSainte-Eugénie pour le « gros ventre » . On lui aurait fait à cette
époque une ponction ayant donné issue à du liquide jaunâtre transparent ?
Plus tard , à Genève, en 1871, il eut une affection très indéterminée du
membre inférieur gauche : une contracture survenue rapidement qu'on
dut traiter par le redressement brusque de la jambe et l'extension
continue .
L'enfant était tout jeune, n'ayant que sept à huit ans, et ne peut fournir
de détails bien circonstanciés. Après un traitement très long, il put
marcher, aller et venir, mais n'a jamais beaucoup grandi depuis ce
moment.
Il y a quatre ans, à l'âge de quinze ans, souffrant de faiblesse dans
les membres inférieurs et de coliques violentes , il se fit admettre à l'hô
208 LÉON TISSIER .

pital Saint-Louis, dans le service de M. Pean qui le fit passer presque


immédiatement chez M. Ollivier, où il demeura quelques mois.
Enfin il y a presque deux ans, il fut reçu à l'hôpital Lariboisière et
resta plusieurs mois dans le service de M. Siredey, où il eut deux poussées
d'érysipele de la face qui faillirent l'emporter.
On constatait alors à peu près tous les signes que nous notons aujour
d'hui : gros ventre, ictère, affaiblissement des membres inférieurs, etc.
Le petit malade quitta l'hôpital en avril 1883, pour reprendre son état
de découpeur sur or, puis est revenu, il y a deux mois, à la consultation
de M. Siredey . Depuis plusieurs semaines, sa faiblesse avait accru ; les
membres inférieurs refusaient de le porter ; la difficulté de marcher aug
mentait chaque jour, et dernièrement il a fait une chute qui le fait encore
souffrir dans tout le côté gauche.
Etat actuel. . C'est un petit garçon tout chétif et souffreteux ; de
taille exiguë, ne mesurant guère plus de un mètre trente centimètres ;
malgré ses dix - neuf ans passés , on ne lui donnerait pas plus de onze à
douze ans. La face et tout le corps sont décharnés ; les pommettes
saillantes, les membres grêles, et les muscles atrophiés.
Il n'y a pas ombre de barbe sur le visage pas plus que de poils au
pubis.
Les organes génitaux , absolument glabres, ont subi, comme la taille,
un arrêt de développement : la verge est minuscule, et le testicule gauche,
dur comme un noyau de cerise, est gros comme un haricot. Le testicule
droit n'est pas descendu dans le scrotum . Outre ces caractères généraux
d'infantilisme, qui sont des plus frappants au premier abord , on note la
coloration jaune- plombé, bistrée , des téguments, et franchement icté
rique des conjonctives.
La tête est symétrique, sans déformation natiforme; l'ogive palatine
est normale, et les dents en assez bon état ne présentent aucune créne
lure ni irrégularité. Aux yeux , il n'existe aucun vestige de kératite
ancienne ni d'irrégularité pupillaire. L'ensemble de la physionomie est
enjoué et l'intelligence est conservée intacte . Du côté du thorax , il n'y
a rien qu'il faille signaler, si ce n'est l'élasticité du squelette costal .
Le cæur et les poumons ont leurs rapports normaux, et ne souffrent
d'aucune altération dans leur fonctionnement.
La colonne vertébrale n'est deviée dans aucun sens et n'est pas dou
loureuse à la pression. Toute l'attention se concentre sur l'abdomen.
Celui- ci énormément distendu, principalement à la partie supérieure,
élargit la base de la poitrine. La partie antérieure est sillonnée de deux
grosses veines médianes qui font suite aux veines superficielles très
dilatées des membres inférieurs et vont rejoindre celles de la paroi
thoracique.
SYPHILIS MÉRÉDITAIRE. 209

Le développement du ventre paraît à peu près régulier à la vue ; par


la palpation et la percussion on limite dans l'hypochondre droit, s'aran
çant dans la région de l'épigastre, une tumeur matte, lisse , à bords
tranchants, qui n'est autre que le foie notablement augmenté de volume,
descendant à trois travers de doigt au -dessous des fausses côtes , remon
tant jusqu'à deux travers de doigt au - dessous du mamelon et rejoignant
en dedans , dans la région ombilicale, une autre tumeur . Celle-ci extrême
ment volumineuse et dure occupe tout l'hypochondre gauche, descend
dans le flanc du même côté jusque dans la fosse iliaque, emplit à vrai
dire toute la moitié gauche du ventre et même empiète de quelques cen
timètres au delà de la ligne médiane dans la portion sus-ombilicale.
Cette tumeur, qui est la rate hypertrophiée, s'étend assez loin en
arrière : elle mesure exactement vingt- six centimètres de long sur
trente de large dans ses plus grandes dimensions.
Sa consistance est uniformément résistante ; sa surface est lisse , régu
lière, sans irrégularités ni bosselures. La peau glisse facilement au
devant d'elle ; le bord antérieur qui la limite en dedans offre deux décou
pures en encoche à la partie supérieure.
Dans les parties déclives du ventre, il n'y a pas de matité ni de fluc
tuation . Les membres inférieurs, actuellement tachetés d'un semis pur
purique assez discret, un peu confluent seulement au niveau des
malléoles, ont été plusieurs fois le siège d'éruptions semblables ; le
moindre choc suffit à produire une sugillation ecchymotique étendue.
Les membres très maigres l'un et l'autre sont d'inégale longueur.
Du côté gauche, il y a un raccourcissement évident que la mensura
tion vérifie : la diminution de longueur porte à la fois sur la cuisse et
sur la jambe gauche et même sur le bassin .
Il semble qu'il y ait modification des rapports de l'articulation coxo
fémorale . La diminution de longueur totale est de sept centimètres et
demi . Elle doit dater d'assez longtemps, peut-être du temps où le malade
fat soigné pour une contracture du membre inférieur gauche et vient
peut-être d'une paralysie atrophique de l'enfance ?
Avant les difficultés de la marche de date récente, l'enfant n'éprouvait
qu'une gêne extrêmement légère du fait de cette inégalité de longueur
des membres inférieurs . Le membre gauche n'est pas seulement raccourci ,
il est aussi atrophié : les muscles peu développés des deux côtés, sont
encore plus maigres à la cuisse et au mollet gauche.
La circonférence crurale, mesurée à 8 centimètres au -dessus de la
rotule, est à gauche de 28 centimètres 12, et de 30-05 à droite. Il faut
remarquer que le fémur du côté droit présente dans le tiers supérieur de
la diaphyse un épaississement appréciable, ce qui cause en partie la
différence de diamètre des deux cuisses .
ANNALES DE DERMAT. , 2° SÉRIE . VI . 14
210 ĻEON TISSIER,

La pression au niveau des épiphyses du fémur et du tibia des deux


côtés est pénible pour le malade mais n'est pas douloureuse à proprement
parler.
Les divers groupes ganglionnaires du cou , de l'aine et de l'aisselle
n'ont subi aucune hypertrophie; la sensibilité générale et spéciale est
intacte ; les garde- robes et la miction s'effectuent régulièrement.
L'urine est rendue en quantité habituelle, ne contient ni albumine, ni
glycose et renferme les phosphates en proportion physiologique. L'exa
men du sang fut pratiqué un grand nombre de fois par MM . Chauffard,
Martinet, Oettinger, Giraudeau, et par nous-même et n'a jamais montré
autre chose que les globules rouges et blancs dans les proportions
normales de 300 pour 1. Aucun globule rouge ne contient de noyau, et
les globules blancs ne sont pas chargés de granulations pigmentaires.
Ainsi , chez ce jeune garçon , on ne peut relever aucun soupçon justifié
d'impaludisme, de rachitisme, ou de scrofule ; et il est impossible,
d'après les examens répétés du sang, d'admettre une leucocythémie.
Le Dr Siredey préoccupé de s'éclairer dans ce cas difticile , pria plu
sieurs de ses collègues de l'aider de leurs avis, et accepta cette idée émise
par M. le professeur Duplay, qu'il s'agissait dans l'espèce de manifesta
tions syphilitiques héréditaires, toutes les autres hypothèses ayant été
successivement examinées et rejetées.
En conséquence, le traitement spécifique fut institué le jour même;
(10 janvier) : frictions d'onguent napolitain aux aines, 2 granımes
d'iodure par jour. Mais, au bout de 4 jours, les gencives , en mauvais
état auparavant, se ramollirent; l'haleine devint fétide ; et comme au
septième jour une éruption miliaire hydrargyrique apparut aux aines, il
fallut momentanément suspendre cette médication .
Le 21 janvier M. le D Fournier vint à son tour examiner le malade
et déclara très nettement qu'on était à n'en douter en présence d'un
sujet atteint de syphilis héréditaire.
Le volume du foie et de la rate le frappait comme tous les obser
vateurs ; mais des signes moins importants en apparence établissaient
sa ferme conviction : l'atrophie des organes génitaux, la dureté caracté
ristique du testicule, l'existence de cicatrices blanchâtres linéaires
disposées autour de la bouche perpendiculairement aux lèvres à peine
perceptibles à l'examen superficiei, mais certaines, la présence de sem
blables cicatrices à la région lombaire, enfin l'hyperostose du fémur
droit .
Le groupement de tous ces signes suffisait d'après l'éminent professeur
de syphilis pour entraîner la certitude du diagnostic, malgré l'absence
des altérations dentaires et cornéennes, et les résultats négatifs fournis
par l'enquête.
SYPHILIS HÉRÉDITAIRE . 211

Le 25 janvier on reprit le traitement iodo -mercurique : 2 grammes


d'iodure de potassium , et 25 milligrammes par jour de proto - iodure
d'hydrargyre.
Mais une nouvelle éruption de purpura étant survenue le 29 janvier,
on interrompit encore le traitement pour quelques jours . Le 3 février,
les tâches purpuriques s'étant en partie effacées, on remit l'enfant au
traitement mixte : deux cuillerées de sirop de Gibert par jour.
Le 13 février , une nouvelle poussée de purpura couvrait les deux
membres inférieurs si bien qu'on résolut d'arrêter pour un temps la
médication qui très mal supportée, depuis un mois, n'avait encore
amené aucun changement avantageux.
Dans les derniers jours de février l'épaississement du fémur qui n'avait
pas beaucoup attiré l'attention jusque - là, s'accusa davantage et peu à
peu la cuisse droite augmenta de volume dans des proportions notables.
Vers les premiers jours de mars, elle presenta à la partie externe une
sensation molle de fluctuation tellement apparente que tout le monde
crut à une collection liquide due selon toute probabilité à la suppuration
de la périostite. Cependant il n'y avait pas de fièvre, et les douleurs dans
la cuisse n'étaient pas très violentes .
Le 15 mars, le professeur Duplay fit en dehors de la cuisse, à la
réunion du tiers supérieur avec le tiers moyen , une large et profonde
incision qui, à la grande surprise du chirugien et des assistants, ne
donna écoulement qu'à du sang .
La plaie se cicatrisa rapidement derrière un pansement de Lister
légèrement compressif ; et, sous l'effet peut-être du débridement, la
cuisse diminua très vite de volume, mais le fémur demeura d'une façon
appréciable, plus gros qu'il n'était en janvier.
Les choses restèrent ainsi pendant les quatre mois qui suivirent :
avril , mai, juin et juillet. On essaya à deux ou trois reprises de remettre
l'enfant au traitement spécifique ; mais l'intolérance manifeste pour les
préparations iodo -mercuriques, l'irrégularité de l'administration , conse
quence forcée de l'intolérance, et en fin de compte, le peu de succès
obtenu par ces tentatives firent qu'on y renonça pour ne plus administrer
que des préparations toniques.
Pendant tout ce temps l'état général resta stationnaire ; la rate , un
>

jour dépassait les limites qu'on lui avait trouvées dans le courant de
janvier et qui se voyaient imprimées au nitrate d'argent sur les téguments;
un autre jour elle revenait aux dimensions qui lui avaient été assignées :
somme toute elle ne variait guère ou présentait une légère tendance à
augmenter .
Pour le foie, il en était de même. Du côté des autres organes, il ne se
212 LÉON TISSIER .

présenta rien de nouveau . La cuisse était dans les conditions que nous
venons de dire et ne causait aucune souffrance.
Cependant le malade de plus en plus faible, bien que l'appétit füt à
peu près conservé, ne pouvait plus comme précédemment faire quelques
pas dans la salle, et venir se placer à la fenêtre voisine. Il dut à partir
de ce temps garder le lit d'une façon absolue .
En août, dans les premiers jours, la tumefaction de la cuisse réap
parut comme au mois de mars avec tension extrême des téguments,
douleur profonde, et toutes les apparences de la fluctuation la plus
franche.
M. le D: Reynier, suppléant le professeur Duplay, fut appelé et, bien
que prévenu de la déception précédemment éprouvée , déclara qu'il s'était
vraisemblablement formé une collection de pus autour de l’os malade, à
laquelle on devait donner écoulement. L'incision , pratiquée le 8 août, ne
fut pas plus heureuse que la première et en dépit de toutes les explo
rations du stylet ne donna issue qu'à du sang .
La plaie fut pansée comme la première fois à l'acide phénique et se
cicatrisa en peu de temps. Mais l'affaissement de la tumeur fut moins
marquée qu'après la première incision et les douleurs persistèrent
sourdes et tenaces . Le malade qui avait jusqu'alors la possibilité de
s'asseoir, et de se tenir dans un fauteuil pendant qu’on refaisait son lit,
à partir du milieu d'août dut rester couché constamment sur le dos ou
sur le côté gauche . L'ictère et la dilatation abdominale étaient les
mêmes; la rate avait très légèrement, par sa base, dépassé son ancienne
délimitation .

Peu à peu , la santé générale s'altéra, l'appétit se perdit ; les digestions


devinrent difficiles ; puis en octobre la cuisse prit à sa partie supérieure
un développement énorme : les veines sous - cutanées formaient des lacis
bleuâtres serrés comme au niveau des tumeurs de mauyaise nature ; le
pli fessier et le pli inguinal s'effacèrent, la peau rougit légèrement et la
sensation de fluctuation revint plus nette que jamais.
Les douleurs, jusqu'à ce jour supportables, deviennent à ce moment
extrêmes, non seulement au niveau de la région tuméfiée, mais tout au
long du fémur jusqu'au genou . Le moindre ébranlement pour déplacer
le malade est horriblement ressenti; et des secousses lancinantes par
courent tout le membre, « aussi douloureuses que si on le broyait » . La
pression des doigts au niveau de l'épiphyse inférieure cause autant de
souffrance qu'au niveau de l'épiphyse supérieure.
Le 15 octobre , le professeur Duplay donne un nouveau coup de bis
touri qui cette fois fait sortir une assez grande quantité de sanie sangui
nolente et purulente : la tumeur s'aplatit légèrement, mais il est évident
qu'on n'a vidé qu'un foyer développé au milieu d'un tissu pathologique.
SYPHILIS HÉRÉDITAIRB . 213

Le fémur est masqué derrière une coque épaisse et résistante de tissus


qui englobent toute son extrémité supérieure et qui pénètrent en irra
diant les diverses couches musculaires interposées jusqu'à la peau .
L'enfant fut un peu soulagé par la dernière opération ; on laissa un
drain à demeure pour faciliter l'évacuation complète du foyer ; vers la fin du
mois, le drain de jour en jour raccourci, fut enlevé et la plaie se referma.
Le 8 novembre, sans cause connue, le malade eut une violente diar
rhée avec vomissements abondants. C'était au début de l'épidémie cholé
rique, et on hésita quelques instants , sur l'interprétation de la nature de
ces accidents .
Sous l'influence de la médication éthéro - opiaciée, les troubles gastro
intestinaux disparurent rapidement, mais on essaya vainement de rani
mer les forces du malade . Quinze jours plus tard , le dimanche soir
3 novembre, la diarrhée revint, bientôt accompagnée des vomissements
incoercibles, d'altération des traits, d'émaciation rapide, de petitesse du
pouls, de sueurs froides visqueuses , et le surlendemain , 23 , sans refroi
dissement manifeste, sans crampes bien accusées, malgré la persistance
de la sécrétion de l'urine presque aussi abondante qu'à l'état normal, et
en dépit des frictions, de l'éther, du laudanum , de l'eau-de- vie , et du
vin de champagne, la mort survint dans le collapsus .
Dans les derniers jours qui précédèrent l'agonie le ventre s'excava, et
la tumeur constituée par la rate diminua d'un tiers de son volume, à ce
point qu'on se demandait s'il ne s'était pas fait une rupture dans l'abdo
men. Mais en vérité cette réduction considérable était due à l'abondance
des vomissements et du flux intestinal qu'exprimaient en quelque sorte
tous les viscères.
Autopsie pratiquée le jeudi 27 novembre, dix -huit
- heures après
la mort .
Thorax. L'ouverture de la poitrine montre qu'il n'y a dans les plė
tres ni dans le péricarde aucune trace d'épanchement. Des adhérences
assez nombreuses, mais peu résistantes, fixent le poumon droit à la pa
roi. Il n'y a ni induration, ni congestion très vive, ni invasion tubercu
leuse d'aucun lobe pulmonaire droit ou gauche. Pas d'infarctus ni d'hé
morrhagie intra - lobulaire ou sous - pleurale . Le coeur , petit, contient du
sang liquide, poisseux, sans caillots; les ventricules et les oreillettes ont
leurs dimensions normales .
Les orifices aortique et pulmonaire sont suffisants , et l'inspection des
diverses valves ne dénote aucune espèce de lésion . On trouve quelques
nodules athéromateux jaunâtres, ininuscules, plus petits que des grains de
chènevis, dans la tunique interne de l'aorte au-dessus des sigmoïdes.
Il existe encore quelques traces d'athérome sur le trajet de l'aorte
thoracique.
214 LÉON TISSIER .

Dans la cavité abdominale, il n'y a pas de peritonite : pas du tout


de liquide, pas la moindre adhérence entre les divers replis périto
néaux .
La rate à gauche et le foie à droite font un relief manifeste, bien
qu'infiniment moins marqué que durant le cours de la maladie . La rate
est d'un tissu ferme et sclérosé ; la capsule gris bleuâtre épaisse qui l'en
veloppe, légèrement ridée, présente à sa , partie inférieure une plaque
gris blanchâtre épaisse de quelques millimètres, vestige d'une périsplénite
d'ancienne date . La coupe est noir - ardoise et ne tarde pas à se colorer
d'un rouge vif après exposition à l'air ; le tissu splénique est assez ferme
et ne se laisse que malaisément déprimer par le doigt .
La déchirure en est presque impossible ; pas de boue splénique . On
voit sur la coupe quelques trainées blanchâtres de sclérose interstitielle .
Il n'y a nulle part d'abcès, d'infarctus , ni de gomme. La rate, échancrée
sur son bord antérieur, mesure de haut en bas vingt-quatre centimètres
et d'avant en arrière seize centimètres et demi . Son poids est de
1,380 grammes .
Le foie , jaunâtre à la surface, est gros, eu égard à la taille et aux di
mensions du corps du sujet, mais est absolument de poids normal : il
pèse 1,380 grammes. La surface est inégale, grumeleuse surtout dans la
partie la plus externe du lobe droit. A la coupe il montre une teinte jau
nâtre franche et les saillies granuleuses de la surface apparaissent encore
plus accentuées. Nulle part de rétraction cicatricielle , rien de l'apparence
ficelée des foies syphilitiques classiques. On ne découvre nulle
part de foyer gommeux ou purulent, si multipliées que soient les coupes.
La vésicule est remplie de bile noir verdâtre. Il n'y a dans le canal cho
lédoque ni dans le canal cystique aucun obstacle appréciable au cours de
la bile . La muqueuse de l'estomac fortement colorée en rouge sombre con
tient des matières liquides sanguinolentes en grande quantité. La mu
queuse du duodénum présente la même teinte rouge. Dans la presque
totalité de l'intestin grèle, mais surtout dans la dernière portion , on voit
en très grande abondance des granulations blanchâtres psorentériques
former un semis serré, ininterrompu. Les plaques de Peyer très manifestes
ne présentent aucune altération . La coloration de la muqueuse intestinale
est normale, gris rosé, sans vascularisation extraordinaire. Le gros in
testin u’offre aucune particularité notable . La culture de la raclure in
testinale dans le bouillon de beuf gelatinisé et peptonisé donne nais
sance à un grand nombre de colonies tres réfringentes qui se comportent
dans les tubes stérilisés comme les cultures de bacilles du choléra et qui
sont en effet reconnues après coloration à la fuchsine pour des bacilles
en virgule manifestes.
Les reins, violacés dans la portion des tubes, blanchâtres dans la ré
SYPHILIS HEREDITAIRE . 215

gion glomerulaire, sont gros et mollasses ; leur surface est légèrement


adhérente a la capsule et se laisse déchirer par la décortication .
Le bassinet n'est pas agrandi ; les uretères sont normaux ; les cáp
sules surrénales sont saines.
La vessie ne contient pas d'urine. L'uréthre est sain . Le testicule du
côté gauche est petit comme un gros pois , dur comme une bille d'agate .
Il a été confié à M. Barthélemy qui doit en pratiquer l'examen . Le testi
cule du côté droit n'était pas descendu et a été oublié dans le ventre .
Carité cranienne. — Les méninges légèrement dématiées malgré la
diarrhée profuse de la fin de la vie , ne portent aucune trace d'exsudats
ni vers le cerveau ni du côté des os du crâne ; les veines sont fortement
distendues par le sang. L'examen de l'écorce et des coupes du cerveau
ne décèle aucune altération . La base du crâne est normale et ne porte
ni exostose ni ostéophyte. La voûte est également régulière, mais le
tissu osseux n'a pas une consistance très dure ; sous le marteau , la lame
externe s'infléchit et se casse mal. Cette élasticité des os est générale : on
peut facilement couper ou traverser les côtes avec le couteau ; les os
iliaques se laissent traverser de la même façon . Mais cette altération du
tissu osseux est surtout prononcée du côté des membres inférieurs.
Le fémur du côté droit, reconnu malade pendant la vie , est enlevé.
Vers l'union de son tiers supérieur et de ses deux tiers inférieurs , il
faut le débarrasser d'une masse musculaire envahie par des trainées
gris blanchâtres, demi-transparentes, qui ont pénétré presque toute
l'épaisseur des muscles et les font ressembler à certains points à du tissu
cancéreux .
Ce tissu lardacé , irrégulièrement réparti dans la cuisse, infiltré d'une
façon diffuse à travers les muscles, plus abondamment répandu autour
de la partie supéro -moyenne de la diaphyse , vient jusqu'à la peau au
niveau de la région externe où les incisions chirurgicales ont été prá
tiquées.
On ne trouve au milieu de ces tissus aucun foyer de pus ou de sang .
Le fémur est ramolli dans sa totalité, renflé légèrement à son épiphyse
inférieure. A la partie moyenne, on constate une fracture spontanée : le
périoste est en partie décollé et au-dessous se meut un fragment osseux ,
ramolli comme le reste de l'os, séparé transversalement par un trait de
cassare irrégulière de la partie supérieure de la diaphyse et par un autre
trait de fracture transversal de la partie inférieure. Ce fragment mesure
huit centimètres cinq, il n'est pas tout à fait libre et indépendant , ratta
ché par quelques brides fibreuses lâches et quelques lamelles d'os ramolli
au corps du fémur par en haut et par en bas . Sa surface est piquée d'im
grand nombre de petits pertuis et de fins sillons ressemblant à des ver
moulures par où s'échappe, à la pression, une bouillie médullaire rou
216 LÉON TISSIER ,

geâtre abondante . Ce piqueté et ces petites rugosités existent encore


à la surface de l'os au - dessus et au - dessous du fragment, moins ac
cusées.
Tout autour du fémur, le périoste assez adhérent est très épaissi,
notamment à la partie inférieure, près de la bifurcation de la ligne åpre ;
il présente un épaississement quasi-nodulaire, gris rosé, de consistance
élastique s'enfonçant dans le tissu osseux ramolli et se confondant avec
lui. Ce tissu de néoformation , a la même. apparence que le tissu des
ſusées intra -musculaires décrites plus haut et ressemble aux gommes
syphilitiques. Les articulations de la hanche et du genou sont saines; la
rotule a ses caractères normaux .
A la coupe longitudinale du fémur, le canal médullaire apparaît con
sidérablement agrandi rempli de moelle rouge fatale, au milieu de
laquelle court de haut en bas une rigole sinueuse dilatée en certains
points, rétrécie en d'autres contenant une substance caséeuse, couleur
terre glaise foncée.
Cette substance n'est séparée du tissu médullaire qui l'enveloppe de
toutes parts par aucune cloison . La plus large dilatation de cette rigole
correspond à l'extrémité inférieure du fragment osseux mobile ; c'est en
ce point que le tissu compact de l'os, pariout très aminci, est le moin
épais ; c'est ce qui explique la solution de continuité qui s'est produite
spontanément à ce niveau .
Le tibia du côté droit, comme le fémur, a une consistance molle,
élastique remarquable, telle qu'on peut le couper longitudinalement avec
des simples ciseaux, sans effort, comme du carton mouillé.
Il n'y a pas de production périostique ni ostéophytique à la surface
tibiale. A la coupe, le canal médullaire par raréfaction du tissu osseux ,
extrordinairement agrandi contient une moelle rouge très vascularisée.
A la partie inférieure, un peu au -dessus de la malleole, la moelle est beau
coup plus påle, et sur une étendue de cinq à six centimètres contraste
singulièrement par sa coloration jaunâtre sur la couleur rouge vif de la
moelle des parties supérieures. Le péroné est mou et flexible comme un
os décalcitié ; il ne présente pas d'autres altérations.
L'articulation coxo -fémorale gauche est normale et le fémur de ce
côté très mou comme tous les autres os du squeleite n'offre aucune
particularité autre à signaler.
Eramen microscopique, par M. A. Siredey , chef du laboratoire
d'histologie des hôpitaux.
Rate . Les coupes de la rate montrent de nombreuses lésions irré
gulièrement disséminées dans le parenchyme splénique. Elles se ren
contrent principalement à la périphérie de la rate et le long des vaisseaux
artériels .
SYPHILIS HÉRÉDITAIRE . 217

La capsule de la rate est considérablement épaissie ; il en est de


même des prolongements qu'elle envoie dans la pulpe splénique.
Ces travées fibreuses modifient un peu l'aspect général de la rate sur
les coupes. Cependant la trame réticulaire reste assez nette dans les
intervalles de ces tractus, et les cellules lymphatiques qui s'y trouvent
ne différent pas sensiblement des conditions normales.
Les lésions les plus nettes se rencontrent sur les ramifications du
système artériel. Au lieu de l'aspect réticulé que présentent habituelle
ment les couches externes de ces artères, on constate un épaississement
tibreux à peu près homogène, de telle sorte que la gaine lymphoïde des
artères spléniques est remplacée sur un grand nombre de points par du
tissu fibreux ne contenant que de rares noyaux.
Une modification analogue s'observe au niveau des corpuscules de
Malpighi. Quelques -uns sont complètement transformés en amas irré
guliers de tissu fibreux dans les lacunes duquel se rencontrent quelques
globules sanguins; sur quelques points, ces masses fibreuses forment
de véritables tumeurs .
Toutefois on rencontre des follicules ayant conservé l'apparence nor
male. Nulle part on ne voit d'amas caséeux ou de tumeurs embryonnaires
pouvant donner l'idée de tubercules ou de gommes.
En résumé : Dégénérescence fibreuse des éléments lymphoïdes sur un
grand nombre de points.
Foie. - Les coupes du foie présentent des altérations très accentuées
et qui portent presque exclusivement sur le tissu conjonctif interlobulaire.
A un faible grossissement on voit que la surface de la préparation est
divisée en anneaux irréguliers par des bandelettes épaisses de tissu con
jonctif. Ces anneaux fibreux entourent un certain nombre de lobules dont
les éléments sont plus ou moins altérés.
En général des prolongements fibreux se retrouvent à la périphérie
de chaque lobule, et on voit par places de petites trainées fibreuses qui
divisent irrégulièrement les diverses parties d'un même lobule.
Quelquefois plusieurs lobules, réunis dans un même anneau , sont
traversés par des trainées conjonctives irrégulières. Ce tissu conjonctif
est peu riche en noyaux : les canaux biliaires ne sont pas le siège d'une
proliferation active . On ne voit pas à la périphérie du lobule les tubes
épithéliaux que l'on y rencontre généralement.
Les cellules hépatiques sont relativement peu altérées. Quelques -unes
sont graisseuses , mais elles sont seulement troubles et plus granuleuses
qu'à l'état normal pour la plupart.
En résumé : Sclérose à peu près généralisée, affectant principale
ment le type annulaire avec conservation relative des cellules hépatiques.
Tissu musculaire dégénéré de la cuisse. - Les coupes qui ont été faites
218 LÉON TISSIER .

au niveau des tumeurs intra -musculaires, montrent que les fragments


recueillis sont presque entièrement constitués par des tissus altérés .
L'élément musculaire normal a pour ainsi dire complètement disparu.
A peine trouve - t -on sur de nombreuses préparations quelques fibrilles
qui présentent encore des traces de striation . Ces fibrilles sont en quelque
sorte perdues au milieu du tissu de nouvelle formation . Celui-ci consiste
en une masse fibreuse assez homogène, présentant quelques mailles
remplies d'éléments embryonnaires. La trame fibreuse est un peu riche
en noyaux. On trouve au milieu des cellules embryonnaires quelques
blocs irréguliers, d'apparence vitreuse, colorés en jaune rougeâtre par
le picro-carmin et qui se montrent tantôt isolés , tantôt réunis bout à
bout en traînées régulières. Ces éléments informes paraissent être des
fibrilles musculaires dégénérées, ayant complètement perdu leur striation.
En résumé : Dégénérescence complète du muscle. - L'élément strié,
-

contractile, ayant fait place presque partout au tissu embryonnaire ou


au tissu fibreux.
Os . De nombreuses coupes faites en divers sens sur le trajet du
tibia , en divers points de la diaphyse, montrent que le tissu compact
offre tous les caractères que l'on rencontre habituellement sur le tissu
spongieux.
En effet, les canaux de Havers sont considérablement agrandis et les
lamelles de substance osseuse qui les entourent sont réduites à une très
minime épaisseur .
Il y a en un mot la même disposition que présente normalement le
tissu spongieux .
On voit en outre à la face interne des lamelles osseuses qui enveloppent
les canaux de Havers, une couche irrégulière constituée par des cellules
de nouvelle formation et qui semblent former une couche intermédiaire
entre la lumière du canal et la paroi osseuse. Ces cellules sont tantôt
arrondies , tantôt fusiformes, quelques -unes semblent s'anastomoser par
des prolongements effilés . Sur la plupart des coupes , cette couche est mal
limitée du côté interne tandis que du côté de l'os elle est très facile à
distinguer par la différence de coloration. Il est évident qu'il s'agit là
d'une multiplication des éléments embryonnaires de la moelle .
Ces altérations se rencontrent d'une façon à peu près uniforme sur
toutes les coupes qui ont été faites en divers points de la diaphyse du
tibia . Sur quelques coupes cependant on observe des prolongements
fibreux qui émanent du périoste considérablement épaissi .
On ne voit nulle part d'éléments cartilagineux .
En résumé, la lésion osseuse parait consister principalement dans
un ostéite avec agrandissement des canaux médullaires et transforma
tion embryonnaire.
II

TABES SYPHILITIQUE PRÉCOCE,


par le Dr F. MÉPLAIN (de Moulins).

L. J ... , âgé de 26 ans , compositeur d'imprimerie, lymphatique , de


constitution faible, assez bien portant cependant jusque - là. Pas d'anté
cédents névropathiques personnels ni dans sa famille . Une seur morte
phthisique à l'époque même où débutait la maladie qui fait le sujet de
cette observation .
Au milieu de décembre 1882, L ... vient me consulter pour un chancre
da prépuce, chancre très nettement induré, d'ailleurs peu étendu et
accompagné d'une pléïade de ganglions inguinaux absolument caracté
ristique . Le début du chancre remonte à une douzaine de jours. Pas
d'antécédents vénériens.
Prescription . - Liqueur de van Swieten 2 cuillerées à soupe. Lotions
avec une solution d'acide salicylique .
Dès le 13e jour du traitement la cicatrisation du chancre était com
plète, la pleïade inguinale persistant d'ailleurs.
En février 1883, roséole fugace.
Le traitement hydrargyrique est continué, sauf quelques interruptions
passagères, jusqu'en avril .
En mai 1883, je constate , groupées autour des régions axillaires, sept
ou huit petites taches d'un rose sombre, bronzées, assez analogues à des
macules de psoriasis guttata dont on aurait enlevé les squames.
Après deux semaines de reprise du traitement mercuriel, elles avaient
disparu et L... , malgré mes recommandations, cessait tout traitement.
En août 1883, tandis que j'étais absent, apparaissent des accidents
d'un ordre nouveau pour lesquels L ... va consulter mon confrère et
ami le docteur Bruel. Celui -ci constate une parésie motrice du membre
inférieur gauche, remontant, au dire du malade, à quinze jours environ .
Elle s'était produite insensiblement, débutant par une légère faiblesse du
membre sans aucun autre phénomène douloureux ou autre appréciable
pour le patient.
Le traitement mercuriel est repris et huit jours après, à peine, la para
lysie disparaît complètement.
Au commencement d'octobre 1883 , L ... revient me trouver . Cette
fois c'est la vision qui se paralyse ; il existe une amblyopie double, beau
220 P. MÉPLAIN .

coup plus prononcée toutefois à gauche qu'à droite . Le malade, ne


pouvant plus distinguer les caractères d'imprimerie, s'est vu obligé
d'abandonner son travail de compositeur .
En même temps que l'amblyopie, avaient fait leur apparition des
douleurs frontales et pariéto -temporales, bilatérales, très pénibles. A ce
moment L ... n'accusait du côté des membres inférieurs ni faiblesse, ni
douleur ,; mais en le faisant marcher, aller et venir tourner brusquement
au commandement, je pus constater dans sa démarche une hésitation ,
une déséquilibration très manifeste au moment surtout des changements
de direction . Les yeux étant fermés, la démarche devenait tout à fait
hésitante. La station à cloche-pied , les yeux fermés, était difficile à
droite, presque impossible à gauche.
Le traitement mercuriel que le docteur Bruel avait fait reprendre en
août , avait été cessé par le malade en septembre.
Je prescris : protoïodure de mercure : 10 centigrammes par jour.
Trois semaines après , la vision semblait complètement rétablie, les
douleurs céphaliques avaientcessé et L ... pouvait, sans fatigue et sans
difficulté reprendre son travail de typographe et bientôt il abusait de
cette amélioration pour cesser encore une fois tout traitement.
10 janvier 1884. Douleurs en cercle, non fulgurantes, au niveau des
muscles pectoraux ; – douleurs lombaires ; – hyperesthésie rachi
dienne aux régions dorsale et lombaire; – vision à peu de chose près
normale, seulement un peu trouble à droite. L'accommodation se fatigue
assez promptement, ce qui rend le travail pénible sans l'empêcher cepen
dant absolument.
Pas de paralysie à proprement parler, mais faiblesse musculaire pro
noncée des membres inférieurs qui se fatiguent rapidement par le travail
debout auquel est obligé le malade.. --· Dypepsie, flatulences intestinales;
constipation . – Les symptômes d'ataxie proprement dit (incertitude de
la démarche, déséquilibration, etc. ) persistent, mais avec une diminu
tion qui me paraît positive.
Sirop de Gibert : 3 cuillerées à soupe . Toniques amers et laxatifs
légers .
28 janvier 1884. Gingivite.
Quelques douleurs de tête , pas très violentes. Douleurs en divers
points des plexus cervical et brachial droits.
Station sur un pied toujours sensiblement meilleure .
Suspension du sirop de Gibert. -- Chlorate de potasse .
4 février. Douleurs pleurodyniques et gastralgiques, céphalalgie exclu
sivement diurne.
Pas de traitement spécifique; pilules de Méglin .
TABES SYPHILITIQUE PRÉCOCE . 224

10 février. Augmentation des douleurs gastralgiques et pleurody


niques. Elles sont surtout nocturnes. Rachialgie. - Insomnies.
-

Protoïodure : huit centigrammes; sirop de chloral morphiné.


15 février. Irido-conjonctivite droite. – Persistance des divers
symptômes douloureux ci-dessus. - Calomel : 2 centigrammes toutes
les heures. Collyre à l'ergotine ; onctions mercurielles belladonées sur
le front et les tempes .
21 février. Aucune amélioration de l'inflammation oculaire. Atrésie
de la pupille .
Augmentation de la faiblesse musculaire des membres inférieurs ; ces
sation des douleurs dorsolombaires et pleurodyniques. Céphalalgie noc
iurne droite . Pas de salivation .
Collyre à l'atropine, – onguent napolitain sur le front et la tempe,
– liqueur de van Swieten -
2 cuillerées à soupe .
6 mars. L'inflammation oculaire est très atténuée. La pupille est dila
tée, inais très irrégulière (synéchies postérieures ) .
La céphalalgie qui avait cessé pendant quelques jours a reparu , assez
modérée .
Même traitement. Le collyre à l'atropine est suspendu un jour sur
deux .
16 avril. Amélioration générale. L'iritis est guérie , tout en laissant,
bien entendu, persister les adhérences postérieures. Sans étre parfaite,
la vision est très améliorée et a permis la reprise du travail habituel .
Les douleurs de tête ont complètement cessé ainsi que la rachialgie et
les points pleurodyniques.
L'expérience de la marche au commandement et celle de la station à
cloche-pied, les yeux fermés, donnent des résultats de beaucoup plus
satisfaisants .
Les réflexes rotuliens paraissent à peu près intacts ; cependant celui
du côté droit me paraît légèrement amoindri.
Je fais reprendre, à intervalles espacés, l'usage du collyre à l'atro
pine que , de sa propre autorité le malade avait laissé de côté . Sirop
-

de Gibert : 2 cuillerées .
5 mai. L'amélioration se prononce davantage sous tous les rapports.
Un peu de constipation .
Sirop de Gibert et collyre ut supra. Rhubarbe et scammonée .
24 mai. Même élat de l'œil . Vision assez bonne .
Plus d'hésitation dans la marche; le malade, en tournant au comman
dement, trébuche et bat l'air des bras, cherchant à maintenir son équi
libre . - Si, étant debout et immobile, on lui commande de tourner
brusquement la tête de côté, il a la sensation qu'il perd l'équilibre et
qu'il va tomber .
222 F. MÉPLAIN.

Pas de céphalalgie; - douleurs rhumatoïdes dans une épaule et dans


les coudes.. – Douleurs abdominales ; digestions lentes et pénibles.
Constipation.
Calomel , f' gramme, scammonée , 50 centigrammes.
Protoïodure de mercure, 10 centigrammes chaque jour – vin de rhu
barbe tous les matins.
16 juin . Nouvelle amélioration générale – la vision est toujours pas
sable . – Un peu moins de désiquilibration dans la marche et la station
sur un pied . Gingivite.
Je fais cesser le mercure, - chlorate de potasse - iodure de potassium,
2 grammes .
2 juillet. Réapparition , mais passagère, des douleurs de tête et inter
costales .
Pas de changement dans l'état des mouvements , des attitudes, de la
marche, etc.
Le réflexe rotulien droit est décidément un peu affaibli ; le gauche
parait intact. Et cependant il est à remarquer que, au point de vue de
la station à cloche- pied et de la marche c'est le membre inférieur gauche
qui paraît le plus atteint par le tabes; ainsi tandis que L... peut se ienir,
les yeux fermés, plusieurs secondes sur le pied droit, il perd l'équilibre
aussitôt qu'il essaie de se tenir sur le pied gauche ; quand il marche il
traine legèrement la jambe gauche.
Il existe dans la cuisse gauche des douleurs profondes, non exclusi
vement, mais principalement nocturnes . Douleurs assez pénibles sur
le trajet du nerf abdominoscrotal gauche.
Continuation du traitement ioduré ; liniment chloroformé.
22 juillet . Même état . Persistance des douleurs de la cuisse .
Frictions mercurielles sur cette région .
20 septembre. Après six semaines d'une amélioration assez satisfai
sante, abandon de tout traitement, retour des symptômes douloureux,
notamment douleur de tête à gauche. Démarche bien assurée dans la
marche en avant, mais perte d'équilibre dans les mouvements de
conversion brusque. - Nouveaux progrés dans la déséquilibration de
la station sur un pied. Inégalité pupillaire très prononcée depuis l'iritis
du mois de février; la vision est médiocre à droite, peu nette – le
champ visuel ne semble pas sensiblement rétréci.
Iodure de potassium , 3 grammes.
18 novembre 1884. Amélioration très prononcée sous tous rapports.
Démarche assurée et mouvements de con version brusque se faisant
presque sans hésitations. Station les yeux fermés sur le pied droit assez
bonne , sur le pied gauche toujours beaucoup plus difficile, mais pouvant
TABES SYPÝILITIQUE PRÉCOCE . 223

cependant être prolongée trois secondes environ , non sans de grands


efforts.
Constipation opiniâtre et douleurs abdominales.
Douleurs rachidiennes tous les soirs.
Un peu moins d'inégalité pupillaire. La vision est très ameliorée et L ...
peut travailler toute la journée sans fatigue.
Le malade a cessé l'iodure depuis le 3 novembre . -
Je l'autorise à
ne faire, jusqu'à nouvel avis , aucun traitement spécifique . Il combattra
la constipation au moyen de pilules d'aloës et de jalap.
16 décembre 1884. – La constipation un instant améliorée est reve
nue avec des douleurs abdominales et des douleurs en ceinture au niveau
des insertions du diaphragme. Digestions lentes, pénibles.
Douleurs rachidiennes au niveau des vertèbres lombaires inférieures
et sacrées .
Pas de douleurs de tête ; sommeil irrégulier . Douleurs nocturnes
dans le tibia gauche dont la crête présente quelques légères bosselures ;
cet os est sensible à la pression . Vision satisfaisante.
Démarche moins assurée qu'à la précédente visite ; station sur le pied
gauche seul de nouveau impossible.
Aloës et jalap — frictions mercurielles sur les côtés du thorax C

teinture de noix vomique et quassia amara .


1
2 février 1885. Après quelques jours de frictions mercurielles, les
douleurs abdominales et celles de la région rachidienne ont cessé.
Selles normales; digestions encore un peu pénibles, mais très amélio
2 rées cependant. Strabisme léger en dedans de l'æil droit.
Inégalité des pupilles plus prononcée que précédemment. La vue néan
moins est suffisante pour que L... continue sans fatigue son métier de
compositeur d'imprimerie.
Céphalée droite , sans points névralgiques déterminés – sommeil irré
galier avec rêvasseries.
Les douleurs nocturnes du tibia ont cessé.
Démarche plus hésitante surtout au départ et dans les mouvements
de conversion .
Les frictions mercurielles ont été suspendues au bout de 15 jours ,
c'est-à-dire vers le 1er janvier.
Je prescris de les reprendre pendant huit jours , après quoi L ... prendra
3 grammes d'iodure par jour pendant trois semaines.
5 mars. Nouvelle amélioration très prononcée : 1 ° de l'état général
– 2º de la vision que L... dit être redevenue à peu près normale; le stra
bisme n'existe plus;; — 3° des symptômes douloureux divers ; à peine
quelques douleurs cervicobrachiales légères et passagères depuis la pré
cédente visite ; - 4° de l'équilibration : marche au commandement
224 F. MÉPLAIN.

presque tout à fait satisfaisante ; marche en avant, les yeux ferinés, hé


sitante mais pas trop difficile cependant avec un trajet de six mètres
environ ; station à cloche-pied assez prolongée à droite, impossible au
delà de deux ou trois secondes à gauche. Le réflexe rotulien , normal à
gauche, est très faible, à peine perceptible à droite.
Pour la première fois , L ..., souvent interrogé sur ce point précédem
ment, accuse quelques troubles de la miction . Très légers et rares, ils ont
consisté dans un peu de retard à l'émission de l'urine, qui de temps en
temps, snrtout le matin au réveil, se fait attendre un instant.
Continuation du traitement précédemment prescrit : frictions mercu
rielles, une semaine, suivie de : iodure de potassium , 3 grammes pendant
trois semaines.
REVUE DE DERMATOLOGIE .

I. – LE LUPUS DEVANT L'ACADÉMIE DE MÉDECINE D'IRLANDE. ( The Lancet,


7 février 1885. )
II . – MÉNINGITE TUBERCULEUSE CONSÉCUTIVE AU LUPUS ; BACILLES DE LA
TUBERCULOSE DANS LE SANG, par DOUTRELEPONT. (Deutsche medicinische
Wochenschrift, 1885, n° 7. )
III. – TRAITEMENT DU LUPUS DE WILLAN, par M. Quos. ( Dissertation
inaugurale. Bonn, 1884. )
IV. – TRAITEMENT DU LUPUS PAR L'ARSENIC, par LESSER . (Centralblatt fur
die medicinischen Wissenschaften , 1885, n ° 7.)
V. - RELATION DE GUÉRISON D'UN CAS DE LUPUS ÉRYTHÉMATEUX , par
.

J. HUTCHINSON . (British medical Journal, 14 mars 1885. )

1. — Suivant le D: WALTER Smith, on observe en général en Irlande


(Dublin) 1 cas de lupus pour 200 maladies de la peau . En Angleterre ,
la proportion est quatre fois plus considérable, 1 pour 50. Il admet que
cette affection est une variété de tuberculose occasionnée par un virus
pathogène organisé.
Cliniquement, de nombreux et sagaces observateurs ont, en Angle
terre, en France et en Allemagne , montré les relations qui existent entre
la scrofule et le lupus, la coïncidence fréquente des affections caséeuses
des glandes et des articulations avec le lupus. Sur 38 lupeux traités par
1. Ernest Besnier, à l'hôpital Saint-Louis, 8 présentaient des signes
incontestables de phthisie .
Histologiquement , on a souvent fait ressortir la ressemblance frap
pante qu'il y a entre un tubercule miliaire caséeux et un nodule lupeux .
Tout récemment le Dr Koch en a donné une preuve décisive. Sur 7 cas
de lupus, il a trouvé dans les lambeaux de peau excisés des bacilles
tuberculeux , mais jamais plus d'un seul bacille dans une cellule géante.
Expérimentalement, les résultats des cultures et des inoculations
ont été positifs.
Quant au traitement il doit être constitutionnel et local , l'auteur se
déclare partisan des scarifications linéaires et du raclage.
Le D : H. KENNEDY dit que , outre le traitement général (huile de morue),
il fait un traitement local , notamment des applications de compresses
imbibées d'eau aussi chaude que le malade peut les supporter . Dans un
ANNALES DE DERMAT. , 2e SERIE , VI. 15
226 REVUE DE DERMATOLOGIE .

lupus de la face, un cautère mis à la partie supérieure du bras lui a


également donné de bons résultats.
Le D: BENSON a introduit des granulations provenant de la conjonctive
d'un enfant atteint de lupus dans les yeux de quelques lapins. Un de
ces animaux mourut d'hémorrhagie au bout d'une semaine. Chez un
autre lapin , on constata, après trois semaines , une tuberculose de la
cornée et de l'iris. Presque tous les malades atteints de lupus de la
conjonctive ont une grande tendance à devenir tuberculeux .
Le Dr CORLEY n'est pas encore tout à fait convaincu de la théorie
bacillaire du lupus. Selon lui , c'est le raclage qui donne les meilleurs
résultats ; il est aussi partisan de l'huile de foie de morue à l'intérieur.
Le Dr FINNEY emploie le raclage combiné avec les incisions linéaires,
le raclage de préférence dans le lupus tuberculeux ; il touche avec le
nitrate de mercure la peau qui se trouve au niveau d'une plaque de
lupus afin d'éviter que les parties non encore malades en apparence ne
soient envahies .
Le Dr R. M'DONNEL rapporte un cas dans lequel divers traitements
internes et même l'arsenic n'avaient donné qu'une aniélioration passa
gère et que l'huile de foie de morue guérit complètement, mais ce
malade succomba quelques années plus tard à une tuberculose pulmo
naire. Localement, il a employé avec succès le raclage avec la curette et
ensuite des frictions sur la surface érodée avec une éponge grossière.
L'arsenic produit une amélioration rapide, mais passagère.
WALTER Smith . Il est difficile de préciser les cas dans lesquels
on doit donner la préférence au raclage. Pour les petites plaques
lupeuses, il se borne à les piquer avec un petit morceau de bois taillé en
pointe et trempé dans du nitrate de mercure. A. DOYON .

II . — Au point de vue expérimental, le lupus vulgaire est bien une


forme de la tuberculose, ainsi que le démontrent, d'une manière incon
testable, l'histologie du lupus , la présence dans cette affection de bacilles
qui paraissent complètement identiques à ceux de la tuberculose comme
l'indiquent les cultures et les inoculations de Koch, ainsi que celles qui
ont été pratiquées en grand nombre avec des fragments de lupus soit
sous la peau, soit dans la cavité péritonéale, soit dans la chambre anté
rieure de l'eil chez des lapins et des cobayes et qui toutes ont amené
la tuberculose .
Mais, d'autre part, l'évolution clinique du Jupus ne paraît pas con
firmer entièrement cette opinion , puisqu'il peut rester longtemps loca
lisé sans provoquer une infection ultérieure de l'organisme atteint, c'est
du reste l'objection principale des adversaires de la nature tuberculeuse
du lupus.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 227

Aussi , croyons-nous, qu'il ne sera pas sans intérêt pour les lecteurs
des Annales de reproduire ici le fait suivant, dans lequel une infection
tuberculeuse générale est survenue après un lupus.

C. K ... , âgée de 18 ans, orpheline, entre à l'hôpital Friedrich -Wilhelm ,


de Bonn, le 13 mars 1884 , pour un lupus qui occupait différents points de
la face, et qui s'était compliqué d'une scrofulodermie de la région du cou .
La malade est très maigre , anémique. Rien d'anormal du côté des organes
internes, la percussion et l'auscultation ne révélaient rien au sommet des
poumons. Dans un fragment de la partie de peau atteinte de lupus et dans
des granulations provenant de la scrofulodermie , on trouva des bacilles
tuberculeux, mais en petit nombre . On racla une portion de la peau malade
et on appliqua des compresses imbibées d'une solution de sublimé ; sur
l'autre portion on se borna aux seules applications de sublimé . A l'intérieur,
liqueur de Fowler et teinture ferrugineuse. Sous l'influence de cette médi
cation, la malade reprit rapidement des forces , on vit bientôt apparaitre des
granulations sur les parties malades et un commencement de cicatrisation.
A part quelques nouveaux abcès sous - cutanés au cou et dans la région sca
pulaire droite qui furent incisés et raclés, le traitement consista exclusive
ment en applications de compresses imbibées d'une solution au sublimé. Au
commencement de décembre, toutes les régions malades de la peau étaient
cicatrisées ; cette jeune fille avait pris bonne mine et son poids avait aug.
menté. A ce moment, elle commença à se plaindre de douleurs vagues dans
les parties inférieures de la poitrine, sans fièvre notable , et sans que, à la
percussion et à l'auscultation, on découvrit quelque chose d'anormal. Sur
une cicatrice de la joue gauche, il se développa de nouvelles nodositės
lupeuses. Quelques jours après il survint de la diarrhée. Le 21 décembre,
très violentes douleurs de tete qui ne laissaient pas de repos à la malade ;
la température monta le soir à 390,5 centigrades ; vomissements fré
quents. Pas de délire. Le 29 décembre, le professeur Doutrelepont prit ,
avec toutes les précautions nécessaires, un peu de sang sur la peau saine
de la joue, et trouva , sur des préparations colorées d'après la méthode
d'Ehrlich, trois bacilles tuberculeux. Le 4 janvier, la malade perdit connais
sance et mourut le lendemain matin .
À l'autopsie, faite par le prof. Ribbert, on constata les lésions suivantes :
dure -mère tendue , face interne saine, circonvolutions aplaties . A la base,
la pie -mère est parsemée de granulations miliaires transparentes, principa
lement au voisinage de la fente de Sylvius. Autour du chiasma, la pie-mère
est infiltrée d'une bouillie jaunâtre ; dilatation considérable des ventricules
latéraux. Caur normal; le poumon gauche ne présente pas d'adhérences,
elles sont au contraire nombreuses du côté droit. Dans le lobe inférieur du
poumon gauche, au voisinage de son bord mousse , foyer un peu saillant,
de la dimension d'une pièce de 5 francs en argent, composé de très petites
taehes gris jaunâtre et de granulations. Dans le lobe inférieur du poumon
droit, foyer de la grosseur d'une noix, à granulations grises, analogue à
celui qui existait du côté gauche. Les autres parties du poumon sont nor
males. Rien à la rate , au foie, aux reins, à l'estomac. Dans l'ileum , plusieurs
alcérations tuberculeuses irrégulières. Pharynx et larynx sains.
Le sang recueilli avec un petit tube capillaire, dans la veine jugulaire
interne et dans le cæur, contenait également quelques bacilles tuberculeux.
228 REVUE DE DERMATOLOGIE .

L'autopsie démontra que les phénomènes tuberculeux ultérieurs de la base


du cerveau , des poumons et de l'intestin étaient de date récente, que par
conséquent l'infection générale avait eu son point de départ dans les lésions
tuberculeuses de la peau .

La présence des bacilles tuberculeux dans le sang, pendant la vie et


après la mort, vient confirmer les observations de Weichselbaum et de
Meisels qui ont constaté l'existence de bacilles dans le sang d'individus
morts de tuberculose miliaire, et de Meisels et de Lustig qui chacun,
dans un cas , ont trouvé des bacilles dans le sang pendant la vie.
On sait aussi que Baumgarten avait autrefois provoqué une tubercu
lose générale en inoculant, dans la chambre antérieure de l'æil de
lapins, du sang provenant d'animaux atteints de tuberculose généra
lisée inoculée . Weichselbaum a fait dans la cavité peritonéale de cobayes
des inoculations avec du sang de sujets morts de tuberculose miliaire,
et chaque fois il a vu survenir la tuberculose chez les animaux en
expérimentation.
S

III . Le Di Quos , l'auteur de cette thèse, est un élève de M. le


professeur Doutrelepont, le dermatologiste bien connu de la Faculté de
médecine de Bonn, et c'est dans la clinique de ce maitre qu'il a puisé
les éléments du travail dont nous voulons donner un court résumé.
On sait que M. Doutrelepont est, comme presque tous les dermatolo
gistes de l'époque actuelle , un partisan convaincu de la nature tuber
culeuse du lupus .
Après un coup d'æil rapide jeté sur les expériences qui ont démontré
d'une manière non équivoque la nature tuberculeuse du lupus, le
D Quos passe à la thérapie du lupus qui est son véritable objectif.
Le traitement interne ne peut s'adresser qu'aux affections générales
concomitantes ; il est sans action sur le lupus lui-même. Le seul traite
ment efficace est le traitement local , c'est-à-dire la destruction in loco
des foyers lupeux .
Dans ce but on peut employer : les agents chimiques, la destruction
thermique et le traitement mécanique.
M. Quos passe ensuite en revue tous les agents chimiques qui ont été
successivement préconisés dans ces dernières années, ils sont suffisam
ment connus pour qu'il n'y ait pas lieu à les énumérer de nouveau ici.
L'auteur examine ensuite brièvement les agents thermiques qui,
mieux que les précédents , peuvent détruire le tissu lupeux. A ce
propos, l'auteur signale le thermo-cautère de Paquelin et les cautéri
sations ponctiformes et linéaires avec le galvano-cautère que M. Ernest
Besnier a introduites dans la thérapie du lupus pour remplacer les
méthodes sanglantes qui favorisent l'infection générale .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 229

Deux courts paragraphes sont consacrés à ces méthodes qui auraient


exigé de plus longs développements .
M. Quos passe ensuite en revue le traitement mécanique , autrement
dit les procédés de Volkmann, le raclage suivi de cautérisations avec
le nitrate d'argent , les scarifications ponctiformes du même auteur
contre les infiltrations lupeuses non ulcérées. Il n'est nullement fait
mention des méthodes de Balmanno Squire et de Vidal .
Enfin , après quelques mots sur les procédés d’Auspitz et de Schiff,
l'auteur arrive aà ce qui fait véritablement le sujet de sa dissertation ,
c'est -à -dire au traitement local des parties atteintes de lupus et de
l'ensemble de l'organisme infecté . La thérapie du lupus se propose
non seulement de détruire la prolifération cellulaire provoquée dans la
peau par les bacilles, mais de tuer ces micro -organismes eux -mêmes
ou du moins de s'opposer à leur développement ultérieur . D'après Koch
le sublimé est le désinfectant par excellence ; une seule application
d'une solution de 1 / 300,000° peut arrêter dans leur croissance les micro
organismes les plus résistants , comme les bacilles du sang de rate .
Le professeur Doutrelepont, qui , sur l'exemple de Leistikow, avait
déjà employé avec succès le sublimé pour la destruction des gonno
cocci, eut l'idée , après s'être convaincu de la nature parasitaire du
lupus, d'utiliser la découverte de Koch pour le traitement du lupus .
Volkmann avait du reste déjà dit (Voyez :: DU LUPUS ET SON TRAITEMENT,
Klin . Vorträge, nº 13) , en parlant de l'action des emplâtres mercu
riels : qu'ils ne donnent pas lieu à des phénomènes appréciables, mais
que les résultats n'en sont pas moins surprenants (So symptomlos sie
sich rollziehen , sind sie doch zuweilen höchst überrashend).
On sait que l'action du mercure , de l'emplâtre mercuriel, de l'on
guent gris , etc. , tient à ce qu'il devient soluble, c'est- à -dire que par
son amalgame avec les sécrétions de la peau , surtout avec le chlorate
de soude, il se forme un chlorure de mercure soluble . L'emploi du
sublimé était donc tout indiqué. Toutefois comme la nature chronique
du lupus exige un traitement local assez long et qu'on pouvait craindre
des phénomènes d'intoxication , de salivation , etc. , Doutrelepont dé
buta par des solutions faibles, 1 pour 20,000 . Mais cette dose étant
très bien supportée, il l'augmenta et à la fin il n'employa que celle
de 1 pour 1,000 . Les solutions fortes avaient l'inconvénient d'être caus
tiques, or il ne s'agissait ici que d'une action antiseptique.
Voici le procédé employé par le professeur Doutrelepont : on trempe
dans une solution de sublimé au 1 / 1000° des compresses pliées en plu
sieurs doubles et après les avoir légèrement exprimées on les applique
sur les parties malades, puis on recouvre le tout de gutta -percha qu'on
maintient par quelques tours de bande. On renouvelle le pansement de
230 REVUE DE DERMATOLOGIE .

façon à ce qu'il soit toujours humide ; pour les paupières on se sert


d'une pommade au sublimé :
Bichlorure hydrarg .... 1 gramme.
Faites dissoudre dans :
Éther sulfurique. Q. S. .

Et ajoutez lentement :
Vaseline jaune . 100 grammes .

Pour les plaques lupeuses très hypertrophiées des muqueuses, par


exemple des lèvres, des fosses nasales, etc. , il fait des injections inters
titielles avec une solution de sublimé à 1 0/0 , d'après les procédés
d'Auspitz et Schiff. On fait ces injections avec une seringue de Pravaz
dont on remplace le piston par une poire de caoutchouc.
Dans un cas de lupus du sac lacrymal, il saupoudra les surfaces
lupeuses avec du calomel après l'incision du sac. Le calomel sous l'in
fluence des larmes se transforme en sublimé et agit alors comme tel .
Du reste , les solutions de sublimé 1 pour 20,000 et 1 pour 15,000 ne
déterminent pas d'inflammation oculaire. Les malades supportent très
bien les applications de sublimé; la suppuration diminue rapidement;
on voit les granulations faire peu à peu place au tissu sain . Les cica
trices sont molles et plates. Pas d'intoxication , ni salivation . Le seul
phénomène d'irritation que le sublimé exerce sur la peau saine se
manifeste par une légère desquamation de l'épiderme .
Pendant toute la durée du traitement qui fut institué chez les ma
lades de la clinique, le processus lupeux ne fit aucun progrès. Dans un
seul cas les applications de sublimé provoquèrent d'abord de la suppu
ration et même une suppuration abondante, bien qu'on n'eût employé
qu'une solution de 1 /1500e; plus tard , cependant, cette même solu
tion fut parfaitement tolérée. La pommade au sublimé agit comme les
solutions. Chez quelques malades impressionnables, elle donnait lieu à
de légers fournillements dans la partie malade . Les piqûres avec la se
ringue de Pravaz déterminent quelquefois les phénomènes suivants :
ædème léger, petites extravasations veineuses sous forme de taches
noires durant 24 heures.
Doutrelepont suit l'exemple de Buchner ; aussi dans ces derniers
temps a-t- il employé l'arsenic comme traitement auxiliaire du lupus. Il
fait prendre trois fois par jour, 10 à 15 gouttes de la mixture suivante :
Liqueur de Fowler ...... 5 grammes .
Eau de menthe ou teinture ferrugineusc .. 20

Le Dr Quos reproduit ensuite 17 observations de lupeux traités exac


REVUE DE DERMATOLOGIE . 231

tement d'après la méthode que nous venons d'indiquer et il termine sa


dissertation par quelques considérations dont voici le résumé :
Il ressort de ces différentes observations que les préparations mercu
rielles , notamment le sublimé, constituent un moyen énergique pour
combattre le lupus, et que dans beaucoup de cas elles suffisent. Les
cicatrices molles et lisses qu'elles produisent, défigurent aussi peu que
possible . C'est un traitement facile, non douloureux , n'entraînant au
cunes complications et bien préférable sous tous les rapports aux caus
tiques.
Les résultats seront d'autant plus rapides qu'on aura eu soin de
détruire préalablement le tissu lupeux . Tous les malades dont il est
question dans les observations citées par l'auteur, ont été traités exolu
sivement par le sublimé. On essaie actuellement dans la clinique du
professeur Doutrelepont un traitement mixte : on désinfecte d'abord,
puis on détruit localement le lupus et, enfin , on panse avec la solution
de sublimé jusqu'à complète cicatrisation .
On peut espérer éviter les récidives en continuant ensuite de faire des
onctions avec une pommade au sublimé.
Mais comme il peut rester quelques bacilles tuberculeux, il importe,
malgré les résultats favorables du traitement, d'être toujours très réservé
pour le pronostic .
En effet, il est survenu quelques cas de récidives chez les malades
ci-dessus .
En résumé, abstraction faite de la transformation possible en carci
nome ou de la rétraction cicatricielle des membres, le lupus peut se
terminer de trois manières :
1° Récidive locale ;
** Eruption lupeuse sur un autre point du corps ;
3. Tuberculose miliaire aiguë généralisée , phthisie ou autres pro
cessus tuberculeux .
Toutefois, ces trois modes de terminaison sont rares.

IV . - L'auteur partant de cette idée que le lupus fait partie du groupe


des maladies tuberculeuses et considérant l'action favorable que , suivant
Buchner, l'arsenic exercerait sur la tuberculose pulmonaire, a employé
ce remède dans plusieurs cas de lupus, traitement du reste qu'on avait
déjà employé autrefois .
Le D ' Lesser cite seulement 5 cas qu'il a soumis à cette médication ;
il a administré l'arsenic sous forme de pilules asiatiques ou d'injections
hypodermiques de solution de Fowler, pure ou étendue d'eau .
1° A. F ... , 15 ans . Eruptions occupant la jambe et l'avant-bras gau
232 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ches , petits foyers sur les membres du côté droit. Début de la maladie
il y a 5 ans.
Acide arsénieux à l'intérieur jusqu'à 0,02 par jour, en tout 2 .
gr. 5 ;
par la méthode sous-cutanée 6 gr. 47 de solution de Fowler, 0,17 à 1,0
par injection.
2° F. E ... , 35 ans. Lupus hypertrophique très étendu qui a envahi
toute la tête , le membre inférieur droit presque tout entier ( éléphantiasis
de la jambe) et un certain nombre de points plus ou moins considérables
de la surface du corps. Début de la maladie il y a 21 ans .
Acide arsénieux à l'intérieur jusqu'à 0,036 par jour, en tout 7 gr . 7 .
Par la méthode sous-cutanée 36 gr . 28 de solution de Fowler, 0,5 à 2,0
par injection .
3° S. G ... , 25 ans. Lupus de la face, ayant gagné le nez , les joues,
la lèvre supérieure, une partie du front et du menton . Début il y a en
viron 20 ans.
Acide arsénieux à l'intérieur jusqu'à 0,036 par jour, mais en général
seulement 0,015, car il est mal supporté ; en tout 5 gr. 7 .
4° A. P ... , 37 ans. Éruptions lupeuses sur des cicatrices considé
rables du cou, consécutives à des ganglions suppurés . Début il y a
7 ans .
Acide arsénieux à l'intérieur jusqu'à 0,03 par jour ; en tout
4 grammes .
5° R. F ... , 12 ans . Lupus du nez, éruption serpigineuse étendue sur
la jambe droite, plusieurs petits foyers au niveau du coude et du poi
gnet droits . Début dans la première enfance.
Acide arsénieux à l'intérieur jusqu'à 0,02 par jour ; en tout
2 grammes .
(Ces 5 observations ont été recueillies à la policlinique de l'Univer
sité de Leipzig .)
Chez la malade qui fait le sujet de l'observation 4 il ne se produisit,
sous l'influence du traitement arsenical, aucune modification appré
ciable des nodosités lupeuses . Par contre, dans les 4 autres cas, on
constata l'influence très évidente de l'arsenic sur toutes les éruptions et
lésions lupeuses non traitées d'autre part. Dans l'espace d'environ deux
mois les infiltrats devinrent plus plats et dans deux cas (1 et 3) la ré
sorption fut presque complète.
Dans le premier cas , dans lequel on avait interrompu la médication,
il survint au bout de quelques mois une aggravation, le lupus redevint
ce qu'il était au début .
Dans l'observation 3 , l'amélioration est restée stationnaire et par
conséquent il n'y eut pas de guérison . Mais les résultats furent particu
lièrement remarquables, chez le second malade, les infiltrats, dont la
REVUE DE DERMATOLOGIE . 2:33

plupart étaient très saillants se résorbèrent en grande partie ; pendant


toute une année les éruptions lupeuses ne firent aucun progrès, tandis
que précédemment le processus avait une marche continue. Mais ensuite
il y eut un temps d'arrêt , malgré l'emploi persistant de l'arsenic, dans
l'amélioration, et, comme le malade ne pouvait plus supporter ce remède
on fut obligé d'en suspendre l'emploi. Les injections sous- cutanées ne
parurent pas avoir une plus grande efficacité que l'usage interne de
l'arsenic .
Il résulte des faits ci -dessus que l'arsenic exerce sur la résorption des
infiltrats lupeux une certaine influence qui ne se produit peut-être pas
toujours (cas 4 ), et qui du reste ne paraît pas avoir amené une guérison
complete, au moins suivant le mode d'application employé par l'auteur.
Bien que ces résultats soient incomplets, ils ont cependant une certaine
importance, comme pouvant contribuer à provoquer de nouvelles re
cherches.
On sait, d'autre part, que Landerer ( Centralblatt f. Chirurg ., 1883,
p. 47) a constaté l'efficacité de l'arsenic dans les affections tubercu
leuses des os ; aussi y a-t-il tout intérêt à essayer cette médication dans
les autres affections tuberculeuses. A. DOYON .

V. - L'auteur vit pour la première fois , le 4 mars 1881 , M. J. B ...


qui fait l'objet de cette observation . Plaques de lupus érythémateux de
chaque côté du nez, à peu près vers le milieu ; une troisième sur le dos
du nez près de l'extrémité. Ces trois plaques n'étaient pas confluentes.
M. B ... , âgé de 45 ans, est de haute stature, un peu maigre, mais d'une
bonne santé. Jamais d'engelures, circulation faible. Une tante maternelle
est inorte de phthisie. Il a toujours eu la peau très irritable et très su
jette à de petites taches sur les mains, etc. , lesquelles donnaient lieu à
un prurit intolérable et s'excoriaient par le grattage. Il en était ainsi
lorsque des plaques érythémateuses apparurent sur le nez . Ce malade
a toujours vécu dans un pays froid . Les plaques existaient depuis un
1 an environ quand il vint me consulter. Je prescrivis l'arsenic à l'inté
rieur et des lotions avec une faible solution de goudron et de plomb.
Entre 1881 et avril 1883 , le Dr J. Hutchinson ne vit pas M. B ... A
cette date son médecin ordinaire, le Dr Williams écrivit que l'état
s'était augravé . Il était maintenant décidé à insister sur l'emploi de
l'arsenic .
En février 1885 le Di Hutchinson revit M. B ..., son lupus était
tout à fait bien. Des cicatrices blanches, minces, imperceptibles avaient
remplacé les plaques primitives, et leurs bords n'étaient ni épaissis, ni
érythémateux. Les cicatrices des deux côtés du nez avaient les dimen
sions d'une pièce d'un franc, celle du milieu était plus petite. Sur le
234 REVUE DE DERMATOLOGIE .

cuir chevelu presque entièrement chauve, il y avait plusieurs autres


cicatrices qui avaient à peu près l'étendue de l'extrémité du pouce ;
elles avaient succédé à d'autres plaques qui s'étaient produites depuis la
dernière visite .
Tant que M. B ... s'en était tenu au traitement local ( lotions de gou
dron et de plomb) les plaques s'étaient étendues et il s'en était formé de
nouvelles sur le cuir chevelu . Deux ans plus tard , en 1883 , sur le con I

seil du Dr Williams, il prit de l'arsenic et le continua régulièrement


pendant 15 mois ; ce remède détermina un zona, de la conjonctivite,
mais finalement guérit le lupus.
L'arsenic a bien été dans ce cas le seul agent auquel il faille attribuer
la guérison du lupus, bien que, pour le cuir chevelu, M. B .. , ait en
même temps fait usage d'une lotion capillaire « hair - wash » qui rendit
le cuir chevelu douloureux et qui paraissait cependant agir favorable
ment ; aussi a-t-il employé cette même lotion pour le nez, mais rare
ment ; elle ne parait pas du reste avoir contribué à la guérison . Il faut, le
en outre, rappeler que le malade a fait usage de l'arsenic pendant tout
7

le temps qu'il a employé les lotions pour les plaques du cuir chevelu.
L'auteur avait déjà prescrit l'arsenic dans plusieurs autres cas de
lupus érythémateux, mais sans avoir jamais obtenu de résultats bien
définis. Il est vrai qu'on l'emploie rarement à dose suffisante et pendant
un temps convenable . Chez M. B ... l'apparition d'un zoster arsenical et
d'une conjonctivite démontre qu'on avait atteint toute l'influence physio
logique du médicament. Ce cas doit encourager à faire plus largement
usage de notre grand remède. Il est toutefois à craindre que les résultats
ne soient pas toujours aussi satisfaisants et que le cas de M. B... ne soit
qu'une heureuse exception ; car J. Hutchinson a vu des malades chez
lesquels l'arsenic à dose élevée aa été plutôt nuisible qu’utile. Le fait cli
nique que le lupus érythémateux diffère de toutes les autres formes de 1

lupus par sa tendance à se développer symétriquement en plaques isolées


et indépendantes paraît le rapprocher du psoriasis. Tout compte fait,
il indique une origine plutôt constitutionnelle que locale et implique
par suite la nécessité d'une médication interne.
En terminant cette petite note, le Dr Hutchinson reproduit une lettre
(5 mars 1883 : du Dr Williams, dans laquelle il est dit que M. B ...
paraît complètement guéri et qu'il a été soumis au traitement arsenical
depuis mars 1883, que depuis trois ou quatre mois aucune application
locale n'avait été ordonnée, et que très rarement il faisait usage de celle
indiquée ci -dessus. M. B ... prenait chaque jour quinze gouttes de
liqueur arsenicale en trois fois, il cessait seulement quand il survenait
de la congestion des conjonctives et de la tumefaction des paupières.
A. DOYON .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 233

VI. DE LA DERMATITE HERPÉTIFORME : SES RAPPORTS AVEC L'AFFECTION


QUE L'ON A DÉSIGNÉE SOUS LE NOM D’IMPETIGO HERPETIFORMIS , par L.-A.
DUHRING. (American Journal of medical sciences, oct. 1881, p . 391. )
VII . – CAS DE DERMATITE HERPÉTIFORME, POUVANT ÈTRE SURTOUT CONSI
DÉRÉ COMME UN TYPE DE LA VARIÉTÉ PUSTULEUSE DE L’AFFECTION ( IMPETIGO
HERPETIFORMIS D'HEBRA ), par L.-A. DUHRING . ( Journal of cutaneous and
venereal diseases, août 1881, nº 8 , p . 225. )
VIII . – CAS D'IMPETIGO HERPETIFORMIS , par W.-E. BOARDJAN . (Boston
2

med. and surg. Journal, vol . CXI , n ° 14, 2 oct. 1881, p . 821. )
IX . HYDROA ; IMPETIGO HERPETIFORMIS ; DERMATITIS HERPETIFORMIS, par
A - R . ROBINSON. (Journal of cutaneous and venereal diseases , jan
vier 1883.)

VI . — On trouvera dans le numéro de septembre 1884 des Annales de


dermatologie et de syphiligraphie, une analyse de deux publications anté
rieures du savant dermatologiste américain sur la dermatite herpétiforme.
Les caractères principaux de cette maladie telle que la comprend Duhring
y sont exposés, et nous y avons même traduit une observation type de
cette nouvelle dermatose . Nous ne reviendrions pas sur ce point s'il ne
nous avait pas paru obscur, et si cette affection nous avait semblé bien
définie comme type morbide. Nous jugeons de plus utile de faire con
naitre les considérations que vient de publier Duhring sur les travaux
des dermatologistes antérieurs qu'il croit devoir rapporter à sa derma
tite herpétiforme : il sera ainsi beaucoup plus facile de comprendre si
l'on doit en faire réellement une dermatose distincte et de déterminer la
place qu'elle doit occuper dans le cadre nosologique.
Dans sa communication à l'Association médicale américaine, Duhring
avait déjà éinis l'opinion que la maladie à laquelle Hebra avait donné le
nom d'impetigo herpetiformis n'était autre chose que la variété pustu
leuse de la dermatite herpétiforme : aussi , d'après lui , le terme impétigo
est-il impropre, car il ne peut s'appliquer à tous les cas de l'affection .
Hebra, Kaposi, Neumann n'auraient donc connu qu'un des côtés de la
question, ils n'auraient pas saisi la maladie dans son ensemble, et c'est
pour cela qu'ils auraient soutenu qu'elle ne s'observe que chez les
femmes enceintes, tandis qu'en réalité on peut la rencontrer chez des
hommes et chez des femmes en dehors de l'état de gestation .
C'est en 1872 qu'Hebra a pour la première fois décrit l'impetigo
herpetiformis dans un mémoire intitulé : « De quelques affections de la
peai survenant chez les femmes pendant la grossesse et la puerpéralité. »
On y trouve cinq observations. Cependant l’atlas des maladies de la
peau d'Hebra et Beerensprung contient une planche portant le nom
236 REVUE DE DERMATOLOGIE .

d'herpes circinatus, et qui est d'après Duhring un bel exemple de la


variété pustuleuse circinée et annulaire de la maladie qui nous occupe.
Deux ans plus tard , Auspitz (Archiv. für dermat, und syph ., 1889,
p. 247) publia sous le nom d'herpes vegetans deux observations qui sont
probablement pour Duhring des formes anomales de dermatite herpéti
forme . Dans le premier cas, il s'agissait d'une femme enceinte chez la
quelle la maladie commença par des plaques érythémateuses d'un rouge
viſ sur l'abdomen , plaques qui devinrent bientôt des surfaces humides
recouvertes çà et là de vésicules et qui étaient le siège de démangeaisons
et de cuissons des plus vives . Les vésicules survenaient par groupes,
puis passaient à l'état de pustules, et se recouvraient de croûtes. La
malade avait de la fièvre et elle fut rapidement emportée par de l'ordème
pulmonaire. Le second cas d'Auspitz fut observé par lui dans le service
d'Hebra, c'est un des cinq cas du mémoire d'Hebra . Il s'agit là encore
d'une femme enceinte, âgée de 26 ans, et arrivée au sixième mois de sa
grossesse . L'éruption consistait en une rougeur érythémateuse sur la
quelle se produisaient des vésicules et des pustules variant comme grosseur
de celle d'un pois à celle d'une fève, disséminées ou groupées circulaire
ment. Dans les plis inguinaux se trouvaient des plaques humides,
rouges, excoriées de la grandeur d'un dollar, recouvertes de croûtes
grisâtres avec des vésicules et des pustules çà et là . La même éruption
se retrouvait aux extrémités inférieures. Il y avait des cuissons, des dé
mangeaisons et de la fièvre. Quelques -unes de ces plaques finirent par
prendre un aspect papillomateux. La malade accoucha d'abord d'un
enfant mort, puis elle succomba au bout d'une semaine avec des symp
tômes graves de diarrhée et de délire. A l'autopsie, on trouva de l'endo
métrite, de la salpingite, de la peritonite.
Dans son mémoire (Wiener med . wochens., n ° 48 , 1872) , Hebra
cite quatre autres cas, tous observés chez des femmes enceintes. D'après
lui , cette affection , qu'il considère comme une maladie nouvelle, serait
caractérisée par des pustules remplies de pus dès leur apparition (aussi
en fait-il une variété d'impétigo ), et groupées circulairement, de telle sorte
que le centre du groupe se recouvre de croûtes brunâtres autour des
quelles se forment constamment de nouvelles pustules (aussi l'assi
mile- t- il comme mode de groupement à l'herpes iris circinatus, et lui
donne -t - il le nom d'impetigo herpetiformis ). L'éruption commence pres
que toujours par la partie interne des cuisses, puis elle gagne peu à
peu l'abdomen , les membres supérieurs et inférieurs, les pieds et les
mains, enfin le cou, la face et le cuir chevelu . Les symptômes géné
raux sont toujours graves ; il y a une fièvre intense, une grande pros•
tration . L'affection est d'une extrême gravité puisque quatre des cinq
malades d'Hebra furent rapidement emportées à une première attaque,
REVUE DE DERMATOLOGIE . 237

et que la cinquième ( V. Hans Hebra, Maladies de la peau, Braunschweig,


1884, p. 198) succomba dans une rechute. L'un des cas d'Hebra fut
publié in extenso par Geber en 1871 .
Neumann a décrit l'impetigo herpetiformis d'Hebra dans la 3e édition
de son Traité des maladies de la peau ; il lui donne les noms d'herpes
premicus, herpes puerperalis. Quant à la dermatitis circumscripta her
petiformis du même auteur, ce n'est pour quelques dermatologistes
qu'une variété du lichen plan, et il faut bien se garder de la confondre
avec la dermatitis herpetiformis de Duhring.
En 1877, Heitzmann lut devant l'Association dermatologique améri
caine un mémoire sur un cas d'impétigo herpetiformis, mémoire qu'il
avait intitulé : « Des relations de l'impetigo herpetiformis avec le
pemphigus. » La malade était une femme de 52 ans, bien portante ,
ayant eu de nombreux enfants tous en parfait élat de santé. Elle avait
eu un an auparavant un eczéma qui avait bien guéri. Elle vit tout d'un
coup se former sur les muqueuses de la lèvre inférieure , des gencives,
des joues et sur les parties latérales de la langue des bulles aplaties,
recouvertes d'une couche épithéliale d'un jaune grisâtre , qui tombait
par places et laissait à nu une surface d'un rouge intense, excoriée, sai
gnante. L'oreille droite, le cou , le plis de la peau situés au -dessous des
seins, étaient d'un rouge sombre, infiltrés, épaissis, comme dans l'ec
zema rubrum . Çà et là sur les extrémités se voyaient des groupes de
petites pustules. La malade n'était plus réglée depuis plusieurs années ;
il n'y avait aucun mouvement fébrile. Des éruptions successives de
bulles se produisirent sur la muqueuse buccale , des pustules se for
inèrent dans le nez , s'accompagnèrent d'une fièvre intense et furent
suivies d'un érysipele de la face. Il en survint également sur le corps ,
aux parties génitales et autour de l'ombilic. Puis la malade sembla se
rétablir ; mais, quelques semaines après, elle vit apparaitre en l'espace
de deux ou trois jours une grande quantité de bulles pemphigoïdes sur
l'abdomen, sur le dos , sur les pieds avec symptômes généraux graves ,
fievre intense, pouls faible, troubles cérébraux, signes de collapsus.
Pendant trois mois, toutes ces manifestations persistèrent, et la malade
finit par succomber dans le marasme avec de l'ædème, des eschares, de
l'ascite, de l'adème cérébral . Heitzmann conclut en disant que ce cas
lui parait être très voisin du pemphigus.
Parmi les auteurs anglais et américains récents, il n'y a guère que
Hyde ( Treatise on Diseases of the skin Philadelphia, 1883 ) qui ait donné
une description de l'impétigo herpétiformis basée sur les recherches
d'Hebra. Kaposi, dans la dernière édition de son ouvrage, dit qu’on a
déjà observé onze cas de cette affection à la clinique de l'hôpital ge
néral de Vienne, les malades ont toujours été des femmes enceintes
238 REVUE DE DERMATOLOGIE .

arrivées aux derniers mois de leur grossesse . Huit fois la mort est sur
venue pendant une première attaque, une fois pendant une rechute ;
une fois l'affection s'est produite à trois reprises pendant trois grossesses
successives , a guéri les deux premières fois, mais a eu la troisième fois
une terninaison fatale. Enfin dans un dernier cas il y aurait eu guérison
définitive .
Après ce long résumé des divers documents qu'il a trouvés dans les
auteurs , Duhring termine son article en disant que l'existence de liens
très étroits entre l'impetigo herpetiformis d'Hebra et la variété pustuleuse
de la dermatite herpétiforme ne lui semble pas discutable . Je dirai tout
à l'heure pourquoi je ne saurais jusqu'à présent admettre cette opinion.
Mais je crois devoir auparavant analyser les trois observations sui
vantes .

VII. – Duhring considère le fait dont on va lire l'analyse comme le


type de la variété pustuleuse de la dermatite herpetiforme, c'est sur lui
qu'il s'appuie pour dire qu'il ne voit aucune différence notable entre
cette variété pustuleuse de son affection et l'impetigo herpetiformis
d'Hebra .

La malade est une jeune fille d'origine américaine, ågée de 27 ans, do


mestique; elle entre le 28 septembre 1878 à l'hôpital de l'Université de
Pennsylvanie . Aucun antécédent ni personnel, ni héréditaire, elle est ſorte,
robuste , et a toujours joui d'une excellente santé. L'affection culanée dont
elle est atteinte a débuté il y a deux ans, soudainement, sur les avant-bras
par un prurit violent. Le lendemain de petites bulles remplies d'eau de la
grosseur d'une tèle d'épingle parurent en groupes sur les coudes . E les 12

étaient très prurigineuses, et elles furent bientôt rompues par le grattage .


En peu de jours, elles se montrèrent sur les hanches, les cuisses, les genoux,
puis elles envahirent en trois ou quatre semaines toutes les autres régions
du corps en particulier le cou, les épaules, le dos, les fesses. Cependant le
cuir chevelu , les oreilles, la poitrine, les seins, les mains et les pieds res
lèrent indemnes. La malade donne une bonne description de ces premiers
éléments éruptits : c'étaient des vésicules ou mieux de petites ampoules
pleines d'un liquide clair, aqueux , de la grosseur d'une tèle d'épingle ou AT

d'un pois, de forme assez irrégulière, les unes arrondies, les autres angu
leuses . Elles n'avaient aucune tendance à se rompre spontanément, mais la
malade les déchirait par le grattage. Elles étaient disposées en groupes de
trois ou quatre à douze et plus , formant dans leur ensemble une plaque de
la grandeur d'une pièce de 5 francs. Elles ne dessinaient pas de figures géo
métriques nettes.
L'éruption continua ainsi pendant un an, présentant de temps en temps
des poussées subites ou graduelles. Parfois l'affection semblait vouloir dis
paraitre, puis , au bout d'une semaine ou deux, survenait une nouvelle at
taque et ainsi de suite . Jamais la malade ne resta absolument indemne d'é
ruption plus d'une quinzaine.
Au bout d'un an , elle vit survenir une poussée dans laquelle les éléments
REVUE DE DERMATOLOGIE . 239

éruptifs prirent nellement le caractère de pustules ; cette poussée fut courte,


ne dura que huit ou dix jours, et la poussée suivante fut vésiculeuse et bul
leuse. Puis les éléments devinrent moins nombreux mais plus volumineux et
plus gênants . Depuis un mois, l'affection a repris un caractère pustuleux, et
elle est un peu moins prurigineuse que lorsqu'elle était vésiculeuse ou bul
leuse .
Actuellement ( 1878 ) , la malade présente une éruption généralisée abon
dante occupant la plus grande partie du tronc et des membres, et ayant
débuté il y a trois semaines environ. Elle consiste en pustules nombreuses,
des dimensions variables arrondies ou irrégulières, à tous les stades possibles
d'évolation . Ce sont des pustules typiques dès leur apparition . La plupart
sont du volume d'un petit pois, mais quelques-unes sont confluentes. Lors
qu'elles sont très petites, elles sont légèrement acuminées, mais en augmen
tant de volume, elles s'aplatissent et ont des contours irréguliers. Elles ont
de la tendance à se dessécher au centre ; il s'y forme une croûte autour de
laquelle apparait une couronne de petites pustules aplaties , isolées ou con 1

fluentes : la lésion atteint alors les dimensions d'une pièce de un franc et


même plus, et elle est entourée d'une large aréole d'un rouge sombre . Ces
pustules sont d'un blanc opaque, et contiennent un liquide puriforme d'un
jaune pâle . Celles qui sont récentes sont distendues; mais à mesure qu'elles
vieillissent, elles deviennent plus ou moins flasques et se rompent souvent ;
Je liquide se concrète alors en croûtes aplaties, inégales, grisâtres ou bru
nåtres. Par place l'éruption forme des plaques assez étendues par confluence
de deux ou plusieurs groupes. Ces groupes sont composés de deux à six
éléments et mème plus ; çà et là ils sont assez nettement constitués par une
pustule centrale volumineuse, et par trois ou quatre pustules plus petites,
périphériques. Cependant le groupement est d'une manière générale beau
coup moins net ici que dans l'herpes zoster . Outre ces pustules, on trouve
aussi sur les téguments de nombreuses excoriations, des croûtes sanguino
lentes, des traces de grattage, des plaques fortement pigmentées avec ou
sans croûtes anciennes, enfin une teinte générale des téguments d'un jaune
sale brunàtre.
12 octobre. Depuis l'entréo de la malade à l'hôpital, on l'a étudiée de près,
et l'on a pu se convaincre que les éléments éruplifs dès lour apparition
étaient bien des pustules de la grosseur d'une tête d'épingle et dont l'éclo
sion est précédée et accompagnée d'un prurit des plus violents . L'aréole
inilammatoire périphérique est d'abord insignifiante, mais dans les douze ou
vingt-quatre heures qui suivent leur apparition, les pustules s'agrandissent
beaucoup, deviennent flasques au centre , s'y recouvrent d'une croûte dépri
mée d'un jaune grisâtre , tandis qu'autour de cette croûte se forment de nou
velles pustules blanchâtres, petites, aplaties, assez mal définies, constituant
une sorte de couronne irrégulière brisée tout aulour de la croûte . En même
temps, l'aréole périphérique prend une notable extension .
Le 1er novembre , la poussée éruptive a presque entièrement disparu ; la
malade dit qu'elle va être relativement bien pendant une courte période,
puis qu'elle aura suivant toute probabilité une nouvelle attaque de l'affection .
Le traitement institué est un traitement tonique , on lui donne de plus des
purgatifs salins , du bromure de potassium , du chloral, et on lui fait locale
ment des lotions d'acide phénique et de goudron pour tâcher de calmer le
prurit qui reprend néanmoins de temps en temps toule sa première intensité.
Le 22 janvier 1879 , la malade est couverte d'une éruption datant de 15 jours ,
210 REVUE DE DERMATOLOGIE .

occupant presque toute l'étendue des léguments, et composée de papules et


de papulo - vésicules aplaties, de forme et de dimensions irrégulières, reposant
sur une peau rouge , fort infiltrée et parlout excoriée par le grattage. Çå et
là sur le tronc et sur les membres, mais en particulier sur le dos, les bras,
les fesses et les cuisses, l'on voit des groupes de vésicules de la grosseur
d'une tèle d'épingle, petites, assez difficiles à distinguer pour qu'il soit né
cessaire de les observer de très prés. Chaque groupe en contient de trois å
douze et plus. Sur le front el sur le cou , on trouve quelques éléments de
mème nature, mais plus petits et disséminés.
Elle a guéri de celle poussée en février; elle est restée relativement bien
pendant dix jours environ, puis elle a été reprise d'une nouvelle éruption de
papules et de vésico -papules. En octobre 1879, les lésions cutanées avaient
de nouveau revêtu le caractère de pustules. L'affection a continué à évoluer
ainsi jusque dans ces derniers temps (1883 ), cependant elle semble avoir
un peu diminué d'intensité. La malade a eu depuis lors un enfant, et ,
pendant sa grossesse, sa dermatose ne l'a nullement inquiétée, il y a eu
pendant cette période une très réelle amélioration . Aucun des nombreux
médicaments internes qu'on a administrés, arsenic à doses fortes ou faibles,
quinine, fer, soufre, purgatifs salins, alcalins, ne semble avoir eu d'eliet
utile. A l'intérieur, les pommades faibles ou fortes et les lotions d'acide phé
nique , de goudron et de préparations mercurielles n'ont donné qu'un sou
lagement passager.
Telle est l'observation que Duhring publie comme un exemple lypique de
la variété pustuleuse de sa dermatitis hepetiformis.

VIII . Voici maintenant un nouveau document tout à fait récent sur


l'impetigo herpetiformis d'Hebra ; il vient d'être publié en Amérique
par le Dr Boardman .

Il s'agit d'une femme, âgée de 26 ans, jusque-là bien portante, et qui fut
reçue le 11 mars 1884, au Boston Lying. In hospital pour une légère hé
morrhagie consécutive à l'extraction du placenta ; les couches avaient, 14

d'ailleurs, été normales. Le 14 mars, la température étant très élevée, le


pouls rapide, et les lochies fétides ; on lui donna une injection intra-utérine avec
une solution de sublimé au deux millième. On la répéta le lendemain matin et
soir , et l'on fit après chaque injection des insufflations de poudre d'iodoforme
dans l'intérieur de l'utérus. Cet état continua avec des aggravations etdes
rémissions jusqu'au 19 mars , époque à laquelle on vit apparaitre une rou
geur érythémateuse sur les grandes lèvres et à la partie interne et supérieure
des cuisses. Le 20 mars ces régions se recouvrirent d'une éruption vésiculo.
papuleuse et pustuleuse, et la rougeur érythémaleuse s'élendit sur les fesses,
les cuisses, la partie inférieure de l'abdomen, et les seins . Sur cette base
entlammée, les papules et les vésicules se formaient avec la plus grande 1'a
pidité. Bientôt les parties qui avaient été tout d'abord prises commencèrent à
desquamer : sur le tronc l'éruption devint confluente, l'épiderme ful soulevé
par une sérosité assez abondante de facon à former des bulles flasques,
qui grandissaient et se rompaient rapidement, laissant à découvert un derme
non ulcéré d'une couleur rouge vif, humide pendant quelque temps, puis de
venant le siège d'une desquamation composée de lamelles larges et minces. La
surface tout entière du légument externe fut graduellement envahic et pré
REVUE DE DERMATOLOGIE . 241

senta les lésions qui viennent d'être décrites. Le visage , les bras et les
jambes devinrent le siège d'un ædėme notable pendant l'acmé du processus.
La desquamation fut particulièrement abondante au cuir chevelu, aux avant
bras, aux mains , aux jambes et aux pieds. La malade se plaignait d'un peu
de prurit, et de douleurs très vives surtout lorsqu'elle voulait exécuter des
mouvements. La prostration était très marquée. La durée de l'affection fut
d'environ trois semaines, et la convalescence s'établit très rapidement . Le
traitement consista en injections de morphine contre les douleurs , et en ap
plications externes d'oléate de zinc.

L'auteur croit pouvoir ranger ce cas dans ce petit groupe de faits au


nombre d'une vingtaine à peine que l'on a publiés dans ces dernières
années sous les noms d'herpes gestationis, herpes vegetans, herpes
p !ænicus, herpes circinatus bullosus, herpes impetiginiformis, impe
tigo herpetiformis, et , ajoute - t- il, bien à tort selon nous, pemphigus
pruriginosus.
L'étiologie de cette affection est fort obscure . D'ordinaire, on l'attri
bue à des troubles nerveux réflexes ayant leur origine dans l'état de
grossesse où se trouvent les femmes qui en sont atteintes. Dans le cas
actuel, l'auteur a été tenté tout d'abord de rattacher l'éruption à la sep
ticéniie ou à une intoxication par l'iodoforme.

IX. – Le dernier fait que nous ayons à analyser montre encore


mieux combien la question de la dermatitis herpetiformis est con
fuse en Amérique. L'observation du Dr Robinson porte, en effet, les
trois titres suivants : 1° hydroa, c'est-à-dire ce que nous connaissons si
bien en France au point de vue purement clinique et objectif depuis les
travaux de Bazin ; 2. impetigo herpetiformis, c'est - à -dire la variété
d'éruption décrite par Hebra, dont nous venons de parler ; enfin 3° der
malitis herpetiformis, c'est-à- dire la maladie nouvelle qu'a voulu créer
Duhring. Donc, pour le Dr Robinson l'hydroa, l'impetigo herpetiformis
et la dermatitis herpetiformis ne seraient qu'une seule et même derma
tose.
Voici le résumé de son observation :

Il s'agit d'un enfant de dix ans , assez chétif, qui avait eu trois ans aupa
rarant une éruption semblable à l'éruption actuelle, éruption qui avait duré
plusieurs mois. Il y a dix mois, il avait eu très probablement une légère al-'
taque de rhumatisme articulaire. L'éruption actuelle n'a été précédée d'au
cun prodrome, et a débuté il y a environ deux mois, sans s'accompagner de
phénomènes généraux, par des bulles transparentes qui se sont montrées
d'abord aux chevilles, puis ont gagné tout le corps. Il en a maintenant de
nombreuses sur le thorax, l'abdomen, la partie postérieure du scrotum , la
partie interne des cuisses où elles sont presque confluentes ; sur les jambes
el sur les bras, elle sont au contraire assez clairsemées . La paume des mains
et la plante des pieds, aussi bien que les muqueuses, sont indemnes.
ANNALES DE DERMAT. , 2° SÉRIE, VI. 16
212 REVUE DE DERMATOLOGIE .

L'éruption commence sous forme de papules, de vésicules ou de bulles, et


constitue des plaques irrégulières d'une grandeur qui varie de quelques
millimètres à deux pouces et plus de diamètre. Les plus pet tes sont des pa
pules rouges, surélevées, contenant un peu de séroité à leur sommet. Les
plus grandes sont formées de vésicules ou de bulles intactes ou rompies,
disposées en groupes ou en anneaux , et reposant sur une base intilirée ou
enflammée : le centre de ces grandes plaques est plus ou moins indemne. 1

Elles résultent de l'extension périphérique graduelle des petits éléments pa


puleux qui deviennent vesiculeux, puis dont le centre s'affai-sı peu àà peu,
landis que l'éruption papulo - vésiculeuse gagne en suivant une marche cen
trifuge. Les anneaux voisins se réunissent parfois pour former des plaques
plus considérables. Dans le dos, l'éruption offre les mêmes caractères d'ex
tension périphérique graduelle, mais c'est à eine si i'on peut apercevoir
quelques petites vésicuies sur le bord des plaques qui semblent n'être consti.
tuées que d'éléments papuleux. Au centre des grandes plaques, on peut voir
survenir de nouveaux éléments éruptifs, soit des bulles , soit des papules.
Quelques éléments éruptifs con nencent par une bulle transparente de la
grosseur d'une lète d'épingle à peine reposant sur une base érythémateuse.
Cette bulle grandit, devient opaque , et 1011t autour d'elle se forment de nou
velles bulles. Cette variété d'eruption s'observe surtout sur l'abdoinen el sur
la partie antérieure du thorax . Elle tinit par donner lien à des surfaces ex. 뿐

coriées recouvertes d'une sécrétion séro -pirulente et de croûles.


Il existe aussi çà et là des bulles emplètement isolées ressemblant à
celles de la varicelle ou lu pemphigus, atteignant parfois le volume d'une 3

noisette , et ne s'entourant pas d'un cercle de billes périphériques. En


somme , l'éruption dans son ensemble est caractérisée par le mode de grou
pement des éléments que forment des cercles plus ou moins réguliers, parla
coexistence do papules, de vésicules et de bulles, entiu par un prurit intense
et par une pigmentation des plus nelles persistant après la disparition des 1

éléments éruptils .
Le Dr Robinson a complété son observation par la publication de deux
superbes chromolithographies montrant l'aspect général de l'éruption surla
partie antérieure et sur la partie postérieure du tronc.

Tels sont les documents nouveaux que nous fournissent les auteurs amé,
ricains sur la dermatite herpetiforme. Quant à moi, après leur analyse al
tentive, j'avoue ne pouvoir comprendre qu'on puisse faire rentrer dans un
même groupe morbide trois fails aussi disparates que les trois faits précé
dents . Celui du Dr Robinson nous semble être purement et simplement
ce que nous désignons encore en France sous le uoin d'érythème poly
morphe vulgaire à forine bulleuse L'observation du Dr Boardman pré 1

sente tous les caractères d'une derinalite, d'une éruption bulleuse et


érythémateuse, causée par une intoxication quelconque soit médicamen
teuse , soit septicemiq e , affectant d'emblée une grande intensité, s'ac
compagnant de phénomènes généraux graves, et évoluant avec la plus
grande rapidité. Elle est donc tout à fait coinparable aux cas déjà pu
bliés par Hebra et par Kaposi sous le nom d'impeligo herpetiformis, et
qui présentent, ainsi que l'ont si bien dit M.M. Besnier et Doyou
REVUE DE DERMATOLOGIE . 243

(Trad. française de l'ouvrage de Kaposi , t. II , p . 49, note 1 ) , tous les


caractères des éruptions septicémiques, ou des dermatites réflexes d'ordre
trophique. A l'heure actuelle, il serait peut-être permis de se demander
si l'on ne doit pas les ranger dans le groupe nouveau des érythèmes
polymorphes infectieux . Ils en ont l'extrême gravité, la rapidité d'al
lures, les symptômes généraux et locaux multiples, enfin les manifesta
tions cutanées.
Dans la première des trois observations précédentes, il s'agit , au con
traire, d'une dermatose à allures lentes , chronique, caractérisée par des
poussées successives, persistant sans grandes modifications pendant des
années, survenant sans cause connue chez des personnes bien portantes,
n'ayant en somme de commun avec les cas dont nous venons de parler
que certaines apparences extérieures. L'impetigo herpetiformis d'Hebra
etde Kaposi a toujours été observé chez des femmes enceintes ; la der
matitis herpetiformis de Duhring, loin de s'exagérer, s'atténuerait au
contraire pendant la grossesse. Nous le répétons, nous ne comprenons
pas l'assimilation établie par Duhring entre la variété pustuleuse de sa
dermatitis herpetiformis et l'impetigo herpetiformis d'Hebra. Tous ces
rapprochements malheureux ne peuvent que nous mettre en garde contre
l'existence de la dermatitis herpetiformis comme entité morbide distincte .
Nos lecteurs peuvent, d'ailleurs, dès à présent , commencer à se faire
une idée de ce que l'on décrit sous ce nom par la lecture des deux ob
servations que nous avons analysées aussi complètement que possible :
celle que nous publions dans cet article (cas de Dubring — Il) et celle
qui se trouve dans le numéro des Annales de Dermatologie de sep
tembre 1884, p. 559. D' L. BROCQ .

X. – CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'AERPĖS TONSURANT ET DU FAVUS, par


-

G.BEHREND. ( Vierteljahresschrift für Dermatologie und Syphilis, 1884. )


XI. – TRAITEMENT DE L'HERPĖS CIRCINÉ DU CUIR CHEVELU, par J. Foulis.
(British medical Journal, 14 mars 1885.)
X. - L'auteur fait remarquer en premier lieu que l'on peut à l'aide
d'une réaction macroscopique reconnaître si un cheveu est ou non
envahi par le trichophyton . En effet, si on humecte avec du chloroforme
des cheveux trichophytiques ils prennent, une fois le chloroforme évaporé,
one teinte blanc crayeux. Dyce Duckworth avait déjà fait la même ob
servation qui avait, il est vrai, passé presque inaperçue.
Cette coloration en blanc déterminée par le chloroforme s'étend à
tout le district envahi par le trichophyton, mais ne le dépasse pas ; elle
s'efface et le poil reprend sa coloration normale dès qu'on l'humecte
244 REVUE DE DERMATOLOGIE .

avec une gouttelette d'huile, le même phénomène se reproduit sous l'in


fluence du chloroforme . Le chloroforme agit ici en enlevant la graisse ;
cependant comme les poils indempes de champignons et dépouillés de leur
graisse, paraissent ternes, mais conservent leur coloration normale, il
faut bien admettre que, dans ce cas , les modifications matérielles de la
substance du poil provoquées par le tricophyton sont les conditions fon
damentales pour que la teinte blanche apparaisse. Or, ces modifications
consistent dans la dissociation par le champignon de la substance du poil,
ce qui amène la pénétration de l'air dans son intérieur. Il suffit d'exami
ner au microscope un cheveu trichophytique qui est resté très peu de
temps en contact avec une solution de potasse caustique pour voir com
bien il se rassemble de bulles d'air de toutes dimensions au- dessus, au
dessous et à côté du cheveu et combien celles-ci se multiplient lorsque
la solution de potasse pénètre dans l'intérieur.
Cette modification de la substance du poil qui se manifeste sous l'in
fluencedu chloroforme est d'autant plus caractéristique pour le tricophyton
qu'on ne l'observe pas avec les autres dermatophytes connus jusqu'à
présent. Ainsi, on ne voit jamais cette teinte blanche survenir sur les
cheveux atteints de favus. La solution de potasse caustique ne moditie
1

pas non plus les cheveux faviques aussi fortement que les cheveux tri
chophytiques. On voit bien sur le poil favique, qui a été longtemps
exposé à l'action du parasite, quelques fissures longues, étroites, conte
nant de l'air, se produire lorsque la solution de potasse caustique y pé
nètre, mais jamais on n'observe une dissociation aussi prononcée que
celle provoquée par le trichophyton au bout de quelques jours seulement.
Cette réaction produite par le chloroforme sur le poil trichophytique,
l'auteur dit l'avoir constatée sur des cheveux qu'il prit sur une plaque
tonsurante de la tête, chez un enfant de quatre ans, où il existait un
herpès depuis quatre à cinq jours ; les cheveux s'étaient tous cassés au !

niveau de la peau lors de l'épilation . Sous l'influence du chloroforme


leur extrémité devint blanche, de sorte que chaque tronçon de cheveu
paraissait terminé par une petite tête blanche.
La réaction par le chloroforme décèle même macroscopiquement
une différence capitale entre le champignon du favus et le trichophyton.
Ce dernier détruit et désorganise en peu de jours la substance du cheveu
et diminue sa cohésion , de telle sorte qu'il se déchire sous une traction
relativement faible, tandis que le favus envahit le cheveu sans entrainer
sa dissociation , sans attaquer d'une manière essentielle sa solidité , aussi
le plus souvent réussit-on à extraire le poil favique avec la racine. C'est
ce qui explique que, dans un favus ancien , le champignon prolifère très
loin dans la portion extra -folliculaire de la tige du poil .
Il en est tout autrement dans l'herpès tonsurant, parce que de très
REVUE DE DERMATOLOGIE . 245

bonne heure le champignon désorganise la tige du cheveu qui se casse


avant que la prolifération n'ait atteint une grande hauteur, aussi les
cheveux malades s'élèvent-ils comme de courts tronçons au -dessus du
niveau de la peau .
Les deux parasites ont aussi , comme on le sait , un mode différent de
prolifération dans la partie intrafolliculaire des poils ; dans les cheveux
faviques, on voit les tubes de mycelium pénétrer profondément dans le
bulbe.
Si on examine des poils provenant d'un herpès tonsurant ou d'une
nodosité sycosique, épilés avec leur bulbe , la preuve par le chloroforme
ne se produira que sur un petit nombre de poils . Mais dans ces poils le
bulbe conserve toujours sa coloration normale, et si on glisse douce
ment une aiguille sur le cheveu , on peut effeuiller facilement le bulbe ; ce
qui prouve que la substance du cheveu dans sa partie sus-bulbaire a perdu
sa cohésion . Dans les cheveux examinés , par le Dr Behrend, les données
fournies par le microscope correspondaient à celles de l'examen macros
copique, car on voyait les fils de mycelium s'approcher à peine du
bulbe, parfois même former au-dessus de lui une ligne très nette de dé
marcation .
Enfin le chloroforme est un moyen clinique précieux pour l'étude des
cheveux malades ; il est aussi très utile pour différencier l'herpès tonsu
rant chronique du cuir chevelu de cette forme d'alopécie en aires que
M. Lailler aa décrite sous le nom d'alopécie pseudo - tondante, et , dans
laquelle, on trouve de courts tronçons de cheveux à la périphérie des
plaques chauves.
La réaction chloroformique peut servir aussi à s'assurer de la guéri
son de l'herpės tonsurant. C'est même exclusivement dans ce but que
Dyce Duckworth l'avait recommandée; il conseillait d'humecter avec
du chloroforme la région malade, afin de constater, par la coloration
que prenait les cheveux, si la guérison était complète. Mais selon le
D Behrend et d'autres auteurs on n'a jamais obtenu de résultats in situ ;
peut- être est-ce la raison pour laquelle on a laissé de côté le procédé de
Duckworth . A. DOYON ,

XI . – On commence par couper les cheveux court tout autour des


parties malades . Puis on applique un bandeau sur le front afin d'éviter
que le liquide employé en friction ne pénètre dans les yeux . On frotte
alors énergiquement avec le doigt indicateur les plaques de tondante
avec l'essence de térébenthine afin de la faire bien pénétrer dans le cuir
chevelu. Les croûtes sales et graisseuses disparaissent presque immédia
tement et les cheveux cassés se dressent comme de véritables soies . En
général au bout de trois minutes, les enfants accusent une assez vive
246 REVUE DE DERMATOLOGIE .

cuisson , ce qui indique que la térébenthine a pénétré profondément. On


frictionne alors avec un savon phéniqué les parties qui ont été en con
tact avec la térébenthine, on lave à l'eau chaude et on nettoie complète
ment le cuir chevelu. L'application de savon fait rapidement cesser la
sensation de cuisson . On sèche ensuite la tête avec soin et on applique
sur les parties malades deux à trois couches de teinture d'iode ordi
naire . Aussitôt les cheveux secs , on frictionne tout le cuir che
velu avec de l'huile phéniquée (1 pour 20) pour détruire les spores qui
pourraient s'y trouver.
On renouvelle ce traitement tous les matins, ou matin et soir suivant
les cas, en général une semaine suffit pour guérir les cas les plus graves
(generally cures the worst cases in the course of a weeck. ) (?)
L'huile de térébenthine est un germicide puissant ; mais c'est encore
un dissolvant plus énergique de la matière sébacée ou grasse du cuir
chevelu et elle pénètre rapidement les tissus épidermiques , y compris
les cheveux malades, et prépare la voie à un germicide plus efficace en
core , la teinture d'iode .
Dans plusieurs cas graves, l'auteur a employé de la térébenthine iodée
(60 centigrammes d'iode pour 30 grammes de térébenthine) au lieu de
teinture d'iode, après que le cuir chevelu avait été préalablement lave et
nettoyé, mais dans la plupart des cas le procédé ci-dessus suffit pour
détruire le trichophyton .
On peut employer le même traitement et de la même manière pour la
trichophytie des autres régions du corps. A , DOYON .

XII. — LA LÈPRE DANS LE MINNESOTA , DE 1869 A 1883, par le Dr Ch.


GRÖNVOLD. (Journal of cutaneous and venereal diseases, janvier 1884,
p. 17.)
F
XIII . CAS DE LÈPRE TUBERCULEUSE OBSERVÉ DANS LE MINNESOTA, par le
D' A.-G. STODDARD . (Journal of cutaneous and venereal diseases,
décembre 1884, p. 372. )
XIV. - CAS DE LÈPRE INDIGÈNE, par W.-H. GEDDINGS . ( The medical Re
-

cord, 16 août 1884, p. 177. )


XII . Les discussions récentes qui ont eu lieu au congrès de Copen
hague, sur la lèpre, discussions que notre excellent ami, M. le Dr Barthé
lemy a si magistralement exposées dans un numéro précédent des Annales,
donnent un regain d'actualité à cette question. Or il est en ce moment deux
pays où cette affection est le plus spécialement étudiée : La Norwege où
elle est endémique ; les États-Unis d'Amérique dans lesquels on avait tout
récemment signalé plusieurs foyers d'infection . Certains médecins de ce
REVUE DE DERMATOLOGIE . 247

pays, s'appuyant sur la théorie parasitaire de la lèpre et sur quelques


faits d'observation , ont admis sans aucune réserve la contagiosité de
cette maladie , ont prétendu qu'elle faisait de réels progrès dans quelques
localités de l'Union , et ont même réclamé à cet égard de leur gouver
nement des mesures draconiennes afin d'obtenir l'isolement réel et effi
cace des lépreux. ( V. Annales de Dermatologie et de Syphiligraphie,
décembre 1883. ) Le rapport que vient de publier le Dr Grönvold sur
l'état sanitaire du Minnesota au point de vue de la lèpre pendant une
période de quatorze années, montre que ces craintes, fort légitimes d'ail
leurs, sont cependant exagérées . Voici en effet quels sont les principaux
résultats de son enquête. Lorsque le D' J.-H. Holmboe, qui était chargé
de la direction de l'hôpital des lépreux de Bergen, en Norwege, visita
en 186 le Minnesota pour étudier les modifications que le changement
de milieu et de climat pouvaient faire subir à l'affection, il trouva dans
cette contrée douze lépreux, parmi lesquels deux seulement étaient in
digènes. Les dix autres malades qui avaient émigré de Norwège et qui
avaient déjà la lèpre à leur départ de leur pays natal semblaient aller
beaucoup mieux que s'ils étaient restés dans leur patrie .
En 1869-70, le professeur Beck , de Christiania, visita à son tour le
Wisconsin , l'Iowa et le Minnesota : Il trouva dans ces trois Etats dix
huit lépreux , tous venus des régions de la Norwege où la lèpre est endé
mique : neuf d'entre eux étaient atteints de lépre anesthésique, trois de
lepre tuberculeuse , et six présentaient un mélange de ces deux formes.
Neuf d'entre eux étaient déjà malades lorsqu'ils avaient émigré ; les
neut autres avaient vu leur affection débuter alors qu'ils étaient déjà en
Amérique . Parmi ces derniers, huit avaient des lépreux dans leur famille,
et les premiers symptômes se montrèrent chez eux 2 ans 1/2, 3 ans,
3 ans 1/2, 5 ans, 6 ans, 8 ans , 9 ans 1/2 et 10 ans après l'époque de
leur émigration . Or, comme ces huit malades n'avaient pu être conta
gionnés qu'en Norwege, il faut admettre, ou bien que chez eux la lèpre
a été héréditaire, ou bien que le temps qui s'écoule entre la contamina
tion et l'apparition des premiers symptômes peut être de 9 à 10 ans .
Bæek pense que l'on doit admettre l'influence certaine de l'hérédité :
cette hérédité lui paraît être indiscutable dans des cas comme les sui
vants :

S. S ... , âgé de 45 ans , émigra en Amérique à l'âge de 14 ans, en


parfait état de santé. Son père était mort à 50 ans à l'hôpital des lépreux
de Bergen ; la seur de son père était également atteinte de lépre, son
frère et sa seur étaient morts de la même affection en Norwege. S. S...
s'installa aux États -Unis dans une contrée où il n'y avait jamais eu de
lépreux, où il n'a jamais été en relation avec aucun lépreux, et qu'il n'a
jamais quittée. Ce n'a été cependant que neuf ans et demi après avoir
248 REVUE DE DERMATOLOGIE .

abandonné sa patrie qu'il a vu survenir les premiers symptômes de l'af


fection .
Le dernier des neufcas qui s'étaient développés en Amérique semblait
au contraire, d'après le professeur Beck , pouvoir être rapporté à la con
tagion . Il s'agissait, en effet, d'une femme de 39 ans , qui devint lé
preuse après douze aus de séjour en Amérique sans avoir eu de lépreus
dans sa famille. Elle avait donné, paraît-il, pendant quelque temps des
soins à un lépreux . Bæck est d'ailleurs de l'avis du Dr Holmbæ et pense
que l'affection est plus bénigne et marche avec moins de rapidité chez
les lépreux qui passent en Amérique que chez ceux qui restent en
Norwege.
De tous les malades que le professeur Beck vit en 1869-70 dans le
Minnesota, il n'en reste plus qu'un seul : tous les autres ont succombé.
En outre cinq nouveaux lépreux sont depuis lors venus mourir dans
cet État, tous les cinq avaient des lépreux dans leur famille. En ce mo
ment le Minnesota renferme encore six lépreux vivants, quatre sont at
teints de la forme anesthésique et deux de la forme tuberculeuse ; trois
d'entre eux ont des antécédents héréditaires nets . Parmi les trois autres,
deux sont partis de Norwège étant déjà malades ; la dernière est une
femme et prétend n'avoir jamais eu de lépreux parmi ses parents; elle
vient cependant du district de Balestrand qui est tout particulièrement
infecté . Elle n'a vu paraître les premiers symptômes de son affection
qu'après un séjour de neuf ans en Amérique. Ce dernier fait, que je ne
puis rapporter dans tous ses détails, mais que l'on trouvera relaté dans
le mémoire que j'analyse me semble être dans l'espèce d'une extrême
importance S'il est en effet bien prouvé que l'on ne peut invoquer chez
cette malade ni l'hérédité d'une part, ni la contamination par contagion en
Amérique d'autre part, il faut nécessairement admettre ou bien que la
lèpre s'est développée spontanément chez elle, ou bien que la maladie a
été prise en Norwège et qu'elle est restée latente en état d'incubation
pendant une période d'au moins neuf années. Dès lors il est facile de
comprendre combien la théorie de l'hérédité de la lèpre perd du ter
rain puisque tous les cas précédents attribués à l'hérédité deviennent
explicables par la contagion, du moment que la période d'incubation ou
mieux de latence de la maladie peut durer neuf et dix années . Un autre
fait des plus intéressants se dégage de cette étude sur l'état de la lepre
dans le Minnesota, c'est que tous les malheureux qui ont été observés
dans cette contrée sont des Norwégiens venant d'un pays où la lèpre est
endémique, et semblant par suite porter en eux le germe même de la maladie
qu'elle soit d'ailleurs acquise ou héréditaire . Pas un seul indigène n'a
été atteint. Dans cette région des États -Unis une étude attentive des faits
montre donc qu'il n'y a pas eu en réalité création d'un foyer d'infection,
REVUE DE DERMATOLOGIE . 219

propagation et transmission de l'affection de l'homme malade à l'homme


parfaitement sain , n'ayant aucune tache originelle.
Le D' Grönvold fait de plus remarquer dans son article que quatre de
ces lépreux norwegiens transplantés en Amérique ont eu des enfants ;
que leurs descendants sont même assez nombreux (17 enfants ou petits
enfants pour l'un d'eux , etc... ) et que pas un seul de leurs rejetons ne
présente de traces de lépre. Il semble donc résulter de ces faits malheu
reusement trop peu nombreux encore, que la lèpre se transmet beaucoup
plus difficilement soit par contagion , soit par hérédité , dans le nord
ouest des Etats- Unis que dans la Norwège . L'auteur croit pouvoir trou
ver jusqu'à un certain point l'explication de cette particularité dans l'é
loignement où se trouvent les émigrants des bords de la mer , dans la
propreté qui est plus scrupuleuse, dans l'augmentation du bien - être, et
la plus grande salubrité des habitations. La maladie une fois développée
sait son cours d'une manière régulière sans jamais arriver à la guéri
son, en Amérique aussi bien qu'en Norwege .

XII . - Peu après la publication du précédent article, le Dr Stoddard ,


médecin du comté de Reuville , dans le Minnesota , fut appelé auprès
d'un malade vivant depuis quatre ans, isolé dans la campagne , et qu'il
trouva atteint d'une lèpre tuberculeuse des plus caractérisées. Comme
ce cas n'est point relaté dans le mémoire que je viens d'analyser, il est à
craindre que ce ne soit pas là le seul oubli , et que le Dr Grönvold ne nous
ait tracé qu'un tableau assez incomplet de la lèpre dans le Minnesota.
Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai qu'il s'agit encore ici d'un
Norwegien, âgé de 46 ans , dont l'auteur nous relate l'histoire avec assez
de précision et dont il nous donne un dessin tout à fait probant au point
de vue du diagnostic . Le malade présente en effet un léontiasis des plus
nets ; son affection a débuté il y a quatre ans à peine au moment même
ou il a quitté la Norwege pour venir s'établir aux Etats-Unis.

XIV. - Le cas que publie le Dr Geddings est au contraire un cas de


lepre indigène . Il s'agit d'une jeune fille âgée de 20 ans, issue de parents
anglais établis dans la Caroline du Sud depuis plusieurs générations . A
l'age de dix ans, alors qu'elle jouissait d'une excellente santé, elle vit se
former sur la jambe droite , immédiatement au -dessous du genou, une
plaque blanche , indolente, ne faisant pas saillie sur le niveau normal de
la
peau et de la grandeur d'une pièce de cinquante centimes . Trois mois
après une seconde plaque apparut sur le coude gauche ; elle présentait
les mêmes caractères que la première , mais elle était entourée d'une au
réole brunâtre. Des macules semblables, toutes caractérisées par une
anesthésie absolue , continuèrent à se montrer ainsi sur les différentes
250 REVUE DE DBRMATOLOGIE .

régions du corps pendant la première année . L'année suivante il se pro


duisit des infiltrations assez nettement limitées de la peau qui prenait
une consistance lardacée, une coloration brunâtre ou d'un jaune sale, et >

n'était pas insensible à ce niveau . Ces lésions persistèrent en s'aggravant


lentement pendant huit ans . En février 1882 des tubercules hémisphé
riques de la grosseur d'un pois apparurent sur le visage , et dès lors il
fut impossible de méconnaître la nature de l'affection. L'auteur fait
remarquer qu'il a déjà observé plusieurs cas isolés de lèpre indigène à
Charleston et dans les environs de cette ville , vingt, dit-il , dans un laps
de temps de 25 années. Cette affection semble frapper surtout la race
blanche; cependant il l'a aussi rencontrée chez des mulâtres et même chez
des nègres de race pure . Dans un cas la mère et la fille furent prises en
même temps ; mais dans tous les autres faits qu'il a pu observer il n'a
jamais pu constater ni l'influence de l'hérédité , ni aucune cause possible
de contagion : aussi ne lui semble-t-il nullement nécessaire d'isoler les
lépreux. Depuis plus de 40 ans on observe des cas de lèpre sur les côtes
de la Caroline du Sud sans que le nombre des malades paraisse aug
menter, sans qu'il se crée des foyers de contagion, et le public connais
sant bien ce fait d'expérience fréquente les lépreux sans la moindre ré
pugnance sachant bien qu'il ne court aucun risque de contracter la
maladie en les touchant.
Je ne saurais m'empêcher de faire remarquer que les idées précédentes
sont absolument personnelles au Dr W.-H. Geddings et que les recher
ches les plus récentes sur l'étiologie de la lèpre semblent démontrer leur
peu de fondement. En Amérique même la théorie de la contagiosité de
la lèpre vient d'être soutenue. ( V. Annales de Dermatologie et de Sy.
philigraphie, décembre 1883.) L'ardeur quelque peu exagérée avec la
quelle elle a été proclamée, et la rigueur des mesures que le gouverne
ment a été sommé de prendre à cet égard ont peut-être déterminé le
D'Geddings à écrire l'article que nous venons d'analyser. Comme toujours
la vérité semble se trouver entre les deux opinions extrêmes. Certes, il
est à l'heure actuelle fort probable que la lepre peut être contagieuse, ou
tout au moins que certaines variétés de lèpre le sont dans certaines con
ditions qui restent encore à préciser, mais d'autre part il semble incon
testable que cette affection n'a pas à notre époque, dans la plupart
des pays, certains exceptés, une grande puissance de diffusion .
L. BROCQ .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 251

IV.- EIN MERKWÜRDIGER FALL VON GREISENHAFTER VERANDERUNG DER ALLGE


MEINEN KÖRPERDECKE BEI EINEM ACHTZEHNJHARIGEN JUNGLING (CAS EXTRA
ORDINAIRE DE TRANSFORMATION SÉNILE DE LA PEAU CHEZ
.
UN JEUNE
HOVME DE 18 ANS , par le professeur RossBACH (in Deutsches Arch .
für klinische Medicin , février 1885) .

Le cas dont il s'agit est probablement unique ; il concerne un jeune


homme de 18 ans qui, dans l'espace de deux ans et demi, par consé
quent depuis l'âge de 16 ans, a pris peu à peu l'aspect extérieur d'un
vieillard de 60 ans.

V. F ... est né le 8 mars 1866 à Erfurt, actuellement (octobre 1884 ) il est


ågé de 18 ans et demi. Il appartient à une famille qui est en somme d'une
bonne santé . Une de ses grand’mères est morte d'un cancer du sein ; sa
mère est , selon toutes probabilités, morte de tuberculose en octobre 1881. Le
père est boulanger et sujet à de fréquentes poussées d'eczéma généralisé. De
six frères et soeurs, deux sont morts dans la première enfance, les quatre
autres sont bien portants. Il en est de même de F ... , qui jusqu à présent n'a
jamais été malade. Il est apprenti boulanger, et naturellement souvent exposé
à des alternatives de chaud et de froid . Il fait remonter le début de sa trans
formation actuelle au commencement de sa 16° année, mais sans pouvoir en
indiquer la cause. A cette époque on avait remarqué que la peau de si figure
paraissait plus épaisse. Cet épaississement ou cette hypertrophie avait aug .
menté de plus en plus, au point de former de nombreux plis. Peu à peu le
processus avait gagné la peau du cou , puis celle de la poitrine et de l'ab
domen ; cette transformation ne s'est pas produite simultanément. Sur les
membres supérieurs, ainsi que sur les membres inférieurs, ces derniers ont
du reste actuellement encore une peau presque normale, le processus n'a
commencé que tout à fait dans ces derniers temps . Notons aussi que, durant
ces trois dernières années , la santé de V ... n'a rien laissé à désirer, il est très
affirmatif sur ce point. Il signale comme seule circonstance digne d'attention
que depuis longtemps il ne transpire plus comme autrefois, à moins que la
température ne soit très élevée ou qu'il fasse un travail pénible. Jamais
d'excès de boisson ni de table ; pas d'excès vénériens non plus ; il n'a jamais
eu la syphilis.
Etat actuel . V ... a 1m , 66 ; nu , il pèse 65 kilos ; le système osseux
est vigoureux, bien développé; grande force musculaire. La circonférence
thoracique, mesurée les bras tenus horizontalement, donne , pendant une
inspiration profonde, 91 centimètres ; pendant une forte expiration , 86 cen
timètres. L'abdomen mesuré au -dessous des cartilages costaux, 76 centi
metres ; au niveau du nombril, 88 centimètres. Pouls 52 à 60 , régulier. Tem
pérature normale, ni ædème, ni ictère. Peau douce, tantot sèche, tantôt
humide; de temps à autre elle devient le siège de petites plaques prurigi
neuses.
fréquentsL'odeur de la peau est très désagréable, malgré l'usage de bains
.
La figure de ce jeune homme de 18 ans et demi a tout à fait le caractère
de la sénilité, aussi toutes les personnes qui le voient pour la première fois,
sans le connaitre, lui donnent de 60 à 70 ans.
252 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Toutefois la face a conservé un teint rose et de bonne santé ; la moindre


cause , des questions, l'examen de son corps , provoque une rougeur émotive
très marquée .
Par contre , la peau du front et d'une partie de la face forme des plis volu
mineux. L'ouverture palpebrale est très rétrécie par suite de l'abaissement
de la paupière supérieure qui est très allongée . En écarlant les paupières on
voit la conjonctive très développée (non épaissie) . Tout autour des paupières,
la peau forme une quantité considérable de plis plus ou moins volumineux ;
l'ail est resté jeune et clair comme dans la jeunesse. Lorsque les paupières
sont fermées il reste un large pli sur la paupière supérieure. La paupière
inférieure est légèrement en ectropion , la conjonctive entre la cornée et la
paupière inférieure est tellement développée et plissée que la paupière est
maintenue très éloignée de l'æil .
Le nez parait très élargi et la peau qui recouvre la partie cartilagineuse
est comme pendante. L'extrémité du nez, autrefois aplatie, a pris par suite
une forme légèrement convexe .
La lèvre supérieure est informe , volumineuse , massive ; il en est de même
de la lèvre inférieure qui est très épaisse , saillante . La bouche est devenue
très large. Au niveau du menton et de la lèvre inférieure, la peau forme de
nombreux plis transversaux .
Le pavillon de l'oreille est très volumineux , le lobule est extraordinaire
ment allongé et ride.
Sur toute la face, on peut soulever la peau en plis saillants, dont la hau
teur sur le front est de 1 centimètre ; sur le nez de 0,5 à 1,5 ; sur les joues
de 4,5 ; sur les tempes de 1,25 . La muqueuse naso -buccale est tout à fait
saine. Les dents et les cheveux ne présentent aucune altération .
La peau du cou forme vers le milieu une grande duplicature en forme de
flèche; de chaque côté il existe quatre à cinq plis longitudinaux volumineux,
parallèles , sans compter un grand nombre de petites rides transversales.
La peau de la poitrine et du ventre est pendante et forme de nombreux
replis plus ou moins volumineux ; sur la poitrine , disposés d'une manière
concentrique autour des épaules ; sur l'abdomen , leur direction est transver
sale et parallèle .
En oulre , sur le cou, le dos, l'abdomen on peut soulever facilement la
peau et faire des plis de 3 à 6 centimètres. Sur les bras, le tégument externe
présente le même élat de relâchement, toutefois à un degré moindre que sur
la région dorsale .
Sur le dos des mains et des pieds, on peut former des replis élevés qui
restent quelques minutes sans s'affaisser.
Sur les membres inférieurs, la peau adhère encore intimement aux parties
sous-jacentes, aussi a-t-elle le même aspect que chez les individus jeunes ; au
niveau des genoux elle commence à se rider légèrement.
Les organes génitaux sont très développés, sans que la peau ait augmenté
d'étendue, au contraire le prépuce ne recouvre pas le gland complètement,
le scrotum est fortement tendu .
En somme la tournure , la manière d'être de V ... sont tout à fait celles d'un
adolescent .
La sensibilité de la peau n'est pas modifiée; les différences de température
sont données exactement à un demi- degré prės ; les sensations douloureuses
sont partout nettement perçues ; pas de paresthésie. Les organes internes
REVUE DE DERMATOLOGIE . 253

examinés, soit au point de vue fonctionnel, soit à la percussion ou à l'aus


cultation , ne présentent rien d'anormal .

A quelles causes attribuer cette transformation si bizarre ? D'après la


description qui précède, il n'est pas possible de la rapporter à une alte
ration morbide de la peau , comme dans l'éléphantiasis, par exemple, à
une hypertrophie du tégument externe ou du tissu cellulaire sous
cutané, etc. , à la disparition du tissu graisseux, ou enfin à d'autres pro
cessus de constriction dans le tissu conjonctif sous -cutané. Elle paraît
être uniquement et seulement la conséquence d'une croissance exagérée
de la peau qui est d'ailleurs restée normale dans toutes ses parties cons
titutives , ainsi que dans son épaisseur et dans la conservation du tissu
conjonctif sous - cutané. On dirait en quelque sorte que la peau s'est dé
veloppée pour un plus grand corps et que ce dernier est resté trop petit
pour remplir la peau , qui est normale, sauf la perte de l'élasticité .
La peau chez cet homme pend comme un vêtement trop large, formant
de nombreux plis.
Mais la peau n'a pris que l'aspect extérieur de la peau d'un vieillard ,
les rides et l'absence d'élasticité ; par contre sa coloration n'est pas celle
qu'on observe dans la sénilité, elle est rose et agréable ; le tégument externe
n'est du reste ni épaissi ni ratatiné comme celui d'un vieillard.Pas de taches
pigmentaires accusées ; la couche cornée épidermique n'est ni sèche ni
rugueuse ; le réseau de Malpighi n'est pas aminci; la chevelure est tout à
fait celle d'un jeune homme, sur les joues un fin et jeune duvet com
mence à paraître depuis six mois. Le tissu graisseux sous - cutané est
normal ; il en est de même des glandes sébacées et sudoripares ; toutefois
la transpiration est moindre qu'autrefois.
Les rides ne sont donc dans ce cas occasionnées ni par l'amincisse
ment du derme, ni par la perte du pannicule adipeux, mais parais
sent tenir à un développement exagéré de la peau dans le sens de sa
longueur et à la diminution de son élasticité.
A la face et au cou , les plis ne sont à vrai dire produits que par des
lambeaux de peau qui pendent comme on l'observe chez certains rumi
nants ; à la poitrine et au ventre , ces rides tiennent simplement à des
éraillures de la peau et elles sont dans ces régions produites, comme
chez les vieillards, par les mouvements du corps et les contractions
musculaires.
Le professeur Rossbach ajoute qu'il a vu, il y a quelques années, à
Würzburg, un homme d'environ 35 ans chez lequel la peau pouvait
également former des plis considérables ; toutefois elle avait conservé
toute son élasticité, aussi , abandonnée à elle -même, reprenait- elle immé
diatement sa tension normale .
234 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Les nains prennent souvent, à un âge relativement jeune, un aspect de


sénililé par suite des rides prononcées de la peau . Ne serait-ce pas que
chez eux la croissance de l'enveloppe tégumentaire a été proportion
nellement plus considérable que celle du corps.
V... , ainsi qu'il a été dit, est d'une taille ordinaire et très robuste , og
est donc porté à admettre que sa peau s'est développée pour un homme
d'une taille anormale. Son père est très grand.
Quant à la cause de cette croissance exagérée du tégument externe, il
fant nécessairement la chercher dans le système nerveux central, puisque
on ne retrouve aucune irritation de la peau ; mais on peut se demander
pourquoi l'élasticité de l'organe cutané a disparu ; il est du reste tout
aussi extraordinaire que la maladie n'ait pas envahi en même temps la
peau tout entière et se soit étendue graduellement de la tête à la région
dorsale, puis aux membres supérieurs et qu'actuellement elle commence
à gagner les jambes. A. DOYOX .
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

I. - LA COCAÏNE DANS LA THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES VÉNÉRIENNES ET


DE LA PEAU , par Bono. (Gaz. delle Cliniche, 1885 , I. )
11 : - LA DÉCOCTION DE CITRON DANS LE TRAITEMENT DE LA BLENNORRHAGIE
URÉTHRALE, par L. MANNINO. (Palermo, 1884.)
I. - On comprend sans peine toutes les applications que l'on peut
faire de cet analgésiant dans une foule de cas ressortissant du domaine
dermo-vénérien . La blennorrhagie, les chancres mous ou syphilitiques
situés au voisinage des orifices muqueux , la vulvite, les ulcérations secon
daires ou tertiaires de l'anus, etc. Je me borne à mentionner ici les bons
effets obtenus par Bono contre les douleurs de la blennorrhagie en
injectant quelques gouttes d'une solution à 2 0/0 de chlorydrate de
cocaïne et en répétant l'opération 4 ou 5 fois par jour. Cette maneuvre
est également recommandée pour préparer le canal en l'insensibilisant
aux injections fortement astringentes ou caustiques ou bien à l'applica
tion de l'endoscope. Mêmes bons résultats en ce qui concerne le cathé
térisme dans le cas de rétrécissement. Ce qu'il faut bien faire remarquer,
c'est qu'il s'agit uniquement d'un remède calmant, mais que la maladie
n'en continue pas moins son cours .
Nous rapprocherons ces faits de la très remarquable observation pré
sentée par Cazin à la Société de chirurgie, et qui a trait à la guérison
d'un vaginisme par les attouchements avec la solution de cocaïne.
II. – Prenez 3 beaux citrons ni trop verts ni trop mûrs , fraîchement
cueillis, coupez-les en tout petits morceaux avec leur écorce, mettez - les
dans un pot en terre, ajoutez 300 grammes d'eau ordinaire; soumettez
le tout à une chaleur lente jusqu'à réduction à 100 grammes, exprimez
et rejetez les parties solides, et conservez la partie liquide qui constituera
la nature de l'injection .
Le nombre des injections doit être de 3 à 4 par jour ; on ne doit
faire usage que de décoction fraiche ; au bout de 2 jours la préparation
doit être remplacée .
Tel est le nouveau'remède présenté par Mannino , comme le plus
efficace parasiticide du gonococcus . Les observations qui sont apportées
à l'appui de cette manière de voir sont très concluantes, bien que peu
nombreuses. L'auteur insiste sur ce point que le traitement peut être
256 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

commencé dès la période aiguë , et qu'en très peu de jours on voit les
microbes disparaître et la maladie s'amender. Si nous accordons une
grande confiance à cette assertion , ce n'est pas seulement parce que
l'auteur est un praticien expérimenté, un observateur sagace , mais aussi
parce que nous avons depuis plusieurs années prescrit avec succès une
préparation qui se rapproche sensiblement de la précédente.
En voici la formule telle qu'elle me fut indiquée en 1882 par mon
ami Rebatel qui me disait en avoir fait et vu faire grand usage à Lyon :
Eau .... 250 ,
Acide citrique ... 1,50
Acide salicylique .... 0,05

pour faire 2 injections par jour.


L'acide salicylique n'entre ici dans la composition de la liqueur que
pour en assurer la conservation .
La seule différence entre la pratique de notre confrère et la nôtre,
c'est que la susdite injection , nous la réservons pour la période finale,
la considérant comme surtout efficace contre les gouttes persistantes,
tandis que Mannino aborde d'emblée le traitement de la période aiguë
avec la décoction des trois beaux citrons ni trop verts ni trop mûrs,
fraîchement cueillis . JULLIEN.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE .

Paris, G. MASSON , édit ır, boulevard Saint-Germain , 120 ,

Étude anatomique et clinique sur la sclérose en plaques, par le


D: J. BABINSKI . Brochure in- 8° : 3 fr. 50 c.

Des manifestations de la syphilis sur la voûte du crâne, par le


Dr M.-E. Galtier - BOISSIÈRE. Brochure in- 8° : 3 francs.
Recherches sur la structure des corpuscules nerveux terminaux, de
la conjonctivite et des organes genitaux, par le D ' E. SUCHARD. Bro
chure in - 8 ° : 2 fr . 50 c .

Le Gérant : G. Masson.

Paris . Société d'imprimerie PacL DUPONT, 41 , rue J. -J.-Rousseau (Cl. 53.4.85.



25 Mai 1985,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES.

ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL B


A PROPOS DU TRAITEMENT DE LA GALE,
Par le Dr Albert JOSIAS,
Ancien Chef de Clinique de la Faculté de Paris à la Charité.

Depuis quatre ans environ le naphtol ß a pris droit de domicile dans


la thérapeutique des maladies cutanées, parasitaires ou non. C'est à
Kaposi que revient l'honneur d'avoir introduit ce médicament dans le
traitement des dermatoses en général, de la gale en particulier . Dès le
principe, les faits annoncés par Kaposi frappèrent l'attention des der
matologistes en France et à l'étranger. En France notamment, M. le
professeur Hardy à l'hôpital de la Charité, et M. Ernest Besnier, à l'hô
pital Saint- Louis, ne tardèrent pas à soumettre un certain nombre de
leurs malades, atteints de maladies de peau , mais surtout de la gale, à
l'action du naphtol B. Cette pratique avait un double but; contrôler les
12
faits avancés par Kaposi et vérifier le bien fondé des assertions émises
par A. Neisser .
Ayant l'honneur, à cette époque, d'être , à l'hôpital de la Charité, le
chef de clinique de M. le professeur Hardy , j'ai pu , sous la direction de
cet éminent maître, traiter plusieurs malades atteints de la gale, suivant
.
la méthode de Kaposi. J'ai recueilli avec soin les observations de mes
malades et je les ai relatées in extenso dans le mémoire que j'ai présenté à
l'Académie de médecine en collaboration avec M. Ed. Nocard. Aux
lecteurs de ce journal, je n'ai pas à apprendre que la pommade naph
tolée constitue un traitement assez lent, mais certain , et localement
inoffensif de la gale, dans un espace de temps que l'on peut évaluer à
une ou deux semaines.
Mais ce qu'il était, au contraire, essentiel d'établir et de démontrer à
à la fois par la clinique et par l'expérimentation physiologique , c'était
ANNALES DE DERMAT . , 2e SÈRIE , VI . 17
258 ALBERT JOSIAS .

la réelle innocuité, au point de vue toxicologique, de l'emploi du naph


tol .
Après avoir montré, par des observations cliniques nombreuses
et authentiques, que les accidents attribués au naphtol ß (néphrite
aiguë, hémoglobinurie) n'ont jamais été observés chez les malades
traités à la clinique du professeur Hardy, j'ai entrepris sur une
série d'animaux, chiens, cobayes, lapins, des expériences dont le but
était de rechercher les propriétés toxiques de ce nouveau médicament.
Ces expériences ont été faites à l'hôpital de la Charité, dans le labora
toire de la clinique, et à l'école d'Alfort, grâce à l'obligeance de mon
parent et ami, M. Ed. Nocard .

APERÇU GÉNÉRAL .

Le naphtol occupe , en chimie, une place importante parmi les composés


connus sous le nom générique de phénols.
Les phénols représentent une fonction spéciale ; ils sont distincts tout
à la fois des alcools et des acides avec lesquels ils présentent quelques
points de contact .
Le naphtol, signalé la première fois par Griess, est un composé hy
droxylé de la naphtaline qui dérive de ce carbure comme le phénol or
dinaire dérive de la benzine.
Il jouit donc de toutes les propriétés communes à cette classe de
composés dont l'acide phénique est le terme le mieux connu.
Mais tandis qu'il n'existe qu'un phénol dérivé de la benzine C6H3(OH) , 1

on connaît deux naphtols isomériques.


En effet, Merz ayant montré que l'action de l'acide sulfurique sur la
naphtaline produisait deux acides sulfoconjugués isomères, Schæffer put
obtenir avec chacun de ces deux acides des naphtols différents qu'il dé
signa par les lettres grecques a et ß.
Le B -naphtol C10H (OH ) dont je me suis servi dans ces recherches,
s'obtient par la fusion dans la potasse des B-sulfonaphtalates ou para
naphtaline - sulfates. On le rencontre assez pur dans le commerce ; il se
présente , alors , sous la forme de petits cristaux tabulaires, brillants,
rhombiques, fusibles à 122°, distillables de 2830-290°, facilement subli
mables, peu solubles dans l'eau bouillante , facilement dans l'alcool et
l'éther ; il colore en bleu verdâtre le bois de sapin , sa solution aqueuse
devient jaune par le chlorure de chaux .
Cette dernière réaction permet de le distinguer facilement du naphtol z
qui , dans les mêmes conditions, donne une coloration violette caracté
ristique.
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL. 239

En 1881, dans les numéros 22, 23 et 24 du Wiener med . Wochens


chrift, Kaposi publiait son premier travail qu'il intitulait :« Contribution
à l'étude d'un nouvel agent thérapeutique, le naphtol, contre les mala
dies de la peau. » Sans insister ici sur les circonstances qui ont déterminé
Kaposi à recourir à ce médicament, qu'il nous suffise de rappeler que
son traitement a été appliqué cinquante -deux fois contre la gale . C'est
avec intention que nous passons sous silence dans notre mémoire tout
ce qui est relatif aux autres dermatoses. Les cinquante -deux malades de
Kaposi ont parfaitement guéri ; ils avaient été soumis à l'action de la
pommade suivante :
Naphtol B. .
15 grammes.
Axonge . .
100 grammes .
Savon vert 50 grammes.
Craie blanche pulvérisée 10 grammes .

Des frictions énergiques étaient faites à deux reprises différentes dans


l'espace de vingt-quatre heures, notamment sur les régions habitées par
les acares ; puis, les malades étaient enveloppés dans des couvertures de
laine ou dans des vêtements de laine. Aucun des malades de Kaposi ne
présenta le moindre accident. Tous sans exception guérirent, sans le
inoindre retentissement, ni sur le rein, ni sur l'état général. Ce tableau
s'assombrit quelque temps avec les données expérimentales que Albert
Neisser fit paraître dans le Centralblatt de 1881 , nº 30. D'après Neisser,
plusieurs animaux, lapins, cobayes, chiens, auxquels il avait injecté
sous la peau des doses variables d'une solution huileuse de naphtol,
concentrée, réchauffée, avaient succombé en présentant de l'hémoglo
binurie . Or, non content de rappeler ces accidents chez les animaux ( les
doses injectées avaient varié de un gramme à un gramme cinquante
centigrammes), Albert Neisser fait également observer que ses premières
recherches chez l'homme se signalèrent par un accident des plus pé
nibles . Un enfant atteint de prurigo. et traité suivant la méthode de
Kaposi, présenta des urines sanguinolentes avec tout le cortège sympto
matique d'une maladie de Bright : ischurie, vomissements, perte de con .
naissance. L'urine retirée par le cathétérisme contenait du sang et de
l'albumine; pendant plusieurs jours, ce malade eut des attaques éclamp
tiques avec convulsions unilatérales. Neisser toutefois ne peut s'empêcher
de douter qu'une quantité aussi minime de naphtol ait été suffisante
pour engendrer une telle complication. Le malade guérit heureuse
ment et put être ultérieurement badigeonné, pendant quatre semaines,
avec une solution de naphtol à cinq pour cent (5 0/0 ) sans qu'il se pro
duisit la moindre albuminurie.
Quoi qu'il en soit, ce cas reste isolé , exceptionnel. Il se trouve en con
260 ALBERT JOSIAS .

tradiction formelle avec les nombreuses guérisons que tout le monde ob


tient avec la pommade naphtolée. A part Neisser , personne n'a signalé
7

l'hémoglobinurie chez l'homme. Et du reste, il y a là une inconnue que


Neisser est le premier à admettre, lorsqu'il arrive à douter chez son ma
lade de l'existence antérieure d'une maladie de Bright.
Quant aux résultats qu'il a obtenus chez les animaux et qu'il base
sur des expériences peu nombreuses, ils sont loin de concorder avec les
nôtres. Assurément nous sommes parvenus à tuer des cobayes auxquels
nous avions injecté 0gr, 15 , Ogr,20, 08,30 d'une solution alcoolique de
naphtol 5 au 1/10'.- Mais ces cobayes pesaient 475 grammes ; 490 gram
mes ; 435 grammes. Nous avons également tué avec la même solution
et par la voie hypodermique des lapins pesant 2,550 grammes et rece
vant 1 gramme de naphtol, mais nos expériences sur les chiens sont tout
à faitopposées aux assertions émises par Neisser. -
Aucun de ces ani
maux n'a succombé sous l'influence de nos injections ; ils pesaient de
6 kilogrammes à 32 kilogrammes et avaient reçu des doses variables,
depuis 1gr 50 jusqu'à 6gr, 40 et même 12 et 16 grammes de naphtoi,
Comme il est aisé de s'en convaincre une fois de plus, il ne faut pas
se hâter de conclure des petits animaux à l'homme. Les petits animaux
sont souvent demauvais réactifs, ou plutôt se prêtent très volontiers à l'ac
tion défavorable de tous les médicaments, de tous les principes septiques. Il
convient, au contraire, suivant les recommandations de M. Colin (d’Al
fort) de s'adresser aux grands animaux . Or les expériences que nous
avons entreprises chez les chiens démontrent jusqu'à l'évidence combien
le naphtol est incapable d'engendrer des accidents sérieux pouvant abou
tir à l'hémoglobinurie et à la mort.
Si maintenant nous appliquons à la pathologie humaine tous ces ré
sultats, si nous les opposons aux faits clíniques que tous les médecins
ont rapportés, nous sommes pleinement en droit de conclure que le
naphtol B , aux doses employées dans la pratique urbaine et nosocomiale,
est un médicament excellent contre la gale , absolument inoffensif.
La pommade naphtolée, préparée suivant les indications de M. le
professeur Hardy, est employée depuis plus d'un an à l'école d'Alfort par
M. Nocard .
Elle lui aa donné des résultats incomparablement supérieurs à ceux de
tous les autres modes de traitement dans les affections cutunées si fré
quentes et si tenaces dont les chiens peuvent être atteints . La gale,
l'eczéma rubrum , le psoriasis, le catarrhe auriculaire , cèdent ordinaire
ment très vite aux frictions de pommade naphtolée.
Plus de cent chiens ont été ainsi traités dans le service de M. Nocard ;
chez certains d'entre eux les frictions générales ont été répétées pendant
8 et 10 jours ; jamais il n'a observé le moindre accident du côté des
ÉTUNE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL . 261

appareils digestif, respiratoire et urinaire. – A ce seul point de vue ,


-

le traitement par le naphtol mériterait de remplacer tous les autres . Cer


tains chiens se lèchent dès qu'ils ont été enduits de pommade ; aucun
n'en a paru souffrir.
L'efficacité des frictions de pommade naphtolée a paru plus complète,
lorsque, après le savonnage général, on lotionnait la peau une ou deux
fois, à 24 heures d'intervalle, avec une solution de chioral à 20/0 .

II .

Recherches sur les effets toxiques du naphtol, administré par la voie


hypodermique, chez les lapins et les cobayes.
Toutes les expériences qui vont suivre, ont été faites au laboratoire
7

de M. le professeur Hardy. Nous avons fait usage d'une solution alcoo


lique de naphtol au 1 / 10 °; nous nous sommes servi d'alcool à 88 ° et
du naphtol S.
7 février 1883. – Lapin blanc pesant 2,750 grammes .
50 centigrammes de naphtol sont injectés sous la peau à 4 heures moins
cinq minutes du soir. Quelques minutes après l'injection , le train postérieur
s'affaisse et la marche devient trainante. Le lendemain matin le lapin étail
en parfaite santé .
9 février 1883 . Lapin gris pesant 2,550 grammes.
1 gramme de naphtol est injecté sous la peau , au niveau des épaules et
des hanches, à 3 heures du soir (cette dose représente 4 grammes pour.
10 kilos du poids du corps ).
Quelques secondes après l'injection, affaissement du train postérieur. Une
heure et demie après , mort sans aucune convulsion, les pattes allongées.
Autopsie. – Le lapin étant dépouillé, nous trouvons, sur les muscles de
la fesse gauche, une large eschare grisâtre, quadrilatère (4 centimètres 1/2
sor 2 ) ; les bords de cette eschare tranchent nettement avec la coloration
rosée des muscles. Mème eschare sur le côté gauche de la poitrine (2 centi
mètres 1/2 sur 1 ) . Une large eschare ( 4 centimètres 1/2 sur 3 centimètres 1/2)
sur le côté droit de l'abdomen . Toutes ces eschares répondent aux endroits
où les piqûres ont été pratiquées. A leur niveau, la peau offre une colora
tion rouge et un certain degré de ramollissement. Les eschares incisées per
mellent de constater qu'elles siègent sur les plans aponévrotiques, immédia
tement au-dessus des muscles hyperhémiés.
Absence de peritonite, d'hémorrhagie intestinale . Les reins, rouges, ne
présentent aucune infiltration hémorrhagique.
Les poumons, le cæur, l'estomac sont normaux .
11 février 1883. Lapin roux pesant 2,300 grammes.
gramme de naphtol est injecté sous la peau , à 3 heures 10 minutes du
soir,
262 ALBERT JOSIAS .

Observation . – A 3 heures 20 minutes , allongement des pattes de derrière


et affaissement du train postérieur.
A 3 heures 25 minutes, le lapin est couché sur le côté gauche, les yeux
grands ouverts, les pattes allongées ; de temps en temps quelques mouve
ments des pattes antérieures sur le parquet 40 respirations.
A 3 heures 33 minutes, quelques mouvements convulsifs du nez et des
paupières.
A 3 heures 50, le pincement de la queue du lapin provoque quelques mou
vements de défense du côté des pattes ; mais le lapin reste couché sur le
côté et ne peut parvenir à se mettre sur ses pattes.
A 4 heures 10 minutes, secousses intermittentes de tout le corps.
Nos tentatives pour recueillir de l'urine restent infructueuses .
A 4 heures 20 minutes, secousses plus accentuées, respiration accélérée.
A 5 heures 10 minutes, les mouvements brusques et les convulsions toni
ques persistent légers, moins intermittents, plus rapprochés.
A 5 heures 18 minutes, les secousses cessent complètement, les battements
du caur se ralentissent, les membres sont en résolution .
A 5 heures 25 minutes, mort dans le coma, c'est- à -dire deux heures et un
quart après l'injection.
Autopsie. - Sur le côté droit du thorax , placard grisâtre, argenté (2 cen
timètres sur 2) ; mèmes placards sur la cuisse droite et sur l'épaule gauche.
Les diverses brûlures qui résultent du liquide injecté , sont superficielles et 1
recouvrent des muscles rosés, non altérés.
Au niveau de ļa cuisse droite, nous trouvons successivement des parties
superficielles aux couches les plus profondes, une brûlure, un muscle rosé,
un plan aponévrotique blanc nacré et un deuxième muscle rosé. Dans l'épais
seur du premier muscle, existent plusieurs points hémorrhagiques, dus sans
doute à la pénétration de l'aiguille de la seringue de Pravaz , à travers les
masses musculaires.
Les intestins sont vascularisés, Pas d'hémorrhagie rénale. Les poumons et
le coeur sont normaux .

11 février 1883. – Lapin noir pesant 2,600 grammes .


75 centigrammes de naphtol sont injectés, au niveau des épaules, à 3 heures
25 minutes du soir .
Immédiatement après les injections , le lapin reste immobile et respire
56 fois par minute .
A 3 heures 35 minutes, affaissement du train postérieur.
A 3 heures 45 minutes, la marche est pénible .
A 3 heures 53 minutes, le pincement de la queue provoque des mouvements
de défense énergiques dans les pattes de derrière.
A 4 heures 20 minutes, le lapin se promène un peu péniblement .
Le lendemain le lapin est en parfaite santé ,
Les deux expériences suivantes ont pour but de démontrer que le
même alcool , injecté sous la peau et dans des conditions identiques, n'est
pas susceptible de produire des effets toxiques .
18 mars 1883 . 1 ° Lapin gris, pesant 2,800 grammes.
10 grammes d'alcool à 88° sont injectés sous la peau à 3 heures 5 minutes
du soir.
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL . 263

A 3 heures 13 minutes, le train de derrière est légèrement affaissé et le


lapin respire 96 fois par minute .
A 4 heures 15 minutes, le lapin se porte bien , mais n'a pas cessé de se
promener, en titubant.
Cinq jours après, le lapin continue à se bien porter.
20 Lapin gris, pesant 3,400 grammes.
10 grammes d'alcool à 889 sont injectés sous la peau à 2 heures 55 minutes .
A 3 heures 10 minutes, 76 respirations par minute.
A 6 heures 15 minutes, le lapin se porte bien , mais ne cesse de courir
dans le laboratoire , en titubant de temps en temps.
Cinq jours après, le lapin continue à se bien porter.
11 juillet 1883 . 1 or cobaye, pesant 435 grammes .
Il reçoit trois injections sous-cutanées de la solution alcoolique de naphtol 3
au 1/ 10®, c'est-à-dire : 3 grammes d'alcool ;
30 centigrammes de naphtol 3 .
Mort immédiate après la troisième injection .
2° cobaye, pesant 430 grammes.
I reçoit : 1 gramme d'alcool ;
10 centigrammes de naphtol B.
Ce cobaye ne ressent aucun malaise , se met à manger .
Cinq jours après, le 16 juillet, il est en parfaite santé .
3° cobave, pesant 490 grammes.
Il reçoit : 2 grammes d'alcool ;
20 centigrammes de naphtol.
Vort après la deuxième injection, avec une paralysie des membres .
4e cobaye, pesant 475 grammes.
Il reçoit : 1 gramme d'alcool ;
10 centigrammes de naphtol .
Pas de paralysie ; aucun phénomène asphyxique.
Quelques minutes après il reçoit : 50 centigrammes d'alcool ;
5 centigrammes de naphtol .
Une minute aprės, paralysie du membre postérieur droit, et le cobaye
tombe sur le côté droit .
10 minutes après, collapsus.
13 minutes après, quelques mouvements et tendance à reprendre connais
sance. Le cobaye se met à manger.
7 heures après, mort en présentant quelques convulsions tétaniques des
membres .

16 juillet. – fer cobaye, pesant 430 grammes .


Il reçoit : 1 gramme d'alcool ;
10 centigrammes de naphtol .
Aucun accident consécutif à l'injection.
Le 27 juillet, le cobaye est en parfaite santé.
264 ALBERT JOSIAS .

2e cobaye, pesant 470 grammes .


Il reçoit : 1 gramme d'alcool ;
:

10 centigrammes de naphtol.
Aucun accident consécutif à l'injection .
Le 27 juillet, ce cobaye est en parfaite santé .
27 juillet for cobaye , pesant 475 grammes .
Il reçoit : 1 gramme d'alcool ;
10 centigrammes de naphtol.
Aucun accident consécutif à l'injection .
Le 30 juillet , le cobaye est en bonne santé .
2° cobaye , pesant 430 grammes.
Il reçoit à 10 heures du matin : 2 grammes d'alcool ;
20 centigrammes de naphtol.
Immédiatement après les injections, le cobaye reste immobile , comme
engourdi .
A 10 heures 17 minutes , quelques convulsions tétaniques dans les palles
postérieures.
A 10 heures 30 minutes , nous pratiquons une injection d'éther , dans le but
d'irriter le bulbe et de permettre à notre cobaye de résister à l'action toxique
du naphtol durant quelque temps .
Quelques minutes après, convulsions et contracture des pattes postérieures,
puis mort à 12 heures 10 minutes du matin .

Recherches sur les effets toxiques du naphtol, administré par la voie


hypodermique, chez le chien (Les expériences suivantes ont été pra
tiquées à l'École vétérinaire d’Alfort).
Dans toutes les expériences qui vont suivre, nous avons fait usage
d'une solution alcoolique de naphtol au 1 /10° pour la première série,
au 1/5° pour les autres séries ; nous nous sommes servi d'alcool à 88°
et du naphtol B.
Pour obtenir des résultats comparables, les chiens étant de taille et
de poids très variables, les quantités de naphtol injectées ont toujours
été rapportées au poids type de 10 kilogrammes.
PREMIÈRE SÉRIE .

26 février 1883 , 3 heures de l'après-midi .


Chiens : Nº 1. – Mastif, agé de 4 ans, pesant 30 kilogrammes .
Injecté sous la peau 3 grammes do naphtol en solution alcoolique, soit
1 gramme par 10 kilogrammes du poids du corps.
N ° 2. - Chien de rue noir, environ 5 ans, pesant 7 kilogrammes .
Injecté 1 gr. 05 de naphtol, soit 1 gr. 50 par 10 kilogrammes du poids.
N° 3 . Terre -neuve , 2 ans, pesant 32 kilogrammes .
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL . 265

Injecté 6 gr. 40 de naphtol, soit 2 grammes par 10 kilogrammes.


N. - Chien havanais, 4 ans, pesant 6 kilogrammes,
Injecté 1 gr. 50 de naphtol, soit 2 gr. 50 par 10 kilogrammes du poids
>

du corps .
Nº 5. - Chienne griffonne, pesant 7 kilogrammes.
Injecté 2 gr. 10 de naphtol, soit 3 grammes par 10 kilogrammes du poids.
Effets produits.
No 1 . Léger état de somnolence. De temps à autre, respiration ron
tlante ; une heure environ après l'injection , évacuations ramollies , abon
dantes.
Puis retour complet à l'état normal.
Ce chien n'a pas présenté le moindre signe de faiblesse du train pos
térieur .
N° 2. - Ce chien est naturellement morose et craintif ; dès qu'on l'ap
proche , il cherche à fuir .
L'aiguille de la seringue aà injection a dù blesser la veine mammaire , car
il se forme aussitôt après une volumineuse tumeur sanguine .
Quoi qu'il en soit , l'animal se couche appuyé contre le mur et n'en bouge
plus, il ne fait pas un mouvement ; de loin en loin, on note quelques trem
blements de tout le corps.
Évacuations ramollies lorsqu'on le ramène au chenil, deux heures après
l'injection.
Pas de faiblesse du train postérieur .
N° 3. L'injection provoque presque immédiatement une excitation in
tense : il va, vient, tourne, se couche, se relève, se dresse, essoufflé, hale
tant, tirant la langue, aboyant ; il entre fréquemment en érection. Cette
période d'excitation dure au moins une heure ; puis , peu à peu il se calme,
se couche en rond , et reste dans un état voisin de la somnolence . A noter,
quelques mouvements convulsifs de la tête au début de la période de calme.
Évacuations très molles lorsqu'on le reconduit au chenil; pas de para
lysie, mais une certaine gène de la marche ; l'animal court en voussant les
reins.
N° 4. Agitation très accusée au début ; l'animal souffle, tire la langue ,
pousse de petits jappements caressants ; il cherche à jouer . Bientôt, après
un quart d'heure environ , il se calme, et se couche en rond ; de temps à
autre, il est comme secoué par des tremblements généraux ; puis il se ré
veille, sautille, jappe ou pousse des grognements de colère, en tirant ou
mordillant sur sa laisse ; il éternue à diverses reprises et se frotte violem
ment le nez dans la paille .
Enfin, il se calme de nouveau, se couche étendu de tout son long sur le
carreau et reste , pendant une heure environ , inerte , gardant la position
qu'on lui donne, dans un état de torpeur très accusé.
Puis il se relève un peu étonné , abruti, fiente en diarrhée à deux ou trois
reprises , marche en titubant et en voussant les reins .
N 5. Excitation moins rapide que les deux précédents , mais aussi
très accusée ; il va, vient, saute, jappe, gratte la paille, tire sur sa laisse et la
mordille ; puis, presque subitement, il devient comme hébété, l'æil fixe, accoté
au mur, immobile , insensible aux appels et aux caresses . Cet état dure dix
minutes environ ; il se réveille , boit avidement , jappe, il semble pris d'une
266 ALBERT JOSIAS .

joie furieuse ; puis rapidement il se calme , se couche en cercle la tête cachée


entre les membres , dans une torpeur profonde, au point qu'il reste absolu
ment insensible à toutes les causes d'excitation . Voix , secousses, piqûres,
tout le laisse indifférent .
Tremblements généraux , secousses violentes de tout le corps.
Après vingt-cinq minutes, il se réveille , se frotte le nez avec vigueur,
éternue, s'agite , boit de nouveau, puis retombe dans sa torpeur; mais il
semble moins absorbé que tout à l'heure. Les tremblements continuent.
Enfin, il se relève assis sur le train postérieur, absolument abruti, sourd aux
appels comme aux caresses .
On l'emmène au chenil . Évacuations diarrhéiques. Reins voussés . Titu
bation . Chute fréquente sur le train postérieur. 1

Tous ces animaux étaient le lendemain matin , gais, bien portants,


tout à fait revenus à l'état normal.
L'appétit était conservé .
A aucun moment, l'urine n'a présenté traces d'albumine ou d'hémo
globine .
DEUXIÈME SÉRIE.

2 mars, 9 heures du matin .

Chien nº 1 . Mastif, 30 kilogrammes.


Injecté 12 grammes de naphtol, soit 4 grammes par 10 kilogrammes du
poids.
Chien nº 3 .
Injecté 16 grammes de naphtol , soit 5 grammes par 10 kilogrammes du
poids.
Effets obtenus .
N° 1. — Légère excitation durant quarante minutes environ. L'animal va,
vient, tourne, se dresse, grogne , tire sur sa chaîne, se couche, se relève,
provoque ses voisins .
Il éternue par accès , urine fréquemment.
De temps à autre, surtout lorsqu'il s'élance dans la direction de ses voi
sins, il fléchit du train postérieur, et tombe violemment à droite et à gauche.
Enfin , peu à peu il se calme et se couche en rond , grondant toujours, le
corps agité de tremblements convulsifs, absolument insensible à tout ce qui
l'entoure. Il reste ainsi jusqu'au soir, refusant les aliments, buvant volon
tiers .
Lorsqu'on le force à marcher, il titube, vousse les reins, fléchit sur les
membres postérieurs et tombe parfois.
Diarrhée séreuse abondante .
Dès le lendemain tout est rentré dans l'ordre.
Pas le moindre trouble du côté de l'appareil urinaire.
N° 3. — Comme dans la première expérience, chez ce chien la période
d'excitation est extrêmement accusée; mais elle ne dure pas plus d'une demi
heure, pendant laquelle l'animal est continuellement en érection. Les pre
miers signes de faiblesse du train postérieur apparaissent dix -huit minutes
après l'injection ; ils augmentent rapidement au point que l'animal tombe
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE SUR LE NAPHTOL. 267

presque à chaque pas, qu'il se traine péniblement sur le sol , dressé sur les
pattes de devant ; enfin, il s'étend de tout son long, haletant, grondant , gé
missant, puis lout se calme peu à peu et le chien reste dans la torpeur la
plus profonde pendant quatre heures consécutives ; on peut le tirer par les
pattes, le soulever de terre, le pincer, le piquer, sans qu'il bouge ; il regarde
faire d'un air hébété, sans paraitre éprouver de douleur, ou sans pouvoir
opposer de résistance . Les pupilles semblent légèrement dilatées.
Pendant la première période, on a noté plusieurs accès de violents éter
nuements .
Il a aussi uriné un grand nombre de fois.
L'après-midi, soif ardente, appétit nul.
Le lendemain , l'animal semble complètement guéri.
Le 6 mars, eschare étendue au point d'injection.

TROISIÈME SÉRIE.

19 mars , matin .

Chien nº 2 . Chien de rue noir, pesant 7 kilogrammes.


Injecté 487,20 de naphtol , soit 6 grammes par 10 kilogrammes du poids
du corps.
Chien nº 4. - Havanais, pesant 6 kilogrammes.
-

Injecté ķer, 20 de naphtol , soit 7 grammes par 10 kilogrammes du poids.


Chien nº 5. - Griffonne, pesant 7 kilogrammes.
Injecté 5 gr. 60 de naphtol, soit 8 grammes par 10 kilogrammes du poids.
Effets observés .
12. - Comme dans la première expérience , chez cet animal la période
d'excitation n'existe pas. Dès l'injection, il se retire au fond de sa niche,
accoté au mur et n'en bouge plus ; il parait triste ; il se lèche au point où
l'injection a été faite ; il urine à diverses reprises (urine limpide) ; bientôt il
est pris de tremblements généraux, et se couche de tout son long sur la
litiere ; la respiration reste normale ; les tremblements sont incessants .
On le force à marcher, il titube et fléchit du train postérieur .
Rentré dans sa niche , il s'étend de nouveau et ne bouge plus de toute la
journée .
Il ne mange pas , mais boit volontiers .
Diarrhée séreuse durant quarante -huit heures .
Le 23 mars, on observe une large escharrification de la peau au niveau
de l'injection .
No 4. — L'animal se couche et reste tranquille pendant quinze minutes
environ ; respiration normale .
Puis il se lève , fait quelques pas en titubant, le train de derrière tombe à
droite, puis à gauche ; enfin , il se recouche immobile, triste , comme hébété.
De temps à autre, il pousse des grognements plaintifs, essaye de faire quel
ques pas en trébuchant, puis se recouche. Éternuements fréquents.
La respiration devient extrêmement vite, le pouls petit ou insensible.
Puis au bout de deux heures et demie à trois heures tout se calme .
L'animal reste couché presque toute la journée ; il boit, mais ne bouge pas.
Quelques évacuations diarrhéiques.
268 ALBERT JOSIAS .

Urination fréquente .
Dès le lendemain tout est rentré dans l'ordre . Appétit , guieté reparaissent.
Pas d'albuminurie , ni d'hémoglobinurie .
Plus trace de faiblesse du train postérieur.
Nº 5. – Au début, la chienne est couchée en sphinx , triste, morne, pous
sant quelques gémissements plaintifs ; elle ne répond plus aux appels , aux
caresses .
Après vingt minutes environ , elle essaye de se relever ; les membres pos
lérieurs semblent refuser leur service , elle tombe , tantôt à droite, tantôt à
gauche ; enfin, parvenue à se mettre debout, elle litube , éternue violemment,
urine , puis retombe sur la litière ; les pupilles sont très dilatées , la respira
très accélérée, irrégulière. De temps à autre, surtout quand elle vient d'éter
nuer, la chienne est prise d'accès de suffocation .
Au bout d'une heure environ , la tristesse semble se dissiper; la bête rede
vient caressante ; elle cherche à venir quand on l'appelle , mais elle traine les
membres postérieurs sur la litière .
Les éternuements se montrent par accès fréquents et prolongés, auxquels
succède une respiration dyspnéique assez inquiétante.
Après deux heures environ , tous ces signes diminuent d'intensitė ; la
chienne se calme, se couche en boule et reste dans cet état de somnolence
pendant toute la journée .
Diarrhée séreuse abondante durant deux à trois jours. Pas de trouble de
l'urination .
Le lendemain tout est rentré dans l'ordre.
Chez tous les animaux qui ont servi à ces expériences , la température
anale, prise pendant les périodes de calme, n'a oscillé que de quelques
dixièmes de degré.
II

DE LA FRAGILITÉ DES OS CHEZ LES SYPHILITIQUES,


Par M. CHARPY,
Chef des travaux anatomiques à la Faculté de Lyon .

On a signalé plusieurs fois une fragilité anormale des os chez certains


syphilitiques ; mais tout ce qu'on en sait se réduit à ce simple énoncé.
On ignore quelle en est la fréquence, à quelle période de la syphilis elle
se manifeste ou du moins quel temps il lui faut pour se constituer, et
enfin à quel état du squelette elle correspond. Les observations sont si
peu précises que, dans son travail très complet sur l'ostéomyélite gom
meuse des os longs (1 ) , Gangolphe s'est demandé si toutes les fractures
ne s'étaient pas produites sur des os à lésions locales, c'est- à -dire
atteints au point fracturé d'une ostéite ou d'une gomme. Et cependant
les pièces que lui-même m'a fournies témoignent incontestablement que
les fractures spontanées (ce mot voulant dire simplement fractures faciles,
sans violence suffisante) chez les syphilitiques peuvent reconnaître deux
causes complètement différentes : 1° une lésion locale, ostéite simple
ou gommeuse , qui, raréfiant le tissu osseux, diminue sa résistance,
comme le font une osteomyélite non spécifique, le rachitisme, le cancer ;
o une lésion générale, portant sur le squelette entier, et le modifiant
assez peu pour que rien dans son aspect ne paraisse changé, assez pour
que sa qualité fondamentale , la ténacité, soit considérablement amoindrie.
Je ne m'occuperai que des cas de cette seconde catégorie.
Le premier sujet que j'examinai n'est autre que celui de l'observa
tion Il du Mémoire de Gangolphe (p . 10) . C'était un tertiaire, avec
lésions viscérales et des gommes dans le fémur et l'humérus . Le
péroné était sain ; ce fut lui que je choisis , attendu que je venais de
faire sur cet os une série de recherches au point de vue de la densité
et de la ténacité et que dès lors la comparaison était facile. Ce péroné
se brisa à 100 kilogrammes, dans des conditions (rupture à la flexion par
pression d'un segment diaphysaire de longueur déterminée) où un pé
roné normal se brise vers 300 kilogrammes. Comme il s'agissait d'un
homme de 61 ans, et que ses os étaient assez gras, il faut le comparer avec
la ténacité normale d'un sujet ordinaire équivalent, laquelle peut à cet
(1 ) GANGOLPHE, Des localisations osseuses de la syphilis tertiaire ; 1885 , p. 34
et suivantes .
270 CHARPY .

âge s'abaisser à 200 et même un peu plus bas. Il y avait donc une dimi
nution d'environ 50 0/0 dans la solidité du squelette. La densité de l'os,
c'est -à -dire d'un segment complet avec sa moelle, était celle d'un os
déjà sénile (1.50, au lieu de 1.60 ) ; et c'était justement cette sénilité
prématurée du tissu osseux, gras, atrophique et raréfié, qui inspirait
des doutes sur l’estimation exacte de sa fragilité .
Quelque temps après, Gangolphe me remit les péronés d'un jeune
homme de 20 ans, dont il doit publier l'observation ici-même, et qui
offrait un ensemble complet de syphilis tertiaire, gommes des viscères,
gommes articulaires ... Ces péronés étaient parfaitement sains ; rien au
périoste, rien dans l'os qui fut ruginé, rien dans la moelle. La diaphyse
se brisa à 175 kilogrammes. Pour s'assurer que l'ostéoclaste fonction
nait toujours bien , on essaya comparativement des péronés normaux
qui se brisèrent à 300 kilogrammies. Il était donc évident que la téna
cité de flexion était notablement diminuée. Du reste , les fragments obte
nus se brisèrent facilement à leur tour avec les mains ; et quand on s'en
servit plus tard pour l'analyse chimique, ils se broyèrent et se pulvéri
sèrent comme du verre .
Quelle était la cause de cette fragilité ? Les nombreuses hypothèses
que l'on pouvait faire aboutissaient toutes à une de ces deux conclu
sions : l'os avait subi ou une altération physique ou une altération chi
mique.

Comme altérations physiques, et bien que rien ne les indiquàt à l'æil


nu, on pouvait supposer un abaissement de la densité, une diminution
de volume, ou une lésion de structure.
Or : 1 ° la densité d'un segment diaphysaire total, c'est-à-dire avec sa
moelle et sans son périoste, était de 1.61 ; et celle d'un même fragment
vidé de sa moelle et lavé, de 1.98. Ces chiffres sont rigoureusement
normaux , pour le même os dans les mêmes conditions, comme je l'ai
établi par de nombreuses pesées (1 ). Donc les proportions entre la subs
tance osseuse et la moelle, entre les parties pleines et les cavités,
n'étaient pas changées ; il n'y avait pas de raréfaction ou d'insuffisance
dans la quantité de matière ossifiée .
2° Les os étaient un peu grêles ; le sujet n'avait que 20 ans, et un
faible développement. Peut- être ce petit volume était-il la cause du peu
de solidité du squelette ; car on sait que la ténacité est proportionnelle
aux surfaces de section. Or, l'aire de la section diaphysaire était de
0,65mm , au lieu de 0,70 qui est celui d'un péroné de même âge. La

(1) Voyez mon travail : Variétés chirurgicales du tissu osseux (Revue de chi .
rurgie, 1884) .
DE LA FRAGILITÉ DES OS CHEZ LES SYPHILITIQUES . 271

différence n'était donc que de 8 0/0 , tandis que la différence de ténacité


était de 42 0/0 .. – Ce qui nous permet de dire que ce péroné syphili
tique avait les 67 / 100° de la résistance ordinaire d'un péroné normal de
même densité et même volume.
3.L'examen histologique de coupes fraiches, ou décalcifiées et colorées,
ne décela aucune lésion de structure ; il ne me fut pas possible de dis
tinguer ces préparations de celles d'os semblables mais sains. – A la
lumière polarisée, la double réfringence était manifeste ; ce qui tend à
prouver que la matière organique , l'osséine , était normale, puisque
c'est elle qui donne la double réfraction .

L'examen physique n'ayant donné aucun résultat, je me suis adressé


à un chimiste compétent. Guérin , chef des travaux de pharmacie à la
Faculté, a bien voulu étudier comparativement un certain nombre de
peronés, et m'a communiqué les résultats suivants :
L'os lavé au sulfure de carbone, par conséquent privé de son périoste,
de sa moelle et de sa graisse , et desséché, a donné :
Matière organique .. 34.45
Matières minérales .. 65.55

Ces chiffres concordent tout à fait avec les chiffres anciens de Frémy,
avec les chiffres plus récents de Dufourt, et en général avec ceux des
observateurs qui ont opéré par les mêmes procédés . Ils concordent
aussi avec ce fait, que j'ai signalé plus haut, que la densité totale était
normale .
Les proportions entre la matière organique et les sels minéraux étant
norinales, et l'osséine ne paraissant pas être différente de ce qu'elle
est ordinairement, c'était dans la nature ou la quantité d'un des sels
minéraux qu'on pouvait espérer trouver un changement important . Or.
les 65.35 de cendres se répartissaient ainsi :
Phosphate tri -calc .... 57.31
Phosphate de magnésie.. 1.04
Phosphate de fer. 0,62
Carbonate de chaux . 5.43
Fluorure de calcium .. 1.31
Chlorures ... traces
Silice... 0.36

Ces quantités sont toutes dans les limites des variations connues .
Seul le fluorure de calcium fait exception .
Découvert en 1805 dans l'ivoire fossile par Moricchini, dans les os
ordinaires par Berzélius en 1807, le fluorure des os n'est bien connu
272 CHARPY .

que depuis le grand travail de Frémy (1 ) . Encore ignore-t-on son rôle


et ses variations . Guérin se fondant sur ce fait que l'émail des dents lui
doit en grande partie sa solidité, pense qu'il joue un rôle important dans
la ténacité du tissu osseux . Il l'a recherché comparativement dans des
péronés de même âge, en rapprochant les uns des autres le péroné nor
mal , le péroné syphilitique fragile, et le pérone phthisique dont j'ai
signalé la solidité anormale (comme de tout le squelette d'ailleurs, car il
s'agit toujours ici d'un état général et non d'une lésion locale) . Voici
ses chiffres :
Fluorure de calcium.
Pour 100 de cendres, on trouve dans le péroné des phthisiques.. 2.92
des sujets ord ... 2.43
des syphilitiques . 1.99
Le chiffre normal concorde avec celui donné par Heintz; il faut
savoir d'ailleurs que l'analyse quantitative du fluorure est très difficile
et n'est pas d'une absolue certitude .
Il est donc possible que la fragilité des os syphilitiques tienne à la
diminution d'un de leurs éléments importants de résistance , le fluorure
de calcium .

Je n'ai aucune compétence pour discuter cette hypothèse, et certaine


ment le lecteur aura déjà formulé les objections qu'elle soulève : con
naît-on suffisamment les variations normales du fluorure de calcium ?
Joue-t-il vraiment un rôle dans la ténacité du tissu osseux ? Pour
quoi serait- il en défaut chez les syphilitiques ? Toute réponse serait
prématurée ; et le but de ce travail a été uniquement d’élucider certains
côtés de la question et de provoquer de nouvelles recherches .
( 1 ) FRÉMY, Recherches chimiques sur les os (Annales de physique et de chimie,
1855 ).
III
11
1

SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS (1 ) ,


Par le professeur H. ZEISSL.

LE CHANCRE .

Nomenclature et définition du chancre .


Le mot a chancre » servait depuis longtemps dans le langage médical
à désigner des ulcères qn'on supposait produits par l'action d'un virus
spécifique, virus provenant d'ulcères de même nature.
Jusqu'à présent on n'a pas encore réussi à établir une définition
exacte répondant entièrement au genre d'ulcères que l'on classe
actuellement sous la dénomination de chancres. L'obstacle principal à
l'établissement d'une définition plus précise pour les ulcérations dési
gnées sous ce nom générique , c'est que , à part leur contagiosité, nous
ne connaissons encore aucun attribut spécial qui soit commun à toutes
ces ulcérations, lesquelles, au contraire, diffèrent essentiellement entre
elles sous beaucoup d'autres rapports.
Lorsque de nombreuses expériences eurent permis de conclure que
la plupart des ulcérations chancreuses produisaient un effet purement
local et qu'il n'y en avait qu'un certain nombre (sclérose ulcérée) qui
affectât l'organisme entier, on se mit en quête de signes qui pussent
servir à établir une différence entre les ulcérations restant locales et
celles qui entraînent une affection générale.
Le premier phénomène objectif caractérisant les ulcérations qui sont
suivies de symptômes généraux fut découvert par Andree et Hunter.
Hunter niait absolument la nature chancreuse, et par conséquent la
Hature syphilitique (seion l'opinion de l'époque) de la plupart des
ulcérations impures des parties génitales, réclamant exclusivement la
dénomination de « chancres » pour les ulcères à base indurée lar
dacée .
Cette découverte fit époque, et dès lors on distingua deux espèces de
chancres, à savoir : le chancre infectant et le chancre mou. Le chancre
(1) Traduit par le Dr M. Zeisst, docent pour la dermatologie et la syphili
graphie à l'Université de Vienne, d'après le Traité de la syphilis du professeur
H. Zeissl .
ANNALES DE DERMAT. , 20 SÉRIE , VI. 18
274 H. ZEISSL .

infectant fut aussi désigné sous le nom de « chancre de Hunter » , en


l'honneur de celui qui l'avait découvert.
Nous ne parlerons pas ici du chancre induré ou calleux, dit « chancre
de Hunter » , que nous regardons, ainsi que le font la plupart de nos
collègues, comme le précurseur constant et le symptôme initial de la
syphilis constitutionnelle ; nous décrirons d'abord le chancre mou , qui,
à notre avis, n'est jamais suivi de syphilis.

Définition et diagnostic du chancre mou.

Quelles que grandes que soient les difficultés que le pathologiste


éprouve à caractériser les ulcérations et leur malignité, elles aug.
mentent encore sensiblement si l'on se propose de définir les diverses
ulcerations, de les distinguer d'après leur essence, et de fixer leur indivi
>

dualité et le critérium de chacune en particulier. A propos des tumeurs .


Virchow observe avec raison qu'elles sont dues à des processus de
formation dont résultent en quelque sorte des pseudo -tissus , c'est-à-dire
des « caricatures » de la texture normale. Pour ce qui est des ulcéra
tions , celles-ci ne sont pas dues en général à des processus actifs, mais
à un défaut ou à une perte partielle de la texture, soit que cette perte se
trouve à l'état de croissance, soit qu'elle ait déjà atteint sa limite, soit
enfin que le processus de reproduction de ces tissus ait déjà coinmencé.
Il ne peut point y avoir de symptômes anatomiques pour un processus
qui entraîne une destruction rapide et immédiate des tissus adjacents,
et dans lequel le tissu normal périt sans qu'il se produise à l'avance
une néoformation plastique anormale ; ou bien on trouve des symp
tômes qui appartiennent au voisinage immédiat de l'ulcération , ou bien
encore il se produit des phénomènes extérieurs fortuits et de nature
inconstante. Malgré cela les médecins se sont imposé la tâche de re
connaître la nature des chancres mous par l'étude de leurs symptômes
extérieurs et d'en déduire leur pathogenèse. Longtemps on a considéré
la base rongée, putride ou lardacée d'une ulcération et ses bords dé
collés comme un critérium décisif d'après lequel on croyait pouvoir
reconnaître la nature de l'ulcération, et donner au médecin le droit de
regarder l'ulcère en question comme un « chancre » , en d'autres termes
comme un ulcère dû à une contagion vénérienne. Un symptôme qui dé
pend de l'aspect extérieur très variable d'une affection ne peut pas
servir de signe pathognomonique, car il peut se rapporter à divers pro
cessus analogues .
On ne saurait donc regarder l'ulceration comme le critérium d'un
ulcère spécifique. Mais comme les exulcérations qui apparaissent sur
certaines parties après le coït sont purement et simplement considérées
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 275

comme un signe d'infection vénérienne, on a donné le nom commun


de « chancres » à des processus ulcératifs locaux, ainsi qu'à ceux qui
sont suivis de syphilis.
Après avoir cependant acquis la conviction que la couche lardacée,
les bords décollés et la base putride, bien que ces phénomènes se pré
sentassent souvent sur des ulcérations génitales contagieuses, y man
quent aussi très souvent, et que d'un autre côté on les trouve aussi dans
des ulcérations qui n'ont pas été causées par contagion, on chercha, au
moyen du microscope , d'autres critériums positifs et constants.
Hauptmann admit, au XVII° siècle , l'existence d'une espèce particulière
d'insectes dans le pus chancreux, et quelques auteurs modernes croyaient
y avoir trouvé des parasites végétaux constituant un critérium du pus
chancreux. Mais les microbes du chancre et de la syphilis ne sont pas
encore trouvés .
On rencontre parfois dans le pus chancreux des cristaux de phosphate
ammoniaco -magnésien et de carbonate de chaux , mais ce ne sont nulle
ment des symptômes caractéristiques, mais des produits de transfor
mation de la sécrétion. Szabad Földö, médecin hongrois, croyait voir
dans certaines cellules du pus des ulcères, dans lesquelles il avait
aperçu un mouvement moléculaire plus prononcé , les porteurs du virus
chancreux . Recklinghausen a toutefois prouvé que les corpuscules de
pus, les globules rouges et blancs du sang, les cellules pigmentaires
et celles du tissu conjonctif présentent des phénomènes vitaux par
ticuliers, tant qu'elles se trouvent dans leurs conditions naturelles, c'est
a-dire dans un milieu chaud et humide et préservées de l'évaporation .
Ces phénomènes vitaux consistent en transformations accompagnées
d'un viſ mouvement moléculaire et de déplacements . Le tout ressemble
aux mouvements d'apparence spontanée que l'on connaissait depuis
longtemps chez les amoïbes et les rhizopodes, etc. , et qui ont été décrits
surtout par Max Schultze et Häckel.
Ni la disposition anatomique ni la sécrétion de ces ulcères n'offre,
jusqu'à présent, de particularités constantes que l'on puisse découvrir
par l'analyse chimique ou à l'aide du microscope. On a donc cherché
à mettre en avant les propriétés vitales des ulcères chancreux , c'est
à- dire leurs rapports réciproques avec l'organisme. La dénomination
de « chancre » , devenue très familière aux anciens médecins, s'était
avec le temps tellement identifiée avec la notion « syphilis » , que
pendant un long espace de temps on désignait sous le nom de « chan
cres » toutes les ulcérations occasionnées directement ou indirectement
par l'infection . Il était par conséquent question de « chancres géni
taux » , de « chancres pharyngiens » , de « chancres tonsillaires, de
( chancres du larynx
276 H. ZEISSL .

On désignait sous le nom de chancre toute ulcération précédant la


syphilis et même tout ulcère se produisant chez des individus atteints
d'infection syphilitique, comme suites immédiates de cette infection. En
un mot, d'un commun accord, le chancre était devenu l'alpha et
l'oméga de la syphilis.
Cette manière de voir a cependant donné lieu à de violentes discus
sions ; même les auteurs qui désignaient sous le nom de chancre
l'affection initiale, syphilitique, avouèrent que, par infection, il se pro
duisait souvent des ulcères, qui , tout en étant parfaitement semblables
aux affections primaires syphilitiques par leurs symptômes extérieurs, ne
provoquaient aucun phénomène consécutif, c'est- à -dire syphilitique
( Benjamin Bell , Swediaur, Hunter). C'est pourquoi, plus tard, certains
médecins déclarèrent, sans autre forme de procès, que c'était injuste
ment que l'on désignait sous le nom de a chancres » de pareilles ulcé
rations, dùt-on même avoir la preuve qu'elles provenaient d'une in
fection , réservant cette dénomination pour les ulcérations seules, qui
étaient inévitablement suivies de phénomènes consécutifs (chancres in
fectants) et nommant chancroïdes (chancres inous), les ulcérations qui
ne produisent pas de phénomènes syphilitiques généraux (Auzias). Du
même il était hors de doute qu'il pouvait aussi se former sur les parties
génitales des ulcérations non contagieuses qui , sous l'influence irri
tante de la malpropreté, pouvaient avoir une ressemblance frappante
avec les ulcères, connus alors sous le nom de chancres. Afin de décou
vrir la pathogenèse des ulcères contagieux , on essaya d'imiter la conta
gion naturelle en inoculant, au moyen d'une lancette, sous l'épiderme
ou en un point dépourvu d'épiderme, la sécrétion de ces ulcérations,
que l'on savait positivement dues à la contagion . Nous avons dit plus
haut que pour se convaincre si la sécrétion de la gonorrhée produisait
des effets identiques à ceux de la sécrétion des ulcères chancreux, plu
sieurs médecins, tels que Hunter, Bell, et surtout de Ricord, etc.,
avaient inoculé les sécrétions chancreuse et gonorrhoïque. Les inocu
lations faites par Ricord et d'auires médecins, avec le pus d'ulcères
contagieux , ont démontré que la sécrétion de ces ulcères à leur
période de progression, mise en contact avec la peau ou la mu
queuse produit, au bout de quelques heures, suivant la profondeur de
l'incision , un foyer de suppuration pustuleux ou furonculeux, dont
résulte rapidement un ulcère rongeant, et qui , à son tour, fournit une
sécrétion inoculable. Obtenant constamment les mêmes résultats,
Ricord finit par rejeter les opinions d'alors, sur les symptômes exté .
rieurs particuliers du chancre, pour déclarer que l'inoculabilité de la
sécrétion de l'ulcère chancreux était le seul signe pathognomonique du
chancre. Le seul critérium aduis par Ricord était donc l'inoculabilité
SUR LA PLURILITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 277

ou la non -inoculabilité de la sécrétion uicéreuse ; les ulcérations dont la


sécrétion inoculée provoquait de nouveaux ulcères, étaient incontesta
blement des ulcères chancreux. Il déclarait encore que par l'inocula
bilité de sa sécrétion , l'ulcère chancreux se distinguait non seulement
de toutes les ulcérations vulgaires et spécifiquement dyscrasiques (scro
fulose ), mais encore des ulcérations syphilitiques secondaires, car la
sécrétion de ces dernières n'est pas inoculable au porteur. Les ulcéra -
tions qu'on appelle chancres, proviennent d'un chancre, à ce que disait
Ricord au commencement de la seconde moitié de notre siècle , et l'ino
culation de leur sécrétion au porteur, ainsi que sur tout autre individu ,
produira de nouveaux chancres dans certaines circonstances données .
La sécrétion du chancre, en voie de progression , est auto-inoculable ;
elle se reproduit sur les individus syphilitiques comme sur les sujets
non syphilitiques. Cette transmissibilité presque absolue n'est cependant
pas un attribut de l'ulcération qu'on a nommée « chancre induré i
laquelle n'est ni auto -inoculable, ni transmissible à d'autres individus
syphilitiques. Cette différence essentielle des deux espèces d’ulcérations
mentionnées ci- dessus a formé la base sur laquelle on a fondé la doc
trine qui établit une distinction absolue entre le virus chancreux et le
virus de la syphilis la doctrine de la dualité , doctrine, qui dans son
ensemble et dans chacun de ses dogmes en particulier, ne tarda pas
à trouver des adversaires. Le dogme fondamental de la dualité était
le suivant : « Le chancre induré ( infectant) » , c'est-à-dire l'ulcération
initiale , génératrice de la syphilis , n'est pas auto -inoculable comme celle
du chancre (mou ). L'ulcération primaire de la syphilis ne peut être ino
culée qu'à des individus non syphilitiques, pour se reproduire toujours
en donnant lieu à de nouvelles ulcérations qui sont la condition de la
1
diathèse syphilitique. Cette théorie, développée de plus en plus par
Bassereau et Clerc , disciples de Ricord , finit aussi par susciter des anta
gonismes. Bidenkap et Köbner prouvèrent, par des inoculations, que
le chancre induré ainsi que les produits syphilitiques sécrétants secon
daires (la papule humide ), irrités au point de suppurer, donnent une
sécrétion inoculable, qui peut produire sur le porteur de ces foyers
de suppuration ainsi que sur d'autres individus syphilitiques, des ul
cères inoculables par générations, et dont la forme extérieure ressemble
à celle du chancre ordinaire, suppurant, auto -inoculable ou mou . Ces
résultats d'inoculation furent bientôt confirmés par Pick et Kraus à la
clinique de Hebra et de Reder . Malgré le grand nombre de résultats
négatifs obtenus par des inoculations de la sécrétion purulente produite
forcément sur le chancre dit infectant et sur la papule humide , les ré
sultats d'inoculations dont nous venons de parler semblaient pourtant
avoir notablement altéré le dogme principal de la doctrine de la dualité,
278 H. ZEISSL .

d'après lequel l'auto- inoculation d'un chancre dit infectant donnait tou
jours un résultat négatif, et que tous les ulcères inoculables au porteur
par générations ne pouvaient provenir que d'un chancre mou, c'est - à
dire non syphilitique. Se fondant sur ces résultats, les adversaires de la
dualité s'empressèrent de déclarer que le chancre mou était non seu
lement le produit d'un autre chancre mou , mais qu'il pouvait être
occasionné par la sécrétion d'efflorescences syphilitiques irritées sur
le porteur de ces efflorescences, vu que les ulcérations produites sur
un individu syphilitique par la sécrétion de ses efflorescences spécifiques
irritées sont inoculables à ce même individu , et que chaque ulcère .
inoculable est un chancre .
Cependant cette théorie de l'origine du chancre mou ne tarda pas non
plus à être démentie par d'autres faits. Dans une discussion que nous
eûmes avec Bidenkap, nous lui fimes observer, qu'à notre avis, tout pus
vulgaire inoculé à un individu syphilitique, produisait sur lui des ulcé
rations transmissibles par inoculation ; et notre supposition fut bientot
confirmée par Pick .
En inoculant des pustules non vénériennes (pustules de gale, de pem
phigus et d'acné) à des individus syphilitiques, cet auteur obtenait
immédiatement des pustules qui s'ulcéraient et qui étaient inoculables
en plusieurs générations, et semblables au chancre mou . Des auto-ino
culations avec le même pus, faites à la même époque par Pick à titre de
contrôle ou faites sur d'autres individus non syphilitiques, eurent des
résultats négatifs. Pick croyait donc pouvoir admettre qu'en certaines (!) +

circonstances la production du chancre mou devait dépendre non pas


de la nature de la matière inoculée, mais de l'état syphilitique du ter
rain sur lequel on inoculait. Ceux d'entre les syphiligraphes qui regar
dent l'inoculabilité du pus ulcéreux comme l'unique symptôme, cominie
l'attribut principal du chancre, arrivèrent, en s'appuyant sur les résultats
ci-dessus, à établir pour le chancre la définition suivante : 7

Tout ulcère produit par l'infection d'une sécrétion ulcéreuse est un


ulcère chancreux, soit que le pus provienne d'ulcerations vénériennes
qui ne donnent pas lieu à des phénomènes généraux, soit qu'il pro
cède de foyers de suppuration , qui sont des symptômes de syphilis
constitutionnelle. L'expérimentation a donc établi d'une manière incon
testable que la sécrétion de foyers de suppuration irrités et syphilitiques,
produisait sur le porteur ainsi que sur d'autres individus syphilitiques
des ulcérations, ressemblant extérieurement et par leur inoculabilité au
1

chancre moù : il n'est cependant pas prouvé que ces ulcérations pro
duites au moyen de sécrétion syphilitique sur des individus sains, pro
duisent dans tous les cas des effets purement locaux, sans porter preju
dice au sang de l'individu inoculé, comme cela a lieu pour le chancre
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 279

mou ordinaire . De plus, il faut tenir compte, que sur des individus
syphilitiques, on peut aussi, à l'aide de pus vulgaire, produire des ulcéra
tions semblables au chancre mou , c'est-à-dire transmissibles, tandis que
sur des individus sains, ces ulcérations produites au moyen de pus vul
gaire ne peuvent pas toujours être inoculées en beaucoup de générations.
Lorsqu'on ignorait encore que le pus vulgaire pouvait être aussi inoculé
par générations sur des individus sains, on croyait pouvoir expliquer ce
phénomène qu'on supposait particulier aux individus syphilitiques, par
une plus grande vulnérabilité de ces derniers. Les essais d'inoculation
faits par Pick et kraus, ainsi que les expériences plus récentes de
Morgan , montrent incontestablement que par l'inoculation d'un pus
quelconque, sans distinction d'origine, on peut produire sur des indi
vidus syphilitiques des ulcères inoculables par générations, semblables
au chancre mou . La nature de ces ulcérations, c'est-à - dire leur mode
d'action , et leurs rapports avec un organisme sain n'ont pu encore être défi
nitivement fixés, malgré les expériences de Rieger. Sachant même que
pour l'inoculation de la sécrétion de pareils ulcères produits sur des
individus syphilitiques, l'on peut provoquer sur des sujets sains des
ulcerations transmissibles conservant pour la plupart, sinon toutes, un
caractère purement local, en d'autres termes , ne portant pas préjudice à
la masse du sang , on n'a pas pour cela le droit de supposer que l'ulcé
ration vénérienne molle, puisse résulter de l'inoculation du pus de pro
duits inflammatoires syphilitiques. En effet, en inoculant des liquides
qui contiennent un « contage vivant » nous pouvons obtenir tantôt un
résultat positif, tantôt un résultat négatif. Le résultat sera positif, dans
les cas, où dans le liquide inoculé, il se trouvera des éléments du con
tage vivant , négatif, dans ceux où la substance inoculée sera exempte
de ces éléments . Mais comme nous admettons un contage vivant pour la
syphilis , comme nous l'expliquerons plus loin , les essais d'inoculations
comme ceux dont il vient d'être question nous apprennent que nous
avons seulement inoculé des éléments qui , en effet, produisent des
ulcères, mais que nous n'avons pas inoculé un virus syphilitique. De
plus, aucune expérience n'a encore démontré que le même pus chan
creux inoculé simultanément à une ou plusieurs personnes ait produit
tantôt des affections syphilitiques primaires, tantôt des chancres mous;
d'un autre côté, toutes les inoculations faites en vue de la syphilisation
avec le pus de chancres mous ont toujours produit des ulcères non indu
rés, tandis que dans la plupart des cas d'inoculation régulière de pus de
chancre induré ou de papule syphilitique sur des individus sains, le
résultat final a toujours été une ulceration indurée.
Tels sont les faits qui nous disposent à revendiquer deux contages
différents , l'un pour l'ulcère vénérien induré, l'autre pour celui non
280 H. ZEISSL .

induré ; nous désignons même sous un autre nom l'ulcère induré, et nous
n'attribuons la dénomination de « chancre » qu'à l'ulcération vénérienne
non indurée, destructive en thèse générale . Nous observerons ici , que ce
n'est pas par systémomanie que nous donnons à l'induration une signi
fication essentielle qui établit une différence . Nous sommes loin d'igno
rer qu'en formant les phénomènes pathologiques, la nature, dans la plu
7

part de cas, ne s'en tient pas à certains types : nulle part elle n'établit
de délimitations très nettes et pour les maladies moins que partout
ailleurs. Bien que l'induration soit dans la plupart des cas un symptôme
tellement prononcé, qu'on puisse non seulement le percevoir au toucher,
mais encore le voir à l'ạil nu , il arrive cependant parfois qu'elle
échappe au toucher le plus exercé . Dans les cas où elle est perceptible,
les adversaires les plus acharnés de la dualité s'en servent comme point
de départ de leurs diagnostics et de leurs pronostics. C'est là ce qui
nous décide à adopter le système de la dualité, quoique d'un autre
côté nous convenions que tous les systèmes sont inventés et établis
pour faciliter les études. Il est vrai que la manie de la systématisation
entraîne la confusion , mais d'un autre côté, le manque de système
amène l'incertitude et l'arbitraire . Le petit nombre d'inoculations faites
sur des individus sains avec la sécrétion de sujets syphilitiques a montré
qu'en général , après une plus longue incubation , il finit par se former une
petite papule qui se désagrége peu à peu, c'est-à- dire qui produit un
ulcère peu purulent, connu depuis longtemps sous le nom d'ulcère de
Hunter, et suivi d'habitude des phénomènes désignés sommairement
sous le nom de maladie syphilitique, phénomènes que l'on n'observe pas
après les ulcérations virulentes dans lesquelles on a vainement cherché
une sclérose . L'induration nous offre d'un côté un signe pathognomo
nique très important et anatomiquement très net pour reconnaître
l'affection syphilitique initiale ; de l'autre nous manquons malheureuse
ment d'un pareil signe pour l'ulcération vénérienne molle . Ainsi que
nous l'avons déjà fait observer, la science n'a pu réussir jusqu'à présent
à découvrir des symptômes soit microscopiques, soit chimiques caracté
risant spécialement le chancre mou, et le différant des autres ulcérations.
Le diagnostic d'une ulcération vénérienne molle est toujours — nous devons
l'avouer – un diagnostic de probabilité ; on ne saurait l'établir par
des particularités physiques, on ne peut procéder que par induction et
par exclusion .
L'inoculabilité qui est le seul critérium , sans cependant être incon
testable, n'est qu'un moyen de faciliter le diagnostic , mais ce moyen n'a
de valeur que par la concession qu'on est obligé de faire qu'aucun pus
inoculé sous l'épiderme ou transféré sur des parties dépourvues d'épi
derme, ne produit une ulceration aussi rapide que celui qui provient
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS. 281

d'un ulcère, que son processus de développement nous fait regarder


comme un ulcère vénérien niou . L'inoculabilité par générations ne peut
pas non plus être regardée aujourd'hui comme un critérium pour le
chancre mou, depuis que , à notre instigation Wigglesworth , ainsi que
Kaposi et Tanturri ont démontré que le pus non spécifique de personnes
non syphilitiques, inoculé au porteur ou sur d'autres sujets non syphili
tiques, peut aussi produire des pustules et des ulcérations dont le pus
s'est aussi montré inoculable quoique en un nombre plus restreint de
générations .
Avant de décrire en détail les caractères particuliers de l'ulcération
contagieuse locale (chancre mou) nous ferons encore observer qu'aucun
médecin n'est en état de déclarer avec certitude que telle ou telle ulcé
ration molle est un chancre mou . Ce sont toujours le siège de l'ulcéra
tion, son évolution et ses antécédents, autrement dit un coït suspect,
qui lui dictent un diagnostic de cette nature.
(A suivre. )

?
RECUEIL DE FAITS .

I
1

SUR UN CAS DE PANARIS ANALGÉSIQUE (DE MORVAN),


Par A. BROCA ,
Interne des hôpitaux , aide d'anatomie à la Facultó .
(Communication faite à la Société clinique, le 9 avril 1885.)

Schwartz, Laurent , 35 ans, jardinier, entré le 25 mars 1885 , salle Michon,


lit nº 1 (Hòpital de la Pitić, service de M. le Professeur Verneuil).
Son père est mort en 1884, à l'âge de 60 ans ; il ne sait pas de quoi. Sa
santé était habituellement bonne, mais il était assez alcoolique, et abusail
surtout de l'eau -de - vie .
Sa mère semble avoir une bonne santé : mais depuis plus de deux ans il
n'en a pas de nouvelles.
Ils ont été cinq enfants ; deux sont morts en bas dge ; les deux autres sur
vivants se portent bien.
Lui-même a eu une enfance solide. Il ne présente aucun commémoratif
strumeux . A låge de 7 à 8 ans, il a fait une chute sur le coude droit, à la
suite de laquelle l'épaule correspondante est restée douloureuse et raide pen
dant environ un an. Puis l'épaule a retrouvé progressivement sa souplesse
normale. Mais depuis cette époque, il est resté sujet à avoir des crises dou
loureuses dans le bras droit . Ces douleurs ont toujours le même caractère :
elles parlent du poignet, surtout à la face dorsale et remontent lout le long
du bras, sous forme d'élancements, parfois assez intenses , dit le malade, pour
faire suspendre pendant un instant les mouvements respiratoires. Jusqu'à ces
dernières années, ces crises douloureuses étaient exclusivement nocturnes.
Elles survenaient surtout après les fatigues un peu exagérées et duraient
alors pendant deux ou trois jours.
C'est peu après le début des douleurs, vers l'âge de 10 ans, que le patient
s'est aperçu qu'il était bossu . La gibbosité est venue peu à peu, sans aucune
douleur rachidienne ; au début, la colonne vertébrale était seulement un peu
raide , mais cela a cessé rapidement. Aucun abcès ne s'est formé. Actuelle- *
ment on constate aisément qu'il s'agit d'une scoliose légère, mais cependant
des plus nettes , avec la déviation classique (convexité journée à droite, ayant
son point culminant à la région dorsale supérieure ). Il n'existe aucun point
douloureux à la pression sur toute la longueur de la crète épinière.
Depuis l'åge de 14 ans, époque à laquelle il a commencé à travailler, le
sujet a remarqué que ses mains ont loujours été plus rudes que celles de ses
camarades; il s'est constamment fait beaucoup de durillons; la peau a lou
jours été sujette aux gerçures , aux crevasses .
Depuis fort longtemps, mais il ne sait pas au juste depuis quand, il a assez
SUR UN CAS DE PANARIS ANALGÉSIQUE . 283

fréquemment des crampes dans les doigts, et cela des deux côtés. Mais le
membre supérieur gauche n'a jamais été le siège de douleurs comme celles
que nous avons déjà décrites pour le bras droit.
En 1878 , la main droite a été écrasée par un morceau de fonte. La plaie
contuse ainsi produite n'a jamais causé de souffrances notables ; elle a mis
environ six mois à guérir et n'a pas présenté dans son évolution de compli
cation actuellement appréciable ; mais elle était vraisemblablement accompa
gnée de lésions osteoarticulaires sérieuses . Actuellement, en effet, quoique
les mouvements de poignet soient souples, on voit que sur la face dorsale la
tête du cubitus fait une saillie beaucoup plus volumineuse que du coté op
posé ; en dehors, toujours sur la face dorsale , l'extrémité supérieure du se
cond métacarpien , elle aussi est fortement saillante et se trouve séparée par
une dépression de l'extrémité inférieure du radius. Du côté palmaire, enfin,
le carpe fait une forte saillie en avant et au-dessous de l'apophyse styloide
radiale. La plaie a laissé à la face dorsale de la main et du poignet une peau
blanche, lisse, mince, certainement cicatricielle , mais ayant conservé sa sou
plesse. C'est à la suite de cet accident , parait-il, que le pouce et le petit doigt
ont présenté une attitude vicieuse .
Le pouce est fléchi à angle droit : on peut augmenter le mouvement de
flexion, mais l'extension est impossible et on sait qu'elle est limitée par une
bride palmaire, métacarpophalangienne. Les mêmes phénomènes s'observent
à l'articulation phalango-phalanginienne du petit doigt, dont l'articulation mé
tacarpophalangienne a conservé ses mouvements normaux .
Ce traumatisme a dů produire également des lésions nerveuses. En effet,
le nerf cubital est certainement écarté aujourd'hui de sa position normale :
ce nerf passe normalement contre le pisiforme et en dehors de cet os. Or,
par pression sur le côté interne de la base de l'éminence thénar, à un fort
travers de doigt en dehors du pisiforme, on cause des picotements, mal dé
finis d'ailleurs, dans le petit doigt et la moitié interne de l'annulaire.
En tout cas, depuis cet accident les douleurs brachiales sont devenues à
la fois plus fortes et plus fréquentes. De plus, au lieu d'être exclusivement
noclurnes, elles se sont de temps à autre manifestées pendant le jour.
Ces crises douloureuses ne s'accompagnent pas de sueurs.
C'est environ un an après qu'ont débuté les crevasses profondes, saignant
facilement, identiques à celles que la main porte actuellement et bien diffe
rentes des gerçures auxquelles elle avait été sujette jusqu'alors.
Il y a cinq ans, après un redoublement de crises douloureuses, le médius est
devenu malade. Sans cause, sans douleur locale, la troisième phalange a
gonflé, est devenue rouge ; l'os mis à nu est sorti . Au bout d'un mois, on a
pratiqué, à l'hôpital de Metz , la désarticulation de tout le médius quoique les
deux autres phalanges fussent saines . L'amputation a guéri en 17 jours et
actuellement il y a lå une cicatrice linéaire, très souple vers la paume, mais
un peu calleuse à la face dorsale .
Un an après, l'index a été pris à son tour, le début s'est fait de la même
manière, ici encore précédé par des accès de névralgies brachiales; mais
l'os de la phalangette ne s'est pas nécrosé. La cicatrisation s'est faite spon
tanément et aujourd'hui on voit un index déformé, qui se termine en un cône
dont le sommet est constitué par un rudiment d'ongle. L'articulation phalan
gino-phalangettienne est à peu près complètement ankylosée, à angle oblus.
La peau de la face palmaire est très épaisse et très dure à la troisième pha
lange; beaucoup moins à la face palmaire de la première phalange; celle de
284 A. BROCA .

la face dorsale est indurée, rigide sur les deux dernières phalanges; elle est
normale sur la première.
L'annulaire est malade depuis 15 jours. Après de vives douleurs névralgi.
ques, il est survenu à la troisième phalange une tache noire qui a rapidement
fait le lour de l'ongle . Au dire du malade, il n'y aurait pas eu là de phlye
tène . L'ongle est tombé en peu de jours ; le doigt a gonflé , est devenu un peu
rouge tout en restant absolument indolent. L'ulceration a vite envahi les par
ties molles et aujourd'hui on est en présence d'un doigt raide, légèrement
gonflé , un peu rouge sur la deuxième phalange et ce qui reste de la troi
sième , se terminant par une ulceration irrégulière, bourgeonnant mal , sup
purant peu , au centre de laquelle on voit faire saillie la phalangelle nécrosée,
mais non mobile .
Trois crevasses existent sur les doigts. Elles sont profondes, le fond est un
peu suintant; il saigne facilement; les bords sont épais, durs, calleux. L'une
de ces fissures se voit à la face externe de l'articulation phalango - phalangi
nienne de l'index , traversant le pli articulaire avec une légère obliquité. La
seconde interesse également un pli de flexion : elle est creusée dans le pli
angulaire permanent que nous avons déjà signalé au petit doigt. La troisième
enfin, très oblique, atteint la face interne de la première phalange du pouce.
Les crevasses guérissent sans laisser de trace, mais il s'en fait d'autres ail
leurs, en sorte que la main en présente toujours.
Toute la peau palmaire est recouverte d'un épiderme très épais présentant
de nombreux durillons. Il y a à la partie inférieure de l'éminence hypothénar
un reste d'ampoule; et au talon de la main, entre les deux éminences, il
existe une ampoule large comme une pièce de deux francs et qui date d'une
huitaine de jours : à cette époque le malade travaillait encore, malgré le pa
naris déjà grave, mais indolent de l'annulaire.
Sur la moitié inférieure de l'avant-bras l'épiderme desquame.
Les ongles sont un peu altérés. Ils ne présentent pas de cannelures, mais
ils s'incurvent légèrement vers la face palmaire et la face antérieure de leur
extrémité libre est séparée de la phalange par des productions épidermiques
pulverulentes, blanches, assez épaisses.
La sensibilité de la main droite est considérablement altérée.
Sur la face palmaire de la main et du tiers inférieur de l'avant - bras l'a
nalgesic est complète : une piqûre d'épingle se réduit à la simple sensation
de contact.
Sur la face dorsale, la sensibilité est certainement moindre que du côté
opposé, mais l'analgésie n'est complète que sur les deux dernières phalanges
de l'index et de l'annulaire (on n'oublie pas que le médius est amputé ).
La sensibilité au contact est partout conservée. Il semble y avoir seulement
un peu de retard .
La sensibilité à la température est modifiée. Le froid est bien perçu ; le
chaud ne l'est qu'au bout d'un certain temps. Et si on fait succéder rapide
ment à la mème place un corps froid et un corps chaud pendant quelques
instants la sensation de froid persiste : cela n'a pas lieu du côté opposé.
(L'expérience a été faite avec le manche de deux cuillers l'une dans l'eau
froide et l'autre dans l'eau chaude .)
Les troubles de la sensibilité ne remontent pas au - dessus du tiers infé
rieur de l'avant-bras.
Pendant le travail , la main gauche sue plus que la main droite .
Quant il fait froid, la main droite ne le sent pas : mais elle se refroidit,
SUR UN CAS DE PANARIS ANALGÉSIQUE . 285

devient bleue et gonfle légèrement. Ces phénomènes sont surtout marqués sur
l'index qui, actuellement, au repos, présente une hypothermie considérable,
appréciable à la main .
La température a été prise avec l'appareil thermo- électrique différentiel de
Redard et nous avons obtenu les résultats suivants : l'hypothermie du membre
inférieur droit est de 2. centigrades à la face dorsale du poignet ; de 10,2 å
l'avant-bras, un peu au - dessous de l'olécràne. La température des deux
bras est égale.
Les muscles de ce membre ne sont nullement atrophiés. Les mouvements
de doigt sont fort génés, bien évidemment, par les lésions que nous venons
de décrire, mais le malade , qui n'est pas gaucher, ne se plaint pas d'un
affaiblissement du bras droit.
Les ballements des radiales sont normaux de deux côtés . Les artères ne
sont pas athéromateuses .
La main gauche a une sensibilité normale. Elle n'est le siège ni de dou-,
leurs, ni de fourmillement. Cependant, de temps à autre , le sujet y ressent
des crampes , et, à la face dorsale surtout, la peau est rugueuse, fendillée .
Cet état est principalement net sur la face dorsale du 50 métacarpien . Les
lesions des ongles sont identiques à ce qu'elles sont du côté opposé.
Ces mêmes altérations unguéales s'observent aux pieds. Les membres infé
rieurs sont en même temps le siège de quelques crampes . Pas d'adème
mallóolaire. Pas de varices superficielles.
Rien dans les urines ;
Etat général excellent.

Réflexions. - L'observation qui précède me semble un type à peu


prés complet de ce qu'en 1883 (Gazette hebd . de méd. et chir., 1883,
p. 380, 590, 624) le Dr Morvan (de Lannilis) a décrit sous le nom de
• Parésie analgésique à panaris des extrémités supérieures » . Elle doit
étre rangée à côté des sept cas publiés par cet auteur, et diffère par
emusequent du panaris nerveux , peut-être impaludique , décrit par
M. Quinquaud (France médicale, 1881), et dans lequel il n'y a ni sup
puration ni nécrose. A cause de cette similitude presque complète, mes
commentaires seront brefs :
1 ° Le fait le plus en désaccord avec l'opinion de Morvan est l'absence
de parésie. Pour cet auteur, en effet, il existe constamment de la para
lysie aux muscles de l'avant-bras et de la main . Or, ici , le membre
supérieur n'est pas affaibli : au reste , il en est de même dans une ob
servation publiée par Guelliot (de Reims), peu de temps après celle de
Morvan (Gaz. hebd ., 1883, p . 662 ). — Morvan semble donc avoir émis
une conclusion exagérée .
. L'influence du traumatisme semble , au premier abord, évidente .
l'n traumatisme de l'enfance est le point de départ de crises névral
giques. Un traumatisme de l'âge adulte provoque sur ce membre, déjà
malade, les accidents graves aujourd'hui constatés . A ce point de vue,
on doit faire un rapprochement avec les observations I et V de Morvan.
286 A. BROCA .

Mais un autre facteur vient compliquer les choses : il s'agit de savoir si


la scoliose n'a pas un rôle égal à celui du traumatisine . Les troubles
médullaires dans la scoliose ne sont pas fréquents, mais ils sont
signalés . La localisation des troubles à la main et au tiers inférieur de
l'avant -bras permet de croire à la prépondérance des altérations ner
veuses périphériques dues à l'écrasement de la main . C'est encore là
une différence avec les observations de Morvan, dans lesquelles l'inner
vation de tout le membre supérieur est compromise, si bien que Morvan
admet une influence médullaire .
3° En effet, le membre supérieur du côté opposé peut être envahi, la
maladie peut même gagner les membres inférieurs (Morvan , Observa .
1
tion VII). Dans notre cas, on pourrait considérer les crampes, les altéra
tions ungueales des membres supérieurs comme le prélude de la maladie ;
mais on peut être moins pessimiste et invoquer des varices profondes
pour expliquer ces symptômes. Il est vrai qu'on ne peut plus en faire
autant pour le membre supérieur gauche.
4° Dans les observations de Morvan , l'anesthésie accompagne ordi Is
nairement l'analgésie. Cependant l'analgésie existe seule dans son
Observation I ; il en est de même dans la nôtre.
Les faits de ce genre sont rares. Ils n'étaient pas classiquement con
nus avant la publication du mémoire de Morvan. Sans doute, on en
trouverait des exemples plus ou moins complets en cherchant dans la
littérature médicale. Mais ce qui démontre la rareté de l'affecttion, c'est
que le fait déjà cité de Guelliot est le seul qui , àà notre connaissance, ait
été publié à Paris depuis que Morvan a attiré l'attention sur ce point.

1
II

SIMPTÔMES VÉSICAUX ET URÉTHRAUX INAUGURANT LA PÉRIODE PRÆATAXIQUE


DU TABES SUR UN SUJET SYPHILITIQUE, par le Dr LEMONNIER .

M. X... , âgé de 32 ans, est employé au chemin de fer. C'est un


homme blond , d'une taille au-dessous de la moyenne, et très bien
portant. Je ne découvre aucun antécédent indirect méritant d'être signalé
et jamais il n'a eu de maladies graves .
Pas de blennorrhagie antérieure. Pas d'excès . Pas d'habitudes alcoo
liques.
En mars 1879, il eut un chancre de la verge qui fut soigné pendant
trois mois avec des pilules dont il ne se rappelle pas la formule. Pas
l'accidents consécutifs .
En mars ou avril 1880, il prétend avoir eu un nouveau chancre,
au même endroit, qui fut appelé « chancre induré » . Un mois et demi
ou deux après, il fut atteint de syphilide papulo -croûteuse du front et
du cuir chevelu . Cinq pilules de sublimé et tisane de salsepareille . Au
cun accident et aucun traitement.
Le 10 juillet 1881 , il se marie. Deux mois après, plaques muqueuses
dans la bouche pendant trois mois. Cent vingt pilules de Dupuytren et
grammes d'iodure. Le médecin lui faisait prendre alternativement des
pilules pendant 15 jours. Ce traitement dura deux mois.
Le 8 mars 1882, sa femme, chez laquelle je n'ai pu trouver aucune
trace de contagion , accoucha à 7 mois et demi d'un enfant mort. Quel
ques jours auparavant, cette femme avait fait une chute dans son esca
lier. Le 10 août 1882, fausse couche de 2 mois. Dans les 4 premiers
ours de novembre de la même année , elle se trouve à nouveau en
crinte ; et , le 10 juillet 1883 , c'est-à- dire 7 mois plus tard , elle
accouche encore d'un enfant mort.
Je signale maintenant et d'autant plus volontiers le résultat de ces
mis grossesses, que le mari était en puissance d'accidents quelques mois
avant .
En novembre 1883, le malade prend 40 pilules de Dupuytren pour des
syphilides érosives du scrotum .
Au mois d'août 1884, il prend de l'iodure pendant trois semaines pour
une récidive des mêmes accidents .
Sa femme devient une quatrième fois enceinte et fait une fausse
couche de 2 mois, en novembre.
Le 31 mars, cet homme vient à ma consultation se plaindre d'une
288 LEMONNIER .

difficulté à uriner qu'il définit de la façon suivante : « J'éprouve une


sensation de resserrement, au niveau du gland, qui m'empêche de pisser
et j'ai cru au commencement que c'était le prépuce qui me couvre le
gland qui me serrait. Je ne puis commencer qu'après de violents efforts
et après avoir attiré le 'prépuce en arrière. Le jet est interrompu une ou
deux fois . » Ces accidents ont commencé il y a environ deux mois et
demi .
Ce malade , dont l'état général est excellent, qui n'a jamais eu de
blennorrhagie, dont la vie est régulière, éprouve une sensation de cons
triction de la verge qui entrave le début de la miction, s'il ne fait pas de
très grands efforts. De plus , le jet est interrompu. Enfin, il éprouve plus
souvent le besoin d'uriner. Il se couche en général à 8 heures et demie
et est obligé de se lever vers une heure et demie chaque nuit.
Depuis deux mois, la sensation voluptueuse du coït est émoussée.
Le coït s'accomplit plus lentement. Depuis la même époque, le travail
de bureau est difficile et reste souvent inachevé .
Depuis une quinzaine de jours, il se plaint de ballonnement du ventre
et d'une sensation de constriction en ceinture.
Depuis deux jours , douleurs vagues et de peu de durée dans les cuisses
et dans l'épaule droite .
Il n'existe aucune incoordination dans la marche au commandement.
Pas de signe de Romberg.
Réflexes rotuliens conservés.
Rien à noter du côté de l'ouïe et de la vue. Pas de douleurs gas
triques .
Je prescris chaque soir une friction avec 5 grammes d'onguent napo
litain , et 3 , 4 puis grammes d'iodure de potassium chaque jour.
Ce traitement est fait pendant 22 jours.
Le 21 avril 1885, le inalade me dit que le jet d'urine n'est plus in
terrompu , que la sensation de constriction du gland a disparu, qu'il n'est
obligé de se lever qu'à 6 heures ou 6 heures et demie du matin pour
uriner, et que les douleurs dans les cuisses qui se produisirent à diffé
rentes reprises les huit premiers jours de traitement ne se sont pas re.
nouvelées .
Il n'existe presque plus de ballonnement et de constriction du ventre ,
mais l'aptitude au travail est encore difficile .
Je me propose, en présence de ces accidents, de faire suivre un trai
tement antisyphilitique pendant longtemps à ce malade.
REVUE CRITIQUE .

DU PRCRIGO, par le professeur J. CASPARY ( in Vierteljahresschrift für


Dermatologie unil Syphilis , 1 ° 3 et 4 de 1884) .
(Analyse annotée par ERNEST BESNIER et A. Doyon .)
En France, jusqu'à ces dernières années, on connaissait peu le pru
rigo comme individualité morbide, et sa différenciation d'avec les autres
maladies prurigineuses de la peau . Il y a deux ans, l'auteur a été frappé,
en visitant des hôpitaux français, combien on était peu au courant de
cette maladie , qui est pourtant si facile à distinguer ; il est vrai qu'elle
parait être relativement rare en France ( 1). En Angleterre et en Amé
rique, le prurigo est sans doute aujourd'hui bien connu , mais on y est
arrivé assez tard, à ce qu'il parait, et par l'intermédiaire de ceux qui
avaient suivi les cours de Hebra ou ceux de ses élèves (2) , bien que
la première bonne définition de cette affection ait été donnée par Willan .
Mais cet auteur avait mis à côté de son prurigo mitis et formicans, qui
correspond au prurigo de Hebra , un prurigo sénile et local. Puis Hebra
vint et décrivit cette maladie d'une manière si claire et si précise, qu'il
(1) Cette remarque n'est ni juste ni exacte. Nous ne savons de quels hôpitaux
parle l'auteur ; mais il est trop notoire , pour sembler l'ignorer, que le prurigo, que
nous avons proposé et fait accepter de designer sous le nom de prurigo de Hebra,
est parfaitement connu , démontré, reproduit dans notre musée bien avant l'époque
dont il est question. Si notre honorable confrère avait voulu se renseigner, il pou
vait consulter les annotations de la traduction française de Kaposi (Paris, 1881,
1. II , p . I et suiv ., Dote 1 ) et éviter ainsi de reproduire une légende surannée qu'il
serait vraiment temps d'abandonner.
Quant à la frequence du prurigo de Hebra , l'auteur ne s'est pas mieux renseigné
pendant son voyage en France. La maladie n'y est malheureusement pas rare ; on
en trouve des exemplaires dans tous les services, et il serait bien difficile de n'en
pas rencontrer chaque jour aux consultations externes du grand hópital Saint-Louis.
l'n seul point serait discutable, la question de fréquence relative en France et en
Allemagne; c'est là le seul point à réserver, mais nous pensons qu'une enquête
serieuse et scientifique montrera que cette différence est peu considérable.
E. B. A. D.
2 Neus laissons à nos confrères d'Angleterre et d'Amerique le soin de préciser
luat des choses à cet égard ; mais ceux de nos honorables collègues de ces deux
pays que nous avons vus dans nos salles, il y a un grand nombre d'années déjà,
connaissaient parfaitement le prurigo de Hebra .
Pas besoin ,pour reconnaitre cette affection, d'atre élève direct ou indirect de
Hebra ; les descriptions de l'auteur et de son continuateur Kaposi sont à ce point
precises ( comme le déclare d'ailleurs M. Caspary), qu'il n'y a pas grand mérite à
reconnaitre l'affection, même sans avoir été initié par Hebra ou par ses élèves.
E. B. A. D.

ANNALES DE DERMAT . , 2° SERIE VI . 19


290 J. CASPARY .

ne saurait plus exister aucun doute à cet égard pour les esprits non pré
venus . On sait que Hebra a séparé le prurit cutané du prurigo ; il a con
sidéré comme prurit cutané les simples démangeaisons de la peau tenant
à des altérations nerveuses, qui surviennent sans aucune efflorescence et
dans lesquelles tous les exanthèmes ne sont que la suite du grattage, et
par conséquent des lésions secondaires. Il a d'autre part établi pour le
prurit les divisions suivantes : prurit généralisé, prurit des parties gé
nitales, des mains et des pieds , prurit sénile, prurit d’hiver, pru
rit symptomatique de l'ictère, de la glycosurie, etc. En opposition au
prurit, il met, en l'isolant complètement de tous les congénères, la
lésion qui est toujours la même, seulement tantôt faible, bénigne,
tantôt plus violente ou féroce, le prurigo, la petite papule prurigi
neuse (Juckblätterchen ), la disposition toujours congénitale ( 1 ) à de
fréquentes poussées d'urticaire, surtout durant la preinière enfance,
et un peu plus tard. Le prurigo se manifeste de deux à sept ans par des
papules du volume d'un grain de chenevis , sous- épidermiques, ayant
la même coloration que la peau , prurigineuses et donnant lieu au grat
tage et à toutes ses conséquences. Ces papules affectent de préférence
les surfaces d'extension des membres et ne laissent indemnes que les plis
des articulations, la plante des pieds et la paume des mains, les parties
génitales et le cuir chevelu ; elles surviennent très rarement à la face,
rarement sur le tronc (2), et toujours sous forme d'éruption .

( 1) La qualification de toujours congénitale est excessive, et de nature à servir


d'argument à ceux qui contestent la réalité du genre Prurigo de Hebra et son essen
tialité. Nous avons eu grand soin ( loc. sup. cit . , p. 2, note 1) de nous inscrire même
contre la proposition moins radicale de Kaposi, qui fixe l'apparition des indices
précoces à la premiere enfance; et nous nous inscrivons également contre l'asser
tion de G. Riehl ( Viertelj. für Dermat ., etc. , 11• 1 et II , 1881. Anal ., in Ann . de
dermat., nº 1 , 1. VI , 1885), d'après laquelle on trouverait toujours vers la fin
de la première année et dans le cours de la deuxième, des pomphi typiques
(plaques ortiées) et des Juckblatterchen (petites squames, petites papules pru
rigineuses). Il est bien exact que les cruptions ortiées sont bien l'indice precoce
pendant les premières années (non pas un indice absolu ); mais il n'est pas rare
de trouver des cas de prurigo de Hebra aussi typiques que possible qui ont débutė
non dans la première enfance, mais dans la seconde enfauce, voire même dans
l'adolescence. La pathologie du Prurigo n'a rien de plus absolu que celle d'une
affection humaine quelconque, et si la résistance à l'admission du genre se prolonge
en quelques points, c'est surtout par les exagérations semblables à celles que nous
combatons. E. B. A. D.
(2) Voici encore un point sur lequel l'absolutisme de l'école de Vienne doit être
wombattu ; nul doute que la description typique qu'elle a donnée du prurigo s'ap
plique à la majorité des cas; mais il est aussi ordinaire (plus ordinaire de ren
contrer des faits de prurigo dans lesquels il y a des irrégularités de siège, et même
un siège paradoxal, que dans le psoriasis par exemple. Qui niera un psoriasis, par
ce fait qu'il occupe, comme cela arrive quelquefois, exclusivement les plis articu
laires ? Pourquoi s'exposer à faire nier et méconnaitre des cas réels de Prurigo
de Hebra, sous le prélexte qu'ils sont irréguliers ou méme absolument aberrants
comme siège . La durée, l'ancienneté , la repetition des crises, le prurit, les lésions
DU PRURIGO . 291

Le prurit qui les accompagne amène l'épaississement et la pigmenta


tion de la peau dans des régions bien déterminées et des bubons indo
lents, principalement des ganglions inguinaux, souvent aussi des eczé
mas ( l ) . L'absence de sommeil par suite du prurit et du grattage conti
nuels, durant les périodes d'aggravation , déprime les malades. Cette
affection n'a son point de départ dans aucune dyscrasie, ni dans aucune
maladie organique. On peut atténuer les poussées isolées, mais l'état
général est incurable .
La description du prurigo par Hebra est si magistrale , si complète , et
procède si visiblement de l'observation de ce médecin de génie, et elle
diffère d'une manière tellement frappante des descriptions diffuses de
prédécesseurs, qu'on la relira toujours avec admiration . Toutefois,
quant à l'incurabilité édictée par lui de cette dermatose, on a reconnu
depuis que, à ce lamentable pronostic, il aurait fallu ajouter jusqu'à ce
jour.
Hebra a établi que le point essentiel est la formation de papules qui
provoquent le prurit contrairement à ce qu’on observe dans toutes les
autres variétés de prurit. Le prurit cutané se produit en effet sans aucune
efflorescence ; les papules sont toujours dans ces cas le résultat des grat
takes. Or, le propre fils de Hebra a abandonné la théorie des papules
prurigineuses. H. v. Hebra (die krankhaften Veranderungen der Haut,
1884) prétend que les papules du prurigo sont la conséquence du grat
tage, et qu'on ne les rencontre nullement au début de la maladie ; du reste,
dit-il, le prurigo n'est qu'une névrose de la sensibilité, un prurit à loca
lisation particulière.
Caspary ne partage pas les opinions du fils de Hebra. Selon lui les
papules du prurigo constituent une partie essentielle des caractères de la
maladie, comme les nodosités du lupus pour le lupus, comme l'acare
pour la gale. Mais on peut aussi diagnostiquer le prurigo en l'absence
de ces papules, d'après la localisation typique et les modifications égale
inent typiques de la peau ; de même qu'on peut le faire généralement
de la peau , l'adénopathie, etc. , suſtisent à rectifier le diagnostic. Les lois de la
pathologie générale sont universelles ; la mise en lumière et l'enseignement de
Texception , non seulement ne nuisent pas à la régle, mais sont le complément et
la moralité de toute description nosologique. E. B. - A. D.
(1) Est- il exact de dire que « le prurit » améno l'épaississement et la pige
mentation de la peau ?
Le prurit, en determinant le grattage, auginente l'irritation dermo-épidermique et
contribue indirectement à l'épaississement du derme et à l'hyperchromatose , ainsi
qua la production des poussées eczémaieuses et des proliférations ganglionnaires.
Mais le gratlage lui-même n'est qu'un élément adjuvant de la production des lésions
catarrhales de la peau ; il y a des prurits féroces qui ne déterminent pas l'eczéma
nécessairement, ou même qui n'en déterminent jamais. L'eczema est une des mani
festations cutanées du prurigo, et non pas seulement un incident mécanique au
cours de son évolution . E. B. - A. D.
292 J. CASPANY .

pour le lupus et presque toujours pour la gale, sans les efflorescences


primaires ou la présence du sarcopte de l'homme ( 1 ) .
Les opinions d'Auspitz different de celles de Hebra. Il a constaté que
parfois les papules manquaient dans certaines exacerbations, tandis que
le prurit ne faisait jamais défaut; aussi considère- t-il la névrose de la
sensibilité comme le point le plus essentiel. Quant aux papules qui exis
ent toujours dès le début, il émet l'hypothèse hardie d'une névrose de
a motilité survenant simultanément avec une névrose de la sensibilité.
Il s'agit d'une contracture chronique des muscles érecteurs des poils qui
détermine la saillie des follicules pileux des poils follets . En faveur de
cette hypothèse on peut invoquer la localisation de la maladie sur les
seules régions où existent des poils follets, tandis que le pli des articu
lations, la plante des pieds et la paume des mains restent toujours
indemnes. En second lieu il faut encore noter que les papules ne s'en
flamment jamais, elles n'ont aucun des caractères des granulomes, nii
des influences parasitaires, ce sont des productions tout à fait indiffé
rentes et nullement caractéristiques. Tout ce qui a été décrit n'est que
le symptôme d'une dermatite chronique qui est toujours la conséquence
d'un grattage prolongé et dont l'aspect est absolument identique à celui
d'un ' eczéma ancien ou d'une peau qui a été le siège d'irritations pro
longées,
Auspitz compare les papules à la chair de poule, sauf que dans le
premier cas la contracture musculaire ne disparait pas immédiatement
après l'irritation, mais est remplacée par une espèce de tétanos qui per
siste pendant toute la durée des papules, c'est-à -dire très longtemps.
Mais d'abord ces papules arrondies, pâles, incolores, qui sont souvent
traversées à leur centre par un poil lanugineux - arraché peut être dans

( 1 ) Voilà, il faut en convenir , une étrange discorde d'école et de famille ! H.v . WA

Hebra a appris de son illustre père lui-même à con naiire le prurigo, et il con
teste la papule préprurigineuse (ce en quoi il a parfaitement raison )! Comment, en
effet, peut-on prouver, à propos d'une papule donnée, que son développement a
précédé le prurit ? Il faudrait donc avoir constaté que cette papule est restee pen
dant un certain temps aprurigineuse avant d'être prurigineuse !
Il n'est pas besoin d'insister ; mais nous ne pouvons pas ne pas faire remarquet
(et la preuve en est ici criante) combien il est per conforme à la réalité de vouloir
affirmer toutes ces choses sur lo mode absolu !
Il se passe pour le prurigo ce qui se passe pour l'urticaire et pour l'eczéma ;
assurement, chez les urticants conime chez les eczemateux, le grattage et le prurit
précèdent souvent les papules (les pomphi) ou les vésicules dont ils peuvent favo
riser le développement; mais que le sujet ne soit ni urticant ni eczémateux, et le
prurit ne déterminera nipomphi ni dermite vésiculeuse. I y a chez un sujet atteint
de prurigo et par ce fail mème, et uniquement, ipso facto, un cercle vicieux véri
table; le prurii, les pomphi, les papules, coexistent, se succédent, se precedent de
telle façon que l'observateur qui ne veut voir qu'un temps isolé du processus, peut
soutenir á så guise celle des thèses qui le séduit ou qui concorde avec son ide
priconçue , ou avec la tradition qu'il s'est laissé imposer. E. B. A D.
DU PRURIGO . 293

d'autres papules — ne ressemblent nullement aux follicules en saillie de


la chair de poule . Il est également impossible de comprendre pourquoi
:
ces contractures n'apparaîtraient que dans certaines régions, surtout
puisque la peau des prurigineux a le même aspect que la chair de poule
par l'action du froid . De plus l'auteur n'a pu exercer aucune influence
sur le volume ou la forme des papules du prurigo à l'aide de courants
énergiques mais courts, ou de courants faibles et prolongés. Les injec
tions sous -cutanées d'atropine au voisinage immédiat des papules ont
galement donné des résultats négatifs, malgré une dose maximum
double. L'examen anatomique d'un fragment de peau atteinte depuis
longtemps de prurigo a permis à l'auteur de constater qu'il existait dans
l'épiderme, dans les gaines des racines des poils, dans les papilles et
dans les vaisseaux sanguins, des altérations analogues à celles qu'on
observe dans les dermatites chroniques anciennes. Sur des papilles exci
sées chez des enfants très jeunes, chez lesquels elles étaient isolées sur
une peau en apparence saine, non encore épaissie et modifiée, l'auteur a
trouvé les lésions suivantes dans le réseau de Malpighi : augmentation
des cellules, surtout dans la couche épineuse (Unna ), laquelle représen
tait un véritable akanthome dans le sens d’Auspitz, tandis que la couche
cornée paraissait normale, et que les papilles, les vaisseaux sanguins,
les glandes, les muscles, tout le derme en un mot, n'avaient subi aucun
changement. Il n'a pas coustaté d'altération des terminaisons nerveuses.
D'après Riehl ( voir Annales de dermatologie, t. V , p . 26) , le prurigo,
dont la spécificité a été bien reconnue , ne serait qu'une urticaire
hronique, car les papules sont cliniquement et anatomiquement ana
| logues à des plaques ortiées, c'est-à -dire qu'on observe des vaisseaux
dilatés dans les papilles et une abondante migration de cellules à travers
les vaisseaux . Caspary n'a jamais rien vu de semblable, il est vrai qu'il
n'a eu á sa disposition qu'un nombre assez restreint de papules prises
sur le vivant. Sans doute dans le nombre des papules de prurigo pro
prement dites on pourra rencontrer quelques véritables plaques d'urli
caire ; mais on ne sait pas si elles sont survenues spontanément ou bien
si elles sont occasionnées par l'irritation et le grattage. Ce dernier cas
n'est pasinvraisemblable , car, chez bon nombre de malades atteints de
prurigo, l'auteur a trouvé l'urticaire artificielle, autrement dit il est
possible dans ces cas de provoquer avec l'ongle des plaques or
tiees ( 1 ).

On vient de le voir par l'exposé successif de ces divergences, la discorde est


compléte au sein même de l'école de Vienne : les papules lypiques du prurigo ne
2001 pour Riehl que des pomphi ; pour Auspitz, es papules ne sunt pas des papules,
mais des saillies produites par un tetanos chronique des autrecteurs ; et Caspary
declare que ces papules ne different pas des dermatites papillaires hypertrophiques
294 J. CASPARY .

Tout récemment, le Dr Behrend (Deutsche medicinische Wochens


chrift, nº 25, 1884 ) s'est élevé contre la théorie de Hebra . Il a vu sur
venir chez deux enfants atteints de scarlatine des éruptions pustuleuses
qui furent plus tard suivies d'un prurigo typique. On devrait admettre
que dans ces cas la peau était prédisposée et que la scarlatine n'avait
fait que développer les germes du prurigo. Il est en tout cas démontre
que le prurigo peut provenir du sang , et qu'on ne peut plus mettre en
doute son développement dû à des causes internes . Il ne serait pas éton
nant de voir survenir le prurigo après les repas ou après certains médi
caments . Les observations de Behrend sont extrêmement dignes d'atten
tion, mais les enfants étaient âgés de 5 et de 4 ans, et Hebra fixe de 2 à
7 ans la période de développement du prurigo . C'est uniquement d'apris
les renseignements fournis par les mères des deux enfants qu'on sait si
véritablement la peau de ces enfants était normale, sans poussées anté
rieures d'urticaire. En tout cas c'est une disposition antérieure qui a été
éveillée , et il ne saurait être réellement question d'une éruption tenant à
des causes internes ( 1 ).
Caspary considère la description classique de Hebra comme étant
aujourd'hui encore presque absolument exacte (2) ; il resterait à étudier
sur un plus grand nombre de cas les papules, les nerfs périphériques et
peut-être aussi les nerfs centraux . Le pronostic seul laisse à désirer dans
la théorie de Hebra . On sait aujourd'hui que cette maladie est parfaite

de l'eczéma prolongé, et qu'elles sont, au contraire, tout à fait distinctes des


papules du lichen vrai .
Cela démontre , en fait, que la terminologie des éléments dermatologiques n'est
plus en rapport avec les exigences de la science actuelle. Le terme de papule
s'applique à la fois à des éléments spécifiques comme à ceux de la papule syphi
litique, à des lésions fixes comme celles de la papule du lichen vrai , et à une scrie
d'efflorescences ædemateuses éphémères, telles que celles de l'urticaire, des éry
thèmes multiformes, etc. , etc. Une réforme dans cette direction devient urgente.
Qu'est-ce qu'une papule vraie, au cours histologique du jour ? Voilà une question
qu'il ne serait pas oiseux de traiter .
Au point de vue pratique,et même au point de vue de l'intégrité du genre pru
rigo, cette discussion a , au demeurant, fort pou d'importance. Il se passera encore
bien longtemps avant que la thérapeutique d'une affection cutanee se déduise do
l'élude rationnelle de son processus . E. B. A. D.
( 1) Voilà implicitement reconnu co que nous soutenons depuis longtemps, que le
prurigo peut n'apparaître que dans l'adolescence. Quant au rôle excitateur , provo
cateur, joue par la scarlatine, il est incontestable , et loute la dermatologie en
lémoigne.
Chaque jour, le prurigo comme le psoriasis, par exemple, que des excitations
générales ou locales, internes ou externes , ne se produiseni jamais de toutes pieces,
suivent manifestement, chez des sujets prédisposés, une vaccine, une variole, une
rougeole, une varicelle , elc. , voire même des excitations mécaniques ou chimiques
opérées chez les mêmes sujets . C'est là une loi , très ordinaire en dermatopatho
logie , dont l'application n'a rien de special au prurigo. E. B. – A. D.
( 2) Avec le bénéfice des réserves que nous avons indiquées. E. B. A. D.
DU PRURIGO . 295

ment curable dans les premières années de la vie et qu'on a réussi à


guérir quelques cas anciens (1 ) . Cette affection exige un traitement pro
longé, de plusieurs mois ; ce traitement est en somme celui de Hebra , il
consiste en applications locales (2 ) . L'auteur a cependant vu des cas
bénins guéris spontanément; toutefois il conseille de faire un traitement
énergique, car le sort d'un malade atteint de prurigo durant toute sa vie
est très triste .

11 Cette proposition doit être appuyée énergiquement; c'est au début de la


malailie que le traitement a le plus de succès : à la condition de traiter l'état
general des sujets selon les indications de l'état héréditaire . Une médication anti
dyscrasique prolongée, un régime diététique sérieusement réglé, les cures hydro
thermales bien faites et judicieusement choisies, voilà la plus sûre garantie .
E. B. A. D.
19 Ces applications, très importantes, nous ne le contestons pas, sont insuffi
santes à elles seules . E , B. - A. D.
VARIA .

INFLUENCE DE LA SYPHILIS SUR LA MORTALITÉ


INFANTILE,
Par le Professeur Alfred FOURNIER ( 1 ) .

La syphilis , ai-je dit, est éminemment meurtrière pour les jeunes.


De cela je fournirai maintes preuves dans ce qui va suivre .
I. Voici d'abord une première statistique composée de 200 observations
personnelles, toutes relatives à des sujets syphilitiques qui se sont mariés
en état de syphilis latente et qui ont eu l'heureuse chance de ne pas conta
gionner leurs femmes .
Ici donc, pères syphilitiques et mères saines, j'entends indemnes de syphi
lis . Cette première statistique, en conséquence, va nous permettre d'appré
cier l'influence de l'hérédité exclusivement paternelle.
J'ai besoin de préciser au préalable ces deux points, à savoir : 1 ° que ces
200 observations ont to es été recueillies dans la pratique de ville ( ce qui a
son importance, comme vous le verrez dans un instant) ; 2. qu'elles por
-

tent sur les cas les plus divers, les plus opposés, qu'à dessein j'ai laissés
confondus, parce qu'ainsi se présentent les choses en pratique, c'est-à-dire
sur des cas où des sujets syphilitiques se sont imposé un long stage et un long
traitement avant de se présenter au mariage, comme sur des cas précisément
inverses où des malades ont contracté mariage d'une façon absolument pré
maturée, c'est- à -dire à une époque plus ou moins voisine de la contamina
tion initiale .
Cela posé, voyons ce que nous fournit celle statistique.
Ceci : 403 grossesses ; - et , sur ce nombre, 288 entants survivants, contre
115 enfants morts, et tous ( à quelques rares exceptions) morts soil avant de
naitre, soit en naissant, soit à courte échéance (de quelques jours à quelques
mois).
Proportion en chiffres ronds : sur 100 naissances, 28 morts ; c'est- à
dire plus d'une sur 4 naissances .
En d'autres termes, les enfants issus d'un père syphilitique et d'une mère
saine meurent, du fait de la syphilis paternelle, dans la proportion d'au
moins 1 sur 4 .
II . Mais ceci n'est rien relativement à ce qui va suivre . Bien autrement
pernicieuse devient l'influence de la syphilis, alors qu'elle dérive de la mère
seule ou des deux parents . Lorsque, dans un ménage, la mère vient à être
touchée par la syphilis, ou lorsque sa syphilis, à elle, s'ajoute à celle du
père, une mortalité que je ne puis qualifier d'une autre épithète que celle
( 1 ) Extrait du discours prononcé à l'Académie de médecine, dans la discussiou
sur la diminution de l'accroissement de la population en France (séance du
4 mars 1885 ).
SYPILLIS ET MORTALITÉ INFANTILE . 297

d'effroyable sévit sur les enfants issus d'une telle union. Vous allez en juger.
Il suffira d'abord de rappeler un fait banal, connu de tous, à savoir la pré
disposition singulière des femmes syphilitiques à l'avortement et à
l'accouchement prématuré. Inutile de citer des exemples nouveaux à ce
sujet.
Mais, ce qu'il importe de spécitier, pour le point spécial que nous avons en
vue, c'est que l'intluence de la syphilis se prolonge souvent sur plusieurs
grossesses, et se traduii de la sorte par des avortements multiples, parfois
élonnamment répétés .
C'est ainsi qu'on a vu des femmes syphilitiques (mariées soit à des sujets
syphilitiques, soit même à des sujets sains) avorter deux, trois, quatre, cing,
sir, sept et jusqu'à onze fois de suite .
Exemples du genre :
Cne dame de mes clientes, jeune, bien constituée , contracte la syphilis de
son mari dans les premiers mois de son mariage. Elle devient enceinte 4 fois
en trois ans et avorte 4 fois .
['ne de mes malades de Saint-Louis, également infectée par son mari, a eu
o grossesses, qui se sont terminées par 6 avortements, dans les trois, quatre
ou cinq premiers mois.
Grelberg a relaté le cas d'une femme syphilitique qui, bien que mariée à
un homme sain , fit onze fausses couches en dix ans, et plus lard amena à
terme un enfant infecté de syphilis .
Mais, en l'espèce, je n'ai rien vu jusqu'alors de plus démonstratif que le
fait suivant, où le mème couple engendra de superbes enfants avant la syphi
lis, et n'aboutit plus, après la syphilis, qu'à procréer une série d'enfants morts .
En deux mots , voici ce fait :
Un jeune ménage commence par avoir trois enfants vivants el vigoureux .
Puis dans une aventure ou plutôt une mésaventure extra - conjugale le mari
compacte la syphilis et la communique à sa femme. Ultérieurement cette
femme devient enceinte sepl fois . Resultat de ces 7 grossesses : 3 avorte
ments et 4 accouchements prémalures avec enfants morts .
Mais passons sur les faits de ce genre, bien connus de tous, et pour
suivons.
L'influence de l'hérédité maternelle ne se traduit pas seulement par l'avor
lement. Elle s'exerce encore au delà de la naissunce de diverses façons que
je n'ai pas à dire ici , ne traitant pas un sujet de syphilis, mais qui ont cela
de commun , en ce qui nous intéresse pour l'instant, d'aboutir à une morta
1 lité considerable, et à une mortalité qui sévit particulièrement sur le jeune
age, c'est-à-dire qui offre son maximum de quelques semaines à quelques
mois après l'accouchement.
il est même soit dit incidemment — certaines conditions particulières
où celte mortalité atteint un chiffre formidable . Ainsi, pour en citer un exem
ple je me bornerai à celui- ci), on peut poser ceci en axiome :
Un enfant conçu par une femme au cours d'une syphilis récente, datant de
moins d'un an environ , est un enfant presque fatalement condamné à
mort.

En d'autres lermes, une femme devenant enceinte au cours d'une syphilis


qui date de quelques mois, ou bien avortera ou bien accouchera (avant lerme
où à terme) d'un enfant qui ne tardera pas à mourir. Cela est presque fatal .
Tout au moins suis -je amené à ce résultat d'après ce que j'ai vu ; et ce que
j'ai vu, le voici :
298 A. FOURNIER .

J'ai dans mes notes l'histoire de 44 femmes de ma clientèle privée qui


sont devenues enceintes alors qu'elles étaient affectées d'une syphilis toute
récente (quelques -unes mème avaient reçu simultanément de leur mari, et
leur enfant et leur syphilis). Or, quel a été le résultat de ces 44 grossesses?
Le voici , dans sa navrante simplicité :

43 enfants morts ;
1 seul enfant survivant ( 1) !

43 morts sur 44 naissances ! Quelle proportion ! En vérité, si la syphilis


restait meurtrière à ce degré dans toutes ses périodes, je ne vois guère
quelle maladie lui pourrait être comparée comme agent de dépopulation.
Mais ceci, beureusement, n'est le fait que d'une étape morbide dans l'évo
lution générale de la maladie. Donc n'insistons pas davantage, et efforçons
nous, au contraire, d'envisager d'ensemble l'influence de la syphilis sur la
descendance des sujets diathésés .
D'une façon générale, quel est le sort des enfants issus d'une mère syphi
litique, par conséquent comme c'est le cas de beaucoup le plus habituel
d'un couple syphilitique Une seconde statistique va nous l'apprendre.
100 femmes syphilitiques (ayant reçu , pour la presque totalité, la syphilis
de leurs maris) ont eu 208 grossesses , qui à les envisager seulement dans
leur résultat le plus formel et le moins sujet à erreur, à savoir la mort ou la
survie de l'enfant , me fournissent les résultats suivants :
Cas de survie ......
Cas de mort (avortement, accouchements prématurós, mort-nés, enfants
morts , pour l'énorme majorité, à courte échéance après l'accouchement et
148
morts de causes rationnellement imputables à la syphilis).....
Total .......... 208

Remarquez bien, messieurs, cette lamentable proportion de 148 enfants


1 morts sur 208 naissances, ce qui équivaut à une mortalité de 71 pour 100.
Et notez , je vous prie, que cette statistique concerne exclusivement des
malades de la clientèle privée , c'est-à-dire des familles appartenant à la bour
geoisie, voire pour quelques -unes à l'aristocratie, c'est - à -dire des classes so
ciales où la gravité de la syphilis trouve trois facteurs d'atténuation, à savoir :
l'hygiène, l'intelligence et les soins médicaux . Donc, que sera-ce à
l'hôpital ?
A l'hôpital, ce chiffre de mortalité, quoique considérable déjà , s'élève
encore . De cela voici la preuve .
Comme proportion de mortalité des enfants issus de femmes syphilitiques,
une statistique que j'ai dressée à Lourcine, et portant sur les sept années
que j'ai passées dans cet hôpital, me fournit le chiffre terrifiant de 86 enfants
morts sur 100 grossesses.
De même, un de nos très estimables confrères, M. le docteur Coffin, a vu,

( 1 ) Ces 43 cas de mort se subdivisent ainsi : 27 fausses couches ; – 6 cas d'eu


fauls mort - nós ; - 8 cas où les enfants sont venus vivants , pour succomber d'une
demi-heure à quinze jours ; - 2 cas seulement où ils ont survécu, l'un six semaines
et l'autre sept mois .
SYPHILIS ET MORTALITÉ INFANTILE . 299

à Lourcine, 28 grossesses de femmes syphilitiques se terminer de la façon


suivante :

27 enfants morts ;
Et un seul enfant survivant !

Avec toute apparence de raison, on pourrait dire que cette mortalité exces
sive, extraordinaire, trouve une raison spéciale dans le public special qui
compose Lourcine. Et, en effet, comme chacun le sait, les malades de Lour
9

cine sont (pour la plupart au moins et réserves faites pour de très honora
bles exceptions) de jeunes prostituées qui s'adonnent à tous les excès, qui
commettent toutes les imprudences imaginables, qui se traitent aussi mal que
possible , ou , pour mieux dire, qui ne se traitent pas du tout le plus souvent,
et qui recherchent, plutôt qu'elles ne redoutent, l'avortement.
Et , d'autre part cependant, je vous ferai remarquer qu'à Saint- Louis , dont
le public féminin est à coup sûr bien plus relevé et tout autre qu'à Lourcine
comme composition moyenne, la mortalité des enfants issus de femmes syphi
litiques n'est que peu différente de ce qu'elle est à Lourcine. Exemple :
Sur 148 naissances, 125 morts et 23 enfants suivants.
D'où cette proportion de mortalité : 84 pour 100 .
Aussi bien, comme conséquence de ce qui procède, cette polymortalité des
jeunes aboutit- elle souvent, dans les familles où s'est introduite la vérole, à
dépeupler le foyer domestique . Ce serait abuser de votre attention , mes
sieurs, que de relater à ce propos des faits particuliers. Mais vous me per
mettrez bien tout au moins de citer quelques chiffres, empruntés à diversos
sources, relativement à cette mortalité des enfants dans les ménages syphili
tiques :
Cas du docteur Augagneur.. 5 naissances . 3 morts .
d'Hutchinson .. 5 4
de M. H. Roger . 5
de Bertin . 6
de Behrend 11
de Tuhrmann . 11
de Boinet.... 9 8
du docteur Le Pileur . 11 10
de Bryant 12 11
de Carré ... 12 11

Puis viennent encore d'autres cas où la syphilis fait plus que des vides, à
savoir le vide complet dans certaines familles, où elle fait passez-moi le
mot — table rase. Et alors, autant de naissances, autant de décès. Exemples :
Observation de Cazenave...... 4 naissances , 4 morts .
d'Artéaga . 4 4
de Tanner 6 6
de Trousseau . 6
d'E . Wilson .. 8

Enfin , je dois à mon collègue et ami le docteur Ribemont-Dessaignes,


professeur agrégé de la Faculté, accoucheur de l'hôpital Beaujon, une obser
vation plus curieuse encore et constituant en l'espèce ce qu'on pourrait
appeler « un comble » , suivant l'expression à la mode. Cette observation est
relative à une femme qui reçut la syphilis de son mari dès les premiers
300 A. FOURNIER .

temps de son mariage, qui ne s'en traita pas, il est vrai, el dont 19 gros
sesses ont abouti à 19 morts ! Les 5 premières grossesses se sont terminées
par expulsion d'enfants morts et macérés, et les 14 suivantes ont donné des
enfants qui sont tous morts entre un et six mois.
Eh bien , messieurs, je vous le demande, en face de pareils résultats y a -t
il exagération à dire que la syphilis tient une large place dans les causes de
cette dépopulation ou tout au moins de cette insuffisance d'accroissement de
notre population qui préoccupe actuellement l'Académie ?
J'ai déjà cité bien des chiffres, messieurs, et cependant j'en dois citer
encore. C'est qu'aux statistiques qui précédent et qui me sont personnelles,
j'ai besoin maintenant d'en ajouter une autre qui leur servira de confir
mation . Et de cela voici le pourquoi.
Ces statistiques, que j'ai déjà produites (partiellement du moins) à propos
d'une autre question qui n'a longtemps occupé (la question du mariage des
sujets syphilitiques), n'ont pas trouvé grâce devant tout le monde. Quelques
un de mes confrères les ont taxées d'exagération. Vous voyez les choses
trop en noir, m'a - t'on dit quelquefois ; en réalité la syphilis est moins meur
trière pour les enfants que vous ne l'avez avancé . D'ailleurs, vous êtes mau
vais juge en la question, parce que tout naturellement les cas graves vont
dans vos services spéciaux, tandis que les cas moyens ou légers, qui sont en >
somme les plus nombreux, restent ailleurs, et vous ne les voyez pas.
Et bien , j'ai voulu savoir ce que valait au juste l'objection qui m'était faile ;
j'ai voulu, passez -moi l'expression triviale , tirer les choses au clair , et me
rendre compte des résultats observés par mes confrères. Dans ce but, voici
ce que j'ai fait depuis plusieurs années. Chaque fois que, dans mes lectures,
je rencontrais une observation afférente à ce point spécial, c'est- à -dire une
histoire de syphilis dans un ménage, j'en prenais nole très soigneuse.
ment et consignais dans un registre ad hoc les données de l'observation
relativement à la mortalité des enfants. De la sorte, je suis arrivé à cons
tituer une statistique que j'appellerai la statistique de tout le monde moi
seul excepté ), et que personne en conséquence n'aura droit d'attaquer,
que personne ici ne récusera, car nombre des cas qui y figurent sont em
pruntés à d'illustres noms qui ont dans cette enceinte un absolu crédit,
ceux, par exemple , de Depaul, de Trousseau, de Parrot, de Jacquemier,
de MM . Ricord, Henri Roger, Diday, Marjolin , Lancereaux, Siredey, Lanne
longue, etc. — Or, si je consulte aujourd'hui cette statistique, j'y trouve ceci :
491 grossesses observées dans des familles syphilitiques (un seul des
deux parents étant syphilitique ou les deux parents etant syphilitiques à la
fois) fournissent un total de :
103 cas d'enfants vivants, contre 382 cas d'enfants morts .

Proportion ramenée à tant pour 100 : 77 enfants morts sur 100.


Or , celte proportion est sensiblement identique (si ce n'est mème supé
rieure) à celle qui l'essort ile mes statistiques personnelles.
D'où il suit que j'ai vu ce que tout le monde a vi , el que mes chilfres
concordent exactement avec ceux de l'observation générale.
Eh bien , concluons maintenant, et, comme conclusion , faisons, si vous le
voulez bien, la moyenne de toutes les statistiques précédentes, pour appré
cier d'ensemble la mortalité infantile de la syphilis dans les diverses con
ditions que peut présenter l'hérélité morbide et d'après les divers observa
teurs qui se sont occupés de la question.
SYPHILIS ET MORTALITÉ INFANTILE . 301

La moyenne des six statistiques précitées aboutit au chiffre de mortalité


que voici :
68 enfants morts sur 100 dans les familles syphilitiques, en tenant comple
de tous les cas, voire des plus favorables (c'est-à- dire, par exemple, do ceux
où le père seul est syphilitique et où le père n'a abordé le mariage qu'après
un long stade d'expectation et de traitement).
Maintenant, ai-je la préiention , messieurs, de vous donner ce chiffre ( 68 pour
100) comme représentant l'exacte et absolue vérité des choses ? Bien évi
demment, non . Ce chiffre, certes, reste sujet à revision, d'après des statis
tiques plus étendues. Sans doute aussi il pourra varier quelque peu suivant
le hasard des séries . Mais, à coup sûr, il n'est pas éloigné de ce que j'ap
pellerai la vérité moyenne , car il repose actuellement sur près de 1,500 ob
servations empruntées à des sources très diverses, et je ne le crois guère des
tiné à subir d'importantes corrections des résultats que l'avenir nous réserve .
Or, étant donné ce chiffre, et étant connue , d'autre part, l'indéniable fré
quence de la syphilis dans toutes les classes de notre société, une conclu
sion s'impose : c'est que la syphilis prend une part importante, conside
rable, dans la mortalité de l'enfance, et conséquemment qu'elle a sa place
parmi les facteurs de dépopulation que nous nous efforçons de déterminer
actuellement.
Tel est, messieurs, le premier point que je tenais à vous soumettre.

II

Cela posė, dois - je m'engager maintenant dans l'exposé et la discussion des


divers remèdes qu'il conviendrait d'opposer à l'état de choses que je viens
de décrire ? Non, certes. Car ce labeur serait étranger, dans les imnombrables
details qu'il comporte, au sujet de la discussion actuelle.
Ce qu'il faudrait réaliser, pour atténuer dans la mesure du possible, cette
desolante mortalité de la syphilis héréditaire, ce serait :
1 ° De nous défendre contre la syphilis mieux que nous ne le faisons actuel
lement;
? De mieux traiter, de traiter autrement la syphilis qu'on ne le fait en général;
3. De nous montrer plus sévères que nous ne le sommes en général rela
tivement au mariage des sujets en état de syphilis.
Donc : prophylaxie générale de la syphilis ; traitement de la syphilis ;
- question du mariage dans la syphilis ; tels seraient les trois sujets à
mettre eu discussion ici , tous trois considérables et susceptibles d'enfanter
des volumes, ce que du reste ils ont fait déjà. Je me garderai de les abor
der, de les effleurer seulement. J'ai indiqué des têtes de chapitre, mais je
ne remplirai pas les chapitres, et vous demanderai seulement la permission
de vous présenter, à propos de chacun des trois points en question, quelques
reflexions ou mieux quelques doléances très sommaires.
1. A coup sûr , nous nous protégeons mal, nous nous protégeons insuffi
samment contre la syphilis. Le système prophylactique qui est censé nous
defendre contre elle repose sur d'anciennes prescriptions administratives que
tout le monde attaque, que tout le monde condamne ( à des points de vue
divers et parfois opposés, il est vrai), mais qui n'en subsistent pas moins. Le
vieil édifice craque et croule de toutes parts , mais il n'en reste pas moins
debout. Et force est de convenir que nous ne nous en inquiétons guère . Nous
302 A. FOURNIER .

nous désintéressons étrangement de tout ce qui touche à la vérole , au moins


comme mortalité et comme prophylaxie. Voyez plutôt.
Certes, on meurt de la vérole avec une certaine fréquence, comme je viens
de le montrer dans ce qui précède, et inutile de dire qu'il n'est pas que les
enfants qui en meurent. Eh bien, lisez nos statistiques mortuaires, lisez,
par exemple, le Bulletin hebdomadaire de statistique municipale , qui -
fort bien conçu d'aillenrs et très utile à d'autres points de vue -
nous
rend compte des diverses causes de la mortalité parisienne. Y est- il jamais
question de décès d'origine syphilitique ? Le mot de syphilis n'y est même
pas consigné.
Nos conseils d'hygiène se préoccupent -ils vivement des questions de pro
phylaxie antivenérienne ? Il n'y parait guère d'après leurs publications. Ainsi
j'ai vainement feuilleté, ces jours -ci, une douzaine des derniers volumes de
leurs Comptes rendus sans y trouver quoi que ce soit qui ait trait å la syphi
lis. Et je ne saurais mieux faire que d'invoquer ici le témoignage de notre
secrétaire annuel, le docteur Proust, qui me disait ceci mardi dernier
« Depuis dix ans que je fais partie du Comité d'hygiène, jamais je n'y ai entendu
souffler mot de la syphilis.
Puis, consultez nos grands Traités d'hygiène. Leurs auteurs, ici présents,
me pardonneront-ils une critique ? La question de prophylaxie est à peine
abordée dans leurs excellents livres. Seul , M. Colin y consacre quelques
pages intéressantes , mais surtout en ce qui concerne l'armée et l'importation
maritime de la syphilis. M. Bouchardat, le vénérable doyen de l'hygiène,
traite seulement la question en une demi- page. Et pour M. Proust, suivant
une expression que je lui emprunte, il n'en souftle pas mot .
Le Conseil municipal, il est vrai, s'est emparé de la question il y a quel
ques années, et j'aurais mauvaise grâce à oublier qu'il m'a fait l'honneur de
me demander un projet de réglementation de la prostitution parisienne. Mais
il a dû renoncer, parait-il , à ses velléités de réformes ; et pour mon projet,
il dort actuellement, dans les cartons administratifs, d'un sommeil paisible ,
qui sera sans doute pour lui l'éternel sommeil.
Si bien qu'un étranger, jugeant les choses de loin et les jugeant seulement
d'après les documents administratifs, pourrait croire, serait autorisé à croire,
d'une part, qu'on ne meurt pas de la vérole parmi nous, puisque nos statis
tiques officielles ne mentionnent aucun cas de décès par cette maladie, el,
d'autre part, que tout est au mieux chez nous en ce qui concerne la prophy
laxie antisyphilitique, puisque ceux qui ont charge de la santé publique à ce
point de vue ne se préoccupent guère d'améliorations ou de reformes à intro
duire dans le système en vigueur.
Et cependant tout n'est pas au mieux, tant s'en faut. Pour ne pas décroitre
d'intensité , la vérole ne diminue pas plus de fréquence . Tout au contraire ,
elle s'accroit comme nombre. De cela je suis persuadé , bien que je n'aie pas
en main les éléments d'une statistique probante, presque impossible à fournir.
Et comment, du reste, en serait - il autrement, étant donnée la licence actuelle
dont jouit et profite la prostitution parisienne, étant donné surtout le déve
loppement considérable de ce qu'on appelle la provocation publique, laquelle
ne se contente plus des carrefours et des boulevards, mais a envahi les théa
tres, les cafés, les caiés - concerts, les « brasseries à femmes , -
cette
peste nouvelle de notre siècle ( 1 ) – les abords des lycées et des écoles, les
(1) On en comptait à Paris 181 au mois de juin 1882 (voy. Macé, Le service de
la súreté, Paris , 1884 ).
SYPHILIS ET MORTALITÉ INFANTILE . 303

parfumeries, les gares de chemins de fer, les trains de banlieue, les magasins
de ganterie, de photographies, voire de librairie, d'antiquités ? Et j'en oublie.
Plus de !entations, plus de défaillances ; et plus de défaillances, plus de
contagions. Cela va de soi, et ces différents termes s'enchainent logiquement.
II . J'ai dit, en second lieu , que, si nous voulons atténuer les désastres de
la mortalité hérédo -syphilitique, il faut que la syphilis soit traitée mieux et
autrement qu'elle ne l'est en général.
Consultez, en effet, les observations où figurent ces avortements multiples,
ces morts multiples d'enfants dans les premiers jours ou les premières
semaines qui suivent la naissance, et vous trouverez qu'elles sont relatives,
pour l'énorme majorité des cas, à des malades qui, ayant contracté la syphi
lis, ne s'en sont traités que d'une façon notoirement insuffisante, c'est- à -dire
quelques semaines ou quelques mois.
Puis, écoutez d'autre part les récriminations des malades ainsi frappés
dans leur progéniture. C'est invariablement le même thème : « Si l'on m'avait
prévenu de cela , si l'on m'avait dit qu'il fallait me traiter longtemps, même
après guérison des accidents que j'ai présentés, je me serais Traité et
j'aurais évité de tels malheurs, pour ma femme et mes enfants , etc. »
De là, pour nous , ce double enseignement.
1° Qu'il faut traiter la vérole plus longtemps qu'on ne le fait en général.
Ce n'est rien exagérer à coup sûr, que d'exiger d'un syphilitique plu
sieurs années de traitement pour lui conférer une immunité complète en tant
qu'epoux et pere ;
2. Que tout le traitement de la syphilis ne consiste pas à formuler des
ordonnances de mercure ou d'iodure de potassium . Il y a autre chose à faire
que cela, me semble-t- il, étant données les conséquences sociales que com
porte la maladie . Et notre strict devoir est , non pas de faire à nos malades
des conférences sur la syphilis , mais de les éclairer catégoriquement sur les
dangers qui peuvent dériver de leur mal pourautrui, tout spécialement pour
leurs femmes et leurs enfants à venir . Il est de leur intérêt, comme de l'in.
térêt de tous, que nous leur disions , par exemple, que la syphilis n'est pas
une maladie comme une autre, avec laquelle tout est fini quand les symptômes
actuels sont effacés ; — qu'elle exige pour guérir un traitement méthodique
et extrêmement prolongé; qu'elle est contagieuse , et surtout contagieuse par
ses manifestations les plus légères et les plus inoffensives en apparence ,
celles conséquemment dont on se défie le moins; qu'elle peut retentir sur
les enfants, alors qu'elle n'a pas été suffisamment traitée, etc. , etc.
Et j'ajouterai, à un autre point de vue qui nous esi personnel : Tout cela
tit absolument essentiel à dire à nos malades, car il importe à la dignité
medicale qu'ils ne puissent pas plus tard exciper de leur ignorance de telles
choses, en rejetant sur nous comme ils le font très souvent , je le répète
encore
la responsabilité de désastres dont ils sont coupables.
lli. Que de fois encore n'ai-je pas entendu des malades qui, s'étant mariés
prématurément, avaient eu le malheur de communiquer la syphilis à leur
femme et de perdre, du fail de la syphilis, un, deux , trois, quatre enfants ,
mettre en cause leur médecin à ce propos et me dire : « Pourquoi mon mé
decin m'a-t- il laissé marier ? Pourquoi ne m'a - t -il pas défendu de me marier ,
lui qui connaissait mon état ? S'il m'avait averti des dangers que ma syphilis
comportait pour mon mariage, j'aurais attendu , j'aurais renoncé à mes pro
jets. C'est lui le coupable, et non moi. »
Certes, messieurs , tous les syphilitiques qui entrent dans le mariage n'y
304 A , FOURNIER .

entrent pas « avec la permission de leur médecin » . Beaucoup se privent de


celte permission et, soit par ignorance du danger, soit par indifférence, soit
par crainte d'une réponse qui contrarierait leurs projets , s'abstiennent de ve
nir nous consulter sur leur aptitude au mariage, sans parler mème de ceux
qui nous consultent simplement pour la forme, bien décidés par avance a
n'en faire qu'à leur tête , quoique nous puissions leur conseiller. Mais, enfin ,
il en est bon nombre aussi qui viennent à nous très loyalement, très honnète
ment, et qui nous acceplent comme les arbitres de leur destinée, j'entends
de l'échéance possible d'un mariage exempt de dangers pour leur future
famille . Or, je dois le dire et pourrais le prouver pièces en mains, nombre de
nos confrères se montrent d'une tolérance singulière en ce qui concerne le
mariage des syphilitiques. Tout au moins ai-je dans mes notes une centaine
d'observations relatives à des sujets syphilitiques, qui, s'étant mariés dans la
seconde année, voire dans la première année de leur maladie et cela ,
m'ont-ils assuré, avec l'assentiment de leur médecin ont eu gravement à
s'en repentir et ont expié cruellement cette faute . Certes, l'époque où un su
jet sphilitique peut s'engager dans les liens du mariage sans risque d'être
dangereux pour sa femme et plus encore pour ses enfants (c'est là le point
qui nous intéresse actuellement) est beaucoup plus tardive qu'on ne le croit
en général. Je me garderai de discuter celle question pour l'instant; mais,
en deux mots, permettez -moi de dire qu'il est toujours périlleux de laisser
un syphilitique contracter mariage avant un stage de trois ou quatre ans, et
de trois ou quatre ans utilement employés à une dépuration thérapeutique
suffisante. Le mariage étant chose facultative, à laquelle personne n'est con
traint surtout contraint à terme fixe, comme pour un service militaire ou
une échéance de loyer c'est bien le moins en vérité qu'un syphilitique,
candidat au mariage, s'impose, avant de franchir le seuil d'une mairie, l'er
pectation nécessaire à le rendre non dangereux pour sa future famille.
Or, comme nous sommes fréquemment consultés à ce sujet, il suit de là
qu'il dépend de nous de diminuer, au moins dans une certaine mesure , les
résultats néfastes de ces unions prématurées dans la syphilis, c'est - à - dire
d'atténuer cette effroyable mortalité qui pèse sur les enfants issus des parents
syphilitiques .
J'ai fini, messieurs; et , après vous avoir remerciés de votre bienveillante
attention, il ne me reste plus qu'à formuler les deux propositions suivantes
comme résumé de ce qui précéde :
1 ° La syphilis constitue une cause active et puissante de mortalité infan
tile ; et l'on peut évaluer au chiffre approximatif de 68 pour 100 le tribut
qu'elle prélève sur les enfants issus de parents contaminés ;
2° Les remèdes propres à diminuer cette cause spéciale de mortalité infantile
sont de deux ordres : les uns d'ordre médical (traitement méthodique et suft:
samment prolongé ; -- prohibition des unions prématurées dans la syphilis) : --
les autres relevant de l'hygiène publique ( prophylaxie générale de la syphili- .
Les premiers sont entre nos mains, et il dépend de nous, en les appliquatit
d'une façon rigoureuse, d'atténuer efficacement la mortalité infantile d'ori
gine syphilitique.
Les seconds sont au pouvoir de l'Administration , des conseils d'hygiène,
des corps politiques. Chacun de nous, sans que j'aie eu besoin de le dire,
sait à quel point ils sont défectueux, insuffisants, illusoires. Il serait bien
temps de songer à les améliorer.
REVUE DE DERMATOLOGIE .

DE L'ÉTIOLOGIE DU PSORIASIS, par le D' A. WOLFF ( in Vierieljahresschrift


für Dermatologie uns Syphilis, 1884 , n° 3 et 4 ).
L'auteur a lu ce mémoire au Congrès de Copenhague, et en attendant
l'apparition de l'ouvrage dans lequel le Dr Wolff doit consigner les ré
sultats de ses recherches, nous croyons utile de mettre sous les yeux
de ceux qui n'ont pas pu assister à la réunion de l'année dernière un
résumé de cette première étude sur la nature du psoriasis.
Les Annales, du reste, ont déjà publié le mémoire de Lang d’Insbruck,
qui , le premier, a considéré le psoriasis comme une affection parasitaire.
Le D : Wolff a longtemps cherché des parasites sans parvenir à les
trouver, il était même opposé à la théorie de Lang, mais il a continué
ses recherches , et actuellement il peut affirmer qu'il rencontre les para
sites dans tous les cas qu'il examine. Ils sont d'autant plus nombreux
que les poussées de la maladie présentent un caractère plus aigu, ce
qui le fortifia encore dans cette pensée, que les parasites jouaient un
róle étiologique important dans l'origine de cette affection .
Au point de vue des champignons, les résultats des recherches du
D ' Wolff sont presque complètement identiques à ceux de Lang. Tout
d'abord il s'agit bien du même parasite.
Ce ne sont pas des produits accidentels, on ne peut même pas les
7

regarder comme analogues à de la myéline, ainsi que le croyaient quel


ques auteurs .
Le parasite est constitué par des filaments de mycélium et des spores
en massue qui se détachent peu à peu en spores arrondies, ovalaires ou
piriformes, apparaissant souvent en proportion considérable ; on les
trouve dans les couches les plus profondes de l'épiderme. Par consé
quent non dans les points où elles peuvent arriver le plus facilement
de l'extérieur .
Lang s'était tout d'abord basé sur les caractères cliniques de l'affec
tion pour établir sa nature parasitaire : disposition annulaire des efflo
rescences, leur destruction réciproque, si elles se trouvent en con
lact, la non-participation des muqueuses, enfin ce ne sont que les indi
vidus sains qui peuvent être atteints par la maladie . Ce n'est que plus
tard qu'il est parvenu à démontrer la présence du champignon.
La théorie de Lang a eu jusqu'à présent peu de crédit, on lui a fait
plusieurs reproches dont nous devons tenir compte.
ANSALES DE DERMAT., 2° SÉRIE , VI . 20
306 REVUE DE DERMATOLOGIE .

En premier lieu , l'hérédité. En dehors des nombreux cas dans lesquels


>

il est impossible de la constater, on peut se demander si ce n'est pas


seulement de la disposition au psoriasis dont on hérite. Tout individu
ne peut pas offrir au parasite psoriasique un terrain favorable pour se
développer, comme on l'observe pour d'autres mycoses ( pityriasis ver
7

sicolor) ; on peut aussi conclure de la marche circinée des efflorescences


psoriasiques que les parties centrales de ces efflorescences, quoique ne
présentant pas de modifications apparentes, n'offrent plus un terrain
nourricier approprié.
En second lieu, on n'a pas encore cité de cas de guérison .
L'insuccès des inoculations du psoriasis ne prouve rien , il en est de
même pour d'autres maladies parasitaires de la peau . Du reste, il ne faut
admettre qu'avec réserve un résultat positif d'inoculation, car il pourrait
être facilement infirmé par les expériences de Kübner . Ce dernier au
teur a , en effet, démontré que des irritations de la peau (tatouage,
égratignures avec une aiguille) pouvaient provoquer des efflorescences
chez un psoriasique. On en a déduit que si c'étaient des parasites qui
occasionnaient la maladie, ceux -ci ne suivraient pas les contours des
sinés par l'aiguille . Le Di Wolff interprète tout autrement la nais
sance de ces efflorescences.
Si l'on examine les dessins provenant des expériences de Köbner, on
voit que ce n'est pas sur tout le parcours des lignes, mais seulement çà
et là qu'il se forme un point recouvert de squames, comme si l'aiguille
rencontrait des foyers préformés accidentellement.
Le Dr Wolff est en outre disposé à admettre, sans toutefois pouvoir en
fournir une preuve positive, que , chez un psoriasique, il y a des points où
le champignon réside dans la peau sans que son existence se révèle par
des phénomènes objectifs. Si ces régions deviennent le siège d'irritations,
l'hyperhémie provoque le développement ultérieur des champignons, qui,
à leur tour, déterminent l'apparition d'efflorescences psoriasiques. On les
voit donc par suite survenir dans cours habituel de la maladie sur
les parties qui sont le plus exposées aux influences nuisibles extérieures .
Par conséquent, si l'on détermine des irritations cutanées sur de
grandes surfaces, à l'aide de vésicatoires, soit une dermatite artiticielle
par des frictions avec une pommade à la chrysarobine, on voit non des
points circonscrits,comme dans les expériences de scarification, mais de
grandes surfaces irrégulières devenir psoriasiques. De plus, dans le trai
tement par la chrysarobine, si on frictionne non seulement les parties
déjà visiblement malades, mais toute la surface cutanée, on voit en quel
ques points sur lesquels il n'y avait aucune lésion psoriasique avant
le traitement , survenir les mêmes modifications de coloration que
sur les parties atteintes . Ces régions ne prennent pas la teinie brun
REVUE DE DERMATOLOGIE . 307

pourpre que revêt la peau saine, mais restent blanches comme les par
ties malades. On peut en conclure que dans ces régions les champignons
sont déjà déposés dans les couches épidermiques profondes, sans modi
tication appréciable des couches superficielles, champignons qui, très
probablement, ne sont pas venus de l'extérieur. Cliniquement aussi on
est autorisé à dire que les champignons ne proviennent pas de l'extérieur,
comme l'indique le mode de développement des efflorescences psoria
siques sur le lit ungueal . On voit là, dans le milieu de l'ongle, à travers
>

la substance cornée encore intacte et saine, de petits points arrondis


qui se développent peu à peu et provoquent plus tard seulement un
trouble dans la nutrition de l'ongle et les altérations de cet organe. Si
le parasite avait pénétré ici sous l'ongle en venant du dehors, la forme
des efflorescences serait en ces points toute différente .
Si le psoriasis est de nature mycosique et si les parasites ne viennent
pas de l'extérieur, il est très probable qu'ils sont contenus dans les
substances ingérées et déposés ensuite par la circulation sur les points
indiqués comme préformés, d'où ils prolifèrent avec les états inflamma
toires de la peau . Pourquoi ne serait-il pas possible d'attribuer au pso
riasis un mode de développement analogue à celui de la pellagre ou de
l'acrodynie.
Ce sont, il est vrai , de simples hypothèses, mais l'auteur est d'autant
plus porté à les énoncer que, outre les faits cliniques et thérapeutiques,
ilfaut encore tenir compte du volume variable des parasites et qu'on
peut admettre plusieurs variétés se rapportant chacune à des champi
guons de dimensions différentes . Ils sont d'autant plus petits qu'ils sont
plus profondément situés dans les couches épidermiques . Toutefois, il
est impossible de déterminer si ce sont les champignons du plus petit
volume qu'on rencontre dans les points où la maladie est à l'état latent.
A. DOYON .

ON A CASE OF ACUTE PEMPHIGUS IN AN ADULT, FATAL ON THE NINTH DAY (PEM


PHIGUS AIGU CHEZ UN ADULTE , MORT LE 9° JOUR ), par le Dr Dyce Duck
WORTH ( in St Bartholomew's hospital report, t. XX, 1881).
B.-W. D ... , âgé de 54 ans , garde-barrière , entre à l'hôpital le 13 mai 1884,
pour une éruption bulleuse. Voici en quelques mots son histoire. Il a tou
jours été bien portant jusqu'au mois de janvier 1881 , où il fut obligé de
rester plusieurs heures de suite dans la neige ; sa santé a laissé à désirer
depuis cette époque . Au mois de décembre 1883 , il prit froid et depuis lors
il tousse . Durant cette période, il eut « une inflammation des reins » .
Le 8 mai , apparition sur les poignets d'une éruption d'abord papuleuse,
puis bulleuse, qui gagna peu à peu lout le corps et provoquait de vives
douleurs .
308 REVTE DE DERMATOLOGIE .

Il est marié et pere de quatre enfants bien portants. Pas de syphilis. La


femme n'a jamais eu de fausse couche.
Le 13 mai, le front, les mains et les pieds sont recouverts d'une érupa..
bulleuse, quelques bulles sont ouvertes et remplacées par de larges érusivas.
bulles analogues sur les bras, les jambes et l'abdomen .
La langue est bonne, plutôt séche. Température, le matin, 100 ° F .; le sou
101° ,4 F. Rien d'anormal du coté des organes internes. L'urine contient :
grande quantité d'albumine .
14 mai , delire pendant la nuit : hydrate de chloral et bromure de piscina
sium avec un peu d'eau-de - vie .
Rétention d'urine .
L'éruption a envahi peu à peu toute la surface cutanée . Langue sèche et
brunâtre, température , 101 °,4 F. Onctions avec la pommade au zinc addi
tionnée d'acide phénique.
15 mai. Le délire persiste, soubresauts des tendons, le malade est beau
coup plus faible aujourd'hui. L'éruption augmente encore au niveau des as
selles et des hypoconures; les bulles prennent une forme circulaire, å baie
rouge foncé .
Température, le matin , 100 °, 8 F.; le soir, 100. F.
16 mai, nuit meilleure, l'aspect est bon, fonctions alvines régulières, ali
mentation convenable. Pour la première fois, apparition sur la poitrine të
l'abdomen d'un rash analogue à la rougeole. Le dos des mains et des sur
gnets est tout à fait rugueux , la peau des doigts est tombée. Tenpa
rature, 102° F.
Il est à remarquer que les nouvelles bulles ont l'aspect « iris » de cerelés
parfaits de vésicules contluentes entourés d'une aréole rouge .
Vers le soir, augmentation de la prostration ; la température s'éleve .
1036,8 F. Mort.
A l'autopsie, on ne trouve rien d'important. Le corps présentait un etat ! -**
putride très accusé. Un sixième de la surface cutanée était envahi par l'érap 1
tion bulleuse, et lorsque dans les brûlures une pareille étendue du légumeet
est atteinte la terminaison est en général fatale .

Le diagnostic n'est pas douteux, il s'agit évidemment d'une forine


bulleuse de l'érythème.
Vers la fin de la maladie, les bulles présentaient certainement les cala .
tères de l'iris, mais la vésiculation était bien inarquée. On a décrit celle !
éruption sous le nom de pemphigus iris, et Erasmus Wilson la considi're
comme une affection intermédiaire entre l'érythème et le pemphigus.
L'herpes iris généralisé est toutefois très rare. Hebra déclare ne l'avoir
jamais observé. Il décrit des cas dans lesquels il y avait des bulles au
lieu de cercles et de vésicules, et il pense que ces cas ont souvent éle
pris à tort pour du pemphigus aigu .
L'éruption pemphigoïde parait s'être développée sous l'intuence d'une
néphrite ; il est seulement à regretter que l'on n'eut pas fait l'examendi
liquide des bulles et du sang. A. DOYO.V.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 309

FIBROMATOSE CUTANÉE ULCÉREUSE MYCOTIQUE, par Pio Fox ( Arch . per le


sc. med ., vol . VIII , nº 16) .

Cas curieux et d'une interprétation difficile. Un homme de 39 ans


commence sans cause connue à subir des poussées successives de petites
tumeurs sur le tégument. Le pied gauche est le premier point envahi, puis
viennent successivement les jambes, les mains, les bras, le pénis . Ces
tumeurs s'ulcéraient, sécrétaient du pus, et la petite plaie guérissait
ensuite en faisant place à une cicatrice souple, non déprimée, ne ressem
blant en rien à celles de la syphilis.
On ampute le pénis, et le malade meurt 7 ans après le début de cette
singulière affection. Voici ce que l'on reconnaît à l'autopsie : cedeme
du cerveau , ecchymose sous- pleurale et sous- péricardique, tuméfaction ,
trouble du myocarde, du foie, des reins, congestion de la rate, ecchymose
muqueuse interstitielle, et çà et là quelques nodus cutanés à diverses
phases de leur évolution . On reinarque en outre que les os des mains
ont perdu leur consistance, se laissent facilement dépouiller de leur
perioste et entamer par le bistouri, enfin présentent des déformations
variées .
Au microscope, on reconnaît sans peine un infiltrat de cellules lym
phoïdes très vasculaire au début, et sa transformation progressive en
tissu de cicatrice . Mais avant de porter d'une façon définitive le diagnostic
de fibro -sarcome et tenant compte du caractère malin des processus, l'au
teur s'appliqua à rechercher la présence de microbes dans le tissu mor
bide. Il ne lui fut pas difficile de décoler avec le réactif d'Erlich une
quantité prodigieuse de parasites granulés, soit isolés, soit réunis en
groupes ; aussi n'hésite-t- il pas à considérer cette maladie comme de
nature mycotique . JULLIEN .

MALADIE DE PAGET, par LASSAR .


Dans la séance de la Société de médecine de Berlin, du 25 février ,
le Di Lassar a présenté une préparation d'un cas de maladie de Paget
provenant d'une patiente chez laquelle on avait constaté peu de temps
auparavant un eczéma très caractérisé du mamelon . Cet eczéma, qui
n'offrait d'ailleurs rien de particulier , se distinguait seulement par une
légère dépression du mamelon . Cet état était d'autant plus remarquable
que le traitement avait fait disparaître les phénomènes inflammatoires
les plus marqués. Au moment où l'on commença la médication , la surface
310 REVUE DE DERMATOLOGIE .

atteinte avait à peu près l'étendue de la paume de la main ; elle diminua


dans une certaine proportion ; puis ensuite resta absolument rebelle . La
peau commença par devenir un peu dure au toucher, puis dans l'espace
de 2 à 3 mois on vit survenir une tumeur dure, et graduellement
l'engorgement des ganglions axillaires. On se décida alors à fair
l'amputation du sein . Sur la tumeur on reconnaît encore les résidus
de l'affection de la peau , un peu moins prononcée naturellement par
suite de l'absence de sang ; en ce point le rapport de continuité avec la
tumeur carcinomateuse se traduit seulement par une infiltration cancé
reuse en forme de traînées A. DOYON .

ÉTUDE SUR QUELQUES ULCÉRATIONS RARES ET NON VÉNÉRIENNES DE LA VILVE


ET DU VAGIN ( TUBERCULOSE , CANCROIDE PRIMITIF , ESTHIOMÈNE ), par

Eug . DESCHAMPS ( Archives de tocologie , janvier , février et mars


1885 ).

Faire connaître les caractères de deux variétés rares d'ulcérations


des organes génitaux externes de la femme, et discuter la réalité de
l'esthiomène de la vulve, tel est le double but que s'est proposé
M. Deschamps dans ce travail consciencieux entrepris sous la direction
de son maître, M. Hutinel .
La tuberculose de la vulve et du vagin est une affection rare, dont les
observations se comptent encore . On l'observe chez des sujets mani
festement tuberculeux, et cette localisation paraît due ordinairement à
des traumatismes ou à des lésions antérieures, syphilis, vaginites,
excès vénériens, peut-être à l'inoculation à la suite de lésions tuber
culeuses des voies génitales supérieures. Elle peut affecter la forme de
tuberculose miliaire : une grande quantité de petites granulations mi
liaires, semi- transparentes, puis blanchâtres ou gris jaunâtre se dé
veloppent sur la muqueuse vaginale. D'autres fois, il s'agit d'ulcera
tions qui rappellent celles de la bouche et de l'anus, de dimensions
variables, à fond rouge ou jaunâtre, à bords irréguliers, saillants,
taillés à pic, entourés de granulations jaunâtres ou de nodosités tuber
culeuses grisâtres ou semi-transparentes . Quelquefois, la tuberculose
du vagin se montre sous la forme de petites tumeurs végétantes , fon
gueuses et ulcérées, ou bien elle se développe sur une fistule vésico
vaginale à la suite d'un accouchement et en modifie les caractères exté
rieurs . Les lésions tuberculeuses occupent, en général , le vagin et
n'intéressent la vulve qu'à titre accessoire ; cependant M. Deschamps
rapporte une belle observation personnelle, dans laquelle les lésions
REVUE DE DERMATOLOGIE . 311

prédominaient à la vulve , et dont le résumé doit avoir ici sa place , en


raison des lésions concomitantes de tuberculose cutanée .

Femme de 25 ans , toussant depuis 5 ans. Il y a 4 mois, chute sur le péri


née et la fourchette ; leucorrhée abondante, prurit vulvaire ; sur la petite
lévre gauche, ulcération qui occupe la moitié de sa hauteur et se prolonge
sur la fourchette, la petite lèvre droite et dans le vagin, à bords irréguliers,
taillés à pie, à fond granuleux, gris rosé , recouvert d'une assez grande quan
tilé de pus jaunâtre ; sur les bords, granulations miliaires , semi-transparentes
ou jaunâtres, ressemblant à celles qu'on voit dans les ulcérations anales ou
linguales ; adénopathie inguinale.
Sur le dos de la main droite, au niveau de la tête du premier métacar
pien, éruption circinée, de couleur jambonnée, avec épaississement de la peau,
présentant des croûtes d'un gris jaunâtre, adhérentes, au-dessous desquelles
on trouve un petit godet, à bords taillés à pic, dont le fond saignant, mame
lonné, est hérissé de petites saillies papilliformes. Ces ulcerations tubercu
leuses ont succédé à une brûlure de la main .
Au bout de six mois, les lésions de la main s'étaient légèrement amendées,
celles de la vulve étaient peu modifiées (sauf l'ulcération des granulations
périphériques). Mort par les progrès de la tuberculose pulmonaire.
Inoculations positives à des cobayes, du pus des lésions de la vulve et de
la main .
Autopsie : tuberculose pulmonaire. Nodules tuberculeux au niveau de la
lésion vulyaire.

Les lésions, dans ces cas , sont celles de la tuberculose et ont été
>

plusieurs fois constatées au microscope. Elles sont susceptibles de


guérir par un traitement approprié, mais les malades sont emportées par
les lésions viscérales.
L'épithélioma primitif de la vulve est , pour le moins, aussi rare que
la tuberculose de la même région . M. Deschamps rapporte deux obser
vations inédites de cette affection , qui se montre tantôt à l'âge de 20 à
25 ans, tantôt dans la vieillesse, et dont le développement est favorisé
par l'existence antérieure de lésions de la vulve ou d'une inflammation
chronique analogue au psoriasis buccal de Bazin , quelquefois aussi par
des traumatismes de la région . Histologiquement, il paraît être ordinaire
ment un épithélioma pavimenteux tubulé. Débutant insidieusement et
donnant lieu à du prurit, il affecte la forme d'une plaque hypertro
phique ou d'une tumeur verruqueuse, dont le volume peut atteindre
celui d'une petite pêche. L'ulcération qui se produit à ce niveau sécrète
une petite quantité de liquide clair se concrétant en croûtes jaunes,
grisâtres ou noires et , plus tard seulement, un liquide sanieux, puri
forme et sanguinolent. L'ulcération sous - jacente est rouge , terne ,
violacée ou grisâtre, et pointillée de rouge ; elle est tantôt circulaire ,
tantôt irrégulière et très inégale ; son fond est tantôt anfractueux et
312 REVUE DE DERMATOLOGIE .

profondément creusé, tantôt recouvert de végétations et de bourgeons


charnus exubérants ; les bords sont durs, saillants, rugueux , inégaux,
parsemés de bourgeons exubérants, renversés en dehors ou taillés à
pic. Il y a souvent du prurit vulvaire, et, presque toujours, la miction
est douloureuse . L'affection peut débuter par les petites lèvres, le clito
ris ou les grandes lèvres et surtout la gauche. L'adénopathie inguinale
est assez tardive. La marche est généralement lente et la durée peut
atteindre 6, 10 et même 20 ans; pendant son cours , une cicatrisation
partielle peut se produire dans des cas exceptionnels. Inutile d'ajouter
que la mort est la terminaison constante quand l'affection est aban
donnée à elle-même, et très fréquente à la suite des interventions chirur
gicales.
Qu'est-ce que l'esthiomène de la vulve ? se demande M. Deschamps,
après avoir décrit la tuberculose et le cancer. Sous ce nom , les auteurs
ont décrit des affections fort diverses de la vulve , et si l'on se reporte
à la description de Huguier, on y voit confondus des lésions qui sont
certainement des épithéliomas, des syphilides, etc. Depuis le mémoire
de Huguier, quand on a fait l'examen histologique de lésions semblables
à celles qu'il décrivait, on les a trouvées constituées par des épithé
liomas, des tubercules, ou bien les preuves cliniques et thérapeutiques
ont fait voir qu'il s'agissait de syphilomes. L'esthiomène de Huguier
peut donc être de nature épithéliomateuse; il peut être de nature
syphilitique ; ce peut être une tuberculose, ou un lupus et même un
éléphantiasis.
Déjà, en se basant sur de semblables arguments, le professeur Cornil
arrivait à cette conclusion que l'esthiomène vulvaire est un syndrome.
M. Deschamps déclare que l'esthiomène n'existe pas.
Nous partageons entièrement l'avis de M. Deschamps que l'esthio
mène, tel que l'a décrit Huguier, est le produit artificiel de la confu
sion de faits disparates ; il nous semble aussi que, si l'on veut faire du
mot esthiomène le synonyme absolu du mot lupus, ainsi que le font
aujourd'hui la plupart des médecins, il n'y a aucun avantage à le con
server. Il serait à la fois plus simple et plus clair de désigner sous le
nom de lupus de la vulve les faits extrêmement rares où l'on voit se
développer sur cette région une lésion semblable à celle qui, dans les
autres points du corps, porte le nom de lupus. GEORGES THIBIERGE .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 313

BEITRAG ZU DEN DERMATOSEN DER GLANS PENIS (CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES


DERMATOSES DU GLAND ), par le D ' A. WEYL (Deutsche medicin . Wo
chenschrift, 1885, n° 8).

1. Chez un homme de 50 ans tout le gland et la partie antérieure du


prépuce étaient recouverts d'une très grande quantité de cicatrices pe
tites, confluentes, irrégulières, blanchâtres. Elles étaient plates et dé
passaient le niveau de la peau environnante . Ces cicatrices provenaient
de poussées d'herpės progénital qui s'étaient produites, à des intervalles
irréguliers, dans l'espace de plus de 20 ans.
2. Chez deux jeunes gens , l'auteur vit sur le gland des plaques arron
dies, dont l'étendue dépassait celle d'une lentille, noir bleu foncé, dé
primées au centre, à bords rouges plus foncés. Elles étaient à peine re
couvertes de quelques squamules, non purigineuses ; en somme la peau
était peu élevée et à peine épaissie. Ces papules avaient la plus grande
ressemblance avec les plaques du lichen plan , et au début on était
d'autant plus disposé, dans le premier cas, à porter ce diagnostic,
que tout autour la peau du gland était inégale par suite du soulèvement
irrégulier de petits districts de la peau normale . Dans le second cas, les
plaques noir bleu se transformèrent au bout de peu de jours sous l'in ,
fluence de l'emplâtre hydrargyrique en véritables papules spécifiques
plates. Ces deux malades étaient syphilitiques ; chez le premier, ces
plaques étaient survenues sans phénomènes spécifiques accessoires ,
18 mois environ après l'infection . Chez le second, ces mêmes plaques
s'étaient produites pendant un exanthème maculo -papuleux général peu
de mois après l'infection. Elles disparurent rapidement sous l'influence
d'un traitement mercuriel.
3° Chez un homme de 50 ans, il existait depuis plus de 8 ans sur le
gland un point rouge lenticulaire, non prurigineux, en desquamation,
consécutif à une petite tache ayant à peine la grosseur d'une tête d'épingle.
Ce point squameux disparaissait de temps en temps sans laisser de tra
ces, notamment pendant une saison de bains, cependant il se reprodui
sait constamment. A l'époque où l'auteur vit le malade , le nombre des
taches avait augmenté durant les dernières semaines . Le gland était en
plusieurs points recouvert de taches rouge bleuâtre, dont les dimensions
variaient entre celles d'une tête d'épingle et celles d'une lentille, un peu
déprimées au centre et à rebord périphérique un peu saillant ; pas d'épais
sissement de la peau en ce point. Une des plaques avait une teinte
rouge jaunâtre analogue à une papule spécifique, une autre en forme
d'arc de cercle avait l'aspect d'une excoriation . La plupart des pla
ques étaient recouvertes de squames peu adhérentes ; d'autres, au
314 REVUE DE DERMATOLOGIE .

contraire, de squamules plus jaunâtres, confluentes, très adhérentes.


Quelques-unes de ces plaques , qui étaient dépouillées de squames, ressem
blaient à s'y méprendre à de petites taches vasculaires . On voyait
en outre sur le gland une petite plaque pâle atrophique qui cor
respondait probablement au premier point en desquamation. Sur le
frein ainsi que sur la peau du pénis circoncis au niveau du gland il
existait des traînées bleuâtres dont le centre était occupé par de très fines
squamules blanchâtres, irrégulières, et des points rouges lenticulaires,
un peu déprimés au centre avec desquamation très légère. Sur les autres
lésions , aucune trace d'une affection semblable. Il s'agissait dans ce cas
d'un lupus érythématode (Cazenave) , que l'on n'observe que très rare
ment sur le gland comme affection primaire. Ce cas , ainsi que l'appari
tion fréquente du lupus érythémateux sur la muqueuse labiale, démon
trent cliniquement que le processus pathologique du lupus érythé
mateux n'est lié ni aux glandes sébacées ni aux glandes sudoripares
comme on le croyait autrefois . La dénomination du lupus érythématode
(Cazenave) pour cette affection n'a qu'un intérêt historique ; elle a
conduit quelques auteurs à la confondre avec la forme plate, atro
phique, squameuse du lupus vrai, qui est aussi appelé à tort érythé
mateux. L'auteur ’admet pas la classification d'Auspitz, qui range cette
dermatose parmi les granulomes de la peau. A. DOYON .

ALTÉRATIONS DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES DANS DEUX CAS DE MAUX PERFORANTS


PLANTAIRES ET DANS QUELQUES AUTRES FORMES DE LÉSIONS TROPHIQUES DES
PIEDS , par Pitres et VAILLARD (Archives de physiologie, 1885, 15 fé
vrier, p . 209 ).

MM . Pitres et Vaillard ont constaté que les lésions nerveuses observées


dans le mal perforant par MM . Duplay et Morat existent non seulement
au niveau des extrémités des nerfs, mais encore jusque dans les branches
du sciatique et même dans le tronc de ce nerf : cette extension des
lésions explique les divers troubles trophiques et sensitifs qui sont
souvent associés au mal perforant et que l'on peut constater jusque
sur la jambe (induration scléreuse de la peau , atrophie musculaire,
sueurs locales, gangrène, anesthésie, etc. ) .
En outre les auteurs réfutent une objection qui avait été élevée contre
la théorie nerveuse du mal perforant, à savoir que les lésions nerveuses
qui l'accompagnent d'après MM. Duplay et Morat peuvent exister cher
des sujets indemnes de mal perforant, en d'autres termes que la dispa
rition de la myéline et les lésions des fibres nerveuses existent toujours
REVUE DE DERMATOLOGIE . 315

à un certain degré dans les nerfs périphériques normaux. Cette réfutation


se base sur les résultats des deux séries d'examens histologiques.
Dans la première, MM . Pitres et Vaillard ont examiné les nerfs plan
taires de sujets dont les téguments du pied étaient absolument normaux :
ces nerfs ne renfermaient aucune fibre altérée.
Dans la deuxième, ces habiles histologistes ont fait porter leurs
recherches sur les nerfs de sujets dont les extrémités inférieures présen
taient quelqu'une des altérations tégumentaires suivantes : cors , durillons,
dystrophies ungueales (épaississement, bosselures, striations transver
sales, ecchymoses sous - unguéales), desquamation ichtysioforme des
téguments. Dans cette seconde série de faits, les nerfs correspondants
aux points atteints présentaient un nombre variable des fibres altérées à
des degrés divers : fragmentation de la myéline, fibres variqueuses, gaines
vides .
D'où cette conclusion que les diverses altérations déjà citées de l'épi
derme et de ses annexes sont sous la dépendance de lésions nerveuses,
que ces modifications des téguments si fréquentes chez les sujets âgés
sont de véritables troubles trophiques, au même titre que le mal per
forant, qui semble en être le degré ou tout au moins la forme la plus
grave, et avec lequel elles coïncident fréquemment. G. T.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE.

CAS DE SYPHİLİS DOUBLÉE, par le D' Hugo ENGÉL (Philadelphia medi


cal Times, 25 août 1884 , p . 851 ) .
Le cas suivant a , d'après le Dr Hugo Engel , une importance capitale;
car d'après lui il prouverait de la manière la plus irrefutable que la sy
philis peut être assez radicalement guérie pour permettre une réinfec
tion syphilitique de l'individu qui l'a déjà eue une première fois . Aussi
de peur que le monde savant n'accueillit son observation qu'avec une
certaine défiance, il a fait examiner son malade par plusieurs personnes
compétentes, entre autres par le D ' J.-M. Burton .
Le 1er avril 1876 l'auteur fut appelé en toute hâte auprès d'un marchand
qui venait d'avoir, disait-on , une attaque d'apoplexic. Il s'agissait d'un jeune
homme de 21 ans qui en vaquant à ses occupations élait subitement tombé
sans connaissance , et avait présenté au même moment quelques mouvements
convulsifs dans tout le corps. avec prédominance marquée dü côté gauche.
Une éruption de nature suspecte et le jeune åge du malade firent tout
de suite penser à la syphilis et instituer le traitement spécifique. Effecti
vement, dans l'après -midi, le malade, ayant repris connaissance, donna
les renseignements les plus précis à cet égard ; huit mois auparavant il avait
eu un chancre unique sur le pénis : il avait consulté un homéopathe qui l'avait
déclaré guéri au bout de six semaines. Quelques mois après, il vit survenir
un mal de gorge et l'éruption précédemment mentionnée, Trois semaines en
viron avant son attaque il avait commencé à avoir des céphalées qui débu
taient d'ordinaire après le repas de midi et augmentaient d'intensité vers le
soir . Un jour ou deux avant son attaque, et une heure avant de tomber,
avait eu des étourdissements très violents .
L'auteur soumit le malade à un traitement sévère , le lui fit continuer d'une
façon régulière pendant,deux ans ; puis il lui conseilla de se soigner de nou
veau toutes les années à deux reprises au printemps et à l'automne. Le ma
lado ne présenta plus d'ailleurs comme accidents syphilitiques qu’un peu de
vertige et de céphalalgie trois mois environ après son attaque.
Il jouit donc d'une santé parfaite jusqu'en 1883. Il eut alors un rapport
suspect à New -York, et , une semaine après , il vint consulter le Dr Engel
pour un chancre Huntérien qui mit environ trois semaines à se cicatriser.
Trois mois plus tard il vit se produire sur la partie antérieure du tronc la
même éruptión eczématiforme qu'il avait déjà eue en 1876 ; puis il fut pris d'une
douleur intense vers la troisième articulation sterno - costale droite , de vio .
lentes palpitations, de dyspnée, d'angoisse et d'anxiété précordiale, de fris
sons et de fièvre, enfin d'amaigrissement. A l'auscultation les bruits de la
mitrale et de la tricuspide étaient normaux , mais au foyer de l'orifice aor
tique on entendait un souffle d'une intensité et d'une rudesse excessives, qui
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 317

se propageait dans les gros vaisseaux et se percevait même dans le dos. Le


pouls était rapide et un peu irrégulier. L'auteur diagnostiqua donc une en
daortite surtout marquée vers la crosse de l'aorte, mais ayant envahi proba
blement le vaisseau tout entier, si l'on en jugeait par les irradiations doulou
reuses, par l'extension du bruit de souffle . Il y avait déjà onze jours que ces
divers symptômes s'étaient déclarés, lorsqu'il vint voir le Dr Engel ;
c'était surtout depuis cinq jours qu'il avait vu les divers phénomènes
morbides s'aggraver avec la plus grande rapidité. On le soumit tout de suite
à un traitement énergique, à des frictions mercurielles répétées, et dès le
troisième jour l'amélioration obtenue était réellement surprenante . Le sixième
jour les douleurs avaient presque entièrement cessé, les palpitations et la
tièvre avaient disparu, et le souffle avait beaucoup diminué d'intensité. On
lui appliqua alors un vésicatoire sur la partie antérieure de la poitrine, et
vers le deuxième jour, le malade se considérait comme guéri. Il persistait
cependant quelques douleurs vers la partie supérieure du sternum et quelques
troubles du côté du cour, mais ces derniers symptômes finirent par dispa
raitre complètement au bout de trois semaines.

Telle est , bien résumée, l'observation réellement remarquable que pu


blie le Dr Hugo Engel ; il croit pouvoir s'appuyer sur ce cas pour émettre
les considérations suivantes.
Il est admis, dit-il , et il semble prouvé qu'un syphilitique ne peut re
prendre une sypbilis nouvelle tant qu'il lui reste quelque chose de
son ancienne syphilis. Si donc notre malade a eu réellement un deuxième
chancre induré, il faut adınettre qu'il était à ce moment -là radicalement
guéri de sa première infection . Or il est fort rare d'observer des cas de
reinfection syphilitique, et surtout des cas dans lesquels un malade, après
avoir eu une syphilis assez intense pour déterminer des accidents céré
braux dès la période secondaire, a pu cependant guérir assez radicale
ment pour prendre une seconde fois la syphilis. On dira peut- être, ajoute
l'auteur, que dans le fait précédent la syphilis n'a pas le moins du monde
été guérie, et que la seconde série d'accidents n'a été qu'une suite de la
premiere infection. Le Dr Hugo Engel ne peut accepter cette objection
parce que la lésion qu'il a observée sur la verge de son malade après
sa seconde infection était bien un chancre indure type ; ses bords étaient
surélevés , sa base indurée, et après la guérison de la plaie, cette indu
ration persista quelque temps sous la forme d'un noyau induré. De plus
il est impossible d'attribuer la deuxième éruption à la première infec
tion syphilitique puisqu'il s'était écoulé cinq ans de santé parfaite entre
les accidents secondaires de la première infection et ceux de la deuxième
infection. Dans l'hypothèse d'une seule infection syphilitique le malade
n'aurait pas dû avoir en 1883 des accidents superficiels et diffus, mais
des accidents tertiaires , circonscrits et profonds .
Telle est l'argumentation du Dr Hugo Engel : j'ai le regret de dire
qu'elle ne peut me convaincre. Ainsi que le professait avec tant d'auto
318 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

rité notre maitre, M. Fournier, dans une de ses dernières cliniques, pour
que l'on soit en droit d'admettre la réalité d'une réinfection syphilitique
il faut : 1° un chancre induré, avec pléiades inguinales indolentes , puis,
quelques semaines après, roséoles typiques et autres éruptions syphiliti
ques, céphalées, alopécie passagère en clairières, plaques muqueuses, etc.;
2. silence complet ou accidents tertiaires pendant quelques années ;
30 nouveau chancre induré après coït suspect avec adénopathies carac
téristiques, suivi après quelques semaines d'accidents secondaires incor
testables, tels que céphalées, alopécie, plaques muqueuses, éruptions de
syphilides maculeuses ou papuleuses typiques, etc... Une observation
semblable ne laisserait pas subsister le moindre doute , un fait pareil dont
l'authenticité ne pourrait être discutée démontrerait avec la dernière évi
dence que la syphilis peut se doubler. Trouvons - nous les mêmes garanties
dans le cas précédent ? Évidemment non . Certes il est plus que probable
que le malade du Dr Engel a eu la syphilis en 1875, et que c'est bien
pour de la syphilis cérébrale précoce que cet auteur l'a soigné en 1876;
mais les accidents de 1883 ne nous semblent pas le moins du monde étre
caractéristiques d'une nouvelle infection . Les détails donnés par le mé
decin américain sont tout à fait insuffisants et ne peuvent entraîner la
conviction . Le malade a eu , dit- il , à cette époque un Hunterian chan
cre qui a guéri au bout de trois semaines en laissant un noyau induré.
Il ne nous dit pas seulement comment étaient les ganglions de l'aine. Il
n'est pas de médecin qui ne sache combien certaines syphilides ter
tiaires du gland simulent le chancre induré . On ne fait souvent de dia
gnostic que par l'absence de la pléiade inguinale indolente, par les com
mémoratifs et par le traitement. Mais , nous dit le Dr Engel , à la suite de
cet accident de la verge, trois mois après, le malade a eu une eczema
tous eruption sur les parties antérieures de la poitrine. Qu'est-ce que
cette « eczematous eruption » ? Une éruption eczématiforme localisée à
la partie antérieure de la poitrine suffit -elle à caractériser une syphilis
secondaire ? Il n'est pas de dermatologiste qui ne réponde par la néga
tive . Il est vrai qu'il nous reste à expliquer les accidents, si intéressants
d'ailleurs, d'endaortite qui se sont manifestés peu après et qui ont cédé à
la médication antisyphilitique. Nous connaissons en France la grande
fréquence de l'aortite syphilitique et nous sommes tout disposés à ad.
mettre que le D Engel a observé un bel exemple de cette affection , mais
pourquoi en faire un symptôme de syphilis secondaire survenu trois
mois à peine après une deuxième infection , et n'est -il pas bien plus ra
tionnel de mettre cette complication tout comme l'accident de la verge
sur le compte de l'ancienne syphilis, de celle de 1875 , donnant lieu en
1883 à des phénomènes tertiaires ? Nous ne voulons pas continuer cette
trop longue analyse : nous tenions seulement, en discutant de près cette
REVCE DE SYPHILIGRAPHIE . 319

observation, qui semble au premier abord être un fait probant, montrer


avec quel soin il faut examiner les cas assez nombreux de réinfection
syphilitique que l'on publie avant d'en admettre la réalité. L. BROCQ .

LÉSIONS SYPHILITIQUES DES NERFS CRANIENS, par le D' HENRY LEE


( The Lancet, 1er novembre 1885 , p . 766 ).

Le D' Henry Lee vient de publier deux cas de lésions assez curieuses
des nerfs craniens, qu'il attribue à la syphilis. - Dans la première de ces
deux observations, il s'agit d'un homme qui avait déjà eu les fièvres
dans l'Hindoustan , fièvres qui avaient été suivies d'une parésie de la
jambe droite en 1881. En octobre 1883, il prit la syphilis, et il eut des
accidents secondaires en novembre . Le 17 juillet 1884, lorsque l'auteur
le vit pour la première fois, il avait des bourdonnements d'oreille cons
tants, et de la surdité : tous les muscles innervés par les deux faciaux
itaient paralysés : la sensibilité du visage était par contre parfaitement
intacte. Le D ' Henry Lee lui fit prendre des bains de calomel et de la
décoction de salsepareille. Le 25 août , presque tous les symptômes mor
bides avaient disparu : le malade entendait de nouveau et n'avait plus
que quelques bourdonnements d'oreille ; le côté gauche de la face avait
repris tous ses mouvements, et le côté droit était fort amélioré. L'au
teur croit devoir localiser la lésion vers les noyaux d'origine des 7º et
de paires, et il ne met pas en doute que la cause même de la lésion ne
füt d'origine syphilitique. Il me semble cependant que la parésie de la
jambe droite que cet homme avait eue en 1881 , bien avant d'être syphi
litique, que la précocité de ces accidents nerveux, que leur disparition
rapide sans qu'on ait institué un traitement bien actif, il me semble ,
dis-je, que toutes ces circonstances un peu insolites auraient mérité
quelques développements et quelque discussion .
Dans la seconde observation, il s'agit d'une homme marié ayant eu
quelques années auparavant une syphilis pour laquelle il n'avait été
qu'imparfaitement traité. Après la disparition des accidents secondaires,
on vit survenir une tumeur énorme au niveau du parietal gauche, et un
peu de parésie variable comme intensité selon les périodes dans la jambe
droite. Au bout de plusieurs mois il eut une attaque avec perte de con
naissance, à la suite de laquelle les mouvements du bras droit furent
génés et la mémoire assez profondément atteinte. Tous ces phénomènes
ne sont en somme que des symptômes vulgaires de syphilis cérébrale ;
mais, ce que le malade presenta de réellement intéressant, c'est que
pendant plusieurs inois son ail gauche perdit sa puissance d’accommoda
320 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

tion : il lui fallait faire un effort, et un effort même assez violent pour
arriver à voir distinctement avec cet wil les objets qu'il percevait très
bien et sans la moindre fatigue avec l'ail droit ; les mouvements des
deux globes oculaires étaient parfaitement normaux . L'auteur entre
dans une discussion fort longue pour savoir comment il est possible
d'expliquer ce phénomène insolite, et il finit par conclure que l'accommo
dation de l'ail peut se faire sous l'influence de pressions extérieures
exercées sur le globe de l'eil soit par les muscles de l'æil , soit par un
corps extérieur ; que c'est surtout le muscle grand oblique de l'eil qui
en est l'agent actif, et que par conséquent il faut très probablement
rapporter les phénomènes morbides qui précèdent à une lésion quel
conque du quatrième nerf cranien ou nerf pathétique. L. BROCQ .

LE GÉRANT : G. MASSON .

Paris , Société l'imprimerie PAUL DUPONT, 41 rue J. - J. -Rousseau (C1.354.5.85 .


25 Juin 1885 ,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES.

CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES MYOMES CUTANÉS .


DERMATOMYOMES, LIOMYOMES DE LA PEAU,
>

( 2° ARTICLE. APPENDICE . )
Par ERNEST BESNIER , médecin de l'hôpital Saint-Louis, etc.

Dans un précédent travail ( 1), j'ai donné la première esquisse métho


dique des lioinyomes de la peau , et j'ai fourni la première observation
clinique (2) de la forme qui intéresse le plus les dermatologistes, la forme
disséminée, éruptive.
A dessein, j'ai , dans cette publication , proposé une division restreinte
à la mesure étroite de nos connaissances sur ces questions toutes neuves ,
et dont l'application puisse être faite immédiatement d'une manière utile
pour la pratique. J'ai séparé les myomes de la peau en deux catégories
distinctes, les myomes simples ou liomyomes proprement dits, et les
myomes dartoïques, indiquant avec soin les caractères généraux qui dis
tinguent ces deux espèces du genre , précisant les éléments principaux de
leur diagnostic, et donnant, pour les myomes dartoïques, le moyen de
les distinguer des myomes extracutanés, migrateurs ou émigrés.
Cette division , évidemment trop sommaire au point de vue anatomique
(1) Études nouvelles de dermatologie. Les tumeurs de la peau . Les dermalo
myomes etc. , in Annales de dermatologie, 2e sério t. Ier , 1880, p . 25 .
9

2 Plusieurs des auteurs qui ont écrit, depuis, sur cette question, semblent
croire que le fait antérieur de Verneuil, que j'ai rapporté, est une observation cli
nique;
la
il n'en est rien , il aa trait seulement à l'examen histologique de tumeurs de
peali trouvées sur un cadavre livré aux dissections. Dans mon observation , le
diagnostic clinique et l'examen histologique ont été faits du vivant de la malade,
et la description que j'ai donnée a permis aux observateurs de faire, ultérieure
ment, le diagnostic avec la plus grande facilité, ainsi que nous allons le dire.
ANNALES DE DERMAT. , 2e SÉRIE , VI. 21
322 ERNEST BESNIER .

ou histogénique, est remplacée dans des travaux ultérieurs par une énu
mération méthodique des diverses formes et variétés que l'examen ana
tomique des différentes tumeurs observées a permis de réunir . Telle ,
par exemple, la division proposée par Babes dans un article remarquable (1);
division, d'ailleurs, elle -même incomplète, l'auteur ayant soin de faire re
marquer que « toutes les transitions et toutes les combinaisons sont pos
sibles » , c'est - à -dire que l'élasticité d'un semblable cadre est indéfinie, et
que les sous -divisions seront multipliées au fur et à mesure que les cas
particuliers montreront de nouvelles transitions ou de nouvelles com
binaisons.
Il y a ici confusion entre l'anatomie pathologique générale et la patho
logie cutanée proprement dile ; sans aucun doute, cette dernière ne peut
avoir de base meilleure que l'anatomopathologie ; mais la trame aujour
d'hui si compliquée et si mobile des travaux de laboratoire ne doit pas
prendre la place du tableau clinique, en somme le plus important.
Sans m'attarder à ces observations générales critiques je renouvelle
les propositions que j'ai déjà formulées, dans leur simplicité voulue .
Parmi les tumeurs de la peau qu'il importe au médecin derinatologiste
de ne pas méconnaître, il en est quelques-unes, assez rarement obser
vées , qui ont été , jusqu'à la publication de mon travail, cliniquement
confondues avec le molluscum à petites masses multiples et dissémi
nées ; ces tumeurs, dont j'ai donné la description assez précise pour
que les cliniciens aient pu ultérieurement les reconnaitre à premiere
vue, et avec la plus grande facilité , sont des myomes, des hyperplasies
homéomorphes pures, c'est -à - dire des éléments d'une bénignité absolue;
nous les avons désignées sous le nom de myomes cutanés simples, quelque
nombreuses que puissent être, d'ailleurs, leurs variétés histologiques ou
histogéniques.

(1 ) Handbuch der Hautkrankheiten ( Ziemssen’s ), t . II , p . 499. Leipzig , 1883 . -


Voici cette division :
1. Myomas developpés dans la paroi vasculaire par proliferation de ses éléments
musculaires (Angiomyomata cutis). Ces tum urs sont habituellement circoseriles,
solitaires et situ os dans la profon eur .
Par rapport aux nerfs, ce sont des tumeurs irritables (Ganglion dolorosum
myomatosium ).
II. Hyperplasies des muscles redresseurs des poils :
a ) Faisant pirtie de tumeurs vasculaires ( Virchow ) ;
b) Formant des tumeurs multiples.
III . Néoplasmes développés dans la couche musculaire profonde de la peau
(Myomes dartoiques, Besnier, :
a) Dutrus , sous forme d'élephantiasis lymphangicetasique et de pachydermie myo
maleuse
b) Circon - crits . Ces derniers sout poly poux , télangiectasiques, multiples et dans
ce dernier cas douloureux.
IV . Myomes penetrus secondairement dans la peau ou développés aux dépens
de bourgeons détachés.
CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES MYOMES CUTANÉS . 323

A côté de ces petits myomes, myomes multiples, disséminés, myomes


éruptifs, il existe une autre espèce du genre, laquelle intéresse plutôt le
chirurgien que le dermatologiste proprement dit ; ce sont des tumeurs
beaucoup plus volumineuses, solitaires, ou si elles ne sont pas uniques,
réunies sur une même région ; je les ai désignées (tenant compte de leur
origine la plus générale ) sous le nom de myomes dartoiques, et j'ai indiqué,
également, leurs caractères cliniques propres ainsi que les moyens de les
distinguer des myomes migrateurs ou émigrés.
Au point de vue scientifique, il est , sans nul doute, important de savoir
qu'il y a des névromyomes, des angiomyomes, des lymphangiomyomes,
des myomes par hyperplasie des arrecteurs, des myomes primitifs,
idiopathiques, et des myomes accessoires, des pachydermies à la fois
lymphangiectasiques et myomateuses, etc. , etc. , mais presque tout cela
n'intéresse que secondairement le dermatologiste, et avant d'émietter à
l'infini une division , il faut procéder préalablement à la vulgarisation de
faits encore inconnus au plus grand nombre des médecins.

II

Depuis la publication de mon travail, deux observations analogues à


celles que j'ai rapportées ont été produites ; aucune n'a été retrouvée dans
la littérature antérieure .
En 1880 , l'année même de la publication de mon premier article, un
de mes élèves les plus distingués, le Dr Arnozan, professeur agrégé à la
Faculté de médecine de Bordeaux, reconnaissait, à première vue, à l'hô
pital Saint- André de cette ville, un cas de myomes cutanés multiples,
sur une malade couchée dans la division de M. le professeur agrégé
Solles. Après avoir étudié ce fait en collaboration avec le Dr Vaillard, il
en donna avec lui, la relation histologique et clinique très complete à la
Société d'anatomie et de physiologie de Bordeaux dans la séance du
7 décembre 1880 ( 1 ).
L'année suivante, mars 1881 , V. Brigidi et G. Marcacci observèrent
à l'hopital Sainte -Lucie un nouveau fait de myomes simples multiples,
firent l'examen biopsique des tumeurs, et publièrent au mois de sep
tembre leur très belle observation ( 2).
Quant aux faits de myomes, au nombre de cinq, en surplus de ceux
recueillis par moi, et chronologiquement antérieurs, que ces auteurs dis

( 1) Myomes à fibres lisses, multiples, confluents et isolés de la peau in Annales


de dermatologie, 2° série , t . II , 1881 , p . 60 .
(2 Dei miomi cutanei (Imparziale, 30 settembre e 15 ottobre 1881.) · Anal .
par JULLIEN , in Annales de dermatologie, 2° serie, t. III, 1882, p. 119.
324 ERNEST BESNIER .

tingués ont retrouvés et cités, ils appartiennent tous aux myomes soli
taires ou en tumeurs , myomes chirurgicaux, lesquels , je le redis encore,
concernent le chirurgien et non le dermatologiste, et ils ne doivent pas,
sous peine de tout confondre, être additionnes avec les autres ( 1) ; de
même pour un dernier fait examiné histologiquement par Babes (2).
C'est donc, en réalité , de quatre faits (trois observations cliniques et
histologiques, et le fait histologique de Verneuil) que se compose en réa
lité , à l'heure présente, l'histoire dermatologique propre des myomes de
la peau (3) .
Nul doute que ce nombre de faits ne s'accroisse quand les ouvrages
classiques auront porté à la connaissance des médecins la nosographie
de cette espèce de derniatomes .

III

Appendice au mémoire de 1880. – Suite et fin de l'observation


clinique ; examen histologique après la mort.
La malade qui a fait le sujet de l'observation du mémoire de 1880 ( 41,
devenant trop âgée et trop infirme pour travailler, finit par séjourner en
permanence dans notre service, salle Saint- Thomas (devenue salle Gibert);
nous eûmes tout loisir de l'observer, et de la faire examiner par un très
grand nombre de médecins français et étrangers, dont aucun , il faut le
dire, ne fut en mesure de reconnaître la lésion.
Sans cesse, bien qu'avec une extrême lenteur, les tumeurs se sont
accrues en nombre et en volume jusqu'à une limite dont la plus élevée
( 1 ) Voici l'indication de ces faits d'après Brigidi et Marcacci : – kios (Path .
Anat . der Se.cuatorgane, 1864) deux observations de lumeurs mammaires observées
chez la femme, toutes les deux à la mamelle ; l'une de la grosseur d'une « pomme » ,
l'autre d'une a cerise » . - SOKOLOFF ( Virchow's Archiv , 1873). Une tumeur main
maire (toujours chez une femme) du mamelon, de la dimension d'une « noix mus
cade » . - AXEL -Key (Hygica shra sallns forth , 1877) . Tumeur du volume d'une
grosse noix muscade, ayant son siège à la face palmaire de la main droite , au
niveau de l'articulation métacarpophalangienne du médius. C'était un lymphan
giome myofibromateux. Enfin, SANTESSON (eodem loco) . Une tumear de la même
nature siluée au côté externe de la cuisse à droite.
(2) Cas de myome sous-cutané ayant dépassé le volume d'une noir , unique, que
porlait depuis son enfance dans la paume de la main , un jeune homme opere
par le professeur Lumnitzer. Voy . Különlenyomat az « Orvosi Hetilap » 1882. –
Voy . loc . sup . cit. , 1883 .
(*) on pourrait discuter l'adjonction à ces observations du fait de Virchow , que
j'ai rapporlé dans mon précédent mémoire, p . 36 ; mais après examen attentif, ce cas,
bien qu’un peu ambigu, myome telangiectasique dépourvu de fibres élastiques et
å tumeurs multiples groupées dans la région du mamelon, semble appartenir
à la catégorie des miyomes dartoïques.
(4) Loc . sup . cit .
CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES MYOMES CUTANÉS . 325

n'a pas atteint les dimensions d'une petite amande ; la comparaison avec
un pois donne bien la mesure moyenne. On a pu suivre, à plusieurs
reprises, tous les pas de la progression , depuis la petite tache lenticulaire
rosée , jusqu'à la tumeur pisiforme constituée .
Les caractères des tumeurs sont restés immuables, tels que nous les
avons décrits : vitalité de la peau , normale ; nulle tendance à l'irritation
ni à la régression ; extraordinaire sensibilité aux frôlements , et surtout
à la pression . Jamais, il ne s'est produit ni crises douloureuses sponta
nées, ni phénomènes vasomoteurs de l'ordre de ceux qui ont été signa
lés par Arnozan ( 1 ). Les cicatrices des tumeurs enlevées pour la
biopsie sont restées sans récidive aucune , même après un grand nombre
d'années ; indice pronostique important à recueillir, et dont j'ai signalé
l'importance, antérieurement, au point de vue de l'utilisation de la biop
sie pour le pronostic clinique général des tumeurs de la peau ; les ho
méoplasies pures ne récidivent jamais.
Vers 1881 , la santé de la malade déclina, et l'on put constater une
induration sous - aréolaire du mamelon droit qui commença à se rétrac
ter ; cette tumeur s'accrut lentement pendant l'année 1882, donnant seu
lement lieu à quelques poussées de lymphangite réticulaire avec engorge
ment progressif des ganglions axillaires . Vers la fin de 1883 (la malade
avait absolument refusé tout secours chirurgical), une petite tumeur du
volume d'une pomme d'api , exactement du même ordre, s'était développée
dans le sein gauche .
En 1884, les poussées lymphangitiques s'étendent au membre supé
rieur droit , et à la fin de l'année elles avaient amené un ædème élé
phantiasique énorme du membre. En même temps, une tumefaction
diffuse, en avant du sternum , bossuait toute la régions médiane et an
térieure du thorax .
Le 10 janvier, la malade succomba à la série réunie des accidents pré
cédents, et à des accès de dyspnée asystolique.
L'autopsie faite par M. Perrin, interne du service, permit de
constater la nature carcinomateuse des tumeurs du sein ; on trouva, en
outre, dans l'utérus, vers le fond , quatre ou cinq tumeurs du volume
d'une noisette à celui d'un euf de pigeon que l'on énucléa facile
ment .
Les pièces histologiques ont été soumises à l'examen de notre savant
ami et collègue M. Balzer (à qui étaient déjà dus les examens biopsiques
consignés dans notre travail de 1880) . Voici le résumé de ses observa
tions :
€ 1° Myomes cutanés : Les tumeurs pisiformes, aussi bien que les
plus volumineuses, celles qui avoisinent les dimensions d'une petite
(1) Loc. sup. cit.
326 ERNEST BESNIER .

amande ont été examinées : dans toutes ces tumeurs, la néoplasie a une
extension réelle beaucoup plus grande que ne le ferait prévoir son appa
rence superficielle extérieure. Sur les bords des nodules myomateux, le
tissu musculaire s'étend quelquefois assez loin , de manière à former
une véritable nappe au niveau des tumeurs les plus grosses. Sur les
coupes, les myomes ont souvent, par conséquent, l'apparence d'une
lentille biconvexe, plus ou moins renflée à son centre, plus ou moins
aplatie à son pourtour. C'est au centre que le tissu musculaire est sur
tout abondant, serré, tandis qu'au pourtour, il est dissocié par des fais -
ceaux de tissu conjonctif.
1
« L'épiderme est normal, peut- être un peu aminci.
« Le derme proprement dit est peu envahi par le myome qui parait sur
tout s'étendre dans l'hypoderme. Nous avons vu, en effet, des glandes
sudoripares entières, conduit excréteur et glomérule , dans la portion du
derme placée entre l'épiderme et la tumeur ; ajoutons que ce derme est
aminci, réduit à la moitié ou au tiers de son épaisseur. Nous avons vu ,
au contraire , des glandes sebacées avec leur poil , pénétrant jusqu'à une
assez grande profondeur dans l'épaisseur du néoplasme. Celui - ci a donc
une tendance manifeste à s'étendre surtout dans la région de l'hypo
derme.
« Le tissu musculaire se présente avec l'aspect que nous avons déjà dé
crit : faisceaux d'étendue et de volume très variables, ordinairement fu*
siformes, les uns parallèles à la surface de la peau et s'entrecroisant
dans des directions diverses, les autres perpendiculaires ou obliques par
rapport à la surface de la peau . Ils s'entrecroisent et s'entrelacent de ma
nière à former un feutrage véritable , très serré , ainsi que nous l'avons
dit, vers les parties centrales du inyome. Les faisceaux musculaires en
ces points ne sont séparés les uns des autres que par une mince lamelle
conjonctive ou paraissent même en contact immédiat. On les voit tantôt
dans le sens de leur longueur, tantôt sectionnés transversalement. Le
picro - carminate les colore en brun orangé, et si l'on acidifie la glycérine ,
on voit facilement apparaître les noyaux elliptiques et allongés des fibres
musculaires lisses ,
« Nous devons ajouter à ce second examen une particularité qui avait
été omise dans le premier. En traitant les coupes par l'éosine à l'alcool
et la solution de potasse à 40 0/0 on voit que les faisceaux musculaires
sont accompagnés par des faisceaux de tissu élastique très abondant. Ce
tissu, évidemment hyperplasie, constitue un système de fibres qui accom
pagnent les faisceaux musculaires, leur forment quelqueſois une sorte
de cage incomplète, et les relient les uns aux autres et au tissu élastique
des parties saines de la peau. La potasse, en dissociant un peu le tissu
musculaire, permet facilement de se rendre compte de ces dispositions.
CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES MYOMES CUTANÉS . 327

Ajoutons que les vaisseaux sont très rares dans l'épaisseur des myomes.
Il en est de même pour les filets nerveux : quelques -uns situés en pleine
masse musculaire devaient être facilement comprimés et devenir le siège
des douleurs ressenties par la malade.
20 Jyomes utérins : Ce sont des fibro -myomes, peut- être un peu plus
riches en tissu fibreux qu'en tissu musculaire lisse. Ces deux tissus
forment des faisceaux qui se mêlent et s'entrecroisent dans toutes les di
rections .
« 3. Cancer de la mamelle : Sur les coupes d'un noyau pris dans le
voisinage de la peau, on voit un tissu constitué par un stroma conjonc
tif très abondant et formant des mailles assez serrées . Ces mailles con
tiennent des cellules de volume très variable , assez grosses et avec une
apparence épithélioide en beaucoup de points, plus petites ailleurs et
d'apparence embryonnaire, principalement à la périphérie de la lu
meur. Sans insister longuement sur ces caractères, nous croyons pou
voir considérer cette tumeur comme un carcinome (forme squirrheuse). »
IV

Dans les trois observations cliniques de myomes cutanés généralisés,


Tåge des malades est assez avancé, cinquante ans et au - dessus ; aucune
condition causale n'a pu être relevée.
Dans les trois cas , l'évolution est lente et se fait par années ; toujours
indolents au début, les éléments initiaux sont représentés par une tache
lenticulaire , une papule légère, un « petit bouton rouge » , et dans le cas
de Brigidi et Marcacci , par une petite « tache ecchymotique » . Tout à
fait indolentes dans cette observation, les petites tumeurs étaient extra
ordinairement douloureuses à la pression dans notre fait personnel , et
Je siège de douleurs spontanées à forme paroxystique dans le cas d'Ar
nozan et Vaillard . Ces différences dépendent évidemment de la disposi
tion des éléments nerveux de la tumeur elle -même, ou des ramuscules
qu'elles intéressent.
Les tumeurs, qui se développentsuccessivement, ne paraissent astreintes
à aucune disposition symétrique ni systématique ; elles sont principale
ment lenticulaires, ou pisiformes ; rosées , rouges , ou de coloration nor 2

male. Leur diagnostic s'établit aisément par exclusion , et dans les cas
ambigus l'examen biopsique pourra , comme dans les trois observations,
confirmer le diagnostic . 5

La bénignité de ces tumeurs est à noter ; elles peuvent être extirpées


sans aucune crainte de récidive ; elles n'ont aucune tendance ulcéra
tive.
.

1) est inutile de dire que leur traitement médical n'existe pas.


19
1

II

1
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS (1),
Par le professeur H. ZEISSL .
(Suite et fin .)

Notre doctrine de la dualité.

Fort des expériences d'inoculation avec du pus chancreux ou syphili


tique faites par quelques auteurs, et de celles qui ont été pratiquées dans
le service du professeur Hebra, ainsi que de celles de Bärensprung et de
Lindwurm (inoculations positives du sang de syphilitiques), fort enfin
de nos propres expériences et des observations faites au lit du malade,
nous sommes tenus de défendre la doctrine de la dualité .
On sait du reste que depuis longtemps nous en sommes partisans, et
nous nous félicitons d'avoir, avec l'aide de notre défunt ami Bären
sprung, gagné à cette doctrine un si grand nombre d'adhérents. Dans le
cours de ces dernières années, les changements que nous nous sommes
vus obligés de faire à notre manière de voir étaient très insignifiants,
si ce n'est , qu'en présence des faits cliniques, il faut, maintenant plus
que jamais, insister sur le dualisme. Si quelques-unes de nos idées dif
fèrent à un certain degré de celles contenues dans les éditions précé
dentes de cet ouvrage, c'est simplement parce que nous tenons à pré
ciser encore plus certaines explications, afin de ne laisser nul doute sur
notre opinion . Qu'il nous soit permis de justifier ces changements de
peu d'importance en empruntant les paroles prononcées jadis par
Ricord :
a L'homme absurde est celui qui ne change jamais . »
Il résulte des inoculations qui ont été faites par nous ou par d'autres
auteurs que :
1 ) Le virus chancreux et le virus syphilitique sont deux virus tout à
fait différents, qui ne se ressemblent que par cette seule qualité extérieure
commune, que tous deux se gagnent par le coït ; aussi les chancres
(1 ) Traduit par le Dr M. Zeissu, docent pour la dermatologie et la syphili
graphie a l'Université de Vienne, d'après le Tralie de la syphilis publié par le
Professeur H. Zeissl et le Dr M. Zeissl.
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS. 329

mous et les affections syphilitiqnes primaires se manifestent-ils d'or


dinaire sur les organes sexuels.
2 Le pus et les fragments de tissus en voie de désagrégation par
infection chancreuse sont les véhicules du virus chancreux . Le virus
syphilitique est surtout inhérent aux produits d'inflammation sy
philitique, au sang, et probablement au sperme des individus in
fectés de syphilis : les inoculations faites avec le sang d'individus syphi
litiques n'ont cependant pas toujours donné de résultats positifs. On
ne sait pas encore pourquoi l'infection syphilitique des parents ne se
transmet pas dans tous les cas à leurs enfants .
3) Le pus provenant d'ulcères , c'est- à-dire d'efflorescences non syphi
litiques d'un individu affecté de syphilis , inoculé à un homme sain n'a ,
dans aucune de nos expériences antérieures , transmis à ce dernier l'in
fection syphilitique .
4) Le pus du chancre mou inoculé à des individus syphilitiques se
reproduit sur eux de la même manière que sur les sujets sains . Le pus
des chancres mous d'un individu syphilitique ne saurait déterminer que
des chancres mous , ne se distinguant en rien des premiers.
5) En inoculant la sécrétion d'une lésion primaire syphilitique
ulcérée au porteur ou à un autre individu syphilitique, il ne se produit,
en aucun cas, d'ulcère d'inoculation syphilitique , parce qu'une
deuxième contamination ne peut pas avoir lieu pendant la durée de
la première affection . Nous concluons donc de ce qui précède que l'af
fection primaire syphilitique n'est pas auto -inoculable.
6) Le principe contagieux syphilitique est peut-être une modifica
tion da virus du chancre mou non expliquée jusqu'à présent , modifi
cation constituant la différence essentielle entre le virus syphilitique
et le virus du chancre mou .
7) La quantité minime de particules de sang qui se trouvent d'ordi
naire dans le pus d'un chancre mou d'un sujet syphilitique, n'est pas
à même de provoquer la syphilis. Mais si l'on inocule du pus chan
creux sur des produits syphilitiques inflammatoires (papules, nodosités),
si ceux -ci s'ulcèrent et suppurent, on peut avec les débris de leurs tissus
déterminer chez des sujets non syphilitiques une pustule qui se trans
formera en une affection syphilitique primaire, qui n'est autre que la
sclérose initiale .
8) L'expectoration puru lente d'un individu syphilitique inoculée à
un sujet sain ne provoquera pas plus la syphilis que le pus d'ulcères
ou le contenu d'efflorescences non syphilitiques d'un individu infecté
de syphilis ne produira l'infection spécifique. Il n'y a que le pus ou les
débris de tissus des produits spéciaux de la syphilis, qui puissent, dans
des conditions favorables, provoquer la syphilis. Nous avons depuis long
330 H. ZEISSL .

temps rejeté l'hypothèse d'un chancre mixte dans le sens de l'école


lyonnaise; il est vrai cependant que la sécrétion des chancres mous,
déposée sur des efflorescences syphilitiques, peut aussi bien que sur les
parties saines de la peau y produire son effet destracteur et provoquer
la formation d'ulcères ; mais du moment que la décomposition de l'ef
florescence syphilitiqne est produite par le virus du chancre mou , l'ul
cère qui en résulte n'a plus rien de commun avec lui . En effet, l'inocu
lation à un sujet sain du pus d'une papule syphilitique ulcérée par le fait
de l'introduction du virus chancreux détermine la syphilis, tandis que
le même virus chancreux inoculé à un individu syphilitique, mais en un
point où il n'existe pas de produit d'inflammation syphilitique , ne
provoque qu’un chancre mou, qui , réinoculé à des individus sains, de
termine à son tour un chanere simple, mais jamais la syphilis.
9) L'affection primaire de la syphilis peut se manifester sous trois
formes différentes ; à savoir : 1 ° par un ulcère superficiel ( érosion)
ou plus profond, à base et à bords indures; 2° sous l'aspect d'un tuber
cule dur s'ulcérant dans la suite, et 3° sous la forme d'un tubercule dur,
qui , dès son origine jusqu'à sa complète résolution , ne présente pas la
moindre trace d’ulcération .
10) Les caractères les plus importants de l'affection syphilitique pri
maire sont : une dureté cartilagineuse spéciale, que la lésion spécifique
primaire soit un simple tubercule ou un ulcère dur , les adénites indo
lentes, la faible suppuration, et la longue durée de l'incubation .
11 ) Si l'on inocule à un individu syphilitique du pus vulgaire ou tout
autre liquide irritant, ou si l'on fait une piqûre avec une lancette propre ,
cette irritation peut quelquefois produire chez ce malade un ulcère syphi
litique .
Ajoutons encore quelques mots d'explication aux propositions con
tenues dans les paragraphes 5 et 6.
C'est un fait constant que , sur des sujets syphilitiques, on peut pro
duire des pustules et des ulcères en leur inoculant du pus et des frag
ments de tissus syphilitiques. Que sont ces ulcères d'inoculation, que
nous appelons simplement « chancroïdes » d'après Clerc, et qu'arrive
t-il si on inocule le pus d'un chancroïde à un individu sain ? Avant de
répondre à ces questions, il faut encore faire certaines observations pré
liminaires. Des expériences faites à notre clinique par Wigglesworth ont
prouvé que même le pus provenant de dermatoses vulgaires telles que
l'acné peut en certains cas s'inoculer par générations à des indi
vidus sains. Ces expériences de Wigglesworth ont été confirmées et
contrôlées par nous et par d'autres auteurs. C'est jusqu'à an certain
point une réfutation de cette hypothèse admise autrefois par nous aussi,
que la peau des individus syphilitiques est plus vuhiérable que celle des
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS. 331

non syphilitiques ; or il faut se borner à dire que, quelle que soit


la provenance du pus, on peut, en l'inoculant à des individus sains,
obtenir des résultats positifs, mais que ces inoculations réussissent
plus facilement chez les sujets syphilitiques . Il est donc parfaitement
naturel que l'on puisse souvent, avec le pus d'efflorescences syphili
tiques, produire des ulcères sur des individus infectés spécifiquement.
Que détermine maintenant l'inoculation d'un « chancroïde » à un individu
sain ? Voici ce qu'on peut constater : tantôt un résultat négatif ; tantôt un
alcère qui reste local ; tantôt enfin une lésion primaire syphilitique ,
avec syphilis générale consécutive.
Il est impossible d'expliquer le premier résultat négatif ; voici notre
opinion sur les 2° et 3e cas . Le virus syphilitique n'est pas un virus
chimiquement soluble , et par conséquent il n'est pas réparti dans le sang
d'une manière homogène. En nous appuyant sur les expériences de
Chauveau sur la lymphe vaccinale, nous pouvons émettre l'hypothèse
suivante :
Nous inoculons seulement du pus et des particules qui par hasard ne
contiennent pas de virus syphilitique . En ce cas il résultera de l'inocu
lation , en admettant qu'elle réussisse, un simple ulcère conservant son
caractère local, ne présentant nul symptôme d'une affection primaire
syphilitique.
En inoculant du pus et des particules contenant du virus syphilitique,
nous obtiendrons dans le troisième cas une affection syphilitique pri
maire, suivie d'une syphilis générale. L'ulcère local peut être comparé
aux ulcères d'inoculation de pus vulgaire à des individus syphilitiques et
sains, ulcères qu'il est possible d'inoculer par générations. Si l'on
voulait considérer ces ulcères d'inoculation comme analogues à des
chancres mous, il faudrait regarder comme chancre mou tout ulcère
d'inoculation , quel que fùt le pus dont on se serait servi, qu'il ne nous
est pas possible d'affirmer.
Par rapport à ce qui vient d'être énoncé au paragraphe 6, il faut ajou
ter l'observation suivante :
Il n'est pas illogique d'admettre que le virus syphilitique provienne
d'une métamorphose ou d'une modification du virus du chancre mou ou
vice versa . Mais dût même cette hypothèse se confirmer un jour, elle
n'infirmerait en rien la doctrine de la dualité.
De même que dans le règne végétal, surtout parmi les alcaloïdes et
les corps huileux , il s'en trouve qui, par un simple déplacement ou par
la multiplication de certains éléments de matières indifférentes, devien
nent des poisons violents, de même il se pourrait que le virus qui pro
duit les ulcères mous ( chancres) acquit, grâce à un processus biochimique
que l'on ne connait pas encore , une action toute différente ; celle de pro
332 H. ZEISSL .

duire des scléroses syphilitiques initiales . Ce serait un processus sem


blable à celui que l'on observe si fréquemment en chimie organique.
« Si , dit Liebig, on soumet du formiate d'ammoniaque à une
température de 180°, la force et la direction des affinités chimiques des
éléments constitutifs de ce sel sont modifiées , et par là se trouvent
changées les conditions dans lesquelles l'acide formique et l'ammonia
que s'étaient unis pour former une combinaison possédant les qualités
spéciales qui caractérisent le formiaie d'ammoniaque. A 180° ces élé
ments se groupent d'une autre manière, il se forme de l'eau et de l'acide
hydrocyanique. Personne n'a cependant songé jusqu'à présent à regarder
le formiate d'ammoniaque et la combinaison d'eau et d'acide hydro
cyanique comme deux corps identiques. Si l'on admet que la mo
dification d'une seule et même matière contagieuse puisse déterminer
des produits morbides différents, il faut aussi concéder que ce qui a été
modifié n'est plus la même substance qu'avant la modification . Si donc
on considère le virus syphilitique comme une modification du virus
du chancre mou , il est évident que nous avons une deuxième matière
contagieuse essentiellement différente , et c'est là à quoi se sont toujours
bornées nos assertions. Nous ne pouvons donc nous empêcher de per
sister dans notre déclaration , que, à notre avis , la doctrine de la dualité
est la seule vraie , comme le prouvent l'expérience clinique quoti
dienne et le grand nombre de confrontations faites par nous et par
d'autres auteurs. Quant à l'inoculation du sang d'individus syphilitiques
à des sujets sains, le résultat est souvent négatif .
Pellizzari dit avoir fait en 1860 des expériences sur deux jeunes mé
decins, auxquels il inocula sans succès du sang d'individus syphiliti
ques. Ces expériences furent répétées, le 6 février 1862 , sur trois jeunes
médecins qui se dévouèrent à cet effet. On prit le sang sur une femme
âgée de 25 ans enceinte de 6 mois, et atteinte de syphilis secondaire.
On lava soigneusement le bras de la malade, et on constata qu'il était
indemne de toute affection syphilitique au niveau de la saignée . Les
instruments étaient tous parfaitement neufs. Le sang à peine extrait on
imbiba quelques fils de coton , qu'on les appliqua sur le bras gauche du
premier médecin , Dr Borgioni, au niveau de l'insertion du muscle deltoïde,
où l'on avait enlevé l'épiderme et fait trois incisions transversales.
Les deux autres médecins, Drs Rosi et Passigli , furent inoculés de
> >

la même manière ; seulement chez ces derniers les incisions furent faites
sur l'avant- bras, et le sang était déjà coagulé . Inutile d'ajouter que les
trois médecins étaient parfaitement exempts de toute infection syphili
tique antérieure . L'expérience faite sur le docteur Borgioni donna seule
un résultat positif.
Le 30 jour après l'inoculation, toute trace de la lésion locale avait
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 333

disparue, le 30 jour il se produisit au point inoculé une papule qui resta


parfaitement sèche pendant 9 jours, puis devint humide et commença à
s'ulcérer. L'engorgement des glandes axillaires précéda l'ulcère. Deux
mois après l'inoculation, le malade eut des maux de tête nocturnes qui
durèrent du 4 au 12 avril , puis on constata une roséole générale et l'en
gorgement des ganglions cervicaux. Le 22 avril , l'ulcère du bras
était en voie de guérison et on commença le traitement mercuriel.
Dans notre pratique privée nous avons eu l'occasion d'observer cer
tains cas d'infection accidentelle , parlaitement semblables au résultat
de l'inoculation ci-dessus ; nous n'en mentionnerons qu'un seul dont la
vietime аa été un de nos jeunes confrères décédé depuis, et dont un cer
tain nombre de médecins de Vienne peuvent se rappeler.
Ce jeune médecin se rendit à Venise pour une phthisie pulmonaire.
Parmi ses malades, il se trouvait un soldat qui avait sur sa lèvre inté
rieure un ulcère fort suspect. Pour se convaincre si c'était un ulcère
chancreux, ce médecin , ignorant encore la transinissibilité probable de
la syphilis générale, s'inocula du pus de cet ulcère à l'avant-bras
gauche. Voyant au bout de quelques jours que l'inoculation n'avait
produit aucun résultat il en conclut que l'ulcère n'était pas viru
lent. Cependant trois semaines environ plus tard, un petit tubercule,
dur, gros comme une lentille, brun påle, apparut au point inoculé,
avec tuméfaction du ganglion cubital du même côté . Étonné de ce
processus qu'il ne pouvait s'expliquer, l'expérimentateur inconsidéré
vint réclamer notre avis , et nous eûmes le regret de lui déclarer qu'il
devait s'attendre à être atteint d'une syphilis générale dans le plus bref
délai , vu qu'il s'était inoculé le virus d'un individu syphilitique. Ce
que nous avions prédit ne tarda pas à se réaliser, et peu de temps après,
notre confrère fut affecté d'une syphilide papuleuse.
Transportons par la pensée le siège de cette éruption papuleuse dure
sur les organes génitaux et substituons aux engorgements ganglionnaires
des régions cubitales et axillaires les engorgements du pli de l'aine ; au
cun adhérent de la doctrine antérieure de Ricord n'hésitera à voir dans
cette papule dure, suivie d'adénites indolentes, un chancre de Hunter ;
d'autant plus que ces élevures papuleuses sont plus prononcées sur les
parties génitales, et dans des points où le tissu sous- cutané est lâche et
abondant.
Nous sommes donc d'avis qu'il ne faut pas considérer comme le résultat
d'une infection chancreuse ( chancre mou ) ce qu'on désigne sous le nom
a d'induration de Hunter » . L'induration elle -même n'est pas un phénomène
appartenant au chancre en tant que chancre. La dureté ou la inollesse
des bords de l'ulcère infectant ne dépendent nullement d'un simple acci
dent morphologique, ce sont des caractères spéciaux de processus
334 H. ZEISSL .

pathologiques tout à fait différents. L'induration spécifique, tout en for


mant parfois une complication du chancre mou , n'en est nullement un
signe pathognomonique. L'induration résulte de l'inoculation du virus
syphilitique, tandis que le chancre mou provient simplement d'un chan
cre mou . Nous déclarons donc qu'il n'existe point de chancre induré
comme tel . L'ulcère de Hunter ou chancre infectant de Ricord n'est point
une variété de l'infection par le chancre mou . L'induration de tissus dont
parle Hunter n'est point une variété de l'infection par le chancre mou ,
due à des circonstances individuelles, c'est au contraire la suite inévi
table et stéréotypée de la résorption du virus syphilitique.
Le chancre infectant n'existe qu'à la condition qu'un chancre se
trouve sur une induration de Hunter, c'est- à -dire sur une condensa
tion de tissus provoquée par l'hyperplasie que nous regardons précisé
ment comme le résultat constant d'une infection causée par la syphilis.
Il n'y a point de chancre mixte, il n'existe que des chancres nous à
base indurée par le virus syphilitique. Cette induration de tissus , cons
tituant toujours un caractère pathognomoniqne d'un point infecté de
syphilis, mais nullement celui du chancre mou , l'ulceration chancreuse
n'est pas un attribut nécessaire de l'induration syphilitique, et cette
dernière n'est pas non plus un élément indispensable du chancre
mou. Dans le cas où l'infection par le chancre mou se fait en même temps
et au même lieu que l'infection syphilitique, l'ulcère infectant peut rester
mou jusqu'à ce que le virus syphilitique arrivé au même endroit produise
son effet, et se traduise par l'induration dont nous venons de parler.
L’induration spéciale qui se produit alors sous l'ulcère infectant n'est
point un effet du virus du chancre mou , mais bien du virus syphi
litique, car la sécrétion du chancre mou, bien qu'elle produise par
fois (dans le coronaire du gland) une induration inflammatoire passa
gère, ne provoque jamais cette condensation des tissus, résistante, hy
perplasique, fibroïde (sclérose), qui n'est causée que par l'action du virus
syphilitique, processus que nous décrirons plus loin .
Si l'infection par le chancre mou a eu lieu sur une sclérose existant
déjà , soit cicatrisée, soit ouverte, il s'y produit un chancre mou, comme
il s'en produirait sur toute autre partie de la peau. Or, que la selerose
ait précédé l'infection par le chancre mou , ou qu'elle ait fait son apparition
dans le point qui était déjà infecté par le chanere mon , elle ne fait cepen
dant nullement partie du chancre mou . Il ne faut cependant pas regarder
cette sclérose comme un caractère du chancre mou , mais bien comme
une combinaison accidentelle, bref, comme quelque chose d'accces
soire .
L'ulcère syphilitique infectant diffère essentiellement du chancre mou,
Dans les conditions favorables à son action , le virus du chancre mou
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 335

détermine toujours au bout de quelques heures ou de quelques jours une


ulcération dont le caractère est plus ou moins accusé, suivant l'âge de
l'ulcère dont il provient, le degré de dilution de la sécrétion de l'ulcère,
et suivant la nature du point d'introduction , mais qui se termine tou
jours par une cicatrice molle. Par contre , l'affection locale produite par
le virus syphilitique se développe en général très lentement et très tard ,
et sa régression se fait d'une manière plus lente encore, en laissant après
elle une cicatrice indurée ( sclérose ) .
Rollet, en affirmant que chez tout individu infecté par un autre syphi
litique il se forme un chancre infectant , a évidemment choisi une
expression incorrecte pour désigner le processus pathologique qui se
déroule chez la nouvelle victime de l'infection .
On ne doit jamais se servir de l'expression « chancre infectant » mais
bien de celle de « lésion primitive syphilitique » afin d'éviter la même
dénomination pour deux processus pathologiques différents.
Ce qu'il nomme chancre infectant n'est autre chose que l'induration
de tissus ci-dessus mentionnée , qui se développe au lieu d'action du
virus syphilitique. Cette dernière une fois ulcérée, on peut l'inoculer au
porteur et à d'autres individus, comme on l'a dit pour le chancre mou ,
avec cette différence seulement qu'en inoculant le détritus moléculaire
de l'affection sypbilitique on obtient des phénomènes consécutifs, ce qui
n'arrive pas en inoculant le pus du chancre mou . Si par suite de
l'inoculation du chancre mou sur la lésion primitive syphilitique il s'y
forme un chancre mou , et que la sécrétion de ce dernier soit réinoculée
au porteur, il en résultera un nouveau chancre mou . Mais chez un autre
individu n'ayant jamais été in fecté de syphilis l'inoculation du même
pus pourra produire aussi bien le chanere mou que la syphilis, si par
hasard à la sécrétion chancreuse était mêlé du sang provenant de la
nodosité dure formant la base du chancre mou .
Il résulte de ce que nous venons de dire que nous n'admettons pas
l'existence de deux virus chancreux , ni par conséquent celle de deux
espèces d'ulcérations chancreuses essentiellement différentes. Nous
admettons seulement des chancres ayant une force destructive plus ou
moins grande, et une couche diphtéritique plus ou moins épaisse. Toutes
les ulcérations chancreuses produisent une même espèce de virus. Le
pus chancreux occasionne des destructions locales. La résorption du pus
de l'ulcère chancreux peut retentir sur les ganglions adjacents, en
d'autres termes en déterminer l'inflammation ou l'ulcération ; mais la
résorption du pus chancreux, sans mélange de sang ou de sécrétion sy
philitique, ne peut jamais provoquer une syphilis générale.
De plus, nous n'admettons pas l'existence du chancre infectant; nous
admettons seulement des indurations syphilitiques de tissus, sur les
336 H. ZEISSL .

quelles se trouve quelquefois une ulceration chancreuse . A défaut de


cette coexistence, la base et les bords d'une ulcération chancreuse res
tent toujours mous . L'induration du pourtour d'une ulcération chan
creuse semblable à celle que nous observons d'habitude dans d'autres
ulcérations, surtout dans des ulcérations scrofuleuses et variqueuses de
la jambe, peut tout au plus avoir lieu à certains endroits, tels que dans
le sillon du gland ou sur le bord du pli génito-crural , etc. , en raison de
l'état invétéré de l'ulcère, ou d'un traitement irrationnel , mais jamais
dans ce cas l'ulcère chancreux n'atteint la dureté cartilagineuse de l'in
duration de Hunter.
Une induration huntériène , portant à sa surface un chancre mou, est
le produit d'une double infection , c'est-à-dire de deux virus : du virus
chancreux et du virus syphilitique. Cette double infection peut avoir lieu
simultanément par le même coït ou dans deux coïts consécutifs.
Chacun de ces deux virus se propage de la manière qui lui est propre .
Le virus chancreux produit de nouveau le même virus, le virus syphi
litique infecte la masse du sang . Par conséquent, il n'existe pas de sy
philis chancreuse, ni de syphilis primaire ou secondaire . On est libre de
considérer l'induration de Hunter comme le premier symptôme d'une
syphilis naissante, mais on ne doit jamais la regarder, dans le sens de
l'ancienne doctrine, comme une maladie primaire dont le virus pourra
par résorption se transformer en ce qu'on appelle le virus syphilitique
constitutionnel.
Nous ne pouvons employer l'expression de « syphilis chancreuse » 1

que si nous voulons exprimer un mélange de virus chancreux et de virus


syphilitique; mais en ce sens il serait tout aussi juste de se servir de
l'expression de « syphilis gonorrhéique » vu qu'il peut aussi se mêler
du virus syphilitique à la sécrétion de la gonorrhée et former un foyer
d'infection dans l'urèthre. Mais comme il pourrait en résulter des con
fusions sans nombre, il est nécessaire de séparer le chancre mou de la
syphilis aussi strictement que la gonorrhée. Le chancre mou peut aussi
bien que la gonorrhée coexister avec la syphilis chez le même indi
vidu, il peut même servir de véhicule à la syphilis. Non seulement le
chancre mou et la gonorrhée, mais même le vaccin , peuvent produire
la syphilis, mais pour cela les deux premiers doivent , ainsi que la
lymphe vaccinale, être mêlés d'éléments provenant de tissus syphili
tiques.
Si l'on veut diviser les maladies vénériennes par groupes, nous au
rons à en compter trois, qui sont :
1 ° La gonorrhée ;
2° Le chancre ;
3º La syphilis.
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 337

Tous les processus pathologiques des trois groupes sont dus à des
substances contagieuses qui cependant différent essentiellement entre
elles. Le virus de la gonorrhée et celui du chancre mou agissent en peu
d'heures ou en peu de jours, tandis que les premières manifestations du
virus de la syphilis ne surviennent qu'au bout de trois à quatre semaines,
autrement dit la période d'incubation ou d'état latent de la syphilis est
très longue et analogue à celle de la rage canine.
Les premières altérations locales causées par l'infection syphi
litique se manifestent toujours au point même où le virus syphilitique
a pénétré : si le virus syphilitique a été absorbé sans mélange d'élé
ment irritatif (tel que pus vulgaire ou pus d'un chancre mou ) il se
forme au bout de trois à quatre semaines au point infecté une papule
plus ou moins volumineuse s'exfoliant peu aà peu à son sommet,et prenant
ensuite la marche dont nous avons parlé plus haut. Nous nous occu
perons plus loin des caractères ultérieurs de l'induration syphilitique des
tissus et des changements morbides qui en résultent.
Dans beaucoup de cas d'infection que nous avons eu l'occasion d'ob
server, l'induration était précédée d'une légère excoriation qui , au bout
1

de quelques heures, guérissait spontanément. Il arrive souvent que des


eftlorescences non syphilitiques (vésicules herpétiques) ou des éro
sions produites par la balanite sont la porte d'entrée du virus syphi
litique et deviennent ainsi les intermédiaires de l'infection . Si le
viras syphylitique est mêlé de pus chancreux , et qu'on ne détruise pas
le siège de l'infection dans l'espace de quatre jours, le chancre suivra son
developpement habituel, et ce n'est qu'après trois à quatre semaines qui
la base s'indurera par suite de la résorption du virus syphilitique. Dans
le cas où le virus syphilitique aura pénétré dans un point limitrophe de
l'ulceration chancreuse, il se formera auprès du chancre une induration
plus ou moins considérable.
Des observations statistiques dues principalement aux expériences
d'inoculation faites par Ricord nous ont appris qu'il est possible d'annu
ler les effets du virus chancreux dans les premiers quatre jours après sa
résorption . On ne sait pas encore expérimentalement s'il est possible de
détruire le virus syphilitique par des caustiques , et dans quel espace de
temps, mais il est probable que pour cette dernière infection il existe
également des lois analogues à celles que nous venons de citer.
Personne ne doutera de la grande importance de la théorie exposée
plus haut pour le pronostic et le traitement des ulcérations vénériennes.
Nous ne suivrons pas l'exemple de Ricord qui déclara que le malade
ne courait nul risque d'être pris de syphilis secondaire, s'il ne se formait
point d'induration après les 5 ou 6 premiers jours de l'existence du
chancre : l'induration peut survenir beaucoup plus tard, il arrive même
ANNALES DE DBRYAT. , 2. SÉRIE, VI . 22
338 H. ZEISSL .

quelquefois qu'elle ne se produit sur la cicatrice du chancre mou que


quelques semaines plus tard.
En résumé, on voit que nous ne nions point l'existence du chancre
mixte de Rollet , nous ne faisons qu'une objection à la classification qu'il
a employée. Nous ne nommons chancre que le chancre mou , et appli
quons la dénomination d'affection initiale syphilitique ou sclérose syphi
litique primaire, qu'aux ulcerations dues à l'action du virus syphilitique.
Cette classification fera ressortir la différence essentielle des deux pro
duits pathologiques.
Il n'y a du reste aucune différence entre la doctrine de la dualité alle
mande et celle professée en France ; seulement nous devons déclarer
que , d'après nos observations, l'ulcération de la lésion syphilitique pri
maire n'est pas indispensable, mais qu’on la voit souvent se manifester
sous forme de papules dures, habituellement recouvertes d'une peau nor
male ou un peu hyperhémiée.

Premières manifestations de l'action du virus syphilitique.


La première manifestation de l'action du virus syphilitique a lieu au
point où ce virus a pénétré.
Cette manifestation apparaissant au lieu d'infection varie cependant,
selon que le virus syphilitique était lié à un agent irritant, tel que pus,
sanie, ou àà un liquide indifférent, comme le sang, le sérum ou la lymphe.
Dans le cas où le virus syphilitique était melangé à un liquide purulent,
l'effet irritant du pus se révèle bientôt, en ce que à cet endroit même il
se forme une hyperhémie circonscrite et une tumefaction ; au bout de
quelques jours cette tuméfaction se termine par suppuration et ulcéra
tion . La tuméfaction et la suppuration s'y manifestent avec une rapi
dité et une intensité d'autant plus grandes que la lésion de conti
nuité contaminée par le virus syphilitique aura été plus profonde. Il se
forme donc dans ces cas un ulcère plus ou moins grand . Ce n'est que
plus tard que le tissu des individus non syphilitiques subit au point de
l'infection le changement pathognomonique que nous avons l'habitude
de regarder comme un signe de l'infection syphilitique accomplie .
Le tissu en question se condense d'une manière plus ou moins accu
sée , et à l'endroit où le virus syphilitique aura agi , on constatera la mo
dification que nous regardons comme la sclérose initiale de la syphilis.
Mais lorsque le contage syphilitique se trouve lié à un véhicule non
irritant, tel que le sang ou la substance intercellulaire, l'insertion de ce
liquide mêlé de virus syphilitique n'est pas suivie d'un processus d'ir
ritation ou d'ulcération au point affecté ; et ce n'est qu'au bout de plo
sieurs jours ou de plusieurs semaines qu'on voit apparaitre une papule
SUR LA PLURALITE DES VIRUS VÉNÉRIENS. 339

lå où le virus a pénétré; cette papule perd peu à peu son enveloppe


épithéliale, et se condense au point de devenir perceptible au toucher
par sa consistance et sa résistance. En beaucoup de cas le développe
ment de l'affection locale est précédé d'une légère érosion plus ou moins
étendue .
Des observations réitérées nous ont cependant appris que des indi
vidus atteints d'une syphilis latente affaiblie, sans présenter d'affections
syphilitiques des organes génitaux où d'une autre région , n'en infectent
pas moins leurs femmes, chez lesquelles on ne trouve cependant pas la
sclérose syphilitique, qui est l'affection initiale de la syphilis. Chez ces
femmes la syphilis se manifeste par un ralentissement rapide de la nu
trition et par un dépérissement progressif. Peu છેà peu elles perdent leurs
cheveux ; quelquefois il se produit des douleurs périostiques et des exos
toses sur certains points du squelette (fourchette du sternum , crête du
tibia , etc. ) suivies plus tard de métrorrhagies abondantes et fréquentes.
Tous ces phénomènes peuvent disparaitre sous l'influence d'un traite
ment rationnel antisyphilitique, et la syphilis persistante dont souffrent ces
femmes ne se révèle que par le fait que, devenues grosses , elles avortent
en général, ou du moins, si il n'en est pas ainsi , elles souffrent de mé
trorrhagies . La manière dont le virus syphilitique pénètre dans ce cas
n'est pas encore expliquée jusqu'à présent. Nous ne savons pas non
plus comment il se fait qu'une femme qui est atteinte de syphilis latente ,
chez laquelle on ne trouve nulle part un foyer de virus syphilitique,
puisse transmettre la syphilis à son mari.
Érolution de la sclérose syphilitique. — Le mode d'évolution de
l'affection initiale syphilitique dépend du mode d'infection, en d'autres
termes de la nature de la matière qui sert de véhicule à l'infection et
de la lésion de continuité qui se forme au moment de l'infection . Si la
matière infectante provient d'une sclérose ulcérée ou d'une papule syphi
litique , et si l'infection a lieu dans une lésion de continuité profonde
d'une partie de la peau, le point lésé se transforme au bout de quelques
jours en un ulcère plus ou moins purulent qui, tout d'abord, ne présente
pas de caractères extérieurs qui puissent faire supposer sa nature syphi
litique ; même le praticien le plus exercé est incapable de distinguer
ces exulcérations causées par le virus syphilitique, d'avec d'autres
ulceres . Ce n'est qu'ultérieurement que cette distinction est possible.
Dans les cas où le virus infectant n'était pas lié aux cellules de pus,
mais aux liquides séreux qui suintent d'habitude à la surface des ulcères
sclérosés, ou est mêlé au sang d'individus syphilitiques, ou bien encore
s'il existait au point contaminé seulement une simple excoriation, la subs
tance infectante mais non purulente n'a pas une action irritante : aussi il
340 H. ZEISSL .

ne se produit pas une exulceration au point même . Au contraire, l'exco


riation s'étant rapidement cicatrisée, il survient, après une période d'in
cubation plus ou moins longue , une papule plus ou moins considérable
qui , dans les régions où la peau se transforme en muqueuse (par
exemple, aux grandes et petites lèvres, au voisinage de l'anus), res
semble souvent à une papule humide à l'état naissant.
Cette papule conserve sa fornie primitive jusqu'à sa régression
complète, ou bien s'ulcère. Cette désagrégation gagne quelquefois la
base de la papule, d'autres fois elle se limite à sa couche superfi
cielle. Elle progresse d'ordinaire très lentement ; sur certaines par
ties seulement, la désagrégation de cette papule est rapide et déter
mine une perte de substance très profonde , tandis que dans d'autres
cas , il n'y a que la couche épidermique ou épithéliale qui soit détruite ,
de sorte que le foyer d'infection ressemble pendant plusieurs jours plutôt
à une érosion qu'à un ulcère, pour prendre peu à peu le caractère d'une
sclérose . Le tissu s'indure de plus en plus, et cette induration dépasse
souvent les limites de l'érosion apparente.
L'induration ou sclérose, avec tous ses phénomènes d'évolution et
de résorption ne provient pas d'une déviation fortuite du processus nor
mal d'ulcération, comme le supposent les adversaires de la doctrine
de la dualité , elle est le résultat et la manifestation nécessaire de l'ac
tion du virus syphilitique, et ne se produit pas tout d'un coup, mais
se développe peu à peu , par intervalles.
Elle s'arrête parfois dans son processus d'évolution pour reprendre
ensuite un élan plus manifeste. Elle peut atteindre la dimension d'une
lentille, d'un pois ou d'un haricot, mais elle peut aussi s'étendre sur des
portions entières de tissu . L'induration peut envahir les lèvres , les
grandes lèvres, le tissu cutané du gland jusqu'au milieu de la face dor
sale du pénis .
Le volume et l'étendue de l'induration n'ont aucune importance
pronostique par rapport à la bénignité ou à la malignité de la sy
philis. Des indurations petites et récentes cèdent cependant en général
plus facilement au traitement que celles qui sont volumineuses et
anciennes. La résorption de l'induration commence au centre et se
traduit par la diminution de la résistance de la portion atteinte du tissu ;
de plus, le tissu primitivement induré n'est plus aussi nettement limité,
il devient plus pâteux et laisse après la disparition de la sclérose une
pigmentation rouge brun , d'une étendue correspondante. Cette pigmen
totion disparaît peu à peu, et la partie originairement affectée devient
plus blanche que la peau saine environnante ; il en est toujours ainsi
pour tous les tissus cicatriciels superficiels de nouvelle formation. Si au
point induré il n'y avait pas en même temps une ulcération chancreuse,
SUR LA PLURALITÉ DES VIRUS VÉNÉRIENS . 341

celui-ci présente une dépression centrale qui devient de plus en plus


manifeste avec le temps ; et il est bien rare que la cicatrice ressemble à
celles produites par des exulcerations . Ce n'est que dans les indurations
coexistant avec des chancres qu'il y a perte de substance et une cica
trice profonde. L'excision de l'induration n'empêche pas le développe
ment des phénomènes consécutifs ; souvent même l'induration se repro
duit sur la surface de section , ainsi que l'avait déjà fait remarquer
Delpech .
RECUEIL DE FAITS.

NOUVEAU CAS DE DÉGÉNÉRESCENCE COLLOIDE DU DERJE,


Par M. Henri FEULARD, interne des hôpitaus.

EXAMEN HISTOLOGIQUE
Par M. le Dr BALZER , médecin des hôpitaux .

En 1879, dans les Annales de dermatologie, M. le Dr Ernest Besnier


a décrit le premier une affection bizarre qu'il a appelée dégénérescence
colloïde du derme, en raison de la lésion anatomique que fit découvrir,
après biopsie, l'examen histologique. L'année dernière, pendant notre
internat à l'hôpital Saint-Louis, nous avons été assez favorisé par le
hasard pour observer un nouveau cas de cette rare et curieuse affection .
Notre observation présente, avec celle de M. le Dr Besnier, la plus
grande ressemblance ; d'ailleurs, le visage de notre malade avait un
aspect tellement semblable à celui du malade observé par M. Besnier
qu'il crut d'abord que c'était le même, quand nous le lui présen
tâmes.
Le sujet de notre observation est un homme de 40 ans , jardinier,
vivant à la campagne et par ces conditions toujours exposé à l'air ; il
est d'une santé robuste et n'a jamais fait la plus petite maladie . C'est
par coquetterie qu'il tient à se débarrasser de l'affection pour laquelle
il est venu nous consulter et qui ne le gêne nullement.
Le mal a commencé au mois de juillet 1878 ; le malade remarqua alors
sur la pommette gauche de petites élevures jaunâtres, peu saillantes, con
glomérées, non suintantes, et ne s'accompagnant pas de démangeaisons.
Puis, ce fut le tour de la pommette droite qui , en dix-huit mois fut
atteinte. Le dos du nez fut pris ensuite et finalement le front à la fin de
l'année 1882. Actuellement l'éruption est disséminée sur la face, mais
forme des groupes principaux qui siègent sur les deux pommettes, sur
tout à gauche, sur le dos du nez, à sa racine, sur le front, au-dessus des
sourcils (1 ).
(1) Un moulage de la face a été fait par M. Baretla, et porte au musée de
Saint -Louis le n ° 1019 .
NOUVEAU CAS DE DÉGÉNÉRESCENCE COLLOÏDE DU DERME . 348

L'éruption consiste en petites élevures de couleur janne citron , lui


santes, variant de la grosseur d'une tête d'épingle jusqu'à celle d'un
grain de mil , donnant au doigt, passé à leur surface, une sensation de
grenu, mais douce. Leur aspeet est comme transparent et elles semblent
contenir de la sérosité : c'est une simple apparence d'ailleurs, car, en
les pressant, on en fait seulement sortir une sorte de gelée jaunâtre,
transparente et une gouttelette de sang.
Sur les pommettes , surtout à gauche, ces élevures sont conglomérées
et forment une véritable nappe .
Sar les joues et jusqu'à la naissance de la barbe, elles se disséminent
par petits groupes, s'isolent même et sont à peine visibles.
A la racine du nez, elles forment, sur une largeur de deux centimètres
environ , une agglomération, qui deseend en se perdant sur le dos du
nez .
Au -dessus des arcades sourcilières, les groupes sont formés d'éléments
miliaires ; le côté gauche est plus atteint que le droit, qui n'a d'ailleurs
été envahi qu'en second.
A l'oreille gauche, sur le rebord de la conque, on remarque quelques
grosses granulations isolées, et, sur l'anthélix, un petit groupe mi
liaire : l'oreille droite est indemne ,
Le malade rapporte avoir eu , vers l'âge de 15 ou 16 ans, une affection
semblable sur le dos des mains , d'abord à gauche, puis à droite. Cette
éruption sur laquelle nous croyons devoir faire une grande réserve :au
rait disparu seule et à peu près : actuellement , les mains n'ont rien, ice
sont des mains bronzées et calleuses de travailleur .
Sur les deux conjonctives aculaires, suivant l'axe transversal de la
cornée, on peut constater deux traînées jaunâtres, larges d'un demi oen
timètre environ , mais sans granulations.
Nous avons dit que cet hommeavaittoujours été très bien portant; ses
antécédents de famille sont très bons ; il est sobre, n'a jamais eu de né
vralgies ni de maux de tête. On sait que ce dernier fait a été noté dans
le cas de M. Besnier et dans le cas rapporté par Wagner.
Sur le conseil de M. le Dr Besnier, nous avons soumis le malade à
un traitement par le raclage. Celui-ci fut pratiqué durant cinq séances à
l'aide d'une petite curette tranchante ; l'écoulement de sang , presque
insignifiant, s'arrêlait par une simple application de ouate . Nous atta
quâmes ainsi successivement les groupes principaux, surtout ceux des
pommettes et du nez : le résultat fut excellent. Ces jours derniers, nous
avons été revoir notre malade à Saint-Germain, où il demeure . Nous
avons constaté que depuis six mois que le traitement a été cessé, la
peau, dans les points qui ont été râclés, est lisse et rosée. J... se porte
à merveille et il ne reste plus que des points isolés pour lesquels il-ellt
344 HENRI FEULARD ET BALZER .

fallu faire des séances supplémentaires de raclage auxquelles le malade


n'a pas le loisir ni la patience de se soumettre.
M. le Dr Balzer, qui avait déjà examiné le premier cas de M. Besnier,
a bien voulu faire l'examen histologique de celui-ci et a pu compléter
ainsi l'anatomie pathologique de cette dégénérescence ou mieux, infil
tration colloïde du derme . L'examen a porté sur une des grosses granu
lations excisées de l'oreille. Voici les résultats qu'il a bien voulu nous
communiquer.
L'épiderme est normal, un peu aminci cependant dans les points où
les blocs de matière colloïde sont le plus saillants. Le volume de ces
blocs colloïdes est variable, quelques-uns sont assez gros ; ils sont situés
généralement dans les espaces qui séparent les appareils pilo - sebacés,
et c'est là qu'ils prennent leur plus grand développement. Ces gros blocs
n'arrivent pas au contact de l'épiderme, ils en restent séparés par une
mince couche de tissu conjonctif normal. A leur pourtour , du reste , le
tissu conjonctif souvent intact forme une sorte de capsule : toutefois, la
limite n'est pas toujours aussi nette, et l'on voit que les faisceaux les
plus voisins commencent à subir la dégénérescence colloïde . Cette dégé
nérescence ne reste pas partout bornée au derme ; dans les points où la
coupe porte en même temps sur la couche sous-dermique, on voit que
celle -ci est aussi atteinte . Nulle part on ne voit la dégénérescence atteindre
les épithéliums; les glandes sébacées et la gaine épithéliale des poils
sont intactes, mais leur gaine conjonctive adventice est fréquemment
atteinte .
A un fort grossissement (8 , Vérick), on voit nettement le point de dé
part et le siège de la dégénérescence. En effet, les blocs de matière
colloïde qui , à un faible grossissement, ont l'aspect de masses compactes,
homogènes, brillantes, colorées en jaune orangé par le picro - carmin ,
laissent alors apparaitre certains détails de leur structure . La matière
colloïde se trouve souvent comme décomposée en blocs secondaires ou
en filaments épais dans lesquels on reconnaît facilement les faisceaux
de tissu conjonctif. A la périphérie des blocs et autour des glandes , il
arrive souvent que les faisceaux ne sont pas envahis dans toute leur
étendue et l'on peut ainsi suivre le travail de la dégénérescence. Celle-ci
n'atteint pas seulement les faisceaux conjonctifs, mais aussi certains
amas cellulaires disséminés çà et là dans le voisinage des gros blocs de
milium . Tou fois l'aspect colloïde de ces cellules est moins franche
ment accusé que celui des faisceaux conjonctifs.
La dégénérescence s'observe encore dans les parois vasculaires et
peut-être même dans l'épithélium des vaisseaux situés dans l'épaisseur
ou au voisinage des blocs colloïdes ; pourtant les vaisseaux ne semblent
pas partout être le point de départ de la dégénérescence colloïde.
NOUVEAU CAS DE DÉGÉNÉRESCENCE COLLOÏDE DU DERME. 348

La pathogénie de cette dégénérescence est difficile à comprendre et


en tous cas ne parait pas pouvoir être expliquée uniquement par des
troubles vasculaires. En effet, les vaisseaux importants , malgré leurs
altérations, conservent leur permeabilité et la lésion prédomine en somme
dans les parties les moins vasculaires de la peau, dans les espaces qui
séparent les appareils pilo-sebacés. Sur quelques coupes, traitées par
l'eosine et la potasse à 40 0/0 , on a pu constater l'intégrité du tissu
élastique autour des blocs colloïdes . Ces fibres s'amincissent, se segmen
tent en petits fragments et cessent de se colorer par les réactifs ; enfin ,
elles ont disparu complètement en beaucoup de points . Ce détail , que
M. Balzer n'avait pas constaté dans l'examen du cas de M. Besnier,
achève de mettre en évidence la profondeur des troubles de nutrition qui
caractérisent cette singulière affect
En somme , l'infiltration colloïde paraît envahir d'abord les faisceaux
conjonctifs du derme qu'elle gonfle et tuméfie de manière à les aggluti
ner en masses compactes plus ou moins volumineuses qui refoulent au
tour d'elles le tissu conjonctif sain . Ainsi sont formées de véritables
loges d'où l'on peut facilement les énucléer par le raclage . Il est très
vraisemblable, sans qu'on puisse être très absolu sur ce point , que l'in
filtration colloïde résulte d'altérations vasculaires ; celles- ci , tout au
moins, y ont une importante participation .
II

OBSERVATION DE FISTULE LYMPHATIQUE,


Par le D: FAVČER, médecin major au 5e dragons.

Le 15 avril 1884, le dragon D ... , se présente à la visite dans l'état suivant :


Il y a à la partie antérieure de la jambe gauche , à l'union du quart infe
rieur avec les trois quarts supérieurs, une eschare molle , gris jaunatre, de
l'étendue d'une pièce de cinq francs en argent, à bords déchiquetés, parais
sant comprendre toute l'épaisseur de la peau . Cette eschare est surmontée
d'une autre plus petite et de même nature, du diamètre d'une pièce de cin
quante centimes environ et paraissant produite par un corps contondant ar
rondi et de petite surface, tel que la tète d'un gros clou . Toutes deux sont
entourées d'une auréole intlammatoire et le sillon d'élimination commence à
se creuser .
Interrogé sur l'origine de cette lésion, D ... répond qu'elle provient d'un
coup de pied de cheval reçu huit jours auparavant. L'eschare pansée avec les
émollients se détache au bout de quelques jours et laisse à découvert une
plaie, simple en apparence, que l'on panse à la glycérine; mais loin de se
cicatriser la plaie s'ulcère, elle devient plus large et plus profonde, tous les
matins je la trouve couverte de caillots sanguins. D ... , soupçonné de faire
trainer sa plaie en longueur, est admis le 11 mai à l'infirmerie où le séjour
au lit lui est imposé.
A partir de ce moment, la plaie marche vers la cicatrisation et se trouve
bientôt réduite aux dimensions d'une pièce de cinquante centimes, mais alors
la cicatrisation s'arrête et j'observe un phénomène sur lequel mon attention
ne s'était pas fixée tout d'abord .
La surface de la plaie est le siège d'un écoulement séreux très abondant ;
elle est recouverte d'une couche blanchâtre pulpeuse, diphtéroide, paraissant
formée de fibrine, très adhérente et se renouvelant en quelques heures. Par
un petit pertuis du diamètre d'une grosse tète d'épingle sort un liquide séreux
limpide , d'une teinte légèrement verdâtre , assez abondant pour imbiber et em
peser en quelques heures un pansement, composé de charpie, d'une compresse
et d'une bande de deux mètres. Examiné au microscope, ce liquide renferme
un grand nombre de leucocytes . La compression au -dessus de la plaie aug
mente l'écoulement; une douce pression exercée de bas en haut sur le dos
du pied et suivant une ligne allant du premier espace inter-digital à la plaie ,
fait sortir par cette dernière un flot de liquide. Le diagnostic s'impose, il s'a
git d'un écoulement de lymphe.
Du 11 mai au 19 juillet, j'emploie successivement les pansements au per
chlorure de fer et les cautérisations avec un stylet rougi á blanc qui ne font
que suspendre l'écoulement pendant un jour ou deux .
Avec la compression exercée sur le dos du pied à l'aide d'une pelote com
pressive maintenue par un bandage silicaté, j'obtiens pendant qua.re jours
un arrêt complet de l'écoulement, mais ce dernier ne tarde pas à reparaitre,
OBSERVATION DE FISTULE LYMPHATIQUE . 347

beaucoup moins abondant qu'avant la compression, mais encore très notable.


C'est dans cet état que D ... entre à l'hôpital inilitaire de Saint - Omer, dans
le service de M. le médecin -major Salomon.
La plaie est largement saupoudrée d'iodoforme et l'on renouvelle chaque
jour la poudre entrainée par l'écoulement. Ce dernier ne tarde pas à diminuer
moins d'un mois après le début du traitement, il est réduit à l'état de suinte
ment insignifiant et finit par disparaitre; la petite plaie se cicatrise et D ...
sort de l'hôpital, complètement guéri , après six semaines de traitement .

Ce fait m'a paru intéressant à noter car la lymphorrhagie, si elle n'est


pas une affection exceptionnelle, n'est pas non plus extrêmement fré
quente. Le diagnostic ne nous semble pas contestable ; on dirait la des
cription ci-dessus calquee sur celle des auteurs. La fistule que j'ai ob
servée siège même au lieu d'élection de ce genre d'affection , non loin du
cou -de- pied, là où un gros tronc lymphatique accompagne la veine sa
phène interne.
Le mode de production de la fistule est des plus simples : l'agent
vulnérant qui a escharifié la peau , a escharifié en même temps un tronc
lymphatique, et la lymphorrhagie a commencé à la chute de l'eschare.
Inutile de faire remarquer l'analogie qui existe au point de vue du mé
canisme de sa production , entre cette lymphorrhagie secondaire et les
hemorrhagies secondaires consécutives à la mortification des parois
artérielles.
Le point le plus intéressant de l'observatian me paraît être la rapidité
de la guérison par l'iodoforme. Les auteurs insistent sur le caractère
rebelle des plaies compliquées de lymphorrée , et , le cas échéant, je pense
qu'il serait utile de les traiter par l'iodoforme associé ou non à la com
pression
REVUE CRITIQUE .

LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME


D'ORIGINE NERVEUSE,
Par le D. Ernest CHAMBARD , ancien interne des Hôpitaux de Paris,
ancien chef de clinique dermatologique et syphiliographique
à la Faculté de médecine de Lyon .

A CASE OF MULTIPLE XANTHOMA EXHIBITING THE PLANE, TUBERCULAR AND TU


BEROSE VARIETIES OF THE DISEASE ; WITH REMARKS, by M. A. HARDAWAY ,
M. D. , professor of Dermatology in the mo . med . coll .; consulting der
matologist to the City and Female Hospitals of Saint- Louis .(Read before
the Am . Dermatological association , West Point , New - York, Au
gust 27th , 1884.- Reprint from the Saint-Louis Courier of Medicine,
october 1884.)

Les travaux de MM . Paget, Weyr Mitchell, Brown- Séquard, Charcot,


Vulpian ( 1 ) , etc. , confirmés par des recherches anatomo -pathologiques
nombreuses ont démontré qu'un certain nombre d'affections de la peau
pouvaient dépendre d'altérations fonctionnelles ou organiques du système
nerveux et ont conduit à la création d'une nouvelle classe de dermatoses,
celle des dermatoses d'origine nerveuse . C'est ainsi qu'à côté de l'ecthyma
d'ordre artificiel, dyscrasique ou constitutionnel, il existe un ecthyma
d'ordre nerveux, symptomatique, tantôt de névroses, tantôt de lésions
matérielles et permanentes des nerfs, de la motlle et même du système
cérébral.
Les dermatoses d'origine nerveuse présentent, en dehors de leurs rap
ports de coïncidence ou de succession avec les affections qui les déter
( 1 ) Paget, Surgical pathology, 1864 . WEYR MITCHELL, MOREHOUSE and KEEN .
Gunshot wounds and other injuries of nerves. Philadelphia , 1864. Trad. Dastre,
1874 . - BROWN -SÉQUARD, Remarques sur le mode d'influence du système nerveux
sur la nutrition (Journal de physiologie, 1859) . — Charcot, Note sur quelques cas
d'affections de la peau dépendant d'une influence du système nerveux Journal
de physiologie, 1859 ). Leçons sur les maladies dn système nerveux, 1875 .
VULPIAN , Lecons sur les maladies de la moelle, 1877 . Leçons sur l'appareil
vaso- moteur , 1875.
LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE . 349

minent, des caractères communs, dont la valeur très inégale a été soutenue
9

avec beaucoup de talent par M. Rendu (1), mais vivement contestée par
Bazin ( 2 ) : elles sont symétriques, localisées dans l'aire d'action de
l'appareil nerveux malade; la peau présente , à leur niveau, des troubles
spéciaux de la sensibilité ; les nerfs, enfin , qui abordent les éléments
éruptifs, offrent des altérations constantes et caractéristiques.
La valeur de la disposition symétrique des éruptions d'origine nerveuse
parait assez discutable , et 0. Simon n'hésite pas à la nier d'une manière
absolue (3). Cette disposition n'est pas propre à ces dermatoses puisqu'elle
se rencontre si souvent dans les syphilides et fait précisément défaut
dans le zona. L'on pourrait répondre, il est vrai , que l'action du virus
syphilitique peut s'exercer par l'intermédiaire du système nerveux et que
le zona se rattache habituellement à des lésions unilatérales des nerfs ou
des racines spinales : la physiologie pathologique de cette dernière affec
tion reste , d'ailleurs, pleine d'obscurité.
La localisation des éruptions nerveuses dans l'aire d'activité de l'appa
reil nerveux malade ou sur le trajet d'un tronc nerveux semble plus digne
d'attention . L'on a vu , chez les hémiplégiques, des exanthèmes man
quer , se montrer très discrets ou être au contraire particulièrement con
fluents , sur le côté paralysé ( 4) . Le zona, le pemphigus hystérique, né
vralgique ou névro -traumatique, certaines taches pigmentaires, suivent
manifestement le trajet des nerfs cutanés . Pour d'autres éruptions, la
coincidence est moins nette , et l'on ddit ienir compte de l'action direc
trice qu'exercent sur elles les plis et les vaisseaux de la peau et dont le
sens peut se confondre avec le trajet même des nerfs.
Les troubles de sensibilité qui accompagnent les dermatoses d'origine
nerveuse peuvent différer de beaucoup des sensations de gêne, de cuis
son ou de douleur à caractère inflammatoire qu’occasionnent les affec
tions vulgaires.L'on pourrait les rapporter à l'irritation ou à la compression
exercées par les éléments éruptiis sur les nerfs intra - cutanés voisins ;
mais l'anatomie pathologique, comme nous le verrons, réduit à néant
cette hypothèse. Comment, d'ailleurs, expliquerait-elle les sensations
spéciales de prurit ou de fourmillement et les élancements nevralgiques
qui précèdent souvent les manifestations cutanées ?
Mais c'est à l'anatomie pathologique que l'on doit les arguments,
sinon meilleurs, au moins les plus objectifs , en faveur de l'origine
!! RENDU, Recherches sur les altérations de la sensibilité dans les affections de
la peau (Annales de dermatologie, 1873-1874-1873 ) .
2 Bazix, Article DERMATOSES (Dictionnaire encyclopédique des sciences médi
cales).
3, 0. Simox, Die Localisation der Hautkrankheiten , 1873 .
BOUILLY et MA
141 SAXSE, Article SCARLATINE ( Dictionnaire encyclopédique) .
THIEC, Archives générales de médecine.
350 ERNEST CHAMBARD .

nerveuse de certaines dermatoses. Virchow ( 1 ) et, après lui, bien


d'autres ont montré l'existence , dans la lèpre, de lésions ner

veuses qui, sans décider de la nature parasitaire ou non de cette


maladie, indiquent, au moins, la part que prend le système ner
veux dans son mécanisme et ses localisations . Poncet de Cluny (2) et
plus tard, Duplay et Morat (3) ont fait la même démonstration pour le
mal perforant . Danielsen ( 4), Esmarck (5) et Bærensprung ( 6) ont donné
la preuve histologique de la nature nerveuse du zona, pressentie par
Rayer (7) et Notta (8) et bien déduite, des faits cliniques, par Parrot (9).
Dans ces dernières années, enfin, Leloir et Déjerine (10) , soit ensemble,
soit isolément,ont étudié à l'aide de méthodes précises les névrites inters
titielle et parenchymateuse qui se rencontrent dans certains cas de viti
ligo, d'eczéma , de pemphigus diutinus, de gangrène cutanée et, peut
9

être , d'eczéma et d'icthyose; le premier de ces deux observateurs a , en


outre, fourni la démonstration de ce fait important, que cette lésion ne
se rencontre ni à l'état normal, ni dans les dermatoses similaires que
leurs caractères cliniques ne permettent pas de rattacher à une affection
du système nerveur .
Il paraît donc bien établi, aujourd'hui, de par leurs relations pa
thologiques, leurs caractères objectifs, leur mode éruptif, les troubles de
sensibilité qui les précèdent ou les accompagnent et les altérations spé
ciales des nerfs périphériques à leur niveau, que certaines dermatoses
peuvent se montrer à titre d'éléments symptomatiques dans le cours de
certaines affections dynamiques ou organiques du système nerveux . Ces
dermatoses sont moins d'origine nerveuse que de mécanisme nerveux.
Les affections qui les dominent, en effet , n'en sauraient être la cause , au
sens nosologique du mot, puisqu'elles reconnaissent elles-mêmes une cause
ou un ensemble de conditions causales à déterminer pour chaque cas
particulier ; mais c'est par l'intermédiaire de départements lésés du sys
tème nerveux que les éruptions cutanées sont produites, localisées et
régies .
Il est probable que le cadre des dermatoses d'origine nerveuse est
( 1 ) Virchow , Pathologie des tumeurs. Trad . Arrohnsohn.
(2) Poncet (de Cluny), Mémoires de médecine militaire, t . XII, 1864 .
(3 ) Duplay et MORAT, Archives générales de médecine, 1873.
( 4) DANIELSEN, Cité par Bærensprung.
(5) Esmark, Cité par Leloir.
( 6 ) BERENSPRUNG , Annalen der Charite, t . XII , 1863.
(7 ) RAYER, Traité des mal dies de la peau , article HERPÈS.
(8) Notta, Mémoires sur les lésions foictionnelles qui sont sous la dépendance
des nevralgies (Arch . de méid ., 1844 ).
(9 ) PARROT, Considérations sur le zona ( Union médicale , 1856 ).
( 10) LELOIR , Recherches sur les affections culanées d'origine nerveuse ( Th . 1887 ) .
LELIR et DEJERINE, Recherches sur les altérations nerveuses dans la gangrene
et la lépre (Archives de physiologie, 1881) .
LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE . 351

destinéà s'agrandir et que de nouvelles recherches permettront d'y intégrer


la totalité ou la presque totalité des affections génériques de la peall .
L'observation présentée, l'année dernière, par M. Hardaway, à l'Associa
tion dermatologique de New - York, soulève déjà le problème de cette
annexion pour une dermatose naguère encore peu connue : le xanthome.
Nous l'analyserons d'abord , puis nous discuterons, d'après les données
qu'elle nous aura fournies et celles que nous trouverons dans les faits
déjà connus, l'existence d'un xanthome d'origine nerveuse .
II

Le malade de M. Hardaway est un cuisinier allemand, nommé M ...,


et âgé de 44 ans . Ses parents ont toujours joui d'une bonne santé et ont
atteint un âge avancé. Lui-même a été fort et bien portant pendant de
longues années . Dans sa jeunesse (boyhood) il fut atteint d'une hyper
hydrose générale, prédominant aux pieds , se montrant surtout quand il
travaillait devant le feu et compliquée de troubles digestifs et de prurit
cutané . En 1876 , il entra , pour un ictère bronzé, à l'hôpital de la Cité ,
>

dans le service du Dr Dear, qui reconnut aussi l'existence d'une hépatite


chronique hypertrophique. En 1881, il rentra à l'hôpital pour une affec
tion cutanée de nature xanthomateuse dont les débuts paraissaient re
monter à deux ans .
Le malade est un homme de 5 pieds 7 pouces ( 1 ) et du poids de
118 livres (2) . Bien que doué d'un appétit dévorant (ravenous), il paraît
débile et même décrépit. Sa démarche est essoufflée, son pouls est faible
et l'examen de son thorax révèle l'existence d'un emphysème pulmo
naire qui se traduit aussi par des accès d'asthme. La température est
normale. L'émission quotidienne d'urine est d'environ 68 onces (3 ) . Ce
liquide, d'une couleur ambrée foncée et de réaction acide, a un poids
spécifique de 1,016 et ne renferme pas d'albumine, mais on y trouve des
traces de sucre . Le foie est hypertrophié, très épaissi; sa surface parait
lobulée, mais son bord tranchant est bien distinct. La matité hépatique
commence à 1 pouce et demi au - dessous du mamelon et s'étend à
3 pouces au - dessous du rebord costal et à 2 pouces aà gauche de l'épi
gastre.
La peau du malade présente une coloration bronzée, presque noire,
plus foncée en certains points que dans d'autres et telle que l'on croirait
plutôt avoir sous les yeux un sujet atteint de maladie d'Addison qu'un
ictérique. Les déchirures et l'épaississement des téguments, ainsi que l'ar
rachement des poils , témoignent du prurit intolérable qui le dévore.
( 1 ) 10,70 .
(21 3118,474 .
( 3) 218,15.
352 ERNEST CHAMBARD .

M. Hardaway décrit avec le plus grand soin l'éruption xanthomateuse


dont le corps de M ... est couvert; sans entrer dans tant de détails , nous
croyons devoir en résumer les caractères et les localisations tout en nous
efforçant d'apporter un peu d'ordre dans l'énumération quelque peu con
fuse et monotone du dermatologiste américain .
FACE ET TÊTE . Paupières supérieures droite et gauche : plaques
confluentes de xanthome plan , légèrement saillante, étendues d'un côté
à l'autre et occupant presque toute la hauteur des paupières.- Paupières
inférieures droite et gauche : plaques unies, irrégulières, non saillantes,
s'étendant sur la région voisine des joues . - Menton : plusieurs petits
tubercules. - Oreille droite : cinq tubercules paraissant occuper toute
l'épaisseur de la peau. -- Oreille ganche : quatre tubercules.
EXTRÉMITÉS SUPÉRIEURES . - A. Membre droit. Au - dessus de l'olé
crâne : deux tumeurs ayant chacune le volume d'un auf de pigeon .
Au - dessus du coude : vingt-cinq tubercules du volume d'une tête d'épingle
à celui d'un pois. - Bord interne du poignet : tumeur du volume d'une
noisette. — Dos du poignet: petite tumeur. — Face dorsale de l'inder, au
niveau de l'articulation métacarpo -phalangienne : tumeur du volume
d'une noisette . – Au - dessus de la première articulation de l'inder et
du second doigt: six tumeurs de niême dimension . Dernière articu
lation des quatre premiers doigts : tumeurs analogues.
Face palmaire de la main : ligne d'infiltration jaune occupant exacte
ment le sillon qui sépare l'éminence thénar de la région palmaire. -
Dans le pli situé au -dessus de la première phalange du pouce : série de
bandes jaunes et plates. Masse de tubercules couvrant toute l'éminence
thénar. -
Face palmaire de l'index : large bande traversant la seconde
phalange.-- Face palmaire du second doigt : masse solide de tubercules
étendue de l'extrémité du doigt à l'articulation métacarpo - phalangienne.
Face palmaire des troisième et quatrième doigts : même disposition.
B. Membre gauche.- Au-dessus de l'olécrane : deux masses agglomé
rées du volume d'une noisette et neuf ou dix petits tubercules .
Au -dessus du coude, deux larges tubercules du volume d'un euf de pi
geon entourés d'un certain nombre de plus petits. Bord interne du
poignet : trois tumeurs . Face dorsale de lu seconde articulation du
premier doigt: tumeur du volume d'une aveline. - Face dorsale du second
doigt: petit tubercule au -dessus de l'articulation métacarpo-phalan
gienne et tumeur du volume d'une noisette sur la seconde articulation
phalangienne. Tubercule bien sensible sur le tendon de l'extenseur de
l'index . Grosse masse de tumeurs sur le bord interne du second doigt,
au voisinage de la seconde articulation phalangienne. — Au -dessus de
-

la dernière articulation du second doigt : deux tumeurs du volume d'un


pois et d'une noisette.- Face dorsale de la seconde articulation du troi
LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE . 353

sième doigt : plaques de l'étendue d'une noisette et deux autres au-des


sus de la dernière articulation . -
.
Au -dessus de la dernière articulation
du petit doigt : tumeurs du volume d'une noisette.
TRONG. « L'on observe, sur le tronc, des grappes (clusters) de tuber
cules jaunes xanthomateux, en nombre infini , affectant exactement la dis
position de l'herpes zoster formant, sur le côté droit du corps, une
bande de deux pouces de large et exactement limitée, en arrière par
l'épine dorsale et, en avant, par la ligne médiane. En trois ou quatre
endroits, une douzaine de tubercules ou plus, s'agglomèrent pour former
des plaques de la dimension d'un quart de dollar. Les autres, au nombre
de plusieurs centaines, bien que contigus, conservent leur individua
>

lité. Ils sont légèrement saillants au-dessus de la surface de la peau , et ,


en plusieurs points, manifestement ombiliqués . Leur groupement en
Corymbes et leurs autres caractères établissent leurs rapports avec la
distribution des nerfs cutanés de la région ; ils remontent aux premiers
temps de la maladie et leur apparition fut précédée de douleurs névral
giques localisées à la région qu'ils devaient occuper. »
La bande formée par ce zona xanthomateux commence à l'épine dor
sale, entre les dixième et onzième côtes , la croise au niveau d'une ligne
menée de l'aisselle à la crête iliaque, puis gagne obliquement la ligne
médiane, qu'elle atteint au -dessous de l'ombilic.
BASSIN . -
Région fessière gauche, près de l'espace interſessier :
groupe de tumeurs. Entre les fesses, bande de tubercules bien dis
tincts les uns des autres . Près de la rainure interfessière, à droite :
groupe de vingt tumeurs. Gland : tubercule isolé d'une teinte forte
ment jaune et du volume d'un pois. - Scrotum , une douzaine d'éléments
éruptifs analogues.
EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES. – Face postérieure des cuisses : trois petits
éléments du volume d'un pois. · Face antérieure des cuisses : une dou
zaine du tubercules de même dimension . Au -dessus du genou droit :
quatre tumeurs.- Au - dessus du genou gauche : une tumeur. Sur les
tibias droit et gauche : juste au -dessous de l'insertion du tendon rotu
lien, large nodule de la dimension d'un demi-euf de poule. Au - des
sus de la face interne du talon gauche : lésion du volume d'un demi
ouf de poule et deux autres du volume d'un pois. – A la surface et
dans l'épaisseur du tendon d'Achille : grosse tumeur du volume d'un auf
de pigeon et deux autres du volume d'un pois.
Sur la face externe du talon : infiltration plate de la dimension d'un
demi-dollar et deux du volume d'un euf de pigeon. - Sous le calca
-

néum : onze infiltrations plates de la dimension d'une pièce d'argent de


-

trois cents à celle d'un décime d'argent. — Au bord interne du pied :


plaque agrégée de la dimension d'un quart de dollar. – Au bord externe
ANNALES DE DERMAT. , 2• SÉRIE, VI . 23
354 ERNEST CHAMBARD .

du pied gauche : tumeur rouge jaunâtre du volume de la moitié d'un cuf


de poule. - Au -dessus de l'articulation métatarso -phalangienne : infil
tration de la dimension d'un demi -dollar . Sur la face interne du gros
orteil : plaque jaunâtre de la dimension d'un demi-dollar. - Sur la créte
du tibia droit : un certain nombre de tumeurs du volume d'un demi-auf
de poule.- Sur la face interne du mollet : lésion du volume d'une noi
sette.- Sur le tendon d'Achille de la jambe droite : plusieurs tumeurs,
dont une du volume d'un petit euf de poule . -- Sur les faces erterne et
interne du talon : deux agrégats de petits tubercules ayant chacun la
dimension d'un demi- dollar.- Sur le second orteil : quatre petits tuber
cules et, sur le dos du pied : quelques tubercules disséminés .
CAVITÉ BUCCALE ET LARYNX (examirés par le Dr Mulhall). · Tache
continue et irrégulière sur le sillon génio-gingival inférieur. Intégrité du
sillon supérieur. Même aspect de la muqueuse du voile du palais, s'ar
rêtant au niveau du bord postérieur de la voûte palatine. Les cordes
vocales sont d'une couleur jaune pâle . Dans la trachée, du bord infé
rieur du cricoïde au second anneau trachéal, plusieurs infiltrats de la
dimension d'une tête d'épingle, et , à la partie antérieure du bord infé
rieur du cricoïde , deux larges infiltrations plates et irrégulières, symé
triques, de la largeur d'un gros haricot.
Les éléments éruptifs dont M. Hardaway indique aussi minutieusement
les localisations, sont de couleur variable. Les plaques palpébrales ont la
teinte, bien connue, de la peau de daim ou de buffle. La coloration des
tumeurs et des tubercules est plus variable; beaucoup de tubercules
isolés sont jaunes, mais au niveau du point où ils deviennent confluents,
ils présentent une teinte bronzée analogue à celle de la peau . Beaucoup
de tumeurs sont d'un rouge sombre; elles deviennent jaunes lorsqu'on
exerce sur elles une compression un peu forte .
Les éléments éruptifs qui se remarquent en si grand nombre sur le
corps du malade ne sont pas spontanément douloureux ; mais un choc
contre un corps dur y détermine une sensation de cuisson et de brûlure,
particulièrement pénible au niveau des grosses tumeurs dont les mains
sont couvertes .

III

L'observation, fort instructive, malgré ses lacunes, dont on vient de


lire le résumé, jette-t-elle un nouveau jour sur la pathogénie, encore
bien obscure du xanthome, et permet - elle de prévoir l'existence d'un
xanthome d'origine nerveuse ? Tel est le point que nous allons discuter
d'après les bases que nous avons admises au début de cette revue cri
tique .
LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE . 355

Nous avons vu , en effet, que les dermatoses d'origine nerveuse, c'est


à -dire causées et localisées par des lésions fonctionnelles ou organiques
du système nerveux , se reconnaissaient à un certain nombre de carac
tères cliniques et anatomo -pathologiques dont aucun n'a de valeur ab
solue, mais dont la réunion est cependant d'un certain poids ; ces ca
ractères sont : la symétrie de l'éruption, sa localisation dans l'aire
d'activité ou sur le parcours de l'appareil nerveux lésé, les altérations
histologiques des nerfs cutanés à son niveau , les troubles de la sensibilité
qui l'accompagnent, enfin ses rapports de coexistence ou de succession
avec les manifestations symptomatiques de la lésion nerveuse qui la dé
termine .
1° Ainsi que le remarque M. Hardaway, la dermatose de son malade
est parfaitement symétrique, à l'exception de la singulière éruption
zostériforme dont il offre un exemple unique jusqu'ici . Ce caractère, très
commun dans le xanthome, se rencontre dans un grand nombre de der
matoses dont l'origine nerveuse, à moins d'excès de généralisation , ne
saurait être admise et n'a par conséquent, ainsi que nous l'avons déjà
vu , qu'une faible valeur.
2. La répartition des éléments xanthomiques n'est pas entièrement
livrée au hasard . Ainsi que Murchison (1 ) l'avait signalé, les plis de la
peau et même des muqueuses exercent sur leurs localisations et leur di
rection une influence appréciable . L'un des xanthomiques les plus inté
ressants que nous ayons vu, le nommé Sonnet ( 2) , nous en fournit un
bel exemple . Chez cet homme, les plis de flexion de la face palmaire des
mains étaient dessinés par des lignes jaunes qu’un examen plus attentif
montrait formées d'une succession de papules arrondies et linéaires ; le
sillon balano -préputial était occupé par une bande blanc jaunâtre qui
entourait, comme une cravate , le col du gland, et l'autopsie montra, sur
la muqueuse de l'arbre aérien , une disposition des taches xanthomiques
plus curieuse encore : disposées en séries longitudinales sur les portions
membraneuses de la trachée, au niveau des fascias élastiques sous-ja
cents, elles affectaient une direction transversale au niveau des anneaux
cartilagineux trachéaux et bronchiques dont elles suivaient exactement
les contours (3) .
La localisation des éléments Xanthomiques dans l'aire d'activité d'ap
pareils nerveux ou sur le trajet de certains nerfs n'avait pas encore été,
que nous sachions, signalée et n'apparaît nettement ni dans nos propres
( 1 ) MURCHISOX, Pathol. Soc. Meeting of 20 oct . 1878 . Journal of cutan . med .
London , 1879 . .
Traité des maladies du foie. Trad . J. Cyr, 1878 .
2) Voir les planches qui accompagnent notre travail des Archives de physio
logre, 1879 .
(3, CHAMBARD, Du xanthélasma et de la diathèse xanthélasmique (Annales de
dermatologie, 1879. Mémoires de la Société anatomique, 1879) .
-
3:36 ERNEST CHAMBARD .

observations, ni dans celles que nous fournit la littérature du xanthonie .


Il est à remarquer , cependant, que ces éléments prédominent et tendent
à la confluence sur les régions du corps les plus riches en terminaisons
nerveuses et, par suite , les plus sensibles. A la face, ils se réunissent au
pourtour des orifices naturels, c'est - à - dire sur les paupières, autour de
la bouche, aux oreilles et à l'entrée des narines ; aux organes génitaux,
ils affectent le pénis et le gland ; sur les membres, ils prédominent du
côté de la flexion ; Bristowe ( 1 ) remarque que les tubercules se mon
trent très petits, mais très nombreux sur la face palmaire des mains et .

des pieds : tel paraît être le cas du malade de M. Hardaway , et chez Son
net l'éruption était véritablement confluente au niveau des éminences
thénar et surtout de la pulpe des doigts.
Aucune de ces localisations, néanmoins, ne présente le caractère précis
de celle que nous montre l'observation de M. Hardaway, où l'on voit une
éruption de tubercules xanthomiques affecter le siège, la direction ,
l'unilatéralité et le mode de groupement d'un herpes zoster ; ce fait
nous paraît digne d'intérêt en ce qu'il montre, tout au moins, l'influence
Localisatrice que peut exercer le système nerveux sur les manifestations
de la xanthomatose, et nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de la
discussion qui va suivre.
3º Il est regrettable que M. Hardaway n'ait pas étudié sur quelques
unes des tumeurs dont la peau de son malade est si libéralement pour
vue , les altérations histologiques des nerfs qui les avoisinent et y sont
contenus ; peut-être ne l'a- t-il pas pu, car certains patients se refusent
à comprendre l'intérêt de la méthode biopsique, pansât- on leurs plaies
avec de l'or. Il eût probablement trouvé, au moins dans les tubercules et
les tumeurs , des altérations analogues à celles que nous avons décrites
en 1878 ; mais il eût pu grâce aux méthodes plus parfaites que l'on con
naît aujourd'hui, pousser plus loin encore ses investigations. L'exis
tence de la névrite interstitielle xanthomateuse ne saurait d'ailleurs
démontrer l'origine nerveuse du xanthome : on ne pourrait, déci
der si elle est la cause ou l'effet de la dermite nodulaire qui l'accom
payne, puisque tout moyen de comparaison fait défaut ; elle manque
d'ailleurs dans les formes molles de l'affection qui nous occupe .
4. Les troubles de la sensibilité qui précèdent ou accompagnent les
éruptions xanthélasmiques ont quelque chose de spécial qui semble bien
appartenir à une dermatose d'origine nerveuse. M. Hardaway insiste sur le
prurit intense qui précéda, de longtemps, l'apparition de la dermatose et
qui l'accompagne aujourd'hui, mais ce prurit parait être généralisé et
n'être nullement limité aux éléments éruptifs. Chez notre malade de l'hô 1

(1) Bristowe, Pathological Transactions, t. XVII.


LE ZONA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE . 357

pital Saint- Louis, le nommé Sonnet, l'apparition des tubercules était


précédée de picotements qui finissaient par devenir « agaçants » , et leur
compression , alors qu'ils étaient complètement développés, déterminait
des douleurs assez vives pour s'opposer à tout travail manuel. Ces phé
nomènes douloureux ne sauraient, cependant, avoir beaucoup de valeur,
car on peut les rattacher à la compression exercée sur les nerfs intracu
tanés par la zone scléreuse qui les entoure en les transformant en vérita
bles névromes, et nous venons de voir que tout moyen de décider si cette
altération est cause , effet ou simple phénomène concomitant de l'érup
tion nous manquant, force nous est de lui dénier, jusqu'à plus ample
ressource, toute valeur pathogénique.
5. En dehors du critérium anatomo - pathologique, les relations noso
logiques d'une dermatose peuvent être les meilleures preuves de son
origine nerveuse; c'est ainsi que l'on est en droit de soupçonner la na
ture nerveuse d'un zona qui succède à une névralgie, d'un pemphigus
qui survient à la suite de la lésion d'un nerf, ou bien encore d'un vitiligo
du système pileux précédé d'une émotion morale. Les présomptions
seront beaucoup plus fortes encore si la lésion siège sur le territoire du
nerfaffecté que si , par exemple, le zona consécutif à une névralgie inter
costale affecte lui-même l'un des côtés du tronc ou qu'à une lésion du nerf
médian réponde une éruption pemphigoide de l'avant-bras et de la main .
Voyons si l'histoire du xanthome nous fournit l'exemple de semblables
corrélations.
Iln'y paraît pas et nous ne connaissons aucun cas de xanthome qui
paraisse chronologiquement subordonné et topographiquement lié à une
affection nerveuse bien définie . En compulsant les trente ou quarante
observations d’Hutchison ( 1 ) , celles d'Addison et Gull ( 2) et les faits
nombreux déjà qui sont disséminés dans la science, l'on en trouve , il est
vrai , où les sujets étaient atteints de maladies nerveuses diverses ,
inais il est impossible d'établir entre les maladies et l'éruption aucun
rapport de causalité direct et d'y voir autre chose qu'une simple coïnci
dence. L'une de nos malades, la femme Manière, était ataxique ; une
autre, la femme Herkenig, était en proie à des accidents cérébraux assez
mal déterminés, mais l'un et l'autre de ces états pathologiques était évi
demment sans relation aucune avec la dermatose. L'observation de
M. Hardaway n'est pas plus significative.
Par contre, les phénomènes nerveux aigus, de nature névropathique,

(T HOTCHINSON, A clinical report on xanthelasma palpebrarum and on its signi.


fication as a symptom ( Transuct . of the med. chir . Soc. , t. IV, 1871 . British
med. journal, 1822 ) .
2 ) ADDISON et Gull, Guy's Hosp. Rep . , 1861. Writings of the late Th . Ad
dison , London , 1868 .
358 ERNEST CHAMBARD .

sont fréquents chez les sujets affectés de xanthomes : comme nous


l'avons montré ailleurs , la plupart sont des arthritiques, mais des arthri
tiques nerveux . Le sujet de la première de nos observations, la femme
B... , que nous avons connue à la Salpêtrière, dans le service de
M. Charcot, était une arthritique hystéro -hypochondriaque ; beaucoup
de malades sont affectés de migraine avec phénomènes nerveux pro
téiformes, tels que vertiges, engourdissement des extrémités et
accès subits, mais heureusement temporaires d'amaurose, signalés
par Hutchison . Ajoutons aussi que le xanthome est sensiblement plus
commun chez la femme que chez l'homme et qu'il se rencontre quelque
fois, comme il arrive si souvent , pour les accidents névropathiques , sous
une forme héréditaire (Church , Barlen, Eichoft) (1 ).

IV

Il nous parait ressortir de cette analyse que si le xanthome possède


quelques -uns des caractères secondaires des dermatoses d'origine ner
veuse, tels que la symétrie et certains troubles de la sensibilité, il n'en
offre jusqu'ici aucun des caractères essentiels et, pour ainsi dire, patho
gnomoniques.
L'observation de M. Hardaway révèle, cependant, un fait bien inté
ressant : l'existence d'un véritable zona xanthomateux identique, par
son siège et par figuration à l'herpes zoster. A supposer que là se
bornåt l'éruption de son malade, on ne pourrait guère se refuser à le
croire atteint d'un xanthome d'origine nerveuse symptomatique d'une
névralgie dorso -abdominale et, de fait, rien ne s'oppose à ce que les
hasards de la clinique nous offrent un jour une semblable combi
naison .
Dans l'espèce, cependant, le zona xanthomateux n'est qu'un cas par
ticulier d'une vaste éruption qui présente, avec l'ictère, ses relations ha
bituelles et échappe , dans les autres parties, à toute localisation systé
matique bien nette . Sans nier l'influence localisatrice d'une lésion
nerveuse qui parait avoir été, ici, une névralgie intercostale , il devient,
dès lors, impossible de lui subordonner l'ensemble de l'éruption.
C'est ce que M. Hardaway parait avoir bien compris. Pour lui , le
xanthome est une affection diathésique. Ses localisations sont subordon
nées à des circonstances accidentelles , irritations diverses, mouvements
anormaux parmi lesquels les lésions fonctionnelles ou organiques des
nerfs doivent prendre rang. Dans le cas du cuisinier M ... , le zona
(1 ) CHURCH , St- Barthol. hosp . Rep . , 1874 . BARLEN . Brit . med . journ ., 1884.
- Eichoff , Deutsche med . Wochenschrift, 1884 .
LE ZOXA XANTHOMATEUX ET LE XANTHOME D'ORIGINE NERVEUSE. 3.59

xanthomateux reconnaitrait pour cause déterminante et localisante un


zona abortif.
L'observation que nous analysons est donc un cas de xanthome ictė
rique dont l'éruption a été partiellement déterminée et localisée par
une affection nerveuse , probablement de nature névralgique ; c'est là un
fait important et nouveau qui confirme la pathogénie de certaines
éruptions d'origine nerveuse , mais ne saurait encore permettre de
ranger le xanthome dans cette classe de dermatoses.
Si nous approuvons, pleinement, l'interprétation , donnée par M. Har
daway, du fait de xanthome zostérique qu'il a eu la bonne fortune d'ob
server, nous ne pouvons admettre, sans réserves, sa conception des rap
ports du xanthome avec l'ictère. - Pour le dermatologiste distingué,
l'ictère est un phénomène probablement secondaire lié à la localisation
primitive de la diathèse xanthomateuse dans le foie (When jaundice
precedes the xanthoma, it is because xanthomatome lesions have been
primarily deposited in the liver ), localisation inconstante, comme
le montrent les cas de xanthome sans dyschromie cutanée. Or, si
la plupart des autopsies , peu nombreuses d'ailleurs , de xantho
miques morts avec de l'ictère, ont révélé dans le foie des lésions suffi
santes pour expliquer la jaunisse, les altérations xanthomateuses du
parenchyme hépatique n'ont jamais été constatées par personne, et le foie
du nommé Sonnet, examiné par nous avec beaucoup de soin , n'en
montrait pas trace . Nous préférons donc, jusqu'à plus ample informé,
nous en tenir, au sujet de la pathogénie du xanthome, aux données que
nous avons exposées dans de précédentes revues critiques (1) .
(1) CHAMBARD, La structure et la signification histologique du xanthélasma et la
Du xan
theorie parasitaire de celle affection (Annales de dermatologie, 1883) .
thome temporaire des diabétiques et de la ion nosologique du xanthomo
Annales de dermatologie , 1881) .
REVUE DE DERMATOLOGIE .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES MALADIES INFECTIEUSES. DE L'ÉRYTHÈME


POLYMORPHIE, par P. DE MOLÈNES. ( Thèse de Doctorat, Paris , 1884.)

L'accord est loin d'être fait sur divers points de l'histoire des éry
thèmes que Hebra a, par une synthèse heureuse groupés sous le nom d'é
rythème polymorphe. La compréhension de cette entité morbide, d'une
part, sa nature , d'autre part, tels sont les deux principales questions
sur lesquelles porte la discussion. Les travaux récents sur les maladies
infectieuses, sur les pseudo - rhumatismes infectieux, permettaient de se
demander si cette dermatose ne devait pas être distraite du rhumatisme 1

pour aller, avec certaines artbrites considérées autrefois comme rhuma .

tismales, et aujourd'hui comme pseudo-rhumatismales, prendre rang


dans le groupe des maladies infectieuses . Telle est la question que s'est
posée M. de Molènes et qu'il a, comme le dit assez le titre même de sa
thèse, résolue par l'aſtirmative.
Mais, lorsqu'on veut étudier l'érythème polymorphe, on se trouve dès
l'abord arrêté par une question préjudicielle : Que doit -on comprendre
sous ce nom ? Les érythèmes papuleux, tuberculeux, marginé, circinė,
iris , constituent pour ainsi dire le prototype de l'érythème polymorphe,
et personne ne nie que l'on doive faire de ces diverses formes éruptives
des modalités d'une seule et même affection . Mais où l'accord cesse ,
c'est au sujet de l'érythème noueux et plus encore des formes bulleuses.
Les opinions les plus contraires ont été émises au sujet des relations de
l'érythème noueux et de l'érythème papuleux ou polymorphe, comme
aussi tous les arguments en faveur de leur identité ou de leur non - iden
tité ont été développés bien souvent ; M. de Molènes se déclare , avec
M. Ernest Besnier, partisan de l'assimilation des deux formes d'éry
thème. Pour les formes bulleuses, les difficultés sont encore bien plus
grandes. Si l'herpes iris doit prendre rang dans l'érythème polyniorphe
à côté de l'érythème iris, dont il n'est qu'une légère modification ,
quelles relations doit-on admettre entre l'érythème polymorphe et les
diverses formes d'hydroa ? M. de Molènes n'hésite pas à rayer le nom
d'hydroa en tant que désignant une maladie distincte de l'érythème poly
morphe. De même le pemphigus aigu doit disparaître d'une classifica
tion rationnelle des dermatoses pour rentrer dans le cadre de la maladie
décrite par Hebra ; sur ce point, il conviendrait peut-être de faire quel
REVUE DE DERMATOLOGIE . 361

ques réserves : que les cas de pemphigus aigu à petites bulles , de pem
phigus bénin soient une des formes de l'érythème polymorphe , cela sem
ble incontestable, et cela est prouvé par la coexistence fréquente d'ef
florescences érythémateuses ou par le développement des bulies sur ces
efflorescences elles -mêmes ; mais il est permis de se demander s'il en
est de même pour toutes les éruptions pemphigoïdes aiguës et si la
forme bulleuse d'une dermatose aiguë doit entraîner fatalement pour celle
ci le diagnostic d'érythème polymorphe : cette question, difficile entre
toutes, ne nous paraît pas encore complètement résolue par la thèse de
M. de Molènes , qui nous semble entrainé à une généralisation exces
sive, lorsqu'il émet cette idée que le pemphigus contagieux des nou
veau-nés n'est peut-être qu'une modalité de l'érythème polymorphe.
L'étude des phénomènes généraux forme le chapitre suivant . M. de
Molènes les divise en trois périodes, comme on a l'habitude de le faire
pour les fièvres éruptives .
Dans la période prodrounique , les phénomènes fébriles ont une intensité
variable ; il y a parfois du malaise, de la lassitude, des douleurs dans
les membres ou dans la région lombaire, de petits frissons, de la fièvre ,
puis des troubles digestifs, vomissements et inappétence, souvent de la
céphalalgie, des vertiges, des bourdonnements d'oreilles, de l'insomnie,
quelquefois des rêves effrayants , et ces différents symptômes peuvent,
suivant les cas , faire croire au début de la fièvre typhoïde, de la variole
ou de la scarlatine . Cette période prodromique est d'une durée moyenne
de à 6 jours.
A la période d'éruption, les phénomènes généraux peuvent dispa
raitre, mais le plus souvent ils persistent et deviennent même plus in
tenses : la température varie de 37 à 40 °, et sa courbe est souvent très
analogue à celle de la fièvre typhoïde .
Au bout de 2 à 3 semaines, les phénomènes généraux deviennent de
moins en moins marqués, l'éruption tend à disparaître et la convales
cence, souvent longue et traînante , commence .
D'autres fois, des complications peuvent survenir du côté de différents
appareils : outre les douleurs articulaires pseudo-rhumatismales qui sont
trés fréquentes , on peut observer des endocardites et des péricardites
souvent latentes et dont la fréquence impose la nécessité d'examiner
attentivement le cæur de tous les malades atteints d'érythème polymor
phe, d'autant plus que, si parfois elles aboutissent à la guérison , elles
sont susceptibles aussi d'être l'origine de lésions cardiaques persistantes.
Les complications pleuro -pulmonaires, bronchite , pneumonie, broncho
pneumonies, pleurésie, sont fréquentes aussi. Enfin il n'est pas rare,
et M. de Molènes en cite trois belles observations personnelles recueil
lies dans le service de M. Ernest Besnier, d'observer une albuminurie,
362 REVUE DE DERMATOLOGIE .

accompagnée ou non d'ædème, alternant parfois avec les poussées érup


tives surtout dans les forines bulleuses : cette albuminurie a les carac
tères de celle des néphrites infectieuses. Ces diverses complications sus
ceptibles d'entrainer la mort permettent de distinguer une forme grave
de la forme habituelle , bénigne, de l'érythème polymorphe.
Ce diagnostic de l'érythème polymorphe est traité avec détails : l'au
teur insiste surtout sur les cas où le diagnostic est rendu embarrassant
avec certaines maladies générales par l'apparition de phénomènes viscé.
raux ou nerveux importants, et fait ensuite le diagnostic de la lésion
cutanée elle-même: ce chapitre ne peut être résumé ici .
L'étiologie de l'érythème polymorphe est assez banale : affection de
tous les âges, elle se montre surtout de 18 à 30 ans, se voit plus fré
quemment chez la femme, qui y est prédisposée par les divers actes de
la vie génitale ; elle s'observe à peu près à toutes les époques de l'année.
Les refroidissements, l'humidité, la scrofule , l'arthritisme, la tubercu
lose, les divers excès , la syphilis, la blennorrhagie, etc. , souvent relevés
dans les antécédents, agissent en affaiblissant l'organisme.
La pathogénie de l'érythème polymorphe a, comme on le sait, suscité
trois théories différentes : affection rhumatismale, pour la plupart des
auteurs français, angionévrose pour Kobner et Lewin , elle serait pour
d'autres une maladie générale spécifique, plus ou moins analogue aux
fièvres éruptives, ou , pour parler un langage plus conforme aux idées
actuelles, une maladie infectieuse .
M. de Molènes rejette la théorie rhumatismale : la fréquence des an
técédents rhumatismaux a été exagérée , les manifestations articulaires
et viscérales qui accompagnent cette dermatose ne sont que des mani.
festations pseudo -rhumatismales; l'heureuse influence de certainsmédi
caments a été singulièrement exagérée. Cependant « des cas excep
tionnels... où l'érythème noueux existe tout à fait isolé , sans autre
manifestation de l'érythème polymorphe... peuvent être rattachés à la
diathèse rhumatismale . » Cette réserve faite de M. de Molènes est, en
effet, commandée par des cas, où quelque opinion qu'on se fasse de l'é
rythème polymorphe, on voit celui- ci accompagner le rhumatisme le
plus franc et le plus typique : telle est l'observation de M. Siredey et
quelques autres analogues.
Quant à l'opinion qui fait, de l'érythème polymorphe, une angioné
vrose, ayant le plus souvent pour point de départ une irritation du sys
tème uro-génital , M. de Molenes la rejette également, en déclarant, avec
Rosenberg et Senator, que c'est une simple hypothèse. Il nous semble
que , malgré l'autorité de ces deux noms, la théorie défendue avec tant
de talent par Lewin merilait mieux qu'une telle fin de non -recevoir.
3
Évidemment cette théorie ne rend pas compte d'un grand nombre de
REVUE DE DERMATOLOGIE . 363

symptômes de l'érythème polymorphe et laisse de côté toutes les mani


festations viscérales et les symptômes généraux ; mais l'intervention du
système nerveux parait être l'explication la plus rationnelle de certains
phénomènes, tels que la symétrie fréquente des efflorescences érythé
mateuses, leur nature congestive plutôt que véritablement inflamma
toire, l'apparition de ces arthralgies et plus rarement de ces épanche
ments articulaires non inflammatoires que nous avons bien de la peine
à nous figurer être des manifestations d'un pseudo -rhumatisme infec
tieux, comme l'admet M. de Molènes. Peut-être l'action du système
nerveux est -elle le lien commun entre ces faits où l'influence rhuma
tismale ne peut être niée, ceux où l'affection paraît due à des troubles
menstruels, et ceux où il est permis de supposer une origine infectieuse :
l'action du rhumatisme et celle des agents infectieux sur le système
nerveux, pour produire par son intermédiaire les lésions cutanées et
certains troubles articulaires est, pensons -nous , une hypothèse légitime
que peut faire émettre une observation attentive des faits et dont le bien
fondé pourra peut-être être démontré quelque jour.
La théorie infectieuse est celle à laquelle se rátlache M. de Molènes
pour la grande généralité des cas : la courbe de la fièvre dans l'éry
thème polymorphe est , en effet, celle des maladies infectieuses ; les
complications articulaires, viscérales , les éruptions furonculeuses , les
abcès de la convalescence sont identiques dans les deux cas ; et des ma
ladies reconnues infectieuses peuvent s'accompagner de manifestations
cutanées variées présentant les caractères de l'érythème polymorphe;
enfin, celui-ci est peut être épidémique, comme tendraient à le prouver
les faits de OEhme, Gall , Volquhardsen , et sa plus grande fréquence dans
certaines saisons expliquerait presque l'idée d'épidémie .
Tout cela , sauf les faits d'épidémicité, sur lesquels il convient de faire
les réserves les plus formelles, peut être admis pour certains cas : dans
les observations rapportées par M. de Molènes, il en est plusieurs où
on ne peut nier que les symptômes indiquent une maladie générale,
évidemment indépendante du rhumatisme et très vraisemblablement
infectieuse ; mais, pour quelques-uns de ces faits la multiplicité extra
ordinaire des lésions viscérales permet de se demander si l'on n'est pas
en présence d'une maladie infectieuse non encore classée qui , à l'égal
d'autres infections mieux déterminées, s'accompagne de lésions cutanées
sans que celles-ci doivent nécessairement donner leur nom à la maladie
générale. D'autre part, il faut bien l'avouer , si légitime que soit la con
ception de la maladie infectieuse érythème polymorphe, les quelques
essais directs faits en vue de sa démonstration ont donné des résul
tats négatifs : l'auto-inoculation ne réussit pas avec le liquide des bulles
de l'érythème polymorphe; la recherche des parasites dans ce liquide
364 REVUE DE DERMATOLOGIE .

n'a donné aucun résultat net (dans le fait de Riehl invoqué par M. de
Molènes, il s'agit d'un cas de pemphigus infantile); les cultures du sang
faites par M. Grancher dans un cas d'érythème circiné d'apparence in
fectieuse n'ont fourni aucun résultat (Dubreuilh , Société clinique, 1884).
Ces recherches ne sont pas , il est vrai, en nombre suffisant pour avoir
une valeur, et les résultats négatifs qu'elles ont donnés ne permettent pas
de nier la nature infectieuse de l'érythème polymorphe ou au moins de
certaines de ses formes ; mais il nous faut reconnaitre que si parfois
cette affection peut être supposée infectieuse, nous manquons encore
des preuves décisives qui doivent emporter la conviction . G. THIBIERGE .

RECHERCHES SUR L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET LA NATURE DES ÉRYTHÈMES ET


DE L'ÉRYTHÈME POLYMORPHE EN PARTICULIER, par M. LELOIR ( Bulletin
de la Société anatomique, 1884 , p. 294) .
Dans les diverses variétés papuleuses de l'érythème polymorphe, les
lésions, contrairement à ce qui avait été admis par Lewin , ne débutent
pas par l'hypoderme, mais bien par le derme lui-même. Il y a d'abord
une dilatation des vaisseaux dermiques, principalement de ceux de la
couche papillaire et des parties moyennes du derme, avec très léger
degré de diapédèse des globules blancs : ces altérations produisent une
simple rougeur maculeuse sans infiltration apparente de la peau .
Plus tard, les vaisseaux dilatés s'entourent de véritables manchons
de cellules lymphatiques extravasées en même temps qu'il y a extrava
sation de quelques globules rouges , d'une partie du sérum sanguin coloré
par l'hémoglobine : à ces lésions correspondent des macules légèrement
saillantes avec léger épaississement de la peau .
Lorsque des papules véritables se sont formées, on constate une
hyperhémie exsudative du derme et de l'hypoderme, mais surtout du
derme : les vaisseaux soni dilatés et entourés d'épais manchons de leu
cocytes, que l'on retrouve également à une certaine distance des vais
ceaux dans les mailles du tissu conjonctif et qui ont dû être pris pour
des cellules embryonnaires en prolifération par Bohn et Kömmer . En
Outre , il y a extravasation d'un nombre plus ou moins considérable de
globules rouges . Un assez grand nombre d'espaces lymphatiques sont
dilatés ; les cellules plates qui les tapissent sont gonflées , beaucoup sont
granulo -graisseuses avec un noyau fort apparent; ces espaces renfer
ment des caillots de fibrine sur les pièces fixées par l'acide osmique.
Ces lésions sont très analogues à celles de l'urticaire .
Dans l'érythème papulo -tuberculeux ou tubéreux, les lésions sont de
venues vraiment intarumatoires : les cellules fixes du tissu conjonctif
REVUE DE DERMATOLOGIE . 363

prolifèrent, le liquide exsudé contient souvent de la fibrine; cependant


les lésions d'adème congestif ou d'hyperhémie exsudative sont encore
prédominantes, et il n'y a pas cette infiltration serrée et dense de cellules
embryonnaires avec absence de signes d'hyperhémie exsudative qui se
voit dans certaines inflammations papuleuses, et M. Leloir rapporte un
fait où l'examen biopsique a permis d'affirmer un diagnostic qui, d'après
les seuls caractères extérieurs, oscillait entre un érythème et une syphi
lide. Dans ces érythémes tubéreux , la diapédèse des globules rouges est
généralement très abondante, l'hypoderme est envahi par l'adème d'une
façon plus accentuée que dans les formes précédentes; ajoutons que les
capillaires ne renferment pas d'embolies, ce qui vient contredire l'hypo
these pathogénique de Kolin .
Dans ces différentes formes de l'érythéme, l'épiderme subit quelques
altérations (dilatation du nucléole d'un certain nombre de cellules du
corps de Malpighi, abondantes cellules migratrices dans le corps mu
queux , par places, alteration cavitaire des cellules) qui expliquent sa
fréquente desquamation .
Dans les formes bulleuses de l'érythème polymorphe, ces lésions
épidermiques sont beaucoup plus accusées ; leur processus est habituel
lement celui de la phlycténisation , plus rarement celui de la vésicula
tion. Dans des cas où les vésicules ne sont pas encore appréciables à
l’ail nu, on peut voir 1 ° l'épiderme soulevé par places par les liquides
extrávasés sous l'influence de l'hyperhémie exsudative ou par un certain
nombre de cellules migratrices (formation de phlyctènes avortées), ou
bien 2. un certain nombre de cellules du corps de Malpighi présenter
les caractères de l'altération cavitaire (vésicules avortées). Quelquefois
les lésions précédentes se combinent et forment des lésions mixtes.
Dans d'autres points, il y a atrophie du nucléole, les cellules ainsi at
teintes ne subissent qu'une kératinisation incomplète et il y a ainsi des
lignes de clivage, constituant un point faible, favorable à la production
d'une phlyctène superficielle.
Les lésions de l'érythème polymorphe sont, en résumé, des lésions
d'hyperhémie et d'hyperhémie inflammatoire, mais leur connaissance
n'indique pas clairement l'étiologie intime de la maladie. Le cas de Jarisch
où des lésions de l'axe gris central de la moelle accompagnaient un
herpes iris est resté isolé . M. Leloir n'a pas constaté de parasites dans
les lésions cutanées . Comme on peut voir l'érythème polymorphe dans
des processus septiques et infectieux fort divers, l'hypothèse la plus
plausible est celle qui fait de cette affection une angionévrose dont
les causes peuvent être très différentes et très multiples. G. THIBIERGE .
366 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Rocco De Luca . OSSERVAZIONI DI ORTICARIA PALUSTRE. Catania, 1885.

Si l'origine tellurique de l'urticaire qui survient dans le cours de


l'accès de fièvre intermittente, est généralement admise, il n'en est pas
de même pour l'urticaire apyrétique que l'on observe quelquefois dans
l'intervalle des accès, et M. Besnier a pu dire qu'aucune des obser
vations qui en ont été publiées ne paraissait absolument probante.
Il serait, en effet, nécessaire pour entraîner une conviction absolue
que l'urticaire se présentât dans des conditions qui se trouvent rarement
réunies, c'est-à-dire que le malade fût certainement sous l'influence
larvée de l'infection palustre, que la dermatose ne pût être rattachée à
aucune autre cause, qu'elle affectât les allures d'une manifestation de
l'impaludisme, qu'elle cédât, enfin , au traitement spécifique.
Encore ces conditions n'ont-elles, isolées surtout, qu'une valeur rela
tive . De ce qu'un sujet est paludéen et possède même une grosse rate,
il ne s'ensuit pas qu'il ne puisse avoir une urticaire autre que l'urticaire
palustre ; les causes de l'urticaire sont tellement diverses et parfois si
subtiles que l'on est rarement certain de les éliminer toutes ; l'intermit
tence est un caractère propre à toutes les variétés d'urticaires, et beaucoup
d'entre elles, sans être d'origine tellurique, cèdent rapidement à la
quinine. Une périodicité typique, tierce ou quarte, par exemple, ou bien
une alternance, longtemps suivie, avec d'autres accidents paludéens,
seraient des arguments de plus de valeur, mais nous ne voyons pas
qu'on les ait encore invoqués.
La situation de M. Rocco de Luca, dans la plaine de Catane qui
est très marécageuse et dans le voisinage d'une ligne ferrée de 40 kilo
mètres occupant un assez nombreux personnel , lui a permis d'étudier
l'intoxication palustre sur une grande échelle et de recueillir chez les
paludéens un grand nombre de cas d'urticaire dont la plupart peuvent
être attribués à des causes vulgaires , mais parmi lesquelles certaines pa
raissent dues au miasme palustre. Il en rapporte trois que nous allons
résumer .

1. – Giuseppe Scarcella. Manoeuvre à la station de Leonforte. Revient de


Nizza , son pays, où il était resté une vingtaine de jours pour se traiter d'une
fièvre palustre qui l'avait tourmenté toui l'été . La fièvre a disparu depuis
huit jours, mais la rate est encore grosse . Le malade vient me consulter un
matin pour un écoulement uréthral chronique. En le dépouillant, l'on aper
çoit sur les deux bras, spécialement sur leur moitié inférieure , une quinzaine
de plaques d'urticaire que leurs caractères et les anamnestiques ne per.
mettent d'attribuer ni à une cause extérieure , ni à l'ingestion de médicaments
balsamiques, ni à des excès de table , ni à des troubles digestifs, ni au rhu
matisme. Cette éruption date de six à sept jours ; elle survient le matin,
REVUE DE DERMATOLOGIE . 367

disparait dans l'après-midi et , n'était un peu de prurit, le malade ne s'en


inquiéterait guère. M. Rocco de Luca lui prescrivit de la quinine, et quel
ques jours après l'éruption avait disparu.
II. - Guiseppe Pagano, chef d'escouade à la manutention d'Ali, pays salu
bre du territoire de Messine, demeure depuis plusieurs années, pour des raisons
de service, dans une guérile (un casello) voisine de la station de Molla ( 1 ),
entre la rivière et le limoneux Siemto ( 2 ). Le malade est un homme bien
constitué , vigoureux , el loutes ses fonctions sont normales. Demeurant dans
la plaine de Catane, en toute saison et surtout au moment des pluies et
des travaux des champs, alors que les émanations miasmatiques présentent
leur maximum d'intensité, il fut atteint de fièvre intermittente avec hypertro
phie et sensibilité douloureuse de la raie . Pendant l'automne dernier, les
accès de tièvre furient si intenses qu'il dut quitter son service et rentrer
dans sa famille . Vers la fin de novembre, Pagano, guéri au moins en appa
rence, avait repris son service depuis plusieurs jours lorsqu'il vint consulter
M. Rocco de Luca pour un nouvel accident. Le matin , peu de temps après
s'étre mis à l'ouvrage, il était pris d'un prurit cuisant qui s'étendait aux
quatre membres, atteignait vers 11 heures des proportions extrêmes, mais
heureusement commençait à diminuer vers midi et avait entièrement dis
paru vers quatre heures du soir. Il présentait, en même temps, le plus bel
exemple d'une urticaire diffuse généraliée,mais particulièrement confluente aux
bras et aux cuisses, tant du coté de la flexion que de celui de l'extension , et
sa rale hypertrophiée était sensibie à la pression. M. Rocco de Luca pres .
crivit un purgatif salin , 181,50 de quinine par jour, et trois jours après,
l'urticaire disparut.
III . La fille dece même Pagano, agée de trois ans, fut atteinte de fièvre
intermittente pendanttout l’été de 1883 et envoyée, sans résultat à Aci-Reale (3)
dont le climat est salubre. Ramenée à Motta, résidence de son père,
l'enfant y arriva dans un état cachectique : peau grippée, ventre saillant,
teinte terreuse caractéristique. En décembre 1881, la malade fut atteinte des
accidents suivants : les jours, apyrétiques, ses jambes devenaient ædéma
teuses pendant quelques heures et se couvraient de plaques d'urticaire
peu confluentes mais très pénibles, si l'on en juge par les plaintes conti
nuelles qu'elles lui arrachaient. Vers la fin du mois, il se joignit à l'érup
tion ortiée une multitude de taches de purpura cachectique. L'enfant fut
éloignée de Motta , ramenée à Aci-Reale, et finit par guérir à la suite d'un trai
tement prolongé . E. CHAMBARD ,

(1) Il s'agit de Motta S. Anastasia, petite ville située sur le bord septentrional
de la plaine de Catane, à quelques kilomètres à l'ouest de cette ville .
2) Simæthus des anciens, avec la Garnualunga forme la Giarelta, irrigue la
plaine de Catane et l'inonde en hiver .
(3) Ville balnéaire assez importante (38.000 hab . ) , construile sur des couches de
laves à une hauteur de 160 mètres, et renommée pour la salubrité de son climat.
Siluée au bord de la mer, à 14 kilomètres au nord de Catane.
368 REVUE DE DERMATOLOGIE .

DU TRAITEMENT RATIONNEL DE L'AFFECTION FURONCULEUSE , par M. GINGEOT


( Bulletin général de thérapeutique, janvier, février ei mars 1885 ).
Après avoir rappelé avec quelle désespérante tenacité peuvent persister
et se reproduire les furoncles si on n'est armé contre eux d'une théra
peutique appropriée, M. Gingeot fait une revue très complète des opinions
émises à diverses reprises sur leur nature. Considérée comme la
conséquence de diathèses, de l'arthritisme, de l'herpétisme, ou bien
regardée comme une crise et même une crise éminemment favorable,
et comme susceptible des répercussions viscérales les plus dangereuses,
l'affection furonculeuse n'est comprise comme elle doit l'être que depois
une dizaine d'années à peine.
Les observations cliniques de Startin , de M. Trastour, de M. Löwen
berg, qui ont montré sa contagiosité, les expériences de M. Lannelongue.
qui a pu deux fois reproduire des furoncles par inoculation de l'homme
à l'homme, les recherches enfin de M. Pasteur et de M. Löwenberg qui
ont constaté dans les furoncles la présence d'un parasite végétal, auquel
on a donné le nom de torula pyogenica, se sont succédé à bref inter
valle et sont aujourd'hui connues de tous : tous ces faits montrent
quelles probabilités réunit en sa faveur la théorie qui fait du furoncle
une affection parasitaire : on est en dreit , dès aujourd'hui, d'admettre
que le germe du furoncle transmissible de l'homme à l'homme se repro
duit et est la cause de la formation presque indéfinie de lésions semblables
chez les sujets qui en ont déjà présenté une. Mais, si la furonculose est
produite par un parasite, elle n'est cependant pas sans être influencée
par les conditions de santé générale antérieure du malade : son éclosion
est favorisée et sa guérison peut être retardée dans certaines limites,
par le diabète, la diathèse urique, la convalescence de certaines maladies
febriles et l'emploi intempestif ou trop prolongé de certaines médications
(arsenic, alcalins).
Ces données étiologiques étant établies, M. Gingeot passe à l'exposé
du traitement qu'elles conduisent à appliquer.
Tout d'abord, l'incision précoce est inutilement douloureuse et , même
à la période de suppuration , elle est encore inutile, à moins que la
fluctuation ne soit très marquée, ce qui est rare. Les cataplasmes n'arrê
tent pas l'évolution des furoncles et ne peuvent que favoriser la pullulation
des parasites; les bains simples ou émollients calment temporairement
la douleur, qui augmente considérablement après la sortie du bain .
Les saignées locales n'ont aucune utilité , et la large incision jusque
sur les parties saines suivant les préceptes de M. Le Fort ne compte
quelques succès que parce qu'elle met entièrement à nu l'intérieur de la
glande qui renferme les microbes .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 369

Les parasiticides caustiques (acides, nitrates d'argent et de mercure,


chlorure de zinc, etc. ) n'agissent qu'en détruisant les parasites, de même
que le cautère actuel , et constituent des médications quelque peu brutales ;
cependant le nitrate acide de mercure et l'acide phénique ont donné de
bons résultats à J. Startin et à Eade .
Le diachylon n'a pas d'action résolutive et ne sert qu'à protéger contre
le contact de l'air et le frottement des vêtements .
De tous les traitements locaux , celui qui mérite la préférence est
l'emploi de la teinture d'iode, déjà proposé par M. Boinet : avec un
pinceau de blaireau, « on fait un épais badigeonnage au niveau de la
partie malade en empiétant circulairement sur les parties saines. Il
convient d'accumuler les couches les unes sur les autres jusqu'à pro
duction d'une tache brune foncée, faute de quoi le succès pourrait être
compromis. Une seule application fait souvent avorter le mal quand
celui-ci est peu intense et peu avancé, mais il est plus sûr d'y revenir
plusieurs fois par jour et plusieurs jours de suite. Lors même que du pus
serait déjà formé, on ne doit pas désespérer de réussir , et, si l'on échoue,
l'échec n'est presque jamais complet, la tendance à l'extension et l'inten
sité du processus pathologique subissant d'ordinaire une atténuation
considérable . D
La teinture d'iode peut, outre son action parasiticide, atteindre par
voie substitutive ou autrement, l'élément phlegmasique.
L'ouverture du furoncle ne doit pas être faite si on n'emploie pas les
parasiticides, car elle favoriserait la diffusion des germes ; unie à
l'emploi des parasiticides, elle perinet de les atteindre plus sûreinent,
mais n'a pas une grande utilité .
Toutes les lésions cutanées (pemphigus, ecthyma) développées chez
des sujets atteints de furoncles, pouvant devenir elles -mêmes furoncu
leuses, probablement par inoculation secondaire, elles doivent être
badigeonnées à la teinture d'iode comme le furoncle lui-même.
A la face, pour éviter les taches brunes produites par la teinture
d'iode, on peut remplacer celle - ci par l'alcool camphré qui est aussi un
antiseptique, mais moins puissant.
Dans les cas d'antrax déjà étendus et menaçants, on pourra commencer
par le même traitement, mais s'il n'y a pas amelioration rapide on devra
bientôt recourir à l'emploi du nitrate acide de mercure ou de l'acide
phénique.
Si les furoncles sont déjà ouverts, on peu employer les pansements à
l'eau boriquée, qu'a préconisés Lowenberg, mais de préférence à l'alcool
boriqué.
Cn grand nombre de médications ont été proposées pour le traitement
général de la furonculose.
ANNALES DE DERNAT . , 2 ° SÉRIE VI. 24
370 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Les évacuants et surtout les purgatifs n'ont souvent d'autre résultat


que d'affaiblir encore des malades déjà fatigués par la douieur et par
d'incessantes suppurations; les dépuratifs, les amers, les sudorifiques,
les antiscorbutiques ne peuvent être considérés que comme des moyens
adjuvants.
#4
Le traitement alcalin, comme le traitement arsenical, qui était la con
séquence forcée de la croyance à l'origine constitutionnelle de la
furonculose , n'est peut- être pas d'une innocuité absolue : il peut avoir son
indication dans quelques circonstances particulières, chez des sujets
atteints de diathèse urique ou de glycosurie ou chez des dyspeptiques;
mais ce sont là des exceptions, et ce traitement classique est presque
toujours inefficace.
Comme le parasite siège dans la peau , on peut espérer agir sur la maladie
en modifiant la peau de façon à la rendre inhabitable : dans ce but,
)
on a proposé les lotions ou les ablutions avec l'eau boriquée, les bains
d'alun et de soude , les bains de sublimé; mais l'eau ne peut pas pénétrer
dans les glandes elles-mêmes et ces différents moyens sont souvent
insuffisants contre les furonculoses violentes et invétérées . Aussi vaut-il
mieux avoir recours à des agents qui modifient la peau de dedans en
dehors , ou par voie d'élimination, et qui agissent ainsi continuellement
1

sur les schyzomycètes. L'eau de goudron, préconisée par M. Hardy , est


insuffisante dans les cas graves et anciens. Le procédé le plus efficace,
après les moyens locaux , et surtout pour enrayer les progrès de la
maladie , même dans les cas de diabète, est l'administration des prépa 1

rations sulfureuses déjà conseillées par Sydney Ringer et par M. Hardy.


Les eaux sulfureuses peuvent produire des accidents : aussi M. Gingeot
préfère-t- il la poudre de Pouillet à la dose de 12, 24 å 72 centigrammes
par jour.Dansles cas où la médication est entravée par des troubles gastro
intestinaux ou pulmonaires, il est utile de recourir à l'emploi de l'hypo
sulfite de soude à l'intérieur. GEORGES THIBIERGE.
!

?
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .
1

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES RAPPORTS DE L'HÉMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE


AVEC LA SYPHILIS , par SCHUMACHER II ( d'Aix -la-Chapelle) (Extrait des
Comptes rendus du troisième Congrès de médecine interne. Wies
baden , chez Bergmann , 1884) . 0

Malgré les remarquables travaux publiés dans ces dernières années,


l'origine et la nature intime de l'hémoglobinurie paroxystique restent 1
des plus obscures. On connaît les caractères des accès; on sait, à n'en
pas douter, qu'ils se produisent sous l'influence du froid et seulement
pendant la saison froide, si bien que le professeur Murri (de Bologne) et
après lui M. Mesnet ont proposé de remplacer l'épithète vague « pa
roxystique » par la désignation plus précise « a frigore » . Mais quels sont
les malades exposés à contracter des crises d'hémoglobinurie sous l'in
fluence de cette cause banale et purement occasionnelle ?
Quelques données dignes de remarque se dégagent des conditions étio
logiques mentionnées dans les observations. En premier lieu, l'affection
se produit surtout, sinon exclusivement, chez l'homme et à l'âge adulte.
D'autre part , le paludisme et la syphilis tiennent une grande place dans
les antécédents morbides des hémoglobinuriques.
. En ce qui concerne la syphilis, elle est signalée trop fréquemment
pour qu'à priori , on puisse en récuser le rôle direct ou indirect . Indiqué
seulement par les premiers observateurs, ce facteur étiologique est ap
paru avec toute son importance depuis les heureux résultats obtenus
par le professeur Murri à l'aide du traitement antisyphilitique. L'obser
vation présentée par M. Schumacher II au troisième Congrés de méde
cine interne est un nouvel exemple de guérison par le traitement mer
curiel. Mais , avant de la faire connaître, il nous paraît utile de reproduire
les faits de Murri , tels qu'ils sont rapportés dans la revue de M. Ramlot
(De la pathogénie de l'hémoglobinurie a frigore. Revue de médecine,
1880, page 739) :
1

Un des malades de Murri avait contracté la syphilis plusieurs années au


paravant, et quand il mourut (de tuberculose), on lui trouva le foie syphili
tique. Un autre individu examiné par le clinicien de Bologne avait également
subi la même infection , et chez lui c'est en même temps que les manifesta
tions secondaires qu'apparurent tous les symptômes de l'hémoglobinurie a
frigore. Ce malade fut soumis au traitement spécifique, et on eut le bonheur
de voir disparaitre l'hémoglobinurie en même temps que les accidents secon
daires. Encouragé par ces fails, Murri appliqua le même traitement à un
troisième malade. Pour celui- ci, à la vérité, l'étiologie était muette sur la
syphilis ; mais, on voyait sur les extrémités inférieures des ulcérations chro
niques qui paraissaient être le produit de gommes sous - cutanées. Quoi qu'il
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .
372

en soit , ce qu'il y a de certain , c'est que ce malade lui aussi guérit parfaite
ment au moyen du traitement antisyphilitique. Et ce résultat acquiert une
valeur d'autant plus grande que le malade s'était soumis depuis cinq à six
ans à un grand nombre de traitements , sans en obtenir le moindre avan
tage . i
Murr fait ensuite observer que dans toute la littérature médicale , on ne
constate qu'un seul cas (outre les siens) dans lequel la cessation de l'hémo
zlobinurie ait persisté pendant plusieurs hivers de suite. Cette troisième
guérison est due à Harley , et ce qui est digne de remarque, c'est qu'il l'ob
tint par la quinine , qui généralement est inefficace, et par les mercu
riaux.
Voici maintenant l'observation de M. Schumacher II .
Le malade , ågé de 30 ans, avait contracté la syphilis en avril 1880 et 18

subi à cette époque un court traitement par l'iodure de potassium et les fric
tions . Trois mois après, il s'était soumis à une nouvelle série de frictions
pendant quelques jours seulement, à l'occasion de légers accidents buc
caux .
Le 1er octobre 1881 , le malade fut appelé par son service dans une ville
9

exposée à des vents très froids. A ce moment, il ne présentait plus qu'une


légère tumefaction des ganglions inguinaux . Vers la fin de ce même mois, a
la suite d'un violent refroidissement , survint une émission d'urine sanguino
lente considérée d'abord comme de l'hématurie . L'accident avait été précédé
de frisson et d'une élévation de température (389,5) ; il fut suivi de prostra
tion générale, de gonflement avec hyperesthésie des parties découvertes, de
douleurs dans les reins et les aines. C'était donc un an et demi après l'infec
tion syphilitique qu'apparaissait le premier accès d'hémoglobinurie.
Durani l'hiver 1881 à 1882, les accès se reproduisirent un grand nombre
de fois et forcèrent le malade à prendre un congé à partir de janvier 1882.
Tous les traitements échouérent. Mais les accidents cessèrent presque com
plètement à l'entrée de l été , ne se manifestant que très atténués pendant les
soirées fraîches . Le malade reprit des forces et put recoinmencer son ser
vice
En. novembre 1882 , les crises reparurent avec tous leurs caractères . De
plus, au mois de décembre suivant, une large ulceration se développa sur le
côté gauche du voile du palais . Ainsi la syphilis, restée silencieuse depuis
plus de deux ans, manifestait sa présence par une lésion qui disparut vers la
fin de janvier 1883 , sous l'influence d'un traitement ioduré et de quelques
cautérisations. Les accés d'hémoglobinurie persistèrent pendant l'évolution
de cette syphilide, se reproduisirent quotidiennement pendant quatre semaines
à partir de février, et forcèrent finalement le malade épuisé à venir à Aix
la -Chapelle à la fin de mars 1883 .
A cette époque, le malade pesait 63 kilogrammes ; il avait le teint jaune
cireux , les muqueuses anémiées. Son urine était normale , de densité 1012.
Il se plaignait, indépendamment des crises hémoglobinuriques , d'une grande
lassitude , d'une incapacité absolue de travail malgré la conservation du
sommeil et de l'appétit , d'une sensation d'engourdissement et de refroidisse
ment des extrémités au moment des accès .
La syphilide récente du voile du palais ne laissant aucun doute sur la non
extinction de la syphilis, la nécessité d'un traitement spécifique dominait
toutes les autres indications. Le malade fut donc soumis à partir du 1er avril
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 373

aux frictions quotidiennes , avec la pommade mercurielle simple, suivant la


méthode d’Aix , et prit chaque jour aussi un bain sulfureux à 370. Pour la
pommade, on commença la friction avec 3 grammes, à cause de l'anémie
extrême du malade, pour aller rapidement jusqu'à 4 et 5 grammes.
Le mois d'avril 1883 eut de nombreux jours froids. Aussi les accès d'hé.
moglobinurie se montrèrent-ils à plusieurs reprises au début du séjour du
malade à Aix, avec leurs caractères absolument typiques. Après le quator
zième jour de traitement, il y eut une pause de cinq jours ; les jours suivants
parurent encore quelques petits accès ; à partir du vingt - deuxième jour, il
n'y en eut plus trace . La sensation d'engourdissement et de refroidissement
des extrémités, les jours froids, mit plus de temps à disparaitre.
Le malade quitta Aix après un traitement de cinquante jours, qu'il avait sup
porté sans le moindre accident . Il avait regagné en poids 5 kilogrammes 1/2 ,
faisait à pied des promenades de quatre heures, et s'exposait impunément à
tous les vents .
Des lettres datées de février et du 1er mai 1884 attestent la persistance de
la guérison, en dépit d'un service très pénible pendant l'hiver 1883-1884 .
Il semble difficile, dit en terminant M. Schumacher, de nier dans
ce cas les rapports de l'hémoglobinurie avec la syphilis, et à l'avenir
on ne devra jamais négliger de rechercher chez les hémoglobinuriques
les antécédents syphilitiques, pour instituer immédiatement le traite
ment spécifique , le seul efficace jusqu'à présent. Quant à l'influence de
la cure thermale, elle ne saurait être invoquée à l'appui de la nature
rhumatismale de l'affection , car une pareille guérison due exclusivement
à l'action des bains n'est guère admissible.
Reste la question de récidive possible sous l'influence du froid . On a
vu plus haut que le malade a passé un premier hiver sans accident.
Mais alors même que de nouveaux accès se manifesteraient, cela ne
démontrerait qu'une chose, la nécessité de reprendre le traitement spé
citique. Il ne saurait en être autrement de l'hémoglobinurie d'origine
syphilitique que des autres manifestations de la syphilis essentiellement
sujettes à récidiver, le traitement n'ayant qu'une efficacité temporaire.
A ce sujet, M. Schumacher donne en notes quelques renseignements
que lui aa communiqués Murri sur un malade encore en traitement au
moment où le clinicien de Bologne faisait paraître son mémoire : « Guéri
pendant l'hiver 1881-1882, ce malade traversa sans accident l'hiver sui
vant, mais en avril 1883, il eut quelques petits accès. Au mois d'oc
tobre suivant, il revint à la clinique pour une récidive. La guérison fut
de nouveau obtenue grâce au traitement spécifique, et le malade put
quitter l'hôpital au bout de quelques mois; mais en mai suivant, il
mourut d'une pneumonie avec méningite suppurée. »
Les faits de Murri et de Schumacher méritent d'appeler l'atten
tion des syphiligraphes. Mais des observations nouvelles, poursuivies
pendant plusieurs années, pourront seules établir les relations que
374 REVUE DE SYPHILIGRAPHIR .

l'hémoglobinurie paroxystique peut avoir avec une syphilis anté


rieure . En tous cas, il ne s'agirait pas là d'un accident spécifique
dans le sens propre du mot, puisque la même affection s'observe, cela
est incontesté, en dehors de la syphilis. Jusqu'à plus ample informé, on
peut admettre qu'au même titre que le paludisme et d'autres dyscrasies,
la syphilis détermine du côté des organes hémopoiétiques certaines altó
rations organiques ou fonctionnelles ayant pour conséquence l'affaiblis
sement de la vitalité des globules rouges. Ainsi seulement s'expliquent,
d'après les travaux les plus récents, l'hémoglobinhémie et l'hémoglobi
nurie consécutive provoquées par le froid . Celui-ci agit sur les centres
réflexes vaso -moteurs pour déterminer dans les vaisseaux du foie et des
reins la stase sanguine; puis les globules rouges se dissolvent grâce à
leur fragilité native et à l'accumulation dans le sang d'acide carbonique.
Est -il besoin d'ajouter que cette théorie n'est que provisoire et laisse
inexpliqués divers phénomènes, notamment la susceptibilité excessive
du système nerveux sensitif et vaso-moteur, et le caractère fébrile des
accès ? P. MERKLEN .

JODOFORM GEGEN Syphilis (DE L'IODOFORME CONTRE LA SYPHILIS ), par le


professeur NEUMANN. ( Tirage à part de l'Allgem . Wiener mediz. Zei
tung, 1883, n ° 31 et 32).

Bozzi , Thoman, ont les premiers conseillée les injections hypoder


miques d'iodoforme contre la syphilis. Neumann a fait ensuite un grand
nombre d'expériences sur l'emploi de l'iodoforme en injection .
Cependant, outre les injections proposées par Thoman : iodoforme 1 ,
huile d'olive 20 , qui contenaient une trop faible proportion d'iodoforme
pour chaque injection, l'auteur a expérimenté d'autres formules : jodo
forme 1 , huile de ricin 15 ; plus tard des solutions de iodoforme 1 et
éther sulfurique 6 ; puis iodoforme 1 , éther sulfurique et huile d'olive
aa 5 ; et enfin iodoforme 6 en suspension dans glycérine 20 .
Vingt à trente injections suffisent pour amener la résolution de syphi
lides secondaires légères (maculo - papuleuses) : les formes papulo
pustuleuses sont plus rebelles et exigent un plus grand nombre
d'injections.
Ce mode de traitement est insuffisant contre les affections syphilitiques
des yeux ; tout au contraire, 1 à 2 injections faisaient complètement
disparaître la douleur dans la périostite syphilitique. Dans tout les cas
traités ainsi par l'auteur, il n'est survenu que deux fois des récidives ;
dans ces deux cas, les premières manifestations de la syphilis furent un
exanthème maculeux et des papules aux organes génitaux ;ces accidents
disparurent après 17 et 23 injections.
REVUR DE SYPHILIGRAPHIR . 376

Dans une première communication sur l'iodoforme, Neumann espérait


que ce médicament aurait , comme l'iode en général, une action favo
rable sur les formes tardives de la syphilis; c'est ce que les expériences
de Thoman ont confirmé.
Voici quelques indications sur les cas traités par Neumann : Dans le
premier cas il s'agit d'un individu de 24 ans, à nutrition affaiblie, chez
lequel on fit faire, au début de sa syphilis, 55 frictions mercurielles.
Le 27 mars , au moment de son entrée à la clinique, il est atteint de
nombreuses ulcérations croûteuses et de pustules. Injections d'éther
iodoformé, 1 sur 6. Pendant le traitement, après la 12 injection , il survint
une périostite douloureuse des deux tibias, dont 5 injections triomphè
rent entièrement. Après 53 injections, une grande partie des efflorescences
pustuleuses disparurent, ne laissant après elles qu'une pigmentation
brun foncé ; cependant les ulcérations serpigineuses de la région dorsale
augmentèrent pendant le traitement, et ce n'est qu'après 100 injections
1787,20 d'iodoforme) que les lésions cutanées cédèrent ; le poids du
corps avait augmenté de deux kilos.
Chez un autre malade ( en traitement du 24 avril au 30 mai), on fit
30 injections représentant en tout 281,5 d'iodoforme qui amenèrent
en 40 jours la guérison d'une gomme de l'arcade sourcilière droite
ainsi que d'une périostite de l'os du nez et du prolongement alvéolaire de
la mâchoire inférieure gauche .
Ce même malade est revenu il y a peu de jours pour une syphilide
serpigineuse de la peau,
Chez un troisième malade une série de 25 injections avec ;
Iodoforme . I gramme
Éther . . s aa

Huile de ricin . 15 grammes


pendant 43 jours, amena la guérison d'ulcère serpigineux du front.
Chez un autre malade , encore actuellement en traitement pour des
ulcères serpigineux de la jambe gauche, les injections jodoformées ont
déjà eu pour résultat une cicatrisation partielle et l'amélioration notable
des surfaces ulcórces.
En résumé, les injections d'iodoforme sont une arme de plus qu'on a
entre les mains contre la syp !iilis et pour certains cas déterminés. Il n'en
est pas de même pour le traitement des bubons où l'emploi de l'iodo
forme donne des résultats très reinarquables. S'il n'existe encore qu'une
faible désagrégation du tissu glandulaire et si la fluctuation est limitée,
il suffit, après avoir ponctionné et fait écouler le pus, de panser avec la
gaze iodoformée ou d'introduire une flèche d'iodoforme préparée d'après
la formule suivante :
376 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

Iodoforme pur. . 1 gramme


Gélatine . Q. S.
pour faire 18 flèches de 5 centimètres de longueur et de 5 millimètres
d'épaisseur.
Quand la suppuration du ganglion est plus considérable et que la peau
qui le recouvre est encore intacte, on fait une incision qui occupe toute
l'étendue de l'abcès, puis, après l'écoulement du pus, on remplit toute
la cavité avec de la gaze iodoformée .
Dans les cas, au contraire , où la peau est amincie, livide , sans vitalité,
il faut l'enlever avec des ciseaux ; si les ganglions sont hypertrophiés,
on les racle avec la curette , et l'application de gaze iodoformée amène
rapidement la formation de granulations.
Les injections d'iodoforme agissent d'une manière remarquable dans
les ganglions lymphatiques indolents : tantôt il se produit après l'in
jection une diminution rapide, dans l'espace de 2 à 4 jours , du volume
de la glande, tantôt il survient des suppurations localisées qui , après
l'évacuation du pus, se cicatrisent rapidement.
On connaît, depuis longtemps déjà , les beaux résultats que donne l'io
doforme dans le traitement des ulcères vénériens, des plaques muqueuses,
des ulcérations serpigineuses, mais un des meilleurs modes d'application
est la pulvérisation sur les parties malades d'un mélange d'iodoforme
et d'éther .
Quel que soit le mode d'emploi de l'iodoforme, Neumann n'a jamais
vu survenir de phénomènes d'intoxication . L'odeur et le goût du
chloroforme seuls ont exercé dans quelques cas une action défavorable
sur la digestion . Dans trois cas dans lesquels il y avait de vastes abcès
consécutifs à des bubons, il survint une rougeur érysipélateuse et de la
tumefaction qui se limitèrent dès qu'on eut cessé l'emp'oi de la gaze
iodoformée.
En résumé, on ne saurait donc nier que l'iodoforme soit un moyen
excellent contre les affections syphilitiques et vénériennes.
Sur 250 cas de bubons traités avec l'iodoforme, il ne survint que très
rarement des complications, tandis qu'avant l'emploi méthodique de ce
remède, par exemple en 1879 , malgré le traitement antiseptique le plus
rigoureux et les plus grands soins de propreté, il se produisit 13 fois de
l'érysipele dans 168 cas d'adénites.
Enfin en terminant l'auteur insiste sur ce point que le spray iodo
formé : 1 gramme d'iodoforme pour 6 grammes d'éther, constitue un
excellent topique contre les formes rebelles de psoriasis des muqueuses .
Le mémoire se termine par le résumé de 15 observations de bubous
et d'ulcères traités avec succès par l'iodoforme . A. DOYOX .
VARIA .

LA DERMATOLOGIE DANS LES UNIVERSITÉS ALLEMANDES,


Par le Dr P. G. UNNA, de Hambourg.

Au moment où l'Allemagne fait visiblement un effort pour acca


parer entièrement l'influence dans le domaine scientifique comme dans
le domaine politique , il ne nous parait pas inutile de signaler ici le
vigoureux et pressant appel que le Dr P. G. UNNA , de Hambourg, vient
de publier en faveur de l'enseignement de la dermatologie .
Voici la traduction de l'article que notre zélé , que notre infatigable
confrère a publié dans un des derniers numéros des Monatshefte für
praktische Dermatologie.

La dermatologie considérée comme une branche spéciale de la médecine


n'occupe pas encore, du moins dans les Universités allemandes, le rang
qu'elle devrait avoir depuis longtemps en raison de son importance . Il est
indéniable que beaucoup de médecins qui ont passé l'examen d'état, lorsqu'ils
se trouveront plus tard en présence de maladies de la peau, hésiteront pour
le diagnostic et montreront dans la thérapie une inexpérience dont souffri
ront malheureusement trop souvent les malades ; et pourtant le jeune escu
lape aurait sans doute honte de son ignorance, s'il s'agissait d'une affection
de l'ail ou du larynx ? La faute n'en est pas , comme on croit et comme on
l'objecte d'ordinaire , au petit nombre des maladies de la peau , que, en ge
néral, on ne rencontrerait, dit- on , que dans les grandes villes et les univer
sités importantes, dans lesquelles étudiants et professeurs trouvent les maté
riaux nécessaires pour l'étude et l'enseignement . Ce préjugé disparait partout,
dès qu'un médecin spécialiste se fixe dans une localité . A partir de ce mo
ment, les maladies de la peau semblent sortir de terre. Elles existaient aupa
ravant, mais on ne les avait pas vues ou bien on ne les avait pas guéries .
Quelques-unes seulement avaient été traitées convenablement. Du reste il
arrive sous ce rapport pour la dermatologie ce qui est arrivé pour toutes les
autres spécialités modernes ( 1 ).
D'autre part on constate avec satisfaction qu'une légère amélioration s'est
produite à cet égard, précisément dans ces dernières années. Partout de
jeunes médecins se consacrent à cette spécialité, et, même dans les plus

( 1) Il aura manqué à la glorieuse carrière de Ricord ce digne couronnement


d'avoir occupé à la Faculté la chaire de syphiligraphie. Mais nul ne lui contestera
d'avoir, par le caractère toujours exclusivement scientifique de ses procédés de
démonstration, readu évidente aux yeux les plus prévenus la nécessité de cet ensei
plement officiel. A. D.
378 VARIA .

petites universités, on trouve un cours de dermatologie quelque modeste qu'il


soit. Peu à peu cet enseignement propagera les connaissances dermatolo
giques parmi les nouvelles générations de médecins. Nous sommes évidem
ment encore loin de notre but , que nous pouvons indiquer de la manière
suivante :
Il faut que l'État fournisse å la dermatologie le même appui , lui assure les
mêmes ressources matérielles, lui assigne le même rang qu'à l'ophthalmologie
et à la neurologie. La dermatologie arrivera à cette situation par les mêmes
voies et les mêmes moyens que les sciences congénères dont nous venons de
parler, c'est-à-dire par des travaux analogues et tout aussi importants. Loin
de nous la pensée que l'État doive accorder cet appui et ces fonds avant
d'avoir pu constater ces travaux. Nous n'avons pas à examiner ici si l'intérêt
des malades et celui des médecins, ayant passé l'examen d'état , exigerait que
le gouvernement témoignàt dès à présent de sa sympathie pour la dermato
logie en créant de nouvelles chaires. Soit dit en passant, l'Amérique du Nord
et l'Italie ont, dans ces dernières années, créé des chaires de dermatologie
dans toutes leurs Universités : aussi l'instruction dermatologique moyenne des
médecins américains et italiens doit-elle dépasser, sinon actuellement, du
moins dans l'avenir celle des médecins allemands. Aussi les oiseaux de pas
sage américains dirigent- ils, du moins à ce point de vue, leur vol non vers les
Universités allemandes proprement dites , mais exclusivement vers Vienne.
(Der Flug der amerikanischen Wandervögel richtet sich, soweit die Derma
tologie in Frage kommt, bekanntlich bis heute auch nicht nach den deutschen
Universitäten im engeren Sinn , sondern nur nach Wien . )
L'État peut bien donner l'élan à notre spécialité, la favoriser, mais il lui
est impossible de l'assurer, à plus forte raison de l'imposer de force. C'est
du public médical que doivent partir les efforts lents et persévérants qui
nous conduiront au but, et alors le succès ne nous fera certainement pas
défaut. Eo Autriche, le génie d'un seul homme, de Ferdinand Hebra, a , dans
l'espace de trente à quarante ans, créé un courant que les efforts communs
d'un petit nombre de savants enthousiastes de leur science devraient produire
également chez nous.
Indiquons seulement en passant différentes questions qui se rattachent au
sujet qui nous occupe : les rapports de la dermatologie avec la science en
général et les autres spécialités , surtout avec la syphiligraphie ; ces derniers
sortent du domaine purement idéal et s'imposent par leurs conséquences très
pratiques. Nous développerons plus tard chacun de ces points suivant l'inn
portance qu'ils comportent. Aftirmons seulement ici notre conviction la plus
intime qui s'est de plus en plus accentuée avec le temps : lorsque la derma
tologie tout entière aura atteint ce haut degré de développement, elle exer
cera sur toutes les autres branches de l'art de guérir une influence fécon
danle dont on ne soupçonne pas encore toute l'importance; elle deviendra la
mère des autres parties de la médecine et cela parce que, dans cette science,
on peut voir évoluer, du commencement jusqu'à la fin, les processus patho
logiques, parce que là nous n'avons pas, comme presque partout ailleurs, à
conclure, en tåtonnant des produits pathologiques aux processus qui les ont
engendrés. Il n'y a que les ophthalmologistes et en partie aussi les rhinolo
gistes et les laryngologistes qui soient ainsi favorisés, quoique observant dans
un champ beaucoup plus restreint.
Nous n'en sommes pas encore là . Mais je pense que ce sera déjà un grand
avantage pour le travail en commun de nos successeurs de passer de temps
VARIA . 379

en temps la revue de ce que nous possédons tant comme matériel scienti


fique que comme savants s'étant voués à celte noble tâche, sans attendre
d'autre récompense que celle qui résulte du travail accompli.
Il existe actuellement en Allemagne onze universités dans lesquelles la
dermatologie est enseignée :: Berlin, Bonn, Breslau, Erlangen , Freiburg,
lena, Könisberg, Leipzig, Munich, Strasbourg et Würzburg. Par contre il y
a neuf universités dans lesquelles cet enseignement n'existe pas : Giessen,
Greiswald , Gottingen, Halle, Heidelberg, Kiel, Marburg, Rostock, Tübingen.
Dans les 11 universités , il y a 8 professeurs et 8 privatdozent qui ensei
gnent la dermatologie et qui sont ainsi répartis :
Professeurs. Dozeoten,
Berlin : G. Lewin . G. Behrend .
E. Schweninger . L. Lewinski .
0. Lassar .
Bonn : J. Doutrelepont.
Breslau : A. Neisser,
Erlangen : D
R. Fleischer,
Freiburg : W. Hack . »

léna : P. Fürbringer . >>

Königsberg : J, Caspary.
Leipzig : J.-E. Lesser,
Munich : >> C. Posselt .
Strasbourg : F. Wieger. A. Wolff.
Würzburg : >>
G. Malterstock .

Le nombre total des professeurs officiels de l'enseignement dermatolo


gique est de 16. Ce chiffre véritablement peu élevé ne répond même pas aux
prétentions les plus modestes. Heureusement que parmi les médecins prati
ciens de l'Allemagne il en est un nombre assez considérable qui ont très à
cæur l'étude de la dermatologie .
Laissons de côté l'Amérique du Nord et l'Italie. Ce nombre est relative
ment petit comparé à celui des Universités suisses et autrichiennes. Tandis
qu'en Allemagne à peine la moitié des Universités possède un représentant
de notre spécialité, trois universités suisses sur quatre : Bale, Berne, Genève
Zurich ont des chaires de dermatologie :
Berne : A. v . Ins et K. v . Erlach .
Genève : H. Oltramare.
Zurich : H. Müller et Ed . Kreis .

L'Autriche, avec ses six facultés de médecine, nous a devancé de beaucoup


- historiquement, il est facile de le comprendre.
Dans chacune de ses facultés, la dermatologie est au moins représentée par
an professeur extraordinaire et Vienne seule a presque autant de dermato
logistes que toute l'Allemagne, malgré la disparition de trois de ses profes
seurs que la mort a enlevés dans ces dernières années :
Professeurs. Dozenten .
Vienne : H. Auspitz. E. Finger .
M. Kaposi. J. Grünfeld .
J. Neumann . H. v. Hebra .
G. Wertheim . A. Jarisch .
380 VARIA .

Professeurs. Dozenten .
G. Wertheim . E. Kohn .
> F. Mrazek .
E. Schiff.
L. v. Vajda.
D M. y. Zeissl.
Graz : E. Lipp .
Junsbruck : E. Lang. >>

Krakau : A. Rosner.
Prague : J. Pick . »

»)
Prague (F.Tch .): V. Janowsky.

Il en est de même de la dignité de la représentation de notre spécialité


précisément en Allemagne. Le seul professeur ordinaire de dermatologie est
actuellement à Strasbourg, c'est un reste de l'époque française. Le profes
seur Wieger qui l'occupe a quitté la clinique il y a plusieurs années et en a
laissé la direction au privatdozent, A. Wolff. Si par hasard on donnait plus
d'activité à la chaire de dermatologie on ne pourrait guère espérer que la
création d'une chaire pour un professeur extraordinaire. Il faut donc s'attendre
à faire un pas en arrière sur la période française de la faculté de Strasbourg.
D'autre part nous avons à nous plaindre d'une marche rétrograde á Würz
burg. En 1883 , v. Rinecker était professeur ordinaire pour les maladies de
la peau , et en même temps professeur pour les maladies mentales. Je tiens
de la bouche du défunt qu'il croyait que la dermatologie avait devant elle un
grand avenir et que l'intérêt qu'il portait à notre spécialité ne disparaitrait
pas avec sa mort. Cette prophétie ne s'est malheureusement pas réalisée.
L'union particulière et personnelle à v. Rinecker aura été cause que celle
position, la plus solide qui fut autrefois en Allemagne, n'existe plus. Le
privatdozent Matterstock dirige la clinique des maladies syphilitiques à la
place de v. Rinecker , non la clinique des maladies de la peau.
Nous n'avons donc plus, à proprement parler , que des professenrs extra
ordinaires en Allemagne, ce dont il ne faudrait pas se plaindre pour un
avenir prochain . Car meme en Autriche, Hebra et Sigmund étaient seuls pro
fesseurs ordinaires, et on peut aussi réserver en Allemagne ce titre pour
des mérites tout à fait exceptionnels . Il serait en tout cas infiniment plus utile
pour notre spécialité de créer dans toutes les universités au moins une chaire
de professeur extraordinaire de dermatologie que de fonder à Berlin ou par
tout ailleurs une chaire pour un professeur ordinaire.
En attendant, il faut obtenir deux choses , afin que notre spécialité soit
représentée d'une manière plus digne et plus efficace qu'elle ne l'est actuelle 4
ment .
En premier lieu , efforçons- nous de faire créer des chaires de professeurs
extraordinaires pour les maladies de la peau à Leipzig, Munich , Würzburg, 2
c'est-à-dire dans nos trois plus grandes facultés de médecine où ces chaires 1
font complètement défaut .
En second lieu , nos efforts devront tendre à ce que les quatre plus grandes 1
universités parmi les neuf qui n'ont pas encore de dermatologistes : Göttingen,
Halle, Heidelberg et Tübingen et plus tard les autres universités aient des
privatdozent pour notre spécialité, ainsi qu'on l'a fait récemment pour Er
langen .
Ce dernier point sera plus facile que le premier à obtenir par l'initiative
VARIA . 381

privée. Et quand nous aurons dans notre spécialité des privatdozent dans les
vingt universités allemandes, la création de chaires pour des professeurs
extraordinaires ne sera plus douteuse , car l'impulsion partira du public et ce
ne sera plus qu'une question de temps.
Les progrès de la dermatologie dependent encore d'une autre circonstance,
de sa séparation d'avec la syphiligraphie .
La réunion de ces deux chaires en une seule n'a jamais été qu'une affaire
de convenance . Aujourd'hui encore la confusion courante, ou pour mieux
dire les erreurs de diagnostic forment chez les spécialistes qui occupent les
deux chaires à la fois, la base de l'union de la thérapie dermatologique.
Scientifiquement, la syphilis absorbe actuellement tout à fait un homme, même
s'il s'occupe seulement de la syphilis du système nerveux, de celle des yeux
et de celle du larynx. Et quant à la dermatologie, n'exige -t-elle pas dès à
présent, n'exigera -t- elle pas encore plus dans l'avenir qu'on se consacre
exclusivement à son service ? Il ne faut penser à aucun progrès de la dermato
logie. celte branche de la médecine , dans les innombrables directions des re
cherches d'anatomie, de physiologie et de pathologie expérimentales, tant
qu'elle aura au pied un tel boulet.
Au commencement de ce siècle, on vit à Vienne les syphilitiques, les galeux
et les aliénés réunis dans la même division . Espérons que , à la fin de ce
siècle, ceux que concerne la direction de ces affaires en Allemagne auront,
au moins dans les grandes universités de Berlin, de Leipzig et de Munich ,
débarrassé la dermatologie du dernier obstacle qui s'oppose à son dévelop
pement individuel .
Toutefois on a obtenu ce résultat à Berlin . Nous n'avons cependant pas
entendu dire que des causes purement scientifiques aient eu de l'influence
sur cette brusque séparation des cheires de la Charité. Puisque nous faisons
une sorte de revue de tous nos collègues, en tant que professeurs, nous ne
voulons pas passer sous silence ce dernier fait. Tout collègue enseignant la
dermatologie est le bienvenu, s'il prend une part sérieuse au progrès et au
développement de notre science, et nous ne condamnerons personne tant
qu'il nous est permis d'espérer que ce souhait se réalisera. Il nous est indiffe
rent au point de vue de la science pure et de la grandeur future de notre
spécialité, de savoir si celui qui a été appelé à une position tellement enviée,
y est arrivé par des travaux personnels ou s'il doit cette position à la faveur,
pourvu qu'il joigne ses efforts énergiques aux notres. Nous nous plaçons
naturellement à un tout autre point de vue que la Faculté de médecine de
Berlin , car lors de la résistance qu'elle opposa a la nomination de Schwe
ninger, nous avons entendu autre chose que ce que nous eussions désiré
entendre, « que Schweninger jusqu'alors n'avait ouvert la voie à aucun pro
grés dans la dermatologie ; que sortant d'une autre spécialité , il serait inca
pable, avec la meilleure volonté, de rendre les services que tant de savants
privatdozent d'universités allemandes ont déjà rendus, et que sa nomina
Lion équivaut tout d'abord à un abaissement du mérite scientifique » .
Mais maintenant que Schweninger occupe la première chaire de dermato
logie pure, nous enregistrons avec satisfaction la séparation de la dermato
logie et de la syphiligraphie : quelle que soit la manière dont elle ait été
opérée, c'est pour notre spécialité un progrès considérable au point de vue
scientifique.
Mais, d'autre part, l'heureux possesseur de cette chaire endosse une lourde
responsabilité, et nous ne manquerons pas de le lui rappeler. Il occupe en
382 VARIA .

effet la place qui devrait appartenir en réalité au chef de la dermatologie en


Allemagne. Mais peut-être notre avertissement tombera-t-il en terre fertile.
Tous les grands dermatologistes n'ont pas entendu dans leur berceau le
chant de leur vocation . (Nicht allen grossen Dermatologen ist ihr Beruf an
der Wiege gesungen worden. ) Pour ne parler que des morts, Hebra lui
même devint dermatologiste presque par hasard, il publia un traité de chi
rurgie avant d'écrire un livre sur la dermatologie. Nous appliquerons à notre
plus jeune collègue qui occupe une position si élevée ces paroles de Gælhe
légèrement modifiées :
Ce qu'un caprice de la fortuno t'a donné
Acquiers-le afin do le posséder !
( Was dir geschenkt des Glückes Laune hat ,
Erwirb es , um es zu besitzen ?)

Espérons que cette division du travail si favorable à notre spécialité aura


pour résultat Berlin un nouvel essor de cette science , la création prochaine
dans d'autres universités, surtout à Leipzig et à Munich, de chaires distinctes
pour la dermatologie et la syphiligraphie, d'où résulteront de grands avan
tages pour le public et pour nos deux spécialités. Espérons surtout que , con
formément à l'importance généralement reconnue de notre spécialité, on don
pera à la dermatologie dans toutes les universités une représentation digne
de l'Allemagne.

Nous n'ajouterons que peu de mots à cette ferme déclaration, qui sera .

pour tous les amis de la science un sujet de satisfaction profonde, pour


nos gouvernants un avertissement d'urgence incontestable donné en
ces termes de haute convenance qui savent tout faire accepter.
Du chaleureux et patriotique plaidoyer de ce digne et si compétent
avocat nous ne voulons retenir qu'une chose, c'est l'appel pressant qu'il
fait pour le développement de l'enseignement de la dermatologie en
Allemagne .
Le courant populaire qui afflue aujourd'hui de tous les points du
globe vers Vienne, grâce à l'enseignement si puissant et si fécond
d'Hebra, s'est maintenu et se maintient encore à l'heure actuelle. Cet 2

heureux résultat est dû sans doute à l'enseignement remarquable de la


pléiade de nombreux professeurs formés à l'école du maître de la derma.
tologie viennoise; mais ir l'est surtout aussi à l'admirable organisation des
cliniques de cet hôpital, qui est sans rival au monde, organisation dont
nous avons, dans une précédente étude, montré tous les avantages.
Nous n'y reviendrons pas : mais l'heure est venue où, en France, il
faut absolument faire quelque chose pour que nos élèves trouvent les
mêmes ressources au point de vue de l'instruction dermatologique.
A l'instar d'Unna, passons donc, à notre tour, la revue de ce qui
existe chez nous comme enseignement officiel de la dermatologie et de
la syphiligraphie.

1
1

1
VARIA . 383

Nous avons actuellement 6 facultés de médecine : Bordeaux, Lille ,


Lyon, Montpellier, Nancy, Paris .
2 écoles de plein exercice de médecine et de pharmacie : Marseille,
Nantes.
14 écoles préparatoires de médecine et de pharmacie : Alger, Amiens,
Angers, Besançon , Caen , Clermont, Dijon, Grenobie, Limoges, Poitiers,
Reims, Rennes, Rouen , Toulouse, Tours .
1 faculté catholique de médecine et de pharmacie : Lille.
Or, voici comment est organisé l'enseignement dermato -syphiligra
phique dans les 6 facultés ( 1 ) :

Professeurs. Chargés de cours .


Bordeaux : >> Venot
Lille : Leloir
Lyon : Gailleton
Montpellier : Gayraud
Sancy : Syphiligraphie : Spilmann , agr .
Dermatologie : Hergott, agr.
Paris : A. Fournier

Faculté catholique de Lille :


Clinique complémentaire des maladies de la peau : Augier.

Ecoles de plein exercice :


Marseille : >

Nantes :

Ecoles préparatoires :
Alger :
Amiens :
Angers :
Besançon :
Caen :
Clermont : >>

Grenoble :
Limoges : >>

Poitiers :

(1) Tous ces renseignements ont été pris dans l'Annuaire des cours de l'enseigne
ment supérieur publié par la Société de l'enseignement supérieur . Paris, G. Masson ,
éditeur, 1883
384 VARIA .

Écoles préparatoires (suite) :


Reims : >

Rennes :
Rouen :
Toulouse : >

Tours : >>

Un simple coup d'æil jeté sur ce tableau sera plus éloquent que tout
ce que nous pourrions ajouter.
Je sais bien qu'à Paris, tous les médecins de l'hôpital Saint- Louis,
1
ceux de l'hôpital du Midi et ceux de Lourcine ; que, à Lyon, tous les
chirurgiens de l'Antiquaille rivalisent de zèle et d'ardeur et font des
cours où se pressent de nombreux étudiants ; que, à Paris, l'hôpital
Saint- Louis possède un musée spécial d'une richesse incomparable. Tout
cela nous l'avons déjà longuement exposé . Il faut dire aussi aussi que,
dans quelques -unes de nos écoles secondaires un certain nombre de
professeurs choisissent pour sujet de leur cours des questions de syphi
ligraphie ou de dermatologie, font des leçons sur l'une ou l'autre de
ces deux importantes branches de la médecine. Mais, en somme, cet
enseignement n'a rien de régulier, rien d'obligatoire, ne constitue, par
conséquent, point une matiere sur laquelle l'élève soit tenu de faire .

ses preuves aux examens. Aussi combien d'étudiants terminent leurs


études sans avoir assisté , même à une seule leçon de dermatologie ou
de syphiligraphie .
Nous aussi nous demandons qu'on crée dans nos écoles secondaires
des professeurs suppléants , des chargés de cours pour nos deux
spécialités . Et s'il est vrai, comme le dit Unna, que la présence de
spécialistes fait sortir de terre les maladies de la peau, les matériaux ne
feront pas défaut à ces cliniques. On pourra, du reste, toujours y
ajouter un petit musée de copies des pièces si exactes et si vivantes
dues au talent hors ligne de MM . Baretta et Jumelin. A. DOYON

LE GÉRANT : G. MASSON .

Paris , Société d'imprimerie PAUL DUPONT. 41 rue J. - J. - Rousseau (Cl.) 55.6.85 ,


1

1
N° 7 . 25 Juillet 1985 ,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ


Par le D: HORAND, ex-chirurgien en chef de l'Antiquaillc.

Depuis longtemps on sait que la syphilis a une tendance à se mani


fester du côté du nez, et cela , surtout pendant la période tertiaire . Les
accidents qu'elle occasionne alors peuvent atteindre la muqueuse , les
cartilages , ou les os . Mais , jusqu'à ce jour, on n'a pas signalé de lésions
affectant la peau de cet organe.
Les ouvrages de dermatologie et de syphiligraphie ne renferment rien
qui se rapporte à ce sujet; et cependant la peau du nez peut être le siège
d'une manifestation syphilitique dont la nature ne saurait être méconnue
sans préjudice pour le malade. La lésion cutanée, en effet, à laquelle
nous faisons allusion , résiste à tous les moyens autres qu’un traitement
spécifique, qui lui , au contraire, en a promptement raison .
Il est vrai de dire aussi que cette lésion cutanée, que nous appellerons
syphilide acnéique du nez, est souvent difficile à différencier d'autres
affections de la peau qui ont pour siège également le nez , mais qui sont
d'une nature différente. Celles de ces affections qui prêtent le plus à la
confusion sont : l'acné rosacée, l'acné pustuleuse chronique, l'impéligo,
le lupus et le cancroïde . Les caractères de ces affections offrent parfois
' la même similitude et pour ne pas les confondre avec la syphilide
acnéique, il faut avoir une grande expérience clinique ou examiner les
lésions avec un soin tout particulier.
Ayant eu l'occasion d'observer plusieurs cas de syphilide acnéique du
nez, nous avons cru devoir les faire connaître, afin d'attirer l'aitention
sur cette manifestation de la syphilis, et nous avons cherché, pour îaci
liter le diagnostic, à en indiquer les principaux symptômes.
AXSALES DE DEOMAT . , 2° SERIE , VI. 23
386 HORAND .

II

OBSERVATION I. D ... , âgé de ans , nous est adressé par un de nos


collègues pour une affection rebelle du nez et des oreilles.
L'affection du nez a pour siège la peau du dos et des ailes . Elle est con
fluente au niveau du lobule et rare à la racine .
Ce qui la caractérise , ce sont des pustules isolées ou groupées. Celles qui
sont isolées ont le volume d'une lentille , une forme conoïde. A leur sommet,
il existe un point jaune ou une croûte brunatre . Leur base est entourée
d'une aréole d'un rouge vif. Si l'on enlève la croûte , on trouve au - dessous
une ulcération du derme tapissée d'un pus grisâtre. Entre les pustules isolées
ou agglomérées, celles-ci ne différant des premières que par une croute et
une ulceration plus importante, la peau est épaissie et présente çà et là des
cicatrices blanchâtres rappelant exactement celles de la variole . Le nez est
augmenté de volume .
Pas de lésions sur les joues, ni de ganglions engorgés dans les régions
sous-maxillaires.
Affection non douloureuse .
La conque des oreilles est le siège d'une maladie cutanée caractérisée par
la rougeur de la peau recouverte de lamelles ou de croûtes jaunátres.
Interrogé sur le début des accidents qu'il présente et sur leur cause pro
bable , le malade raconte qu'en 1867 il a eu un chancre qui occupait la rai
nure du gland. Ce chancre fut considéré par Ricord comme étant un chancre
syphilitique et, en effet, il fut suivi d'accidents constitutionnels. Nous ajou
terons qu'il a laissé une cicatrice indélébile, conformément au fait sur lequel
nous avons tout particulièrement attiré l'attention .
A la suite du traitement spécifique, les accidents disparurent, si bien que
le malade avait oublié sa syphilis lorsque nous l'avons interrogé sur ce
sujet. Il éprouva même un certain étonnement quand nous lui avons posé la
question suivante : « Monsieur, en quelle année avez-vous eu un chancre ?,
Marié depuis quatre ans, sa femme n'a pas eu d'enfant ni de fausse
couche.
L'eczéma des oreilles s'est déclaré en 1880, mais l'affection du nez ne s'est
développée qu'en 1882 .
Nous pouvons ajouter que ce malade présente tous les attribuls de l'arthri
tisme : alopécie syncipitale, production pileuse très abondante sur les mem
bres, douleurs musculaires et articulaires, sueurs faciles.
De plus, il y a deux ans, il a eu un anthrax au cou et de petits abcès dans
les oreilles .
Ses urines ne renferment ni sucre ni albumine .
Le malade ne fait usage d'aucune boisson alcoolique.
En présence de semblables accidents, nous prescrivons 1 gramme d'iodure
de potassium , puis 2 grammes, et sous l'influence de ce traitement,les pustules
du nez se cicatrisent rapidement. De son côté , l'eczéma des oreilles est gueri
par le cérat au calomel, de telle sorte qu'au bout de quinze jours ce malade
avait la satisfaction d'être débarrassé des accidents qui avaient résisté à d '
nombreuses médications, ainsi qu'à une saison aux eaux d'Uriage.
Pour compiéter cette observation, nous devons dire que M. D ... a eu , sos
mois plus tard , des accidents cérébraux qui ont été conjurés par un traiie
ment mixte et une pastille de potasse à la nuque
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 387

Actuellement M. D .., jouit d'une parfaite santé et cela depuis deux ans.
De son affection du nez, il ne reste plus que de nombreuses cicatrices
lineaires rappelant exactement celles de la variole qui aurait labouré cet
organe .
OBSERVATION II . X ... , ágé de 41 ans, vient nous consulter au mois
d'octobre 1884 , pour une affection cutanée du nez .
Cet organe est volumineux, rouge ; la peau est couverte de pustules de
différents yolumes et à différentes périodes de leur évolution. Les unes pri
sentent à leu r sommet un point jaune, d'autres une croute , plusieurs sont
cicatrisées. La rougeur dụ nez se continue sur la partie voisine des joues.
Les ganglions sous-maxillaires sont indemnes,
Celle affection est stationnaire et ne s'accompague d'aucune douleur. Le
malade se plaint seulement d'un peu de démangeaison .
Sa santé générale est bonne. Il ressent depuis l'âge de 17 ans des dou
leurs dans la cuisse gauche , et depuis quelque temps dans l'articulation
tibio- tarsienne du même côté .
En l'examinant, on ne trouve pas sur son corps d'éruption acnéique, mais
des cicatrices d'ecthyma sur les bras et sur les épaules et un noyau epidi
dymaire double.
Il n'abuse pas des boissons alcooliques . Ses urines ne reặferment ni
sucre ni albumine.
Marié depuis quinze ans, sa femme n'a eu ni enfant ni faụsse couche.
Il y a vingt ans, il a eu un chancre dans la rainure du gland qui a été
suivi d'accidents constitutionnels. A cette époque , il a fait usage des pilules
mercurielles , pendant un mois et demi , et depuis il a pris de temps à autre
du sirop de salsepareille.
L'affection du nez s'est déclarée au mois de décembre 1883, et a débuté
par l'augmentation de volume de l'organe et la production de croûtes dans
l'intérieur des fosses nasales. La poussée sur la peau ne s'est faite qu'au
mois de janvier de celle année, c'est-à -dire un mois plus tard et a persiste
jusqu'à ce jour, malgré une saison à la Bourboule ei diverses médications
locales .
Nous le soumettons à l'usage de l'iodure de polassium à la dose pro
gressive de 1 à 4 grammes par jour, et au bout d'un mois son état s'est
tellement modifié qu'il se considère comme étant guéri. Le nez est moins
volumineux, la rougeur de la peau a disparu, les puslules se sont cicatrisées,
en laissant après elles une cicatrice encore rosée, mais qui semble blanchir
chaque jour.
OBSERVATION III . - P ... , âgé de 39 ans , vient nous consulter en 1880
pour une affection cutanée du front et du nez .
Cette affection siège sur la peau, entre les sourcils et sur le front à la
limite des cheveux, surtout sur les côtés, plutôt que sur la ligne médiane.
Elle occupe également le dos du nez et un peu la partie voisine des
joues.
Ses caractères sont les mêmes partout, ce sont des pustules acnéiques, du
volume d'une lentille, reposant sur une peau épaissie un peu entlammée,
principalement au niveau du nºz qui est volumineux.
Ce malade est nettement alcoolique et il avoue depuis un an se livrer à de
fréquents écarts d'intempérance. Ses urines renferment un peu de sucre ,
mais pas d'albumine.
Marié depuis treize ans , sa femme a eu deux enfants qui ont succombé,

1
388 HORAND .

le premier à une pneumonie, à l'âge de 5 ans, et le deuxième, né avec un


bec.de - lièvre portant sur le voile du palais et la voûte palatine , est mort
d'inanition .
Il n'avoue aucun antécédent vénerien, mais il est atteint d'un phimosis
congenital qui ne lui permet pas de découvrir le gland. A plusieurs reprises,
il a eu des accidents inflammatoires du prépuce, de courte durée et qui ont
cédé à des applications d'eau blanche.
Soumis à l'action de l'iodure de potassium , les pustules acnéiques du front
et du nez se cicatrisent rapidemenl.
En 1882 , une éruption de même nature se développe dans le dos et guérit
également par l'usage de ce même médicament.
Entin, au mois de décembre 1884 , nous l'opérons de son phimosis. La
cicatrisation s'effectue rapidement sans être intluencée par la glycosurie, et
à cette époque nous constatons que , malgré l'alcoolisme, l'éruption acndique
ne ne s'est pas reproduite depuis le traitement suivi en 1882 .
Les points qu'elle occupait sont parsemés de cicatrices analogues à celles
de la variole .
OBSERVATION IV . X ... , âgée de 30 ans , employée dans un magasin de
confection , est atteinte d'une affection cutanée pour laquelle clle vient nous
consulter au mois de décembre 1884 .
Celte affection a pour siège le dos et le nez et les parties voisines des
joues, ainsi que le cuir chevelu .
Elle est caractérisée, comme dans les observations précédentes, par des
pustules acnéiques reposant sur une peau épaissie et enllammée .
Elle a débuté au mois de janvier 1881, et a été précédée de malaises ge
néraux depuis le mois d'août 1883.
La malade ignore si elle a eu la syphilis, mais elle suit depuis quelque
temps un traitement spécifique prescrit par un de nos confrères.
Nous lui conseillons de faire usage de l'iodure de potassium , à la dose de
2 grammes. Sous l'influence de ce médicament les accidents s'améliorent
rapidement, et bien que nous n'ayons pu suivre la malade, nous avons lout
1

lieu de croire qu'elle est guerie.


OBSERVATION V. Aune V ... , âgée de 52 ans, lingère, entre aux Cha

Zéaux , le 12 octobre 1882 , pour une affection du nez et de la lèvre supé


rieure .
Sur le nez, à l'entrée des fosses nasales et sur la lèvre supérieure, on
remarque une tache rouge påle, sur laquelle reposent de petites élevures de
mème couleur de consistance molle, ainsi que quelques croûtes jaunàtres
qui se détachent diſticilement et recouvrent de petites ulcerations tapissies
de pus. Cà et là on aperçoit disséminés des points noirs qui représentent
l'ouverture des glandes sébacées ; par la pression on en fait sourdre une
certaine quantité de sebum .
Les parties voisines du nez et des joues sont parsemées de petites varico
sités . Pas de ganglions sous-maxillaires engorgés.
Le début de cette affection remonte au mois de février 1882.
En outre , sur le cuir chevelu, la malade porte les traces d'une affection
ancienne dont elle ignore la nature, mais qui a duré longtemps, car elle a
jaissé des cicatrices profondes.
La région parotidienne droite est occupée par une tumeur bilobée , formée
par des ganglions. Celle tumeur n'est le siège d'aucune douleur, la peau qui
la recouvre a conservé son aspect normal et lisse à sa surface . Quant à
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ. 389

son début, il remonto à quatre ans et ne se rapporte à aucune cause appré


ciable .
Sur le dos de la main gauche, on remarque une pelile plaque d'eczéma
el à la nuque des cicatrices dues à des furonclos.
Bon état général. Pas d'antécédents pathologiques. La malade ignore si
elle a eu la syphilis.
Réglée à 13 ans, mariée à 20 ans, elle a accouché à 22 ans d'un enfant
mort-né à terme. Pas d'autre grossesse . Ménopause à 48 ans .
On ne trouve chez elle aucune manifestation de l'arthritisme ou de la
scrofule .
Comme accident de l'herpétisme, elle a fréquemment de l'acné au visage .
Enfin , au point de vue de l'alcoolisme, elle avoue boire tous les matins
plusieurs verres d'arquebuse.
Pendant son séjour aux Chazeaux, elle est d'abord soumise uniquement à
un traitement local qui consiste dans la scarification du nez , le raclage, deux
cauterisations au fer rouge. Mais,malgré ces moyens énergiques, l'état local
ne s'améliore pas d'une manière sensible. On prescrit alors à la malade
1 gramme d'iodure de potassium par jour et cela pendant un mois. Sous
l'intluence de cette médication les lésions tendent à se cicatriser et l'on
constate une modification sensible au moment où la malade demande sa
sortie , c'est- à -dire le 12 octobre 1882 .
Elle entre de nouveau aux Chazeaux le 20 décembre 1884 . Son
état général est satisfaisant. L'affection du nez ne s'est pas reproduite, la
cicatrice est blanche, souple , aussi régulière que possible. Les accidents pour
lesquels celte malade vient se faire traiter sont constitués par une syphi
lide pustulo -crustacée circonscrite du coude gauche et de la région dorso
lombaire.
Au niveau du coude gauche il existe un tissu cicatriciel rosé de la lar
geur de la paume de la main . Sur celle cicatrice on remarque des croûtes
noirâtres disposées en forme de cercle et représentant un huit de chiffre .
Tout autour sont disséminées des pustules isolées recouvertes d'une croûte .
Dans la région dorso -lombaire on trouve plusieurs plaques affectant une
disposition cerclée caractéristique. Les bords sont formés par des croûtes,
ils ont une couleur violacée et sont entourés d'une aréole rougeâtre. Au
dessous des croûtes, le derme est ulcéré.
A la partie moyenne du dos, il existe trois amas croûteux ayant également
une disposition cerclée.
Pas d'adenite dans les régions inguinales ou axillaires. Dans la région
parotidienne la lumeur ganglionnaire constatée lors du premier séjour de la
malade persiste avec ses mêmes caractères .
Dės son entrée à l'hospice on prescrit à cette malade 3 grammes d'iodure
de potassium , se rappelant l'insuccès de la médication locale et les bons ré
suliats qu'avait donnés ce médicament à la fin de son premier séjour. Sous
l'intluence de cette médication , les accidents du dos et du coude se cica
trisent promptemeut. Les cicatrices du nez s'assouplissent et blanchissent.
Une bronchite intervenue pendant le cours du traitement oblige de sus
pendre l'iodure de potassium , mais on le reprend pendant la convalescence
à la dose de 1 gramme et la malade sort guéric, le 16 février 1885.
OBSERVATION VI . -
Marie Sch ..., âgée de 49 ans, entre aux Chazeaux,
le 17 février 1883, pour des accidents syphilitiques.
Le nez est fuméfié, rouge, on y remarque de petites saillies pustuleuses,
390 HORAND.

disposées en deux arcs de cercle distincts et très nels . Dans le sillon naso
génien croûtes grises, légèrement saiilantes.
Plaques muqueuses aux deux commissures labiales, recouverfés de la
melles.
Sur la face cutanée de la lèvre supérieure une plaque circinée, dont le
centre a une couleur rouge sombre et un aspect fendillé, tandis que la péri.
phérie est couverte, par place , de petites croûtes grisâtres, saillantes .
Sur le pilier postérieur droit du voile du palais, plaqués muqueuses arron
dies .
Larges cicatrices d'ecthyma sur la face interne de la cuisse gauche, sur le
bord antérieur des deux tibias el sur le genou droit.
Ancienne fracture du cubitus å sa partie supérieure, guérie sans traite
ment et empêchant l'extension complète de l'avani -bras.
État général bon . Quelques étourdissements .
La malade raconte queles accidents de la face ont apparu il y a deur ávis
environ. Mais il y a huit ans , elle a été traitée aux Chazeaux pour l'ecthymná
dont on retrouve aujourd'hui les cicatrices sur les membres inférieurs.
Quant à la cicatrice du genou elle a succédé à une ulcération pour laquelle
elle a fait, il y a dix - neuf ans, un séjour à l'Hôtel- Dieu .
Elle prétend n'avoir jamais eu aucune éruption à la vulve ou sur le corps,
ni aucune autre maladie .
Pas de grossesse. Menopause depuis sept ans .
Aucun antécédent scrofuleux, arthritique ou herpétique. Bien qu'elle nie,
elle parait cependant faire usage des boissons alcooliques.
Quant au traitement qu'elle à suivi jusqu'à ce jour, il a eu pour base
l'iodure de potassium el la malade dit n'avoir jamais pris de mercure.
Pendant son séjour aux Chazeaux, on la soumet à l'usage de l'iodure de
polassium , à la dose de 4 grammes par jour. Elle sort guérie, le 12 fé
vrier 1883 .
OBSERVATION VII . Jeanne G ... , âgée de 28 ans , entre aux Chažcaix,
le 24 janvier 1883, avec son enfant qui est atteint d'une affection cutanée et
elle -même présente des accidents du côté du nez .
Sur l'aile gauche du nez , on remarque une surface rouge recouverte de
petites croutes minces , jaunâtres et parsemée de pustules qui renferment un
liquide jaune marron . A ce niveau, la peau esi épaisse , wedématiée et toute
l'aile du nez est empátéc.
Sur l'aile droite du nez , il existe des cicatrices qui ont succédé à une affec
tion identique.
Cette femme est mariée, elle n'a jamais eu de relations qu'avec son mari
qui, dit- elle, est très sain . Quant aux accidents actuels, ils remontent au
9

mois d'août 1882 et se sont manifestés tout d'abord sur l'aile droite du dez.
A cette époque, elle vint à la consultation externe de l'Antiquaille et fit
usage de l'iodure de potassium pendant trois semaines. Les accidents qu'elle
présentait disparurent et c'est seulement depuis son dernier accouchement,
qui date de douze jours, que de nouvelles lésions ont apparu sur l'aile
gauche du nez .
Elle a eu cinq enfants. Le premier, ágé de 9 ans, est vivant, bien portant.
Le second est né à 7 mois. Le troisième est mort à 14 jours , présentant
une éruption sur la face . Le quatrième n'a jamais eu de bouton , il s'est bien
porté jusqu'à 11 mois, mais à 12 mois il est mort ayant du muguet . Entin, le
cinquième, ågé de 12 jours, entre avec sa mère .
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 391

Cet enfant présente une cutite généralisée, avec desquamation au nivean


de la poitrine et des mains ; les os parietaus paraissent plus durs qu'à l'état
normal, sa tête est bie conformée, quant aux diamètres. Mais cet enfant a
un aspect vieillot et parait très faible . Il offre déjà les signes de
l'athrepsie, ce qui n'est point étonnant ayant été soumis , dès sa naissance,
exclusivement à l'usage du biberon .
On prescrit à la malade de la tisane de salsepareille avec 1 gramme d'io
dure de potassium , puis au bout de six jours, on porte la dose du médica
ment à 2 grammes que l'on continue jusqu'au moment de la sortie de la
malade, qui a lieu le 31 janvier 1883 .
A ce moment, les accidents du nez ont à peu près complètement disparır.
OBSERVATION VIII. - Jeanne M ... , ågée de 24 ans, fille soumise , entre
le 10 janvier 1884 aux Chazeaux, pour une affection du nez.
Cet organe est considérablement augmenté de volume, et constitue une
masse saillante informe.
Sa peau est indurée, épaissie, sa surface est inégale , parsemée de saillies
et de dépressions. Le tout est recouvert d'une production sebacée plus ou
moins épaisse accumulée sous forme de croûtes jaunâtres.
Pas d'adénite sous-maxillaire.
Il y a près de deux mois que le nez a été envahi tout entier par l'éruption,
mais il y a au moins un an que les premiers accidents ont apparu . C'était
d'abord quelques pustules isolées sur le lobule et l'aile gauche du nez , puis
les pustules sont devenues de plus en plus nombreuses et contluentes.
Au mois de mai 1883 , cette malade a fait un séjour aux Chazeaux. A cette
époque, l'éruption occupait le lobule et l'aile gauche du nez. Pendant trois
mois elle prit de l'iodure de potassium å la dose de 3 grammes par jour et
fit des applications de cold - cream à l'oxyde de zinc.
A sa sortie elle était considérablement améliorée, mais depuis, n'ayant
fait aucun traitement , les lésions se sont reproduites et beaucoup étendues .
Cette malade a eu la syphilis en 1879. Elle entra aux Chazeaux avec un
chancre syphilitique situé à la partie inférieure de la petite lèvre droite,
dont on retrouve actuellement la cicatrice très nette de la largeur d'une
pièce de 20 centimes . Elle était alors enceinte . Au mois de janvier 1880 elle
a accouché d'un enfant mort - né macéré.
Ce chancre syphilitique serait à peu près la seule manifestation qu'elle
aurait présentée ; jamais de plaques muqueuses à la vulve ou à la gorge.
Elle avoue seulement avoir eu quelques pustules d'acné sur le cuir chevelu
et quelques papules sur les avant-bras.
Avant d'avoir contracté la syphilis, elle a eu un enfant qui est vivant , bien
portant, ågé de 8 ans .
On ne trouve chez cette malade aucune autre manifestation de la syphilis,
Rien sur les tibias et les clavicules, la cloison des fosses nasales est intacte,
pas de lésions de la voûte pala tine .
Quant à la scrofule, elle a déterminé chez elle différents accidents dans
l'enfance. Cette malade a cu , en effet, des adénites suppurées dans les régions
sous-maxillaires qui ont laissé des cicatrices profondes. Pendant longtemps
aussi elle a eu mal aux yeux. Enfin elle est sujette å l'acné de la face et du
tronc, affection qui est presque costante chez elle.
Relativement à l'alcoolisme, elle avoue faire de temps à autre quelques
excés .
A partir du 12 janvier, cette malade prend 1 gramme, puis 2 , 3 et
392 HORAND ,

4 grammes d'iodure de potassium . Elle sort complètement guérie, le


21 mars 1884. Mais depuis plus d'un mois la cicatrisation du nez était opérée
et la malade n'est restée dans le service que pour attendre que les cicatrices
soient moins apparentes.
OBSERVATION IX. — Eugénie G ..., âgée de 42 ans, entre le 28 février 1884
aux Chazeaux pour une affection du nez.
Cet organe présente une augmentation de volume notable et une rougeur
de la peau. De plus, toute la partie gauche est le siège d'ulcerations de dif
férentes dimensions plus ou moins profondes, recouvertes de croûtes grisâ -
tres. Les croûtes enlevées laissent au-dessous d'elles une ulcération irrégu
lière, remplie de pus . Pas d'adenite sous-maxillaire .
Depuis un mois et demi environ la malade se plaint de violents maux de
tête, localisés surtout au front et qui , actuellement, l'empêchent de dormir.
Pas d'autres manifestations pouvant se rattacher à la syphilis.
Le premier accident du côté du nez date de près de neuf mois . Ce fut
d'abord une rougeur diffuse, puis apparurent de petits boulons qui suppu
rèrent et finalement furent remplacés par des croûtes.
Interrogée au point de vue de la syphilis, la malade raconte qu'à l'âge de
18 ans, son premier mari lui communiqua une maladie vénérienne; c'était
du reste un coureur qu'elle fut obligée de quitter pour cette raison, au bout
de six ans de mariage.
Elle prétend que ce premier accident vénérien ne fut qu'un simple écou
lement; elle ne fit d'ailleurs, à cette époque, aucun traitement antisyphili
tique. Elle n'aurait eu , à ce moment , ni chancre, ni plaques muqueuses.
Toutefois, il y a deux ans, elle a eu des croûtes dans les cheveux. Enfin, il
y a huit mois, elle a été traitée pour une perforation de la voûte palatine
dont elle a été complètement guérie à l'aide de cautérisations avec le nitrate
d'argent pratiquées par un pharmacien et certaines boissons .
Mariée à 17 ans, elle a eu six enfants dont trois survivent. Deux ont suc
combé à des convulsions à 18 mois environ et le troisième à la variole . Elle
a eu également, au moins cinq fausses couches de 2 à 3 mois , dans l'inter
valle des accouchements à terme. Aucun des enfants n'a présenté d'érupiion
et cela à aucune époque de leur vie.
Depuis l'âge de 29 ans, elle n'est plus réglée. Les accouchements à terme
et les fausses couches sont donc antérieures à cet âge.
Elle ne présente aucun antécédent scrofuleux, mais elle est sujette à la
migraine, elle est atteinte de varices el souffre de temps à autre de dou
leurs rhumatismales dans les articulations. Au point de vue de l'herpétisme,
on ne trouve chez elle aucune manifestation . Enfin, quoique dirigeant un
café, elle prétend ne faire aucun écart de régime.
Comme traitement de l'affection actuelle, elle a suivi les conseils de plu
sieurs médecins spécialistes, soit à Lyon, soit à Saint- Étienne. Ils lui ont
conseillé de faire usage de l'iodure de potassium ou du sirop de Gibert.
Dės le 1er mars 1884 , la malade est soumise à l'usage de l'iodure de potas
sium , d'abord à la dose de 1 gramme, puis de 2 grammes et , enfin, le
2 grammes 50. Elle sort, sur sa demande, le 20 mars 1884 , en parfait état.
Les cicatrices sont seulement encore rouges et un peu saillantes .
OBSERVATION X. Claudine S ... , âgée de 37 ans, fille soumise, entre
le for avril 1883 aux Chazeaux, pour une affection du nez el de la lèvre
supérieure.
Le dos et l'aile gauche du nez, la sous- cloison, le sillon naso -génien
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 393

gauche sont recouverts de petites croûtes impétigineuses au -dessous des


quelles il existe une ulcération superficielle ; çà el là deux ou trois petites
pustules acnéiques non encore ulcérées. La peau entre les pustules, ainsi
qu'entre les croûtes, est épaissie et d'une coloration rouge sombre. Sur
l'aile droite du nez elle est saine .
La muqueuse et la cloison des fosses nasales , la voûte palatine sont
intactes.
Sur la partie droite de la face cutanée de la lèvre supérieure , on remarque
une plaque cerclée d'une coloration violacée, dont les bords sont croûteux
et le centre a un aspect cicatriciel . Au voisinage de la commissure labiale
gauche, sur le bord libre de la lèvre supérieure, il existe également une
petite plaque pustulo - crustacée.
Un ganglion engorgé dans la région sous -maxillaire droite lié , au dire
de la malade, à une carie dentaire .
Alopécie diffuse datant de huit ans .
L'affection actuelle a débuté, il y a quatre ou cinq mois , par des déman
geaisons à la lèvre supérieure, suivies de l'apparition d'une rougeur Irès vive
et de petites pustules. A ces pustules ont succédé des croûtes. Au même
moment la malade a eu un abcès de la gencive produit par une carie den
taire .
On lui fit prendre du sirop dépuratif et faire des applications de cata
plasmes de fécule de pomme de terre et des onctions avec une pommade à
l'oxyde de zinc .
La lèvre fut guérie au bout de quinze jours. Un mois après, début de
l'affection du nez par les mêmes symptômes. Enfin, depuis huit jours, réci
dive de la lèvre supérieure . Pas de traitement.
La malade est alcoolique et dit que l'affection est plus accusée apris
chaque ivresse .
Elle n'avoue aucun antécédent syphilitique, mais depuis 1875 , elle a été
traitée à plusieurs reprises aux Chazeaux pour des ulcérations du col utérin
et des chancres simples de la vulve. En 1880 , entre autres, elle a eu une ulcé.
ration de la glande de Huguier droite avec base indurée.
On ne trouve chez elle aucun antécédent scrofuleux , arthritique ou herpé
tique. Ses urines ne renferment pas d'albumine.
Dès le 2 avril 1885, on prescrit à cette malade 2 grammes d'iodurc de po
tassium et on augmente progressivement la dose du médicament, si bien
que, le 15 avril, elle prend 4 grammes d'iodure par jour. A ce moment,
l'amélioration est notable et l'on se propose de continuer la médication
iodurée jusqu'à la sortie de la malade.
OBSERVATION XI . - Marius P ..., ågé de 22 ans, garçon de café, entre
-

à l'Antiquaille, le 16 mai 1881 , pour des accidents secondo-tertiaires.


Sur l'aile droite du nez , on constate l'existence d'une éruption confluente
constituée par des croûtes et des puslules acnéiques. Au -dessous des croûles
la peau est ulcérée, épaissie ; tout autour des pustules elle présente une colo
ration d'un rouge sombre .
De plus, à la partie supérieure de la nuque, on remarque deux ou trois
pustules rouges recouvertes d'une croûte à leur sommet. Il existe également
une plaque tuberculeuse circonscrite dans la région dorsale. Enfin, on re
marque une gomme à la base de la luette avec des plaques muqueuses péri
phériques.
L'éruption du nez date de un mois, celle du dos et de la nuque de qualre
394 HORAXD .

mois . Elles ont débuté par une petite saillie qui est devenue pustuleuse au
bout de deux ou trois jours, puis elle s'est ulcérée et recouverte d'une eroute
le huitième jour .
Le malade a déjá fait, au mois de mars dernier, un court séjour à l'Anti
quaille pour des accidents de même nature qui occupaient la moitié gauche
du front, la commissure labiale gauche, la nuque et l'épaule gauche. Ces
différents accidents existaient depuis trois mois. Il fut soumis à l'usage du
sirop de Gibert, mais on ne put constater les effets de ce médicament, car
il demanda sa sortie au bout de dix jours.
Comme antécédents, il présente tous les attribuls de l'arthritisme. Il n'a
jamais eu aucune manifestation de nature scrofuleuse ou herpétique. Il fait
usage largement de toutes les boissons alcooliques.
Relativement à la syphilis, il présente sur le gland, à gauche du méat , la
cicatrice d'un chancre survenu il y a trois ans , qui fut suivi d'une roséole et
de plaques muqueuses. A cette époque, il fut traité à l'Hôpital du Midi, où
il fit trois séjours de vingt jours, pendant lesquels il fut soumis à l'asage du
sirop de bi-iodure à la dose de 2 cuillerées .
En même temps il prit tous les quatre jours un bain de sublimé .
On prescrit au malade, à partir du 17 mai, 2 grammes d'iodure de potas .
sium , puis 3 grammes, 4 grammes, 5 grammes et 6 grammes. Le 8 juin , Ic
nez est complètement guéri et le 11 juin 1881 , le malade demande så
sortie .
OBSERVATION XII . L ... , âgé de 41 ans , charpentier, entre å l'Apti
quaille, le 9 novembre 1880 , pour des accidents tertiaires de la face.
Ces accidents sont caractérisés par des croûtes épaisses d'un gris jaunâtre
et par des pustules qui occupent la moitié latérale gauche du nez, la région
malaire et la lempe du même côté . Lorsqu'on enlève les croûtes, on aperçoit
une ulceration superficielle arrondie et grisâtre. La peau du nez est d'un
rouge lie de vin , elle est épaissie.
Sur le front on trouve quelques croûtes plus minces, moins larges et des
cicatrices provenant de la guérison de lésions analogues.
Le début des accidents actuels remonte à dix -huit mois et a été caracle
risé par l'apparition de pustules qui, plus tard , se sont ulcérées et recon .
vertes de croùles.
On ne trouve chez ce malade aucune autre éruption pouvant se rapporter
å la syphilis . Toutefois, il déclare avoir eu , il y a douze ans , un chance
dont on voit encore la trace indélibile sur le gland . Il fut traité au moyen de
cauterisations avec le nitrate d'argent et de pansements avec le vin aroma
tique, mais il ne fut soumis pour ce chancre à aucun traitement spécifique.
Aucun antécédent scrofuleux ou herpétique. Quelques manifestations arthri
tiques. Léger degré d'alcoolisme.
A partir du 10 novembre 1880 , ce malade prend 2 grammes d'iodure de
potassium dans de la tisane de salsepareille, puis 33 grammes et 4 grammes.
Il sort en parfait état le 27 novembre 1880 .
OBSERVATION XIII . – Pierre R ... , 68 ans, jardinier, entre a l'Antiquaille,
,
le 26 juillet 1881 , pour une syphilide acneique de la face.
On constate sur le nez et les deux joues, une éruption de pustules , recou .
vertes d'une petite croûte jaunâtre, reposant sur une peau épaissie et d'un
rouge sombre.
Cette affection a fait sa première apparition il y a six ans. Depuis lors
elle revient toutes les années à peu près à la même époque. A chaque poussée
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 395

le malade fait des applications de glycérine et de diverses pommades, mais


il ne suit aucun traitement spécial . La dernière poussée date de deux mois ,
et, comme précédemment, il n'a fait usage que de purgations ou de tisanes .
Il ne présente aucun antécédent scrofuleux ou herpétique. Au point de vue
de l'arthritisme, il a des sueurs faciles , des varices volumineuses, et à plu
sieurs reprises différentes il å sonffert d'une sciatique.
Ildit ne faire aucun écart de regime.
Relativement aux maladies vénériennes, il nic tout accident. Cependant on
constate sur le fourreau deux cicatrices arrondies, blanchâtres au centre, un
peu pigmentées à la périphérie, qui ont succédé à deux ulcerations surve
pues à l'âge de 18 ans . Ces cicatrices ressemblent tout à fait à la cicatrice
indélébilé du chancre syphilitique.
A l'âge de 25 ans , il a eu une éruption pustuleuse du cuir chevelu , avec
chute temporaire des cheveux. Il ne s'est aperçu d'aucune éruption sur le
corps et ne se souvient pas d'avoir eu des maux de gorge . Enfin , il avoue
trois ou quatre blennorrhagies dont il aurait été atteint de 20 à 25 ans .
Mario á 28 ans, il a eu trois enfants bien portants .
Le 28 juillet 1881 , ce malade est soumis à l'usage de la tisane de salse
pareille avec 1 gramme d'iodure de potassium , puis on porte ce médicament
successivement à la dose de 2 el de 3 grammes, et l'on continuic ainsi j'ıš
qu'au 13 août , époque à laquelle le malade sort guéri de sa syphilide
uenėique. ll rentre le 24 août avec une nouvelle poussée de syphilide
aenéique du nez . On lui prescrit de nouveau 2 grammes d'abord , puis
3 grammes d'iodure de potassium. Il quitte l'hospice le 17 septembre 1881 ,
en parfait état .
III

Ces treize observations donnent une idée assez nette des lésions pour
permettre d'en grouper les symptômes.
L'accident syphilitique dont il s'agit , a pour siège la surface externe
du nez . C'est donc une manifestation cutanée . Elle affecte de préférence
les ailes et le lobule de cet organe. Elle envahit quelquefois la partie
voisine des joues, ainsi que la lèvre supérieure , mais elle s'arrête ordi
nairement à la racine du nez et respecte la muqueuse, les cartilages et
les os .
A la période d'état, c'est- à -dire au moment où les malades viennent
consulter, les lésions sont constituées par des pustules d'un volume
variable et à différentes périodes de leur évolution . Elles rappellent par
leur aspect celles de l'acné indurata. Les unes renferment du pus, les
autres sont recouvertes d'une croûte noirâtre. Tantôt elles restent iso
lées, tantôt elles se réunissent, puis elles se rompent et forment alors
une ulcération arrondie, dont les bords sont réguliers, le fond un peu
creusé et grisâtre. Les dimensions varient de celles d'une tête d'épingle
à celles d'une pièce de 20 centimes, suivant que les pustules sont res
ties isolées ou se sont réunies. De plus , cette ulcération sécrété peu et
le pus en se desséchant produit une croûte noirâtre .
396 HORAND .

Les pusiules, disposées sans ordre , reposent sur une peau d'un rouge
sombre, épaissie, empátée, parsemée de quelques petites cicatrices , ro
sées ou blanches, suivant leur ancienneté, rappelant par leur aspect
celles de la variole, et provenant de pustules guéries.
Le nez est augmenté de volume et déformé lorsque les accidents oc
cupent sa totalité . Malgré cela il n'est pas douloureux au toucher et les
malades n'accusent pas de souffrance . Les ganglions sous -maxillaires
ne paraissent pas être influencés par cette manifestation de la syphilis
et toutes les fois que nous les avons trouvés engorgés, ce qui du reste
est arrivé rarement, leur engorgement pouvait s'expliquer par une alte
ration des dents.
Le début de l'accident est caractérisé par une rougeur limitée de la
peau , soit au niveau du lobule, soit sur l'aile du nez ; puis une pustule
apparaît. Au fur et à mesure que la rougeur s'étend le nombre des pus
tules augmente et la peau s'épaissit. Pendant que les nouvelles pustules
se développent, les anciennes se rompent, s'ulcerent, suppurent, quel
ques - unes se cicatrisent. L'évolution a donc lieu par poussées succes
sives , mais lentement, et les lésions ont peu de tendance à la guérison
naturelle. C'est ainsi que chez nos malades les accidents duraient depuis
plusieurs mois ou depuis plusieurs années. Dans un seul cas, ils da
taient d'un mois . Ils existaient seuls ou associés à d'autres manifesta- i
tions de la syphilis, telles que la céphalalgie, une perforation de la
cloison ou de la voûte palatine, une syphilide pustulo- crustacée du
tronc. Quant à l'état général des malades il a paru toujours bon .
D'après les caractères que nous venons d'indiquer, il est facile de
voir qu'il s'agit d'une affection pustuleuse rappelant tout à fait l'acné :
aussi est - ce pour cette raison que nous lui avons donné le nom de syphi.
lide acnéique.
Au point de vue de sa fréquence, nous pouvons dire que nous l'avons
observée 13 fois dans l'espace de 18 ans ; et cela non seulement dans
la clientèle privée, mais encore dans nos services de l'Antiquaille.
En précisant davantage, nous arrivons à cette donnée, que nous avons
constaté la syphilide acnéique du nez : 9 fois sur 3,010 syphilitiques,
6 fois sur 1,297 femmes et 3 fois sur 1,713 hommes.
Cette manifestation de la syphilis est donc rare . Un peu plus fréquente
cependant chez la femme que chez l'homme.
0
Elle constitue un accident tardif. Ainsi, chez nos malades qui se soll 9
venaient avoir eu un chancre, la syphilide acnéique du nez , ne s'est
jamais montrée avant la troisièrne année et semble s'être manifestée vingt
ans et même cinquante ans après le chancre .
Elle n'indique pas une syphilide grave , car nos malades jouissaient
DE LA SYPHILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 397

d'une bonne santé et la plupart ignoraient avoir la syphilis ou n'avaient


pas eu d'autres accidents sérieux depuis leur chancre.
Ce qui ressort nettement de nos observations c'est que le développe
ment de la syphilide acnéiqne du nez est favorisé par l'absence de
traitement antisyphilitique au moment de l'accident primitif et surtout
par l'alcoolisme. Ces deux faits sont du reste en parfait accord avec la
clinique qui démontre, d'une part , que la syphilis tertiaire est plus fré
quente chez les malades qui n'ont pas fait de traitement au moment du
chancre, et d'autre part que l'alcoolisme tend à produire des éruptions
sur la peau du nez.
Quoi qu'il en soit, le pronostic de cet accident n'est fâcheux qu'au
point de vue des cicatrices qu'il laisse après lui , car le traitement spéci
fique produit sur lui les plus heureux efiets .
Quelles sont les affections cutanées qui se développent dans cette
même région et avec lesquelles on peut confondre la syphilide
acnéique ?
La première de toutes est certainement la couperose ou acné rosacea .
Mais si l'on se rappelle que l'acné rosacea est essentiellement caracté
risée par des taches d'un rouge vif ou violacé , à la surface desquelles se
dessinent de petites veinules bleuàtres, taches au milieu desquelles se
forment plus tard des bosselures séparées par des sillons, enfin , et scu
lement à une époque plus éloignée, par de l'acné hypertrophique, la con
fusion entre cette affection et la syphilide acnéique du nez ne peut sub
sister longtemps après l'examen des lésions.
On confond aussi, facilenient, la syphilide acnéique du nez avec l'acné
indurata . Toutefois , celle-ci ne siège pas seulement sur le nez , mais en
même temps elle se manifeste sur les joues, le front, ainsi que sur le
dos et les épaules. De plus, l'acné indurata se montre de préférence
dans la jeunesse. Elle est caractérisée par des pustules rouges d'abord ,
puis violacées, qui suppurent, se déchirent, laissent échapper un bour
billon et donnent naissance en se cicatrisant à un noyau induré dont la
resolution lente reste souvent incompleie.
Il est arrivé aussi de confondre l'impetigo avec la syphilide acnéique
du nez . Cette méprise est facile à éviter si l'on songe aux lésions qui
caractérisent l'inipétigo. Ce qui conduit à comirettre cette erreur, c'est
T'aspect croûteux du nez ; mais, d'une part, dans l'impétigo, les croûtes
sont d'un jaune plus mélicérique, plus molles, moins adhérentes, et ,
lorsqu'on les détache, au lieu d'une ulceration on trouve une rougeur
de la peau et une simple érosion de la couche superficielle . De plus,
l'impétigo est rarement localisé au nez.; lorsqu'il se présente sous forme
aiguë, il existe également sur le reste de la face ou tout au moins sur
les joues . Lorsqu'il affecte la forme chronique, on rencontre ordinaire
398 HORAND .

ment des surfaces eczémateuses au voisinage des oreilles ou sur d'au


tres points du corps.
On a décrit, il est vrai, une forme d'impétigo sous le nom d'impétigo
rodens. Mais cette affection, que noụs avons rattachée au lupus dans
un autre travail, ne saurait être confondue avec la syphilide acnéique du
nez . En effet, le lupus du nez affecte de préférence les enfants ; il a
pour siège dès le début le lobule et se montre tantôt sous forme d'ulcé
ration qui repose sur des tissus rouges et indurés, entourée de petites tu
bérosités ou tubercules, tantôt l'affection est caractérisée par de simples
tubérosités disséminées sur le dos du nez et les ailes, séparées par de la
peau d'un rouge sombre et épaissie . Dans ce cas il n'y a pas, comme dans
la syphilide acnéique du nez, des pustules à différentes périodes de leur
évolution. Souvent aussi les enfants ou les sujets atteints de lupus pré
sentent certains accidents scrofuleux . Enfin, l'affection est de longue
durée et résiste presque toujours à un traitement général. Le traitement
local , semble pour le lupus être seul efficace , dans le plus grand nombre
des cas.
Si l'on était porté à confondre la syphilide acnéique du nez avec le
cancroïde de cet organe, on distinguerait ces deux affections en se rap
pelant que le cancroïde est caractérisé par une ulceration unique qui a
ordinairement pour siège l'aile du nez, le sillon naso-génien. Cette ulce
ration sụccède à une sorte de verrue et se manifeste sur des sujets d'un
âge avancé . Ses bords sont indurés, son fond anfractueux sécrète une
sérosité sanguinolente qui en se desséchant forme une croûte brunâtre.
Cette ulcération s'étend de plus en plus ; elle tend à végéter et bientot
elle s'accompagne d'engorgement des ganglions correspondants. Elle
est aussi le siège de douleurs lancinantes . Le traitement général n'a pas
d'influence sur elle et cette affection dans les cas les plus favorables ne
cède à un traitement local qu'à son début, c'est-à- dire alors que l'ulce
ration est peu étendue.
Nous ferons remarquer également que chez les sujets atteints de syphi
lide acnéique du nez , on peut dans un certain nombre de cas retrouver
les traces de l'accident syphilitique primitif, ou bien les malades avouent
avoir eu la syphilis. Quelquefois aussi la syphilide acnéique du nez s'ac
compagne d'autres manifestations de la syphilis. Enfin , pour éclairer le
diagnostic, on a encore la ressource du traitement spécifique qui , à lui
seul, suffit pour guérir les accidents .
Le traitement, en effet, de la syphilide acnéique du nez est avant tout
un traitement général. Il s'adresse donc à la syphilis et consiste dans
l'usage, à l'intérieur, de l'iodure de potassium que l'ou administre pro
gressivement à la dose de 2 , 3, 4, 5 et 6 grammes. Dans aucun cas,
nous n'avons été obligé de dépasser cette dose.
DE LA SYPIILIDE ACNÉIQUE DU NEZ . 399

On peut en même temps chercher à modifier l'état local , et pour cela


on se sert tout d'abord des cataplasmes d'amidon cuit appliqués tièdes
ou froids. Ces cataplasmes ramollissent et détachent les croûtes . On
fait ensuite usage, soit du cérat au calomel , soit du cold - cream à l'oxyıle
de zinc. Enfin, pour régulariser les cicatrices, il est parfois utile de
faire quelques badigeonnages avec la teinture d'iode. Pendant le cours
du traitement, il est bon d'administrer au malade quelques purgatifs.
Quant à la durée du traitement, elle ne dépasse pas ordinairement deux
mois.
II

SUR UNE NOUVELLE FORME DE MALADIE CUTANÉE :


LA LYMPHODERMIE PERNICIEUSE,
Par le professeur M. KAPOSI ( de Vienne) (1 ) .

Je désigne sous le nom de lymphodermie pernicieuse, une forme de


maladie cutanée qui jusqu'ici n'a pas encore été décrite et qui probable
ment même n'a jamais été observée par d'autres auteurs ; c'est une
maladie dans laquelle, au milieu des symptômes d'un eczéma, tantot
diffus, tantôt réuni en foyers et irrégulièrement localisé, s'accompagnant
de desquamation , de suintement, et de démangeaisons intenses, il s'est
développé peu à peu un gonflement ainsi qu'un empâtement diffus des
parties atteintes, et, bientôt après, des nodosités situées dans la peau
même ou au - dessous d'elle , pâteuses et solides , arrivant à s'ulcérer en
partie, dans laquelle entin , après l'apparition d'un gonflement des gan
glions et de la rate , l'organisme entier a fini par être envahi et la mort
est survenue avec les symptômes de la leucohémie .
N'ayant à ma disposition qu'un seul cas qui représente la base unique
sur laquelle repose la constitution de cette forme morbide nouvelle, je
ne puis mieux en décrire la symptomatologie qu'en donnant ici l'obser
vation clinique dans tous ses détails.

Marie L ... , veuve d'un fabricant de ceintures, àgée de 39 ans, admise lo


14 janvier 1884 .
La malade, de taille moyenne, vigoureusement constituie, et ayant un
fort embonpoint, raconte que depuis plus u'une année déjà elle souffre d'une
maladie de la peau s'accompagnant de démangeaisons et de desquamation,
occupant principalement la figure et les mains, moins fortement les autres
parties du corps et s'étant plusieurs fois presque complètement guérie.
Depuis trois mois, époque du début de la maladie grave à laquelle son
mari a succombé, et dans laquelle elle a dù lui donner des soins ininter
( 1) Traduction intégrale. C'eher cine neue Form von Hautkrankheit « Lym
phodermia perniciosa » , zugleich cin Beitray zur Pathologio der Leukämie, von
Prof. M. Kaposi, in Wien ; Separat- Abdruck aus Melisinische Jahrbücher der k ki.
Gesellschaft der Aertzi, in Wien 1885. - Mit 3 Tifeln . Verlag von W. Braumuller
in Wien .
LYMPHODERMIE PERNICIEUSE . 401

rompus qui consistaient surtout en applications de compresses humides,


- les mains spécialement et la figure sont devenues de nouveau le siège d'un
gonflement plus fort et de gerçures, le suintement et la démangeaison ont
augmenté .
La peau du cuir chevelu , du front, de toute la figure , celle des oreilles et
du cou ont une couleur rouge brun diffuse ; elles sont sèches, épaisses, en
état de desquamation ; la température n'y est pas élevée . Les plis et les
sillons normaux du front et dans la région du cou sont plus fortement accusés.
Sur certains points, particulièrement sur les sourcils, sur les ailes du nez et
9

aux oreilles, on trouve des croûtes minces, jaunes comme du miel, au


dessous desquelles la peau suinte fortement.
Au niveau de la région des clavicules et de la partie supérieure de la poi
trine, surtout dans les aisselles et dans les plis sous-mammaires, la peau est
de même épaissie, tantól påle, tantôt colorée en rouge brun , en voie de des
quamation, humide par places. L'abdomen et le dos présentent des plaques
offrant les mêmes altérations et séparées par des portions de peau saine.
Aux membres supérieurs, la face antérieure ( surface de flexion ) du pli du
coude et de la plus grande partie de l'avant-bras est normale, tandis que le
côté de l'extension du bras présente un certain état de desquamation ; celle
de la région du poignet et des mains est plus ou moins épaissir, sèche,
couverte de squames, fendillée, humide en certains endroits.
A un moindre degré et seulement en foyers disséminés, la peau des mem
bres inférieurs est d'une couleur blanc sale et couverle de squames, le tissu
cellulaire sous-cutané présente des zones d'induration ædémateuse diffuse ; à
colé de cela , la peau des jarrets et du dos du pied est considérablement
épaissie, rugueuse ; celle des jarrels est épaissie et couverle de croûtes
brun jaunâtre. Sur la face de l'extension des membres el sur le tronc on
voit de nombreuses excoriations et des croûtes résultant du grattage.
Les ganglions inguinaux et cervicaux sont tuméfiés et atteignent le volume
d'une noix ; ils sont de consistance ferme .
Sur l'éminence thénar à gauche, ainsi que sur surface de flexion des
deux avant-bras, on sent , dans la couche sous- cutanée, plusieurs nodosités
de consistance ferme, du volume d'un pois à celui d'un auf de pigeon, assez
nettement limitées , et sur lesquelles la peau semble ne pas être notablement
altérée .
Dans l'aisselle droite, furoncle de la grosseur d'une noix de galle.
La malade est tourmentée par de très violentes démangeaisons qui la
privent de son repos nocturne, ainsi que le prouvent les nombreuses mar
ques de gratiage que présente son corps.
Pas de fièvre . Appétit, bon .
L'examen des organes internes montrent qu'ils sont à l'état normal.
L'urine ne contient ni sucre ni albumine.
Traitement : A la figure, pommade de diachylon ; sur le cuir chevelu , le
tronc et les membres, badigeonnage d'huile de foie de morue au goudron.
30 janvier. Le gonflement de la figure a diminué, les parties qui pré
senlaient du suintement sont maintenant recouvertes d'épiderme.
Dans le sillon rétro - auriculaire, dans les endroits où , à l'entrée de la ma
lade, les phénomènes intlammatoires étaient le plus fortement exprimés, on
trouve dans le chorion des infiltrats dont quelques-uns atteignent le volume
d'un euf de pigeon, assez mal délimités et sur certains points se confondant
avec le gonflement påteux du tissu cellulaire sous-cutané; quelques- uns de
ANNALES DE DERMAT. , 26 SERIE , VI. 26
402 KAPOSI .

ces infiltrats ont une consistance ferme, d'autres présentent une fluctuation
manifeste . La peau qui recouvre ces saillies est d'ailleurs, comme celle du
voisinage, normale , pâle, lisse, non desquamante. Un insltrat du même vo
lume existe encore à gauche sur le front, au -dessus de l'arcade sourcilière.
Un nodus plus petit et iluctuant se trouve au -dessus du premier, à la limite
du cuir chevelu .
2 février . - L'épaississement ædémateux qui existait sur le tronc et les
membres inférieurs a disparu ; par contre, sur la surface de flexion des
avant-bras , on sent plusieurs épaississements de la peau sous forme de no
dules ayant le volume d'un pois à celui d'un euf de pigeon . Ces nodules
sont situés dans le chorion , et pénètrent à des profondeurs différentes dans
la couche cellulaire sous - cutanée où ils sont facilement mobiles. Au niveau
du plus petit de ces éléments, la peau ne présente aucune altération; sur
ceux de moyenne grosseur, elle parait tendue et seulement sur quelques
nodosités de gros volume elle est extrêmement rouge .
On trouve des nodosités semblables dans la peau des deux mamelles , prin
cipalement de la droite. L'aréole du mamelon droit présente trois grosses
saillies; de plus, on en sent également dans la peau de l'épigastre et dans
celle de l'abdomen .
Démangeaison perpétuelle et intense ; traces larges et profondes des lésions
produites par le grattage. Sur les zones où le grattage a été le plus intense,
il s'est développé des nodosités, les unes dans le chorion, les autres dans le
tissu sous -cutané . Pour la première fois , la rale est augmentée de volume ;
l'urine présente sa composition normale .
11 février. –- Ouverture spontanée de quelques nodosités, depuis quelques
jours fluctuantes, du visage et de la nuque. Ouverture artificielle d'une nodo
sité sur l'avant -bras droit; il en sort une faible quantité de liquide purulent,
crémeux .
20 février. Si ce n'est que de temps à autre les anciennes nodosilés
s'ouvrent et qu'il en apparait de nouvelles, aucun changement.
27 février. On prescrit la pommade de diachylon pour les bras et celle
à l'oxyde de zinc pour le corps.
15 mars. - Jusqu'à la moitié du mois de mars l'état reste le même; seu
lement la peau du tronc et des membres est peu à peu devenue maniſeste
ment plus påle el mince. Pour la figure , où l'on ne peut constater aucune
diminution des phénomènes antérieurs, on prescrit l'usage alternatif de com
presses à l'acétate de plomb et de la pommade de zinc. Les quelques nodo
sités de l'avant-bras gauche et de la région sterno - claviculaire droite , qui
se sont abcédées ou ont été ouvertes , sont maintenant cicatrisées.
1er avril. – Dans la seconde moitié de mars , l'état de la peau du trone
et des extrémités s'améliore encore, tandis que l'on constate à la figure une
progression manifeste de la maladie, se traduisant par une augmentation
constante de nombre et de volume des nodositės ainsi que de l'épaisseur de
la pean de cette même région .
On emploie alternativement la liqueur de Burow et la pommade de zinc.
La rate , mobile, présente une augmentation considérable de volume. Rien
d'anormal dans l'urine .
15 avril. Dans la première moitié d'avril, il se développe de nouveau
des nodosités dans la peau du tronc, et on constate une infiliration séreuse
commençante. Cependant, les altérations sur les membres inférieurs sont
manifestement diminuces.
LYMPHODERMIE PERNICIEUSE . 403

14 mai. La peau de la jambe est påle et ne présente plus de nodosités .


Du reste, l'état est peu changé.
16 mai. Les lésions sur le thorax ont augmenté de volume, en même
lemps qu'il s'est produit une infiltration séreuse du reste de la peau.
22 mai. Après un état stationnaire de plusieurs jours, il survient une
-

nouvelle augmentation des symptômes précédeminent énumérés.


La peau est fortement tendue et rouge sur les saillies qui occupent la ré
gion supérieure de la poitrine et celle des clavicules .
1er juin . Sur ces points , il s'est produit des pertes de substance arron
dies , atteignant parfois les dimensions d'un thaler, plates, reposant sur une
base rouge vif ; la peau du thorax est fortement ædémateuse sur le reste de
la surface .
La malade, qui est constamment dans le décubitus dorsal, présente les
signes d'une bronchite capillaire.
3 juin ,. - Augmentation de tous les symptômes. Un gontlement adéma
teux considérable occupe figure, et les nodosités ont considérablement
augmenté de volume.
4 juin . La malade est défigurée par la présence de saillies indurées ,
avant jusqu'au volume d'une noix de galle , sur les sourcils, les ailes du nez
et les lèvres ; l'aspect est léontiasique , comme dans la lépre. Les pavillons
très élargis sont éloignés du crâne . L'ouverture palpebrale, par tuméfaction
des voiles , est rétrécie au point de ne plus représenter qu'une fente linéaire.
Les orifices des narines sont élargis de plus du double de l éiat normal
raides et immobiles .
La peau du thorax est ædemateuse , énormément tuméfiée ; dans cette ré
gion, comme à la figure, nodosités isolées de consistance ferme, atteignant
jusqu'au volume d'une noix de galle . Hydropisie ascite ; anasarque.
7 juin . Augmentation de l’ædėme universel avec conservation de l'état
normal de l'urine .
Le circuit horizontal du crâne est de 58 centimètres. La distance de la
tempe au menton, 36 centimètres. La circonférence du cou, 41 centimètres.
Distance entre les deux mamelons, 33 centimètres. Circonférence du thorax
au niveau des seins, 119 centimètres.
Le sang, examiné par le médecin assistant, Dr Riehl, d'abord ayant le
début du gonflement de la rate , puis à trois époques séparées, a permis de
constater une diminution constante et progressive du nombre des corpuscules
sanguins et une augmentation continuelle de l'état de leucémie. En dernier
lieu, par millimètre cube, 3,800,000 corpuscules rouges et 125,000 corpus
cules blancs, ce qui donne 3 0/0 de corpuscules sanguins blancs.
10 juin. — Par suite de l'augmentation continue de l'ædème, les nodosités
du thorax ont un peu perdu de leur consistance.
12 juin . - Sur les points les plus divers du corps, suintement de sérosité
à travers la peau fendillée et crevassée .
Les nodosités situées sur le thorax se sont, pour la plus grande partie,
ouvertes et transformées en ulcerations serpigineuses, mollasses, irréguliè
rement délimitées et complètement plates .
13 juin . - Le membre inférieur gauche est frappé de paralysie d'une
manière aiguë .
14 juin . La mort survient d'une façon tout à fait subite, alors que la
malade se sentait encore relativement bien la veille.
404 KAPOSI.

Autopsie (pratiquée par le professeur Kundrat).


Le corps est de taille moyenne, il est dans sa totalité luméfié par adėme
intense, la tête est monstrueuse, ne présentant plus que de rares cheveux,
dont la plus grande partie semblent étre cassés au-dessus du niveau de la
peali.
Les fentes palpebrales ont disparu par suite du gonflement de ces organes;
la peau de la figure est transformée en plis larges et bosselės, qui vont se
confondre au loin , en dehors et en bas, avec le cou qui présente lui-même de
semblables replis transversaux et est par cela même fort épaissi , de telle
sorle que la tête semble reposer immédiatement sur le tronc.
Les sourcils et les cils sont en partie bombés, en partie conservés sous
forme de courts tronçons .
Le menton fait une forte proéminence hémisphérique.
En proportion du gonflement dont ils sont atteints, le thorax est très large,
l'abdomen distendu ; la glande mammaire droite est très volumineuse, dure ;
la gauche est molle, un peu augmentée de volume, mais tlasque ; la peau
dans la profondeur des plis , au cou et à la figure, est ulcéréc superficielle
ment, recouverte d'un enduit de macération , fétide en quelques points, el
mélangé de détritus purulent.
Sur la partie supérieure de la poitrine et de la région axillaire droite , au
dessous du sein , sur certains points du côté externe des membres supérieurs,
avec ou sans élevures, la peau est recouverte de croûtes au niveau des pe
tites nodosités, et revèlue au niveau des plus grosses tumeurs d'un enduit
rouge et pour ainsi dire granuleux. Enfin , sur les membres supérieurs, dans
les endroits qui ne présentent pas un gonflement ni une infiltration bien
remarquables, surfaces lenticulaires, confluentes, jaunâtres et desséchées ,
dépourvues d'épiderme,
En dehors de cela, la peau , dans sa généralité, est tendue , lisse , ædéma
teuse ; on sent à travers son épaisseur des nodositės dures, petites , altei
gnant le voluine d'un pois, dont quelques-unes mèmes se manifestent à la
vue par une légère proéminence .
Des coupes pratiquées sur la peau permettent de voir que le tissu cellu
laire sous-cutané est fortement ædematié , de sorte que les lobules graisseur
sont tranformés en masses gelatineuses, transparentes, ressemblant à de la
gelée, dans lesquelles on trouve encore, le plus souvent au centre , mais
parfois aussi à la périphérie, des éléments adipeux conservés qui tranchent
fortement, par leur coloration jaune, sur le tissu gélatineux grisâtre ; le tissu
connectif interstitiel est épaissi et condensé , le chorion infiltré, idématiė .
Dans le tissu cellulaire altéré on trouve, au niveau des tuméfactions disse.
minées dont nous avons parlé en dernier lieu, des lobules graisseux de cou
leur blanc rougcatre, passés en totalité ou en partie à l'état gélatineux .
Ces nodosités, pour le plus grand nombre arrondies, mais dont une partie
aussi est cylindrique, ont généralement leur siège dans les lobules adipeux,
avec condensation du tissu cellulaire interstitiel graisseux .
Au niveau des plus grosses tuméſactions, on trouve aussi , sous la peau ,
des espaces pleins, mesurant environ 4 centimètres carrés et au delà , formes
d'éléments uniformes, atteignant la dimension d'un pois , très rapprochés les
uns des autres, formant des agglomérations qui ont jusqu'à 5 millime
tres d'épaisseur, offrent à la coupe un aspect lobulé qui tranche avec celui
des couches plus profondes du tissu sous-cutané simplement dématiées.
LYMPHODERMIE PERNICIEUSE . 405

Dans les endroits où de gros nodules font saillie à l'extérieur au -dessus de


la peau , ces tumeurs s'étendent dans la même proportion au-dessous d'elle
dans une épaisseur de 1 centimètre à 14,5 , présentant à peu près un aspect
blanc comme le tissu médullaire , mais ayant toujours une structure mani
festement lobulée .
La peau elle-même , au niveau des plus petits nodules, paraît ædémateuse ,
ou bien, dans les points où elle est superficiellement ulcérée, même sur la
surface de section, elle est, aux points qui ont été le siège d'une inflamma
tion particulièrement intense , injectée et rouge. Au-dessus des masses
épaisses plus volumineuses, la peau est transformée en une masse lardacée
qui n'est pas nettement délimitée d'avec les tissus sous -cutanés . Ces nodosités
sous- cutanées et ces infiltrats cutanés sont particulièrement développés dans
la glande mammaire droite, dans laquelle les premières forment des tumeurs
du volume d'un auf de poule , qui sont profondément enchåssées dans le tissu
de la mamelle, fortement yascularisé, alrophié, et dans le tissu graisseux
ædématié, mais qui ont néanmoins conservé leur structure lobulée propre.
Au menton seulement on observe une autre disposition du néoplasme qui
atteint ici une épaisseur de 3 centimètres, à savoir qu'il est formé de fais
ceaux disposés en pelotons rayonnant en forme de roue à partir de la houppe
du menton, de manière qu'il présente l'aspect d'un carcinome fasciculé.
Les tumeurs de la figure, comme celles des joues et des sourcils, sont
également formées par des infiltrats lardacés de la peau. Aux oreilles, sur
leur surface postérieure, la peau est transformée en une couche lardacée,
gélatineuse , de 0,5 d'épaisseur.
Les os du crâne sont minces , spongieux , contenant peu de sang . Le cer
veau et ses membranes sont vides de sang, humides.
Dans la cavité de la bouche et de la gorge se trouve un liquide muco
séreux .
La muqueuse des voies aériennes est påle. Le poumon droit sur tout son
pourtour, le gauche au niveau du lobe supérieur , présentent des adhérences.
La cavité pleurale gauche contient environ 1 litre de sérum mélange de flo
cons de fibrine . Le lobe inférieur gauche est comprimé, lisse , vide d’air et
exsangue. Sur sa face externe, on voit des points du volume d'un pois , un
peu indurés, arrondis en surface , où le tissu sous-pleural a pris une couleur
blanchâtre et est épaissi , et où le parenchyme pulmonaire est traversé par
des cordons blancs ramifiés, qui se terminent sans délimitation par des infil
Irats d'un rouge påle . Dans le poumon droit il y a quelques indurations iso
lées, en forme de cordons ; les poumons sont d'ailleurs congestionnés et for
tement ædematiés .
Le cæur est mou ; dans ses cavités, sang liquide avec un caillot de fibrine
volumineux.
Dans l'abdomen, environ 1 litre de sérosité. Le foie est très volumineux ;
sur le fond d'un brun foncé, une sorte de réseau blanc enveloppant le pa
renchyme dans ses mailles .
La rate est quatre fois plus grosse qu'à l'état normal , très compacte, sa
pulpe a sa couleur rouge påle uniforme qui lui est propre.
L'estomac, l'intestin sont considérablement distendus, leur muqueuse est
påle.
Les reins sont mous, décolorés .
L'utérus est påle ; les ovaires, ratatinés.
Les ganglions lymphatiques sont transformés en tumeurs lardacées, gros
406 KAPOSI .

comme des noix et même davantage. Ceux du creux de l'aisselle et du pli


de l'aine forment des masses assez volumineuses, mais qui, par suite de la
tumefaction du tissu cellulaire, ne font pas saillie extérieurement.
La moelle osseuse, au niveau du sternum , des vertèbres, et des os du
tarse est grisâtre, celle des os longs dans les renflements des épiphyses est
grisâtre également ; dans la cavité médullaire propre des os, jusqu'à un
point assez rapproché de la périphérie, elle est rouge brun allant jusqu'an
noir.
A l'examen microscopique, j'ai trouvé que les tumeurs de la peau , quoique
présentant les plus grandes différences sous le rapport du volume, du degré
de développement et de la localisation , offraient toutes le même caractère ana
tomique. Elles étaient entièrement composées d'un stroma à fibres fines,
dépourvu de vaisseaux, avec des corpuscules conjonctifs pauvres en proto
plasma dans les points où des cellules et des noyaux lymphoïdes pa raissaient
réunis en amas extrêmement denses et libres dans les espaces intercellu
laires de ces tumeurs . Les cellules, sous le rapport de leurs dimensions el de
leur conformation , ressemblaient aux cellules de la lymphe, avec un grand
noyau et un protoplasma finement granulé dépassant peu le noyau . Un petit
nombre de ces cellules ont un double noyau. C'est toujours dans le voisinage
des lobules graisseux que l'on trouvait la plus grande quantité d'infiltration
lymphoïde, ce qui était manifeste surtout dans les petites tumeurs . C'est évi
demment de là aussi que, dans les tumeurs plus volumineuses, le développe
ment devait provenir. Sur des parties de lobules graisseux qui, à l'æil nu, ne
présentaient pas de transformation médullaire, mais qui avaient seulement ਜੇ

plutôt un aspect hyperémique et un peu lardacé et qui débordaient sur la


surface de section , on trouvait déjà un dépôt de leucocytes en trainées le
long des vaisseaux sanguins .
Dans les points où l'infiltration lymphoïde avait pénétré jusque dans le
chorion et la couche du réseau de Malpighi, cette dernière paraissait bien *

encore nettement délimitée d'avec la tumeur; cependant, par suite de l'inter


calation de quelques cellules lymphoïdes, cette même couche paraissait en
certains points relâchée et prête à se soulever . C'est probablement de cette
manière qu'ont été amenées les ulcérations plates dont on peut voir le type
sur le dessin représentant la coupe microscopique fig. 1 , pl. XII. Sur
>

d'autres points, comme cela est évident dans cette même fig . 1, je réseau
de Malpighi a déjà projeté des végétations atypiques vers le chorion sous
forme d'appendices simples ou ramifiés.
Aussi bien à l'æil nu qu'avec le microscope, il n'était pas possible de cons
tater une délimitation nette entre les tumeurs lymphoïdes et le tissu voisin.
Là , aussi bien sur la limite qu'à l'intérieur des grosses tumeurs dans les
zones interstitielles des différents lobes qui composaient ces tumeurs, on
constatait l'existence d'un tissu conjonctif présentant ici sa densité normale
et là des mailles larges au contraire, boursouflé comme du verre , ne con
tenant que de rares dépôls de cellules lymphoïdes, et n'offrant pas une vas.
cularisation exagérée.
Quant aux glandes et à leurs conduits excréteurs qui se trouvaient dans
le voisinage des tumeurs examinées à l'aide de différentes coupes, elles oc
cupaient leur situation normale ; mais les cellules pariétales des canaux
sebacés et sudorifères étaient !uméfiées et les parois de ces conduits engainés
de tractus épais de cellules lymphoïdes. La follicule et la gaine radiculaire
des poils paraissaient ne pas avoir subi d'altération même dans les points où
LYMPHODERMIE PERNICIEUSE . 407

ils traversent une lumeur lymphoïde. Les cellules des lobules graisseux sont
tantot disposées par groupes, tantôt écartées les unes des autres, et loujours
enveloppées d'une quantité considérable de cellules lymphoïdes qui suivent
le contour de chaque cellule graisseuse ; de même dans la tumeur provenant
du menton, dont la coupe est représentée fig. 2, pl . XII, les faisceaux mus
culaires sont écartés les uns des autres en forme d'éventail. C'est cette der
nière circonstance qui, à l'æil nu , donnait à la coupe d'une nodosité prove
nant du menton l'aspect d'une structure fasciculaire.
D'après l'examen anatomique et la démonstration faite par M. le Dr Pal
lauf, assistant å l'Institut anatomo-pathologique, les nodosités que l'on trouva
disséminées dans les couches sous - pleurales des poumons et dans d'autres
parties de ces organes présentaient une analogie complète avec les tumeurs
de la peau .

II

Il y a deux signes qui donnent à l'observation qui précède un cachet


particulier : d'abord la dermatose par elle -même; secondement, le rap
port indubitable qui existe entre cette dernière et la leucohémie cons
tatée .
Ces deux circonstances réclament une discussion approfondie.
Au moment de l'entrée de la malade à l'hôpital et encore pendant un
certain temps après , l'aspect clinique de l'affection cutanée ne différait
en rien de celui de l'eczéma universel chronique. Sur les membres, au
bas -ventre, sur le cuir chevelu et sur les pavillons des oreilles , il y
avait une desquamation pityriasique avec épaississement à peine no
table de la peau , çà et là les traces d'un grattage intense, sous forme de
points ou de lignes d'écorchures, de surfaces modérément humides ou
couvertes de croûtes d'un brun jaunâtre ; en proportion de l'intensité et
de l'étendue de ces altérations, la coloration de la peau est normale, ou
d'un rouge brun påle, ou pigmentée, foncée ; à la figure, au cou et sur
la partie supérieure de la poitrine, il y a un épaississement plus consi
dérable du chorion , les plis et les sillons de la peau sont plus accusés ;
il y a un ædème ferme et diffus du tissu cellulaire sous -cutané.
Dans les symptômes qui frappent de suite la vue il n'y avait donc rien
qui appelàt une appréciation spéciale du cas . Mais ce qui s'imposa de
suite à moi comme quelque chose de particulier, ce fut la disproportion
entre l'état d'épaississement du tissu cellulaire sous- cutané et l'altéra
tion des couches supérieures du chorion ainsi que de l'épiderme dans
les régions de la figure, du cou et des clavicules , et, d'un autre côté, le
manque de rapport entre ces altérations et l'état pathologique de la peau
des extrémités; ce fut, en outre, l'état anémique prononcé de toute la
peau , état qu'il était impossible de méconnaitre même sur les parties les
plus fortement atteintes.
408 KAPOSI ,

Certes , j'étais bien habitué à voir un tel ensemble de phénomènes


pathologiques dans l'eczéma universel très ancien chez des individus
âgés et plongés dans le marasme; mais dans ce cas ce sont les membres
et en particulier les membres inférieurs qui toujours sont le plus
atteints, et quand, à la suite d'une dermatite durant des années et d'une
dépression de la nutrition à l'épaississement du chorion il vient s'ajouter
une infiltration vedémateuse du tissu cellulaire sous- cutané , c'est tou
jours encore sur les membres inférieurs que ces symptômes se dévelop
pent d'abord et le plus fortement. Sur les régions supérieures du corps,
quand même l'eczéma y existe depuis des années , le chorion sans doute
s'y montre proportionnellement épaissi , pigmenté en foncé, rugueux et
fendillé ; mais un ædème pâteux aussi marqué du tissu cellulaire sous
cutané peut à peine se produire dans ces régions ou du moins il ne le
peut pas d'une façon aussi prépondérante par rapport aux parties dé
clives du corps .
La pachydermie de la peau de la face, telle qu'elle se produit ordinai
rement à la suite d'érysipèles répétés, n'a aucune analogie avec la ma
ladie que nous venons de décrire .
Ma pensée se trouva donc d'avance dirigée dans ce sens que , dans ce
cas , il y avait un ædème lymphatique du tissu cellulaire sous -cutané
dans une région où il n'était pas motivé au point de vue de l'anatomie
topographique ; que par conséquent cet ædème devait avoir une cause
particulière.
Mais comme il n'était pas possible de trouver aucune cause locale
pour expliquer la stase considérable de la lymphe dans cette région et
que l'on ne pouvait même pas y songer, ma pensée se rejeta de suite à
la recherche d'une cause générale qui fût capable de déterminer la for
mation d'un infiltrat lymphatique et, prenant en même temps en consi
dération la pâleur générale de la peau , la leucohémie me parut être la
cause la plus probable de la maladie .
L'apparition dans la peau et le tissu cellulaire sous -cutané des nodo
sités que nous avons décrites, ne pouvait que me fortifier dans cette idée
que j'avais — j'en conviens conçue de suite. Les tumeurs du chorion
même ne se distinguaient en rien des formes furonculeuses qui sont si
ordinaires dans l'eczéma chronique, surviennent le plus souvent d'une
façon assez aiguë, et qui tantôt se nécrosent et tantôt disparaissent par
voie de résorption .
Les nodules sous-cutanés cependant avaient un cachet particulier : ils
donnaient au doigt plutôt la sensation de condensations locales de l'intil
tration diffuse, sans délimitation tranchée , et non pas celle de tumeurs
néoplastiques hétérogènes, qui se sont introduites dans les tissus .
Il y avait donc là un motif logique suffisant, à une époque assez rap
LYMPHODERMIE PBRNICIEUSE . 409

prochée du début de la maladie, longtemps encore avant que l'on eût


noté le gonflement de la rate , pour diriger l'examen dans le sens de la
leucohémie. La proportion des globules sanguins, examinée à diverses
reprises par mon assistant de cette époque , le D' Riehl, donna ce ré
sultat , que nous avons déjà mentionné, qu'il y avait en moyenne
125,000 globules sanguins blancs contre 3,800,000 rouges dans 1 cen
timètre cube, ce qui permettait d'admettre l'existence d'une leucohémie .
De même que pendant la vie de la malade le gonflement progressif
de la rate me l'avait fait soupçonner , de même l'autopsie, en révélant
l'état de maladie de la rate , de la moelle des os et des glandes ainsi que
les infiltrats lymphatiques dans les poumons, nous a fourni de nouvelles
preuves de l'existence d'une leucohémie .
Le caractère histologique des éléments cutanés, qui concorde parfai
tement avec celui des infiltrats qui existaient dans les poumons ainsi
qu'avec les altérations des ganglions et de la moelle des os , la concor
dance et la proportionnalité de leur développement avec les autres phé
nomènes pathologiques, – ce que l'on a pu constater dans la marche
clinique de la maladie, tout cela ne laisse subsister aucun doute sur
ce point que la maladie cutanée en question n'ait fait partie intégrante
dans ce cas de l'affection leucohémique.
De la sorte, notre observation se présente tout d'abord comme un com
plément essentiel et un agrandissement considérable (capital) de la
pathologie actuelle de la leucohémie.
On sait qu'aux deux formes originairement établies par Virchow , le
créateur de la doctrine de la leucohémie, la forme splénique et la forme
lymphatique, il faut, depuis que E. Neumann a fait connaitre la ma
ladie de la moelle des os qui appartient à la leucocythémie et qui sou
vent même est primitive, il faut, dis-je , en ajouter une troisième à
laquelle Mosler donne le nom de myelogène ou médullaire .
D'après l'état actuel de la science au sujet de la leucohémie, il est
permis d'admettre que l'hyperplasie leucocythique de la rate, des
ganglions lymphatiques et de la noelle des os peut former d'une façon
équivalente le point de départ de l'affection constitutionnelle qui porte
le nom de leucocythémie, quand même l'altération des globules san
guins ne présente pas le caractère primitif et particulier de la leucohémie
Biesiadecki). De même on peut admettre que, dans les cas où la maladie
est arrivée à son complet développement, les tissus et les organes que
nous avons énumérés plus haut paraissent également atteints par le mal,
de sorte que sous le rapport de l'origine anatomique de la maladie on
ne peut parler que de formes « mixtes » . Comme symptômes consécutifs
de la présence dans le sang d'une trop grande quantité de cellules lym
phatiques provenant des sources que nous avons indiquées, on n'a
410 KAPOSI .

mentionné jusqu'ici que des lésions des organes internes , spécialement


une infiltration diffuse et sous forme de nodositės, production de nodules
lymphomateux, s'accompagnant de symptômes de dépression générale
de la nutrition et d'un état pathologique des vaisseaux sanguins se ma
nifestant par une tendance aux hémorrhagies.
Quant à la peau toutefois, excepté l'unique cas de Biesiadecki sur le
quel nous reviendrons plus tard, on n'a jusqu'ici observé dans les cas
de leucocythémie même les plus développés aucune forme pathologique
d'un caractère spécifique en dehors de la pâleur et d'une tendance assez
rare aux hémorrhagies.
Comme on le voit, d'après notre observation , la symptomatologie ac T

tuelle de la leucohémie doit être complétée en ajoutant que , dans cette


maladie , en outre des lésions des organes internes qui sont déjà con
nues, il peut aussi survenir des productions lymphomateuses de la peau
et du tissu cellulaire sous - cutané, affectant au point de vue de leur appa
rition et de leur marche les caractères cliniques que nous avons décrits
précédemment, et présentant la constitution et la structure histologique
que nous avons exposées.
Maintenant , de quelle manière devons-nous nous figurer la relation
qui existe entre la lésion cutanée leucohémique que nous avons décrite
et l'affection leucohémique elle-même ? 11

L'idée la plus simple et qui le plus souvent se présente tout d'abord à


l'esprit, serait que, de la même manière que l'état pathologique de la rate,
des ganglions et des os ou le sang sont considérés d'une façon équiva
lente comme pouvant être la source de l'affection leucohémique, de
même que avec ces différents points de départ il peut se produire dans
certains organes internes des dépôts de cellules lymphatiques et se for
mer des tumeurs lymphatiques, de même il peut à l'occasion , comme
dans notre cas , se former des dépôts de même nature dans les éléments
de la peau . La production de lymphomes sous forme de tumeurs plus
volumineuses et pourvues d'un stroma devrait plutôt être considérrie
comme des formations secondaires, qui doivent leur développement à
l'irritation locale provoquée dans le tissu cutané par les leucocytes
qui y sont déposés et qui y séjournent, à la prolifération de celui-ci et
du tissu autochtone.
Alors il resterait encore la nécessité d'admettre que l'eczéma, qui s'est
manifesté avec tous ses signes objectifs et subjectifs, s'est développé de
son côté comme la conséquence de l'irritation locale causée à la peau
par le dépôt de leucocytes.
Ou bien on pourrait aussi se figurer que l'eczéma á existé comme
dermatose essentielle déjà avant la leucohémie ou indépendamment de
celle-ci , et que les lymphomes se sont développés dans la peau déjà
LYMPHODERMIE PERNICIEUSR . 411

malade comme sur un locus minoris resistentiæ , Dans l'eczéma chro


nique, le tissu cellulaire sous-cutané est certes déjà bien préparé pour
les stases et les accumulations de lyinphe dans ses vaisseaux et dans
ses espaces lymphatiques, comme cela est la règle pour l'eczéma des
membres inférieurs. L'eczéma fournirait donc les causes occasionnelles
pour l'accumulation tantôt diffuse adème lymphatique tantôt en
forme de nodosités, des cellules lymphatiques, laquelle à son tour a
donné consécutivement naissance aux altérations histologiques du tissu
graisseux infiltré.
La corrélation de la dermatose que nous venons de décrire avec la
leucohémie étant mise hors de doute , il nous reste encore maintenant,
afin de bien apprécier sa valeur et ses caractères pour des observations
ultérieures possibles, à examiner la place qu'elle doit prendre parmi les
affections cutanées connues jusqu'ici, autant qu'elle pourrait présenter
avec ces dernières plus ou moins d'analogie ou de ressemblance.
Et d'abord , pour ce qui est des altérations de la peau que l'on a jus
qu'à ce jour observées dans la leucohémie, elles n'ont jamais - excepté
un seul et unique cas - présenté aucun caractère qui permît de les
distinguer des lésions que l'on rencontre également dans des états de
la santé générale reconnaissant une autre origine ; particulièrement elles
n'ont jamais présenté dans leurs caractères rien de spécifique qui fùt de
nature à faire penser de suite à la leucohémie.
Biesadecki s'est déjà exprimé dans le même sens , à ce sujet , dans la
publication dont nous parlerons un peu plus loin , de sorte que sur ce
point je ne puis que répéter ses propres explications.
Jusqu'ici , dans la leucohémie, en fait de lésions de la peau , on n'a le
plus souvent observé qu'une anémie modérée, et dans la période de ce
que l'on appelle la leucohémie cachectique, une certaine tendance aux
hémorrhagies.
Virchow décrit « des éruptions de furoncles sur le nez et entre le
pouce et l'index de la main droite » , suivies d'une inflammation phleg
moneuse et de gonflement de la peau de la paume des mains, d'érup
tion de vésicules et de pustules sur les mêmes points et de fonte puru
lente du tissu cellulaire .
Dans le cas désigné par Oppolzer et Lichmann sous le nom de
phlébite et lymphangite spontanées et auquel Virchow donne celui de
leucohémie, il se forma un furoncle à la nuque et sur la peau de tout le
corps un exanthèrne ressemblant à la varioloïde.
Mais à l'autopsie on trouva, en outre du furoncle, à la figure, au cou,
sur le dos , la poitrine et les extrémités, – mais plus compactes sur la
poitrine, – un grand nombre de grosseurs du volume d'un pois, molles,
-

fluctuantes, au -dessus desquelles l'épiderme s'exfoliait en lames .


412 KAPOSI .

Dans le cas désigné par Lautner sous le nom de pyémie générale,


il est dit : « La peau du ventre, du dos et de la face postérieure des deux
cuisses présente de nombreux abcès de la grosseur d'un pois à celle d'un
silbergroschen, remplis de pus, superficiels. )
Si maintenant on laisse de côté les faits d'Oppolzer et de Lautner qui,
certainement, ne présentent pas d'une manière évidente le caractère leu -
cohémique, alors il ne reste réellement plus qu'à dire avec Biesadecki
que, dans la leucohémie , telle qu'elle a été établie, jusqu'à présent on
n'a que rarement vu des inflammations furonculeuses et phlegmoneuses
de la peau , par conséquent pas des affections offrant un caractère spéci
fique, mais qu'en dehors de l'anémie et de pétéchies on n'y a observé
ancune espèce d'altérations de la peau .
Par contre , il y a une observation décrite précisément par Biesa
decki avec beaucoup de détails et d'exactitude, dans un travail publié
en 1876, relative à une affection leucohémique de la peau , affection
dont la corrélation avec la lencohémie ne peut faire l'ombre d'un doute .
Il s'agit d'un malade , âgé de 50 ans, qui , admis à l'hôpital le 22 oc
tobre 1872 , y mourut le 15 novembre suivant. Chez ce malade on trouva
en très grande quantité et très serrés les uns contre les autres, au visage
et sur le dos, isolés au cou, sur la poitrine, sur le dos des mains, dans
l'aine et au jarret, des petits nodules du volume d'un grain de millet à :
celui d'une lentille, faisant une saillie plate , d'un rouge pâle, lisses, situés
dans le chorion et que l'on pouvait faire mouvoir en même temps que ce
dernier sur le tissu cellulaire sous -cutané peu abondant. Un petit nombre
seulement de ces nodules atteignait le volume d'un haricot , leur con
sistance était molle ; quelques -uns étaient déprimés au centre ou exfo
liés. A certaines places, ils semblaient réunis en plaques bosselées ou,
comme derrière les oreilles, en collier de perles. Les nodosités, qui
avaient dû faire apparition neuf semaines avant l'entrée du malade à
l'hôpital, ne se modifièrent pas pendant la durée de l'observation ; il
sembla seulement s'en former de nouveau pendant le même temps.
Chez ce malade tous les signes de l'affection et de la cachexie leu
cohémique (gonflement de la rate et des ganglions lymphatiques) exis
taient déjà lors de son entrée à l'hôpital, de sorte que le résultat de la
recherche de la leucohémie au moyen de l'examen du sang , etc. , était
connu d'avance, ce qui en même temps donna aussi l'idée que les tu
meurs de la peau , qui ne s'expliquaient pas sans cela , devaient également
appartenir à l'affection leucohérnique. Dans ce fait, l'examen microsco
pique des nodules de la peau , pratiqué aussi bien pendant la vie qu'après
la mort, a montré qu'ils étaient constitués par des cellules lymphoides,
et Biesiadecki a réussi à démontrer jusqu'à l'évidence leur relation ge
nérique avec la leucohémie .
LYMPHODERMIE PERNICIEUSR . 413

Il s'agissait donc bien là d'un cas de leucohémie avec tumeurs leu


cohémiques de la peau.
Ces tumeurs avaient pour la plupart le volume d'un grain de millet à
celui d'une lentille ; un petit nombre, celui d'un haricot ; elles avaient
toutes leur siège dans le chorion ; les plus grosses seulement pénétraient
jusque dans le tissu cellulaire sous-cutané. Les petites n'étaient pas net
tement délimitées, les grosses l’étaient d'une façon très tranchée .
Notre cas se distingue de celui de Biesiadecki d'une manière très es
sentielle. Chez notre malade la peau avait été pendant des mois le siège
d'une altération diffuse, et cela sous la forme obscure d'un eczéma
accompagné de démangeaison, de desquamation et de suintenient, et
d'un edeme diffus, em pâté, lymphatique du tissu cellulaire, et ce n'est
que plus tard qu'il se développa de gros nodules dans ce dernier, qui
de là se propagèrent dans le chorion . L'affection qui se développa dans
ce dernier sous forme de nodosités avait le caractère et la marche du
furoncle eczémateux ordinaire.
D'un autre côté , dans notre cas , l'état pathologique de la peau nous
fit penser à la leucohémie à une époque où les symptômes qui en dehors
de cela caractérisent cette affection n'étaient pas encore développés.
Enfin , ainsi que je l'ai exposé précédemment, la corrélation de la
dermatose avec l'affection leucohémique se montrait d'une façon indu
bitable, mais la maladie cutanée se présentait sous le rapport clinique
comme le premier symptôme de la maladie générale ; aussi ai-je cru
devoir la différencier sous le rapport de la terminologie, et je lui ai donné
le nom de lymphodermia (perniciosa ).
J'ai voulu en tout cas éviter un nom rappelant celui de leucodermie,
ce dernier étant déjà depuis longtemps adopté pour désigner une pig
mentose (achromatosis , vitiligo) .
Je ne suis pas en état, il est vrai, de donner aujourd'hui une sympto
fuatologie de la lymphodermie dépassant le cadre de la description con
tenue dans l'observation que j'ai exposée plus haut; mais il est bien sup
posable que, comme dans le cas de Biesiadecki, il s'est produit dans le
chorion des nodosités leucohémiques de la grosseur et de la nature de celles
que nous avons décrites ; d'autres manifestations , d'autres formes encore
de maladie leucohémique de la peau viendront avec le temps s'offrir à
l'observation des médecins. Alors un jour viendra où toutes ces formes
constitueront l'ensemble de la maladie que j'ai appelée lymphodermia.
Probablement aussi alors on aura trouvé les intermédiaires — qui font
-

jusqu'ici défaut - entre l'un et l'autre extrêmes et la physionomie de


cette maladie se sera unifiée et complétée.
D'un autre côté, je dois par avance exclure de la lymphodermie toute
la série de ces formes morbides de la peau fongoso -inflammatoires
414 KAPOSI .

et qui , suivant mon avis, mènent à la sarcomatose de la peau, dont


le premier de tous a été observé à notre clinique et décrit par Geber
sous le titre : Sur une forme fongoso - inflammatoire de tumeur
de la peau et figuré dans les pl . IX et X. De telles formes pathologi
ques, mentionnées par des observateurs postérieurs à Geber soit sous
le même nom, soit assimilées à la maladie qu'Alibert appelait mycosis
fongoïde, ont été introduites dans la littérature sous cette dernière dé
nomination ; ou enfin ont été publiées sous le nom de lymphadénie
cutanée par une série de médecins français qui acceptaient la déno
mination donnée par Ranvier, et tout récemment, par Auspitz et Schifi
sous le nom de granuloma fungoïdes; - formes au sujet desquelles,
par exemple, Galliard mentionne expressément, et comme une chose
caractéristique, l'absence de lymphadénomes viscéraux et de leucohémie.
De même les formes de maladies fongoso -nodulaires de la peau
décrites par Köbner sous le nom de sarcomatosis cutis et par un
grand nombre d'auteurs sous celui de frambæsia, ne doivent pas être
confondues avec notre lymphodermie ; pas plus que la forme décrite par
moi sous le nom de sarcome pigmentaire multiple idiopathique de la
peau .
Enfin, on doit encore exclure ici toutes les productions de boutons et
de tumeurs de la peau qui se manifestent sous forme de dilatations et de
néoplasmes des vaisseaux lymphatiques de la peau, les grosses tumeurs
Jymphangiomateuses, comme les tumeurs lymphatiques caverneuses , les
varices lymphatiques et aussi la forme pathologique que j'ai décrite
sous le nom de lymphangioma tuberosum multiplex.
Je dois me contenter de citer simplement cette grande série de derma
toses différentes et de dénominations plus différentes encore , parce que
souvent elles ont été confondues les unes avec les autres et interprétées
de différentes façons par les auteurs, et que cela nous conduirait trop
loin d'en donner à cette place un exposé détaillé .
Qu'il me suflise d'insister sur la différence totale de ces affections
avec ma lymphodermie, et cela spécialement à propos de la lympha:lénie
cutanée de Ranvier.
RECUEIL DE FAITS .

IRITIS HÉRÉDO -SYPHILITIQUE CHEZ UNE ENFANT


DE SIX MOIS ,
Par le Dr A. TROUSSEAU .

Il est à peine besoin de rappeler combien est difficile la recherche de


la syphilis héréditaire, quelle obscurité enveloppe encore bien des points
touchant cette importante question pathologique, et quelle est la grande
valeur de tous les faits empreints de cette netteté qui séduit toujours
le clinicien .
Je crois ne pas faire euvre inutile en publiant ici une intéressante
observation d'iritis hérédo-syphilitique remarquable par les caractères
convaincants de l'affection et surtout par la précision des renseigne
ments recueillis sur les parents de l'enfant qui a présenté les phéno
mènes que je vais décrire.
Il existe dans la science un très petit nombre d'observations tout à
fait complètes, quoique cette question ait souvent éveillé l'attention, de
puis le remarquable mémoire d'Hutchinson, qui , s'il n'a pas publié la
première observation de ce genre qui est due à Lawrence, a eu le grand
mérite de rassembler des faits caractéristiques, de les comparer les uns
aux autres avec un rare esprit de sagacité et finalement d'entraîner la
conviction de tous les observateurs impartiaux.
Le manque de documents tient moins à la négligence des observateurs
qu'à la rareté même de l'affection . On sait qu'Hutchinson, au moment
où il examinait scrupuleusement les yeux de tous les enfants qu'on lui
présentait, est resté 7 ans sans en observer un seul cas à l'hôpital libre
métropolitain où on amenait pourtant un grand nombre de malades at
teints de syphilis congénitale.
Voici l'observation que j'ai recueillie :
Le 25 avril 1885, Jeanne F... , petite fille de 6 mois, est amenée par sa
mère à ma clinique ophtalmologique.
Il y a six semaines, sur les paupières do celte enfant apparurent des croûtes
qui laissaient suinter un liquide louche ; en même temps se produisait une
assez vive rougeur de la conjonctive bulbo -palpebrale de l'ail gauche. Un
416 A. TROUSSEAU .

médecin appelé à donner ses soins à la petite malade , diagnostiqua une ble
pharo-conjonctivite et prescrivit des soins de propreté ainsi que des instilla
tions de collyre au sulfate de zinc . Ce traitement fut suivi très régulièrement ;
les croûtes palpéhrales disparurent, mais l'æil rougit davantage et commença
à se troubler. La mère inquiète de cet état se décida à m'amener son enfant.
A cette première visite, je constate que les paupières sont entièrement
revenues à l'état normal. L'enfant ne peut ouvrrir læil et semble vivement
gènée par la lumière du jour. L'affection dont elle est alleinte est en pleine
période aiguë et parait très douloureuse. Pour faire un examen sérieux je
suis obligé d'avoir recours à l'écarteur des paupières, et je puis alors cons
tater l'état de l'organe malade.
Il existe une rougeur très vive de la conjonctive et spécialement de la con
jonctive bulbaire. La cornée est trouble, mais laisse voir à sa surface pos
térieure un léger piqueté blanchâtre ; l'humeur aqueuse est louche. L'iris
présente, dins les points oui il est possible de l'apercevoir, un changement
notable de couleur; la membrane a pris une teinte verdålre ; clle est bour
souflée par places , et semble adhérer à la cristalloïde antérieure en plusieurs
points; la pupille déchiquetée est rétrécie. Des petites nodules jaunâtres font
saillie dans la chambre antérieure. L'aspect de l'æil est peu satisfaisant; il me
parait assez caractéristique pour que je me croie autorisé à porter le dia
gnostic d'iritis hérédo -syphilitique.
Je fais des réserves au point de vue du pronostic à cause de l'intensité du
processus, des synéchies peut-être diſticiles à vaincre et enfin des lésions pro
fondes possibles .
Je prescris des compresses d'eau boriquée chaude à mettre en permanence
sur l'ail malade , plus trois instillations par jour d'un collyre å l'atropine ; å
l'intérieur je donne la liqueur de Van Swieten sur le refus de la mère de
soumettre son enfant aux frictions mercurielles et à l'ingestion de l'iodure
de potassium
L'enfant étant fatiguée et la mère se trouvant très pressée de rentrer chez
elle, je n'avais pu faire un examen complet de ma petite malade et j'avais
posé un diagnostic d'impression .
Le 27 avril, la petite fille est ramenée; j'interroge la mère sur une syphi
lis probable chez elle ou chez son mari . Elle oppose à mes questions les dé
négations les plus formelles ; pourtant ma conviction était déjà faite à cause
des idées que celle femme avait émises sur les frictions et sur l'iodure de
potassium, idées qui me faisaient soupçonner qu'elle avait de ces agents
thérapeutiques une connaissance assez approfondie et qu'elle appréciait mal
les services que ceux -ci avaient pu lui rendre à une certaine époque.
En continuant mon interrogatoire, j'apprends que l'enfant est régulièrc
ment venue à terme sans incident , qu'alors elle n'a rien montré de remar
quable , mais que 3 semaines après sa naissance elle a présenté quelques
éruptions localisées à la face et aux cuisses.
Je fais déshabiller la malade qui semble admirablement constituée el ne
presente à première vue aucune trace suspecte. Ce n'est qu'en écartant les
fesses que je remarque la présence de syphilides qui me confirment dans
mon diagnostic .
Le 28 avril , les symptômes oculaires sont un peu moins aigus, la cornie
est moins trouble ; on peut constater que les nodules jaunes sont au nombre
de deux ou trois et siègent pris du bord pupillaire à la partie supéro -interne
de l'iris .
IRITIS HÉRÉDO- SYPHILITIQUE CHEZ UNE ENFANT DE six mois . 417

Le 30 avril, l'amélioration s'est encore prononcée, la cornée et l'humeur


aqueuse ont repris leur transparence et on voit admirablement les nodules
dejà signalés entourés d'une zone brunâtre et laissant en partie libre la face
antérieure de l'iris .
Le 3 mai, les synéchies ont toutes cédé, la pupille est assez bien dilatée,
les nodules ont diminué de volume.
Le 6 mai, marche rapide vers la guérison; la résorption des exsudats se
fait mieux que je ne l'avais d'abord supposé; il n'y a plus le moindre symp
lôme inflammal oire ; ni rougeur, ni photophobie; l'enfant ouvre très bien
l'ail. Je finis par faire adınettre à la mère l'iodure de potassiuen que je
prescris à la dose de 50 centigrammes; je supprime la liqueur de Van
Swieten .
Le 18 mai , la guérison est complète, il n'y a plus de synéchies, la pupille
est très bien dilatée ; toutefois l'iris semble légèrement atrophié et conserve
une teinte verdàtre . Je peux pratiquer l'examen ophtalmoscopique; les mi
lieux sont parfaitement transparents ; le fond de l'ail est normal; je ne vois
de particulier que quelques faibles traces de synéchies rompues sur la cris
talloide antérieure .
L'état général de l'enfant est parfait; les syphilides anales ont presque tout
à fait disparu .
Je considère l'affection oculaire comme terminée ; j'insiste vivement pour
que l'usage de l'atropine soit continué encore quelque temps et pour que l'io
dure de potassium ne soit pas supprimé sans nouvel avis .
La mère très satisfaite de la tournure qu'ont prise les choses se décide ,
sur de nouvelles instances, à me faire des aveux complets et voici ce que j'ap
prends d'elle .
Cette femme, âgée de 26 ans , s'est mariée en seconde noces au mois de
juin 1883. Son premier mari mort phtisique n'a jamais eu d'affection spéci
fique. Elle a eu de lui deux enfants ; le premier est mort de méningite tuber
culeuse à six mois ; le second actuellement vivant a toujours été bien portant.
Jamais elle n'a fait de fausse couche et sa santé a toujours été excellente
pendant cette première union .
Trois mois après son second mariage , Mme F ... a eu des accidents syphi
litiques très nets constatés par son médecin habituel (chancre, roséole, pla
ques muqueuses). Ces accidents lui ont été transmis par son second mari .
Elle a suivi alors pendant trois mois un traitement (pilules de prolo -iodure)
qui a fait disparaitre tous les phénomènes ; ceux-ci , å son dire, n'ont jamais
reparu depuis. C'est huit à neuf mois après ce deuxième mariage que cette
femme a senti les premiers symptómes de la grossesse qui nous intéresse .
Cette grossesse s'est très bien passée et l'enfant est venue à terme sans in
cident .
Le père avait contracté la syphilis cinq mois avant d'épouser Mme F ..., soit
huit mois avant de l'avoir contagionnée. A ce moment ila était en pleine
puissance d'accidents secondaires (plaques muqueuses). Il a suivi un traite
ment mercuriel et n'a pas tardé à l'abandonner au bout de quelques jours
les accidents ayant cédé rapidement . Depuis il parait s'être bien porté.

Le fait que je viens de rapporter prête à quelques commentaires .


Il se rapproche de ceux déjà observés par l'âge de la malade qui a
conimencé à souffrir de l'ail à 5 mois 1/2. La plupart du temps c'est à
ANNALE ; VE DERMAT . , 2° SÉRIE VI . 27
418 A. TROUSSEAU .

cette époque que l'iritis fait son apparition et elle devient d'autant plus
rare qu'on s'éloigne plus de la naissance.
L'enfant est du sexe féminin , on sait que les filles paraissent plus
souvent aiteintes que les garçons (?? )
Les exsudats ( sur la nature desquels je reviendrai) ont été abondants;
c'est un caractère fréquent.
La cornée est restée indemne comme dans presque tous les cas pu
bliés ; en effet, je ne veux pas considérer comme une véritable altéra
tion propre à la membrane transparente le trouble très passager que j'ai
signalé plus haut.
Ce fait confirme encore la règle en ce qui concerne le temps écoulé
entre l'infection des parents et la naissance de l'enfant contaminée. Il
s'agissait d'une syphilis relativement jeune des parents, puisque l'infec
tion de la mère avait eu lieu 14 à 15 mois avant l'accouchement et celle
du père 24 à 26 mois avant cette époque.
Au moment de la conception les deux époux semblent avoir été in
demnes d'accidents spécifiques; pendant tout le temps de sa grossesse
la mère n'a pas présenté un seul accident spécifique ; l'intérêt de tout
ceci me semble résider dans la précision des détails .
L'ail gauche seul a été atteint; l'iritis est restée monoculaire, comme
on le voit généralement.
Si le fait que j'ai signalé a des points communs avec ceux déjà con
nus, il s'en éloigne par certains côtés .
Ainsi l'iritis a été très aiguë, les phénomènes douloureux ont eu une
grande intensité ; il y avait de la photophobie et une grande vascularité
conjonctivale ; en général cette variété passe pour torpide.
Il est rare que les entants atteints d'iritis hérédo - syphilitique ne pré
sentent pas en même temps diverses autres manifestations de la diathèse,
(coryza, éruptions cutanées, etc. ), et une cachexie plus ou moins mar
quée.
Notre petite fille semblait, au contraire, jouir d'une santé florissante;
c'était, on peut le dire, une enfant superbe et à part les syphilides ano
fessières rien n'aurait pu faire supposer l'affection diathésique. Un en
fant peut donc être en puissance de vérole et présenter une apparence
des plus satisfaisantes . D'où cette nécessité pour le médecin de se livrer
à un examen des plus minutieux alors qu'il aura à se prononcer sur un
cas possible d'intoxication . Dans le doute il faudra toujours renouveler
les investigations et ne jamais se fier à l'aspect extérieur du malade.
Dans le cas particulier il est à peu près certain qu'un praticien qui exa
minerait notre petite malade, à la légère, pourrait se croire en droit de
nier la syphilis. En effet, à l'heure où j'écris , cette enfant ne présente
plus de syphilides, elle n'a aucune déformation caractéristique, elle på
IRITIS HÉRÉDO -SYPHILITIQUE CHEZ UNE ENFANT 'DE SIX MOIS . 419

rait forte et saine et la vérole n'a laissé qu'une trace discréte dans l'ail
atteint où on pourrait trouver une légère coloration spéciale de l'iris .
L'inflammation irienne a affecté une allure assez particulière puisque
j'ai pu observer en même temps des signes d'iritis séreuse et d'iritis
parenchymateuse ou plutôt gommeuse.
Les troubles de l'humeur aqueuse, le piqueté de la membrane de Des
cemet sont l'apanage de l'iritis séreuse ou « aquo capsulite » des anciens
qu'on considère anjourd'hui avec plus de raison comme une vraie lym
phangite. D'autre part la couleur jaunâtre des nodules, le liseré bru
nåtre qui les a entourés, leur siège au niveau du bord pupillaire à la
partie supéro -interne de l'iris, la guérison rapide avec atrophie et chan
gement de coloration de la membrane sont des signes qui me paraissent
assez nets pour affirmer la présence de gommes iriennes.
On sait que Colberg ( Arch. f. opht., t . VIII) a démontré l'identité des
nodules jaunâtres de l'iris avec les gommes (au début) des autres or
ganes ; je suis donc parfaitement autorisé à donner de ces productions
l'interprétation précédente. Il n'y aurait pu y avoir ici confusion qu'en
tre des abcès ou des tubercules, mais la question me semble jugée par
la disparition rapide de l'affection sous l'influence du traitement sans
parler des autres circonstances concomitantes. Ces productionsgommeuses
sont rares, mais on ne peut, depuis les travaux de l'auteur que je viens
de citer , mettre leur existence en doute un seul instant.
Le professeur Fournier a insisté sur l'apparition de l'iritis au moment
des phénomènes secondaires, chez l'adulte, cette observation confirme
sa façon de voir.
Hutchinson a recherché si « l'aquocapsulite » pouvait exister dans
la syphilis héréditaire et il est arrivé à des conclusions négatives. Il rap
porte six observations d'iritis séreuse, et dans un seul cas il y avait lien
de soupçonner la vérole . Outre l'affection gommeuse notre malade a
présenté des symptômes très nets d'iritis séreuse ; ne pourrait-on dé
duire de cela la possibilité de l'existence isolée de « l'aquo capsulite >>
dans la syphilis héréditaire ?
Le fait que je viens de publier me semble, en résumé, devoir encou
rager les ophtalmologistes à rechercher la vérole chez les jeunes enfants
atteints d'inflammation oculaire. La part de cette diathèse est certaine
ment plus grande que celle qu'on lui accorde généralement. Le cliniciun
sera largement payé de ses peines alors qu'un examen consciencieux lui
aura révélé la vraie cause de l'affection qu'il veut combattre. Il trouvera
le cas échéant, dans le traitement antisyphilitique, une arme puissante
qui, comme dans notre observation, le conduira à un rapide succès. Ce
traitement aura le plus souvent raison d'affections même fort graves en
apparence . Il est à peine besoin de dire que plus il sera institué de
420 A. TROUSSEAU .

bonne heure, plus il se montrera efficace . Néanmoins, je crois que, même


dans les altérations anciennes, on devra y avoir recours avec confiance.
On ne saurait trop dire combien est grande l'importance de l'examen
des yeux des individus chez lesquels on est appelé à rechercher les tra
ces de la syphilis héréditaire. Beaucoup d'iritis hérédo -syphilitiques sont
méconnues dans l'enfance, et par suite laissent une marque indélébile
qui pourra guider le médecin dans son diagnostic rétrospectif.
En mettant tout cela en lumière, Hutchinson a rendu à la science un
signalé service et il a droit à la reconnaissance de ses confrères puisqu'il
leur a permis d'être utiles là où , sans lui , ils seraient impuissants.
II

SYPHILIS. ACCIDENTS CÉRÉBRAUX AU DÉBUT DE LA PÉ


RIODE SECONDAIRE (DEUX MOIS APRÈS L'APPARITION DU
CHANCRE ) . - HÉMIPLÉGIE DROITE..- TRAITEMENT SPÉCI
- -

FIQUE . GUÉRISON .
Observation recueillie à l'hôpital Saint-Louis dans le service
de M. le Pr A. FOURNIER,

par M. Ménétrier, intorne du servico .

Le nommé G ... , Joseph, garçon marchand de vins , ågé de 26 ans, est


entré le 17 janvier 1885, salle Saint-Louis, n ° 16, à l'hôpital Saint-Louis, dans
le service de M. le professeur Fournier .
Au commencement du mois de novembre 1884 , cet homme s'est aperçu
qu'il avait à la partie moyenne de la face dorsale du gland une petito ulce
ration. Celle-ci est restée ouverte pendant un mois environ. Durant ce temps ,
le malade n'a pas consulté de médecin ; il a seulement reçu les soins d'un
pharmacien qui lui a donné une pommade pour son chancre, et ne lui a pas
fait prendre de traitement interne . A la suite du chancre, il n'a éprouvé aucun
autre accident, ni du côté de la bouche , ni du côté de la peau ; pas de maux
de tète , pas de chute des cheveux ; et il s'est parfaitement porté jusqu'au
mercredi 14 janvier.
Ce jour -là, sans aucun excés, sans fatigue antérieure, il a commencé à res
sentir un violent mal de tête ; et , le lendemain , ne se trouvant pas mieux il a
pris une purgation. Il est resté encore couché toute la journée du vendredi ;
il se sentait seulement mal à l'aise , souffrait de la tête , mais n'était pas para
lysé. – C'est le samedi (17 juin), à son réveil , qu'il s'est pour la première
fois aperçu de l'impotence de sa jambe et de son bras droits. Cette hémiple
gie était du reste asscz incomplète , pour lui avoir permis de venir à pied å
la consultation de l'hôpital. En remontant dans ses antécédents, on apprend
ceci : son père et sa mère sont vivants et bien portants; il a cu neuf frères ou
sæurs, qui tous (sauf un , mort à 20 ans d'affection aiguë) jouissent d'une
bonne santé . Lui- même n'a jusqu'à présent fait aucune maladie un pou sé
rieuse. — Il est depuis neuf ans à Paris. Enfin, quoique son métier l'ex
pose à faire des excès alcooliques, il affirme n'en point faire habituellement,
et l'on ne trouve pas chez lui de signes manifestes d'une intoxication de ce
genre .
Au moment où nous l'examinons pour la première fois ( 18 janv . ), l'état de
G ... est le suivant : la face n'est pas déviée au repos, mais, dans les mou
vements nécessités par la parole , dans le rire surtout, il y a une asymétrie
trės nelte entre les deux moitiés du visage, et la bouche est entrainée vera
-

la gauche. — Les orbiculaires des paupières sont indemnes. - La langue


tirée hors la bouche est déviée à droite ; elle est maladroite dans ses mou
422 A. FOURNIBR .

vements , surtout pour l'articulation des sons . Il n'y a pas de déviation du


voile du palais .
Quoique l'hémiplégie siège à droite, le malade peut encore se servir de
son bras droit, mais celui-ci est très faible . La main , au dynamométre,
n'exerce qu'une pression de 7 kilogrammes. — La main gauche, plus forte,
ne l'est pas beaucoup, puisqu'elle ne peut faire un effort de plus de 30 kilo
grammes .
La jambe droite est également faible ; cependant le malade peut encore
marcher, pourvu qu'il soit un peu aidé. La démarche est vacillante, titu
bante, comme ébrieuse ; et , quoique la jambe droite soit manifestement la
plus faible, qu'elle fléchisse sous le poidsdu corps, et que la pointe du pied
traine sur le sol, les troubles de la marche ne sont pas dus uniquement à la
7

paralysie droite. La jambe gauche n'a pas non plus sa force normale , et cette
attitude ébrieuse parait surtout provenir du trouble général survenu dans les
fonctions cérébrales.
Les réflexes rotuliens sont intenses, un peu lancés ; ils paraissent égaux
des deux côtés .
Il n'y a de troubles de la sensibilité générale ni d'un côté, ni de l'autre.
La vue est égale pour les deux yeux. L'ouie est très affaiblie à droite;
mais le malade nous apprenil que son oreille est malade depuis 8 à 10 ans,
qu'il a de temps à autre un écoulement purulent par le conduit auditif ex
terne , et l'examen permet de constater une ancienne perforation du tympan.
Le malade parle mal ; il bredouille ses mots , mais il les trouve facilement, et
tous les troubles de la parole paraissent uniquement sous la dépendance de
la gêne qu'il éprouve à mouvoir sa langue. Autrement, ni la faculté du lan
gage, ni l'intelligence ne paraissent atteintes. On fait lire le malade à haute
voix, ce dont il s'acquitte assez bien, sauf son bredouillement, et l'on s'as
sure qu'il comprend bien ce qu'il lit. Du reste, il parait également bien com
prendre les questioas qu'on lui pose , et il y répond assez nettement .
On trouve sur la face dorsale du gland, une cicatrice pigmentée, brunâtre ,
arrondie , qui est la trace du chancre du mois de novembre dernier. – Dans
l'aine droite, pléiade ganglionnaire encore volumineuse, dure et indolente.
-

Enfin sur tout le tronc, mais plus nette en arrière, roséole caractéristique ,
en voie d'effacement.
Il n'y a pas de lésions de la bouche.
Rien à l'auscultation du coeur. Rien dans les poumons . Les urines ne ren
ferment ni sucre, ni albumine.
La langue est nette ; l'appétit est conservé .
Le malado a bien dormi la nuit dernière, et il ne souffre plus de la tête.
Ce jour même on lui fait une friction avec la pommade mercurielle double
(6 grammes).
19 janvier. Le malade a bien dormi ; il mange avec appétit ; pour le reste,
même état que la veille :
Traitement. Iodure de potassium 3 grammes.

Frictions avec 6 grammes de pommade mercurielle .


Vésicatoire à la nuque.

20. La démarche est encore aussi incertaine que le premier jour. Malgré
cela, le malade s'est levé dans la journée et est resté assis sur une chaise
auprès du poêle.
SYPHILIS CÉRÉBRALE SECONDAIRE . 423

21. Mieux léger ; la parole est un peu plus facile . La main semble serrer
avec plus de force. La marche n'est pas celle d'une hémiplégie pure et
simple, car le malade levé, marche assez rapidement, mais trébuche à la
façon d'un homme ivre, va de travers et tomberait , si on ne le soutenait.
Debout sans marcher, il est également incertain sur ses jambes, il oscille , et
tomberait encore si on ne venait à son aide. (Altitude ébrieuse.)
Pas de douleurs de téle ; bon appétit.
22. L'amélioration continue; il marche en boitant davantage, mais titube
moins ; il a néanmoins toujours besoin d'élre aidé .
23. Il a bien passé la nuit ; il parle assez facilement ce matin , tout en
bégayant encore un peu .
24. Il peut maintenant marcher seul, sans être soutenu, mais il boite et
laisse trainer à terre la pointe du pied droit; en revanche il ne titube plus.
Il reste levé la plus grande partie de la journée.
25. Le mieux continue. Au dynamométre, 15 kilogrammes avec la main
droite , et 30 avec la gauche. Il peut commencer à se servir de sa main
droite pour manger et s'habiller. — Il boite toujours, et parfois sa jambe
droite fléchit légèrement ; mais enfin il marche seul, sans même s'aider aux
objets voisins . — Il bégaie à peine. — Pas de douleur de tête.
Bon appétit. - Dort bien , et se plaint seulement que ses forces ne re
viennent pas assez vite pour lui permettre de reprendre son travail .
26. Diarrhée légère pendant la nuit. Son oreille droite a recommencé à
couler. Cet écoulement est fort ancien, et se montre par intermittences
depuis une dizaine d'années.
27. Parle bien , mais pas encore très nettement. Boite un peu, mais marche
vite, seul, sans aide , sans trébucher .
Au dynamomètre : main gauche 30 kilogrammes ; -
main droite 20 kilo
grammes .
La roséole est maintenant complètement effacée.
30. Le malade va bien , mais la force musculaire reste à peu près au même
point (main droite 20 kilogrammes ).
1er février. Main gauche 30 kilogrammes. Main droite 28 kilogrammes .
30 23
5. 30 28
7 février. 35 35

Il boite à peine en marchant, ct parle sans bégaver.


12. Main gauche 45 kilogrammes. Main droite 36 kilogrammes .
20 . 48 40
12 mars . Les deux mains font 45 kilogrammes .
15 . Main gauche 48 kilogrammes. Main droite 40.
19 . 45 47 .

Le 20 mars, le malade part pour Vincennes. — Il marche bien sans boi


ter . Il se sert bien de ses deux mains . Parle facilement , mais avec une cer
taine lenteur. - En somme, on peut le considérer comme rétabli de son
affection cérébrale .
REVUE GÉNÉRALE .

DES RELATIONS DES DERMATOSES AVEC LES AFFECTIONS


DES REINS ET L'ALBUMINURIE ,
Par le Dr Georges THIBIERGE , ancien interne des hôpitaur.

Les relations qui , dans l'état physiologique, unissent étroitement la


sécrétion urinaire et la sécrétion sudorale sont de connaissance ancienne,
d'observation facile en même temps qu'elles sont d'une vérité incontes
table . Lorsque, sous une influence quelconque, telle qu'une modifica
tion de la température extérieure, la sécrétion sudorale diminue ou
augmente, la quantité d'urine subit des modifications en sens inverse :
sous le rapport de l'excrétion de l'eau , ces deux sécrétions sont absolu
ment antagonistes et suppléent l'une à l'autre .
Ce fait a servi de point de départ à toutes les recherches qui tendent
à faire admettre des relations entre les affections cutanées et les désor
dres de la sécrétion urinaire . Lorsque les travaux de Bright et de ses
successeurs ont établi l'existence et la symptomatologie des inflamma
tions du rein , il a été invoqué pour expliquer la production d'une
néphrite à la suite d'un refroidissement, puis bientôt pour rendre compte
de la néphrite qui survient dans la convalescence de la scarlatine.
C'est encore la relation qui unit l'appareil sécréteur de la sueur avec
l'appareil de la dépuration urinaire qui a mis sur la voie des mé
morables expériences de Fourcault, dans lesquelles on voit des animaux
devenir albuminuriques lorsque leur tégument externe a été recouvert
d'un enduit imperméable .
Après ces expériences, aujourd'hui classiques, la notion de l'albumi
nurie consécutive aux troubles de la fonction cutanée fut admise par
tous ; une explication aussi simple devait, en effet, faire fortune et si
les physiologistes discutaient sur le mécanisme de la production de l'al
buminurie après le vernissage des animaux , les cliniciens et les patho
logistes admettaient presque sans conteste que, chez l'homme, les di
verses affections d'une notable portion du tégument externe peuvent
s'accompagner d'albuminurie et même de néphrite . Cette question de
l'albuminurie d'origine cutanée sera tout d'abord l'objet d'un chapitre
étendu, dans lequel nous étudierons tous les faits d'albuminurie, symp
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 425

tomatique ou non d'une lésion du rein , d'une véritable néphrite, car,


il est, on le sait souvent dilficile de décider, à propos d'un fait parti
culier, si l'albuminurie relève ou non d'une altération anatomique du
rein, et, en outre, les faits d'albuminurie et de néphrite se touchent
d'assez près pour qu'il soit utile de les étudier simultanément.
Nous serons amenés, dans ce même chapitre, à envisager quelques
faits où l'albuminurie, sans coïncider dans le sens strict du mot avec
une affection cutanée , présente cependant avec elle des relations inti
mes , lui succédant ou alternant avec elle.
Nous aurons ainsi montré l'influence que les dermatoses peuvent
avoir sur la production des affections des reins et des troubles fonction
nels de ces organes . Nous aurons encore, dans une seconde partie , à
exposer quelques faits moins vulgarisés assurément, moins bien connus
aussi , mais non moins intéressants, grâce auxquels on peut établir que
les aftections des reins et les altérations du sang qui leur succèdent
agissent sur la peau pour l'altérer ou tout au moins lui faire subir des
modifications fonctionnelles : ce chapitre sera la contre-partie du précé
dent et nous fera voir combien peuvent être complexes les relations des
maladies des reins avec les affections cutanées, combien parfois le pro
blème pourra être embarrassant, lorsqu'il s'agira de savoir quel est, du
rein ou de l'appareil cutané, l'organe qui a été primitivement atteint et
qui a entrainé l'altération de l'autre.

PREMIÈRE PARTIE .

De l'albuminurie et des néphrites consécutives aux affections cutanées.


Des traces de ces complications des dermatoses pourraient être trou
vées dans un certain nombre d'auteurs anciens ; on peut même lire dans
Hippocrate l'histoire d'un homme atteint de prurit qui, guéri de son
affection cutanée par les bains chauds, devint hydropique et mourut.
On est en droit d'admettre que cetædèmerelevait d'une altération des reins
consécutive à une affection cutanée de nature indéterminée. A l'époque
où la théorie des métastases était en grande faveur, les auteurs d'ouvra
ges sur les maladies de la peau ne manquaient pas d'indiquer que la
rétrocession d'une dermatose peut être suivie d'une inflammation des
reins; jusqu'aux travaux de R. Bright, cette inflammation des reins était
souvent plutôt soupçonnée que démontrée et nous ne croyons pas utile
de donner ici une liste d'auteurs qui parlent d'une inflammation des reins
dont ils ne soupçonnaient pas les caractères cliniques et dont les carac
tères anatomiques leur étaient à peu près aussi inconnus.
De R. Bright, ou plutôt de l'époque qui suivit sa découverte et qui fut
426 G. THIBIERGE .

féconde en travaux de premier ordre sur la pathologie rénale, datent les


premières notions quelque peu précises sur le sujet qui nous occupe .
L'albuminurie est d'abord signalée dans l'anasarque scarlatineuse ,
dans la variole, dans l'érysipele ; mais de temps à autre on signale le
développement de la néphrite dans les dermatoses généralisées, dans
l'eczéma par exemple ; Rayer, dans son Traité des maladies des reins,
consacre déjà un chapitre à cette variété de néphrite ; il cite à l'appui de
son existence deux observations sur lesquelles nous aurons à revenir.
Dès lors , il est peu d'auteurs qui n'aient cité avec plus ou moins de
complaisance les maladies cutanées comme des causes de néphrites
aiguës, qui n'aient fait la comparaison entre cette néphrite et celle
qu'engendre un refroidissement et la suppression de la transpiration. En
France, comme en Allemagne ou en Angleterre, si l'on en juge par les
traités généraux de pathologie rénale, cette étiologie des néphrites est
admise presque sans conteste , quoiqu'on encite rarement de nouveaux
exemples.
Dans les traités de pathologie cutanée, cette complication des derma
toses est , au contraire , presque entièrement laissée de côté , on ne la
signale guère comme possible que dans les eczémas généralisés et le
lupus ou les scrofulides.
Cependant quelques monographies spéciales , récentes pour la plupart,
sont consacrées à ce sujet et renferment des faits précis à l'aide des
quels il est permis de se faire une opinion sur la réalité, l'apparence
clinique et l'étiologie véritable de ces altérations de la sécrétion uri
naire .
D. Bulkley ( 1 ) , dans un important travail sur l'état de l'urine dans les
maladies de la peau , cite quelques faits d'albuminurie ; mais, préoccupé
surtout d'établir au moyen des caractères urologiques, l'origine cons
titutionnelle d'un certain nombre de dermatoses, il passe rapidement
sur l'albuminurie. Il en est de même de Gamberini (2) qui, dans des
leçons cliniques, a résumé le travail de Bulkley sans apporter de nou
veaux faits .
Scheube (3) , mais surtout M. J. Boyer dans sa thèse de doctorat ( 4) et
>

M. Augagneur ( 5) dans un récent et très intéressant travail, ont apporté


des faits nouveaux et ont réuni la plupart de ceux qui se trouvaient
disséminés dans un grand nombre d'écrits que nous aurons à signaler
chemin faisant .

(1 ) Archives of Dermatology, oct . 1876 .


(2) Giornale italiano delle malattie veneree et della pelle, 1881 , fasc . 3 .
( 3) Nophritis und Hautkrankheiten . Centralbl . für Klin . Med , 1883.
(4) Do l'albuminuric liéo aux irritations cutanéos. Thèse de doctorat, Lyon 1883.
(5) Nephrites aiguës infectieuses dans la lymphangite et dans l'ccthyma. Albu
minurie dans les lésions de la peau . Lyon méd ., 1883 .
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 427

Nous signalerons tout d'abord les différentes affections cutanées dans


lesquelles l'albuminurie ou les néphrites ont été observées, avec les
caractères qu'elles ont revêtus dans chacune d'elles, puis nous ferons
une description d'ensemble des complications rénales des dermatoses ;
nous chercherons ensuite dans les faits cliniques les caractères étiolo
giques de ces complications et enfin nous passerons en revue les diffé
rentes théories qui ont été émises sur leur pathogénie , essayant de
reconnaitre à quels faits particuliers chacune de ces théories est suscep
tible de convenir.

Avant d'énumérer les affections cutanées dans lesquelles l'albumi


nurie a été observée, nous devons déclarer tout d'abord que cette com
plication est relativement rare .
Si l'on s'en rapportait aux notions courantes , on croirait volontiers
que l'albuminurie doit accompagner le plus grand nombre des derma
toses généralisées ou tout au moins très étendues . Il n'en est rien .
Depuis plusieurs années , notre cher maître, M. Ernest Besnier, fait pra
tiquer régulièrement l'examen de l'urine de tous les malades entrant
dans ses salles. Comme tous ceux qui nous ont précédé ou suivi , nous
avons pu constater par nous-même, alors que nous avions l'honneur
d'être son interne, que l'albuminurie ne se rencontre que dans un nom
bre de faits très restreint et certainement pas plus considérable que dans
un service de clinique générale.
Il n'est pas à dire cependant que, toutes les fois qu'on constate la
présence de l'albumine dans l'urine d'un sujet atteint de dermatose,
on doive , comme l'a fait Senator , attribuer purement et simplement le
fait à une coincidence fortuite. Le présent paragraphe montrera qu'il
existe , au contraire , dans un certain nombre de faits, une relation in
contestable entre la dermopathie et les modifications de la sécrétion
urinaire .
Eczéma. Malgré la fréquence de cette dermatose, sa généralisation
souvent si considérable et les conditions diathésiques si variées dans
lesquelles elle peut se rencontrer, on a rarement signalé l'apparition de
l'albuminurie dans le cours de son évolution . Très certainement, la
rareté des observations tient à la rareté de la complication elle-même..
Bulkley (1 ) rapporte , en effet, qu'il a fait ou fait faire plusieurs centaines
d'examens de l'urine des malades atteints d'eczéma, et que l'albumine
et les cylindres urinaires n'y ont été constatés que comme de véritables

( 1 ) Eczema and its managements. Londres .


428 G. THIBIERGE .

raretés ; bien qu'il ne puisse donner la proportion exacte des eczémateux


albuminuriques, il déclare qu'il n'a jamais vu un sujet atteint d'eczéma
succomber à une affection rénale . Cette dernière conclusion est contre
dite par quelques faits : M. Henrot ( 1 ) a rapporté une observation, com
plexe il est vrai, d'eczéma avec retentissement viscéral , dans laquelle la
mort, produite en dernier ressort par une pneumonie, a bien pu être
accélérée par une néphrite nettement constatée à l'autopsie . Dans un cas
observé par M. Josias (2) dans le service de M. Ernest Besnier, un homme
de 20 ans, scrofuleux , fut pris , au moment de la convalescence d'un
eczéma généralisé, d'urémie caractérisée par des attaques épileptiformes
à l'une desquelles il succomba : l'autopsie montra des lésions de néphrite
interstitielle.
Un fait, rapporté par MM . Lecorché et Talamon (3) , a trait à un
homme atteint à plusieurs reprises d'eczéma généralisé ; un mois après
la guérison de celui-ci , il éprouva des douleurs lombaires accompagnées
de phénomènes febriles et constata les signes les plus nets d'une néphrite
parenchymateuse chronique .
Dans ce cas, qui par sa marche mérite d'être rapproché de ceux
MM Henrot et Josias, nous voyons l'eczéma disparaitre un certain
temps avant que les symptômes de la néphrite ne se produisent.
D'autres fois, l'eczéma et l'albuminurie existent à la fois et celui-là semble
bien être la cause de celle- ci . Nous ne parlerons pas d'une observation
de Rayer (4) bien souvent citée parce que le sujet, peintre en bâtiments,
avait été atteint une fois de colique de plomb avant de présenter l'ec
zéma dont il souffrait ; dès son entrée à l'hôpital, on constata l'existence
de l'albuminurie, que rien ne permet de considérer comme consécutive
à la dermatose .
Si les doutes sont permis pour quelques cas semblables , d'autres
observations sont, au contraire, bien probantes : l'apparition de l'albu
minurie à la suite de l'affection cutanée, sa cessation peu avant ou peu
après la guérison de cette dernière montrent que la dermatose est , sinon
la cause unique de l'albuminurie, tout au moins sa cause déterminante :
cette marche spéciale de l'albuminurie est notée avec soin dans deux
observations de la thèse de M. Sirugues (5) et dans deux observations
de la thèse de M. J. Boyer.
Dans ces dernières observations, il est une notion étiologique qui, a

(1 ) Bull. Soc. Anat . Paris, 1865 .


(2) Bull . Soc. Anat . Paris, 1877 .
(3 ) Etudes médicales. Paris, 1881 , p . 159 .
( 4) Traité des maladies des reins, 1. II , p. 418 .
(5) L'eczéma impétigineux de la tèle et ses complications. Thèse de Doctorat .
Paris, 1881 .
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 429

côté et au-dessus de l'eczéma, doit être invoquée pour expliquer le dé


veloppement de l'albuminurie , c'est l'état général des sujets affectés ; la
plupart des observations se rapportent à des enfants plus ou moins enta
chés de scrofule, quelques-uns porteurs d'adénopathies cervicales sup
purées. Une telle cause doit être relevée quand on sait combien fréquente
est l'albuminurie chez les sujets scrofuleux ou mieux lymphatiques,
combien est facile chez eux l'action d'une cause légère, comme la fatigue,
l'état fébrile, pour exagérer, faire apparaître ou reproduire une albumi
nurie qui dans l'état ordinaire est peu abondante ou latente .
Il n'est point à dire cependant que l'eczéma des jeunes sujets lympha
tiques soit seul susceptible de s'accompagner d'albuminurie ; l'eczéma
des arthritiques est sujet à la même complication , mais dans des cas plus
rares ; mais, alors , il y a souvent une extrême difficulté à déterminer
si l'albuminurie dépend de l'affection cutanée ou si elle est la consé
quence d'une lésion rénale antérieure, relevant des altérations vascu
laires si fréquentes dans l'arthritisme.
Phthiriase. Les éruptions qui se développent dans le cuir chevelu à la
suite de la phthiriase et qui offrent tant d'analogies avec l'eczéma sont
quelquefois accompagnées ou suivies d'albuminurie.
La thèse de M. Sirugues en renferme une observation due à M. Gal
liard : une jeune femme de 20 ans , qui avait été traitée pour une éruption
du cuir chevelu produite par la phthiriase, éprouva, quelques jours après
sa guérison , les symptômes qui caractérisent le début d'une néphrite
aiguë ; à son entrée à l'hôpital , elle avaitde l'ædème des membres infé
rieurs, de la pâleur du visage et son urine était fortement albumineuse.
Au bout de quelques jours elle était complètement guérie.
Dans d'autres cas, comme ceux rapportés par M. Boyer, l'albuminurie
accompagne la phthiriase elle-même et disparaît lorsque les lésions
cutanées qu'elle détermine sont guéries : les 7 observations de M. Boyer
concernent de jeunes sujets âgés de 7 à 17 ans , dont deux avaient des
antécédents scrofuleux ; dans deux cas seulement il s'est développé de
l'adème. Un de ces derniers s'est terminé par la mort due à une con
gestion pulmonaire foudroyante ; à l'autopsie les reins étaient très con
gestionnés surtout dans la couche corticale ; l'examen histologique n'a
pas été fait.
Gale. Après l'eczéma, la dermatose produite par les acares est celle
qui s'accompagne le plus souvent d'albuminurie, soit spontanément, soit
à la suite du traitement destiné à détruire le parasite.
Quoique Morgagni ait signalé l'anasarque et l'hématurie à la suite du
traitement de la gale , l'attention n'a été appelée sérieusement sur cette
cause d'albuminurie que depuis quelques années. Lassar (1 ) publia en 1877
( 1 ) Virchow's Archiv . t. LXXII et LXXVII .

.
430 G. THIBIERGE .

l'observation d'un homme de 40 ans mort d'anasarque généralisée avecalbu


minurie, à l'autopsie duquel il avait trouvé les reins complètement sains:
on se souvint alors que le malade avait été atteint de gale et traité par des
frictions de pétrole , à la suite desquelles s'était développée une inflam
mation étendue de la peau . Des expériences qu'il institua chez des ani
maux lui firent voir que les frictions de pétrole, mais surtout l'huile
de croton déterminent chez les animaux épilés une dermite intense
suivie d'albuminurie, et que le passage de l'albumine dans l'urine
s'accompagne de celui de la substance employée pour les frictions.
Unna (1 ) , examinant les urines de 124 galeux traités par les fric
tions de pommade au styrax, rencontra 9 fois une albuminurie plus
ou moins considérable, révélée par l'examen au moyen de l'acide
nitrique et de la chaleur, albuminurie , d'ailleurs , essentiellement
transitoire et succédant manifestement aux frictions de styrax. Henoch
( 2) rapporte les observations de deux enfants qui, 8 à 15 jours après le
traitement de la gale par des frictions au baume du Pérou, ont présenté
de l'albuminurie en quantité notable , avec présence de cellules épithé
liales, de cylindres dans l'urine; dans les deux cas , il était survenu de
lædème de la face et dans un cas de l'ædème des malléoles : l'albumi
nurie persista dans un cas une dizaine de jours et dans l'autre environ
vingt jours, puis disparut entièrement. Litten (3) a publié avec grands
détails l'observation d'un homme de 24 ans, peintre en bâtiments et
ayant été atteint de coliques de plomb, qui, à la suite du traitement de ia
gale par les frictions de baume du Pérou , fut pris d'ædème du visage et
des pieds ; l'urine renfermait de l'albumine et des cylindres en grande
abondance ; à deux reprises différentes une série de frictions avec le
baume du Pérou provoqua la réapparition dans l'urine de l'albumine
et des cylindres. A ces diverses observations, il faut joindre celles de
MM. Kemladjian -Mihran (4) et Capitan (5) qui ont examiné les urines
d'un certain nombre de galeux soumis au traitement du professeur
Hardy , à l'hôpital Saint- Louis. Ces deux observateurs se sont servis dans
leurs recherches de réactifs extrêmement sensibles et susceptibles de
déceler des traces extrêmement faibles d'albumine.
M. Kemhadjian -Mihran, sur 48 galeux dont les urines ne renfermaient
point traces d'albumine avant la frotte, a trouvé à la suite de la frotte,
qu'il y avait dans 6 cas une albuminurie abondante ; dans 10 autres une
(1 ) Virchow's Archiv . Tome LXXIV p . 424.
(2) Traité des maladies des enfants. Traduction française. Paris, 1883, p. 485 .
(3) Charité Annalen . T. VII. p . 187 .
( 1) De l'albuminurie consécutive aux excitations cutanées . Thèse de doctorat.
Paris , 1882 .
(5) Recherches expérimentales et cliniques sur les albuminuries transitoires
Thèse de doctorat. Paris . 1883.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 431

albuminurie assez adondante, et dans les 20 autres une albuminurie peu


abondante ou très faible ; chez deux autres malades qui étaient albumi
nuriques avant la frotte, celle-ci fut suivie d'une augmentation de la
quantité d'albumine.
M. Capitan a examiné l'urine de 7 galeux : dans 4 cas, il y avait
avant la frotte une albuminurie d'intensité variable, qui augmenta à la
suite de la frotte ; dans les 3 autres, celle-ci fit apparaître dans l'urine
une quantité plus ou moins considérable d'albumine.
Dans quelques-uns de ces divers cas, l'urine renfermait, outre l'albu
mine , un nombre variable de globules rouges,
Les recherches que nous venons de résumer montrent que, dans des
cas assez nombreux, le traitement de la gale par les divers balsamiques
ou par le procédé de la frotte peut produire une albuminurie passagère;
que, lans des cas plus rares, cette albuminurie peut persister plusieurs
jours, s'accompagner d'ædèmes qui tendraient à prouver qu'il y a alors
une véritable néphrite ; que , si on fait entrer en ligne de compte les
albuminuries transitoires et extrêmement faibles révélées par les réac
tifs les plus sensibles, le traitement par la frotte tel qu'on le pratique
d'après les principes du professeur Hardy est à peu près constamment
(95 0,0 ) suivi d'albuminurie.
En raison de leur intérêt, ces travaux sur l'albuminurie à la suite du
traitement de la gale devaient être rapportés ici et rapprochés de ceux
qui concernent l'albuminurie provoquée par les dermatoses elles-mêmes;
mais il est temps de clore cette digression pour en arriver à l'albuminurie
produite par la gale elle -même.
On tend généralement à considérer la gale comme une affection
bénigne, incapable de donner lieu à ces accidents graves qui lui étaient
si facilement imputés alors qu'on en ignorait la véritable nature : s'il
est vrai que nous n'observons plus aujourd'hui ces métastases auxquelles
on a attaché une importance exagérée, il n'en reste pas moins que
quelques cas de gale peuvent se compliquer de lésions sérieuses ou tout
au moins de troubles rénaux qui ne doivent pas être ignorés.
Mailhetard (1 ) rapporte l'observation d'un malade atteint de gale qui ,
le jour même de son entrée dans le service de M. le professeur Hardy ,
fut pris d'une dyspnée considérable. L'auscultation du ceur et des pou
mons ne rendant pas compte de cette dyspnée et le malade présentant
un peu d'adème de la face et des membres inférieurs, le professeur Hardy
examine les urines et y trouve une notable quantité d'albumine. Un
traitement dirigé contre l'affection rénale fit disparaître et l'albuminurie
et la dyspnée. L'observation porte que la gale disparut pendant le trai
(1) Contribution à l'étude de la galo . Thèse de doctorat. Paris , 1885.
432 G. THIBIERGE .

tement de l'affection rénale et sans qu'on ait institué contre les lésions
cutanées un traitement sérieux. Ce fait est rapporté d'une façon un peu
trop sommaire pour qu'il convienne de lui attribuer plus de valeur que
de raison ; nous nous contentons de le signaler .
D'autres faits plus importants sont ceux de Scheube (1 ) et de J. Boyer.
Scheube rapporte qu'au Japon , sur près de 13,000 malades il a observé
dix-sept cas de néphrite ou d'albuminurie développées à la suite de la
gale, sans qu'on puisse invoquer d'autre cause que celle-ci et sans qu'elle
ait été soumise à aucun traitement soit interne soit externe. Parmi les
faits qu'il a observés, il cite ceux d'un père et d'un fils entrés tous deur
à l'hôpital pour une gale compliquée de néphrite aiguë ; le père était
atteint de gale depuis deux mois et avait eu , dix jours avant son entrée,
à la suite d'un refroidissement, du malaise général, de la fièvre, puis de
l'anasarque ; le fils atteint de gale depuis deux mois et demi , avait été
pris quatorze jours avant d'être admis à l'hôpital, et sans refroidissement,
de symptômes analogues à ceux présentés par le père et avait eu en
outre des hématuries. Ces deux malades étaient guéris au bout d'un
mois. Dans la plupart des autres cas observés par Scheube , la guérison
est survenue au bout d'un ou deux mois; l'albuminurie était d'intensité
variable ; les hématuries furent rares et les ædèmes inconstants . Enfin , dans
deux cas, la néphrite prit une allure chronique et se termina par la mort
au bout de 6 à 8 mois . Les malades qui présentaient cette complication
étaient atteints de lésions cutanées très variables, tantôt peu étendues,
tantôt extrêmement considérables. Chez la plupart, la gale existait depuis
plusieurs mois et dans ce fait se trouverait, d'après Scheube, la raison
pour laquelle l'albuminurie dans la gale est plus fréquente au Japon
qu'en Europe, les Japonais conservant longtemps une affection pour
laquelle les Européens se font traiter rapidement.
M. Boyer rapporte dans sa thèse 6 observations de gale accompagnée
d'albuminurie , chez des sujets de 12 à 27 ans, généralement d'une bonne
santé antérieure . La gale remontait à une époque variant de 2 mois à 5 ans.
Dans la plupart des cas, il y avait de l'ædème de la face, des pieds, une
pâleur générale, en un mot les symptômes habituels des néphrites. Sous
l'influence d'un traitement consistant presque toujours dans l'emploi du
perchlorure de fer à l'intérieur, l'albuminurie et les ædèmes disparurent
dans tous les cas assez rapidement. Dans une des observations où l'étio
logie est d'ailleurs complexe ( l'ædème était survenu le lendemain d'un
bain ) , il y eut une crise d'éclampsie, ce qui n'empêcha pas la guérison
complète.
Dans ces diverses observations, l'albuminurie est indépendante du

( 1 ) Loc. cit .
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 433

traitement et doit être mise uniquement sur le compte de la gale; il y


aurait cependant , pour un petit nombre, à se demander si les bains pris
par les malades avant leur entrée à l'hôpital n'ont pas joué un rôle
important dans la production des complications rénales .
Prurigo. – Si sous le nom de prurigo nous ne voulons comprendre que
l'affection qui, à proprement parler, mérite seule ce nom et que notre
maître, M. Ernest Besnier, a proposé , avec juste raison, de désigner sous le
nom de « Prurigo de Hebra » , nous n'éprouverions guère , en ce qui nous
concerne, de difficulté à déclarer que le prurigo ne s'accompagne pas
d'albuminurie : cette affection qui , on le sait, est loin d'être rare à Paris
où, quoi qu'on en ait dit , elle est souvent et exactement diagnostiquée
par les inédecins de l'hôpital Saint-Louis et par leurs élèves , ne se
trouve point signalée dans le volumineux dossier que nous avons sous
les yeux en écrivant cette Revue et nous n'avons pas souvenance d'avoir
constaté par nous-même l'apparition de l'albuminurie dans son cours.
Cependant un certain nombre d'affections prurigineuses mal classées
ou insuffisamment étiquetées sont signalées comme des causes d'albu
minurie. Dans la thèse de M. Boyer, nous relevons deux observations
semblables. Le malade de l'observation 22 est un homme de 52 ans, atteint
depuis près d'un an d'un prurit ou d'un prurigo ( les termes de l'obser
vation ne permettent pas d'établir le diagnostic) , dont les urines étaient
albumineuses, sans qu'il eût d'edème. En moins d'un mois les accidents
cutanés et l'albuminurie avaient disparu . L'autre observation (obs. 25)
a trait à un homme de 57 ans , atteint de « prurigo lichénoïde » datant
de dix - huit mois , à propos de laquelle nous ne voulons pas entrer dans
une longue discussion, et qui nous semble n'être autre chose qu'un
prurigo parasitaire chez un sujet atteint de blennorrhagie et ayant, par
suite du mélange à l'urine de la sécrétion purulente de l'uréthre, une
pseudo -albuminurie.
Dans une observation de M. Barthez ( 1) , il est question d'un enfant
atteint depuis plusieurs mois d'une affection très prurigineuse qui fut
pris, à la suite d'un refroidissement, de tous les symptômes qui caracté
risent le début d'une néphrite aiguë, laquelle guérit rapidement. Cette
éruption qui , en raison des démangeaisons auxquelles elle donnait lieu,
et de sa longue durée, pourrait être prise pour un cas de prurigo de Hebra ,
doit recevoir une autre interprétation ; les caractères que lui assigne
M. Barthez permettent d'y reconnaitre une éruption d'eczéma, très pruri
gineuse il est vrai, et sa disparition complète après la guérison de la
néphrite l'éloigne aussi du type du prurigo de Hebra .
En résumé, si l'albuminurie peut être associée à des éruptions pruri
(1) Rillier ET BARTHEZ . Traité des maladies des enfants. 2. édition . Paris, 1851,
lome II, p . 63 .
ANNALES DE DERMAT. , 9 SÉRIE . VI . 28
434 G. TINIBIERGE .

gineuses, elle semble inconnue dans le prurigo véritable, et même pour


quelques -uns des cas où elle a été signalée comme une conséquence des
affections prurigineuses, il conviendrait peut- être de renverser la propo
sition et de considérer ces faits comme des exemples de prurit cutané
consécutif à une néphrite, ainsi que nous en rapporterons plus loin des
exemples ( 1 ) .
Ecthyma. — Cette dermatose est parfois accompagnée d'albuminurie;
dans certains cas, il est vrai , cette modification de la sécrétion urinaire
n'est pas sous la dépendance de l'affection cutanée et celle -ci est , au
contraire, la conséquence de la lésion rénale qui en favorise le dévelop
pement en tant que cause d'affaiblissement ; mais pour d'autres fails
semblable interprétation ne peut être invoquée. M. Augagneur cite
l'observation d'un malade atteint d'ecthyma analogue à l’ecthyma des
cavaliers et développé, au reste, chez un garçon d'une boucherie cheva
line ; l'éruption remontait à six semaines environ et avait subi une
extension très considérable. Six jours avant l'entrée à l'hôpital, le malade
avait ressenti un malaise général et le lendemain ses jambes étaient
enflées, sa face un peu bouffie ; en outre il y avait une dyspnée, intense
surtout le soir et due au développement d'une bronchite. L'urine donnait
un très abondant précipité d'albumine et renfermait quelques cylindres
rénaux. Les accidents rénaux guérirent, mais seulement plus d'un mois
après la disparition des pustules d'ecthyma. De semblables accidents
s'étaient déjà montrés chez le même malade, plusieurs années auparavant,
et également à l'occasion d'une poussée intense d'ecthyma.
· Nous avons cité cette seule observation , parce qu'elle montre bien nette
ment l'étiologie de l'albuminurie, mais elle n'est pas isolée.
Furonculose. Les remarques que nous avons faites à propos de
l'ecthyma s'appliquent également à la furonculose : celle- ci peut être la
cause ou la conséquence de l'albuminurie, de même que , le fait est de
notion vulgaire, elle peut être la cause ou la conséquence de la glyco
surie ; en raison de cette double relation possible de l'albuminurie et des
furoncles, l'interprétation des observations est souvent fort délicate .
Dans une thèse, à laquelle nous aurons, dans la deuxième partie de cette
revue , à faire de fréquentes allusions, M. Duval (2) rapporte une obser
vation intitulée : Néphrite interstitielle avec eruption furonculeuse et
papuleuse. Le sujet, âgé de 62 ans, était atteint de furoncles dont le
début avait passé inaperçu ; le malade avait quelques palpitations car

( 1 ) Nous laissons de coté les deux faits signalés en quelques mois par Scheu le
(Centralbl. f. lilin . Med ., 1883) parce que les détails nous manquent pour les
discuter .
( 2) J. Duval . Des éruptions rénales. Thèse de docíora !. Paris, 1890, p . 31 .
DERMATOSES ET ALBUMIXURIE . 435

diaques , avait parfois quelques mictions nocturnes et ses urines renfer


maient une petite quantité d'albumine. L'affection furonculeuse guérit
en quelques jours et, lorsque le malade quitta l'hôpital , il ne restait plus
trace d'albumine dans l'urine. L'auteur de cette thèse, considère cette
observation comme un exemple de furoncles consécutifs à une néphrite
interstitielle ; mais, ainsi que le fait remarquer M. Augagneur , la guérison
d'une néphrite intersiitielle est chose bien extraordinaire, et la lecture de
l'observation n'est guère en faveur d'une néphrite primitive, mais bien
au contraire d'une altération rénale consécutive à l'éruption furon
culeuse .
Psoriasis. Quelque étendue que soit la dermatose psoriasique, quelque
ancienneté qu'elle ait, ou quelque généralisation qu'elle ait acquise dans
un court espace de temps, il est un fait certain , c'est qu'elle ne s'accom .
pagne d'albuminurie que dans des circonstances extrêmement rares,
tellement exceptionnelles qu'on peut invoquer la possibilité d'une
coïncidence fortuite. Pour admettre que, dans un cas donné, l'albumi
nurie est en relation de cause à effet avec le psoriasis, il faudrait, on
raison de la rareté de semblables observations et de la longue durée du
psoriasis, que l'on relevât les particularités suivantes : ou bien alter
nance entre les manifestations cutanées et les troubles fonctionnels
d'origine rénale - et alors on serait en présence plutôt de manifestations
relevant d'une même cause générale diathésique, à supposer que l'ori
gine diathésique du psoriasis soit mise hors de doute ; ou bien , au con
traire, albuminurie coïncidant avec la reproduction des placards pso
riasiques , disparaissant lorsqu'ils parviennent à la guérison , ou tout au
moins diminuant quand les squames disparaissent et que les fonctions
cutanées peuvent de nouveau s'exercer au niveau des parties du tégu
ment recouvertes de plaques psoriasiques. Nous ne connaissons aucune
observation qui réponde à l'une ou l'autre de ces conditions.
L'observation de Rayer ( 1 ) dont on essaye souvent d'appuyer l'exis
tence de l'albuminurie dans le psoriasis a trait , ainsi que l'indique le
titre mis par Rayer lui-même à cette observation , à une femme « qui
avait été atteinte antérieurement de psoriasis » : cette femme, traitée à
l'hôpital Saint-Louis en 1829, pour un psoriasis général dont il ne
persistait plus que quelques traces sur les coudes et les avant- bras,
avait commencé à avoir de l'adème des malléoles en 1838 et entrait
dans le service de Rayer en 1839 avec néphrite caractérisée par une
urine albumineuse et un cedème considérable des membres inférieurs.
Cette observation ne peut, on le reconnaîtra sans difficulté , servir à
éclairer la question qu'on espérait résoudre grâce à elle.

( 1 ) Traité des maladies des reins, l . II , p . 422,


436 G. THIBIERGE .

Scheube ( 1 ) rapporte qu'il a vu un jeune homme de 58 ans, atteint


de psoriasis , chez lequel il y avait une albuminurie de moyenne
intensité ; cette albuminurie persistait encore quand le malade, guéri de
l'affection cutanée, quitta l'hôpital. Ce n'est point, là encore, un fait de
nature à faire admettre l'existence d'une albuminurie due au psoriasis.
Érythème noueur et polymorphe; éruptions pemphigoides aiguës.
- M. Empis ( 2) a signalé le premier à notre connaissance, l'al
buminurie survenant dans le cours de l'érythème noueux. Une jeune
femme, atteint d'érythème papulo -noueux d'abord febrile , puis apy
rétique, avait , dès son entrée à l'hôpital, une albuminurie qui
persistait encore jusqu'au douzième ou quinzième jour, alors que
l'érythème était complètement guéri et qu'il ne restait plus que quelques
douleurs articulaires . Dans une autre observation publiée par M. Da
grève ( 3), il s'agit d'une jeune fille de 16 ans, atteinte d'érythème
noueux ; l'urine était très albumineuse et renfermail un assez grand
nombre de globules rouges, de sorte qu'il semble plutôt y avoir eu une
pseudo -albuminurie due à une hématurie légère; il n'y avait d'ailleurs
pas d'adème et l'albuminurie disparut au bout de quelques jours.
M. Tessier (4) a rapporté l'observation d'un cas d'érythème papuleux
dans lequel on constata des traces d'albumine dans l'urine de la malade
au moment de son entrée à l'hôpital.
Nous ne croyons pas qu'il ait été publié d'autres observations
d'érythème polymorphe de la variété noueuse ou papuleuse dans
lesquelles on ait noté la présence de l'albuminurie et nous ne pourrions
pas déduire des courtes notes que nous venons de signaler une descrip 1

tion de ceite complication de l’érythème papulo -noueux.


Mais il est une autre forme de l'érythème polymorphe où l'albuminurie
est bien plus fréquente et présente quelques particularités du plus haut
intérêt ; nous voulons parler de la forme bulleuse. M. de Molènes
en a rapporté dans sa thèse plusieurs observations recueillies dans le
service de M. Ernest Besnier. Chez un jeune homme de 18 ans (obs . VII) ,
atteint d'érythénie bulleux , les poussées éruptives alternaient de la
façon la plus nette avec une albuminurie accompagnée d'anasarque,
l'albuminurie cessant lorsque de nouvelles bulles se développaient et
réciproquement. Une autre observation (obs . XXVII) a trait à une
femme de 34 ans chez laquelle les lésions cutanées et l'albuminurie

( 1 ) Lø . cit .
(2) Leçon sur l'albuminuric. Gazette des hôpitaux, 1862, p . 258.
(3) Sur deux cas d'albuminurie. Associalion française pour l'avancement des
sciences, corgrés de Paris, 1878 .
( 4 ) In Thèse de ARNAUD . De l’erythème polymorphe febrile à forme grave.
Lyon , 1883 .
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 437

alternaient également. Dans ces deux cas, l'albumine était rétractile, et


il n'y avait aucun autre signe de néphrite. D'ailleurs , dans les formes
bulleuses de l'érythème polymorphe, l'albuminurie est loin de présenter
toujours cette marche. M. de Molènes rapporte une observation (obs . V),
où l'albuminurie qui accompagnait un érythème papulo -noueux puis
bulleux , de nature bien nettement infectieuse, persista pendant plu
sieurs jours. L'albuminurie a été notée par Köbner (1 ) , Barduzzi (2) ,
Senſtleben ( 3 ), Danek ( 4 ), dans des faits que ces auteurs ont rapportés
comme des exemples de pemphigus aigu et que M. de Molènes rapporte
à l'érythème polymorphe. Nous ne pouvons ici entrer dans une discus
sion approfondie de ces observations qui ne nous permettrait peut-être
pas de laisser ces faits sous le titre d'érythème polymorphe et nous
sommes obligé, à défaut de cette discussion , de les signaler à cette
place en en faisant des exemples d'albuminurie survenue dans le cours
d'éruptions peinphigoïdes aiguës.
Le pemphigus chronique, cité par divers auteurs comme une cause
d'albuminurie, semble s'accompagner rarement de cette modification de
la sécrétion urinaire et encore ce n'est point tant comme lésion cutanée
que comme maladie cachectique qu'il semble amener cette modifica
tion . Il n'est pas nécessaire de faire observer que nous envisageons ici
seulement le pemphigus chronique, le pemphigus aigu ou mieux les
affections pemphigoïdes aiguës ayant été déjà signalés à propos de
l'érythème polymorphe.
La rareté de l'albuminurie dans le pemphigus chronique n'a point éte
d'ailleurs sans étonner les auteurs qui se sont occupés de cette dermatose
et M. Guiraud (s) dit textuellement : « Contrairement à ce qu'on pouvait
peut-être attendre , presque tous les résultats (de l'analyse des urines au
point de vue de l'albumine) ont été négatifs. » Une de ses observations
personnelles concerne un homme de 33 ans atteint de pemphigus depuis
quinze mois, ayant le corps tout entier couvert de croûtes, dont l'urine
donnait par la chaleur et par l'acide nitrique un abondant précipité
d'albumine; le malade était d'ailleurs profondément cachectique, atteint
de phlegmatia alba dolens et mourait peu de jours après ; à l'autopsie,
les reins furent trouvés légèrement injectés.
Purpura. Les diverses affections réunies sous ce nom s'accompagnent
assez fréquemment d'albuminurie. Le fait a été signalé pour la première
fois par Blackall (6) qui en rapporte quatre observations dans un cha
( 1 ) Archiv f. Der. u. Syphil . , 1869 .
(2) Giorn . ital. delle mal. ven. e della pelle, 1879 .
(3) Berlin . Klin . Wochens., 1880 .
(4) Wiener med. Wochens., 1883.
(5) Du pemphigus chronique. Thèse de doctorat. Paris, 1865, p. 11 .
(6) Obsizrvations on the nature and cure of dropsies. Londres, 1818, p . 153.
438 G. THIBIERGE .

pitre de son Traité des hydropisies, intitulé : « Cas ressemblant au


scorbut de terre. » Les faits qu'il cite sont difficiles à rapporter à leur
véritable cause , à défaut de détails suffisants ; deux d'entre eux sont
bien probablement des cas de néphrite chronique avec hémorrhagies
cutanées consécutives, mais l'un d'eux paraît être un cas de purpura
rhumatoïde accompagné d'albuminurie. Quelle que soit l'interprétation
à donner aux faits de Blackall, ils établissent nettement l'existence, dans
le purpura , de l'albuminurie indépendante de l'hématurie. Gregory ( 1 ),
dans son remarquable mémoire sur l'albuminurie, rapporte une obser
vation de purpura accompagné d'albuminurie qui, selon toute vraisem
blance, a trait à un cas de purpura infectieux : le malade, honime
de 22 ans, alcoolique, était atteint depuis dix jours d'une fièvre continue
avec symptômes typhoides, incohérences, soubresauts des tendons. Il
mourut en quinze jours et l'autopsie montra un congestion intense du 19

rein, sans inflammation, dit l'éminent clinicien . Walshe (2) rapporte qu'il
a constaté l'albuminurie dans un cas de purpura où les reins présentaient
à l'autopsie les caractères du mal de Bright. Forget (3) cite une obser
vation dans laquelle les caractères de l'urine doivent faire admettre
l'existence du mal de Bright; mais il s'agit d'un phthisique atteint de
purpura et la tuberculose est bien plutôt la cause de la lésion rénale .
M. C. Paul ( 4) a rapporté, sous le nom de rhumatisme hémorrhagique,
l'observation d'un enfant de 7 ans, qui, dans la convalescence de la
rougeole, fut pris de douleurs dans le genou , puis dans le poignet, en
même temps qu'apparaissaient des pétéchies ; au bout de ő jours, la
région lombaire devint douloureuse, l'urine renfermait de l'albuinine,
puis des demes apparurent à la face et aux malléoles ; l'albuminurie
disparut complètement.
M. Perroud (5) a publié sous le même titre trois observations des plus
intéressantes. La première a trait à un homme de 35 ans , rhumatisant
depuis son enfance , qui présenta , quinze jours après le début de douleurs
articulaires et au moment où elles disparaissaient, une éruption de
péiéchies sur la partie inférieure du corps ; les urines étaient notablement
albumineuses ; l'éruption de purpura devint plus confluente , l'albumi
nurie persista et , au bout d'une quinzaine de jours, il survint de l'ædème ;
celui-ci, après quelques variations dans son intensité, persistait encore ,
ainsi que l'albuminurie, lorsque le malade quitta l'hôpital . Le malade qui
fait le sujet de la deuxième observation, éprouvait des douleurs dans

( 1 ) Edinburgh med . and surg . Journal, 1831 , tome XXXVI .


( 2 ) The Lancel, 1849, I , p . 415 .
( 3) Gaz . méd . de Paris, 1853 .
(4) Arch . genér . med . , 1864, t. IV , p . 676 .
(5) Mémoires et C. R. de la Soc. des sciences méd . de Lyon , 1806-1867.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 439

les cous -de-pied depuis quelques jours, il avait du purpura des membres
inférieurs ; mais pendant les premiers jours de son séjour à l'hôpital,
l'urine ne renfermait pas d'albumine. Au bout de quelques jours, la
fièvre devint vive, il y eut un peu de délire pendant la nuit et deux
jours plus tard , le malade avait un peu d’ædème des membres inférieurs ;
les urines sanguinolentes renfermaient une énorme quantité d'albu mine ;
les urines cessèrent, au bout de quatre jours, de contenir du sang , majs
restèrent longtemps albumineuses et l’étaient encore légèrement lorsque
le malade quitta l'hôpital deux mois plus tard ; il resta faible et anémique
pendant longtemps, mais l'cedème des membres inférieurs n'avait duré
que trois semaines. La troisième observation de M. Perroud nous montre
une forme beaucoup plus grave des complications rénales du purpura :
un jeune homme de 19 ans est pris , à la suite d'un refroidissement,
d'une angine , puis de douleurs articulaires dans les membres inférieurs;
des taches purpuriques apparaissent sur ses membres ; les urines sont
albumineuses dès l'entrée à l'hôpital ; la région lombaire est douloureuse,
le malade est très pâle ; au bout d'une dizaine de jours les douleurs
lombaires augmentent d'intensité, les urines renferment du sang, et la
face devient edémateuse ; ces accidents se montrent à plusieurs reprises ;
puis il survient rapidement une cécité absolue et des accès épileptiformes
très intenses et très répétés pendant quatre jours ; ces accidents uré
miques guérissent cependant , et le malade peut sortir de l'hôpital , urinant
encore de l'albumine , mais n'ayant plus ni fièvre ni douleurs .
Il nous semble difficile, dans ces observations, d'admettre avec
M. Perroud que l'albuminurie était due à une simple transsudation des
différents éléments du sang à travers le parenchyme rénal : les hématu
ries abondantes au début, la persistance d'unc albuminurie intense ,
mais surtout l'adème du visage , les douleurs lombaires et les accidents
urémiques qui se sont développés dans un cas indiquent d'une manière
irrécusable l'existence d'une néphrite.
En outre, et à cause même de cette complication, il nous répugne
d'admettre pour ces cas l'hypothèse d'un purpura rhumatismal ou d'un
rhumatisme hémorrhagique ; la néphrite rhumatismale est une véritable
rareté , les hémorrhagies dans le rhumatisme vrai sont également excep
tionnelles; la réunion du purpura et d'une néphrite évoluant avec la
même marche que la néphrite scarlatineuse nous semblent indiquer l'in
tervention dans les cas de M. Paul et de M. Perroud d'un agent infec
tieux tenant sous sa dépendance ses manifestations diverses : semblable
interprétation doit être admise bien certainement pour le cas rapporté
dans la thèse de M. Gomot ( 1) où l'albuminurie , puis l'hématurie ne
(1) Du purpura idiopathique rigu ou typlius angcio-hématique. Thèse de doctorat .
Paris, 1883 .
440 G. THIBIERGE .

furent qu'une des nombreuses manifestations d'un état infectieux carac


térisé en outre par un ensemble de phénomènes typhoïdes, du délire, etc.
Nous ne voudrions pas cependant déclarer que tout cas de purpura ,
s'accompagnant d'albuminurie, doit par ce seul fait être déclaré de nature
infectieuse : si nous l'admettons pour les faits précédents, c'est qu'ils se
présentaient avec un ensemble de caractères relevant de l'infection ou
que l'existence indéniable d'une néphrite aiguë les éloignait du type du
rhumatisme. Dans d'autres faits, l'albuminurie accompagnant le purpura
devra être mise sur le compte de la cachexie qui favorise le développe
ment de ce dernier. Enfin il semble, comme le fait remarquer notre cher
maitre, M. Bucquoy ( 1 ), que dans quelques cas, l'albuminurie peut se
rencontrer dans le purpura rhumatoïde comme conséquence des mêmes
modifications circulatoires qui déterminent l'héinaturie : lorsque celle-ci
est précédée ou suivie immédiatement d'albuminurie, que cette albumi
nurie est passagère, et qu'il n'existe aucun autre symptôme de néphrite,
il semble que cette dernière interprétation doive être admise ; un certain
nombre de faits de purpura rhumatoïde présentent cette complication
peu importante d'ailleurs.
Dermatite exfoliatrice et Erythèmes scarlatiniformes desquama
tifs. Nous signalons dans un paragraphe spécial ces deux affections,
quoiqu'on n'y rencontre pas l'albuminurie ; nous voulons précisément
noter ce fait d'une façon spéciale : il est d'importance capitale au point
de vue de la pathogénie de l'albuminurie d'origine cutanée. Ces deux
affections qui atteignent dans sa totalité presque absolue le système ecto
dermique et entravent les fonctions du tégument externe d'une façon si
considérable et si analogue à ce qui a lieu dans la scarlatine ne s'accom
pagnent pas d'albuminurie : cela est expressément noté par MM . Per
cheron (2) et Brocq (3) et par tous les observateurs qui ont voulu s'en
assurer. Une seule observation semble faire exception à cette règle : un
malade observé par MM . Hallopeau et Tuffier (4) présenta , à la suite d'un
rhumatisme articulaire aigu traité par le salicylate de soude, une érup
tion scarlatiniforme généralisée et desquamative avec fièvre peu intense .
A partir du troisième jour de la desquamation, l'albuminurie augmenta
peu à peu et monta jusqu'à 2 grammes par litre . La mort survint par suite
d'une pneumonie. A l'autopsie les reins ne présentaient aucune lésion . Ce
fait ne s'éloigne pas bien des caractères des formes aujourd'hui connues
de l'érythème scarlatiniforme desquamatif; il est difficile de déterminer

( 1) Du purpura hæmorrhagica idiopathique. Thèse de Doctorat. Paris, 1835 .


(2) De la dermatite exfoliatrice. Thise de Doctorat. Paris , 1875 .
(3) Étude sur la dermatite exfoliatrice généraliséc. Thèse de Doctorat. Paris , 1883.
Étude clinique et critique sur le pityriasis rubra . Archives génér. de méd , 1884.
(4) Soc. méd . hóp. , Paris 1882 . - Union méd. 1883. I , p. 86.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 441

quel rôle peuvent avoir joué dans sa production et le rhumatisme et le


traitement par le salicylate de soude et il est impossible de classer cette
observation qui est, nous le répétons, la seule où nous ayons vu noter
l'albuminurie.
Il est inutile, nous semble - t-il, de continuer l'exposé des cas de der
matoses dans lesquels on a constaté de l'albuminurie. Les exemples que
nous venons de citer suffisent pour faire voir la réalité de cette compli
cation des dermatoses et nous donner les éléments suffisants pour en
faire une description générale et en rechercher les causes diverses. Aussi
bien ne nous resterait-il plus qu'à indiquer des affections, comme le lupus,
qui dans ses diverses variétés peut s'accompagner d'une albuminurie ou
des symptômes d'une néphrite qu'il faut bien évidemment rapporter à la
cause générale sous la dépendance de laquelle est placé le lupus lui
même, c'est - à -dire à la tuberculose ( 1 ) ; ou bien des maladies comme la
lèpre qui s'accompagnent aussi d'une albuminurie relevant de l'état
général des malades et de la cachexie à laquelle aboutit l'infection
lépreuse à une période avancée de son évolution . De même, nous avons
laissé de côté la néphrite qui accompagne les accidents secondaires de
la syphilis, dans la production de laquelle les lésions cutanées, cela est
bien nettement établi , ne jouent aucun rôle (2) .
( 1 ) Voir Kaposi. Leçons sur les inaladies de la peau . Traduction française par
MM . BESNIER ET Doyon . Tome I , p . 127 (note) et tome II , p . 241 (note des
Iraducteurs ou les caractères de l'albuminurie des lupus sont décrits spécialement) .
NEUMANS , dans une discussion à la Société des médecins de Vienne (30 mai 1879) ,
a signalé le développement de la dégénérescence amyloïde du rein dans le cours.
du lupus.
(2) Voir sur ce sujet les thèses de Descout ( 1878) , COHADON (1882) et Negel (1882 ).

(A suivre .)
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

I .-- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU CHANCHE PALPÉBRAL, par Baudry. Rapport


par M. LE DENTU. ( Société de chirurgie, 18 février 1883.)
II . DIAGNOSTIC ENTRE LE CHANCRE INFECTANT ET L'HERPÈS, par Hexat
LELOIR . (Signes de l'exprimation du se). ( Journal des connaissances
médicales, n° 14, 1885. )
III . — CAUTÉRISATION D'UN CHANCRE INDURÉ PAR LE SUBLIMÉ, PRATIQUÉE DANS
LE BUT D'ENRAYER LE DÉVELOPPEMENT D'UNE SYPHilis, par M. HALLOPEAL ,
médecin de l'hôpital Saint- Louis. (France médicale, nº 30, 1885. )
1. — M. Le Dentu a lu à la Société de chirurgie un rapport sur un
-

travail de M. Baudry , professeur agrégé à la faculté de Lille, intitulé :


« Contribution à l'étude du chancre palpebral. >>
M. Baudry insiste plus sur le mode de contamination que sur le siège
anormal du chancre .
Deux enfants étaient atteints de blépharo - conjonctivite; à leur réveil ,
pour enlever les croûtes de muco - pus accumulé sur le bord des pau
pières, la personne qui les soignait décollait ces croûtes avec le doigt
enduit de salive et déposait ainsi le virus syphilitique sur un point
excorié des paupières.
Dans le premier cas , c'était la seur de la nourrice; dans le deuxième ,
la mère clle -même. (Union médicale, n° 28 , février 1885. )
?

11. -

M. Leloir montre que quand on presse un chancre entre les


doigts on ne fait sourdre à la surface que pas ou peu de liquide, et
ce suintement, s'il existe, ne se reproduit qu'avec la plus grande difficulté.
Dans l'herpes, au contraire, on fait sourdre en pressant entre les doigts
l'érosion une goutte d'un liquide séreux, transparent, analogue à la séro
sité de certains eczémas. Ce suintement augmenté par la pression se
reproduit un grand nombre de fois .
Ce phénomène peut être expliqué par les considérations anatomo
pathologiques posées sur la structure respective des deux lésions. Dans
l'herpes, par suite de l'hyperemie neuro -paralytique , il y a ædeme
hyperémique localisé et plus ou moins accentué du derne, parfois de
l'hypoderme, et dilatation vasculaire. Dans le chancre, au contraire, il
n'y a pas de liquide d'adème. C'est un syphilome, un néoplasme dur,
résistant incompressible, accompagné parfois de sclérose du tissu con
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 443

jonctif et de sclérose vasculaire. Cette induration peut être pressée entre


les doigts , on ne peut la déformer . Dans l'herpes, s'il y a de l'induration
simulant au premier abord celle du chancre, par une pression forte et
prolongée on fait diffuser dans les tissus ambiants l'ædème localisé , on
modèle, on déforme , on aplatit, entre les doigts cette pseudo -induration .
III . - M. Hallopeau, se basant sur les résultats heureux que donne le
traitement local de la pustule maligne par le sublimé, a essayé par une
médication locale d'agir sur le virus contenu dans l'induration et sur celui
qui est en voie d'absorption par les lymphatiques. L'observation du ma
lade a été présentée à la Société clinique de Paris, le 27 juillet 1882. Ce
malade avaiteu un rapport avec une femme suspecte au mois d'octobre 1881 ;
le 23 novembre, il s'apercevait d'une érosion dans le sillon balano-pré
putial. Cinq jours après l'apparition de ce chancre, sans qu'il y ait aucun
signe d'infection générale, M. Hallopeau applique sur l'ulcération une
couche épaisse de sublimé en poudre ; l'eschare une fois détachée, le
bourrelet induré persistant, une nouvelle application est faite ; mais le
bourrelet n'est pas détruit, à la chute de l'eschare et après la cicatrisa
tion complète il reste une plaque indurée, et au commencement de jan
vier on constate sur le tronc une roséole caractéristique. L. PERRIN ,

ULCÉRATIONS TRACHÉO - BRONCHIQUES SYPHILITIQUES ISOLÉES, par SCHUMAN


LECLERQ, assistant du professeur Cuari à l'Institut anatomo -patholo
gique de Prague (Prayer med Wochenschrift, 1885, n ° 4) ( 1 ).
L'observation suivante m'a paru digne d'être publiée, parce qu'ici
toutes les autres portions du tube respiratoire (nez, pharynx, larynx) se
trouvèrent respectées par la syphilis, et qu'il s'agit par conséquent d'ul
cérations trachéo- bronchiques syphilitiques isolées.
Ce cas concerne une femme de 33 ans qui fut apportée à la salle d'autop
sie le 12 octobre 1884 et chez laquelle on avait diagnostiqué, dans le ser
vice du professeur Halla , une tuberculose pulmonaire et intestinale.
Le père de cette femme était mort de tuberculose. Elle n'avait jamais ac
couché, ni avorte ; cinq ans auparavant elle avait été alteinte de peritonite,
trois ans plus tard, elle avait subi une ovariotomie , et il lui en restait une
large cicatrice brunàtre, étendue verticalement sur l'abdomen . Depuis deux
mois elle avait perdu l'appétit et le sommeil; et elle soufirait d'une toux obs
tinée accompagnie de crachats abondants et purulents, de douleurs thoraci
ques, et parfois des vomissements qui survenaient pendant les acces de toux;
elie présentait en outre de la dyspnée, des sueurs nocturnes, une faiblesse
qui croissait de jour en jour, et de la diarrhée . L'examen stéthoscopique
permet de reconnaitre aux sommets de la matité, et, dans l'étendue du pou
mon , de petites zones de matité circonscrites ; on entendait des râles dans
toute la poitrine ; il y avait, le soir, un léger mouvement frébile; de sorte
( 1) Traduction intégrale.
444 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

que les cliniciens , en tenant compte de la predisposition héréditaire et de


l'habitus tuberculeux de cette femme, se trouvèrent en droit de poser le dia
gnostic de tuberculose pulmonaire. L'affaiblissement augmente très rapide
ment, et la malade succomba à de l'ædème pulmonaire, cinq jours après
son entrée .
Le cadavre était celui d'une femme faiblement bâtie ; il était maigre, et
présentait une taille moyenne. La peau offrait des cicatrices varioleuses,
pâles et nombreuses sur le visage, et des taches pigmentaires d'un brun clair
irrégulièrement confluentes sur le cou et sur la moitié supérieure du thorar,
Les régions céphalique et cervicale ne présentaient rien d'anormal. Les mu
queuses du pez, du pharynx et du larynx , lisses et påles, n'offrirent nulle
part ni ulcerations ni cicatrices qu'on pùt rapporter à quelque ulcéra.
tion passée.
Les poumons, fixés de chaque côté , renfermaient, aux sommets, des cal
losités anciennes enveloppant des masses caseuses; à gauche, la base du
lobe supérieur et le lobe inférieur présentaient un grand nombre de foyers
circonscrits d'hépatisation grise, à droite, ces infiltrations lobulaires pneumo
niques étaient rares. Les ganglions lymphatiques péribronchiques offraient
une pigmentation ſoncée et étaient remplis de dépôts caséeux . Dans l'appareil
circulatoire, on remarquait une endartérile chronique déformante dont le
degré avancé contrastait avec l'âge encore jeune de cette femme.
Le foie présentait une disposition bosselée, en raison des tumeurs qui s'y
trouvaient enclavées. Ces lumeurs parsemaient le tissu conjonctif considéra
blement accru qui pénétrait dans le parenchymo sous forme de tractus épais
et longs; on leur reconnut l'apparence de gommes syphilitiques et l'examen
histologique confirma plus tard cette appréciation. La rate était ferme , peu
riche en pulpe , et parsemée de grains transparents grisâtres, comparables à
des grains de sagou . Les autres organes n'offraient rien de remarquable . Il
n'y avait aucune anomalie dans l'appareil génital, en dehors de l'absence de
l'ovaire droit, supprimé par l'ovarigtomie.
Lorsqu'après avoir enlevé les organes thoraciques on ouvrit la moitié infé
rieure de la trachée, on y remarqua, sur la muqueuse, une rougeur vive qui
commençait au niveau du 10º cartilage trachéal, qui occupait toute la moitié
gauche de la paroi postérieure et la paroi laterale gauche, et qui en avant
dépassait la ligne médiane pour s'étendre vers la droite ; celte rougeur s'avan
çait jusqu'à 3 centimètres dans la droite etjusqu'à ö centimétaes dans la bronche
gauche, et se poursuivait dans quelques-unes de leurs premières ramifications.
Dans l'espace occupé par la rougeur de la muqueuse, on remarquait, au
niveau du 15º cartilage trachéal, presque à 5 centimètres au -dessus de la bifurca
tion , une ulcération qui s'étendait à gauche à partir de la ligne médiane de la
paroi postérieure membraneuse, et dont le bord interne et supérieur décrivait
un arc de cercle régulier correspondant à un diamètre de om, 015 ; les bords
de la muqueuse soulevés et épaissis étaient finement dentelés , taillés à pic,
et comme rongés. Le fond , représenté par la couche sous -muqueuse qui
offrait un aspect crevassé, laissait voir en diverses places plus ou moins élen
dues, les cartilages dénudés et disposés par étages. En dehors, l'ulcération
se continuait avec un ulcère plus ancien déjà cicatrisé en partie, qui occu
pait la paroi gauche et antérieure de la trachée et qui dépassait de om ,005,
à gauche, la ligne médiane antérieure. Cette seconde ulcération était séparéc
de la première par une crète médiane, en forme de poutre el très saillante,
formée par la couche sous-muqéu ' use paissie, et elle présentait, à la limite
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 445

de la paroi postérieure et gauche de la trachée , une excavation de la gran


deur d'un pois dans laquelle les cartilages étaient à nu . Un tractus cicatri .
ciel faisait saillir fortement un débris de cartilage en dehors de cette exca
vation et déterminait ainsi un rétrécissement assez accusé du calibre de la
trachée ; dans le reste de l'étendue de cette perte de substance qui était
devenue lisse, les cartilages avaient entièrement disparu ; il ne restait là
que les parties molles notablement amincies.
De l'extrémité inférieure de la première ulcération descendait vers la droite
une troisième ulcération, de même grandeur, à bord net et circulaire, limi
lée sur la paroi postérieure et droile de la trachéc, et séparée du bord droit
de la seconde ulcération ( qui s'étendait plus à droite et qui était déjà cica
trisée) par un pont de 2 centimètres de large constitué par la muqueuse infil
trée sans érosion .
Le fond de cette troisième ulcération était plus lisse et offrait un aspect
lardacé. Vers le bas , ces trois ulcères se confondaient insensiblement avec
une vaste zone d'ulceration continue qui occupait la région de la bifurcation
et dans laquelle on distinguait des débris minimes de la muqueuse, une cou
che sous -muqueuse érodée, des granulations très fines emprisonnées dans
une sécrétion peu abondanle et très adhérente, de longs traclus musculaires,
des cartilages dénudés en beaucoup d'endroits, du tissus cicatriciel assez
rare, et quelques végétations papillomateuses. Dans la bronche droite,
l'ulceration trachéale ne se prolongeait que fort peu ; dans la bronche gauche,
on constatait sur la face interne deux pertes de substance superficielles, ré
centes, de la grandeur d'une lentille, et déposées l'une au - dessus de l'autre .
Autour des ulcères, les bronches étaient hyperémiées, et la muqueuse épais
sie présentait des érosions superficielles. En divers points de toutes ces ul
cérations, on observait d'une part une tendance marquée à la cicatrisation,
et d'autre part, dans le voisinage, une destruction progressive et pénétrante
en profondeur du tissu de granulations jeunes qui s'était formé récemment .
Tandis qu'au-dessus l'ulcération la trachée offrait un diamètre de 0m ,045 son
calibre se réduisait à 0m ,038 et même Om ,036 au milieu et au -dessous de
l'ulceration ; ce conduit se trouvait ainsi rétréci manifestement.
Quant au diagnostic de la nature syphilitique de ce processus ulceratif, en
l'absence d'une infection spécifique démontrée par les renseignements anam
nésiques ou cliniques, il fut fondé uniquement sur les constatations anatomi
ques . On se basa, d'une part, sur l'existence de lésions manifestement syphi
litiques d'autres organes : gommes et prolifération conjonctive considérable
du foie, taches cicatricielles pigmentées de la peau , intumescence et indura
tion des glandes lymphatiques, produits de déformation endartéritique dont
le degré avancé trouverait difticilement une autre interprétation à pareil â ge,
peut-être aussi dégénération amyloïde, qui d'ailleurs n'a pas été irės nette
ment établie ici; on s'appuya, d'autre part, sur des particularités anato
miques caratéristiques, différenciant les ulcères syphilitiques des autres ul
cérations. Sous ce dernier chef il faut citer : les limites nettes et le contour
plus ou moins arqué et comme découpé des ulcères, leurs bords épaissis ,
saillants , lurdacés et taillés à pic , leur sécrétion peu abondante formant par
places un dépôt mince et si bien enchevétrée parmi les fines granulations
qu'on ne pouvait pas la détacher en l'essuyant, puis la rougeur vive des
parties ambiantes et la tendance à une production cicatricielle abondante ;
tous ces signes sont en harmonie avec la disposition habituelle des ulcéra
jions syphilitiques des autres muqueuses. Enfin un aryument négatif, qui
446 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE ,

étaye encore ce diagnostic , était fourni par l'exclusion , au point de vue anato
mique , de toute autre espèce d’ulcération.
L'examen microscopique concorda avec les observations macroscopiques.
Dans les points où elle n'était pas complètement détruite , la muqueuse elait
fortement infiltrée de petites cellules. Le périchondre, lorsqu'il n'était pas
enlevé, se trouvait lardé de cellules lymphoides, et le cartilage même était
crodé ou exfolić .
On se trouve par conséquent autorisé à voir dans ce cas une ulcération
syphilitiqu:e isolée de la trachée et des brunches, sans affection syphilitique
concomilante dos autres portions de l'appareil respiratoire.
On ne peut réunir, dans loute la littérature médicale, qu'un très petit
nombre de cas analogues d'ulceration syphilitique trachéale, pure et absolu
ment isolée, constatés d'une manière certaine et confirmés anatomiquement.
D'après Gougenheim ( 1 ) , le larynx est atteint chez 40 0;0 des syphilitiques,
d'après Gerhardt et Rose ( 2 ) chez 32 0/0,7 et d'après Engelstedt et Lewin ( 3 !
chez 4,4 0/0 et 4,8 0/0 . Morell Mackenzie ( 4) sur 1,145 cas d'affections sypbi
litique des organes cervicaux signale une altération de la trachée 8 fois
seulement (1 1/2 0/0) . En revanche, d'après Gerhardt (5) , sur 17 cas d'affee
tions syphilitiques graves du larynx , la trachée fut atteinte aussi 4 fois. Sur
22 cas de syphilis tracheale qu'il a rassemblés, il trouva affectées : 4 fois la
surface tracheale entière, 6 fois la partie supérieure, el 12 fois la moitié in
féricure avec participation des bronches . L'étude synthétique de Pierling (6
sur les affections syphilitiques de la trachée et des bronches embrasse 43 cas,
examinés loutefois à un point de vue purement clinique. En outre , 22 cas de
syphilis trachéale, publiés soit avant soit après le travail de Vierling paru en
1878 , ont été signalés par Munk ( 7) , Dillrich et Willig (8 ) , Forster (9 ),
Eppinger ( 10) , Zurhell (11), Wilks (11), Beger (11 ), J. Mackenzie (11),
Semon ( 12) , Schech (13 ), et Kopp ( 14) .
En étudiant ces 65 cas de syphilis trachéale et bronchique, on reconnait
qu'il s'agit la plupart du temps d'une affection syphilitique trachéale émanee
du larynx ou du pharynx. Dans d'autres cas plus rares, la syphilis tracheale
s'est montrée isolée, en ce sens seulement qu'on pouvait constater des ulce
rations trachéales syphilitiques qui ne permettaient de reconnaitre aucune
relation directe par continuité de surface avec une syphilis laryngée ou pa
ryngée concomittante : elles en claient séparées par un espace de tissu
sain . Dans 6 cas seulement l'intégrité absolue du larynx et du pharynx se
trouve expressément signalée en même temps qu'une syphilis trachéale ou
(1) Proj. med ., 19, 1880 , II , p . 134 , De la laryngite syph . secondaire.
1) Störk in Pitha et Billroth , III , B. I , p . 346 .
(3) Ibid .
(4 ) Diseases of the throat, 1880 , p . 353 ct 36 $ .
(5) L'eber syph . Erkr. d . Luftr. ( D). Arch . f . Klin . Jel ., II , 1866 , p. 535.)
( 6) Syph . d . Trach . 11. d . Bronch. ( D. Arch . f. Klin . Med ., XXI , 1878, p . 325.
(7 ) Rokitansky . ( Lehrb . d. path . Anat., 1861, B. III , p. 22. )
(8) Pruger Viertelj . , IX , 73 ; XII , 192, 7 ; XII , 8 ; XXXVIII, 9 .
(9 ) Handbuch . d . spec . pati . Anat., Leipzig, 1863 , 2 Auth., p . 313 .
( 10) Handb. d . path . Anat, ron Klebs. Larynx 1. Trachea , bearb. von Eppinger,
1880 .
( 11 ) Cest . med . Jarb ., VII . Wien , 1881 , p . 76 .
(12) Transactions of the path . soc. of Lond ., vol . XXXI.
( 13) Wiener med . Woch . , n° 46 , 1884.
( 14) D. Arch . f. Klin . Beid., Bl. II , p . 538 et 545 .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

bronchique ;: ce sont les,'cas de Moissenet (1 ) et de Vierling, ceux de


Gerhardt ( 1 ) et ceux.de Schech qui sculs se rapportent å une affection syphi
litique des voies respiratoires indépendamment de toute syphilis concomit
tante ou antérieure du larynx et du pharynx, et qui seuls méritent la dési
gnation d' « affection syphilitique tracheale isolée n au sens strici. Parmi ces
6 cas, les deux de Schech et un des deux de Gerhardt n'ont pas été autopsiés
par suite de la guérison des malades; pour l'autre cas de Gerhardt et pour
celui de Moissenet, il n'est pas fait mention d'une autopsie ayant confirmé
le diagnostic ; seul le cas de Vierling se trouve corroboré par l'autopsie.
Dans le cas publié ici, l'étendue de l'ulcération siégeant à la bifurcation
de la trachée pourrait expliquer la toux violente notée dans l'observation de la
malade ; celle ulcération peut aussi avoir été le point de départ de la pneu
monie lobulaire qui a déterminé l'issue fatale de la maladie.

SYPHILIS PULMONAIRE . Clinique de M. le professeur Potain. ( Journal de


médecine et de chirurgie pratiques. Janvier 1883.)
A propos d'un malade entré dans son service pour des altérations
pulmonaires et des lésions syphilitiques tertiaires, M. Potain discute la
possibilité d'une détermination syphilitique dans le poumon .
La pneumopathie syphilitique peut se montrer à des périodes diverses
de la syphilis. Le plus souvent elle survient à la fin de la période secon
daire, au début de la période tertiaire, mais elle a été vue un an seulc
nient après le chancre par M. Mauriac et elle a pu se montrer jusqu'à
vingt- trois ans plus tard dans certains cas . Il semble même certain d'après
une observation de M. Gaucher qu'elle peut être une manifestation de
la syphilis héréditaire.
C'est surtout avec la tuberculose que l'on peut confondre la syphilis
pulmonaire. M. Potain indique les quelques signes différentiels qui peu .
vent être utilisés : 1 ° association des lésions syphilitiques et des altéra
tions pulmonair -s; 2 ° les lésions tuberculeuses siègent surtout au som
met, les syphilitiques plutôt au niveau de la partie moyenne du pou
mon ; 3° rareté des bémoplysies, et de la fièvre dans la syphilis pul
monaire et enfin lorsque la cachexie survient elle n'est pas en rapport
avec l'étendue des lésions pulmonaires qui restent toujours assez limi
tées ; 4 ° la recherche des bacilles, mais si on n'en trouve pas, on ne
peut cependant affirmer la non -existence de la tuberculose ; ģ " le traite
ment ne peut être considéré comme une pierre de touche de la nature
de la maladie que dans certaines conditions particulières. Un syphili
tique qui est en même temps tuberculeux peut en effet être amélioré par
le traitemeut qui agit sur l'état général et amène souvent indirectement
une amélioration de l'état local . M. Potain en a vu un cas où la tuber
1) Cilé par Vierling .
448 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

culose confirmée par la présence des bacilles n'était pas douteuse.


Lorsque l'aniélioration est rapide et complète, la nature syphilitique des
lésions pulmonaires est alors manifeste. L. PERRIN .

SYNCHYSIS ÉTINCELANT CHEZ UN SYPHILITIQUE . GUÉRISON EN HUIT JOURS PAR LE


TRAITEMENT SPÉCIFIQUE , par M. A. COURTADE , interne des hôpitaux.
(Union médicale, nº 2, janvier 1885.)

Il s'agit d'un cas de synchysis étincelant où la syphilis semble avoir


eu un rôle important. C'était un homme robuste, âgé de 67 ans, qui
10 mois auparavant avait eu un chancre syphilitique suivi de plaques
buccales ; pendant un mois il avait pris 2 pilules de proto-iodure par
jour.
Deux mois après le chancre, le malade éprouvait du côté droit de l'af
faiblissement de la vue, il voyait les objets entourés d'un nuage , il aper
cevait des flammeches. Cinq mois après, les troubles apparaissaient du
côté de l'eil gauche (mouches volantes, objets mal perçus, etc. ) . Les
troubles visuels étaient tels que cet homme arrivait presque aveugle en
mars 1884 à l'hôpital Saint- Louis.
L'examen ophtalmologique faisait constater, à l'ail gauche de la choroï
dite, des dépôts pigmentaires sur la cristalloïde antérieure ; à droite , il
n'y avait pas d'iritis, seulement du synchysis.
De plus le malade présentait une double adenopathie inguinale, des
plaques muqueuses buccales et anales.
Le traitement fut le suivant : frictions mercurielles, et 2 grammes
iodure de potassium . Au bout de huit jours, cet homme qui était presque
aveugle était guéri. Pour M. A. Courtade , cette guérison rapide ne
prouve pas que le synchysis était syphilitique, mais seulement l'influence
du traitement sur le ramollissement du corps vitré et sur la production
des cristaux de cholestérine et de tyrosine qui constituent le synchysis.
L. PERRIN .

LE GÉRANT : G. MASSON .

Paris . Société l'imprimeric PAUL DUPONT. 41 rue d . -d . -Rousseau (C1.) 56.7.85 .


N° 8-9 . 25 Septembre 1883,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES LOCALISATIONS ARTICU


LAIRES DE LA SYPHILIS TERTIAIRE . - DE L'OSTÉO -

ARTHRITE SYPHILITIQUE ,
Par lo Di Michel GANGOLPHE ,
Ex-chef de clinique chirurgicale à la Faculté de médecine de Lyon .

Dans ce mémoire, nous nous sommes proposé d'étudier, à l'aide de


données anatomo- pathologiques nouvelles, la nature, l'évolution , les
caractères différentiels d'une variété d'arthropathie syphilitique, de
l'ostéo - arthrite tertiaire.
Nous ne toucherons pas au côté clinique de la question ; nous nous
attacherons surtout à exposer les résultats fournis par l'observation
nécroscopique , persuadé que l'obscurité relative qui règne sur ces
2

lésions , malgré de nombreux et remarquables travaux , tient à l'insuf


>

fisance des documents anatomiques.


Réunissant dans un premier paragraphe les faits publiés à ceux qui
nous sont personnels, nous tenterons, dans une seconde partie, d'éta
blir d'après leur examen analytique, la nature, le mode d'évolution, les
caractères différentiels de l'ostéo-arthrite gommeuse.
Le titre de ce travail indique suffisamment qu'il ne s'agit pas d'une
étude complète et surtout définitive, pour que nous n'ayons pas à nous
défendre d'avoir voulu préjuger d'une question qui , certainement,
appelle de nouvelles recherches.

21. - Observations.
Les faits publiés par M. le professeur Richet ( 1853), et ultérieure
ment par ses élèves, Voizin ( 1875) , Dauzat (1875), dans le but de
prouver l'existence de l'arthrite, de la tumeur blanche syphilitique, ont
ANNALES DE DERMAT . , ge SERIE , 29
450 MICHEL GANGOLPHE .

été repris et critiqués par M. Panas (art. ARTICULATIONS, Dictionnaire de


Jaccoud, 1875 ), et plus tard par M. Bouilly (1875 ), dans son intéres
sante étude comparative des arthropathies rhumatismales, scrofuleuses,
syphilitiques. De nouvelles thèses (Dureuil 1881 , Méricamp 1882), ins
pirées par M. le professeur Fournier, ont paru ces dernières années, et
cependant, dans cet ensemble de publications, nous ne trouvons que
deux relations d'autopsies dues, la première à M. Lancereaux ( 1873) ,
la seconde à M. Méricamp. C'est peu , comparativement au bilan des
observations cliniques ; toutefois ,7 lorsqu'il s'agit de déterminer la
nature d'une lésion , la valeur des données anatomo- pathologiques nous
paraît bien supérieure aux documents cliniques. Nous citerons tout
d'abord ces faits, celui de Schuller ( 1882) , et les nôtres, afin de mettre
immédiatement sous les yeux du lecteur les pièces qui servent à établir
nos conclusions.

. I. – Lancercaux ( Traité de la syphilis, 2e édit. 1873), Arthro


Obs.
pathie syphilitique des deux genour. -- Autopsie.
-

Autopsie. - (Résumé).
Dégénérescences gommeuses ganglionnaires multiples .
Foie syphilitique, gommes et cicatrices .
Ulcerations du larynx.
Ulceration et rétrécissement des bronches.
Arthropathies. — Les deux articulations fémoro.tibiales sont volumineuses;
elles renferment chacune plus d'un verre d'une sérosité louche. Les sypo
viales , épaissies et en même temps injectées, sont tapissées de plusieurs
dépôts pseudo -membraneux. A gauche, une fausse membrane jaunâtre unit
les deux feuillets synoviaux; à droite, la bourse synoviale du droit antérieur,
sans communication avec la cavité articulaire, n'est pas altérée. La surface
articulaire du condyle externe gauche est dans un point érodée. Les carti
lages articulaires des rotules sont érodés et ulcérés ; mais ces allérations ne
sont que secondaires et la lésion principale porte sur les tissus fibreux de
l'articulation. Du côté droit, une partie du tendon rotulien , le peloton grais
seux situé en arrière de la bourse synoviale, et tous les tissus fibreux qui
s'insèrent au pourtour du tibia, sont transformés en une masse uniforme,
jaune grisâtre, élastique, qui a 4 centimètres d'épaisseur sur la ligne mé
diane . Cette masse, par son aspect, sa consi : tance et sa structure, se rap
proche des produits morbides trouvés dans le foie : elle est formée par un
dépot gommeux . Une simple bandelette fibreuse représente le tendon rotu
lien , et quelques tractus fibreux semblent diviser la masse gommeuse en
plusieurs petites tumeurs . Les ligaments semi-lunaires et inter-articulaires
sont sains. L'articulation du genou gauche est également altérée, avec celle
dillérence que le peloton graisseux post-rotulien n'a pas disparu aussi com
plètement que du colé opposé. Au -dessous de ce peloton, en arrière du tendon
et en avant du tibia , existe un dépol gommeux de 2 centimètres d'épaisseur.
L'examen anatomique des masses gommeuses articulaires m'a donné une
structure identique à celle des tubercules gommeux du foie.
DE L'OSTÉO-ARTHRITE SYPHILITIQUE . 451

Obs . II . Méricamp ( Thèse Paris, 1882) , Des arthropathies


syphilitiques.
Dans un mémoire précédent sur l'osteomyélite gommeuse des os
longs (Lyon médical, 1884) , nous avons reproduit les détails notés
dans ce fait remarquable, relativement aux lésions diaphysaires. Nous
n'indiquerons ici que les lésions articulaires.
Genou guuche. Ce genou , anciennement si malade, a aujourd'hui sa
forme normale .
Les muscles qui l'entourent ont leur coloration habituelle, sans dégénéres
cence graisseuse ; rien d'anormal autour de l'articulation .
La synoviale est intacle , elle a sa forme, son épaisseur, ses caractères
ordinaires; seulement le ligament adipeux est remarquable par sa surcharge
graisseuse, et la synoviale est doublée à sa face externe d'une couche épaisse
de tissu adipeux.
Les ligaments articulaires sont intacts, les ligaments croisés seuls parais
sent avoir des insertions moins solides, et il est possible de les arracher à
leurs insertions fémorales .
Le plateau tibial est intact.
Les ménisques articulaires sont intacts .
La surface articulaire de la rotule l'est égalernent.
Tous les os constitutits de l'articulation , la rotule y comprise, ont leur
forme ordinaire. Et si le cartilage fémoral ne portait la trace d'altérations
anciennes, réparées en partie, on jurerait une articulation saine.
Ces lésions du cartilage sont peu de chose, et presque exclusivement can
tonnées dans cette partie de la trochlée fémorale qui s'articule avec la rotule .
Le cartilage est lobulé , à la façon des foies atteints de cirrhose atrophique.
Il est des gros et des petits grains : les gros grains ont la dimension
d'une lentille, les petits, celle d'un gros grain de mil; il en existe d'intermé
diaires : gros grains et petits grains sont contluents el séparés par des de
pressions appartenant au cartilage cicatrisé.
Sur la face tibiale de la trochlée fémorale, on n'aperçoit que deux dépres
sions stellaires , cicatrices à nombreux rayons.
Mais ce sont là de vieilles lésions, actuellement réparées, et pouvant tout
au plus donner lieu , et à grand'peine, å un léger frottement.
A l'extrémité inférieure du fémur, on constate ce qui suit :
Plus rien de ce tissu réticulé dense et si admirablement feutré de l'épi
physe normale .
En arrière, c'est une fine lame de tissu compact ; en avant , c'est une
couche d'ostéite condensante de plus de 1 centimètre d'épaisseur.
Cette ostéite condensante est antérieure, nous venons de le dire : elle
répond par conséquent à la surface rotulienne de la trochlée fémorale , et
nous savons que c'est à ce niveau que le cartilage est particulièrement
lobulé.
Au -dessus du cartilage articulaire est dari os un fover de 1 centimètre et
demi de diamètre, limité, en avant par la couche épaisse d'osteite conden
sante , en bas par une lame irrégulière anguleuse (et non arrondie comme
452 MICHEL GANGOLPHE .

cela existe normalement) de tissu osseux. Ce foyer se continue directement


avec le canal médullaire dilaté et prolongé.
Il est rempli d'une substance pulpeuse, jaune d'or, non plus rouillée comme
celle qui remplit la diaphyse, mais se continuant de proche en proche avec
elle ; celle substance est soutenue et parcourue par une trame conjonctive.
En résumé, le fémur seul a été atteint. Tous les autres éléments de l'arti
culation sont absolument intacts, à l'exception du cartilage qui s'est trouvé
particulièrement altéré dans le point qui correspondait à l'altération osseuse
la plus grande.
Cela semblerait prouver que l'altération cartilagineuse est symptomatique
de l'altération osseuse : mais on dit dans l'observation de la malade qu'il y a
eu épanchement articulaire ; l'altération du cartilage peut par conséquent être
mise sur le compte de modifications subies à ce moment par la synoviale,
modifications si légères, néanmoins, qu'il est impossible d'en saisir la moindre
trace .

Coude gauche. Extrémité articulaire inférieure.


Tandis que les lésions du corps de l'humérus sont surtout des lésions par
condensation , les lésions de l'extrémité inférieure sont surtout des lésions
destructives .
C'est ainsi que la lamelle osseuse qui sépare la cavité coronoïdienne de la
cavité oléocranienne est rugueuse , amincie, perforée, détruite mème par
places.
Que le condyle huméral est constitué par un tissu vacuolaire d'une fragilité
extrême .
Que la trochlée humérale est en grande partie détruite . Elle n'est repré
sentée que par sa partie interne et par sa partie externe, et encore sa partie
interne est-elle seule reconnaissable ; entre les deux existe un vide de 5 à
6 millimètres, comblé par du tissu fibreux : les deux fragments qui restent
de la trochlée sont mobiles ; ils tiennent à peine; ils sont fracturés, ce qui
explique la fragilité extreme du tissu osseux à leur niveau . Nous pensons que
ce sont là des fractures post mortem . A ces lésions si intimes correspondent
des modifications considérables du cartilage articulaire ; il est inégal, irré
gulier.

Examen histologique. - Extrémité inférieure du fémur.


-

Le tissu osseux du condyle présentait des signes évidents d'ostéite rare


fiante. Mais il ne contenait pas d'ilots néoplasiques circonscrits comme l'er .
trémité inférieure du radius. En certains points, le tissu osseux du condyle
présentait des traces bien nettes d'ostéite condensante sur les caractères de
laquelle je n'ai pas à insister ici. Le cartilage, dans ses parties en apparence
les plus saines à l'ail nu , présente déjà des altérations notables, facilement
constatables à un fo:t grossissement. Les capsules du cartilagecontiennent
des granulations graisseuses tines, leur noyau a complètement disparu ; en
un mot, les cellules cartilagineuses contenues dans les cavités capsulaires
sontcomplètement détruites. La plupart des capsules cartilagineuses sont
déformées, irrégulières. En plusieurs points, les boyaux remplis de cellules
DE L'OSTÉO - ARTHRITE SYPHILITIQUE . 453

embryonnaires résultant de l'ostéite raréfiante ont érodé le cartilage et ten


dent à s'ouvrir dans la cavité articulaire.

OBS. III . Schuller ( Bericht über die Verhandlungen d . deutsch .


Gesell. f. Chir. , XI° Congress).
Nous résumons ici une communication faite par M. Schuller sur une
présentation anatomique.
Après avoir insisté sur l'incertitude qui règne sur les lésions syphilitiques
et indiqué les caractères qui lui paraissent différencier la syphilis héréditaire
de la syphilis acquise, cet auteur présente les pièces suivantes : sur une
femme de 49 ans, morte avec de nombreuses localisations syphilitiques, le
genou droit, qui était quelque peu tuméfié extérieurement, contenait à peu
près une demi-cuillerée de sérosité trouble , floconneuse, rougeâtre. La syno
viale, couverte de petites papilles, était épaissie, surtout au voisinage de la
rotule. Le cartilage de celle-ci était irrégulier et présentait à sa partie interne
une perte de substance comblée par du tissu fibreux. Lésions analogues sur
les condyles du fémur et le condyle interne du tibia . Le condyle externe de
ce dernier os offre une perte de substance arrondie, grosse comme une noi
sette, infundibuliforme dont le fond est comblé par une substance gommeuse
qui s'enfonce à 5 centimètres de profondeur dans le tissu spongieux de l'épi
physe . Schuller pense que la perte de substance comblée par du tissu cica
triciel, observée sur la rotule , tient à une ulcération cartilagineuse, tandis
que sur le tibia on doit se demander s'il n'y a pas eu à la fois gomme osseuse
et ulceration cartilagineuse. Pour lui les cicatrices du cartilage sont carac
téristiques comme les productions gommeuses. Langenbeck fait remarquer
que c'est là aussi l'opinion de Virchow .

Obs. IV. – Fracture pathologique de la cuisse gauche.


-
Défaut de
consolidation . -
Erysipele facial. Mort par cachexie.
Lésions osseuses multiples très vraisemblablement syphilitiques.
Nous ne transcrivons ici de cette observation publiée intégralement
dans notre mémoire sur l'ostéomyélite gommeuse que les lésions
observées sur les articulations .
En ouvrant l'articulation coxo -femorale, nous voyons sortir une certaine
quantité de sérosité purulente roussâtre : le rebord cotyloïdien est érode, le
fibro-cartilage a disparu dans les points correspondants à ces érosions. La
partie du fragment supérieur intermédiaire à la fracture et à la base du col
est augmentée de volume par suite de la formation d'un tissu osseux nou
veau , spongieux et friable . Le col du fémur présente d'assez nombreuses
érosions . Le tissu fibreux qui le recouvre est épaissi , vascularisé . Le cartilage
diarthrodial est un peu terne, mais ne présente pas de perte de substance.
Des coupes portant sur la tête et le col du fémur démontrent l'extension de
l'ostéite sur toute la longueur. Dans la tête fémorale existent plusieurs petites
portions osseuses , nécrosées, jaunâtres ....... L'articulation coxo -femorale
droite contenait un peu de sérosité purulente : le fond de la cavité colyloïde
était érodé en deux ou trois points comme par des coups d'ongle.
454 MICHEL GANGOLPHE .

Au centre de la tête humérale droite existait une masse blanc jau


nåtre, diffuse, à bords mal limités, inais entourés par une zore vascularisée
rougeâtre. La substance jaune infiltrait le tissu osseux, mais celui- ci ne s'était
pas résorbé, n'avait pas disparu complètement, tout en étant raréfié. La
lésion présentait à peu près les dimensions d'une pièce de 1 franc. Intégrité
apparente du cartilage articulaire. Au point de vue histologique, cette altéra
tion présentait tous les caractères du syphilome.

Ors. V. – Accidents syphilitiques tertiaires multiples (osseur et


viscéraux ). — Ictère. Albuminurie . Mort dans le coma ,
Autopsie.
Crottier -Combe, Irénée , âgé de 23 ans, né à Neulize (Loire), entré
dans le service de M. Daniel Mollière, salle Saint- Joseph , n° 19, mort
le 5 février.
Les détails cliniques de cette observation nous ont été communiqués
par notre ami Duzea, interne des hôpitaux . ( 1 )
Cet homme, malgré une apparence des plus chétives et qui paraissait
n'avoir pas dépassé ni même atteint l'âge de la puberté ( absence de barbe,
duvet insigniliant au pubis, organes genitaux incomplètement développés,
taille petite , facies d'enfant) a affirmé n'avoir jamais été malade avant l'age
de 20 ans . Au point de vue de ses antécédents, il nous a dit posséder encore
son père et sa mère, qui auraient toujours joui d'une bonne santé . Il avait
deux saurs, plus âgées que lui, également bien portantes ; il n'en a jamais
perdu.
Interrogé au point de vue d'antécédents spécifiques, il répondait n'avoir
jamais eu de rapports avec une femme, jamais de boutons d'éruptions
cutanées ; pas de plaques sur les lèvres, dans la bouche ou dans la gorge;
pas de calvitie . Du reste, malgré un examen attentif, il aa été impossible de
retrouver la trace d'un accident syphilitique primitif.
Il y a deux ans et demi ou trois ans, le malade ne peut préciser juste, il
aurait commencé à ressentir une douleur sourde au niveau de la partie
moyenne du tibia gauche, en même temps qu'il aurait constaté un peu de
gontlement de ce côté .
Presque à la même époque, à la partie supérieure de l'épaule droite, entre
la racine du cou et la pointe de l'acromion , se produisit une série d’ulcéra
tions superficielles qui survinrent sans cause connue et qui non seulement
persistèrent depuis ce moment, mais se rejoignirent, s'avançant en avant et
en arrière, formant une sorte d'épaulette reproduisant la forme générale
d'un S italique, descendant en arrière un peu au -dessous de la region sus
jacente à l'épine de l'omoplate, tandis qu'en avant la lésion dépassail d'un
centimètre ou deux le bord inférieur de la clavicule.
Ces ulcérations qui saignaient facilement se sont recouvertes de croù les
épaisses reposant sur un fond rouge brun. Elles ont encore cet aspect au
moment de l'entrée du malade ; mais on remarque que la lésion présente
(1 ) Les pièces anatomopathologiques recueillies sur ce sujet ont été présentées
à la Société des sciences médicales de Lyon (seance du 8 février 1885 ).
DE L'OSTÉO -ARTHRITE SYPHILITIQUE. 455

actuellement une tendance à la cicatrisation, surtout sur ses parties margi


nales, tandis que le centre est encore humide et suintant.
Depuis le début de ces accidents, l'état de santé du malade est devenu de
plus en plus mauvais, perte constante de l'appétit et des forces, malgré un
traitement exclusivement tonique qui lui fut conseillé dans son pays. C'est ce
qui le décide à entrer à l'hôtel-Dieu de Lyon . A ce moment, outre les lésions
cutanées déjà signalées, on constate que la tuméfaction de la partie moyenne
du tibia gauche s'est convertie en un abcès qui s'est ouvert spontanément, il
y a quelques jours , laissant un trajet fistuleux d'où s'écoule un pus séreux ,
quelquefois sanguinolent. Un stylet introduit dans ce trajet conduit dans le
corps de l'os dans une anfractuosité assez spacieuse. La plaie laisse échapper
une odeur putride. Tout autour, la peau est tendue, violacée, lardacée. On
constale , malgré une énorme atrophie de tout le membre correspondant, un
peu d'adème de la partie inférieure des malléoles et sur le dos du pied .
La pression éveille une douleur vive, douleur qui est parfois spontanée et
sourde .
Sur la jambe droite et dans un point presque exactement symétrique au
précédent, on constate une tumefaction du tibia qui présente une hyperos
lose marquée sur une longueur de 4 à 5 centimètres environ sur la partie
moyenne et surtout sur la face interne la plus accessible.
Atrophie du membre inférieur droit, mais moins marquée que celle du
membre inférieur gauche.
Du côté de la tête , on constate, sur la région qui correspond à la réunion
du frontal, du temporal et du pariétal, une tumefaction de la grosseur d'un
æuf de pigeon, assez molle, non réductible et donnant manifestement la
sensation de fausse fluctuation .
La partie antérieure et supérieure du frontal parait inégale et comme
boursouflée.
Le malade a eu parfois quelques douleurs céphaliques, mais peu intenses :
jamais de troubles intellectuels, jamais de vertiges, ni de troubles céré
braux .
Enfin , outre ces phénomènes objectifs, on constate encore de la raideur
et de la gêne de plusieurs articulations, mais surtout des articulations de
l'épaule et du coude . Des craquements manifestes sont produits par les mou
vements qu'on provoque dans les articulations. Du côté des membres infé
rieurs, mêmes phénomènes, mais beaucoup moins accentués : c'est au genou
où ils le seraient le plus. Du reste , du côté des membres supérieurs, les
doigts , les mains et les avant -bras sont dans une demi-flexion que le malade
conserve pour éviter la douleur. La sensibilité cutanée de ces membres supé
rieurs parait un peu diminuée, il y a de la parésie et un peu d'anesthésie .
En présence de ces phénomènes, mais surtout en présence des lésions
cutanées typiques de l'épaule droite , M. Mollière diagnostique immédiatement
des lésions syphilitiques tertiaires. Il insiste mème sur ce diagnostic qu'il est
de toute importanco de porter dès le début des accidents, afin d'instituer le
traitement spécifique.
Dès son entrée, le malade est soumis au traitement suivant :
Bains salés tous les jours.
lodure de potassium , 6 grammes ; frictions à la pommade mercurielle.
Depuis son arrivée, le malade a gardé à peu près constamment le lit. Les
premiers jours, il a paru légèrement amélioré; mais dès le 20 janvier, l'état
général est redevenu mauvais ; anorexie à peu près complète : la douleur
456 MICHEL GANGOLPHE .

est beaucoup plus vive à la jambe gauche ; le malade ne peut dormir tant
elle est intense. On fit alors, le 25 janvier, une large incision au niveau de
la fistule de la jambe gauche, incision allant jusqu'à l'os , en pensant à de la
rétention du pus. Après l'incision, douleur extrêmement vive pendant les
deux jours qui suivirent. Une hémorrhagie fut consécutive à celle incision et
ne put ètre arrétée que gràce à un tamponnement énergique et à l'adminis
tration de 3 grammes de seigle ergoté en poudre . Hémorrhagie en nappe ,
tendance hémophilique manifeste. Le 1er février, le malade éprouve une
dyspnée intense, il a de la torpeur et de la somnolence ; il répond encore
aux questions, mais avec peine et à voix basse . En même temps, teinte
subictérique généralisée.
A ce moment, on cesse l'usage de l'iodure pour ne continuer que la pom
made mercurielle. On n'a pas trouvé de troubles à l'auscultation du cœur.
L'auscultation des poumons n'a fait constater aucun signe manifeste. Un peu
plus d'obscurité à droite qu'à gauche.
Les jours suivants, ces phénomènes vont en s'accentuant. Le 4 février, on
incise la gomme de la région tempo -fronto -pariétale droite. Il ne sort qu'un
peu de matière jaunâtre comme caséeuse. Un stylet introduit dans la plaie
conduit sur un os dénudé . Pas de communications avec la cavité crânienne .
Pas d'agitation ni de délire : le coma et la dyspnée s'accentuent de plus
en plus. Les urines, qui étaient devenues rares ces jours derniers, se sup
priment complètement. Examinées le 3 février, les réactifs y ont décelé une
grande quantité d'albumine. Pas de sucre.
Le malade succombe le 5 février, à 11 heures du soir.
Autopsie. Le 7 février.
-

Examen des organes. - Le cerveau et ses enveloppes ne nous ont montré


aucune lésion ; peut- être très légère congestion des méninges, mais n'ayant
rien de caractéristique.
Surface extérieure cérébrale absolument intacte ;, rien non plus sur les
circonvolutions correspondant au point où siègeait la gomme de la paroi
crânienne .
On ne note également rien de particulier sur les différentes coupes qu'on
y pratique.
Poumon gauche. Sain .
Poumon droit . Consistance très molle ; il se laisse facilement déchirer.
Adhérences nombreuses qui ne permettent de l'extraire de la cavité thora
cique qu'avec la plus grande difficulté. Ces adhérences sont surtout accen
tuées au niveau de sa face inférieure et postérieure. Mais la lésion typique
est celle que l'on note à la partie moyenne du lobe inférieur. Là, en effet,
sur une coupe antéro-postérieure, on remarque logée dans l'épaisseur du
lobe une gomme sèche du volume et de l'aspect d'un gros marron, selon la
comparaison de M. le professeur Raymond Tripier. Deux autres gommes
plus petites et de date plus récente font saillie dans la plèvre.
Enfin, au sommet du même côté, petites cavernules avec de petites gommes
ne dépassant pas le volume d'une téle d'épingle.
Foie. Mamelonné, semble un peu diminué de volume. Adhérences de sa
face supérieure et postérieure avec le diaphragme, dont on le dérache difti
cilement. Traces d'anciennes intlammations péritonéales locales. A la partie
antérieure, nous trouvons une gomme du volume d'une noisette. Dans le
parenchyme de l'organe, on trouve une série d'autres petites gommes de la
grosseur d'une tête d'épingle, disséminées surtout au niveau des points cor
DE L'OSTÉO -ARTHRITE SYPHILITIQUE . 457

respondant à l'intervalle des mamelons. Autour de ces gommes , le tissu de


l'organe présentait les lésions macroscopiques de la sclérose interstitielle .
Dans le reste du parenchyme, dégénérescence graisseuse typique .
Rate. - Très congestionnée , volumineuse et friable. Poids, 1,100 grammes .
Pas d'autres lésions.
Reins. – Tous deux volumineux , mais ne présentant pas d'autre lésion
qu’une congestion intense et un peu de dégénérescence graisseuse .
Organes génitaux urinaires. — Pas d'altérations, testicules petits et comme
incomplètement développés, mais ne présentant aucune lésion.
Rien non plus du côté du péritoine et du tube digestif.
Mais une dernière lésion a été constatée dans le corps thyroïde, dans le
lobe gauche duquel on a trouvé une petite gomme de nature et d'aspect
semblables aux précédentes et du volume d'un pois .
Avant d'indiquer les résultats que nous a fournis l'examen du sque
lette (1 ), nous ferons remarquer, outre les dimensions anormales de
la rate, l'existence d'une hypertrophie ganglionnaire généralisée très
notable .
Les yeux , les dents , le squelette de la face n'étaient le siège d'aucune
lésion .
Etat du squelette . - La voûte crânienne présentait des lésions gommeuses
multiples . La base du crâne n'en offrait aucune trace .
Thora.c . Les cotes paraissent indemnes; quant au sternum , il est pro
fondément alléré au niveau de l'articulation sterno- claviculaire droite. Les
deux surfaces claviculaire et sternale sunt déformées, profondément érodées.
L'épiphyse entière de la clavicule a disparu , à sa place existe une dépression
profonde, en croissant, limitée par deux cornes, l'une antérieure, l'autre pos
térieure, qui donne à l'os l'aspect d'une fourche à deux dents .
En explorant cette surface au stylet, on pénètre dans l'intérieur de la clavi
cule. Une coupe parallèle au grand axe démontre à ce niveau l'existence
d'un tissu gommeux caractéristique. Ajoutons qu'il existait une hyperostose
périphérique maniteste .
La moitié externe de la clavicule est élargie , hyperostosée , mais l'extré
milé acromiale est réduile à l'état de lame ostéo - fibreuse très mince .
La clavicule gauche, en majeure partie intacte, est recouverte à son extré
mité acromiale d'une très faible couche de substance gommeuse jaunâtre.
Colonne vertébrale . - Sur une coupe médiane antéro -postérieure, compre
-

nant tout le rachis, on ne distingue aucune lésion .


Bassin . Sur aucun point du bassin (sacrum et os iliaques) il n'existe de
lésion appréciable.
Membres supérieurs.
Membre droit . L'omoplate est le siège de lésions remarquables : non
seulement toute l'épiphyse marginale du bord spinal a disparu, mais en outre
le corps de l'os est érodé à sa pliériphérie, échancré de distance en dis
lance . Ces dépressions sont remplies de substance caséeuse jaune, maintenue

(1) Nous devons à l'obligeance de M. Daniel Mollière, chirurgien-major de


l'hôtel-Dieu de Lyon, d'avoir pu pratiquer cette intéressante autopsie .
458 MICHEL GANGOLPHE .

en place par du tissu fibreux. La base de l'épine de l'omoplate est surmontée


d'un amas de détritus gommeux de la grosseur d'une noix , reposant sur une
perte de substance du tissu osseux . L'acromion est aminci, réduit en certains
points à l'état de lame papyracée : il présente un élargissement tel que son
plus grand diamètre mesure 7 centimètres. Il est recouvert d'une très mince
couche caséeuse , sèche, quelque peu adhérente. L'apophyse coracoide (région
epiphysaire) présente un peu de tissu gommeux.
Cavité glenoïde. Indemne.
Articulation acromio -claviculaire.. Altérations des surfaces articulaires,
disparition du cartilage; ligaments intacts .
L'articulation de l'épaule ne contient ni pus, ni sérosité purulente ; la
synoviale est intacte , de coloration normale. Le cartilage diarthrodial de
l'humérus présente quelques depressions au niveau du tiers supérieur du col
anatomique dans le point où la synoviale vient s'insérer au pourtour du car
tilage. Entre les dépressions et autour d'elles le cartilage est inégalement
épais : soulevé ici sous forme de petites saillies mamelonnées circonscrites
par de petits sillons, là très aminci, laissant voir, par transparence, la teinte
bleu foncé du tissu spongieux sous-jacent; il adhère fortement à ce dernier,
contrairement à ce qui s'observe dans les ostéo-arthrites tuberculeuses. Les
dépressions ont une forme étoilée . Un fin stylet, introduit dans quelques-unes
de ces perforations dont les plus volumineuses ne dépassent guère un dia
mètre de 2 ou 3 millimetres, pénètre dans un tissu mou , friable . Une coupe
verticale et parallèle à l'axe transversal de l'extrémité humérale permet d'ob
server des lésions auxquelles il était difficile de s'attendre, étant donnée l'in
tégrité apparente de l'os . L'épiphyse est le siège d'un noyau gélatineux, mou,
très légèrement rosé, de la dimension d'une pièce de 50 centimes : colora
tion jaunâtre à la partie externe .
La lésion, ainsi que l'ostéite raréfiante qui l'accompagne, existent sur une
étendue de 3 centimètres de hauteur et de 1 centimètre et demi de largeur.
La limite de la diaphyse et de l'épiphyse ou la place occupée par le cartilage
de conjugaison est indiquée par une ligne osseuse compacte épaisse de
2 millimètres environ. Cette mince ligne osseuse est interrompue dans ses
deux tiers externes par la lésion qui mérite pour cela la dénomination de
diaphyso -epiphysaire. En comparant les coupes symétriques des deux extré
mités hunérales supérieures, droite et gauche, on voit nettement sur la pre
mière que l'altération s'est développée sur la diaphyse et l'épiphyse, tandis
que sur la seconde la diaphyse est restée indemne, alors que l'épiphyse a
presque entièrement disparu. La région de la grosse tubérosité présente une
certaine raréfaction de son tissu , mais ne contient pas de substance gom
meuse .
La diaphyse et l'extrémité inférieure de l'humérus sont intactes.
L'articulation du coude contient de la synovie normale : le tiers interne de
la surface cartilagineuse de la cupule radiale a disparu, laissant une brèche
comblée en partie par du tissu fibreux. Le reste du cartilage diathrodial
irrégulièrement aminci présente quelques petits mamelons.
L'extrémité supérieure de la diaphyse radiale présente une augmentation
de volume qui s'étend sur une longueur de 6 centimètres environ . Recou
verte d'un périoste épais, résistant, la surface osseuse offre de petits sillons,
quelques perforations dans lesquelles s'enfoncent des travées fibreuses. L'apo
physe bicipitale déformée, plus saillante , est comprise dans le territoire de
l'hyperostose .
DE L'OSTÉO -ARTHRITE SYPHILITIQUE . 459

Le cubitus est intact ; toutefois le sillon qui sépare les apophyses coro
noïde et l'olécrane est plus accentué, recouvert d'un tissu fibreux épais , Le
poignet et le squelette de la main ne sont le siège d'aucune lésion .
Nembre gauche.
Omoplate gauche. – A peu près complètement sain . La surface acromio
claviculaire est amincie , recouverte d'une très légère couche caséeuse.
Articulation de l'épaule.. - Synovie normale . Le cartilage glénoïdien est
un peu irrégulier, comme ridé : l'extrémité supérieure de l'humérus est pro
fondément atteinte . Les deux tiers supérieurs de la tête humérale, os et car
tilage, ont disparu : il ne reste plus de l'épiphyse qu'une sorte de bandelette
située à la partie inféro -interne. La perte de substance résultant de la des
truction du tissu osseux se présente comme une dépression profonde de
1 centimètre et demi, limitée , en dedans et en bas par la partie restante de
la léle, en haut et en dehors par la tubérosité externe . Elle est tapissée par
une néo -membrane rougeâtre, épaisse, qui repose sur un plan osseux résis
tant. La région des trochanters, notablement élargie ( le plus grand diamètre
est de 7 centimètres, à droite de 5 centimètres et demi), est remarquable par
de nombreuses saillies et dépressions. Un périoste épais la recouvre, il est
très adhérent en raison des prolongements qu'il envoie dans les anfractio
sités. La petite tubérosité, très élargie, tend à recouvrir complètement le
tendon du biceps et à transformer la demi- gouttière en un canal osseux.
Sur une coupe transversale et verticale, passant par le grand axe de l'os,
on se rend compte des détails suivants :
La dépression humérale est tapissée par une couche fibreuse de 4 à
5 millimètres d'épaisseur, qui repose sur une lame éburnée de 1 millimètre
et demi à 2 millimetres d'épaisseur. Cette cloison osseuse, qui répond exac
tement aux limites de la diaphyse et de l'épiphyse, permet d'apprécier l'étendue
de la lésion épiphysaire. On voit sur la coupe qu'il ne reste plus de la tête
humerale qu'une sorte de coin à base interne, recouvert de cartilage diar
throdial, le bord inférieur répondant à la lame éburnée, le bord supérieur
au tissu fibreux de la néo -membrane. Ce coin osseux est nettement éburné.
On voit également, en dehors, dans la zone qui correspond au cartilage de
conjugaison de la grosse tubérosité , une lamelle éburnée analogue à la pré
cédente .
La diaphyse, l'extrémité inférieure de l'humérus sont intactes.
L'articulation du coude, le cubitus, le radius, le squelette de la main et des
doigts ne présentent aucune lésion .
Membres inférieurs .
Membre droit. L'articulation de la hanche parait normale. Le cartilage
fémoral est un peu irrégulier, inégalement épais.
La diaphyse parait absolument saine : il n'en est pas de même de l'extré
mité inférieure. A l'ouverture du genou , issue de deux ou trois cuillerées de
pus roussàtre. Le tissu osseux de l'épiphyse fémorale a subi une perte de
substance de 1 centimètre et demi de profondeur. La surface antérieure du
condyle externe , la moitié externe du condyle interne , l'espace intercondylien
antérieur sont complètement dépourvus de cartilage. A peine existe - t- il en
bas , entre les deux espaces intercondyliens, un pont cartilaginoux de quelques
millimètres. La perte de substance est irrégulière , anfractueuse : à sa partie
460 MICHEL GANGOLPHE .

supérieure et interne, au- dessous d'une saillie osseuse qui la surplombe, on


voit deux orifices arrondis, ayant chacun 4 ou 5 millimètres de diamètre. Par
ces deux perforations , on introduit très facilement un petit stylet jusque
dans le canal médullaire . A quelque distance de ces perforations le tissu
osseux est éburné. Le cartilage diarthrodial, qui persiste , est aminci , mais
non décollé : il est intact sur les parties latérales des condyles . L'extrémité
inférieure de la diaphyse n'est pas hypertrophiée .
Coupe antéro-postérieure du fémur, parallèle à son grand axe. - On voit
2

seulement qu'il existe manifestement une couche osseuse éburnée , limitant


l’ulcération articulaire . En faisant une seconde coupe, de manière à enlever
une tranche osseuse , large de 3 millimètres, comprenant une bonne partie
du condyle interne, on voit que les deux perforations notées plus haut abou
tissent à un noyau gommeux, gélatineux , à centre jaunâtre, tandis qu'à la
périphérie existe une zone rouge vascularisée . De la largeur d'une pièce de
50 centimes, il est entouré sur les deux tiers de son pourtour d'une zone
mince, éburnée. L'extrémité articulaire tibiale est intacte . La surface carti
lagineuse de la rotule présente quelques ecchondroses peu saillantes. Ménis
ques et ligaments sont intacts. La synoviale rouge, injectée , un peu épaissie,
n'offre nullement l'aspect panneux des synovites tuberculeuses.
Le tibia droit est augmenté do volume à sa partie moyenne : en enlevant
le périoste épaissi , mais facile à décoller, la surface externe de l’os apparait
très légèrement rosée. Scié parallèlement à son grand axe, le tibia présente
un canal médullaire légèrement dilaté au niveau d'un foyer gommeux trés
petit , indiqué par un pointillé jaunâtre, entouré d'une zone gélatineuse à peine
rosée : au- dessus et au-dessous, la moelle reprend ses caractères normaux.
La partie profonde de la coque diaplıysaire est le siège d'une ostéite raré
fiante sur une hauteur de plusieurs centimètres. Malgré cette raréfaction,
l'épaisseur de l'os n'est guère diminuée , grâce au dépót d'une couche osseuse
sous-periostique de 4 ou 5 millimètres, très facile à reconnaitre à son piqueté
rouge et à la direction irrégulière des travées osseuses .
Péroné. -
Articulation tibio - tarsienne. Squelette du pied : nor
maux .

Membre gauche.
L'articulation de la hanche est intacte.
Fémur. — A 9 centimètres au-dessous du bord supérieur du grand tro
chanter existe une saillie , une sorte de papule osseuse, poreuse, de la lar
geur d'une pièce de 2 francs. A 21 centimètres au -dessous du bord supérieur
du grand trochanter commence l'augmentation de volume de la diaphyse qui
s'accroit progressivement et donne un périmètre de 12 centimètres, alors que
du côté droit il est seulement de 7 .
A la partie moyenne et externe de cette hyperostose on voit deux ou trois
perforations de 7 à 8 millimètres de diamètre. Elles sont remplies de subs
tance caséeuse jaunâtre qui arrive jusque sous le périoste épaissi de la région.
Par ces orifices on introduit facilement un stylet jusque dans le canal mé
dullaire .
L'extrémité inférieure du fémur est considérablement déformée. Les sur
faces cartilagineuses et le tissu osseux ( celui -ci seulement sur une certaine
profondeur) des deux condyles ont disparu de telle sorte que la longueur de
l'os est diminuée de 7 à 8 millimètres. Le plus grand diamètre transversal de
l'extrémité est supérieur d'un demi-centimètre à celui du côté opposé : d'autre
DE L'ostéo -ARTHRITE SYPHILITIQUE . 461

part, il existe un aplatissement antéro-postérieur très sensible. Du cartilage


diarthrodial il ne reste pluis çà et là que quelques ilots séparés par des
anfractuosités, des dépressions limitées elles-mêmes par des crètes, dos arètes
plus ou moins vives. La moitié supérieure de la surface cartilagineuse du
condyle externe persiste seule. Toules les parties non recouvertes par du
cartilage sont revélues d'une synoviale rougeâtre, épaissie. Nulle part le stylet
ne s'enfonce dans des dépressions ; partout la surface déformée est limitée
par un tissu osseux résistant. Ligaments intacts ; synoviale épaisse, mais
nullement fongueuse ; synovie normale. Quelques petites ecchondroses sur la
surfaca articulaire de la rotule . Surface articulaire du tibia intacte .

Coupe verticale antéro- postérieure du fémur.


Le canal médullaire dilaté au niveau de l'hyperostose contient un détritus
caséeux peu abondant : en un point, le tissu morbide, d'aspect fibro - gélati
neux , forme comme une sorte de cloison transversale. Au niveau de l'éle
vure signalée à 9 centimètres au-dessous du bord supérieur du grand tro
chanter la moelle parait normale, mais en l'enlevant on voit qu'à la face
profonde de la coque osseuse existe un dépôt gommeux, jaunâtre, très
evident
La diaphyse tibiale, considérablement augmentée de volume au niveau de
sa parlie moyenne, est le siège d'une lésion gommeuse d'une étendue telle
queles deux tiers environ du canal médullaire sont envahis par le néoplasme .
Trois énormes perforations, qui interrompent presque la continuité de l'os,
laissant apercevoir la masse gommeuse en voie d'élimination. A ce niveau,
léguments el tissus morbides sont confondus en une ulcération putrilagineuse.
Péroné . Articulation . libio - tarsienne . Squelelte du pied : intacts.

Réflexions. — Avant d'interpréter les lésions articulaires décrites


dans les lignes précédentes, nous tenons à émettre quelques réflexions
complémentaires.
1 ° S'agit- il là d'une syphilis héréditaire tardive ? Est-on en présence
d'une syphilis contractée dès le jeune âge (vaccinale) ? C'est là une
question qu'il est difficile de trancher en l'absence de tout renseigne
ment précis sur les antécédents de ce sujet. D'aspect peu robuste ,
incomplètement développé, il ne présentait cependant pas les lésions
considérées par M. le professeur Fournier comme caractéristiques de la
syphilis héréditaire tardive (altérations des dents, kératite diffuse,
lésions de l'ouïe). Du reste, il est permis de croire que les lésions ter
tiaires présentent, au point de vue anatomo - pathologique pur, une
identité à peu près complète, qu'elles soient congénitales ou acquises.
2. Nous ferons remarquer que les résultats de cette autopsie viennent
à l'appui des idées que nous avions émises sur l'ostéo -myélite gom
meuse des os longs. Nos conclusions relatives à l'état latent, l'origine
centrale, l'évolution, l'absence de suppuration et de séquestres,
les caractères différentiels des lésions sont complètement confir
mées ; d'autre part, l'augmentation de volume de la rate, l'hypertro
462 MICHEL GANGOLPHE .

phie notable des ganglions lymphatiques associés à ces lésions, per


mettent de songer à une solidarité pathologique analogue à la
solidarité physiologique qui existe entre ces organes et la moelle
osseuse au point de vue du rôle hématopétique (L. Tripier, Bizzozero).
M. Charpy, professeur agrégé , à bien voulu examiner la résis
tance d'un os (péroné) , pris comme type . Le péroné s'est rompu à
150 kilogrammes, alors qu'il aurait dû céder seulement à 300. Sa den
sité , sa composition chimique n'étaient pas modifiées. Grâce à ces
nouvelles données, il est permis de penser : 1 ° qu'il existe une dimi
nution générale de résistance du squelette chez les syphilitiques ter
tiaires; 2º que les fractures dites spontanées, produites sous l'influence
d'une cause insignifiante, ne résultent pas de cette sénilite prématurée,
mais plutôt de lésions gommeuses localisées, une fragilité relative ( 150 ki
logrammes, au lieu de 300 kilogrammes) est insuffisante pour expliquer
la majeure partie des fractures attribuées à la syphilis tertiaire.
Nous ne connaissons aucun fait anatomique établissant l'existence
d'une fracture spontanée chez un syphilitique, par raréfaction simple
du tissu osseux .

XII. De l'ostéo- arthrite syphilitique au point de vue anatomo


pathologique. - Sa nature . - Son évolution . - Périodes de debut,
-

d'état , de guérison . – Ses caractères différentiels.


Des trois types d'arthropathies syphilitiques tertiaires que M. Meri
camp tend à établir, un seul nous paraît absolument démontré . c'est
le second type, comprenant les faits groupés par M. le professeur
Fournier, sous la dénomination clinique de pseudo -tumeur blanche
syphilitique. « Il est caractérisé par des lésions des extrémités osseuses,
tous les éléments fondamentaux de l'articulation ( les cartilages arti.
culaires exceptés) restant intacts . C'est la forme osseuse des arthro
pathies syphilitiques. » A cette forme se rapportent certainement les
observations II , III , IV , V , de ce mémoire. Quant au premier type, qui
a pour substratum l'autopsie de M. Lancereaux , l'observation publiée
n'est pas assez explicite pour que nous considérions comme prouvée
l'existence d'une arthrite secondaire uniquement consécutive à des pro
ductions gommeuses , sous -synoviales, extra-osseuses . Les érosions, les
ulcerations signalées sur la surface articulaire du condyle externe
gauche permettent de supposer qu'il y avait des lésions concomitantes
du côté du tissu osseux ; d'autre part, on ne dit pas que les surfaces
articulaires aient été ouvertes à la scie . De ce que nous avons trouve
des lésions épiphysaires étendues , alors que l'extrémité articulaire
paraissait peu altérée (Obs. V, extrémité supérieure de l'humérus droit
de l'OSTÉO -ARTHRITE SYPHILITIQUE . 463

ou même tout à fait indemne (Obs . IV , tête humérale droite ) , nous


1

concluons à la nécessité de diviser à la scie toute surface, même in


cte en apparence, si l'on veut faire un examen complet de la join
ture .
Dès lors, sans nier la possibilité d'une arthropathie syphilitique pro
duite par des dépôts gommeux périsynoviaux, nous faisons des ré
serves sur son existence .
Le troisième type caractéristique de la syphilis héréditaire tardive
n'a pas pour lui le contrôle de l'autopsie. En le désignant sous le nom
de « variété déformante » , M. Méricamip lui a appliqué une dénomina
tion des plus heureuses, mais s'agit-il là d'une variété, d'un type cli
nique répondant à un type anatomo-pathologique, telle n'est pas notre
opinion .
Dans les pages précédentes, nous avons rassemblé les preuves qui
tendent à établir l'histoire pathologique de l'ostéo -arthrite syphilitique.
N'existe-t-il que cette variété d'arthropathie ? Nous ne le croyons pas.
C'est un point sur lequel nous aurons à revenir ultérieurement. Nous ne
nous servirons pas des termes de tumeur blanche ou pseudo - tumeur
blanche. Utiles en clinique parce qu'ils rappellent à l'esprit un ensemble
symptomatique, ils ont le tort de manquer de la précision propre aux
locutions de synovite, d'ostéo - arthrite, de chondrite.
D'une manière générale , nos recherches confirment celles de
M. Méricamp ; cependant, nous différons totalement en ce qui concerne
la classification des arthropathies en trois types principaux. Pour nous,
chacun de ces types ne répond pas à un processus pathologique spécial,
mais se rattache à une période d'évolution de l'ostéo - arthrite . Peut
être M. Méricamp serait- il arrivé à cette même conclusion si l'examen
nécroscopique qu'il a pratiqué eût été semblable au nôtre. Il est excep
tionnel, en effet, d'observer sur un même sujet , des lésions à des de
grés aussi divers d'évolution, permettant d'étudier la marche du pro
cessus pathologique depuis les premières phases de son développement
jusqu'à la guérison complète.
Tandis que sur l'extrémité supérieure de l'humérus droit, le syphi
lome diaphyso - épiphysaire avait à peine altéré l'aspect extérieur de l'os,
n'avait pas déterminé d'arthrite secondaire par contre , du côté gauche ,
une lésion analogue avait évolué et guéri d'une façon latente après
avoir détruit les deux tiers supérieurs de la tête humérale. La cupule
radiale droite était ébréchée sur un tiers de son pourtour ; il s'agissait,
là aussi , d'une lésion ancienne guérie ; mais ce sont surtout les deux
articulations fémoro -tibiales qui étaient le siège de remarquables dé
sordres. Comme on l'a vu plus haut, l'extrémité inférieure du ſéniur
droit présentait une perte de substance située à la partie antérieure et
464 MICHEL GANGOLPHE .

moyenne de la trochlée, profonde de deux centimètres, tapissée par une


néo -membrane rougeâtre , épaisse, consécutive à un syphilome épi
physaire. L'aspect des lésions, l'existence d'un liquide purulent dans la
jointure, indiquaient qu'il s'agissait bien d'une ostéo -arthrite en pleine
évolution, Le genou gauche, au contraire, ne contenait pas de pus, sa
synoviale était un peu épaisse, rougeâtre, et si l'extrémité inférieure du
fémur était profondément modifiée dans sa forme , du moins les
désordres dont elle avait été le siège étaient de date ancienne et com
plètement réparés . L'absence de tissu gommeux, d'ostéite raréfiante, de
liquide purulent, l'existence d'une éburnation et d'une sclérose fi
breuse des plus nettes nous paraissent légitimer notre manière de
voir .
Les modifications, les déformations que nous ont offertes l'extrémité
supérieure de l'humerus gauche, l'extrémité supérieure du radius droit,
l'extrémité inférieure du fémur gauche , devraient faire ranger ces
lésions dans la variété déformante alors que celles du fémur droit
appartiendraient au deuxième type.
La réunion sur un même sujet de ces divers stades de la maladie
nous a permis de tracer la description suivante de l'ostéo -arthrite
syphilitique.
1 ° Période de début. S'il est un fait bien constaté en patho
logie osseuse, c'est le développement des lésions de préférence dans
les régions épiphysaires, ou mieux, juxtaépiphysaires. Le syphilome
ne fait pas exception à la règle ; aussi est-il fréquent s'il s'agit d'indi
vidus encore jeunes, de le rencontrer dans la région qui avoisine le
cartilage de conjugaison . Souvent, au début, rien ne révèle extérieure
ment l'existence du noyau gommeux. Les cartilages sont intacts et la
synoviale est normale. Il faut absolument fendre l'extrémité articulaire
pour trouver la lésion . C'est ainsi que nous avons mis la main sur un
bel exemple de gomme épiphysaire (Obs . IV, humerus). Dans d'autres
circonstances , de petites perforations peuvent conduire sur le foyer
pathologique. Dans notre Observation V , elles ressemblaient aux trous
vasculaires que l'on trouve sur le pourtour de la tête humérale. Il n'y
avait aucun signe d'arthrite . Toutefois, le cartilage diarthrodial huméral
présentait, surtout au pourtour de ces perforations, des signes de chon
drite ( irrégularité , cicatrices linéaires , étoilées) , qui peut être consi
>

dérée comme consécutive à l'irritation d'origine profonde. Ce retentis


sement pathologique du syphilome sur le cartilage peut exister alors
même que ce dernier paraît intact. Nous avons pu vérifier ce détail en
examinant de nouveau quelques-unes de nos préparations histologiques.
(Obs . IV . ) . Il est, du reste , également indiqué dans l'observation de
M. Mericamp. L'extrémité articulaire sectionnée, le syphilome se pré
DE L'OSTÉO - ARTHRITE SYPHILITIQUE. 465

sente sous l'aspect d'un noyau de dimensions variables , d'aspect


gélatineux , avec de petits points caséeux, jaunâtres au centre, alors
que la périphérie est légèrement rosée. Il siège soit isolément sur
l'épiphyse ou la région juxta épiplaysaire de la diaphyse, ou bien
encore envahit ces deux parties. Le tissu osseux est raréfié dans le
point occupé par la lésion ; mais au pourtour de celle-ci , il y a une
tendance marquée à la formation d'une barrière ostéofibreuse, surtout
si le processus pathologique est de date suffisamment ancienne. Exa
minée au microscope, la masse néoplasique parait constituée par une
trame fibrillaire très fine en certains points , plus épaisse , franche
ment fibreuse ailleurs. Elle contient dans ses mailles une grande
quantité de petits éléments cellulaires en voie de désintégration granu
leuse. Çà et là se tronvent des foyer's hémorragiques, plus nombreux
à la périphérie où existe, du reste , une vascularisation remarquable .
On aperçoit, disséminés au milieu du tissu gommeux, des fragments
osseux en voie de disparition , présentant des Jacunes de Howship. La
dégénérescence caséeuse n'est pas très étendue : il y a une tendance à
la formation de tissu fibreux résistant. Le cartilage diarthrodial pré
sente des signes de chondrite. Les cellules cartilagineuses, en voie de
prolifération , déformées, irrégulières, forment sur certains points des
boyaux pleins d'éléments embryonnaires, prêts à s'ouvrir dans la join
ture. La substance fondamentale et les éléments cellulaires qui ont
disparu sont remplacés par du tissu fibreux cicatriciel. La tendance à
la guérison , accusée par ce travail réparateur, peut s'accentuer de plus
en plus, jusqu'à la disparition complète du tissu syphilomaleux ; il est
probable qu'en pareille circonstance on trouverait dans l'épiphyse un
noyau cicatriciel ostéo - fibreux ; nous n'en connaissons pas d'exemple
anatomique. Si la lésion s'accroit, l'ostéite raréfiante, la chondrile
augmentent, et le cartilage d'abord aminci, puis perforé, laisse com
muniquer librement le foyer néoplasique avec la cavité articulaire. La
période d'état est alors constituée.
2° Période d'état. Jusqu'alors c'est à peine si les lésions offraient
un intérêt chirurgical : leur état latent, leur peu d'étendue ne pouvaient
nécessiter l'intervention opératoire, ni par suite donner lieu à des
difficultés de diagnostic. A la période que nous étudions, il n'en est
plus de mème : les désordres articulaires sont tels qu'ils peuvent
simuler l'ostéo - arthrite tuberculeuse, la tumeur blanche. Toutefois,
comme nous le verrons, l'examen attentif des lésions permet d'éviter
cette erreur d'interprétation . L'ulceration épiphysaire s'accroit de plus
en plus, gagne en étendue plus qu'en profondeur, grâce à l'inflamma
tion destructive du cartilage . La synoviale, primitivement intacte,
s'enllanıme, s'épaissit et se présente sous l'aspect d'une membrane rou
ANNALES VE DERMAT ., We SERIE , VI . 30

>
466 MICHEL GANGOLPHE .

geâtre, épaisse de deux à trois millimètres, finement villeuses sur


certains points.
Un liquide de nature variable est contenu dans la jointure, qu'il ne
distend pas ; primitivement séreux, il deviendrait séro-purulent, ou
purulent, trouble , floconneux , roussâtre. Les ligaments , générale
ment intacts, ne sont guère atteints que dans le cas où l'altération gom
meuse s'attaque à leurs insertions sur le tissu osseux . Dans aucune des
observations précédentes , plusieurs surfaces articulaires constituani
une même jointure n'étaient atteintes simultanément. Cependant on
observait des irrégularités du cartilage , recouvrant des os respectés
d'ailleurs par le syphilome.
A un examen plus attentif, on voit que la perte de substance est reve
tue par une néo- membrane rougeâtre, fibreuse, reposant sur une lame
éburnée à peu près partout, sauf dans les points par lesquels la jointure
a été envahie .
Le stylet introduit par ces orifices pénètre dans un tissu néoplasique
ramolli , friable, quelquefois même jusque dans le canal médullaire. Il
suffit d'un trait de scie pour mettre à découvert la cause primordiale de
l'arthrite , le syphilome. Nous ne reviendrons pas sur les caractères
histologiques et microscopiques de ce dernier , nous insisterons seule
ment sur l'aspect microscopique ( 1 ) de la synoviale. Sclérosée, épais 2

sie, elle est surtout remarquable par sa richesse vasculaire . Le tissu


embryonnaire est assez peu abondant et partout l'on observe une ten
dance à l'organisation fibreuse des plus accentuées. Nulle part on ne
voit de productions rappelant les follicules tuberculeux et les masses
caséeuses des synovites tuberculeuses. On note aussi l'absence d'endar
térite oblitérante .
3° Période de guérison. Sous l'influence d'un traitement spécifi
que ou même spontanément, comme cela parait avoir eu lieu sur le
sujet de l'observation V , l'affection s'arrête dans sa marche et la gué
rison s'effectue. S'il n'existe pas de lésions en pleine évolution, il est
alors difficile de reconnaître la nature des désordres observés en pareille
circonstance . Tantôt l'extrémité articulaire atteinte est irrégulière,
bosselée, mais aa conservé son aspect général; tantôt sa forme est totale
ment modifiée par la disparition d'une étendue souvent considérable de
sa surface . L'une de nos pièces est un remarquable exemple de cette
destruction épiphysaire. Comme on le voit sur la coupe, la tête hume
rale n'est plus représentée que par un coin osseux éburné, dont la base
interne est revêtue de cartilage diarthrodial et le sommet externe con
(1 ) Nous remercions M. Françon, interne des hôpitaux, préparateur au labord
toire d'anatomie pathologique, d'avoir bien voulu se charger de l'examen histolo
gique de quelques-unes de nos pièces .
DE L'OSTÉO-ARTHRITE SYPHILITIQUE . 467

onda avec une lamelle osseuse, qui paraît avoir limité la lésion. L'ex
rémité inférieure du fémur gauche, la cupule radiale nous ont offert
les altérations susceptibles de la même interprétation ; partout la gué
ison s'est effectuée par l'éburnation du tissu osseux , qui se recouvre en
nême temps d'une couche tìbrense comblant en partie la perte de
ubstance . Les portions du cartilage qui persistent offrent un aspeet
aractéristique noté déjà précédemment. Couvertes de petits mamelons,
le grains plus ou moins volumineux , de dépressions, de sillons cruci .
ormes ou étoilés, elles rappellent, par leur aspect, comme on l'a fort
vien dit , la lobulation des foies atteints de cirrhose atrophique. Les
igaments, la capsule, peuvent rester plus ou moins épaissis, rétractés , 7

et si l'arthrite a été suffisamment intense, une ankylose fibreuse, assez


serrée, peut en être la conséquence.
Il résulte de ce qui précède que l'épithète de déformantes, applicable
à ces lésions, ne doit pas impliquer l'idée d'une forme spéciale d'arthro
pathie.
Caractères différentiels. - Le diagnostic différentiel anatomique de
l'ostéo - arthrite tertiaire doit être surtout établi à ses deux dernières
périodes.
Au début, l'aspect irrégulier, mamelonné , les cicatrices, et, plus
encore , les petites perforations du cartilage , alors que les autres élé
ments de l'articulation sont intacts , doivent éveiller l'attention de
l'observateur. Une coupe de l'épiphyse éclaircira immédiatement le dé
pat en montrant la lésion primitive .
A la seconde période, que nous désignerions volontiers sous le nom
le période de la pseudotumeur blanche, il importe de distinguer cette
orme d'artropathie, de l'osteoarthrite tuberculeuse.
De même que le syphilome, le tubercule débute fréquemment dans le
issu osseux , pour envahir consécutivement la jointure ; mais les lésions
nitiales, comme les lésions secondaires, offrent, dans les deux cas, des
lifférences tranchées : le noyau gommeux, d'aspect gélatineux, myxo
nateux, légèrement rosé à la périphérie, est à peine teinté de quelques
joints jaunâtres au centre. Le tissu osseux raréfié à ce niveau est,
plus loin, à la périphérie, çà et là faiblement éburné . Il n'existe pas de
équestre appréciable. Au contraire, le tubercule épiphysaire, toujours
lecompagné de nécrose , plus ou moins étendue , donne lieu à des
équestres volumineux , en même temps qu'il existe sur d'autres points
?

de l'épiphyse des territoires éburnés, blancs jaunâtres, répondant à ce


que Nélaton a décrit sous le nom d'infiltration puriforme. Au lieu d'être
sèche, la production tuberculeuse s'accompagne de caséification éten
due et le plus souvent de suppuration. Cette dernière est exceptionnelle,
'rarement notée en clinique dans la gomme épiphysaire.
468 MICHEI GANGOLPHE .

Dans l'arthrite tuberculeuse, les cartilages de revêtement, souvent


décollés , flottant dans le liquide purulent, grumeleux qui distend la
jointure, sont en tout cas faciles à détacher à cause d'un travail in
flammatoire sous -chondrique. En pressant entre les doigts la tête d'un
fémur ainsi altéré, on la pèle, on la dépouille instantanément de son
cartilage diarthrodial. Ici , rien de semblable ; il adhère partout au tissu
spongieux sous-jacent .
Les ligaments envahis par les fongosités peuvent finir par dispa
raitre ; ils sont généralement intacts dans la forme d'arthropathie que
nous étudions . La synoviale, atteinte par l'inflammation tuberculeuse,
est transformée en un tissu lardacé, épais souvent d'un centimètre. Elle
envoie sur les surtaces articulaires des prolongements panneux . Les
masses tuberculeuses qu'elle contient apparaissent à l'ail nu sous la
forme d'un semis de granulations blanc jaunâtre.
La synovite tertiaire est caractérisée surtout par sa vascularisation et
la consistance fibreuse de son tissu . Mais de fongosités, il n'en est pas
question . Nous soulignons ces mots après M. Méricamp.
Au point de vue histologique, l'absence de follicules tuberculeux ,
d'endartérite oblitérante, l'existence d'une trame fibrillaire en voie de
transformation fibreuse sur certains points , serviront à établir le dia
gnostic.
Ajoutons que la recherche du bacille de la tuberculose à l'aide de coupes
histologiques ou, mieux encore (ainsi que nous l'avons indiqué ), au
moyen de la trituration ( Société de médecine de Lyon, 17 mars 1884 ),
permettra également d'élucider la question .
Si la troisième période de l'ostéo -arthrite tertiaire a quelque titre à
l'épithète de déformante, nous ne croyons pas qu'on puisse confondre
les lésions qui la caractérisent avec celles de l'arthrite chronique
rhumatismale, appelée aussi déformante. L'hypertrophie des franges
synoviales, l'état villeux et, plus tard , l'éburnation et le poli des carti
lages , les ostéophytes et les ecchondroses que l'on observe dans ce
dernier cas, ne rappellent en rien les pertes de substance de l'os, les
dépressions étoilées, les cicatrices cartilagineuses et les dépôts caséeux
signalés dans nos observations. Tandis que la déformation dans l'ar
thrite rhumatismale est due surtout à des productions souvent énormes,
cartilagineuses et osseuses, dans l'ostéo -arthrite tertiaire il y a défor
mation par suite de la destruction plus ou moins étendue d'une surface
articulaire. L'existence fréquente de lésions gommeuses diaphysaires
ovoisines permet aussi de reconnaître la nature des lésions.
Tels sont, d'après les pièces et les documents que nous avons eus à
notre disposition , les divers caractères de l'ostéo -arthrite syphilitique.
V’existe- t - il que cette variété d'artropathie ? Nous ne le croyons pas,
DE L'OSTÉO - ARTHRITE SYPHILITIQUE . 469

et bien que nous pensions que les lésions articulaires tertiaires sont
dans la plupart des cas d'origine osseuse , nous devons reconnaître que
divers observateurs, Gies (Deutsche Zeitsch . f. Ch. 1881 , Band XV ),
Schuller Bericht. uber die Verhandl. d . d . G. f. Ch . , XI Congress),
Virchow Berlin , klin . Wochen ., n ° 33 , 1884) , ont signalé des faits de
?

chondrite syphilitique.
S'agit-il de chondrite primitive, ou de chondrite symptomatique d'une
altération gommeuse sous-jacente ? C'est un point sur lequel Virchow ne
se prononce pas nettement. Dans sa communication (que nous signa
lons), cet auteur déclare , en effet, ne pouvoir dire si les irrégularités,
les dépressions stellaires, la lobulation du cartilage sont dues à un pro
cessus gommeux. Nous n'insisterons pas davantage sur cette question ,
qui ne peut être élucidée complètement qu'à l'aide de nouveaux faits.

CONCLUSIONS .

Nous avons étudié une forme d'arthropathie tertiaire , l'ostéo


arthrite. Des trois variétés admises par M. Méricamp ( 1882 ) , il n'en est
qu'une qui nous paraisse démontrée , c'est la seconde (forme osseuse ).
Mais les faits de Gies ( 1881), Schuller ( 1882) , Virchow (1884), per
mettent de penser qu'il existe une variété d'arthropathie caractérisée
surtout par de la chondrite avec des cicatrices étoilées , des mamelons
rappelant la lobulation des foies atteints de cirrhose atrophique.
Les lésions se présentent avec des caractères différents, suivant qu'on
les étudie à la période de début, d'état, ou de guérison . L'affection dé
bute par un syphilome épiphysaire ou juxta épiphysaire qui, s'il ne
reste pas enkysté, finit par perforer le cartilage. La synoviale se remplit
alors d'un liquide séro -purulent ; l'altération osseuse et cartilagineuse
s'étend de plus en plus . La perte de substance qui en résulte est
tapissée par une néo -membrane rougeâtre, nullement fongueuse. Les
ligaments restent intacts, la synoviale est épaissie, mais sans fongosités .
L'absence de fongosités, l'adhérence du cartilage persistant au tissu
sous-jacent, l'absence du bacille de Koch et des caractères histolo .
giques des productions tuberculeuses permettent de distinguer ces
lésions de l'ostéo -arthrite tuberculeuse.
Ajoutons encore l'absence de séquestre notable et de ces larges
plaques d'éburnation avec teinte blanchâtre qui accompagnent si fré
quemment le développement des tubercules osseux.
Sous l'influence d'un traitement spécifique, ou même spontanément,
ces lésions peuvent guérir; il en résulte souvent des déformations des
extrémités articulaires, déformations très nettement distinctes de celles
qui proviennent de l'arthrite rhumatismale déformante.
470 MICHEL GANGOLPHE .

Au point de vue clinique, l'ostéo -arthrite est caractérisée par un épan


chement de nature variable, souvent peu abondant, par des craquements,
par la multiplicité des articulations atteintes et l'indolence relative des
lésions . L'articulation possède à un tel degré l'intégrité des fonctions
physiologiques, qu'il est difficile de soupçonner sur le vivant l'étendue
des désordres.
On note enfin , dans certains cas, une déformation plus ou moins
marquée des extrémités articulaires, quelquefois une tumefaction dia
physaire. Une ankylose fibreuse, plus ou moins serrée, peut être la
conséquence de l'ostéo-arthrite.
En raison de la tendance marquée de cette affection à la guérison
spontanée, une intervention opératoire nous parait bien rarement in
diquée.

osTÉO - ARTHRITE SYPHILITIQUE TERTIAIRE.


Explication des figures .
I. Syphilome diaphyso - épiphysaire aigu presque complètement latent,
II , Extrémité inférieure du fémur droit.
a. Perforations conduisant à un syphilome épiphysaire.
III . Téte humérale gauche aux 2/3 détruite .
a . Vestige de la tête humérale.
b. Région trochantérienne élargie.
IV . Coupe transversale et verticale de la tête humérale gauche destinée à
montrer l'étendue de la perte de substance .
a . Lamelle éburnée paraissant avoir limité la lésion.
b . Tissu fibreux tapissant la dépression epiphysaire .
c. Coin osseux, seul vestige de la tête humérale.
d. Région trochantérienne.
V. Coupe verticale antéro-postérieure du fémur gauche.
a. Cloison transversale ostéo - fibreuse limitant inférieurement un foyer
d'ostéo-myélite diaphysaire en voie de guérison .
b. Aspect irrégulier anfractueux, bosselé de l'extrémité inférieure
du fémur. La moyenne partie du cartilage a disparu ; elle est rem
placée par un tissu fibreux rougeâtre, reposant sur une lamelle
éburnée .
VI. Extrémité supérieure du radius droit.
a . Cupule radiale ébréchée sur 1/3 de son pourtour .
b . Augmentation de volume de la diaphyse due à l'ostéo -myélite gom
meuse .
VII. Coupe de radius destinée à montrer la dilatation du canal médullaire
a . Siège d'une ancienne lésion .
b . Lamelle éburnée .
naisie maclogie .

Fig VT Fig111

Fig. 1

Fig.V

Fig . IV
d

а.

а" Fig.11

JE
au

set del
G. Masson éditeur
Imp.Lemerrier : 0 "!
II

CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DE LA FIÈVRE EXANTHÉMA


TIQUE BULLEUSE (1 ),
Par le Dr Paul SPILLMANN ,
Professeur agrégé à la Faculté de médecino de Nancy.

On a décrit, sous le nom de pemphigus aigu, de fièvre pemphigoïde,


de fièvre bulleuse, une maladie infectieuse encore mal connue, assez
rare , caractérisée par un début brusque, un frisson initial suivi de ma
laise , de l'hyperthermie , la production d'un exanthème généralisé de
nature bulleuse et une stéatose généralisée et rapide des parenchymes.
La terminaison de cette maladie est presque toujours fatale .
En observant un cas de pemphigus aigu dont j'ai publié la relation
dans les Annales de Dermatologie et de Syphiligraphie de janvier 1881,
j'ai eu l'idée qu'il s'agissait là d'une fièvre infectieuse. Caractères clini
ques et marche de la maladie, généralisation de la lésion cutanée, lé
sion du sang et des viscères, présence d'organismes inférieurs que j'a
vais constatés dans le sang et le liquide des bulles, tout semblait plaider
en faveur d'une infection .
Le professeur Cantani a du reste émis une opinion analogue.
Depuis, M. le Dr Paul Gibier, dans un intéressant travail sur la bac
térie du pemphigus paru dans les Annales de Dermatologie du mois
de février 1882, a décrit un microbe du pemphigus aigu ; c'est, dit- il ,
une bactérie constituée, à l'état adulte, par une série d'articles disposés
en chapelets de deux millièmes et demi de millimètre sur une longueur
de quatre à quarante millièmes de millimètre, réunis au nombre de deux
à vingt articles arrondis se confondant au niveau des points en contact.
Cette bactérie est douée d'une mobilité assez grande, étant données ses
dimensions. A l'état jeune , elle est représentée par des granulations ar
rondies semblables à celles qui constituent les bâtonnets, mais isolées
ou groupées tantôt sans ordre, tantôt en zooglea .
M. Gibier a trouvé cette bactérie dans le liquide des bulles fraîches,
l'urine en contenait une grande quantité. La culture de l'urine et du li
quide des bulles a donné la reproduction de ces êtres inférieurs. L'injec
(1) Co mémoiro a été commmuniqué au Congrès de Grenoblo pour l'avancement
des sciences.
472 PAUL SPILLMANN .

tion sous-cutanée du liquide des bulles au cobaye, au lapin et au chien,


ne paraît produire aucun trouble chez ces animaux .
Nous avons été assez heureux pour observer un nouveau cas de fièvre
exanthématique bulleuse; la malade qui fait le sujet de cette observation
a été vue, à plusieurs reprises, par MM. les professeurs Bernheim
et Flecht, de Nancy .
OBSERVATION . Fièvre eranthématique bulleuse . - Bactéries dans
le liquide des bulles, dans le sang et dans l'urine. – Symptômes
cliniques d'une maladie infectieuse. – Mort.
Mme M ... , est agée de 39 ans; c'est une femme brune, d'une constitution
robuste ; elle jouit habitủellement d'une excellente santé. Elle a deux enfants
âgés de 15 et 12 ans, très bien portants. Elle aurait été atteinte, il y a une
douzaine d'années, d'un rhumatisme articulaire subaigu.
Le 27 juin, Mme M ... était partie de bon matin en chemin de fer pour se
rendre dans une petite ville des environs de Nancy, pour aller de là dans un
village situé à une dizaine de kilomètres et où elle avait des affaires d'intérêt
à régler. Il faisait extrêmement chaud ; Mme M ... ne réussit pas dans sa dé
marche, ce qui la contraria vivement ; de plus, craignant de manquer le
train , elle marcha, ou plutôt courut pendant un temps fort long. Elle arriva
à la gare toute en nage, essoufflée, la figure pourpre . En rentrant à Nancy
elle éprouva un violent malaise et se plaignit d'une céphalalgie intense. Fris
sons répétés et violents pendant la nuit.
28 juin. Le lendemain malin , sensation intense de brûlures dans tout
le corps; la malade se plaint, en outre, d'un gonflement douloureux au ni
7

veau des principales articulations et de douleurs atroces dans les membres,


surtout dans les cuisses, douleurs réveillées par la moindre pression .
T. m . 39,4 . P. 120. R. 30 .
Je me crois en présence d'un rhumatisme articulaire aigu ; je prescris à la
malade un liniment morphiné et 6 grammes de salicylate de soude .
T. s . 40. P. 120 .
29 juin. - La malade a passé une nuit très agitée . Céphalalgie persis
tante. Douleurs toujours très vives. Ses mains sont légèrement tuméfiées,
très douloureuses.
Soif vive . Inappétence ; nausées. Même traitement .
T. m . 39,8 . P. 120 .
T. s . 40,1 . P. 120. R. 34 .
30 juin. Nuit agitée. Subdélirium .
En examinant attentivement les extrémités, on voit que l'épiderme est sou
levé et tendu par une éruption boutonneuse, surtout confluente au niveau de
la paume des mains et de la plante des pieds ; la malade dit éprouver à ce
niveau une sensation de tension et de brûlure intolérable . A la plante du
pied gauche je constate l'existence d'une petite bulle du volume d'un gros
pois . Sur le corps , sur la face, il existe des rougeurs boutonneuses ; on di
rait le début d'une variole .
L'apparition d'une bulle m'avait immédiatement rappelé le cas de pem
phigus aigu que j'avais observé , il y a quatre ans, et je prévins la famille du
danger.
CONTRIBUTION A L'AISTOIRE DE LA FIÈVRE EXANTÉMATIQUE BULLEUSE. 473

T. m . 40,1 . P. 130. R. 35 .
T. s . 41. P. 138. R. 40 .
Traitement. Lotions phéniquées. – Applications de compresses phéni -
quées sur les membres.
Mixture contenant deux grammes d'acide salicylique pour boisson : 75 cen
tigrammes de sulfate de quinine .
1er juillet . Nuit sans sommeil . On constate à la plante des pieds, à la
paume des mains et à la partie antérieure de la jambe gauche des bulles
de grosseur variant d'un grain de millet à un haricot. A côté de ces bulles
et sur les autres parties du corps, l'éruption est caractérisée par des saillies
boutonneuses entourées d'une auréole rouge ; il existe , à ce niveau , une lé
gère induration de la peau.
Les bulles sont remplies d'un liquide clair, citrin..
Urine albumineuse .
La malade est très abattue : — Subdélirium .
Même traitement. On fait prendre, en outre, à la malade un grand bain
composé d'une décoction de plantes aromatiques et de 100 grammes d'acide
borique. Potion au quinquina, champagne. Solution avec un gramme de sul
fate de quinine .
T. m. 40,2 . P. 140. R. 44 .
T. s . 41,1 . P. 148. R.48 .
2 juillet. La paume des mains et la plante des pieds sont couvertes de
bulles ; la peau située entre les bulles présente une teinte d'un rouge foncé.
Les doigts sont tuméfiés, énormes.
Urine rare , louche , d'une teinte verdâtre.
Le liquide des bulles, l'urine, sont examinés par mon excellent collègue ,
le Dr Baralau . Nous inoculons la sérosité purulente d'une bulle à un lapin .
Du sang recueilli à l'aide d'une ventouse scarifiée est également examiné .
La malade est dans un grand état de prostration ; soif vive; deglutition ex
trêmement pénible , douloureuse ; météorisme. Respiration pénible. Quel
ques râles sous-muqueux aux bases. Délire, hallucinations.
Même traitement . On prescrit un nouveau bain antiseptique et une potion
avec de la liqueur ammoniacale anisée . Lavement purgatif.
T. m . 40. P. 140. R. 44 .
T. s . 41. P. 156. R. 60 .
3 juillet. — Etat typhoïde ; adynamie. - La malade ne répond plus aux
questions qu'on lui adresse. Langue séche .
Le liquide des bulles est louche ; la peau présente, dans plusieurs points, des
suffusions sanguines ; écoulement vaginal sanguin à odeur fétide.
La température s'élève à 41,5 dans la soirée ; le pouls devient filiforme;
respiration à 60 .
Coma. Tremblement et légers mouvements convulsifs dans les mem
bres .
Application de la glace sur la tête. La malade succombe le lendemain dans
la soirée.
La famille a malheureusement refusé l'autopsie.
Examen histologique du sang, de la sérosité et des urines.
1 ° Le sang contient dans le sérum des spores arrondies , le plus souvent
isolées, parfois réunies deux par deux, mais jamais en plus grand nombre :
ces spores, assez difficiles à trouver, car elles sont mobiles, sont en petite
474 PAUL SPILLMANN .

quantité et ne mesurent que 7 à 13 dix -millièmes de millimètre de diamètre.


(Oy , 7 à 1. , 3 ) ;
2 ° Dans la sérosité de bulles récentes se voient de nombreuses cellules
épidermiques dissociées, des globules rouges du sang et des leucocytes ;
ceux -ci sont en plus forte proportion dans les bulles plus anciennes. On y
rencontre également quelques granulations graisseuses et des spores analo
logues à celles du sang, mais elles sont ici plus nombreuses. Rarement iso
lées , elles se groupent habituellement par deux ou trois, de façon à présenter
l'aspect d'un bâtonnet noueux , très court et rectiligne ; elles sont sensible.
ment plus volumineuses que dans le sang ; en moyenne elles mesurent 13 dix
millièmes de millimètres ( 14,3 );
3º L'urine contient de nombreuses bactéries noueuses, formées de 4 å
10 granulations et une certaine quantité de groupes irréguliers contenant de
20 à 30 spores ; il y a aussi des spores isolées . Dans ce liquide, bactéries et
sporules sont , d'une façon générale , plus volumineux que dans la sérosité et
le sang et atteignent en épaisseur une moyenne de 20 dix-millièmes de milli
métre .
On ne trouve nulle part de bactérie qui ne soit pas décomposée en spores.
Partout ces éléments sont animés d'un mouvement giratoire pour les spores
isolées , onduleux pour les bactéries un peu longues, oscillant pour celles qui
ne possèdent que deux ou trois granulations.
Nous avons inoculé au pli de l'aine d’un lapin le liquide retiré d'une bulle.
Cet injection n'a produit aucun trouble chez cet aniinal. Au bout de quatre
mois il ne présentait rien d'anormal.
Réflexions. - Cette observation est malheureusement incomplete
puisque l'autopsie de la malade nous a été refusée. L'examen des reins
nous aurait sans doute permis de constater l'existence d'une néphrite
infectieuse .
Nous avons été assez heureux pour constater l'existence de spores dans
le sang. M. Gibier en avait soupçonné l'existence sans pouvoir les ren
contrer. Du reste l'existence de bactéries dans le liquide des bulles et
dans l'urine devait évidemment faire admettre qu'il en existait égale
ment dans le sang .
Tout, dans l'observation que nous venons de relater, existence de
bactéries dans le liquide des bulles fraîches, dans l'urine, dans le sang,
marche rapide et terminaison fatale de la maladie, plaide en faveur d'une
fièvre infectieuse .
S'agit-il d'un véritable pemphigus, analogue à celui qui a été décrit
chez les nouveau -nés, par exemple, où il se produit à l'état épidémique,
ou y a-t-il un rapport entre cette fièvre bulleuse et certains pemphigus
chroniques; nous ne le pensons pas.
L'histoire des exanthèmes febriles infectieux présente encore bien des
lacunes, et nous serions tentés de rapprocher les cas décrits jusqu'à ce
jour sous le nom de pemphigus aigu, de fièvre pemphigoïde, de fièvre
bulleuse , pour en faire une entité morbide nouvelle que l'on pourrait
désigner sous le nom de fièvre exanthématique bulleuse.
III

SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX .

Par le Dr GÉMY,
Chargé de la clinique complémentaire des maladies syphilitiques et cutanées
à l'Ecole de médecine d'Alger.

La virulence du bubon chancreux a été remise en question , il y a


quelque temps, par M. Strauss qui a fait à la Société de biologie ( 22 no
vembre) une importante communication dont les conclusions qui nient
cette virulence, confirmées par quelques observateurs, ont été vivement
combattues par MM . Horteloup et Diday.
La rédaction des Annales de dermatologie et de syphiligraphie, après
avoir fait l'exposé complet de la question dans le numéro 1 de ce jour
nal (page 9, 1885) , ayant déclaré l'enquête ouverte , je prends la liberté
de consigner ici ma déposition .
Pour compléter cet exposé , je n'ajouterai que quelques faits qui , à ma
connaissance , ont été publiés depuis qu'il a paru.
1 ° D'abord une nouvelle note de M. Strauss, lue à la Société de bio
logie , le 20 décembre 1884, note concernant seize nouvelles inoculations
négatives qui , jointes aux précédentes, donnent un total de 58 inocula
tions dans lesquelles le pus a été inoffensif ;
2. M. Robin se rallie à cette opinion avec cing observations néga
tives ;
3. Dans une séance suivante, à la même Société , M. Gibier lit une
note dans laquelle il affirme l'existence du trois sortes de bubons :
a) Le bubon virulent d'emblée ;
b) Le bubon virulent après l'ouverture, par contact avec le chancre ;
c) Le bubon non virulent.
4. Enfin , au Congrès de chirurgie du mois d'août 1885, M. Humbert,
de Paris, lit un travail dans lequel , après avoir rappelé les observations
négatives de M. Strauss , de M. Spillmann qui , sur dix inoculations , a
eu dix insuccès; celles de M. Roque dont il ne donne pas le nombre,
déclare que sur 33 inoculations il a eu 31 cas négatifs, et sur un total
de 140 inoculations qu'il a recueillies, il a compté 136 insuccès. (Revue
de chirurgie, 1885, page 420. )
476 GÉMY .

Voilà où en est la question au moment où j'écris ce travail ( 1), du


moins d'après mes recherches.
Je viens, à mon tour, donner quelques chiffres qui, je l'espère, auront
une certaine valeur et qui, je le dis tout de suite, ne font que confirmer
l'explication que Ricord avait donnée de la virulence ou de la non viru
lence du bubon chancreux,
Mais avant de donner mes observations, qu'il me soit permis de rap
porter une discussion que je n'ai vue reproduite dans aucun des travaux
qui ont été publiés sur ce sujet, discussion qui a passionné les syphili
graphes d'il y a quelque trente ans et qui a été rouverte en 1873 : je
veux parler du bubon d'emblée .
Les défenseurs de l'existence de ce bubon en donnaient l'explication
suivante : le pus virulent pouvait pénétrer jusqu'au ganglion sans con
taminer la porte d'entrée qui se refermait sur lui tout simplement. Ricord
et ses élèves l'ont toujours résolument nié , déclarant qu'il était impos
sible au pus contaminant de ne pas chancreller cette même porte . Seu
lement le chancre initial avait pu être minime, n'intéresser qu'une
partie superficielle du derme, se cicatriser rapidement sans laisser de
trace .

Ces cicatrisations rapides des chancres simples , comme des chancres


syphilitiques du reste, sont loin d'être rares .
Mon expérience , déjà longue, le fait partager entièrement cette ma
nière de voir .
Cependant quelques faits ont été publiés par Raynaud (de Toulon ),
Baumès, Gibert, Vidal et d'autres (Jullien, page 423) qui ne laissent pas
que d'apporter, dans la question qui nous occupe actuellement (la viru
lence du bubon ), un argunient d'un poids considérable.
Le Di Castan, aujourd'hui professeur de pathologie interne à la
Faculté de médecine de Montpellier, a reproduit les débats qui se rou
vrirent à ce sujet, à la Société de médecine de Lyon, en 1873, à propos
d'un fait apporté devant elle par le Dr Mollière. (Montpellier médical,
1873 , t. XXX , p . 373. )
Il s'agit de l'observation suivante que je résume le plus brièvement
possible :
Le nommé Barthélemy D..... , 24 ans, entre le 6 novembre pour une
tumeur rouge, mal limitée, entourée d'une zone inflammatoire assez
large, fluctuante . Le malade lui assigne pour origine un coup de te
nailies reçu 8 jours auparavant. On examine avec le plus grand soin les
organes genitaux, les bourses, le gland, le prépuce, les plis de l'anus, etc.;
on n'y trouve pas la moindre trace d'érosion , la moindre cicatrice. Le
malade affirme n'avoir eu aucune écorchure .
( 1 ) Juillet 1885 .
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 477

Le bubon est ouvert et l'incision présentant au bout de quelques jours


une véritable ulcération , on en inocule le pus à la cuisse et les inocula
tions faites avec toutes les précautions désirables, donnent des chancres
mous .
Laissant de côté la question du bubon d'emblée, il est certain que voilà
un bubon qui n'est pas devenu chancrelleux par containination du pus
d'un chancre en voie d'évolution .
Pendant que ce fait se discutait à la Société de médecine de Lyon,
ajoute le professeur Castan , M. le Dr Bourguet, d’Aix, publiait dans la
Gazette hebdomadaire un travail sur le même sujet . Mais ici l'épreuve
expérimentale n'ayant pas été faite sur la virulence ou la non - virulence
du pus contenu dans ces bubons supposés d'emblée, je n'y insiste pas.
Quoi qu'il en soit, l'observation de M. le Dr Mollière est absolument
démonstrative de la virulence du bubon .
J'apporte maintenant mon contingent personnel qui repose sur une
série de vingt inoculations.
Dès que la note lue par M. le Dr Strauss me fut connue, j'entrepris
immédiatement ces expériences .
Il ne fallait rien moins que la grande autorité de l'auteur de cette note
pour me déterminer à les faire , car depuis bien longtemps mon opinion
était fixée sur ce sujet et je ne croyais pas que cette question pût encore
être soulevée .
Pour abréger ce travail et résumer le plus possible les observations
sur lesquelles il repose, je dois tout d'abord et une fois pour toutes expo
ser le modus faciendi.
La nature du chancre constatée, le bubon bien fluctuant, toute la ré
gion inguinale siège du bubon et la partie sur laquelle je devais faire
l'inoculation étaient soigneusement rasées et lavées à l'eau phéniquée.
Le point choisi pour l'inoculation a toujours été le tiers supérieur et
antéro-externe de la cuisse du côté correspondant au bubon . Cette pra
tique m'avait été enseignée, il y a 24 ans, par le regretté Poisson , l'élève
si distingué de Ricord, jeune savant à qui je dois ma première initiation
à l'étude de la dermatologie et de la syphiligraphie , alors que je l'aidais
dans un grand travail qu'il avait entrepris sur les maladies vénériennes
en Algérie .
Le bubon a toujours été ouvert avec un bistouri neuf ou fraichement
repassé et flambé à la lampe à alcool .
Le pus, recueilli sur la pointe D'UNE ÉPINGLE trempée dans une solution
phéniquée forte ( c'était, je le répète , l'instrument dont se servait Poisson ),
était inoculé au point indiqué et recouvert soit d'un verre de montre fixé
par des bandelettes de diachylon et un bandage approprié, soit d'un
morceau de taffetas gommé. Ce dernier procédé (Poisson) a sur le verre
478 GÉMY.

de montre l'avantage d'être plus simple, de ne pas retenir le malade au


lit, peut-être même de prémunir plus sûrement contre une contamination
accidentelle et surtout de ne pas effrayer le malade .
Enfin , la pustule caractéristique obtenue, quelques -unes ont été dé
truites par le caustique sulfo - carboné de Ricord, d'autres simplement
pansées à l'iodoforme .
Ceci établi , voici comment se décomposent ces 20 observations.
Neuf d'entre elles ont pour objet des chancres simples que compli
quaient des adénites inflammatoires suppurées, et ont donné des résultats
complètement négatifs : la forme diffuse, mal délimitée de la tumeur, le
pus mal collecté, sa consistance franchement phlegmoneuse, la douleur
lancinante propre aux abcès aigus , la couleur rouge vif de la région , etc. ,
tous ces symptômes m'avaient permis d'annoncer d'avance aux élèves
qui suivent ma clinique, le résultat négatif de l'inoculation , ce qui eut
toujours lieu .
Il est donc inutile d'en encombrer ce mémoire .
Les onze autres présentent de l'intérêt à des titres divers .
Les quatre premières, celles qui ont donné un résultat nettement po
sitif, avaient présenté les symptômes classiques du bubon chancreux :
tumeur globuleuse, peau amincie d'une couleur rouge sombre, douleur
continue semblable, au dire des malades, à celle du chanere ; couleur
chocolat du pus mal lié , contenant presque toujours du sang en quantité
2

plus ou moins notable, etc.


Aussi était-ce le résultat de ces inoculations qui présentait pour moi
le plus vif intérêt.
Les deux suivantes (Obs . V et VI) sont douteuses en ce sens que
l'inoculation faite immédiatement après l'ouverture du bubon a donné
un résultat négatif alors qu'une nouvelle inoculation faite quelques jours
plus tard a donné un résultat positif. Les observations VII , VIII , IX
et X sont franchement négatives comme les neuf qu'il est inutile de
publier.
Enfin la onzième est incomplète.
OBSERVATION I. Ors (François), Espagnol , 44 ans , bonne constitution ,
journalier, depuis 25 ans en Algérie, marié et père de famille, n'a pas d'an
técédents vénériens. Son existence est très tranquille.
Dans une nuit de fête, oubliant pour la première fois ses devoirs d'époux,
il se laisse entraîner, par quelques camarades en goguette comme lui, dans
une maison publique de la Casba où il a des rapports avec une Française.
(Je note toujours la nationalité de la femme, cause de la contamination,
pour des recherches que j'ai entreprises depuis quelques années sur la gra
vité de la syphilis suivant son origine et le lieu où elle a été contractée :
Kabyle, Mauresque, négresse, Espagnole, Italienne, Française ; maison de
tolérance, prostitution libre ou hasaid malheureux, etc.)
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX , 479

Cinq jours plus tard, il aperçut sur le côté droit du sillon balano - préputial
une petite excoriation douloureuse; huit jours après apparaissait une tumé
faction dans l'aine droite qui, en quelques jours, devint assez douloureuse
pour nécessiter son entrée à l'hôpital, le 21 février 1885, un mois après
l'apparition du chancre.
État actuel : le chancre a la dimension d'une pièce de un franc et est en
voie de réparation. ( Le malade n'a fait aucun traitement . )
L'aine droite est le siège d'un bubon enflammé, rouge sombre, globuleux ,
fluctuant dans sa totalité .
Diagnostic : chancre simple , bubon chancreux.
Pour confirmer ce diagnostic, après avoir pris toutes les précautions anti
septiques décrites précédemment, j'inocule avec l'épingle : 1° du pus pris
sur le bord du chancre à la cuisse gauche; 2º ensuite, après avoir ouvert
le bubon qui se vide d'un trait, j'inocule du pus pris au fond du ganglion,
sur la cuisse droite .
26 février. Pustule caractéristique sur la cuisse droite (pus du bubon ),
résultat négatif sur la cuisse gauche, c'est - à - dire sur le point où a été ino
culė le pus du chancre .
Surpris de ce résultat, j'examine le chancre avec plus d'attention et il
m'est facile de constater que sa base présente une induration manifeste .
J'ai donc eu affaire au chancre mixte de Rollet. Le chancre simple s'est
développé le premier et a été compliqué d'un bubon chancrelleux, le chancre
syphilitique , qui a été contracté dans la même séance puisque le malade n'a
eu qu'un seul moment d'égarement, est au début de son évolution , c'est
donc son pus que j'ai inoculé ce qui explique le résultat négatif de cette
auto - inoculation .
Le traitement mercuriel , deux centigrammes de bichlorure en pilules , est
immédiatement institué.
2 mars. Avec le pus du chancre d'inoculation jinocule la cuisse gauche.
5 mars . Pustule caractéristique.
31 mars. Le chancre syphilitique est à peu près guéri mais repose sur
une large base indurée . Les chancres d'inoculation se cicatrisent lentement;
enfin les lèvres de l'incision sont renversées, les bords décollés flottent sur
un ulcère douloureux qui suppure abondainment.
Tous ces chancres sont pansés à l'iodoforme. Des toniques, ainsi que des
bains de feuilles d'eucalyptus, sont ajoutés au traitement mercuriel.
15 avril. Roséole papuleuse discrète, érythème pharyngien caractéristique.
Les chancres sont presque complètement cicatrisés ainsi que le bubon ,
24 avril. Plaques muqueuses sur le voile du palais.
Le malade, qui habite Alger, fatigué de son séjour à l'hôpital , demande sa
sortie qui lui est accordée. Il vient encore pendant un mois et demi à la
consultation où on constate la cicatrisation complète des chancres et des
bubons et la disparition des accidents syphilitiques. Je l'engage à continuer
le traitement pendant longtemps.

Je ne retiens de cette intéressante observation que ces deux faits,


chancre mixte classique , bubon virulent incontestable.
OBSERVATION II . (Recueillie par M. Schwartz, externe du service .)
Paraloyés ( Bonaventure ), 17 ans, temperament lymphatique, peintre, né à
Alger de parents espagnols, n'a pas d'antécédents vénériens.
480 GEMY .

Le 14 février 1885, coït impur avec une Espagnole en maison. Ce n'est


que dix jours après, vers le24 février, que le malade constate la présence
d'un chancre sur le frein .
( Il ne faut accorder qu'une confiance très limitée aux dates données par
les malades étrangers qui, peu soigneux de leur personne, n'ont leur allen-'
tion attirée sur un point que lorsque la douleur est fort vive. Dans le cas
présent, les réponses hésitantes du malado sur ce point permettent de faire
remonter le début du chancre à 4 ou 5 cinq jours après le coil . )
Quinze jours après, les premières douleurs se foni sentir dans l'aine droite
et le 27 mars il entre à l'hôpital.
28 mars. État actuel : chancre simple ayant perforé le frein, suppure
légèrement, est douloureux, bubon à droite , globuleux ; la peau est d'un
rouge sombre, la douleur très vive .
Un double fil est passé à travers la perforation , le frein , lié à ses deux
extrémités est sectionné,
Toutes les précautions antiseptiques étant prises , le bubon est ouvert el
donne issue à du pus mal lié, couleur chocolat, qui s'écoule rapidement.
Une épingle phéniquée est plongée dans les profondeurs du ganglion et avec
le pusainsi recueilli, l'inoculation est faite à la cuisse droite .
Le pansement est fait comme d'habitude.
1er avril, Pustule caractéristique.
2 avril. Avec du pus pris dans cette pustule et avec les précautions ordi
naires, une inoculation est faite sur la cuisse gauche et recouverte d'un
verre de montre .
4 avril. Légère auréole inflammatoire autour du point piqué, soulèvement
de l'épiderme .
6 avril. Tout est rentré dans l'ordre ; c'était une fausse pustule, complete
ment cicatrisée le 7 .
7 avril. Avec du pus pris sur le chancre d'inoculation de la cuisse droite,
une nouvelle tentative est faite sur la cuisse gauche.
10 avril. Pustule caractéristique.
Pansement des chancres avec la poudre d'iodoforme . Cicatrisation com
plète des chancres le 28 avril. Le chancre du frein était complètement cica
trisé dès le 7 avril .
Le malade sort le 1er mai, le bubon en bonne voie de guérison .
Dans ce cas , je ne peux attribuer la non -réussite de la deuxième ino
culation ( troisième génération ) qu'à une mauvaise manœuvre opératoire,
puisque le chancre du frein étant cicatricé une seconde tentative donna
un résultat positif. Il arrive quelquefois, en effet, que la pointe de
l'épingle est émoussée ou qu'elle ne se charge pas de pus; aussi est-il
indispensable de s'assurer qu'elle est bien chargée. Cette précaution n'a
pas toujours été prise .
OBSERVATION III . ( Recueillie par M. Schwartz .)
Larbi ben Hamoud, Kabyle, journalier, 21 ans, bonne constitution , habi
tant Alger, a eu des relations avec une Française dans une maison de tole
rance vers le 30 mars 1885 .
Le 4 avril apparition du chancrc qui siège sur la partie moyenne el dor
sale de la verge.
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 181

(J'ouvre ici une parenthèse : chez les circoncis , musulmans ou israélites,


les chancres simples ou syphilitiques siègent, le plus souvent, sur le four
reau ou à la racine de la verge. L'interprétation de ce fait demanderait quel
ques développements que ne comporte pas la nature de ce travail. Je me
contente de l'enregistrer pour le moment.)
Le malade entre à l'hôpital le 15 avril avec un bubon fluctuant à droite .
17 avril. Incision du bubon et inoculation faite au tiers supéricur de la
cuisse droite . Verre de montre .
17 avril. Petite vésicule blanchâtre aperçue à travers le verre de montre.
21 avril. La vésicule est devenue pustule et environnée d'uno auréole
rouge érythémateuse .
22 avril. Le verre de montre est enlevé et par la pustule s'écoule environ
un petit dé à coudre de pus qui s'était accumulé sous la peau décollée. Le
malade accuse d'ailleurs en ce point une vive douleur.
Avec ce pus on inocule la cuisse gauche et on recouvre la piqûre d'un
morceau de taffetas gommé.
26 avril. Le tafietas se décolle , on l'enlève et une pustule de la dimension
d'une grosse lentille siège au point d'inoculation .
Avec ce dernier pus, une troisième inoculation est faite (quatrième géné
ration ) à 10 centimètres au -dessous de la précédente, qui donne, le 30 , un
chancre semblable aux précédents.
Tous ces chancres, ainsi que le bubon virulent, sont douloureux, suppurent
abondamment, privent le malade de sommeil et rendent l'état général mauvais.
Un traitement par les toniques et les bains d'eucalyptus est institué ; les
chancres sont pansés à l'iodoforme.
Le malade ne sort complètement guéri que le 15 juin , c'est - à -dire deux
mois après son entrée à l'hôpital.
OBSERVATION IV . ( Recueillie par M. Schwartz .)
Mohamed Salah ben Tahar, 17 ans, bonne constitution, décrotteur, né à
Biskra, habite Alger depuis plusieurs années.
Il a eu une blennorrhagie il y a un an .
Le 5 avril 1885 , coît impur avec une Espagnole en maison . Le 8 , appari
tion du chancre sur la partie moyenne du fourreau de la verge. Une vingtaine
de jours plus tard le bubon se développe et oblige le malade à entrer å
l'hôpital le for mai.
2 mai. Ouverture du bubon et inoculation à la cuisse droite.
7 mai Pustule caractéristique . Inoculation du pus de cette pustule sur la
cuisse gauche, inoculation recouverte d'un morceau de taffetas gomme.
9 mai. Changement du laffetas; à ce moment une lachie érythémateuse est
bien accusée sur la piqûre.
11 mai. En enlevant le taffetas remplacé le 9 , la pustule se déchire et
laisse écouler gros comme un petit haricot de pus. C'est le chancre de troi
sième génération .
Les inoculations ne sont pas poussées plus loin , l'exemple des précédents
faisant redouter une guérison lente et un trop long séjour à l'hôpital.
Bubon et chancres sont pansés à l'iodoforme, des bains d'eucalyptus et des
toniques sont prescrits.
Le malade sort complètement guéri le 7 juin.
Ici s'arrête la série des inoculations incontestablement positives.
ANNALES DE DERMAT. , 2° SERIE, VI . 31
482 GÉMY.

Les deux observations suivantes sont moins probantes. Je les donne


néanmoins parce qu'elles peuvent être aussi bien revendiquées par les
partisans de la théorie de Ricord que par ceux qui, avec M. le D. Au
bert, de Lyon, soutiennent que le pus ne devient virulent que par
l'abaissement de la température qu'entraîne le débridement du bubon .
Je ferai cependant remarquer que M. Schwartz qui a pris l'observa
tion Va cu soin de noter que le pus pris pour l'inoculation était le pre
mier sorti lors de l'incision et que, pour l'observation VI, M. Duchâtelet,
interne du service, a noté la nature phlegmoneuse du pus que contenait
le bubon .

OBSERVATION V. – (M. Schwartz, externe du service .)


Mas ( Séraphin ), Espagnol, 19 ans, bonne constitution, charbonnier, habi
tant habituellement Tizi -Ouzou Kabylie), pendant un voyage à Alger, con
tracte avec une Espagnole, dans une maison publique, le 1er mars 1885, un
chancre simple du frein .
A son entrée à l'hôpital, le 15 mars, on constale la présence du chancre
au licu indiqué et recouvert par le prépuce enflammé. Il est douloureux et
suppure abondamment.
Chaque aine est le siège d'un bubon fluctuant, globuleux, rouge, mono
ganglionnaire. La peau est amincie, chaude, entiammée.
>

Le pus du bubon droit, mal lié , ne présentant pas les caractères du pus
franchement phlegmoneux, est inoculé sur la cuisse droite et l'inoculation
isolée par un verre de montre .
Le pus du bubon gauche, ouvert dans la même séance , avec un autre bis
touri bien entendu, est inoculé sur la cuisse gauche et les mêmes précau
tions prises pour l'isolemeni.
19 mars. Résultat négatif.
N. B. Le pus inoculé était le premier sorti des bubons.
31 mars. Nouvelle inoculation du pus des deux bubons.
2 avril. Résultat positif.
5 avril. Destruction des deux chancres d'inoculation par le caustique
sulfo - carboné.
2:5 avril. Le malade sort guéri.
Je dois insister sur ce fait que le pus inoculé la première fois n'avait
pas été puisé dans le ganglion , que les pansements faits avec le plus
grand soin par M. Schwartz, qui m'assistait régulièrement dans
ces expériences, ne permettaient pas la contamination des bubons ou
verts par le pus du chanc ! e et que, dix jours plus tard , le pus des bu
bons était virulent.
Je pourrais donc, avec quelque raison , porter ce fait à l'actif des ino
culations positives.
Mais comme, en definitive , il est passible de quelques objections, je
ne fais que le consigner parmi les résultats douteux.
OBSERVATION IT. (Recueillie par M. Duchiteler, interne du service.)
Nogues (Noël), 26 ans, tailleur, bonne constitution , des Hautes - Pyrénces,
SUR LA VIRULENCE DU BUBON CHANCREUX . 483

à Alger depuis plusieurs années, a eu une chaude- pisse cordée il y a cinq


mois.
Le malade entre à l'hôpital le 7 juin avec le frein perforé par un chancre
simple dont l'apparition remonte à une quinzaine de jours, c'est-à-dire cinq
jours après un coit suspect avec une Française libre.
8 juin . Le frein est sectionné après ligature de ses deux extrémités .
L'aine gauche est le siège d'un bubon fluctuant qui est immédiatement ou
vert. Toutes les précautions antiseptiques prises, le pus, qui est phlegmo
neux, est inoculé à la cuisse gauche.
14 juin. Résultat négatif.
19 juin . Réinoculation du pus du bubon sur la cuisse gauche.
20 juin. Pustule caractéristique. Résultat positif de seconde main.
| 26 juin . Le chancre, de la dimension d'une pièce de cinquante centimes ,
est détruit par le caustique sulfo -carboné.
30 juin . Chancre du frein cicatrisé, bubon encore ulcéré ; le malade sort
sur sa demande.

Je transcris maintenant quatre observations qui ont fourni des résul


tats négatifs.

OBSERVATION VII . (Recueillie par M. Schwartz .)


Nougaret ( Eugène ), 23 ans, journalier, Espagnol, bonne constitution, de
puis cinq ans à Alger, a eu une blennorrhagie il y a quatre mois.
Le 12 mars 1885), il a des relations avec une Française en maison et le
14 apparait une pustule sur le côté gauche du sillon balano - préputial.
Le 25 mars , les premiers symptômes d'un bubon se font sentir dans
chaque aine. Le 8 avril, le malade entre à l'hôpital.
État actuel : chancre simple de la dimension d'une pièce de cinquante
centimes, bubon fluctuant de chaque côté .
9 avril. L'inoculation est faite , après ouverture des bubons, avec toutes
les précautions voulues, à la cuisse gauche avec le pus du bubon gauche, å
la cuisse droite avec le pus du bubon droit .
17 avril. Résultat négatif à gauche.
19 avril. Le verre de montre est enlevé à la cuisse droite et on consiate
une fausse pustule, celte pustule ne donne pas de pus et est cicatrisée quel
ques jours après.
C'est donc un résultat négatif . Le pus , dans les deux bubons, avait été
cueilli dans les profondeurs de l'abcès.
OBSERVATION VIII. (M. Schwartz .)
Drano (François ), 27 ans, journalier, Français, bonne constitution , à Alger
depuis son enfance, a eu une blennorrhagie il y a trois ans .
Coſt impur le 20 mars avec une Espagnole en maison . Deux chancres appa
raissent le 26 mars et 20 jours après le bubon se déclare.
Le malade entre à l'hôpital le 21 avril.
22 avril . État actuel : bubon siégeant à gauche, du volume d'un demi
auf de poule, élastique, fluctuant, douloureux.
Des deux chancres, l'un est situé sur la partie gauche du prépuce et a la
dimension d'une pièce de un franc; le second a perforé le frein .
Le frein, lié à ses deux extrémités, est sectionné; la verge est enveloppée
d'une compresse pour que le pus des chancres ne se mélange pas à celui du
481 GÉNY.

bubon qui est immédiatement ouvert avec toutes les précautions voulues. Le
pus est inoculé à la cuisse gauche.
26 avril. Rien ; résultat négatif.
OBSERVATION IX . (M. Schwartz .)
Gat ( Joseph ), 19 ans, bonne constitution , d'origine espagnole , mais né à
Alger, boulanger, n'a pas d'antécédents vénériens.
Coït impur le jer avril avec une Espagnole en maison. Apparition du
chancre sur la partie droite du prépuce quatre jours après. Le bubon se montre
le 8 et le malade entre à l'hopital le 11 avril.
Le 12 avril. La tumeur a le volume d'un demi-auf de poule, la fluctuation
cst nettement perçue. Il est ouvert avec les précautions ordinaires et le pus
inoculé à la cuisse droile .
17 avril. Résultat négatif.
19 avril. Le chancre est cicatrisé, l'incision du bubon n'a pas le caractère
ulcéreux.
Le malade demande sa sortie qui lui est accordée .
OBSERVATION X. (Recueillie par M. Duchålelet, interne du service .)
Albertini (Jean -Baptiste), 26 ans , bonne constitution , journalier, Corse
d'origine, était entré dans le service le 3 avril pour une blennorrhagie et
sorti guéri le 12 mai.
Il rentre de nouveau le 5 juin, porteur d'un chancre simple qui a détruit
le frein et dont l'apparition remonte à 8 jours, c'est- à -dire 5 jours après le
coſt suspect.
A son entrée, le chancre est en voic de réparation et l'aine droite est le
siège d'un bubon fluctuant qui est ouvert avec toutes les précautions ordi
naires. Le pus, épais et phlegmoneux, est inoculé à la cuisse droite .
12 juin . Rien n'est survenu .
13 juin. Cicatrisation complète du chancre .'
19 juin . Le bubon est presque complètement cicatrise et le malade sort
sur sa demande .
Les neuf autres observations sont absolument semblables, il est donc
inutile de me répéter encore .
La suivante est incomplète. Je la donne cependant parce qu'elle pro
mettait un résultat positif, et parce qu'elle montre la rigueur avec laquelle
ces expériences ont été conduites.
OBSERVATION XI . - (Recueillie par M. Duchâtelet, interne du service .)
Loukrani, israélite, cocher, scrofuleux, entre le 19 juin avec un chancre
simple, siégeant sur le côté droit du fourreau de la verge (circoncis).Pour
confirmer le diagnostic, on inocule le pus du chancre à la cuisse droite .
Pustule caractéristique le 24 .
26 juin. Le chancre d'inoculation est détruit par le caustique sulfo -car
boné. Le même jour, le bubon droit que portait le malade à son entrie est
ouvert et le pus inoculé avec les précautions habituelles sur la cuisse gauche.
28 juin . Le malaile, très pusillanime, demande sa sortie qui ne peut lui
ctre refusée .
A ce moment, le point inoculé présentait une petite rougeur erytheria
leuse , prélude probable de la postule caractéristique, mais que je malade de
clarait n'ètre pas douloureuse, peut-être dans la crainte d'être retenu à l'hopital.
SUR LA VIRCLEXCE DU BCBON CILANCREUS . 18:35

Telles sont mes inoculations ,


Je n'ai pas cru devoir en augmenter le nombre, ce qui m'eût été facile ,
parce que j'ai remarqué que les chancres d'inoculation expérimentale
étaient plus longs à guérir que les chancres d'infection, même lorsqu'on
les détruit avec le caustique. L'eschare, en effet , ne tombe que du
quarantième au cinquantième jour et laisse toujours après elle une cica
trice indélébile, souvent disgracieuse .
Et enfin parce que les résultats obtenus me paraissent suffisamment
probants .
En résumé sur 20 inoculations j'ai obtenu :
e résultats positifs ( les 4 premières observations ).
3 douteux (Obs. V , VI , VI ) .
13 nettement négatifs .
C'est à peu près la proportion obtenue par tous ceux qui admettent
l'existence du bubon virulent.
Je crois pouvoir conclure que la vérité est dans la théorie qu'ont sou
tenue Ricord et ses élèves.
Cette théorie peut se condenser dans les formules suivantes :
1 ° Le chancre simple, dans un certain nombre de cas, n'a pas de
complications du côté de l'aine ;
2. Lorsqu'il est accompagné d'une adénite, celle -ci dans la proportion
des trois quarts est purement inflammatoire, et le pus qu'elle contient
n'est pas virulent;
3° Dans l'autre quart des cas, le bubon est produit par le transport
du micro -organisme, agent contagieux, par les voies lymphatiques, dans
le premier ganglion inguinal qui le retient et là produit un bubon chan
creur ;

4° Dans ce dernier cas, deux phénomènes peuvent se produire : ou


bien le bubon est chancreux dans sa totalité et le tissu cellulaire péri
ganglionnaire n'ayant pas été impressionné par la présence du virus, le
pus est immédiatement inoculable; ou bien le tissu cellulaire s'enflamme
aussi et alors, comme c'est ce pus qui s'écoule le premier, dès l'ouverture
du bubon et qu'il n'est pas encore chancreux, on a un résultat négatif à
l'inoculation immédiate, mais positif si on attend que ce pus soit écoulé
pour ne recueillir que le pus intra -ganglionnaire ou bien si on va cher
cher ce pus, tout de suite, dans le ganglion lui-même.
Voilà l'explication rationnelle que donne la clinique. Quant à l'expli
cation scientifique elle ne pourra être fournie que lorsqu'on aura trouvé
le parasite du chancre simple, et c'est à cette découverte que doivent
concourir tous les efforts .
IV

NOUVELLES RECHERCHES SUR LA PATHOGÉNIE DU BUBON


QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU ( 1),
Par LAURENT MANNINO .

Depuis les fameuses expériences de Ricord sur le pouvoir contagieux


du chancre mou et de certains bubons causés par lui, on a admis, en
vénéréologie , comme croyance classique , que le chancre mou peut
causer deux variétés de bubons : le symptomatique ou chancreux et le
sympathique ou simple. On a nommé le premier bubon virulent, parce
que le pus qu'il produit, étant inoculé, reproduit une pustule ulcéreuse,
caractéristique et pouvant être encore inoculée indéfiniment ; on appelle
simplement bubon inflammatoire le second, parce que le pus qu'il
produit ne peut pas être inoculé.
Seulement, déjà du temps de Ricord, il y avait dans l'histoire de la
virulence du bubon chancreux un point qui n'avait pas été éclairci, et
dont on attend toujours une explication conforme à la vérité. Voici le
fait dont il s'agit : l'inoculation du pus d'un bubon chancreux, faite
immédiatement après son ouverture, donne, presque toujours, un ré
sultat négatif. Ce n'est que 48 heures, au moins, après l'ouverture d'un
bubon , que le pus qu'il contient acquiert sa virulence .
Pour expliquer ce phénomène, Ricord avait imaginé que le bubon du
chancre mou contenait deux sortes de pus : du pus superficiel, phleg
moneux , dû à la périodynie et du pus intérieur, ulcéreux, contenu dans
la glande même et produit par le passage matériel du pus du chancre à
travers les vaisseaux lymphatiques. Ce pus ne se trouverait mis en évi
dence que quelques temps après l'ouverture du bubon , et ce serait alors
seulement qu'il commencerait à posséder sa virulence. D'autres auteurs,
doués de plus ou moins d'imagination, ont donné plusieurs interpréta
tions pour déchiffrer cette absurdité, qui a été appelée par quelques -urs
une bizarrerie pathologique.
L'explication qu'en a donnée M. le docteur Aubert, de Lyon, est la
plus notable entre toutes . Il remarqua , en étudiant l'action de la chaleur
sur le cours du chancre mou, que la virulence de cette affection se

(1 ) Communication faite par le Dr Laurent Mannino à l'Académic royale do


sciences médicales de Palerme, dans la séance du 19 juillet 1885.
PATHOGÉNIE DE BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU. 487

perd quand elle est soumise à l'action de la chaleur portée à un degré


déterminé. M. Aubert inférait de ce fait que, tant que le bubon reste
fermé, il n'est pas virulent, parce que la température élevée dont il dis
pose détruit l'élément spécifique ; tandis qu'en faisant l'ouverture, ou
s'il vient à crever spontanément, les caractères de sa virulence repa
raissent. Dans le courant du mois de novembre de l'année dernière
( 1884 ), M. le docteur M.-J. Straus communiqua à la Société de Bio
logie de Paris les études qu'il avait faites, à ce sujet, à l'hôpital du
Midi,
M. Straus, en partant du principe, généralement admis par tous les
vénéréologistes, que le chancre mou donne lieu à deux variétés de
bubons, et ayant,, en outre , la conviction que le mot virulence renferme
nécessairement, de nos jours, l'idée de micro - organismes, a établi trois
séries de recherches sur 42 cas de bubons venus à la suite d'un chancre
mou , afin de répandre un peu de clarté sur la pathologie de ces bubons.
1 ) M. Straus, en employant tous les moyens de coloration connus
actuellement, a premièrement recherché la présence des micro-orga
nismes dans le pus superficiel, aussi bien que dans celui des parties
profondes des bubons, et , après avoir fait les mêmes recherches sur de
petits morceaux coupés sur les parois de la cavité de l'abcès, il a
affirmé de n'avoir jamais trouvé de microbes dans toutes ses prépara
tions.
2) Pour tous les 42 cas, dont ci- dessus, il ôta de chaque bubon , au
moment de son ouverture, un peu de pus, qu'il délaya dans divers
moyens de culture, comme le bouillon de Pasteur, le bouillon de géla
tine, etc. , et il plaça une partie de ces préparations dans des étuves à
32°, en laissant le reste exposé à la température de l'ambiant où il tra
vaillait ; mais ces cultures lui donnèrent aussi un résultat négatif, car
elles restérent complètement stériles.
3) Il fit enfin des recherches, au moyen d'inoculations, pour voir si
le pus des bubons qu'il avait examiné possédait effectivement la viru
lence du pus du chancre mou ; et il a affirmé que jamais, pour aucun
des 42 cas qu'ii a observés, les inoculations qu'il fit au moment de l'ou
verture des bubons ne donnèrent lieu à la formation d'un chancre véné
rien .
M. Straus aa donc tiré de tout cela les conséquences : Qu'il n'y a pas
deux espèces de bubons qui accompagnent le chancre mou , mais seule
seulement le bubon produit par le chancre mou , et ce bubon ,
originairement, n'est pas virulent ; s'il le devient dans la suite, c'est par
des inoculations accidentelles qu'on y fait en se servant de bandages,
d'emplâtres, de chemises, etc. Or, comme les conclusions de M. Straus
faisaient tomber tout d'un coup des données scientifiques reconnues
488 LAURENT MANNINO .

très exactes , tous les vénéréologistes ont ouvert une enquête à ce


sujet.
Le docteur Horteloup , chirurgien vénéréologiste distingué de l'hô
pital du Midi, dans la séance du 17 décembre 1884 de la Société de
chirurgie de Paris , en faisant une revue critique de la pathologie des
bubons vénériens, s'est occupé des communications de Straus . Tout en
appréciant beaucoup les recherches que celui - ci avait faites, Horteloup
n'accepta pas ses conclusions, et il supposa que pour les 42 cas sur
lesquels Straus avait fait ses expériences, il ne s'agissait tout simple
ment que de bubons inflammatoires; il admit cependant , en voie
secondaire, qu'un bubon simple peut devenir accidentellement chan
creux ; mais il ajouta : « Si la théorie de M. Strauss était vraie, comment
s'expliquerait-on tous les cas dans lesquels le bubon devient chancreux
après la cicatrisation du chancre vénérien ? »
Donc, Horteloup admet les deux variétés de bubons ; quant à la
bizarrerie pathologique, nom sous lequel il désigne l'insuccès qu'on
obtient constamment en inoculant le pus du bubon chancreux à peine
est - il ouvert, il croit expliquer ce phénomène en imaginant qu'à l'in
térieur de la glande lymphatique en suppuration il se forme une véri
table gangrène, capable de détruire l'élément virulent , qui reparait
aussitôt après l'élimination des parties mortifiées.
Après Horteloup, c'est Diday qui parait sur la scène avec sa grande
autorité. Le 7 janvier de cette année ( 1885 ) , il communiqua à la Société
de chirurgie de Paris une note, dans laquelle, en applaudissant aux
idées énoncées par Horteloup, avec un raisonnement basé sur la
symptomatologie du bubon chancreux, il se déclarait contre les con
clusions de Straus, et il admettait par conséquent l'existence des deux
variétés de bubons, en croyant même que l'ulcère existait dans le bu
bon chancreux avant l'évacuation du pus.
Le professeur Ferrari, de Catane , est le seul, à ma connaissance,
qui, après les recherches de Straus, se soit occupé (en Italie de cet
argument, ainsi qu'il nous l'apprend lui -même dans sa publication de la
Gazette des hópitaux de la première quinzaine de juin, intitulée :
Sur la pathologie de l'adénite chancreuse.
Dans cet écrit, l'éminent professeur de l'Athénée catanais, en résu
mant les termes de la question qu'on discute toujours, ajoute : Sans
doute les faits relatifs à la pathologie et à la clinique du bubon chan
creux restent comme ils ont été annoncés par Ricord , Straus , Horte
loup, etc. , seulement l'erreur consiste dans l'interprétation qu'on a
donnée à ces faits . En conséquence, pour étudier la question , M. Ferrari
commença par rechercher le principe contagieux du chancre vénérien,
et en employant le méthyle violet et la fuchsine dans une légère solu
PATHOGÉNIE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU . 489

tion aqueuse , il affirme avoir trouvé, dans ses préparations, beaucoup


de bacilles, au nombre de 10, 20 et 30, épars dans le protoplasma des
cellules épithéliales et lymphatiques ; le noyau de quelques-unes avait
été envahi . Il vit aussi qu'avec les bacilles il y avait des masses 200
glæiques de micrococci très menus .
C'est à ces bacilles que le docteur Ferrari veut attribuer le principe
spécifique du chancre mou ; mais il dit ne pas en être sûr, car, jus
qu'à présent, il lui manque la contre -épreuve des cultures.
De toute façon, M. Ferrari croit raisonnable de considérer, a priori,
comme parasitaire l'élément contagieux du chancre mou et , en consé
quence, il admet le bubon chancreux comme un effet de l'absorption
des éléments contagieux du chancre vénérien .
Ferrari explique enfin, par la théorie d'Aubert, de Lyon , comment il
se fait ordinairement que le pus pris dans un bubon n'est pas inocu
lable dès les premiers instants, et il conclut en disant textuelle
ment : Les abcès chancreux arrivent à cause du passage des microbes
du foyer chancreux à travers les voies lymphatiques ou le ganglion,
dans le parenchyme duquel le passage arrive par diapédèse, et il s'y
détermine un procédé d'infection qui est d'abord intraganglionnaire,
mais qui va s'étendant ensuite jusqu'à la périphérie. Cependant, du côté
anatomique , le procédé n'est représenté que par une simple inflamma
tion, puisque les phénomènes ultérieurs n'ont pas pu se développer à
cause de l'action paralysante de la chaleur surles propriétés biolo
giques desdits microbes. Ainsi donc l'on arrive à comprendre aisé
ment pourquoi le pus qui est inoculé immédiatement après l'ouverture
du bubon ne produit aucun effet, tandis qu'il arrive le contraire ensuite
à cause de l'abaissement de température qui se produit après l'ouver
ture du bubon . Donc, il résulte de tout cela , dit M. Ferrari, que
le chancre spécifique vraiment inoculable du bubon ne se manifeste qu'à
l'ouverture de celui-ci .
II . Voilà tout ce qui a été dit ou écrit jusqu'à présent, par divers
auteurs, pour résoudre cette question difficile, pour répandre un peu de
clarté sur cette partie intéressante de la pathologie vénérienne ; mais y
sont-ils parvenus ? Peut- on penser avec l'esprit en repos à l'explication
qu’on a donnée de ces théorèmes scientifiques, comme si l'on ajoutait
foi à une vérité que l'on possède réellement ? Franchement, il m'est
avis que non ; aussi dès le commencement du mois de janvier de cette
année (1885 ), j'ai entrepris à ce sujet des études, dont permettez -moi,
Messieurs , de vous rendre compte.
Je tiens à vous déclarer, avant tout, que ce sont les malades qui ac
courent journellement au dispensaire dermosyphilopatique, que je di
rige depuis plusieurs années à l'hôpital de la Conception , auxquels je
490 LAURENT MANNINO .

dois les matières d'études, et que je me suis livré aux recherches


dont je vais vous entretenir, dans mon laboratoire histologique,
annexé au dispensaire susdit. Voilà maintenant l'exposition de mes re
cherches ;
1º Sur 24 malades qui avaient un bubon inguinal, venu à la suite de
chancres vénériens et se présentant tantôt avec les caractères du bubon
chancreux, tantôt avec ceux du bubon simple, j'ai pratiqué au moment
de l'ouverture du bubon une inoculation sur le ventre du malade lui
même, en employant du pus superficiel, aussi bien que du pus profond.
Je me suis entouré de toutes les précautions antiseptiques pour exe
cuter ces petites opérations, c'est - à - dire que pour pratiquer l'ouverture
du bubon et pour faire des égratignures à l'épiderme, j'ai employé un
bistouri stérilisé et j'ai toujours lavé la peau recouvrant le bubon et
celle sur laquelle on devait faire l'inoculation avec de l'eau contenant
de l'acide phénique dans la proportion du 5 0,0. Pour lous ces 24 cas,
je n'ai pas vu se produire d’ulcères sur la partie où j'avais inoculé le
pus du bubon extrait dans les conditions sus -mentionnées, le résultat
des inoculations a toujours été négatif .
2. J'ai répété l'inoculation sur tous lesdits 24 malades, quarante - huit
heures ou trois jours après l'ouverture du bubon , et je n'ai obtenu qu'en
deux cas seuls un résultat positif par le développement d'un ulcire
vénérien vrai et propre, qui a reproduit à son tour du pus inoculable ;
pour les autres 22 cas , le résultat des inoculations s'est toujours main
tenu négatif.
Maintenant je vous fais remarquer que plusieurs des malades sur les
quels j'ai fait mes expériences avaient encore, au moment où je
perçais le petit abcès , leur chancre mou , qui, chez d'autres, s'était
cicatrisé depuis plusieurs jours. Eh bien, des deux résuliats positifs
que j'obtins en répétant l'inoculation quelque temps après l'ouverture
du bubon , un cas concerne un malade qui avait le chancre mou et le
bubon en même temps ; le second cas, un malade qui, au moment de
l'ouverture du bubon , n'avait plus de chancre mou .
3° J'ai examiné au microscope le pus du chancre mou et celui du
bubon au moment de son ouverture. Pour faire cela, j'ai étendu séparé.
ment sous deux lamelles un peu de pus provenant de ces deux sources,
et je l'ai fail dessécher à la chaleur douce d'une lampe à alcool ; puis
j'ai coloré mes préparations avec le méthyle violet , ou avec la fuchisine,
je les ai déshydratées ensuite avec de l'alcool pur, éclairci avec de l'huile
de girofle et monté dans le baume du Canada. J'ai toujours trouvé dans
le pus de l'ulcère vénérien une grande quantité de bacilles plutôt courts,
tantôt droits , tantôt curvilignes, dans les cellules purulentes et en de
hors d'elles. J'ai vu , avec ces éléments micologiques, beaucoup de mi
PATHOGÉNIE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOC . 491

crococci épars ou réunis en chaînettes de 3 , 4 ou plusieurs éléments,


ou bien encore en amas en forme de zooglæés.
J'ai pu constater aussi que les cellules du pus du chancre mou étaient
plus petites que celles du pus de bubon , presque de la moitié ou des
deux tiers moins grandes ; cela dépendait d'un procédé de segmentation
très actif qui avait lieu dans ces cellules , de sorte que beaucoup d'elles
n'étaient représentées que par le noyau, dans lequel il y avait plus ou
moins desdits bacilles ; pourtant il y en avait d'autres, quoique en petit
nombre, avec deux ou trois noyaux prêts aussi à se segmenter.
J'ai trouvé dans le pus du bubon les cellules bien formées et régu
lières, ordinairement avec deux ou trois noyaux et protoplasma très
evident; j'ai remarqué aussi, continuellement, dans tous les 24 cas de
mon observation , une grande quantité de micro-organismes dans le pro
toplasına de ces cellules et en dehors d'elles . Ces microbes n'étaient que
des micrococci réunis en chainettes plus ou moins longues, qui tantôt
entouraient les cellules mêmes, en en contournant en partie le bord ,
tantôt les traversaient sous une forme sinueuse dans tout leur diamètre,
ou qui , d'autres fois, restaient dans leur protoplasma. J'en ai trouvé
d'autres réunis en amas plus ou moins grands dans lesquels j'ai cru
apercevoir des restes cellulaires désorganisés.
Ces micro-organismes, ayant la forme de micrococci, n'ont pas tous la
même grandeur ; j'ai trouvé en effet des chaînettes formées par des grains
plus gros, et parmi les micrococci mêmes d'une même chaînette, j'ai
trouvé une certaine différence dans leur volume.
Pourtant je n'ai jamais trouvé de bacilles dans le pus du bubon et j'en
ai toujours vu dans le pus du chancre mou .
4. J'ai examiné avec la technique histologique susdite le pus des deux
cas de bubons devenus chancreux, environ trois jours après leur ouver
tuire, c'est- à -dire des deux cas dans lesquels le pus n'avait pas été inocu
9

lable au moment de l'ouverture du bubon et l’était devenu trois jours


après. Eh bien, dans le pus de ces deux bubons, lors de la seconde
analyse faite sur le pus devenu virulent, j'ai trouvé une assez grande.
quantité de bacilles dans les cellules et en dehors d'elles, et ils étaient
tout à fait identiques, par la forme, aux bacilles du chancre vénérien ;
j'y ai trouvé aussi beaucoup de micrococci configurés et disposés comme
à l'ordinaire.
šo J'ai examiné avec attention la qualité du pus du chancre vénérien,
quand il a perdu ses caractères objectifs de chancre vrai et propre, et
qu'il s'est réduit à une simple plaie. Or, dans les quelques cellules puru
ientes, ainsi que dans les cellules épithéliales que j'ai fait coller contre
les lamelles en les posant sur l'ulcère, je n'ai trouvé que de rares micro
cocci ou diplococci et rien autre.
492 LAURENT MANNINO .

6 ° J'ai observé le pus de plusieurs bubons au moment de leur ouver


ture en en mettant une partie dans un verre de montre que j'ai laissé
exposé à l'air et l'autre partie dans un petit tube en verre stérilisé
d'avance et effilé aux deux extrémités que j'ai fermées ensuite à la lampe.
Après deux ou trois jours, j'ai examiné de nouveau au microscope,
comme à l'ordinaire, ce pus conservé en deux différentes manières, et
dans le premier ainsi que dans l'autre, je n'ai pas trouvé de formes de
bacilles semblables à ceux que j'avais remarqués dans le pus du chancre
vénérien ; j'ai vu , au contraire, une très grande quantité de micrococci
très tins et très petits , épars, sans ordre, et en outre les formes de micro
cocci en chainettes observées précédemment.
7. Avec le pus de ces dernières recherches, c'est-à -dire avec celui que
j'avais conservé en le laissant exposé à l'air , et avec celui que j'avais
recueilli dans un tube pour le préserver de l'influence de l'air, j'ai fait
plusieurs inoculations aux malades mêmes auxquels je l'avais extrait, le
résultat a toujours été négatif.
8° J'ai inoculé le pus du chancre à trois malades qui avaient en même
temps le chancre et le bubon , et naturellement j'obtins des résultats
positifs . Ayant conservé en même temps un peu de pus de ces mêmes
chancres entre deux lamelles que j'ai tenues ensuite pendant trois ou
quatre heures dans un bain chaud à la température de 35 à 40 °, j'ai
inoculé ce pus influencé par la chaleur sur les oreilles de deux cobaves
et sur le ventre de deux desdits malades, le résultat a été constamment
négatif.
IN . Avant d'arriver à la conclusion au sujet de mes recherches,
je crois utile de remarquer que, en admettant aujourd'hui et encore à
présent, si l'on veut, comme hypothèse, que l'élément spécifique du
chancre mou est constitué par la présence de micro - organismes, il parait
étrange que ces êtres microscopiques, en passant du chancre mou dans
les glandes voisines, doivent y produire, tantôt l'adénite simple, tantot
l'adénite chancreuse, tantôt rien , absolument rien .
Certainement, quel qu'il soit, cet élément spécifique producteur du
chancre mou doit toujours être égal dans ses effets ; ou , du moins, quelle
que soit la condition du terrain sur lequel il se développe et celle de son
état biologique, les conséquences qu'il produit doivent être, logiquement,
toujours de la même nature, variables seulement dans la manière de se
montrer. C'est-à -dire que si l'élément spécifique du chancre mou a la
capacité de produire l'intlammation des glandes lymphatiques voisines,
cette inflammation peut être ou se montrer plus ou moins forte, plus ou
moins douloureuse et étendue, mais elle doit toujours être de la même
nature, ou toujours chancreuse, ou toujours simple .
En outre, il résulte des expériences du Dr Aubert, de Lyon, expériences
PATIIOGÉNIE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHL : NCRE MOU . 493

dont j'ai reconnu l'exactitude et la vérité, non seulement à cause de ce


que je viens d'exposer, mais aussi pour ce que j'ai publié récemment ( 1 ) ,
qu’une chaleur de 35 à 40° peut détruire la virulence du pus du chancre
moll .

Si la théorie d'Aubert est vraie, comme elle l'est réellement, on ne


comprend plus pourquoi la chaleur, qu’ou a invoquée pour expliquer la
cause de la production des deux variétés de bubon qui accompagnent le
chancre mou, doit avoir, tantôt la force de détruire l'élément spécifique
de ce chancre dans la glande, en produisant ainsi le bubon simple, ct
d'autres fois n'a plus cette propriété et laisse entier ou à demi-paralysé
ledit élément, qui, par conséquent, tôt ou tard produirait l'adénite chan
creuse . Ou la chaleur, portée à cette température, a la force de détruire
l'élément spécifique du chancre, ou elle ne l'a pas ; si elle l'a , le bubon
qui vient à la suite du chancre mou devrait être naturellement toujours
simple; si elle ne l'a pas, le bubon , nécessairement, devrait être toujours
chancreux . C'est toujours la question d'être ou de ne pas être en même
temps .
Comme il est aisé de le voir , dans ces faits, il y a pétition de principe,
de sorte que non seulement la théorie des deux sortes de bubon qui
accompagnent le chancre vénérien, admise communément depuis Ricord,
n'est pas vraie, mais ce que Straus, Aubert et dernièrement Ferrari ont
conclu sur la pathologie du bubon qui vient à la suite du chancre mou
est tout aussi inexact. Donc la vérité où est-elle ?
Il résulte de mes recherches : 1 ° que le pus de l'adénite qui accom
pagne le chancre simple n'est pas inoculable au moment de son ouver
ture; 2° qu'en certains cas ce pus acquiert des caractères virulents ,
18 heures ou 3 jours après l'ouverture du bubon ; 3° qu'on trouve
toujours dans le pus du chancre vénérien beaucoup de bacilles , ainsi
qu'une grande quantité de micrococci réunis en chainettes ou épars ;
40 que dans le pus du bubon , aussitôt après son ouverture, on n'a jamais
de bacilles, on n'y trouve rien que des micrococci ou des diplococci;
So que dans le pus du chancre vénérien, quand celui-ci est devenu une
simple plaie, on n'y trouve plus les bacilles ; 6° qu'en examinant le pus
du bubon , lorsqu'il est devenu chancreux , on y trouve les bacilles du
chancre vénérien ; 7° qu'en conservant, soit en le laissant exposé à l'air
ou en le mettant en dehors de l'influence de celui ci , le pus d'un bubon
vénérien qu'on vient d'ouvrir, si on examine ce pus après trois ou quatre
jours, il aura toujours des caractères avirulents ; 8º que le virus du

11. Rendiconto sommario delle malattie osservate e curato nel dispensorio civico
Dermo-sililo-lapatico dell'orpedale la Concezione di Palermo, negli anni 1882, 1883
€ 188. – Tipog. Lamantia e Giannone. Palermo, 1883 .
494 LAURENT MANNINO .

chancre vénérien perd sa virulence, étant soumis à l'action, plus ou


moins prolongée, d'une température de 35 à 40 °.
Ces résultats me semblent, en vérité, très importants, car si nous les
comparons à d'autres données scientifiques reconnues pour vraies, ils
nous donnent la clef pour expliquer beaucoup de phénomènes de la
pathologie du bubon engendré par le chancre vénérien , qui jusqu'à
présent étaient obscurs ou singuliers.
Nous voici arrivés aux conclusions que je crois pouvoir tirer de tout
ce que j'ai exposé. Puisque le pus du bubon qui accompagne le chancre
mou n'est pas inoculable au moment de l'ouverture dudit bubon, il ne
contient pas le virus du chancre mou .
Attendu qu'en examinant dans lesdites conditions de temps ce pus, on
n'y trouve pas les bacilles, qui, suivant les observations de M. Ferrari et
les miennes, constitueraient l'élément spécitique vrai du chancre mou ;
mais qu'on n'y trouve qu'un grand nombre de micrococci et de diplo
cocci, c'est de ces micro - organismes que l'on doit faire dépendre la
genèse de l'adénite qui accompagne le chancre mou .
Ces micro -organismes sont les mêmes qui ont été trouvés et décrits,
spécialement par Vosembac ( 1), comme caractéristiques du phlegmon
simple et qui sont compris dans le genre du staphilococcus et du strep
tococcus.
Des que la genèse du bubon est ainsi entendue, on s'explique très bien
pourquoi le pus du bubon qu'on vient d'ouvrir n'est pas inoculable, et
l'on reçoit la confirmation de l'idée préconçue que les bacilles sont effec
tivement l'élément spécifique du chancre vénérien , et que, par consé
quent, le bubon qui accompagne le chancre vénérien ressemble micolo
giquement et anatomo-pathologiquement au phlegmon simple.
La connaissance de l'action de la chaleur sur la vitalité de l'élément
spécifique du chancre vénérien nous impose d'admettre que les bacilles ne
peuvent pas exister dans les voies lymphatiques, ni dans le parenchyme
des glandes, ni même dans aucun autre point de notre économie où la
température s'élève à 37º ; donc ils n'entrent pour rien dans la produc
tion du bubon, qui se développe seulement et exclusivement sous l'ac
tion morbifique du streptococcus piogenus, qui , ainsi que j'ai pu
l'observer, se trouve aussi dans le pus du chancre vénérien , non pas
nécessairement, mais accidentellement.
Donc, pour moi, non seulement les deux variétés de bubons qui ont
été admises communément depuis Ricord n'existent pas comme consé
quence immédiate et nécessaire du chancre mou , mais le bubon unique

( 1 ) Mikroorganismen bei den Wundinfections. Krankheiten des Menschen . Wies


baden, 1884 .
PATHOGÉNIE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU . 195

du chancre vénérien , ainsi que Straus l'entend, n'existe pas non plus, et
je trouve inexacte l'explication qu'en ont donnée Ferrari et Aubert
lui -même avant celui-ci .
Le bacille spécifique du chancre mou, ne pouvant pas vivre dans une
température s'élevant au delà de 35 à 40 °, ne peut pas se transporter
dans les glandes lymphatiques voisines et yy déterminer un autre chancre,
car dans ces parties il y a toujours une température s'élevant, au moins,
à 37º .
Par conséquent, le bubon , qui accompagne parfois le chancre véné
rien ou vient après lui , ne dépend pas de celui-ci, et si l'on a admis
cela jusqu'à présent, c'est grâce au post hoc ergo propter hoc ; au
contraire , le bubon n'est qu'un phlegmon simple, qui se développe
sous l'action morbifique du microcoque spécial du phlegmon , le strep
tococcus piogenus, qui peut coexister avec les microbes spécifiques
du chancre mou .
On arrive à s'expliquer ainsi pourquoi au chancre mou on ne voit pas
toujours succéder le bubon , qui, suivant la plupart des statistiques spé
ciales, ne se développerait que dans la proportion du 50 0/0 ; que si le
bubon était causé par l'élément spécifique du chancre mou , il devrait
apparaître toutes les fois qu'il y a un chancre vénérien , et, ce qui plus
est, il devrait toujours être de la même nature chancreuse .
Si l'on trouve enfin quelques bubons devenant chancreux 48 heures
ou 3 jours après leur ouverture et qui donnent du pus inoculable, il faut
attribuer cela aux éléments spécifiques du chancre vénérien , qui auraient
été mis en contact avec le bubon ouvert en y déterminant une inocula
tion. Ces éléments spécifiques peuvent venir du chancre même, quand il
coexiste , ou bien , lorsque celui-ci est cicatrisé, des parties adjacentes
du bubon, où il est facile de supposer qu'il y aurait des bacilles spéciaux
restés inertes sur la peau saine ou attachés aux poils du pubis et à ceux
du ventre .

On s'explique aussi pourquoi on ne voit pas les phénomènes généraux


suivre le chancre vénérien , comme il arrive constamment avec le chanere
de la syphilis; on verrait peut-être ces phénomènes généraux se produire
si le bacille spécial trouvait dans l'organisme humain des conditions
plus opportunes pour pouvoir se développer .
V

LE SAVON MERCURIEL COMME SUCCÉDANÉ DE L'ONGUENT


NAPOLITAIN,
Par le Dr Paul SPILLMANN,
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy.

On aa cherché, dans ces derniers temps , à remplacer l'onguent napo


litain par d'autres corps et en particulier par le savon .
Vincent avait essayé de faire un savon mercuriel; mais il est à base
de soude et a l'inconvénient d'être très dur ; il fond si difficilement qu'au
bout d'une demi-heure de friction le malade parvient à peine à user sur
sa peau la moitié d'un pain contenant un gramme de mercure .
Quelques médecins ont proposé de remplacer l'onguent na polilain pár
un mélange de mercure et d'acide stéarique. Mais cette préparation s'al
tère rapidement.
Hébra se servait , pour préparer son savon , d'huile d'olive et de po
tasse caustique. Le savon ainsi obtenu doit être absolument neutre,
c'est-à-dire ne renfermer aucun alcali libre. On y incorpore, en ouire,
une petite quantité de glycérine. La quantité de mercure additionnée au
savon ainsi préparé est dans la proportion de 1 à 3.
M. Yvon reprenant l'idée d'Hébra vient également de proposer d .
remplacer l'axonge par le savon noir. Quand on prend , dit- il 1,000 gram
mes de savon noir (aussi neutre que possible) et 3,000 grammes de
mercure sur lesquels on opère comme avec l'axonge, on remarque que
l'extinction du mercure se fait d'une manière aussi parfaite qu'avec le
dernier excipient et beaucoup plus rapidement. Cette pommade au sa
von est susceptible de conservation indéfinie .
Je me sers pour mon compte, depuis plus de deux ans, dans mon
service, d'un savon mercuriel qui m'a donné les meilleurs résultais.
Voici le procédé de préparation :
L'huile employée à la fabrication du savon est de l'huile d'olives pure
qu'on saponifie par les procédés ordinaires avec une lessive de potasse
caustique.
Pour débarrasser le savon ainsi obtenu de toute trace d'alcali libre el
le rendre absolument neutre, on le précipite deux fois de suite de sa
solution .
SAVON MERCURIEL . 497

Le savon est ensuite mis à sécher pour le priver de son excès d'hu
midité . Après quoi, il est fondu dans la moitié de son poids de glycérine
neutre ,
Le savon ainsi préparé sert à éteindre son poids de mercure par sim
ple trituration . Il est divisé, quand le mercure est complètement éteint,
en pains de 60 grammes, après avoir été aromatisé avec une essence ap
propriée.
Chaque pain renferme 30 grammes de savon et 30 grammes de mer
cure ; ce rapport du savon au mercure est donc le même que celui de
l'onguent napolitain .
Tous les médecins qui se seront servis du savon mercurique renonce
ont à coup sûr à l'emploi de l'onguent napolitain . En effet, le savon a
pour avantage d'être soluble dans l'eau et de se laisser facilement enlever
par un simple lavage . Comme il est absolument neutre, il ne provoque
aucune irritation de la peau .
Pour faire la friction au savon , on asperge la région qui doit être fric
tionnée avec un peu d'eau et on mouille la main qui pratique la friction .
Je fais recouvrir ensuite la partie frictionnée avec du papier de soie ou
du papier parcheminé très mince ; le pansement est maintenu à l'aide
d'une manche s'il s'agit des bras, ou à l'aide d'un caleçon de bain un
peu long s'il s'agit de la cuisse . Au bout de vingt-quatre heures la par
tie du corps soumise à la friction la veille est lavée avec une éponge
imbibée d'eau tiède, puis essuyée ; pour éviter toute irritation de la peau,
1

on peut, par mesure de prudence, la saupoudrer avec un peu de poudre


de riz .

ANNALES DE DERBLAT ., 2° SERIE. VI . 32


RECUEIL DE FAITS.

NOTE SUR UN CAS DE PSORIASIS VACCINAL ET SUR LA


SIGNIFICATION PATHOGÉNIQUE DE CETTE AFFECTION.
Par lo D. Ernest CHAMBARD ,
Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique
dermatologiquo et syphiligraphique.

C'est une opinion assez répandue, parmi le vulgaire, que l'inoculation


vaccinale « met l'humeur en mouvement » et peut être sujyje de ces
affections croûteuses de la peau que l'on nomme, selon les contrées,
« gourme, rache ou rogne » ; cette relation causąle est, d'ailleurs, connge
des dermatologistes et nous avons observé, en 1883 et 1884, dans
l'exercice de nos fonctions de chef du service municipal de vaccination
de la ville de Lyon, un certain nombre de cas d'eczéma et d'impétigo
qui paraissaient bien reconnaître une semblable origine.
Le psoriasis vaccinal est plus rare et les seuls faits que nous en con
naissons sont ceux de Georges- H . Rohé, Piffard et Morrow (1 ) analysés
.

dans ce recueil (2). Celui que nous allons rapporter est digne d'intérêt,
moins encore pour sa rareté que pour la lumière qu'il nous semble
jeter sur un point encore fort débattu de la pathogénie du psoriasis.
OBSERVATION. -
- Garçon de 5 ans et demi revacciné avec du vaccin ani.
mal. Psoriasis consécutif, d'abord localisé aux lieux d'inoculation, puis
généralisé.
B... Jules , assez bel enfant de 5 ans et demi, a été vacciné une première
fois, à 16 mois, et porte, à chaque bras, trois cicatrices caractéristiques.
Ses parents ont toujours joui d'une bonne santé, et lui-même n'a jamais eu,
dit sa mère, « le moindre bouton i .
A la fin de mars 1884 , une épidémie de variole, assez légère d'ailleurs,
sévissant à Lyon, l'enfant est revacciné, par mesure générale , avec tous les
élèves des écoles maternelles .
On lui fait, au bras gauche , trois scarifications superficielles au sein des
quelles l'on dépose une parcelle de notre Électuaire vaccinal dont l'activité
(1) Georges- H . RoHÉ. Deux cas de psoriasis aigu généralisés développés après
la vaccination (Journal of cutaneous and venereal diseases. Oct 1882 ).
PIFFARD. Cas de psoriasis survenant après la vaccination ( Ibid., janvier 1883 ).
MORROW . De quelques accidents de la vaccination ( Ibid ., mars 1883).
(2) Annales de dermatvlogie et de syphiligraphie, n ° 12, 1883.
NOTE SUR UN CAS DE PSORIASIS VACCINAL . 499

et la sûreté sont, aujourd'hui, comparables à celles du meilleur vaccin


humain (1)
Le troisième jour de l'inoculation, Jules est pris de phénomènes généraux :
courbature, fièvre, soif, anorexie, etc. , assez intenses pour que ses parents
croient, un moment, à l'invasion de la variole. En même temps surviennent,
au bras gauche et exactement sur les points scarifiés, trois boutons rouges
tellement prurigineux qu'il est impossible d'empêcher l'enfant de les gratter
et de les « mettre en sang » . Le même jour (?), des boutons semblables se
montrent sur le bras droit et, pendant les quatre ou cinq jours suivants, l'é
ruption envahit successivement les membres inférieurs , le tronc puis, enfin,
le bras gauche par lequel elle avait débuté.
Les éléments éruptifs se sont d'abord montrés sous forme de boutons
pleins et secs,ne renfermant ni pus ni sérosité et très prurigineux, qui se cou
vrirent de squames , au bout de cinq à six jours ; ils furent donc d'abord
papuleux, puis papulo-squameux et n'affectèrent, à aucune période de leur
?

érolution, les types vésiculeux et pustuleux.


Huit jours après la vaccination , l'enfant nous est amené à l'hôtel de police
municipale et nous constatons ce qui suit :
Son état général est satisfaisant, bien qu'il paraisse un peu påle et que son
appétit ne soit pas encore entièrement revenu . L'éruption, très apparente, se
compose de papules arrondies, de la dimension de la tête d'une très petite
épingle (psoriasis punctata) à celle d'un centime (psoriasis guttata) , recou
vertes de squames assez minces mais sèches el nacrées comme les squames
psoriasiques typiques. En les arrachant, on met à nụ une surface d'un rouge
jaunåțre ou cuivré et l'on détermine de petites hémorrhagies punctiformes.
Ces papules sont maintenant aprurigineuses et, depuis plusieurs jours, l'en
fant a cessé de se gratter .
Presque généralisée, mais discrète, l'éruption occupe les membres et le
fronç : elle fait entièrement défaut au cuir chevelu ainsi qu'aux régionş pal
maire ou plantaire des mains et des pieds. Le bras gauche présente, au
niveau de l'empreinte deltoidienne, trois larges papules, confondues en partie
par leurs bords et disposées en triangle comme les plaies d'inoculation dont
elles occupent exactement la place. La face postérieure des bras et des avant
bras, la face antérieure des cuisses et des jambes, la face dorsale dų tronc,
sont parsemées de papules plus petites, les unes isolées , les autres réunies
en groupes composés chacun d'un petit nombre d'éléments éruptifs. Il existe
encore une ou deux papules sur la poitrine et l'on en trouve une qui semble
être en voie de disparition , sur la tempe droite.
Sur notre conseil, le petit malade fut amené le lendemain matin à la cli
nique dermo -syphiligraphique de l'Antiquaille, où notre maitre, M. le pro
fesseur Gailleton , l'examina avec intérêt et confirma notre diagnostic
Jules B ... fut admis dans le service de M. Cordier, alors chargé de la di
vision des scrofuleux ; notre départ de Lyon nous empêcha, malheureusement,
1

de l'observer plus longtemps .


Nous ferons suivre la relation de ce fait de quelques courtes réflexions
destinées à faire ressortir l'intérêt qu'il nous paraît offrir au point de vue
de la pathogénie de certains cas de psoriasis.

1) Yoy. E. CHAMBARD. Préparation et emploi de l'électuaire vaccinal de l'institut


municipal de vaccination (Lyon médical, n : 8, 24 février 1884) .
500 ERNEST CHAMBARD .

Et d'abord, le diagnostic ne nous semble pas douteux . L'affection du


jeune B... était bien un psoriasis type déterminé et localisé par l'inocu
lation vaccinale, puis généralisé par un mécanisme que nous chercherons,
tout à l'heure, à déterminer. Il ne saurait exister, ici, le moindre soupçon
de confusion avec une syphilis vaccinale à forme papulo -squameuse : la
marche et les caractères de l'éruption, ainsi que l'origine animale du
vaccin inoculé, ne permettent aucun doute à cet égard (1 ) .
Le mécanisme de l'éruption est d'une détermination plus difficile et
l'on peut faire, à son sujet, plusieurs hypothèses.
I. La dermatose de Jules B ... a -t -elle été déterminée par l'im
pression morale que cause , à certains sujets, l'opération pourtant si
courte et si anodine de la vaccination ( 2) ? Elle se rattacherait alors au
psoriasis de cause morale , dont l'existence, généralement admise d'ailleurs,
est incontestable et que l'on voit survenir à la suite d'un chagrin inattendu
ou d'une violente colère. Notre petit malade, cependant, ne paraissait
pas bien impressionnable ; il avait supporté, sans sourciller, l'inoculation
vaccinale , et la localisation exacte des premières papules aux points d'ino
culation montre bien qu'une influence plus directe et plus locale a dû
présider à l'apparition de son affection cutanée .
II. -
L'on pourrait encore regarder le psoriasis vaccinal comme un pro
cessus inflammatoire déterminé et localisé, chez un sujet prédisposé, soit
par le traumatisme, soit par l'insertion d'un virus irritant. L'inoculation
créerait, sur le tégument, dans cette hypothèse, un locus minoris resis
tentiæ . Remarquons, cependant, que les conditions prédisposantes au
psoriasis, déjà bien obscures chez la plupart des sujets atteints de cette
dermalose, sont encore moins évidentes chez le jeune B... dont les
ascendants avaient toujours joui d'une bonne santé et qui, par son
jeune âge même, semblait devoir lui échapper .
Il est, en outre, bien rare de voir l'irritation de la peau se traduire
par des lésions aussi différenciées, et s'il est vrai que l'électuaire vaccinal
possède des propriétés un peu irritantes dont on n'a pu encore le dé
barrasser entièrement, c'est par de l'érythème et de l'cedème inflamma
toire qu'elles se traduisent quelquefois et non par l'apparition des éléments
dermatologiques définis . Une telle hypothèse, enfin , si elle pouvait
rendre compte de l'apparition du psoriasis au niveau même des scarifi
cations, ne saurait expliquer la généralisation ultérieure de l'éruption
sans faire appel à des réflexes trophiques encore plus obscurs.
( 1 ) L'institut vaccinal fournit du vaccin humain aux personnes, fort peu nom
breuses d'ailleurs, qui en exigent; mais n'emploie ou, du moins, n'employait de
notre temps, pour son propre comple, que du vaccin animal .
( 2) Nous avons vu assez souvent la crainte de cette opération, d'ailleurs absolu
ment indolore, déterminer, même chez des hommes vigoureux, des syncopes et des
accès d'épilepsie.
NOTE SUR UN CAS DE PSORIASIS VACCINAL . 501

III. Il est une troisième hypothèse qui nous paraft mieux rendre
compte de la localisation primitive et de la marche du psoriasis vaccinal;
elle aurait, en outre, le mérite de corroborer des recherches exactes et
dignes d'intérêt.
L'on sait qu'en 1878 le professeur Lang (1 ) a démontré l'existence, au
milieu des cellules épithéliales de la pellicule psoriasique (psoriasis
haütchen), d'un champignon auquel il donna le nom d'épidermophyton
et dont la présence serait aussi constante et aussi caractéristique
que celle du trichophyton dans l'herpes tonsurant ; il fit, de cette décou
verte, la base de sa théorie parasitaire du psoriasis, et fut suivi dans
cette voie par un certain nombre de dermatologistes parmi lesquels
nous citerons le professeur Eklund (2) .
Il en est du psoriasis comme de toutes les affections cutanées qui , pour
une lésion univoque, reconnaissaient des causes multiples, et nous ne
pensons pas qu'il soit toujours parasitaire : son hérédité fréquente, ses
relations avec certains états constitutionnels, son apparition surtout sous
la seule influence de causes morales, plaideraient assez fortement contre
une manière de voir aussi absolue. Nous en admettrions cependant volon
tiers, pour certains cas, l'origine cryptogamique : ce n'est, il est vrai,
qu'une hypothèse que l'expérimentation n'a pas encore confirmée ; mais la
découverte de Lang, les caractères généraux du psoriasis, sa nullité étiolo
gique et la disposition circinée de certaines de ses formes semblent lui
prêter un sérieux appui .
Or ne pourrait -on regarder le psoriasis vaccinal comme un pso
riasis parasitaire par inoculation ? La lancette du vaccinateur ne pourrait
elle pas insérer, dans l'épiderme, avec le virus vaccin, le champignon
da psoriasis ou une espèce différente capable de donner naissance, par
pléomorphie, à l'épidermophyton lorsqu'on la sème au sein de l'épiderme
humain ? Cette greffe parasitaire ne serait pas un fait d'exception :
l'on sait, depuis longtemps, que chez les eczémateux, des pustules vacci
nales peuvent apparaître au niveau de chacune des excoriations que
détermine la rupture des vésicules et l'on connaît, par M. Aubert (3) , le
rôle important que peut jouer le traumatisme dans la détermination et
la localisation de la teigne faveuse ; elle rendait compte de l'apparition,
après une période de germination latente, des premières papules au
niveau même des points scarifiés et la généralisation ultérieure de l'af
fection papulo -squameuse s'expliquerait assez aisément par le grattage
transportant le parasite sur différents points du tégument.
( 1 ) LANG . Vierteljahrschrift fur dermatologie und syphilis, 1878 .
(2) EKLUND . Contribution à l'étude du Lepocolla repens, le champignon élémen
mentaire du psoriasis. (Annales de dermatologie et de syphiligraphie, n° 4, 1883).
(3) AUBERT. Rôle du traumatisme dans l’étiologie de la leigne favouso (Annales
de dermatologie et de syphiligraphie, nº 2, 1881).
802 ERNEST CHAMBARD .

L'origine du parasite serait, cependant, assez difficile à découvrir. Il


n'est pas rare, dit Eklund , de rencontrer le psoriasis chez les chevaux ;
aussi cette affection atteint-elle, assez fréquemment, les cochers qui
manient l'étrille . En est-il de même chez les veaux ou existe-t-il , chez
ces animaux , quelque parasite différent du lepocolla repens, mais capable
de donner naissance à ce dernier, sur le terrain humain ? Il appartient aux
vétérinaires de résoudre cette question ; mais, s'il en était ainsi , l'on de
vrait s'étonner que le psoriasis vaccinal ne soit pas plus commun , et nous
aurions peine à comprendre qu'un seul des trois ou quatre mille sujets
qui ont été inoculés avec la masse de liquide vaccinal fournie par l'animal
incrimine ait été, à notre connaissance, atteint de cette complication.
Aussi ne faisons-nous que poser un problème et n'avons - nous nulle
ment la prétention de faire une théorie du psoriasis vaccinal. A certains
égards, cette singulière affection nous paraft se comporter comme une
dermophytie par inoculation , comme un favus inoculé, par exemple ,
mais sa nature parasitaire est encore une pure hypothèse que la consta
tation de la contagion du psoriasis et la découverte de l'origine de
son parasite spécifique pourront seules confirmer . Nous avons cru bien
faire, cependant, en attirant sur ce point commun de l'histoire de la
vaccine et du psoriasis l'attention des expérimentateurs et des derma
tologistes.
jf
2

SYPHILIS DATANT DE 44 ANS, ET N'AYANT DONNÉ LIEU A


AUCUNE MANIFESTATION DE
TCET
UBERCULEUSES
ESPACE DE,
te
ACTUELLEMENT
TEMPS. -
SECHES, CIRCINÉES.
Observation recueillie à l'hôpital Saint-Louis dans le service
de M. le Pr A. FOURNIER,
Par le Dr Peulz.

Le nommé Gr .... , Isidore, se présenté le 6 juin dernier à la consulta


tion de M. le professeur Fournier à l'hôpital Saint-Louis , pour « des boutons
qui lui sont, dit- il, survenus à la peau depuis quelque temps déjà » . Ce n'est
pas qu'il en soit incommodé, car il nous avoue qu'il ne s'en serait pas
occupė, si un chirurgien, qu'il a consulté la semaine précédente pour une
contůsion de l'épaule, ne lui avait dit que ces boutons résultaient d'un
mauvais mal ».
M. Fournier, lui ayant fait quitter ses vêtements, constate a la partie supé
rieure et externe des cuisses des syphilides tuberculeuses sèches, circinées.
Interrogé sur l'époque à laquelle il a contracté la syphilis, ce malade
répond : qu'il a eu un chancre infectant il y a 44 ans, et que depuis cette
époque, il n'a jamais eu d'autres manifestations que celle quil'amène aujour
d'hui.
Une semblable réponse excite, comme on le pense, un étonnement géné,:
ral. Il était intéressant d'avoir à ce sujet de plus amples détails, et c'est
alors que , sur les conseils de M. le professeur Fournier, nous avons longue
ment interrogé ce malade et recueilli les renseignements suivants :
Gr ... Isidore , actuellement agé de 65 ans, exerce la profession de
charpentier. D'aspect robuste, de haute stațure, ne paraissant pas son âge,
il nous dit avoir toujours joui d'une excellente santé . Ne faisant d'excès
d'aucune sorte, travaillant régulièrement , mangeant bien et buvant peu,
Gr ... Isidore a toujours mené une conduite exemplaire.
Ses antécédents héréditaires sont les suivants : son père est mort à l'âge
de 93 ans ; sa mère est morte à l'âge de 88 ans. « Tous les deux se sont
toujours bien portés et sont morts de vieillesse . Il a ец
eu deux frères, l'un
qui est mort à l'âge de ż8 ans , subitement , et l'autre, à l'âge de 46 ans ,
d'une maladie qu'il ne peut définir.
Dans son enfance il n'a jamais eu de gourme ni de boutons, ét il est
impossible de découvrir chez lui la moindre trace d'accidents strumeux . Il
n'a jamais fait de maladie d'aucune sorte.
A l'age de 21 ans, pendant qu'il était en garnison à Arras, dans un régi
ment du génie, Gr ..., Isidore, contracta un chancre, qui fut qualifié de
chancre infectant par le médecin-major, et qui nécessita un iraitement
504 HEULZ .

d'un mois à l'hôpital. On lui fit prendredes pilules et des sirops dont il ne se
rappelle plus le nom aujourd'hui . Ce dont il se souvient, c'est qu'il était con
sidéré comme « vérolé » .
Sorti de l'hôpital complètement guéri, il reprit son service pendant deux
mois . Au bout de ce temps-là, il éprouve un mal de gorge, qui l'oblige
à rester à l'infirmerie. On lui prescrit des gargarismes et autres médicaments,
sur lesquels il ne peut donner aucune indication . -
Un mois après tout avait
disparu .
Depuis cette époque, ce malade n'a jamais suivi aucune espèce de traite
ment. Sa santé a toujours été parfaite. 1
1
A l'âge de 33 ans Gr .. Isidore se marie. Deux ans après, sa femme devient
enceinte et met au monde un enfant bien portant. Néanmoins ce dernier ne
donna pas ce qu'il promettait, car sa constitution s'affaiblit peu à peu, et il
mourut à l'âge de 7 ans d'une maladie qu'il nous a été impossible de détermi
ner malgré toutes les questions que nous avons posées au père. Il nous a dit
seulement que son fils avait toujours eu beaucoup de croûtes dans la léte.
Sa femme a toujours joui d'une bonne santé et est morte à l'âge de 56 ans,
pendant la menopause.
Il y a un an, notre malade, ayant un peu d'eczéma sec à la partie infé
rieure des jambes, consulta un médecin de son quartier, qui lui prescrivit
des bains et des sirops ; n'ayant obtenu aucun résultat Gr ... , Isidore se
tint quand même pour satisfait.
Examen du malade . Rien sur la face, le cou, les bras, le tronc et l'ab
domen. On constate, a la partie supérieure et externe de la cuisse gauche ,
des syphilides tuberculeuses, sèches, circinées, formant une plaque de con
figuration ovale, dont le grand diamètre mesure 8 centimètres, et le petit 1

diamètre 5. Ces syphilides ont débuté il y a six mois et ont augmenté gra
duellement.
A la partie supérieure et externe de la cuisse droite, on constate également
des syphilides tuberculeuses sèches, circinées, formant une plaque ovalaire
qui mesure 12 centimètres dans son plus grand diamètre et 8 centimètres
dans son plus petit. Autour, on voit quelques ilois de syphilides tuberculeuses
sèches . Ces syphilides ont apparu en même temps que les premières et ont
augmenté graduellement.
Dans le pli de l'aine droite, on aperçoit une petite syphilide tuberculeuse.
Eczéma sec , léger, à la partie inférieure des jambes, depuis un an envi
ron .

Comme traitement, on prescrit au malado :: iodure de potassium a la dose


de 2 à 3 grammes par jour ; pansements par occlusion au taffetas de Vigo;
bains .

Cette observation est, comme on le voit, particulièrement remarquable


par le long espace de temps - quarante - quatre ans — pendant lequel
-

la syphilis n'a donné lieu, chez ce malade, à aucune manifestation : et


cela, malgré le manque presque total de traitement. C'est à peine, on
s'en souvient, si notre malade a suivi pendant un mois, à deux reprises
différentes, une médication spécifique.
III

PARALYSIE
LABIO -GLOSSO LARYNGÉE D'ORIGINE SYPHILITIQUE
Observation recueillie, dans le service de M. le Pr FOURNIER ,
Par A. Raoult .

Parmi les troubles moteurs qu'engendrent les lésions cérébrales de la


syphilis, ceux qui constituent le type clinique de la paralysie labio-glosso
laryngée sont assurément très rares.
Dans son traité de l'Electrisation localisée, Duchenne, de Boulogne ,
en signale deux cas, mais sans y insister. M. le professeur Grasset, de
Montpellier, mentionne aussi deux faits de ce genre. M. le professeur
Fournier, dans ses Leçons sur la syphilis du cerveau (1 ), cite deux
observations de paralysie labio -glosso laryngée ; dans un des cas cette
paralysie était consécutive à une hémiplegie. Dans le même article, il
mentionne des cas de Cheadle et de M. Féréol . Enfin , dans une note, il
mentionne un malade entrant à cette époque dans son service (1879) .
C'est celui qui fera le sujet de ce travail.
Ce malade, le nommé K..., a été observé par nous à Saint-Louis, dans
le service de M. Fournier, où il était couché, ces temps derniers, salle
Saint-Louis, lit nº 64.
Cet homme est revenu fréquemment dans le service et la plus grande
partie des accidents de sa vérole y ont été observés .
La première note le concernant date de janvier 1877 .
En 1874, il eut deux chancres infectants sur la face dorsale du gland , et à
la suite une roséole. Plus tard, il présenta des éruptions croûteuses, en
1875 .
A l'époque où cette première observation fut prise, il présentait encore une
éruption tuberculo-croûteuse abondante sur la face, notamment sur le front,
sur le thorax et l'abdomen . Des plaques étendues formées par ces syphilides
couvraient l'épaule et la partie postérieure du bras gauche , la région sous
scapulaire et une grande partie de la face externe de la cuisse .
Cette éruption a laissé à sa suite des cicatrices blanchâtres, ridées , gau
frées, irrégulières, entourées d'une surface où la peau est affaissée et prend
une teinte jambon. Actuellement, on peut observer encore toutes ces cica
trices sur notre malade.

( 1 ) Pag. 493-495.
506 A. RAOULT.

Déjà, en 1877 , il avait présenté des symptômes nerveux caractérisés par


une diminution de la force musculaire , du tremblement et une certaine difti
culté dans la marche. Le malade était alcoolique, buvant cinq à six litres de
vin par jour. Notre collègue de cette époque mentionne particulièrement dans
son observation l'elat mental bizarre de K ... « Il ressemble, dit-il , aux
vieillards ramollis ; il pleure quand on lui demande des détails sur sa situa
tion, etrit un instant après.» Néanmoins, il n'avait alors ni tremblement de
>

la langue, fi diminution de la vision et de la gustation.


Notre malade sortit au bout de quelque temps, pour rentrer dans le service
au mois de mâi 1879 .
Depuis dix-sept mois, il avait, parait-il, de la difficulté à s'exprimer.
Un an environ avant cette seconde entrée, il fut subitement pris d'une perte
de connaissance , avec chule, à la suite de laquelle persista une hémiplegie
droite des membres et de la face.
Les troubles de la parole, tels qu'on les observe actuellement , sont, d'après
le dire du malade, concomitants à l'hémiplégié, et soráient en conséquence
apparus subitement.
A l'époque où il fut de nouveau observé, les mouvements étaient revenus
dans les membres du côté droit ; mais ceux-ci avaient gardé une faiblesse
notable. Le malade n'avait plus cet air pleurard mentionné plus haut. Il
avait un aspect souriant, beat : les pupilles étaient moyennement et égale
ment dilatées.
Lorsqu'on lui faisait tirer la langue hors de la bouche, on voyait que lë
malade ne pouvait lui communiquer que des mouvements très lents et peu
étendus. Toutefois, on n'y remarquait pas de contractions fibrillaires.
Quand il voulait parler, ses lèvres romuaient à peine, ei il n'émettait qu'un
son très faible, monotone.
Lorsqu'on l'avait excité à parler pendant quelque temps , il devenait
subitement muet, faisant une profonde inspiration, puis une courte expira -
tion, comme pour produire un son ; mais les lèvres restaient immobiles.
La mastication était très lente , et il lui fallait beaucoup de temps pour
prendre ses repas.
La sensibilité de la luette était émoussée, et, en la touchant avec le doigt;
on në provoquait ni vomissements ni nausées. L'examen laryngoscopique
révélait une paralysie des deux cordes vocales, qui ne pouvaient se rappro
cher dans l'expiration.
Vers le mois de novembre 1879, le malade éprouva de la rétention d'urine,
qui ne dura que deux ou trois jours. Cette rétention n'existait que le matin,
et céda au cathétérisme .
A la fin de cette même année, il y eut une notable amélioration dans les
troubles vocaux , et il pouvait émettre plusieurs notes , chanter, par exemple,
Au clair de la lune. Il commença à tirer plus facilement la langue hors
de la bouche . Toutefois la voix était nasonnée, faible, mais distincte , au com
mencement de l'année 1880. La mastication s'accomplissait, mais sans force;
les dents des deux mâchoires ne se touchant pas complètement. Le malade
pouvait souffler une bougie à une assez notable distance ; mais, pour le faire,
il ne se servait que de l'angle gauche des lèvres. En buvant vite, il avalalt
de travers, ce qui ne se produisait pas quand il buvait lentement. Le voile
du palais était mobile ; mais on apercevait la luette déviée à gauche . Le
malade était toujours impressionnable, ce qui augmentait considérablement
sa difficulté à parler.
PARALYSIE LABIO -GLOSSO -LARYNGÉE D'ORIGINE SYPHILITIQUE . 507

K... fut de nouveau observé en 1881. Peu de changements à noter à cette


époque dans son état . On remarque toutefois que la voix est presque indis
tincte quand il veut parler fort ; tandis qu'on peut le comprendre quand il
s'applique à parler bas. Il éprouve une très grande difficulté à émettre les
sons suivants : c. j . I. La lèvre supérieure reste complètement immobile, la
langue jouit de toute sa mobilité .
D'autresphénomènes se rapportant à des troubles nerveux sont encore
remarqués. Les érections sont presque nulles ; la miction est laborieuse. Il a
une certaine gène à respirer, et est obligé de faire de temps en temps de
larges läispirations. Les membres droits sont toujours fåibles. La pressioni de
la main donne au dynamomètre 31 à droite et: 33 à gauche. L'épaule droite
est tombante. La jambe droite se fatigue vite. Il y a atrophie de tous les
muscles du côté droit. Sous tout autre rapport, K ... se porte bien ; l'appétit
est vorace . Il n'éprouve ni vertiges , ni étourdissements.
Pendant quatre ans notre malade ne fut pas revu. Il rentra dernièrement,
le 18 avril de cette année , salle Saint-Louis, où il était couché au nº 64.
Les troubles phonétiques se sont peu modifiés depuis 1881 ; toutefois on
comprend assez bien ce qu'il dit en le faisant parler doucement et bas. Il
prononce un peu mieux les consonnes c. j. l. ; il y a peu de différence entre
le b et le p. et le d et le t.
La lèvre supérieure est tombante, immobile, un peu déviée à gauche. Il
souffle facilement une allumette, mais ne peut siffler; l'ouverture des lèvres
se faisant à peine à droite . La langue se meut assez facilement; mais il ne
peut lui imprimer des mouvements très rapides ; elle se met facilement en
gouttière . Il l'applique facilement contre le palais pour la faire claquer.
Les mouvements de diduction de la mâchoire sont toujours difficiles ; le
malade mâche et avale lentement.
L'examen de la gorge nous montre la luette déviée à gauche; cette der.
nière, ainsi que le pharynx, sont sensibles. Au laryngoscope; ba remarque
que les lèvres de la glotte se meuvent un peu , mais de ferment pas com
plètement l'orifice glottique.
La paralysie des membres du côté droit est moins accentuée. Il traine
toujours la jambe droite qui est raide. Le bras est susceptible de mouve
ments ; toutefois il le porte difficilement sur la tête. La main droite se fléchit
bien ; l'index seul est ráide et ne suit pas complètement les autres doigts
dans la flexion. La pression au dynamomètre donne 32 à droite et 36 å
gauche. Le réflexe patellaire est exagéré à droite.
Ce cas nous semble contenir plusieurs faits intéressants, à savoir :
l'apparition brusque de la paralysie labio-glosso laryngée en même temps
que l'hémiplegie et la réunion complète d'emblée des phénomènes clini
ques de cette triade symptomatique. Mais à l'iriverse de ce qui se passe
dans la paralysie labio-glosso laryngée ordinaire , qu'on peut caractériser
du titre de progressive et qui s'accentue de plus en plus, ici les troubles
se sont amendes avec le traitement antisyphilitique, ce qui prouve la
nature spécifique de la maladie.
En outre, la réunion des divers troubles moteurs nous fait supposer
Ruben
une localisation bulbaire, due selon toute probabilité à une lésion d'ori
gine syphilitique.
IV

SYPHILIS CÉRÉBRALE (SYPHILIS IGNORÉE) SIMULANT


LA MENINGITE TUBERCULEUSE
Observation recueillie à l'hôpital Lariboisière, dans le service de M. SIREDEY,
Par A. Morel-Lavallée, interne des hôpitaux.

Le 23 mai 1885, on amène à dix heures du soir, salle Sainte - Claire, nº 31 ,


une femme paraissant agée de 25 à 30 ans ; elle n'a pas sa connaissance et
parait en état de résolution musculaire généralisée. L'homme qui la con
duit ne parle pas français, et on ne peut obtenir de lui aucun renseignement.
La nuit elle reste dans son lit , sans mouvement, sans parler .
Le lendemain 24, à la visite du matin, on la trouve dans le même étal,
savoir :
Coma ; yeux à demi ouverts, pupilles normales, sans strabisme. Respira
tion lente, ample, non stertoreuse. Pouls égal, régulier ; fréquence normale.
La malad ne répond pas aux questions, bien qu'elle paraisse entendre le
son de la parole; quand on la pince vigoureusement, elle bouge légèrement
le membre, au bout d'un long moment, en grognant (retard dans la percep
tion) . La langue est sèche ; les dents, sales, les gencives, recouvertes d'un
enduit accumulé par l'incurie, n'ont pas de liseré spécial. L'orifice buccale
présente quelques fuliginosités. Les mâchoires sont raides à entr'ouvrir, et il
est même difficile d'apercevoir la langue. Peut- être, d'ailleurs, ne comprend
elle pas le français.
Aucune odeur alcoolique ou autre n'est exhalée par la malade.
Le ventre n'est pas ballonné, ne présente aucune tache rosée ou autre.
La peau n'offre ni traces de coups, ni cicatrices d'ordre quelconque. La
malade n'urine pas, la vessie est vide ; impossible de recueillir de l'urine.
L'examen du thorax, du ceur, est négatif. Pas de raideur musculaire, pas
de paralysie limitée.
Température : 38°2 .
L'examen est donc négatif à peu près sur tous les points. Lavement pur
gatif .
En l'absence de toutes traces de violence, en présence des fuliginosités
buccales qui dénotent sans doute une maladie d'au moins quelques jours,
tout en se tenant sur la réserve, on pense à une fièvre typhoïde .
Température du 24 au soir : 38º .
Le lendemain 25 au matin, on s'aperçoit, aux grimaces qu'on fait faire à
la malade en la pinçant, qu'elle présente une paralysie, du reste peu accu
sée, du facial inférieur droit. Dès lors M. Siredey pense aussitôt à une
méningite tuberculeuse à forme irrégulière (d'autant plus que la malade
ne va pas à la selle sans lavement) et il prescrit : glace sur la tête, lave
ments purgatifs. Iodure de potassium , 2 grammes. A deux heures, la
malade urine sous elle dans son lit.
SYPHILIS CÉRÉBRALE . 509

Température : 3902 .
Le 26 au matin , la perte de la connaissance et du mouvement est toujours
absolue; mais la paralysie faciale s'accentue. En même temps le ventre se
déprime ; on n'a toujours obtenu qu'une selle , avec un lavement ; l'impres
sion de l'ongle sur la peau produit nettement la raie méningitique.
Le pouls reste régulier et normal ; de même pour la respiration.
Le 27, même état; en plus, il parait y avoir une hypéresthésie musculaire
profonde. Quand on comprime fortement la jambe droite, la gauche se sou
lève en même temps que la figure grimace; à la paralysie faciale droite
s'ajoute au moins de la parésie motrice et sensitive de la moitié droite du
corps .
Température : 3902 .
Le lendemain 28 , le ventre est absolument retracté en bateau ; la paroi
abdominale parait appliquée sur la colonne vertébrale ; pas de strabisme;
pas de vomissements, pas de contractures, ni même de raideur de la nuque.
La malade n'a pas repris connaissance. Pouls et respiration, comme à l'état
normal. Quelquefois la respiration se ralentit, mais jamais on n'observe le
type de Cheynes -Stokes.
Le 29 au matin, la température monte encore à 39°, puis tout reste en l'état
pendant deux jours.
Cependant, le 31 au malin, on nous dit que la nuit la malade s'est remuée
dans son lit, qu'elle a prononcé quelques mots en allemand, et même ré
pondu dans cette langue.
Le lendemain , elle peut s'exprimer en français. Dès maintenant elle remue
ses quatre membres. Sensibilité normale sans hypéresthésie. La paralysie
faciale reste sans modification .
Dès lors, en présence de cette amélioration, le diagnostic change, et il ne
nous parait guère possible d'expliquer ce changement inespéré autrement
que par des lésions spécifiques modifiées par l'iodure, malgré la faible dose
( 2 grammes) à laquelle on le donnait, et cela par acquit de conscience,
dans l'hypothèse d'une méningite tuberculeuse .
On prescrit : iodure de potassium : 4 grammes , frictions à l'onguent napo
litain .
A partir de ce moment, la guérison s'achève comme par enchantement ;
la connaissance revient presque entière en trois ou quatre jours ; les fonc
tions digestives se font normalement. La malade s'assied sur son lit et cause
gaiement.
La paralysie faciale droite dure toujours , elle diminue cependant déjà
nettement le 11 juin, date à laquelle la malade commence à se lever.
Aujourd'hui, 17 juin, elle a presque entièrement disparu ; le peu qui en
reste quand on fait rire la malade est la seule trace de l'état effrayant qu'elle
présentait lors de son entrée à l'hôpital.
Il nous parait bien difficile de faire ici, rétrospectivement, un diagnostic
autre que celui de syphilis cérébrale. Voyons maintenant ce que nous
apprennent les renseignements que la malade est en état de donner elle
même .
Deux ou trois jours avant d'entrer à l'hôpital, une violente céphalalgie,
exclusivement frontale et sus -orbitaire, l'avait forcée de quitter sa place de
femme de chambre . Le dimanche 23 mai , elle va pour diner chez un cousin ;
mais son mal de tèle y devient tel qu'on est forcé de la ramener chez elle ;
010 A. MOREL -LAVALLÉE.

là, elle perd bientôt connaissance, et c'est ainsi qu'on la conduisit, trois
heures après , à Lariboisière.
Aujourd'hui, cette femme assure n'avoir jamais fait aucune maladie; ja
mais d'éruption cutanée, de maux de gorge, d'alopécie, de fausses couches,
aucune cicatrice sur le corps .
Mèmes résultats négatifs pour nos recherches au sujet de l'hérédité : crane
normal, denture régulière; l'ogive palatine est seulement un peu accentuée .
Jamais de maux d'yeux pi d'oreilles.
Pas d'exostoses, pas de rachițişme. Aucune cicatrice, avons-nous dit.
Son père est encore en bonne santé ; efle a deux frères, l'un plus agė,
l'autre plus jeune qu'elle. Sa mère, également bien portante, n'a fait qu'une
fausse couche, en dernier , et consecutivement à une peur .
Notre malade n'a été détiorée que le 8 février de cette année.
A la suite, elle n'a rien vu d'anormal.

En un mot, que lą syphilis soit ici héréditaire ou acquise, il nous est


impossible de retrouver ses traces. Et cependant il nous est impossible
de croire à autre chose qu'à des manifestations cérébrales d'une syphi
lis ignorée .
DES RELATIONS DES DERMATOSES AVEC LES AFFECTIONS
1

DES REINS ET L'ALBUMIŃURIE,


Par le Dr Georges THIBIERGE, ancien interne des hôpitaux.
( Suite et fin .)

II.

Les exemples que nous avons rapportés montrent clairement que l'al
buminurie et les néphrites peuvent accompagner ou suivre un certain
nombre de dermatoses; nous avons maintenant à résumer les faits par
ticuliers dans le détail desquels nous sommes entré et à rechercher
quels sont les caractères de ces altérations de fonction ou de structure
des reins.
L'albuminurie qui accompagne les affections cutanées est extrêmement
variable d'intensité : les recherches de MM. Kemhadjian -Mihran et
Capitan nous la montrent très peu considérable, appréciable seulement
par des réactifs sensibles à l'excès, comparable à l'albuminurie décrite
dans ces dernières années chez les gens bien portants et vraisemblable
ment indépendante, comme cette dernière, de toute altération anato
mique du parenchyme rénal. D'autres fois, l'albuminurie se présente
avec des caractères tout différents : le précipité obtenu par la chaleur
et par l'acide nitrique est abondant, l'examen microscopique de l'urine
y révèle des cellules épithéliales du rein , des cylindres d'espèces di
verses, parfois des globules sanguins.
Quand l'albuminurie est peu considérable, elle est généralement aussi
transitoire, disparaît en quelques heures ou en peu de jours, et cesse
sans autre traitement que celui dirigé contre l'affection cutanée qui l'a
engendrée. D'autres fois, par contre, elle dure un long temps, nécessite
une thérapeutique spéciale et parfois ne disparaît qu'après des mois
entiers .
Les troubles fonctionnels qui sont associés à l'albuminurie sont non
moins variables : nuls lorsque l'albuminurie est pure ment transitoire, ils
peuvent manquer encore dans des cas où elle persiste longtemps ; souvent
cependant quand l'albuminurie a une certaine durée, on voit survenir les
symptômes qui caractérisent l'existence d'une néphrite. En pareil cas, des
hématuries plus ou moins abondantes se produisent au début de l'albu
minurie ou se répètent irrégulièrement dans son cours, des douleurs lom
512 G. THIBIERGE .

baires accompagnent généralement les hématuries, des ædèmes localisés à


la face, aux paupières principalement, ou aux cous-de-pied, quelquefois
une anasarque généralisée et même des épanchements dans les grandes
séreuses et des suffusions séreuses dans les viscères sont l'indice fré
quent aussi de la lésion rénale et de l'altération plus ou moins profonde
du sang, consécutive à la déperdition d'albumine et aux autres modifica
tions concomitantes de la sécrétion urinaire. Dans quelques cas même,
les accidents sont plus graves encore : l'altération du sang ne se révèle
plus seulement par des suffusions séreuses dans les viscères, elle donne
lieu en outre à des accidents urémiques, qui parfois entraînent la mort.
Enfin , les rapports chronologiques de l'albuminurie avec la dermatose
qu'elle accompagne sont non moins variables que les caractères cliniques
de cette complication : tantôt elle succède à la disparition de l'affection
cutanée, qu'elle semble remplacer, que l'affection cutanée parvienne à
la guérison par l'effet de sa tendance naturelle ou par suite d'une in
tervention thérapeutique ; tantôt elle se montre plus ou moins longtemps
après le début de la dermatose, puis persiste pendant toute sa durée,
disparaît àà peu près en même temps qu'elle ; tantôt, ayant débuté pen
dant que l'affection cutanée existait, elle lui survit pour ainsi dire, per
siste un temps variable après qu'elle a disparu .

III.

Avant d'entreprendre l'exposé et la discussion des théories qui ont


été proposées pour expliquer l'albuminurie consécutive aux affections
cutanées, nous devons encore résumer les caractères des affections du
tégument externe dans lesquelles cette complication a été observée. Nous
aurons ainsi l'occasion de faire voir que les caractères de ces dermatoses
sont aussi différents que les caractères revêtus par l'albuminurie elle
même, et nous aurons montré une fois de plus qu'il est impossible de
faire rentrer dans une seule classe tous les cas particuliers dans les
quels l'albuminurie est la conséquence d'une maladie du tégument ex
terne et de les expliquer tous par une théorie unique. Nous aurons
ainsi facilité la discussion des théories pathogéniques, qui fera l'objet
du paragraphe suivant.
Dans l'énumération des affections cutanées accompagnées ou suivies
d'albuminurie, nous avons rencontré des affections aiguës et des affec
tions chroniques : parmi ces dernières , nous avons vu les unes s'ac
compagner d'albuminurie pendant toute leur durée, ou seulement à
l'occasion de poussées aiguës, ou bien encore être suivies d'albuminurie
une fois que la détermination cutanée a disparu . Dans les dermatoses
aiguës, l'albuminurie a presque toujours coïncidé avec la période d'achi
DERMATOSRS ET ALBUMINURIR . 513

vité de l'éruption : nous avons cependant eu également à noter quelque


fois l'alternance entre l'albuminurie et les poussées éruptives dans les
dermatoses aiguës qui évoluent par poussées plus ou moins régulières
et plus ou moins répétées.
L'étendue de l'éruption a présenté des variétés très nombreuses :
parfois, généralisée, occupant la presque absolue totalité du tégument
externe, d'autres fois, au contraire , très peu étendue, constituée par un
petit nombre de furoncles ou de pustules d'ecthyma. De ces variations
dans l'étendue de la surface tégumentaire atteinte , il faut rapprocher ce
fait que des dermatoses généralisées, comme la dermatite exfoliatrice (1 ),
peuvent ne pas s'accompagner d'albuminurie malgré l'entrave considé
rable qu'elles apportent aux fonctions du revêtement cutané.
Considérées au point de vue de la lésion élémentaire, les dermatoses
que nous avons successivement signalées sont également variables :
avec l'eczéma nous trouvons la vésicule, avec les éruptions pemphigoïdes
la bulle , avec l'ecthyma la pustule, avec la gale à peu près toutes les
lésions élémentaires; dans le purpura, au contraire, les lésions laissent
intact l'épiderme; et parfois des lésions purement érythémateuses peu
vent se compliquer d'albuminurie. Cependant il faut noter que, si l'on
excepte les dermatoses relevant d'un état constitutionnel ou d'origine
infectieuse manifeste, presque toutes les autres s'accompagnent de lésions
épidermiques susceptibles de se rompre et de constituer une porte d'en
trée aux germes extérieurs. Ce fait a été parfaitement mis en relief par
M. Augagneur qui, sur 44 observations réunies dans divers auteurs ou
recueillies par lui , a trouvé ::
Impetigo .. 15
Gale ..... 11
Lymphangite .... 6
meno
No
w
co

Ecthyma . 4
Furoncles 3
Ulcères... 2
Gangrène ...
Eczéma (probablement compliqué de lymphangite) . . 1
Nous verrons plus loin le parti que cet observateur distingué a tiré
de cette remarque .
Les symptômes fonctionnels des dermatoses accompagnées d'albumi
nurie sont variables aussi. Quelques-unes sont la cause d'un prurit
(1) Depuis que cette revue a été rédigée, M. Perret a publié dans le Lyon
médical (juillet et août 1885) deux observations d'érythème scarlatiniforme des
quamatif accompagné d'albuminurie. Nous renvoyons le lecteur à l'analyse du mé
moire de M. Perret, insérée dans le présent numéro des Annales.
ANNALES DE DERMAT., g* SÉRIE. VI. 33
314 G. THIBIERGE .

intense, violent parfois, comme la gale et certains eczémas ; d'autres


sont douloureuses comme les furonoles ; mais cette condition sympto
matique, à laquelle on a voulu faire jouer un rôle capital et sur la fré
quence de laquelle a surtout insisté M. Boyer (1 ) , n'est pas absolument
constante : elle fait défaut dans l'ecthyma, pour ne citer qu'un exemple;
en outre, il est des affections prurigineuses et étendues qui ne s'accom
pagnent pas d'albuminurie et nous rappellerons ce que nous avons dit
pour une des maladies du tégument externe le plus péniblement pruri
gineuses, à laquelle ses caractères ont fait donner parfois le nom de prurigo
ferox , de lichen agrius , le prurigo de Hebra, en un mot , Nous pour
rions rappeler aussi le ļichen plan dans lequel l'albuminurie n'a pas,
que nous sachions, été observée,
L'état général des sujets atteints de dermatoses avant l'apparition de
l'albuminurie est des plus variables aussi : parfois il s'agit de sujets déja
profondément cachectiques, comme dans le pemphigus ; d'autres sont
affaiblis par la durée de la dermatose , le prurit dont elle s'accompagne,
les sécrétions abondantes qu'elle produit ; d'autres enfin sont, l'affection
du tégument externe étant mise de côté, dans un état de santé parfaite
ment satisfaisant.
Enfin les conditions étiologiques des dermatoses que nous avons
énumérées sont des plus variables : les unes sont produites par des
parasites animaux ; d'autres sont déterminées par un agent infectieur
qui agit à la façon des parasites animaux pour produire la dermatose,
mais qui peut s'introduire dans la circulation au niveau des lésions
cutanées et aller ensuite altérer le rein ; quelques-unes sont le résul
tat de l'infection de l'économie par un agent organisé, connu ou supposé,
qui peut atteindre le rein comme il a déjà atteint la peau et déterminé
la dermatose qui témoigne de son développement dans l'organisme.
D'autres enfin sont d'origine constitutionnelle ou sont développées chez
des sujets arthritiques , ou chez des sujets scrofuleux ou lymphatiques
dont l'organisme, sous l'influence de l'affection cutanée , peut réagir
d'une façon spéciale, et chez lesquels l'albuminurie ou les lésions ré
nales sont souvent dues moins à la lésion du tégument externe qu'au
terrain spécial sur lequel elle évolue et qu'elle a modifié temporairement
comme aurait pu le faire une affection d'un quelconque des systèmes
organiques.

IV .

Trois théories principales ont été proposées pour expliquer l'albumi


nurie survenant dans le cours des dermatoses.
( 1 ) Loc . cit.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 515

1. L'albuminurie est due à la suppression des fonctions cutanées et


spécialement de la transpiration .
2º L'albuminurie résulte de troubles de la circulation rénale , engen
drés par l'irritation que les lésions cutanées font subir aux extrémités
nerveuses.
3º L'albuminurie est produite par une néphrite infectieuse consecutive
à l'introduction dans le courant sanguin de microorganismes existant au
niveau des lésions cutanées.
Nous ne faisons que signaler ici, pour mémoire, la théorie qui fait
des lésions rénales la conséquence de la même cause diathésique que
l'affection cutanée : cette théorie s'applique à un certain nombre de cas
d'eczémas, ainsi que nous avons déjà eu à le faire remarquer; mais elle
ne peut, on le conçoit, être généralisée à toutes les dermatoses . Une
théorie semblable doit être admise pour les faits d'albuminurie coexis
tant avec des maladies cutanées de nature infectieuse : la tuberculose
cutanée, le lupus, les lésions syphilitiques, certains cas de purpura et
d'érythème polymorphe : il est évident que , dans ces différentes cir
constances, la même cause générale doit être invoquée pour expliquer
et les lésions cutanées et les lésions rénales .
Certains auteurs ont attribué le développement de l'albuminurie au
traitement employé contre la dermatose ; il n'est point nécessaire de
discuter longuement cette théorie qui , exacte dans certains cas d'albu
minurie consécutive à la gale, que nous avons indiqués spécialement,
tombe devant cette remarque que , dans le plus grand nombre des faits,
l'albuminurie existait antérieurement à toute intervention thérapeutique.
Ces remarques faites, examinons successivement les trois théories
principales proposées pour rendre compte du phénomène que nous
étudions .
1 ° Théorie de la suppression des fonctions cutanées. - Cette théorie
s'appuie sur des faits physiologiques et sur des faits pathologiques .
La suppléance des fonctions cutanées par les fonctions rénales permet
d'attribuer les désordres rénaux consécutifs aux dermatoses à la surac
tivité à laquelle les reins sont soumis et aux troubles de nutrition qui
peuvent résulter de leur suractivité.
L'expérience bien connue de Fourcault apporte à cette théorie un
appui considérable : quand on voit l'albuminurie survenir constamment
chez les animaux dont la surface cutanée a été recouverte d'un vernis ,
il est rationnel de supposer que les lésions cutanées, abolissant plus ou
moins complètement les fonctions de la peau, doivent amener les mêmes
conséquences, et cela d'autant mieux que chez les sujets atteints de
brûlures très étendues on voit se dérouler tous les phénomènes observés
chez les animaux vernissés et on constate en particulier de l'albuminurie.
516 G. THIBIERGE .

Le développement d'un certain nombre de néphrites à la suite de


refroidissements, mais surtout la fréquence des néphrites consécutives à
la fièvre éruptive qui , par sa généralisation absolue et l'épaisseur des
lambeaux de desquamation , met le plus grand obstacle à l'exercice des
fonctions de la peau , confirment dans cette opinion , de même que
l'existence assez fréquente de la néphrite à la suite de la variole et de
l'érysipèle.
Tels sont les arguments, bien connus de tous, sur lesquels s'appuie
cette théorie . Voyons les objections qui lui ont été adressées.
Tout d'abord il n'est pas possible de transporter dans la pathologie
humaine les résultats de l'expérience de Fourcault. On sait, par les tra
vaux d’Edenhuizen, Lomikowsky , etc., que le vernissage d'une por
tion de la surface cutanée des animaux entraîne les mêmes consé
quences que le vernissage total, quoique les phénomènes se produisent
plus lentement ; or, chez l'homme, le vernissage partiel n'a pas produit
d'albuminurie, ainsi qu'il résulte des expériences de Senator (1 ).
Dans l'hypothèse que l'albuminurie résulte de la suppression des fonc
tions cutanées, de la suppression de la transpiration spécialement, celte
complication devrait s'observer plus souvent dans les dermatoses géné
ralisées que dans celles qui ne couvrent qu'une faible portion des tégu
ments. Or, l'observation montre que des dermatoses très étendues, comme
la dermatite exfoliatrice, ne s'accompagnent pas d'albuminurie, tan
dis que d'autres, où les lésions n'occupent qu'un territoire restreint de la
surface cutanée, comme la gale, en sont souvent la cause .
Les brûlures très étendues s'accompagnent bien de congestion rénale
et d'albuminurie, comme le vernissage des animaux ; mais les brûlures
ne peuvent être assimilées complètement aux dermatoses : l'excitation
violente produite par la brûlure retentit sur le système nerveux et il est
possible que les congestions viscérales ne soient que le résultat de trou
bles vaso -moteurs.
L'argument tiré de la fréquence de l'albuminurie dans la scarlatine,
la variole et l'érysipele ne peut avoir plus d'importance que les précé
dents pour appuyer la théorie que nous discutons. Il est parfaitement
prouvé que la néphrite érysipélateuse est une néphrite infectieuse pro
duite par la présence dans le rein de la même bactérie (streptococcus)
qui existe dans les lésions cutanées de l'érysipele, et pour la scarlatine
et la variole, si la démonstration directe nous manque encore, l'analogie
nous force à admettre que les lésions rénales sont indépendantes de
l'éruption cutanée et dues à une cause générale infectieuse .
Cette discussion nous montre que les arguments invoqués en faveur

(1) Virchow's Archiv, t. LXS .


DERMATOSES ET ALBUMINURIB . 517

de la théorie qui fait de l'albuminurie des dermatoses la conséquence de


la suppression des fonctions cutanées ont une bien faible valeur. Quelque
vogue qu'elle ait eue pendant longtemps, cette théorie ne paraît pas
applicable à la pathologie humaine et il semble qu'on doive rejeter la
possibilité de l'albuminurie due à cette cause.
2º Théorie vaso -motrice. —- Des expériences faites par Wolkenstein (1 )
ont montré que si , chez un lapin, on rase une surface cutanée de
25 centimètres carrés et qu'on fasse sur cette surface des frictions avec
divers agents irritants (teinture d'iode, onguent napolitain , tartre stibié,
huile de croton , etc. ), la quantité d'urine diminue, et l'albumine appa
rait dans ce liquide, ainsi que des cellules épithéliales, des corpuscules
lymphatiques et des cylindres, pour peu que l'excitation soit un peu
forte . Le même auteur, en faisant porter l'excitation faradique sur une
surface de même étendue, a vu la quantité d'urine augmenter, en même
temps qu'apparaissait une légère albuminurie qui cessait au bout de 3 à
6 heures ; après une excitation faradique longtemps continuée, sept ou
huit jours après le début, l'albuminurie est plus marquée et dure
36 heures .
Feinberg (2) , excitant la surface cutanée des animaux , observa aussi
l'albuminurie .
Des expériences analogues ont été faites par le professeur Bouchard (3)
et par ses élèves MM. Kemhadjian -Mihran ( 4) et Capitan (0) : chez
les animaux et chez l'homme, l'excitation cutanée produite par la faradi
sation ou la galvanisation a déterminé une albuminurie peu intense et
essentiellement transitoire : un mince anneau d'albumine rétractile se
montrait à la suite de ces excitations et disparaissait au bout de 24 heures
ou 48 heures au plus.
L'albuminurie qui succède au traitement de la gale est invoquée
pour montrer le rôle que jouent les excitations de la surface cutanée
dans la production des phénomènes réflexes aboutissant à la sécrétion
d'une urine albumineuse .
M. J. Boyer, qui a surtout cherché à généraliser, cette théorie, cite à
l'appui les faits d'affections prurigineuses suivies d'albuminurie : sa
thèse renferme trente observations qui , toutes, concernent des affections
comme l'eczéma, la phtiriase, la gale, dont le prurit forme le caractère
commun .
Cette théorie repose, il est impossible de le méconnaître, sur une base

(1) Virchow's Archiv, t . LXVII, p . 419.


(2) Centralbl. für die med . Wissens., n ° 39 ; 1876.
(3) In Thèse de KEMHADJIAN - MIHRAN , p . 12.
(4) Loc. cit. , p . 25 .
(5) Loc . cit. , p . 49, 141 et suiv.
518 G. THIBIERGR.

physiologique sérieuse : il est parfaitement démontré que l'irritation de


la peau, chez l'homme comme chez les animaux , est suivie d'albua
minurie; mais reste à savoir si cette albuminurie peut être assimilée sans
réserve à celle que l'on observe dans les dermatoses .
L'albuminurie produite par les excitations électriques est essentielle
ment une albuminurie transitoire et en outre une albuminurie extreme
ment peu abondante : or, pour ne citer qu'une des affections où cette
théorie semble le mieux de mise, nous avons vu que la gale s'accom
pagne de véritables néphrites aiguës, débutant très rapidement, et qui
n'ont aucune ressemblance avec les albuminuries latentes et transitoires
observées dans les expériences citées plus haut ou avec celles que pro
duit le traitement ordinaire de la gale.
Quant aux albuminuries produites par l'application sur la peau des
animaux de divers agents irritants, elles ne peuvent être attribuées
uniquement à l'excitation de la peau, mais bien au passage de ces sub
stances irritantes à travers le rein, et à une néphrite análogue à la
néphrite cantharidienne.
Alors même que, dans les dermatoses prurigineuses, l'excitation cu
tanée serait reconnue être la cause de l'albuminurie, il resterait encore
à déterminer la raison de cette complication dans les dermatoses où le
prurit fait défaut.
Une objection grave doit encorë être adressée à là théorie vasó
motrice : le prurit n'est point l'apanage exclusif des dermatoses dalis
lesquelles on a signalé l'albuminurie ; il se rencontre également et non
moins intense dans d'autres dermatoses où cette complication semble
faire entièrement défaut, telles que le prurigo de Hebra. Force est donc
d'admettre que le prurit n'est point la seule cause de l'albuminurie dans
les cas où cette complication survient dans le cours d'affections prurigi
neuses et qu'une autre condition intervient pour expliquer sa produc
tion .
Cette théorie de l'albuminurie ne peut donc point , comme celle qui
rapporte les modifications de l'urine à la suppression des fonctions cuta
nées, être rejetée entièrement, mais elle nous semble acceptable seule
ment pour les faits où l'albuminurie est à la fois légère et transitoire.
3° Théorie infectieuse . — Cette théorie, toute nouvelle, est la conse-.
-

quence des travaux récents sur les néphrites infectieuses, travaux dont
Kannenberg et M. Bouchard ont été les initiateurs. Elle a été exposée
par M. Augagneur dans le travail que nous avons déjà cité.
Le savant chirurgien de Lyon , étudiant l'albuminurie qui accoinpagne
l'ecthyma et la lymphangite, arrive à cette conclusion que cette albumi
nurie est le résultat d'une véritable néphrite aiguë. Cette néphrite peut
s'expliquer par l'absorption de microorganismes au niveau des plaies et
DERMATOSES ET ALBÚMINURIE . $19

par leur élimination à travers le rein . L'étude des affections cutanées


dans le cours desquels se produit l'albuminurie permet, d'autre part, de
reconnaftre qu'elle ne se voit que dans les dermatoses suppurées ou
dans celles qui s'accompagnent d'une solution de continuité des tégu
ments, c'est- à - dire dans des dermatoses produites par des germes infec
tieux ou susceptibles de servir de porte d'entrée aux germes atmosphé
riques. Dans les deux cas, on peut penser que les germes une fois intro
duits dans le courant circulatoire sont susceptibles de déterminer une
néphrite au moment de leir élimination par le rein .
Cet argument est, avec l'impossibilité d'expliquer la production de la
néphrite par les autres théories émises , le seul que l'on puisse jusqu'ici
faire valoir en faveur de la théorie infectieuse ; mais force est de recon
naftre que cet argument est de haute importance, car il tient compte,
sinon de l'absolue généralité des faits d'albuminurie consécutive aux
dermatoses, du moins du plus grand nombre d'entre eux.
La théorie infectieuse ne saurait être définitivement admise sans autre
preuve . Il est indispensable de rechercher, pour l'albuminurie d'origine
cutanée, comme cela a été fait pour les néphrites infectieuses, la pré
sence de microorganismes pathogènes dans l'urine recueillie avec toutes
les précautions antiseptiques d'usage; il faudra, en outre, comparer ces
microorganismes, si on constate leur existence, à ceux que l'on pourra
recueillir à la surface des lésions cutanées. M. Augagneur signale bien ,
dans les urines d'un malade atteint d'ecthyma, la présence d'un nombre
considérable de microcoques isolés ou sous forme de diplocoques , et dit
avoir constaté que le nombre de ces microorganismes diminuait à me
sure que la néphrite s'amendait; mais l'observation est muette sur les
précautions prises pour recueillir l'urine ainsi que sur l'examen micros
copique du pus de l'ecthyma.
Des recherches nouvelles sont donc nécessaires pour juger défini
tivement cette théorie qui cadre avec les théories généralernent admises
aujourd'hui sur la pathogénie des lésions rénales, qui , nous le répétons,
paraît fort vraisemblable et rendrait compte mieux que les autres théo
ries connues du plus grand nombre des faits d'albuminurie consécutive
aux dermatoses.
En résumé, l'albuminuriequi s'observe dans le cours des affections cata
nées ne reconnaît pas dans tous les cas une cause identique.
Parfois elle est sous la dépendance de la même cause générale qui
détermine la dermatose, cause générale soit constitutionnelle, comme
dans certains eczémas, soit infectieuse, comme dans la scrofulo-tubercu
lose cutanée, la syphilis et certains cas de purpura et d'érythème bulleux .
D'autres fois, comme dans la gale, peut- être dans la phtiriase, et
dans d'autres affections prurigineuses, i'albuminurie est due à des mo
520 G. THIBIERGE .

difications de la circulation rénale engendrées par l'irritation cutanée;


mais alors il ne s'agit que d'albuminuries transitoires, légères, qui ne
semblent pas susceptibles de devenir persistantes et les troubles circu
latoires qui les produisent ne paraissent pas donner lieu à des lésions
véritables du rein .
Le plus grand nombre des faits dans lesquels une néphrite se produit
à la suite des dermatoses parait tenir au développement d'une néphrite
infectieuse consécutive à l'introduction dans l'organisme des germes in
fectieux qui existent à la surface des lésions cutanées.
Quelle que soit, d'ailleurs, la pathogénie de la complication rénale,
celle-ci ne peut disparaître que quand l'affection cutanée primitive est
elle-même guérie : aussi , dans les faits de ce genre , si le traitement
ordinaire des néphrites est toujours utile et souvent nécessaire, est- il
encore plus indiqué de s'adresser avant toutes choses au traitement
propre à faire disparaître la dermatose .

DEUXIÈME PARTIE .

Des dermatoses consécutives aux maladies des reins.


L'étude des affections cutanées fait voir combien fréquemment les
lésions des divers organes viscéraux retentissent sur le tégument pour
y déterminer des troubles fonctionnels et des lésions variées . Ce qui est
vrai de l'estomac , de l'utérus, etc., doit l'être à bien plus forte raison
du rein , qui présente avec la peau tant d'analogies de structure et de
fonctions, et que le tégument externe peut, jusqu'à un certain point, sup
pléer lorsque ses lésions l'ont rendu incapable de remplir son rôle.
Le fait, sur lequel on a tant insisté, de l'apparition de givres d'urée
sur la peau de certains sujets atteints de néphrite tendrait à montrer
l'importance de cette suppléance des reins par les glandes sudoripares,
si les conditions de sa production étaient mieux déterminées et s'il ne
s'agissait pas le plus souvent d'un phénomène agonique qui a été remar
qué plus à cause de sa singularité qu'en raison de son importance cli
nique et théorique ( 1) . Nous n'insisterons donc point sur ces troubles de
la sécrétion cutanée et nous n'aurons en vue dans ce chapitre que les
dermatoses véritables, éruptions ou névroses.
Les dermatoses d'origine rénale ont attiré rarement l'attention . Signalées
cependant par Lorry, par Rayer et par les auteurs de quelques traités
classiques de pathologie rénale ou de pathologie cutanée, elles n'ont été
( 1 ) Voir à ce sujet : Binet. Etudes sur la sueur et la salive dans leurs rapports
avec l'élimination. Thèse de Doctorat. Paris, 1884.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 521

l'objet que d'un nombre très restreint de monographies. En 1880, M. Quin


quaud (1) publia sur ce sujet une courte note qui appela sur elles l'atten
tion des observateurs , et depuis lors les dermatoses de ce genre ont été
signalées avec une plus grande fréquence. Deux thèses soutenues, pres
que en même temps que paraissait la note de M. Quinquaud, par
MM. Collin (2) et J. Duval (3) , renferment quelques faits intéressants,
mais sont fort incomplètes et prêtent largement à la critique. Divers
travaux sur des points particuliers de l'histoire des dermatoses d'origine
rénale, publiés par Huet, Bruzelius, M. Dieulafoy, etc., et un petit
nombre d'observations recueillies dans les traités généraux et dans des
thèses sur les maladies des reins forment les seuls documents que nous
ayons pu nous procurer sur cette intéressante question qui est encore à
l'étude. Si certains points de cette question ont été bien mis en lumière,
beaucoup à'autres restent dans l'ombre, qu'il nous faudra signaler spé
cialement.

1.

Nous laisserons absolument de côté, dans l'exposé de ces éruptions,


les faits d'érythème développés sur les membres dématiés des brighti
ques, les érysipèles auxquels ces malades sont particulièrement exposés
et les gangrènes qui se produisent quelquefois chez eux . Ce sont là des
accidents qui ne dépendent point de la néphrite elle-même, mais de
quelqu'une de ces conséquences et qui ne doivent point trouver place
dans ce travail.
Les faits que nous avons admis pour exemples de dermatose d'origine
rénale sont uniquement ceux dans lesquels la dermatose est survenue
postérieurement au début des accidents rénaux, coïncidant souvent avec
l'aggravation des symptômes de la néphrite ou suivant de près cette
aggravation : nous avons dû rejeter un certain nombre d'observations
dans lesquelles la subordination chronologique de l'affection cutanée à la
lésion rénale n'était pas nettement établie. Cependant, dans quelques
cas, une autre preuve de la nature véritable de l'éruption peut être
admise : c'est l'influence de la marche de la lésion rénale sur la derma
tose; lorsque, sans autre traitement que celui de la néphrite et sans
aucune application locale, la lésion cutanée guérit ou s'amende en même
temps que disparaissent les symptômes de l'affection rénale, force est
bien d'admettre que celle-ci tenait l'éruption sous sa dépendance
directe .

(1 ) Note sur les affections cutanées d'origine rénale ( Tribune médicale, 1880, p. 295).
( 2) Recherches sur les maoifestations cutanées du mal de Bright ( Thèse de Doc
lorat. Paris, 1879 ).
(3) Des éruptions rénales ( Thèse de Doctorat. Paris , 1880 ).
522 G. THIBIERGE .

D'après les faits dont nous avons eu connaissance , il semble que, saat
peut-être pour le purpura, la néphrite ait été la seule cause des derma
toses produites par elle et que des causes constitutionnelles ne se soient
pas jointes à elles ; mais il n'y aurait rien de surprenant que, comme
tant d'autres causes déterminantes locales ou générales , les néphrites
agissent plus spécialement, pour y produire des lésions ou des troubles
fonctionnels, chez les sujets prédisposés par une tare constitutionnelle.
Ces quelques remarques générales étant faites, passons à l'exposé des
faits qui perinettent d'admettre la réalité des dermatoses d'origine
rénale .
Les faits d'affections cutanées consécutives aux lésions rénales ne se
rapportent pas indifféremment à toutes les classes de dermatoses; il
semblé inéme, à s'en fier uniquement aux observations publiées jusqu'ici,
que ces formes sont peu nombreuses. Lorsque ces éruptions seront iieux
connues , il est possible cependant que leurs variétés se multiplient. Nous
décrirons séparément les plus importantes d'entre elles.
Prurit . Le prurit est l'affection cutanée dont l'existence dans les
néphrites est la plus généralement admise et la plus fréquemment con
statée. Lorry (1 ) avait déjà signalé, comme un fait bien connu et d'ob
servation ancienne chez les calculeux, l'existence de pustules prurigi
neuses, et Civiale (2) parle de démangeaisons violentes chez les vieillards
atteints de lésions vésicales ; mais ces faits manquent de précision. Depuis
que l'on distingue avec soin le prurit des éruptions prurigineuses, les
auteurs qui traitent des maladies des reins ont souvent signalé dans le
cours de ces affections l'existence de démangeaisons sans traces d'érup
tions . Rosenstein (3) , Lancereaux (4), Labadie -Lagrave (8) parlent des
démangeaisons qui surviennent dans l'urémie ; Bartels (6 ) dit avoir sou
vent constaté l'existence du prurit, surtout dans l'urémie chronique el
chez les sujets qui n'avaient pas eu d'attaques convulsives et dont les
exhalaisons avaient une odeur urineuse ; il n'est d'ailleurs pas constant
dans l'urémie . Son intensité parfois excessive, dit encorc Bartels, con
stitue une véritable torture pour les malades , dont il empêche complète
ment le sommeil pendant des mois entiers et qu'il force encore à se
gratter alors qu'ils ont déjà à moitié perdu le sentiment.
Dans les traités récents de pathologie cutanée, les néphrites chroniques
(1 ) De morbis cutaneis , p. 65.
(2) Traité pratique sur les maladies des organes génito -urinaires. Paris, 1838,
t. III , p . 596 .
(3) Traité pratique des maladies des reins. Traduction française. Paris , 1874,
p. 193 .
(4) Art . Rein ( Dict . encycl . , 36 série , t . III , p . 207 ).
(5 ) Art. Rein ( Dict. de méd . et de chir . prat. ) .
(6) Les maladies des reins. Traduction française. Paris, 1884, p. 107; 143, 431 .
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 523

sont signalées comme cause du prurit (T. Fox, Neumann , Kaposi,


Duhring, Schwimmer, in Ziemssen's Handbuch ).
Ces indications montrent que le prurit des urémiques est admis géné
ralement; mais ce n'est point seulement à la période ultime des affec
tions rénales que l'on observe cette complication , c'est encore et plus
souvent peut- être à une période peu avancée de leur évolution. Ce fait
a été particulièrement mis en lumière par M. Dieulafoy dans des publi
cations personnelles (1 ) ou dans les thèses de ses élèves (2). C'est à ces
travaux que nous emprunterons la description des démangeaisons chez
les brightiques.
Ces démangeaisons doivent être rangées, pour la commodité de la
description, en trois variétés .
To Dans une première variété, de beaucoup la plus fréquente, elles ne
different en rien du prurit vulgaire ; d'une intensité variable, elles sont
parfois excessives au point que les malades se grattent jusqu'au sang
tantôt elles durent pendant quelques minutes seulement, d'autres fois
elles persistent incessantes pendant des heures entières ; parfois elles
cessent au bout de quelques jours ou de quelques semaines , mais elles
peuvent durer pendant plusieurs mois et reparaître après avoir cessé
pendant un temps plus ou moins long. Ces démangeaisons peuvent occu
per tous les points de la surface du corps, mais elles sont rarement gé
néralisées, quelquefois elles restent localisées constamment dans la
même région ; leurs lieux d'élection sont les membres inférieurs et sur
tout les jambes et les mollets, puis l'épaule, le cou , les bras, le creux
de la main , la plante du pied , la région lombaire et les organes génitaux
externes .
Dans une deuxième variété, il ne s'agit plus d'un prurit intense, mais
d'une démangeaison offrant des caractères singuliers : les malades se
plaignent d'éprouver une sensation de chatouillement sur diverses par
ties du corps, comme s'il y était tombé un cheveu .
La troisième variété comprend des faits où les malades ressentent un
chatouillement seinblable à celui provoqué par un insecte, ou un four
millement analogue à celui que produit la progression d'une fourmi sur
la peau .
Ces diverses variétés de démangeaisons sont plus fréquentes chez la
femme que chez l'homme ; neuf des quatorze observations de la thèse de
M. Achille Mathieu concernent des femmes ; elles existent dans environ
(1) Étude sur quelques troubles de la maladie de Bright (Soc . méd. hõp ., 12 mai
.

1882 ; Union méd ., 1882 , t . II , p . 203) .


2) Croix , De plusieurs symptômes urémiquos pouvant contribuer au diagnostic
du mal de Bright ( Thèse de Doctorat . Paris, 1879) . ACHILLE MATHIEU , Des dé
mangeaisons considérées comme symptôme du mal de Bright (Thèse de Doctorat.
Paris, 1882).
524 G. THIBIERGE .

un tiers des cas de néphrite chronique, d'après MM . Dieulafoy et Achille


Mathieu ; elles semblent plus fréquentes dans les formes mixte et in
terstitielle que dans la forme parenchymateuse.
L'époque à laquelle ces démangeaisons apparaissent est très importante
à noter. Loin d'être exclusives à la période urémique des néphrites, elles
se montrent à toutes les périodes de celles-ci et plus souvent peut-être
dans les phases initiales, parfois même tout à fait au début ; sur qua
torze observations rapportées par M. Achille Mathieu, les démangeaisons
ont apparu dix fois avant les ædèmes et même avant qu'on ait pu con
stater l'albuminurie .
L'existence du prurit symptomatique des néphrites chroniques, d'une
part, la fréquence des lésions rénales chez les vieillards, d'autre part,
doit rendre très circonspect dans le diagnostic du prurit sénile : cette
affection, dont la fréquence semble avoir singulièrement diminué depuis
qu'on en a distrait les faits se rapportant en réalité au prurit pédiculaire,
englobe bien certainement encore des faits de prurit brightique dont la
classification rationnelle pourrait bien avoir pour effet de faire disparaitre
entièrement le prurit dit sénile.
Urticaire. – La fréquente association du prurit et de l'urticaire, qui
semblent n'être tous deux que des formes bien voisines de névroses cu
tanées, permet de supposer a priori que les éruptions ortiées peuvent,
comme des sensations prurigineuses, se produire dans le cours des
néphrites. Rayer ( 1 ) dit avoir vu survenir quelquefois l'urticaire dans
ces affections. Kaposi, Duhring, Hillairet et Gaucher rangent les né
phrites chroniques parmi les causes de cette dermatose. M. Merklen
signale, d'après une observation de M. Landrieux, l'existence de l'arti
caire dans l'anurie par obstruction cancéreuse des uretères ; on peut se
demander si cette lésion ne rend pas compte de l'urticaire observée dans
le cancer de l'utérus par quelques auteurs (3) . L'urticaire existait en
même temps qu'une roséole dans un cas de néphrite aiguë rapporté par
M. Duval.
Néanmoins, on doit considérer cette dermatose comme peu fréquente
dans le cours des néphrites et le professeur Hardy (4), qui a observé les
démangeaisons survenant chez les malades atteints de mal de Bright, de
les a jamais vues s'accompagner d'éruptions ortiées.
Roséole. Les faits décrits sous les noms de roséole ou érythème papu
( 1 ) Traité des maladies des reins, t. I, p . 614.
(2) De l'anurie ( Thèse de Doctorat . Paris , 1881 p . 87) .
(3) CLARKE (Observations on the diseases of the females. Londres, 1814, p. 203) dit
avoir vu , dans le cancer de l'utérus, l'urticaire se développer chez des femmes
altcintes de cancer utérin , qui éprouvaient des douleurs analogues à celles provo
quées par le passage d'un calcul dans l'uretére .
(4) Article URTICAIRE (Dict . de méd. et de chir. prat . , t. XXXVII, p. 557).
DBRMATOSES BT ALBUMINURIE . $28

leux constituent la catégorie la plus intéressante des éruptions d'ori


gine rénale : par les circonstances dans lesquelles elle apparait ordinai
rement, par ses caractères extérieurs, par sa marche et par sa valeur
pronostique, cette éruption se différencie des autres exanthèmes et
mérite de prendre dans le cadre des roséoles une place distincte .
Huet (1 ) est, à notre connaissance, le premier auteur qui ait signalé
spécialement l'apparition d'une éruption érythémateuse dans le cours
des néphrites; par la dénomination d'Erythème papuleux urémique
qu'il lui donna , il indiquait bien nettement les conditions spéciales de
son développement et la valeur qu'il lui attribuait ; mais son travail ,
paru dans un journal hollandais, a passé entièrement inaperçu en France.
Ilen a été presque absolument de même pour un travail de Bruzelius (2) ,
paru onze ans après le mémoire de Huet, et pour une nouvelle observa
tion que Huet (3) a publiée en 1883.
Des faits, tout au moins analogues à ceux de Huet et de Bruzelius, ont
été publiés par Rosenstein, par M. J. Duval, par M. Merklen qui insistent
sur la relation de cette roséole avec l'anurie .
Huet, dans son premier travail, décrit l'érythème urémique d'après
vingt-sept observations personnelles : c'est une éruplion composée de
papules ou de nouures nombreuses entourées d'une auréole rouge ou se
développant sur des plaques érythémateuses ; elle a une coloration
d'abord d'un rouge clair, puis foncée, violette, bleue et enfin d'un bleu
noir ; dans ses dernières périodes, elle ne disparaît plus par la pression
et son aspect se rapproche de celui des pétéchies et de la péliose ; les
papules, d'abord très légèrement saillantes, s'affaissent au bout de peu
de jours, et en même temps les plaques deviennent confluentes et for
inent une sorte d'érythème plus ou moins étendu ; au bout de quinze à
vingt jours, il se produit une très légère desquamation furfuracée . L'é
ruption est généralisée, mais occupe de préférence, surtout au début, la
paume des mains, la plante des pieds, les avant-bras et le visage . Dans
un cas, Huet a vu des vésicules se développer sur la peau érythémateuse .
Dans tous les cas observés par Huet, cet exanthème s'accompagnait de
manifestations urémiques, et était survenu à la dernière période du mal
de Bright : il ne s'observe guère que quand les reins ont déjà subi une
(1) Erythema papulatum uræmicum (Niederlandsch Tijdskrift voor Geneeskunde,
1869-1870 . Anal. in Archiv . für Dermat . und syphilis. 1870, p . 615) . Nous no
connaissons les travaux de Huet et de Bruzelius que par les analyses que nous
indiquons ici .
( ) On erythema uremicum (Nordiskt medicinskt Arkiv , t . XIII, n° 24, 1881.
Anal. in Vierteljahreschrift für Dermat. und syph . 1882, p. 527. et In Revue des
Sciences médicales, t. XXIV , p. 471).
(3) Erythema papulatum uræmicum . Bundel, ingevegen by gelegenheid van het
25 javig bertaan van het (Niederl. Tijdskrift voor Geneeskunde. 1882. — Anal, in
Viertelj. für Derm . und syph. 1883, p . 134) .
526 G. THIBIERGR .

atrophie très prononcée et seulement dans les cas de néphrite paren


chymateuse ; on ne le voit se développer ni dans les néphrites chirur
gicales ni dans la tuberculose rénale. Huet a constaté cet exanthème
dans environ un sixième des cas de néphrite observés par lui ; mais il
pense que la proportion réelle doit être encore plus considérable, car
son attention n'a pas toujours été suffisamment dirigée sur cette érup
tion . La concomitance constante des accidents urémiques qui ont en
traîné la mort dans tous les cas doit faire considérer le pronostic comme
très fâcheux .
L'observation publiée par Huet en 1883 reproduit les traits princi
paux de cette description ; nous y relèverons seulement le début par un
frisson , l'élévation de la température jusqu'à 39° pendant deux jours et
le prurit léger qui accompagnait l'éruption ; la mort survint 24 jours
après le début de l'exanthème et l'autopsie permit de constater l'exis
tence d'une néphrite avec atrophie rénale ; l'examen microscopique de
la peau montra les papilles un peu augmentées de volume ; il n'y avait
dans la peau ni urée ni cristaux d'acide urique.
La description donnée par Bruzelius est très analogue à celle de Huet.
Dans les cas observés par le médecin danois, l'éruption consistait en
taches larges comme une lentille, peu ou pas saillantes, ayant l'appa
rence des taches érythémateuses , ou finement granuleuses et rappelant
l'eczéma papuleux ; l'éruption débutait sur les articulations de la main,
puis les plaques s'étendaient de façon à couvrir toute la surface du corps
par leur confluence et à prendre l'apparence d'une éruption scarlatineuse
intense arrivée à son summum ; l'épiderme se soulevait parfois en vési
cules de dimensions variables ; l'éruption prédominait et parfois se
localisait exclusivement sur la surface d'extension des articulations; au
bout d'un temps variable, il se produisait une desquamation qui, prin
cipalement aux doigts, se faisait sous forme de larges lambeaux et en
même temps il se formait des rhagades d'où s'écoulait un fluide séreux
ou sanguinolent. Cet érythème se produisait d'abord dans les régions
@ dématiées, mais n'avait pas un rapport nécessaire avec l'hydropisie et
existait aussi chez des sujets n'ayant que peu ou pas d'adème. Bruze
lius, comme Huet, insiste sur ce point qu'il n'a jamais observé cet
érythème sans que des affections urémiques l’eussent précédé ou accom
pagné. Quant à la marche de l'érythème, elle n'est pas définie, mais il
1

se développe lentement et dure au plus quelques semaines ; son pronos


tic est des plus fâcheux .
Les descriptions si nettes et presque absolument concordantes de Huet
et de Bruzelius ne peuvent laisser de doutes sur l'existence de l'exan
thème qu'ils signalent : il n'a d'analogie qu'avec l'exanthème qui sur
vient à la période de réaction du choléra, encore s'en distingue-t-il par
DERMATOSBS ET ALBUMINURIE . 527

la généralisation plus considérable de l'éruption, par l'intensité plus


grande de la desquamation et par le pronostic qu'il comporte , la roséole
cholérique se montrant au contraire presque exclusivement dans les
cas favorables. On pourrait, il est vrai , poser la question d'un exan
thème médicamenteux, et ce que nous connaissons des travaux de Huet
et de Bruzelius ne nous permettrait pas de répondre à cette objec
tion .
L'existence d'une roséole survenant dans le cours de l'urémie nous
est, d'ailleurs, nettement démontrée par quelques autres observations .
Rosenstein (1 ) vit apparaitre trois jours avant la mort, chez un homme
atteint de rétrécissement urethral avec cystite et néphrite, un exanthème
rubéolique occupant la partie supérieure du corps. Un malade du service
du professeur Hardy (2) était atteint depuis trois semaines d'une né
phrite a frigore accompagnée d'ædème des membres inférieurs, de
troubles oculaires et de bourdonneinents d'oreilles, lorsqu'il fut pris
d'une éruption de taches rouges, ressemblant aux macules de la rou
geole et non saillantes, occupant le dos des mains et la partie inférieure
des avant-bras. Cette éruption , dont le début fut marqué par un léger
état fébrile, s'étendit les jours suivants , se montra sur le dos des pieds ,
présentant toujours les mêmes caractères, Le inalade succomba dix
jours après le début de l'éruption à des accidents pulmonaires ; les reins
congestionnés et volumineux présentaient tous les signes d'une néphrite
parenchymateuse. M. Quinquaud (3) a rapporté une observation encore
plus probante : un malade, atteint de néphrite parenchymateuse chro
nique, fut pris à deux reprises différentes pendant son séjour à l'hôpital
d'accidents urémiques caractérisés par de la somnolence, puis dų coma,
et survenant en même temps que la quantité journalière d'urine dimi
nuait considérablement ; en même temps il se développait « despapules
de lichen aigu surtout très abondantes sur l'avant-bras droit, des taches
érythémateuses disparaissant sous la pression du doigt sur le côté droit
de l'abdomen ; au centre de plusieurs de ces taches ou à côté , il y avait
des papules » . L'éruption disparut au bout de huit à dix jours et le ma
lade put sortir de l'hôpital, guéri des accidents urémiques qu'il avait
présentés, mais non guéri de sa néphrite. Comme le fait remarquer
M. Quinquaud, l'éruption est survenue chaque fois au moment où les
troubles urinaires étaient ie plus intenses . M. Merklen (4) a observé deux
fois des éruptions de roséole siégeant sur le thorax et l'abdomen chez
des sujets atteints d'anurie dans le cours de néphrites aiguës ; ces érup

( 1 ) Loc. cit., p . 388 .


(2) In Thèse de J. DUVAL , p . 35 .
(3 ) In Thèse de J. Duval , p . 27 . In Thèse de P. MERKLEN , p . 209.
(4) Loc . cit., p . 86, 206 et 209.
528 G. THIBIERGE .

tions coincidaient avec des accidents urémiques très nets. Dans un cas,
chez un sujet atteint de pneumonie très grave, la roséole se produisit
trois jours avant la mort jusqu'à laquelle elle persista ; les reins étaient
gros , jaunâtres et granuleux. Dans l'autre cas, la roséole, très passagère,
s'était produite au début d'une néphrite a frigore accompagnée d'anurie
initiale ; l'affection rénale passa à l'état chronique .
Ces diverses observations ne reproduisent pas, il est vrai, tous les
traits du tableau donné par Huet et Bruzelius : les éruptions sont plus
passagères, leur topographie est quelque peu différente, les néphrites
aiguës leur ont donné lieu et la guérison est survenue ou tout au moins
le passage de la néphrite à l'état chronique ; mais, d'un autre côté, les
conditions dans lesquelles elles sont survenues sont toujours les mêmes
elles ont accompagné constamment des phénomènes urémiques nette
ment caractérisés. Aussi croyons-nous qu'il faut ranger tous ces faits
sous un même titre, celui de roséole urémique. Les variations dans l'in
tensité, dans l'étendue et la topographie de cette roséole ne nous semblent
pas imposer une distinction entre les diverses observations que nous
avons rappelées. Peut-être ces variations sont- elles dues à l'intensité et
à la durée de l'intoxication urémique : dans les observations de Huet,
qui se rapportent à des néphrites chroniques avec atrophie rénale, la
roséole était bien plus accentuée que dans les observations de MM. Du
val et Merklen dont les malades étaient atteints de néphrite aiguë. Tou
tefois, le nombre des faits actuellement connus est trop restreint pour
permettre d'affirmer de pareilles conclusions et il faut en appeler à
l'observation ultérieure pour résoudre cette question, ainsi que pour dé
terminer exactement la fréquence de cette éruption, les formes de né
phrites qui lui donnent lieu et sa valeur pronostique réelle.
Purpura. Le purpura qui se montre dans le cours ou à la période
terminale des affections rénales n'est qu'une localisation particulière
des hémorrhagies si souvent produites par celles-ci . La question des
hémorrhagies dans le mal de Bright a du reste été trop souvent étudiée
pour qu'il soit nécessaire d'insister longuement sur elle.
Le purpura survenant dans le cours des néphrites occupe principale
ment les membres inférieurs, même lorsque l'ædème fait entièrement
défaut; il ne se montre généralement que sous la forme de pétéchies
nombreuses, mais de très minimes dimensions, et rarement il se pro
duit de larges ecchymoses. Presque toujours, il survient en même
temps que d'autres hémorrhagies, en particulier les épistaxis , et souvent
aussi il s'accompagne de manifestations urémiques , qu'il précède aussi
parfois.
Nous l'avons vu noter dans les diverses variétés de néphrites : Good
DERMATOSES BT ALBUMINURIR . 529

fellow (1 ) et Imbert-Gourbeyre (2) l'ont observé dans la néphrite puer


pérale, Avrard (3) dans la néphrite scarlatineuse ; il existait dans deux
cas de néphrite dothiénentérique observés par MM . Millard (4) et
Amat (5) ; M. P. Levi (6) l'a observé dans un cas de néphrite parenchy
menteuse chronique peut-être a frigore ; mais il semble qu'il soit sur
tout fréquent dans la néphrite interstitielle, comme dans l'observation
que rapporte Bartels (7) . On sait du reste que s'il ne faut pas voir dans
la néphrite interstitielle la seule forme d'affection rénale capable de
s'accompagner d'hémorrhagies, on doit reconnaître qu'elle est celle
dans laquelle cette complication se produit le plus fréquemment. Il
semble que les éruptions purpuriques ne soient pas rares non plus dans
les néphrites chirurgicales, si l'on s'en rapporte aux faits dont parle
Civiale (8) de taches scorbutiques observées par lui chez des malades
atteints de calculs vésicaux ; mais les descriptions incomplètes de Civiale
doivent laisser d'autant plus de doutes dans l'esprit que les travaux
récents sur les maladies des voies urinaires sont muets sur ce sujet.
Le purpura, dans le mal de Bright , n'est souvent, comme les autres
hémorrhagies survenant dans les mêmes conditions , que le précurseur ou
le compagnon d'accidents urémiques qui doivent emporter le malade :
aussi est -il considéré comme d'un pronostic grave (9 ). Cette opinion
cependant ne concorde pas avec la totalité des faits :: le pronostic doit se
baser moins sur l'apparition du purpura que sur la notion de la forme
de la néphrite et sur les symptômes concomitants.
-

Eruptions pustuleuses. — Etant donnée la fréquence de la suppura


tion chez les albuminuriques, l'existence d'éruptions pustuleuses dans
le cours des néphrites n'est point faite pour surprendre.
L'albuminurie est, de même que la glycosurie quoique moins fré
quemment que celle- ci, la cause du développement de furoncles et
d'anthrax, ou plus exactement, une des affections dans le cours les
quelles se développent les furoncles et les anthrax : elle est citée comme
une des causes de ces affections par MM. Denucé (10) , Richelot (11 ), etc.;
( 1 ) Cité par P. LEVI.
(2) De l'albuminurie puerperale et de ses rapports avec l'éclampsie. Paris , 1856, p . 45.
(3) Mémoire sur l'amaurose albuminurique (Gaz . med . de Paris, 1853, p . 493) .
(4) Soc. med . hóp ., novembre 1876 .
(5 ) De la fièvre typhoïde å forme rénale. ( Thèse de Doctorat, Paris , 1878 ).
(6) Études sur quelques hémorrhagies liées à la néphrite albumineuse et à l’urs
mie ( Thèse de Doctorat. Paris, 1864).
(7) Loc . cit. , p . 421 .
(8) Traité de l'affection calculeuse, Paris, 1838, p . 441. Traité pratique et
historique de la lithotritie. Paris, 1847, p . 302.
(9 ) Voir AlB. MATHIEU, Des purpuras cachectiques (Arch . génér. med ., sep
tembre 1883).
(10) Art. FURONCLE (Dict. de méd . et ve chir. prat . ) .
(11) Art. FURONCLE ( Dict. encycl. des sc . med .).
ANNALES DE DERMAT. , 20 SÉRIE . VI . 34
530 G. THIBIERGE .

mais nous n'avons pas à citer sur ce point d'observation où cette


étiologie soit notée .
L'ecthyma est parfois observé aussi dans le cours des néphrites chro
niques : MM. Muselier (1 ) Hillairet et Gaucher, etc., qui classent les
néphrites parmi les causes de l'ecthyma, les considèrent comme agissant
à la manière des maladies cachectiques, de la tuberculose et du cancer.
M. Collin rapporte dans sa thèse l'observation d'un homme atteint de
néphrite chronique : à plusieurs reprises, l'aggravation de la lésiog
rénale fut accompagnée de l'apparition d'un prurit intense et de pustules
d'ecthyma siégeant surtout sur les membres cedématiés . L'éruption dis
paraissait quand une amélioration se produisait dans l'état des veines.
M. Duval cite également un cas (obs. V) où l'ecthyma semble bien
avoir été consécutif au développement d'une néphrite interstitielle et
s'être produit à plusieurs reprises sous l'influence d'aggravations de la
lésion rénale .
Les éruptions pustuleuses ont été , dans ces dernières années, assez
fréquemment notées dans une forme spéciale de néphrite aiguë, la né
phrite dothienentérique . La remarque, que les éruptions en général scnt
plus fréquentes lorsque la fièvre typhoïde porte son action sur les reins
quand elle les laisse intacts , a été faite par MM. de Santi ( 2), P.
Petit (3) et Didion (4) et, parmi les éruptions signalées par ces auteurs,
la plus fréquente est l'ecthyma.
L'ecthyma, il est vrai, n'est point spécial à la fièvre typhoïde compli
quée de néphrite et dans les faits assez communs d'ecthyma survenant
dans la convalescence de la dothinentérie on n'a point noté spécialement
l'existence d'une altération du rein ; néanmoins, le nombre des faits où
cette éruption a été notée dans la fièvre typhoïde à forme rénale nous
oblige à la signaler ici. Voici d'ailleurs le résumé de ces observations.
Un malade , dont l'observation est rapportée dans la thèse de
M. Amat (5) , avait une albuminurie très abondante dès son entrée à
l'hôpital; il fut pris le 13e jour de sa maladie d'une éruption pustuleuse
qui s'étendit les jours suivants , en même temps que le sang disparais
sait des urines ; à l'autopsie, les reins étaient légèrement augmentés de
volume et l'un d'eux présentait des lésions de pyélite suraiguë.
Une malade de M. Bouchard (6) eut à la période de déclin de la fièvre

(1) Valeur séméiologique de l'ecthyma ( Thèse de Doctorat. Paris, 1876) .


(2) Eruptions anormales dans la fièvre typhoïde à forme rénale ( Tribune médi
cale , 1880, p. 328 ).
(3) Recherches anatomiques et cliniques sur la néphrite dothienentérique ( Thèse
de Doctorat, Lyon , 1881 ) .
(4) De la fièvre typhoide à forme rénale ( Thèse de Doctorat. Paris , 1883 ).
(3) De la fièvre typhoide à forme rénale ( Thèse de Doctorat , Paris, 1878) .
(6) Des néphrites infectieuses ( Rev. de medecine. 1881 , p . 673).
DERMATOSES ET ALBUMINURIE. 531

typhoïde une éruption ecthymateuse des plus confluentes, en même


temps qu'il уy avait une albuminurie intense qui disparut au bout de
quelques jours.
Une des observations de la thèse de M. Didion a trait à une femme
dont les urines étaient très albumineuses dès le 5e jour de la fièvre
typhoïde ; l'albuminurie était devenue moins intense depuis deux ou
trois jours quand apparut, le 20 jour de la maladie, une éruption furon
culeuse légère sur diverses parties du corps ; le 25e jour, il se produisit
une nouvelle poussée de furoncles sur l'abdomen ; la malade guérit. Une
autre observation de M. Didion concerne une malade dont les urines,
légèrement albumineuses le 10 jour de la maladie ,'l'étaient encore le
25• jour,quand se développèrent un certain nombre de pustules d'ecthyma ;
une nouvelle poussée d'ecthyma se produisit deux jours plus tard et
la mort ne tarda pas à survenir ; à l'autopsie , les reins étaient forte
ment congestionnés.
Dermatoses diverses. Les formes éruptives que nous venons de
décrire séparément sont les plus fréquentes et celles sur lesquelles nous
avons pu réunir le plus de documents ; mais elles ne sont point les
seules dont le développement ait été signalé dans le cours des néphrites.
L'acné a été vu par plusieurs auteurs ; l'eczéma a été observé par
M. Quinquaud ; on sait du reste qu'un certain nombre d'auteurs anglais,
en particulier Tilbury Fox (1 ) attribuent, une grande importance à l'insuf
fisance de la dépuration urinaire dans la production de cette dermatose ;
mais ces faits ne sont pas signalés dans les observations que nous avons
pu rassembler, et il ne nous reste plus qu'à indiquer une observation
intéressante rapportée par le professeur Celso Pellizzari, de Pise ( 2) .
Cette observation a trait à une enfant de 12 ans, qui entra à l'hôpital
avec une éruption occupant les membres, la face et le coų , éruption
constituée par des éléments ayant en certains points l'aspect des saillies
du lichen , dans d'autres l'apparence de l'eczéma simple et forinant en
réalité une forme prurigineuse mixte , accompagnée d'égratignures,
d'excoriations et de croûtelles , spécialement au visage . Il y avait en
outre une certaine tumefaction des tissus et spécialement de la face qui
ressemblait à un masque. L'éruption remontait à dix ans environ et
avait débuté autour des oreilles à la suite de leur irritation par des boucles
d'oreilles. L'apparence spéciale de l'éruption fit de suite rechercher
l'existence de l'albuminurie, que l'on constata en effet. L'enfant fut sou
mise au repos seul, sans médicalion générale ni locale, et, sous cette
>

seule influence, la quantité d'albumine diminua rapidement, en même


temps que l'éruption présentait une prompte amélioration déjà appré
(1 ) Diseases of the skin . Londres, 1873 , p . 10 , 11, 175 .
(2) La nuova clinica dermosifilopatica di Siena . Sienne', 1881 , p . 27 .
532 G. THIBIERGE .

ciable au bout de cinq jours. L'administration d'iodure de potassium


produisit une augmentation de l'albuminurie et une aggravation des
lésions cutanées . La guérison ne tarda pas cependant à se produire,
l'amélioration dans les lésions cutanées étant toujours précédée de la
diminution de l'albuminurie,

II .

Nous avons maintenant à chercher la cause du développement de ces


éruptions dans le cours des affections rénales et, ici encore, nous ne
pourrons donner une solution absolument satisfaisante .
En règle générale, lorsque les lésions d'un viscère entrainent à leur
suite des troubles dans les fonctions ou la nutrition des autres organes,
il faut chercher la cause de ceux-ci dans les modifications des humeurs
entraînées par la lésion première ou bien dans les actions nerveuses
qu'elle détermine.
Pour le rein en particulier, ce dernier mécanisme ne semble guère
probable : les divers phénomènes consécutifs aux maladies des reins ne
peuvent s'expliquer par la mise en æuvre des actions réflexes et pour
les dermatoses que nous venons de signaler nous ne croyons pas non
plus qu'une telle théorie ait été émise ou puisse être soutenue.
Il faut donc chercher l'explication de ces désordres cutanés dans les
modifications produites dans les humeurs par la lésion rénale.
Les lésions rénales, qu'elles soient aiguës ou chroniques, modifient
la crase sanguine de deux façons : en produisant une déperdition d'al
bumine et par suite une variété d'anémie et, en outre, en empêchant la
dépuration du sang, d'où l'accumulation dans ce liquide de principes
excrémentitiels divers.
La première de ces modifications du sang n'est point de celles qui
soient habituellement suivies d'éruptions cutanées : le purpura serait,
parmi les dermatoses que nous avons eues à signaler, la seule suscep
tible de reconnaître une telle cause .
Reste donc l'adultération du sang par les principes que le rein doit
excréter et qui y sont retenus par suite de l'insuffisance fonctionnelle
du rein. Cette théorie qui assimile les éruptions cutanées, au point de
vue de leur pathogénie, à une foule d'accidents urémiques a été soutenue
par la plupart des auteurs qui ont signalé les éruptions d'origine rénale :
M. Quinquaud l'applique à la généralité de ces éruptions, le professeur
Peter l'expose à propos du prurit, les auteurs des thèses que nous
avons citées dans la deuxième partie de notre Revue l'acceptent pour
les faits qu'ils étudient.
Il est certain que cette théorie semble fort admissible au premier
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 933

abord. Un certain nombre de substances introduites dans l'organisme


sont susceptibles , vraisemblablement par le fait de l'irritation qu'elles
déterminent en traversant les capillaires cutanés, de déterminer des
éruptions ; on conçoit que des substances anormalement retenues dans
le sang — véritables corps étrangers pour l'organisme qui devrait les
éliminer peuvent aussi irriter la peau en la traversant et, par le fait
de cette irritation, produire diverses éruptions : théoriquement, le fait
peut être admis, quitte à le vérifier et à en prouver la réalité.
Cette théorie n'est point seulement applicable aux éruptions survenant
à la période ultime des affections rénales, à celles qui accompagnent les
accidents dits urémiques : mieux est connue la pathologie rénale et de plus
on sait que l'insuffisance de la dépuration sanguine n'est point l'apanage
des derniers stades des néphrites ; longtemps avant que n'apparaissent
les symptômes graves qui constituent l'urémie véritable, le sang est déjà
imparfaitement dépuré par le rein , et son adultération se manifeste par
des symptômes passagers, surtout fréquents dans le cours de la néphrite
interstitielle où ils peuvent même précéder l'apparition de l'albuminurie ;
les dermatoses précoces qui s'observent assez souvent peuvent donc être
expliquées également par l'altération sanguine.
Les faits où les éruptions coïncident avec la plus grande intensité des
troubles urinaires, ceux où elles se répètent chaque fois que se dévelop
pent des accidents urémiques constituent à l'appui de cette théorie les
arguments les plus importants.
L'expérimentation aa été tentée pour résoudre cette question . Nous ne
citons que pour mémoire les expériences de Gigot- Suard (1) qui faisait
ingérer de l'acide urique à des animaux et voyait se développer les
éruptions les plus variées, expériences répétées sans succès par Neu
bauer : l'acide urique est précisément l'une des substances dont l'élimi
nation paraît se faire le plus régulièrement dans les néphrites. Nous
voulons cependant signaler les expériences de M. Quinquaud qui , injec
tant dans les veines des substances extractives de l'urine, a pu produire
des éruptions diverses sur des cochons d'Inde ; mais l'auteur lui-même
ne donne ses expériences que sous réserve et demande leur vérification.
Aussi l'argument tiré des résultats expérimentaux nous paraît de bien
peu de valeur, étant donnée surtout la difficulté de reconnaître chez les
animaux la présence et plus encore les caractères des diverses éruptions.
A cette théorie qui met les dermatoses d'origine rénale sur le compte
de l'urémie, on peut objecter avec M. Dieulafoy que, dans les cas où la
suppléance des reins par la peau est manifestée par l'apparition de véri

(1) L'Herpétisme. Paris, 1870, p. 447 et suiv. L’Uricemie . Paris , 1875, p. 99


et suiv .
534 G. THIBIERGE .

tables sueurs d'urée, les éruptions et le prurit lui-même font absolument


défaut.
En outre , ainsi que le fait remarquer le même auteur, mettre ces der
matoses sur le compte de l'urémie, est éloigner le problème sans le ré
soudre : là pathogénie des accidents urémiques n'est point encore déi
nitivement établie, les diverses théories chimiques mises en avant pour
l'expliquer ne sont pas clairement démonstratives .
Malgré les probabilités qui militent en faveur de la nature urémique des
dermatoses d'origine rénale, il nous est donc impossible de l'affirmer
sans réserve. Il est nécessaire qu'elle s'appuie sur des recherches ulté
rieures et en particulier sur des analyses soignées du sang des malades
atteints de ces dermatoses .
En outre , il faut remarquer que la théorie précédente ne s'applique
pas également à toutes les éruptions que nous avons signalées.
Pour le prurit des brightiques, elle semble fort rationnelle : ce prurit ,
que le professeur Peter ( 1 ) a’avec raison comparé au prurit des ictériques,
peut être , comme cette variété , attribué à la présence dans le courant
sanguin de principes anormaux qui, en agissant sur les extrémités des
nerfs, produisent les diverses sensations anormales observées chez les
brightiques . De même , l'urticaire peut être attribuée à la même cause,
car on sait la fréquence de cette dermatose dans les intoxications par les
causes les plus diverses , et il est parfaitement admissible que l'auto
intoxication par les matériaux de désassimilation aient le même résultat.
La roséole qui survient dans l'urémie est, vraisemblablement aussi, due
à l'altération du sang, non seulement en raison des circonstances aụx
quelles son apparition semble constamment liée, mais encore parce que
cette forme éruptive est fréquemment le fait des intoxications les plus
variées .
Si le purpura reconnait pour cause les modifications du sang dans les
néphrites, il n'est peut-être point sous la dépendance de cet unique fac
teur : les altérations vasculaires, qui accompagnent şi souvent certaines
variétés de néphrites et sont peut-être leurs causes déterminantes , peu
vent intervenir aussi dans la production des hémorrhagies cutanées , au
reste, les lésions qui déterminent la rupture des vaisseaux dans le purpura
en général sont si peu connues, qu'elles ne peuvent nous servir à expli
quer l'apparition du purpura dans le mal de Bright.
Les éruptions pustuleuses, par contre, reconnaissent une toute autre
pathogénie. Lorsqu'elles surviennent dans le cours des néphrites infec
tieuses, elles sont dues moins à la néphrite elle-même qu'à la maladie
primitive : la présence dans les pustules des mêmes microorganismes
qui se rencontrent dans les urines, constatée par M. Bouchard, prouve
(1 ) Cours (inédit) de la Faculté . Cité dans la Thèse de J. Doval.
DERMATOSES ET ALBUMINURIE . 535

que les éléments pustuleux sont produits par le passage à travers la pean
de bactéries pathogènes. L'éruption, dans ces cas , n'est donc pas à
proprement parler une éruption d'origine rénale ; elle devait cependant
être signalée ici, car la lésion rénale, en entravant le passage des bacté
ries à travers le rein, nécessite leur élimination par une autre voie
sous la forme de décharges bactériennes qui sont la cause de l'é
ruption .
Enfin , lorsque les éruptions pustuleuses se développent dans le cours de
néphrites chroniques, il nous semble qu'elles sont dues moins à la né
phrite elle-même qu'au prurit qu'elle détermine . Avec les idées actuelles
qui placent constamment la suppuration sous la dépendance des micro
organismes, on comprend difficilement qu'une néphrite chronique non
infectieuse soit suivie d'éruptions pustuleuses; d'un autre côté , les
éruptions de furoncles et d'ecthyma ont été , dans les observations que
nous avons pu consulter, précédées par le prurit et il nous semble ra
tionnel d'admettre que celui-ci , par les excorations dues au grattage dont
il est suivi , a permis l'introduction sous l'épiderme de bactéries déposées
à la surface de la peau ou sous les ongles du malade : ces bactéries, une
fois parvenues en ce point, déterminent le développement des pustules.
Que ces éruptions soient sous la dépendance de l'insuffisance de la
dépuration sanguine, qu'elles reconnaissent pour cause la présence dans
le sang d'urée, de carbonate d'ammoniaque, de inatières extractives ou
de tout autre agent toxique non éliminé par le rein, ou qu'elles soient
dues à une cause non encore soupçonnée, il n'en reste pas moins vrai
que la clinique démontre leur développement sous l'influence des lésions
rénales, et laisse ainsi entrevoir la possibilité de la guérison dans certains
cas au moins où la néphrite se présente sous une forme curable : dans
un certain nombre de faits, la guérison de la dermatose sous l'influence
seule de la médication dirigée contre la lésion rénale, en même temps
qu'elle fournit un argument à l'étiologie de ces dermatoses, montre la
voie à suivre dans la pratique en face de faits semblables .

Après avoir montré que les dermatoses et les affections rénales peu
vent être causées les unes par les autres, il nous resterait encore à re
chercher l'influence réciproque de ces deux sortes d'affections évoluant
simultanément chez un même sujet ; ce problème doit être posé , mais
ne peut être résolu actuellement à défaut d'observations suffisantes .
Nous ne voulons cependant pas passer sous silence une observation qui
nous a été communiquée par notre cher maître et ami, M. Merklen ; un
homme d'une soixantaine d'années, atteint de néphrite chronique et
d'eczéma généralisé, fut pris de dyspnée urémique à la suite de la gué
536 G. THIBIERGE .

rison de l'eczéma , et il s'établit à plusieurs reprises un balancement


entre l'affection cutanée et les troubles dépendant de la lésion rénale.
Quelques faits analogues sont cités par les auteurs, et montrent que la
suppression rapide des lésions cutanées peut être suivie d'une aggrava
tion considérable des accidents d'origine rénale. Il n'est point néces
saire, pour expliquer ces faits, de faire intervenir la théorie des métas
tases et il est plus rationnel d'y voir l'effet de la suppression de la
révulsion produite par des lésions cutanées très étendues .
L'exemple que nous venons de citer suffira pour voir combien est
complexe la question des relations des dermatoses avec les lésions
rénales : non seulement, par des mécanismes quelque peu variés suivant
les cas , les dermatoses peuvent être la cause de néphrites et d'albumi
nurie, et les néphrites peuvent produire des dermatoses ; mais encore
elles réagissent l'une sur l'autre, et s'aggravent réciproquement.
REVUE DE DERMATOLOGIE.

1.– NUOVO CONTRIBUTO ALLO STUDIO DELLE ERUZIONE IODICHE, del Prof. Celso
PELLIZARI, directore della clinica dermosifilopatica della R. Università
di Siena ( Lo Sperimentale, t. LIV, fasc. IX, Sett. 1884, p. 233-260 ).
Dans ce travail plein d'intérêt, notre savant confrère et ami continue
la série d'études remarquées qu'il a commencée en 1880 (1 ) , dans le
double but de mettre en lumière quelques formes éruptives nouvelles
dues à l'iodure de potassium et de chercher l'explication de la vertu
pathogénique de ce médicament.
Sur le premier point, grâce à ses travaux et à ceux de quelques autres
contemporains, la lumière faite est à peu près suffisante .
On sait, et nous nous sommes personnellement attaché à montrer, que
les éruptions ioduriques doivent être divisées en deux catégories. La
première comprend à peu près exclusivement une épidermatite superfi
cielle, papuleuse ou papulopustuleuse, généralement discrète, se produi
sant sur tous les points du tégument, la paume des mains et la plante
des pieds exceptées, subaiguë, résolutive, acneiforme, dite « acné iodique » .
C'est l'éruption iodurique commune, vulgaire, simple, typique.
Dans la deuxième catégorie se rangent des lésions variées , – érythè
mes simples, ortiés, nodulaires sinon noueux au sens typique du mot ,
marginés , circinés, bulleux, hémorrhagiques, épidermatites ou der
matites acneiformes, furonculeuses, anthracoides, nodulaires résolutives
ou même nécrobiotiques (pseudogommes).
Très variées dans leur forme malgré l'uniformité de la condition cau
sale, elles sont au contraire toujours les mêmes chez les mêmes sujets
qui peuvent, pour ainsi dire, les exécuter sur commande ; elles sont donc
individuelles, personnelles. Les sujets qui les présentent diffèrent de la
généralité des autres sujets, ils ont une intolérance propre, une manière
d'être particulière, une « idiosyncrasie » .
En réalité cela suffit à savoir au praticien et l'on pourrait se borner à
ces constatations; mais, au point de vue scientifique, le pourquoi de ces
choses ne peut être négligé ; et l'on ne saurait se soustraire à l'obligation
de rechercher de quelle manière l'iodure de potassium , introduit dans
l'économie, arrive à produire les irritations cutanées communes ou ex
traordinaires que l'on sait.
(1) Lo Sperimentale, Febb, 1880. Sopra alcune eruzioni cutanee dovuie all'azione
patogenica dell'ioduro di potassio.
538 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Le professeur Celso Pellizari s'est acquitté de cette partie de sa tâche


avec un talent très remarquable, et nous nous proposons d'en discuter
avec lui les éléments dans un autre travail . Pour aujourd'hui, nous nous
bornerons à reproduire les observations pleines d'intérêt qu'il a appor
tées à l'appui de ses déductions, et que nous donnons in ertenso .
OBSERVATION I. Au mois de juillet 1882, M. G..., de Florence, vint me
trouver pour se faire soigner d'une syphilis. Cet homme, âgé de 50 ans, de
bonne apparence , n'avait eu jusqu'à ce moment aucune maladie; il était ro
buste , se nourrissait bien .
Je ne m'arrêterai pas à rappeler dans toules ses particularités la longue
et pénible odyssée de sa grave maladie, qui d'ailleurs fut trajiée dès les pre
mières manifestations générales. Il suffira de dire que cette affection préser
lait tous les caractères d'une syphilis maligne galopante , car des formes
érythémateuses et papuleuses elle passa à l'ecthyma superficiel, puis an ro
pia et à l'ecthyma profond en peu de mois, si bien que , à la fin de décembre,
le malade avait perdu la moitié de son poids, et était couvert de croùles et
de cicatrices brunatres sur le tronc , le visage et les membres .
Tous les moyens de traitement (pilules de toutes sortes, inoculations hypo
dermiques, frictions, elc . ) turent tentés , et tous donnèrent de bons résultats
au début, mais bientôt la maladie reprit le dessus et le pauvre malade eut des
douleurs atroces, des ulcerations de la gorge, de l'iritis et une phosphaturie
très grave qui le réduisirent à un triste état. Finalement, vers le mois de
mai 1883 , la syphilis s'arréta, et depuis cette époque, il ne souffrit d'aucune
manifestation spécifique : on eût dit presque que la maladie s'était épuisée.
Un fait digne de remarque, c'est que le malade, à différentes reprises, fit
usage de préparations iodiques , el , seulement pendant une période détermi
née , il en , éprouva des accidents . En effet, dans mes notes, je trouve signale
que le 7 août je prescrivis 1 gramme par jour d'iodure de potassium ; le
16 septembre i1 gramme et demi d'iodure de sodium, jusqu'au 16 octobre,
époque à laquelle il reprit l'iodure de potassium sans éprouver ni larmoie
ment, ni coryza, ni douleurs d'estomac . Je ne puis dire d'une façon absolue
si la peau n'en ressentit aucun inconvénient, parce que parmi les éruptions
nombreuses et variées dont il était atteint , il eût été difficile de distinguer
s'il y avait les variétés communes des éruptions iodiques ; pourtant j'inclinerais
à croire le contraire . Le 21 novembre , je voulus essayer de donner å mon
malade de l'iodure de potassium mêlé à de l'huile de foie de morue , et quel
ques jours après l'administration de ce remède, il me fit constater un petit
noyau du volume d'une muscade , et siégeant dans le tissu cellulaire sous
cutané, au milieu de la cuisse droite, sur la face antérieure ; il était dur,
empaté , mais peu douloureux.
Comme le malade paraissait en voie de guérison, au point de vue des con
ditions générales, je n'attachai aucune importance à ce nodule, et je continuai
l'usage de l'iodare de potassium mélangé à l'huile de foie de morue ; cepen
dant, le 2 janvier, 1883, le nodule ayant atteint la grosseur d'un auf de poule,
et étant devenu douloureux, je suspendis le médicament.
Immédiatement la tumeur commença a diminuer de volume, si bien que le
10 janvier , je fis reprendre au malade . la même potion d'iodure et d'huile.
Aussitôt la lumeur augmenta et atteignil le volume d'une grosse pomme ; la
peau qui la recouvrait commença à prendre une teinte rouge påle , qui, à la
REVUE DE DERMATOLOGIE . 539

pression, donnait l'aspect de plaques érysipélateuses. Bien que le 23 janvier,


j'eusse suspendu définitivement l'usage de l'iodure , le ramollissement de la
tumeur continua lentement , lentement ; le 21 février, la peau qui recouvrait
la grosse tumeur présentait une plaque centrale non plus rouge, mais noire ;
la peau en effot était sphacélée sur l'étendue d'un sou ; il y avait un sillon
d'ulcération sur les contours de cette plaque, qui enfin ne put se détacher
avant le 1er mars. Au-dessous, il n'existait pas de pus , mais du tissu cellulaire
sphacélé , très adhérent,
Deux mois s'écoulèrent avant que le tissu mortifié se détachat complètement
et que la réparation se fit. Mais immédiatement la cicatrice deyint blanche
et encore aujourd'hui elle se distingue par sa påleur au milieu de toutes les
autres qui recouvrent le corps du malade et qui sont très foncées. Cependant
après la mortification de la peau et de toute la masse inflammatoire , le 5 mars,
par raison de trạitement, je dus administrer de nouveau l'iodure de potassium
å la dose de 2 grammes par jour. Seulement, ayant fait examiner la solution
que le malade avait prise jusqu'à ce moment et l'ayant trouvée impure à
cause de la présence de chlorure de potassium, je voulus m'assurer que le
nouvel iodure était cliniquement pur.
Malgré cette précaution, l'emploi de quelques grammos de médicament dé
termina de nouveau l'apparition, dans le point correspondant de la cuisse
gavche, d'un nodule de la grosseur d'une muscade et avec les mêmes carac
tères que l'autre .
Je suspendis l'iodure de potassium el donnai l'iodure de sodium , mais le
nodule grossit encore. Cependant après avoir suspendu pendant quelque temps
l'usage du médicament, et après avoir laissé à la tumeur le temps de se ré
sorber, on put reprendre l'iodure de sodium sans inconvénient . Notons pour
tant que l'état général du malade avait commencé à s'améliorer énormément
et que les éruptions syphilitiques se reproduisaient avec moins de gravité.
Du fer avril jusqu'au milieu de mai 1883 , le nalade put prendre l'iodure de
sodium sans voir reparaitre la moindre éruption noueuse.
Si l'on a suivi avec attention la façon dont s'est développée la tumeur de
la cuisse droite, sa marche , son accroissement et sa diminution, selon qu'on a
répris ou suspendu l'usage de l'iodure, la lenteur de son développement, son
ramollissement, la formation de l'eschare cutanée, la lenteur de la réparation,
on ne peut faire autrement de voir que tout dépose contre l'hypothèse, que
l'on pourrait mettre en avant, qu'il s'agissait ici d'une gomme du tissu cellu
laire sous- cutané. Comme preuve du contraire, nous avons ce fait qu'il ne
s'est produit aucune amélioration par l'usage du mercure, et qu'il s'est pro
duit une aggravation évidente sous l'action des préparations iodiques.
De toute façon, il est certain que l'on peut et que l'on doit donner une cer
taine importance à l'état de la peau de notre malade et à son état général.
Nous reviendrons plus tard sur cet argument. Il suffit pour l'instant d'avertir
qu'une objection que l'on peut faire àdivers cas d'éruptions iodiques graves,
c'est qu'elles sont survenues chez des sujets syphilitiques et au moment où
leur maladie était en pleine activité .
Ce n'est pas qu'il soit impossible de démontrer leur indépendance absolue ;
mais il serait difficile de nier que le terrain , dans ce cas, n'influe pas sur leur
forme et sur leur évolution .
Moi-méme je me suis donc demandé si , en rattachant à l'iode l'apparition
des nodules du tissu cellulaire sous-cutané , on ne devrait pas rapporter le
ramollissement et la suppuration de ces tumeurs à la syphilis en pleine acti
540 REVUE DE DERMATOLOGIR .

vité, avec des phénomènes éruptifs graves. Cela s'est présenté aussi bien
pour le malade qui faisait le sujet de la première observation de mon mé
moire, en 1880, que pour celui dont je viens de raconter l'histoire.
Un nouveau fail est venu m'éclairer sur cette question : je le rapporte in
extenso parce qu'il sert encore de preuve à l'appui de ma seconde affirma
tion .
OBSERVATION II. G. F... , de 55 ans , marié, avec enfants, demeurant å
Florence, est un homme très peureux et soigneux de sa propre santé , laquelle
en réalité est restée toujours assez bonne . Seulement son cœur est flasque,
la circulation en retour ne se fait pas très bien ; il a des hémorrhoides. Il
présente quelques signes d'hypertrophie de la prostate ; de plus il a de l'acné
de la face, avec les caractères de l'acné pustuleuse indurée, et de l'acné rosa
cée tout à la fois .
Il était venu me consulter à différentes reprises au mois d'octobre 1883 ,
parce qu'il craignait d'avoir une urethrite bleonorragique, tandis qu'il
ne présentait qu'une de ces sécrétions catarrhales si fréquentes chez des per
sonnes âgées, et ayant une légère hypertrophie de la prostate. Ce catarrhe
est probablement dû à l'usage immodéréet intempestif d'injections urethrales
qu'aucun médecin ne lui avait ordonnées, mais que le malade avait faites de
son propre mouvement. Je le traitai pour ainsi dire avec rien ; mais F...
ne voulait pas se laisser persuader qu'il n'était pas malade, et il commença à
chercher à me convaincre qu'il avait la syphilis, par suite de la confusion
que les malades établissent entre les maladies vénériennes et syphilitiques.
Son grand argument était que depuis 3 ou 4 ans il souffrait de cette sécré
tion urethrale, et qu'à la même époque avait commencé à apparaitre sur le
front et dans le voisinage du nez l'éruption d'acné .
Le malade, sur mes affirmations répétées, feignit d'être convaincu, et ne
vint plus me voir . Cependant, comme j'eus l'occasion de l'apprendre plus
tard de sa femme, il se traita à sa façon et trouva à la fin quelqu'un qui lui
prescrivit le protoiodure de mercure et l'iodure de potassium en même temps.
Je n'avais rien su de tout cela quand il vint me trouver le 4 avril 1884 , dans
un état à faire pitié . D'abord il se tenait à peine sur ses jambes et ne parlait
qu'avec effort : il me dit seulement que depuis quelques jours il souffrait
horriblement d'un mal de gorge , de courbature, d'une sensation d'épuisement,
comme si la vie lui manquait à moitié , et de douleurs très vives dans les
muscles des membres inférieurs; il me demanda d'un air de triomphe si j'étais
persuadé maintenant qu'il avait la syphilis , et me montra les dernières ordon
nances qui lui avaient été faites.
En l'examinant avec soin , je m'aperçus aussilôt qu'il avait la fièvre : la
gorge était rouge; sur la face on voyait de larges pustules ecthymateuses, et
sur le front, l'acné avait pris les proportions des gros tubercules de l'acné
antracoïde. Outre les pustules larges et coniques, le malade présentait das
nodules de volume variable , et presque ramollis et ulcérés ; il y en avait de
gros comme une noisette sur les parties latérales et supérieures du thorax ,
un plus gros au voisinage de l'épitrochlée gauche, un très large, mais un peu
plus aplati, sur le côté droit du cou , et un autre du volume d'une nois ,
le plus profond de tous, au milieu de la face antérieure de la cuisse gauche.
Une dernière éruption existait sur la partie supérieure et externe des cuisses,
s'étendait sur les flancs, sur les bras, et était constituée par de petits reliefs
de la largeur d'un centime, et même davantage, de couleur rosée, précisé
ment comme l'érythème papuleux et ortié . Il y avait du gonflement des gan
REVUE DE DBRMATOLOGIE . 541

glions lymphatiques, mais surtout dans la région sous-maxillaire, en rap


port avec l'abcès sous-dermique du cou, et dans la région inguinale , du côté
du nodule uicéré de la cuisse .
Naturellement, s'il s'était agi de syphilis, celle-ci ne pouvait dater que de
quelques mois, j'avais eu l'occasion d'examiner auparavant le malade à di
verses reprises, sans trouver un seul symptome de celte affection, et les ca
ractères polymorphes et l'extension de l'éruption éloignaient tout soupçon do
syphilis ancienne. Je recherchai avec le plus grand soin si je trouverais un
indice du syphilòme primitif, et je ne le trouvai pas. Je dois dire cependant
que je fis cette recherche plus par excès de prudence qu'autrement, aucune
de ces éruptions n'ayant les caractères des manifestations cutanées de la
syphilis.
Comme le malade avait suspendu le traitement mixte depuis deux jours, je
lui dis de reprendre le soir même un gramme d'iodure de potassium , mais
changeant de pharmacie ; le matin suivant, je fus appelé dès la première
heure par la famille, pour aller voir chez lui le malade qui était hors d'état
de quitter le lit. Sachant que je devais quitter Florence , j'y allai, accompagné
de mon distingué collègue le D. Raspini, assistant à la clinique dermopa
thique de Florence, auquel je me promettais de confier malade .
Voici ce qui s'était passé depuis 18 heures et avec la seule administration
d'un gramme d'iodure de potassium. Le malade , aussitôt après avoir ingéré
le médicament, avait été pris de suffocation, de mal de gorge, de douleurs
graves et contuses dans les jambes , de fièvre avec délire , et le matin même
il était encore assez étourdi pour ne voir rendre compte de ce qu'il
éprouvait.
Cependant l'abcès du cou était plus rouge et plus turgescent . Il y avait en
outre, sur tout le tronc, de nombreux abcès superficiels de forme conique,
avec contenu sanguinolent, et les plaques d'érythème ortié s'étaient conver
ties en phlyctènes, avec soulèvement de l'épiderme plus prononcé sur les
bords, tandis que le centre était déprimé. Ces phlyctènes contenaient du pus
sanguinolent. Je demandai au docteur Raspini s'il avait été appelé près de ce
malade, sans que personne ne lui racontåt rien , et si par hasard le malade
avait été un cocher ou un palefrenier, quelle hypothèse diagnostique il eut
admise ? Il me répondit immédiatement : le farcin .
Naturellement j'avais acquis la conviction que la syphilis n'avait jamais
existé chez le malade , et que tous ces accidents étaient dus à l'iodure . J'ex
primai cette idée à la femme de G. F... , qui l'accepta aussitôt, parce que, me
dit- elle, depuis plusieurs mois, son mari avait, à différentes reprises, fait
usage de ce médicament, d'abord sans que personne ne le lui eût ordonné ,
avec l'idée de guérir l'acné de la face, puis sur l'ordonnance d'un homme de
l'art qui avait été trompé par les éruptions artificielles provoquées par le
remède lui-même, et toutes les fois il avait éprouvé du côté de la peau et de
l'état général des troubles plus ou moins graves, mais jamais aussi forts que
cette fois .
Le Di Raspini se chargea d'examiner l'urine, mais elle ne contenait pas
d'albumine. On examina aussi l'iodure que prenait auparavant le malade et
celui qu'il avait acheté en dernier lieu . Ce dernier était parfaitement pur ;
l'autre contenait à peine des traces d'iodate .
Le traitement consista dans la suppression immédiate des médicaments
antisyphilitiques auxquels je substituai le thé avec un peu de bicarbonate de
soude. Quand je revins à Florence trois jours après, le Dr Raspini me dit
542 REVUE DE DERMATOLOGIE .

que chez notre malade , tous les accidents plus graves et récents avaient dis
paru comme par enchantement, et le 25 avril le malade vint me trouver dans
mon cabinet, complètement rétabli, et cette fois, je l'espère, persuadé qu'il
n'avait pas la syphilis.
OBSERVATION III . Au mois de mai 1884 , un nommé B. A. , de Sexto
Fiorentino, jeune homme de 28 ans, vint me consulter pour une éruption
eczémateuse très légèrc de la face interne des cuisses , qu'il rattachait à une
syphilis prise en 1879. Je ne trouvai aucune raison pour admettre cette
origine : cependant, plutôt pour contenter le malade que par conviction,
j'ordonnai , en quelque sorte pour faire la preuve , un gramme par jour d'iodure
de sodium en deux fois. Après dix jours, le malade revint avec l'eczéma au
même point et avec le corps couvert d'une très belle acné iodique, qui cessa
immédiatement après la suppression du traitement.
On me dira que l'acné est une des éruptions vulgaires de l'iode, et que
selon l'interprétation que j'ai donnée moi-même autrefois du mécanisme par
lequelle elle se produisait,c'est - à -dire par l'élimination du médicament à tra
vers les glandes sebacées, le fait n'aurait rien d'étrange, tandis qu'il resterait
toujours à prouver que l'iodure do sodium puisse donner les autres éruptions
plus graves.
A cette objection très juste il est difficile de répondre : cependant je dirai
tout de suite que j'ai modifié en partie mes idées sur le mécanisme de pro
duction de l'acné et sur sa valeur en présence des autres éruptions dont elle
ne se distingue peut- être que par une différence de degré, nous verrons
ensuite pourquoi. En second lieu, s'il ne s'agit que d'une question de degré,
je ne ' m'étonnerais pas que , comme l'acné, l'éruption pût présenter des
formes plus graves .
Cependant je me plais à établir que chez beaucoup d'individus dont l'es
tomac a présenté une intolérance absolue pour l'iodure de potassium, j'ai dû
renoncer aussi à l'iodure de sodium .
Et en voici sur-le-champ un exemple :
OBSERVATION IV . – Au mois d'août 1880 , j'eus l'occasion de traiter pour
une syphilis récente M. D ... E ... , de Livourne, homme fort et robuste de
34 ans. Il supporta très bien les mercuriaux, mais il n'y eut pas moyen de
lui faire prendre même un gramme d'iodure de potassium . Aussitôt après
l'ingestion du médicament, le malade était pris d'accélération du pouls, de
faiblesse, de vertige, d'une sensation de suffocation , en un mot de phéno
mènes assez graves pour donner de l'inquiétude s'il n'était survenu à la fin
des vomissements .
Quelques tentatives que j'eusse faites, il ne fut pas possible de lui faire
tolérer, sous aucune forme, l'iodure. Ayant vu que les mercuriaux avaient
eu une action très efficace, et qu'il n'y avait pas de douleurs osseuses ni
d'engorgements ganglionnaires, je ne persistai pas dans l'idée de soumettre
le malade au traitement irrique.
Seulement, en janvier 1882, voyant que quelques papules de la paume de
la main ne pouvaient disparaître, je voulus tenter le traitement mixte et
j'essayai de donner simultanément une pilule de 1 centigramme de biiodure
de mercure et 1 gramme d'iodure de sodium en solution, mais les mêmes
phénomènes que j'avais observés deux ans auparavant se reproduisirent et je
dus suspendre l'administration du médicament.
OBSERVATION V. - Félix M... , de 43 ans, d'Incisa, entre à la clinique
syphilopathique de Florence le 7 avril 1880 pour se soigner d'une syphilis
REVUE DE DERMATOLOGIE . 543

datant du mois de décembre précédent, et qui en ce moment se présentait


sous la forme d'une magnifique éruption annulaire.
Je note , comme un fait assez important, que parmi les diverses maladies
subies par cet homme avant la syphilis, il avait eu aussi un urticaire.
Le traitement fut commencé aussitot avec 20 grammes par jour de liqueur
de Van Swieten, et fut continué jusqu'au 23 ayril , jour auquel la forme érup
tive ayant complètement disparu, et le malade se plaignant de phénomènes
douloureux, on lui ordonną pour la première fois un gramme d'iodure de
potassium ,
Le malade , ayant pris le médicament vers 8 heures du soir, eut tout à
coup une excitation de l'appareil circulatoire comme s'il avait la fièvre ; plus
tard, il éprouva une sensation de distension de la peau : trois heures après
l'ingestion du médicament il était couvert d'érythème ortié que je vis le soir
même, et qui avait son siège de prédilection sur les membres inférieurs,
puis sur les bras et sur le cou . Le matin l'érythème était déjà en pleine ré
solution, de telle sorte que , à midi et demi quand vint le professeur de
clinique, on peut dire qu'il avait complètement disparu. Il reprit l'usage du
médicament, les éruptions se reproduisirent atténuées, et elles diminuèrent
encore quand on administra de nouveau l'iodure, pour ne plus reparaitre,
J'ajoute que le malade n'éprouva que le premier jour une sensation de
malaise comme s'il avait la fièvre. Il ne ressentit non plus aucune gêne à
l'estomac ; pourtant,après' 6 ou 7 jours, il commença à ayoir quelques
>

Dausées.
OBSERVATION VI . César M ... , de 32 ans, balayeur à Florence, est traité
à la consultation de la clinique syphilopathique depuis le 13 octobre 1883. II
présente à la fois l'aspect d'un scrofuleux et d'un buveur, ayant ce regard et
cette blepharite glandulo - ciliaire qui sont à peu près caractéristiques de cette
alliance d'un état physiologique mauvais avec une habitude pire .
Il eut tout d'abord un accident primitif qui fut le point de départ de phé
nomènes généraux et de douleurs graves : il prit alors de l'iodure de potas
sium å la dose d'un demi- gramme par jour sans en ressentir aucun incon
vénient : depuis il n'a fait usage que de préparations mercurielles .
Revenant se faire voir le 14 juillet 1884, et n'ayant que quelques papules
à la bouche, on lui prescrivit de l'iodure de potassium à la dose d'un gramme
à prendre le soir avant de se coucher.
Quelques heures après avoir ingéré les premières doses de médicament,
il éprouva une sensation de sécheresse à la gorge, avec de légers symptômes
d'ivresse et de vertige :: il se mit au lit, et le matin il présentait une éruption
ortiée spécialement sur le bras droit, à sa face antéro -externe, avec quelques
taches sur le cou et les cuisses. Les phénomènes allerent diminuant spon
tanément, mais la seconde dose d'iodure les fit reparaitre plus accentués :
l'éruption avait son siège principal sur le bras gauche . Le malade suspendit
de lui -même l'usage du médicament ; et quand il vint se faire revoir deux
jours après avoir cessé le traitement, les éléments de l'érythème ortié n'étaient
pas encore en résolution complète.
Ce cas encore nous amène à penser que l'éruption doit avoir succédé à
une excitation de l'appareil circulatoire, qui, chez cet individu , buveur et
certainement fumeur, a donné comme premiers phénomènes généraux la
sécheresse de la gorge , le vertige avec de légers symptômes d'ivresse.Comme
d'habitude les troubles de l'estomac ont fait défaut. Chez ce malade, con
544 RBVUB DE DERMATOLOGIE .

trairement à ce qu'on a vu dans l'observation V, en continuant l'usage du


médicament, les mêmes accidents se reproduisaient aggravés.
Enfin l'éruption, arrivée à un degré que n'atteint pas l'urticaire simple,
n'offrait plus les caractères de l'ædème simple et sa résolution se fit attendre
plusieurs jours . On remarque en outre que le malade avait pu prendre quel.
ques mois auparavant un demi-gramme d'iodure sans en ressentir aucun
inconvénient ; et il est très probable que l'éruption pathogénétique actuelle
lenait à des conditions spéciales qui n'existaient pas alors .
OBSERVATION VII. – En janvier 1882 m'arrivait, recommandé par mon
distingué collègue, le professeur Filippi, M. D... C ... , de Lucques, qui était
affecté d'uno syphilis en pleine période de manifestations éruptives .
Après les premiers jours durant lesquels j'administrai seulement des pilules
de protoiodure de mercure, voulant agir plus énergiquement, le 17 janvier
je donnai des pilules de biiodure de mercure avec un gramme d'iodure de
potassium, mais le malade no supporta pas ce médicament : il eut des phé
nomènes graves du côté de l'estomac et le rejeta . Toutes les tentatives pour
faire prendre le médicament, dans divers véhicules, å diverses heures du
jour, etc., furent inutiles.
Le 1er février je voulus essayer l'iodure de sodium, mais celui-là aussi,
soit seul, soit annexé au quinquina, au vermouth, etc., ne put être toléré .
Il est à noter cependant que l'on n'observa pas d'autres effets morbides.
Enfin le 9 mars, devant l'absolue nécessité de reprendre l'iodure, avant
d'avoir recours aux injections hypodermiques ou aux lavements ( comme on
l'a fait d'autres fois en présence de cas graves avec intolérance de l'estomac
pour le médicament), je proposai l'usage de dragées d'iodure de potassium .
Le malade hésita d'abord, tant était grand son dégoût du médicament, mais
finalement, le 12 mars, il en prit (dose de 60 centigrammes). Il n'en
éprouva aucun malaise. Mais le matin suivant, il observa sur les bras et sur
les cuisses des taches roses et saillantes : pourtant il continua à prendre
3 dragées par jour jusqu'au 17 mars, époque à laquelle il revint se faire
examiner .
L'éruption ortiée avait été toujours en augmentant, mais le malade était
très content parce que son estomac avait très bien toléré le remède.
J'augmentai la dose en lui faisant prendre 5 dragées (un gramme d'iodure
par jour) ; en continuant ainsi l'usage du médicament et en augmentant la
dose, l'éruption disparut et ne revint pas .
Ce cas confirme l'opinion que , en général, les éruptions iodiques peu
communes sont propres aux individus qui ont de l'intolérance pour le mé
dicament . Il montre d'autre part que l'on ne peut établir un rapport absolu
entre l'action directe sur les voies digestives et l'action réflexe sur les vais
seaux de la peau. En effet, à plusieurs reprises, le malade éprouva de l'in
tolérance de l'estomac sans éruption, et celle-ci vint à son tour, alors que la
tolérance fut obtenue et avec elle l'absorption du médicament.
Dans cette observation nous avons une nouvelle preuve du fait signalé par
moi dans mon premier mémoire, à savoir qu'en augmentant la dose du mé
dicament, au lieu de voir s'accroître les effet pathologiques , ceux -ci s'éteignent
peu à peu.Ce résultat me fait émettre deux hypothèses : l'une, physiologique ,
est que les petites doses d'iodure n'ont pas le pouvoir d'activer les fonctions
des organes destinés à leur élimination et favorisent ainsi la persistance du
médicament dans le sang ; l'autre , chimique, est que l'iode , entré dans la
circulation, à l'état d'iodure alcalin par exemple, trouve dans les substances
REVUE DE DERMATOLOGIE . 515

organiques des matériaux avec lesquels il forme des composés insolubles , ou


peu solubles, et par conséquent dangereux ; tandis que les doses fortes four
nissant un excés d'iodure alcalin, servent à dissocier ces composés.
Telles sont les observations du professeur Celso Pellizari que nos lec
teurs nous sauront certainement gré de leur avoir données en entier.
Beaucoup de points sont encore à l'étude ( 1 ) , et nous ne manquerons
pas de recueillir les documents nouveaux qui demeurent nécessaires à
la discussion utile de l'étiologie et de la pathogénie des éruptions iodo
potassiques ou ioduriques (2) . ERNEST BESNIER .

II. – DE L'ÉRYTHÈME SCARLATINIFORME RÉCIDIVANT, par M. PERRET. (Lyon


médical, juillet et août 1885.)
L'histoire de cette singulière dermatose présente encore plus d'une
question à élucider, et son étiologie reste à peu près ignorée. M. Per
ret, ayant vu dans un cas l'érythème scarlatiniforme coïncider avec une
attaque de rhumatisme articulaire aigu , rapproche cette observation de
celle de MM. Hallopeau et Tuffier où; le rhumatisme existait également,
et rappelle l'observation de M. Richardière où il existait des hémor
rhoides, affection imputable à l'arthritisme. Dans une autre observation
de M. Perret, il est fait mention d'une arthrite et d'une sciatique surve
nues quelques mois avant la première atteinte d'érythème. De ces faits,
M. Perret conclut que probablement l'érythème scarlatiniforme est une
manifestation rhumatismale. Cette conclusion est peut- être encore bien
prématurée. Il est vrai que dans l'observation de M. Perret des douleurs
dans le genou droit puis dans les articulations temporo-maxillaires ont
accompagné la période de desquamation de l'érythème ; mais ces dou
leurs, cela est explicitement noté dans l'observation , étaient la seule
manifestation articulaire, il n'y avait ni chaleur ni gonflement des arti
culations atteintes ; en outre, le maladeavait,en même temps que ces dou
(1 ) On comparera avec grand profit au mémoire de Celso Pellizari le travail sui
vant, que nous avons lu avec le plus vif intérêt :
THE ETIOLOGY AND PATHOGENESIS OF DRUG ERUPTIONS, BY P. A. MORROW, M. D.
( Journal of cutaneous and venereal diseases, vol . III, nº 4 et 5, p. 104, 110,
133, 141. )
(2) La grande majorité (pour ne pas dire la totalite) des éruptions cutanées dites
6
iodiques » étant produites par l'iodure de polassium , je persiste à les appeler
iodopotassiques, ou si l'on veut ioduriques, parce que dans ma conviction ni l'iode
ni l'iodoforme ne les produisent au mème degré , ni avec la même fréquence.
Les iodures alcalins, et l'iodure de potassium en tète, ne sont pas de simples
véhicules de l'iode ; ce sont des composis chimiques définis, spécifiques ; leurs
éruplions culanées, aussi bien que leur action médicamenteuse, sont attachées au
composé lui-même et non à ses composants dissociés , dont aucun no saurait pro
duiro l'action spécifique que leur combinaison opère sur l'organisme.
ANNALES DE DERMAT ., 9• SÉRIE. VI . 35
346 REVUE DE DERMATOLOGIE .

leurs articulaires, une albuminurie abondante . Ces particularités sont


pour rendre douteux le diagnostic de rhumatisme franc . Aussi croyons
nous nécessaire d'attendre de nouvelles observations pour admettre la
nature rhumatismale de l'érythème scarlatiniforme, d'autant mieux que,
par sa marche cyclique, par les longs intervalles qui séparent ses réci
dives, par l'absence de complications viscérales, cette dermatose s'éloigne
trop du type des dermatoses réputées rhumatismales.
Une autre particularité relevée par M. Perret dans les deux observa
tions de son mémoire est l'existence de l'albuminurie : dans un cas, elle
fut constatée à deux récidives successives de l'érythème et s'accompa
gnait d'ædème des malléoles et d'adème de la face , dans la deuxième
observation, l'albuminurie fut constatée au cours de deux récidives sub
intrantes de l'érythème et persista après leur disparition .
L'albuminurie , nous avons eu récemment à le faire remarquer, est un
fait exceptionnel dans l'érythéme scarlatiniforme : l'observation de
MM . Hallopeau et Tuflier seule en faisait mention . M. Perret discute
successivement les théories proposées pour expliquer l'albuminurie, l'in
fluence de la suppression des fonctions cutanées, de l'excitation des
nerfs de la peau , et reconnaît que ces théories ne peuvent être admises
ici ; l'influence du rhumatisme ne peut non plus l'expliquer, car l'exis
tence de l'albuminurie rhumatismale est plus que douteuse . Nous
sommes obligé de reconnaître avec M. Perret que la théorie de cette
albuminurie est impossible à donner actuellement : la seule condition
qui pourrait l'expliquer est la suppression de l'activité cutanée, et dans
cette hypothèse on ne comprend pas que l'albuminurie ne soit pas cons
tante dans l'érythème scarlatiniforme et qu'elle manque dans la derma
tite exfoliatrice . L'étiologie véritable de l'érythème, si elle était connue,
pourrait peut- être éclairer cette question.
Nous n'insisterons pas sur la description, d'ailleurs fort soignée, que
M. Perret fait des symptômes de l'érythème, ni sur la discussion du dia
gnostic : ce sont là des points assez bien connus aujourd'hui et sur les
quels nous n'avons pas trouvé de données nouvelles dans le travail que
nous analysons. G. T.

III. - PRURIT CUTANÉ UNILATÉRAL CONSÉCUTIF A UNE EMBOLIE CÉRÉBRALE,


par KOEBNER. (Berliner Klin . Wochenschr ., 1885, n ° 30. )
Le prurit cutané est habituellement un symptôme secondaire subor
donné à diverses lésions de la peau eczéma, lichen, prurigo, para
sites, etc.); dans le cas suivant, il a été la seule manifestation cuta
née , et d'une origine peu commune .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 547

A, W ... , âgée de 36 ans, a eu deux frères morts d'une affection du


c@ ur ; elle -même a subi une attaque de rhumatisme articulaire à l'âge
de 9 ans, suivie de lésions valvulaires . A l'âge de 20 ans, nouvelle
attaque de rhumatisme. Le 3 juin 1882, attaque d'apoplexie avec hémi
plegie gauche, dont elle se remet assez rapidement; mais le 5 mars 1883,
nouvelle attaque, dont les suites persistent encore .
A l'examen on trouve une insuffisance mitrale avec rétrécissement;
de plus, hémiplegie complete occupant la moitié gauche de la face, les
membres supérieur et inférieur gauches. La sensibilité est absente dans
tout le côté gauche; il y a hyperesthésie à droite , La sensibilité à la
température est également abolie ; enfin disparition complète du réflexe
patellaire ,
Mais, fait bien curieux, au commencement du mois de mai, la malade
se plaint d'un prurit intense, persistant jour et nuit et rigoureusement
limité au côté gauche paralysé. A droite ce prurit ne se manifesta que
plus tard et sur un espace fort limité au niveau de la hanche droite. On
ne trouve pas vestige de lésions capables d'expliquer cette démangeai
son ; la peau est normale et présente seulement des lésions de grattage ;
la hanche droite seule offre , sur une étendue de la largeur d'une pièce
de 5 francs , un aspect rugueux , légèrement squameux , la faisant res
sembler à la cutis anserina circonscrite.
Un autre symptôme remarquable, c'est l'abolition complète de toute
fonction sudorale du côté paralysé ; malgré d'abondantes sueurs dont la
malade s'est plainte dès le début et qui inondent le côté droit, le côté
gauche reste absolument sec. Enfin il existe une diminution conside
rable de la température locale , fait tellement frappant que la malade
appelle d'elle -même l'attention sur lui, et que, dit- elle , « elle éprouve
une véritable frayeur quand sa jambe droite vient à toucher la gauche,
tant cette dernière lui paraît froide.
Notons enfin que la pression ou le frottement avec l'ongle détermine le
phénomène de l'urticaire provoquée, que ce dernier est notablement plus
marqué du côté sain que du côté paralysé, et qu'il met plus de temps à
disparaître sur le premier que sur le second .
En somme, il s'agit d'embolies cérébrales ayant leur point de départ
dans une affection valvulaire du ceur et ayant déterminé une hémiple
gie gauche coniplète ; deux ans après l'attaque , se manifeste un prurit
unilateral très intense du côté paralysé.
Ce fait parait unique dans la science . Quant à une explication patho
génique, elle semble difficile à établir. Les causes habituelles du prurit
cutané d'origine nerveuse siègent soit dans la peau elle -même (prurit
senile, où l'on peut incriininer l'atrophie senile ), soit dans des organes
éloignés organes genitaux de la femme, etc.) , soit dans le mélange au
348 REVUE DE DERMATOLOGIE .

sang de substances anorinales (ictère, diabète, mal de Bright, etc.).


Toutes ces causes ne peuvent être invoquées. Tout au plus pourrait-on
rapprocher ce fait de ces prurits généralisés très rares qui ont une origine
centrale et qui se rencontrent parfois à la suite d'émotions dépressives
ou chez les cérébraux mélancoliques, auquel cas ils constituent une
sorte d'hallucination du sentiment.
Le pronostic ne doit pas être considéré comme trop favorable, car les
démangeaisons peuvent reparaître après une période de rémission.
Dans le cas actuei on obtint de bons résultats en faisant faire deux
fois par jour des frictions avec une pommade composée d'hydrate de
chloral et camphre en poudre (đã) 5 grammes, vaseline 50 grammes.
REBLAUB .

IV . – UEBER LUPUSCARCINOM (CARCINOME LUPEUX ), par le Dr J. SCHUTZ,


in Monatshefte f. praktische Dermatologie.
La coexistence du lupus et du carcinome sur un même tissu peut,
dans la plupart des cas, se traduire, d'après Lang, sous les deux formes
suivantes : 1 ° apparition du carcinome sur des cicatrices lupeuses;
2° développement du carcinome dans le tissu floride du lupus .
La première complication paraft beaucoup plus fréquente que la
seconde.
La production du carcinome sur des cicatrices de lupus est aussi fré
quente , malgré les grandes différences histologiques et physiologiques
des deux tissus ,que celle du cancerépithélial sur des cicatrices quelconques.
Ainsi il n'est pas rare de voir survenir un cancer sur de vastes cicatrices
consécutives à des brûlures, notamment à la face. On a vu également le
>

carcinome se développer sur des cicatrices irritées par des ulcères chro
niques des jambes (Esmarch , Volkmann ). Le développement du carci
nome, principalement sur des cicatrices lupeuses, a toujours excité
un intérêt particulier ; cela tient d'une part à la fréquence relative
avec laquelle il se produisait sur des cicatrices de lupus, de l'autre
à ce que l'apparition d'un cancer épithélial précisément sur une cica
trice lupeuse rappelait immédiatement des rapports entre deux variétés
de tumeurs malignes dont la nature cellulaire, susceptible d'interpré
tation différente, attirait tout naturellement l'attention des histolo
gistes .
On a déjà rapporté de nombreux cas dans lesquels un carcinome épi
thélial s'est développé sur du tissu lupeux cicatriciel. En voici un
nouvel exemple que l'auteur a recueilli à la clinique dermato-syphili
graphique de Bonn .
REVUB DE DERMATOLOGIE , 549

Il concerne un malade ågé de 47 ans . Depuis son enfance il est atteint de


lupus facial qui s'est guéri en laissant une cicatrice sur laquelle il est sur
venu longtemps après un carcinome.
A l'âge de 4 ans, la maladie a débuté par trois nodules sur le front, l'un
situé au-dessus du nez s'est ouvert sous l'influence de cataplasmes; les deux
autres, au-dessus du sourcil gauche, l'ont été avec le bistouri . Dans ces
trois points la peau est adhérente à l'os. Deux ans après, rougeur et
tuméfaction au niveau de la commissure palpebrale externe du côté
gauche, guérison avec rétraction cicatricielle. Cinq ans plus tard , inflamma
tion de l'oreille droite, ayant entrainé la destruction presque complète du
lobule. Depuis 6 ans seulement l'éruption a envahi la moitié droite de
la face , le cou du même côté et la nuque. L'année dernière la maladie s'est
étendue à la face dorsale du nez, au pourtour de l'ail droit, ainsi qu'au
front. En septembre 1882 , il se développa dans la région parotidienne
droite , sur une cicatrice, une tumeur ulcérée qui augmenta rapidement de
volume.
Au moment de son admission à la clinique, 27 février 1883 , le malade, qui
d'ailleurs était en bonne santé, présentait dans l'espace intersourcillier une cica
trice déprimée, adhérente à l'os. Deux autres petites rétractions cicatricielles
existaient sur le front au-dessus de l'ail gauche. Toute la moitié droite de
la face est rouge, très hypertrophiée , parsemée de nodosités, recouverte en
divers points de squames et de croûtes. Il en est de même au cou du même
Côté. Points cicatriciels au centre des parties enflammées. Au niveau du
larynx et sur la nuque , plaques rouges très hypertrophiées. Dans la région
parotidienne droite, et entourée par du tissu lupeux cicatriciel, il existe une
tumeur assez volumineuse, modérément saillante, dure, mamelonnée ; elle a
envahi le lobule et le cartilage de l'oreille jusqu'au conduit auditif externe.
Pas d'engorgement ganglionnaire, ni de douleurs.
Au microscope, on constate qu'il s'agit d'un carcinome mou avec nids de
grosses cellules ; épithéliums mous, protoplasmatiques ; kératinisation tout à fait
rare des épithéliums ; dans le tissu conjonctif transformation en tissu cellu
laire fusiforme.
Après avoir enlevé la tumeur, on cautérise profondément la surface avec
thermocautère. Sous l'influence d'un pansement aseptique , plus tard
d'application de compresses imbibées d'eau phéniquée, on voit se développer
des granulations saines. Au bout de trois mois cicatrisation de tous les
points atteints. Pas de récidive jusqu'à présent.

En raison de la fréquence relative avec laquelle le carcinome envahit


les cicatrices de lupus, on peut se demander quelle est la cause spéciale
qui favorise dans ces cas le développement du carcinome, puisque
la structure histologique des cicatrices lupeuses ne diffère en rien
de celle des autres cicatrices. On (peut par contre conclure de l'ap
parition fréquente d'épithéliomes malins sur des tissus cicatriciels d'ori
gine très différente que le développement du carcinome sur un lupus
ancien ne présente rien de spécifique pour les cicatrices de lupus, mais
qu'une irritation inflammatoire prolongée, par exemple le tiraillement
des cicatrices (Langenbeck), une hypersécrétion (Lewin), etc. , sont des
550 REVUE DE DERMATOLOGIE .

causes de prolifération épithéliale et de dégénération maligne du tissu


cicatriciel ( 1 ) .
La prolifération du cancer épithélial à l'intérieur du tissu floride
du lupus constitue le second mode de combinaison du lupus et du
carcinome.
On sait depuis les travaux de Rindfleisch que le lupus erythémateux
seul est de nature épithéliale , les recherches de Virchow et d'Auspitz ont
aussi démontré que le lupus vrai de Willan appartient, en raison de sa
nature cellulaire, au tissu conjonctif. Il n'y a pas lieu de s'occuper ici
de la genèse encore contestable de ces éléments conjonctifs ; en tout cas
dans les dépôts lupeux les plus récents, au -dessous de la couche cornée,
du réseau de Malpighi, qui tous sont à l'état normal, on trouve dans le
chorion , autour des vaisseaux dilatés , des infiltrats arrondis, en forme
de nids, de cellules petites, arrondies, à gros noyaux, comme on les ren
contre dans le tissu de granulation.
Ces points les plus récents du lupus représentent la véritable nature
de l'affection lupeuse. C'est précisément là qu'on trouve les bacilles
tuberculeux que l'on regarde comme la cause du lupus . Toutes les mo
difications qu'on observe dans le cours du développement ultérieur du
lupus sont de nature secondaire, notamment les changements qui se
produisent dans la couche épithéliale.
L'épiderme des nodosités lupeuses les plus jeunes est souvent tout à
fait normal. Il en est tout autrement dans les parties anciennes ; parfois
la couche épithéliale qui recouvre le tissu lupeux à petites cellules est
plus mince qu'à l'état normal; elle est , en quelque sorte , érodée par
l'infiltration progressive de petites cellules du chorion ; ces phénomènes
peuvent, dans le lupus ulcéreux, ou lorsque les nodosités lupeuses
superficielles suppurent, déterminer même la destruction complète en
quelques points de l'épithélium . Dans une autre série de cas , on voit,
ainsi que Friedländer, Waldeyer, Thoma l'ont déjà indiqué, l'épithé
lium envahi par des proliférations de différent degré, ce qui, d'après
kaposi, peut arriver d'autant plus facilement que le tissu friable, fra
gile , du lupus oppose une faible résistance à ces processus. Les pro
longements non ramitiés du réseau malpighien placés régulièrement les
uns à côté des autres peuvent s'allonger considérablement, au point de
ressembler à de longues et minces colonnes supportant la couche
cornée. Fréquemment ces prolongements forment des anses à leur ex

( 1) Cette interprétation de l'auteur parait admissible, mais il faut se meltre en


garde contre cette expression de carcinome qui est employée dans un sens un peu
différent qu'elle ne l'est en France . Malgré l'insuffisance de la description histolo.
gique il n'est pas douloux que M. Schütz a eu en vue l'épithéliome habituel de
la peau . A. D.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 551

trémité terminale, envoient des ramifications qui, par leur réunion avec
les ramifications voisines, constituent des couches assez étendues de
cellules épithéliales. Il s'agit, dans ces cas, d'un mélange de lupus et
de carcinome.
Ces formes lupeuses offrent aussi macroscopiquement l'aspect de pro
liférations papillaires, aussi les a - t - on souvent décrites sous le nom de
lupus papillaire. Si ces proliférations de l'épithélium s'accompagnent de
processus de kératinisation, on a les globes bien connus de cellules épi
théliales à couches concentriques, c'est-à-dire une tumeur que l'on
peut, avec raison , considérer comme analogue à un épithéliome. Si on
trouve des épithéliums mous, protoplasmatiques, susceptibles de pro
lifération , réunis en foyers dans les gaines épithéliales, on ne saurait,
au point de vue anatomo - pathologique, contester à cette lésion le
caractère d'un véritable carcinome, et il faut regarder les tumeurs de
cette nature développées sur un fond lupeux comme un mélange de
lupus et de carcinome.
Le D' Schütz a observé deux cas de ce genre à la clinique de Bonn .
Le premier concerne un jeune homme de 22 ans. Vers l'âge de 8 ans,
engorgement des ganglions cervicaux du côté droit, qui s'abcédèrent.
L'abcès fut ouvert, la tumefaction disparut et la plaie guérit. Plus tard ,
nouvel engorgement de ces ganglions ; en même temps il se forma sur
les mêmes points des nodosités cutanées qui s'ulcérèrent et se transformé
rent en néoplasmes qu'on observe aujourd'hui. Il y a quatre ans, apparition
de nodosités sur la main droite . Peu à peu les proliferations suppurèrent
et de nouvelles nodosités envahirent, sous forme d'ilots, toute la surface
externe de l'avant-bras droit et la partie inférieure de la surface externe du
bras du même côté . Il y a trois ans, il est survenu à l'angle interne de i'ail
gauche une tumeur rouge, de la grosseur d'un pois, qui amena du larmoie
ment .
Au moment de son admission , la surface dorsale, le côté externe de tout
l'avant- bras droit, le bras droit au niveau du coude, étaient le siège de tu
meurs rouge foncé , de plusieurs millimètres de hauteur, disséminées en
ilots, ayant l'étendue de la moitié de la main , molles, les unes sèches, les
autres exulcérées, recouvertes de pus sanieux. Néoplasmes analogues à coté
d'anciennes brides cicatricielles, des deux côtés de la machoire, sous le menton
el sur la région cervicale droite .
Au microscope, les tumeurs de la main et du bras présentaient une infil
tration du chorion très compacte de petites cellules avec nombreuses cellules
géantes. L'examen des coupes colorées d'après la méthode de Koch révélait
la présence de bacilles tuberculeux. L'épithélium présentait de nombreuses
variations. En quelques points , les infiltrals de petites cellules s'avançaient à
travers le réseau de Malpighi jusqu'au voisinage inmediat de la couche
cornée , et par suite l'épiderme avait perdu une partie notable de son épais
seur ; dans d'autres points les prolongements du réseau proliféraient consi
dérablement dans la profondeur, s'étendaient, se réunissaient et ſormaient
des couches considérables de cellules épithéliales. Dans ces couches, il y avait,
disséminées à différentes profondeurs, ou réunies en nids volumineux, de
552 REVUE DE DERMATOLOGIE .

grandes cellules épithéliales comme dans le carcinome. Dans quelques coupes


il était intéressant d'observer la transition du lupus simple en carcinome lu
peux . Dans celui-ci on voyait combien la ligne ondulée des papilles s'éten
dait en formant des courbes accusées et à pentes très inclinées , tandis qu'en
même temps l'épaisseur de la couche cornée et du réseau de Malpighi
augmentait de plus en plus. Consécutivement à cet état de l'épiderme on
constatait les phénomènes suivants : épaississement et bifurcation des prolon
gements du réseau , dans leurs terminaisons et ramifications en massue, cà et
là une perle épithéliale, enfin démarcation incomplète de l'épithélium au
niveau du chorion et nombreux amas de nids épithéliaux dans la couche
épithéliale considérablement épaissie.
Quoique au point de vue anatomo-pathologique une tumeur de ce
genre appartienne au carcinome, toutefois on n'a pas observé jusqu'à
présent sa malignité clinique. Ce lupus « épithéliomatiforme se com
porte comme le lupus ordinaire ; il guérit après des raclages complets
et répétés et un traitement antiseptique. Jusqu'à ce jour, il n'y a pas eu
de récidive chez ce malade.
Le second cas présenta cliniquement un caractère plus malin . Il s'agit
d'une femme de 56 ans, admise à la clinique le 14 janvier 1884 , et qui de
puis 10 ans présentait au niveau des deux tubérosités frontales un lupus ser
pigineux de la dimension d'une pièce de cinq francs en argent . Il y a environ
un an il survint sur l'aile gauche du nez une éruption avec rougeur, nodo
sités, ulcérations . Les ulcères furent cautérisés par un médecin avec l'acide
chlorhydrique fumant. Peu après il se développa au point cautérisé une tu
meur qui s'ulcéra à sa surface.
Au moment de son entrée, la malade présentait, outre le lupus dont il
vient d'être question, reposant sur une base rouge, une tumeur dure , un
peu pédiculée , arrondie, et dont la surface était recouverte de tissus morts
et de croûtes.
On excisa la tumeur et au microscope (picrolithioncarmin , Orth), sur des
coupes doublement colorées, on voyait au-dessous de la couche cornée très
amincie et au milieu d'un tissu conjonctif parsemé de petites cellules rondes
de gros nids de cellules épithéliales molles , protoplasmatiques,
Le 25 août, il se produisit une récidive, et après l'extirpation de cette nou
velle tumeur le microscope montra que le tissu carcinomaleux, les nids épi
théliaux , paraissaient prédominants par rapport au tissu lupeux à petites
cellules, il existait même en quelques points du tissu carcinomateux pur.
Cette fois aussi la guérison fut rapide, jusqu'à ce jour il n'y a pas eu de
recidive .

Ces deux cas tendraient à démontrer que le carcinome lupeux n'en


traine pas toujours une dyscrasie cancéreuse rapide, comme on le croit
généralement. Ce qui , au point de vue anatomo-pathologique, appartient
sans conteste au carcinome, manque parfois de malignité clinique. Les
cas, surtout ceux de carcinome lupeux, qu'on peut désigner d'après la
théorie de W. Busch sous le nom de lupus épithéliomatiforme, n'en
trainent pas un pronostic absolument fâcheux ; cliniquement, ils peuvent
REVUE DE DERMATOLOGIE . 553

se comporter comme un lupus ordinaire . Le carcinome lupeux avec de


véritables nids cancéreux susceptibles de prolifération peut parfois,
comme on l'observe aussi dans le cancer, avoir un développement lent
ou guérir une fois opéré. A. DOYON .

V. - CAS DE SARCOME DE LA PEAU , par le Dr W. A. HARDAWAY. (Journal


of Cutaneous and venereal disease, octobre 1884. )
VI . .
- SARCOME MULTIPLE DE LA PEAU, TRAITÉ PAR DES INJECTIONS HYPODER
MIQUES DE LIQUEUR DE FOWLER, GUÉRISON, par le Dr T. C. SHATTUCK .
(Suffolk district medical Society, 11 mars 1885. - Journal of the
american medical association , 4 juillet 1885.)
VII. — CAS DE SARCOME DE LA PEAU ET DU TISSU CELLULAIRE PÉRIMALLÉOLAIRE,
par le D ' FR . SHEPHERD. (Medical News, 20 septembre 1884.)
Il s'agit dans ce cas d'un homme, âgé de 56 ans, qui avait perdu sa mère
d'un cancer de l'utérus, mais qui n'avait pas d'autres antécédents person
nels qu'un léger degré d'alcoolisme. Il y a environ deux ans, un nodule
rougeâtre , quelque peu transparent, de la grosseur d'une fève, se forma
dans le lobule de l'oreille gauche : il était le siège d'un peu de prurit ,
mais d'aucune desquamation : il ne s'ulcéra pas ; cependant le malade
le fit enlever, et il n'y eut pas de récidive sur place. Six mois après, le
malade vit apparaître plusieurs autres nodules sur le côté droit du cou ,
au-dessous de l'oreille, et sur le dos de la main gauche . Voici quel était
l'état du malade lorsque le Dr Hardaway l'examina pour la première fois.
Le malade ne se plaint que de quelques douleurs lancinantes dans les
mains. Les oreilles sont le siège d'une infiltration diffuse violacée . Sous
l'ail gauche est une petite tumeur de la grosseur d'un pois, pourpre,
presque noire ; sur la région malaire droite est une tache d'un brun sale
à peine saillante, mais au niveau de laquelle on sent, quand on la saisit
entre les doigts, que la peau est très infiltrée. Au fond du pli inguino
scrotal se trouvent plusieurs néoformations ayant environ les dimensions
d'une pièce d'un franc. Sur le scrotum lui-même, on compte neuf
tumeurs de dimensions variées . Le tronc est sain , mais les lésions
atteignent leur maximum de développement sur les mains. Elles s'y pré
sentent sous la forme de tumeurs faisant une légère saillie, et de larges
infiltrations aplaties. La face dorsale des mains est beaucoup plus atteinte
que leur face palmaire, et le côté gauche est plus pris que le côté droit.
Une superbe chromolithographie annexée à l'observation montre bien
l'aspect général des lésions . L'infitration des doigts est si considérable
qu'ils donnent au toucher une sensation de cartilage et que les mouve
ments de flexion sont complètement impossibles : les doigts ont pris la
554 REVUE DE DERMATOLOGIE .

forme de fuseaux . A leur début, les nodules sont d'un rouge sombre,
mais après un certain temps ils prennent une teinte violacée et un
aspect brillant tout à fait spécial . Quelques uns sont franchement noi
râtres, deux d'entre eux en particulier, l'un situé sous l'eil droit et
l'autre sur le tibia. Quatre mois après , le 28 avril 1884, le Dr Hardaway
revit le malade : sa santé générale était moins bonne; il se sentait
affaibli ; les membres inférieurs étaient très ædématiés . Plusieurs petites
tumeurs nouvelles s'étaient montrées sur les jambes, et l'état des mains,
de la gauche en particulier, s'était encore aggravé. Les plaques circu
laires qui existaient à leur face palmaire avaient une coloration moins
sombre et présentaient une dépression centrale . L'examen microscopique
d'une des tumeurs montra qu'il s'agissail bien dans ce cas d'un fibro
sarcome. Quand l'auteur vit le malade pour la dernière fois, on le traitait
par des injections sous -cutanées d'arsenic : il ne sait s'il en a retiré de
bons effets . L. B.
Bien qu'il y ait dans l'observation suivante des lacunes regrettables,
en particulier que l'examen histologique n'ait pas été fait, nous croyons
cependant devoir l'analyser, car la question des tumeurs de la peau est
à l'ordre du jour, et la discussion intéressante qui a suivi la communi
cation de l'auteur nous prouve que les travaux français sur le mycosis
fongoïde ne sont pas aussi inconnus à l'étranger que nous l'aurions
cru .
La malade du Dr Shattuck était une couturière de 31 ans, qui fut reçue
le 26 juillet 1883 à l'hôpital général du Massachussetts. Sa maladie
actuelle avait débuté en décembre 1882 , par une tumefaction doulou
reuse vers l'angle de la mâchoire inférieure. Deux mois plus tard , elle
vit se former des nodules dans les téguments sur son épaule droite , puis
sur son bras droit , sur son bras gauche, enfin sur la paroi abdominale.
L'état général était encore assez bon lors de son entrée à l'hôpital,
cependant elle avait la respiration courte dès qu'elle faisait quelque effort,
et elle sentait qu'elle avait perdu des forces, bien qu'elle n'eût pas
maigri . Elle était pâle et avait un peu d'adème des paupières et de la
face , surtout à droite . Il y avait environ une centaine de nodules dissé
minés sur les téguments des extrémités supérieures et du tronc jusqu'à
l'oinbilic. Sur la face interne des bras, les nodules étaient discrets , non
surélevés sur le reste des téguments, un peu sensibles : la pression ; on
pouvait arriver à plisser un peu la peau au-dessus, et il n'y avait point
à leur niveau de modification de la coloration des tégumenits. Sur les
épaules, sur la face externe des bras, sur la poitrine, la partie supérieure
de l'abdomen et le dos, au contraire, les nodules étaient si nombreux
qu'ils étaient confluents et constituaient de grosses masses ou placards
três durs et fort peu sensibles ; on ne pouvait plisser la peau qui les
REVUE DË DERMATOLOGIE . 555

recouvrait, et qui présentait une teinte érythémateuse et une légère


desquamation pityriasique. Aux jambes, il n'y avait que fort peu de
nodules sans le moindre érythème. Les ganglions de l'angle de la ma-a
choire étaient volumineux , mais ceux des aisselles et des aines parais
saient norniaux . Les Drs Shattuck, White, Wigglesworth et Tiiden furent
unanimes à porter le diagnostic de sarcome muitiple de la peau .
Vers la fin d'août , on essaya chez cette malade les injections sous
cutanées de liqueur de Fowler. On pratiqua chaque jour profondément
dans la cuisse une injection de quatre gouttes de liqueur Fowler étenduer
de quatre gouttes d'eau. Vers la fin de septembre, la dose fut portée à
six gouttes par jour. La santé générale de la malade s'améliora , quelques
nodules nouveaux se montrèrent, mais les nodules anciens disparurent
en bien plus grand nombre, et le 3 novembre elle put quitter l'hôpital :
Elle continua cependant rigoureusement ses injections de liqueur
de Fowler jusqu'au milieu de mars, époque à laquelle elle eut un abcès,
le seul que cette médication ait causé chez elle. A cette date, quelques
nodules persistaient encore, mais les masses qui avaient envahi la poi
trine, l'abdomen et les parties externes des bras avaient entièrement
disparu. Depuis lors l'amélioration a continué jusqu'en 1885 .
Dans la discussion qui a suivi la communication du Di Shattuck , le
Dr White a annoncé qu'il traitait en ce moment même un cas de sarcome
multiple de la peau par l'arsenic à l'intérieur. Il ne pouvait encore
annoncer de résultat certain . D'après lui , il ne faut pas confondre les
cas de sarcomes vrais de la peau , tels que ceux du Dr Shattuck , avec
d'autres variétés de sarcomatose de la j.eau , telles que le mycosis fongoïde,
qui en sont cliniquement fort distinctes . Le Di Tilden a également pris
la parole dans le même sens, et il a fort bien exposé toutes les raisons
qui font croire que le mycosis fongoïde doit être séparé de la sarcoma
tose cutanée généralisée vraie . Il a rappelé à cet égard les recherches
toutes récentes d’Auspitz , qui tendraient à faire du mycosis une affection
parasitaire. L. B.
Il s'agit dans cette observation d'un jeune Suisse de 18 ans, d'aspect
délicat, qui entra en avril 1884 à l'hôpital général de Montréal, pour
une tumeur ulcérée au niveau de la malleole gauche. Il y a six ans, il se

fractura, paraît-il, cette malléole; la douleur disparutcomplètement après


un repos de six semaines, mais il persista toujours un peu de gonfle
ment. Un an après cet accident, cette région devint de nouveau doulou
reuse, et la tumefaction augmenta. Le inédecin crut à l'existence d'un
abcès et pratiqua une incision par laquelle il ne s'écoula que du sang ;
depuis lors, cette incision ne s'est jamais complètement cicatrisée, et
par cette plaie béante il s'est fait continuellement un suintement de
sanie séro - purulente. Un coup de pied de cheval qu'il reçut il y a trois
556 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ans sur la partie malade vint encore aggraver les phénomènes morbides .
Il est probable que l'articulation elle-même n'a pas été intéressée depuis
le premier accident, car ses mouvements ont toujours été libres et indo
lents ; le gonflement de la partie latérale n'a fait au contraire que s'ac
croître de plus en plus, et il s'est formé en divers points des pertuis par
lesquels s'écoule un liquide purulent. Lorsque l'auteur vit le malade
pour la première fois, les tissus qui recouvraient la malléole interne du
pied gauche étaient brillants, d'un rouge sombre, fort tuméfiés. Cette
tuméfaction s'étendait dans toute la région malléolaire sur une étendue
de plusieurs pouces de diamètre ; à sa partie supérieure se trouvaient
plusieurs pertuis, et à son centre une ulcération de la grandeur d'une
pièce de dix centimes. Cette tumefaction , dont les limites n'étaient pas très
bien définies, donnait au toucher une sensation de fluctuation ou plutôt
la sensation d'une masse de substance demi- fluide. Par la pression, on
ne faisait pas sourdre de pus. Toutes ces lésions étaient indolentes, sauf
quand on y exerçait une pression trop vigoureuse . En sondant les trajets
fistuleux , il était impossible d'arriver sur un os nécrosé ou carié . Tout
autour de la partie tuméfiée se voyaient plusieurs nodules tuberculeux
rougeâtres ayant les dimensions d'un gros pois. L'auteur, ne sachant
trop quel diagnostic porter, endormit le malade et fit dans la tumeur
une incision exploratrice. Il trouva une peau très infiltrée et très épaisse,
au-dessous de laquelle existait un tissu semblable à du tissu de granula
tion et renfermé dans des aréoles. Au -dessous de la tumeur se trouvaient
les ligaments et les gaines tendineuses périarticulaires tout à fait
indemnes. L'examen microscopique montra qu'il s'agissait d'un sarcome
à cellules rondes. Les ganglions de l'aine étaient très tuméfiés, mais
l'auteur considéra ces adenopathies comme étant purement et simple
ment inflammatoires. En effet, après l'amputation de la jambe, qu'il
s'empressa de pratiquer, elles diminuèrent beaucoup de volume et dispa
rurent même presque complètement. L'auteur insiste beaucoup sur la
gravité de cetle tumeur, sur sa localisation insolite, sur la longue durée
de son évolution . D'après lui , ce serait surtout le sarcome fasciculé que
l'on observerait dans la peau et non le sarcome à cellules arrondies .
L. BROCO.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ALTÉRATIONS HISTOLOGIQUES DES SYPHI


LIDES CUTANÉES , SUR LEUR ÉVOLUTION ET SUR L'INDURATION DU LYMPHATIQUE
DORSAL DE LA VERGE, par J. NEUMANN. (Vierteljahresschrift für Derma
tologie u. Syphilis, 1885.)
L'auteur résuine les principales données de son travail dans les con
clusions suivantes :
1 ° Au point de vue anatomique, les syphilides cutanées sont le résul
tat d'une prolifération de cellules rondes, qui débute autour des vais
seaux, fait déjà bien constaté par d'autres observateurs. Les lésions
portent plus spécialement sur les vaisseaux de la couche superficielle et
du corps papillaire, mais ceux (artères et veines des couches profondes,
du pannicule, présentent également des altérations plus ou moins consi
dérables. Le degré de ces altérations pathologiques est peu intense dans
la forme récente de syphilide maculeuse, mais elles s'accentuent d'une
façon remarquable dans les formes tuberculeuse et papuleuse et dans les
gommes.
2. Dans la forme maculeuse, les produits pathologiques sont renfer
més très exactement dans le corps papillaire et ne pénètrent pas dans
l'épiderme. A mesure que la prolifération fait des progrès, ces limites
sont dépassées, le réseau de Malpighi s'infiltre, la limite inférieure de
ce dernier s'efface, de telle sorte qu'on trouve des cellules embryonnaires
immédiatement au-dessous de la couche cornée , laquelle est fortement
tendue au-dessus d'elles .
3° Dans la période récente, les cellules exsudées sont de véritables
cellules rondes ; à une période plus avancée elles perdent leur forme
arrondie, s'allongent pour devenir ſusiformes et se rencontrent sous
cette forme en très grande abondance sur la tunique externe des vais
seaux ;
4° La matière pigmentaire se présente le plus souvent sous la forme
de granulations des dimensions les plus diverses et de coloration fort
variable (depuis le jaune orangé jusqu'au brun) . Les granulations sont
contenues soit dans les cellules exsudées, soit dans les cellules conjonc
tives. Dans le premier cas , la résorption se fait avec la plus grande fa
cilité, dans le second elle devient fort difficile, voire même impossible.
Quand la proliferation cellulaire se prolonge jusque dans le réseau de
558 REVUE DE SYPHILIGRAPHIL .

Malpighi, on trouve des granulations pigmentaires jusque dans cette der


nière couche ;; on en rencontre également dans les utricules décrites par
Ehrmann .
5° La trame fibrillaire des papilles paraît être pluslâcheet le siège d'une
tuméfaction trouble. Cette dernière s'observe également dans les couches
profondes, quand il s'agit de gommes cutanées.
6° Les follicules présentent des modifications diverses. Le follicule
pileux est non seulement entouré de cellules rondes, mais en outre le
siège d'un épaississement dans sa couche externe et quelquefois aussi,
surtout dans les formes lichénoïde et acnéïque, de dépressions et de di
latations cystoïdes , ces mêmes modifications peuvent s'observer sur les
glandes sébacées.
7. Un fait qui paraît remarquable, c'est la présence de cellules géantes
qui se rencontrent parfois dans la forme tuberculeuse, mais surtout dans
l'acné et le lichen syphilitiques et dans les gommes cutanées. Dans les
syphilides maculeuses, lenticulaires récentes, il fut impossible d'en cous
tater la présence, pas plus que dans les formes priinaires.
8° Quelques-uns des éléments de la peau paraissent être plus particu
lièrement réfractaires à la maladie; telles sont, par exemple, les fibres
musculaires.
9. Les différentes syphilides ne constituent que des degrés dans l'in
tensité d'un seul et même processus ; il est impossible d'établir, au point
de vue histologique, des limites bien précises entre les différentes formes.
Cependant il est facile de démontrer que, dans certains cas , c'est le folli
cule qui est le point de départ de la lésion, dans d'autres le corps papil
laire, et alors les vaisseaux participent à la lésion.
10° Les granulations pigmentaires consécutives aux syphilides re
centes se résorbent en même temps que disparaissent les cellules rondes
qui les contiennent.
11 ° Enfin de ces recherches résulte ce fait important que , alors même
que tous les phénomènes cliniques ont disparu, les lésions anatomiques
ne sont pas encore effacées ; bien plus, dans la profondeur de la peau,
on trouve encore pendant longtemps des cellules exsudées, des pigmen
tations même, alors que l'æil des cliniciens ne saurait plus rien décou
vrir d'anormal sur le tégument. REBLAUB .

IRRITATION ET SYPHilis , par 1. NEUMANN . ( Allgemein . Wien . medic . Zei


tung, 1885 , nºs 27 , 28 et 29.)
>

L'influence de la syphilis sur l'évolution des plaies et sur le résultat


des opérations est connue depuis longtemps; mais tandis que certains
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 559

chirurgiens, comme Chassaignac, lui attribuent une influence favorable ,


d'autres font précéder toute intervention opératoire du traitement mer
curiel . Aujourd'hui les chirurgiens s'accordent pour penser que les plajes
et les fractures évoluent sans être influencées par la syphilis, et que les
opérations plastiques seules donnent des résultats moins favorables ,
quand cette dernière n'a pas accompli toute son évolution .
Les recherches suivantes ont porté seulement sur les phénomènes pro
voqués par une irritation chimique ou mécanique, déterminée sur le tégu
ment externe ou les muqueuses de sujets syphilitiques.
Tarnowsky a le mérite d'avoir le premier attiré l'attention sur ce su
jet. De ses recherches il résulte que ces phénomènes se manifestent avec
plus de facilité dans la période aiguë, condylomateuse de la syphilis,
que dans la période gommeuse ; leur intensité est plus grande, quand
l'exanthère est encore en pleine activité, que dans les cas d'affections sy
philitiques des muscles, des os ou des cartilages ; ils sont plus nombreux
dans les formes suppurées de la syphilis que dans la forme sèche, squa
meuse ; les sujets jeunes, anémiques, les femmes, les scrofuleux et les
scorbutiques, ceux qui ont subi un traitement mercuriel réagissent avec
une sensibilité spéciale ; enfin les substances irritantes déterminent au
point d'application une infiltration syphilitique.
Tarnowsky se servait d'un mélange d'acide sulfurique et de poudre de
charbon (pâte de Ricord ), avec laquelle il faisait une application sur une
petite surface de 5 millimètres à 1 centimètre. Chez les individus sains,
l'eschare tombait après le vingt -cinquième jour, saus que, dans les par
ties voisines, se soit manifesté aucun phénomène réactionnel. Chez les
syphilitiques, au contraire, on voyait se former autour de l'eschare une
saillie d'un rouge cuivré. Cette infiltration s'étendait, atteignait un dia
mètre de 1 à 2 millimètres, puis se transformait en une lésion semblable
à l'ecthyma syphilitique, qui guérissait en laissant une cicatrice.
Comme conclusion, Tarnowsky établit que le résultat positif de l'irri
tation permet de croire que l'individu est en puissance de syphilis ; un
résultat négatif n'est pas une preuve contre l'existence de cette affection .
L'irritation peut être utile pour décider si une syphilis est guérie ou non,
et faire le diagnostic de la syphilis viscérale.
Kaposi, Kæbner, Rinecker et Riger, qui ont répété ces expériences, ne
sont arrivés à aucun résultat. Seul Gay , quoique n'ayant fait aucune
expérience, se rallie à l'opinion de Tarnowsky, en s'appuyant sur l'obser
vation clinique ; il observa en effet des efflorescences papuleuses autour
de piqûres de sangsues .
Pendant la période récente de la syphilis, les irritations longtemps
persistantes qui portent sur le tégument externe ou les muqueuses, alors
même qu'elles ne déterminent qu'une simple macération et la chute de
560 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

la couche cornée de l'épiderme, provoquent une réaction par laquelle


se trouvent favorisés le dépôt de néoformations syphilitiques et la pro
lifération du corps papillaire au niveau du point irrité. Chez les indi
vidus atteints d'érythème ou d'eczéma intertrigo , etc... , il n'est pas rare
d'observer, au début d'une syphilis intercurrente, des papules circons
crites et aplaties. Les eczémas et les excoriations du col dans la phthi
riase prennent la forme de syphilides papuleuses ; la pression répétée
des instruments sur la paume de la main détermine le psoriasis sy
philitique de cette région ; les dents pointues provoquent le psoriasis
des muqueuses. Les piqûres de mouches occasionneraient, d'après Am
brosich, chez les syphilitiques, des lésions pustuleuses. — Ces faits
expliquent pourquoi on peut parfois prévenir le développement de toute
une série de lésions syphilitiques (papules des organes génitaux, des
plis fessiers, des aisselles, des orteils) par la simple protection à l'aide
d'un plumasseau de charpie.
L'auteur a entrepris quelques recherches expérimentales sur cette
question ; il aa déterminé des irritations avec la pâte de Ricord sur des
sujets arrivés aux différentes périodes de la syphilis. Sur 24 sujets en
expérience 19 ont fourni des résultats positifs, 5 des résultats négatifs.
1 ° Un sujet se trouvait dans la période primaire (8° semaine) et ne
présentait qu'un chancre et l'engorgement ganglionnaire ; chez lui l'in
filtration se montra le 11 ° jour après l'irritation en même temps qu'une
éruption de syphilides maculeuses ;
2° Dans 12 cas , les sujets étaient arrivés au début de la période se
condaire ( 3° au 5e mois) ; l'infiltration parut du 11 au 21° jour, fut å
son maximum d'intensité environ 4 à 5 semaines après l'application de
la substance irritante et disparut après 8 à 10 semaines, en laissantaprès
elle une cicatrice pigmentée ;
3º Chez 4 sujets la syphilis était plus avancée (6 mois à 2 ans) . Chez
l'un l'infiltration apparut déjà vers le 14 jour après l'application de la
substance irritante, mais avorta et avait déjà complètement disparu,
>

d'une façon spontanée , après 3 semaines ; chez les autres elle ne se


montra qu'après 4 semaines, atteignit son maximum d'extension après
4 semaines et disparut en 2 semaines ;
4° Dans un cas de syphilis tertiaire (orchite gommeuse), 2 ans après
l'infection, l'infiltration se manifesta 37 jours après l'application irri
tante , resta stationnaire pendant quelque temps, puis disparut complè
tement en 5 semaines;
5 ° Chez deux sujets non syphilitiques (homme atteint d'uréthrite et
femme affectée de lichen scrofuleux) la réaction fut nulle chez l'un,
mais détermina chez l'autre une infiltration subaiguë qui disparut en
laissant après elle une tache pigmentaire;
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 561

6. Dans un cas, les bords et le voisinage de surface irritée présen


tèrent des efflorescences papuleuses, qui dans leur évolution ultérieure
s'entourèrent d'une zone brunâtre, laquelle s'étendit peu à peu en pous
sant des prolongements sinueux ; dans ce même cas l'application d'un
sinapisme avait provoqué l'apparition d'une infiltration, laquelle, résor
bée , avait fait place à une petite surface pigmentée , circonscrite, corres
pondant aux territoires vasculaires de la peau. Dans un autre cas, dans
lequel la pommade iodurée avait provoqué un eczéma pustuleux , ces
pustules se transformerent en des papules lenticulaires de coloration
brun rougeâtre.
Le traitement antisyphilitique a , dans tous les cas, exercé une in
fluence incontestable , en limitant l'extension des lésions et en favori
sant leur résorption. REBLAUB .

LA SYPHILIS ACQUISE DU COEUR ET DE SES MEMBRANES SÉREUSES ,


Par G. PROFETA . (Palerme , 1885.)
En attendant la publication prochaine, espérons-le, de son traité des
maladies vénériennes, le professeur Profeta vient de faire paraitre en
extrait le chapitre relatif aux cardropathies syphilitiques . Nous sommes
heureux d'en présenter au lecteur le fragment suivant ; c'est une des
observations les plus probantes que nous connaissions de cette rare et
très obscure affection .
Il s'agit d'un homme de 32 ans , de complexion herculéenne, d'ha
bitudes tempérées et correctes. A 28 ans il prit la syphilis, qui se mani
festa d'emblée très grave : ulcère très étendu et très profond , vaste
induration , alopécie très prononcée des cheveux et des sourcils , douleurs
rhumatoïdes atroces de la région cranienne, syphilide papuleuse très
confluente . Après 12 mois ces manifestations disparurent spontanément,
on peut le dire , le traitement ayant été insignifiant.
Dans les premiers jours de novembre 1882, 34 mois après l'apparente
guérison, il commença à s'apercevoir d'une difficulté continuelle pour
respirer, et de palpitations quand il se fatiguait ou marchait rapidement.
Une quinzaine de jours plus tard parut un catarrhe bronchique accom
payné d'une singulière petitesse du pouls . On conseilla la digitale et le
repos tant physique que moral, mais ce fut sans aucun succès . Vers la
fin de décembre le malade était tombé 2 fois en lipothymie , mais par
surcroît il avait vu se développer 3 tumeurs sur le front et un bon
nombre d'autres sur cuir chevelu , la peau des jambes, le voile du
palais . C'est à ce moment que Proseta fut consulté . Il ne fut pas long à
reconnaître des gommes ; quelques - unes d'ailleurs étaient déjà ulcérées,
ANNALES DE DERMAT . , 2° SÉRIE . VI. 36
562 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

notamment une d'elles développée sur le voile du palais, lequel était


déjà le siège d'une perforation. Les troubles cardiaques persistaient,mais
sans occasionner aucun bruit anormal . Néanmoins le professeur n'hésite
pas à diagnostiquer une lésion cardiaque de la même nature que celles
du tégument.
Immédiatement fut instituée une cure mixte avec injections hypoder
miques de calomel de deux en deux jours, et iodure commencé à la dose
de 1/2 gramme et augmenté chaque jour d'une quantité semblable .
Dès le 6e jour on pouvait noter une grande amélioration ; au 45° touta
perturbation cardiaque avait disparu. Cependant l'iodure fut maintenu à
la dose de 6 grammes pendant 35 jours et le mercure continué sous
forme de bichlorure en pilules après la 8e injection de protochlorure.
JULLIEN .

OBSERVATIONS SE RAPPORTANT A LA QUESTION DE L’EXCISION DU CHANCRE


SYPHILITIQUE, par le Dr Keyes . (Medical News, 25 avril 1859. )

Il s'agit dans le premier cas d'un médecin qui vint consulter l'auteur
en 1884, pour une petite lésion papuleuse acuminée , située sur la partie
médiane et dorsale de la peau de la verge. L'épiderme paraissait intact.
La couleur était un peu livide ; il n'y avait aucune induration appré
ciable, rien qui permit de conclure à la nature spécifique de l'accident :
point de douleur, point d'engorgement des ganglions inguinaux. La
lésion n'existait pas encore depuis 24 heures, lorsque le Di Keres la
vit ; le malade en faisait remonter l'origine à un rapport suspect qu'il
aurait eu deux semaines auparavant. Malgré l'impossibilité absolue où
l'on était de porter un diagnostic, le malade voulut en être débarrassé,
et il se fit pratiquer l'excision , que l'on put exécuter sans douleur, grâce
à la cocaïne. Pour cela , on commença par faire un lavage de la partie
suspecte avec une forte solution de bichlorure de mercure , on la sécha
on injecta sous la peau cinq gouttes d'une solution à 4 0/0 de cocaïne,
puis on saisit la petite papule et on l'enleva d'un coup de ciseaux courbes
en ayant soin d'empiéter largement tout autour sur les tissus sains. On
lia les veines au catgut ; on fit trois points de suture également au
catgut , et toute l'opération eut lieu sans que le malade eut éprouvé la
moindre douleur. Le soixante -deuxième jour après l'opération, il vit
survenir une légère roséole après trois ou quatre jours de fièvre prémo
nitoire. Quatorze jours plus tard il vint revoir le D' Keyes : il portait
alors des ganglions indurés dans les deux aines, souffrait de vives dou
jeurs à maximum vespéral , perdait des cheveux et avait des croûtes dans
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 563

le cuir chevelu , des plaques muqueuses dans la bouche et une abon


dante éruption généralisée de papules syphilitiques sur le corps , le
visage et la face palmaire des deux mains. L'endroit où se trouvait le
chancre excisé était souple et parfaitement cicatrisé. La femme avec
laquelle il avait eu des rapports suspects était manifestement atteinte de
syphilis secondaire.
L'auteur insiste avec raison sur l'importance de cette observation , qui
n'est pas d'ailleurs seule de son espèce , pour prouver que l'organisme
est déjà infecté lorsque se montre le chancre induré . Il rappelle à cet
égard l'observation si curieuse de Berkeley Hill, dans laquelle un homme
se déchira le frein pendant un rapport sexuel à 4 heures du matin1 ; à
3 heures 12 de l'après -midi, le jour même de l'accident, il se fit pro
fondément cautériser toute la surface excoriée avec de l'acide nitrique
fumant. Il se forma une eschare qui tomba, puis la plaie se cicatrisa , mais
un mois après , la cicatrice s’indura, et il survint des accidents syphili
>

tiques. L'auteur rapporte encore plusieurs autres cas d'excision préma


turée de chancres sans que l'évolution de la syphilis ne semble avoir été
en rien modifiée par cette opération , il cite entre autres les faits de
Taylor (Syphilis and local contagious disorders, Hill and Cooper,
1881 , p . 76j et de Mauriac (Ann. de Dermat. et de syph ., 1881 , p.533) .
Je dois ajouter cependant que ce dernier observateur paraît croire que
l'excision prématurée du chancre a pu dans une certaine nature atténuer
la syphilis chez son malade. Il n'en a pas été à coup sûr de même dans
la seconde observation que publie le Dr Keyes , et dans laquelle il s'agit
d'un homme de 37 ans qui vit apparaître en novembre 1883 un tout petit
chancre sur la verge et se le fit enlever le jour même. La plaie se cica
trisa rapidement : au bout de six semaines survint une roséole ; et,
malgré un traitement des plus rigoureux, par des frictions mercurielles
et de l'iodure de potassium , de nombreux accidents syphilitiques se
succédèrent chez lui. En 1885>, il vint encore consulter l'auteur pour de
petites gommes du visage . Le Dr Keyes termine son intéressant article
en faisant remarquer combien les recherches allemandes sur l'excision
du chancre syphilitique sont entachées de causes d'erreurs. Quelques
uns des apôtres de l'excision sont des unicistes comme Auspitz et Kaposi ;
ils ont conſondu , dit-il , avec des chancres indurés : 1 ° des indurations
de cause purement inflammatoire ; 2° de petites gommes ulcérées de la
verge ; 3° des ulcerations non syphilitiques et qui ressemblent au chancre
infectant ; l'auteur cite à cet égard une observation des plus curieuses,
et dans laquelle une excoriation purement accidentelle d'un prépuce trop
étroit s'indura , s'accompagna d'adénites inguinales indolentes, revêtit
en un mot tous les caractères extérieurs d'un chancre syphilitique; et
cependant tout fait supposer que le malade ne pouvait pas avoir pris la
564 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

vérole , n'ayant eu de rapports qu'avec une femme saine ; et il ne pré


senta jamais de signes de syphilis constitutionnelle .
Le D' Keyes croit de plus que l'apparition des accidents secondaires
peut quelquefois se faire plusieurs mois et même plus d'une année après
le chancre. Il faudrait donc faire subir aux malades, après l'excision de
l'accident primitif, une longue et attentive surveillance avant de les
déclarer indemnes de toute infection . Il cite à cet égard deux observa
tions que je n'analyserai pas, car elles me semblent trop discutables.
L. B.

Le Gérant : G. Massos.

Paris . Société d'imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue J. - J. -Rousseau (C1. 57.9.8 .
N° 10. 23 Octobre 1885 .

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

LES ACCIDENTS PARASYPHILITIQUES, A PROPOS D'UN CAS


DE PSEUDO -RHUMATISME INFECTIEUX PARASYPHILITI
QUE .

Conférence faite à l'hôpital de la Croix -Rousse , le 30 juillet 1883,


par M. le professeur RENAUT,
Recueillie par M. ROCHET , interne du service , revue par le Professeur.

MESSIEURS,

Il est aujourd'hui devenu absolument banal de répéter que la vérole,


si atténuée qu'elle puisse paraitre aux yeux du patient ou même du
médecin , doit être cependant toujours considérée comme une maladie
de la plus haute gravité. L'atteinte faite par elle à l'organisme, et d'un
trait, est en effet le plus souvent définitive ; - lc trait, si léger qu'il
semble quelquefois, n'en reste pas moins fixé pour toujours au flanc du
malade. Les manifestations syphilitiques proprement dites, dans ce cas,
demeurent constamment en imminence, lant éloignée que soit l'époque
de la première contamination ; les maladies intercurrentes prennent
souvent même, du chef de la syphilis antérieure, un cachet particulier et
quelquefois aggravant. Ce n'est pas tout : le syphilitique est dans maintes
circonstances, exposé à des accidents d'un autre ordre et qui , bien que
n'étant pas syphilitiques par eux -mêmes sont néanmoins induits pour
ainsi dire dans l'organisme et coinmandés par la syphilis. Je viens vous
parler aujourd'hui de ces accidents et vous en donner des exemples.
Je veux vous montrer à ce propos que les manifestations syphilitiques
Vraies, échelonnées dans le temps suivant un ordre continu, ou discontinu
au contraire ainsi qu'il arrive bien souvent, ne constituent pas les seuls
dangers auxquels reste exposé le vérolė ; et qu'il est des accidents déve
loppés par la syphilis qui, leur rôle épisodique et à proprement parler
ANNALES DE DERMAT. , QË SERIE . VI . 37
566 J. RENAUT

syphilitique achevé, introduisent dans l'organisme des accidents nou


veaux , étrangers dans leur essence à la syphilis, mais auxquels celle
dernière a ouvert largement la porie .
Très fréquemment ces accidents, latéraux pour ainsi dire à la syphilis
qui n'a été que le primum movens de leur existence et les a seulement
mis en train , prennent en réalité le pas sur la grande diathèse, exercent
par leur action propre des effets prépondérants et effacent par leur éclat
les manifestations spécifiques ordinaires . Pour cette raison j'ai cru devoir
leur donner le nom d'accidents parasyphilitiques.
Bien que nés de la vérole, en effet, ils ne lui appartiennent pas ; une
fois engendrés sous son influence, ils se développent à côté d'elle paral
lèlement, sur l'organisme soumis à la double action morbigène. Ce ne
sont point là des rameaux de l'arbre syphilitique; ce ne sont même pas
des rameaux étrangers greffés sur lui et mélangeant ensuite - leur vie
propre avec la sienne : Ce sont, au contraire, des semences parasites,
auxquelles la vérole, par le hasard de ses accidents locaux , a fourni
l'occasion de s'introduire et de germer , mais qui , à partir de là, restent
absolument distincts .
Vous avez déjà certainement saisi , messieurs, toute l'importance d'unepa
reille notion . Les accidents parasyphilitiques, introduits dans l'organismeà
la faveur de la syphilis, mais ne participant pas à sa nature diathésique
propre , doivent être en effet distingués à tout prix de ceux qui ne sont
que l'expression même de l'activité du virus syphilitique. Ils ne ressor
tissent pas à la vérole, qui ne leur a donné que l'occasion de naître ; par
suite, ils ont leurs conséquences propres et en outre ils ne sont pas
justiciables de la médication classique de la syphilis. Contre eux le trai
tement mercuriel, celui par l'iodure, le traitement mixte ne sauraient
être employés avec avantage. Il faut donc non seulement connaitre
l'existence de tels accidents d'une manière générale, mais encore savoir
à l'occasion de quelles manifestations spécifiques ils arrivent à se pro
duire, pour en décéler à la fois la présence au lit du malade et ne pas
s'exposer à les combattre vainement par un traitement qui n'a aucune
puissance sur eux , et que cependant, instinctivement, tout médecin est
d'abord tenté d'employer seul en présence d'un épisode pathologique
quelconque, et surtout mal déterminé, se produisant chez un individu
notoirement en puissance de syphilis. Je vais maintenant vous donner
quelques exemples.
Considérez un instant la malade couchée au n° 24 de la salle Sainte
Blandine. Cette femme est syphilitique tertiaire : elle présente aux deux
paumes de ses mains les lésions évidentes de la syphilide palmaire tar
dive ct psoriasiforme, elle est de plus phtisique et porte des cavernes.
Dans ces derniers temps elle a été prise d'ictère avec décoloration de
ACCIDENTS . PARASYPHILITIQUES. 567

selles, douleur obtuse hépatique, et ces phénomènes ont été précédés de


crises douloureuses pseudo -gastralgiques . Le problème clinique est ici
aussitôt résolu qu'il est posé . Vous n'établirez pas davantage de relation
étiologique directe entre l'ictère et la syphilis que vous n'en établissez
entre cette dernière et la phtisie. Vous n'admettrez pas l'existence de
gommes hépatiques et n'emploierez pas l'iodure de potassium pour les
faire résoudre. Vous concluerez avec moi que cette femme affaiblie,
rendue valetudinaire et sédentaire par la syphilis, mise , comme on dit
aujourd'hui, en état de nutrition retardante, après s'être tuberculisée, a
édifié des calculs biliaires, et que son ictère est symptomatique de la
lithiase . La cause première , initiale du mal est cependant ici la vérole,
qui a coupé court à la vie active et à la nutrition suffisante de cette fille
initialement très robuste . Mais je n'insiste pas : les accidents parasyphi
litiques sont ici tellement nets et distincts de toute relation avec les
accidents spécifiques vrais , que jamais en pareil cas ils ne sauraient être
confondus avec eux ; j'aborde maintenant un point plus épineux de la
question.
S'il est aujourd'hui une notion bien établie en syphiligraphie , c'est que
l'albuminurie reste, dans l'immense majorité des cas , un syndrome
étranger à la syphilis . Pour mon compte, je ne l'ai observée ( en dehors de
cas assez peu fréquents où elle n'existe que parce que le malade, avant
d'avoir la vérole, était déjà brightique que deux fois chez l'homme ( 1 ) .
Dans ces deux cas les téguments étaient le siège d'une syphilide ulcéro
crustacée couvrant le corps de plaies arrondies, suppurantes, véritables
portes ouvertes aux contages extérieurs. Dans ces deux cas aussi l'albu
minurie fut le fait d'une néphrite subaiguë du type congestif , avec
urines troubles, peu abondantes, couleur de bouillon aigri et contenant
du sang. Il n'y eut que des ædèmes passagers, fugaces, comme dans les
cas d'albuminurie transitoire consécutive aux lymphangites, à la gale, à
la phthiriase et dans lesquels, avec mon collègue et ani Augagneur, je
crois devoir admettre l'existence d'infections épisodiques, dont les lésions
ulcéreuses du tégument constituent la porte d'entrée, et dont la néphrite
congestive est la détermination viscérale la plus apparente. Ici , l'accident
parasyphilitique est la néphrite, consécutive à une contamination qui
s'est opérée par les plaies inultiples et syphilitiques de la peau. Ne
cherchez pas en pareille occurrence un sypbilome rénal qui n'existe pas ;
traitez la néphrite par les moyens ordinaires et, en même temps que vous
poursuivez le traitement spécial, mettez un terme à l'infection par voie
cutanée en pansant les ulcérations à l'iodoforme (si elles ne sont pas trop
( 1 ) Chez la femme syphilitique qui devient grosse, l'albuminurie est moins orcep
tionnelle ; mais on peut alors la rapporter legitimement à l'état gravidique et non
à l'action propre de la sypbilis.
568 J. RENAUT .

nombreuses) de manière à couper court à la contamination incessante


dont elles sont l'objet. Cette contamination , en effet, entretient une néphrite
2

à peu près certainement parasitaire, redoutable parce que, appartenant


au type congestif, elle met le malade en imminence d'urémie convulsive
et que , maintenue trop longtemps, elle peut devenir l'origine d'un mal
de Bright chronique continuant à évoluer sous la forme mixte , ou
dégénérative, ou enfin scléreuse.
Je passe maintenant à un troisième exemple, et j'y vais insister car c'est
lui qui a motivé cette conférence et qui , s'il y en a un quelconque, va
lui douer son principal intérêt. Nous allons en effet, messieurs, aborder
l'étude d'un ordre tout particulier d'accidents parasyphilitiques qui se
distinguent des deux séries précédemment indiquées en ce qu'ils n'ont
rien de la banalité des premiers, trop évidents pour qu'on réconnaisse
leur signification, ni de la très grande exceptionnalité des seconds, en
vérité assez rares pour qu'on s'en doive beaucoup préoccuper dans la
pratique. Il s'agit d'accidents pseudo-rhumatismaux survenus chez une
inalade portant un rétrécissement ano -rectal ancien , de nature syphili
tique avérée, et qui ont d'autant plus d'importance que, dans la majorité
des cas semblables , ils tendent à se produire, bien que d'une façon
ordinairement moins tranchée que chez la femme dont je vais maintenant
esquisser brièvement l'histoire.
Marie Defont... est une fille de 39 ans devenue syphilitique à 22 ans,
à la suite d'un chancre vulvaire. Jusque-là sa santé avait été excellente,
vierge pour ainsi dire de tout épisode morbide. A la suite du chancre se
montrèrent des accidents cutanés variés ; le pharynx, la vulve , le pour
tour de l'anus se remplirent de plaques muqueuses nombreuses et
tenaces . A 29 ans, la vérole de cette femme était devenue tertiaire et une
menopause prématurée se produisait en même temps que se développaient
tous les signes classiques d'un syphilome ano -rectal qui eut pour suite
un rétrécissement persistant du rectum amenant en amont de lui la stase
presque absolue des matières stercorales. Bientôt la défécation ne put
s'opérer qu'à l'aide de la sonde et , à partir de ce moment commencèrent
à se produire des accidents singuliers tout à fait étrangers à la vérole,
du moins en apparence.
Ce furent d'abord en 1876 des douleurs articulaires vagues mélangées
de douleurs musculaires et qui durèrent deux mois environ . L'endocarde
même se prit et l'on peut constater encore aujourd'hui les signes d'une
insuffisance mitrale mais absolument, exactement compensée, et qui,
depuis près de dix ans, est portée par la malade pour ainsi dire à son
insu . Cette atteinte rhumatismale remonte exactement à l'époque où le
cours des matières fécales a commencé à être sérieusement interrompu;
elle n'avait été précédée d'aucune autre et a donné lieu à une lésion
ACCIDENTS PARASYPHILITIQUES. 569

cardiaque qui , au lieu de progresser comme le font celles consécutives


à un rhumastisme légitime, resta à l'état de simple lésion . Or c'est là ,
je vous prie de le remarquer, ce qui arrive dans la plupart des cas de
faux rhumatisme infectieux . Des arthropathies, des douleurs musculaires
surviennent, une lésion cardiaque se produit et , surtout quand elle
porte sur la valvule mitrale, elle ne progresse pas et ne devient pas
immédiatement l'origine d'une affection cardiaque rapidement aggravée
avec le temps .
Dans les cinq années qui suivirent, les douleurs articulaires et muscu
laires vagues se reproduisirent souvent, toujours transitoirement, créant
un état particulier de souffrance indécise pour laquelle la malade avait
elle -même créé la dénomination de rhumatisme nerveux . Il ne s'agissait
point, je m'en suis assuré, de douleurs ostéocopes , et pas davantage
d'atteintes de rhumatisme aigu vrai , qu’un malade quelconque décrit
toujours d'une façon claire et saisissante à cause même des souvenirs
nets et cuisants qu'elles ont laissés.
A partir de 1881 les phénomènes d'embarras stercoral se prononcent
de plus en plus; les selles ne sont plus obtenues qu'au moyen de lave
ments répétés et fortement purgatifs. Une constipation absolue alterne
avec les débâcles provoquées, précédées de crises de vomissements
répétés . Enfin en 1884 Defont... entre au service de mon collègue et
ami le professeur Poncet. Le rectum est à ce moment converti en une
sorte d'étui fibreux , à lumière étroite laissant difficilement introduire
l'index ou même une sonde rectale . Le rétrécissement remonte même si
hant que ni le doigt, ni la sonde ne peuvent atteindre la limite supérieure
de la sorte de filière alternativement rétrécie et dilatée par place , qui a
remplacé le conduit naturel . Tout ce trajet est semé d'ulcérations , de
fongosités qui font hernie en masse champignonneuse par l'orifice anal
et exsudent constamment une sanie abondante, sanguinolente, fétide et
>

mêlée plus ou moins de détritus stercoraux dilués par la sécrétion anor


inale. A plusieurs reprises, M. Poncet pratique la dilatation du trajet,
mais sans résultat appréciable : le rétrécissement se comporte en effet
comme un tube élastique , et revient sur lui-même dès qu'on a cessé de le
distendre. Alors notre collègue propose àà la malade de lui faire un anus
contre nature et de lui sulurer définitivement le bout inférieur de l'in
testin . C'était le seul moyen pratique d'obtenir une cure radicale et cette
ſemne le refusa .
Elle resta donc tout l'hiver dans cet état misérable de lutte continuelle
contre l'embarras stercoral qui, par périodes, prenait presque le caractère
de l'étranglement interne chronique. En même temps le caractère ulcé
reux du trajet rétréci s'accusait, et constamment une sanie mi-purulente
et mi -stercorale s'écoulait largement par l'anus entouré d'une couronne
670 J. RENAUT .

d'énormes bourgeons charnus edénateux . Brusquement, le 20 avril 1883,


des phénomènes nouveaux éclatèrent à la façon d'une maladie aiguë et
avec un début solennel, par des vomissements et des frissons répétés,
comme à l'origine d'une septicémie puerpérale. La fièvre s'alluma,
devint haute et continue, et la malade entrée à l'hôpital le 5 mai avec
une température de 40°,5 , la langue sèche, les lèvres noirâtres , une eschare
superficielle de la glande de Luschka (amygdale pharyngienne ), analogue
à celle qu'on observe dans certaines dothienenteries graves. Une oppres
sion intense , jointe à cette pâleur cendrée particulière aux malades en
proie à une haute fièvre longtemps soutenue, des douleurs articulaires
et musculaires vagues , et enfin l'émission d'urines sanguinolentes, forte
ment albumineuses, chargées de nombreux globules rouges et de globules
blancs encore plus nombreux : tels étaient les phénomènes saillants au
moment de l'entrée, el qui me firent d'abord porter le diagnostic de néphrite
infectieuse aiguë, de forme typhoïde.
Mais bientit se développèrent successivement une série d'accidents
qui montrèrent que la néphrite, si intense qu'elle fût, n'était qu'un
épisode très particulier d'une infection tout à fait générale. Ce fut d'a
bord une douleur fixe du mollet droit bientôt suivie d'adème localisé ,
dur et douloureux , puis une arthrite excessivement douloureuse de l'ar
ticulation phalango -phalangienne de l'index gauche, avec rougeur pur
purine péri-articulaire, chaleur et douleur locales, érosion rapide des
cartilages ; puis successivement une éruption de deux bulles pemphi
goïdes sur l'éminence thenar droite ; enfin , sur le poignet gauche, une
nodosité rhumatismale type telle que les a, le premier, décrites mon col
lègue et ami Paul Meynet . En même il se produit sur le sacrum une
plaie de position ; la température oscille largement chaque jour entre
40° le soir et 370,5 , 38°, 389,5 le matin comme lorsqu'une suppuration
importante se prépare ; l'albuminurie continue, avec des urines chargées
des éléments du sang et de cylindres épithéliaux (néphrite diffuse mixte ) .
Bref, je me reconnais en présence d'une infection septico-pyogénique
pseudo -rhumatismale, d'un pseudo -rhumatisme infectieux avec ten
dance à la suppuration .
Et de fait, la tumefaction du mollet aboutit à un abcès profond qui
fut ouvert le 26 mai par mon collègue Augagneur et donna issue à trois
cuillerées environ de pus. La cicatrisation s'est opérée depuis sans en
combre sous un pansement antiseptique ordinaire.
II

Abandonnons un instant l'histoire de notre malade pour chercher à


déterminer l'origine et l'enchaînement des phénomènes observés. Vous
ACCIDENTS PARASYPHILITIQUES . 571

allez voir, messieurs, que cette étude est bien à sa place et que j'ai dù
la faire au moment précis où , après la néphrite, après les accidents
rhumatiformes, j'ai reconnu l'existence de l'abcès profond du mollet et
par suite acquis la notion d'une infection à tendances pyogéniques. Que
s'était -il passé ? Le plus simple examen permettait d'exclure toute
manifestation syphilitique directe et aussi le rhumatisme vrai. Quel rhu
matisme vrai se caractérise par quelques douleurs vagues des join
tures, une arthrite d'un doigt menaçant de suppurer, une néphrite in
tense à urines sanglantes et s'accompagnant d'un abcès intermusculaire ?
Je ne pouvais admettre qu'une de ces septico -pyohémies subaiguës, à
manifestations fluxionnaires rhumatiformes, que l'on observe si souvent
dans l'état puerpéral. Je dus conclure que l'infection , causée évidem
ment par un parasite septogène et pyogène à la fois, et partie d'un point
à déterminer, avait produit une série de colonies : l'une aboutissant à
l'abcès du mollet, l'autre à l'arthrite phalango-phalangienne, deux
autres aux bulles pemphigoïdes rapidement devenues purulentes, une
dernière enfin à la nodosité rhumatismale éphémère ; le tout accom
pagné de fluxions congestives diverses et d'une détermination rénale
importante, infectieuse comme les autres , et jouant , je crois pouvoir
l'attirmer, un rôle prépondérant dans l'état ataxo -adynamique observé .
Et j'admis immédiatement aussi que la porte d'entrée de cette infec
tion résidait dans les ulcérations anorectales multiples, chroniques,
transformant le bout inférieur de l'intestin annulé comme voie d'excré
tion en une véritable sentine où les fèces, le pus des ulcérations, mé
langeaient leur action pour créer une vaste surface apte à recevoir n'im
porte quels germes pyogènes et septogènes, à les résorber lentement et
d'une manière continue, à la façon exacte de la muqueuse utérine en
vahie par l'endométrite putride postpuerpérale. De là une septico -pyohé
mie lente, à forme pseudo -rhumatismale, subaiguë, peut-être curable
malgré la gravité apparente et même réelle des accidents, si l'on parve
nait à désinfecter la surface absorbante constituant la porte d'entrée du
mal.
C'est ainsi qu'on agit dans la septicémie puerpérale et que je résolus
d'agir, exactement d'ailleurs par le même moyen . Laissant alors de côté
toute la médication purement symptomatique employée jusque là, je fis
faire régulièrement, matin et soir, une injection de liqueur de Van - Si
vreten pure, puis au bout de quelques jours dédoublée , dans le rectum
rétréci et ulcéré, de manière à le laver largement et à désinfecter autant
que possible la surface absorbante .
L'effet fut immédiat, saisissant à la façon d'une opération chirurgi
cale. Malgré l'ouverture de l'abcès du mollet, faite la veille , la tempé
rature était , le 27 mai au matin , à 40°,5 ; le soir elle est à 39°, 2 , le len_
572 J. RENAUT .

demain matin à 38°, le soir du même jour à 370,4 ; et une fois seulement
depuis elle s'est relevée à 390,5 , le 2 juin au soir, pour se maintenir
depuis ( et nous sommes au 30 juillet) constamment entre 370,5 et 38°.
On continue toujours les lavages biquotidiens, la plaie du mollet est
guérie, l'arthrite de l'index se termine par ankylose ; l'albuminurie est
réduite à un nuage léger dans l'urine redevenue d'apparence normale.
Le traitement par le sublimé a coupé court en deux jours et demi, à
une infection qui , laissée à elle-même, menaçait de se terminer rapide
>

ment par la mort.


En même temps, comme pour montrer qu'elle n'était pas morte,
ainsi l'appelle notre maître syphyligraphe Diday, quand elle аa définili
vement cessé toute manifestation apparente, la vérole s'accusait chez
notre malade par un rudiment d'accidents tardifs, par une très légère
syphilide palmaire psoriasitorme; ce qui nous autorise à penser que,
parmi les ulcérations ano-rectales, il en doit subsister qui sont encore le
fait de la syphilis en activité, et qu'il ne s'agit pas exclusivement d'ul
cères produits, sur la cicatrice du syphilome entièrement évolué et
mort, par l'action irritante des matières stercorales en stagnation .
III

Nous avons suffisamment dégagé de la syphilis, je pense, l'accident


induit par une de ses lésions, l'infection pyo -septicémique, consécutive
au syphilome anorectal et au rétrécissement du rectum . Et ce qui
prouve bien , messieurs, que cette infection est essentiellement étran
gère à la syphilis, c'est qu'on l'a observée dans des cas où le rétrécisse
ment du rectum s'est développé à la suite de la dysenterie, par exemple.
Dans ces conditions il n'est pas rare d'observer à la fois des accidents
d'embarras stercoral chronique, des ulcérations consécutives à la sta
gnation des fèces et, épisodiquement, des résorptions putrides ou même
une véritable pyémie. Qui ne sait d'ailleurs que la cause la plus fré
quente des abcès du foie que l'on observe dans les pays chauds réside
dans des ulcérations chroniques du gros intestin qui , à un moment
donné, deviennent la porte d'entrée de parasites pyogènes, introduits
dans le tube intestinal par la voie alimentaire ? Dans ces cas n'est- il pas
évident que les relations qui unissent la maladie primitive, la dysen
terie, à l'accident infectieux épiphénoménal, sont exactement les mêmes
que celles que nous venons d'indiquer entre la syphilis et le faux rhu
matisme pyogénique ? C'est là même ce qui justifie le caractère com
préhensif et jusqu'à un certain point vaguc du terme que j'emploie. Le
mot parasyphilitique ne signifie en effet rien autre chose qu'un accident
introduit dans l'organisme à l'occasion , à la faveur, par la voie d'une
ACCIDENTS PARASYPHILITIQUES . 573

lésion syphilitique et évoluant ensuite d'une façon distincte : motivant


un diagnostic, un pronostic, un traitement spéciaux et tout à fait élran
gers àછે ceux que comporte par elle-même l'affection syphilitique.
Ces accidents d'induction , pour ainsi dire, constituent des complica
tions secondaires de la syphilis qu'il faut bien connaitre, qui n'ont été
jusqu'à présent indiquées que d'une manière vague, et qui, je puis vous
l'assurer, se reproduisent assez souvent au cours de la vérole . Je viens
d'en décrire un , il y en a d'autres ; il importe de les signaler dans chaque
cas où on les observe afin que chacun sacre, lorsqu'il est en présence
d'un accident syphilitique donné , ce que vaut cet accident tant au point
de vue de ses conséquences en tant que lésion spécifique qu'à celui des
épisodes morbides étrangers à la syphilis dont il peut commander l'ap
parition .
J'ai essayé dans le cas particulier de vous montrer ce que valent les
lésions syphilitiques ulcéreuses qui créent, sur la peau ou les mu
queuses, des plaies vives à longue évolution. Non seulement ces plaies
auront leurs conséquences propres, quant à l'effet des pertes de sub
stances créées, des désordres consécutifs à l'extension du processus in
flammatoire , de la formation des cicatrices, etc. , mais elles pourront
7

devenir occasionnellement l'origine d'infections surajoutées à la syphilis


et traduites soit par une néphrite, soit par une septicémie, une pyémie ,
un faux rhumatisme infectieux , etc.; le tout le plus ordinairement sui
vant un mode atténué, diſticile à reconnaître pour un esprit non pré
venu . Ce sont là les véritables accidents parasyphilitiques qui me sem
blent, à cause de leur caractère absolument individuel , devoir être séparés
soigneusement des complications ordinaires de la vérole et groupés sous
une désignation collective particulière.
J'ai autrefois observé un cas très intéressant d'ostéoporose syphili
tique des os du crâne consécutives à un cathétérisme impur de la trompe
d'Eustache. La malade portait sur le coronal une large plaque dénudée,
criblée de bourgeons charnus faisant issue par les lacunes de l'os ra
réfié. La lésion était extensive et commençait à intéresser la dure-mère ,
créant par sa propagation même des accidents de pachy-méningite chro
nique. Croit-on qu'il faille ranger ces accidents exactement à côté des
érysipèles faciaux fréquents dont cette femme était atteinte ? Poser cette
question c'est la résoudre . La méningite était une complication vérita
blement syphilitique, que l'on pouvait espérer d'enrayer en enrayant la
lésion spécifique des os ; l'érysipèle à retours était un accident para
syphilitique résultant de ce que le streptococcus de Fehlersein s'était in
séré sur le syphilome végélant de manière à produire une infection
seconde , ayant ensuite son caractère individuel et ses conséquences
propres .
574 J. RENAUT .

On pourrait m'objecter -- et je me hâte de dire qu'on m'a objecté,


que si l'on admet des accidents parasyphilitiques il faudra bientôt, pour
des acridents du même genre introduits par d'autres maladies que la ve
role, employer le même terme modifié, et admettre par exemple l'exis
tence d'accidents parablennorragiques, parudysentériques, parado
thiénentériques, etc.
Je ne verrais à cela , je l'avoue, aucun inconvénient. Le mot que je
propose est, il est vrai, un neologisme ; mais ce néologisme répond à un
ordre d'accidents très spécial et il évite non seulement une périphrase,
mais encore toute la suite de considérations que j'ai dù prendre quelque
peine à vous exposer clairement au début de cette leçon . Et pour ne
parler que de la blennorragie, croit -on que si ces considérations avaient
été bien présentes à l'esprit des médecins de notre époque, on aurait
tant discuté sur la nature du rhumatisme blennorragique qui n'est , lui
aussi, qu'un accident d'infection que la chaudepisse n'engendre pas et
auquel elle ne fait qu'ouvrir la porte ? Vous ferez d'ailleurs, - et avec
moi tout le premier, bon marché du terme s'il vous répugne de
l'adopter. La clinique est une science positive qui ne tient à aucun
mot , pourvu qu'elle acquière, dans l'intérêt du malade et du médecin, la
notion exacte des choses.
II

DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES ( 1 ) ,


Par le professeur A. VERNEUIL.

L'une des maladies intercurrentes qui mérite le plus l'attention des


chirurgiens est à coup sûr l'herpes. Il éclate soudainement au cours
d'une affection chirurgicale, sans cause apparente, avec fracas si je puis
ainsi m'exprimer, et de manière à faire redouter quelque complication
sérieuse. Le premier jour, le diagnostic est presque impossible, car on
peut croire à une lymphangite ou à un érysipèle, mais dès le lende
main , en même temps que les symptômes généraux s'amendent, on voit
apparaitre les vésicules caractéristiques autour de la plaie ou dans les
lieux d'élection de l'éruption : lèvres, ailes du nez, régions diverses du
visage.
C'est à titre de maladie intercurrente que je place , à la suite de la
thèse de M. Dunoyer, mon mémoire de 1873 sur l'herpès traumatique;
mais je saisis cette occasion pour réunir d'autres documents sur les
dermatoses dans leurs rapports directs ou indirects avec le traumatisme.
Je reproduirai donc successivement :
1 • Une note écrite en 1868 sur les Éruptions septico-pyohémiques ;
2. Les deux publications de mon élève très regretté le Dr Tremblez ;
3º Enfin quelques extraits de thèses soutenues à notre Faculté de
1872 à 1880 .
Le lecteur aura de la sorte un aperçu sommaire de celte intéressante
question.
DE L'HERPÈS TRAUMATIQUE (2) .
On sait, depuis 1859 , que certaines lésions des nerfs peuvent pro
voquer des éruptions vésiculeuses offrant tous les caractères de l'herpes
ou du zona,
Cette donnée curieuse , introduite dans la science par mon savant ami,
(1) Nous croyons étre agréablo á nos lecteurs en reproduisant un extrait do
l'intéressante étude que M. le professeur Verneuil consacre aux éruptions cutanées
chirurgicales et dont il a bien voulu nous communiquer les bonnes feuilles. (Ver
neuil , Mémoires de Chirurgie, 1. IV, chez Masson (sous prosse) . ( La Rédaction .)
( 2) VERNEUIL , Mémoires de la Société de biologie, 3 mai 1873 , 5° S. , t . V ,
P. 15.
576 A. VERNEUIL .

le professeur Charcot, confirmée par Brown - Séquard et plusieurs sa


vants étrangers, s'appuie aujourd'hui sur des faits nombreux.
On la trouve exposée avec détails dans plusieurs thèses importantes
de la Faculté de Paris (Mougeot, 1867 ; Couyba, 1871 ; A. Hybord, 1872 .
La lésion nerveuse capable de faire naitre la dermatose est probable
ment une névrile, laquelle peut être spontanée ou consécutive à une
blessure ( plaie , contusion , compression , etc. ) , de sorte que les chirur
giens doivent compter l'herpès ou le zona parmi les complications sus
ceptibles de se montrer pendant le cours d'une blessure ou d'une opé
ration , admettre, en d'autres termes, un herpès traumatique.
Cette adjonction , au cadre déjà si rempli des affections ou maladies
surajoutées aux blessures, d'une affection qui jusqu'ici passait pour
spontanée, ne surprendra pas ceux qui savent qu'un blessé peut être
atteint de toutes les manifestations morbides locales ou générales possi
bles ayant pour point de départ et pour causes : la blessure elle-même,
la constitution du sujet, le milieu ambiant ou certains incidents survenus
pendant l'évolution de la lésion traumatique. Étant reconnu que le trau
matisme est une cause pathogénique très générale, on comprendra sans
peine qu'il peut provoquer l'herpès comme l'érysipele, le tétancs ou tout
autre accident des plaies ; aussi ne reste - t -il plus qu'à rechercher les
conditions dans lesquelles se montre ou se montrera la manifestation
cutanée susdite.
La présente note a pour but de déterminer ces conditions .
Rangé, jusqu'à ce jour, parmi les troubles trophiques consécutifs aux
lésions des nerfs, l'herpės traumatique apparaît dans des circonstances
assez dissemblables.
1 ° Le nerf étant blessé dans sa continuité, c'est - à -dire entre son ori
gine à l'axe céphalo -rachidien et sa terminaison , l'éruption apparait à la
peau, sur le trajet périphérique du nerf, entre le point blessé et les
expansions terminales ; ainsi, par exemple, à la suite d'une contusion
du sourcil, l'herpès se montre au front sur le trajet du nerf frontal. Ces
cas , plus communs que les autres, ont été les premiers signalés.
On devrait ranger dans la même catégorie l'herpès qui succéderait à
des lésions traumatiques de la moelle, de l'encéphale et des ganglions
placés sur le trajet des nerts sensitifs. A la vérité, les observations ſont
encore défaut pour établir cos variétés, mais elles peuvent se produire
d'un jour à l'autre , puisque déjà nous connaissons le zona consécutif à
des lésions organiques de la moelle épinière, et que plusieurs auteurs,
Berensprung en particulier, attribuent un rôle capital au ganglion de
Gasser dans la production du zona facial spontané, hypothèse que tend
d'ailleurs à confirmer une observation qu'on lira plus loin .
En tous cas, que la blessure porte sur l'axe cérébro -spinal, sur les
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 577

ganglions ou sur la continuité d'un nerf, l'éruption présente un siège


constant, elle se montre toujours entre le point blessé et'les expansions
terminales du neri , l'herpès ou le zona sont périphériques ou centri
fuges comme la paralysie qui suit la section d'un nerf, comme l'ischémie
qui suit l'occlusion d'une artère, etc.
2° Un nerf est divisé complètement en travers, mais le bout périphé
rique et les expansions terminales sont supprimées comme dans une
amputation , par exemple : les lambeaux sont innervés par des rameaux
nés à un niveau plus ou moins élevé au- dessus de la section et les ter
minaisons nerveuses sont intactes . C'est cependant sur ces lambeaux ,
c'est-à- dire sur le territoire de ces terminaisons respectées que se mon
trera l'herpės. Je rapporte deux fails de ce genre tout à fait démons
tratifs .
L'explication en est moins facile que dans les cas de la première caté
gorie, car on ne peut plus invoquer le trouble trophique dépendant de
la dégénérescence du bout périphérique.
Il y a ici phénomène morbide de voisinage, siégeant sur des tissus
primitivement épargnés par la cause vulnérante, phénomène suscep
tible de deux interprétations : ou bien il y a névrite, et alors, il faut
supposer qu'elle s'est propagée à une certaine étendue du bout central
contenu dans le moignon , ou qu'elle a envahi les terminaisons cutanées
rampant dans les lambeaux; -
ou bien il faut faire intervenir une
action morbide réflexe partant des tronçons nerveux compris dans la
cicatrice et revenant se manifester au voisinage immédiat de cette der
nière. L'hypothèse de la névrite ascendante ou collatérale serait peut
être plus admissible . Dans tous les cas, comme forme clinique, il y a
lieu d'admettre un herpès traumatique de voisinage.
3. Cette variété établit la transition entre l'herpès périphérique et la
forme qui nous reste à étudier. La blessure porte ici sur des terminai
sons nerveuses ou sur des rameaux de petit volume ; quant à l'éruption ,
elle apparaît sur des districts cutanés , n'ayant avec la région blessée que
des relations nerveuses indirectes, éloignées, établies uniquement par
les ganglions ou même par le centre cérébro - spinal.
Force est donc, pour interpréter ces faits, d'invoquer ou une altéra -
tion générale du sang ou l'action réflexe pure . En attendant que nous
discutions ces deux causes pathogéniques, nous sommes en droit
d'admettre en clinique une troisième forme : l'herpès traumatique à
distance . Cette forme est déjà signalée par les auteurs, par M. Mougeot,
en particulier, qui la considère comme rare, et qui n'en rapporte pas
d'observation particulière. C'est surtout pour combler celte lacune avec
des faits qui me sont propres, que je prends aujourd'hui la plume.
Cependant, en ce qui touche les autres formes, les faits ne sont encore
578 A. VERNEUIL ,

ni assez nombreux, ni assez complets pour qu'il soit sans intérêt d'en
grossir le nombre. Je rappellerai donc ceux que la pratique m'a offerts .
Obs . I. - Fracture de la base du crânc. - Lesions de plusieurs nerfs moteurs.
Zona de la face. Guérison .

Ch..., Alphonse, dix -neuf ans, taille moyenne, constitution faible , entre å
Lariboisière, le 13 octobre 1871 à huit heures du matin. Une heure avant, il
a eu la tête violemment serrée entre deux caisses remplies de verre dont
l'une a frappé la tempe gauche. Perte de connaissance, sommeil profond dont
Ch ... ne sort que de temps en temps pour crier et se débattre avec énergie.
Respiration lente, suspirieuse, pouls large et très lent . Température axillaire,
36° , 4 .
L'intelligence parait conservée jusqu'à un certain point, car lorsqu'on tour
mente le blessé de questions, il finit par donner des signes d'impatience et
faire quelques réponses à la vérité inintelligibles.
Malgré la certitude d'un choc sur la tête, on ne découvre sur la face ni
sur le crâne aucune lésion apparente : ni plaie, ni bosse sanguine . Nul symp
tôme du coté des nerfs crâniens, ni anesthésie, ni paralysie , ni déviation
des traits. La mâchoire inférieure se meut régulièrement, les paupières sont
closes, les rides du visage ne sont point effacées ; pas de strabisme, pupilles
légèrement rétrécies.
Ecoulement sanguin peu abondant, mais continu , par le nez, la bouche et
les deux oreilles ,
Quand on demande avec insistance au blessé où il souffre le plus, il finit
par porter sa main derrière l'oreille gauche, el parfois aussi, derrière l’oreille
droite . La pression forle exercée dans ces deux points provoque de la dou
leur, surtout à gauche.
En examinant le conduit auditif de ce colé , on remarque que la colonne
sanguine qui remplit cette cavité monte et descend régulièrement et que
ces mouvements sout synchrones à ceux de la respiration. On ne peut répé
ter la même exploration à droite parce que Ch ... se lieut obstinément couché
sur ce côté , se débat et pousse des cris perçants quand on veut le déranger.
L'examen des autres régions du corps ne révèle aucune lésion visible. Les
membres ne sont ni contracturés ni paralysés. La sensibilité est partout con
servée. Cependant émission involontaire de l'urine et des matières fecales
liquides. De icmps en temps, régurgitation de sang noir provenant, sans
doute, du pharynx et de la cavité nasale .
Diagnostic : Fracture transversale de la base du crâne , intéressant le ro
cher gauche, probablement aussi le rocher droil, et traversanı la ligne mé
diane, au niveau du sinus sphénoïdal, avec contusion cérébrale et épanche
ment sanguin à la base du cerveau . On prescrit l'opium à pelites doses sou
yent répétées.
Le soir, vive agitation , peau chaude, soif ardente, pouls petit, rapide, à
120. Température rectale , 39 degrés. Face très påle ; l'écoulement sanguin
continue par le nez et les deux oreilles. On continue l'opium et on applique
des sinapismes aux membres inférieurs.
Le lendemain matin, 14 octobre, la nuit a été assez calme, le malade pro
nonce quelques paroles indistinctes ; l'écoulement sanguin a cessé complète
ment pour ne plus se reproduire. La face est loujours très pále . De nouveaux
signes révèlent d'une manière évidente des lésions nerveuses multiples :
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES. 579

1 ° Paralysie du nerf facial gauche très marquée au visage, mais avec con
servation complète des mouvements de l'orbiculaire palpebral gauche ;
2. A droite, strabisme convergent et chute de la paupière supérieure, ce
qui traduit une paralysie du moteur oculaire externe et une pıralysie incom -
plète du moteur oculaire commun. Le nerf facial de ce côté a conservé loute
son action . Derrière l'oreille gauche, vive douleur au toucher et apparition
d'une ecchymose dans la région mastoïdienne.
État général mauvais, céphalalgie intense ; le malade gémit continuelle
ment en portant ses mains à sa tête . Soif vive, refus absolu d'aliments .
Langue courerte d'un enduit épais; pouls vibrant, dépressible et modéré
ment fréquent ; elat comateux persistant , température basse , 370, 4 .
On prescrit le calomel et un large vésicaloire à la cuisse gauche. Le ca
Jomel n'a provoqué que des vomissements bilieux ; le soir , sangsues derrière
l'oreille gauche.
Le 15, nuit agitée . Cris violents de temps à autre, mais l'intelligence semble
plus nelle . La région mastoïdienne droite devient à son tour douloureuse au
toucher, sans qu'on y remarque ni gonflement ni ecchymose. La paralysie du
facial gauche et des moteurs oculaires droits persiste.
Un nouveau phénomène apparait ; toute la peau de la moitié gauche de la
face est considérablement hyperesthésiée. Le contact le plus léger provoque
des cris et de l'agitation . Cependant, il n'y a pas de changement de couleur
appréciable. On prescrit une application de sangsues derrière l'oreille droile ,
et un lavement fortement purgatif, car depuis les évacuations du premier jour
il n'y a pas eu de selles. L'opium sera repris la nuit.
Le 16 , amélioration marquée, abatlement moindre ; on obtient quelques
réponses claires. La paralysie du releveur de la paupière droite n'est plus
aussi complėle . Pouls meilleur, soifmoins vive. Il y a eu plusieurs selles.
En divers points du tégument de la partie gauche du visage qui, la veille ,
avait présenté une exaltation de la sensibilité, on voit apparaitre une érup
tion très évidente d'herpès. Les groupes composés de huit à dix vésicules,
bien isolés les uns des autres , se montrent sur l'aile du nez , le lobule de la
lèvre supérieure, la commissure labiale gauche, la région génale, la lèvre
inférieure. L'éruption est nellement limitée au colé gauche et sur les lèvres,
s'arrête exactement à la ligne médiane. Les points qui supportent les vési
cules sont à peine un peu rouges. La sensibilité de la peau est toujours exa
gérée . La région palpebro - frontale ne présente ni hyperesthésie, ni érup
tion .
Le 18 , le contenu des vésicules se trouble et le sentiment de cuisson qui
était assez incommode se calme . L'état général s'améliore lentement, mais
d'une façon continue. L'intelligence est presque normale.
Le 20 , l'hyperesthésie du colé gauche de la fare a disparu . Les vésicules
d'herpes sont remplacées par de petites croûtes brunâtres. L'incident est évi
demment terminé .

Le malade a fini par guérir en conservant ses paralysies musculaires


et divers troubles cérébraux, mais j'ai abrégé son histoire pour appeler
surtout l'attention sur les phénomènes cutanés.
On a pu remarquer que les symptômes nerveux antérieurs à l'éruption
herpétique se rapportaient surtout à l'éruption du cerveau et des nerfs
moteurs. La sensibilité tégumentaire n'avait pas été modifiée jusqu'à
580 A. VERNEUIL .

l'apparition de l'hyperesthésie, prélude de l'éruption, et cette hyperes


thésie elle -même n'a pas survécu à la dessiccation des vésicules. La
nutrition des parties molles de la face, les sécrétions cutanées et sali
vaires n'ont présenté, ni en ce moment ni plus tard , aucun changement
appréciable. Le zona est resté exactement limité aux parties où se mon
trait la paralysie du facial , épargnant même la région palpebrale alors
que l'orbiculaire avait conservé sa contractilité. De sorte qu'en ce cas
au moins on serait tenté de conclure que l'éruption herpétique était
plutôt sous l'influence de la lésion évidente du facial, nerf moteur, que
d'une lésion équivoque du trijuineau .
Tout en faisant cette remarque, je ne veux pas en inférer que le zona
n'est point sous la dépendance des nerfs sensitifs , opinion généralement
admise et qui s'appuie très logiquement sur les rapports si fréquents
entre les névralgies et la dermatose en question. Il ne serait d'ailleurs
pas malaisé de faire rentrer ce fait dans la loi commune en rappelant
que le nerf facial au visage entraîne avec ses fibres motrices une certaine
quantité de fibres sensitives, ou bien encore en invoquant une lésion
quelconque du ganglion de Gasser. En effet, qui sait si dans les désor
dres causés à la base du crâne par la fracture, le ganglion susdit n'a
pas été contus, déchiré, comprimé par l'épanchement sanguin ?
HERPÈS DE VOISINAGE .

Je réunis les deux observations suivantes qui ont de commun l'ap


parition de l'herpes sur les lambeaux d'une amputation ancienne; mais
qui se rapprochent aussi des cas d'herpès à distance, puisque d'autres
points du corps ont simultanément présenté des manifestations cutanées
de même ordre. Au reste , nous verrons plus loin que, si l'admission de
formes distinctes est utile à l'étude dogmatique, la clinique se charge
de montrer la combinaison et la sériation de toutes ces formes, vérité
générale sur laquelle il n'est plus nécessaire d'insister.

Obs . II . Amputation d'un doigt. Nevralgie du moignon .


Herpès des lambeaux et des lèvres.

Un jeune apprenti papetier dut subir l'amputation du médius gauche pour


une tumeur fibreuse de la gaine des tendons fléchisseurs qui simulait un
névrome par les douleurs très violentes que le moindre contact y provoquait.
L'amputation fu: faite dans l'article melacarpo -phalangien par la méthode à
deux lambeaux. La guérison s'effectua sans le moindre accident. Le moigoon
était excellent et supportait fort bien toutes les pressions. Au printemps sui
vant, sept à huit mois plus tard, ce jeune homme vint me trouver pour des
douleurs très vives qu'il ressentait dans la cicatrice et qui s'exaspéraient non
seulement au contact, mais encore à la moindre exposition au fruid. Depuis
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 581

plusieurs jours, le malade n'osail pas se laver les mains. Il attribuait son
mal à une immersion prolongée de la main dans l'eau froide quelques jours
auparavant.
L'hyperesthésie était extrême et les douleurs s'irradiaient très haut sur le
bras. Cependant on ne constatait pas la moindre lésion dans le moignon. Les
lambeaux étaient souples et aussi sains que possible .
Je prescrivis les onctions locales avec l'extrait de belladone et l'enveloppe
ment du membre avec une épaisse couche de ouale , enfin l'immobilisation du
bras contre le thorax ; le soulagement fut presque nul.
Deux jours après, léger malaise considéré comme dû à un embarras gas
trique et traité par un éméto -cathartique. Quarante -huit heures après, érup
lion d'herpės labial . En même temps, le malade m'annonce que les douleurs
de la main ont à peu près disparu. Je défais le pansement, qui n'avait pas
été changé depuis cinq jours, et je reconnais non sans surprise cinq ou six
vésicules d'herpes sur le sommet des lambeaux , qui étaient encore un peu
sensibles au toucher.
Trois ou quatre jours après , malaise, névralgie, éruption, tout avait dis
paru .

Obs . III. - Tumeur blanche du genou . Essais infructueux de conserva


tion . -Douleurs très violentes. Amputation de la cuisse . Accidents
nerveux divers . Eruption herpétique du moignon ( 1 ).

HERPÈS A DISTANCE .

Les exemples de cette forme paraissent fort rares ; je n'en ai trouvé


que trois dans les auteurs, et encore deux sont presque sans valeur
cause de leur concession .
M. Albert Hybord en emprunte un à de Haen : « Homme jusque- là
bien portant; après l'arrachement d'une dent, à la suite de violentes
odontalgies, éruption sur le front , les paupières, la joue à gauche ; wil
sain . »
Et un autre à M. Panas : « Garçon de 3 ans, à la suite d'un coup,
éruption de vésicules herpétiques sur les deux paupières droites, sur la
joue avec blépharo - conjonctivite (2) ►
La première observation véritablement importante est due à Esmarch,
qui l'a communiquée à Bærensprung. J'en donne ici la traduction com
plète (3) .

( 1 ) Cette observation a été reproduite déjà dans mon travail sur les Névral
gies traumatiques précoces, in Mémoires de chirurgie, t. III , p . 556. J'en
donne seulement ici le titre.
(2 ) A. HYBORD , Zona ophtalmique, Thèse de Paris , 1872, p . 142-146 .
(3) Annalen des Charité Krankenhauses zu Berlin , Band IX , Heft 2,
S. 120, 1861 .
AXXALES DE DERMAT . , 2° SERIE . VI. 38
682 A. VERNEUIL .

Obs. IV. - Hydrocèle. – Double ponction. .

Inflammation de la tunique
vaginale . -
Herpès de la cuisse . - Mori.

Homme vigoureux, 55 ans, atteint depuis neuf mois d'un hydrocèle du


volume d'une tete d'enfant, opéré , le 7 janvier 1855, par ponction et injec
lion de chloroforme . La réaction fut minime et le liquide se reproduisit; on
répéta donc la même opération le 27 janvier . Cette fois, la réaction fut plus
forte . Le septième jour, -la tunique vaginale et le cordon devinrent si gonflés
et si douloureux qu'on fut obligé de faire plusieurs applications de sangsues.
La percussion montra qu'outre la sérosité, il existait dans la tunique vagi
nale de l'air, qui fut plusieurs fois extrait avec un trocart explorateur, mais
qui se reproduisait toujours. Le fluide de mauvaise odeur devint purulent, les
douleurs augmentèrent et le malade s'affaiblit; c'est pourquoi , le 19 février,
on incisa le scrotum et toute la tunique vaginale d'où s'écoula beaucoup de
pus et de sang. L'hémorragie fut considérable. Au bout de quelques jours,
la surface interne du sac commença à bourgeonner et le 10 mars les bour
geons formèrent à sa partie inférieure un sac retenant le pus et qui dût ètre
incisé. Le 13 mars, le malade eut de la fièvre, de l'anorexie, de la cépha
lalgie ; les bourgeons charnus parurent secs et d'un rouge sombre .
La nuit suivante, douleurs vives, brûlantes à toute la face postérieure du
membre inférieur gauche, depuis la fesse jusqu'au milieu de la plante du
pied. Le lendemain matin, 14 mars, paraissent sur toute cette surface de
nombreux groupes de vésicules de volume variable jusqu'à la grosseur d'un
pois et remplies d'un liquide d'un jaune rougeâtre . Dès que les vésicules
furent complètement formées, la douleur cessa peu à peu . Le jour suivant,
clles se changèrent en croûtes d'un jaune brun . Mais la fièvre et les symp
tômes gastriques continuèrent .
Le 20 mars, il restait à peine trace de l'éruption, lorsque survinrent des
douleurs lancinantes très vives à toute la face postérieure du membre gauche,
particulièrement violentes à la sortie du nerf sciatique et vers la téte du
péronė. Les accès se renouvelant sans type régulier étaient augmentés par
les attouchements et les mouvements de la jambe, adoucis, au contraire,
quand le pied était appuyé contre le bout du lit. Térébenthine, vésicatoires,
morphine , mixture de Fothergill, bains chauds sont restés sans effel. Le ma
lade s'affaiblissait toujours .
Le 13 avril , un abcès froid se montre dans le triangle iléo-fémoral gauche.
Le 17 , deuxième abcès plus gros au côté gauche du dos , et, en même temps,
épanchement pleurétique du même côté . Mort le 20 avril.
Autopsie. — Thrombose de la veine crurale gauche, épanchement énorme
dans la plèvre gauche. L'abcès du dos ne communique point avec la plėvre.
Dans la gaine du psoas gauche, gros abcès qui passe sous le ligament de
Poupart pour communiquer avec celui du triangle ileo -fémoral. Troisième
abcés sous le muscle grand fessier gauche. La gaine du nerf sciatique gau
che, là où il sort du bassin , était congestionnée, infiltrée, edémateuse. Point
d'infarclus dans les poumons .
Esmarch pense que l'irritation du nerf sciatique a été la cause première de
l'herpès et de la névralgie .
J'arrive maintenant aux faits qui me sont propres. Ils présentent un
certain nombre de caractères communs qui les distinguent assez nette
ment des précédents et permettent d'en faire une classe à part :
DES ERUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 583

1° L'éruption s'est montrée à une certaine distance de la blessure sur


les territoires nerveux respectés par l'agent vulnérant;
2° Elle est survenue peu de temps après la blessure, alors que le tra
vail réparateur était en voie d'évolution . Elle était donc relativement
précoce, tandis que, dans la plupart des cas d'herpės périphérique, elle
n'a surgi qu'après des semaines ou des mois;
3° Elle a été constamment accompagnée de phénomènes généraux
plus ou moins intenses, comme dans l'herpès febrile d'origine spon
tanée ; de sorte qu'avant l'éruption on aurait pu croire à une fièvre trau
matique secondaire ;
4. Dans les trois faits que je vais relater, le foyer de la blessure est
devenu le siège de modifications locales particulières, de lésions de la
membrane granuleuse, qui m'ont paru l'écho et non le point de départ
de l'état général . Le pourtour même de la plaie a participé au travail
morbide dont cette dernière était le siège.
Ces modifications locales ont disparu après la cessation de la fièvre et
n'ont pas semblé nuire notablement à la cicatrisation définitive.

Obs. V. – Herpès guttural et labial, suite de plaie


du voile du palais.

Garçon de la campagne, 18 ans, bonne constitution, entre à l'hôpital au


printemps de 1872, pour un polype naso-pharyngien qui déprime fortement
le voile du palais. Des hémorragies fréquentes et abondantes ont amené une
anémie prononcée.
Je fends sur la ligne médiane le voile du palais dans toute son étendue
avec le couteau galvanique; puis, à l'aide de l'écraseur, je résèque la plus
grande partie du polype.
L'opération ne détermine qu'une réaction insignifiante. Des irrigations fré
quentes à l'eau fraiche calment bientôt l'inflammation locale.
Au huitième jour, le malade, très soulagé et respirant sans peine, se levail
du matin au soir, buvait, mangeait et dormait comme en pleine santé. Les
plaies latérales du voile étaient roses et bien bourgeonnantes.
Au dixième jour , sans cause connue, la scène change brusquement ; un
frisson violent se déclare, le thermomètre indique 390,6 . La fièvre s'allume
avec soiſ , perte de l'appétit, grand malaise. Les plaies du voile du palais
prennent mauvais aspect ; elles sont recouvertes d'un enduit grisâtre, adhé
rent, diphtéroide. Les bords du voile sont tuméfiés, rouges, le gontlement et
la coloration inflammatoires s'étendent aux piliers antérieurs . çà et là, on
voit de petites taches blanchâtres dues à des dépôts pseudo-membraneux.
Toute la région de l'isthme du gosier est le siège d'une douleur cuisante, la
déglutition est très pénible.
Je reconnais les caractères de l'angine herpétique si bien décrite par Gu
bler. En conséquence, je prescris un éméto -cathartique et des altouchements
réitérés des parties malades avec le jus de citron étendu d'eau .
Le lendemain, la fièvre s'apaise, l'état général est meilleur, mais l'état
584 A. VERNEUIL .

local s'est plutôt aggravé ; la rougeur et les plaques d'exsudation ont gagné
les amygdales et la plus grande partie de la voûte palatine.
Le surlendemain matin, soixante heures environ après le début des acci.
dents , je constate sur la lèvre supérieure et sur l'aile du nez du côté droit
l'éruption de quatre ou cinq groupes d'herpès des mieux caractérisés. Les
vésicules sont développées sur des plaques rouges qui sont le siège d'un
prurit assez vif . La fièvre est tombée , le malaise a disparu , la dysphagie
seule persiste, ainsi que la rougeur diffuse et les exsudations qui, toutefois,
ne se sont pas étendues. Peu à peu , la muqueuse reprend ses caractères
normaux et les plaies se couvrent de nouveau d'une belle couche granuleuse ...
A la fin de la semaine, il n'y paraissait plus.
Une interrogation minutieuse portant sur les antécédents du malade ne
m'apprit rien, si ce n'est une disposition marquée aux angines sous l'intluence
du froid .

Obs. VI . Extirpation de la mamelle. Herpès labial el thoracique.


Aspect diphthéroïde de la plaie. - Guérison ( 1 ).
J'ai opéré, le 29 novembre 1873 , une campagnarde de 39 ans , robuste et
n'ayant jamais été malade, d'une tumeur squirrheuse du sein droit . Le mal
avait débuté depuis longtemps sous forme d'une petite induration indolente
et stationnaire que deux grossesses et une fausse couche n'avaient pas mo
difiée .
Un coup de corne de vache ayant porté , il y a trois ans , sur le point ma
lade, semble au contraire avoir provoqué l'évolution de la tumeur ; depuis
cette époque , en effet, l'accroissement a été continu. Les mouvements du
bras sont génés, des douleurs s'irradient dans le cou et jusqu'aux doigts. Au
moment des règles , le sein est le siège d'élancements assez vifs.
Les ganglions de l'aisselle ne sont point engorgés.
J'enlève la mamelle en totalité; la plaie, maintenue béante, est paasée
avec l'eau phéniquée projetée en poussière plusieurs fois dans les vingt
quatre heures.
Suites fort simples ; la fièvre traumatique commence le soir même, mais
reste fort modérée, le thermomètre n'ayant jamais atteint 39º. Nous n'avons
å signaler comme phénomènes notables que des sueurs abondantes et une
rétention d'urine qui , pendant fort longtemps, nécessita le cathéiérisme
répété deux ou trois fois par jour. Dès le quatrième jour la plaie, partout
détergée, présentait la plus belle apparence. Cependant à son pourtour, on
constala plusieurs grandes vésicules remplies d'abord de sérosité, puis d'un
liquide séro -purulent. Je crus devoir les attribuer à l'humidité constante
du pansement, peut-être à l'action légèrement caustique de l'eau phé
niquée .
Le 10 décembre toute fièvre était tombée, et l'état local et général aussi
satisfaisant que possible.
Le 11 , l'opérée accuse du malaise ; la peau est un peu chaude, la tempe
rature surélevée d'un degré . La plaie, jusque-là si belle, a brusquement
changé d'aspect. En certains points elle est recouverte d'une exsudation
( 1) J'ai déjà fait allusion à cette observation dans mon travail sur les
Nevralgies traumatiques précoces, reproduit in Mémoires de chirurgie, l. III,
p . 563 .
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES. 585

blanchâtre disposée en ilots irréguliers, dont les dimensions varient entre


quelques millimètres et plusieurs centimètres. La coloration blanche réside
dans l'épaisseur même de la couche granuleuse, et bien que les points altérés
soient légèrement proéminents, on ne peut point détacher à leur niveau de
véritable fausse membrane ; ailleurs, la couche granuleuse semble au con
traire avoir subi une perte de substance : elle est comme érodée et creuséo
d'ulcérations dont la profondeur n'excède pas 1 millimètre. Ailleurs encore ,
c'est un autre aspect : plusieurs bourgeons charnus paraissent, çà et là, tumé
fiés, boursouflés ; quelques-uns sont d'un rouge livide, ce qui est dù soit à
une congestion de leurs capillaires, soit à une infiltration sanguine, à une
ecchymose dans leur épaisseur même.
Toute la plaie n'est pas ainsi dénaturée ; les lésions précipitées s'occupent
que certains points ; les autres gardent la teinte normale, un peu trop intense
toutefois .
Les points malades de la membrane granuleuse sont sensibles aux contacts
mėme les plus légers et loute la plaie est cuisante ; le pus est mélangé ça et
là d'un peu de sang.
Les causes de ce changement restent incounues ; le pansement a été fait
la veille comme de coutume; il n'y a eu aucun écart de régime . On doit
seulement noter l'absence de selles depuis deux jours. En examinant le facies
qui est légèrement altéré, je découvre l'origine des phénomènes: å un travers
de doigt de la commissure labiale gauche et sur la paupière supérieure du
même coté j'aperçois deux groupes d'herpės comptant chacun six à huit vési
cules ; l'éruption a paru dans les premières heures du jour, précédée de
démangeaisons et de cuisson qui persistent encore.
Rassuré par cette constatation sur la nature des lésions locales , je ne
change rien au pansement et me contente de prescrire un purgatif salin qui
procure trois ou quatre selles abondantes. Le lendemain la fièvre était tom
bée ; le surlendemain la plaie avait repris sa belle couleur uniforme et la
cicatrisation sa marche régulière. Je fus du même coup éclairé sur la nature
de cette éruption vésiculeuse qui , dès les premiers jours, s'était montrée à
la périphérie de la plaie, et que, faute de meilleure interprétation, j'avais
attribuée à l'eau phéniquée .
Les vésicules d'abord remplies de sérosité s'étaient ensuite métamorphosées
en pustules sans induration inflammatoire périphérique, puis l'épiderme
s'étant perforé , une exulceration très superficielle avait apparu avec décolle
ment assez élendu de l'épiderme à la circonférence ; en un moi, nous avions
sous les yeux des aphtes cutanés de grande dimension tout à fait comparables
à l'herpės .
L'absence d'épiderme à la surface de la plaie impliquait l'absence de for
mation vésiculaire, mais les lésions des bourgeons charnus disséminées par
groupes épars sur la vaste étendue de la membrane granuleuse, rappelaient
évidemment la disposition des amas herpétiques. Pour la première fois, je
fus frappé de la ressemblance de ces lésions locales avec celles qui ont été
décrites par Robert sous le noin de diphtérite des plaies.
Cette fois encore , je cherchai en vain dans les antécédents de la malade
des traces de diathèse rhumatismale ou herpétique. Jamais la peau n'avait
présenté la moindre éruption ( 1 ).

( 1) J'ai ultérieurement reçu des nouvelles de cette femme ; sa plaie mammaire


était restée guérie ; mais huit mois environ après la cicatrisation complète, elle
586 A. VERNEUIL ,

Le hasard me fournit presque aussitôt une observation beaucoup plus


curieuse encore .

Obs . VII . -- Extirpation d'une tumeur de la région sous-marillaire gauche;


herpès fébrile de la face ; récidive ; nouvelle opération ; nouvelle éruption
herpétique avec érysipèle ( 1 ) .

ÉTIOLOGIE

Je ne voudrais pas terminer ce travail sans étudier les causes de


l'herpės traumatique. Malheureusement, ici comme ailleurs , l'étiologie
et la pathogénie sont entourées d'obscurité . La rareté même de cette
singulière complication des blessures nous laissant d'ailleurs ignorer les
principales conditions de son développement, nous ne savons ni pourquoi
l'herpes traumatique est si exceptionnel, ni pourquoi il atteint tel sujet
plutôt que tel autre, ni pourquoi il affecte des formes différentes !
Et d'abord existe -t - il un herpes traumatique? L'herpes spontané, n'é
tant pas rare, pourrait à la rigueur se développer sur un blessé comme
sur un sujet quelconque ; il s'agirait donc tout simplement d'une affec
tion intercurrente, d'une coïncidence pathologique et non d'une relation
de cause à effet. On pourrait certainement interpréter de cette façon
l'éruption survenue simultanément à la face et à la main chez le jeune
apprenti amputé du doigt (Obs. II ) .
Mais cette fin de non -recevoir ne serait pas admissible pour l'herpes
périphérique, dont l'apparition sur le trajet du nerf blessé et non ail
leurs, indique clairement l'influence pathogénique directe de la blessure.
Il y a donc certainement un herpès traumatique et pour les deux pre
mières formes (herpes périphérique et herpès de voisinage ), on peut
accepter l'hypothèse d'une névrite développée sur le bout périphérique
ou sur le bout central, ou sur les terminaisons nerveuses rampant dans
l'épaisseur de la peau au voisinage de la cicatrice .
Mais il faut convenir que la théorie de la névrite n'explique plus l'her
pès à distance , puisque les nerfs sur le trajet desquels il se montre n'ont
point été atteints par la violence et que rien ne démontre leur altération
matérielle. Il faut donc pour cette troisième forme au moins chercher
d'autres causes . J'ai depuis longtemps formulé le principe général sui
vant : Lorsqu'à la suite d'une lésion traumatique, lésion essentiellement
locale , on voit apparaître une manifestation morbide dans un point de

avait été prise d'une violente attaque de rhumatisme articulaire aigu généralisé
qui l'a tenue plusieurs semaines au lit. – A. V. 1884 .
( 1) Observation déjà reproduite in Mémoires de chirurgie, t. III , p . 564 .
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 387

l'économie distant du point lésé et n'ayant avec lui aucune relation ana
tomique directe, la manifestation susdite ne peut se produire que par
l'intermédiaire du système nerveux ou du système vasculaire, le système
nerveux agissant par action réflexe , le système vasculaire intervenant
par une altération du sang antérieure ou postérieure à la blessure ou
même contemporaine de cette blessure.
Dans cette hypothèse, il y aurait donc un herpės traumatique réflexe
et un herpès traumatique symptomatique d'un état général diathésique.
La blessure jouerait toujours son rôle dans la production du phénomène,
c'est d'elle que partirait l'impression excitatrice d'une action nerveuse
anormale se montrant au loin . C'est d'elle que partirait l'altération du
sang capable d'engendrer des manifestations morbides généralisées . –
C'est encore elle qui réveillerait dans l'économie les diathèses latentes
au moment de l'accident.
Mais le blessé , par sa constitution antérieure ou acquise , interviendrait
également de son côté ; cette constitution de date ancienne ou récente
jouerait le rôle de cause prédisposante, et nous pourrions dès lors mieux
comprendre pourquoi l'herpès traumatique se montre dans tel cas et non
dans tel autre .
En d'autres termes , le développement de la complication susdite exi
gerait certaines conditions de la blessure et certaines conditions du
blessé ; en dehors de cette combinaison la dermatose cutanée ne saurait
se produire.
Jusqu'à ce jour, il faut en convenir , les auteurs, n'étudiant que l'her
pès périphérique, n'ont découvert que les conditions locales de la bles
sure et mis seulement en lumière l'influence pathogénique de la lésion
nerveuse et de la névrite consécutive. Déjà ils ont compris combien il
était difficile de faire concorder l'extrême rareté de l'herpės traumatique
avec l'extrême fréquence des lésions nerveuses, et ils ont répondu à
l'objection en déclarant que la névrite traumatique était très exception
nelle.
Peut-être auraient -ils mieux fait de s'enquérir de l'état constitutionnel
des blessés . Si je ne me trompe, plusieurs des sujets que j'ai observés
avaient des antécédents bien propres à démontrer le rôle de la prédispo
sition .
Le jeune homme de la campagne (Obs. V) qui n'était ni scrofuleux ni
syphilitique, était sujet aux angines par refroidissement qui , souvent en
pareil cas , sont de nature herpétique. P ..., l'amputé de la cuisse (Obs . III)
et Mme L ... étaient névropathiques à un haut degré et de longue date.
Chez tous les deux , le symptôme douleur était porté à l'extrême. Aussi,
étant connues les relations qui existent entre l'herpès et les névralgies,
on peut dire que ces deux sujets étaient prédisposés à une manifesta
588 A. VERNEUIL .

tion cutanée dans laquelle le système nerveux joue un rôle si évident.


L'observation de Mme L... (Obs. VII) est particulièrement curieuse
sous ce rapport. Cette dame souffre de névralgie faciale depuis vingt ans.
Il y a huit ans, à la suite d'un violent chagrin , elle est atteinte de zona
thoracique à droite . La première opération est suivie d'herpès facial. La
seconde d'herpès facial encore combiné avec l’érysipèle. Deux fois le
traumatisme a été très évidemment la cause déterminante de la derma
tose vésiculeuse et a réveillé la diathèse latente .
J'ai dans mes notes plusieurs exemples d'affections diverses de la peau
ainsi rappelées par une blessure.
Chez un nalade, jadis traité à l'hôpital Saint-Louis, pour une éruption
impétigineuse rebelle du cuir chevelu , une légère plaie de tête ramena
cette éruption avec les mêmes caractères.
Une femme, atteinte autrefois d'eczéma chronique, depuis longtemps
disparn , se fait à la jambe gauche une fracture simple. En dépit des appa
reils les mieux appliqués, cette lésion provoque des douleurs violentes
que rien n'explique. Vers la deuxième semaine apparaît sur la jambe
blessée une éruption très intense qui remonte jusqu'à l'aine, et parait
aussi , quoique plus faible , sur le membre sain .
J'ai vu la syphilis réveillée par des contusions, bien des années après
la disparition des accidents spécifiques. Au point lésé ou dans les envi
rons apparaissaient des syphilides évidentes.
J'ai recueilli, dans un voyage à Lyon , un cas des plus curieux dans
ce genre. Un homme d'une cinquantaine d'années, très bien portant du
reste , et non syphilitique, avait subi l'opération de la cataracte. Trois
jours après, le corps s'était couvert d'une éruption ressemblant assez à
la roséole . Or, c'était la troisième fois que pareil phénomène se montrait
chez lui . La première fois, quinze ans auparavant, le corps était devenu
tout rouge à la suite d'une violente colère. La seconde, huit ans après,
la dermatose avait succédé à une chute qui n'avait produit que des con
tusions sans importance ; l'accident qui apparaissait toujours d'une ma
nière subite s'effaçait lentement en cinq ou six jours.
Je ne vois guère que l'action réflexe, c'est-à-dire le système nerveux
qui puisse expliquer ces faits . A la vérité les antécédents sont quelquefois
nuls et c'était le cas chez ma malade opérée du sein . Je ne pus découvrir
chez elle ni herpétisme ni névropathie quelconque, et cependant on ne
pouvait admettre le simple herpès de voisinage, puisque les vésicules,
outre le pourtour de la plaie, occupaient encore divers points du visage
du côté opposé au foyer de l'opération .
Aucune prédisposition notée non plus chez le malade d'Esmarch.
Mais pour ce dernier cas une autre explication peut intervenir. Si
l'herpès peut se développer spontanément à titre de maladie indépen
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 589

dante, souvent aussi il survient comme épiphénomène dans le cours


d'une maladie aiguë, pneumonie, érysipele , etc. , où l'altération du sang
est évidente. Je l'ai vu , pour ma part, se montrer sous la forme de zona
gangreneux à la fin d'une septicémie grave , déterminée par un abcès
ossifluent symptomatique d'une carie vertébrale .
Une autre fois, j'ai vu l'herpès labial se montrer à la suite d'une
pneumonie traumatique très bénigne provoquée par une fracture de
côte .
L'altération inflammatoire ou septique du sang peut donc incontes
tablement amener l'herpès, et c'est de cette façon que j'interpréterais le
cas si intéressant d'Esmarch. La simple fièvre traumatique aurait - elle la
même propriété ? Rien ne m'empêche de le supposer, en attendant que
les faits le démontrent.
En résumé, et pour le moment, nous sommes autorisés à admettre
pour l'herpės traumatique des causes locales, aidées par une prédispo
sition constitutionnelle et des causes générales provenant d'une lésion
traumatique, sans compter les cas où il y a coïncidence, c'est - à - dire
herpès intercurrent chez un blessé .
Ces remarques suffisent, je crois , pour appeler l'attention des obser
vateurs futurs, sur ce point délicat de pathogenie.
Je demande encore à présenter quelques réflexions relatives à la
diphthérite des plaies et de l'érysipèle phlycténoïde.
Chez les trois opérés atteints d'herpès précoce , les plaies de fort belle
apparence jusqu'à l'invasion du mal ont présenté tout à coup des modi
fications très notables. C'est un fait connu, que les maladies générales
intercurrentes changent l'aspect des plaies et amènent des lésions de la
membrane granuleuse et des altérations de la sécrétion purulente.
Malheureusement ces modifications sont le plus souvent signalées d'une
façon sommaire, et les auteurs n'ont guère pris soin de nous dire si elles
sont identiques dans tous les cas ou présentent des caractères spéciaux ,
suivant la nature de la maladie intercurrente .
Les lésions de la membrane granuleuse sont dues tantôt à une cause
locale , tantôt à un état général; mais on ne dit pas si elles différent
objectivement dans les deux circonstances. Probablement, il en est ainsi,
car il m'est arrivé plus d'une fois de soupçonner l'invasion de la
pyohémie par la seule inspection des bourgeons charnus ou de l'extrémité
tronquée de l'os dans les amputations. Plus d'une fois aussi l'aspect
spécial d'une plaie m'a fait deviner chez certains blessés l'existence
d'une syphilis antérieure . A priori on peut donc admettre que la surface
bourgeonnante révélera parfois, sinon toujours , l'état spécial de la
constitution .
Jusqu'à ce jour, on n'a décrit d'une façon complète qu’un très petit
590 A. VERNEUIL .

nombre d'affections de la membrane granuleuse. L'une d'entre elles a


particulièrement appelé l'attention d'un observateur des plus conscien
cieux parmi nos maitres. Je fais allusion au mémoire trop oublié
d'Al . Robert sur la diphtérite des plaies ( 1 ) . Sous ce titre est décrite
une modification de la membrane granuleuse différant absolument de la
pourriture d'hôpital , même dans ses formes les plus légères, et carac
térisées par des lésions variées que j'ai retrouvées au complet dans les
trois cas qui me sont propres . La similitude était si grande chez le jeune
homme opéré au voile du palais, qu'avant l'apparition de l'herpės labial
je diagnostiquai précisément cette diphthérite traumatique et cherchai à
la combattre par les applications de jus de citron recommandées par
Robert . Je suis persuadé que mon ancien maître aurait qualifié de même
les lésions locales de la surface granuleuse chez mes deux autres opérées ;
et comme dans le courant de sa description Robert note que la diphtérite
est parfois précédée d'un mouvement febrile et passager et qu'elle s'ac
compagne souvent d'hyperesthésie de la plaie, tout porte à croire qu'il a
vu sans la remarquer la lésion herpétique de la membrane granuleuse.
Il y a donc lieu de rechercher si l'état général accompagnant l'herpès
modifie d'une manière spéciale la membrane granuleuse et si cette mo
dification se rapporte à la description de Robert..
Dans tous les articles consacrés à l'érysipèle, on trouve signalée une
variété de cette affection dans laquelle des vésicules, des bulles, des
phlyctènes se montrent sur les parties envahies par l'érythème. L'éry
sipèle est dit alors vésiculeur, bulleux, phlyctenoïde. Cette forme est
assez commune à la face et elle est réputée bénigne. On considère le
soulèvement de l'épiderme comme un simple incident anatomique qui
p’implique aucune étiologie particulière , et je ne sache pas qu'on ait
songé à y voir une combinaison de l'érysipèle avec l'herpès.
A propos du diagnostic différentiel, on avance que la confusion entre
les deux dermatoses n'est guère possible . M. Maurice Raynaud, dans un
excellent article sur l'érysipele s'exprime ainsi : « Pour ce qui est des
différentes éruptions cutanées, telles que herpès, eczéma, hydroa,
pemphygus, etc. , que l'on pourrait, dans quelque cas, confondre avec
les variétés d'érysipele vésiculeux , bulleux ou pustuleux, une conside
ration bien simple suffira pour prévenir toute erreur : c'est que dans
toutes ces affections les vésicules, bulles ou pustules sont primitives et
ne s'entourent que secondairement d'une auréole plus ou moins inflam
matoire, tandis que , dans l'érysipèle c'est la rougeur qui est primitive.
Les divers soulèvements épidermiques qui peuvent s'y manifester sont
autant d'épiphénomènes sans importance et ne prennent naissance que

(1 ) Bulletin de thérapeutique, juillet 1847, t. XXXIII , p . 26.


DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES. 591

consécutivement et par suite de l'intensité de la phlogose cutanée ( 1 ) . »


M. Albert Hybord , qui , de son côté, s'occupe du diagnostic du zona
facial, est moins affirmatif que M. Raynaud ; il convient que ce zona
peut être et a été confondu avec l'érysipèle vésiculeux ou bulleux de la
face ; il indique alors les traits distinctifs des deux affections (thèse
citée , p . 132 ) .
Nous renvoyons le lecteur à ce tableau , consciencieusement tracé et
qui nous parait fidèle. Cependant, en nous appuyant sur l'observation
de Mm Lec ... , nous engageons les observateurs à rechercher si dans
l'érysipele vésiculeux de la face il n'y a pas parfois combinaison, asso
ciation des deux affections cutanées, comme c'était incontestablement le
cas dans l'observation susdite .
Nous résumerons les points essentiels du présent travail dans les
quelques propositions suivantes :
1 ° L'herpes doit être compté parmi les complications possibles des
! ésions traumatiques ;
2 ° Il peut se montrer pendant l'évolution d'une blessure à titre
d'affection intercurrente, indépendante , mais il peut certainement aussi
dériver de cette blessure, être véritablement d'origine traumatique ;
3° On peut en distinguer trois formes : herpès périp:hérique, herpes
le voisinage, herpès à distance ; il peut se montrer pendant le travail
de réparation, herpès précoce, ou longtemps après la cicatrisation, herpès
tardif ; il peut s'accompagner ou non de phénomènes généraux ;
4° Il succède soit à la blessure d'un tronc nerveux, soit à la lésion
d'un ganglion , soit enfin à une plaie commune où les terminaisons ner
veuses sont seules intéressées ;
5° Dans certains cas , il peut s'expliquer par une névrite traumatique ;
mais dans d'autres il faut invoquer soit l'action réflexe, soit une altéra
tion du sang ;
6° L'état névropathique antérieur du blessé semble prédisposer au
développement de l'herpės traumatique ;
7° L'herpès traumatique peut récidiver ;
8° L'herpès traumatique peut coïncider avec l'érysipèle et simuler la
variété vésiculeuse de celte dernière maladie ;
9° Le développement de l'herpès précoce et fébrile s'accompagne
d'une altération de la membrane granuleuse qui rappelle ce qu'on a
décrit sous le nom de diphtérite des plaies, et d'une hyperesthésie
passagère mais assez vive de la plaie ;
10° Le pronostic de l'herpès traumatique est généralement bénin , sauf
le cas d'herpės septicémique ; mais la gravité dépend alors de la maladie

( 1 ) Nouv. Dictionnaire de méd. et de chir. pratiques, t . XIV , 1871 , p. 80 .


592 A. VERNEUIL .

générale. L'herpès à distance est ordinairement passager et ne com


promet pas la cicatrisation . L'herpès périphérique peut être plus tenace,
il suit la destinée de la névrite dont il n'est qu'un symptôme.

APPENDICE .

Je puis ajouter aux faits précédents deux observations recueillies dans


mon service et insérées dans la thèse inaugurale de M. Picaud : Des
éruptions cutanées consécutives aux lésions traumatiques. (Paris, 1875,
p . 23 et suiv . )
Robichon (Florence) entre à la Pitié, salle Saint-Augustin, nº 2, le
6 mars 1875, pour un cancer ulcéré du sein . Les ganglions de l'ais
selle sont engorgés ; la tumeur est mobile sur les parties profondes.
Après l'opération, tout allait à merveille, la malade n'avait point eu
de fièvre , quand, au neuvième jour, elle est prise subitement d'un accès
fébrile.
Pendant que la température monte brusqnement à 390,7, la plaie pré
sente quelques taches ecchymotiques et devient douloureuse .
M. Verneuil annonce pour le lendemain une éruption herpétique. La
malade y est du reste sujette . Le lendemain , en effet, apparaissait un
superbe groupe de vésicules d'herpes sur la lèvre inférieure. La tempé
rature est retombée à 37º . Au pourtour de la plaie sont apparues
quelques taches rouges ; mais elles n'ont pas abouti à la vésicule carac
téristique.
Le surlendemain tous les phénomènes fébriles avaient disparu.
L'observation suivante prouve la possibilité de faire le diagnostic de
l'herpès avant même l'apparition des vésicules .
Cancer mélanique du sein chez l'homme. -
Ablation . Point d'acciden's
primitifs. – Au 20° jour, herpès labial et lésions diphtéroïdes de la
plaie .

M. D ... , artiste, haute taille, brun, maigre, très impressionnable, vie régu
lière, bonne hygiène , emphysème léger; plusieurs attaques de dyspepsie.
Mère morte de cancer intestinal . Il y a trois ans , sans cause appréciable,
apparait à l'aréole du sein droit une petite tumeur indolente, développée dans
l'épaisseur de la peau et ressemblant à une verrue. Cette production fit des
progrès lents , et devint le siège de démangeaisons et de quelques élance
ments. M. le Dr Chevalier, consulté, reconnut une lumeur aplatie , épaisse
d'un centimètre et demi , large comme une pièce de 5 francs, sans adhé
rence profonde et sans ulcération ; il conseilla l'extirpation qui fut
refusée .

( 1 ) Cette observation est indiquée dans la thèse de M. Picaud et dans la


thèse de M. Chenet : Cancer du sein chez l'homme. Janvier 1876, p . 12. Je
reconstitue moi - inêıne ce fait intéressant. A. V. 1884 .
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 593

Six mois plus tard , accroissement de la tumeur ; ulcération à la surface,


engorgement des ganglions axillaires. M. Verneuil, appelé en consultation ,
constate une induration à contour irrégulier, occupant le centre de la ma
melle, sans adhérence au grand pectoral , mais présentant une ulceration
profonde à bords taillés à pic , renversés en dehors, avec pus sanieux au
centre et croûtes sur les bords; l'aspect était celui de l'épithélioma ulcéré,
mais la teinte noire des bords indiquait nettement qu'il s'agissait d'un can
cer mélanique. Dans l'aisselle et le long du bord du grand pectoral , chapelet
de ganglions durs, mobiles, variant du volume d'un noyau de cerise à celui
d'une noisette .
Opération le 18 décembre 1874 : large excision de la tumeur avec sacrifice
autour d'elle d'une zone cutanée saine, large d'un bon travers de doigt ; abla
tion de six à sept ganglions déjà infiltrés de mélanose.
Pansement antiseptique ouvert avec pulvérisations phéniquées ; aucun
accident primitif ni secondaire . Le malade commençait à se lever, lorsque
le vingtième jour, après quarante-huit heures de malaise léger, survint un
frisson violent avec vomissements, fièvre intense à 120°, et modification de
la plaie, qui prend mauvais aspect. Les bourgeons deviennent violacés, bour
soutlés, ædemateux . Quelques-uns paraissent avoir subi une véritable apo
plexie . Les bords de la plaie axillaire ont triplé d'épaisseur. Le médecin
ordinaire craint une iniection purulente.
M. Verneuil, mandé le lendemain matin et informé des accidents survenus
depuis sa dernière visite , soupçonne une attaque de fièvre herpétique dont
les phénomènes précédents auraient été les prodromes . D'après lui, l’érysi
pèle, la lymphangite et l'herpes sont les seules affections qui débutent de la
sorte et modifient ainsi l'aspect des plaies. Dès lors, le pronostic cessait
d'être grave, et un traitement anodin restait suffisant.
Ce diagnostic int confirmé le lendemain par l'apparition autour des lèvres
d'une couronne d'herpès labialis. Après quoi la fièvre tomba et la plaie reprit
peu à peu son apparence normale . De pareils accidents se renouvelérent
encore deux ou trois fois dans la suite .
Le malade succomba un an après environ à un cancer secondaire du
foie.

(Le 3 mars 1875 , un de mes élèves , M. le Dr Bertrand, soutint sous ma


présidence une thèse sur le zona ou herpès traumatique. Ce travail ne
renferme point d'idées originales, mais on y trouve, outre les observa
tions contenues dans mon mémoire de 1873 , les faits antérieurs à mes
recherches.
J'avais à dessein engagé M. Bertrand à réunir ces documents, ne
fût-ce que pour montrer avec quel soin je cite , lorsque je traite quelque
sujet original, tous les faits déjà publiés.
Pour donner une idée de l'état de la question lorsque je n'en occupai,
je reproduirai ici, d'après la thèse de M. Bertrand, les observations
venues à notre connaissance . J'y joindrai un cas jusque-là inédit, com
muniqué à l'auteur par M. Damaschino.
Obs . I. Un homme reçoit une balle à la partie inférieure et postéro
externe de la cuisse. Quelque temps après la guérison de la plaie, douleurs
594 A , VERNEUIL .

vives dans la jambe, presque continues, mais s'exaspérant par accès. Elles
semblent partir de la cicatrice, se répandent jusque sur le dos du pied et
suivent évidemment le trajet des nerfs. Cette névralgie, qui a résisté à tous
les moyens, s'est accompagnée à plusieurs reprises d'une éruption de vési
cules , disposées par groupes tout à fait comme celles de l'herpes zoster, et
siégeant sur les parties douloureuses ( 1 ).
Obs. JI . — Un cultivateur reçoit une charge de plomb à lièvre, à la face in
terne du bras gauche, vers la partie moyenne. Au fond de la plaie , large de
8 centimètres, on aperçoit l'artère humérale, la veine basilique déchirée et plu
sieurs nerfs contusionnés. La plaie se cicatrisa assez vite , mais deux ou trois
ans après, à la partie postérieure et interne de l'avant-bras, éruption ressem
blant au zona , occupant une surface de 4 à 5 centimètres de diamètre, dans
une partie de l'avant-bras privée de sensibilité (2) .
Obs . III . Contusion du thorax. Zona traumatique (3).
Un robuste boucher de 35 ans, montant en voiture , il y a une se
maine, reçut sur le côté gauche du thorax un coup violent suivi de douleurs
vives dans la partie inférieure de la colonne vertébrale, la région sternale et
les gouttières vertébrales . Deux jours après , ces régions se couvrirent de
rougeur, puis d'une éruption vésiculeuse . Aucun mouvement febrile ni avant
ni pendant l'éruption . Au niveau du septième et du huitième espace intercos
tal à gauche, herpes zoster dont les vésicules, s'arrêtant brusquement en
avant au niveau de la ligne sternale, vont en arrière jnsqu'à la colonne ver
tébrale. Douleurs exacerbantes, intermittentes même, revêtant le caractère
névralgique, et si intenses que le malade ne respire que du côté droit de la
poitrine.
Le 5 avril, l'herpės se couvrit de croûtes, et, à partir de ce moment, la
névralgie disparut.
Obs . IV . Zona à la suite d'un effort ( 1).
Journalier, 48 ans, violente douleur dans les reins et au niveau du ster
num , en soulevant un sac de grain pesant un quintal et demi.
Quelques jours après l'accident , sans aucun symptôme fébrile, se déclare
l'exanthème dans les parties douloureuses. Le patient respire presque exclu
sivement avec le côté gauche du thorax, à cause des vives souffrances que
l'inspiration et l'expiration causent .
Dans tout le sixième espace intercostal droit, depuis la colonne vertébrale
jusqu'au sternum , l'éruption herpétique est très caractérisée.
Obs. V. - Zona dorso -abdominal d'origine
probablement traumatique.
Vieille femme, 91 ans ; chute dans l'escalier il y a quelques semaines. Elle
( 1 ) Charcot, Sur quelques cas d'affections de la peau , dépendant d'une in
quence du système nerveux , in Journal de la physiologie, 1839, p. 111,
Obs . 3 .
(2) Rouget, Journal de la Physiologie , 1859, p . 113.
( 3) OPPOLZER, Allg . Wiener med. Zeitung, n° 48, novembre 1866, p . 382.
(4) Thomas, Archiv der Heilkunde, 1866, p . 453 .
DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 595

a roulé quelques marches, contre lesquelles son côté droit a porté. Après la
chute, douleurs vives, au niveau desquelles apparut, après un certain temps,
une éruption occupant une zone large de trois à quatre travers de doigt au
niveau des dernières paires dorsales .
Cette demi-ceinture se compose de groupes de vésicules très confluentes,
nées sur un fond uniformément rouge : elle part exactement des dernières
vertèbres dorsales, se dirige d'avant en arrière et un peu de haut en bas,
et, arrivée vers la partie moyenne de l'abdomen, se relève un peu . Les
vésicules, très aplaties, contiennent peu de liquide et sont dépouillées en
quelques points de leur épiderme, à cause de la pression du dos contre le
lit. Les ulcérations très superficielles marchent rapidement vers la cicatrisa
lion ( 1 ) .

OBS . VI . Zona consécutif à une entorse ( 2) .


Entorse tibio-tarsienne gauche suivie de névralgie sciatique déterminant
des élancements à partir de l'échancrure sciatique. Deux mois après le
début, grosses vésicules perlées, reposant sur un fond rouge, et disposées
en trainées à partir du cou-de-pied jusque sur les phalanges des trois der
niers orteils. Cette éruption dura douze jours et guérit complètement en
même temps que la sciatique.

Obs . VII . -
Zona traumatique (3).
Choc violent sur la région de l'aisselle gauche, suivi de douleurs lanci
nantes s'irradiant sur le thorax en avant et sur la partie interne du bras .
Deux jours après, éruption caractéristique de zona suivant le deuxième et le
troisième espace intercostal et les divisions du brachial cutané interne.
Petites eschares à la base de quelques vésicules. L'éruption guérit en
onze jours ainsi que la nevralgie. Elle n'avait siégé que sur la partie des
nerfs située au delà de la lésion.

OBS . VIII. Zona traumatique. Contusion du thorax (4 ).


C ... , 38 ans, blanchisseuse , a eu treize enfants sans accident pendant ses
couches. Jamais de manifestation de rhumatisme, d'herpės, de névralgie ni
d'affection nerveuse .
Il y a huit jours, chute dans l'escalier ; le côté gauche porte sur l'angle
d'une marche. Aussitoi, douleur au niveau des onzième et douzième coles.
Deux jours plus tard, grande gêne forçant à suspendre le travail; mouve
ment febrile, avec leger malaise , un peu de céphalalgie et perte d'appétit.
Quatre jours après la chute, éruption vésiculeuse au point où a porté le
choc, sans plaie extérieure ni fracture de cotes .
A l'entrée à l'hôpital, le 20 septembre, on découvre deux plaques de
zona. La première siège sur le trajet d'une ligne verticale descendant de
l'aisselle , au niveau de la douzième côle et à peu près au point d'émergence
( 1 ) Thèse de Mougeot, Paris 1867, p . 104 .
(2) BOUCHARD, Gaz , méd ., 1869, p. 150 .
(3) BOUCHARD, Gaz . med ., 1869, p. 156 .
(4) Observation recueillie dans le service de M. DAMASCHINO .
596 A. VERNEUIL .

du nerf perforant latéral. Elle mesure transversalement 8 centimètres et


verticalement 3 centimètres et demi. Cette plaque est couverte de taches
rouges séparées par des espaces de peau saine et de vésicules assez con
fluentes à diverses périodes de leur évolution, les unes à peine formées, les
autres déjà transparentes. La deuxième plaque, située un peu au-dessus de
l'ombilic, mais toujours à gauche et à 4 centimètres de la ligne médiane , est
plus petite ; son diamètre transversal est de 4 centimètres et le vertical de
3 centimètres. Les vésicules sont peu nombreuses et à peine formées.
Dans les points où siège le zona, sensation de cuisson très pénible ; la
pression est douloureuse sur le trajet des nerfs douzième intercostal et
premier lombaire, au point d'émergence des branches et vers la colonne
vertébrale.
Le 21. La deuxième plaque se dessine mieux ; les vésicules se remplis
sent de sérosité. La leur continuant, on pratique une injection de mor
phine .
Le 22. Quelques vésicules se vident et s'affaissent sur la première
plaque ; sur la seconde elles achèvent de se former; quelques autres appa
raissent .
Le 25. Même état local, la douleur diminue.
Le 27. Vésicules remplacées par des croûtes. Quelques taches rouges
persistent. La douleur a disparu . La malade quitte l'hôpital.

En 1876, la thèse de M. Maupetit, Sur l'étiologie et la pathogénie


de l'herpès traumatique , renferme encore une observation inédite,
recueillie dans le service de M. Villemin , au Val- de -Grâce. Il s'agit
d'un zona du thorax, suite de contusions du côté droit , sans plaie,
siégeant au niveau des quatrième, cinquième et sixième côtes en avant ,
des septième, huitième et neuvième côtes en arrière ( Thèse de Paris,
>

1876, n ° 362, p . 27 ) .
Celle de M. Roux, en 1879 , en contient six , également inédites , dont
deux sont relatives à des blessures du genou , une à une contusion de
la face, et trois à des opérations dentaires. Dans ces dernières, recueil
lies par M. le Dr Th. David (1 ) , l'éruption berpétique siégeait au
voisinage de la commissure tiraillée pendant l'opération , et avait été
précédée d'un petit mouvement fébrile ; elle présenta les caractères
et la terminaison de l'herpès labialis fébrile ordinaire. (Contr. à l'étude
de l'herpès traumatique, Th . de Paris, 1879, nº 252. )
Enfin , en 1880 , M. Frilet inséra dans sa thèse dix--neuf observations
nouvelles, dues à MM . Bergounioux et Lailler, ou prises par lui-même
dans divers services de chirurgie militaire. Pour lui , l'herpès ou
l'eczéma qui survient après les blessures est le plus souvent l'indice de
la diathèse herpétique du sujet. ( Contr. à l'étude des manifestations
herpétiques dans leurs rapports avec le traumatisme, Th. de Paris,
1880 , n ° 108. )

1) Communication à l'Académie de médecine, 9 septembre 1879, p. 917.


DES ÉRUPTIONS CUTANÉES CHIRURGICALES . 597

Depuis que les travaux précédents ont été publiés, j'ai maintes fois
observé des faits semblables et réfléchi à leur pathogénie . Sur ce der
nier point, l'obscurité est encore bien grande, l'herpès étant une des
affections dont les causes sont le moins connues , sans doute parce
qu'elles sont multiples.
Étiologie à part, les chirurgiens ont intérêt à connaître cette compli
calion, car elle est de nature à leur donner d'assez vives émotions. On
est toujours alarmé, en effet, lorsqu'on constate, dans les jours qui
suivent une opération , une fièvre vive avec frisson, ascension brusque
de la température , soif, vomissements , etc. Heureusement l'alerte est
de courte durée et l'orage se calme de lui-même.
Cependant, cette année, chez une femme à laquelle j'avais fait le
raclage du col utérin pour un épithélioma, les accidents fébriles ont été
plus durables, l'éruption herpétique gutturale et labiale s'étant repro
duite plusieurs fois. Je n'avais pas encore rencontré cette forme en
quelque sorte chronique ou successive de l'herpes.
Tout récemment encore (novembre 1884 ) , je viens d'observer deux
cas types d'herpès à distance . En voici le résumé :

Jeune femme de 25 ans , reçue à l'hôpital de la Pitié pour une cicatrice


vicieuse de la vulve, suite d'on accouchement antérieur. Bonne constitution,
point d'antécédents diathésiques, santé actuelle excellente.
Je pratique une petite opération anaplastique qui n'est suivie d'aucun
accident ; il ne survient pas mème de fièvre traumatique. Les fils sont
enlevés le quatrième jour. Le sixième jour, la malade s'est levée quelques
instants et a sans doute pris froid . Le lendemain matin, céphalalgie , vomis
sements bilieux, frisson , température à près de 40'. Je soupçonne une lym
phangite ou un érysipèle parti de la plaie valvaire , mais la région opérée
ne présente ni rougeur ni sensibilité, et les ganglioris inguinaux ne sont
point affectés . Je prescris quelques moyens anodins.
Le jour suivant , la température remonte à 37°, puis le lendemain rcmonte
à 39° ,4. Mais alors nous découvrons la cause de l'ascension . Au milieu du
pavillon de l'oreille droite se voit un groupe forme d'une vingtaine de vési
cules d'herpės. La fièvre à partir de ce moment décline ; elle avait com
plètement cessé le quatrième jour.
Cette femme assure n'avoir jamais eu d'éruption fébrile, mais comme elle
est d'une intelligence très bornée, on peut récuser son témoignage.
Il en est autrement dans le cas suivant; la patiente étant au contraire
d'un esprit très ouverl.
Dame, 35 ans, mince, délicate , nevropathe, arthritique, atteinte de lithiase
biliaire et sans doute entachée de paludisme, est opérée d'anus iliaque pour
un épithélioma volumineux et elevé du rectum .
Tout va bien pendant une quinzaine de jours. Je permets à la malade de
se lever dans un fauteuil. Bien que la chambre fût convenablement close et
suffisamment chauffée, il y eut peut-être refroidissement : en tout cas, le soir
même, malaise et nausées; fièvre intense avec sueurs profuses la nuit sui
mal de gorge léger .
vante ;
AINALES DE DERMAT. , 9 SERIE . VI . 39
A. VERNEUIL .
5598
Celle dame habitant les environs de Paris, je ne la vis que quelqnes jours
ès cet
aprUne dizacc e dent jou
ainide pluvai
rs n'a
, qui t pas
s lar eu sdecau
d , san lonsegue
apps réc tes le
suiiab . et sans moindre
imprudence, ce cortège de symptômes reparut soudainement encore et avec
une intensite beaucoup plus grande . La nuit fut très mauvaise , la tempéra.
ture fort élevée et le malaise tel que la malade disait qu'elle allait mourir .
Je fus mandé et j'arrivai vingt-quatre heures après le début de la crise ;
tout était apaisé ; mais il y avait une angine herpétique bien caractérisée et
déjà un groupe de petites vésicules naissantes à la commissure des lèvres .
Cette constatation éclaira la nature des premiers accidents . Deux accès de
fièvre herpétique s'étaient montrés à dix jours d'intervalle .
Il n'y eut pas d'autre symptôme du côté de la plaie qu'une vive hyperes
A. V. 1884 .
thésie lors de la première attaque . -
REVUE DE DERMATOLOGIE .

ETUDE SUR LE Mycosis FONGOÏDE, par MM . Vidal, médecin de l'hôpital


Saint- Louis, et Broco, médecin des hôpitaux. (France médicale
nºs 79, 80 , 81 , 82, 83, 84, 85, t . II , 1885. )
MM . Vidal et Brocq viennent de publier dans la France médicale une
étude sur le mycosis fongoïde . Ce travail , basé sur six observations,
dont cinq inédites et toutes personnelles au Dr Vidal , a surtout pour
but de poser nettement la question et de rappeler aux dermatologistes
étrangers, toujours trop enclins à négliger ce que l'on fait en France,
que , d'après les travaux français déjà publiés, on devrait admettre :
1 ° Qu'il existe un type clinique à part, le mycosis fongoïde d'Alibert
et de Bazin, ou lymphadénie cutanée de Gillot , Demange, etc. , bien
distinct comme évolution , comme aspect macroscopique, de la sarcoma
tose cutanée généralisée ;
2° Qu'au point de vue purement anatomo- pathologique, le mycosis
fongoïde serait dû à la néoformation du tissu lymphoïde et non au déve
loppement de tissu sarcoinateux vrai.
S'ils considèrent la première de ces propositions comme absolument
démontrée, les auteurs de ce mémoire éprouvent le besoin de réserver
leur opinion sur la deuxième proposition, ainsi que nous le verrons dans
cette analyse.
Au début de leur travail , MM . Vidal et Brocq esguissent à grands
traits l'historique de la question et montrent combien est grande la
confusion qui règne parmi les dermatologistes des divers pays sur la
nature du mycosis, combien est encore discuté son droit de cité dans le
cadre pathologique .
Les travaux de Bazin , de Gillot, de Ranvier, de Demange, les obser
vations de MM . Landouzy , Debove , semblaient avoir fait connaître la
nature du mycosis fongoïde et avoir démontré que cette affection devait
être considérée comme la manifestation cutanée de la diathèse lymphoïde.
Aussi Gillot proposa-t-il de lui donner le nom de lymphadénie cutanée.
Tandis que tous ces travaux se publient en France, on ne trouve à
l'étranger que deux mémoires italiens portant l'étiquette de mycosis fon
goïde d'Alibert (celui de Tanturri et celui de Lorenzo Mannino). Les
auteurs allemands, anglais et américains décrivent des observations
typiques de mycosis fongoïde sous des noms divers et les rapportent
presque toujours au type morbide : sarcomes multiples de la peau .
600 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Ainsi Köbner, en 1864, publie des cas de mycosis fongoïde très nets
sous le nom de tumeurs papillaires multiples mycofongoides de la
peau ; Geber et Duhring rapportent des observations de néoplasie in
flammatoire fongoïde, regardées par Heitzmann et le professeur Kaposi
comme de la sarcomatose cutanée à marche rapide et funeste . Enfin il
est encore plus extraordinaire de ne pas voir rapportés à la diathèse
lymphoïde les cas présentant, en même temps que des tumeurs myco
siques , une leucémie bien caractérisée . Parmi ces faits, citons celui de
Nachter publié sous le nom de granulona sarcomatodes cutaneum , celui
que le professeur Kaposi , dans un mémoire très important , relate sous
le titre de lymphodermia perniciosa, et qu'il considère comme une
forme de maladie cutanée qui , jusqu'ici, n'a pas encore été décrite el
qui , probablement même, n'a jamais été observée par d'autres auteurs .
Or , ce cas n'est qu'une observation remarquable de leucémie avec
hypertrophie leucémique de la rate , ostéolymphomes et tumeurs
cutanées multiples. La vue seule de la planche chromolithographique
qui accompagnait ce mémoire permettait d'emblée de faire le diagnostic
de mycosis fongoide.
Le mycosis d’Alibert est donc encore méconnu ou contesté par les
dermatologistes étrangers. Aussi M. Ernest Besnier ( Annales de Der
matologie, 1884) , en rendant compte du travail de Köbner, s'est-il déjà
élevé avec raison contre les dénominations si nombreuses et si compli
quées de cette dermopathie, et MM . Vidal et Brocq ont- ils cherché les
causes de cette confusion , du désaccord qui règne encore sur cette
question .
Ces auteurs, après avoir publié in extenso six observations très inté
ressantes, les analysent et arrivent à distinguer deux grandes variétés de
mycosis fongoïde , au point de vue de l'aspect extérieur et de l'évolution
clinique.
Dans une première variété, les lésions de la peau sont étendues, leur
caractéristique est d'être multiples, généralisées, diffuses, fugaces et
mobiles; elles passent par les trois périodes successives décrites par
Bazin : a) période eczématiforme; b) période lichénoïde; c) période de
tumeurs fongoïdes .
Dans la deuxième variété, les lésions sont peu étendues, plus cir
zonscrites, jamais généralisées; le mycosis débute d'emblée par une ou
plusieurs tumeurs bien limitées et d'autant plus fixes qu'elles sont moins
nombreuses. Pas de période eczématiſorme, pas de période lichénoïde
prémonitoires. Enfin la marche est rapide, la terminaison fatale. C'est
là le type à tumeurs mycosiques d'emblée, entrevu mais non séparé
par Bazin .
La première variété à début eczénatitorme est facile à diagnostiquer
REVUE DE DERMATOLOGIE . 601

quand on connait la description de Bazin ; pour la deuxième variété ,


avant tout examen microscopique, le diagnostic avec le sarcome est
très difficile. Et encore, même avec le microscope, si on ne traite pas
les coupes par le pinceau ,> on peut conclure à la nature sarcomateuse de
la néoplasie .
Nous ne suivrons pas MM . Vidal et Brocq dans la description de leur
forme typique du mycosis fongoïde; elle ne diffère que par quelques dé
tails de la description classique de Bazin . Ils font remarquer que, dans
trois observations publiées jusqu'à ce jour, on a noté une leucéinie très
7

caractérisée.
Leur chapitre de l'anatomie pathologique mérite de nous arrêter plus
longtemps. Après avoir exposé les recherches récentes des auteurs fran
çais, recherches d'après lesquelles le mycosis fongoïde ne serait autre
chose qu'un envahissement des téguments par du tissu réticulé ou adé
noïde, en un mot que la lymphadénie cutanée, ils donnent un examen
histologique inédit de fragments de tumeurs enlevées chez celui de leurs
malades qui présentait le type le plus complet, le plus incontestable de
mycosis fongoïde avec toutes ses périodes, depuis la simple rougeur eczé
>

matiforme, avec desquamation furfuracée, jusqu'aux tumeurs caractéris


tiques et à la cachexie terminale . Or l'analyse complète , détaillée de ces
coupes, dont l'examen , pour plus de sûreté, a été complété par M. le
D' A. Siredey, leur a prouvé qu'il ne s'agissait pas là purement et sim
plement d'une néoformation de tissu lymphoïde, mais d'une lésion beau
coup plus complexe. Sans entrer dans des détails qui nous conduiraient
beaucoup trop loin , qu'il nous suffise de savoir que la tumeur qu'ils ont
examinée présentait à la fois les éléments du sarcome et ceux du tissu
lymphoïde; ils y ont rencontré : 1 ° plusieurs variétés de sarcome : sar
come embryonnaire, sarcome fasciculé, myxo - sarcome; et 2° les di
rerses apparences du tissu réticulé qui constitue les tumeurs adénoïdes.
Cette tumeur appartiendrait donc à la variété décrite par Rindfleisch,
sous le nom de sarcome lymphadenique myxoïde.
Ces réelles difficultés d'interprétation expliquent, d'après les auteurs ,
les divergences d'opinion qui séparent encore à l'heure actuelle sur ce
point les auteurs français et étrangers , ceux -ci voulant que le mycosis
fongoïde soit un sarcome cutané généralisé, les autres voulant en faire
la localisation dans la peau de la diathèse lymphoïde. Ils seraient donc
disposés à en revenir aux idées premières de Bazin sur le mycosis fon
goïde, et à en faire une entité morbide spéciale voisine du sarcome. Ce
pendani ils tiennent encore à ne formuler cette opinion que sous toutes
réserves , d'autant plus que des recherches récentes de Auspitz ei de
Rindfleisch soulèvent encore une autre question , celle de la nature para.
sitaire de cette affection .
602 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Tous ces problèmes sont des plus délicats, el nous ne saurious trop
faire ressortir la réserve avec laquelle les auteurs les ont abordés. Qu'ils
nous permettent cependant de leur demander pourquoi ils conservent
dans le mycosis fongoïde leur seconde variété, ou variété à tumeurs pri
mitives d'emblée. Ne serait- il pas plus logique d'en faire purement et
simplement une forme distincte de sarcomatose cutanée ? Nous aurions
dès lors trois types , qui cliniquement au moins , ont des allures assez dis
tinctes : 1 ° le mycosis fongoide, type à période eczémateuse prémoni
toire; 2° une variété de sarcomatose cutanée caractérisée par de volui
mineuses tumeurs ressemblant à celles du mycosis fongoïde ; 3° la
sarcomatose cutanée généralisée vraie, dont le type a été si bien décrit
par Kaposi dans le volume II du grand ouvrage de Hebra . Tout en pro
posant cette division, nous entendons d'ailleurs réserver entièrement la
question des sarcomes cutanés, laquelle est encore bien plus com
plexe.
Quel que soit le sort que l'avenir réserve aux idées avancées par les
deux auteurs, il leur restera toujours le mérite d'avoir appelé l'attention
sur ce point obscur de la dermatologie et d'avoir publié des documents
intéressants et inédits. L. PERRIN .

UEBER MELANOSIS LENTICULARIS PROGRESSIVA . ( DE LA MÉLANOSE LENTICULAIRE


PROGRESSIVE, par le prof. J. Pick in Vierteljahresschrift f. Dermato
tologie und Syphilis, 1884. )
Le professeur Pick propose de donner le nom de mélanose lenticulaire
progressive à une maladie que Kaposi a tout d'abord décrite comme une
variété de la xérodermie, plus tard comme xérodermie pigmentaire,
Geber comme une forme rare du nævus des auteurs, Taylor comme un
angiome pigmentaire et atrophique, Auspitz comme une liodermie essen
tielle , Neisser comme une liodermie essentielle avec mélanose et
télangiectasie, Vidal enfin sous le nom de dermatose de Kaposi.
Les recherches de l'auteur concernent trois enfants d'une même famille
qu'il a eu l'occasion d'observer durant ces trois dernières années à la
clinique de Prague.
Le père est âgé de 46 ans , il travaille depuis 30 ans comme mineur dans
me mine de charbon. Il est de taille moyenne, robuste, brun, il ne se
rappelle pas avoir été sérieusement malade, jamais d'affections vénériennes
ou syphilitiques, ni de maladies de la peau qui est chez lui absolument nor
male, pas de nævi, ni de taches pigmentaires.
La mère a 39 ans , robuste , brune; jusqu'à il y a trois ans, elle a toujours
été bien portante. A cette époque, douleurs de tète fréquentes et vives.
Actuellement sa santé est de nouveau satisfaisante. Sa peau est un peu moins
REVUE DE DERMATOLOGIE . 603

brune que celle de son mari, elle ne présente du reste ni nævi, ni taches
pigmentaires. Elle a eu douze enfants qui tous sont venus à terme et bien
portants . Neuf sont morts très peu de temps après leur naissance, les deux
ainés et le douzième sont les seuls survivants ; ce sont précisément ceux qu
font le sujet des observations suivantes :
OBSERVATION I. – Barbara, 19 ans, est l'aînée .
Elle n'a jamais présenté de signes de scrofulose, ni de maladies infec
tieuses, ni d'exanthèmes aigus. Depuis trois mois environ petites tumeurs
verruciformes sur l'oeil droit . Réglée depuis l'âge de 16 ans, époques régu
lières .
État actuel, mai 1880 .
La jeune malade est de taille moyenne , robuste . Sauf un léger catarrhe
oculaire, elle n'a jamais été malade . Cheveux blond rouge , la peau dans les
régions non affectées est légèrement pigmentée. Les modifications que pré
sente le tégument externe occupent le front, la face, et le cou , le tronc en
avant jusqu'un peu au -dessous des seins, en arrière, jusqu'à l'angle inférieur
de l'omoplate, les membres supérieurs, à l'exception de la paume des mains ,
les jambes, sauf la plante des pieds . Des altérations analogues existent autour
du nombril, et s'arrèlent seulement au niveau des points où la peau se trans
forme en muqueuse .
Les modifications cutanées se présentent sous différentes formes :
1º Taches plates, jaunes ou brun jaune, analogues à des éphélides, de la
dimension d'une tête d'épingle ou d'un grain de chénevis, sans desquamation
ou en légère desquamation ;
2º Taches semblables à des taches lenticulaires, lentigines , nævus lenticu
laire, ayant les dimensions d'un grain de chénevis , le plus ordinairement
d'une lentille , nettement circonscrites, brun foncé, et même noires, aplaties ,
parfois légèrement élevées all-dessus du niveau de la peau ;
3 ° Productions verruciformes, dont le volume varie de celui d'une lentille à
celui d'une framboise, de consistance variable , la plupart noir ſoncé , presque
sépia . Quelques -unes ont des poils , mais en petit nombre.
Il existe en outre , mais en très faible proportion , des espèces de verrues,
dures et non colorées ou rose chair , sur le bord de la paupière inférieure
gauche, sur la fosse narine droite , au cuir chevelu et enfin sur le côté externe
de la jambe droite .
4° Entre ces différentes mélanoses de la peau il y a de très nombreuses
taches rouges dont les dimensions varient entre celles d'un grain de chéne
vis et celles d'une lentille , sur lesquelles on voit, à l’æil nu, mais surtout à
la loupe, de petites ramifications vasculaires.
5° (a) Entre les taches foncées et les taches rouges on voit des taches arron
dies ou en forme de trainée, blanc clair, disséminées, semblables à des cica
trices , en général déprimées au -dessous des parties environnantes ; (b) quel
ques- unes de ces taches cicatricielles sont traversées de ramuscules
vasculaires, mais toujours plus volumineux que ceux des taches rouges.
Les éphilides et les plaques lenticulaires se tronvent surtout à la périphé
rie des régions malades, les verrues plus particulièrement au centre. Il
existe en outre deux tumeurs à la face interne de la jambe droite, à deux
travers de doigt au -dessus de la malléole .
La paupière inférieure droite est également le siège d'une tumeur rouge
chair, avec un léger pointillé noir, du volume d'un euf de pigeon el qui
recouvre presque complètement le bulbe.
604 REVUE DE DERMATOLOGIE .

On enlève cette petite tumeur avec le bistouri; pas d'hémorrhagie appré


ciable . La guérison se fait sans rétraction de la paupière et la malade , qui
était venue pour cette petite opération, quitte l'hôpital.
Elle revient un an plus tard et celte fois c'est pour la tumeur de la jambe.
Cette tumeur, dont le volume est actuellement celui du poing , est devenue
très génante pour la marche. Elle est lobulée, fortement pigmentée en noir,
sa surface est ulcérée et sécrète un liquide visqueux, très fetide.
Les taches pigmentaires de la face et les plaques lenticulaires noir foncé
ont augmenté ; il en est de même du nombre et de l'étendue des plaques blanches
cicatricielles. Les tumeurs, notamment celles des jambes, se sont accrues
aussi en nombre et en volume. Les taches, et les plaques qui donnent à la
peau un aspect bigarré particulier, ont envahi peu à peu les parties du dos,
du ventre et des extrémités qui avaient été épargnées jusqu'à présent. Géne
des mouvements de la face consécutivement à l'amincissement et à la rétrac
tion cicatricielle des tissus , au niveau des commissures des paupières et de la
bouche .
On enlève la tumeur de la jambe, et on constate que son point de départ
était dans le tissu cellulaire sous -cutané; lorsque le malade quitta la clinique,
il ne restait plus qu'une petite plaie de 2 centimètres, en voie de cicatrisation.
A la fin de l'année cette malade revient une fois encore pour une récidive
de cette même lumeur . La malade est très affaiblie, lumeur ulcérée à sécré
tion fétide, tout autour petites tumeurs de même nature et du volume d'une
noix . Les plaques blanches cicatricielles sont encore plus nombreuses et plus
grandes, surtout à la face , au cou et à la poitrine.
OBSERVATION II . - Anna est le deuxième enfant des époux fl ... Elle est ågée
de 17 ans et n'a jamais été malade, bien réglée ; elle est plus grande et en
core plus robuste que sa seur, cheveux rouge blond . Les lésions cutanées
ont envahi , chez elle , le front, le cou , la nuque, le tronc en avant jusqu'à la
fourchette sternale , en arrière jusqu'au niveau de l'angle de l'omoplate . Les
membres supérieurs sont atteints dans toute leur étendue, les membres infé
rieurs à partir des genoux , à l'exception de la paume des mains et de la
plante des pieds . La peau autour du nombril, des parties genitales et de l'a
nus, n'est pas très pigmentée. Les modifications cutanées sont tout à fait ana
logues à celles que nous avons décrites pour le cas précédent. On ne trouve
toutefois, en fait de productions verruqueuses, qu'une tumeur mélanique sur
le front et une autre sur le médius droit. Par contre il existe sur les paupières
des verrues non pigmentées , parcourues de vaisseaux dilatés .
Sur la muqueuse des lèvres et du voile du palais, au bord de la langue,
taches rouges formées par des ramifications vasculaires.
La gencive de la mâchoire inférieure gauche, autour des 2e et 3e molaires,
est le siège d'une tumeur de la grosseur d'une noix.
OBSERVATION III.- Joseph , le douzième enfant de la famille, est agé de 2 ans
et 9 mois ; il est robuste et bien développé. La peau des parties décou
vertes, notamment celle de la face, du dos des mains et du tiers inférieur
des avant-bras , des pieds jusqu'au -dessus des malléoles , présente une couleur
foncée qui donne à l'enfant un aspect tacheté, bigarré, semblable à celui de
ses sæurs. Il existe un grand nombre de plaques blanches atrophiques et de
pourvues de pigment. Comme taches pigmentaires, on n'observe que des
éphélides et des lentigines en grand nombre, de teinte variable, mais en
général plutôt de coloration claire. A la face, irois ou quatre plaques couleur
sépia .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 605

Il faut noter encore la présence d'une grande quantité de taches blanches,


les unes traversées et les autres entourées de ramifications vasculaires.
De l'étude microscopique des taches lenticulaires, il résulte que c'est le
chorion qui est le siège des plus importantes modifications. L'épiderme pa
rait seulement un peu plus épais en quelques points ; il envoie des prolongements
dans le réseau de Malpighi, lesquels forment des amas globuleux analogues
à ceux du cancroïde .
Dans le chorion mème,on est immédiatement frappé par l'abondance des vais
seaux . Leur endothelium et celui des capillaires forment des plis saillants au
point d'obturer parfois complètement le calibre des vaisseaux. L'adventice
est envahie par une infiltration de petites cellules qui se trouvent sur le tra
jet des vaisseaux, principalement dans la partie p apillaire du derme, et qui
forme des trainées et des nids qui compriment le tissu normal. Dans les points
où l'infiltration est très abondante, les papilles sont presque complètement
effacées.
Le dépôt de pigment est proportionnel à l'altération des vaisseaux et à
l'infiltration cellulaire du chorion,
Au début, dans les papilles encore distinctes, c'est principalement dans le
réseau de Malpighi que le pigment parait déposé, mais jamais exclusivement.
Là où l'infiltration cellulaire domine, c'est elle qui contient principalement le
pigment, de telle sorte que les autres portions du réseau paraissent presque
sans pigment.
Si on compare les lentigines aux modifications anatomiques des autres lé
sions de la peau , on ne trouve que des différences de degré, puisque les
èphélides les plus légères, les verrues les plus volumineuses correspondent
aux modifications pathologiques que nous avons indiquées. Mais l'état des
éphélides, c'est- à-dire des lentigines les moins colorées, dans lesquelles c'est
presque exclusivement le réseau qui parait pigmenté , les vaisseaux ectasiès,
bon nombre d'entre eux gorgés de sang, indique nettement que les taches
rouges dont il a été question (Barbara) les précèdent, car, mème dans ces
points hyperhémiés, on trouve, à côté des vaisseaux dilatés, du pigment qui,
quoique en très faible proportion , est cependant visible et en rapport avec
les vaisseaux .
Quoique les productions verruqueuses accompagnent les modifications les
plus marquées des taches lenticulaires, dans lesquelles la localisation de l'in
filtrat cellulaire dans la couche la plus supérieure du chorion indique la ten
dance à la formation de saillies verruciformes, il existe cependant de grandes
differences relativement au rapport proportionnel de l'infiltration cellulaire et
des altérations vasculaires, surtout en ce qui concerne le nombre des vais
saux. Sur quelques verrues il n'y a que peu de vaisseaux , tandis que
sur d'autres le nombre des vaisseaux et leur grosseur sont si considérables
que l'on croirait avoir à faire à des angiomes. Il existe aussi de nombreuses
transformations des petites cellules arrondies en grosses cellules fusiformes .
Dans les points où existent des tumeurs verruciformes, les couches pro.
fondes de la peau sont également envahies . Les glandes sébacées et sudori
pares et les follicules pileux sont entourés de vaisseaux dilatés qui présentent
aussi la même infilration cellulaire et la même accumulation de pigment.
Les plaques blanches sont le résultat de l'atrophie de ces parties consti
tuantes de la peau, L'épiderme est aminci, le derne représente un tissu con
jonctif fibreux cicatriciel, pas de trace de pigment, quelques rares vaisseanx
dont quelques-uns sont très dilatés.
606 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Quant aux deux tumeurs circonscrites qui avaient été enlevées chez la
première malade, voici les résultats de l'examen qui en a été fait par le prof.
Chiari : le néoplasme a son principal point de départ dans le tissu dermique
proprement dit ; de là il a gagné la surface de la peau et le tissu sous-cutané.
En quelques points le néoplasme se détache très nettement du tissu sain , dans
d'autres il se perd dans le derme sain , de sorte qu'on trouve, au voisinage du
néoplasme, quelques cellules de nouvelle formation entre les fibres du derme.
En quelques points, le derme qui entoure la tumeur est le siège d'une infil
tration inflammatoire .
Il s'agit donc d'un sarcome fusocellulaire mélanique, formé de cellules fusi
ormes parfaites et contenant en grande quantité un pigment brun foncé très
fin ou à gros grains.
Les éléments jeunes de la tumeur soni arrondis, et fréquemment contien
nent peu ou pas de pigment. Au voisinage de la tumeur, granulations libres
de pigment entre les fibres du derme. Sur des coupes faites au niveau des
parties centrales , on remarque des traînées entre-croisées de cellules fusi
formes , pigmentées. Entre elles, petits foyers de cellules fusiformes , pigmen
tées ou non.
En se basant sur ces données histologiques, le point de départ de ces tu
meurs mélaniques serait très probablement des nævi pigmentaires.
Quant au pigment, on le trouve partout, dans l'épithélium comme dans le
chorion, dans les taches pigmentaires et dans les tumeurs circonscrites de
même nature. Il est granuleux, à grains isolés , de grosseur différente, brun
jaune, et ou's dans les cellules ou lisposé de telle sorte qu'on peut ad
mettre qu'il se trouvait primitivement dans les cellules. Quant à son origine,
sa présence dans le tissu est en rapport direct avec les altérations des vais
seaux. Dans les taches pigmentaires légèrement élevées dont il a été ques.
tion chez la première malade, on voyait très clairement que le pigment
n'était accumulé qu'au-dessus des vaisseaux dilatés, gorgés de sang, entre
lesquels et le réseau de Malpighi il existait des cellules contenant du pigment
granulé. Dans d'autres préparations, les vaisseaux étaient oblitérés, quel
ques corpuscules du sang paraissaient décolorés , tandis que du pigment
étail déposé dans les cellules des parois des vaisseaux et dans leur voisinage.
mais l'état chimique différent de la matière colorante comparée à la matière
colorante du sang suppose sa transformation. Or, le pigment ne se trouvant
que dans les cellules, tout le processus s'explique, d'après la théorie de Vir
chow , en ce que la matière colorante du sang a abandonné les corpuscules
rouges du sang des vaisseaux et s'est répandue dans les cellules du tissu où
elle s'est transformée en pigment granuleux. Les cellules du réseau aux
quelles on peut attribner cette propriété , dans certaines conditions physiolo
giques, participent au dépôt de pigment, de très bonne heure et de la manière
la plus active ; dans le derme ce sont les cellules pathologiques de nouvelle
formation qui accomplissent le processus de la transformation du pigment
par la matière colorante du sang . Selon que les cellules qui forment le pig.
ment persistent ou se résorbent, le tissu reste pigmenté ou le pigment dispa
rait, parfois cependant la résorption des cellules aa lieu rapidement et le pig.
ment reste libre dans le tissu .

En comparant ces données cliniques et anatomo-pathologiques avec


celles des autres cas qui ont été publiés, on voit qu'elles concordent
complètement. Le diagnostic ne présente pas de dificultés. Kaposi , dans
REVUE DE DERMATOLOGIE . 607

une deuxième communication , a indiqué les différences qui séparent


cette maladie de la sclérodermie et de la lèpre pigmentaire. Il en est de
même pour l'urticaire pigmentaire, dont Vidal a, d'autre part, énuméré
les caractères différentiels . Cet auteur aurait encore pu ajouter que
l'urticaire pigmentaire se localise de préférence sur le tronc, tandis que
la face , les parties périphériques des membres sont plus rarement ou
beaucoup moins atteintes, et que la pigmentation n'est jamais aussi
marquée et ne subit pas les modifications bien connues de coloration .
Dans les 33 observations qui ont été publiées, à part deux , la
maladie a débuté le plus ordinairement vers l'âge de un an et demi et
toujours à la face, au voisinage des yeux , et de là s'est étendue sur le
front, le cou et la poitrine, tandis que les parties les plus périphériques
des membres supérieurs et inférieurs devenaient également malades, et
que l'affection s'étendait de là dans une direction centrale . Toujours
plusieurs enfants de la même famille étaient atteints.
A part les lésions de la peau , tous les sujets étaient indemnes de
toute autre affection , les enfants se développaient bien jusq'i'au moment
où survenait une dyscrasie sous l'influence de tumeurs malignes.
Dans les cas qu'il a eu l'occasion d'observer, Pick a pu constater
tous les degrés des lésions indiquées par les auteurs, depuis les simples
hyperhémies de la peau jusqu'aux télangiectasies et aux amas de
pigment d'une part, et de l'autre l'atrophie et du tégument des tu
meurs .
Quant aux taches pigmentaires, on sait, depuis les recherches de
Demiéville, qu'elles sont constituées par une infiltration de noyaux,
c'est-à-dire de cellules dans le chorion et un dépôt de pigment dans
le réseau et dans le chorion .
L'accumulation des noyaux consiste en nids et en traînées qui
sont formés par l'infiltration de l'adventice des vaisseaux sanguins.
Les vaisseaux sont constamment épaissis , quelques- uns d'entre eux
oblitérés ; d'autres restent perméables ; autour de ces derniers on
trouve un amas de pigment. Le pigment présente, dans le chorion, les
mêmes éléments morphologiques que dans le réseau . La saillie des
taches est occasionnée par l'infiltration cellulaire du chorion.
Pick attache une grande importance à ces lésions anatomiques des
taches pigmentaires qui , microscopiquement, ne constituent que des
différences de degré ; on y trouve toutes les formes de transition jus
qu'aux taches lenticulaires foncées , dont quelques -unes présentent
l'image très nette d'un sarcome pigmentaire alvéolaire .
Cliniquement, il faut aussi noter chez ces malades le caractère pro
gressif des lésions mélaniques de la peau ; il en est du reste ainsi pour
les mélanoses ordinaires.
608 REVUE DE DERMATOLOGIE .

En ce qui concerne la pathogenèse de cette affection , on ne saurait


admettre une anomalie constitutionnelle de l'organisme. En effet, ni
les parents, .ni les malades ne présentaient de phénomènes pouvant
justifier une semblable hypothèse. Ainsi, on n'a trouvé chez eux ni sy
philis, ni tuberculose, ni alcoolisme, ni aucune affection du système
nerveux central.
Tout indique, au contraire, qu'il s'agit ici d'une altération locale de
la peau , de certaines muqueuses de voisinage, par conséquent d'une der
matose type, d'une disposition congénitale du tégument, comme par
exemple dans l'ichthyose. Il est possible que, dans ces conditions, cer
taines irritations provoquent sur une peau extrêmement impressionnable
toute une série de processus pathologiques, qui se déroulent d'abord
dans les vaisseaux capillaires des couches superficielles de la peau , et
que l'on peut reconnaître, macroscopiquement, à la rougeur et à l'ectasie
plus ou moins prononcées des vaisseaux, et , microscopiquement, à une
prolifération cellulaire dans les parois vasculaires et dans leur voisinage.
Au nombre des irritations de la peau qui peuvent agir dans ce sens ,
on ne peut citer, avec certitude, que l'influence de la lumière, de l'air, de
la chaleur rayonnante du soleil , car chez tous les malades l'affection a
commencé dans les points qui ne sont pas protégés par les vêtements,
par exemple, à la face , aux mains, sur une partie des avant-bras, etc.
L'auteur cite , à ce propos, un cas bien constaté de sclérodermie ,
dans lequel les premiers symptômes sont survenus immédiatement
après une insolation. Il s'agit d'un chirurgien de régiment, auparavant
très bien portant et sans maladie cutanée antérieure ; durant une marche
militaire de plusieures heures, il fut exposé à la chaleur ardente du
soleil et , à son retour chez lui, l'attention de sa femme fut attirée par
des plaques brunes et blanches qui existaient sur son visage et , à partir
de ce moment, les phénomènes typiques de la sclérodermie prirent un
développement considérable .
A la période de l'hyperplasie inflammatoire, les foyers morbides
peuvent, soit se résorber et donner lieu , par conséquent, aux taches et
aux trainées cicatricielles blanchâtres (microscopiquement, on trouve
une atrophie atteignant de préférence le pigment et la portion con
jonctive de la peau ); soit, au contraire, continuer à proliférer, au point
de constituer de véritables tumeurs qui.conservent, en général, le carac
tère mélanique et représentent entin des sarcomes et des carcinomes vrais.
Suivant que l'on a affaire à l'un ou à l'autre de ces deux processus,
on se trouve, après une longue période de la maladie, en présence
d'états morbides différents .
Ainsi, dans les deux premiers cas observés par Hebra et kaposi, le
processus morbide s'est surtout traduit par de l'atrophie ; aussi ces deux
REVUE DE DERMATOLOGIE . 609

auteurs, dans leur description , ont-ils mis en première ligne l'atrophie


de la peau , alors qu'il leur était impossible d'apprécier les phases ini
tiales de la maladie , et, par suite, la dénomination de xérodermie était
parfaitement justifiée.
Quant au pronostic de cette affection , l'auteur fait remarquer, avec
raison , que tous les cas ne présentent pas un caractère malin et qu'on
peut parfois, en intervenant de bonne heure, empêcher le développe
ment de la maladie. En enlevant, dès le début, les productions pigmen
taires verruciformes, on pourrait espérer un pronostic plus favorable
(observ. I) . En tout cas, l'âge de certains malades autorise à penser
que celte affection peut avoir une marche bénigne.
Le danger pour les malades ne procède que de la plus ou moins
grande tendance à la formation de tumeurs malignes. La terminaison
en carcinomatose est fatale, car la multiplicité des foyers amène très
rapidement une cachexie cancéreuse.
Quant à la thérapie, l'emploi méthodique de l'arsenic à l'intérieur ou
en injections sous-cutanées peut seul avoir quelque chance de succès
dans la sarcomatose ; dans un cas de sarcomatose multiple (non méla
nique il est vrai), Köbner a obtenu des résultats remarquables avec des
injections hypodermiques. A. DOYON .

SUR LES TROUBLES DE NUTRITION DUS AUX LÉSIONS PÉRIPHÉRIQUES DU SYS


TÈME NERVEUX, par M. Mayer, professeur à la Faculté de médecine de
Lyon . (Lyon médical , juin et juillet 1885. )
Dans ce travail l'auteur a eu pour but de mettre en lumière par un
certain nombre d'exemples cliniques inédits quelques conditions patho
géniques des troubles trophonévrotiques,
Deux cas de mal perforant avec anesthésie cutanée étendue des mem
bres inférieurs , le premier suivi de necrose des phalanges des orteils, le
second avec ædème éléphantiasique et sclérose du tissu dermique et
sous - dermique des jambes, tous deux d'origine alcoolique, lui fournis
sent l'occasion d'une étude sur la névrite parenchymateuse par intoxi
cation alcoolique chronique aboutissant au processus ulcéreux perfo
rant, hyperplasique du tissu conjonctif. Cette étiologie avait jusqu'à
présent été plutôt soupçonnée que constatée. Il signale sa marche suc
cessivement ou simultanément régénérative et dégénérative, ses alterna
tives de phénomènes irritatifs et anesthésiques.
Il se prononce pour l'origine principalement anesthésique du mal per
forant, en donnant une large part aux prédispositions nées du trouble
général des phénomènes nutritifs des tissus et aux causes traumatiques
occasionnelles,
610 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Les lésions athéromateuses des artères rendues très probables, chez


un de ses malades, par un tracé sphygmographique d'insuffisance aorti
que , sont une circonstance adjuvante et non un effet de la lésion nutri
tive propagée depuis les ulcères, comme le veulent Morat et Duplay qui
ont si bien décrit d'ailleurs les lésions nerveuses dans ces cas.
Passant aux cas où l'origine irritative des troubles trophiques est
évidente, l'auteur rapporte un cas de névrite datant de quinze ans et
amenant de temps en temps, sous l'influence de causes occasionnelles,
des pseudophlegmons, qui ne suppurent jamais, aux orteils, avec dou
leurs vives sur le trajet des nerfs collatéraux plantaires et atrophie per
manente des régions innervées par eux .
Il étudie à ce propos les névrites atrophiques dues à la compression
par des chaussures trop étroites et leur attribue tous les accidents dystro
phiques si variés des pieds (cors , durillons, ongles incarnés, dystro
phies onguéales, hypertrophie de la tête du premier métatarsien ).
Après trois observations de névrites, l'une du radial ayant amené une
éruption érythématobulleuse, utilement traitée par les courants conti
nus, deux du trijumeau suivies de kératite ulcéreuse, il discute la patho
génie des troubles trophonévrotiques.
Il maintient, contre l'opinion actuellement admise , la distinction
entre les lésions d'origine irritative et celles liées à l'anesthésie .
Il invoque la forme inflammatoire et congestive des premières dont
le type est le zona, et la forme plus souvent ulcéreuse ou gangreneuse
d'emblée des secondes, quoique les premières puissent aussi aboutir à
cette forme .
On n'a pas fait une part suffisante au mauvais état antérieur de la nutri
tion générale dans les gangrènes rapides qui accompagnent l'anesthésie
d'origine périphérique.
Les deux processus irritatif et anesthésique se mélangent souvent et
se succèdent.
Il est difficile de faire la part des deux dans les névrites périphéri
ques moins graves, qui sont toujours simultanément dégénératives et
régénératives .
L'auteur rappelle que la théorie des troubles trophiques, qu'il a adoptée
le premier explicitement en 1868 dans un mémoire publié dans la
Gazette médicale de Lyon , n'exige pas d'autre hypothèse que l'influence
qu'exercent tous les nerfs de motilité et de sensibilité sur les éléments
anatomiques, sans recourir à des nerfs trophiques spéciaux,
Il fait dans les trophonévroses une part très large aux troubles vaso
moteurs consécutifs aux lésions nerveuses, et le démontre par une de
ses observations.
REVUE DE DERMATOLOGIE . 611

ÉTUDE CLINIQUE DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX ET EN PARTICULIER DE SON EX


TENSION AUX MAINS , par J. Nevins Hyde. ( Journal of Cutaneous and
Venereal diseases, novembre 1884. )

L'auteur commence par citer les quatre observations suivantes, dont


nous donnons le résumé :
Cas I. Jeune fille ågée de 19 ans , paraissant ètre d'une bonne constitu
tion : l'affection dont elle est atteinte a commencé, il y a cinq ans , par une
petite plaque rouge située sur la face dorsale de la main gauche vers le bord
radial ; malgré tous les traitements institués, cette plaque a toujours continue
à s'étendre et elle a gagné le pouce . Au moment où elle a été observée , la
maladie était constituée par une seule plaque nettement limitée formant un
ovale irrégulier occupant la face dorsale de la main depuis le milieu du pre
mier métacarpien jusqu'à l'articulation de la première et de la seconde pha
lange du pouce, et intéressant aussi un peu le sillon situé entre le pouce et
l'index. La moitié supérieure de l'ovale était exclusivement constituée par un
tissu de cicatrice délicat, souple , brillant, non adhérent aux parties profondes,
et d'un blanc mat ; il était assez uniformément parsemé de ponctuations plus
sombres . La moitié infériecre de l'ovale était au contraire formée d'un tissu
épaissi , d'une teinte rouge grisâtre, et était recouverte de squames très ad
hérentes d'un blanc grisâtre. Les bords de la lésion faisaient à ce niveau une
saillie notable , d'au moins deux millimètres de baut, sur les parties voisines.
Sur la phalange, l'aspect extérieur de la lésion rappelait assez celui de l’ich
thyose, grâce aux plis naturels de la peau, qui étaient exagérés. Il n'y avait
aucune autre trace de l'affection en aucun point du corps.
CAs II . – Femme de 38 ans, un peu pále, n'ayant jamais eu qu’une fille qui
se porte bien . L'affection cutanée qu'elle présentait et qui était exactement limi.
tée à la main droite avait débuté il y a quinze ans par une légère tumefaction
située sur la face dorsale de la main. Peu à peu elle forma une plaque arron
die et squameuse qui s'agrandit lentement. Au moment où l'auteur put l'exa
miner , la lésion consistait en une plaque à bords bien définis s'étendant
depuis la première articulation carpo-nstacarpienne jusqu'à l'ongle du pouce,
et depuis le bord externe du pouce jusqu'au bord externe de l'index , en en
vahissant lout le sillon qui sépare ces deux doigts. Toute cette large surface
ne présentait ni intiltration, ni hypérémie , ni rougeur ; elle n'était occupée
que par un tissu cicatriciel , mince, assez irrégulier d'aspect, plus brillant en
certains points qu'en d'autres, et irrégulièrement parsemé de petits trous cir
culaires ou ovoïdes, de la dimension de graines de colza ou de petits pois,
entre lesquels brillait une peau lendue, amincie et comme atrophiée. La lésion
n'était en activité qu'au niveau d'une étroite bande d'un rouge sombre, située
à la périphérie de la plaque et faisant sur les tissus voisins une saillie de prés
de trois millimètres , nellement limitée, ayant une sorte de sommet encore
plus étroit que la base , épais , desséché, d'un jaune sale composé de squames.
Cette zone infiltrée avait perdu loute souplesse el était tout à fait rigide ; en
certains points il s'était formé des fissures entre elle et la peau saine. Au
premier abord la lésion ressemblait à une plaque d'herpès circiné ou de syphi
lide tertiaire serpigineuse. La même malade portait une petite plaque de la
mème affection vers le bord libre de la lèvre intérieure à gauche : celle
plaque avait à peine trois quarts de centimètre dans son grand axe, était
612 REVUE DE DERMATOLOGIE .

d un rouge un peu sombre, non douloureuse, peu infiltrée, et avait débuté de


puis un an . Deux autres plaques, encore plus petites et à peine de la gros
seur d'une graine de colza , se voyaient sur le menton au - dessous de la lésion
précédente .
Cas III . Femme de 29 ans, de complexion assez faible et n'ayant jamais
pu avoir d'enfant. La maladie cutanée qu'elle présentait avait débuté à l'âge
de 14 ans par une toute petite plaque arrondie, à la face palmaire de la main
gauche. Au moment où le Dr Nevins Hyde l'examina , presque toute la paume
de la main était envahie : l'affection était constituée par une seule plaque de
forme circulaire, à bords très nels, d'un rouge sombre, mais recouverte en
beaucoup de points de squamės jaunatres fort adhérentes. Le bord libre fai
sait une légère saillie . Vers le centre se trouvaient deux plaques cicatricielles
à limites peu précises. La lésion s'étendait dans les deux premiers espaces
interdigitaux et sur les parties latérales du pouce et de l'index . Sur la partie
dorsale du deuxième métacarpien se trouvaient deux petites plaques de la
grosseur d'une fève, d'un rouge sombre, ne faisant qu'une légère saillie, re
couvertes de squames. Dans le troisième espace interdigital se voyaient plu
sieurs autres petits éléments éruptifs.
Cas IV . Homme de 38 ans , d'une bonne santé . Son affection cutanée
avait débuté à l'âge de 26 ans par une petite plaque squameuse située entre
le pouce et l'index , puis elle s'était graduellement étendue sur les parties voi
sines. Au moment où l'auteur le vit pour la première fois, le malade portait
sur la main droite une lésion qui occupait la région dorsale du premier et
du second metacarpien des doigts correspondants, et le premier sillon inter
digital , en empiètant d'un centimère environ sur la face palmaire de la main.
Les bords de la plaque étaient fort nets et surélevés sur les parties voisines :
la coloration des parties malades était d'un rouge bleuatre foncé ; elles étaient
presque entièrement recouvertes de squames grisâtres, d'un blanc sale , très
adhérentes ét assez larges. Vers le pli interdigital était une petite plaque ci
catricielle non adhérente aux parties profondes. Sur la face dorsale des arti
culations des doigts envahis se trouvaient des fissures superficielles.
Telles sont les observations que publie le dermatologiste américain ;
il les fait suivre d'une étude historique des plus complètes du lupus
érythémateux des mains. Il fait remarquer que Kaposi a plusieurs fois
signalé dans ses écrits la possibilité pour le lupus érythémateux d'en
vahir les mains et les pieds, mais qu'il s'agissait toujours alors pour l'au
teur viennois d'un lupus érythémateux à forme disséminée et généra
lisée , s'étant primitivement développé en d'autres points du corps, à la
face en particulier.
Neumann, Hans V. Hebra, Behrend se contentent de signaler la pos
sibilité de cette localisation. En Amérique, Bulkley en a décrit plusieurs
cas (voir encore tout récemment une communication de cet auteur à la
Société de Dermatologie de New -York, le 22 janvier 1884 , communica
tion dont le Dr Nevins Hyde ne parle pas dans son article) , Weisse et
Geddings en ont également vu chacun un exemple, mais dans aucune
de ces observations les mains n'ont été prises les premières. Erasmus
Wilson et Jonathan Hutchinson en ont observé des cas, mais presque
REVUE DE DERMATOLOGIE . 613

toujours coïncidant avec un envahissement d'autres points du corps.


Stowers ( Trans. Brit. med . associat. Arch. of derm . , vol . V , p . 414) a
vu trois fois le lupus erythémateux sur la face dorsale des mains ;
Jamieson ( Edin . med. Journal , 1878, p . 1006 ) l'a vu à la fois sur la
joue gauche et sur la face dorsale des mains. Milton ( Arch. of Dermat . ,
vol . II, p. 131 ) l'a vu débuter par le petit doigt , puis envahir la main et
>

le nez . En somme Nevins Hyde a pu réunir dans les divers auteurs


35 cas de lupus érythémateux des mains : 12 d'Erasmus Wilson , 1 de
Jamieson, 1 de Milton , 3 de Stowers, 6 de Kaposi, 1 de Neumann,
1 de Cazenave , 1 de Bulkley , 1 de Tilbury Fox , 4 d’Hutchinson ,
et 4 enfin qui lui sont personnels .
D'après sa statistique l'affection a débuté entre 7 et 40 ans, d'ordi
naire dans les environs de la vingtième année .
Le plus souvent le malade reste plusieurs années (7 ans en moyenne)
avant d'en arriver à consulter un spécialiste. Sur ces 35 cas on n'a noté
que 20 fois quelle avait été la partie du corps la première envahie par la
maladie : la face l'a été 12 fois, les mains 4 fois, les doigts 3 fois et
l'avant-bras une seule fois. Il n'y a qu'en Angleterre et qu'en Amérique
que l'on ait observé des cas de lupus érythémateux limité aux mains .
Sur ces 35 cas on a noté 29 fois que d'autres parties du corps que les
mains avaient été envahies, presque toujours la face a été prise. 5 fois
seulement la lésion est restée exclusivement cantonnée aux mains . Dans
17 cas on a noté le siège exact des lésions; les deux mains ont été prises
12 fois, la main gauche seule 3 fois, la droite seule 2 fois, la paume des
mains 3 fois, le dos des mains 10 fois, les parties latérales 2 fois, le bout
des doigts une seule fois. Malgré tout ce qu'ont pu dire les auteurs à ce
sujet, il paraît actuellement prouvé que les traumatismes repétés n'ont
aucune influence sur le développement et la localisation du lupus erythe
mateux aux mains, à l'inverse de ce qui se passe pour les syphilides.
Sur les 35 cas relevés par l'auteur, les doigts ont été pris 28 fois. Les
deux tiers des malades étaient des femmes . L'affection évolue avec la
plus extrême lenteur, et elle semble se développer de préférence chez
des sujets maigres, pâles, un peu débilités.
Tel est le mémoire fort intéressant de l'auteur américain ; comme on
peut en juger par l'analyse qui précède, cette étude a été faite avec le
plus grand soin et cependant nous sommes forcé d'y signaler une
lacune des plus regrettables : la question du diagnostic n'y est pas traitée.
Elle était pourtant des plus importantes, surtout pour nous autres étran
gers qui connaissions bien les cas de lupus erythémateux à extension
rapide et à quasi-généralisation qui arrivent à envahir les mains, mais
qui ne sommes guère habitués à porter le diagnostic de lupus érythéia
teux , devant une lésion à marche excessivement lente et exclusivement
ANNALES DE DERYAT . , 2. SÉRIE . VI . 40
614 REVUE DE DERMATOLOGIE .

localisée aux extrémités. Il était donc, ce nous semble, indispensable de


préciser les caractères différentiels qui permettent de distinguer un
lupus erythémateux, à marche et à siège aussi insolites, des syphilides
tertiaires serpigineuses superficielles, des vieux eczémas, des vieux pso
riasis et surtout des lésions si fréquemment localisées aux extrémités, que
M. le Dr Vidal a décrites en 1883 sous le nom de lupus scléreux . En
analysant les quatre observations precedentes du Dr Nevins Hyde, nous
avouons avoir cru reconnaître les principaux caractères cliniques de cette
dernière dermatose , son siège si particulier, sa marche lente et torpide,
son aspect circiné, son centre souvent cicatriciel et souple, sa bordure
en activité et d'une dureté, d'une rigidité tout à fait spéciales . Nous ne
faisons toutefois qu'énumérer ces ressemblances, sans y insister davan
tage et sans conclure , ce qu'il ne serait guère possible de faire qu'après
avoir vu les malades. Il n'en est pas moins vrai que le point que nous
venons de signaler jette un peu d'obscurité sur le travail précédent. Il
serait possible qu'il y eût eu là une confusion . L. B.

CAS DE PSORIASIS SE TRANSFORMANT SUCCESSIVEMENT EN PRODUCTIONS VERRC


QUEUSES , PUIS EN EPITHÉLIOMA, par le D' JAMES C. WHITE . (American
Journal of the medical sciences, janvier 1883. )
Cas I. En 1866 , un malade ågé de 27 ans vint consulter l'auteur pour
un psoriasis qui avait débuté en 1860 , et n'avait jamais complètement dis
paru depuis cette époque, s'affaissant beaucoup pendant l'été, pour repa
raitre pendant l'hiver avec toute son intensité. Lorsque le Dr White l'exa
mina, il n'avait que la poitrine, les bras et le front d'envahis ; les éléments
éruptifs présentaient le type guttata el nummulaire, et ils étaient fort entlam
més. Il est vrai que le malade faisait des frictions avec la solution de lle
minckx, avec de l'huile de cade et une solution alcoolique de savon : mais
en réalité la peau se montrait peu tolérante pour toutes les applications
externes un peu efficaces. Aussi eut-on encore recours à la solution de
Fowler comme à un des moyens les moins mauvais de soulager le patient.
Le Dr White continua ensuite à le traiter pendant dix ou douze ans , sans
rien remarquer chez lui qui fùt digne d'intérêt, si ce n'est le caractère exces
sivement rebelle de l'éruption qui ne cédait à aucun médicament soit interne,
soit externe, et il essaya cependant tous ceux dont les dermatologistes enri
chirent la matière médicale pendant cette période.
Il y a dix ans environ, plusieurs placards de psoriasis situés sur le cuir
chevelu, sur la face dorsale des mains, et sur la partie inférieure des avanl
bras commencèrent à changer d'aspect . Ils devinrent moins rouges, moins
squameux, plus surélevés au -dessus du niveau des parties voisines, et
finirent par se convertir en des néoformations saillantes, dures, cornées, à
bords nettement arrêtés ; les unes ressemblaient à de la kératose sénile, d'au
tres à certaines variétés de verrues. Sept ans plus tard , l'un de ces élé
menis, situé à la face palmaire de la main droite, près du poignet, s'excoria,
et finit par constituer un petit ulcère, qui , malgré tous les pansements em
REVUE DE DERMATOLOGIE . 613

ployés, persista pendant plusieurs mois avec des alternatives diverses, mais
en somme avec une tendance assez marquée à s'étendre et à creuser en
profondeur. Après un certain laps de temps, les parties voisines des tégu
ments s'indurèrent, s'épaissirent, formant une sorte de bourrelet résistant
autour de l'ulceration centrale . Enfin , comme la lésion gagnait toujours
malgré les applications et les caulérisations les plus diverses, et que son dia
mètre dépassait déjà un demi-pouce, on se décida en août 1883 à l'enlever
profondément par le raclage :: on opéra également une autre lésion iden
tique à la précédente comme évolution, mais beaucoup plus récente et beau
coup plus petite, qui s'était développée sur l'une des productions verru
queuses de la face palmaire de la main gauche entre l'index et le médius .
Les plaies semblèrent se fermer ; mais bientôt on vit les points qui avaient
été alteints devenir avec la plus grande rapidité le siège d'une induration et
d'un épaississement des plus marques, de telle sorte que la paume de la
main droile présentait une lésion de plus d'un pouce de diamètre. Au com
mencement de 1884, le professeur Henry J. Bigelow , le D' Hodges et l'au
teur eurent une consultation : on voyait alors sur presque tout le tiers infé
rieur de la face palmaire de la main droite une saillie rouge à surface un
peu inégale , au centre de laquelle se trouvait une ulcération à bords ren
versés et à fond recouvert de granulations fongueuses. Au palper, le reste de
la masse morbide donnait une sensation de résistance profonde, sauf en un
ou deux points , où se voyaient des végétations globuleuses,molles, ayant les
dimensions d'un gros pois , et quelque peu transparentes. Sur l'autre main,
la lésion dont on avait opéré le raclage avait également pris le même aspect.
Les ganglions épitrochléens et axillaires étaient restés indemnes. Cependant,
l'avis unanime des médecins el chirurgiens américains fut qu'il s'agissait
de productions épithéliomateuses, qu'il fallait pratiquer l'amputation de la
main droite et une large excision des parties malades de la main gauche .
Le malade vint alors en Europe consulter Hutchinson et sir James Paget å
Londres, Kaposi et Billroth à Vienne. Pendant ce voyage qui dura de six å
à sept semaines , les lésions s'aggravèrent encore , et les souffrances qu'elles
déterminaient étaient devenues assez fortes pour causer l'insomnie. Aussi
comme les consultants d'Europe avaient été unanimes à conseiller d'inter
venir, on se décida en avril 1884 à pratiquer l'amputation de la main droite
au- dessus du poignet , et d'exciser l'index et le médius de la main gauche
avec la moitié attenante des deux métacarpiens. Les plaies consécutives å
ces opérations se cicatrisèrent avec la plus grande rapidité , et le malade se
rétablit complètement. L'examen histologique, qui fut pratiqué par le profes
seur Fitz , montra que la néoplasie était constituée de trainées anastomosées
de cellules semblables à celle des couches profondes de l'épiderme, séparées
par une trame de tissu fibreux . Ces trainées, de forme très irrégulière, se
ramifiaient dans toutes les directions et renfermaient de nombreux globes
épidermiques . Il s'agissait donc bien évidemment d'un épithélioma.
Cas II . - Le 1er août 1884 , un malade , âgé de 52 ans , vint consulter l'au
teur pour une ulcération datant déjà de plusieurs années, qu'il portait à la
partie antérieure du poignet droit. Elle avait environ 2 pouces de long sur
pouce 1/2 de diamètre transversal; elle était profonde, douloureuse , avait
des bords surélevés et indurés . On remarquait de plus de nombreuses pro
ductions cornées verruqueuses sur les mains et les doigts ; sur le front et
d'autres points du corps se voyaient des éléments disséminés de psoriasis.
Le malade était atteint depuis son adolescence de cette dernière affection, et
616 REVUE DE DERMATOLOGIE .

il en avait présenté à peu près constamment des manifestations malgré


toutes les médications qu'il avait essayées . Depuis dix ans environ , plusieurs
placards de psoriasis des mains s'étaient épaissis, avaient pris un aspect corné,
et s'étaient transformés en véritables productions verruqueuses. Quelque
temps après, l'une d'elles , située vers la face palmaire du poignet, se ramollit,
s'ulcéra, ct continua à se développer malgré tous les pansements, toutes les
applications caustiques et tous les raclages que l'on put faire. Au moment
où l'auteur vit le malade, l'une des productions verruqueuses situées entre
les doigts commençait à se ramollir ; il y avait aussi une toute petite ulcéra
tion à la partie interne de la fesse près de l'anus, et deux petites excoria
tions couvertes de croûtes de caractère suspect sur le pénis et dans l'aine .
Les ganglions étaient indemnes; le malade était un peu affaibli par les souf
frances que lui causait l'affection de la main . Le Dr Hodges pratiqua l'abla
tion large et complète des tissus malades le 18 août. Il fut pour cela obligé
d'enlever en surface les tissus dans une étendue de 2 pouces 1 /8e de dia.
mètre et d'aller en profondeur jusqu'aux tendons fléchisseurs et aux os du
carpe : il coupa des artères, des nerfs, le tendon du grand palmaire, enleva
des fragments des muscles du pouce et du petit doigt, le ligament annulaire
du carpe, elc... Le 12 septembre, une nécrose de tendons et d'aponévroses
situés sur le bord cubital nécessita une opération complémentaire. Tout
paraissait aller pour le mieux quand le 18 septembre, sans raisons appa
rentes, le malade fut pris d'une vive douleur à la partie interne du bras. Le
20, on vit apparaître tous les symptômes d'une lymphangite, le creux de
l'aisselle se tuméfia , et il se développa un phlegmon diffus des plus graves
avec symptômes généraux. Malgré des incisions et un traitement des plus
énergiques, les forces du malade déclinèrent rapidement et il succomba le
4 octobre .
L'examen microscopique des parties malades enlevées fut pratiqué par le
professeur Fitz qui trouva qu'elles étaient constituées par de gros amas de
cellules épithéliales de forme et de dimension très irrégulières, séparés par
d'étroites bandes de tissu fibreux, et s'étendant profondément dans le pani
cule adipeux sous-cutané . L'aspect et le groupement de ces cellules épithé
lioïdes montraient que tous les éléments constitutifs de la peau étaient
envahis : l'épiderme, le derme, les follicules pileux , les glandes sebacées at
sudoripares .
Ces coupes différaient assez notablement de celles des cas précédents. En
effet, chez le premier malade, on voyait un stroma fibreux , dense, abondant,
sillonné de bandes étroites et anastomosées de petites cellules épithélioides :
la forme et la situation de ces derniers éléments rappelaient la distribution
des lymphatiques de la peau , et l'on pouvait se demander si les lymphati
ques n'avaient pas été réellement ici atteints les premiers. Dans le deuxième
cas, au contraire, il y avait exubérance de productions épithélioïdes et fort
peu de tissu fibreux.

Telles sont les deux observations que publie le Dr White. L'auteur a


cru pendant longtemps que c'étaient là des cas uniques dans leur genre ;
il a pu toutefois en trouver un troisième exemple . En 1878 , le Di Cartaz
présenta à la Société anatomique l'observation d'un homme âgé de
40 ans , qui n'avait jamais eu d'autre maladie qu'un psoriasis, lequel avait
débuté à 17 ans et avait envahi entre autres points la paume des mains
REVUE DE DERMATOLOGIE . 617

et la plante des pieds. A force de gratter l'une des plaques de ce pso


riasis située sur la face palmaire de la seconde phalange de l'annulaire
droit , il détermina l'apparition d'une petite ulcération qui , loin de se
cicatriser, ne fit que grandir et prit bientôt l'aspect d'un cancroïde, de
4 centimètres d'étendue . On pratiqua l'ablation complète du doigt et il
n'y eut pas de récidive. Bien que l'auteur français n'ait pas noté dans
ce cas la formation d'une production verruqueuse comme phase intermé
diaire entre le psoriasis et l'épithélioma , le Dr White croit que cette
observation doit être assimilée aux deux précédentes.
Il fait ressortir l'extrême rareté de cette complication dans le pso
riasis , qui est une dermatose des plus communes . Mais il s'attache à
prouver en analysant les opinions des dermatologistes les plus autorisés
sur la nature et la structure du psoriasis, des verrues et de l'épithé
lioma, que ce sont là trois affections qui ont en somme beaucoup de
ressemblance comme anatomie pathologique.
Plusieurs pathologistes ont déjà mentionné la possibilité de voir se
développer des productions verruqueuses sur des placards de psoriasis :
dans certains cas de psoriasis chroniques et rebelles, la peau devient
rugueuse et comme chagrinée ; en la regardant de très près, on voit que
cet aspect est dû à une hypertrophie des papilles . De là à la formation /

de véritables verrues , il n'y a qu'un pas . D'autre part , l'on sait avec
quelle facilité les productions verruqueuses irritées, écorchées , soumises
à des traumatismes répétés, dégénèrent en cancroïdes. Le Dr White pense
donc que les cas qu'il vient d'observer, tout en étant des plus rares, res
tent fort explicables, et que l'on devra désormais tenir compte de la
possibilité de cette complication dans les cas de psoriasis chronique des
extrémités supérieures. L. BROCQ .

RECHERCHES SUR LA KÉLOIDE , par le Dr J. HUTCHINSON. (Med . Times,


23 mai 1885.)
L'auteur commence par bien établir qu'il ne faut plus donner le nom
de kéloïde à l'affection que l'on désignait autrefois sous le nom de kéloïde
d’Addison ou de true keloid, et que l'on appelle actuellement morphée
ou sclérodermie. Le terme kéloïde doit s'appliquer uniquement dé
sormais à la maladie cutanée bien connue que caractérisent des néofor
mations luisantes, surélevées sur les parties voisines, aplaties, à bords
irréguliers, abrupts , poussant les prolongements les plus capricieux dans
la peau saine . C'est la kéloïde des cicatrices, ainsi nommée parce que la
plupart des dermatologistes, et l'auteur est de ce nombre, soutiennent
qu'elle débute tojours au niveau d'une cicatrice, qu'elle ne se produit
jamais sur une peau non traumatisée. Il est vrai que cette cicatrice peut
618 REVUE DE DERMATOLOGIE .

être aussi minime que possible, résulter par exemple d'un furoncle, de
la piqûre d'un insecte, d'un bouton d'acné , et , qu'une fois apparue, la
kéloïde peut s'étendre, envahir les tissus sains, prendre des proportions
tout à fait démesurées eu égard à son point de départ. Si l'on n'admettait
pas la réalité de ce fait d'observation qui s'impose, il faudrait alors dans
un grand nombre de cas reconnaître que la kéloide s'est développée sur
un tissu primitivement sain . Les caractères de ces productions kéloi
diennes ne sont peut- être pas tout à fait les mêmes quand elles se for
ment sur de vastes cicatrices bjen nettes, ou quand elles ont pour point
de départ une cicatrice imperceptible et presque hypothétique. Dans
beaucoup de cas la kéloïde montre une certaine tendance à disparaitre
après quelques années de durée . Or, plus le processus kéloïdien est
resté cantonné au tissu cicatriciel , plus il y a de chance pour que sa
guérison spontanée se produise. Au contraire, si la kéloïde a débuté par
une toute petite cicatrice, puis s'est étendue dans la peau saine, elle
persistera beaucoup plus longtemps, et pourra peut- être durer toute la
vie . Aussi l'histoire de cette deuxième variété de kéloïde est -elle fort
intéressante ; et, à ce propos, l'auteur relate une observation des plus
curieuses, en ce qu'elle montre comment ces tumeurs se forment, et en ce
qu'elle est un bel exemple de la forme multiple, nettement constitution
nelle de l'affection .
Mme S... vint consulter le Dr Hutchinson il y a environ dix ans pour une
production kéloïdienne qui s'était développée vers le milieu de sa poitrine
depuis une dizaine d'années. Il lui fit espérer qu'elle pourrait peut-être dis
paraître spontanément, ct il lui conseilla fortement de ne jamais la faire
enlever. En octobre 1884 la malade revint le trouver. La partie supérieure
de la plaque était devenue tout à fait souple et était presque de niveau avec
la peau saine, mais la tumeur s'était au contraire fort étendue dans sa partie
inférieure dont les bords étaient très épais et très durs. Elle avait quatre
pouces de long sur un pouce et demi de large ; elle était le siège de douleurs
fréquentes et de démangeaisons intolérables. Pendant le mois dernier elle
s'était enflammée vers le centre, un abcès s'y était formé puis s'était ouvert.
La malade pensait qu'elle avait bien pu en déterminer l'apparition à force
de se frotter et de se gratter. Il n'y aurait eu comme point de départ de
cette keloide aucune cicatrice ; cependant la malade se souvenait d'avoir vu
comme première phase de l'affection un petit bouton dur, une sorte de fu
roncle avorté, qui commença par ètre le siège de douleurs et de deman
geaisons, puis se transforma graduellement en une kéloïde. Cette keloide
avait donc mis vingt ans à atteindre les dimensions actuelles, et elle conti
nuail encore à s'étendre.
Mme S... avait eu en 1884 deux autres kéloïdes en train de se produire.Sur
l'épaule droite se trouvait une bande indurée de deux à trois pouces de
long , d'un rouge viſ, et formée d'une série de noyaux enchatonnés dans les
léguments. Bien que cette lésion existat déjà depuis plusieurs années, elle
n'avait pas encore pris l'aspect caractéristique de la keloïde. Immédiatement
au - dessus du nombril se voyait une autre longuc bande indurée analogue à
REVUE DE DERMATOLOGIE . 619

la précédente, quoique moins prononcée, n’existant que depuis une année et


fort dure . La malade prétendait que sa grande kéloïde avait présenté au
début exactement le même aspect que deux autres petites papules dures
situées sur l'abdomen près de la dernière lésion que nous venons de men
tionner. Ces papules étaient coniques, à peu près du volume du bout du
petit doigt, et d'un rouge sombre. Leur surface n'était ni brillante, ni polie ;
mais elles ressemblaient à des furoncles avortés. Elles avaient fait leur pre
mière apparition il y a un an , elles étaient déjà le siège de douleurs et de
démangeaisons, et il était plus que probable qu'elles allaient devenir des
kéloïdes ainsi que l'affirmait Mme S... La malade portait sur une cuisse la
cicatrice d'un furoncle, et cette cicatrice n'avait jamais subi de transforma
tion kéloïdienne.

L'auteur pense que l'on peut regarder l'observation précédente comme


un cas type de kéloide débutant sans tissu cicatriciel visible . Cependant
il ne croit pas qu'on doive s'appuyer sur elle pour prétendre que la
kéloïde peut prendre naissance sur une peau complètement indemne.
Pour lui la forme longitudinale des bandes indurées que nous avons
décrites prouve qu'elles ont été occasionnées par des lésions de grattage;
et d'ailleurs la première phase de développement n'est qu'une inflamma
tion chronique avec induration de tissu ; ce n'est que plus tard que la
production morbide revêt les caractères typiques de la kéloïde . Il en est
de même des deux tubercules de l'abdomen , qui ne sont pas encore des
kéloïdes, mais de simples produits inflammatoires chroniques. Il est
probable ( toujours d'après l'auteur) que ces processus inflammatoires
prolongés préparent les tissus à l'évolution de la véritable kéloïde . C'est
ainsi que des héloïdes peuvent se développer dans le lobule de l'oreille
chez les personnes qui portent des boucles . Il est évident que dans de
pareils cas, la quantité de tissu cicatriciel formé ne peut être que fort
minime, et que l'élément qui entre surtout en jeu est l'irritation chro
nique causée par le corps étranger.
L'auteur se demande ensuite s'il faut regarder comme règle absolue de
ne jamais opérer. Il pense qu'il peut y avoir des circonstances où une
opération doit être permise, en particulier quand il s'agit d'une kéloïde
développée sur une très minime cicatrice, s'étant étendue sur les tissus
sains et persistant depuis de longues années sans la moindre améliora
tion. Il ne peut cependant citer aucun fait personnel à l'appui de cette
manière de voir. Il n'a pour sa part jamais opéré un seul cas réellement
typique de kéloïde vraie ; mais il a pratiqué l'excision de plusieurs
nodules de ce que l'on a appelé la kéloïde sous-cutanée, affection dans
laquelle la néoplasie prend naissance dans le chorion ou même dans le
tissu cellulaire sous -cutané, et ne tend jamais à former les tumeurs
extérieures surélevées de la forme commune. Cette variété est fort rare
et des plus difficiles à diagnostiquer des autres tumeurs de la peau, des
sarcomes en particulier. Voici d'ailleurs le résumé de ces faits :
620 REVUE DE DERMATOLOGIE ,

Dans le premier cas il s'agissait d'une jeune femme de 19 ans environ, qui pré
sentait une masse indurée dans la peau du sein gauche : il y avait en réalité
deux noyaux voisins l'un de l'autre : ils étaient situés dans les parties les
plus profondes des téguments et formaient de légères saillies. Bien qu'ils
donnassent au doigt une sensation de dureté aussi grande que des kéloides
vraies , ils n'avaient ni l'aspect brillant, ni les bords abrupts de ces néopla
sies . L'auteur en pratiqua l’ablation ; on les trouva à l'examen microscopique
uniquement constitués de tissu fibreux , et un an après l'opération, il n'y
avait pas encore eu de récidive.
Le deuxième malade était un marin qui portait sur le devant de la poitrine ,
un peu છેà gauche de la ligne médiane , une plaque indurée de trois pouces
de long sur un pouce et demi de large . La néoplasie était encore ici
située dans la peau , et ne s'élevait pas au-dessus de la surface des tégu
wents; seulement par place elle leur donnait une coloration un peu blanchâtre .
Elle avait débuté il y a plus de vingt ans par un tout petit noyau . L'examen
microscopique qu'on pratiqua après l'ablation révéla qu'elle était constituée
par un épaississement fibreux considérable du chorion. Trois ans après l'opé
ration il n'y avait pas eu de récidive.

Après avoir cité ces deux faits, l'auteur ajoute encore que ce sont là
pour lui des variétés de kéloïde ; la longue durée de ces tumeurs, leur
structure, l'endroit où elles se sont développées, sont pour lui autant
d'arguments décisifs. Il est vrai que l'on n'a pu trouver comme point
de départ une cicatrice quelconque , mais il est fort probable qu'un fu
roncle ou qu'une pustule d'acné en a précédé l'apparition.
Il fait ensuite remarquer que la kéloïde ne récidive pas après l'ablation
complète de la néoplasie, parce que les tissus voisins ont déjà été envahis
par la production morbide, comme cela se passe dans le cancer, mais
7

parce qu'il y a chez le malade une prédisposition générale de l'économie


à fabriquer du tissu de kéloïde partout où il y a eu traumatisme. Il cite
à cet égard l'exemple d'une jeune fille chez laquelle il enleva une plaque
de kéloïde sur l'épaule , puis il combla la perte de substance en y trans
plantant un morceau de peau saine . Peu après la guérison était com
plète, mais de petites kéloïdes se développèrent au niveau de presque
tous les points de suture.
Les cas de kéloïdes multiples dans lesquels cette sorte de diathèse
kéloïdienne semble évidente sont assez nombreux. L'auteur rappelle à
cet égard plusieurs cas, entre autres celui du Dr Goodhart ( 1881 ), et
l'intéressant rapport auquel il donna lieu à la Pathological Society of
London , et celui d'une malade de 27 ans, dont il donne l'observation et
chez laquelle les productions kéloïdiennes se développèrent d'abord sur
des cicatrices de brûlures, puis envahirent les cicatrices laissées par une
variole antérieure.
L'auteur se demande ensuite s'il existe quelques relations entre la
kéloïde et le cancer. Bien qu'il ait observé parfois l'ulcération des pro
REVUE DE DERMATOLOGIE . 621

ductions kéloïdiennes, il n'en est pas moins vrai qu'il ne les a jamais
vues prendre un caractère de malignité et causer de l'engorgement gan
glionnaire . Cependant il a souvent trouvé des antécédents de cancer chez
les proches parents des personnes atteintes de kéloïdes, et il a vu dans
plusieurs cas des cancers se développer chez elles .
En somme, il croit qu'il faut reconnaître plusieurs variétés de kéloïde,
différant entre elles comme mode de début, comme évolution , comme
durée , comme pronostic. La première forme, la plus typique, est celle
qui a pour point de départ une cicatrice minuscule et qui de là s'étend
dans la peau saine ; c'est la plus grave et la plus rebelle de toutes. La
deuxième forme débute au milieu de vastes cicatrices et n'envahit pas
les tissus sains; elle a une certaine tendance à disparaître graduellement.
La troisième forme est constituée par des tumeurs plus profondes, à
marche très lente, n'ayant que peu de tendance à disparaître; elle semble
être surtout en rapport avec des inflammations chroniques des téguments.
Elle a moins de tendance que les autres formes à récidiver. L. BROCQ .

DU DÉVELOPPEMENT EXAGÉRÉ DES POILS ( HYPERTRICHOSE ), par le Dr GEORGES


Th. Jackson. ( New-York medical Record , 23 mai 1885.)

L'auteur vient de publier sur ce sujet, dans le Medical Record du


23 mai 1885 , un long article dans lequel il passe en revue les cas les
plus fameux d'hypertrophie pileuse connus. Il les divise en : 1 ° hyper
trichose généralisée, dans laquelle les poils se développent avec une
abondance et une longueur exagérées sur toute l'étendue des téguments,
à l'exception de quelques points bien connus, tels que la paume des
mains, la plante des pieds, les phalanges ungueales des doigts et des
orteils , la face interne des grandes lèvres, le prépuce et le pénis ;
2° hypertrichose partielle, laquelle se subdivise en hypertrichose par
tielle congénitale, difformité cutanée qui n'est autre que le novus
pilosus, et hypertrichose partielle acquise, que l'on observe surtout au
visage chez les jeunes femmes . Je ne veux point suivre l'auteur dans
tous les développements auxquels l'entraîne un sujet aussi intéressant ,
mais je désirerais dire quelques mots de la méthode de traitement qu'il
préconise, car ce qui frappe quand on ouvre nos traités actuels de
dermatologie, c'est la pénurie et l'inefficacité des moyens dont nous dis
posons contre une infirmité aussi disgracieuse.
Il ne peut s'agir ici bien entendu que de combattre une hypertrichose
localisée, celle de la face en particulier. D'après l'auteur , c'est en 1879
que le Dr Michel, de Saint-Louis, eut le premier l'idée d'employer l'élec
trolyse pour détruire les cils dans le trichiasis, et presque aussitôt le
622 REVUE DE DERMATOLOGIE .

D: Hardaway appliqua ce procédé à l'hypertrichose. Depuis lors , cette


opération a été pratiquée par de nombreux médecins, en particulier par le
Dr Georges H. Fox de New - York . D'après les dermatologistes américains, la
destruction obtenue par cette méthode serait définitive . Mais, comme on
se propose pour objectif de détruire la papille, et que cette papille du
poil est très petite et forme souvent un angle dont on ne peut prévoir
l'inclinaison avec la surface de la peau , il n'est pas toujours possible
d'y arriver à une première tentative. Le succès de l'opération dépend
d'ailleurs beaucoup de l'habileté de l'opérateur, et la quantité de poils
détruits dans une première séance varie de 20 à 50 0/0 . Il est donc
nécessaire de faire une deuxième et même une troisième opération com
plémentaires . Parfois après que l'on a obtenu la destruction des poils
volumineux, il reste une assez grande quantité de poils plus fins et moins
colorés , qui deviennent visibles après l'ablation des autres, et qui peut
être poussent plus vite grâce à l'excitation causée par l'opération .
Dans la plupart des cas, quand on fait grande attention et qu'on se
sert d'une aiguille très fine, il ne persiste que de toutes petites cicatrices
punctiformes. Mais chez certains sujets à peau irritable , il est vraiment
fort difficile d'empêcher la formation de cicatrices apparentes, et si
l'opération n'est pas faite selon toutes les règles, la malade peut être
défigurée .
Rien de plus variable que la douleur éprouvée par le sujet : il y a des
femmes qui ne peuvent supporter un courant deux fois moins fort que
celui que d'autres tolèrent avec la plus grande facilité. Certaines régions
du visage sont beaucoup plus sensibles que d'autres, en particulier le
rebord de la mâchoire inférieure de chaque côté du menton , et la lèvre
supérieure. En somme la douleur n'est nullement intolérable , et on peut
la modérer en pratiquant pendant cinq ou dix minutes avant l'opération
des frictions sur la région à opérer avec de l'oléate de cocaïne. Il peut
se développer ensuite un excès de pigment dans la peau, mais c'est là
une complication d'une extrême rareté.
Les instruments nécessaires sont une bonne pile à courants continus
de vingt éléments ( zinc et charbon ), une électrode avec éponge, un
porte -aiguille convenable, une aiguille très fine, une pince à épiler, el ,
si les yeux de l'opérateur ne sont pas excellents , une loupe. Les meil
leurs porte-aiguilles ne doivent pas être trop longs, mais ils doivent l'être
assez pour être bien en main ; l'auteur leur assigne une longueur de trois
à quatre pouces et une grosseur d'environ trois seizièines de pouce de
diamètre. Ce qui est de beaucoup le plus important, c'est le choix de
l'aiguille. Le D' Hardaway (voir le numéro d'avril du Journal of Cuta
neous and Venereal diseases) a fait fabriquer pour cela une aiguille toute
spéciale d'iridium et de platine; elle aurait d'après lui l'avantage de
REVUE DE DERMATOLOGIE . 623

suivre avec plus de facilité la direction du follicule et d'arriver plus


sûrement jusqu'au bulbe du poil . L'auteur emploie, dit- il , avec le plus
grand succès un instrument de bijouterie que l'on appelle « steel broach »
et que l'on peut , parait-il, se procurer chez les joailliers avec la plus
grande facilité ; il se sert surtout du « sieel broach » nº 3. Il faut les
choisir avec le plus grand soin , car leurs pointes sont si fines qu'elles sont
souvent cassées .
Il est nécessaire d'avoir un jour parfait pour procéder à l'opération .
La partie à opérer doit être en pleine lumière et au niveau de l'ail du
médecin . On place le malade, on lui fait tenir dans une main l'électrode
éponge mise en communication avec le pôle positif. On saisit le poil à
détruire avec une pince à épiler, et on exerce sur lui une très légère
traction dans la direction qu'il suit naturellement en sortant du follicule.
On prend ensuite le porte-aiguille comme un porte-plume et on fait
pénétrer l'aiguille dans le follicule pileux en la dirigeant parallèlement
à la direction du poil . On arrive très vite à reconnaître si on est dans le
follicule pileux ou si on n'y est pas d'après la sensation toute particu
lière de résistance que l'on éprouve lorsque l'on ponctionne la peau . La
profondeur à laquelle on doit enfoncer l'aiguille varie suivant les cas de
un seizième à trois seizièmes de pouce. Lorsque l'aiguille est bien placée,
on fait passer le courant, et l'on voit alors se produire autour de l'aiguille
une légère rougeur, puis une coloration blanchâtre; après un temps qui
varie d'une demi-minute à une minute et plus, le poil se détache sous la
plus légère traction .
Il faut se servir du pôle négatif, car si l'on employait le pôle positif,
on pourrait produire des escharres, et déterminer ainsi des cicatrices
apparentes et définitives. On ne doit pas tirer sur le poil avec force, car
la facilité avec laquelle il se détache de son follicule est une garantie de
non -récidive. Il ne faut pas dans la même séance opérer tous les poils
voisins les uns des autres, car on pourrait ainsi causer des inflamma
tions trop vives, qui entraîneraient de profondes ulcérations et des cica
trices . La force du courant dépend beaucoup du sujet. L'auteur n'a
jamais employé moins de huit éléments et jamais plus de quinze. Tout
d'abord on ne détruit que les poils les plus volumineux.
L'effet immédiat de l'opération est la production de nombreuses pus
tules. Le surlendemain , on ne voit plus que des points rouges, et au
bout de quelques jours, il ne reste plus que quelques petites cicatrices
que l'on n'aperçoit qu'en regardant avec beaucoup de soin . Le malade
doit se laver la figure avec de l'eau chaude, et s'enduire de cold
Crealu .
L. BROCO .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

RECHERCHES SUR LE BACILLE DE LUSTGARTEN, par MM . ALVAREZ et Tavel.


( Archives de Physiologie , 30 septembre 1885.)
Lorsque parut , il y a un an à peine, le premier mémoire de
Lustgarten, décrivant le bacille dont il avait constaté la présence dans
divers produits syphilitiques, il sembla que l'on avait enfin mis la main
gent infectieux de la syphilis ; les résultats obtenus par Koniger,
Doutrelepont et Schütz, Babès, Glacomi confirmerent bientôt dans
cette espérance ; le travail dont nons avons à rendre compte montre au
contraire que le microbe décrit par Lustgarten n'est point encore le
microbe de la syphilis, dont on demeure forcé d'admettre l'existence
sans pouvoir reconnaître sa présence et ses caractères.
Lustgarten avait constaté le bacille qu'il a décrit dans toutes les
lésions et sécrétions syphilitiques qu'il a examinées (chancres, plaques
muqueuses, gommes) ; dans aucun cas , il ne l'avait rencontré en dehors
de la syphilis . Malgré l'insuccès des cultures et par suite l'impossibilité
d'inoculer ce bacille aux animaux, il était possible, sur ces données,
d'admettre les relations de ce bacille avec la syphilis.
Les recherches de contrôle entreprises par MM . Alvarez et Tavel
leur ont donné les résultats suivants :

Sur les coupes de 5 chancres indurés du prépuce, de 2 plaques muqueuses


et d'une gomme du poumon , il a été impossible de constater l'existence
du bacille de Lustgarten , malgré les soins mis à sa recherche et le nombre
des coupes examinées.
Les sécrétions de 31 chancres indurés ont fourni, au point de vue de la
présence du mème bacille, 19 résultats positifs et 12 résultats négatifs ; sur
les sécrétions de 24 accidents syphilitiques divers (plaques muqueuses, syphi
lides ulcérées, gommes) , 14 contenaient des bacilles , 10 n'en renfermaient
pas .

Le bacille de Lustgarten manque donc sur les coupes de lésions


syphilitiques et est inconstant dans les sécrétions syphilitiques.
Diverses sécrétions pathologiques renfermaient, mais non constamment,
un bacille semblable à celui décrit par Lutsgarten : sur 12 chancres mous,
3 résultats positifs , 9 négatifs ; sur 3 herpès du prépuce, 2 résultats positifs,
1 négatif ; un cas de pemphigus ( lamelles prises à la cuisse) a donné 1 re
sultat positif ; le résultat a été négatif dans les faits suivants : 3 ulcérations
des organes génitaux, de diagnostic douteux ; 1 perforation de la voûte
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 625

palatine, de diagnostic douteux, 1 ulcération de l'amygdale , 4 eczémas,


1 ulcère la jambe. 2 adénites suppurées, 1 sécrétion épithéliale d'un ail
de perdrix, 1 ulcération cancéreuse.
Les sécrétions épithéliales de la bouche, des oreilles, des pieds, elc. , ont
fourni des résultats négatifs .
La sécrétion épithéliale des organes génitaux (smegma) et de l'anus chez des
sujets non syphilitiques a donné 10 résultats positifs et 4 résultats négatifs.

Quant aux cultures entreprises par MM . Alvarez et Tavel, elles


sont encore en voie d'exécution :
Aux méthodes indiquées par Lustgarten (coloration par l'huile
d'aniline et le violet de gentiane, traitement par l'alcool absolu , le
permanganate de potasse et l'acide sulfureux) et par Giacomi (coloration
par la fuchsine à chaud , décoloration par le perchlorure de fer ),
MM . Alvarez et Tavel préférent la méthode suivante :
« La lamelle est chauffée lentement dans un bain colorant composé
d'eau distillée ou mieux de solution d'aniline à laquelle on ajoute
quelques gouttes de solution alcoolique concentrée de fuchsine ; dès
qu'il y a dégagement de vapeurs , on cesse de chauffer et on laisse
refroidir un peu ; la lamelle est lavée au courant d'eau et passée pen
dant 15 à 20 secondes dans l'acide nitrique au tiers, puis lavée à l'eau
distillée. L'eau de lavage est évaporée à l'air ou sur l’étuve et la
préparation montée au Baumé. » Les acides chorhydrique et sulfurique
peuvent être employés à la place de l'acide nitrique. L'acide acétique
glacial décolore assez rapidement le bacille, dont les réactions colorantes
sont très analogues à celles du bacille de la tuberculose : il s'en
distingue cependant par sa moindre résistance à l'acide acétique glacial
et au lavage consécutif à l'alcool ; en outre, par le procédé d'Erlich
( coloration au violet de méthyle ou de gentiane , décoloration par
l'acide nitrique, lavage à l'alcool) le bacille de Lustgarten , ainsi que
celui constaté par MM . Alvarez et Tavel, se décolorent complètement.
3

Ce bacille est un peu plus grêle et de longueur plus variable que le


bacille de Koch, sa longueur varie de 2 à 7 , sa longueur moyenne
étant de 3 à 4 y , sa largeur d'environ 3,10 H. . Il est tantôt droit , tantôt
incurvé en 1 ou 2 points, et ressemblant parfois alors au bacille
virgule ; ses bords sont parfois irréguliers ; sa coloration n'est pas tou
jours égale et parfois il présente des espaces clairs ou des grains
colorés en forme de chapelet, mais cet aspect granuleux est beaucoup
moins apparent que dans le bacille de la tuberculose . Comme d'autres
microbes, il est souvent entouré d'une zone incolore .
Les bacilles sont très irrégulièrement distribués dans les préparations,
ils s'y trouvent isolés ou en groupes plus ou moins considérables ; ils
sont surtout très nombreux dans le smegma préputial ou vulvaire. Ils
626 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

sont très rares ou absents dans les ulcérations profondes avec sécrétions
purulentes. Ils se trouvent toujours à l'intérieur, à la surface ou aux
environs des cellules épithéliales.
Parmi les plaques muqueuses, celles où ils se trouvent le plus
souvent sont les plaques de l'anus et des organes génitaux ; de même,
il se rencontre surtout dans les sécrétions des organes génitaux exter
nes et ils manquent dans les autres sécrétions normales.
Le siège de prédilection du bacille décrit par MM . Alvarez et Tavel
au niveau des organes génitaux, ses analogies avec le bacille décrit par
Lustgarten dans les lésions syphilitiques doivent faire considérer
comme extrêmement probable que ce dernier observateur a rencontré
dans les lésions syphilitiques ce bacille, absolument banal.
En outre, la ressemblance de forme et de réaction colorante de ce
bacille avec celui de la tuberculose oblige à une extrême circonspection
dans le diagnostic des lésions supposées tuberculeuses des organes géni
taux : pour que ces lésions puissent être déclarées tuberculeuses , il faut
non seulement constater la forme du bacille, mais rechercher comment
il se comporte vis- à - vis de certaines matières colorantes qui n'agissent
pas sur lui comme sur le bacille de Koch .
Les faits, extrêmement intéressants, constatés par MM . Alvarez et
Tavel , s'ils reculent la solution de la question , ne peuvent cependant
faire rejeter la nature microbienne de la syphilis ; ils obligent à des re
cherches nouvelles sur l'agent infectieux de cette maladie . G. THIBIERGE.

RIGIDITÉ DU COL D'ORIGINE SYPHILITIQUE, par le D ' J.-A. DOLERIS, chef de


clinique, d'accouchement et de gynécologie. (Gazette médicale de Paris,
nºs 49, 50, 51 , 52. )

Se fondant sur les quinze observations qu'il rapporte, M. Doleris pose


les conclusions suivantes :
La syphilis et avant tout les chancres syphilitiques du col de l'utérus
évoluant pendant la gestation sont de nature à modifier la marche nor
male du travail en prolongeant ou même en empêchant la dilatation
régulière de l'orifice utérin .
La rigidité qui apparaît alors est la conséquence de la transformation
scléreuse des tissus de la région cervicale.
L'inertie relative ou absolue de la matrice observée dans différents
cas a été secondaire et amenée naturellement par la résistance anormale
du col . Elle n'est pas constante d'ailleurs, car dans plusieurs des obser
vations on a noté l'énergie persistante des contractions.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 627

Il faut donc penser à la dystocie syphilitique qui n'est guère acceptée


parce qu'elle a été peu étudiée .
On doit rechercher la syphilis dans tous les cas de rigidité prétendue
anatomique du col . Souvent d'anatomique la rigidité deviendra véritable
ment pathologique.
L'inanité des bains, des douches, des saignées, de la belladone dans
les cas où on n'a pas affaire à un spasme bien constaté, se trouve ainsi
expliquée. Sept fois dans les observations rapportées, on a été obligé d'avoir
recours aux incisions multiples et toujours sauf dans deux cas à une opé
ration destinée à terminer l'accouchement (forceps , perforation , version) .
Comment toutes les syphilitiques enceintes n'ont-elles point de rigi
dité du col ?
D'abord il faut que la syphilis soit récente et on voit assez rarement
la syphilis contractée dans les 2 ou 3 derniers mois de la gestation. On
voit au contraire beaucoup de femmes syphilitiques devenir et rester
enceintes à la 2e et 3° année de leur affection, car si la syphilis survient
dans les premiers mois de la grossesse , l'avortement se produit d'ordi
naire .
Si la maladie est ancienne, il n'est pas démontré que le col doive être
atteint par un processus tardif quelconque.
En deuxième lieu , la rigidité syphilitique est liée au chancre du col
et, d'après la statistique de M. Fournier, ce chancre est rare . En dehors
du chancre, peut-être les lésions secondaires du col peuvent, sous l'in
fluence de la grossesse, évoluer dans la forme hypertrophique et sclé
reuse . C'est une déduction logique, mais hypothétique.
L'intervention n'est pas toujours nécessaire , car malgré la rigidité,
l'induration squirrheuse, cartilagineuse , des contractions énergiques
viennent à bout de tous les obstacles, elles surmontent les résistances
d'un col rigide.
Le traitement antisyphilitique institué à temps et suffisamment pro
longé est la meilleure garantie prophylactique contre les difficultés fu
tures de l'accouchement , bien que cette garantie ne soit pas absolue.
L. PERRIN .

SYPHILOMES DES CONDUITS AUDITIFS . (Société française d'otologie et de


laryngologie,, 3 avril 1885. - Semaine médicale, nº 16. )
-

A propos d'une communication faite par M. Noquet sur un cas de


syphilides papulo -érosives des conduits auditifs externes, M. le D: Bara
toux fait remarquer que ces condylomes, signalés par M. Fournier
dans son traité de la syphilis , se développent de préférence l'été chez
628 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

des individus dont la sécrétion cérumineuse est abondante, malpropres


ou atteints d'otorrhée. Leur siège est dans la partie où se trouvent les
glandes et non dans la portion osseuse , comme le croit Stöhr. Leur
époque d'apparition est au moment de la période secondaire au moment
où les accidents de cette période sont en pleine évolution , ils coexistent
souvent avec des condylomes sur les autres muqueuses, dans les plis
génito-cruraux , dans les creux axillaires, etc. Ils s'écoulent des conduits
>

auditifs du pus séreux , blanc sale, qui recouvre de petits mamelons


plats rouges empêchant de voir le tyinpan. L'ouïe est affaiblie.
Le traitement est simple et la guérison facile . M. Baratoux cautérise
ces condylomes avec le nitrate acide de mercure ou l'acide chromique ;
M. Ernest Besnier, avec le nitrate d'argent et le crayon de zinc. On peut
faire aussi dans l'intervalle des cauterisations, des irrigations avec la
liqueur de van Swieten . L. PERRIN

DE LA BELLADONE COMME MOYEN DE FAIRE TOLÉRER L'IODURE DE POTASSIUM,


par AUBERT. (Lyon médical, nº 13, 1885. )
Se basant sur ce fait que la belladone amène la sécheresse de la gorge,
du nez et de la bouche , M. Aubert emploie depuis deux ans cette sub
stance pour combattre l'intolérance naso-pharyngienne produite par
l'iodure de potassium .
Presque chez tous les malades les premières doses faibles ou fortes
d'iodure amènent quelques malaises du côté de la gorge et du nez (lar
moiement, coryza, céphalalgie). Habituellement ces phénomènes sont
passagers ; d'autres malades, au contraire, par une fâcheuse prédisposi
tion individuelle, présentent des symptômes d'iodisme très intenses, très
pénibles , qui rendent la continuation d'iodure impossible. D'après les
observations de M. Aubert, l'adjonction de la belladone à l'iodure rend
la tolérance complète . Il donne soit une pilule d'extrait de belladone de
cinq centigrammes par jour, soit deux . De plus, dans un cas, il a pu,
après quelques jours, suspendre l'emploi de la belladone tout en conti
nuant l'iodure , sans voir survenir l'intolérance. Dans les autres cas , au
contraire, la suppression de la belladone était suivie de tous les symptô
mes pénibles ( chaleur, sécheresse de l'arrière-gorge, sécrétion salivaire
abondante, saveur salée très désagréable, coryza intense, injection de
la conjonctive, etc.) . L. PERRIN .

Le Gérant : G. MAssox.

Paris . Société d'imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue J.-J.-Rousseau (CI . ' 58.10.85 .
N° 11 . 25 Novembre 1885 .

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES.

DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HOPITAL


SAINT-LOUIS AU COMMENCEMENT DE CE SIÈCLE
ALIBERT . -
BIETT . - LUGOL . MANRY . ÉMERY.

LETTRE DE M. LE PROFESSEUR HARDY.

A M. le Dr ERNEST BESNIER , médecin de l'hôpital Saint -Louis.

MON CHER COLLÈGUE,

Vous avez bien voulu me demander de vous fournir quelques détails


sur les médecins qui pratiquaient et qui professaient à l'hôpital Saint
Louis au commencement de ce siècle, sur ceux qui ont véritablement
posé en France les premiers fondements scientifiques de la dermatologie .
Vous pensez que j'ai été à même de connaître et d'apprécier ces continud
teurs de Lorry auxquels on doit d'avoir appelél'attention sur les maladies de
la peau considérées par la plupart des médecins comme peu importantes ,
comme indignes d'occuper l'attention d'un homme de science et consti
tuant , en médecine, pour me servir d'une expression à la mode aujour
d'hui , des quantités négligeables. Quoique vétéran de l'hôpital Saint
Louis, Alibert et Biett étaient morts depuis plusieurs années, lorsque
j'ai eu l'honneur d'être nommé médecin de cet hôpital, en 1852. II
en était de même de ceux qui avaient été leurs collègues, Manry, et
Lugol, auquel j'ai succédé. Mais avant d'être à la tête d'un service dans
votre hôpital, j'y avais été attaché comme interne en l'année 1835 et je
m'y trouvais alors en bonne compagnie avec Barth , Roger, Béhier,
Bazin , Beaugrand ; c'est à ce moment que j'ai connu les médecins que
je viens de nommer et qui ont formé pendant d'assez longues années le
personnel médical de notre hôpital, pardon de dire notre hôpital ; mais,
quoique j'ai quitté depuis dix ans la clinique dermatologique pour la
ANNALES DE DERMAT. , 2e SÉRIE . VI. 41
630 ILARDY .

clinique générale, je suis toujours resté attaché de ceur à l'hôpital


Saint -Louis et je me suis continuellement intéressé à tout ce qui s'y
passe ; je crois donc qu'en invoquant mes souvenirs de jeunesse, je
pourrais vous donner quelques détails particuliers sur nos ancêtres, sur
leur caractère, sur leur mode d'enseignement et sur l'influence qu'ils
ont exercée sur leurs contemporains relativement à la diffusion des con
naissances dermatologiques ; je crains que ces détails d'histoire familiere
n'intéressent que médiocrement les lecteurs de votre journal, habitués à
des articles plus sérieux et plus scientifiques ; mais vous vous rappellerez
que vous m'avez provoqué. Je commence par le plus ancien , par le véri
table fondateur de la dermatologie en France , par Alibert qui conserva
pendant longtemps le titre de médecin en chef de l'hôpital Saint-Louis .
Né à Villefranche d'Aveyron , en 1766, Alibert, qui appartenait à la haute
bourgeoisie, commença par faire de bonnes études classiques ; il se desti
nait à l'enseignement des belles-lettres et il commença par entrer dans la
congrégation des frères de la doctrine chrétienne, d'où l'en fit sortir la
Révolution . A 26 ans, il vint à Paris et se fit médecin . Comme Cabanis,
comme Pariset, ses contemporains, il fut presque autant un littérateur
qu’un médecin , et dans ses ouvrages, dans ses cours, on retrouvait
toujours des réminiscences de ses premières études. Comptant sous le
Directoire et sous le Consulat parmi les médecins connus de l'époque, il
fut nommé médecin de l'hôpital Saint-Louis en 1803. Cet hôpital
commencé sous Henri IV , terminé sous Louis XIII , placé en dehors de
Paris, assez loin des limites de la ville , destiné primitivement à rece
voir les malades atteints d'affections épidémiques et contagieuses,
était alors consacré au traitement des maladies chroniques et particuliè
rement des ulcères , sous ce dernier titre bien entendu, étaient confon
dues toutes les ulcérations quelconques dépendant de la syphilis, de la
scrofule, de la dartre et même d'un traumatisme ancien , qu'on ne savait
guère alors distinguer les unes des autres.
Placé dans ce chaos nosocamial, après plusieurs années d'études pra
tiques et de recherches scientifiques dans les auteurs anciens et con
temporains, Alibert entreprit d'y faire pénétrer la lumière. C'était
alors le moment où les savants cherchaient à mettre de l'ordre dans
les matières dont ils s'occupaient, et la mode était aux classifica
tions; de Jussieu venait de faire paraître sa classification botanique.
Alibert pensa qu'on pouvait faire pour les maladies ce qui avait si bien
réussi pour les végétaux el , appliquant cette méthode aux affections
cutanées, il entreprit de ranger ces maladies d'après leurs aftinités de
cause, de marche, de durée, d'apparence extérieure et de moyens de
traitement, toutes choses supposant une identité de nature . Ce fut là
évidemment une cuvre de génie, et au lieu de ces ulcères à dénomination
DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HOPITAL SAINT - LOUIS. 631

commune, si variés d'origine et de nature, on put étudier à l'hôpital


Saint-Louis des maladies syphilitiques, scrofuleuses ou dartreuses de
mandant un traitement différent et susceptibles de guérir par l'emploi de
moyens appropriés à chaque espèce nosologique.
En possession de cette méthode naturelle pour comprendre et pour
étudier les maladies de la peau, Alibert chercha à la faire connaître et à
vulgariser parmi les médecins les connaissances pratiques nécessaires
au diagnostic et au traitement des affections cutanées ; il eut recours
pour cela aux livres et aux cours . Après plusieurs essais et plusieurs
ouvrages, il développa toute sa doctrine dans son traité des dermatoses,
dont la dernière édition parut en 1832 et qui reste encore utile à con
sulter, malgré les nombreux et importants progrès de la dermatologie.
Mais dans l'enseignement d'Alibert, le côté le plus original se trouva
dans ses cours très suivis alors par les élèves et par les médecins qui
sentaient le besoin d'apprendre quelque chose sur la pathologie cutanée.
Ces cours avaient lieu l'été , en plein air, sous les tilleuls , devant le
pavillon Gabrielle, en face d'un public nombreux assis sur des bancs de
bois, Alibert étant monté sur une estrade de planches peu solides, sem
blable à celles qui soutiennent les musiciens dans les guinguettes ;
dans cette chaire improvisée , il faisait l'histoire des maladies de la peau ;
puis, pour appuyer ses paroles par des exemples, il faisait monter à
côté de lui des malades atteints de l'affection qu'il venait de décrire,
indiquait les détails les plus saillants de leur affection , et en établissait
les caractères diagnostiques.
C'était de la vraie clinique et je dois dire que c'est en m'inspirant de
ces souvenirs que j'ai cherché à établir mon enseignement dermato
logique à l'hôpital Saint -Louis .
Il m'a été donné , pendant mon internat, d'assister aux cours d'Alibert
et je n'oublierai jamais l'impression que j'en ai ressentie. Alibert écrivait
bien , son style , un peu prétentieux, était élégant, clair, très correct ; il
était également orateur, sa parole était facile, attachante, mais son
expression était exagérée ; il aimait les comparaisons, les images un peu
forcées . Comme je l'ai dit, ayant fait de fortes études littéraires, il
aimait à citer les adages classiques, grecs ou latins , et empruntait sou
vent à la mythologie des termes et des exemples qu'il appliquait plus ou
moins heureusement et ses expressions étaient souvent d'un goût dou
teux ; c'est ainsi que je l'ai vu signaler à son auditoire et montrer à ses
côtés « une jeune prétresse de Vénus, blessée d'un trait perfide de
l'Amour » , c'était une fille publique atteinte d'une syphilide. Une autre
fois, il faisait examiner un jeune garçon victime de la morsure
d'un loup dévorant; il s'agissait d'un lupus tuberculeux ulcéré. Une
autre fois, allant plus loin encore dans la plaisanterie, après avoir parlé
632 HARDY .

d'un homme atteint d'un pemphigus foliacé, dans le lit duquel on pouvait
ramasser tous les matins une quantité considérable de squames , il
montrait dans une boîte tout ce qu'on avait recueilli ce jour-là même de
produits épidermiques, et en même temps il déversait le contenu de la
boite sur la tête de ses auditeurs les plus voisins, à la grande joie des
élèves plas éloignés.
Sa parole vive , spirituelle, imagée, je dirai même sa mise en scène
avaient du succès parmi les étudiants ; les cours d'Alibert étaient re
nommés et on s'y donnait rendez - vous avec plaisir ; mais peu .à peu , on
devint plus difficile, on trouva que ses descriptions étaient un peu suc
cinctes , que son enseignement était peu sérieux et il lui survint dans
l'enseignement des concurrents plus favorisés ; de plus il avait eu l'idée
fâcheuse de présenter sa classification dermatologique sous la forme d'un
arbre, l'arbre des dermatoses , le tronc représentant la peau , les branches
les familles nosologiques, les rameaux les genres , les feuilles les varié
tés. Cet arbre fut bientôt tourné en ridicule, et il était, entre nous autres
jeunes gens, le sujet de nombreuses plaisanteries. D'un autre côté, Alibert ,
précédant sur ce point le professeur Piorry, avait changé le nom de beau
coup de maladies cutanées et s'était servi pour les désigner de dénomi
nations baroques empruntées du grec, difficiles à prononcer et à retenir .
Aussi , dans ses dernières années , le succès d’Alibert comme professeur
et comme chef d'école avait beaucoup diminué et la vogue allait à d'au
tres plus sérieux et dont l'enseignement paraissait plus instructif.
Malgré ces critiques , je répète qu'Alibert reste le chef de la dermato
logie française moderne, il a eu le mérite de classer les maladies de la
peau d'après la méthode naturelle si féconde en résultats pratiques et à
laquelle on est revenu après l'avoir abandonné pour le système anglais ;
c'est à lui que nous devons d'avoir ramené en France l'attention médi
cale sur les maladies cutanées . C'était un médecin instruit, aimable,
aimant les élèves, cherchant jusqu'à la fin , à les instruire ; sa conversa
1

tion était attachante, et tous les jours, à la visite, il était suivi par un
grand nombre de médecins et d'étudiants enchantés de son esprit. Lors
que je l'ai connu, il était déjà âgé de 70 ans, mais sa vieillesse était gaie
et avenante ; c'était un petit homme, à jambes courtes, àછે ventre proémi
nant , à figure arrondie, avec des yeux vifs et brillants , la tête ronde
couverte d'une perruque brune et d'un chapeau vacillant qui avait tou
jours l'air de vouloir tomber . C'était d'ailleurs un homme du monde,
recherché pour son esprit, et pour son amabilité , bien place dans la
haute société , il était médecin ordinaire du roi Louis XVIII ; apprécié
parmi les médecins, il était membre de l'Académie de médecine, pro
fesseur de thérapeutique à la Faculté de Paris. Néanmoins il aimait
assez ce que nous appelons aujourd'hui le demi-monde et il affectionnait
DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HOPITAL SAINT- LOUIS 633

particulièrement les actrices . Il avait l'habitude, tous les dimanches, de


donner des déjeuners où se trouvaient habituellement des littérateurs,
des artistes dramatiques femmes , des musiciens, quelques gens du
monde et quelques médecins de ses élèves . Devant ces convives son
esprit ne tarissait pas ; comme il avait vu beaucoup de choses et beau
coup de gens, et comme il racontait bien , sa conversation était des plus
intéressantes. On comprend que ces'déjeuners étaient très recherchés; je
n'y ai jamais assisté , mais j'en ai entendu beaucoup parler par plusieurs
de ses élèves particuliers .
Alibert est mort en 1838 , à l'âge de 72 ans. Comme médecin et comme
professeur de dermatologie, ses dernières années furent attristées par le
succès de Biett , son élève d'abord, mais plus tard son rival et son con
current heureux , dont j'ai maintenant à vous parler .
Biett, né en Suisse, dans le canton des Grisons, en 1781 , était venu à
Paris pour étudier la médecine; il y fit de bonnes études . Elève d'Alibert
à l'hôpital Saint-Louis, il prit goût à l'étude des inaladies de la peau,
sous la direction de son maître qui le fit nommer, en 1814,sous ses or
dres, médecin-adjoint de l'hôpital Saint-Louis, où il institua le traitement
externe . Mais il ne resta pas longtemps dans cette position subordonnée ,
et bientôt il s'affranchit de la tutelle d'Alibert en rompant avec ses doc
trines ; après un voyage en Angleterre, où il fut à même de faire con .
naissance avec la méthode de Willan pour l'étude des maladies de la
peau , il fut frappé de sa simplicité, de sa précision, et il chercha à la
vulgariser en France en l'opposant à la doctrine d’Alibert ; après plu
sieurs années de cours et de conférences cliniques il attira à lui un assez
grand nombre d'élèves qu'il enleva à son ancien maître.
L'hôpital Saint-Louis vit ainsi, à partir de 1820, deux écoles bien dis
>

tinctes , celle d'Alibert, dans laquelle les maladies étaient groupées d'après
leurs affinités communes, d'après leur nature présumée ; l'autre, l'école
anglaise, représentée par Biett, qui, laissant de côté la nature des derma
toses, les classait d'après leurs lésions anatomiques élémentaires. Je ne
veux pas faire ici la critique de ces deux méthodes, ni les opposer l'une
à l'autre, ce serait déplacé dans cet aperçu historique ; je me contenterai
de dire que la méthode anglaise brillait par sa clarté; la définition bien
exacte des dénominations, la description nette des symptômes et des
caractères objectifs, la facilité artificielle avec laquelle on arrivait au .
diagnostic contrastaient avec la difficulté que présentait la nomenclature
grecque et néanmoins barbare d’Alibert, avec le mélange de certains
genres nosologiques qu'on distinguait difficilement les uns des autres,
et avec des descriptions bien écrites, ou bien dites, il est vrai , sous le
rapport du style, mais incomplètes et souvent confuses. Le mode d'en
seignement des professeurs n'était pas d'ailleurs moins différent que leur
634 HARDY .

doctrine. Alibert, le plus ancien , nourri des auteurs classiques, avait


surtout le désir de bien dire, il se servait de phrases à effet, il sacrifiait
le fond à la forme , il s'attachait à des détails accessoires ; comme je l'ai
dit , il aimait les comparaisons, les expressions métaphoriques, mais il
ne s'attachait pas à donner des maladies dont il faisait l'histoire une
description nette, facile à saisir et permettant de les reconnaître plus tard
pour ses auditeurs, s'ils avaient l'occasion de les rencontrer ; et après
plusieurs de ses leçons qu'on entendait toujours avec plaisir, on pouvait
se demander si l'on avait appris véritablement quelque chose . Biett, au con
traire, esprit positif, moins brillant, mais plus clair, faisait des leçons cli
niques très instructives , en appelant l'attention des élèves sur les caractères
principaux des éruptions, mettait en saillie les lésions élémentaires sur les
quelles pouvait s'appuyer le diagnostic et leur inculquait ainsi facilement
les connaissances à l'aide desquelles il leur était possible de reconnaitre
plus tard les maladies de la peau et de les traiter. Cet enseignement sobre ,
clair, pratique ne tarda pas à avoir un grand succès et attira à lui la jeu
nesse médicale, laquelle a toujours d'ailleurs de la tendance à aller au
nouveau , quelle que soit sa valeur . On s'amusait avec Alibert sous les til
leuls du pavillon Gabrielle ; on allait s'instruire dans les salles de Biett,
au payillon de Saint-Mathieu ; et, malgré les profondeurs de ses racines ,
l'arbre des dermatoses fut ébranlé, mais sans tomber cependant.
L'auteur heureux de cette révolution médicale, Biett, était d'ailleurs
au physique et au moral assez différent de son ancien maître. Alibert , tel
que je l'ai connu , était un vieillard gai, un peu épicurien et même ana
créontique, aimant la plaisanterie et étantenchantéde pouvoir placer un bon
mot ; Biett au contraire, protestant de religion , dans la force de l'âge,
d'une stature assez élevée, était sérieux ; il se familiarisait peu avec les
élèves et, conime on dit aujourd'hui , il posait toujours devant le public.
Sa parole était nette, claire, mais sobre . Avec les malades il était bon ,
mais digne, et il tenait toujours les élèves à une certaine distance .
Néanmoins il avait de l'esprit, il causait bien et il tenait dans le monde
une place élevée ; bon médecin d'ailleurs , instruit, même en dehors de
la dermatologie , ayant une bonne tenue et se présentant bien , il avait
une bonne clientèle et il y était très apprécié. Il était le médecin du
comte Molé qui joua un rôle politique important dans le gouvernement
de Louis-Philippe et de plusieurs personnes distinguées de cette époque.
Malgré son apparence puritaine, je dois dire qu'il aimait assez la société
des femmes et, si je m'en rapporle à mes souvenirs de jeunesse et aux
anecdotes qui avaient cours à la salle de garde de l'hôpital Saint-Louis
en 1835 , il ne se serait pas toujours contenté vis-à-vis d'elles d'un
amour platonique. Ayant du goût pour les arts et pour les artistes, il fut
l'ami et le médecin du célèbre tragédien Talma ; ce dernier mourut subi.
DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HOPITAL SAINT- LOUIS . 635

tement à la suite de la rupture d'un anévrisme des parois du coeur ; Biett


en fit l'autopsie et donna la description de la lésion rare qui avait déter
ininé la mort; une copie en cire de cette pièce anatomique existe encore
au musée Dupuytren.
Biett a peu écrit et il a laissé peu de chose ; il a fait sur les maladies
de la peau quelques articles dans le Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales et dans le Dictionnaire de médecine, en 30 volumes ;
son vrai titre de gloire est dans son enseignement et dans ses leçons
cliniques ; ces leçons ont d'ailleurs été recueillies par ses élèves Caze
nave et Schedel, et publiées dans un ouvrage qui est resté longtemps
classique et qu'on peut considérer comme l'euvre de Biett lui-même.
En somme, Biett a eu une grande influence sur les générations médi
cales qui nous ont précédés , il a vulgarisé en France les doctrines de
Willan et de Bateman , il aa mis de l'ordre et de la clarté dans les con
naissances, dermatologiques, il a facilité le diagnostic des maladies cuta
nées ; le premier il a donné une bonne description des syphilides ; en
thérapeutique et malgré l'insuffisance des doctrines Wilanistes sur ce
point, il a donné d'excellentes indications, utiles encore aujourd'hui à
consulter, pour le traitement de la plupart des dermatoses, et je citerai
surtout l'emploi des préparations arsenicales dans les maladies chroni
ques de la peau , des alcalins dans certains cas de lichen, du protoio
dure et de bi-iodure de mercure dans les diverses formes de la syphilis.
J'ajouterai à sa louange qu'il a fourni de bons élèves qui ont continue
après lui l'enseignement de ses doctrines : je nommerai surtout Caze
nave, Gibert, qui ont été ses successeurs à l'hôpital Saint- Louis, et Bé
hier qui a été son élève particulier et qui a fait honneur à son premier
maître. Biett est mort encore jeune, en 1840, à l'âge de 59 ans , d'une
affection de l'aorte .
A côté d'Alibert et de Biett , et en même temps qu'eux , on voyait encore
à l'hôpital Saint-Louis une autre figure originale qui mérite d'être rap
pelée : c'est celle de Lugol, qui s'occupait spécialement du traitement des
maladies scrofuleuses. Lugol était du Midi : il était né à Montauban, en
1786. Interne des hôpitaux de Paris, il terminait ses études médi
cales, au moment où commençait la vogue des doctrines de Broussais
sur le rôle omnipotent de l'inflammation dans la genèse de toutes les
maladies, et il fut du petit nombre des médecins qui surent résister à
l'entraînement général ; c'est justement en continuant à penser qu'à côté
des maladies locales inflammatoires, il y avait des maladies générales,
totius substantiæ , comme disaient les anciens, qu'il admit la réalité de
la scrofule, manifestant ses effets d'une manière très variée, par des phé
9

nomènes dissemblables, mais qu'on pouvait rapporter à une cause mor


bide commune. Opposé à Broussais aussi bien en pratique qu'en théorie,
636 HARDY .

au lieu de traiter par les saignées et par la diète, les ophthalmies chro
niques , les coryzas persistants, les arthrites anciennes, les catarrhes, les
lupus , il cherchait à les guérir par une bonne nourriture, par du vin,
de l'air et du soleil . Non seulement il traitait ainsi ses scrofuleux, mais
partisan de la doctrine de Brown qui pensait qu'il y avait plus de mala
dies asthéniques que de sthéniques, il allait jusqu'à employer les toni
ques dans le traitement des maladies regardées alors par tout le monde
comme le prototype des inflammations ; et nous autres jeunes gens, plus
ou moins imbus des doctrines de la médecine dite physiologique, nous
étions émerveillés, quand nous allions dans le service de Lugol , de voir
des malades atteints de fièvre typhoïde, d'érysipèle et même de pneu
monie, qu'on ne saignait pas et auxquels on donnait de l'ipecacuanha
et du vin de quinquina et qu'on nourrissait le plus qu'on le pouvait;
et notre étonnement augmentait encore quand nous apprenions par
notre collègue Beaugrand, interne de Lugol , que ces malades , que nous
avions vu gravement atteints et que nous avions condamnés étaient en
pleine et entière convalescence . Nous disions alors que Lugol était resté
dans la tradition de l'ancienne médecine ; on pourrait dire maintenant
qu'il était le précurseur de la médecine actuelle qui traite aujourd'hui,
comme il le faisait alors, les fièvres et la pneumonie par l'eau vineuse
>

et par les potions à l'alcool et au quinquina .


Comme je l'ai dit , Lugol s'occupa d'une manière presque exclusive
des maladies scrofuleuses, et il eut le grand mérite de saisir le lien qui
réunissait ces maladies souvent si différentes dans l'apparence . Son
service, àà l'hôpital Saint- Louis, présentait un recueil curieux de toutes
les formes de la scrofule, depuis l'ophthalmie catarrhale jusqu'à la
tumeur blanche ; dans son enseignement pratique, il aimait à faire res
sortir la parenté si exacte de toutes ces maladies, mais surtout il s'ap
pliquait d'une manière toute particulière au traitement de ces diverses
affections qu'il considérait comme le résultat d'une débilitation géné
rale et qu'il combattait à l'aide des moyens toniques empruntés à la
matière médicale et à l'hygiène ; et , je dois le dire, sa thérapeutique était
habituellement heureuse. Nous avons vu chez lui des tumeurs blanches
du coude, du genou et du pied guéries , alors que d'autres médecins ou
chirurgiens n'auraient pas hésité à conseiller et à pratiquer l'amputation
du membre. Je me rappelle même ce fait, qui paraîtra singulier aujour
d'hui , c'est que Lugol faisait marcher ses malades atteints d'arthrites
fongueuses du genou et de coxalgie ; la guérison néanmoins avait lieu ,
mais, il est vrai , avec une déformation notable du membre, surtout lors
qu'il s'agissait de coxalgie.
C'est à Lugol qu'on doit d'avoir vulgarisé l'application de l'iode et
des iodures dans le traitement des maladies scrofuleuses, déjà indiquée
DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HOPITAL SAINT-LOUIS . 637

par Coindet, de Genève; il essaya ces substances d'abord timidement,


puis les premiers succès l'enhardirent , et il en arriva à regarder l'iode
comme l'antidote de la scrofule, l’employant à l'intérieur et à l'extérieur
et en secondant d'ailleurs toujours l'action par les moyens hygié
niques.
Lugol a fait peu de cours méthodiques à l'hôpital Saint -Louis; il se
livrait surtout à un enseignement clinique, au moyen de conférences au
lit du malade et en manière de conversations . Cet enseignement d'ail
leurs était très fructueux pour les élèves , surtout à un moment où l'exis
tence de la scrofule était niée et où l'on traitait les adénites et les tu
meurs blanches avec des sangsues et du bouillon de poulet . Assez
paresseux pour écrire, il n'a laissé qu'un volume sur l'étiologie de la
scrofule et deux ou trois manuscrits sur l'emploi de l'iode dans le trai
tement des maladies scrofuleuses. Son livre sur les causes de la scrofule
est excellent et dénote un grand talent d'observation . Au premier rang des
circonstances étiologiques de la scrofule il place l'hérédité ; il cite de
nombreux exemples à l'appui de son opinion et il va jusqu'à dire que
lorsqu'il rencontre un scrofuleux dans une famille placée dans de bonnes
conditions hygiéniques et dont les parents sont sains, il n'hésite pas
à soupçonner la fidélité conjugale de la femme; il ajoute même
que, dans ces circonstances, en cherchant parmi les amis ou les voisins,
il a souvnt trouvé la confirmation de son opinion, et découvert l'auteur
du mal introduit clandestinement dans la famille.
Lugol était un homme d'esprit, très versé dans les connaissances de
la littérature médicale ancienne, et plein de mépris pour la médecine de
son temps ; àà l'hôpital il avait peu de rapports avec les élèves quin'étaient
pas de son service ; il était peu lié également avec ses collègues de
l'hôpital , lesquels d'ailleurs, à cette époque , vivaient mal les uns avec
les autres et se saluaient à peine lorsque le hasard les faisait se rencon
trer. Il aimait peu le monde , fréquentait même peu les médecins, et se
concentrait surtout dans sa famille. Il a eu du succès dans la clientèle
civile et il a laissé une fortune assez considérable pour un médecin .
Suivant moi, Lugol n'a pas été apprécié , par ses contemporains, aussi
haut qu'il le méritait et je suis persuadé que son nom restera comme
attaché à l'histoire de la scrofule et à l'application de l'iode dans le
traitement des maladies scrofuleuses et syphilitiques.
Pendant mon internat à l'hôpital Saint-Louis , avec Alibert, Biett et
Lugol , il y avait encore deux autres médecins à l'hôpital Saint- Louis,
Manry et Emery. J'ai peu de choses à en dire : Manry, homme bien
élevé, de manières agréables, n'a jamais fait parler de lui comme mé
decin , quoique membre de l'Académie de médecine. Il dut au hasard
d'avoir été le chef de service de Bazin ; mais si Bazin fut son interne
638 HARDY .

il ne fut pas son élève, Bazin n'ayant eu pour le guider dans l'étude
des maladies de la peau d'autre maître que lui-même.
Quant à Emery, un des derniers médecins des hôpitaux arrivés sans
concours, il dut sa nomination à l'amitié de personnages politiques; il
était le médecin de Casimir Périer et l'ami de Gisquet, alors préfet de
police. Il était arrivé à l'hòpital Saint-Louis sans connaître les maladies
de la peau, je n'oserais pas dire que son instruction sur ce point fût
encore complète lorsqu'il est mort, en 1856. Il était professeur d'anato
mie à l'École des beaux -arts; je ne crois pas qu'il fût plus fort en anato
mie qu'en dermatologie.
Voilà , mon cher collègue, ce que je puis vous dire sur l'ancien hôpi.
tal Saint- Louis et sur les médecins que vous n'avez pas connus ; vous en
savez autant que moi sur ceux qui leur ont succédé et vous en feriez une
excellente histoire, si vous le vouliez. Du reste, je veux ajouter que la
gloire du passé n'obscurcit pas celle du présent : les médecins actuels
de l'hôpital Saint- Louis me paraissent les dignes successeurs des mede
cins célèbres dont je viens de vous entretenir, ils continuent dignement
l'enseignement de la dermatologie; ils apprécient, comme il le mérite, ce
trésor d'instruction médicale, qu'on appelle l'hôpital Saint-Louis, de
cet hôpital unique dans le monde , sur la porte duquel Alibert aurait
voulu qu'on gravât cette inscription un peu ambitieuse : Urbi et orbi ; et
ne vous semble - t- il pas qu'on pourrait traduire ces mots par cette
phrase : « Au soulagement des malades et à l'instruction des médecins
de la France et du monde entier. »
1

ÉTUDES COMPARATIVES SUR LA LÈPRE EN ITALIE,


Par Henri LELOIR .

Dans plusieurs communications antérieures faites à l'Institut et à la


Société de biologie (1 ) , j'ai présenté à ces Sociétés les matériaux que
j'avais rapportés de Norwège sur la lèpre dans ce pays (mission
scientifique de l'État, 1884) , et j'ai comparé les nombreuses observations
que j'avais recueillies en Norwege en étudiant environ 700 lépreux aux
observations de lėpre que j'avais pu étudier en France sur des sujets
venus des pays chauds, colonies, etc.
J'ai pour but, dans cette nouvelle communication , d'étudier rapide
ment la lépre, telle que j'ai pu l'observer en Italie en 1878 et surtout
dans mon récent voyage de septembre et octobre 1885 .
Tout d'abord il faut bien que l'on sache que la lèpre indigène est loin
d'avoir disparu du nord de l'Italie, comme pourrait le faire croire au
premier abord un examen superficiel. De ce qu'on ne trouve pas ou
à peine de lépreux dans les hôpitaux italiens, il ne faut pas pour cela
conclure qu'il n'y a plus de lépreux en Italie.
En effet, contrairement à ce qui se passe en Norwege, où le médecin
désireux d'étudier la lèpre trouve des malades en abondance dans les
belles léproseries de ce pays, où les malades ne craignent pas l'hôpital,
ne cachent pas leur maladie avec terreur ; le lépreux italien dissimule
autant que possible son affection . Il fuit la société, lui et son entourage
s'efforcent de cacher le mal dont il est atteint. Cela tient-il uniquement
à la honte, cela ne tient-il pas aussi à ce que l'idée de contagion semble
assez répandue dans le peuple et même chez quelques médecins,
comme j'ai pu le constater ; il est difficile de le dire. Toujours est-il
que ces lépreux fuient le monde et redoutent l'hôpital pour différentes
raisons. D'ailleurs il semblerait que le gouvernement et les munici
palités aient plutôt de la tendance à cacher le mal ou tout au moins à
le considérer comme une quantité négligeable ( 2) .
(1) Rapport déposé au ministère de l'instruction publique. Octobre 1884.
Société de biologie, séances du 13 juin et du 18 juillet 1885. · Institut, séances
du 6 juillet et du 3 août 1885. - Semaine médicale , nº du 24 juin 1885 .
(2) J'ai pu voir que pour le choléra l'on essayait de cacher également le plus
possible le nombre des cas survenus dans le nord de l'Italie ; je pourrais citer
des faits ayant rapport à l'épidémie de 1884 et à celle de 1885 qui montrent com
bien sont inexactes les statistiques officielles.
640 HENRI LELOIR .

Et cependant la lèpre est loin d'avoir abandonné le nord de l'Italie.


Seulement pour étudier la lèpre en Italie, il faut chercher les lépreux,
les poursuivre jusque dans leurs repaires, dont ils ne sortent pas volon
tiers. On ne les trouve guère à l'hôpital , il faut les chercher en ville, à
la campagne, surtout à la campagne .
Ayant vu en 1878 un lépreux tuberculeux aux environs de Venise, et
un autre près de Comacchio, je suis retourné cette année dans ce pays.
Mais je n'ai pu y retrouver de lépreux , et mes recherches étaient d'ail
leurs rendues impossibles dans ces régions situées à l'embouchure du
Pô, à cause de l'inquiétude de la population , le choléra sévissant assez
fortement en ces points , surtout dans les environs de Codigoro.
J'ai donc abandonné les bouches du Pô et suis allé à Gênes, cette
grande ville située entre la riviera di Levante et la riviera di Ponente me
semblant devoir contenir un certain nombre de lépreux . J'ai eu beau
fouiller l'hôpital Pammatone, l'hôpital des chroniques, etc. , je n'ai
pas trouvé un seul lépreux dans les hôpitaux génois. Et d'ailleurs les
statistiques hospitalières qui m'ont été obligeamment communiquées par
le docteur Cagnoli, assistant à l'hôpital des Chroniques , m'ont montré
que du 1er janvier au for octobre 1885 , il n'était pas entré un seul lépreux
dans les hôpitaux de Gênes. Depuis 5 ans, il n'est guère entré que
1 ou 2 lépreux par an dans les hôpitaux génois . Le docteur Costa m'a
montré quelques beaux moulages et dessins de lépreux italiens dans le
service du professeur Campana, lequel service , soit dit en passant, est
complètement fermé pendant les vacances, ne reçoit aucun malade, et
dissémine les malades qu'il possède dans les autres services hospitaliers.
On conçoit qu'une pareille organisation n'est pas faite pour favoriser le
développement de la clinique des maladies cutanées et syphilitiques
génoise . On m'avait signalé, comme atteint de lèpre tuberculeuse, un
ouvrier du port ; j'ai eu beau le chercher, je n'ai pu le trouver . J'ai donc
quitté Gênes, et longeant la riviera di Ponente, je suis allé à San
Remo .
Là, j'ai vu dans le service du docteur Onetti fils, que je tiens à remer
cier ici de sa grande obligeance, 4 lépreux , dont 3 atteints de lèpre tuber
culeuse, et l'une atteinte de lèpre mutilante, dont j'ai pu recueillir les
observations détaillées ( 1 ) .

( 1 ) Le Dr Onetti remplaçait en ce moment à l'hôpital de San Remo le D. Aycardi


envoyé à la frontière française, du côté de Vintimille, comme médecin du curdon
sanitaire. Ainsi donc le gouvernement italien semblait croire utile l'installation
d'un cordon sanitaire du côté de la France , alors que depuis longtemps le cholóra
sevissait dans le nord de l'Italie el en particulier dans la province de Gênes, á
Voltri , etc. Quand je suis rentré en France, je n'ai pas trouvé à Modano de cordon
sanitaire pour les voyageurs vonant d'Italie . Je no puis m'empêcher de signaler ce
contraste , bion qu'il n'ait aucun rapport avec le sujet que jc traile ici .
ÉTUDES COMPARATIVES SUR LA LÈPRE EN ITALIE . 641

Ces malades étaient les seuls lépreux connus dans la région par le
docteur Onetti ; à Gênes, le docteur Costa, assistant du professeur
Campana, m'avait dit qu'il n'y avait plus de lépreux à San -Remo,
croyait-il ?
Fallait-il conclure de tout ceci que ces 4 malades étaient les seuls
lépreux existant dans la riviera di Ponente ? Non , certes, car d'une part
dans ces régions les lépreux se cachent; d'autre part, les lépreux ne sont
pas obligés d'entrer à l'hôpital. La lèpre est, je le répète, traitée en
Italie comme une quantité tout à fait négligeable. Il n'existe pas
dans ce pays , comme en Norwege , des statistiques donnant tous les
ans le nombre approximatif des lépreux . Enfin l'hôpital de San Remo
(hôpital de San -Mauricio et Lazzaro) a perdu depuis deux ans sa signifi
cation première. Avant sa création en 1858 , l'institution Saint - Maurice
et Lazare donnait des secours et de l'argent aux lépreux qui ve
naient se faire traiter par les médecins. En 1858 , l'institution créa,
en adaptant à ce but un vieux couvent, l'hôpital qui porte son nom
et qui était surtout destiné aux lépreux (mais où ceux-ci étaient mé
langés avec d'autres affections cutanées ). Il y a 2 ans, cet hôpital ,
qui était en somme une sorte de léproserie appartenant à l'Etat, a
été racheté par la ville de San - Remo et transformé en un hôpital
général , où une salle spéciale est réservée aux lépreux qui veulent
bien y venir, et à d'autres affections cutanées. Mais comme les
lépreux ne veulent pas y venir, comme ils se cachent, il n'est pas
étonnant que l'hôpital de San -Remo contienne si peu de lépreux.
La lèpre avait-elle donc abandonné la riviera di Ponente et les envi
rons de Şan -Remo en particulier ? Je ne me suis pas tenu pour battu, et
à force de recherches, de démarches, j'ai fini par apprendre du fils
d'un lépreux de l'hôpital de San Remo qu'il existait plusieurs lépreux
dans une vallée voisine de cette ville sur la route de San -Remolo . Après
bien des pourparlers , je suis arrivé , à force de diplomatie, à convenir
d'un rendez-vous avec ces pauvres gens. Mais que de précautions prises
par eux pour venir me trouver sans être vus de personne ! Le père
vint même à ma rencontre dans un endroit écarté de la ville de San
Remo. Puis, après mille détours, comme s'il s'était agi d'un mystérieux
rendez - vous d'amour, il me conduisit dans une maison cachée dans une
sombre ruelle, chez des parents, où s'étaient rendus en se cachant ses
quatre enfants (2 filles et 2 garçons), tous lépreux. Une fois à l'abri des
regards indiscrets, ces malheureux se livrèrent à moi en toute confiance ,
et je pus recueillir en entier leurs observations détaillées, pratiquer de
la biopsie , et même faire photographier par l'excellent photographe
Scotto, cette intéressante famille de lépreux dont l'existence était ignorée
à San -Remo, tant ces sujets mettent de soins à se dissimuler.
642 HENRI LELOIR .

Une autre fois , je me rendis dans la profonde vallée de l'Argentina à


Taggia , où, avec l'aide obligeant de mon excellent confrère, le D' Onetti,
je trouvais encore deux lépreuses, mais ces jeunes filles étaient d'un abord
encore plus difficile. Plus tard , à l'est du col de Tende, dans le val di
Nervia , non loin de Pigna, j'ai encore entrevu deux lépreux léonins.
Mais il m'a été impossibe de les aborder tant ils me regardaient avec mé
fiance ; ils se sont même enfuis à mon approche.
Enfin , en revenant par Turin, j'ai fouillé les hôpitaux de cette ville et
surtout le sombre hôpital Cotolengo (analogue à notre hôpital général
de Lille) , où se trouvent entassés toutes les horreurs de la région de
Turin, etc. : affreux crétins, phtisiques, scrofuleux, fous, goitreux,
pellagreux, etc. , je n'ai pu trouver de lépreux dans ce fouillis de misé .
rables. Cependant, l'excellent aumônier de l'hôpital , qui m'a servi de
guide, me conduisit dans une salle d'isolement pour les lépreux, actuel
lement occupée par des fous et des épileptiques. Il m'apprit qu'en 1885 ,
il serait entré dans cette salle 12 lépreux : 5 en janvier, 5 en février,
2 en avril ; il m'affirma que c'étaient bien des lépreux , les uns léonins,
les autres atteints de lèpre mutilante . Il me dit que ces malades se ca
chaient, qu'on les cachait, et qu'ils ne se décidaient à entrer à l'hôpital
que l'hiver, plutôt pour chercher un asile que des soins. L'un de ces
lépreux venait du lac de Côme et l'autre de Locarno. Malgré les rensei
gnenients très affirmatifs domés par l'aumônier, il m'est difficile de dire
s'il s'agit ici de véritables lépreux. A l'hôpital San-Luigi di Gonzaga de
Turin , j'ai vu de hideux lupus, des pellagreux, mais pas de lépreux.
Quoiqu'il en soit, cette relation un peu longue a pour but de montrer :
1 ° Que la lèpre est loin d'avoir disparu en Italie ( Italie du Nord) , qu'il y
existe encore de la lèpre indigène; mais que cette lèpre se cache , qu'il
faut savoir la trouver, la chercher . Ainsi en peu de temps, mais en me
donnant du mal, je suis arrivé à trouver 12 lépreux , et cela dans une
région restreinte, dans les environs de San Remo , entre le val di
Nervia et le val d'Argentina. Je suis persuadé que si l'on voulait con
sacrer beaucoup de temps, de patience, de labeur à cette recherche , on
serait étonné du nombre de lépreux cachés qui existent encore dans les
environs de la riviera di Ponente , et ailleurs peut-être .
2° Nous voyons que l'isolement des lépreux n'existe nullement en
Italie . Et bien que l'opinion du peuple et de quelques médecins que j'ai
vus soit plutôt en faveur de la contagion de la lepre, les lépreux sont
absolument libres de faire ce qu'ils veulent. L'avenir nous apprendra
peut-être un jour si l'on a raison d'agir ainsi en Italie ( 1 ) . En tous cas
(1) Le gouvernement Norvégien vient de décréter une mesure importante tout
récemment. Contrairement à ce que pensent certains médecins, l'isolement absolu
des lépreux n'existait pas en Norvège jusqu'en juillet 1885 ; je me permets de ren
ÉTUDES COMPARATIVES SUR LA LEPRE EN ITALIE . 643

M. Scotto , membre du bureau de bienfaisance de San Remo , ému des


observations que je lui ai faites sur ce sujet , m'a dit que le bureau de
bienfaisance de San Remo allait prendre des mesures pour isoler les
lépreux dans l'hôpital de cette ville .
3° Les lépreux italiens que j'ai vus étaient tous nés dans la riviera di
Ponente, la plupart dans les environs de San Remo. Aucun n'avait
quitté le pays ; % seulement avaient été à Marseille , à Nice, et c'est
tout.
Par comparaison avec la lèpre norvégienne, je ferai remarquer que
ces malades sont tous des paysans habitant une contrée remarquable
ment saine. Ces sujets ne sont pas exposés aux refroidissements, et je
n'ai retrouvé que chez l'un d'eux cette prétendue influence du froid si
souvent invoquée par les lépreux norvégiens, mexicains, etc. , pour expli
quer le développement de leur maladie . Ces sujets sont propres, ils ont
de l'air en abondance. Ils ne mangent pas de poisson . Leur nourriture
se compose presque exclusivement de végétaux, de fruits, de pâtes, de
polenta. Par conséquent plusieurs des mauvaises conditions hygiéniques
invoquées dans certains pays et par certains médecins comme cause du
développement de la maladie nous font ici défaut. Tous ces sujets ne
sont pas des pauvres, des misérables. L'un d'eux est une jeune fille déjà
fiancée qui doit apporter à son mari 50,000 francs de dot. Je remar
querai en passant qu'il existe une assez grande quantité de scrofuleux,
d'anémiques et de goitreux dans cette région des Alpes maritimes. Deux
de mes lépreuses dont j'ai recueilli les observations, l'une née à Oneglia,
l'autre à San Romolo , sont atteintes de goitre.
Donc pas plus en Italie qu'en Norvège ou ailleurs on ne peut expliquer
le développement de la lèpre chez les malades par les mauvaises condi
tions hygiéniques. Un seul de mes lépreux italiens a invoqué comme
cause du début de sa lèpre une peur violente produite par la vue d'un
serpent. Je relate le fait, car parmi les 180 observations inédites et dé
voyer pour plus de détails sur ce sujet à mon rapport sur la lopre en Norvège,
dont le résumé a été publié le 13 juin 1885 à la Société de biologie et lo 18 juin
dans la Semaine médicale . Or j'ai appris il y a quelque temps, que par un décret
du 6 juin 1885, le gouvernement norvégien a décidé que les lépreux doivent être
rigoureusement isolés . Des médecins inspecteurs sont chargés de veiller à ce que
eet isolement soit absolu . Si le lépreux refuse de s'isoler on le forcera à entrer
dans les hôpitaux de lépreux. La separation du mari d’avec sa femme ne sera pas
proscrite, à moins de circonstances spéciales. J'ai cru important de parler ici de
ce décret récent dont la promulgation est encore inconnue chez nous, et qui
montre combien les idées contagionistes ont gagné de terrain en Norvège depuis
quelques années. Comme je l'ai montré dans mon rapport, on peut dire que l'iso
lement absolu des lépreux en Norvège ne dato que du 6 juin 1885. A partir de
celle date on peut considérer la Norvège comme ayant installé une organisation
médicale destinée non seulement à soigner la lėpre, comme elle le faisait avant,
mais aussi à l'isoler .
644 HENRI LELOIR .

taillées de lépreux que j'ai en ce moment sous les yeux c'est à peu près
la seule où je trouve les émotions morales, invoquées avec énergie par
le malade, comme cause occasionnelle . Je ne veux pas insister davan
tage sur ces détails puérils , et j'arrive aux questions beaucoup plus im
portantes de l'hérédité et de la contagion .
Voici un bel exemple de ce que l'on appelle hérédité maternelle , que
j'ai pu recueillir aux environs de San Remo : Famille Ranz... Merl...
Rien du côté du père . Grand' mère maternelle morte de lèpre muti
lante . –- Mère morte de lèpre tuberculeuse. - Le père, qui est resté sain,
a eu de cette femme 4 enfants que j'ai tous vus et qui tous sont lépreux .
Je suis en ce moment en train de terminer plusieurs statistiques qui pa
raîtront dans le livre (sous presse) que je publie sur la lépre. En voici
un bref résumé :
Dans 88 observations personnelles recueillies par moi en Norvège (je
n'en prends que 50 , les 38 autres ne donnant que des renseignements
insuffisants au point de vue des antécédents), je trouve signalé :
L'hérédité (ascendants lépreux) .. 22 fois.
L'absence d'hérédité ..... 16
La possibilité de la contagion comme pouvant expliquer
l'origine du mal (contamination probable mais non certaine). 7 D
L'absence de contamination de l'entourage du lépreux
(femmes, enfants, elc.), malgré une cohabitation prolongée
pendant 5 ans au minimum et 30 ans au maximum depuis
le début du mal ... 17 >

Dans 11 de mes observations personnelles de lèpre Italienne, je trouve


signalé :
L'hérédité, etc ..... 8 fois.
L'absence d'hérédité ... 3 D

La possibilité de la contagion , etc ... 2


L'absence de contamination de l'entourage, etc... 4

Dans 8 de mes observations de lèpre contractée dans les pays extra


européens, je trouve signalé :
L'hérédité, etc .... 0 fois.
L'absence d'hérédité .. ♡ >
La possibilité de la contagion , etc..... 4
L'absence de contamination de l'entourage, etc ..... 2 D

Dans les 20 observations inédites de lèpre mexicaine, que je dois à


l'obligeance de mon ami le professeur Poncet de Cluny, je trouve si
gnalé :
ÉTUDES COMPARATIVES SUR LA LÈPRE EN ITALIE. 645

L'hérédité, etc... 3 fois .


L'absence d'hérédité ...... 17
La possibilité de la contagion , etc ..... 1
L'absence de contamination de l'entourage, etc ...... 2

Donc en prenant seulement parmi les environ 180 observations


inédites de lèpre que je dépouille en ce moment 91 observations où les
renseignements donnés par les inalades paraissent offrir une garantie
à peu près suffisante d'exactitude je trouve signalé dans ces 91 obser
vations :
L'hérédité ( ascendants lépreux).. 33 fois .
L'absence d'hérédité ..... . 41
La possibilité de la contagion comme pouvant expliquer
l'origine du mal (contamination probable mais non certaine) 14 fois .
L'absence de contamination de l'entourage du lépreux (fem
mes, enfants, etc. ) malgré une cohabitation prolongée pendant
5 ans au minimum et 30 ans au inaximum depuis le début. 25 fois .
Après les statistiques résumées précédentes, qui , pour être compréhen
sibles, devraient être publiées en détail, ce que je ferai bientôt, je crois
inutile d'insister ici longuement sur la question de la contamination . On
pourra juger de la valeur de ces faits au point de vue de l'opinion conta
gioniste lorsque j'aurai publié ces observations in extenso . Dans une
question aussi grave les renseignements donnés ne peuvent être trop
précis ni trop détaillés, et le vague, les on-dit, etc., doivent être absolument
rejetés par le médecin désireux de ne pas se payer seulement de phrases
et d'anecdotes plus ou moins romantiques . Je n'en veux pour preuve
que le fait suivant, que j'ai rapporté de Norvège, en 1884 : nn homme
atteint de lèpre anesthésique disait avoir été contaminé en portant les
habits d'un lépreux mort qu'il avait achetés à bas prix. Or, après
renseignements précis, il se trouva que cet homme était atteint de
mal perforant lépreux longtemps avant d'avoir porté les habits incri
minés .
Aux faits nombreux que je possède où un lépreux n'a pas infecté son
entourage, malgré une cohabitation prolongée (mari ou épouse, mère
nourrice lépreuse et nourrisson demeurant sain , père couchant dans le
même lit que ses enfants lépreux , ou réciproquement, etc.) , je pourrais
ajouter ce fait que pas plus en Italie qu'en Norvège, ou à l'hôpital
Saint-Louis, je n'ai pu trouver de cas de contamination du personnel hos
pitalier (médecins, infirmiers, seurs) ou des autres malades placés dans
les mêmes salles que ces lépreux .
D'ailleurs de ce qu'un sujet contracte la lèpre après avoir séjourné
dans un pays où se trouvent d'autres lépreux a - t-on pour cela absolument
AXXALES DE DERMAT . , 24 SERIE . VI .
646 HENRI LELOIR .

le droit d'en conclure qu'il a été contaminé par un lépreux ? ou n'a - t- il


pas contracté la lèpre parce qu'il se trouvait dans un milieu lépreux ?
Dira - t-on, parce qu'un sujet a contracté la malaria dans les environs de
Rome, par exemple, qu'il a été contaminé par un paludéen de la région ?
Ne se pourrait - il pas que la lèpre soit analogue comme je l'ai dit en
juin 1885 (voir compte rendu de la Société de Biologie, juin ; Semaine
médicale, 24 juin ; voir également les comptes rendus de l'Institut en
juin et juillet), à certaines maladies, la malaria par exemple, qui bien
que produites par un micro-organisme, ne paraissent pas contagieuses
d'individu à individu . Cette hypothèse est possible, et je suis heureux
de voir que M. Dujardin - Beaumetz a adopté mon opinion tout récem
ment. (Académie de médecine . - Séance du 13 octobre 1885.)
S

Pour me résumer, je ne pense pas que la lèpre puisse avoir pour cause
unique de mauvaises conditions hygiéniques, des émotions morales, des
chocs nerveux, etc. J'admets la nature parasitaire de la lépre. J'hésite à
dire si cette maladie provient uniquement d'un certain milieu ( comme
l'impaludisme), ou si elle est contagieuse d'individų à individu comme
la syphilis, ou si on ne doit pas la comparer plutôt à la tuberculose. Si
je voulais prendre parti dans la question je pencherais plutôt vers cette
dernière hypothèse . En tout cas si la lèpre est contagieuse d'individu à
individu les nombreuses recherches que j'ai faites sur ce sujet depuis 1878
sur environ 900 lépreux me portent à croire qu'elle l'est à un degré très
minime. L'inoculation jusqu'ici n'a donné aucun résultat positif, même
chez l'homme (voir mes mémoires précités). Seuls actuellement de
nombreux faits cliniques bien et minutieusement observés semblent
pouvoir trancher ou tout au moins élucider la question (1 ).
( 1) Les particularitės objectives cliniques que j'ai pu étudier chez le lépreus
d'Italie paraitront en temps et lieu dans le livre que je publie en ce moment sur
la Lépre. Signalons toutefois un cas de chute spontanée et rapide de toules les
dents chez un lépreux anesthésique à la suite de violentes névralgies faciales et
particulièrement buccales, et rappelant la chute des dents chez les Ataxiques,
signalée par Charcot. Cette particularité n'est signalée par aucun auteur qui se
soit occupé de la lèpre .

1
RECUEIL DE FAITS.

A PROPOS DU ROLE DE L'HYPERTHERMIE


DANS LA SYPHILIS
Par le Dr PORTALIER

La communication faite récemment à Pérouse, par M. le Dr Juhlien (1 )


(de Paris), devant les membres de la section de dermatologie et de
syphiligraphie, sur les longues incubations du chancre induré, nous
remet en mémoire un fait parent de celui que rapporte et que commente
M. le Dr Jullien . C'est au mois d'avril de cette année que nous avons
eu l'occasion d'observer ce fait.
Dans le cas cité par M. le Dr Jullien , un malade, atteint de phlegmon
périnéal avec fièvre intense, ne vit apparaitre un chancre manifestement
syphilitique (ainsi que le démontra bientôt la venue des accidents spé
cifiques consécutifs) que 90 jours après la date de la contagion. Cher
chant la cause d'une incubation aussi longue et aussi exceptionnelle,
M. le Dr Jullien déclare « la trouver sans hésiter dans l'état fébrile qui
( a tenu son malade au lit pendant le temps de l'incubation ; l'hyper
( thermie a vraisemblablement agi sur le virus inoculé, sur le travail
de développement du chancre, comme nous la voyons agir sur les
a manifestations secondaires qu'elle fait disparaître dans les cas de
« pneumonie, de fièvre typhoïde, etc. >>
Voici maintenant notre observation en abrégé :
Le sujet en est un jeune homme de 22 ans qui portait un chancre syphili
tique de la verge , chancre à tendance phagédénique. Notre bien cher et
honoré maitre , M. le professeur Fournier, qui donnait ses soins à ce malade,
nous avait prié de surveiller les pansements de la plaie fort mal traitée par
le jeune homme.
Nous vimes le malade, pour la première fois, le 22 avril 1885. Le chancre
datait d'environ 15 jours. Il commençait au niveau des lèvres mêmes de la
commissure postérieure de l'orifice urélral. Ce dernier (le sujet étant hypos
pade) s'ouvrait en arrière, sur la ligne médiane, en un point correspondant
à la base du frein qui faisait ici totalement défaut. Le chancre remontait
de la directement, par suite de l'absence de prépuce en ce point, sur la
peau de la face inférieure de la verge. De la dimension d'une pièce de
1 franc, de couleur gris lardacé , il reposait sur une énorme base indurée,
d'une dureté cartilagineuse, qui débordait largement les contours du chancré
dans tous les sens . La moitié inférieure de la verge était tuméfiée. La partie
(1) Semaine médicale, 30 septembre 1885, n° 40 , p. 330.
648 PORTALIER .

antéro-supérieure du gland, gonflé et turgescent, était coiffée comme d'un


capuchon par la partie corre :pondante très oedématiée de l'enveloppe pré
putiale, incomplète en bas et en arrière, comme nous venons de le dire,
étant donné la variété d'hypospadias du sujet. Par le fait de ce mème vice
de conformation, chaque miction laissait écouler de l'urine sur la surface
du chancre qui était de la sorte incessamment irrité.
Trois jours après celui où nous avions vu ce malade pour la première fois,
ce jeune homme, s'étant imprudemment exposé au froid, fut pris en même
temps de pleuro- pneumonie gauche et de pneumonie droite . Pendant quatre
jours la température oscilla entre 40° et 410,5, et pendant plus d'une semaine
ensuite elle se maintint à 380,5 , 39°, 390,5. La gravité excessive de ce mal
nouveau fit oublier momentanément le chancre qui fut abandonné à lui-même
sans pansement. Lorsque, au bout de dix jours environ, MM . les professeurs
Fournier et Germain Sée, qui assistèrent ce jeune homme dans cette cir
constance , furent enfin presque rassurés sur l'état du malade, ils songèrent
au chancre et cherchèrent ce qu'il était devenu . Or, l'examen le plus
attentif, le plus minutieux de la verge ne laissa découvrir ni trace d'érosion,
ni trace même d'induration. Cette verge si difforme quelques jours aupara
vant, avait repris son aspect et son volume normal; elle était souple dans
toutes ses parties. L'adénopathie symptomatique inguinale concomitante était
également en voie de résolution. Même une vieille uréthrite chronique, reli
quat d'une blennorrhagio remontant à plus d'une année, et que rien n'avait
pu tarir , avait disparu.
Toutefois, chez ce malade qui guérit de ses accidents thoraciques, la
syphilis ne s'arrèta pas en chemin comme dans le cas, cité par M. le Dr Jul
lien, d'un sujet pris de fièvre typhoïde au cours d'un chancre qui aurait été
manifestement induré et qui ne fut cependant suivi ni de roséole ni d'aucun
autre accident.
Au moment où notre malade entrait en convalescence, c'est- à -dire environ
six semaines après l'époque du début du chancre, il apparut en pleine
éruption d'une roséole caractéristique . Il quitta la France vers ce même
temps, et nous ignorons comment s'est depuis lors comportée sa syphilis.
Vu chez lui la gravité de l'accident initial, gravité qui suivant les cas le plus
généralement observés semble rejaillir sur les accidents consécutifs, il eût
été intéressant de connaitre si la maladie fébrile, qui dans ce cas influença
si heureusement le chancre, continua son influence aux autres accidents .
En résumé (et quel que soit le mode d'action de l'hyperthermie sur
le virus syphilitique, à admettre, ce qui semble vraisemblable, que ce
soit elle qui agisse dans ces sortes de cas) l'observation précédente nous
montre un chancre syphilitique, à tendance phagédénique, qui, abso
lument délaissé au milieu de son évolution, exposé même au contact
incessant de l'urine, a été arrêté et guéri en dix jours, sans qu'il en
subsistât la trace la plus minime, au cours d'une maladie intercurrenie
dont un des symptômes principaux a été une hyperthermie notable et
prolongée.
Mais , d'autre part, nous voyons en même temps les premiers acci
dents syphilitiques généraux, consécutifs à ce chancre, survenir à la
date pour ainsi dire fatale où ils doivent apparaître normalement. I
A PROPOS DU ROLE DE L'RYPERTHERMIB DANS LA SYPHILIS . 649

n'est, en conséquence, permis de conclure de cette observation que


ceci :
C'est que l'hyperthermie peut agir ou même qu'elle agit heureuse
ment sur les accidents syphilitiques, mais que le bénéfice qu'en retire
le malade est en somme bien loin de compenser les dangers que cette
hyperthermie lui fait courir, soit par elle -même, soit par la maladie
dont cette haute température n'est qu'une des expressions.
REVUE GÉNÉRALE .

LA LÈPRE DOIT -ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE


COMME UNE AFFECTION CONTAGIEUSE ? ( 1 )
Par le Dr L. BROCQ, médecin des hôpitaux.
La question de la contagion de la lèpre vient d'être l'objet d'une dis
cussion des plus importantes à l'Académie de médecine. Dans un rapport
sur un mémoire de M. le Di Zambaco , M. le Di Constantin Paul a
soutenu que la lèpre ne peut être considérée comme une maladie
contagieuse. M. le Dr Vidal, a cru devoir protester, et il a prouvé par
de nombreux documents et par les arguments les plus solides
qu'il fallait en l'evenir aux idées anciennes sur l'étiologie de cette
affection . La discussion (2) s'est alors engagée entre M. Vidal d'une part,
MM . Constantin Paul , Dujardin -Beaumetz, Hardy , Le Roy de Méricourt,
anticontagionnistes, d'autre part . En présence de l'importance qu'elle a
prise, il nous a paru intéressant d'étudier de nouveau ce sujet, de peser
les arguments qui ont été apportés de part et d'autre et d'en faire un
exposé complet et méthodique.
La croyance à la contagion de la lèpre a fait depuis peu de
grands progrès dans le monde médical. On sait que cette opinion, ad
mise sans conteste pendant tout le moyen âge, a été des plus discutées
dans les temps modernes. La plupart des auteurs du commencement du
siècle, ne connaissant qu'imparfaitement la question , égarés par de nom
breux faits négatifs, ont vivement réagi contre l'idée de contagion ;
aussi , tout récemment encore , presque tous les médecins européens con
sidéraient comme démontré que la lèpre n'est pas contagieuse , surtout
après les recherches si importantes de Beck et Danielssen et l'enquête
de Virchow. Mais des faits récents sont venus jeter un jour tout nouveau
sur ce point si important de la pathologie. L'épidémie des îles Sandwich ,
l'envahissement des États -Unis par des lépreux venus de Norvège, des
(1) Une fois pour toutes , nous prévenons le lecteur que, dans ce travail, le mot
contagion doit être pris dans le sens transmissibilité de la lèpre du léprent à
l'homme sain. Ainsi que nous le dirons plus loin, celle transmissibilité somble sur
lout se faire par inoculation d'un produit morbide .
(2) Bulletins de l'Académie de médecine de Paris. (Séances des 28 juillet, 13, 20,
27 octobre 1883.
LA LÈPRE DOIT - ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 631

Hawai et de Chine, la publication de cas isolés mieux étudiés, ont


éveillé l'attention ; enfin la découverte du bacille lépreux est venue pour
beaucoup confirmer ce qu'apprenait déjà la marché des épidémies. Des
lors il s'est fait, surtout aux États- Unis, une nouvelle réaction des plus
énergiques en faveur de la transniissibilité de l'affection qui nous
occupe .
C'est cet état nouveau de la question que nous essayerons d'exposer
dans cet article . Certes, nous n'avons pas l'intention de faire une revue
générale sur la transmissibilité et encore moins sur l'étiologie de la
lepré. Une simple mention des travaux qui ont été publiés sur cet antique
sujet demanderait un volumë. Nous ne voulons que rendre compte de la
discussion qui vient d'avoir lieu , et surtout nous efforcer de préciser le
point en litige ( 1 ).
Mais, avant d'entrer dans le caur même du sujet, nous croyons utile
de formuler quelques remarques des plus importantes, qu'il est néces
saire d'avoir toujours présentes à l'esprit, pour apprécier à leur juste
valeur les arguments multiples dont on s'est servi .
Tout d'abord nous devons nous bien pénétrer de cette idée que la
lèpre est une maladie à allures lentes, des plus chroniques, mettant
toujours de longues années à évoluer en particulier ; nombre de
faits des plus authentiques semblent prouver que , quelle que soit l'ori
ginë réelle de la lèpre; son incubation peut durer plusieurs années.
( V. Vidal, loc. citato.) Il ne peut donc pas s'agir ici, quand on parle de
contagion , d'une contagion aisée à observer comme celle de beaucoup de
maladies aiguës, comme celle de la syphilis dont l'origine est parfois
cependant enveloppée de tant d'obscurité. Il doit être fort difficile de
retrouver dans les circonstances ordinaires de la vie, la preuve directe et
irrefutable; je dirais même les indices de la contamination . De là une
cause d'erreur dont tous les auteurs ne tiennent malheureusement pas
compte .
Une deuxième remarque que nous tenons à faire, c'est qu'on ne doit
pas se laisser égarer par la masse de faits négatifs qu'apportent les anti
contagionnistes pour prouver la non -transmissibilité de la lèpre . Les
faits négatifs, si nombreux qu'ils soient, ne peuvent prouver qu'une seule
chose, c'est que la lèpre n'est pas fatalement contagieuse , pas plus
qu'elle n'est fatalement héréditaire, vérités éclatantes que tout le monde .
admet. Par leur multiplicité, ils prouvent que dans certains pays et dans
certaines conditions encore mal déterminées elle est peu contagieuse .
Mais ils ne sauraient prouver qu'elle n'est jamais transmissible du
(1 ) Nous laisserons de côté dans ce qui va suivre tous les arguments qui pour
rait fournir la découverte du bacille lépreux : nous ne parlerons que de ce
qu'apprend l'observation rigoureuse des faits cliniques.
652 L. BROCQ .

lépreux à l'homme sain . En tirer une pareille conclusion est contraire à


toutes les lois de la logique.
En somme, cette question de la transmissibilité de la lèpre se résume
en ceci : Existe-t - il un fait, un seul fait, prouvant que la lèpre peut
être transmise de l'homme malade à l'homme sain ? Si ce fait positif
existe , et s'il ne donne point prise à la critique, la preuve de la possi
bilité de la transmission est acquise, malgré tous les faits négatifs que
l'on pourra amonceler.
Les documents qui suivent démontreront la réalité de ces preuves
positives. Nous possédons, je le crois, des faits de contagion qui résistent
à toute critique , et qui assurent le triomphe de la thèse que nous sou
tenons. On peut, pour mettre un peu d'ordre dans cette question malheu
reusement très complexe, diviser ces preuves positives en quatre grands
groupes :
1• Faits isolés de contagion ;
2° Petites épidémies isolées ;
3º Épidémies insulaires récentes;
4 ° Évolution des grandes épidémies de lèpre.

I. FAITS ISOLÉS DE CONTAGION .

Malgré la difficulté qu'il y a à retrouver dans les antécédents d'un


malade les traces d'une contamination qui s'est produite plusieurs années
auparavant, on a publié dans ces derniers temps plusieurs faits isolés
de contagion . Ils n'ont pas tous la même valeur ; aussi les grouperons
nous en trois catégories.
1• Faits dans lesquels des individus issus de parents sains, n'ayant
jamais habité de pays dans lequel la lèpre soit endémique, ont été con
tagionnés après avoir eu des relations intimes avec des lépreux ;
2° Faits dans lesquels des individus, issus de parents sains, mais
séjournant dans un pays où la lèpre existe, sont devenus lépreux après
avoir eu des relations intimes avec des lépreux ;
3 ° Faits dans lesquels des individus issus de parents sains, sont de
venus lépreux après avoir séjourné pendant quelque temps dans un
pays où la lèpre est endémique, et après y avoir été exposés à la
contagion .

fre catégorie .

Les faits de cette catégorie sont de beaucoup les plus probants : ils ne
sont en effet passibles d'aucune objection . Telle est l'observation
LA LÈPRE DOIT- ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 653

suivante de J. Hawtrey Benson ( 1 ) , que M. le D' Vidal a citée dans la


séance du 13 octobre à l'Académie de médecine .
Cas I.- En 1872 cet auteur présenta å la Société médicale de Dublin un
homme atteint de lèpre qui lui avait été envoyé par le Dr Stirling, de Thomas
town. Ce malade avait habité les Indes pendant 22 ans ,y avait pris la lèpre et
était revenu en Irlande avec tous les attributs extérieurs de cette affection . Il fut
soigné à l'hôpital de la ville de Dublin, et, ce fut pendant son séjour dans
son service que le Dr J. Hawtrey Benson le présenta å la Société . Il rentra
ensuite chez lui, et il y mourut au bout d'un an et demi . Or, pendant cette
dernière période , son frère coucha dans le même lit que lui et porta ses vê
tements . Ce frère n'avait jamais quitté l'Irlande, si ce n'est 46 ans environ
auparavant, époque à laquelle il alla passer quelques temps en Angleterre.
Or, tout le monde sait que la lèpre n'est plus à l'état endémique dans les Iles
Britanniques depuis plusieurs siècles ; il ne pouvait donc y avoir pris le
germe de l'affection . Cependant, il avait bien réellement la lépre, et, pour
plus de sûreté, le Dr J. Hawtrey Benson le montra (2 mai 1877) å la Société
médicale de Dublin . D'après l'auteur on ne saurait douter qu'il n'ait été con
tagionné par son frère. Il n'y avait aucun autre antécédent de lèpre dans sa
famille .

Cette observation du D- J . Hawtrey Benson nous semble réaliser le cas


indiscutable dont nous parlions tout à l'heure, quand nous disions que
s'il existait un seul fait positif bien établi , la question devait être consi
dérée comme définitivement jugée.
Nous ne voyons pas quelle objection on peut faire à l'observation pré
cédente. On aurait rêvé un cas typique pour la démonstration de la
transmissibilité de la lèpre qu'on n'aurait rien trouvé de plus précis.
L'autorité des auteurs ne peut être mise en doute : par un hasard des
plus heureux les deux malades en question ont été vus par un dermato
logiste connu , le D' J. Hawtrey Benson , et ont été présentés par lui, tous
les deux , à la Société médicale de Dublin : on ne peut donc conserver
le plus léger doute sur l'authenticité des faits et sur la rigueur du dia
gnostic . Il s'agit d'une famille saine, sans aucun antécédent héréditaire
de lépre, habitant une localité dans laquelle la lèpre est absolument in
connue (J. Hawtrey Benson ). Personne n'en avait vu de cas depuis long
temps ; on n'en soupçonnait pas la possibilité , quand arrive le premier
malade, lequel est devenu lépreux dans les Indes : il couche avec son
frère pendant un an et demi, changeant de vêtements avec lui . Ce frère
n'a quitté sa terre natale qu'une seule fois, il y a 46 ans, et pour aller
passer quelque temps en Angleterre, pays non contaminé. On ne trouve
dans ses antécédents aucune cause possible de lèpre que cette cohabi
tation prolongée avec son frère . Ne pas conclure ici à la contamination
de l'homme sain par l'homme malade me paraît absolument impossible .
(1) Dublin Journal of medical sciences (p. 562, juin 1877).
654 L. BROCQ .

Je le répète ; pour moi, ce fait tranche définitivement la question que


l'on peut maintenant considérer comme résolue par l'affirmative.
Les autres observations que je vais citer sont loin d'être aussi pro
bantes, mais, venant après celle - ci , elles ont beaucoup de valeur, car
elles montrent que les cas où l'on a pu retrouver une source possible de
contagion ne sont pas aussi rares qu'on a bien voulu le dire.
Gas II ( 1 ) . Le Dr Edmundson Atkinson rapporte le cas d'une femme
mariée , ågée de 40 ans environ , qui vint, le 10 octobre 1880 , se faire soigner
à l'University Hospital dispensary. Elle était d'origine allemande, maiselle
avait toujours vécu dans le Maryland, et n'en était jamais sortie. Elle avait eu
neuf enfants, dont cinq vivaient encore et paraissaient être en parfait état de
santé. Son mari était très bien portant. Les premières manifestations cula
nées se montrèrent en mai 1878. Depuis lors l'affection a suivi une marche
lente et progressive . D'après le Dr E. Atkinson , la cause de la maladie dans
ce cas aurait été les relations que cette femme aurait eues avec un homme
nommé Brown qui avait vécu dans la même rue qu'elle à Baltimore pendant
deux ans ; il avait même été son voisin de porte pendant toute une année.
(L'observation de ce Brown a été citée par le Dr Rohé ( 2) comme un des trois
seuls cas de lèpre tuberculeuse qui existaient à celle époque dans tout le
Maryland .) Les deux familles devinrent intimes ; mais, d'après le dire de la
femme, elle n'aurait jamais eu de relations suivies avec Brown , elle ne lui
aurait même jamais donné une poignée de main . A cette époque Brown avait
des éruptions et des nodules lépreux sur le visage , et il était en très mauvais
état de santé. Le D' E. Atkinson fait remarquer que la lèpre s'est développée
chez să malade quelques années après qu'elle a été la voisinë et l'amie d'un
des trois seuls lépreux du Maryland . Il est bien difficile de ne pas voir dans
cette coïncidence une relation de cause à effet.

2° Catégorie.
Cette deuxième catégorie comprend, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, les faits dans lesquels des individus nés de parents sains, mais
séjournant dans un pays où la lèpre existe, sont devenus lépreux après
avoit eu des relations intimes avec des lépreux. Ces faits sont de beau
coup les plus nombreux ; et, pour notre part, nous sommes convaincus
qu'il suffirait d'une enquête un peu minutieuse et d'une observation con
tinuée pendant plusieurs années, à cause de la longue incubation de la
lepre, pour en constater des quantités dans les pays où cette affection
esi fréquerite. Ces faits sont tous passibles de l'objection suivante : puis:
qu'ils ont été observés dans des pays où règne la lepre, continent peut
on savoir s'ils sont vraiment dus à la contagion , ou altx autres causes,
mystérieuses il est vrai, qu'invoquent les anticontagiounistes comune
étiologie de l'affection ? Sanis entrer dans la discussion générale, que
(1) Archives de Médecine Américaines de juin 1882, et 5mi meeting annuel de
l'Association dermatologique Américaine.
(1) Maryland med. Journal for july, 1878 .
LA LÈPRE DOIT-ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 655

nous ne pouvons aborder ici , de l'étiologie de la lépre, qu'il nous suffise


de rappeler ce que tout le monde sait fort bien , ce qui ressort de la dis
cussion récente de l'Académie de médecine ( V. communications de
M. le Dr Vidal) , c'est qu'en dehors de l'hérédité et de la contagion nous
ne connaissons rien de précis sur les origines de la lèpre . Les théories
qui la rapportent à la nourriture ne tiennent pas devant la critique (1 ) ;
et, quant à en faire un poison d'origine tellurique, un produit du sol,
on doit définitivement y renoncer devant cette vérité basée sur l'analyse
des faits, qu'il n'y a pas en réalité de pays à lèpre (Vidal ) : elle existe
tout aussi bien en Norvège qu'à Constantinople, qu'au Brésil, à Quito
dans l'intérieur des terres , que sur le littoral. Elle ne reste pas attachée
à la localité , au sol , coinme le miasme paludéen, elle suit les individus,
et s'implante avec eux sur une terre encore vierge, ainsi que nous allons
le voir en étudiant la marche des épidémies. Aussi ne pouvons -nous
croire à la valeur de l'objection que nous venons de formuler; et, plutôt
que de nous perdre dans des hypothèses sans fondement, et dans ce
désespérant « nous ne savons pas » que les médecins de nos jours n'ont
que trop de tendance à répéter avec complaisance, nous aimons mieux
trouver la source du mal dans la cause si nette et si logique que met en
luinière l'histoire de ces cas, dans la contagion .
Les deux premiers faits sont personnels à M. le Dr Vidal , qui les a
cités à l'Académie dans la séance du 13 octobre .
Cas I et II . - « Pour ma part , j'ai observé deux faits qui sont en faveur de
« la contagion . J'ai vu mourir à Paris de la lėpre un médecin qui , un an
après son retour du Brésil , où pendant les longues années de sa pratique
« médicale il avait soigné de nombreux lépreux, présenta aà l'âge de 65 ans
« les premiers symptômes de la maladie . Il n'avait aucun antécédent héré
« ditaire . »
« Comme exemple de contagion maritale , j'ai eu dans mon service de
a l'hôpital Saint-Louis une femme ayant toujours habité Nice, n'ayant pas
« de lépreux dans sa famille , et qui fut atteinte de la lèpre six ans après que
" son mari avait eu les premières manifestations tuberculeuses de relle
maladie . (Vidal , loc. cit . )
Cas III et IV. – Le Dr Poupinel (2) a recueilli deux cas de transmis
sion de la lèpre qui, dit- il , ne laissent aucun doute dans son esprit.
« Dans le premier cas, il s'agit d'un mari atteint de la lėpre tuberculeuse
i qui, continuant ses rapports conjugaux, la transmit à sa femme; mais,
4 chose bizarre, ici ce fut la forme anesthésique qui lui arriva. »
(1) V. communication de M. le Dr Vidal (13 octobre 1885 ). — On the Etiology and
History Of Leprosy, by W. Murro . (Edinb. med . Journal, vol . XXll ct XXIII. )
C. T. (Peters. Edinb . Med . Journal, mars 1883, p . 809), etc., etc. !
(2)La spedaisked à l'ile Maurice et à Saint- Lazare en particulier, par le Dr Pou
pinel (de Valence ). Rapport au gouverneur, p . 21 (Maurice, 1882) (Cité par E. Vidal,
eod loc.
. ).
656 L. BROCQ .

« Dans le deuxième cas un Indien du nom de Goindal , qui , à l'asile des


aliénés, s'était lié d'une étroite amitié avec un créole malade du nom de
Mangeoudis , lequel avait la lèpre tuberculeuse, a été pris aussi de la
« même forme. Tous les deux sont à la léproserie. »
Cas V. – Cas de contagion de lépre, par Costalès (1).
-

J. S. H... , ágé de 23 ans , habitant à Brooklyn, contracta la lèpre à Puerto


Cabello (Venezuela), il y a quatorze ans, et fut observé par l'auteur, par les
Drs E. L. Keyes de (New-Vork), et S. Sherwell de (Brooklyn) , en 1878. L'érup
tion caractéristique apparut d'abord sur le visage et sur les extrémités ; elle
était tuberculeuse et surtout maculeuse. Voici quelle est l'origine de la
maladie. Au Venezuela une dame devint lépreuse, et l'une des tantes de
J. S. H... , fut fréquemment appelée à la voir . Avant la mort de cette dame ,
la tante contracta la lèpre ; jamais il n'y avait eu dans la famille d'antécé
dents héréditaires. Cette tante avait l'habitude de porter presque constam
ment le jeune J. S. H... , et elle le gardait toujours avec elle.
Cas VI . — Un cas de lèpre hyperesthésique; contagion probable, par
-

le Dr Vallin (2) .
Il s'agit dans ce cas d'un colon âgé de 40 ans, né à Cayenne de parents
français qui depuis trois générations n'ont pas quitté la colonie et sont restés
purs de tout croisement. Il a joui d'une bonne santé jusqu'en 1877 ; à cette
époque il eut fièvres intermittentes, puis une maladie de peau que l'on
reconnut bientôt pour être la lépre. Aucun membre de sa famille ne l'avait
eue ; mais il avait recueilli par charité il y a quelques années un petit nėgre
trės misérable, paraissant alors bien portant, qui depuis lors vivait dans la
maison du malade , en contact journalier avec lui et ses enfants. Vers 1875,
la santé de ce petit nègre, ágé de 10 ans, s'altéra ; il lui survint sur tout le
corps de larges plaques sous forme d'anneaux , rouges aux bords, påles au
centre ; il ressentit bientôt des douleurs extrêmement vives dans les pieds et
dans les mains. Peu à peu la marche devint presque impossible, l'enfant ne
pouvait se servir de ses mains ; il ne marcha bientôt plus que courbé comme
un vieillard, et pour ainsi dire en rampant. Au bout d'un an , les douleurs
des extrémités disparurent, mais le bout des doigts et des orteils s’ulcéra et
tomba ; l'amaigrissement fit des progrès, et l'enfant mourut dans le marasme.
C'est quelques mois après la mort de ce petit nègre que les premiers acci
dents apparurent chez le malade ; celui- ci est convaincu qu'il a exactement
la même affection que l'enfant, qu'il succombera comme lui, et il est disposé
à croire que c'est de lui qu'il a pris la maladie par contagion.
Remarque. Nous ne donnons ce fait que parce qu'il est d'un auteur
français : nous le considérons comme moins probant que les autres , car
il aurait été nécessaire, pour lui donner toute sa signification , ainsi que
le fait remarquer M. Vallin lui-même, de faire une enquête contradic
toire sur la véritable nature de la maladie du petit jeune . Néanmoins il
est bien probable qu'il s'agissait là réellement d'un cas de lèpre.
(1) Journal of Cutaneous and Venereal diseases, 1883, p. 439 .
(2) Union médicale, 30 mars 1880. Société médicale des hôpitaux, 23 juil.
let 1880 .
LA LÈPRE DOIT-ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 657

Cas VII. Goldschmidt (1 ) a observé à Madère une jeune fille de 16 ans


qui avait présenté des symptômes de lèpre à l'époque de la puberté.
Elle avait été allaitée quelque temps par une femme lépreuse ; ses six
frères et scurs, élevés par des nourrices saines , étaient bien portants, et jamais
dans sa famille il n'y avait eu de lépreux .
Cas VIII (2) . — Le Di Drognat-Landré rapporte dans son intéressant mé
moire sur la transmissibilité de la lèpre dix cas inédits de contagion observés
dans les Guyanes. Parmi eux je ne citerai que le suivant, qui me parait le
plus intéressant .
Un jeune homme, né dans les possessions hollandaises, de parents blancs,
sans antécédents héréditaires, élevé dans l'aisance, s'élait trouvé à Curaçao
chez son grand-père, médecin, qui ne croyait pas à la contagion de la lėpre,
en contact continuel avec un nègre lépreux. A l'âge de 16 ans , lorsqu'il vint
à Surinam , il avait des symptômes de lépre.
Les deux faits suivants que cite White ( 3) dans son article sur la con
tagion de la lépre , nous paraissent beaucoup plus instructifs et beau
coup plus importants que la plupart des cas précédents.
Cas IX (4) . - Le Dr Bemiss ( de Maouï) relate plusieurs cas de lèpre dans
lesquels les malades n'avaient aucun antécédent héréditaire , et il cite dans
tous ses détails le cas d'un Américain âgé de 55 ans, dont les parents étaient
sains, qui fut assistantdans l'hôpital de Lahaina pendant plusieurs années,
et chez lequel la maladie parut après qu'il eut pris plusieurs lépreux pour
vivre avec lui.
Cas X. Le Di Saxe, président de la Société médicale de l'État de Ca
lifornie, en rendant compte d'une visite récente qu'il venait de faire aux îles
Sandwich, dit qu'il ne pouvait plus conserver le moindre doute sur l'inocu
labilité de la lèpre. Il cite en effet le cas d'un fils de médecin chez lequel
cette affection se développa après qu'il se fut piqué la jambe avec une épingle
qu'un jeune lépreux indigène venait de tourner et retourner dans une plaque
anesthésique de sa propre jambe.
3. catégorie.
Elle comprend les faits dans lesquels des individus issus de parents
sains sont devenus lépreux après avoir séjourné pendant quelque temps
dans un pays où règne la lépre , et après y avoir été exposés à la
contagion ; ces faits sont fréquents : ils sont passibles des mêmes
objections que ceux de la catégorie précédente, objections que pour
notre part nous ne saurions admettre (V. plus haut leur réfutation ).
Nous nous contenterons de citer parmi eux les deux suivants, que nous
ne relatons d'ailleurs qu'à cause de la grande autorité et de la qualité
des auteurs qui les ont publiés .
(1) La lèpre à Madère , par Julius GOLDSCHMIDT (Berliner Klinische Wochens,
n° 9, p . 134, 3 mars 1884).
( 2) DROGNAT-LANDRÉ, De la contagion, seule cause de la propagation de la
lèpre ( Paris, 1869 ).
(3) White, The question of contagion in Leprosy (American Journal of the
medical sciences, octobre 1882) .
(4) New Orleans med . and surg. Journal, avril 1880.
.

658 L. BROCO .

Cas I. – L'illustre dermatologiste Ferdinand Hebra (1 ) a observé « des


« cas où des personnes nées dans les pays exempts de lépre émigrant à un
åge avancé dans des régions où la lèpre existe, ont été atteintes de la
>
« maladie après un séjour de plusieurs années dans ces derniers pays » . Il
en cite 4 cas. Mais parmi ces 4 cas il en est deux des plus intéressants en
ce qu'ils semblent démontrer la contagion entre époux. Le voici textuel
lement.
« Un homme âgé de 45 ans, né à Turin , partit pour le Caire à l'âge de
« 30 ans ; au bout de 10 ans de séjour, début de la lépre , qui , après ä années,
« avait déterminé l'apparition d'une quantité de nodosités au visage et sur les
« mains. Sa femme, plus jeune de 10 ans, née également à Turin, partie avec
« lui pour le Caire, fut atteinte, deux ans après lui, de lèpre tuberculeuse qui,
« au bout de 3 ans , avait amené une anesthésie des mains, n
Cas II. — M. le Di Pasquier (2) , médecin de la marine, qui a passé plu
sieurs années dans une léproserie de la Guyane française, a communiqué au
Di Cavasse le cas d'une religieuse attachée à l'établissement et qui serait
devenue lépreuse après un séjour de huit ans au milieu des malades.

Tels sont les faits isolés que nous croyons devoir citer. On remar
quera que nous les avons tous empruntés à des médecins, afin qu'on ne
puisse nous accuser de chercher à établir des vérités scientifiques en
nous servant de « romans écrits par des personnes étrangères à notre
profession (3).

II . PETITES ÉPIDÉMIES ISOLÉES.

Quand une maladie est très contagieuse, un individu qui en est atteint,
placé dans un milieu indemne, crée autour de lui un foyer d'infection ;
c'est même l'étude de ces petites épidémies partielles, quand on peut
en observer d'assez localisées, qui permet le mieux de préciser le mode
de propagation de la maladie et son degré de transmissibilité. La possi
bilité pour un sujet contaminé de développer ainsi un foyer d'infection
au milieu d'une population primitivement saine, constitue la caractéris
tique même de l'affection contagieuse. Sachant combien la question de
la contagion de la lèpre est encore discutée, nous n'espérions pas en
rencontrer des exemples. Aussi notre étonnement a-t-il été assez grand
quand, en relisant avec soin le mémoire original de White, nous y avons
trouvé relatées les deux petites épidémies suivantes :

(1) Traité des maladies de peau. Traduction Doyon (volume II (rédigé par
Kaposi), p . 552, 1878) .
(2) Citó par CavaSSE , médecin de la marine , Thèse de Paris, 1881 , La lepre
dans les Antilles et le Levant.
(3) C'est pour co motif que nous avons complètement passé sous silence dans
ce travail un livre cependant fort intéressant et fort instructif, celui du père
Étienne Brosse sur la transmissibilité de la lépre. La lèpre est- elle conlagieuse ?
par un missionnaire attaché aux léproscries ( Paris, 1879) .
LA LÈPRE DOIT- ELLE ÊTRE CONSIDÉREE COMME CONTAGIEUSE ? 659

1. Epidémie du Cap -Breton (1 ) , recueillie par M. Fletcher, et pu


bliée par le Dr A. M. Phedran (de Toronto) (2) , (communiquée par le
Di Duhring à l'association derinatologique américaine, 1881 ).
1° Betty Mac Carthy, de l'ile du Prince - Édouard, native du Lincolnshire
(Angleterre), se maria en 1836. En 1852, elle devint malade,7 et elle mourut
en 1864, d'une affection que l'on désigna á Tracadie sous le nom de lépre.
Elle eut cinq enfants :
a. Richard, qui mourut de la lèpre aprės vingt ans de maladie ;
b. John, qui mourut de la lèpre après douze ans de maladie. Il épousa
la seur de James Cameron ;
c. Mike , qui mourut de la lèpre après dix ans de maladie. James Cameron
avait l'habitude de coucher avec lui ;
d. William, qui mourut de la lèpre à 21 ans. Il fut lave et enseveli par
Joseph Brown ;
e. Mary, quimourut de la lèpre après 20 ans de maladie . Elle se maria
avec John Doyle ;
20 John Doyle mourut de la lèpre après six ans de maladie ;
30 et 4° Deux filles de John Doyle et de Mary moururent de la lèpre ;
5 ° John Brown , qui soigna William Mac Carthy pendant sa maladie, qui le
lava et l'ensevelit après sa mort, devint peu après lépreux et mourut de celle
affection ;
6° James Cameron, d'origine écossaise, se maria en 1866 avec Susanna
Mac Carthy, l'une des filles de Betsy, et en eut deux en als qui sont bien
portants ainsi que leur mère. Il avait l'habitude de coucher avec Mike
Mac Carthy. Dès 1870 , il présenta des symptômes incontestables de lèpre, et
il est actuellement (1881 ) très malade.
Cette simple nomenclature, malgré toute sa sécheresse, n'est- elle pas
un document des plus instructifs ? On pourrait l'invoquer comme un
argument en faveur de l'hérédité de la lepre; mais ne prouve-t-elle pas
surtout jusqu'à l'évidence la transmissibilité de cette affection en dehors
de toute hérédité de l'homme malade à l'homme sain . Elle nous montre
en effet trois personnes, n'ayant aucun antécédent héréditaire, étrangères
à la famille Mac Carthy, devenues lépreuses pour avoir eu des relations
intimes avec des lépreux de cette famille.

2° Epidémie de la Louisiane.
Autrefois, dit le Dr White ( loc. cit. ) , la Louisiane avait des lépreux ;
on fonda un hôpital pour les recevoir, et dès lors ils disparurent à peu
près complètement. Dans ce siècle on ne retrouve dans cette province
aucune trace de cette affection jusqu'en 1866 , époque à laquelle
elle se manifesta chez une femme, Mme Ourblanc, dont le père était
(1) Cette épidémie pourrait à la rigueur etre rangée parmi les épidémies insu
laires, dans le paragrapho suivant.
(2) Canadian Journal of medical sciences (septembre 1881).
660 L. BROCQ .

originaire du midi de la France. Elle mourut en 1870 laissant six enfants,


quatre fils et deux filles. Chez le premier et le quatrième fils la lépre
apparut en 1872, chez le second elle se montra en 1871 ; la première
fille mourut d'une maladie aiguë, la deuxième devint, paraît -il, lépreuse.
Tous ces enfants habitaient à Abbeville, lieu de résidence de leur mère.
En 1875, un neveu de Mme Ourblanc , qui vivait à huit milles de là, devint
lépreux . En 1873 , la lèpre se montra également chez une jeune femme
n'ayant aucune parenté avec la famille Ourblanc, mais qui avait cons
tamment soigné Mmo Ourblanc mère pendant les dernières périodes de
sa maladie. Enfin elle se développa aussi chez un jeune homme qui
demeurait à quelques milles d'Abbeville, qui n'avait aucun lien de parenté
avec les Ourblanc, mais qui avait souvent couché avec le quatrième fils
Ourblanc en 1875 , alors que celui-ci était déjà manifestement lépreux
depuis trois ans. Depuis lors d'autres cas de lèpre se sont encore mani
festés dans le voisinage (D' Jones) .
Tous ces faits sont trop éloquents par eux -mêmes pour qu'il soit
nécessaire d'en faire ressortir l'importance et la valeur.

III . EPIDÉMIES INSULAIRES RÉCENTES.

Lorsqu'une maladie de nature éminemment contagieuse est importée


pour la première fois dans une population ayant été de tout temps
indemne de cette affection , elle s'y développe presque toujours avec une
grande intensité, selon la dissémination des malades que l'on peut en
quelque sorte suivre à la trace. De pareils exemples constituent des
preuves irréfutables de la nature contagieuse du mal ; aussi les épidémies
insulaires dans lesquelles le germe morbide, apporté par des navigateurs,
se développe sur un terrain vierge, sont- elles recherchées comme l'ar
gument par excellence par les pathologistes. Je n'ai pas besoin de rappeler
combien a été justement invoquée comme exemple de l'épidémie de
rougeole observée aux îles Féroë par Panum. Or nous pouvons dire,
sans la moindre exagération , que l'île Maurice et surtout que les iles
Sandwich doivent être considérées comme les îles Féroë de la lépre.

1° Épidémie des iles Sandwich (1) .


L'épidémie des îles Sandwich a eu un énorme retentissement : elle est
universellement connue, même dans le monde extra -médical. Elle cons
(1 ) Consulter à cet égard :
White (loc . cit.).
ENDERS (Dermatological section of the medical congress of Philadelphia).
BEMIS, New Orléans med. and surg. Journal, avril 1880 .
REGENSBERGER, American Transactions, vol . IV.
LA LÈPRE DOIT - ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 661

titue toutefois un argument d'une telle importance, elle vient de soulever


des discussions si vives à l'Académie de médecine (séances des 13 , 20,
27 octobre 1885 ) , que nous croyons devoir en retracer succinctement
1

l'histoire, puis examiner les diverses objections par lesquelles on a


essayé d'en atténuer la valeur.
D'après les documents les plus authentiques, il paraft établi que la
lèpre n'existait pas aux îles Sandwich au commencement du siècle . Son
importation dans ces îles est généralement attribuée à l'immigration des
coolies Chinois, qui commença vers 1840 ( Wood) . Le premier cas de
lèpre qui aurait été vu dans ce pays est celui du Chinois Ahia, qui
demeurait près de Honolulu , et chez lequel on aurait diagnostiqué la
lèpre en 1853. A cette époque encore il semble avoir été seul lépreux
dans l'île. Le Dr Hillebrand le signala à l'attention du gouvernement.
Huit ans plus tard de ses voisins et quelques -uns de ses amis étaient
devenus lépreux. Dès lors la maladie s'étendit avec la plus grande rapi
dité ; les individus contaminés s'étant dispersés, on put en quelque sorte
les suivre à la trace, chacun créant de nouveaux foyers d'infection aux
endroits où il s'établissait . Les statistiques des Drs Wood, White et
Tryon nous montrent que, vingt ans plus tard , vers 1879-1880, on pou
vait déjà évaluer à 2,000 le nombre des lépreux des îles Sandwich , deux
mille dont 900 hospitalisés sur une population de 44,000 âmes à peine.
Il est donc absolument impossible ici d'invoquer l'hérédité; il est égale
ment impossible de dire que ces lépreux sont des immigrants, puisque
les statistiques officielles montrent que les malades sont dans l'im
mense majorité des cas des indigènes. Dans le dernier rapport du
D: Gibson , président du conseil de santé des îles, nous voyons que sur
531 lépreux reçus dans le court espace de deux ans, depuis 1882
jusqu'en 1884, à l'hôpital annexe de Kakaako , on trouve 499 Hawaïens,
17 métis , 2 Américains, 1 Irlandais, 1 Allemand, 1 Portugais, 10 Chinois :
ces derniers constitueraient actuellement le quart au moins de la popula
tion totale des iles .
Ce grand fait pathologique de l'épidémie de lèpre des îles Sandwich

KNEELAND, De la lèpre aus iles Sandwich, faits on faveur de la contagion


( Boston med . and surg . Journal, mars 1873) .
Tryon , Leprosy in the Hawaiian Islands ( The American Journal of the medical
sciences, avril 1883, p . 443 ).
Wood, Rapport d'hygiène et de médecine des officiers du corps de santé de
la marine aux Etats - Unis , 1879 .
GIBSON , Report of the President of the board of health to the legi slative
Assembly of 1884.
ARNING, Report to the President of the board of health , 1884 .
MUNRO, On the Etiology of lepra (Edinb. med . Journal, 1878) .
TILBURY Fox . -
Skin diseases (1873) .
Vidal , Leçons sur la lèpre (1884) , et loc . cit . , etc ... , etc ...

ANNALES DE DERMAT . , 2° SÉRIE . VI . 43


662 L. BROCQ .

est à coup sûr l'un des plus intéressants du siècle. Il nous montre ce que
devait être au moyen âge en Europe la lépre, qui y rencontrait à cette
époque un terrain tout aussi nouveau que l'étaient les îles Sandwich
en 1840. Personne alors dans le vieux monde ne niait la contagion de la
lèpre ; les faits parlaient avec toute leur brutale éloquence, ainsi qu'ils
viennent de le faire en Océanie . Aussi les Hawaïens sont- ils unanimes sur
ce point : d'après le Dr White ( loc. cit .) , ils rapportent à leurs relations
avec des lépreux l'origine de leur mal, disant : « Je me suis marié avec
« une femme lépreuse, – ma nourrice était lépreuse , - j'ai habité avec
a un tel qui était lépreux, — j'étais fille publique et j'ai eu des relations
« avec des lépreux , - j'avais l'habitude de rendre visite à des lépreux,
« de manger, de fumer avec eux , etc ... )
Une extension aussi rapide, aussi subite de la maladie, dans un pays où
elle était inconnue, ne peut évidemment s'expliquer que par la conta
gion : elle resterait cependant incompréhensible pour quiconque connait
les allures chroniques de la lépre, et sa longue incubation habituelle, si
l'on ne faisait pas attention aux conditions toutes particulières si favo
rables à son développement qu'elle a trouvées aux Sandwich . Nous
l'ayons déjà dit, il s'agissait d'une population nouvelle, possédant encore
par conséquent toute sa réceptivité pour la maladie ; on a fait de plus
remarquer (Wood) que la syphilis, importée depuis l'expédition de
Cook dans les îles par les Européens, y avait fait de grands ravages,
que la lèpre semble se développer plus facilement sur un organisme
débilité par une maladie antérieure ; il incrimine également : 1 ° les
vaccinations obligatoires et en masse qui furent pratiquées pendant
quelques épidémies de variole , alors qu'il était impossible d'avoir du vac
cin d'une parfaite pureté ; 2. les habitudes licencieuses notoires des classes
inférieures de la population ; 3º l'absence de toute crainte et de toute
répulsion pour cette maladie, de telle sorte qu'on n'a mis au début
aucun obstacle aux relations ordinaires, aux cohabitations et aux mariagts
avec des lépreux; 4° les habitudes sociales des indigènes (1 ) ( entassement
de familles nombreuses dans de petites huttes où elle se servent des mêmes
nattes et des mêmes couvertures, mangent avec les doigts dans la même
calebasse, boivent l'eau dans les mêmes vases, se passent la pipe de bou
che en bouche, etc. ) (White ). Et cependant les conditions matérielles de la
vie se sont plutôt améliorées aux Sandwich depuis que leurs souverains
ont tenté de les civiliser (V. Tilbury Fox, Vidal).
La preuve évidente de la virulence plus grande de la lèpre pendant les
premières années de son implantation sur un sol vierge est donnée par
ce fait des plus instructifs qu'au temps où observait le D' Hillebrand à
(1 ) Wood ( loc . cit . ) cité par M. le Di Le Roy de Méricourt à la séance du
20 octobre 1885 à l'Académie de médecine .
LA LÈPRE DOIT -ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 663

Honolulu vers 1860, la maladie tuait en trois ou cinq ans, tandis qu'ac
tuellement sa durée moyenne est de dix à quinze ans. Le D' Arning (loc.
cit.) en conclut avec raison qu'il a en ce moment à soigner des formes plus
atténuées que celles que l'on observait pendant les dix premières années
de contamination des iles .
En somme nous assistons en ce moment aux Sandwich à la reproduc
tion en petit de ce qui s'est passé en Europe au moyen âge. Après une
période d'extension rapide et de grande virulence, la lèpre y ya prendre
des allures plus calmes et plus régulières . Bientôt il sera fort difficile d'y
obseryer des faits nets de contagion, bientôt on rapportera tous les cas à
l'hérédité, peut-être au régime ou au climat, et l'on oubliera les ensei
gnements du début de l'épidémie.
Pour établir définitivement la valeur de ce grand faſt de l'épidémie
des îles Hawaï nous devons maintenant examiner les objections que lui
font les anticontagionnistes.
Elles ont été surtout formulées à l'Académie de médecine de Paris,
séances des 13, 20 et 27 octobre .
Je n'insisterai pas sur une première objection qui consiste à dire que
la maladie observée aux fles Sandwich n'est pas la véritable lépre . Sans
parler des autres autorités médicales qui en ont constaté la nature, le
D Arning (loc. cit . ) , dont les remarquables travaux sur la lèpre ont été
cités avec éloge au Congrès médical de Copenhague, a tout récemment
trouvé les bacilles caractéristiques de la lèpre dans des tissus morbides
pris sur des Hawaïens.
L'objection principale a été brillamment formulée et soutenue à l'Aca
démie de médecine par M. le D: Le Roy de Méricourt. Je copie textuel
lement les parties importantes de sa communication :
• Vers le commencement du viie siècle, une expédition de Malaisiens,
( partie des iles de la Société , traversa en pirogue l'espace de plus de
700 lieues qui séparę ce groupe d'iles des iles Sandwich etalla s'y établir...
« N'est-il pas surprenant que les habitants des Sandwich , qui offrent une
u identite parfaite avec leurs frères des archipels de la Polynésie, soient
restés, bien qu'ayant eu des relations avec les habitants des groupes d’iles
e
de cet océan , et depuis 1779 au moins avec les Européens, à attendre
2

l'arrivée des Chinois en 1848 pour être atteints de cette terrible maladie qui
« est endémique dans les iles de la Mélanésie et de la Polynésie ?...
Or, la lèpre a été constatée chez les indigènes des iles Sandwich par
« M. Quoy au mois d'août 1819, lors du séjour de la corvette l'Uranię dans
• les eaux de cet archipel pendant sa campagne d'exploration autour du
f
monde ( 1 ) . »
1

En somme, dit M. Le Roy de Méricourt, il n'est pas possible que


( 1) Voyage autour du monde , exécuté par les corvettes de Sa Majesté L'URANIE
et LA PHYSICIENNE (1817, 1820, t. II, 2. partie, liv . IV , p. 575) .
664 L BROCQ .

l'on ait observé de 1848 à 1884 aux fles Sandwich l'importation de la


lèpre et son extension par contagion , puisqu'elle existait déjà dans ces
iles depuis de longues années . Telle est l'objection dans toute sa
netteté .
Nous ne voulons pas relever ici tout ce qu'une pareille affirmation a
d'extraordinaire en présence des relations si précises d'Hillebrand ,
d'Enders, de Saxe , de Woods, de White , de Kneeland, de Tryon , d'Arning,
etc. , tous médecins des plus recommandables, qui affirment et précisent
7

dans leurs récits le développement de l'épidémie. Nous ne voulons même


point rechercher quelle pouvait être la facilité des communications de
l'archipel des Sandwich avec les autres îles de la Polynésie à travers
700 lieues de mer dans de simples pirogues sans boussoles.
Il ne suffit pas de dire , pour prouver qu'un pays a été déjà contaminé
par une maladie contagieuse , que ce pays a été en communication avec
d'autres contrées ; il faut prouver :
1 ° Que cette affection existait autrefois dans les contrées avec lesquelles
il a été en relation ;
2. Et surtout que des individus contaminés par la maladie en question
sont venus s'y établir . Cette dernière preuve est impossible à faire avant
1840 pour les îles Sandwich.
« Mais N. le Dr Quoy y a constaté la lèpre en 1819 ! » C'est là le seul
point important de l'argumentation de M. Le Roy de Méricourt. Sur
quels faits se base donc M. Quoy pour dire que la lèpre existait à cette
époque dans l'archipel ? Ici , je laisse la parole à M. le Dr Vidal. (Séance
du 20 octobre .)

« Je viens de lire les fragments de la relation de M. Quoy auxquels nos


f
honorables collègues (MM . Le Roy de Méricourt et Rochard) ont fait allu
u sion ; il me semble qu'ils ne sont pas aussi probants qu'ils veulent bien lo
a dire. »
« Je lis en effet ce passage : « Une espèce de dartre lépreuse couvrait
« diverses parties du corps de quelques personnes . Je ne sais pas si cette
« infirmité tient véritablement de la lèpre , ou si elle appartient aux darires
« simples ; peut-être est- elle occasionnée par l'abus de la liqueur nommée
« ava ; Cook et Vancouver disent qu'à la longue cette boisson enivrante oc
a casionne une sorte de lèpre blanche. »
« Plus haut je lis cette phrase : « Un individu atteint d'éléphantiasis avail
la jambe couverte d'ulcères rongeants . S'agissait-il de l'éléphantiasis
« des Arabes ou des Grecs ? Je continue : C Et une femme dont les os du
e nez n'existaient déjà plus faisait entendre cette espèce de sifflement, symp
• tome propre à cette période avancée de la maladie. » - J'en appelle à
u mon savant maitre, M. Ricord, « le caractère se rapporte plus bien à la
syphilis qu'à la lépre .
M. Ricord. « Parfaitement. » — « Enfin M. Quoy s'exprime ainsi au com
« mencement du chapitre : « On rencontre encore ici la terrible lepre, moins
LA LÈPRE DOIT- ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 665

« commune et moins variée peut-être qu'aux iles Mariannes, mais non moins
« funeste à ceux qui en sont attaqués. J'ai le regret de ne pas voir dans
« cette simple phrase, suivie immédiatement de celles dont je viens de donner
« lecture et formant avec elles tout le paragraphe, les preuves nécessaires
" pour que nous puissions admettre que la lèpre observée par M. Quoy aux
« iles Sandwich en 1819 est bien la véritable lèpre telle que nous la conce
« vons aujourd'hui. Au commencement de ce siècle , le psoriasis, lèpre vul
« gaire de Willan , l'éléphantiasis des Arabes , et bien des formes de syphi
« lides circinées ou ulcéreuses étaient souvent confondues avec la lépre.
« Tout en rendant hommage au grand mérite et à la science médicale de
l'auteur du Voyage autour du monde, je ne puis m'empêcher de faire re
« marquer qu'il était difficile en 1819 d'échapper aux erreurs que nous
a constatons encore en 1835 dans la deuxième édition d'Alibert. » (VIDAL,
loc. cit . )
Nous n'avons rien à ajouter à une argumentation aussi serrée. Pour
quiconque n'a pas l'esprit prévenu et possède quelques notions de der
matologie, il est dès maintenant établi que M. le Dr Quoy a observé en
1819 aux îles Sandwich toute autre chose que la véritable lépre . Les na
turels du pays ne manquent pas d'autres affections cutanées ; le Dr Ar-
ning les a signalées tout récemment encore dans son intéressant rap
port. Le Dr Munro (1 ), qui a fait à cet égard de très sérieuses recherches
bibliographiques, déclare avoir parcouru avec le plus grand soin les re
lations des voyages de Magellan (1522) , Schouten et Lemaire (1615) ,
Dampier (1685) , Clipperton (1705 ), Rogers et Courtenay (1708),,
Roggewein ( 1722) , Carteret et Byron ( 1764), Wallis (1766) , Bougainville
(1766 ), Cook ( 1768) , etc. , etc ... , et n'y avoir trouvé relatés à propos des
îles de l'Océanie que des ulcères de l'éléphantiasis des Arabes, des érup
tions squameuses , etc ... , mais jamais de véritable lépre.
Je n'aurais pas voulu insister ici sur le mémoire du DrGibson ; mais
M. Le Roy de Méricourt l'ayant lu à la tribune de l'Académie, je suis
forcé à mon grand regret de dire un mot de cette étonnante pièce oſti -
cielle . L'auteur commence par déclarer que la lèpre est une maladie
parfaitement définie, reconnue justiciable d'un traitement spécial. Sans
discuter les faits positifs de contagion qui fourmillent autour de lui, il
s'appuie sur quelques faits négatifs qu'il a observés pour dire qu'il ne
croit pas que la lèpre soit contagieuse, et il finit en déclarant que pour
lui le lépreux n'est pas plus dangereux que le tuberculeux ! Nous avouons
ne pas trop comprendre quelle peut être dans la discussion la valeur
d'un pareil document.
Nous concluerons donc en disant que le fait des îles Sandwich reste
parfaitement établi et qu'il doit être regardé comme une démonstration
des plus rigoureuses de la transmissibilité de la lèpre du lépreux à
l'homme sain .
(1) Edinb . Med . Journal, 1878 .
666 L. BROCO

2º Epidémie de l'ile Maurice.


Voici la note que M. le Dr Le Juge de Segrais a remise à M. le D" Vi
dal (1 ) sur l'apparition de la lepre et sur son extension à l'ile Mau
rice :

La lèpre n'existait pas à l'ile de France en 1665. Cet état d'immunité


dura jusqu'en 1713, époque à laquelle un navire danois laissa å l'ile de
France un de ses passagers atteint de lépre. Dix ans plus tard ( 2 ), on cons
latait des cas isolés de lépre. Vingt ans après, ces cas avaient augmenté dans
une proportion effrayante, et, en 1810 , lorsque les Anglais prirent posses
sion de l'ile , il fut décidé par le gouvernement qu'un asile , sorte d'hôpital ,
serait créé pour les lépreux indigents ... Plus tard encore, en 1845 , les seurs
de charité de l'ordre de Bonet Perpétuel Secours fondèrent une léproserie où les
lépreux se réfugiérent. On les compte actuellement par plusieurs milliers.
Pour tous les médecins qui ont exercé à Maurice et qui connaissent cette ma
ladië dans tous ses détails, la lèpre est essentiellement contagieuse. Cela ne
fait pour eux aucun doute .

Ce court aperçu montre qu'à Maurice la lèpre a suivi à peu près la


même marche qu'aux fles Sandwich . Nous n'aurions ici qu'à répéter ce
que nous avons dit plus haut pour mettre en relief la valeur de ce nou
veau fait. Mais comme l'épidémie de l'île de France a débuté au siècle
dernier, comme elle n'a pas été aussi sérieusement observée et contrôlée
que celle des iles Hawaï, nous n'insisterons pas davantage .
( suivre.)

(1) Vibat . Académie de médecine, séance du 13 octobre 1885 .


(2) Nous ne saurions trop faire remarquer à cet égard qu'un certain temps ipla
sieurs années d'ordinaire) sépare toujours l'arrivée du premier malade dans l'ile
jusque -là indemne du moment ой les premiers cas de contagion se de
clarent. Ce fait (Hawai, Maurice) prouve : 1° que l'incubation de la lepre est fort
longue ; 20 que la contagion est bien la cause réelle de l'extension de la maladie .
Il

TUBERCULE ANATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE


Revue analytique;
Par le D: P. MERKLEN , médecin des hôpitaux.

I. INOCULATIONSTUBERCULOSE BEIM MENSCHEN (TUBERCULOSE PAR INOCU


LATION CHEZ L'HOMME) , par TSCHERNING , de Copenhague ( Fortschritte der
medicin , 1er février 1885) .
II . INOCULATION TUBERCULEUSE LOCALISÉE AUX DOIGTS . LÉSIONS SECON
DAIRES DE L'ORDRE DU TUBERCULE ANATOMIQUE. LYMPHÁNGITE TUBERCULO
GOMMEUSE CONSÉCUTIVE, par P. MERKLEN (Bulletin de la Societé médi
cale des hôpitaux, 12 juin 1885).
III . TUBERKELBACILLEN IN EINEM sog . LEICHENTUBERKEL (BACILLES DE LA
TUBERCULOSE DANS LE TUBERCULE DIT ANATOMIQUE), par Karg (Centralblatt
für Chirurgie, 8 août 1885 ).
IV . UEBER EINE NEUE FORM DER HAUT TUBERCUSOSE . ( SUR UNE NOUVELLE
FORME DE TUBERCULOSE DE LA PEAU ), par G. RIEHL (K. K. Gesellschaft
der Aerzte in Wien Sitzung vom 16 october 1885 ; Wiener medizi
nischen Blätter, 1885, n ° 43, p . 1312) .
V. INOCULATION ACCIDENTELLE DE LA TUBERCULOSÉ À UNE FEMME, par
Axti Holst (Semaine médicale , 11 novembre 1885. Lettres de
Norwege) .

Jusqu'à ces derniers temps, nos connaissances sur le tubercule des


anatomistes se bornaient à la simple notion de papillomes cornés se dé
veloppant sur les mains des médecins ou garçons d'amphitliéâtre qui
font des nécropsies. Depuis que le courant d'idées qui domine actuelle
ment les sciences médicales a ramené l'attention sur les problèmes étio
logiques, on s'est demandé dans quelles conditions déterminées survenait
cette singulière affection ; elle n'est certes pas la conséquence inévitable
et fatale de toute piqûre anatomique, car si cela était, on peut dire que
peu de médecins en seraient exempts.
Nos maîtres de l'hôpital Saint-Louis, MM . Ernest Besnier et Vidal,
enseignent depuis plusieurs années que le tubercule anatomique se pro
duit seulement à la suite d'une inoculation tuberculeuse et cette inocu
lation se ferait communément au cours d'une autopsie de phthisique.
668 P. MERKLEN .

M. Vidal l'a écrit en propres termes dans son mémoire sur le lupus scle
reux (Annales de dermatologie, 1883) . M. Ernest Besnier ne manquait
pas d'attirer l'attention de ses élèves sur les analogies du tubercule anato
mique avec certaines formes de lupus, sur sa résistance à tout traiteinent
autre que la destruction par la curette ou les cautérisations, sur son appa
rition chez des étudiants ayant pratiqué l'autopsie de malades atteints
de peritonite tuberculeuse. Mais enfin, la preuve directe de la nature
tuberculeuse de la lésion faisait défaut.
Dans une communication faite à l'Académie de médecine en 1884, et
reproduite dans ce journal (1884, p. 361 ) , M. le professeur Verneuil
signalait un cas des plus instructifs et des plus favorables à l'hypothèse
de MM. Besnier et Vidal . Il s'agissait, on s'en souvient , d'un étudiant
en médecine atteint à la suite d'un tubercule anatomique d'une série
d'accidents scrofulo -tuberculeux. M. Verneuil rappelait, à cette occa
sion , l'observation de Laennec, mort de tuberculose pulmonaire, vingt
ans après une petite tumeur de la peau survenue à la suite d'une éraillure
qu'il s'était faite avec une scie, en pratiquant l'autopsie d'un tubercu
leux .
L'idée d'inoculation tuberculeuse comme point de départ du tubercule
anatomique, encore contestée l'année dernière, devait rapidement rece
voir la consécration des faits. Pour l'établir d'une manière définitive, il
fallait réunir plusieurs ordres de preuves. La preuve étiologique nous
semble donnée par le cas de la malade que nous avons présentée à la
Société des hôpitaux, atteinte de tubercules anatomiques et d'une lym
phangite tuberculo - gommeuse contractés en soignant son mari phthisi
que ; et d'ailleurs, le fait de Tscherning, que l'on trouvera plus loin avec
le nôtre , met hors de doute la possibilité d'une inoculation tuberculeuse
chez l'homme. L'observation de Karg vient plaider dans le même sens :
elle a trait à un garçon d'amphithéâtre atteint de tubercule anatomique
et ultérieurement d'abcès lymphangitiques dont le caractère tuberculeux
est nettement confirmé par les résultats de l'examen histologique.
A ces faits démonstratit's devait s'ajouter la double épreuve de l'ana
tomie pathologique et de l'inoculation de contrôle. Cette dernière n'a
malheureusement pas été faite et c'est une lacune qu'il faudra combler.
Mais nous devons à G. Riehl la description anatomo - pathologique et
clinique complète d'une nouvelle forme de tuberculose de la peau, tuber
culose ne différant en rien du tubercule anatomique, ainsi qu'il résulte
des considérations qui terminent son travail . Ce mémoire qui sera pro
chainement complété semble démontrer d'une manière certaine la nature
tuberculeuse et bacillaire du tubercule anatomique.
Voici , par ordre chronologique, l'analyse détaillée des documents nou
veaux que nous venons d'annoncer aux lecteurs des Annales :
TUBERCULE AWATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE . 669

I. - Le fait de Tscherning ne rentre pas dà proprement parler dans notre


sujet. La malade dont il rapporte l'histoire n'a pas eu de tubercule ana
tomique et cela, sans doute, puisque l'inoculation a été chez elle sous
cutanée et non cutanée . Mais ce n'en est pas moins un cas type de tuber
culose par inoculation . Le voici résumé :
Marie P ... , âgée de 24 ans, bien portante, robuste, sans antécédents héré
ditaires ni personnels de scrofulo -tuberculose, était cuisinière chez le profes
seur H ... , mort à la fin de juillet 1884 d'une phthisie pulmonaire datant de
5 à 6 mois . Les crachats de ce malade étaient les derniers jours une pure
culture de bacilles. Peu de jours avant sa mort, cette femme se fit une piqûre
à la face palmaire du médius gauche avec un débris de verre qui servait de
crachoir à son maître . Au bout de 14 jours, elle venait se présenter pour la
première fois à Tscherning avec tous les signes d'un panaris au début. Sous
l'influence d'applications phéniquées, les symptômes s'amendèrent, et huit
jours après, il n'y avait pas de trace de suppuration, mais on sentait, dans
le tissu cellulaire sous - culané, une petite nodosité dure de la grosseur d'un
pois, douloureuse et entourée d'une zone d'ædėme. Vers la fin d'août, Tscher
ning fit à ce niveau une incision et enleva, à l'aide de la curetle, un noyau
composé de tissu de granulation situé entre la peau et le tendon . La guérison
se fit rapidement sous un pansement à l'iodoforme et au sublimé. Mais au
commencement d'octobre, la malade vint montrer son doigt très tuméfié, le
gonflement douloureux empiétant sur la paume de la main et s’opposant aux
mouvements de flexion . L'état ne s'améliora pas, malgré un traitement émol
lient consistant en douches de vapeur locales, et vers le milieu de novembre,
on pouvait nettement sentir, à travers la peau edématiée , une tumefaction
de la gaine du tendon. En rapport avec cette lésion , deux ganglions cubitaux
et deux ganglions axillaires étaient augmentés de volume. D'ailleurs, la
santé générale était parfaite et les poumons restaient indemnes .
Le 21 novembre, le professeur Sludsgaard crut devoir pratiquer l'opération
radicale . Il extirpa les ganglions cubitaux et axillaires, et fit l'amputation du
doigt au niveau de l'articulation métacarpo -phalangienne ; de plus , il pro
longea l'incision jusqu'au milieu de la paume de la main et enleva jusqu'à ce
niveau la gaine et le tendon . Enfin , il gratta toutes les granulations sous
cutanées. La guérison, grâce à une antisepsie parfaite, se fit en onze jours.
Les lésions examinées après l'opération , consistaient en une synovite fon
gueuse . Les fongosités présentaient à l'examen microscopique tous les carac
tères du tubercule, jusqu'à sa forme la plus typique, c'est-à-dire centre
caséeux entouré de nombreuses cellules géantes . De plus , les coupes de ces
fongosités, comme celles des ganglions, renfermaient des bacilles de la
tuberculose soit dans les cellules géantes, soit au voisinage des parties casei
fiées, le plus souvent isolés, quelquefois réunis au nombre do 2 ou 3 .
Au milieu de janvier 1885, la malade était en bonne santé et la guérison
s'était maintenue.

II . — Nous reproduisons ici l'observation encore incomplète, de la


-

malade que nous avons présentée à la Société médicale des hôpitaux


dans sa séance du 12 juin 1885 :
Cette femme, âgée de vingt- six ans, a perdu son mari, il y a six mois
670 P. MERKLEY .

d'une tuberculose pulmonaire datant de trois années. D'une bonne santé


habituelle et sans le moindre antécédent suspect ni du côté de ses parents
ni du côté de ses collatéraux, elle a été la garde -malade de son mari pen
dant les six derniers mois de sa vie, lavant elle -même son linge et ses cra
choirs, habitant la même chambre et partageant son lit; un travail de jour
et de nuit lui permettait en même temps de subvenir aux besoins du ménage.
Malgré cette hygiène défectueuse , elle se portait bien et n'avait jamais
loussé , quand il y a quatre mois (deux mois par conséquent après la mort
de son mari) , elle s'aperçut de petits boutons rouges et douloureux , siégeant
à la face dorsale du médius droit et à la ‘racine de l'index gauche . Après
avoir suppuré, ces boutons se recouvrirent de croûtes et parurent se des
sécher ; mais en réalité ils ne guérirent pas, et à leur niveau se dévelop
pèrent des placards légèrement verruqueux, saignant et devenant douloureur
sous l'influence des frottements et des chocs.
La malade cependant ne s'en inquiétait pas autrement quand, un mois
plus tard , se montrèrent trois nodosités saillantes, dures, de la grosseur
d'un pois à la face antérieure du bras. Ces petites tumeurs augmentérent de
volume, se ramollirent ; la peau à leur niveau prit une teinte rouge livide,
et bientôt les deux plus élevées s'ulcérèrent et se recouvrirent de croûtes.
Au bout de quelques semaines, les mêmes lésions se développèrent sur le
dos de la main et à la région externe de l'avant -bras. Enfin, la malade
s'aperçut d'une petite éruption analogue à la face interne du coude dreil.
Jamais d'ailleurs elle n'en avait souffert ; sa santé générale était restée
bonne, à part de l'amaigrissement constaté par ses parents plutôt que par
elle -même. C'est seulement en voyant se multiplier les nodosités cutanées
de ses bras, qu'elle se décida à se présenter à la consultation de M. le doe
teur Ernest Besnier, que j'avais l'honneur de remplacer à l'hòpital Saint
Louis.
Voici , tel qu'il a été noté à l'entrée, un rapide aperçu des lésions.
Le point de départ de l'affection siège à droite, comme à gauche, au ni
veau des doigts . Le caractère de la lésion initiale se montre avec sa plus
grande netteté à la face dorsale du médius droit. On y voit un placard ora
laire, d'un rouge violacé, squameux, rugueux et légèrement saillant. En
détachant quelques squames, on découvre une surface mamelonnée , nette
ment papillomateuse ; ait palper', on sent une infiltration diffuse du derme
donnant l'impression d'une tumeur étalée . En un mot , cela ressemble tout
à fait à un tubercule anatomique. Même aspect à la racine de l'inder
gauche, où le pli digito - palmaire présente une tissure profonde à bords durs
et cornés. La remarquable richesse du réseau lymphatique de cette région
explique le plus grand développement des noyaux lymphangitiques à gauche.
Enfin l'auriculaire gauche présente, sur le bord interne de l'ongle, des lé
sions de même ordre .
A ces dermopathies succèdent des trainées de lymphangite nodulaire dis
crètes à droite, très développées sur le membre supérieur gauche ; sur
celui-ci les nodosités peuvent ètre parfaitement suivies par la vue et le
palper tout le long des troncs lymphatiques superficiels qui, par
tant de la racine de l'index , vont constituer le groupe externe ou radial.
Elle forment une sorte de chapelet dont les grains se succèdent sur une
ligne étendue de l'index à la paroi antérieure de l'aisselle , en passant i la
face dorsale de la main et de l'avant-bras, au-devant du coude et de la face
antérieure du bras.
TUBERCULE ANATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE . 671

Les plus petites nodosités ont le volume d'un grain de mil ; elles siègent
dans l'hypoderme et sont mobiles sous la peau. On en sent un grand nombre
à la région externe de l'avant-bras, près du coude. A un degré plus avancé,
ces petits grains font corps avec la peau el forment une saillie appréciable
à la vue . A la face dorsale de la main et de l'avant-bras, ce sont de gros
tubercules, du volume d'un pois jusqu'à celui d'un noyau de cerise, les plus
petits durs , les plus grands ramollis à leur centre ; ils sont indolents , et la
peau , à leur niveau , est violacée et amincie.
A la face antérieure du coude, un de ces tubercules, devenu plus gros,
est mou et fluctuant, présentant tous les caractères d'une gomme cutanée.
Le pus de cette gomme a été examiné par M. Marfan, interne à l'hôpital
Saint-Louis : après plusieurs recherches infructueuses, il a nettement con
staté l'existence de deux bacilles de la tuberculose inclus dans des leucocytes.
Il s'agit donc d'une gomme tuberculeuse . Enfin plus haut, les noyaux tuber
culo -gommeux sont ulcérés et recouverts de croûtes.
Toutes ces nodosités sont réunies par des cordons durs, qu'on sent nette
ment au coude, et qui sont évidemment des vaisseaux lymphatiques chroni
quement enflammés. Enfin, on trouve dans l'aisselle, en årrière de sa paroi
antérieure, plusieurs ganglions durs, gros et d'ailleurs indolents.
La santé générale de la malade ne parait pas avoir subi d'altération no
table. Son affection semblerait donc être exclusivement externe et locale . Et
cependant, malgré l'absence de toux , d'hémoptysie, de sueurs nocturnes, en
dépit de la conservation des forces et de l'appétit, l'auscultation des sommets
des deux poumons révèle des signes incontestables d'infiltration tuberculeuse
au début, surtout à gauche. Le murmure vésiculaire s'entend très affaibli
dans les deux fosses sus- épineuses ; à gauche quelques crépitations fines
sont perçues quand on fait tousser la malade .
L'observation est encore incomplète; l'examen histologique d'un des noyaux
excisés, et le contrôle de l'inoculation viendront sans doute confirmer le dia
gnostic clinique . Je crois donc devoir réserver la discussion approfondie de
ce cas, et je me contenterai d'émettre en terminant les quelques conside
rations suivantes :
Par leur évolution et leurs caractères objectifs, les nodositės lymphangiti
ques de ma malade se rapprochent des gommes scrofuleuses hypodermiques
et leur nature tuberculeuse, ou mieux bacillaire, est démontrée par l'examen
1

histologique . Cette lymphangite tuberculo - gommeuse s'est développée à la


suite de lésions des doigts, lesquels présentent tout à fait l'aspect du tuber
cule anatomique. Or, MM . Vidal et Ernest Besnier (et M. Verneuil s'est rallie
à leur opinion ) considèrent le tubercule anatomique, communément observé
chez les étudiants en médecine et les garçons d'amphithéâtre, comme la con
séquence d'une inoculation tuberculeuse accidentelle au cours des autopsies.
L'existence insolite de tubercules anatomiques chez une femme étrangère à
ce genre d'opérations suppose tout au moins une pathogénie analogue. Et
comment ne pas incriminer pour notre malade le contact inévitable des
doigts avec les vêtements et le linge souillés par des crachats tuberculeux frais
desséchés
ou ?
Je conclus donc que cette femme s'est inoculé le virus tuberculeux par
des écorchures des doigts ; que ce virus, après avoir laissé les stigmates de
son passage sous forme de tubercules analomiques, a infecté les lympha
tiques des membres supérieurs ; qu'actuellement les sommets des poumons
sont le siège de lésions tuberculeuses commencantes, consécutives aux ma
672 P. MERKLEN .

nifestations périphériques et externes de la maladie. Je suis heureux de dé


clarer que cette interprétation a été confirmée par mon savant maitre
M. Ernest Besnier, qui a bien voulu examiner la malade.

III. L'observation de Karg , recueillie à la clinique de Thiersch,


semble calquée sur la précédente . C'est encore un cas de tubercule ana
tomique suivi de lymphangite tuberculo -goinmeuse, et l'inoculation
cutanée paraît bien avoir été le point de départ des accidents :
A. W ..., ågé de 38 ans, employé de l'hôpital, fut, il y a six ans, attaché à
l'institut pathologique et, comme tel, souvent chargé de faire des ouvertures de
cadavres. Cet homme, marié et père de deux enfants bien portants, ne pré
sente dans ses antécédents aucune tare tuberculeuse . Il porte depuis plu
sieurs années au pouce gauche, près de l'articulation métacarpo -phalangienne,
un tubercule anatomique qui, traité de bien des façons, a tantot augmenté,
tantôt diminué, sans jamais disparaitre . Il y a huit semaines , la lésion de
vient le siège d'nn nouveau gonflement, de rougeur et de douleur ; un peu
plus tard , apparaissent sur l'avant-bras quelques petites nodosités indo
lentes.
Le malade est vu pour la première fois par Karg le 8 juin. Indépendam
ment de son tubercule enflammé , il présente au niveau de l'avant-bras, sur
le trajet des lymphatiques partant du pouce, cinq petits abcès sous-cutanés,
le plus gros du volume d'une cerise, se montrant avec tous les caractères des
suppurations tuberculeuses . Un de ces abcès s'est ouvert : l'orifice, très petit
ct entouré de granulations fongueuses, donne issue à un pus ténu et conduit
dans une cavité anfractueuse creusée sous la peau qui à ce niveau est amincic
et d'un rouge violacé. Enfin plus haut, à la face antérieure du coude et sur
le trajet de la veine basilique , on sent deux petits noyaux durs de la gros
seur d'un pois, glissant sur l'aponévrose. Dans l'aisselle , on trouve un seul
ganglion augmenté de volume , mais non douloureux.
En présence de ces diverses lésions, Karg pensa à l'introduction dans les
lymphatiques de virus tuberculeux provenant du tubercule anatomique, in
troduction ayant déterminé des abcės tuberculeux périlymphangitiques. L'exa
men ultérieur confirma cette hypothèse . Le malade ayant été chloroformė,
ses abcès furent incisés, et après évacuatfon d'un pus grumeleux , il fut aise
de voir que leur paroi présentait tous les caractères propres aux abcès tuber
culeux; Karg fit alors l'extirpation de tous les tissus malades, y compris la
peau amincie et altérée. Les nodosités du coude furent enlevées de la même
manière, et autant que le permettait l'état du tégument , le tubercule analo
mique du pouce fut détruit par un procédé analogue.
Les tissus malades furent soumis au double contrôle des cultures et de
l'examen microscopique. Par la culture sur des plaques de gélatine, le pus
extrait des abcès donna un coccus blanc, analogue au staphylococcus pyogene
blanc de Rosenbach , mais pas de bacilles de la tuberculose . Par contre , l'exa
men microscopique de coupes faites, après durcissement, soit des nodo
sités sous-cutanées, soit des parois d'abcès , donna des résultats positifs . Le
pus, comme on pouvait s'y attendre, ne contenait pas de bacilles, mais l'exa.
men des coupes, après des recherches longues et laborieuses, permit d'en
découvrir, le plus souvent à l'état isolé. Les parois des abcès avaient d'ail
leurs la structure des membranes tuberculeuses : cellules géantes, peu de
vaisseaux, peu de coloration par l'aniline indiquant la nécrose de coagulation.
TUBERCULE ANATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE . 673

Les noyaux lymphangitiques avaient la structure suivante : centre caséeux


entouré de cellules géantes et de bacilles, le tout noyé dans une épaisse cou
che de globules blancs .
Le malade est actuellement guéri ; on constate seulement encore un peu de
tumefaction indolente du ganglion axillaire , que Karg se dispose à extirper,
s'il augmente de volume. L'auteur se demande en terminant si quelques ba
cilles n'ont pas échappé à son intervention , et si le malade ne reste pas
exposé à une infection générale.
IV . - Les faits qui précèdent donnent la démonstration indirecte de
la nature tuberculeuse du tubercule des anatomistes. Le travail de Riehl,
dont nous n'avons encore qu'un premier aperçu (l'auteur devant prochai
nement publier un mémoire plus étendu sur ce sujet), en donne la
pleine confirmation . Ce qu'il décrit comme une forme nouvelle de tu
berculose cutanée, tuberculose verruqueuse de la peau , répond bien au
tubercule anatomique . Voici , d'après les comptes rendus du Wiener me
dizinische Blätter, le résumé de la communication faite par ce laborieux
dermatologiste à la Société des médecins de Vienne.
A côté de la tuberculose miliaire subaiguë de la peau , du lupus et du
scrofulerme on peut placer une quatrième forme de tuberculose de la
peau caractérisée par des placards arrondis d'aspect verruqueux , se rap
prochant en certains points de l'ichthyose hyxtrix, ailleurs des verrues
cornées , présentant à certains moments un caractère plus inflammatoire.
Bien que la lésion n'ait pu être observée dès son début , voici , d'après
les phénomènes que l'on peut suivre dans la zone d'accroissement d'un
placard, quel doit en être le mode de développement. La plaque verru
queuse qui va s'étendre est entourée d'une auréole rouge , disparaissant
sous la pression du doigt, sans infiltration appréciable de la peau. Au
bout de quelques jours, quelques pustules très superficielles se montrent
sur l'auréole rouge ; ces pustules crèvent très rapidement, et forment des
croûtes également de courte durée . Mais à leur niveau , la peau reste
froncée et irrégulière, et en l'espace de quelques semaines, ces petites
irrégularités forment par leur accroissement des excroissances papil
laires d'aspect verruqueux, à sommet arrondi ou effilé. En même temps il
y a production d'épaisses squames cornées et par la pression , on peut
faire sourdre du pus de la base des productions verruqueuses : ce pus pro
vient soit de petites pustules, soit de points cachés à la vue. Parfois, le
placard s'enflamme, devient rouge , douloureux au toucher ; mais ces
phénomènes inflammatoires cessent au bout de peu de jours .
Quelques semainesaprèsle développement des excroissances papillaires,
commence le processus de leur régression . La suppuration cesse, la pro
duction cornée se réduit à une fine desquamation ; les papillomes, au
contraire, s'agrandissent souvent par l'accroissement en épaisseur de la
couche cornée de l'épiderme; les placards prennent ainsi l'aspect de
674 P. MERKLEN .

verrues cornées ou des excroissances papillaires de l'ichthyose hystrix.


La lésion reste pendant des mois dans ce même état : ce n'est que len
tement que les saillies s’affaissent, que les masses épidermiques se dé
tachent, laissant à leur place une cicatrice lisse très superficielle, blan
châtre et d'aspect réticulé .
L'auteur n'a observé cette affection qu'à la main et à l'avant- bras, et il
en a réuni 15 cas. Elle siège le plus souvent sur le dos de la main, ou à
l'avant-bras du côté de l'extension . Les malades qui en étaient atteints
étaient tous des individus sains et robustes, le plus jeune âge de 19 ans,
le plus âgé de 45 ans . Aucun ne présentait d'ailleurs d'autre manifesta
tion scrofulo-tuberculeuse. L'un d'eux mourut du mal de Bright dans le
service du professeur Schrötter, et à son autopsie on ne trouva de
tubercule dans aucun organe ; un autre mourut du cancer de la langue.
Sur les 15 cas observés, 3 seulement l'ont été chez des femmes dont
2 cuisinières. La plupart des sujets porteurs de ces lésions maniaient de
la viande, des débris d'animaux ou soignaient des bêtes ; 6 étaient bou
chers , 3 cochers.
La marche de l'affection est essentiellement chronique ; aucun descas
n'a duré moins de 2 ans, l'un avait 15 années de date. Le développe
ment des foyers nouveaux est également lent. Habituellement, la lésion
guérissant au centre s'étend à la périphérie, figurant ainsi des lignes
verruqueuses et serpigineuses.
Riehl a fait en collaboration avec Paltauf l'examen histologique de la
lésion . Au début, l'on constate une augmentation de volume des papilles
dans toutes leurs dimensions; la couche cornée est épaissie, surtout à la
pointe et à la base des papilles ; à leur base , l'épiderme pénètre profondé
ment dans la peau, en formant des sortes de cryptes . La couche de
Malpighi et la membrane basale ne présentent pas d'altérations ; les
principales modifications se passent dans la partie supérieure du derme.
Les réseaux vasculaires si riches de cette région ont disparu; à leur
place on voit un tissu de granulation qui , en certains points, figure des
nodosités dont le centre est constitué par des cellules géantes à nombreux
noyaux ; certaines d'entre elles sont caséeuses dans leur partie médiane.
A un moment donné ces nodosités deviennent confluentes, formantune
véritable couche sous les papilles. Au niveau des cryptes signalés tout à
l'heure la disposition du tissu morbide est très remarquable : les masses
caséeuses sont immédiatement contiguës à l'épiderme et sont entourées
d'abord de cellules géantes et épithélioïdes, puis de cellules embryol
naires. Indépendamment de cette infiltration , on constate des lésions
inflammatoires chroniques, non seulement dans la peau , mais dans l'hy
poderme. Parfois s'y joint une inflammation aiguë partant toujours de
l'épiderme et habituellement localisée au voisinage des cryptes. Celles
TUBERCULE ANATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE . 675

ci se produisent d'ailleurs consécutivement à la suppuration et à l'éli


mination de petits noyaux de tissu embryonnaire, d'où des cavités dans
lesquelles l'épiderme s'insinue et prolifère.
A une période plus avancée, les phénomènes inflammatoires gagnent
surtout l'épiderme où ils se manifestent par une prolifération exagérée,
tandis que le tissu de granulation se réduit à quelques nodosités dissé
minées . Quand la suppuration cesse, le tissu de granulation n'est plus
représenté que par une mince bande sous les papilles, comprenant des
parties caséeuses et des cellules géantes, jusqu'à ce qu'enfin se produise
le tissu de cicatrice .
Cette description anatomique rappelle celle du lupus, dont elle diffère
cependant par la localisation plus superficielle des lésions (elles attei
gnent dans le lupus la couche profonde du derme et l'hypoderme) et par
le développement des papillomes. Ceux- ci s'observent à la vérité dans
le lupus, mais seulement à la suite d'ulcération ; or, il n'y a jamais d'ul
cération dans le cas actuel . Le lupus récidive dans les cicatrices ; les
lésions en question ne se reproduisent que sur les bords d'anciens pla
cards . A ces signes distinctifs, il faut ajouter certaines nuances dans la
disposition des tubercules et des cellules géantes.
Le diagnostic histologique est, en résumé, tuberculose ; mais il devait
être complété par la recherche des bacilles. Riehl a constaté dans une
série de cas , des bacilles de la tuberculose et une certaine espèce de
coccus. Les bacilles sont beaucoup plus nombreux que dans le lupus, et
se voient dans les cellules géantes, épithéloïdes et même embryonnaires.
Dans un placard, Riehl a pu constater jusqu'à 20 et 30 bacilles accu
mulés dans une sécrétion desséchée comprise entre des lamelles épider
miques. Les coccus accompagnaient les lésions inflammatoires aiguës et
étaient rangés par 2 ou 4 .

L'auteur n'a trouvé dans la littérature médicale qu’un travail de Leloir


qui se rapproche de ce qu'il a décrit, travail publié dans ce journal et
intitulé : De la Périfolliculite suppurée et conglomérée en placard. Mais
il s'agit évidemment d'une affection toute différente . Par contre, il y a
une lésion qui, par sa marche et son étiologie, se rapproche de celle
décrite par Riehl, c'est le tubercule des anatomistes. Celui-ci a été peu
étudié jusqu'à présent par les dermatologistes ; Neumann seul, dit Riehl ,
cite les recherches de C. Heitzmann qui constata l'infiltration de la
couche papillaire par du tissu embryonnaire, et la prolifération épithé
liale. Cornil fait rentrer le tubercule anatomique dans la tuberculose.
Ernest Besnier cite deux cas de tuberculose généralisée consécutive à des
tubercules anatomiques, mais les sujets appartenaient à des familles de
tuberculeux . Quant à la recherche des bacilles dans le tubercule anato
676 P. MERKLEN .

mique, elle n'a pas encore été faite. Riehl et Paltauf l'ont réalisée une seule
fois sur un tubercule anatomique enlevé au D' Kolisko, assistant du pro
fesseur Kundrat; ils y ont retrouvé les follicules tuberculeux, les papil
lomes cornés, les cryptes, et enfin les bacilles et les coccus ; ceux-ci
cultivés ont été reconnus comme appartenant au staphylococcus aureus
et albus.
Au point do vue étiologique, il paraît très vraisemblable que cette
nouvelle forme de tuberculose est la conséquence d'une inoculation di
recte . Mais comment l'infection générale ne se fait -elle pas en pareil cas ?
Cela donne raison aux auteurs qui considèrent la peau comme un mau
vais terrain de culture pour le bacille , tandis que l'hypoderme lui est
favorable, comme le prouve le succès des inoculations sous-cutanées
chez les animaux .
Le pronostic de cette forme de tuberculose cutanée que Riehl propose
d'appeler tuberculose verruqueuse est en général bénin . L'infection gé
nérale ne paraît pas à craindre ; la guérison spontanée peut se produire,
bien qu'après un temps très long ; mais les récidives sont fréquentes.
Comme traitement, Riehl a eu recours à la macération faite à l'aide
d'un emplâtre de savon salicylé , puis au grattage avec la curette, suivi
d'un pansement à l'iodoforme. Il a obtenu ainsi des guérisons'complètes.
A l'avenir, il se propose de se servir du yalvanocautère ou du thermo
cautère pour mettre ses malades à l'abri des auto-inoculations .

L'important travail que nous venons d'analyser fixe avec une remar
quable netteté l'évolution et les caractères histologiques d'une forme de
tuberculose qui se confond avec notre tubercule anatomique. Mais il est
vraimentsurprenant que l'auteur ait pu en réunir quinze cas en dehors des
conditions où , en France du moins, nous l'observons habituellement.
L'étiologie spéciale qu'il donne, à savoir le contact d'animaux ou de
leur chair , tendrait à prouver que la tuberculose est très commune en
Allemagne chez les animaux domestiques. Mais il y a là une enquête
nouvelle à faire, et peut-être l'affection est-elle plus fréquente en France
que nous ne le pensons. Jusqu'à présent nous ne l'avons observée, pour
notre part, que chez les médecins, les garçons d'amphithéâtre, ou encore
des personnes soignant les malades . En ce moment niême, une seur
garde -malade est en traitement dans le service de M. le D'Ernest Besnier
pour un tubercule anatomique des mieux caractérisés.
Quant au pronostie absolument bénin qui découle des observations de
Riehl , n'y aurait- il pas là quelques réserves à faire ? Les cas cités plus
haut prouvent déjà la possibilité d'une infection de proche en proche
par les lymphatiques, et de là à l'infection générale il n'y a pas loin. Le
terrain doit ici jouer un rôle prédominant.
TUBERCULE ANATOMIQUE ET INOCULATION TUBERCULEUSE . 677

V. Au moment où nous terminons cette revue, la Semaine médi


cale signale un nouveau cas d'inoculation tuberculeuse probable rap
porté par Axel Holst, assistant à l'Institut d'anatomie pathologique de
l'hôpital de Christiania :

Une infirmière, de famille saine , éprouva , en donnant des soins à des phthi
siques, des douleurs dans le pouce droit qui finit par se tuméfier. Au bout
de quelque temps, la tuméfaction s'abcéda et s'ouvrit, laissant une plaie qui
ne put se cicatriser. Peu après les mêmes symptômes apparurent à l'index
droit et à l'annulaire gauche ; il se forma également sur ces deux doigts une
plaie sans tendance à la cicatrisation . Plus tard on constata une lumeur glan
dulaire dans l'aisselle droite . La malade avait de la fièvre .
Les plaies ayant été soumises au grattage avant que M. Holst eùt eu l'oc
casion de les examiner, il n'a pu y rechercher les hacilles tuberculeux; mais
dans les ganglions de l'aisselle qui furent extirpés, il a trouvé ces bacilles
en grand nombre ; ils se trouvaient répandus dans le tissu du ganglion nette
meni tuberculeux .
Après l'intervention chirurgicale, la malade alla mieux, mais il faut atten
dre encore quelque temps avant de porter un pronostic quelconque.

ANNALES DE DERMAT. , 2 ° SÉRIE . VI.


REVUE DE DERMATOLOGIE .

1.- LA MALADIE DES CANNES. DERMATOSE DES OUVRIERS CANNISSIERS


(OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES ) , par GERBAUD (Montpellier médical, août
et septembre 1885).
La généralisation de l'emploi des cannes de Provence, leur utilisation
dans le midi de la France pour les travaux agricoles ont répandu l'affec
tion décrite depuis un certain temps déjà chez les ouvriers cannissiers
de Marseille , affection due , ainsi que l'ont montré les travaux de Michel
(de Barbentane) et de Maurin (de Marseille) à l'action d'un champignon ,
l'ustilago hypodites, parasite très fréquemment développé sur l'arundo
donax.
M. Gerbaud rapporte six observations de cette affection dont il décrit
avec soin les symptômes et dont il étudie la pathogénie encore peu
connue .
Les accidents cutanés consécutifs à la manipulation de la canne de
Provence occupent à peu près exclusivement la face et les organes gé
nitaux .
Sur la face, ils débutent par une démangeaison violente qui suit d'en
yiron vingt -quatre heures le contact avec les roseaux ; puis il survient
une coloration rouge uniforme, occupant principalement le pourtour des
orifices naturels et en même temps un gonflement surtout marqué aux
paupières ; l'aspect du malade est alors absolument le même que dans
l'érysipele , sauf le bourrelet périphérique ; de petites vacuoles se
développent bientôt sur les parties malades, dont la rupture laisse, prin
cipalement au pourtour des orifices, des érosions longtemps persistantes.
La fièvre est toujours moins vive que dans l'érysipèle, l'angine est excep
tionnelle et les lésions des muqueuses buccale, pharyngée et laryngée
ne se voient guère que chez les ouvriers travaillant dans des locaux
fermés.
Du côté des organes génitaux de l'homme , les accidents débutent
également par des démangeaisons , puis il survient un gonflement gé
néral avec rougeur intense du scrotum , analogue à celui de l'orchite;
des vacuoles remplies de liquide citrin se forment également et peuvent
laisser à leur suite des érosions plus ou moins profondes et très doulou
reuses . Les lésions occupent surtout la région antéro -latérale du scro
tum , sans doute en raison de son contact continuel avec la cuisse. La
verge est quelquefois atteinte, surtout sur sa face urethrale ; la lésion se
REVUE DE DERMATOLOGIE . 679

propage souvent au prépuce et au gland, d'où production d'un vérita


ble phimosis inflammatoire, mais elle ne s'étend pas à l'uréthre.
Chez la femme, la vulve peut être atteinte dans son ensemble, mais
les muqueuses sont surtout le siège d'une inflammation très vive qui
peut se propager au vagin et de là à l'utérus et à la vessie.
Ces diverses lésions provoquent une excitation génésique intense par
suite du prurit qui les accompagne.
Les accidents varient d'intensité en raison du nombre des spores qui
agissent sur le malade et de la durée de l'exposition à leur action ; ce
sont d'abord des symptômes purement locaux et l'état général n'est at
teint que consécutivement aux lésions locales; les troubles généraux
consistent presque uniquement en une céphalalgie et un état saburral
des voies digestives dus au léger état febrile qui accompagne l'invasion de la
maladie .
Les symptômes montrent déjà que l'affection est produite par l'appli
cation du cryptogame sur la peau, car ils sont uniquement localisés aux
points les mieux exposés à l'agent nocif : face, organes génitaux de
l'homme ; chez la seule femme ayant été alteinte aux organes génitaux ,
l'affection était survenue après qu'elle avait foulé avec les pieds des
cannes couvertes de moisissures .
Il faut, en outre, que la peau présente des conditions de finesse, de dé
licatesse toutes particulières, comme celle du pourtour des orifices na
lurels où l'éruption est toujours plus prononcée. L'humidité de la pean
parait être aussi une condition prédisposante très importante, probable
ment parce que la sueur dissout un principe chimique contenu dans les
spores parasitaires.
M. Gerbaud a entrepris, pour montrer que les lésions reconnaissent
uniquement des causes locales, une série d'expériences sur les lapins :
le poil de certaines régions étant enlevé aux ciseaux, l'application au
moyen d'eau gommée de champignons pris sur des roseaux produit de
l'érythème avec gonflement suivi de la production de vacuoles et de
croûtes épaisses; la même expérience, tentée à la face interne des oreilles
où la peau est plus résistante, ne donne aucun résultat ; une tige de
roseau bien sèche, mais surchargée de champignons et fixée avec du
collodion , ne produit aucune lésion sur la peau du dos débarrassée de
ses poils. L'insufflation du champignon dans l'ail d'un lapin produit
une conjonctivite très intense ressemblant absolument à l'ophthalmie
purulente des nouveau -nés.
Le champignon mis à macérer dans l'eau lui donne constamment une
réaction acide. Le liquide de macération , employé en badigeonnages sur
la peau débarrassée de poils, donne lieu à une rougeur appréciable avec
un peu de gonflement , l'injection de ce liquide dans la conjonctive pro
680 REVUE DE DERMATOLOGIE .

duit une conjonctivite intense avec suppuration abondante ; l'injection


de ce même liquide dans le tissu cellulaire sous - cutané produit un petit
phlegmon .
Ces expériences montrent que l'ustilago hypodites produit une mala
die purement locale, qu'il constitue un agent très irritant et qu'il n'agit
très probablement que lorsqu'il se trouve dans un milieu humide.
La prophylaxie des accidents, déjà indiquée par Michel et Maurin con
siste dans le mouillage des cannes, ce qui fait adhérer les spores à leur
surface .
Tel est le résumé de l'intéressant travail de M. Gerbaud ; en termi
nant , nous devons exprimer un celui d'avoir trouvé dans les
indications bibliographiques des lacunes importantes : aussi devons
nous signaler à l'auteur du mémoire que nous venons d'analyser et aux
lecteurs qui voudraient étudier complètement la question une note de
M. Baltus (Journal des Sciences médicales de Lille , 5 mai 1882 et An
nales de dermatologie, juin 1882, p. 378) , où ils trouveront des obser
vations fort intéressantes et quelques indications bibliographiques nou
velles. GEORGES THIBIERGE .

II . SUR LA NATURE CONTAGIEUSE ET PARASITAIRE DE L'IMPÉTIGO, par


L. DEWÈVRE. ( Archives de médecine et de pharmacie militaires,
16 septembre 1885. )
L'étiologie de l'impétigo a toujours été un des points les plus obscurs
de l'histoire de cette dermatose; les recherches de Tilbury Fox sur
l'affection à laquelle il a donné le nom d'impetigo contagiosa ont rap
pelé l'attention sur la contagiosité de l'impétigo en général. M. Dewėvre
résume dans ce travail les faits qui militent en faveur de la contagiosité
de l'impétigo et donne le résultat de recherches sur l'agent de contagion
de cette affection .
La fréquence de l'impétigo chez les enfants, et en particulier chez les
enfants mal nourris et malpropres, la dissémination de l'éruption sous
l'influence du grattage et sous l'influence du prurit déterminé par la
phthiriase, le siège habituel de l'impétigo sur les parties découvertes et
particulièrement à la face où l'inoculation de bouche à bouche est pos
sible, tels sont les arguments qui peuvent faire soupçonner que cette
affection est contagieuse. En outre, des faits positifs de transmission
d'un sujet malade à un sujet sain ont été cités par Devergie ; la conta
gion constatée par T. Fox , Wilson, Kaposi , Taylor, Neumann pour une
forme d'impétigo a permis d'accepter la dénomination proposée par
T. Fox . Enfin, M. Vidal a constaté que l'impétigo peut être inoculé aux
sujets qui en sont atteints .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 681

Les expériences d'inoculation au malade lui-même ont également


réussi entre les mains de M. Dewèvre dans quatre cas qu'il rapporte.
Une autre observation a trait à un enfant atteint d'impétigo de la face,
chez lequel l'auto- inoculation donna également un résultat positif ; la
mère de l'enfant, qui le nourrissait, présenta des pustules d'impétigo sur
le sein et le père en eut une plaque sur la lèvre. L'auteur rapporte
encore les essais positifs d'inoculation qu'il fit sur lui-même et l'obser
vation d'une malade atteinte de lupus chez laquelle des scarifications
furent faites avec une lancette ayant servi quelques semaines aupara
vant à faire des inoculations d'impétigo : trois jours plus tard , une
éruption formidable d'impétigo se développa sur les parties scari
fiées.
Les inoculations ont donné des résultats variables suivant les diffé
rents produits de l'impétigo qui étaient employés : sur cinq inoculations,
le liquide de la vésico - pustule initiale a donné deux résultats positifs,
la poussière des croûtes trois résultats positifs , le pus sous-crustacé
quatre résultats certains et un douteux , le produit de raclage de l'ulcé
ration préalablement nettoyée cinq résultats positifs ; le nombre de ces
expériences est beaucoup trop restreint pour que l'on puisse, avec l'au
teur, établir une gradation dans la puissance infectieuse de ces divers
agents de transmission : il faut cependant noter ce fait que les inocula
tions faites avec la sérosité gommeuse qui s'écoule des éléments récents
ont constamment échoué .
L'agent infectieux de l'impétigo, décrit par Kohn , Piffard , etc. , est
encore très mal connu, les descriptions qui en ont été données ne pré
sentent aucune concordance, son existence même est mise en doute par
Lang et Duhring. M. Deweyre a été plus heureux que ces dermatolo
gistes éminents : d'après lui, il faut rechercher le parasite de l'impétigo
dans le pus sous -crustacé ou dans les croûtes traitées par l'éosine à
l'alcool et la potasse concentrée, ou mieux encore dans le produit de
raclage de l'ulcération bien détergée ; il se présente sous la forme de
spores « présentant à un grossissement de 400 diamètres l'aspect de
granulations blanches de 1 à 5 x, réfractant fortement la lumière, ne
paraissant pas avoir de granule à l'intérieur, ni de double enveloppe :
çà et là des fragments de tubes de mycélium , gorgés de spores, flexueux,
non bifurqués. » En raclant le fond de l'ulcération , « on trouve des
touffes de mycélium enchevêtrés entre eux de façon à former un véri
table réseau ; ces tubes ont environ 3 L de grosseur ; ils se colorent
facilement et laissent apercevoir par transparence les spores dont ils
sont gorgés ; » ils ne présentent ni bifurcation ni næuds ; le calibre des
tubes est au contraire très uniforme et ils se terininent par une extré
mité tronquée. Le siège du parasite parait être le corps muqueux de
682 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Malpighi, il ne se développe pas dans les follicules pileux et laisse les


poils indemnes.
Telle est la description donnée par M. Dewèvre, du parasite qu'il a
constaté au niveau des lésions de l'impétigo. Il serait nécessaire de
savoir si ce parasite est constant, ce que l'auteur a négligé de faire con
naître ; il serait encore plus nécessaire de savoir s'il est bien particulier
à l'impétigo et s'il ne peut germer sur les érosions consécutives à des
lésions bulleuses ou pustuleuses autres que l'impétigo ; il faudrait en
outre avoir sur ses caractères morphologiques, et sur son mode de
reproduction et de germination des renseignements plus circonstanciés
qu'il aurait été facile de retrouver sur un dessin dont l'absence est regret
table. Ces recherches et ces descriptions complémentaires sont d'autant
plus nécessaires que l'impétigo n'a guère de ressemblance avec les der
matomycoses jusqu'ici déterminées et connues : la lésion bulleuse ou mieux
pustuleuse qui le caractérise, le développement extrêmement rapide
de cette lésion élémentaire, l'absence de développement centrifuge ,
semblent en rapport avec la germination d'un parasite moins élevé en
organisation que le dermatophyte décrit par M. Dewèvre ; aussi nous
semble -t-il nécessaire d'attendre des recherches de contrôle avant de
déclarer connu le parasite de l'impétigo .
Nécessaires aussi sont des recherches nouvelles et des observations
plus précises et plus nombreuses pour admettre que tous les impé
tigos sont contagieux et surtout que l'impétigo contagiosa de T. Fox ne
constitue pas une variété spéciale.
L'agent infectieux de l'impétigo, quelques réserves qu'il soit néces
saire de faire sur sa nature, est transmissible par l'air : M. Dewèvre, en
faisant passer un courant d'air sur des croûtes impétigineuses et le
dirigeant ensuite sur une plaie, a pu obtenir sur celle-ci une abondante
éruption d'impétigo.
L'auteur déclare que la découverte de l'agent infectieux de l'impétigo
ne résout pas complètement toutes les questions afférentes à l'étiologie
de cette dermatose ; il reconnaît qu'il existe à l'impétigo , comme à la
plupart des dermatoses parasitaires, des conditions favorables et d'au
tres défavorables : ainsi, l'impétigo est rare chez les sujets âgés et chez
les arthritiques, se voit surtout chez les enfants et présente, ainsi que
l'a déjà noté Piffard , une affinité toute spéciale pour les sujets récem
ment vaccinés. GEORGES THIBIERGE .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 683

III . EMPLOI DE L'OLÉATE DE CUIVRE DANS CINQ CENTS CAS DE MALADIES


PARASITAIRES DE LA PEAU, par le Dr LE SIEUR WER ( The New - York
Medical Journal, 30 août 1884 ) .
>

IV. NOTE SUR LE TRAITEMENT DE L'ECZÉMA MARGINÉ ET DE LA TRICOPHYTIE


EN GÉNÉRAL, par le Dr R. W. TAYLOR ( Journal of Cutaneous and
Venereal diseases, février 1884, p . 42) .
V. DISCUSSION SUR LE TRAITEMENT DE LA TRICOPHYTIE, à la Société der
matologique de New-York ( Journal of Cutaneous and Venereal
diseases, juin 1884, p . 177).
VI . DU TRAITEMENT DES MALADIES CUTANÉES CAUSÉES PAR DES PARASITES
VÉGÉTAUX, par le Dr John V. SHOEMAKER . ( Journal of Cutaneous and
' Venereal diseases, juillet et août 1884) .
III. — Bien que nous soyons intimement persuadés comme nos maîtres
de l'hôpital Saint-Louis du peu d'efficacité des médications dirigées contre
le favus et la tricophytie quand elles consistent exclusivement en appli
cations parasiticides, nous croyons toutefois devoir faire connaître toutes
les tentatives dirigées en se sens : il en est en effet du traitement idéal
des teignes comme de tout ce que l'on désire ardemment; malgré soi , on
espère toujours, et quand des dermatologistes autorisés apportent des
statistiques aussi considérables que celles dont il s'agit dans cet article,
on se reprend à douter, et à vouloir encore expérimenter le nouveau re
mède ou la nouvelle méthode préconisés . Le topique que propose le
Di Le Sieur Weir a déjà été, dit-il, employé avant lui ; car autrefois on
traitait le ringworm en appliquant sur la plaque malade un sou de cuivre
trempé dans du vinaigre. Mais la substance dont se sert le dermatolo
giste américain est tout autrement parfaite : il ne s'est même pas
contenté du procédé ordinaire de préparation des oléates . Voici le
procédé dont le Di Wolff s'est servi pour lui procurer de l'oléate
de cuivre stable et chimiquement pur. On fait dissoudre une partie de
« Castile -soap » ( sodium oléo-palmitate) dans huit parties d'eau ; on
laisse refroidir et reposer pendant 24 heures la solution ainsi obtenue :
il s'est formé au bout de ce laps de temps un dépôt considérable de
sodium palmitate; on décante la partie supérieure de la solution qui con
tient surtout du sodium oleate, et on la décompose avec une solution
concentrée de sulfate de cuivre , ne contenant autant que possible point
d'acide libre, afin qu'il ne se forme pas de l'acide oléo-palmitique libre.
On recueille le dépôt d'oléo - palmitate de cuivre qui se forme et on le
sèche à l'étuve ; après quoi on le dissout dans six ou huit fois son volume
de petroleum benzin ; on laisse déposer le palmitate insoluble, on décante
et on filtre la solution d'oléate : on n'a plus alors qu'à faire évaporer la
684 REVUE DE DERMATOLOGIE .

benzine et l'on obtient un oléate de cuivre pur et stable . Cet oléate n'offre
pas les inconvénients de celui qui est préparé suivant la formule de la
pharmacopée (oxyde de mercure 10 parties, acide oléique 90 parties) et
qui renferme une grande quantité d'acide libre ; il est en effet tout à fait
pur et l'on est sûr de n'appliquer sur la peau, quand on le prescrit , que
de l'oléate de cuivre. On l'incorpore pour cela à de la cosmoline.
Voici quelles sont les affections cutanées dans lesquelles le D- Le Sieur
Weir a expérimenté cet agent : Tinea tonsurans, Tinea circinata , Tinea
kerion , Eczéma marginatum (toutes affections causées, dit-il, par le
même parasite que le tricophyton tonsurans), Tinea sycosis ( causée, dit-il,
par le microsporon mentagrophytes), Tinea versicolor, Tinea favosa .
Nous ne nous arrêterons pas à discuter les opinions dermatologiques de
l'auteur ; cela nous entraînerait beaucoup trop loin. Contentons - nous
d'exposer sa pratique et les résultats obtenus.
Lorsqu'il s'agit d'une maladie parasitaire du cuir chevelu, il fait d'abord
couper les cheveux au ras de la peau partout où il y a une plaque ma
lade, au niveau de cette plaque et dans un rayon d'un pouce, souvent
même d'un pouce et demi tout autour. Il fait ensuite appliquer sur les
endroits malades de l'huile, de la cosmoline liquide, de la glycérine ou
bien un cataplasme de mie de pain et de lait pour faire tomber les squames
et les croûtes . Quand il y a une couche épaisse de crasse, il les fait aussi
laver avec du Castile -soap et de l'eau chaude. Ce n'est qu'après avoir
ainsi nettoyé les parties malades qu'il les fait frictionner doucement,
mais complètement avec une préparation d'oléate de cuivre d'une force
appropriée à la gravité du cas. Il faut que l'application soit faite avec le
plus grand soin afin d'obtenir une absorption aussi complète et aussi
rapide que possible . On répète ces onctions au moins deux fois par jour.
Il n'est pas nécessaire de faire des lavages des points ainsi traités, à
moins qu'il ne s'y accumule des croûtes ou d'autres produits épidermi
ques . Les préparations dont l'auteur se sert contiennent de un à six
drachmes d'oléate , pour une once d'excipient, c'est - à - dire de 387,88 à
2387, 28 d'oléate de cuivre, pour 3187, 103 d'excipient. Dans les cas les
plus bénins, il se sert de la dose la plus faible qui correspond environ à
un mélange à 12 0/0; dans les cas rebelles, il emploie la dose maxima
qui correspond environ à un mélange à 75 0/0 ou aux trois quarts. Il
n'est pas rare, dit l'auteur, de voir un changement se produire dès la
deuxième ou la troisième application , et, si le cas est bénin , la guérison
peut être obtenue au bout de sept à huit jours . Dans les cas sérieux elle
se fait attendre de dix jours à trois semaines ; il est fort rare de voir des
cas rebelles résister plus longtempts encore au traitement.
L'auteur a également fait incorporer de l'oléate de cuivre dans les
gélatines médicamenteuses, et il l'a expérimenté sous cette forme : il
REVUE DE DERMATOLOGIE . 685

croit en avoir retiré de bons effets ; mais ces essais n'ont pas été assez
répétés pour qu'il soit autorisé à conclure .
Les 500 cas dont il donne le relevé ont , dit-il , été vérifiés au point
de vue des récidives, de telle sorte qu'il peut affirmer l'authenticité des
guérisons. Parmi ces 500 cas, il y en a 84 provenant de sa clientèle per
sonnelle et 416 provenant de ce qu'il appelle sa pratique publique et qui
se décomposent ainsi : 228 cas dans trois institutions de charité, 41 cas
dans une école, 39 cas provenant de la clientèle d'autres médecins,
78 cas du dispensaire.
L'auteur analyse ensuite sa statistique et entre à cet égard dans les
détails les plus intéressants. Qu'il nous suffise de savoir que parmi ces
500 cas , il y a 7 cas de favus, 285 cas de teigne tondante vraie, 16 cas
de kerion , 136 cas de tinea circinata, 24 cas d'eczéma marginé, 24 cas
de sycosis et 8 cas de pityriasis versicolor.
Nous avons déjà dit plus haut quel était le procédé suivi par l'auteur
dans la teigne tondante ; il l'emploie aussi sans la moindre modification
dans le kerion et la tinea circinata ; cette dernière guérit d'ailleurs, dit
il , avec la plus grande facilité, ce qui ne nous surprend guère, puisque
nous obtenons en France des résultats rapides et complets avec plusieurs
topiques et en particulier avec la teinture d'iode. Dans l'eczéma mar
giné, l'auteur n'a eu besoin d'employer que les préparations les plus
faibles, du moins chez les hommes : car chez les femmes il a éprouvé
assez de difficulté pour arriver à guérir deux malades atteintes d'eczéma
de la partie supérieure des cuisses et d'une leucorrhée excessivement
abondante. Il a fallu traiter d'abord l'affection utérine pour arriver à
triompher de l'affection cutanée : encore une fois nons nous permettons
de faire observer que nous laissons de côté toute question de doctrine sur
la nature de cet eczéma marginé. Dans la tricophytie de la barbe, il a été
trois fois obligé de se servir des préparations les plus fortes, mais il a tou
jours obtenu la guérison et il considère son procédé comme de beaucoup
le plus efficace contre cette tenace affection . Il n'a eu besoin au contraire
que d'employer les préparations faibles pour amener une guérison rapide
du pityriasis versicolor, mais il reconnait n'avoir pas traité un assez
grand nombre de cas de cette dermatose pour pouvoir affirmer la supé
riorité de l'oléate de cuivre sur les autres topiques efficaces qui sont déjà
employés.
Les résultats obtenus ne semblent pas avoir été aussi merveilleux que
les précédents dans les cas de favus ; voici , en effet , ce qu'en dit Le Sieur
Weir. L'oléate de cuivre a dans les cas de favus , donné des résultats en
courageants . Cependant il faut reconnaître que la guérison est beaucoup
plus longue à obtenir par ce procédé que par les anciennes méthodes.
Les préparations les plus fortes ont été employées, et de temps en temps
686 REVUE DE DERMATOLOGIE .

on leur a même incorporé un sel de mercure quelconque et surtout de


l'oléate de mercure ; l'auteur croit toutefois que l'oléate de mercure dont
il s'est servi ne peut être considéré comme ayant été la substance active.
La guérison est fort longue à obtenir quand on n'emploie que ces applica
tions parasiticides, et l'auteur est convaincu qu'elle doit se produire avec
beaucoup plus de rapidité si l'on pratique en même temps l'épilation.
Le dermatologiste américain est ainsi conduit à examiner la question de
l'épilation, et il prétend qu'un des immenses avantages de l'oléate de cui
vre est de rendre l'épilation inutile dans la teigne tondante. Depuis qu'il
se sert de cette substance, il n'a, en effet, jamais été obligé de recourir
à l'épilation dans la tricophytie, si ce n'est lorsqu'elle envahit les cils,
car on ne peut alors employer des préparations énergiques d'oléate de
cuivre qui seraient très mal supportées par la conjonctive. Dans le kerion ,
il n'est pas plus nécessaire d'épiler que dans la teigne tondante . L'auteur
reconnaît toutefois que dans le sycosis l'épilation, tout en étant le plus
souvent inutile, peut devenir nécessaire. Il croit donc pouvoir résumer
les résultats qu'il a obtenus dans la formule suivante : il est rarement
nécessaire d'avoir recours à l'épilation dans les maladies cutanées para
sitaires quand on les traite par l'oléate de cuivre. Ce médicament serait
donc en somme un excellent topique pour la teigne tondante , mais il ne
présenterait qu'assez peu d'efficacité contre le favus. L. B.
IV.- Le Dr Piffard se sert d'ordinaire pour traiter l'eczéma marginé
d'une solution de sublimé dans l'alcool : or, ayant à soigner une jeune
dame dont l'hypogastre, le pubis, la partie supérieure des cuisses étaient
envahis par cette affection dont l'examen microscopique et la décou
verte du parasite lui avaient surabondamment prouvé la nature, il fut
assez surpris de n'obtenir aucune amélioration . La malade se servit pen
dant une semaine d'une solution de deux grains (06T, 1294 dix millig. ) de
bichlorure pour une once (3185,103) d'alcool (au trois centième environ );
puis d'une solution de quatre grains de bichlorure pour une once d'al
cool (au cent cinquantième environ ) : elle se lavait soigneusement trois
ou quatre fois par jour avec le médicament, elle prenait des soins minu
tieux de propreté , et cependant les cercles éruptifs avançaient toujours.
L'auteur eut alors l'idée de tenir constamment le parasiticide en contact
avec les parties malades, et , pour cela, après avoir pratiqué la lotion au
bichlorure, il fit sur les points atteints une onction de teinture de
myrrhe qui laissa en s'évaporant une mince et flexible couche de gomme
résine sur la peau . La malade éprouva tout de suite un soulagement no
table au point de vue du prurit. Piffard lui conseilla dès lors de se faire
deux fois par jour des badigeonnages des parties malades avec une solu
tion de quatre grains de bichlorure dans une once de teinture de myrrhe.
En quinze jours, la guérison complète fut obtenue . Il a depuis essayé
REVUE DE DERMATOLOGIE . 687

de la même manière la teinture de benjoin et il en a retiré d'aussi bons


résultats : il l'a également employée avec succès dans la teigne tondante .
Ces applications ne sont pas douloureuses ; les malades n'éprouvent qu'une
légère sensation de tiraillement qui disparaît bientôt. L. B.

V. - Le Dr Fox , dans une communication orale , dit qu'il a expéri


menté la méthodedu Dr Piffard et qu'il en a obtenu de bons résultats . Il se
sert comme excipient de teinture de benjoin . Dans la teigne tondante, il
rase la plaque malade , puis il la badigeonne avec une solution à 10 0/0
de chrysarobine et d'acide salicylique dans le collodion .
Le D- Denslow se sert de l'acide sulfureux dans l'eczéma marginé. -

Le Dr Morrow n'a pas réussi à guérir cette maladie avec une solution de
deux grains de sublimé dans une once de teinture de benjoin. Il emploie
surtout la chrysarobine dans le traitement de la teigne tondante . -· Le
De Piffard répond que la chrysarobine sans collodion ne lui a autrefois
donné aucun résultat convenable ; son usage offre d'ailleurs un inconvé
nient sérieux, c'est la facilité avec laquelle elle provoque des érysipèles
du cuir chevelu . L. B.
VI . – L'article que vient de publier le Dr Shoemaker sur le traite
ment des maladies cutanées causées par les végétaux parasites de l'homme
est excessivement long et échappe à toute analyse , étant lui-même le ré
>

sumé de la plupart des travaux allemands , anglais et surtout américains


sur la matière . Aussi nous contenterons-nous d'y relever quelques points
particuliers. Il commence par bien mettre en relief ce fait de notion vul
gaire en Amérique que les personnes sur lesquelles se développent les
végétaux parasites sont dans l'immense majorité des cas des sujets affai
blis et présentant par cela seul un terrain favorable à la pullulation du
parasite. Aussi est-il avant tout nécessaire de les soumettre à un régime
tonique et surtout d'améliorer les conditions hygiéniques où ils se trou
vent, de les envoyer en particulier à la campagne lorsqu'ils sont ren
fermés dans des institutions.

Comme traitement local , l'auteur recommande de ne jamais se servir


d'eau pour laver les parties malades : il les fait nettoyer tous les jours avec
de l'éther sulfurique ou avec du thymol , ou bien encore avec un mé
lange composé de parties égales d'éther et d'alcool auquel on ajoute un
peu de thymol. Il recommande encore comme lotion antiparasitaire
une solution d'acide boracique dans parties égales d'éther et d'alcool .
Dans la teigne tondante, il recommande de ne pas couper les cheveux ,
de ne pas les raser, et surtout, dit-il , de ne pas épiler, car l'épilation
est non seulement inefficace, mais douloureuse et impossible àà pratiquer.
Il fait des lotions quotidiennes avec les solutions précédentes de thymol,
de borax, de naphtol ou de sublimé, puis il recommande d'appliquer
sur les parties malades une solution à 50 0/0 de boroglyceride jusqu'à
688 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ce que tout le cuir chevelu semble en être sursaturé. Il regarde, en effet,


le borax comme un des agents parasiticides les plus efficaces et les moins
irritants qui existent. La glycérine d'autre part a une grande puissance
de pénétration ; elle entraîne la substance active jusque dans les folli
cules ; elle a beaucoup d'affinité pour l'eau ; elle l'enlève aux tissas,
et prive ainsi le champignon parasite d'un de ses principaux éléments
de développement. Ce procédé si simple a souvent donné à l'auteur
de rapides et complètes guérisons dans les cas bénins de tricophytie
du cuir chevelu : il a de plus l'avantage de pouvoir toujours être sup
porté mêine par les cuirs chevelus les plus irritables. On applique matin
et soir le mélange, et on tâche de le faire pénétrer dans les follicules
en frottant les parties malades avec le bout des doigts. S'il n'y a pas
d'amélioration marquée au bout de quelques jours, l'auteur emploie alors
la même substance que le Dr Le Sieur Weir , c'est-à-dire l'oléate de
cuivre, qu'il prétend avoir été le premier à essayer. Il reconnait toutefois
que dans un certain nombre de cas qu'il appelle chronic ringworm ,
l'oléate de cuivre seul ne donne pas une guérison rapide ; il fait alors
des applications alternatives d'oléate de cuivre et d'oléate de mercure.
Les préparations d'oléate de cuivre dont il se sert sont de 10 à 2000,
celles d'oléate de mercure sont de 5 0/0 chez les jeunes enfants, et de
10 à 30 0/0 chez les sujets un peu plus âgés. Enfin il est des cas tout
particulièrement rebelles dans lesquels l'auteur reconnaît que les moyens
précédents restent inefficaces ; plutôt que de recourir à l'épilation, il se
résout alors à pratiquer ce qu'il appelle un kerion artificiel et pour cela
il se sert d'huile de croton . Ce dernier procédé a déjà été discuté en
France par trop d'observateurs éminents pour que j'insiste plus long
temps. Mais l'huile de croton elle m- ême n'a pas toujours pu lui donner
la guérison , et il a eu recours dans ces cas extrêmes à des frictions des
parties malades avec une infusion de jéquirity.
Dans l'herpès circiné, les substances qui ont donné les meilleurs ré
sultats à l'auteur sont des préparations d'oléate de cuivre à 5 ou 100/0,
dont on peut augmenter la force jusqu'à 50 0/0 dans les cas rebelles.
Si par hasard la maladie résiste, on alterne de temps en temps avec des
préparations à 10 ou 30 0/0 d'oléate de mercure. Dans la tricophytosis
genito -cruralis, il emploie les mêmes procédés.
Il traite le sycosis parasitaire comme la tricophytie du cuir chevela
Dans la tricophytie des ongles il tâche d'enlever le plus possible les par
ties malades, puis il panse avec une préparation à 10 0/0 d'oléate de
mei cure. A propos du favus, l'auteur ne fait guère que répéter ce qu'il aa
dit pour la tricophytie : il prétend avoir radicalement guéri plusieurs
cas graves de favus en six semaines environ , par des lotions avec så
solution à 25 ou 30 0/0 de boroglyceride dans la glycérine , puis par des
REVUE DE DERMATOLOGIE . 689

applications d'oléate de cuivre et d'oléate de mercure. Il ne veut à aucun


prix de l'épilation qu'il traite de mesure barbare a ayant un arrière-goût
de la calotte et des charlatans, des bourreaux qui l'employaient. » Nous
venons de voir que Le Sieur Weir n'était pas aussi affirmatif sur l'absolue
efficacité des oléates dans le favus .
Quant au traitement du pityriasis versicolor, c'est encore l'oléate de
cuivre que le Dr Shoemaker met de beaucoup au - dessus de tous les au
tres topiques. Il commence par nettoyer et décrasser les parties malades
soit avec une solution de 10 parties de biborate de soude pulvérisé dans
90 parties d'esprit d'hamamélis de Virginie, soit avec une solution de
thymol dans de la glycérine et de l'esprit de vin rectifié ; puis quelques
applications d'oléate de cuivre suffisent pour amener la guérison dans les
cas les plus étendus et les plus rebelles . L. B.

COMPTE RENDU DES THÈSES DE DERMATOLOGIE


SOUTENUES A LA FACULTÉ DE PARIS PENDANT L'ANNÉE 1884-1885 .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA FIÈVRE ZOSTER (ZONA INFECTIEUX)


par L. BOULANGER (5 février 1885 ).
L'auteur expose avec détails la théorie infectieuse du zona proposée
parM. Landouzy ; il reprend successivement les arguments invoqués par
son maître, arguments tirés de l'existence des symptômes généraux pré
cédant et accompagnant le zona, de l'évolution cyclique de la maladie,
de l'absence de récidives, de la contagion quelquefois observée, enfin des
apparences épidémiques de cette affection, et cite quelques observations
qui montrent le bien fondé de ses assertions, mais n'apporte aucun
argument nouveau , ni aucun fait de quelque importance pour étayer
cette théorie .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES ÉRUPTIONS QUINIQUES, par P. LEVASSOR


(21 janvier 1885 ).
L'auteur décrit successivement, avec observations personnelles à l'ap
pui , quatre formes d'éruptions quiniques, qu'il appelle scarlatineuse,
rubéolique, papulo - érythémateuse et purpurique. Les éruptions quiniques
s'observent surtout chez les sujets arthritiques ; elles montrent le plus
souvent à la suite de l'administration d'une dose médicamenteuse forte
et longtemps prolongée, parfois après la première ingestion d'une dose
faible. Ces éruptions s'étendent très rapidement; elles sont le plus sou
690 REVUE DE DERMATOLOGIE .

vent généralisées, quelquefois limitées à certaines régions ; des phéno


mènes fébriles les accompagnent quelquefois ; elles sont toujours ac
compagnées de démangeaisons plus ou moins vives. Leur marche est
généralement rapide. Les récidives sont fréquentes sous l'influence d'un
nouveau traitement par le sulfate de quinine. L'auteur ne se prononce pas
sur la pathogénie de ces éruptions qui peuvent être causées par l'élimi
nation de la quinine à travers les glandes de la peau, ou par l'action du
médicament sur le système nerveux lequel agirait sur la peau par l'in
termédiaire des nerfs vaso-moteurs.

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES DIABÉTIDES GANGRÉNEUSES, par A. QUÉHÉRY


(24 décembre 1885 ).
Cette thèse est consacrée à l'étude de la forme degangrène diabétique
dont Kaposi a donné la description il y a quelques mois. L'auteur en
rapporte une observation nouvelle, recueillie dans le service du profes
seur Fournier. Il se forme d'abord une ampoule ayant de 5 millimètres à
1 centimètre de diamètre, peu saillante et siégeant sur une base rouge
et légèrement saillante , la bulle se dessèche bientôt à son centre qui est
occupé par une petite croûte noirâtre, tandis qu'à la périphérie on voit
un anneau complet formé par l'épiderme soulevé par du liquide ; la croûte
s'étend progressivement , puis se détache au bout de quelques jours en
laissant voir le derme sphacélé ; l’eschare se détache et laisse une sur
face rouge , bourgeonnante, tendant à se cicatriser . Ces éléments ne se
rencontrent généralement pas à l'état isolé, mais au nombre de 4, 5 et
plus ; ils se développent surtout aux bras et aux jambes et surviennent
par poussées successives. Leurs caractères permettent d'adopter la déno
mination de gangrène bullo -serpigineuse , proposée par Kaposi. Ces lé
sions sont dues l'action du sucre sur la peau .

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TRAITEMENT DES TEIGNES par M. VENEGAS Y


CANIZARES (16 janvier 1885 ).
L'auteur consacre surtout son travail à l'exposé de la pratique
actuelle de M. E. Besnier pour le traitement des teignes.
Il faut recourir aux agents qui amènent la chute des tissus sur lesquels
vivent les parasites, et ne point chercher uniquement une action parasi
ticide ; mais il faut avoir soin , lorsqu'on emploie des agents irritants,
de ne pas déterminer une irritation trop intense, snsceptible de produire
une alopécie définitive.
Le moyen d'action le plus efficace est l'épilation méthodique, en
extrayant tous les poils malades et, autour des régions malades, une
zone de poils sains ( zone de surveillance de M. E. Besnier) . L'épilation
REVUE DE DERMATOLOGIE . 691

doit d'ailleurs être renouvelée un nombre de fois variable et être


associée à l'emploi de diverses substances éliminatrices et excitantes ,
favorisant la repousse des poils et dont le mode d'emploi est indiqué
par l'auteur. En outre, les cheveux doivent être tenus courts, en les
coupant aux ciseaux, de façon à empêcher autant que possible la pro
duction de foyers de repullulation, et à en saisir le début, s'ils viennent à
7

se produire. Avec ce traitement mixte, la durée des diverses teignes est


de six mois à deux ans pour le trichophyton et le favus et de deux à
six mois pour la pelade. La guérison ne peut être considérée comme
complète que quand les cheveux et les squames, examinés au micros
cope , ne contiennent plus de parasites depuis un certain temps.
ÉTUDE CLINIQUE SUR LE MOLLUSCUM PENDULUM , par M. BARRY
( 26 février 1885 ).
Le molluscum pendulum est une tumeur de nature fibreuse, à éléments
peu serrés, entremêlés de cellules plasmatiques et dissociés par un li
quide particulier, et a une structure très analogue à celle de l'éléphan
tiasis des Arabes .
Il diffère du molluscum généralisé par son développement dans l'âge
adulte et sa plus grande fréquence chez la femme ; son étiologie est peu
connue .
Le nombre des tumeurs du molluscum pendulum est toujours très
peu considérable ; leur volume est parfois énorme, leur forme ovoïde
ou piriforme, le pédicule court ou long et très extensible . Le siège de
prédilection des tumeurs est la grande lèvre et les parties voisines, ce
qui tient probablement à la structure particulière de la région . Les tu
meurs sont recouvertes d'une peau épaissie, parfois véritablement élé
phantiasique et rugueuse , et présentent souvent à leur base une ulcéra
tion sécrétant un liquide souvent fétide, La marche du molluscum est
lente, mais progressive ; commençant par un petit bouton de consis
tance ferme et indolent, il reste longtemps peu volumineux, puis sous
une influence variable, quelquefois sous l'influence de la grossesse, de
fatigues excessives, de traumatismes, d'irritations prolongées, il prend
un développement subit. Les inflammations , le sphacèle de la peau et
la suppuration de la tumeur ne sont pas rares . Le molluscum pendulum
n'est justiciable que du traitement chirurgical.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA PATHOGÉNIE DE L'HERPÈS PHLYCTÉNOÏDE,


par A. DELÉTANG (7 mai 1885).
L'auteur admet, au point de vue de la pathogénie de l'herpes phlycté
noïde, deux variétés : l'herpès microbien et l'herpès ptomaïnique.
692 REVUE DE DERMATOLOGIE .

Dans la première variété, le soulèvement épidermique est dû, comme


dans la variole , la varicelle, l'empoisonnement par le jéquirity , à l'action
irritante de microbes sur les couches épidermiques; on peut cependant
se demander si l'éruption herpétique n'est pas due plus encore à l'action
des ptomaïnes produites par les microbes qu'à celle des microbes eur
mêmes. Dans cette variété, on doit faire rentrer l'herpes noir, ainsi que
les herpès qui s'observent dans un certain nombre de maladies produites
par des microbes peu ou pas pyogenes. L'auteur y fait rentrer également
le zona, en supposant que l'agent infectieux du zona chemine le long
des tubes nerveux jusqu'à la peau pour aller y produire des lésions
vésiculeuses.
L'herpès ptomaïnique est dû à l'action irritante des alcaloïdes orga
niques désignés sous le nom de ptomaïnes. Que ces alcaloides soient
fabriqués en excès ou retenus en quantités anormales dans l'organisme,
leur contact avec la peau produit une vésication qui n'est autre qu'une
éruption d'herpès. Les écarts de régime, le surmenage musculaire ou
nerveux agissent en amenant une fabrication excessive de matériaux
ptomaïniques ; les émotions, le froid , le traumatisme, la menstruation
produisent un défaut dans l'élimination des matériaux de déchets, et ces
causes sont surtout actives lorsqu'elles portent sur des sujets arthritiques,
dont la nutrition est déjà viciée.
La théorie, proposée par M. Boucheron et exposée par M. Delétang,
de l'herpès ptomaïnique est originale et ne peut être rejetée à priori, mais
elle ne repose encore que sur des analogies discutables ; son exposé
suffit cependant à faire de cette thèse un travail très intéressant.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ABERRATIONS MORPHOLOGIQUES DES NÉOPLASIES,


ET NOTAMMENT DU FIBROME MOLLUSCUM , par A. LEREFAIT (26 février 1885).
Nous laisserons de côté la première partie de cette thèse, remarquable
pas de nombreuses déductions d'anatomie pathologique générale, où
l'auteur étudie , sous l'inspiration de M. Chambard, les diverses modi
fications que peuvent subir les néoplasies et nous résumerons seulement
la deuxième partie dans laquelle il envisage les transformations du fibrome
molluscum .
Sous ce terme, M. Lerefait, suivant l'usage actuel, désigne le fibrome
congénital, pédiculé ou sessile, ayant ordinairement la structure réti
culée .
Les aberrations morphologiques du fibroma mulluscum peuvent
être :
1 ° D'origine conjonctive: transformation en fibrome fasciculé, en
lipome, en myxome, en sarcome; les transformations en chondrome el
REVUE DE DERMATOLOGIE . 693

en ostéome, qu'il ne faut pas confondre avec la dégénérescence calcaire,


sont contestables, de même que la transformation en lymphadenome ;
des dilatations vasculaires peuvent se produire dans un molluscum et le
transformer en angiome ; des fibres musculaires lisses peuvent aussi s'y
développer et, dans un cas de M. Chambard , s'accompagnaient de pro
ductions xanthomateuses ;
2° D'origine épithéliale : transformation en cancroïde ou en carcinome
ainsi que M. Lerefait en rapporte une observation détaillée .
Les aberrations morphologiques de la première catégorie ont presque
toutes peu d'importance au point de vue du pronostic et ont seulement
l'inconvénient d'augmenter le volume de la tumeur et de la rendre plus
vulnérable ; mais le développement du sarcome, de l'épithéliome et sur
tout du carcinome sont graves ; ces néoplasies ont cependant dans le
molluscum une bénignité relative, par suite de lenr localisation dans
une tumeur bien limitée et de la présence du pédicule qui empêche
leur diffusion aux tissus environnants.

DU PURPURA RHUMATISMAL, par R. Texeira D'ASSUMPÇAO (28 juillet 1885 ).


L'auteur cherche à réhabiliter la théorie qui fait de certaines variétés
de purpura une manifestation du rhumatisme, théorie singulièrement
ébranlée par les récents travaux sur le purpura.
D'après l'auteur de cette thèse, le purpura rhumatismal peut se pré
senter sous trois formes : 1 ° Simple épiphénomène sans grande impor
tance survenant au cours d'une attaque de rhumatisme articulaire aigu
et se résumant en une seule poussée de pétéchies peu abondantes
(rhumatisme compliqué de purpura ); 2° poussées successives de pétéchies
accompagnées de désordres articulaires (purpura rhumatismal); 3° hémor
rhagies se produisant ailleurs que dans le derme (rhumatisine hémor
rhagique). La première variété , considérée par l'auteur comine assez fré
quente, serait plus exactement dite extrêmement rare . La deuxième variété
répond à une forme de purpura dont la nature rhumatismale ne peut plus
aujourd'hui être nettement affirmée et l'observation personnelle rapportée
par l'auteur à l'appui de son dire est loin d'être convaincante : les
douleurs qu'il considère comme rhumatismales sont bien plutôt des
douleurs rhumatoïdes. La troisième variété comprend des faits qui sont
bien certainement étrangers au rhumatisme, dont ils ne présentent ni
l'état général, ni les arthropathies multiples et mobiles, ni les compli
cations viscérales .
Les arguments invoqués par l'auteur pour démontrer la nature rhuma
tismale des faits qu'il rapporte, arguments tirés de l'étiologie, des lésions
anatomiques des articulations, des symptômes articulaires et des accidents
ANNALES DE DERMAT ., O SERIE . VI . 45
694 REVUE DE DERMATOLOGIE .

viscéraux, sont connus depuis longtemps et ont été bien souvent réfutés.
Parmi les observations rapportées à la fin de ce travail , il en est plus
d'une dont la critique a souvent été faite et a montré que le rhumatisme
ne pouvait y être admis. De nouvelles observations, plus probantes et
plus nombreuses, sont donc nécessaires pour démontrer non pas la
fréquence du purpura chez des sujets plus ou moins entachés de rhuma
tisme, ce qui n'est pas contestable, mais la fréquence du purpura en
tant que manifestation rhumatismale véritable , ce qui est tout différent.
ESSAI SUR LA NATURE ET LA SYMPTOMATOLOGIE DE L’ÉRYTHEME POLYMORPHE,
par E. MARQUET (28 mars 1885 ).
Cette thèse, comme celle de M. de Molènes dont nous avons précé
demment rendu compte, est consacrée à l'exposition de la théorie infec
tieuse de l'érythème polymorphe. Saufune observation inédite, intéressante
d'ailleurs , elle ne renferme aucun argument nouveau à l'appui de l'opinion
soutenue par l'auteur.

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA SCLÉRODERMIE ET PARTICULIÈREMENT A L'us


TOIRE DES SCLERODERMES EN PLAQUES OU MORPHÉES, par E. MARITOUI
( 16 avril 1885) .
L'auteur de cette thèse se borne à l'exposé des faits déjà bien
connus ; les questions discutées de l'étiologie , de la nature de la scléro
dermie , des rapports de la sclérodermie en plaques avec les diverses for
mes de dermatoscléroses sont ou laissées entièrement de côté ou à peine
effleurées.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE DES OEDÈMES PÉRIPHÉRIQUES D'ORIGINE


NERVEUSE, par J. WEILL (28 juillet 1885) .
Cette thèse renferme, avec quelques observations personnelles, la plu
part des faits d'ædème d'origine nerveuse. Ces ædèmes peuvent se ren
contrer dans les maladies avec lésions du système nerveux périphérique
comme dans celles du système nerveux central ; ils se manifestent égale.
ment dans les névrosez et dans certaines intoxications . On observe dans
lc rhumatisme des ædèmes présentant les plus grandes analogies avec
les ædèmes qui se produisent dans lesmaladies du système nerveux ; on
a également signalé des ædèmes d'origine nerveuse dans la goutte et
dans l'impaludisme.
ÉTUDE SUR LE XANTIIÉLASMA , par F. DUROSELLE ( 25 mars 1885).
Cette tièse est un résumé consciencieux des travaux récents sur le
xarithélasma, et sa lecture mérite d'être conseillée, car elle présente très
REVUE DE DERMATOLOGIE . 695

bien l'état actuel de la question . Les rapports du xanthélasma avec l'ic


t're et le diabète, les théories proposées pour exposer son développe
ment sont exposés avec soin par l'auteur qui est plus disposé à voir dans
cette affection le résultat d'une altération générale du sang . La descrip
tion anatomo-pathologique, très étendue a été faite sous la direction de
M. Balzer et montre bien les apparences diverses que peut revêtir, sui
vant les cas, le processus xanthélastique . Quant à la question de la na
ture du xanthélasma, l'auteur la déclare insoluble et, après avoir rap
porté les principales opinions émises, reconnait que la place de xanthé
lasma dans les cadres nosologiques est encore loin d'être déterminée .

ÉTUDE SUR L'HERPĖS GÉNITAL CHEZ L'HOMME ET CHEZ LA FEMME par H. PINTO
(7 juillet 1885) .
L'auteur s'est proposé d'étudier comparativement l'herpes genital dans
les deux sexes. Cette affection est à peu près également fréquente chez
l'homme et chez la femme. Chez l'homme, les éruptions confluentes sont
excessivenient rares , et le plus ordinairement on ne voit apparaître qu'un
très petit nombre de vésicules, tandis que chez la femme les éruptions
sont souvent abondantes et occupent quelquefois une grande étendue de
la zone génitale ; chez l'homme, l'herpès récidivant décrit avec tant de
soin par M. Doyon est très fréquent et l'herpès névralgique de M. Mauriac
n'est pas exceptionnel , tandis que ces deux variétés sont rares chez la
femme, qui est plus souvent atteinte d'herpès symptomatique, accom
pagné de phénomènes fébriles parfois assez prononcés, ou survenant au
moment des époques menstruelles .

LA ROSÉOLE SQUAMEUSE ET SES DIFFÉRENTES FORMES, par A. CHAPARD


( 29 juillet 1885) .

Sous la dénomination de roséole squameuse , proposée par M. Fournier,


l'auteur de cette thèse désigne l'affection plus souvent décrite sous le
nom de pityriasis rosé de Gibert ; il la considère comme un pseudo
exanthème à marche cyclique, dans lequel la desquamation n'a qu'une
importance secondaire, d'où la dénomination qu'il préfère. Les caractères
de l'éruption sont décrits avec assez de soin ; mais, malgré le titre
choisi par l'auteur, nous n'avons pas trouvé dans sa thèse la description
des formes diverses et parfois assez anormales que peut revêtir l'érup
tion . L'auteur mentionne les diverses causes qui ont été invoquées pour
expliquer le développement de cette maladie : production de troubles
vaso -moteurs, germination de parasites, mais ne discute pas leur valeur;
il note la fréquence de cette dermatose chez les jeunes sujets et l'in
696 REVUE DE DERMATOLOGIE .

fluence des saisons sur sa fréquence. Le chapitre du diagnostic est très


incomplet. Quinze observations inédites terminent cette thèse .

ÉTUDES SUR LES PAPILLOMES SIMPLES, par E. Notin (29 juillet 1885).
Cette thèse, écrite sous l'inspiration de M. Balzer, constitue une mo
nographie assez complète sur une dermatose à peine signalée par les
auteurs.On doit entendre sous le nom de papillome simple une tumeur en
plaque peu saillante, généralement diffuse et mal circonscrite, supportée
par une zone inflammatoire, caractérisée cliniquement et anatomiquement
par une hypertrophie avec hyperplasie des papilles du derme et de la
couche épidermique. Le siège de prédilection du papillome est la face
dorsale de la main et des doigts, principalement au niveau des articu
lations. Il n'a aucune gravité par lui-même, mais constitue une lésion 2

gênante en raison de son accroissement continuel, de sa localisation, de


la douleur qu'elle cause et des obstacles qu'elle apporte aux mouvements.
Il se rencontre surtout chez les individus exposés à des contacts irritants
(maçons, garçons marchands de vins, etc. ), mais il faut tenir compte
aussi d'une prédisposition spéciale aux productions papillaires; on
l'observe principalement chez les adultes et plus souvent chez les 1

hommes que chez les femmes . Le traitement consiste dans la destruction


par la ràclage ou par la cautérisation ignée. GEORGES THIBJERGE .

Le Gérant : G. MASSos,

Paris . Société d'imprimerie PAUL DUPONT, ii, rue d . - d . -Rousseau (C1. 00.11.04
DANDYDV
HINRITE
DE
REGNE
DV ROY
NOM
CONSTINCT
SAIRCTCOVIS
LHOSPITAL
DE
BASTIMENT
MAGNIFIQUL CHAALONNOIS
CHASTILLON
PARC
TUOB
LAN
NAVARRL
PE
EL
DE
TRANCE
,ET
REMAROVARLE
IL

1
b/
22

AR

XVII
°S
-LIÈCLE
SAINT
L'HÔPITAL
AU
OUIS
CHANTILLON
)de
C.
l'estampe
(d'après
N° 18 . 23 Décembre 1985 ,

TRAVAUX ORIGINAUX .

MÉMOIRES .

HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HOPITAL SAINT -LOUIS,


( Extrait résumé d'un travail en préparation sur l'histoire de l'hôpital
Saint- Louis . )

Par Henri FEULARD , interne des hôpitaux .

L'année 1606, la peste, qui, depuis 1596, n'avait pas sévi sur les Pari
siens, fit de nouveau son apparition dans la capitale. La saison d'hiver
ayant été particulièrement pluvieuse et « maussade » , fut la cause
de nombreuses maladies. Mais ce ne fut qu'au commencement de l'été
que se montrèrent les premiers cas de peste : à la fin de juin , dit L'Es
toile, « il y avait jusques à cinquante maisons infectées de peste, » Dès
lors les cas se multiplient, et la ville offre encore une fois le spectacle
affligeant de l'épidémie. Deux ou trois officiers étant morts au logis qu’oc
cupait la reine Marguerite, la princesse , abandonnée de ses gentilshommes
et de ses gens, est obligée de se retirer à Issy .
La fuite , tel semble le meilleur remède à la contagion. Henri IV suivi
de la cour émigre à Fontainebleau ;; les préparatifs commencés à Notre
Dame pour le baptême du Dauphin ( 1 ) et de ses seurs sont abandonnés,
et les cérémonies ont lieu à Fontainebleau le 14 septembre.
Les administrateurs de l'Hôtel- Dieu eux -mêmes désertent un instant
leur poste : ils cessent de tenir leur séance au bureau de l'ħôtel-Dieu,
redoutant le trop proche voisinage des malades, et décident de se retirer
au logis de l'un d'entre eux , le sieur d'Aubray.
La panique gagnait tout le monde. Ne s'inspirant que trop du célèbre
exemple de Galien fuyant l'épidémie, le maître barbier de l'Hôtel - Dieu
avait déclaré « qu'il ne voulait ni n'entendait se mettre au hasard de
panser les malades de la contagion », ce que ses prédécesseurs avaient
toujours fait cependant, et préférait se retirer. Son successeur , on le
( 1) Louis XII était né le 27 septembre 1601 , il fut baptisé seulement six an
après sa naissance .

ANNALES DE DERMAT. , 2e SÉRIE . VI . 46


698 HENRI FEULARD .

pense, fut vite trouvé, et , le 26 juillet, Jehan Bonnet fut reçu maitre
chirurgien de l'Hôtel-Dieu, « à la charge de panser, lui et ses gens, les
malades de quelque maladie que ce soit, même de contagion . » Il était
logé et nourri avec ses gens, moyennant 200 livres tournois de pages.
Vers la fin d'octobre, la maladie, qui avait diminué d'intensité, se
renouvela à la suite de la permission que donna M. le lieutenant civil
de faire les inventaires des personnes décédées ; le remuement de ces
hardes contaminées propagea de nouveaux germes. Cette recrudescence
dura peu, et le 17 novembre il n'y avait plus , à l'Hôtel-Dieu, suivant
l'état qui en fut dressé , que 50 malades de contagion , parmi lesquels
15 étaient prêts à sortir, 20 étaient quasi guéris, et, sur les 15 restants,
deux on trois seulement étaient en danger de mort. Cependant ceux qui
s'étaient réfugiés à la campagne hésitaient à rentrer , et l'ouverture du Par
lement, qui se faisait d'ordinaire huit jours après la Saint- Martin , « fut
différée à la huitaine, à cause du peu de monde qui estoit revenu et même
de ceux du Palais; chacun aiant voulu prendre l'air des champs, ce qui
causa un grand bien à Paris pour la maladie ( 1). »
Et pourtant cette épidémie avait été en réalité moins meurtrière que
la plupart de ses devancières : mais les esprits avaient été frappés, et de
celle terreur salutaire naquirent des mesures prophylactiques aux
quelles l'hôpital Saint-Louis doit son origine.
Jusqu'alors les pestiférés avaient été soignés à l'Hôtel -Dieu : d'abord
mélangés aux autres malades, puis dans des salles séparées et destinées
à cet usage. Telle fut la salle du Légat, construite en 1535 par Antoine
Duprat,chancelier et depuis cardinal et legat en France. Mais, outre que
ces salles devenaient rapidement insuffisantes à cause du grand nombre
des malades et de l'accroissement de la ville , il y avait un danger
imminent à entasser ainsi au milieu de la ville les contagieux, qui, venus
des quatre coins de la capitale, pouvaient contaminer les quartiers qu'ils
traversaient.

Déjà en 1596, tant le nombre des malades avait été grand , on avait
isolé quelques contagieux dans une maison du faubourg Saint -Marcel
située rue des Vignes (actuellement la rue Ralaud ou continuation de la
rue du Pot-de - Fer au delà de la rue Lhomond). On songea à reprendre et
à développer ce premier essai. Les Administrateurs de l'Hôtel- Dieu en
conférèrent avec le premier président du Parlement, Achille de Harlay :
on en parla au roi, et tout de suite le projet fut mis à exécution .
On visita, toujours au faubourg Saint-Marcel, une vieille maison
hospitalière, fondée, dit-on , par Marguerite de Provence, femine de Saint

(1 ) Mémoires de l'Estoile.
HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HÔPITAL SAINT- LOUIS . 699

Louis, et on décida de la transformer en une sorte d'hôpital de


pestiférés .
Mais cet hôpital Saint-Marcel était insuffisant ; les dimensions en
étaient trop restreintes et son éloignement le rendait inutile pour les
malades de la ville de la rive droite : on ne pouvait y envoyer que les
malades du côté de l'Université. Aussi était - il urgent de construire
au nord de Paris une maison destinée au même usage et qui pût servir
à loger les malades de cette portion de la ville, de beaucoup déjà la
plus nombreuse . C'est à quoi pourvut l’édit, rendu par Henri IV, au
mois de mai 1607 , et qui est l'édit de la fondation de l'hôpital Saint
Louis.
Le roi rappelait qu'en 1597 , sur les instances des gouverneurs de
l'Hôtel-Dieu, il avait accordé à cet établissement un octroi de 10 sols par
chaque minot de sel débité dans les greniers de la généralité de Paris ,
afin de subvenir aux besoins de l'hôpital, dont les ressources avaient
été épuisées pendant les troubles de la Ligue et les maisons et propriétés
en partie ruinées par la guerre ; mais cet octroi n'avait été que tempo
raire. Considérant, après en avoir longuement conféré avec le Prévot des
Marchands et les Échevins de la ville et discuté en conseil, que le meil
leur moyen de parer aux dangers de la peste dans Paris était de charger
les gouverneurs de l'Hôtel-Dieu du soin de tous les malades de conta
gion, il continuait pour cet usage , à l'Hôtel- Dieu, 10 sols déjà octroyés,
à savoir ö sols à perpétuité, et les ő autres sols pour une période de
quinze années seulement à dater du 1er octobre 1607.
Moyennant ce don, les gouverneurs s'engageaient à faire dans l'Hotel
Dieu les réparations et aménagements convenables dans les salles desti
nées aux pestiférés ; à mettre la maison de Saint-Marcel en état de rece
voir des malades de contagion ; à construire un bâtiment destiné au
même usage « hors les fauxbourgs, du côté de la ville Saint -Denis » ; à
meubler ces deux maisons et à y entretenir, en cas de besoin, le per
sonnel nécessaire. Ils s'engageaient à dépenser pour les frais de répara
tion et de construction au moins la somme de 120,000 livres. En même
temps, ils devaient payer les gages des deux prévols de la santé et de
leurs archers, et des deux chirurgiens chargés de voir à domicile les
malades qui ne seraient pas portés aux hôpitaux ; enfin , et c'était pour
>

servir de dédommagement aux vieux soldats que l'on renvoyait de la


Charité chrétienne, ils devaient, en trois années consécutives, donner la
somme de 24,000 livres, soit 8,000 livres par an , pour être employées
aux bâtiments que l'on devait faire dans l'hôpital Saint-Germain -des
Prés « pour servir à la retraite des pauvres invalides qui n'ont le moyen
d'être logés à couvert dans ladite ville » .
Ainsi donc allait s'élever un hôpital spécialement fondé pour recevoir
700 HENRI FEULARD .

des pestiſérés ; le roi voulut qu'il prit le nom d'hôpital Saint-Louis, en


mémoire de son illustre aïeul mort victime de la peste ; en même temps,
il s'adressait au pape Paul V et lui demandait d'ordonner par une bulle
que la fête de Saint-Louis devînt de commandement dans le royaume, et
que l'oftice de ce jour-là fut double par toute la chrétienté (28 novem
bre 1607) .
Ainsi prit naissance la grande fête de la royauté : c'était aussi en
l'honneur du pieux roi que le jeune dauphin avait été baptisé du nom de
Louis .
L'édit royal portait seulement que le nouvel hôpital de la Santé devait
être construit a hors des fauxbourgs, du côté de la ville Saint- Denis » .
Voyons sur quel emplacement s'arrêta le choix des gouverneurs de
l'Hôtel- Dieu .
En 1606 , l'enceinte qui limitait Paris était encore l'enceinte construite
sous Charles V , vers 1350 : elle occupait, pour la portion nord de la
ville, à peu près l'emplacement des boulevards actuels de la Bastille à la
porte Saint-Denis. C'était, dans le principe, un grand fossé dominé par
un talus de terre au sommetduquel se dressait un mur, reliant les portes
entre elles, fortifié de place en place de bastides crénelées . Au commen
cement du xvne siècle, ces fortifications étaient fort délabrées, et il n'en
restait plus guère que les l'enıblais de terre sur lesquels s'étaient cons
truits quelques moulins et de petites maisons. Deux portes principales
coupaient le rempart du nord : la porte du Temple et la porte Saint
Martin . A l'est de celle -ci, extérieurement, existait un haut monticule de
terre figuré sur tous les plans et surmonté de moulins à vent ( 1 ) .
De cette éminence, la vue s'étendait au loin vers le Nord : c'étaient
d'abord dans les parties les plus rapprochées du rempart des terres
basses presque toujours humides, traversées par un petit ruisseau trans
formé en égout, le ruisseau de Ménilmontant; on les appelait « le Ma
rais » ( 2) à cause de leur situation , et l'on y cultivait les légumes des
tinés à l'approvisionnement des Parisiens. Au delà , le terrain se relevait
en pente douce, laissant voir par places, au milieu de terres labourées et
de quelques vergers, les trous des carrières à plâtre; puis , dans le lointain,
fermant l'horizon , on apercevait les collines de Saint-Chaumont et de
Belleville, surmontées de moulins à vent et d'habitations campagnardes.
Dans cet espace, deux groupes principaux d'habitations attiraient
les regards : à l'Ouest c'était l'église Saint- Laurent, auprès de laquelle
s'étaient massées les maisons en grand nombre formant un faubourg
prêt à se joindre à la ville même; a l'Est c'étaient les petites maisons
et les jardins vergers de la Courtille que joignaient les premières habi
(1 ) BONNARDOT, Les anciennes enceintes de Paris.
(2) Le mot a maraicher » n'a pas d'autre étymologie.
HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HÔPITAL SAINT - LOUIS . 701

tations de Belleville . Deux routes importantes reliaient ces groupes à la


ville :: à l'Est le chemin dit de la Courtille, qui se continuait vers Belleville
(faubourg du Temple actuel) ; à l'Ouest le chemin de Saint -Laurent
(faubourg Saint-Martin ).
Ainsi donc était circonscrit , entre les remparts et les collines de Belle
ville, entre les chemins de Saint-Laurent et de la Courtille, une sorte
de quadrilatère irrégulier que sillonnaient quelques petites routes trans
versales unissant ces deux chemins ensemble. C'étaient la rue des Marais
(rue des Marais actuelle), la plus proche des remparts : au delà la rue de
Carême-Prenant, plus loin encore , presque à demi-côte, la rue Saint
Maur. Celle-ci toutefois n'allait pas directement rejoindre le faubourg
Saint-Laurent : à une distance égale environ des deux faubourgs, elle
rencontrait une autre route qui, partie de la rue Carême- Prenant, se
dirigeait vers le nord . C'était le chemin de Meaux, plus tard le chemin
de Pantin ; c'est actuellement la rue Grange-aux -Belles. Il avait la triste
célébrité de conduire à Montfaucon , dont les sinistres gibets se dres
saient sur le bord gauche de la route , un peu plus haut que l'intersec
tion du chemin de Saint-Maur.
C'est dans l'espace compris entre la rue de Carême-Prenant au Sud ,
le chemin de Saint-Maur au Nord, le chemin de Meaux à l'Ouest , et celu
de Belleville à l'Est , qu'on résolut d'édifier l'hôpital de la Santé. Abrité
par la montagne de Belleville, élevé au -dessus du niveau de la ville,
suffisamment éloigné des remparts et de tout groupe important d'habi
tations, en communication avec la ville par deux grandes voies fréquen
tées, le nouvel hôpital réunissait les conditions d'emplacement dési
rables pour une maison destinée à abriter des maladies contagieuses.
Les terres appartenaient pour la plus grande part aux prêtres de la
mission de Saint- Lazare, dont le couvent était voisin : c'étaient celles
qui étaient le plus rapprochées du chemin de Meaux. Les autres, du côté
de la Courtille et de Carême-Prenant, étaient à divers propriétaires,
cultivateurs ou bourgeois de Paris , et dépendaient de la Censive du Cha
pitre de Paris ou de la Censive de Saint-Martin - des -Champs.
Avant d'ailleurs de faire l'acquisition des terrains , les Administrateurs
avaient fait dresser les plans du futur hôpital . L'édit du roi était du
mois de mai : le 1er juin un « chevaucheur de l'escurie du roy » par
tait (1 ) en poste pour Fontainebleau, où était la Cour. Il portait à l'un
des gouverneurs de l'Hôtel-Dieu, M. Sainctot, les plans proposés par
le Bureau , et que celui-ci devait soumettre à l'approbation royale.
Le plan qui fut choisi par Henri IV existe encore aujourd'hui aux
Archives de l’Assistance publique : il est exécuté sur parchemin et visé
(1) Rég . délib .
702 HENRI FEULARD .

par Maximilien de Béthune, duc de Sully. L'approbation autographe est


ainsi conçue : « Le roy ayant veu les trois plants qui lui ont esté repré
sentés pour la maison de la Santé, a ordonné que le présent sera suivy.
Fait à Fontenebleau par nous Grand Voier de France . Maximilien
de Béthune . » La disposition actuelle de l'hôpital reste encore , comme
nous le verrons, la reproduction exacte de ce plan .
A qui doit-on rapporter l'honneur d'avoir construit l'hôpital Saint
Louis ? Les historiens de Paris qui ont traité de ce sujet sont loin d'être
d'accord. Les uns nomment pour architecte Claude Vellefaux , qui fut
au moins certainement, comme on le verra plus loin, le directeur des
travaux ; d'autres ne donnent à Vellefaux que ce dernier rôle de conduc
teur des travaux, et attribuent à Claude Chastillon le dessin de l'hôpital.
Nous ne pouvons ici entrer dans de grands détails qui nous entrai
neraient trop loin, nous reprendrons cette question dans notre livre.
Disons seulement que ce qui a fait attribuer à Chastillon l'architec
ture de Saint-Louis est un fort beau et curieux dessin qui fait partie de
la Topographie française, le célèbre recueil des vues de France de ce
topographe ingénieur du Roi : nous en donnons une reproduction
réduite . Chastillon est mort en 1616 : à ce moment l'hôpital était à peine
achevé ; on peut donc admettre que ce dessin très fini avait été fait
auparavant, et que c'est le modèle auquel Vellefaux s'est seulement con
formé.
Aussitôt les plans arrêtés, on fit connaître par voie d'affiches le devis
des ouvrages à faire. Quelques jours après, de nouvelles affiches « posées
aux lieux accoutumés, à la grande porte du Palais , au Grand Châtelet, à
la Porte-Neuve, proche la galerie du Louvre, à l'Escriptoire où se
mettent les Jurés Massons , à la Place Royale et à la porte de l'Hôtel de
Ville » annoncèrent que l'adjudication des travaux de maçonnerie aurait
lieu le 9 juin 1607 en la maison du Bailliage du Palais, en présence
de Monseigneur le premier Président et des Gouverneurs de l'Hôtel
Dieu .
Au jour fixé plusieurs Jurés Maçons se présentèrent, parmi lesquels
François Petit , Marin de La Vallée , Claude Vellefaux , Charles David,
Léon Fournier et quelques autres. Le greffier ayant fait lecture des
devis proposés, la séance d'adjudication commença . François Petit offrit
comme prix de la toisc de maçonnerie ia somme de 16 livres ; Claude
Vellefaux proposa 15 livres, et La Vallée 14 livres seulement. Ce rabais
ne parut pas suffisant à la compagnie et l'adjudication fut remise à
huitaine .
Cette nouvelle assemblée, qui eut lieu le 16 juin , n'aboutit pas plus
que la première : et cependant Vellefaux avait abaissé le prix de la toise
à 13 livres 15 sols. En conséquence, une troisième assemblée eut licu
HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HÔPITAL SAINT- LOUIS . 703

le 21 juin : on décida que le premier rabais serait de 5 sols, le deuxième


de 10 sols et le troisième de 15. Aucune proposition n'étant faite, on
commença selon l'usage à allumer les feux : la troisième petite chan
delle allait s'éteindre quand un entrepreneur se hasarda à proposer le
prix de 11 livres pour chaque toise. Quelque grand que fut ce dernier
rabais , il fut encore jugé insuffisant, et une nouvelle séance d'adjudica -
tion fut fixée pour le 24 juin : il fut décidé que ce serait la der
nière .
L'événement se.nbla donner raison aux temporisations des adminis
trateurs : ce jour -là le premier prix qui fut proposé fut de 10 livres 10 sols :
on ne pouvait rabaisser davantage. Cependant comme le troisième feu
allait s'éteindre sur cette mise à prix , un nommé Antoine Le Mercier
offrit 9 livres 15 sols comme prix de la toise . Naturellement les travaux à
exécuter lui furent adjugés : mais, en gens prudents pour l'avenir, les
Administrateurs exigèrent de l'entrepreneur qu'il fournît d'importantes
cautions.
Pendant que Le Mercier s'occupe à trouver des répondants, des admi
nistrateurs délégués se transportent sur l'emplacement choisi : le :

premier Président de Thou, le procureur général La Guisle , et Sanguin ,


le Prévôt des Marchands, les accompagnent. Ils ont emmené avec eux
deux médecins de l'Hôtel-Dieu, MM . Martin ct Hautin , qui sont chargés de
donner leur avis sur la situation choisie. Cette marque de déférence in
dique, de la part des Administrateurs, une préoccupation recommandable
touchant l'hygiène du futur hôpital. Les médecins ayant déclaré la place
excellente, on commence , séance tenante, à figurer sur le sol avec des
piquels les lignes principales du plan .
Antoine Le Mercier, qui a enfin trouvé des cautions suffisantes, reçoit
l'ordre de faire apporter sur le chantier les matériaux nécessaires, et,
deux mois à peine après que l'édit royal a été rendu, les travaux com
mencent.

Le vendredi 13 juillet, Henri IV vint lui-même poser la première


ierre de la chapelle.
Pour surveiller les travaux , la Compagnie choisit Claude Vellefaux
ui-même : il reçoit 100 livres par mois d'appointements, à charge d'aller
Saint- Louis deux fois par jour ou d'y envoyer à sa place quelqu'un
de capable .
Cependant, coinme on pouvait le prévoir, le rabais énorme consenti
par Le Mercier le conduisait peu à peu à la ruine. Malgré les avances
continuelles d'argent que lui fait le bureau , le malheureux entrepreneur
se voit forcé de suspendre les travaux et déclare qu'il ne peut les con
tinuer davantage sans se ruiner tout à fait; en déduction des sommes
qu'il a reçues il offre les ouvrages déjà exécutés, les matériaux amenés
704 HENRI FEULARD .

sur le chantier et son attirail. On était bien forcé d'accepter son désis
tement.
De nouvelles affiches furent alors apposées aux mêmes endroits que
les premières, annonçant une nouvelle adjudication le 12 septembre. Le
dernier prix proposé ce jour -là fut de 11 livres 15 sols la toise . L'ad
judication fut remise ; elle eut lieu enfin le 15 septembre, et pour le
prix de 11 livres la toise . Les nouveaux entrepreneurs étaient Perceval
Noblet, son frère Louis Noblet, Sébastien Jacquet ou Jaguet et Antoine
Desnots.
Après avoir fourni la caution préalable, les adjudicataires s'enga
yèrent solidairement à faire les ouvrages contenus au devis et à les
avoir terminés le dernier jour de décembre de l'an 1610 ou plus tôt si
faire se peut ; leur contrat fut passé le 20 octobre 1607.
Au moment où les nouveaux entrepreneurs reprenaient les travaux
il y avait déjà d'édifié, suivant l'estimation qui en fut faite ( 10 et 11 sep
tembre 1607) , les fondations des murs de la chapelle, des murs de la
cour de la chapelle, des pavillons des jardiniers et du mur de clôture
de ce côté .
Dès lors , les travaux furent poussés activement ; d'ailleurs l'argent ne
manquait pas aux entrepreneurs, qui recevaient en moyenne 8,000 à
10,000 livres par mois en payements espacés suivant les besoins. Pour
les vidanges de terre on employait des pauvres valides à qui on donnait
la nourriture et quelque argent.
Des accidents arrivés pendant les mois de décembre 1607 et janvier
1608, et dus à la gelée, forcèrent à recommencer en partie les murs déjà
élevés .
Au commencement de mars 1608 on posait déjà les fondations des
murs des salles ; en même temps , les autres corps de métier s'ajoutent
aux maçons. Le contrat avec les maîtres charpentiers Antoine Le
Redde et Jean Desfossés est du 5 décembre 1607 ; puis c'est le menui
sier maître Jean le Pas, le vitrier Michel Noël, le plombier Henry de la
Rue , le serrurier Jean Brotonne, etc.
7

Pour subvenir aux dépenses incessantes qu’exige cette vaste cons


truction , la Compagnie fait des emprunts; en échange de l'argent comp
tant qu'elle doit employer exclusivement au bâtiment de l'hôpital Saint
Louis, elle constitue des rentes à des particuliers .
Plusieurs arrêts du Parlement qu'il serait trop long de rappeler ici
autorisèrent ces emprunts .
A la fin de l'année 1608, le gros oeuvre de la chapelle était terminé, et
l'on s'occupait de la partie ornementale. Sur le portail on plaçait trois
tables de marbre noir destinées à recevoir des inscriptions commémo
ratives (décenıbre 1608 ) : les fenêtres se garnissaientde vitraux (février
HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HÔPITAL SAINT-LOUIS . 705

1609), et l'on commandait à Antoine le Moyne, fondeur ordinaire du


Roi, deux cloches « bien sonnantes et accordantes l'une avec l'autre »
(juillet 1609).
Le jour de la Saint-Louis, le 25 août et le dimanche suivant, le pu
blic fut admis à pénétrer dans la nouvelle église, dont on avait tendu
les murs de tapisseries.
Le pape avait accordé un pardon aux fidèles qui ces jours -là visiteraient
la chapelle de l'hôpital. Au commencement de 1610 l'aménagement in
térieur en était achevé ; les objets du culte étaient achetés et mis en
place, et le 7 mai, le maître au spirituel de l'Hôtel-Dieu détachait à
Saint-Louis un des chapelains pour y dire la messe.
Hélas ! la première cérémonie que l'on célébra fut un service funèbre
en l'honneur même de son fondateur. Le 14 mai 1610, Henri IV mou
rait assassiné ; toutes les églises de Paris célébrèrent à leur tour des
services solennels en l'honneur du défunt roi . Les administrateurs de
l'Hôtel-Dieu ne pouvaient faire moins pour le fondateur de l'hôpital
Saint - Louis .
Ils convoquèrent tous les officiers de l'Hôtel- Dieu, les entrepreneurs ,
les serviteurs et les domestiques à une messe solennelle dans la chapelle
de l'hôpital Saint - Louis. Elle eut lieu le 14 juillet, trois ans presque
jour pour jour depuis la pose de la pierre de fondation . Les murs de
l'église étaient tendus de drap noir et de velours, et sur les draperies
se détachaient des écussons coloriés aux armes de France. Le service
fut chanté par la maîtrise de la Sainte Chapelle, et l'oraison funèbre
du roi fut prononcée par le Père Deslandes .
Cependant les constructions des grandes salles étaient presque ache
vées ; les bâtiments en équerre du côté de Belleville étaient également
finis, et l'on commençait à édifier, juste à l'opposé de la chapelle et ter
minant l'hôpital du côté de la Courtille , le Pavillon Royal (aujourd'hui
Pavillon Gabrielle) (octobre 1610) . Ainsi l'on avait bâti tour à tour les
diverses parties de l'hôpital en procédant de l'Ouest vers l'Est.
On avertit alors les taverniers et les cantiniers qui tenaient des débits
où les ouvriers venaient manger, d'avoir à quitter la place au 1er mars 1611 :
le privilège de vendre du vin fut réservé au concierge que l'on venait
d'installer; pour lui permettre de se défendre contre les voleurs, peut
être aussi contre les cabaretiers jaloux , on l'avait muni d'un véritable
arsenal.
Pendant que les divers corps de métiers concourent à l'achèvement
des constructions, que les maçons , avant de se retirer, édifient les grands
perrons qui permettront de monter aux salles hautes (novembre 1611 )
et que s'exécutent les commandes de lits et de couvertures, les gouver
706 HENRI FEULARD .

neurs s'occupent à régulariser les actes de vente des terrains sur les
quels on a construit l'hôpital.
Il serait fastidieux de relater en détail chacun de ces contrats : on
en trouvera , d'ailleurs , le résumé aux pièces justificatives. L'argent
dépensé pour l'achat des terrains s'éleva , suivant l'état général de la
dépense, à la somme de 6,746 livres tournois . La superficie des terres
achetées équivalait environ à 27 ou 28 arpents. Dans ce compte , les
terres achetées aux religieux de Saint-Lazare figuraient à elles seules
pour huit arpents et demi. Il faut se rappeler que l'hôpital comprenail
alors seulement les parties situées dans l'enceinte limitée à ses quatre
angles par de petits pavillons bas à pignons pointus dont trois subsis
tent encore aujourd'hui ( 1 ) et permettent de reconstituer cet ensemble.
La chapelle à l'Ouest, le Pavillon Royal à l'Est, marquaient les deux points
extrêmes de l'hôpital.
Mais, tandis que, du côté de l'Ouest, le mur d'enceinte avait un
trajet rectiligne et , venant s'adosser de chaque côté au chevet de la
chapelle, laissait celle-ci presque tout entière en dehors de l'enceinte
et facilement accessible au public, du côté de l'Est, le mur décrivait
une courbe, figurant une sorte de demi-cercle, dans lequel était compris
une partie du Pavillon Royal, l'autre partie faisant directement façade
sur la campagne, du côté de la Courtille.
Celte disposition , dont il est encore facile de retrouver les traces sur
les lieux mêmes, est celle qui est figurée sur le plan visé par Sully ;
sur ce plan , un demi- cintre, semblable à celui du Pavillon Royal, est
indiqué du côté de la chapelle et forme à celle-ci une avant- cour : il
n'a pas été exécuté. On comprendra facilement ces détails en jetant un
coup d'oeil sur l'estampe si curieuse de Claude Chastillon, dont nous
donnons une reproduction réduite .
Dans le courant des années 1613 et 1614 , on s'occupa de régler les
>

comptes des entrepreneurs. Cela ne se fit pas sans quelques difficultés


pour les maçons et surtout pour les charpentiers, contre lesquels dut
intervenir une sentence du Châtelet, leur imposant un rabais de
5,738 livres sur leur mémoire : celui- ci montait encore à 109,730 livres
:

10 sols . Les maçons avaient reçu en payements divers, pendant la


durée des travaux, 339,532 livres 16 sols 10 deniers ; les autres entre
preneurs reçurent également d'importantes sommes d'argent. Bref, en
comprenant l'achat des terres, le total général des dépenses s'élevait à
679,068 livres 13 sols 11 deniers. Si l'on ajoule à celle somme l'argent
dépensé en arrérages des rentes constituées aux particuliers en échange

(1 ) Le quatrième a ité déinuli pour faire place au nouveau båtiment de la con


sultation externe,
HISTOIRE DE LA FONDATION DE L'HÔPITAL SAINT -LOUIS . 707

de l'argent comptant emprunté, les 24,000 livres payées à l'hôpital


Saint-Germain -des -Prés, suivant les terines de l'édit royal, on arrive
au total vraiment énorme de 798,410 livres (à peu près 3 millions de
notre monnaie actuelle ). Les dépenses faites à Saint-Marcel ne dépas
sèrent pas 5,000 livres. Comme on le voit , on était loin du compte des
120,000 livres que les gouverneurs s'étaient seulement engagés à dé
penser. En présence d'une situation aussi honorablement onéreuse, ils
s'adressèrent à la munificence royale. Le jeune roi voulut imiter la
charité et la libéralité de son père ; de l'avis de sa mère, régente, et de
son conseil, Louis XIII , par lettres patentes du mois d'avril 1613,
accorda à l'Hôtel-Dieu la possession à perpétuité des 5 sols à percevoir
par minot de sel , qui n'avaient été accordés que pour 15 années seule
ment par Henri IV . C'était donc maintenant un octroi de 10 sols par
minot de sel vendu dans les greniers de la Généralité de Paris dont
l'Hôtel-Dieu allait jouir à perpétuité par les libéralités de Henri IV et
de Louis XIII .
Le produit de cet impôt, pendant la première période de sa percep
tion , c'est -à -dire d’octobre 1607 à décembre 1612 , avait été de
267,673 livres 8 sols 9 deniers.
II

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA SYPHILIS CÉRÉBRALE


CHEZ L'ENFANT . -
SUR QUELQUES CAS DE SYPHILIS
HÉRÉDITAIRE A MANIFESTATIONS CÉRÉBRALES .
Observations recueillies å la Clinique des maladies cutanées et syphilitiques (Faculté
de médecine de Lille ) , dans le service de M. le professeur H. LELOIR, par
MM. L. Declercq et A. Masson, internes du service.

En l'espace de quelques mois, nous avons eu l'occasion de voir dans


le service de M. le professeur Leloir, à l'hôpital Saint-Sauveur, plu
sicurs cas bien avérés de syphilis héréditaire à propos desquels notre
maître nous a fait quelques conférences cliniques.
Deux d'entre eux nous ont particulièrement frappé par leur netteté
et leur importance ; il s'agit en effet de deux cas de syphilis cérébrale
chez l'enfant.
Ces deux observations nous semblent bonnes à rapprocher, étant
donné les rapports qu'elles présentent : mères d'abord indemnes de
syphilis, contaminées toutes deux, l'une au 2 mois, l'autre au 7 mois
de leur grossesse, accouchées à terme, dans les deux cas , d'un enfant
manifestement infecté .
Ces deux enfants ont d'abord présenté des lésions cutanées évidem
ment spécifiques, puis ont offert des signes non douteux de syphilis
cérébrale : l’un, atteint de syphilis cérébrale grave (altaques épilepti
formes subintrantes, épilepsie jacksonnienne), traité énergiquement par
la médication spécifique, s'est rapidement amélioré, puis guéri ;
L'autre, que l'incurie de la mère nous a empêché de voir au début de
l'affection, n'a pu être soumis au même traitement et n'a pas tardé à
mourir .
Nous ne ferons que résumer rapidement chacune de ces observations
en ce qui concerne les mères.

OBSERVATION I.

Marie C ... , 20 ans, fille soumise, entre le 11 novembre 1884 dans le


service de M. le professeur Leloir, salle Saint-Côme, nº 24 .
Femme petite, àſantécédents luberculeux, présentant elle-mème des signes
CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA SYPHILIS CÉRÉBRALE CHEZ L'ENFANT. 709

de tuberculose pulmonaire ; elle est, à son entrée, enceinte d'environ 7 mois ;


hémoptysies antérieures ; aucune maladie vénérienne.
Coît il y a environ cinq mois avec un individu syphilitique (la confronta
lion a été faite) ; sur la petite lèvre droite, trace du chancre infectant ; sy
philides papulo - érosives de la vulve et de l'anus, ædème des grandes lèvres ;
papules muqueuses de la gorge ; céphalalgie tous les soirs ; plus de traces de
roséole .
26 décembre. A la face interne des fesses, au niveau de la partie intérieure
de la vulve et du dessus de l'anus de chaque côté, il existe deux placards
papillomateux et ulcéreux que M. le professeur Leloir nous dit être des
syphilides tuberculo -ulcéreuses hypertrophiques. Ces placards suppurent
abondamment, et sont traversés par des sillons irréguliers, au fond desquels
se montre une ulceration brunâtre, à fond putrilagineux. Ces lésions sont
indolentes et reposent sur une base indurée .
7 février 1885. Accouchement à terme. L'enfant est petit, atrophić,
vieillot ; aux pieds et dans la paume des mains existent quelques macules
petites, saillantes ; quelques macules se trouvent également dans le sillon
interfessier ; les muqueuses sont saines .
On commence immédiatement le traitement spécifique : 1 gramme d'on
guent hydrargyrique en frictions; la mère nourrit elle-même son nouveau -né.
Jusqu'au 27 février, l'enfant est toujours chétif, påle, peu vivace , quoi
qu'il prenne assez bien le sein ; doux grands placards de syphilides papulo
squameuses se sont développés à la face interne des cuisses et sur les
mollets .
10 mars. De plus , la mère nous raconte que depuis une dizaine de
jours son enfant a des accès convulsifs précédés par une sorte de cri
plaintif (probablement accès épileptiforme) .
31 mars . Nous assistons à l'un de ces accès dont la fréquence est
devenue extrême malgré le traitement. Les accès se succèdent, en effet,
presque sans interruption ; ils sont même devenus subintrants et consti
luent comme un état de mal épileptique.
Chaque accès, à peu près semblable à celui qui le précède, mériterait une
description spéciale ; chacun d'eux dure environ quarante à cinquante se
condes ; ils affectent deux types principaux.
Dans le premier, l'enfant a quelques mouvements irréguliers des bras et
des jambes, comme des réflexes de défense, remplaçant peut-être l'aura, le
7

cri ou la chute de l'attaque d'épilepsie; pas de cri initial ; pâleur subite de


la face, qui devient verdátre; cadavéreuse, les yeux sont entourés d'un cercle
de bistre .
Il se produit ensuite durant quelques secondes une sorte d'accalmie : pas
d'état tetanique; les membres sont flasques.
Le pied droit commence alors à être agité de mouvements rythmiques,
réguliers, peu étendus, de flexion et d'extension ; l'agitation gagne bientôt
le membre inférieur droil tout entier, puis vient le tour du membre supérieur
du même coté ; enfin la tête s'incline fortement à droite sous l'influence de
la contraction des muscles du cou .
Le visage regarde également à droite ; la bouche, violemment contractée,
est fortement attirée en haut et à droite, tandis que grimace toute la partie
correspondante de la face.
En même temps existe un mouvement de machonnement : sur les lèvres
710 11 . LELOIR .

bleuies , à chaque commissure, vient sourdre un peu de salive écumeuse , vis


queuse , épaisse ; la respiration semble suspendue.
L'attaque cesse alors graduellement saus s'étre étendue au côté gauche du
corps.
Après l'attaque, coma prolongé, profond, précédé d'une très courte période
pendant laquelle l'enfant semble se réveiller, ouvre les yeux , cligne les pau
pières, fait quelques mouvements .
Pendant le coma commence une nouvelle allaque qui peut être l'analogue
de la première ou présenter le second type , qui est le suivant :
Celle fois, l'enfant crie ; il ne jette pas un cri unique, il en jelle plusieurs
qui se suivent immédiatement, irrégulièrement, différents de ton , d'intensite,
de durée généralement très courte, comme dus à la contraction irrégulière
des muscles du thorax et du larynx.
L'attaque commence par le bras gauche tout entier ; le pouce est fichi
dans la paume de la main ; les muscles du cou se prennent ensuite, la tèle
s'incline à droite, la bouche est tirée en haut et à droite, la face grimace de
ce coté ; vient ensuite le lour du membre supérieur et enfin du membre in
férieur droits . Cependant cette fois encore l'accès convulsif ne se généralise
pas : après avoir commencé à gauche et suivi une marche ascendante (bras
gauche, lète) , il cesse à gauche et s'étend à tout le côté droit en suivant celle
fois une marche descendante (tete, membre supérieur, membre inférieur
droits), de sorte que l'on retrouve en somme l'allaque unilaterale, telie
qu'elle s'est produite dans le premier type que nous avons décrit : coma
( galement prolongé, respiration faible , peut- être de l'accélération du pouls,
pas d'émission d'urine ni de matières fécales .
Traitement. Frictions avec 2 grammes d'onguent mercuriel ; on y ajoute
1 gramme d'iodure de potassium .
8 avril. Les attaques ont diminué de fréquence et laissent au petit ma
lade quelques intervalles de repos : continuation du traitement.
15 avril. Les accès convulsifs sont devenus rares . Quelques papules éro
sives se développent sur les fesses.
18 avril. Plus d'allaques . On supprime l'iodure de potassium .
30 avril. L'enfant tousse ; ventre gros et dur.
14 mai. La mère et l'enfant sont en excellent état .
17 juin . L'enfant se porte bien ; on lui fait encore cinq fois par mois des
frictions hydrargyriques.
25 juin . Apparition chez l'enfant, sur les fesses et autour de l'anus, de
quelques papules érosives ; l'état général est très satisfaisant. Pansement à
la pommade au calomel.
5 juillet. Disparition presque complète des papules péri-anales ; à leur
niveau on peut constater une assez notable pigmentation.
30 juillet. État général excellent. Aucun accident ni chez l'enfant ni chez
la mère . Exeat .
Observation II .

Marie P ..., 30 ans, servante, entre le 22 janvier 1885 dans le service de


M. le professeur Leloir, salle Saint-Henri, nº 11 .
Femme d'apparence lymphatique, à antécédents peut- être tuberculeux,
n'ayant pas fait de maladie grave antérieure, enceinte de 7 mois environ a
son entrie .
Elle entre pour une érosion de la petite lèvre gauche, érosion survenue,
CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA SYPHILIS CÉRÉBRALE CHEZ L'ENFANT . 711

dit -elle , il y a une dixaine de jours, et qui se trouve étre un chancre érosif
reposant sur une induration très étendue. OEdėme dur de toute la pelite lèvre
gauche, adenopathie bi- inguinale multiple ; rien à la peau .
26 février. Cicatrisation du chancre et persistance d'une forte induration .
31 mars. Accouchement à lerme.
L'enfant, pelit et débile , nait avec une syphilide érythémateuse, érythémato
9

papuleuse et en certains endroils squameuse, disséminée sur presque toute


l'étendue de la surface cutanée ; on constate de plus sur les mains, les pieds
et dans les aines quelques bulles pemphigoïdes en voie de dessiccation .
Trailement. Frictions hydrargyriques à 1 gramme.
11 avril. Périostose gommeuse grosse comme une noix au niveau de
l'angle du maxillaire inférieur droit ; continuation du traitement.
2 : avril . L'enfant et la mère sortent en assez bon état .
4 mai. Ils rentrent tous deux pour de nouveaux accidents. La mère,
extrèmement bornée, ne peut nous donner aucun renseignement; au dehors,
manque absolu d'hygiène et de traitement.
C'enfant a beaucoup maigri en quelques jours; il est malingre, chétif, et
sa peau sur presque toute son étendue est le siège d'une assez forte desqua
mation ; il ne mange plus, vomit souvent ; il ne pleure pas cependant, som
meille presque toute la journée ; parfois sa tête roule de droite à gauche sur
Toreiller. La nuit, nous racontent les malades, il jelte parfois des cris plain
lits, assez intenses, très courts ; il ne semble pas qu'il y ait d'accès convul
siſs . Le pouls est ralenti. Quoiqu'il n'y ait pas d'autres signes diagnostiques,
on songe à quelque complication du côté des méninges.
5 mai. Même état .
7 mai. Le petit malade meurt sans s'être réveillé.
Autopsie faite le 9 mai. Recueillie par M. Tavernier, externe du
service .
Aucune lésion spécifique des os, des muscles, du foie et de la peau .
Les seules lésions qui existent se trouvent répandues dans la substance
cérébrale et sur le cervelet. On trouve sur la face inférieure de l'hémisphère
gauche ( lobe sphénoïdal) un foyer de ramollissement jaune ocreux de la
grandeur d'une pièce de 50 centimes, empiétant sur la 2° et la 3º circonvo
volutions temporales.
A la face interne de l'hémisphère droit et sur le corps calleux près du
genou un autre foyer de ramollissement rouge, d'à peu près égales
dimensions,
Du mème cólé, touchant le corps calleux et le corps strié, un foyer de
ramollissement ocreux du diamètre d'une forte lentille .
Sur le cervelet , lobe droit, existe un foyer ocreux large de 5 millimètres et
longeant le sillon circonférentiel sur loute sa partie externe ;; au centre de
ce lobe on trouve un autre foyer analogue et de la grandeur d'une
lentille .
Le lobe gauche du cervelet présente aussi 3 foyers de ramollissement
ocreux et de dimensions également lenticulaires, situés à la face supérieure.
De plus, loute la pie -mère qui recouvre la face supérieure du lobe droit est
infiltrée d'une matière ocreuse formée par des cristaux d'hémine que l'exa
men microscopique permet de reconnaitre.
Examen histologique par M. le Dr Leroy (agrégé de la Faculté ). I
existe une artérite syphilitique des artères de l'hexagone de Willis. Ces
artères apparaissent comme un cordon cylindrique d'aspect blanc mat.
712 H. LELOIR .

Enfin , le microscope révèle dans un foyer la présence : 1º de cristaux


d'hémine ; 20 de graisse libre; 3º de placards granulo-graisseux avec de
nombreux noyaux (corpuscules de Gluge) ; 4° de globules rouges en quantité
considérable, par placards ; 5° de globules blancs .
Les capillaires présentent des altérations diverses, depuis la multiplication
miliaire jusqu'à la dégénérescence granulo-graisseuse.
Une dernière observation également intéressante , quoique incomplete,
est celle qui nous est offerte par le n° 8 de la salle Saint-Antoine, du
service de M. le professeur Leloir.
OBSERVATION III .

0..., Jean , 58 ans, conducteur de voitures, s'est marié une première fois,
il y a 36 ans ; quatre enfants bien portants sont nés de ce mariage.
Veuf au bout de 15 ans, 0... contracte en 1869 un chancre induré suivi
d'accidents constitutionnels graves, en particulier d'accidents tertiaires pour
lesquels il entre à l'hôpital le 23 septembre 1884 : syphilides tuberculeuses
et tuberculo -ulcéreuses du cuir chevelu, du nez, de la face, suivies dans le
cours d'un traitement spécifique énergique de nombreuses syphilides tuber
culo - croûteuses du dos ; on constate de plus à l'entrée du malade de nom
breuses cicatrices caractéristiques d'accidents spécifiques antérieurs.
Notons en passant que la syphilis, fouettée par l'alcool , s'est montrée
rebelle au traitement, qui fut brusquement interrompu, puis repris : le malade
finit par guérir.
Quatre ans après avoir contracté la syphilis, 0... se remarie : 3 enfants ;
sa femme a de plus fait une perte il y a huit mois.
De ces trois enfants , l'un est mort à quatorze mois environ, d'une maladie
indéterminée ; le second , âgé aujourd'hui de 7 ans , présente un crâne nati
forme, quelques légères cicatrices des fesses, pas de lésions de la cornée ni
des dents ; son intelligence est excessivement bornée ; le troisième, une fille
de 5 ans, ne parle pas et se trouve dans un état complet d'idiotie.
La mère ne semble pas avoir eu d'accidents spécifiques, mais de temps à
autre elle est sujette à de la céphalalgie, particulièrement le soir.
Les observations ci-dessus montrent que la syphilis à manifestations
cérébrales chez l'enfant peut affecter les caractères de certaines lésions
analogues à celles de l'adulte et développées au niveau des régions
motrices, amenant ainsi de l'épilepsie jacksonnienne (observation 1 ) ;
cependant, dans cette curieuse observation , le petit sujet n'a pas eu de
paralysie après ses nombreuses attaques ; il a présenté un état comateur
très analogue à celui de l'épilepsie essentielle, quoique l'attaque con
vulsive ait été presque exclusivement unilatérale.
Notre observation II, insuffisante comme renseignement, prouve
cependant quelle similitude clinique il peut y avoir entre les symptômes
de la syphilis cérébrale de l'enfant et certaines méningites et méningo
encéphalites d'origines diverses ; elle montre de plus avec quelle rapidité
peuvent évoluer les lésions spécifiques des centres nerveux , tandis que
CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA SYPHILIS CÉRÉBRALE CHEZ L'ENFANT. 713

dans certains cas, au contraire , la syphilis se manifeste chez les enfants


par des lésions à marche torpide ou chronique amenant leur déchéance
intellectuelle observation III ) .
La promptitude avec laquelle s'est trouvé guéri notre petit malade de
l'observation I prouve une fois de plus, comme d'autres l'ont dit du
reste avant nous, que certaines prétendues méningites tuberculeuses
guéries par l'hydrargyre intus et extra n'ont fort probablement été que
des lésions cérébrales spécitiques. Enfin il sera bon pour le praticien ,
dans le cas d'épilepsie jacksonnienne, de rechercher avec soin les anté
cédents syphilitiques, et de se souvenir avec quelle rapidité peuvent sur
venir ces accidents : dans nos observations I et II , en effet , les symptômes
>

cérébraux d'origine syphilitique non douteuse se sont développés en


quelques jours, sans que rien , pas même l'âge de la diathèse, pût révéler
leur nature .
La diathèse, une fois reconnue, sera dans le plus bref délai combattue
par un traitement énergique, mixte, comme l'a prescrit M. le professeur
Leloir : on remarque fort bien , en effet, dans notre observation I , que
les frictions hydrargyriques n'ont pas empêché l'éclosion des accès con
vulsifs, tandis qu'elles ont agi avec me surprenante énergie lorsqu'on
7

leur eut associé 1 gramme d'iodure de potassium .

ANNALES DE DERMAL ., 2 ° SERIE . VI. 47


III

TRAITEMENT DU CHANCRE PHAGÉDÉNIQUE


ET DES SYPHILIDES ULCÉREUSES,
Par le Dr Paul SPILLMANN ,
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy ( 1 ) .

Le phagédénisme est à coup sûr une des complications les plus tenaces,
les plus rebelles , et souvent les plus graves des maladies vénériennes.
La multiplicité des traitements employés pour combattre le phagéde
nisme indique assez combien ce mal est souvent au - dessus des res
sources de l'art .
C'est ainsi qu'on a préconisé tour à tour le camphre, l'iodoforme, le
tartrate ferrico - potassique, l'acide pyrogallique, le nitrate d'argent, la
balnéation continue, le cautère actuel , le jus de citron, l'opium , etc.
Quand j'ai été chargé, il y a cinq ans, de la clinique complémentaire
des maladies syphilitiques, j'ai trouvé dans mon service deux malades
atteints de syphilides ulcéreuses serpigineuses anciennes, qui avaient été
traités sans succès par la médication interne et par des topiques locaux
variés. Je soignais à ce moment plusieurs lupus de la face par la méthode
du raclage; j'appliquai la même méthode de traitement aux syphilides,
et avec plein succès.

Obs. 1. – Syphilide serpigineuse des fesses, datant de 3 ans .


Guérison .

P ..., 26 ans, fille publique, est entrée au service en 1879 , pour une syphi
lide serpigineuse des deux fesses, qui a envahi successivement les deux
régions fessières.
Il existe deux plaies ulcéreuses, à bords festonnés, de l'étendue de deux
assiettes environ , qui se confondent au niveau de la région anale. Tous les
trailements ayant echoué, je me décide, au mois de janvier 1881 , à chloro
former la malade, et je racle les deux ulcérations avec une curette de
Volthmann ; la plaie est ensuite lavée avec de l'eau phéniquée et pansée avec
du coion . Au bout de 6 jours, le pansement au colon est remplacé par un
pansement au sublimé (compresses trempées dans une solution de liqueur de
Van Swieten , mitigée et recouverte d'un taffetas imperméable.
Au bout de 6 semaines, la cicatrisation était presque complète ; je me
( 1) Ce mémoire a été communiqué au Congrès pour l'avancement des sciences
de Grenoble.
TRAITEMENT DU CHANCRE PHAGÉDÉNIQUE. 715

décide à racler à nouveau deux points de l'étendue d'une pièce de 5 francs,


au niveau desquels le mal semblait rester stationnaire ,
Guérison complète au bout d'un mois .
J'ai revu cette malade, il y a 6 mois, dans mon service, où elle était
entrée pour une vaginite. La cicatrisation s'était maintenue parfaite.

Obs. II. -

Syphilide serpigineuse de la jambe gauche, datant de 5 ans.


Guérison .

J. Feltzer, 41 ans , a eu la syphilis en 1864. Ce malade , d'une constitution


assez robuste , porte à la jambe gauche un ulcère phagédénique serpigineux,
qui s'est étendu successivement à tout le mollet, aux régions antérieures et
externes de la jambe. Depuis le genou jusqu'à la cheville , cette jambe n'est
pour ainsi dire qu'une plaie. Cette lésion, qui date de plus de 5 ans, a
été traitée localement, et sans résultat, par le précipité, l'onguent styrax,
l'emplâtre de Vigo , l'iodoforme; à l'intérieur, par un traitement mixte .
Ce malade est désolé de ne pouvoir se débarrasser de son mal . Le 12 fé
vrier 1881 , je soumets ce malade à la même opération que la première de
mes malades. Je remplace le pansement ouaté des premiers jours par un
pansement à l'iodoforme, qui est abandonné au bout de quelques jours pour
un pansement au sublimé.
Quelques points, de l'étendue d'une pièce de 1 franc, ne se modifiant pas
assez rapidement, je pratique un nouveau raclage au mois d'avril .
Guérison complète en mai. Ce malade reste encore dans mon service
pendant 10 mois ; il est soumis à un traitement par le sirop de Gibert.
Aucune récidive .
Je passe maintenant aux observations de chancre phagédénique, qui
font l'objet spécial de ce travail.

Obs . III . Chancre phagédénique datant de près de 2 ans, ayant


labouré successivement la face antérieure de la cuisse droite et le pli de
l'aine. Guérison .

X... , étudiant en médecine, 23 ans, d'une constitution robuste, à tempéra


ment lymphatique, très nerveux , n'a jamais eu de manifestation de scrofule.
Parents forts. Pas de trace d'affection constitutionnelle dans la famille.
X... contracte la syphilis au mois de juillet 1880. Il suit un traitement
sévère pendant près de 2 ans, et ne présente que des manifestations spéci
fiques très légères .
Au mois de février 1885 , X... est atteint d'un chancre mou du sillon
balano- préputial. Vers le dixième jour, il a la funeste idée de se faire deux
inoculations expérimentales sur le milieu de la face antérieure de la cuisse
droite . L'une de ces inoculations avorte ; la seconde donne naissance à une
petite pustule de 1 centimètre de diamètre qui, rompue, laisse voir une ulcé
ration de 6 à 7 millimètres de diamètre, à fond grisâtre, sanieuse, à bords
taillés à pic et décollés. Le septième jour seulement, X... applique un moxa ii
la pâte de Vienne, qu'il laisse en place pendant 10 minutes. Il détermine ainsi
la formation d'une eschare de 2 centimètres de diamètre, qui, en tombant,
laisse à nu une plaie régulière, sanieuse, à bords edématiés et un peu décol
lés. Il panse cette plaie à l'iodoforme. Sur ces entrefaites , le chancre du
716 PAUL SPILLMANN .

prépuce, pansé avec la même poudre, avait complètement guéri. X... sortait
malgré sa plaie, allait à l'hôpital, au café, et se pansait lui-même, plus ou
moins soigneusement. Aussi, au bout d'une dizaine de jours, la plaie prenait
elle un aspect phagédénique, à fond gris sale , à bords épaissis, violacés,
déchiquetés et décollés; elle gaguait rapidement en periphérie. Le malade,
très insouciant de sa nature, continue le même genre de vie .
Dans les premiers jours d'avril, douleur vive dans l'aine droite, avec cha
leur et rougeur. On constate l'existence d'un bubon chancreux qui est incise
au bout d'une quinzaine de jours et donne isstie à une grande quantile
du pus. Pansement à l'iodoforme.
Les bords de la plaie', décollés dans une assez grande étendue, se sphacé
lent rapidement et constituent bientôt une plaie irrégulière de 8 à 18 centi
mètres de long dans la direction du pli de l'aine, et de 4 à 5 centimetres de
haut, très profonde et anfr tueuse . Les bords sont épais, a'dématiés, vio
lacés, déchiquetés, et se détruisent progressivement. Sécrétion purulente,
abondante .
Le phagédénisme gagne peu à peu toute l'étendue du pli de l’aine depuis
deux centimètres environ de l'épine iliaque antéro -supérieur, jusque ver's
l'insertion du scrotum . lleureusement la plaie ne s'étend pas dans le sens de
la profondeur.
Pendant ce temps, le chancre d'inoculation continue aussi à s'étendre sur
la face antérieure de la cuisse, et atteint, au mois de juillet, une surface de
12 à 15 centimètres de diamètre ; il reste aussi superficiel. Suppuration très
abondante .
X ... se pansait toujours lui-même à l'iodoforme, plus ou moins régulière
ment. Il continuait à vivre comme d'habitude; sortait, se promenait en boi
lant, passait des après -diners au café . Les pansements étant plus ou moins bien
appliqués, glissaient souvent, et , chose àà prévoir et à craindre, il s'inocula
un nouveau chancre sur la face interne et supérieure de la cuisse droite, au
mois du juin . Ce nouvel ulcère s'étendit rapidement en profondeur et en
superficie, et atteignit, en peu de temps, la surface d'une pièce de 5 francs,
sur une profondeur de 1 à 2 centimètres, avec tous les caractères des deux
autres plaies.
Voyant que l'iodoforme n'amenait aucun résultat, X ... employa successive
ment une solution étendue de nitrate d'argent, puis de l'acide pyrogallique.
Il n'en résulla aucune amélioration.
Son état général souffrit peu à peu de cette suppuration, qui devenait de
plus en plus abondante ; le jeune homme devenait påle, et maigrissail à vue
d'oeil.
Août 1883. Sur mes conseils, X... va , du 2 au 26 aoul, faire un séjour à
Schintznach , où il prit une série de bains sulfureux chauds à 45 degrés. Ses
ulcères ne changèrent guère d'aspect ; ils restérent à peu près stationnaires.
Néanmoins, vers la fin de la saison , la plaie de la face antérieure de la cuisse
commença à se cicatriser à sa partie inférieure sur une hauteur de 1 à 2 cen
timètres.
Septembre.Pendantlemois de septembre, \ ... , rentré dans sa famille , con
tinua à prendre tous les jours un bain chaud de 10 degrés environ . Pansement
l'iodoforme. Peu de changement ; aucune tendance vers la cicatrisation.
Quelques petites poussées phagédéniques à la partie supérieure de la plaie
inguinale et en différents points de la plaie crurale.
Octobre. Pansement au nitrate d'argent ( 2 0,0) deux fois par jour. La plaie
TRAITEMENT DU CHANCRE PHAGÉDÉNIQUE. 717

de la face antérieure de la cuisse commence à se cicatriser de bas en haut,


mais seulement au centre, laissant ainsi le pourtour ulcéré, et prenant la
forme d'un fer à cheval, à concavité inférieure. La plaie de l’aine se cicatrisa
aussi en partie et fut coupée en trois plaies plus petites par deux ponts de
tissu cicatriciel . L'ulcération de la face interne de la cuisse ne changea pas
d'aspect.
Vers la fin d'octobre, X ... revient à Nancy et recommence sa vie ordi
naire , se pansant lui-même de nouveau à l'iodoforme. Aussi il se produisit
un arrêt absolu de la cicatrisation . Le phagédénisme néanmoins, ne s'étendit
pas davantage. Pendant une quinzaine de jours de juin , les plaies restèrent
absolument stationnaires. Elles avaient repris un mauvais aspect : fond gris
sale , fongosités grises, se détruisant par la moindre pression , suppurant
beaucoup. Bords dématiés, violets, déchiquelés, décollés plus ou moins
loin .
L'état général, qui s'était un peu amélioré pendant les deux mois d'ab
sence , recommença à souffrir .
Novembre. En face de cette absence complète de tendance à la cicatrisa
tion, je me décide à détruire par le raclage les fongosités chancreuses.
Le 10 novembre, X ... est chloroformé. Les plaies sont raclées avec soin
dans tous les points, de façon à enlever tous les tissus malades avec les
curelles de Volkmann . Les bords des plaies sont excisés dans tout leur
pourtour , partout où ils étaient adématiés et violacés. Les bourgeons sont
détruits
intacte
facilement, et l'on arrive ainsi jusqu'à l'aponévrose, qui est partout
.
Peu de sang
Lavage des plaies avec une solution forte d'acide phénique 5 0/0 , et ,
quand le sang est arrété, on applique un pansement à l'iodoforme, recou
vert de coton salicyliqué et d'une couche épaisse d'ouate. Légère com
pression .
Les jours suivants , point de fièvre, point de réaction . Les premiers jours,
quelques douleurs lancinantes qui se calment bientôt.
Le premier pansement reste en place trois jours ; à l'ouverture, un peu de
suppuration sans odeur particulière. Les plaies sont lavées à l'acide phénique;
elles ont un aspect rouge de bonne nature. Les bords sont aplatis comme
dans une plaie ordinaire.
A l'ouverture du deuxième pansement, laissé en place deux jours, on trouve
une quantité considerable de pus, à odeur très pénétrante. Les plaies sont re
couvertes d'une couche de couenne rosée ( fibrine coagulée ). Le malade avait
beaucoup remué, s'était levé plusieurs fois.
Pas de douleur .
A partir de ce moment, le pansement est renouvelé tous les jours. Grands
lavages à l'acide phénique en solution de 2 0/0 . Pansement à l'iodoforme en
poulre. Compression légère.
Dės le cinquième jour, le fond de toutes ces plaies se remplit de beaux
bourgeons, d'aspect rose , saignant au moindre contact. Les bords sont nets,
réguliers, aplatis, et ne tardent pas à se rétrécir.
La plaie moyenne de l’aine se cicatrise la première et « st totalement fer
mée le 24 novembre. La plaie externe de l’aine est cicatrisée dès les premiers
jours de décembre.
La plaie interne de l’aine a peu de tendance vers la guérison. Pendant une
quinzaine de jours, elle reste stationnaire. A la place de bourgeons charnus,
718 PAUL SPILLMANN .

de bonne nature, le fond est rempli d'un tissu uni , rosé , edématié, se dé
ruisant à la moindre pression, ne saignant pas . Néanmoins les bords ont
bon aspect, et vers la troisième semaine des trainées épidermiques, parlant
de ces bords, font espérer une prompte cicatrisation. Un pont de tissu cica
triciel coupe bientôt cette plaie en deux. La moitié externe continue à bien
aller, tandis que la moitié interne ne tarde pas à reprendre une marche en
vahissante ; les bourgeons charnus se détruisent, les fonds de la plaie de
viennent gris, les bords s'ædématient et se détruisent progressivement, et
la plaie augmente assez rapidement d'étendue, détruisant une partie du
tissu de cicatrice formé dans son voisinage .
La plaie de la partie interne et supérieure de la cuisse a sensiblement la
même marche : état stationnaire au début ; quelques points où la cicatrisation
semble vouloir se faire, et, au bout de trois semaines environ , destruction des
bourgeons charnus remplacés par des fongosités chancreuses qui détruisent
tout ce qu'avait gagné la cicatrisation .
Il en est de même pour la plaie en fer à cheval de la partie antérieure de
la cuisse . Quelques points se cicatrisèrent très vite , et la plaie fut bien!ot
coupée en plusieurs endroits par des ponts de tissu de cicatrice , allant d'un
bord à l'autre d'une des branches du fer à cheval . Mais les deux extrémités
du fer à cheval reprirent bientôt leur marche envahissante, avec tous les
caractères d'un chancre phagédénique ( suppuration abondante, fond de la
plaie gris-sale, fongonsités cedémateuses et sans vitalité ; bords épais, vio
lacés , déchiquetés, décollés) .
Néanmoins les deux petites plaies du centre du fer à cheval se cicatrisèrent
totalement.
Pansement quotidien à l'iodoforme, après lavage soigneux à l'acide phé
nique.
Traitement tonique et reconstituant.
Iodure de potassium , un gramme par jour.
Repos absolu .
Décembre. Pendant le mois de décembre, la cicatrisation fait peu de pro
grès. Tous les trois ou quatre jours, pour stimuler les bourgeons charnus
et détruire les fongosités, qui tendent à reprendre du terrain, on fait des
cauterisations au crayon mitigé.
Mais X ... , au lieu de garder le repos, se lève chaque jour et va se pro
mener.
Vers la fin de décembre, non seulement la cicatrisation s'était arrêtée,
mais plusieurs points des plaies avaient repris une marche phagédenique
envahissante . Plusieurs points cicatrisés furent ainsi détruits à nouveau .
En janvier et en février, l'état reste à peu près le même, mais les plaies
s'agrandissent à la périphérie, les bords se décollent.
L'état général est assez bon ; mais X ... perd patience, sort et marche
souvent beaucoup. Pendant les mois de mars, avril et mai , il se produit peu
de changement. On essaye, sans succès, l'opium à l'intérieur. Le jus de citron ,
employé pendant quelques jours, provoque de telles douleurs qu'il faut y
renoncer .

A la fin de juin , voici quel était l'état du malade :


A l'inée, il existe deux plaies divisées par une bande de tissu cicatriciel.
La plaie externe a 3 centimètres de diamètre; elle est très irrégulière. La
plaie interne est beaucoup plus grande, s'étend assez haut; le plus grand
diamètre a 7 centimètres; à la partie interne elle envoie un prolongement
TRAITEMENT DU CHANCRE PHAGÉDÉNIQUE . 719

jusqu'à l'insertion du scrotum . La bande cicatricielle qui sépare ces deux


ulcerations est très étroite.
La plaie de la partie interne et supérieure de la cuisse est plus petite
qu'au moment de la première opération ; au lieu d'être à peu près circulaire,
elle est très irrégulière.
A la face antérieure de la cuisse , il existe 4 ulcères de 3 à 5 centimètres
de diainétre .
Juillet . Une nouvelle intervention est décidée. On racle, comme la première
fois, toutes les fongosités, qui sont enlevées ainsi que les bords. On cautérise
ensuite énergiquement au thermo-cautère toutes les surfaces des plaies ainsi
que les bords excisés . Après un lavage avec une solution phéniquée forte, on
fait un pansement à l'iodoforme, qui est laissé en place pendant deux jours .
On le remplace ensuite par des compresses trempées dans de la liqueur de
Van Swieten dédoublée , recouverte de gutta .
La suppuration s'établit régulière , normale, peu abondante, de bonne
nature. Les eschares de cautérisation se détachent, les plaies se détergent
et se couvrent de bourgeons charnus.
Les plaies se rétrécissent sensiblement. A la fin du mois, la plaie externe
de l'aine est totalement cicatrisée . La plaie interne est réduite à la surface
d'une pièce de 1 franc .
La plaie de la face interne et supérieure de la cuisse est réduite à la sur
face d'une pièce de 50 centimes.
A la partie antérieure de la cuisse, les deux petites plaies supérieures se
ferment en 15 jours . L'inférieure et interne se cicatrise presque totalement.
X ... ne garde pas un repos complet et sort quelquefois.
En août , il ne reste plus que quatre petits ulcères, l'un à l'aine, les trois
autres à la cuisse . Ils n'ont aucune tendance à s'étendre ; mais la cicatrisa
tion ne se fait pas complètement. Dans les premiers jours de septembre, on
racle à nouveau ces quelques points rebelles, leurs bords sont excisés , et on
les cicatrise énergiquement au thermo -cautère .
A partir de ce moment, la cicatrisation marche régulièrement et la guéri
son ne tarde pas à être complète ; X... est reconnu aple au service militaire
et va faire son volontariat à Lille .
Avant de quitter l'hôpital, le malade peśait 79 kilogrammes ; il en pesait
8.) quelques semaines après.

OBS . IV . Chancre phagédénique de la cuisse survenu à la suite


d'une inoculation .

J ... , ouvrier italien , âgé de 29 ans, d'une constitution robuste , est atteint
depuis trois semaines de chancres simples du sillon balono-préputial. Il entre
dans mon service au mois de février 1882. Un élève du service pratique, sans
mon autorisation, une inoculation à la lancette à la partie antérieure et
moyenne de la cuisse gauche . Résultat positif au bout de 3 jours. Cautérisa
tion du chancre d'inoculation avec le caustique carbo - sulfurique. Cette cautė
risation n'est ni assez étendue ni assez profonde. Le chancre se développe et
se transforme bientôt en une plaie à peu près circulaire, sanieuse, à bords
décollés, de l'étendue de la paume de la main .
Les chancres du prépuce se cicatrisent sur les entrefaites.
L'ulcération phagėdénique de la cuisse est traitée successivement, sans
720 PAUL SPILLMANN .

résultat, par l'iodoforme, le perchlorure de fer, le nitrate d'argent, un pan


sement occlusif, le cautère actuel .
L'ulcération gagne toujours du terrain ; le malade, alité depuis 3 mois,
a beaucoup maigri.
Même traitement que précédemment; l'ulcération est complètement cica
trisée au bout de 5 semaines .

Obs. V. - Chancre phagédénique du gland et du prépuce,


datant de 6 mois.

N ... , voyageur de commerce, àgé de 32 ans ; frais, robuste, n'a jamais


eu d'accidents syphilitiques. Il contracte, il y a 6 mois, à Paris , un chancre
mou, qui occupe le sillon balano -préputial et la partie antérieure du gland.
Au Midi, on lui conseille l'emploi de l'iodoforme . Le chancre ne fait que
grandir, envahit une moitié du gland et détruit une partie du prépuce. Le
malade emploie successivement le pansement au vin aromatique , le perchlo
rure de fer, le nitrate d'argent, l'acide pyrogallique. Rien n'y fait .
Je vois ce malade, pour la première fois, le 13 mars 1884 ; pas d'adéno
pathie inguinale, aucune manifestation cutanée ; état général excellent. Je
constate à la face antérieure du gland une ulceration anfractueuse , à fond
sanieux, à bords décollés, de l'étendue d'une pièce de 5 francs . La face
antérieure du gland , le sillon balano -préputial, une partie du prépuce du
même cóté , sont détruits.
Après avoir chloroformé le malade, on racle tous les tissus malades ; les
bords de l'ulcération sont excisés avec des ciseaux courbes , puis touchés au
thermo-cautère. Lavage de la plaie avec une solution phéniquée forte ;
pansement à l'iodoforme. Au bout de 4 jours, ce pansement est remplacé
par un pansement au sublimé. Le malade quitte mon service au bout de
20 jours, absolument guéri .

Réflexions. - Le phagédénisme, qu'il se porte sur une lésion syphi


litique ou qu'il attaque une lésion chancreuse simple, est dû, en grunde
partie, à une infiltration périphérique d'éléments jeunes et de colonies
microbiennes qui compriment les vaisseaux et troublent aussi profon
dément la vitalité des tissus. Ce processus gagnant de proche en proche
de petites étendues de tissu , il en résulte un travail nécrobiotique lent,
mais incessant.
Le traitement du phagédénisme doit avoir pour but de détruire toute
intiltration capable d'entraver la cicatrisation , et de remplacer par une
plaie de bonne nature, bourgeonnante, ayant de ia tendance à se cica
triser rapidement, la plaie serpigineuse, fongueuse et grisâtre du phage
dénisme.
Je propose , en résumé, de traiter le phagédénisme, qu'il accompagne
les accidents syphilitiques ou le chancre simple, par le raclage à la
curette tranchante, l'excision des bords décollés, suivie d'une cautérisa
tion au thermo-cautère et d'un pansement au sublimé.
REVUE GÉNÉRALE .

LA LÈPRE DOIT- ELLE ETRE CONSIDÉRÉE COMME


UNE AFFECTION CONTAGIEUSE ?
Par le Di L. BROCQ , médecin des hôpitaux.
(Suite et fin .)

IV . - ÉVOLUTION DES GRANDES ÉPIDÉMIES DE LÈPRE.

Les faits positifs récents que nous venons de relater et de discuter


prouvent surabondammeat que la lèpre doit être regardée comme une
affection contagieuse; mais n'existeraient -ils pas, que l'évolution cons
tamment suivie par les grandes épidémies de lèpre en serait une dé
monstration suffisante .
Nous n'avons pas l'intention de refaire ici l'histoire de la lèpre ; elle
est trop connue pour que nous ayons besoin d'y insister. Qu'on la relise
cependant, et l'on remarquera que cette maladie s'est toujours comportée
comme une affection contagieuse. « La lépre, disent MM . Gayraud et
« Domec ( 1 ) , a suivi les voies commerciales, toujours en amont des
« grands courants humains... Il y a une frappante analogie entre la
« marche de la lèpre et celle d'autres maladies dont on ne peut plus nier
« la contagion . »
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, toutes les fois que la lepre, faisant
un pas en avant, envahissait un sol vierge, les preuves de sa contagio
sité éclataient tellement évidentes que tout le monde l'admettait sans
songer à la contester . Il en résultait des mesures prophylactiques, c'est
à -dire l'isolement rigoureux des lépreux et l'établissement de léprose
ries. « Or, dit M. Vidal (loc. cit .) , c'est à l'idée de contagion et à la créa
« tion desasiles qu'on a dù l'extinction de la lèpre dans les pays où elle était
( regardée autrefois comme endémique. » L'histoire est là pour prouver
la réalité de ce fait, et d'ailleurs nous n'avons actuellement qu'à regarder
à côté de nous en Norvège pour voir ce que peut l'isolement, bien qu'il
y soit encore incomplet. En 1856 (2) , il y avait dans ce pays 2,867 lé
( 1 ) GAYRAUD et Domec, La lépre à Quito. Contagiosité de cette maladie démontrée
par l'histoire de sa distribution géographique (Montpellier méd ., août 1878) .
(2) Statistique du Dr Kaurin communiquée à M. le Dr Constantin Paul (Rapport
à l'Académie de médecine sur le mémoire du Dr Zambaco, intitulé : De la lepre
à Constantinople. Séance du 28 juillet 1885 ).
722 L. BROCQ .

preux : en 1860, le gouvernement édicte une loi prescrivant l'isoleinent


des lépreux. En 1867, il y en avait encore 2,690 ; en 1877 , 1,952 ; en
1881 , 1,498 seulement, dont 600 hospitalisés et 898 dans les divers dis
tricts. En vingt ans la diminution a donc été de près de moitié, et , d'après
le D' Hansen (Congrés de Copenhague), elle a été dans les divers districts
en rapport direct avec la rigueur de l'isolement .
Voici ce que dit le Dr Davidsou à propos de la lèpre à Madagascar ( 1 ) :
« Il est digne de remarque que, tandis que les lois de Madagascar
« excluaient les lépreux de la société , la maladie était peu répandue ;
« mais dès qu'on a eu laissé tomber cette loi en désuétude, la lèpre a
« pris une extension presque incroyable. Cela vient probablement de ce
a que l'on a laissé les lépreux se marier ; mais les naturels du pays sont
« aussi fortement convaincus que la maladie est inoculable. »
Une affection soumise à de pareilles lois n'a-t-elle pas tous les carac
tères d'une maladie contagieuse, et l'histoire des épidémies ne nous
montre- t -elle pas que le meilleur traitement de la lèpre est encore, comme
pour toutes les maladies contagieuses, son extinction par l'isolement des
lépreux ?
Nous résumerons tout ce qui précède en disant qu'il existe des faits
positifs , indiscutables, prouvant la transmissibilité de la lèpre du lépreux
à l'homme sain . Ces faits sont :
1 ° Le cas de J. Hawtrey Benson ;
2° Les petites épidémies locales du Cap Breton et de la Louisiane ;
3. La grande épidémie des îles Sandwich ;
4° L'évolution que suivent constamment les épidémies de lepre, et la
disparition de l'affection par l'isolement des lépreux.
Ce sont là des faits positifs, nous le répétons, et pour prouver que la
lèpre ne peut dans aucun cas être transmissible de l'homme malade à
l'homme sain , il faudra désormais prouver que ces faits positifs sont
faux ou ne peuvent avoir la valeur que leur discussion attentive nous a
forcés à leur reconnaître.
Tel est le véritable terrain sur lequel doit se vider définitivement la
querelle entre les contagionnistes et les anticontagionnistes.

ARGUMENTS DES ANTICONTAGIONNISTES .

Nous devons donc considérer la question comme jugée . Nous croyons


cependant devoir maintenant, pour être complets, exposer en quelques
mots les arguments qu'apportent les anticontagionnistes. Nous les grou
perons en trois catégories :
1 ° Il existe des faits de lèpre sporadique ;
( 1 ) Lep . Rep . p . 221 ; Cité par Tilhury Fox ( Skin diseases, 3e édition , 1873) .
LA LÈPRE DOIT - ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 723

2. Il existe une énorme quantité de faits négatifs ;


3. Les médecins des pays où règne la lèpre ne croient pas à la con
tagion .
1 ° Il existe des faits de lèpre sporadique.
On a en effet signalé quelques cas extrêmement rares de lèpre sur
venue chez des sujets habitant des pays sains et ne les ayant jamais quittés.
Il semble donc que dans ces circonstances la lèpre se soit spontanément
développée en dehors de toute hérédité et de toute contagion . Je ferai
d'abord remarquer que l'existence de ces cas, d'une extrême rareté, je
le répète, fût-elle surabondamment démontrée, ne prouverait nullement
que la lèpre ne soit pas contagieuse ; elle prouverait seulement que la
lèpre peut apparaître de novo . Elle ne saurait surtout détruire les faits
positifs que nous venons de citer . Mais ces cas de lèpre sporadique ont
ils été réellement soumis à une sérieuse critique ? Maintenant que nous
savons que la lèpre a une incubation des plus longues, pouvant durer
plusieurs années, et que, de plus, dans certaines conditions, elle peut
être contagieuse, on voit combien il faut être réservé pour admettre la
réalité d'un cas sporadique. Peut-on se souvenir de toutes les personnes
que l'on a accidentellement fréquentées à plusieurs années de distance ?
Voici à cet égard deux citations des plus instructives :
Le De White cite le cas d'un lépreux qui s'était échappé du lazaret de
Tracadie il y a vingt-cinq ans , et qui avait longtemps résidé à Boston sous
un nom d'emprunt; il l'avait soigné pendant de longs mois à l'hôpital ge
néral du Massachusetts. « Qui peut maintenant, ajoute l'auteur américain,
« retrouver la trace de ses courses vagabondes dans la Nouvelle-Angleterre,
" et savoir s'il n'a infecté personne par son contact ? J'ai également soigné
a l'année dernière un des lépreux de la Louisiane, qui vivait sous un nom
supposé près de Boston ; un autre malade venu de Tracadie a été vu dans
u cette ville ; on en a tout dernièrement découvert un troisième à Providence .
On ignore généralement que de tels foyers de la maladie existent au mi
« lieu des populations ; l'apparition de la lèpre chez quelques personnes après
plusieurs années peut être le résultat d'un contact et d'une infection in
« connue, et elle sera fatalement regardée comme sporadique. »
Le De Liveing (2) rapporte le cas d'un petit lépreux originaire de Guernesey,
qui n'avait jamais quitté cette ile et dont les parents auraient été sains . On
ne se contenta pas de ces premiers renseignements; on fit une enquête , et
l'on apprit que le père avait habité les Indes Orientales, y avait eu de fré
quents rapports avec une indigène, et élait mort à Guernesey, ayant déjà des
ulcérations aux doigts et aux orteils, de la tumefaction du nez, etc. « En
résumé, il est fort probable, dit Liveing , que le père avait contracté la lepre
u dans les Indes, et qu'il succomba à cette affection . Or, si l'enquête n'avait
( 1 ) White iloc. cit . ) .
(2)LIVEING, Handbook on diseases of the skin , 1880, p . 290 .
724 L. BROCQ .

« pas été poursuivie aussi attentivement, on aurait sûrement fait de ce cas


U
un cas sporadique, et l'on aurait tout à fait méconnu sa cause réelle. »
Nous ne nions pas l'existence de cas sporadiques ; nous disons seule
ment que les notions nouvelles que nous possédons à l'heure actuelle
sur l'hérédité, la contagion et la longue incubation de la lèpre doivent
en faire reprendre l'étude, et qu'il sera bien difficile d'en établir la
réalité d'une manière rigoureuse. Enfin, nous ajoutons que, fussent-ils
démontrés, ils n'infirment en rien les faits positifs que nous connais
SONS .

2. Il existe une énorme quantité de faits négatifs.

C'est exact, et nous sommes les premiers à le reconnaître . On a cité


des cas d'individus sains, femmes ou hommes, cohabitant et couchant
pendant longtemps avec des lépreux sans prendre la lèpre; des méde
cins, des infirmiers, des prêtres, des religieux ont pu prodiguer pen
dant des années leurs soins à des lépreux sans contracter la maladie (1 ) .
Tout récemment encore, kaposi ( 2) vient d'insister sur ces mêmes argu
ments . Que prouvent ces faits ? Prouvent- ils que les faits positifs sont
inexacts ? Évidemment non ; ils ne prouvent et ne peuvent prouver
qu'une seule chose : c'est que la lèpre n'est pas fatalement contagieuse,
vérité qu'aucun contagionniste n'a jamais que je sache discutée ; c'est
qu'elle n'est pas plus fatalement contagieuse qu'elle n'est fatalement
héréditaire ; c'est que, semblable en cela à la plupart des autres maladies
transmissibles de l'homme malade à l'homme sain , elle ne trouve pas
chez tout le monde un terrain favorable à son évolution .
Il ne faut pas d'ailleurs exagérer ; les faits négatifs sont loin d'être
aussi généraux qu'on veut bien le dire , et il est nécessaire de faire à cet
égard les réserves suivantes. D'après les recherches les plus récentes,
la lepre n'est pas contagieuse à la façon de plusieurs autres maladies
aiguës ; elle ne serait même pas contagieuse dans le sens propre du
mot, mais purement et simplement inoculable ( 3 ). Cette opinion , à
laquelle nous nous rallions, jusqu'à plus ample informé, d'autant plus
volontiers qu'elle nous paraît fort ratiomelle, nous montre done que
pour prendre la lepre, comme pour prendre la syphilis, il ne suffit pas
d'habiter avec un lépreux, d'être en relation avec lui : il faut que ce
lépreux présente en un point quelconque du corps une lésion lépreuse
(1) Voir le rapport déjà cité de M. Constantin Paul et la discussion du
13 octobre à l'Académie de médecine.
(2 ) Société imperio -royale des médecins de Vienne, 30 octobre 1885. Semaine
médicale, i novembre 1885.
( 3) Voir White et Vidal, loc. cit.
LA LEPRE DOIT-ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 725

sécrétant une matière inoculable, matière qui sera mise en contact avec
une plaie quelconque, si minime qu'elle soit , du sujet sain (1 ) .
Il en résulte qu'un lépreux semble ne pas être toujours un foyer
d'infection, puisqu'il peut fort bien ne pas avoir sur le corps de lésions
inoculables, et, d'autre part, qu'une personne susceptible de prendre la
lepre n'est pas toujours dans les conditions voulues pour la contracter ;
car il faut qu'elle présente une plaie quelconque sur les téguments, plaie
all contact de laquelle sera mise la matière virulente lépreuse.
Ce court aperçu du mode suivant lequel se transmet, selon toute
prohabilité, la lèpre de l'individu: malade à l'individu sain nous donne
l'explication de beaucoup de ces cas prétendus négatifs , que l'on ne cesse
de publier, de fort bonne foi d'ailleurs, sans trop se rendre compte des
données véritables du problème à résoudre.
Mais tous ces faits sous la masse desquels on essaye d'accabler les
contagionnistes sont-ils tous réellement aussi négatifs qu'on veut bien le
dire , même en laissant de côté l'objection que nous venons de leur
faire ? Nullement, et à cet égard ils mériteraient d'être soumis à une
sérieuse critique. Je ne puis accomplir ici un travail aussi colossal ;
je me contenterai d'examiner rapidement les principaux arguments qui
ont été apportés à la tribune de l'Académie dans la dernière discus
sion . Nous nous servirons surtout pour cela du rapport si instructif de
M. le Dr Constantin Paul (2) sur un mémoire des plus remarquables de
M. le Dr Zambaco.
Or, que nous disent MM . Constantin Paul, Zambaco et Dujardin
Beaumetz à propos de cette fameuse lepre d'Orient , qui ne peut pas
s'éteindre ? Ils nous disent que les lépreux peuvent errer en liberté dans
les rues de Constantinople, qu'ils vivent dans des taudis ignobles, dans
la plus honteuse promiscuité, qu'ils ont des relations avec les personnes
saines, qu'ils ont les jambes et les bras nus, et, chose remarquable !
que c'est presque toujours sur les parties découvertes que débute la
maladie ; ils signalent des éruptions de gale , de prurigo , d'eczéma ,
d'acné rosacée, des scrofulides, comme assez souvent préexistantes aux
manifestations lépreuses, et ils déclarent (Zambaco) que, malgré toutes
leurs recherches les plus minutieuses, ils n'ont pu trouver d’antécédents
héréditaires que dans le quatorzièmedes cas . Donc, sur 14 lépreux en Orient,
13 fois la lèpre serait acquise. Ne serait-il pas logique d'invoquer l'histoire
( 1 ) Il est bien cntendu que nous ne voulons pas du tout nier ici la contagion
vraie de la lepre ; c'est une question à réserver ; nous voulons dire seulement
que le mode suivant lequel la lepre so propage do l'homme malado à l'homme
sain semble être l’inoculation d'upris les auteurs , les plus autorisés.
(2, Rapport sur un mémoire de M. le Dr Zambaco , intitulé : De la lèpre
observée à Constantinople, au nom d'une commission composée de MM . Cornil et
Constantin Paul, rapporteur (Séance du 28 juillet 1885).
7 26 4. BROCQ ,

ainsi tracée de la lèpre à Constantinople comme un argument en faveur de


l'inoculabilité de cette affection ? Comment ! M. le Dr Zambaco nous
apprend que les lépreux de Constantinople errent librement dans la
ville , qu'ils ont des rapports intimes avec les personnes saines, qu'ils
ont les bras et les jambes nus, que la lèpre est souvent précédée par des
éruptions diverses ( éruptions qui constituent la porte d'entrée), que la
lepre débute le plus souvent par les parties découvertes , qu'elle est 7

acquise 13 fois sur 14 cas, et il déclare ensuite que tout prouve , à Cons
tantinople, que la lèpre n'est pas inoculable, qu'on n'y a jamais observé
de faits de contagion ? Qu'en sait -il ? Peut-il dire si les malheureux chez
lesquels la lèpre se manifeste de novo n'ont pas été , il y a š ans, il y a
10 ans, en rapport avec un de ces lépreux qui vaguent librement par la
ville ? C'est que malheureusement les diverses circonstances sur les
quelles je viens d'insister nous le donnent fort à penser. On oublie trop
facilement combien est longue la période d'incubation de la lépre.
Heureusement nous avons vu que M. le Dr Zambaco, guidé par l'exemple
si probant de la Norvège, va présider à l'installation, en Orient, d'une
léproserie-modèle ; nous ne pouvons qu'applaudir à cette mesure radi
cale , seul traitement efficace que nous connaissions en réalité de la
lepre, et nous espérons qu'en faisant ainsi de la bonne prophylaxie,
M. le Dr Zambaco prendra une grande part à l'extinction progressive de
cette maladie en Orient.
Il est également un autre fait prétendu négatifsur lequel on a insisté et
que notre ami M. le professeur Leloir ( 1 ) vient de relater. Un médecin
se serait inoculé la lèpre et l'aurait inoculée sans résultat positif à vingi
personnes . « Quel est, écrivait M. le Dr Besnier en 1881 (2 ), le médecin
a qui oserait aujourd'hui s'inoculer la lèpre ? » Le médecin anonyme
dont parle M. Leloir dépasse en hardiesse en 1889 tout ce que pouvait
supposer M. Besnier en 1881. Il paraît qu'il n'y aurait pas eu de résultat
positif : mais est - on bien sûr de l'insuccès de cette expérience ? Quand,
où, comment ont été faites les inoculations ? C'est ce qu'il est indispeli
sable de savoir ; c'est ce que nous ignorons complètement, et il ne faut
pas oublier que l'incubation de la lepre est des plus longues, de plusieurs
années au moins. Nous ne pouvons donc encore tirer aucune conclusion
de ces faits, que leurs auteurs n'ont pas encore jugé à propos de publier :
mais on viendrait nous dire , après avoir observé pendant 15 ou 20 ans
les sujets inoculés, qu'ils sont complètement indemnes, que ce ne serait
là encore une fois que vingt faits négatifs, prouvant ce que nous disions
(1) 11. Leloir, Rapport sur la lèpre en Norvège (Semaine médicale , 24 juin 185.).
(2) E. BESNIER , Là lèpre est-elle contagicuse ? (Gaz . hebd . , 20 février 1880, p . 116 ;
E. BESNIER et DoYon, Trad . de Kaposi ( Leçons sur les maladies de la peau, i. II,
p . 312, note 2) .
LA LÈPRE DOIT -ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 727

tout à l'heure, ce que nous savons bien, que la lèpre n'est pas fatale
ment inoculable à tout le monde, mais ne pouvant en rien infirmer nos
faits positifs.

« Si tant de discussions , disent MM . Gayraud et Domec (1 ), ont été


« soulevées à propos de la contagion des maladies, c'est parce qu'on a voulu
« faire de la contagion un caractère constant et essentiel de certaines affec
« tions morbides, caractère qui devrait fatalement se révéler quand les condi
« tions de sa manifestation sont réalisées ... Il y a lieu d'ètre surpris, lors
qu'on parcourt les écrits publiés sur la lepre, de voir avec quel soin la
plupart des auteurs ont cherché à relever les cas de personnes chez les
quelles la maladie ne s'est pas manifestée malgré un contact plus ou moins
« intime et prolongé avec des lépreux : on réunit, on accumule des faits
« pour démontrer que la maladie peut ne se transmettre ni par la vie en
u commun, ni par les rapports sexuels, ni par l'allaitement , ni même par
« l'inoculation directe. On est à l'affût de tous les cas qui plaident contre la
contagiosité, et, pour les cas dont la signification est inverse, on en en
a tend le récit , et on les constate sans y attacher le moindre intérêt. On ne
« croit pas devoir en faire mention sous prétexte qu'ils ne sont pas suffisam
a ment authentiques, ou qu'en tout cas ils ne serviraient qu'à confirmer une
opinion vulgaire. Qu'en résulte -t -il ? C'est qu'en additionnant les faits re
latés , comme la très grande majorité de ces faits est contraire à la conta
a gion , on s'imagine avoir un faisceau de preuves, et l'on n'a en réalité

qu'on faisceau de non - valeurs. Supposons par exemple que quelqu'un
« s'avise de faire pour la variole, la morve , en un mot pour chacune des
« maladies réputées les plus contagieuses, ce qui a été fait pour la lèpre ;
« sans nul doute, il arriverait facilement à recueillir un grand nombre de
cas où la contagion n'a pas eu lieu malgré le contact le plus intime et le
plus prolongé... Que valent donc tous les faits négatifs réunis en présence
« d'un seul fait positif bien observé , et surtout en présence de ces grands
« faits qui se rattachent à l'histoire de la lèpre dans les divers pays ?

Ce qui précède n'a pas été écrit ces jours derniers après la récente
discussion de l'Académie de médecine, niais en 1878.
Nous n'y ajouterons qu'un seul mot : que quelqu'un essaye de recueil
lir à Paris, s'il le peut, tous les faits négatifs de contagion de l'érysi
pèle , maladie que l'on cultive et que l'on inocule à l'heure actuelle
couramment en Suisse, et l'on verra si pour un fait de contagion bien
observé on n'a pas des milliers de faits négatifs . Or, qui pourrait songer
à comparer la facilité de constatation de la contagion de l'érysipele,
maladie aiguë à incubation courte et des plus fréquentes, avec les diffi
cultés d'observation que présente la lèpre, maladie en somme assez rare,
et à incubation des plus longues ?

(1) GAYRAUD, et Domec, loc. cit.


728 L. BROCQ .

3° Les médecins des pays où règne la lèpre ne croient


pas à la contagion.
Voici comment s'exprime à cet égard M. le Dr Constantin Paul dans
son rapport ( 1 ) .
« En 1862, le sous- secrétaire d'État pour les colonies anglaises , le duc
de Newcastle, a fait faire une vaste enquête sur la lèpre. Le collège royal
« des médecins de Londres rédigea un questionnaire qui fut envoyé aux
« médecins des colonies . En 1865 , il y avait plus de 250 réponses , la plu
part fournies par les médecins, quelques-unes seulement par les consuls.
« Toutes ces réponses furent analysées et devinrent l'objet d'un rapport du
« comité du collège royal , qui conclut fermement à la non -contagion . A la
« suite de ce rapport, le colonial office envoya dans les Indes le Dr Gavin
« Milroy ( 2 ), en 1871 , qui conclut à la négative. En 1872, le duc d'Argyle lit
« faire une nouvelle enquête dans l'Inde par les Drs Tilbury Fox et
« T. Farquhar ; tous conclurent formellement à la négative. Enfin les Drs Da
« nielssens (de Bergen ),Back (de Christiania ), Sand (de Trondhyem ) et Kaurin
(
(de Molde) se prononcent formellement contre la conlagion . Virchow , dans
l'enquête qu'il fit , est arrivé aux mêmes conclusions. »
Aux autorités citées par M. Constantin Paul , je me permettrai d'ajou
ter, parmi les auteurs récents : Kaposi (3) , Thomas C. Walton ( 4 ), Fran
cis H. Welch (5), Lewis et Cunningham ( 6 ), W. Ireland (7) , Geddings ( 81 ,
Brassac ( 9 ), Simmons (10 ), Baelz ( 11 ) , van Leent ( 12), etc., et il doit évi
demment y en avoir encore beaucoup d'autres. Mais faut- il en conclure
que tous les médecins résidant dans les pays contaminés ou les ayant
visités soient anticontagionnistes ? M. Constantin Paul cite surtout
comme étant ses grandes autorités :: 1 ° les médecins anglais qui ont
étudié la lèpre dans les Indes; 2° les médecins norvégiens.
1 ° Or, ce qui montre bien que l'enquête des Indes a donné des
résultats contradictoires malgré les affirmations de la commission
d'enquête, c'est qu'on a été obligé d'en faire plusieurs (voir plus
haut la citation de M. Constantin Paul). La dernière mentionnée est
(1 ) Loc. cit, 28 juillet 1885 ( Acad . de méd .).
(2 ) Gavin MILROY, Is leprosy contagious (Medical, Times, 1874) .
( 3) Kaposi, loc . cit . (Semaine médicale, 5 nov. 1855 ).
(4 ) Hygienic and med . Reports of medical officers of the U. S. , nov . 7. 1874 ,
Washington .
(5) WELCH , La lèpre dans lo Nouveau -Brunswick (Lancet, 5 déc. 1871, p . 7:17 .
(6) Leprosy in India , Calcutta, 1877 .
(7 ) Remarques sur la lèpre à Madère (Arch , of dermatology , janv. 1879 ).
(8) The meilical Record ( 16 août 1884 , p . 177) .
( 9) Cité par M. Le Roy de Méricourt ( 13 oct. 1885, Acad . du meil . ).
( 10 ) Discussion à la Société dermato - américaine (1883 ).
(11 ) Citi par kiposi, loc . cit.
( 12) Vax LEENT, Contribution a la géographic médicale. Les possessions Diretico
daises des Indes Orientales. Java ( irch . de méd . navale, 1. , P. 19 , Cod par
M. Le Roy de Mericouri.
LA LEPRE DOIT- ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME CONTAGIEUSE ? 729

celle qui a été dirigée par MM. Tilbury Fox et T. Farquhar en 1872 :
« Tous conclurent formellement à la négative , » dit M. Constantin Paul .
Je suis désolé d'être obligé ici de rectifier un fait ; mais voici ce que
nous lisons dans l'ouvrage de Tilbury Fox sur les maladies de la peau ,
édition de 1873, article LÈPRE, page 321 : « Les causes de la propagation de
« la lèpre sont au nombre de trois principales : 1° le mariage entre des
« lépreux , ou avec des lépreux ; 2º l'hérédité ; 3º l'inoculation et la
« cohabitation . » Développant ensuite chacun de ces points, le célèbre
dermatologiste anglais cite en faveur de son opinion plusieurs des argu
ments que nous avons rappelés dans cet article, et en particulier l'épidé
mie des îles Sandwich . Au lieu d'être un anticontagionniste, Tilbury Fox
en 1873 , c'est-à - dire après son enquête des Indes, est donc un conta
gionniste des plus convaincus.
Le Dr Mac Namara , du Bengale, qui voyait 3,000 cas de lèpre par an ,
croit qu'elle est contagieuse et rapporte des cas qui le prouvent.
2. En Scandinavie même, le foyer de l'opinion de la non - transmissi
bilité de la lepre , nous voyons le D' Hansen , médecin de la léproserie
de Bergen, déclarer qu'il croit que la lèpre est inoculable, et Eklund ( 1 )
publier un important mémoire où il la déclare contagieuse et où il
réclame l'isolement rigoureux des malades.
On ne peut donc soutenir que tous les médecins des pays contaminés
soient anticontagionistes.
Aux Hawaii, la grande majorité des médecins, je dirais tous , si nous
n'avions pas eu entre les mains le rapport du Dr Gibson, déclarent qu'elle
est inoculable et contagieuse. Parmi les auteurs récents qui professent
hautement la même opinion , citons les Drs Fox et Graham (2) , Piffard (3),
Farquharson (4) , Pasquier (5) , Oykas (6), Lob (7) , Friedel (8) , Wolff (de
Madère) (9) , Wucherer (du Brésil) (10 ), Manson (11 ) , Lortet (12) , etc...
Neisser, lui-même, déclare que la lèpre est probablement une maladie
infectieuse à produits spécifiques contagieux , et Köbner ( 13) déclare
(1) Étude sur la lepre (Annales de dermatologie et de syphiligraphie , 1882,
p. 220 ). Nous ne saurions trop recommander de lire cet excellent travail .
(2) Leprosy in New- Brunswick (Canada med. and Surg. Journal, octobre 1883)
(3) Leprosy in the United States (Journal of cutaneous and venereal diseases ,
1883, p. 289) .
(4) Mémoire lu au congrès annuel de Des Moines dans l'État d'Iowa.
(5) Cité par Cavasse, médecin de la marine ( Thèse de Paris, 1881 : La lèpre
dans les Antilles et le Levant).
(6) Oykas, médecin de l'établissement de Batavia ( cité par Cavasse).
(7 ) Lob, médecin de Hong - Kong (cité par White ).
( 8 ) FRIEDEL, médecin en Chine (Ibid. ) .
(9 et 10) Ibid .
( 11) Rapport publié à Shanghaï, 1881 (Ibid .) . ·
( 12) Lèpre luberculeuse en Syrie ( Lyon médical, 6 janv. 1884).
(13) Virchow's Archiv (Bd . 88).
ANNALES DE DERMAT ., 24 SERIE . VI . 48
730 L , BROCQ .

que l'isolement des lépreux est le meilleur moyen de faire disparaitre


cette affection ( 1 ) .
L'énumération que nous venons de faire , bien que très incomplete ,
venant après les documents que nous avons publiés plus haut, nous
montre combien sont nombreux les partisans de la transmissibilité de la
lèpre du lépreux à l'homine sain ; on en trouve en France , en Angleterre,
en Allemagne, en Suède et Norvège , aux États -Unis d'Amérique, aux
Indes, en Chine, dans les diverses îles contaminées . Quant à dire qu'ils
ne savent pas diagnostiquer la lépre, leurs noms et leur autorité sont là
pour répondre à une pareille assertion ; bonne encore au commencement
de ce siècle, l'objection ne peut plus être formulée en 1885 .
Nous nous croyons donc autorisés à conclure que les divers arguments
sur lesquels s'appuient les anticontagionnistes sont des plus discutables.
Mais seraient-ils inattaquables en eux -mêmes, qu'ils seraient encore
frappés d'impuissance. Ainsi que nous l'avons démontré, ils ne pour
raient en effet avoir la prétention de prouver que les faits positifs cités
par vous sont inexacts.
En résumé, la transmissibilité de la lèpre du lépreux à l'homme sain
semble être définitivement établie :
1 ° Par le fait de J. llawtrey Benson ;
2. Par les petites épidémies locales du cap Breton et de la Louisiane;
3 ° Par l'épidémie des iles Sandwich ;
4 ° Par l'évolution que suivent constamment les épidémies de lépre, et
la disparition de l'affection par l'isolement des lépreux,
(1) Je ne mentionne pas ici tous les autres contagionnistes que j'ai déjà cités
dans le courant de cet article .
REVUE DE DERMATOLOGIE .

EIN FALL VON GRANULOMA FUNGOÏDES ( CAS DE GRANULOME FONGOÏDE,


MYCOSIS FONGOÏDE D'ALIBERT), par le professeur H. AUSPITz (in Vier
teljahresschrift für Dermatologie und Syphilis, 1885).
Il s'agit d'une femme de 34 ans, mariée depuis deux ans, sans enfants et à
laquelle le professeur Auspitz a eu l'occasion de donner des soins depuis le
mois d'août 1884 jusqu'à sa mort ( 9 novembre 1885) . Le professeur Auspitz
a présenté cette malade, le 5 décembre 1884, à la Société de médecine de
Vienne et, dans cette séance , le D' C. Hochsinger, son assistant, a démontré
sur des préparations le résultat de ses recherches microscopiques dans des
cas qui ont permis de constater la présence de nombreux coeci . Puis le
Dr Schiff, privat docent de dermatologie, et ancien assistant de la policlinique,
a présenté les résultats des cultures faites avec ces mêmes cocci ( 1 ) .
Voici tout d'abord le résumé de l'observation de cette malade :
Jusqu'en 1877 , la santé de cette malade était bonne et ce n'est qu'à partir
de cette époque qu'elle a commencé à souffrir de troubles digestifs. A cette
mème époque, il survint des taches rouges plus ou moins étendues, qui se
transformerent en vésicules et qui plus tard formèrent des squames. En
différents points , la peau prit un caractère fendillé et rugueux ; aussi le pro
fesseur Hebra , qui vit la malade à ce moment ( janvier i 878 ) , considéra-t-il
cette affection comme un eczéma papuleux. La malade fut ensuite examinée
par différents médecins qui la soumirent aux médications les plus diverses ,
mais sans aucun résultat appréciable.
En 1883 , le prurit et les plaques humides et eczématiformes envahirent
de plus en plus la peau ; à la face et autour de l'orbite , du côté gauche, il se
développa aussi des points sécrétants, rugueux et squameux ; sur la moitié
droite du cuir chevelu, quelques- unes des plaques primitivement squameuses
devinrent le siège d'excoriations, et, par leur réunion , formèrent un large
ulcère à bords renversés, à suppuration peu abondante , mais dont la surface
était recouverte de granulations rouge clair, en voie de prolifération. Dans
le voisinage, il y avait quelques ulcérations plus petites, squameuses, très
prurigineuses, qui devinrent ensuite douloureuses et commencèrent à bour
geonner (fin de 1883) .
En avril 1884, la malade fit à Lindewiese, en Silésie , une cure de pain
blanc ( Jemmelkur, du D' Schroth ), c'est- à -dire consistant en un régime exclu
sivement végétal et du vin blanc, dont les résultats furent peu satisfaisants.
Pendant son séjour à Lindewiese , l'ulcération située sur le côté droit du
crâne fit des progrès considérables. Par contre une petite excoriation placée
sur la région cranienne gauche se cicatrisa . Mais dans l'été de 1884 , il sur
vini sur la partie antérieure du cuir chevelu et à côté l'une de l'autre, soit
pendant le séjour à Lindewiese, soit après le retour à Vienne , deux nouvelles

( 1) Voir Anzeiger der K. K. Gesellschaft der Aerzte in Wien , n° 9, du 11 dé


cembre 1884 .
732 REVUE DE DERMATOLOGIE .

ulcerations de forme arrondie , vigétantes, et une cinquième ulcération de


dimension moindre que les précédentes.
En août 1884 , le professeur Auspitz vit celte malade pour la première fois
et , à partir de ce moment, lui donna des soins.
L'état clinique antérieur correspondait toujours au diagnostic d'eczéma
chronique squameux pour la peau du tronc et des membres; mais le déve
loppement ultérieur et l'aspect des ulcérations recouvertes de végétations qui
avaient leur siège sur le cuir chevelu, donnaient immédiatement à penser
qu'il s'agissait d'une de ces formes de tumeurs caractérisée par des granula
tions fongueuses , frambesiformes et se distinguant principalement par une
prolifération excessivement irrégulière des éléments du tissu conjonctif ou
une production papillaire stalactiforme de ce tissu dans les points où ceci ne
se passe pas d'une manière normale .
L'ulcération la plus étendue est située à quelque distance au-dessus de
l'oreille droite, de telle sorte que son centre correspond à peu près à la
bosse temporale droite et sa circonférence se trouve environ à 5 centimètres
au-dessus du pavillon de l'oreille; aussi en quelques points, notamment en
arrière, le rebord de l'ulcére est nettement accusé, mais sur d'autres la
limite est peu marquée dans les parties exulcérées qui sont encore recou
vertes de cheveux. A la base des cheveux, on trouve seulement de nombreuses
squames, peu adhérentes, d'un blanc grisâtre. Çà et là les parties sont recou
vertes d'une légère poussière diffuse, tandis que s'ır d'autres régions pileuses
sont disséminées de petites pustules croûteuses. La plaie est rouge clair,
inégale, déchiquetée, formée de circonvolutions analogues à celles de la
surface du cerveau , légèrement saignante, très peu purulente, recouverte en
quelques points de croûtes épaisses plus ou moins foncées qu'il est difficile de
détacher sans provoquer de très vives douleurs. Sur certains points existent
quelques excoriations légèrement humides, sur d'autres on trouve dans le
tissu de granulation , d'un rouge très vif, de petits points et des trainées d'une
couleur grisâtre . Le tissu de granulation qui, au niveau des bords, présente
surtout cette teinte grise , est remplacé par des végétations lardacées et en
forme de bourrelets.
Une portion du cuir chevelu de quelques centimètres carrés sépare celle
vaste plaie en voie de granulation d'une plus petite ulcération, arrondie, de
l'étendue d'une pièce de 5 francs en argent et dont le centre est recouvert
de bourgeons charnus volumineux ; cette dernière ulcération ne s'est pro
duite qu'après le retour de Lindewiese. En outre, au point de jonction des
temporaux avec le frontal se trouve encore une petite ulcération également
recouverte de nombreuses granulations.
Dans la région comprise entre l'angle externe de l’æil gauche et le bord
antérieur du pavillon de l'oreille du même côté , s'étendant tout à la fois sur
le cuir chevelu et la moitié du front, sur la paupière inférieure jusqu'à l'os
maxillaire, ayant envahi une partie de la face jusqu'à la commissure buccale
gauche, la peau est fortement ædématiée, en légère desquamation, un peu
rouge, excoriée en quelques points et çà et la sécrétant un liquide séreux.
Celle tuméfaction ædemateuse remonte à quelques semaines et ses limites
supérieures correspondent aux petites granulations aplaties qui existaient
après la grande ulcération du coté droit; donc, chronologiquement, elle est la
deuxième, mais s'est de nouveau reproduite pendant le séjour à Lindewiese.
Les ganglions lymphatiques péri-oculaires et cervicaux sont des deux côtés
plus ou moins tumefiés .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 733

La peau , au niveau de l'épaule droite et des membres supérieurs, dans


toute leur étendue, est recouverte de plaques plus ou moins considérables,
rugueuses, fendillées, traversées de rhagades. Les memes lésions existent à
la paume des mains , tandis que la peau des doigts parait presque normale
(le processus qui existait là au début a disparu ). Les cuisses , les genoux, les
mollets et la surface dorsale des pieds présentent des modifications tégumen
taires analogues.
La peau des régions abdominale, pectorale et dorsale est le siège de
plaques plus ou moins étendues, légèrement squamºuses, sèches, fendillées,
å prurit modéré et sur lesquelles on voit quelques papules disséminées.
Sur les muqueuses, par exemple sur celles du pharynx et des joues, à la
pointe de la langue, on voit apparaitre de temps à autre des vésicules .
La malade est amaigrie, les muqueuses påles; l'examen des poumons et du
corur ne révélo rien d'anormal; le pouls est petit, mais régulier ; les sécré
tions normales ; l'appétit est conservé, si ce n'est dans les moments où de
vives douleurs se produisent en certains points , principalement au niveau des
bords .

Pour Auspitz , c'était bien là un cas de granulome fongoïde qu'il range


dans la classe des chorioblastoses (maladies de la peau produites par une
croissance anormale du tissu conjonctif du derme), se rapprochant par
conséquent du lupus et de la scrofulodermie, cependant non d'origine
syphilitique. De l'étude des symptômes cliniques, il ressortait nettement
pour l'auteur que tout indiquait que, dans ce cas, on avait affaire à une
affection parasitaire .
L'étude histologique des produits morbides, faite par le Dr Hochsinger,
est venue confirmer complètement cette manière de voir d'Auspitz .
L'examen a porté sur des fragments provenant des néoplasmes fongueux
du cuir chevelu et sur les squames des plaques infiltrées du thorax et des
membres. Les préparations ont été colorées avec le lithion carmin et le vert
de malachite. Le derme est envahi par une prolifération considérable de tissu
de granulation de nouvelle formation à divers degrés de développement, sans
toutefois que l'on puisse reconnaitre dans sa structure des caractères parti
culiers. Ce qu'il y avait de caractéristique, c'était la présence sur les fais
ceaux du tissu conjonctif jeune et des amas de cellules d'une fine poussière
d'un vert grisâtre, et la coloration foncée de quelques points de la coupe par
le vert d'aniline.
Hochsinger colora ensuite les préparations d'après la méthode de Gram
qui permet de reconnaitre d'une manière exacte la présence de micrococcus
dans les tissus. On trouva alors dans toutes les préparations, sans exception ,
de nombreux amas de micrococcus, soit sous forme de foyers constitués ,
soit sous forme d'une infiltration diffuse du tissu de granulation ; dans le tissu
conjonctif de nouvelle formation les fibres étaient recouvertes de cette fine
poussière et traversées de trainées; il en était de même dans les protoplasma
des cellules de granulation, dont chaque cellule contenait souvent 10 à 20 mi
crococcus . On pouvait encore remarquer que la prolifération parasitaire dans
les couches les plus profondes du tissu était beaucoup plus considérable qu'à
la surface du granulome et que, en dehors de ces micrococcus, il n'existail
734 REVUE DE DERMATOLOGIE ,

dans les coupes aucune autre espèce de champignon et surtout pas un seul bacille.
On obtint les mêmes résultats sur des préparations faites par les memes
procédés de coloration avec des squamos épidermiques des parties malades
prises récemment sur le corps et plongées ensuite dans l'alcool absolu . Dans
ces dernières préparations, le coccus forme des colonies épaisses dans les la
melles cornées et entre ces lamelles et traverse les cellules épidermiques qui
adhérent encore à la surface inférieure des squames.
Les cultures du micrococcus observé par Hochsinger ont été faites
par le Dr Schiff. En voici le résumé succinct :
Avec une parcelle de tissu fongueux du cuir chevelu et des squames re
cueillies sur le tronc, il a toujours obtenu un micrococcus absolument identique
à celui découvert par Hochsinger dans les mêmes tissus. Les cultures ont été
faites sur la gélatine de Koch et sur des pommes de terre stérilisées. Les
cultures sur la gélatine présentaient au début un aspect blanc grisâtre et ne
prenaient qu'au bout de quelque temps une teinte jaune orange, tandis que
les cultures sur les pommes de terre étaient de prime abord jaune orange. Une
inoculation faite avec un fragment de cette culture à un chat dont on avait
préalablement fait tomber les poils avec une pâte épilatoire sur une grande
partie du dos a donné les résultats suivants : le quatrième jour après l'ino
culation, on constatait déjà au niveau du point inoculé une intiltration carac
téristique et recouverte d'une couche épaisse de squames . L'examen micros
copique de cotte squame fit reconnaitre exactement la présence du mème
micrococcus que Hochsinger avait trouvé dans les squames de la malade .
Les méthodes de culture qui ont été employées dans ce cas sont exactement
les mêmes que celles dont se sert Koch,
Quant au traitement employé chez cette malade, il a surtout consis
té en un régime aussi fortifiant que possible , et en reconstituants : fer,
boissons alcooliques , etc.; localement, dans l'emploi de moyens protec
teurs, désinfectants, et dans l'abstention de toutes les applications irri
tantes sur la peau . Les tumeurs fongueuses du cuir chevelu furent pansées
avec la poudre d'iodoforme et la gaze iodoformée. La sensibilité de cer
taines parties des plaies en prolifération , notamment des bords, était si
grande, que le plus léger contact pour nettoyer les plaies ou enlever les
restes des médicaments donnait lieu à de vives douleurs, malgré l'emploi
d'injections sous -cutanées de morphine à haute dose . Pour réprimer
les végétations, on eut recours aux caustiques usuels (nitrate d'argent,
potasse caustique, sublimé en solution 1 /5000® comme pansement, à
dose plus élevée comme caustique ). Mais les granulations,malgré tous les
traitements employés persistaient toujours, sans toutefois augmenter de
volume ; cependant nulle part aucune tendance à la cicatrisation , mais,
au contraire, les ulcérations gagnaient en étendue. Malgré les médi
cations les plus variées, cette malade succomba le 9 novembre dernier
dans la clinique d'Auspitz.
Dans un prochain numéro , nous donnerons la fin de l'histoire clinique
de cette malade, les circonstances de sa mort et les résultats macros
copiques et microscopiques de la nécropsie. A. DOYON .
REVUE DE DERMATOLOGIE . 735

I. DE LA LEUCOPLASIE BUCCALE ET LINGUALE, OC ICHITHYOSE DE LA LANGUE ,


ET DE SON TRAITEMENT PAR LE GALVANO -CACTÈRE, par E. FLETCHIER -INGALS.
(New York med . Journal, 28 juillet 1885 , p . 87. )
II . BEITRAG ZUR THERAPIE DER LECCOPLAKIA . (CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU
TRAITEMENT DE LA LEUCOPLASIE BUCCALE ), par Joseph ( Deutsch. medic .
Wochenschrift, nº 43, 1883 ).
I. - Le D Fletcher vient de faire paraître sur la leucoplasie buccale un
article qui est un résumé des plus complets et des mieux faits de tous les
travaux actuellement connus sur cette affection. Nous ne saurions trop
recommander, à cet égard, l'index bibliographique par lequel il a eu
l'heureuse idée de terminer. Je me contenterai de mentionner la défini
tion qu'il donne de la maladie, ses principales conclusions et le nouveau
traitement qu'il préconise.
La leucoplasie buccale est, d'après lui, une affection chronique de
la muqueuse buccale , caractérisée par un épaississement de l'épithéliuin
et la formation de plaques blanches, opalines, surélevées, qui deviennent
d'ordinaire fissurées et douloureuses, et qui , après avoir persisté pendant
un assez long espace de temps, sont assez sujettes à se transformer en
épithélioma. C'est une affection idiopathique, distincte du psoriasis, des
plaques des fumeurs et de la syphilis. On la rencontre surtout chez les
hommes et dans la dernière moitié de la vie , mais parfois aussi elle
s'observe chez les femmes. Elle est si fréquente chez les fumeurs endur
cis que l'on peut considérer l'abus du tabac comme une cause prédispo
sante , mais il en existe des cas où les malades n'ont jamais fumé. D'après
l'auteur, tous les topiques que l'on a employés ont pour moindre incon
vénient de ne produire aucun effet utile; souvent ils précipitent la trans
formation de l'affection en épithélioma. S. James A. Salter a publié un
cas dans lequel on obtint la guérison par l'ablation totale des parties ma
lades et la cautérisation de la plaie consécutive avec le cautère actuel. Le
Dr Fletcher Ingals rapporte dans son article l'observation fort intéres
sante d'un malade de ans, chez lequel il pratiqua en plusieurs séances
la destruction graduelle de la production morbide avec le galvano - cau
tère . Il faisait les cauterisations très superficielles, de façon à ne guère
détruire que les couches épithéliales, aimant mieux revenir plusieurs
fois au même point que d'aller trop profondément. Après guérison des
parties cautérisées, il obtint une muqueuse normale, ne présentant que
deux ou trois petites cicatrices répondant à des points où les cauterisa
tions avaient été un peu trop profondes. Quatre mois après la dernière
séance, la guérison se maintenait encore parfaite. L. BROCQ .

II . - L'auteur, se basant sur un premier succès, préconise l'emploi de


736 REVUE DE DERMATOLOGIE .

l'acide lactique dans le traitement de la lcucoplasie ou du psoriasis de la


muqueuse buccale. Il rappelle que les tentatives thérapeutiques faites
jusqu'à présent, l'emploi des alcalins à haute dose (Schwummer), les
caustiques, le nitrate de mercure ( Devergie) , l'acide chromique (Vidal,
n'ont donné que peu ou point de résultats, et que le traitement radical
de la leucoplasie est encore à trouver.
Le malade observé et traité par Joseph était un homme de 60 ans,
atteint , depuis 9 années, de plaques de leucoplasie, ayant successivement
envahi la langue, la face interne des lèvres et des joues . Sur la langue,
l'affection était devenue confluente, remarquable à ce niveau par de le
gers sillons divisant sa surface en petits champs polygonaux et aussi par
des rhagades fort douloureuses ; aux joues et aux lèvres la lésion était plus
discrète . Le malade avait souffert autrefois de troubles dyspeptiques de
courte durée ; la syphilis ne paraissait pas être en cause , malgré un
chancre contracté 35 ans auparavant mais non suivi d'accidents ; par
contre, l'abus du tabac était flagrant. C'était là la seule indication thé
rapeutique donnée par l'étiologie ; l'usage du tabac fut formellement
interdit . Mais en même temps le malade fut soumis à un traitement
local énergique par l'acide lactique. Toutes les 24 heures, l'auteur fric
tionnait fortement et pendant plusieurs minutes les parties malades à
l'aide d'un tampon d'ouate imbibé d'acide lactique concentré.
Les frictions répétées avec l'acide lactique amènent rapidement la
chute de l'épithélium altéré, laissant à sa place des pertes de substances
très superficielles qui guérissent en quelques jours ; la douleur provo
quée par le traitement est assez vive , mais de courte durée , et peut être
calmée , chez les sujets impressionnables, par la cocaïne .
Déjà, au bout de 4 semaines, le résultat obtenu était des plus ma
nifestes, et 15 jours après la rétrocession était presque complète. L'au
teur n'a pas attendu la guérison définitive pour donner la publicité à sa
tentative thérapeutique, désireux surtout de signaler l'action élective de
l'acide lactique pour l'épithélium malade, et l'immunité des tissus sains
du voisinage.
Nous croyons devoir réserver tout jugement jusqu'à la publication de
l'observation complète. L'acide lactique agit évidemment à la manière
d'un caustique, et il serait intéressant de savoir si la guérison se fait par
cicatrice ou s'il y a restauration de l'épithélium . L'auteur ne le dit pas.
D'autrepart,, la guérison est-elle définitive, ou s'agit-il simplement d'uue
rémission ? P. MERKLEN .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

MODIFICATIONS DE LA PEAU ARPÈS LA DISPARITION DES ÉRUPTIONS SYPHILITIQUES


par le prof. J. NEUMANN .

Depuis longtemps une question préoccupe les syphiligraphes : c'est


de connaître le moment où le contage syphilitique passe dans le sang,
et combien il lui faut de temps pour déterminer ensuite des altérations
sur la peau , sur la muqueuse et sur d'autres organes .
Jusqu'ici on n'a pas encore essayé de faire, avec du sang provenant
de cette phase d'incubation, des inoculations qui permettent de résoudre
ce problème; par contre, une inoculation avec la sérosité de ganglions
lymphatiques indolents produits par un chancre infectant provoqua la
syphilis (4 semaines après l'infection chez un individu sain ) (1 ) .
L'observation clinique enseigne précisément que l'effet produit sur
la peau et sur les muqueuses ne se manifeste qu'après un laps de temps
de 50 à 60 jours, ce qui est le terme ordinaire .
Les phénomènes généraux ( fièvre, chlorose intensive , douleurs rhuma
toïdes, etc.) qui précèdent les poussées éruptives, montrent suffisamment
à quel point, dans cette phase initiale même, l'organisme entier est affecté
simultanément par le processus syphilitique .
Exceptionnellement, l'invasion peut avoir lieu avant le terme ordinaire
chez les individus adonnés aux boissons alcooliques et vivant dans de
mauvaises conditions hygiéniques; tandis que, d'un autre côté, l'éruption
peut être retardée par des affections fébriles intercurrentes, notamment
par des érysipèles, par des traitements préventifs, surtout frictions mer
curielles et iodure de potassium.
Il est du reste rare de voir l'éruption faire complètement défaut et
de trouver seulement la décoloration de la peau et la tuméfaction de
tous les ganglions.
Un cas de cette espèce a été observé dans la clinique du prof. Neumann .
Z. Franziska, admise le 17 avril , malade depuis quatre semaines. Les
petites lèvres sont très volumineuses, elles sont denses, infiltrées ; au
milieu de leur bord libre , il existe une érosion fortement accusée à
base indurée de la grandeur d'une pièce de 50 centimes ; les ganglions
inguinaux du côté gauche ont la grosseur d'une fève ; du côté droit,
celle d'une noisette .
25 mai . La peau se décolore mais sans autres symptômes syphilitiques.
(1) D'après Bu .
738 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

Comme à part le gonflement de tous les ganglions aucun symptôme


ne s'est manifesté pendant quatre mois, la malade quitte la clinique.
Au point de vue anatomique cependant une peau qui , à l'examen
clinique, ne présente pas encore de lésions, n'offre aucune modification
avant la fin de la neuvième semaine en comptant à partir de l'époque
de l'infection .
Il en est tout autrement après la disparition des phénomènes cliniques
de la peau, alors que les taches roséoliques, les papules, les éruptions
lichénoïdes et pustuleuses ont disparu, c'est-à- dire à cette période dans
laquelle les malades cessent ordinairement le traitement médical.
L'examen microscopique est alors de la plus haute importance puis
qu'il démontre d'une manière incontestable qu'avec la disparition des
lésions macroscopiques , autrement dit cliniques, les produits déposés
dans la peau par le processus morbide persistent toujours. On peut
même après plusieurs mois (4 à 8) constater encore, dans la peau
et ses annexes, la présence de produits morbides consistant surtout en
cellules d'exsudat. Ces dernières se trouvent dans le derme, dans les pa
pilles, les vaisseaux, les glandes sudoripares et dans les follicules se
bacés avec ou sans pigment ; de plus le derme est lui-même le siège de
diverses modifications et se présente sous une forme granuleuse.
Ainsi donc les exsudats produits par la syphilis n'ont nullement ce
caractère éphémère qu'on leur a attribué.
L'infiltration, bien entendu, n'est pas si extensive que dans la syphilis
récente ; le gonflement du tissu aussi prononcé ; les cellules d'exsudat
prédominent surtout dans les parois vasculaires, les conduits excréteurs
des glandes sudoripares, autour des follicules pileux et des glandules
sébacées ; çà et là aussi dans des foyers moindres des couches cutanées
superficielles . Ces cellules ont déjà perdu leur forme annulaire; elles
sont plus allongées en forme de fuseaux pigmentés.
Lorsque depuis la phase initiale de la maladie un laps de temps plus
long s'est écoulé, la prolifération cellulaire qui entoure les vaisseaux et
les follicules cutanés ne présente qu'une couche mince, tandis que les
parois vasculaires et folliculaires sont épaissies.
Il serait difficile d'indiquer au bout de combien de temps ces restes des
cellules d'exsudat sont, eux aussi, résorbés, puisqu'on ne parvient pas
à reconnaître exactement, après des années, les endroits qui ont été le
siège d'un exanthème syphilitique.
Toutefois, non seulement des mois mais des années pourraient s'écou
ler avant qu'une complète restitutio ad integrum puisse avoir lieu .
Ces modifications dans la peau qui, en apparence, est revenue à son
état normal, ont non seulement un intérêt théorique mais aussi une
grande importance pratique. Elles nous apprennent qu'à l'époque où le
RBVUB DB SYPHILIGRAPHIE . 739

malade est déclaré « guéri » (1 ) , - les symptômes cliniques ayant com


plètement disparu , - il reste encore des produits morbides déposés dans
le derme, produits, il est vrai, qui ne sont perceptibles qu'à l'aide du
microscope.
On ne doit donc, en aucune façon, considérer toujours comme des
récidives les nouvelles éruptions qui surviennent, par exemple, plusieurs
mois après la disparition de l'exanthème cutané et à la même place, ou
bien après des taches roséoliques, des efflorescences annulaires éphé
mères, qui réapparaissent encore, au bout de quelque temps, sous
l'aspect de nodules punctiformes, circulairement rangés.
Dans ces cas, les cellules d'exsudats non encore résorbées se seraient
accrues, multipliées de nouveau, auraient peu à peu progressé vers le
réseau de Malpighi et provoqué de nouvelles efflorescences .
Ce dernier phénomène peut se produire spontanément, toutefois il
est , le plus souvent, occasionné par des irritations externes.
Sur certaines parties de l'enveloppe tégumentaire et des muqueuses,
on peut, par des observations cliniques, poursuivre avec plus de préci
sion encore ce processus : par exemple, sur la muqueuse des lèvres et des
joues, aux plis de l'anus, aux organes génitaux, où des irritations chi
miques et mécaniques produisent des excoriations ; et, quand elles sont
abandonnées à elles -mêmes, des papules se font jour, lesquelles, sous
cette forme, sont tout aussi infectieuses que dans la phase récente de
la maladie .
Neumann est donc d'accord avec A. Fournier, et les autres syphi
ligraphes qui traitent leurs malades et les tiennent en observation pen
dant des années, puisque les produits syphilitiques persistent encore
longtemps, alors même que tous les symptômes cliniques ont déjà
disparu .
Fournier (2) traite ses malades atteints de la syphilis récente, pen
dant deux ans avec le protoiod . hydrarg. de 5 à 10 centigr. par jour ;
il recommande de suspendre de temps છેà autre la médication .
Le traitement schématiquement formulé, est à peu près le suivant :
Traitement initial, pendant 5 à 6 semaines, 5 à 10 centigrammes de
protoiodure pro die, puis repos de 4 à 5 semaines ; 4 à 8 semaines de
traitement, 3 mois de repos ; 4 à 6 semaines de traitement; repos,
3 mois .

( 1 ) Dans un mémoire présenté par Kæbner au Congrès médical à Copenhague,


cet auteur propose de remplacer, dans tous les hôpitaux, ainsi que dans toutes
les statistiques policliniques, la rubrique « guéri » par celle de « indemne de tout
symptôme » .
2 ) Syphilis chez la femme, 2e édit. , p . 814.
740 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

Dans le cours de la seconde année , Fournier prescrit l'iodure de


potassium durant les périodes de repos du traitement mercuriel; ainsi ,
à peu près, pendant 4 à 6 semaines, il donne le protiodure hydrarg .,
puis , durant 4 à 6 semaines l'iodure de potassium , et ensuite 3 mois
de repos .
La troisième année il recommande l'iodure seul .
Fournier, qui a observé 87 mariages dont sont issus 156 enfants, a
constaté que tous les enfants dont les pères avaient été traités de cette
manière jouissaient d'une bonne santé.
Selon Virchow , il faudrait employer tous les moyens possibles pour
remédier à toute affection locale syphilitique (par conséquent aussi aux
lésions locales syphilitiques que Neumann vient de signaler, non
visibles macroscopiquement et dont la présence ne peut être révélée que
par le microscope) .
Car toute dyscrasie durable suppose une affection locale tenace,
ou bien une affluence permanente de principes nuisibles dans le sang .
Dans la syphilis, une infection intermittente part de certains foyers;
primitivement le virus syphilitique passerait sans doute dans le sang ,
mais serait bientôt déposé et retenu dans les glandes lymphatiques et en
partie aussi dans les tissus . Dans ces dépôts le virus peut être détruit
par la suppuration, ou bien , au contraire, la substance virulente aug
mente. En conséquence, toute localisation du virus syphilitique peut
devenir, d'un côté dépurative, de l'autre, infectieuse pour l'organisme.
« Les produits syphilitiques récents et humides peuvent seuls étre
considérés comme des réceptacles du virus, tandis que les nodosites
sèches et caséeuses seraient arrivés au repos. »
Neumann n'accepte qu'une partie de la théorie de Virchow , puisque
ce ne sont pas exceptionnellement les glandes lymphatiques seules, mais
bien d'autres organes aussi , — particulièrement l'enveloppe cutanée, –
qui, comme il aa été dit ci-dessus , sont en état de provoquer de nouveau ,
soit spontanément , soit par suite d'une irritation externe, des produits
7

porteurs de contagion .
Il parait que l'organisme, une fois devenu syphilitique, conserve
longtemps ce caractère et est en état de le communiquer à d'autres
organismes, de l'infecter, et de le transmettre à sa propre progéniture.
Il résulte des faits observés par l'auteur que, 3 à 7 mois après la
cessation du traitement, on trouve toujours des cellules d'exsudat dans
la peau et ses annexes . A. DOYON .
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 741

1. EMOGLOBINURIA E SIFILIDE . —HÉMOGLOBINURIE ET SYPHilis , par Aug.


MURRI ( Rivista clinica di Bologna , 1885 et Centralblatt für die
medic. Wissensch ., 27 juin 1885) .
II . CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'HÉMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE , par
L. Gotze. (Berliner. Klin Wochensch ., 1884, n . 45 ; Centralblatt für
die medicinisch Wissensch , 1885, n° 8) .
III . - ZUR CASUISTIK DER PAROXYSMALEN HAMOGLOBINURIE . (CONTRIBUTION
A L'ÉTUDE DE L'HÉMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE , par C. Kopp (de (Munich ).
(Artzliches Intelligenz- Blatt, 1885 , n ° 16. )
I. – C'est Murri qui paraît avoir le premier signalé les rapports de
l'hémoglobinurie paroxystique avec la syphilis. Dans une précédente ana
lyse faite à l'occasion d'une très intéressante note de Schumacher (ſl) sur
le même sujet, nous avons rappelé les premières observations du méde
cin de Bologne. Le nouveau travail de cet auteur donne la relation de
15 cas d'hémoglobinurie a frigore dans lesquels l'étiologie syphilitique
est nettement mentionnée, et 2 autres dans lesquels elle est restée dou
teuse ; ces 17 cas ont été publiés dans divers recueils médicaux depuis
1880. En ce qui concerne ses propres observations, Murri signale que
deux des malades guéris par lui , il y a 8 ans, à l'aide du traitement spéci
fique, sont restés indemnes de tout nouvel accident, et il en conclut que
la cure mercurielle, la seule jusqu'à présent efficace, doit être tentée
dans les cas même où la syphilis n'est ou ne paraît pas en cause.
Au point de vue pathogénique, Murri rejette l'hypothèse d'une lésion
rénale primitive. Il se rattache à l'idée d'une dyscrasie dépendant du
paludisme ou de la syphilis, coïncidant d'ailleurs avec une excitabilité
anormale des centres vaso -moteurs. Celle-ci pourrait être mise en jeu et
provoquer l'accès hémoglobinurique sous l'influence d'irritations di
verses : irritation des nerfs thermiques de la peau (hemoglobinurie a
frigore) ; irritation cérébrale (hémoglobinurie psychique, cas de Druitt) ;
irritation musculaire (hémoglobinurie par excès de travail, Wickham
Legg) ; irritation utérine (hémoglobinurie menstruelle, Wolff); irritation
stomacale (hémoglobinurie a fame).
La marche des accidents prouve bien d'ailleurs que l'excitation ner
veuse précède le trouble hématique; ordinairement l'accès débute par
la pâleur et le refroidissement de la peau, puis seulement surviennent
cyanose, l'oligurie, l'albuminurie et enfin l'hémoglobinurie.
L'auteur s'est demandé si le sang des syphilitiques était moins résis
lant au froid que celui des sujets sains . Les expériences qu'il a faites
avec son assistant le Dr Vitali lui ont montré que , soumis au froid, le
sang des hommes sains, ou des malades atteints de paludisme, de can
742 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

cer , etc. , laissait déposer un sérum clair, tandis que , dans les mêmes
conditions, le sérum du sang des syphilitiques est rose, c'est-à-dire co
loré par l'hémoglobine. P. M.

II . - Une petite fille de 9 ans, sujette à de fréquents accès d'hémo


giobinurie sous l'influence des moindres refroidissements , présentait une
série de symptômes pouvant faire soupçonner une syphilis héréditaire
tardive , à savoir : hyperostose diffuse de la diaphyse des os longs, mal
formations dentaires, irido -kératite bilatérale , cicatrices de la membrane
du tympan , etc. Un traitement antisyphilitique consistant en iodure de
2

potassium et frictions mercurielles fit disparaître, non seulement l'affec


tion oculaire, mais aussi les crises d'hémoglobinurie, si bien que l'en
fant put s'exposer sans accidents aux refroidissements les plus violents.
P. M.

III . L'auteur rapporte l'observation suivante recueillie à la clinique


de Neisser, à Breslau .
S. P .., âgé de 29 ans, a contracté il y a 4 ans,un chancre, pour lequel
il a été traité, mais pas très régulièrement, par des frictions mercurielles .
Au bout d'un an survient une amygdalite qui nécessite d'abord des cau
térisations puis l'extirpation des tonsilles. L'année suivante, sypbilides
ulcéreuses des cuisses traitées par l'iodure à haute dose, guéries avec ci
catrices pigmentées caractéristiques ; à la même époque, chate de che
veux, sueurs profuses. Depuis 9 mois, le malade est pris, après chaque
refroidissement, d'accès de fièvre avec émission d'urine brune et même
noirâtre. Les accidents ne laissent à leur suite qn'un peu de fatigue, et
dès la troisième miction, l'urine redevient claire ; la peau reste d'un
jaune subictérique pendant quelques jours.
Du commencement de l'hiver 1883 jusqu'au mois de mai 1884, le
malade a 7 ou 8 accès de ce genre. Ils disparaissent pendant l'été et
reviennent en septembre, toujours à l'occasion de refroidissement. Au
moment de son entrée à l'hôpital (10 septembre 1884) , le diagnostic d'hé
moglobinurie est confirmé à l'aide de l'expérience de Rosenbach . Immé
diatement l'on institue le traitement spécifique par les frictions mercu
rielles . Le huitième jour survient encore un accès. C'est le dernier. La
cure mercurielle dure un mois , puis après un repos de 15 jours, le ma
lade est mis à l'iodure de potassium . Depuis cette époque, plus d'acci
dent. La guérison date de six mois. P. MERKLEN .
REVUE DE SYPBILIGRAPHIE . 743

COMPTE RENDU DES THÈSES DE SYPHILIGRAPHIE SOU


TENUES A LA FACULTÉ DE PARIS PENDANT L'ANNÉE
1884-1885 .

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES PRINCIPAUX FACTEURS DE GRAVITÉ DANS LA


SYPHILIS, par E. BOURDIN ( Thèse de Paris, 1885) .

L'auteur a raison de dire qu'il n'est pas rare de rencontrer encore de


nos jours des cas de syphilis rappelant les horribles faits du xviº siècle.
S'ils sont moins fréquents, c'est grâce aux progrès de l'hygiène, au trai
tement spécifique mieux appliqué et mieux suivi , et peut- être aussi à
l'atténuation graduelle de la maladie par la syphilis ancestrale . Pour
tant, ne voit-on pas chaque jour la syphilis être insignifiante chez l'un ,
grave chez l'autre, mortelle chez un troisième ? On sent qu'il persiste là
une grande inconnue ; c'est à dégager celle -ci que l'auteur s'est attaché,
s'inspirant d'une leçon faite par Fournier.
Un des plus grands et des plus communs facteurs de gravité dans la
syphilis, c'est assurément l'alcool. En effet, les accidents tégumentaires
sont plus précoces, plus durables, plus fréquents, plus profonds, plus
abondants, plus rapidement récidivants, dans le cas où la syphilis est
fouettée par l'alcool . Fournier a montré de plus qu'un des facteurs qui
prédispose le plus à la syphilis cérébrale est encore l'alcool . Est-ce
pour la raison contraire que la syphilis cérébrale est si rare dans l'en
fance ? Ce sont aussi les cas de syphilis alcoolisée qui entraînent les
désordres les plus graves dans la nutrition et qui sont les agents les plus
actifs de la dénutrition .
En second lieu, vient la misère physiologique ( faim , surmenage phy
sique et parfois intellectuel , insuffisance de sommeil , conditions d'habitat,
en un mot, tout ce qui est contraire à l'hygiène, et la misère sous toutes
ses formes ).
Les accidents insolites qui surviennent chez les syphilitiques qui sont
scrofuleux sont généralement précoces et surviennent moins de six mois
après le début de l'infection . Ce sont des lésions oculaires affectant sur
tout la cornée, les lésions osseuses et articulaires simulant les tumeurs
blanches, les lésions du larynx, du pharynx, des fosses nasales, les
ostéites, les nécroses, l'ozène, etc. Ce n'est point de la syphilis, ce n'est
point de la scrofule, c'est de la scrofulo-syphilis. Les gommes sont rela
tivement énormes. L'anémie est profonde, l'amaigrissement extrême; la
cachexie rapide. C'est ainsi que la syphilis provoque parfois l'apparition
de tubercules pulmonaires.
La grossesse et la puerpéralité apportent aussi à la syphilis un con
744 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

tingent sérieux de malignité. Les syphilides à forme ulcéreuse sont fré


quentes ; l'ulcération est large , profonde, envahissante ; le phagédénisme
est la règle . D'ailleurs l'état puerpéral place la femme dans un état
marqué de réceptivité morbide et de résistance inoindre .
L'impaludisme est une maladie cachectisante par excellence. L'anémie
est extrême chez les paludéens. Que va - t-il arriver si la syphilis, 1

qui est également une maladie anémiante à un haut point, et qui ré


clame un terrain sain et robuste pour lui résister, vient à se sura
jouter à la maladie paludéenne ? L'observation montre que la vérole
aura, dans ces cas , une marche progressive, envahissante , rapide, que
ses accidents seront graves, particulièrement malins el parfois mortels .
Telles sont les principales causes connues jusqu'à ce jour pour aggraver
la vérole et la rendre plus rebelle aux spécifiques. Bourdin termine sa
thèse, intéressante étude de pathologie générale, en disant : « Malgré
l'examen le plus minutieux , on observe cependant certaines syphilis ma
lignes dont le facteur de gravité nous échappe ... » Et en effet, rien n'est
plus vrai. Ne peut-on dire d'une manière générale que tout individu dont
le système vasculaire est altéré ou peu résistant aura une syphilis grave ?
Bourdin eût peut-être bien fait de diriger des recherches dans ce sens.
De plus, à plusieurs reprises , cet auteur énonce une affirmation tout au
moins discutable : « Le virus est un » ; mais qu'en sait - on ? Et, depuis
les travaux de Pasteur, n'est-on pas au contraire amené à attacher
ure importance capitale aux bouillons de culture et aux divers procédés
capables d'atténuer ou d'aggraver la virulence d'un liquide donné. Qui
peut dire par conséquent que la nature ne peut pas détruire l'unité d'un
virus et lui donner tous les degrés possibles dans l'intensité ?
L'auteur rapporte une observation de syphilis maligne précoce où la
purpéralité, l'absence de traitement et la misère étaient si bien les facteurs
de gravité de la syphilis que celle-ci s'atténua rapidement et devint bé
nigne dès que lesdites causes d'aggravation furent supprimées. L'absence
de traitement, le défaut d'hygiène , l'incurie et la négligence des habitants,
l'alcoolisme et surtout l'impaludisme , sont les causes qui rendent graves
les syphilis des pays chauds. La température du pays , la race de l'habi
tant ne semblent pas devoir être incriminées. Tout ce qui débilite le sy
philitique fortifie la vérole. Ce qui se passait autrefois se passe encore de
nos jours , et on meurt aujourd'hui de la vérole aussi bien qu'au temps de
François Ier, quand l'absence ou l'insuffisance de traitement vient s'ajouter
à elle. On peut, avec Collin, signaler de plus, pour expliquer la malignité
de la vérole du XVe siècle, les privations prolongées, le scorbut, les
fatigues de guerre, etc. Signalons en passant, pour les antimercurialistes,
d'intéressantes observations de Fournier, de Pellizari, de Heulz, où les
malades, vierges de tout traitement mercuriel, présentent des accidents
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 745

45 ans après le chancre. Or, Fournier nous l'a enseigné : « La grande,


la véritable cause de la vérole tertiaire, celle que l'on ne doit jamais perdre
de vue, c'est l'absence ou l'insuffisance du traitement dans la première
période de la diathèse. » En effet, l'observation montre bien que « l'ex
pectation appliquée à la vérole est véritablement désastreuse » .
Depuis longtemps, Ricord a indiqué que la vérole est grave aux âges
extrêmes, et notamment à la vieillesse. « Le vieillard perd l'appétit, ses
forces disparaissent, la cachexie l'envahit, il tombe dans le marasme, et
souvent la mort devient le terme inévitable de ses souffrances » (Bourdin) .
Cette influence de l'âge est donc ici la même que celle de l'alcool, quoi
qu'en aient pensé Sigmund et Lagneau . Notons donc l'hérédité.
De même, la syphilis héréditaire est de toutes la plus redoutable, puisque
c'est elle qui est le plus souvent suivie de mort : 353 morts sur 458 cas
(statistique de Fournier).
Parmi les états diathésiques qui impriment à la syphilis une allure
spéciale , une marche rapide , une gravité particulière , il faut placer au
premier rang la scrofulo -tuberculose. C'est Ricord qui attira le premier
l'attention des cliniciens sur cette hybridité. Trousseau et Pidoux remar
quèrent aussi que les scrofuleux ont plus souvent que les autres des sy
philides ulcéreuses et suppuratives. Ce n'est guère que chez les scrofuleux
que le bubon du chancre induré suppure : 8 fois sur 469 (Fournier);
16 fois sur 368 (Rollet).

OPÉRATIONS CHIRURGICALES CHEZ LES SYPHILITIQUES, par P. JANNOT (Th . de


Paris, 1885) .

Dès la première page, nous trouvons des contradictions:


« Dans une syphilis ancienne , le malade ne ressent que des douleurs
vagues : il peut même n'éprouver aucun accident; mais s'il vient à rece
voir une blessure , il n'est pas rare de voir la plaie , au bout d'un temps
plus ou moins long, se convertir en un ulcère syphilitique. » ( Dict . en
30 vol. , t. VIII p . 408. )
Et plus loin : « L'existence du vice vénérien peut retarder ou même
empêcher le travail de cicatrisation , et la plaie , dégénérant en ulcère, offrir
1

l'aspect qui caractérise cette cachexie . » (Compend. de chir ., t. I , p . 314. )


>

Enfin , à la même page : « Les plaies guérissent aussi promptement


chez le sujet affecté d'une maladie vénérienne abandonnée à elle -même
que chez l'homme sain . »
Eh bien , ces contradictions, dont on pourrait presque à l'infini multi
plier les citations, sont très instructives. En effet, elles expriment très
exactement ce qui se passe en réalité. Tantôt une plaie provoquera une
poussée de syphilides ou dégénérera en ulcère syphilitique ; tantôt elle ne
ANNALES DE DERMAT. , 2e SÉRIE . VI . 49
746 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

donnera pas lieu à la plus petite manifestation syphilitique ; et cela sans


qu'on sache pourquoi, sans que ce soit en rapport avec l'intensité de la
vérole (il ne s'agit, bien entendu, que de véroles anciennes), avec un
traitement spécifique plus ou moins prolongé, ni même avec la gravité
du traumatisme.
C'est ainsi que Cazenave nous apprend que des morsures de sangsues,
un vésicatoire, ou même un bain de vapeur ont suffi à provoquer le dé
veloppement de syphilides, alors que de grandes opérations n'ont aucune
conséquence de cette nature (Ricord, Soc . chir ., 1852, t. II , p . 41 ).
« Les plaies faites à un sujet syphilitique peuvent et non doivent néces
sairement devenir ulcéreuses » (Chaussit, in Ann . 1851 , t. III , p . 162).
Rien n'est constant, rien n'est certain dans ces résultats, pas même
l'époque à laquelle ils se produisent. Car, lorsque la plaie dégénère, c'est
à une époque variable de sa durée, comme le fait remarquer Jannot.
Eh bien , ce qu'on sait du traumatisme est formellement applicable à
l'usage des eaux sulfureuses qui sont tout aussi inactives ou inconstantes.
Il faut absolument en finir avec la légende de la pierre de touche. Les
vastes brûlures sont un agent de provocation assez puissant , de beaucoup
le moins infidèle . Dans les cas positifs, Verneuil , après Jobert, trace la
voie à suivre (Gaz. hebd ., 1863, p. 134) : « Vous opérez chez un sy
philitique une fistule pénienne : la réunion immédiate manque, l'auto
plastic a échoué, Instituez le traitement spécifique, puis vous recommencez,
et cette fois avec succès . »
Verneuil a presque raison de dire qu'à voir la marche si inégale de la
vérole chez tel ou tel sujet, cette maladie, totius substantiæ , n'a aucune
limite ni aucune loi , pas plus qu'elle n'a encore de caractéristique histo
logique. Il ajoute : « La syphilis envahit rarement les foyers trauma
tiques dans sa première période, mais elle le fait plus aisément quand
elle est ancienne, et son influence se manifeste après 10 ans et 20 ans
de sommeil et parfois davantage . >>
Jannot rapporte 31 observations, dont une inédite , intéressante, bien
qu'elle renferme pas mal d'appréciations inexactes. Sur 39 manifestations
de la diathèse consécutives au traumatisme, il y eut 19 ulcérations, 3 ab
sences de cicatrisation , 3 suppurations, 2 hémorrhagies, une gangrène
et une névralgie ; elles ont eu lieu, pour la plupart, du 15e au 20° jour
de l'opération . Dans un quart des cas, les manifestations eurent lieu à
distance. L'auteur conseille le traitement préventif, mixte et énergique,
quand on doit opérer un syphilitique.
NOUVELLES RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA SYPHILIS, par L. Hugo
Marcus ( Thèse de Paris, 1885) .
L'auteur fait remarquer l'analogie qui existe entre la syphilis et la
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 747

lepre, la chronicité exceptionnelle de ces maladies, l'intermittence de


leurs manifestations, etc. -– Chose remarquable , la lèpre est une des
maladies dans lesquelles on a trouvé le plus rapidement le bacille ; c'est
la maladie dans laquelle le bacille est peut-être le plus abondant. Et ,
tout récemment, au plus grand étonnement de chacun , l'Académie de
médecine a entendu proclamer la non - contagiosité de la lépre ! Vidal a
été seul à soutenir l'opinion opposée. Nous avouons, pour notre part,
que nous ne pouvons concevoir la lèpre autrement que contagieuse et
inoculable, à la façon de la tuberculose dont on a si longtemps méconnu
la transmissibilité. Les mesures d'isolement prises en Norwege donnent
des résultats heureux précisément, parce que l'hospitalisation diminue
les occasions de contamination . Hugo - Varcus parle de la disparition de
la lėpre en Europe ; c'est là une erreur qu'il est trop facile de réfuter
pour que nous ne disions pas nos regrets de constater que toute lepre
est loin d'avoir encore disparu d'Europe.
Ajoutons que c'est Danielssen en 1858, puis Hansen et non Neisser
qui a prouvé qu'un lépreux peut contracter la syphilis .
Quoi qu'il en soit , on refuse le pouvoir contagieux à la lèpre dont le
microbe est connu . Mais, on est bien obligé d'accorder l'attribut de
contagiosité à cette syphilis dont le bacille échappe à tous les obser
vateurs, Klebs, Aufrecht , Bermann , Obrazzow, Martineau, Lustgarden ,
etc. Ce microbe de la syphilis, tour à tour proclamé et nié, qui a déjà
tant créé d'illusions et de déceptions et exercé la sagacité de tant de
travailleurs , ne cesse de tenter les histologistes et de provoquer de nou
velles recherches.
Toutes ces recherches seront privées de contrôle , c'est-à-dire qu'elles
n'aboutiront pas à un résultat scientifique tant qu'on ne trouvera pas
l'animal-réactif, c'est- à - dire l'animal propre à l'inoculation et 30

développement du virus syphilitique.


Nous pensons d'ailleurs que c'est, non pas dans les liquides ou dans
les plaies syphilitiques ouvertes à tous les microbes de l'atmosphère
qu'il faut rechercher un bacille si difficile à rencontrer isolé , mais dans
les ganglions lymphatiques symptomatiques de chancres infectants. La
syphilis persistera-t-elle donc à rester fille de père inconnu ? C'est ce
que l'avenir nous apprendra .
En attendant, voici les conclusions de Hugo -Marcus :
« 1° La syphilis est une maladie microbienne ayant un coccus pour
cause ..... Ce coccus a un diamètre de 0.5 - lv .; il est facile à co
lorer par le violet de gentiane.
2º On le rencontre dans les produits syphilitiques et leurs sécré
tions, mais en plus grand nombre dans les accidents primaires. Ces
coccus se présentent souvent en groupes de six ou sept, accolés les uns
748 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

aux autres et formant ainsi de petits chapelets. Dans les néoformations,


ils siègent surtout à la périphérie du tissu de granulation, dans le tissu
intercellulaire et souvent dans les cellules elles -mêmes.
3° Les cultures faites avec les coccus provenant surtout des sécrétions
montrent bien des bacilles dans les premiers tubes, mais la 4º dégéné
ration devient stérile .
4° Le sang des syphilitiques ne contient ni bacilles ni coccus anato
miquement constatables. Toutefois des ensemencements faits avec le
sang des malades en pleine roséole donnent les coccus déjà décrits.
5° Le syphilococcus se colore très facilement par des solutions alca
lines de fuchsine ( Birch -Hirschfeld ), mais mieux encore par la solution
d'Ehrlich au violet de gentiane. Il résiste aux alcalis, mais leur colo
ration ne résiste pas à l'alcool trop acide.
6° Des inoculations faites avec des cultures pures de ces coccus ne
donnent sur les animaux aucun résultat... >>

LA SYPHILIS PLACENTAIRE, par A. GASCARD ( Thèse de Paris, 1885 ).


Fournier a montré, par d'importants documents apportés à l'Académie ,
combien large part avait la syphilis dans la mortalité des nouveau-nés
et dans les avortements ; ce fait a décidé l'auteur à étudier la syphilis
placentaire. Gascard signale avec raison le dédain qu'on a en général
pour le placenta sur lequel on ne jette bien souvent qu'un regard hâtif
et distrait. Il aurait pu ajouter que l'histologie normale de cet organe
n'est pas encore faite et qu'il est par conséquent bien difficile aujourd'hui
de savoir ce qu'il convient de rapporter à la maladie en général et à la
syphilis en particulier. Et en effet les altérations signalées sont bien peu
caractéristiques : c'est de l'anémie (Simpson ); des granulations jaunes
(Lebert); des noyaux fibrineux (Rokitanski, Mackensie ); des adhé
rences du placenta à l'utérus (Bærensprung ); des noyaux fibreux, presque
toujours au nombre de deux, allant du placenta maternel jusque dans la
profondeur du placenta fatal (Slavjiansky et Kleinwachter ); athérome
avec dégénérescence calcaire de la tunique interne, thrombose dans les
vaisseaux collatéraux , et consécutivement de la placente interstitielle
(OEdmanson ); — dans 17 cas , les fætus étaient venus morts et macérés
sans altération viscérale pouvant expliquer la mort ; .
hypertrophie
fibreuse des villosités choriales (Franckel); Gascard , dans son historique,
signale à peine la thèse de Boureau, sur la syphilis placentaire ( 1879)
faite sous l'inspiration de Bar.
Gascard rappelle qu'à partir d'une certaine période, la transmission de
la syphilis, par le père seul, n'est ni inévitable, ni nécessaire, ni même
habituelle, mais qu'elle est cependant incontestable. Dans ce cas, d'après
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 749

Franckel, ce sont surtout les villosités du placenta fætal qui présentent


des granulations graisseuses, des vaisseaux oblitérés et un épithélium
épaissi ou tombé. C'est, au contraire, à l'infection maternelle qu'il fau
drait rapporter l'endométrite placentaire, l'endométrite gommeuse de
Virchow . Si la mère était syphilitique avant la conception , le placenta
a tout autant de chances de rester sain que d'être malade. Et quand la
mère n'est infectée que du 7 au 9e mois, il n'y a aucune altération
du placenta et il y a immunité absolue du foetus (Franckel); Macdo
nald (1875) signale des altérations analogues, beaucoup plus prononcées
si les 2 générateurs sont syphilitiques. Il ajoute qu'un grand nombre
de maladies utérines à la suite d'une altération placentaire sont d'origine
syphilitiqne; que la mort du fætus est la suite d'une anhematosie pro
gressive sous l'influence des altérations. Les altérations fibreuses et dif
fuses du placenta sont habituelles en effet dans le cours de la syphilis
lors des avortements ou des accouchements prématurés. C'est là un fait
qui explique aussi les délivrances si pénibles que l'on observe si souvent
chez les femmes syphilitiques.
Les altérations syphilitiques placentaires peuvent se rencontrer avec
un enfant sain (Saxinger, de Tubinge, 1885) ; elles ne sont parfois que
partielles et très limitées.
‘Dans les cas d'infection par la mère, c'est la partie maternelle du pla
centa qui est surtout ou exclusivement altérée (Virchow ). Dans les autres
cas , on trouve seulement le placenta fatal et le cordon malades. Pourtant
le processus morbide peut s'étendre jusqu'au placenta maternel, et infecter
la mère par répercussion intra-utérine . Cette contamination ( syphilis par
conception de Fournier) peut aussi se faire par l'intermédiaire du sang,
sans autre altération matérielle du placenta . Synet y a observé aussi l'hy
pertrophie de la villosité, la dégénérescence fibreuse et enfin quelques
îlots de dégénérescence caséeuse . Braxton Hicks, Strassmann disent avoir
rencontré les lésions précédemment décrites chez des femmes absolu
ment saines .
Depaul insiste sur la fréquence des tumeurs fibro-caséeuses graisseuses,
comparables à des gommes syphilitiques, mais n'étant nullement d'ori
gine spécifique.
Quoi qu'il en soit, Gascard conclut en affirmant l'existence de lésions
placentaires dans le cours de la syphilis héréditaire; ces lésions sont
indéniables bien que ni inévitables ni nécessaires . Dans le cas où la
grossesse n'arrive pas à son terme, on trouve des lésions du placenta et
des membranes d'autant plus marquées que la délivrance a eu lieu plus
près du terme régulier. Enfin il rappelle que le traitement spécifique
peut permettre de porter un fætus à terme et vivant , à des femmes qui ,
jusque-là, n'ont eu que des avortements successifs.
750 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

DE L'ÉPILEPSIE SYPHILITIQUE ET DE SON DIAGNOSTIC DIFFÉRENCIEL AVEC L’É


PILEPSIE VULGARE , par J. BARBIER ( Th. de Paris, 1885 ) .
L'épilepsie d'origine syphilitique n'est plus mise en doute aujourd'hui
que par ceux qui ne sont pas au courant de la question et qui veulent
aller contre les faits. Barbier en rapporte un nouveau cas, observé dans
le service de Déjerine , suppléant Vulpian. Ce fait est remarquable en
ce que l'épilepsie ( forme de syphilose cérébrale ,Fournier) s'est développée
sans avoir été annoncée par un prodrome quelconque (anémie cérébrale,
changement de caractère, céphalée ), et que c'est dans le cours d'une ex
cellente santé que le malade a été surpris par sa première attaque.
Cette observation confirme la proposition de Fournier, à savoir que,
de toutes les causes pouvant produire l'épilepsie dans l'âge adulte, la
syphilis est de beaucoup la plus commune.
La syphilis ne produit pas que la grande épilepsie, l'épilepsie con
vulsive et apoplectiforme; elle peut déterminer aussi le petit mal (ver
tiges , absences, sensations de tourbillonnement, accès de tremblement,
crampes avec trépidation musculaire, spasmes subits de certains inus
cles , douleurs fugaces dans une région circonscrite du corps ) . On voit
aussi quelquefois les malades soumis à des impulsions soudaines et irré
sistibles, à des crises de violence , de fureur (délire comitial de Fournier ).
En opposition avec ces attaques généralisées et inconscientes, existe
l'épilepsie partielle et consciente, connue surtout depuis les travaux
d'Hughlings Jackson et de Charcot. Sans caractère particulier, l'épilep
sie partielle ou jacksonnienne se montre dans la syphilis cérébrale ce
qu'elle est dans toute encéphalopathie. Ce sont les lésions et leur siège
dans les régions fronto - pariétales de l'écorce qui déterminent l'épilepsie
partielle sur laquelle Fournier a le premier attiré l'attention en ce qui
concerne la syphilis : 1 ° forme circonscrile ; 2 ° forme systématisée.
Barbier rapporte un cas où les spasmes et les trépidations affectaient la
forme paraplégique; ce qui est plus rare que la forme hémiplégique. Comme
toujours, le malade ( compos sui) peut raconter les moindres détails de
sa crise, bien que parfois il soit passagèrement privé de la faculté de
parler.
De toutes les manifestations de l'encéphalopathie spécifique, l'épilep
sie partielle est assurément une de celles auxquelles on doit attribuer
le plus d'importance ; car si l'épilepsie jacksonnienne ne peut à elle seule
servir à déterminer la nature de l'épilepsie, elle permet au moins de
dire qu'elle n'est pas purement névrosique.
Le plus souvent tertiaire, l'épilepsie ne fait pas défaut dans la symp
tomatologie de la période secondaire Fournier , Ann . de Dermat., 1880).
-Elle relève surtout de lésions méningées. - Précoce ou tardive, l'é
REVUE DE SYPUILIGRAPHIE . 751

pilepsie syphilitique se distingue de l'épilepsie essentielle : 1° par l'ab


sence de cri ou d'aura, par l'âge du malade, par l'adjonction graduelle de
divers troubles cérébraux symptomatiques de tumeur cérébrale, par les
effets du traitement spécifique, par l'espace de moins en moins long qui
sépare l'une de l'autre les attaques tant que ce traitement n'est pas ad
ministré, etc. , tous caractères bien connus grâce à l'enseignement de
Fournier. Que présente donc de particulier la thèse de Barbier ? Cet
auteur insiste sur l'absence des réflexes rotuliens dans l'épilepsie syphi
litique, et sur la présence de plaques d'anesthésie disséminée à la sur
face du corps, particulièrement au dos des mains et à la face externe des
avant-bras et des jambes. Barbier a observé ces phénomènes morbides
sur des sujets atteints, non pas de syphilis secondaire mais d'accidents
tertiaires et a constaté leur permanence , ce qui les distingue des anesthé
sies variables ettemporaires qui suivent l'attaque de l'épilepsie névrosique.
Peut-on conclure de là à l'existence de lésions centrales, de lésions mé
dullaires , comme tend à le croire Barbier ? Ne doit -on pas auparavantéli
miner avec un soin tout particulier l'existence de l'hystérie, beaucoup
plus fréquente chez l'homme qu'on ne le croit généralement, et si sou
vent stimulée ou mise en lumière par l'infection syphilitique ? En effet,
l'anesthésie hystérique n'est pas toujours systématisée ; elle est souvent
disposée en plaques ; et d'autre part, l'on sait que l'absence du réflexe
rotulien a été constatée dans l'hystérie (Charcot), dans le diabète (Bou
>

chard , etc. ).
Rappelons que l'épilepsie, soit généralisée, soit partielle, est une des
lésions contre lesquelles le traitement d'assaut (frictions et iodure à
haute dose) réussit le mieux et le plus vite . C'est ainsi que Fournier et
Charcot ont guéri rapidement et définitivement plus d'un malade, un
notamment en quelques semaines, dont l'épilepsie jacksonnienne résis
tait depuis plus d'une année aux classiqnes a deux cuillerées de sirop de
Gibert » . Le pronostic n'est donc pas aussi sombre que le pense Bar
bier quand le traitement intervient à temps.
DE L'HÉMIPLÉGIE FACIALE DANS LA PÉRIODE SECONDAIRE DE LA SYPHILIS, par
F. DARGAUD ( Thèse de Paris, 1885) .
L'auteur rapporte le cas d'une jeune syphilitique qui , presque au début
de la période secondaire, présenta une déviation complète de la face du
côté droit et tous les signes caractéristiques de la paralysie du nerf de
la 7e paire (Service de Dieulafoy).
Le traitement mixte fut institué et la guérison fut obtenue au bout de
22 jours .
A propos de ce fait, Dargaud se livre à une analyse de 18 cas ana
logues disséminés dans les divers traités ou journaux. Sur ces 18 hémi
752 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

plégies faciales, développées de 3 à 5 mois après le chancre, 14 sur


vinrent chez l'homme et 4 chez la femme. 2 seulement furent d'origine
centrale (ce fait n'est pas admis par l'auteur ). Les autres sont dues à la
compression exercée sur la portion périphérique du nerf : tantôt par la
tumefaction des ganglions parotidiens (Gros et Lancereaux), tantôt par
la périostite secondaire dont Fournier a indiqué depuis longtemps la
fréquence et l'importance. Un troisième agent de compression est la
plaque de méningite hyperplasique (Knorre, Zeissl , Buzzard , Lance
reaux , Fournier) .
L'auteur admet cette troisième cause, de préférence surtout à la
deuxième; il discute également sans l'admettre la possibilité d'une névrite
spécifique (analogue à certaines névrites toxiques ou infectieuses) . Dans
2 cas la paralysie a été double mais non simultanée (Dupuytren , Alrick,
Liungren ).
Il y a lieu certainement de tenir compte du froid comme cause de la
paralysie faciale chez les individus sains, à plus forte raison chez les
syphilitiques, que leur maladie ne met pas à l'abri des affections com
munes . Mais la paralysie d'origine spécifique disparaîtra sous l'influence
du traitement avec une rapidité significative (1 à 6 semaines) à con
dition toutefois d'administrer le traitement mixte et non l'iodure de
potassium seul . Si un des deux agents peut être supprimé, c'est l'iodure,
le mercure étant alors prescrit à haute dose et pendant quelque temps
après la guérison . L'hémiplegie faciale n'est pas, comme le croit l'auteur,
une indice de la gravité ultérieure plus grande de la vérole.
Certes, nous pensons aussi que la périostite secondaire, s fréquente
au péricrâne, est une des principales causes de cette hémiplegie faciale
précoce; mais il y a des cas où , sans qu'on puisse penser au froid ni à
l'hystérie, la syphilis porte prématurément ( 1 à 18 mois) sur le cerveau
(Th . de Manchon, Paris, 1883) déterminant épilepsie, paralysies et hé
miplégies, et notamment la droite avec aphasie (artérite, thrombose,
dyscrasie, etc. ) . On se demande dès lors pourquoi les noyaux du facial
échapperaient toujours, comme le pense l'auteur, à une lésion analogue,
laquelle est souvent plus précoce que la méningite hyperplasique.
DES MANIFESTATIONS DE LA SYPHILIS SUR LA VOUTE DU CRANE, par E. Galtier
BOISSIÈRE ( Thèse de Paris, 1885) .
Cette thèse expose les faits sur lesquels repose cette notion , depuis
longtemps certaine, que la syphilis, acquise ou héréditaire, a une véri
table prédilection pour le crâne. On y trouvera d'intéressantes observa
tions ; toutefois il eût été bon de rappeler les exostoses intracraniennes
dues à la grossesse et qui ne peuvent être distinguées que par le micros
cope de celles de la syphilis. Nous n'insisterons pas sur des faits cou
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 753

ramment connus et nous signalerons seulement une observation due à


Bouchard et qui est toute d'actualité quoiqu'elle date de 1872 (26 décembre).
Il s'agit d'un malade âgé de 18 ans, enfant trouvé, d'une constitution
chétive . Depuis 8 jours, il souffre de malaise, courbature, céphalalgie,
anorexie et présente l'aspect typhoïde. Ventre, ni ballonné ni rétracté. Pas
de contispation , de diarrhée ni d'épistaxis. Toux légère déjà depuis quelque
temps , mais avec expectoration muqueuse. Langue blanche saburrale.
Pouls , 80. Température axillaire,38,7. Traitement= ipéca . Fièvre typhoïde?
Le lendemain , amélioration ; l'état typhoïde se dissipe. L'appétit re
vient. Température entre 37,2 et 37,8 . Au bout de quelques jours, le
malade allait partir pour Vincennes lorsque reparaissent la fièvre, la
prostration et la céphalalgie . Taches méningitiques, pouls fréquent,
température au -dessus de 39. Diagnostic = tuberculose aiguë . Mais
cet état aigu disparaît, et le malade restant languissant, on pense
que la tuberculisation devient chronique . Après quelques semaines de
réinission , la toux s'exaspère , expectoration abondante, striée de sang et
puis purulente. Râles moyens aux sommets avec respiration rude à
gauche, puis signes cavitaires. Amaigrissement progressif. Le 12 janvier,
accès convulsifs d'opisthotonos, puis coma , qui diminue d'abord , puis
augmente. OEil saillant, rouge , terne, face convulsée . On revient à
l'idée d'une méningite ; la température n'est que de 37. Le 16, mort.
Autopsie.- On ne trouve rien d'anormal dans aucun viscère, sauf dans
le crâne . La calotte cranienne présente de nombreuses pertes de substance,
inégales, irrégulières, marquées surtout à la face interne. Quelques
unes perforent complètement le crâne. Le plus souvent, la lame interne
est seule intéressée. Érodé en certains points, le tissu osseux est densifié,
éburné en certains autres . Il existe même de véritables végétations
osseuses au pourtour des perforations. A la face externe de la dure
mère, tumeurs nombreuses, molles, peu friables, grisâtres ou d'un gris
rosé , du volume d'un grain de millet ou d'un pois, vasculaires, sans .
ramollissement central, sans état caséeux, sans incrustation calcaire. Ce
sont des gommes syphilitiques (Cornil) , rapportables à une syphilis héré
ditaire tardive ( Bouchard). Cette observation n'est pas indiscutable puisque
l'enquête sur les parents fait défaut; mais elle montre le lé
gitime embarras des cliniciens avant que la notion des manifestations
tardives de l'hérédité syphilitique eût été bien démontrée par Fournier
et ses élèves .

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA SYPHILIS DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR ,


par F. CHABAUD ( Thèse de Paris, 1885 ).
Quel que soit l'os atteint par la diathèse , les lésions sont toujours
identiques à elles-mêmes.
754 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE ,

La syphilis étant une maladie générale, totius substantiæ , le tissu


osseux étant un point d'élection pour ses manifestations, il est naturel
de penser que tous les os peuvent être atteints. Néanmoins les chirur
giens paraissent avoir regardé le maxillaire inférieur comme ne devant
jamais être atteint par la syphilis, et avoir presque considéré cette notion
comme un moyen commode de diagnostic.
L'auteur se demande avec raison ce qu'il y a de réel dans ces asser
tions. Or il se trouve que, observations en mains, le maxillaire infé
rieur n'est nullement à l'abri , même en nos climats, des atteintes de la
syphilis, soit héréditaire ( Lannelongue, Berne), soit acquise ( carie sèche
syphilitique de Volkmann , Virchow, Ollier, etc. ) . Mauriac dit que les pé
riostites secondaires précoces siègent le plus souvent aux tibias, au crâne,
aux côtes et au maxillaire inférieur. Cet os n'échappe pas non plus aux
ostéites , aux ostéomyélites et aux ostéopériostites gommeuses. A la suite,
il reste souvent des exosloses et des hyperostoses amenant une déforma
tion plus ou moins marquée du maxillaire ( Otto Weber ).
Si l'affection est abandonnée à elle-même, la terminaison la plus fré
quente est la nécrose plus ou moins étendue du maxillaire. Si la périos
tite gommeuse s'accompagne d'ulcération , du côté de la muqueuse , il
faudra faire le diagnostic différenciel avec la tuberculose . En tout cas, il
ne faudra pas à l'avenir éliminer la syphilis d'emblée et ne penser qu'à
l'alvéolo-périostite simple, à la nécrose phosphorée, à l'ostéo -sarcome, à
l'actynomycose même, etc.
D'après Ollier, le mélange d'éburnation et de raréfaction du tissu
osseux est un des caractères saillants des lésions syphilitiques dans le
maxillaire comme dans les autres os . La fracture spontanée a pu en être
la conséquence.
En 1878, Fournier a publié le fait et la guérison d'une névralgie avec para
lysie du nerf mentonnier par lésion syphilitique du maxillaire. Il n'est done
.pas douteux que la vérole attaque le maxillaire inférieur. Mais il faut se
souvenir de la périostose diffuse non syphilitique deGuyon et de Le Dentu.
De plus, si comme Chabaud le pense, un certain nombre de faits
de résorption progressive des arcades alvéo -dentaires sont imputables
( Dolbeau -Labbé) à la syphilis ; il faut savoir que les spécialistes donnent
une tout autre origine à « la maladie de Fauchard » (Magitot, David ,
Galippe, Aguillon, etc. ) .
Enfin, un grand nombre d'altérations trophiques du maxillaire infé
rieur se développent sous l'influence du tabes.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA SYPHILIDE PIGMENTAIRE ( CHEZ L'HOMME ),


par E. ROMALO ( Thèse de Paris, 1885) .
Cette affection cutanée, que les Allemands s'obstinent à mal observer
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 755

(leucodermie syphilitique de Neisser), ou même à nier (Kaposi), a été


depuis 1854 l'objet, en France, de nombreux travaux. Depuis l'année
dernière, où la thèse de Maireau a été analysée dans ces Annales, il faut
citer la thèse de Saintin ( Nancy, 1884) , dans laquelle est consignée la
description histologique d'un lambeau cutané pris sur un malade atteint
de syphilide pigmentaire. Tankurri avait déjà fait pareille analyse.
Cette affection n'est pas exclusive à la jeune femme. Chez l'homme,
elle semble se développer surtout sur les sujets à tempérament lympha
tique à peau fine et transparente , ou sur ceux que l'infection géné
rale a particulièrement débilités. Ce dernier fait n'est pas la règle.
En dépit des assertions allemandes, la syphilide pigmentaire est pri
mitive ; elle n'est pas liée à l'existence d'éruptions antérieures. Elle peut
se développer brusquement et arriver d'emblée à l'état aréolaire (Barthé
lemy et Balzer ), ou lentement par une teinte bistre assez uniforme (Sain
tin ). Sur cette nappe hyperpigmentée, cet auteur a vu apparaître de ci
de là de petites zones plus pâles , se décolorant de plus en plus avec l'âge ,
et s'étendant graduellement jusqu'au retour à la coloration normale.
Elle peut envahir le thorax , les flancs, les aines, le front,etc.
Sa durée est longue (des mois ou des années) , indéterminée. Elle peut
être, dans certains cas, le seul signe qui permette de diagnostiquer sûre
ment une syphilis ignorée ou niée . Le traitement spécifique est sans
action sur la syphilide pigmentaire .

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TRAITEMENT LOCAL DES ACCIDENTS CUTANÉS DE LA


SYPHILIS, par M. DUBROMELLE ( Thèse de Paris, 1885).
L'auteur аa bien fait de rappeler que, si le traitement interne est indis
pensable, est l'agent capital de la guérison des accidents de la vérole, il
n'est pas moins nécessaire, pour hâter la guérison ou même pour empê
cher les récidives, de bien régler le traitement local. C'est de bonne pra
tique. De tout temps, le traitement local des accidents syphilitiques a
joué un grand rôle .
Au début même et pendant longtemps, le traitement local fut seul
employé à l'exclusion du traitement général. La spécificité du mercure
est mise en doute. On l'accuse même de produire les accidents secon
daires .
Au xix siècle , beaucoup de médecins considérant la syphilis comme
une maladie générale , négligent, de parti pris , le traitement local .
Il est certain que s'il fallait se passer de l'un des deux , c'est du trai
tement externe qu'il faudrait se priver. Mais il n'est pas moins certain
que le parsement occlusif avec le taffetas de Vigo , fait suivant les règles
posées par son auteur Chassaignac, abrège la durée du traitement et
756 REVUE DE SYPHILIGRAPHIE .

guérit même à l'exception du traitement général. Il est vrai que l'absorp


tion du mercure peut ici jouer le rôle de traitement interne. De même ,
plusieurs cas d'iritis sont guéris par l'occlusion simple des paupières et
les onctions d'onguent napolitain autour des arcades sourcilières (lu
nettes napolitaines ).
Les accidents secondaires et tertiaires sont également influencés d'une
manière heureuse par le pansement local , quelle que soit la préparation
employée (iodoforme, calomel , sublimé , teinture d'iode, nitrate d'argent,
nitrate acide de mercure, poudre de carbonate de fer, eau de Labarraque,
eau phagédénique, etc. , etc. ) .

GOMMES SYPHILITIQUES DU LARYNX , par C. LATOUPHIS ( Thèse de Paris, 1885).


L'auteur dit que les gommes du larynx ne sont pas si rares qu'on le
croit en général .
C'est là une affirmation qu'il eût été bon d'étayer sur une statistique
puisqu'elle est en opposition avec les données habituellement reçues.En
effet, Poyet dit que, sur 172 syphilitiques laryngiens, il n'a observé que
7 cas de gomme. C'est donc assez rare .
Leur siège le plus fréquent sont : l'épiglotte, les replis aryténo - épi
glottiques, les cartilages aryténoïdes, les cordes supérieures et enfin les
inférieures .
Le tabac, les boissons alcooliques, la parole , le chant sont les prin
cipales causes localisatrices des gommes sur l'organe phonateur, aussi
ces lésions se rencontrent-elles plus souvent chez l'homme que chez la
femme .
Les gommes sont soit superficielles, soit profondes et peuvent pro
duire des chondrites et périchondrites. L'auteur eut pu ajouter qu'elles
se présentaient sous la forme soit circonscrite en tumeur, soit diffuse
en infiltration , ce qui est le cas le plus fréquent.
Les symptômes sont ceux de toutes les affections du larynx sans avoir
rien qui soit particulier à la gomme. Ils varient d'ailleurs avec la période
( crudité, ramollissement , ulcération et réparation ).
Le diagnostic de la gomme ulcérée doit se faire avec les syphilides ulcé
reuses dont le pronostic est beaucoup moins sérieux , avec les ulcerations
tuberculeuses et avec le cancer ulcéré .
L'auteur dit qu'il y a de l'engorgement ganglionnaire. On sait pourtant
que c'est rare dans les manifestations spécifiques. Au contraire , l'adé
nopathie aide à distinguer le cancer de la syphilis.
Il faut traiter les gommes laryngées avec une grande énergie à cause
des désordres, des destructions, des cicatrices vicieuses qu'elles peuvent
produire.
REVUE DE SYPHILIGRAPHIE . 757

Les régions atteintes peuvent être déformées, déviées, rétrécies, enle


vées mêine. Les cartilages peuvent être éliminés, et avec eux une ou
deux cordes vocales . Le résultat définitif est une déformation du larynx,
pour le moins une altération profonde de la voix et parfois un rétrécis
sement plus ou moins marqué de la glotte qu'il faudra plus tard dilater ou
inciser (Isambert), ou traiter par la tracheotomie.

CONTRIBUTION A LA BALANO-POSTHITE GANGRÉNEUSE CONSÉCUTIVE AUX CHANCRES


MOUS SOUS -PRÉPUTIAUX par G. PETITJEAN ( Thèse de Paris, 1885).

Nous ferons d'abord une petite critique du titre . Le qualificatif de mou


appliqué au chancre simple, non infectant est défectueux en ce sens
qu'il arrive souvent que l'inflammation s'empare de ces chancres et en
durcisse la base et surtout le contour; on aurait alors le chancre mou
qui serait dur. Les dénominations proposées par Fournier (chancre simple)
ou par Diday ( chancrelle) sont donc préférables à l'ancienne. L'auteur
dit ensuite que l'apparition du chancre simple se perd dans la nuit des
temps . C'est vrai , mais il n'y a pas si longtemps qu'on a su distinguer
la chancrelle du chancre huntérien . Enfin, ce n'est pas Ricord qui a
différencié le chancre simple du chancre infectant. Le grand maître de
la syphiligraphie française a assez d'autres titres à son actif pour qu'on
ne lui donne pas ceux des autres et notamment ceux de Bassereau (1852).
C'est du moins Ricord le premier qui a donné la description et le
traitement des accidents gangreneux qui peuvent compliquer les chan
cres simples sous- préputiaux (1851 ) .— Mauriac et Horteloup ont, après
Ricord, préconisé l'incision et le débridement pour arrêter les désordres
et les pertes de substances produits par la gangrène sous- préputiale
envahissante. Or, Diday et Doyon sont opposés à toute incision, à toute
1

intervention , capables d'ouvrir de nouvelles voies de pénétration , au


virus chancrelleux et de le perpétuer en créant de nouvelles inoculations.
Chez les gens alcooliques et surmenés par la marche, les chancres
simples du gland peuvent, à un moment donné, se multiplier et s'enflammer
au point que le gland devient un véritable battant de cloche. Tout à coup
la fièvre s'allume et prend rapidement un caractère véritablement ataxo
adynamique. Localement une tension extrême dénote une lutte qui
s'établit entre le gland augmenté de volume et le prépuce qui ne peut
plus se laisser distendre : c'est alors que se montre la gangrène. Dès
jors la fièvre devient beaucoup moins vive . Horteloup a montré que le
liquide d'écoulement contient des gouttelettes huileuses qui sont des
indices certains de la gangrène. Celle- ci , si on n'intervient pas rapide
ment, à main armée, attaque le corps même de la verge , les corps caver
neux, créant des adhérences entre les lambeaux du prépuce et les restes
758 REVUE DE SYPAILIGRAPHIE .

du gland , et par suite des adèmes durs et des vices de conformation les
plus étranges et les plus fàcheux.
Mauriac dit que cette gangrène éteint instantanément toute trace de
spécificité au point que s'il existait un bubon simple, celui- ci ne devient
jamais chancreux consécutivement.
L'auteur conclut, avec Horteloup, à la nécessité de faire sur la partie
dorsale du prépuce une incision capable de mettre le gland à nu , soit
avec le thermo- cautère, soit avec le bistouri , puisque l'observation mon
tre que jamais les tissus sectionnés ne s'inoculent .
Notons toutefois avec Fournier et Diday que, gràce aux irrigations anti
septiques faites souvent sous le prépuce, on empêchera à peu près com
plètement les cas de gangrène. Ici , comme en tout, le triomphe est à la
prophylaxie. D' BARTHÉLEMY.
REVUE DE VÉNÉOROLOGIE.

LE BACILLE DU CHANCRE MOU, par le Professeur Primo FERRARI. (Commu


nication à l'Académie Gioenia , faite le 26 juillet 1883.)
Le micro - organisme spécial au chancre mou est un bacille plus petit
que ceux de la tuberculose et de la lépre. On le trouve dans les globules
de pus et dans les cellules épithéliales, sur les bords et au centre
desquelles il forme parfois des amas de 10 à 20, détruisant peu à peu
leur protoplasma, et pénétrant jusque dans leur noyau . Il se colore faci
lement avec le violet de méthyle.
Pour le recueillir, Ferrari lave et essuie avec soin la surface des
chancres, puis y applique une lamelle couvre -objet. Cette dernière est
séchée à la flamme de la lampe, puis maintenue , pendant une heure ,
dans une solution aqueuse fort étendue de la matière colorante . On lave
ensuite et on lute dans le baume.
Un grossissement considérable est nécessaire pour cette observation .
L'auteur s'est servi de l'oculaire 4 et de l'objectif à immersion homo
gène 1/12 de Zeiss .
La recherche de ce bacille a été toujours positive, dans tous les cas de
chancre simple; elle l'a été aussi dans les bubons à partir de la
quarante -huitième heure ; l'auteur fait remarquer combien cette concor
dance parfaite entre les conditions de l'inoculabilité et celles de la pré
sence des parasites est de nature à appuyer ses conclusions. Au reste,
il a toujours vu sourdre le pus chargé du microbe du fond même de la
plaie ganglionnaire, et le cheminement du parasite à travers les lym
phatiques, du chancre au bubon , lui semble démontré. Pour expliquer la
non - inoculabilité du pus pendant les deux premiers jours, il semble s'ap
puyer également sur la raison donnée par Ricord et sur celle fournie par
la théorie d'Aubert.
Il est à regretter que le professeur n'ait point encore institué de cul
ture . Cette lacune sera comblée prochainement, et nous ne manquerons
pas d'en instruire nos lecteurs . JULLIEN .

LE BACILLE DE LA BALANO -POSTHITE, par le Dr MANNINO (de Palerme).


( L'Ingrassias, 1re année, n ° 5, 1885.)
En examinant au microscope le pus de la balano - posthite à ses diffé
rentes périodes, l'auteur a reconnu la présence constante de bacilles
760 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE .

très nombreux, très abondants, qui lui semblent être les micro -orga
nismes spécifiques de cette affection .
On les colore facilement en laissant séjourner 5 minutes une lamelle
préparée avec le pus dans un bain de fuchsine composé de 2 parties
d'eau distillée suffisamment chaude (de 50 à 60°) et d'une partie de solu
tion alcoolique concentrée de fuchsine. On lave ensuite avec de l'alcool
faible,7 on sèche à la lampe, et on lute dans le baume de Canada.
Ces bacilles se voient dans l'intérieur ou autour des cellules et des
globules purulents ; ils détruisent le noyau et le protoplasma, et appa
raissent le plus souvent par groupes fort pressés , quelquefois isolés.
Ce sont de petits bâtonnets droits , longe de 1/2 à 1 millième de milli
mètre, mesurant en épaisseur 2 dix -millièmes de millimètre.
L'auteur insiste avec raison sur l'importance de cette donnée, au point
de vue de la pathogénie et du diagnostic de la balanite. Il faut désormais
renoncer à toute assimilation entre cette maladie et la blennorrhagie ; à
tout rapprochement même, car on ne saurait trouver de parenté entre le
gonococcus de Neisser et le bacillus qui devra porter le nom de Mannino.
Voilà qui tranche une question inutilement débattue jusqu'ici . L'opinion
jadis soutenue par Diday reste seule debout . Enfin , dans beaucoup de cas
douteux, on pourra recourir à l'examen microscopique du secretum ;
un coup d'ạil rapide suffit pour cette constation , à laquelle l'auteur doit
déjà d'avoir pu redresser plusieurs erreurs de diagnostic.
Un point mérite cependant quelque lumière. Quel rapport existe-t
il entre le présent bacille et celui du smegma preputialis décrit par Al
varez et Javel ? JULLIEN .

Rocco DE LUCA et DE AMATO . Nuovi STUDI TERAPEUTICI E CHIMICI


SULL'OLIO ESSENZIALE DI BASALMO COPAIBE ET SULL'ACIDO COPAIBICO, COME
ANTIBLENNORRAGICI. Catania, 1884 .
Nous ne donnerons, ici , que les conclusions de cet intéressant travail fait,
en commun , avec toutes les garanties d’exactitude exigibles, par MM.de
Amato, professeur de chimie, et Rocco de Luca , docent de dermo-syphi
ligraphie à l'université de Catane.
1 ° Aucun des principes constituants du baume de copahu ne possède
une action antiblennorrhagique manifeste ou , pour être plus exact,
cette action est faible pour l'huile essentielle et nulle ou presque nulle
pour l'acide copahivique et le copahivate de soude. - Il en résulte que
les propriétés de ce médicament sont dues, non à aucun de ses principes
isolés mais à tous, associés dans leur combinaison naturelle. Les assertions
contraires reposent sur une observation défectueuse ou sur l'emploi des
produits impurs que fournit généralement le commerce ;
REVOL DE VÉNÉOROLOGIR . 761

2. L'essence de copahu passe dans l'urine ; celle-ci , traitée par quel


ques gouttes d'un acide minéral , donne naissance à une substance
particulière rouge que les auteurs appellent, avec Quincke, le rouge
copahique, et à un précipité d'acide urique ;
3. L'acide copahique passe dans l'urine sous forme de copahivate
alcalin , ainsi que le montre soit l'opalescence particulière que produit
l'acide copahique dans l'urine traitée par l'acide chlorhydrique, nitrique
ou sulfurique, soit la spume abondante qui se produit à la surface de ce
liquide acidifié et agité. Les auteurs regardent la formation de cette
spume comme une réaction précieuse propre à déceler l'acide copahivique
dans l'urine . La transformation de la résine en copahivate alcalin, dans
l'économie, a été étudiée par Miahle : elle se fait au contact des liquides
alcalins do canal digestif et son produit est, ensuite, absorbé et introduit
dans le torrent circulatoire ;
4. Enfin, l'essence de copahu, aussi bien que l'acide copahivique,
produisent , dans l'urine , une augmentation d'acide urique et d'urée ; ce qui
revient à dire que le baume et ses composants augmentent, dans l'éco
>

nomie, l'activité des phénomènes de désassimilation . E. CHAMBARD .

Rocco De Luca . DUE CASI DI VAGINISMO BLENNORRAGICO .


Catane 1885 .

Le vaginisme blennorrhagique ne s'observe que dans des conditions


spéciales assez difficilement réalisées ; aussi parait-il beaucoup plus rare
que le vaginisme vulgaire et est- il beaucoup moins connu des syphili
graphes que des gynécologistes : M. Rocco de Luca en rapporte, cependant,
deux observations .
Cette affection, en effet, ne se montre guère chez les clientes ordi
naires des services syphiligraphiques, chez lesquelles la vulvo -vaginite est
devenue moins commune et dont le vagin , endurci par un long exercice
et incessamment dilaté par les contacts les plus brutaux, n'a plus de si
grandes susceptibilités ; elle est , d'autre part, masquée dans la période
aiguë de la blennorrhagie, par les douleurs inflammatoires qui l'accom
pagnent et les malades ne sont guère disposées , à se prêter à ce moment, à
des tentatives de coït qui seules pourraient la révéler.
Le vaginisme blennorrhagique apparaît donc, le plus souvent, au
moment où les malades, se croyant guéries, cherchent à rentrer dans la
vie vénérienne et ce sont les femmes peu habituées encoro au coït qui y
sont le plus exposées : l'on conçoit que par ignorance oli vãi honte elles
s'adressent plutôt, alors, au gynécologiste qu'au spécialiste en fait de
maladies vénériennes .
ANNALES DE DERMAT., 24 SERIE, VI . 50
762 REVUE DE VÉNÉOROLOGIE.

Un temperament nerveux paraît prédisposer au vaginisme blennorrha


gique comme d'ailleurs au vaginisme non vénérien . Les deux malades
dont M. de Luca rapporte l'histoire étaient des névropathes : la première,
jeune prostituée, affaiblie d'ailleurs par la misère et les chagrins, avait
des battements de cour, des bouffées de chaleur à la face et une certaine
bizarrerie du caractère se traduisant par des rires et des pleurs sans
motifs ; la seconde, jeune dame récemment mariée, était manifestement
hystérique et fille d'une mère monomaniaque.
Chez ces deux malades, un traitement antiphlogistique et antispas
modique , combiné avec la dilatation vaginale à l'aide d'une série graduée
de spéculums , eut raison du vaginisme : la première fut rétablie en
trente jours et la seconde en deux mois. E. CHAMBARD .
BIBLIOGRAPHIE .

MANUEL DE MICROSCOPIE CLINIQUE ET DE TECHNIQUE BACTÉRIOLOGIQUE , par


G. BizZoZERO et CH. FIRKET ( 2® édition française; un volume grand in - 8 °
de 560 pages avec 300 gravures sur bois et 7 planches lithographiques,
Paris : G. Carré, et Bruxelles : A. Manceaux, 1885) .
Bien que relativement récente, l'application de l'histologie et de la bacté
riologie à la dermatologie et à la vénéréologie a déjà fait faire, à ces branches
importantes de la médecine, des progrès considérables. La première de ces
sciences a déterminé la structuredes éléments symptomatiques sur lesquels
repose la classification Willanique et fait sortir du néant l'histoire si confuse
des néoplasies cutanées ; l'autre, après avoir servi de point de départ aux
notions positives que nous possédons aujourd'hui sur les dermophyties, a permis
de démontrer la nature parasitaire de dermatoses aussi mystérieuses que le
lupus tuberculeux et la lépre, et si l'étude des maladies vénériennes a peut
être moins bénéficié de l'intervention du microscope et des méthodes de
culture que celle des affections de la peau, on ne peut nier cependant qu'à
cet instrument ne soit due la démonstration objective de la nature virulente
et de la spécificité de la blennorrhagie.
Il n'est donc plus permis, aujourd'hui, à ceux qui cultivent nos spécialités
de rester étrangers aux méthodes micrographiques et bacteriologiques ; mais
quiconque a l'ambition de leur faire accomplir quelque progrès doit avoir, de
ces méthodes , une connaissance précise et technique qui ne s'acquiert que
par la fréquentation assidue des laboratoires. A ceux - là, un bon guide peut
épargner bien du temps et bien des découragements ; mais il n'en existait
aucun, jusqu'à ces dernières années, qui fût à la hauteur d'une si difficile
mission .
Cette lacune fut comblée , en 1883 , par la publication du Manuel de mi
croscopie clinique du professeur Bizzozero , traduit et enrichi de notes aussi
importantes que l'ouvrage lui-même, par M. le Dr Ch . Firket, agrégé
d'anatomie pathologique à l'université de Liège; depuis, du rôle d'annota
teur, M. Firket s'est justement élevé au rang de collaborateur et c'est la
seconde édition française de cet ouvrage que nous venons présenter à nos
lecteurs .
Le Manuel de microscopie clinique et de technique bactériologique de
MM. Bizzozero et Firket est aux traités d'anatomie pathologique ce qu'un manuel 1

de diagnostic est à un livre de pathologie . Alors que les anatomo-pathologis.


tes partent de la notion de l'affection ou de la maladie , pour en décrire les
lésions anatomiques, les auteurs procedent de l'analyse de la lésion pour
en déduire le complexus morbide auquel elle appartient. Leur Manuel est
donc un traité de diagnostic médical fondé sur l'appréciation des sympiòmes
objectifs que les méthodes micrographiques et bacteriologiques mettent en
lumière. Dans ce but, après un chapitre de technique histologique générale,
ils passent successivement en revue les notions diagnostiques fournies par
l'examen du sang, des exsudats, des liquides kystiques, du pus , de la peur ,
du contenu de la bouche, des matières vomies, des matières fécules, des
764 BIBLIOGRAPHIE .

crachats, du mucus nasal , de l'ail et de ses annexes, du sperme, des pro


duits de sécrétion des organes genitaux de la femme et de l'urine. L'ouvrage
se lermine par un chapitre très important, entièrement du à M. Firket, et con
sacré àțla recherche et au diagnostic du microbe parasitaire.
Nous n'entreprendrons pas de parcourir un champ aussi vaste et nous nous
bornerons à citer, parmi les plus utiles à consulter , les notes de M.Firket sur
les granulations du sang , l’hématimétrie, l'hémochromométrie, les para
sites du sang, les microbes du pus, l'actinonycose sur laquelle il avait
déjà publié des recherches intéressantes, les parasites des selles, les cra
chats, l'examen chimique et histologique de l'urine et la valeur diagnostique
de l'albuminurie . L'on trouvera , également , au chapitre des générali
tés techniques,d'excellents conseils pour le choix d'un microscope et des
renseignements utiles sur l'appareil condensateur d'Abbé et les objectifs à
immersion homogène qui font aujourd'hui fureur parmi les bactériologistes.
Le Manuel de MM . Bizzozero et Firket s'adresse , on le voit , à tous les
cliniciens et, par conséquent, aux dermatologistes à qui la clinique générale
doit être familière ; mais nous avons håte de faire ressortir l'intérêt qu'il pré
sente au point de vue spécial de leurs études de prédilection .
Dans ce livre, en effet, l'étude histologique et microbiologique de la peau
occupe une large place. On y lira, avec le plus grand profit, la reproduction
d'un travail de M. Bizzozero sur les microphytes de l'épiderme sain et les
noles de M. Firket sur les parasites de la peau , les teignes, les bactéries de la
sueur et le pus de la conjonctivite et de l'arthrite blennorrhagiques. Mais ce
qui donne surtout à l'ouvrage une haute valeur, c'est le chapitre très impor
tant (il ne compte pas moins de 120 pages en pelit texte) que M. Firket ya
consacré à la recherche et au diagnostic des microbes parasitaires.
Après quelques pages de généralités anatomiques et physiologiques, l'auteur
expose avec minutie, et à un point de vue tout à fait pratique, les méthodes
d'observation , de préparation et de culture des microbes en général et de
quelques- uns d'entre eux en particulier, tels que le pneumococcus de Fried
lænder , le bacille tuberculeux de Koch, les zooglées tuberculeuses, le
bacille de la lèpre, le spirochete d'Obermeyer et les parasites de l'épiderme.
M. van Ermengen a, de plus, introduit dans ce chapitre un résumé de
ses recherches sur un microbe tout d'actualité : le bacille-virgule du cholera.
Tel est l'ouvrage que nous sommes heureux de présenter aux lecteurs des
Annales. S'il justifie son titre, il renferme, cependant, plus que ce titre ne
promet. Le livre de MM . Bizzozero et Firket est, en effet, un manuel de mi
croscopie clinique, puisqu'il permet au clinicien de tirer parti, pour le dia
gnostic, des caractères microscopiques des produits qu'il peut recueillir au
lit du malade ; mais c'est aussi un livre d'étude et de laboratoire dans lequel
on peut étudier les problèmes et trouver des armes pour les résoudre . I
est, en outre, absolument au courant de la science et plein d'une érudition
prise aux sources. A tous ces titres , le manuel de microscopie clinique, qui
n'a rien de commun avec quelques petits livres parus, depuis quelque temps,
sous un titre plus ou moins analogue, est appelé à un très grand succès
qui ne sera que la récompense légitime des services qu'il aura rendus aux
cliniciens et, plus encore, aux chercheurs. E. CHAMBARD .
TABLE PAR NOMS DES AUTEURS

Dos MÉMOIRES ORIGINAUX, des Travaux publiés sous le titre de : RECU EIL
DE FAITS et de REVUES GÉNÉRALES OU CRITIQUES.

Pagos .
203
Alvarez et Cornil . Sur les micro -organismes du rhinosclérome
Balzer et Feulard. Nouveau cas de dégénérescence colloïde de la
peau 342
Barthélemy. Sur les auto-inoculations du chancre syphilitique . 200
Besnier (Ernest) . Le lupus et son traitement. . 1
Besnier (Ernest). Contribution à l'étude des myomes cutanés 321
Besnier ( Ernest) et A. Doyon . Analyse annotée du mémoire de Cas
pary sur le prurigo 289
Broca (H. ). Cas de panaris analgésique. . 282
Brocq. La lèpre doit-elle être considérée comme une affection conta
gieuse ? 650 et 721
Chambard. Le zona xanthomateux et le xanthome d'origine nerveuse . 348
Chambard. Psoriasis vaccinal. Signification pathologique de cette
éruption .. 498
Charpentier . Syphilis cérébrale simulant une paralysie générale . 158
Charpy . De la fragilité des os chez les syphilitiques . 269
Cornil. ( Voyez Alvarez.)
Declercq et Masson. Contribution à l'étude de la syphilis cérébrale
chez l'enfant. Sur trois cas de syphilis béréditaire à manifestations
cérébrales 708
Diday . Du bubon chancrelleux . 17
Doyon ( A. ) . ( Voyez Ernest Besnier. )
Favier. Observation de fistule lymphatique 346
Feulard (Henri). Observation d'urticaire pigmentée. . 155
Feulard (Henri). Histoire de la fondation de l'hôpital Saint-Louis 697
Feulard ( Henri). (Voyez Balzer.)
Fournier (Alfred ). Influence de la syphilis sur la mortalité infantile . 296
Gangolphe. De l'ostéo -arthrite syphilitique tertiaire . 449
Gaudichier. Deux observations pour servir à l'étude de la loi de
Colles 90
Gaudichier. Phthisie syphilitique. Guérison . 152
766 TABLE PAR NOMS D'AUTEURS .

Pages.
Gémy. Sur la virulence du bubon chancreux 475
Hardy (A. ) . Documents pour servir à l'histoire de l'hôpital Saint
Louis au commencement de ce siècle . Alibert, Biett, Lugol , Manry ,
Emery 629
Hermet. Syphilis héréditaire dans ses manifestations sur l'appareil
auditif . 149
Heulz. Syphilides tuberculeuses sèches, circinées, survenues 40 ans
après l'infection . 503
Horand. De la syphilide acnéique du nez . 385
11
Horteloup. (P. ). De la virulence des bubons .
Josias. Étude expérimentale et clinique sur le naphtol B , à propos du
traitement de la gale . 257
Kaposi. La lymphodermie pernicieuse 400

Leloir (Henri ). Dermite professionnelle spéciale . Eczéma des fileurs


et varouleurs de lin ... 129
Leloir (Henri). Études comparatives sur la lepre en Italie . 639
Lemonnier. Symptômes vésicaux et urethraux inaugurant la période
préataxique du tabes . 287

Mannino ( Laurent) . Nouvelles recherches sur la pathogénie du bubon


qui accompagne le chancre mou . 486
Masson. (Voyez Declercq. )
Ménétrier. Accidents cérébraux au début de la période secondaire de
la syphilis 421
Méplain. Tabes syphilitique précoce . 219

Merklen (P. ). Tubercule anatomique et inoculation tuberculeuse . 667


Morel-Lavallée. Syphilis cérébrale simulant la méningite tubercu
leuse .. 508

Pontoppidan. A quel moment la syphilis devient-elle constitution


nelle ? . 193
Portalier. A propos du rôle de l'hyperthermie dans la syphilis. 647
Pospelow (Alexis). Cas rare d'une dystrophie de la peau. . 77 et 133
Raoult . Paralysie glosso -labio -laryngée d'origine syphilitique . . 305
Renaut (J.). Les accidents parasyphilitiques à propos d'un cas de
rhumatisme infectieux parasyphilitique . . 563
Spillmann (Paul). Contribution à l'étude de la fièvre exanthémateuse
bulleuse 471
Spillmann (Paul). Le savon mercuriel comme succédané de l'onguent
napolitain . . 196

Spillmann (Paul).s Traitement du chancre phagédénique et des syphi 714


lides ulcéreuse .
Stocquart. Moyen facile et rapide de guérir l'orchi- épididymite blen
20
norrhagique par l'emplâtre de Vigo et le suspensoir ouaté .

Straus . Sur la virulence du bubon chancreux . 9

Thibierge (Georges) . Des lésions de la muqueuse buccale dans le


lichen plan . 53
TABLE PAR NOMS D'AUTEURS . 767

Pages.
Thibierge (Georges). Des relations des dermatoses avec les affections
des reins et l'albuminurie . . . 424 et 511
Tissier. Syphilis héréditaire. Lesions du foie et de la rate ; ostéo
malacie . 207
Trousseau. Iritis hérédo -syphilitique chez une enfant de 6 mois
• . 415

Verneuil (A.) . Des éruptions cutanées chirurgicales. Herpès trau


575
matique
273 et 328
Zeissl (D. ) . Sur la pluralité des virus vénériens
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
DONT LES TRAVAUX SONT PUBLIÉS OU ANALYSÉS DANS CE VOLUYE.

A с

Alvarez , 203, 624 . Cadier, 118.


Andeer, 175 . Cahn , 102 .
Aubert, 187 , 188 , 189 , 628 . Cantani , 100 .
Auspitz, 731 . Capon ( Zénon), 13.
Caspary, 289 .
B Chabaud , 753 .
Chambard (Ernest), 348, 498.
Babès , 93 . Chapard, 695 .
Balzer , 95 , 342 . Charpentier, 158.
Baratoux , 627 . Charpy, 269 .
Barbe, 117. Colrat, 172 .
Barbier , 750 . Cornil , 96 , 99 , 203.
Barry, 691 . Courtade , 148.
Barth , 168 .
Barthélemy, 200 .
D
Basset, 48 .
Baudry, 442 .
Behrend , 243 . Dargaud , 751.
Berbez , 97 . De Amato , 760.
Besnier ( Ernest) , 1 , 289, 321 .
9 Declercq, 708 .
Bizzozero , 761 . Delétang , 691 .
Boardman , 235 . De Molènes, 360 .
Bono , 268. Deschamps, 310 .
Boucher, 116 . Dewėvre , 680 .
Boulanger, 689. Diday, 17 , 121 .
Bourdin , 743 . Doléris , 626 .
Broca , 282 . Doutrelepont, 224
Brocq, 167 , 699 , 650 et 721 . Doyon, 289 .
Dubromelle , 755 .
Duckworth , 307 .
Durhing , 176 , 238 .
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS . 769

Duroselle, 694. Hoffmann , 26 .


Holst, 667,
E Horand , 385 .
Ilorteloup, 11 .
Engel (Hugo), 316 . Hutchinson , 224, 617.

P J

Favier, 346 . Jackson, 621 .


Féréol, 173 . Janicke, 108.
Ferrari, 759. Jannot, 5 .
Feulard, 155, 312 , 697 . Joseph , 735 .
Firket, 762 . Josias, 257.
Flechter Ingals, 735.
Foa, 309 . K
Folliot, 50.
Foulis, 243 .
Fournier ( Alfred ), 67, 296 . Kaposi, 104 , 400.
Karg, 667.
Keyes, 862 .
G Koebner , 51 , 546 .
Kohn, 23 .
Galtier -Boissière, 752. Kopp, 741 .
Gangolphe , 190 , 449 .
Gascard , 748 . L
Gaudichier, 90, 182.
Gaucher, 125 .
Laquerrière , 181 .
Geddengs , 246 .
Gémy , 182 , 475 . Lassar, 301 .
Gerbaud, 678 . Latouphis, 756.
Gingeot , 368 . Lee , 319 .
Götze , 741 . Legendre (Paul) , 112 .
Grönvold , 246. Leloir, 129 , 365 , 142, 639 .
Lemonpier , 287 .
Guelliot, 168 .
Guiard , 122 . Lerefait, 692.
Lesser, 224 .
Letulle, 166 .
н
Levassor, 689 .
Lormand, 120 , 123 ,
Hallopeau, 442.
Hamonic , 97.
Hardaway, 653. M
Hardy , 629 .
Hartmann , 168 . Mannino, 255, 486 , 759
Hermot , 149, 183 . Marcus, 746 .
Houlz, 603 . Maritoux , 694 .
TABLB ALPHABÉTIQUE DES AUTRURS.
770

Marquet , 694 .
Q
Martin (H. ) , 164.
Massaloux -Lammonerie , 42.
Masson , 708, Quéhéry, 690 .
Mathieu , 98 , 168 . Quos , 224.
Mayet , 609.
Ménétrier , 421 R
Méplain , 219 .
Merklen , 667 . Raoult , 505 .
Morel , 124 . Reinhard , 37 .
Morel-Lavallée , 508 . Renaut (I.) , 565.
Murri , 741 . Riehl ( G.) , 25 , 34 , 667 .
Rioblanc , 117.
N Robinson , 235 .
Rocco de Luca , 54, 111 , 184, 366 , 760,
761 .
Neisser, 182 .
Romalo , 754 .
Neumann , 111 , 374, 557 , 558, 737.
Rossbach , 251 .
Nevins Hyde , 611 .
Notin , 696 .
S

0
Sallé , 46 .
Obersteiner, 25 .
Schumacher II , 371 .
Schuman-Leclerq , 413 .
Ollivier, 171 .
Schutz , 548 .
Shattack, 553.
P. Shepherd , 553.
Shoemaker , 683 .
Pascalis , 47 . Spillmann, 471 , 496 , 714 .
Pellizzari , 101 , 537 . Stoddard , 246 .
Perret, 545. Stocquart, 21 .
Petitjean , 757. Straus , 9 .
Pick, 23 , 602 .
Pinto , 695 . T
Pitres, 314.
Pivaudran, 46 ,
Podratzki, 104 . Taylor, 112 , 683 .
Tavel , 624 .
Pontoppidan , 193 . Tereira d'Assumpçao, 693 ,
Portalier , 647.
Pospelow , 77 , 133 .
Thibierge , 65,* 424 , 511 .
Thin (G.) , 178 .
Potain , 447 .
Profeta , 561 . Tissier, 207 .
Troisier, 173 .
Trousseau , 415 .
Tscherning, 667.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 771

U W

Unna , 377 . Weill ( J.) , 694 .


Weir, 683.
Weyl, 313 .
V
White, 614 .
Widal , 173 .
Vaillard , 314 . Wolff, 305.
Venegas y Canizares, 690.
Verneuil , 575.

N
Vidal , 599 .
Voigt, 183. Zeissl , 273, 328 .
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES MATIÈRES DU TOME SIXIÈME

1885

Pages .
Acné iodique . (Voyez iodique . )
Aìnhum (Cas d' ), par A Duhring .. 176
Albuminurie (Relations des dermatoses avec l'), par G. Thibierge , 424 et 511
Antipyrinique (Exanthème), par A. Cabn O 102

Balano- postbite (Le bacille de la) , par Mannino . 759


Balano-posthite. (Voyez chancre mou . )
Blennorrhagie (Traitement local antiparasitaire de la) , par Diday . 121
Blennorrhagie (La) et les affections du cæur, par Morel . O 124
Blennorrhagie uréthrale (La décoction de citron dans le traitement de
la) , par L. Mannino . 255
Blennorrhagie (Études thérapeutiques et chimiques sur l'huile essen
tielle de copahu contre la) , par Rocco de Luca . . 760
Blennorrhagique (Moyen facile et rapide de guérir l'orchi- épididymite ),
par l'emplâtre de Vigo et le suspensoir ouate . .. 20
Blennorrhagique (Fistule vestibulo -uréthrale d'origine), par H. Lormand. 423
Blennorrhagique (Début latent de la cystite) , par Aubert. 187
Blennorrhagique (Deux observations d'ophthalmie) atténuée par Aubert . 189
Blennorrhagique (Deux cas de vaginisme) par Rocco de Luca. . . 761
Blennorrhagique. (Voy. Urethrites.)
TABLE DES MATIÈRES, 773

Pagos .
Bubon chancreux (Sur la virulonce du) par I. Straus . 9
Bubons ( De la virulence des) par P. Horteloup . 11
Bubon chancrelleux (Du) par P. Diday 17
Bubon chancreux (Sur la virulence du) par Gémy. . 475
Bubon qui accompagne le chancre mou (Sur la virulence du) par Lau
rent Mannino... 486
Bulleuse (Fièvre exanthématique) par P. Spillmann . 471

Cannes (Maladie des). Dermatose des ouvriers cannissiers, par Gerbaud . 676
Carcinome inopérable du sein (Inoculation de l'érysipèle dans un cas
de) , par Janicke . 108
Carcinome et lupus . (Voyez lupus. )
Chancre indure . ( Voyez syphilis .)
Chancres mous sous- préputiaux ( Balano-posthite gangreneuse consé
cutive aux), par Petitjean . 757
Chancre mou (Le bacille du) , par Primo Ferrari . 759
Chancre simple (La chaleur et lo) , par Lormand . 120
Chancre mou. (Voyez bubon. )
Cheveux (Cas de changement périodique de la couleur des) , par Rein
hard ... 37
Cheveux. ( Voyez Poil.)
Chorée (Manifestations cutanées de la) chez les enfants, par A. Ollivier. 171
Cicatrice. ( Voyez épithélioma . )
Cocaïne ( La ) dans la thérapeutique des maladies vénériennes et de la
peau , par Bono . . 255
Cocaïne . (Voyez Prurit .)
Colloide (Nouveau cas de dégénérescence ) de la peau , par Balzer et
Feulard . 342

Dermatite herpétiforme (De la) ; ses rapports avec l'impétigo herpéti


forme, par A. Duhring 235
Dermatite herpétiforme (Cas de) ; variété pustuleuse, par A. Duhring . 235
Dermatite herpétiforme , par A. R. Robinson. 237
Dermatite herpétiforme. (Voyez impetigo herpétiforme.)
Dermatologie (La) dans les universités allemandes, par Unna . . . 377
Dermatophytes (Note sur l'histologie des), par Balzer 94
774 TABLE DES MATIÈRES .

Pages .
Dermatoses du gland, par A. Weyl . . 313
Dermatose des cannissiers, par Gerbaud 678
Dermite professionnelle. Eczéma des fileurs et varouleurs de lin, par
Henri Leloir . . 129
Diabétides gangreneuses ( Contribution à l'étude des), par A.
Quehéry . . 690
Dystrophie de la peau (Cas rare d'une), par Alexis Pospelow . . 77 et 133
Dystrophies . (Voyez nerfs. (Altérations des).

Eczéma des fileurs et varouleurs de lin, par H. Leloir . 129


Eczéma marginė (Traitement de l' ), par R. ·W. Taylor . 683
Éléphantiasis des Arabes. Hypertrophie du nerf et des ganglions
lympathiques, etc. , par V. Cornil . 96
Éléphantiasis strumeux (Note pour servir à l'histoire de l'), par A.
Mathieu . . 98
Epithélioma du pouce développé sur une cicatrice, par Berbez . . 97
Épithélioma, suite de psoriasis. (Voyez psoriasis).
Epithelioma. (Voyez carcinome).
Éruptions cutanées chirurgicales. Herpès traumatique, par A. Ver
neuil . .. 575
Eruptions iodiques . (Voyez iodiques ).
Eruptions quiniques (Contribution à l'étude des) , par Levassor . 689
Éruptions (Modifications de la peau après la disparition des) , par Neu
mann .

Érythème polymorphe (De l’), par de Molėnes . . 360


Érythèmes (Anatomie pathologique des, et en particulier de l'éry
thème polymorphe, par H. Leloir . 365
Érythème scarlatiniforme récidivant (De l'), par Perret 515
Érythème polymorphe (Nature et symptomatologie de l'), par Mar
quet . 694
Exanthème antipyrinique, par A. Cahn . 102
Exanthème bulleux (Voyez bulleux ).

Favus généralisé, par Kaposi. . . 104


Favus . ( Voyez dermatophytes , herpės tonsurant, parasites végétaux,
teignes ) .
TABLE DES MATIÈRES. 775

Pagos .
Fibromatose cutanée ulcéreuse mycotique, par Pio Foa . 309
Fibrome molluscum (Aberrations morphologiques du), par Lere
fait . .. 692
Fistule lympathique , par Favier. 346
Furonculeuse (Traitement rationnel de l'affection ), par Gingeot . 368

Gale. (Voyez naphtol ß .)


Gland (Dermatoses du), par A, Weyl. : 313
Gommes . ( Voyez syphilis et tuberculose. )
Granulome fongoïde, par Auspitz . . 731

Herpės circiné du cuir chevelu (Traitement de l'), par Foulis 243


Herpes genital chez l'homme et chez la femme (Étude sur l'), par
Pinto . .. 695
Herpès phlycténoïde (Pathogénie de l') , par Délétang. 691
Herpès tonsurant (Contribution à l'étude de l') et du favus, par G.
Behrend 243
Herpės traumatique, par A. Verneuil . . 575
Herpétiforme (Dermatite, Impetigo .) (Voyez ces mots . )
Hôpital Saint-Louis (Documents pour servir à l'histoire de l'), au I

commencement de ce siècle , par Hardy . . 629


Hopital Saint- Louis (Histoire la fondation de l') , par Henri Feulard 697
Hydroa, par A. R. Robinson 235
Hyperichose , par G. H. Jakson 621

Ichthyose (Résorcine dans l') , par J. Andeer . 175


Impétigo (nature contagieuse et parasitaire de l') par Dewèvre 680
Impétigo herpétiforme (Cas d') (Voyez dermatite herpétiforme)
Injection (Moyen pratique de limiter l') à l'urethre antérieur, par
Aubert . 188
lodiques (Nouvelle contribution à l'étude des éruptions ), par C. Pelli
zari . 537
776 TABLE DES MATIBABS.

Pages .
Kéloïde (Recherches sur la), par J. Hutchinson . 671

Lèpre (Observations sur la topographie des bacilles de la) dans les tis
sus . par V , Babes 93
Lépreuse ( Infiltration) de l'épiglotte, par G, Thin . 179
Lèpre (La) dans la Minnesota de 1869 à 1883, par Ch . Grönwold . . .
246
Lèpre tuberculeuse ( Cas de) observé dans la Minnesota , par Stoddard 246
Lépre indigène ( Cas de), par W. H. Geddings 246
Lėpre (Études comparatives sur la) on Italie, par Henri Leloir .. 639
Lèpre (La) est-elle une affection contagieuse, par L. Brocq. 650 et 721
Leucoplasie buccale (Traitement de la), par le galvano-cautère, par
Flechter -Ingels ...
. 735
Leucoplasie buccale ( Traitement de la) , par Joseph 735
Lichen plan (Lésions de la muqueuse buccale dans le) , par G. Thi
bierge 65
Lupus (Le) et son traitement, par Ernest Besnier
Lupus (Traitement du) , par Pick. . . 23
Lupus (Contribution au traitement du) , par S. Kohn 23
Lupus (Le) devant l'Académie de médecine d'Irlande . 224
Lupus (Méningite luberculeuse consécutive au) ; bacilles de la tubercu
lose dans le sang, par Doutrelepont 224
Lupus de Willan (Traitement du) , par Quos . 224
224
Lupas ( Traitement du), par l'arsenic, par Lesser
Lupus et carcinome , par Schutz . . 518
Lupus erythemateux (Cas de guérison du), par J. Hutchinson . . 224
Lupus érythémateux (Du) et de son extension aux mains , par Nevins
Hyde. . . . 611
Lustgarten (Recherches sur le bacille de), par Alvarez et Tavel . 624

Lymphodermie pernicieuse , par Kaposi . 400

Mal perforant plantaire (Altérations des nerfs périphériques dans le),


par Pitres et Vaillard . . 314
602
Mélanose lenticulaire progressive ( De la), par J. Pick .
TABLB DES MATIÈRBS . 777

Pagos .
Molluscum pendulum ( Étude clinique sur le), par Barry . . 691
Molluscum (Fibrome) . (Voyez Fibrome).
Morphée . ( Voyez Sclérodermie).
Mycosis fongoïde (Étude sur le ), par Vidal et Brocq . 599
Mycosis fongoïde ( Voyez Fibromatose , Lymphodermie, Granulome).
321
Myomes cntanés (Contribution à l'étude des) , par Ernesi Besnier .

Naphtol B. (Étude expérimentale et clinique sur le) à propos du traitenient de


la gale, par Josias . . 257

Néoplasies (Alterations morphologiques des) et en particulier du fibro


692
me molluscum , par Lerefait. . .
Nerfs (Altérations des) dans le mal perforant et quelques autres lésions
trophiques des pieds, par Pitres et Vaillard . 314
Nerfs (Sur les troubles de nutrition dus aux lésions périphériques des ) ,
par Ma yet. ... 609
Nodosités rhumatismales sous-cutanées (Les), par Troisier. 173
Nodosités rhumatismales sous-cutanées ( Les) , par Féréol . 173
Nodositės rhumatismales a longue durée, par Widal . 173

Oléate de cuivre (Emploi de l' ) , dans 500 cas de maladies parasitaires


de la peau , par Le Sieur Weir . 683
Orchite . (Voyez blennorrhagique .)

Paget (Maladie de) , par Lassar. 309


Panaris analgésique, par Broca 282
Papillomes simples (Étude sur les) , par Nottin . 696
Parasitaires (Oléate de cuivre dans les maladies) de la peau , par Le
Sieur Weir . . 683
Parasites végétaux (Traitement des maladies culanées causées par les),
par Shæmaker. 683
Peau ( Traité des maladies de la), par Hillairet et Gaucher. . . 1

ANNALES DE DERMAT. , 26 SÉRIE , VI . 51 5


778 TABLE DES MATIÈRES

Pages .
Peau (Transformation sénile de la ) chez un jeune homme de 18 ans ,
par Rossbach . .. 251
Pemphigus épidémique (Contribution à l'étude du), par Colrat. 172

Pemphigus aigu chez un adulle ; mort le 9e jour,par Dyce Duckworth . 307


Pemphigus. ( Voyez bulleuse) (Fièvre ).
Pityriasis rosé. ( Voyez roséole squameuse).
Pityriasis rubra (Étude critique et clinique sur le) , par L. Brocq . . . 166
Pityriasis versicolor (Voyez dermatophytes ).
34
Poil humain (Étude du pigment dans le ), par G. Riehl . .
Poils (Du développement exagéré des ), par G.-Th. Jackson 621
Poils . ( Voyez cheveux .)
25
Prurigo (Signification pathologique du ), par G. Riehl. ..
Prurigo (Du ), par Caspary. Annotations par Ernest Besnier et Doyon . 289
Prurit d'hiver, par Oberstciper. . .
Prurit de la vulve (Cocaïne dans le traitement du) , par Hoffmann. .
26
Prurit cutané unilatéral consécutif à une embolie cérébrale, par Kæbner. 546
Psoriasis (Étiologie du ), par A. Wolff . . 305
Psoriasis vaccinal. Sa signification nosologique, par Chambard. 498
Psoriasis (Cas de ) , se transformant successivement en productions ver
ruqueuses, puis en épithélioma, par J.-C. While . . 611
Psoriasis buccal. ( Voyez leucoplasie .)
Purpura infectieux ( Du) , par Cantani , 100
Purpuras cachectiques, par A. Mathieu . 168

Purpura infectieux ( Trois cas de) chez l'enfant, par 0. Guelliol . 168
Purpura au début d'une myelopathie aigui à marche ascendante, par
H. Barth ... 168
Purpura el syphilis , par H. Hartmann 168

Purpura rhumatismal ( Du ), par Texeira d'Assumpçao. 693

Rhinosclérome (Le) , par Cornil . . . 99

Rhinoscléromc (Sur les micro -organismes du ), par Cornil et Alvarez. 203


oséole squameuse et ses différentes formes, par Chapard 69.)

Sarcome de la vulve et du pubis. Récidives. Généralisation chez une


enfant de 5 ans, par Hamonic' . 97
Sarcome de la peau , par lardaway. 53
Sarcome de la peau guéri par des injections hypodermiques de liqueur
de Fowler, par Shalluck . 553
TABLE DES MATIÈRES . 779

Pages,
Sarcomo de la peau et du tissu cellulaire périmalléolaire, par
Shepherd . .. 553
Sclérodermic (De la) et en particulier des sclérodermics en plaques
ou morphées, par E. Maritoux. . 694
Scrofule . (Voyez tubercule et tuberculose)
Strumcux (Éléphantiasis ). (Voyez éléphantiasis ).

SYPHILIS .

HISTOIRE ET DOCTRINES .

La syphilis et la théorie paralitaire, par Gémy 182


Sur la pluralité des virus vénériens, par Zeissl 273 el 328

ÉTIOLOGIE . -
PATHOGÉNIE . ANATOMIE PATHOLOGIQUE ,

Deux observations pour servir à l'étude de la loi de Colles, par


Henri Gaudichier . 90
Contribution à l'étude de la transmission de la syphilis, par Neumann . 111
Sur la transmissibilité de la syphilis de l'homme aux animaux, par Rocco
de Luca . .. 111
Syphilis équine (Mal du coït), par Laquerrière . 181
A quel moment la syphilis devient- elle constitutionnelle ? par Pontop
pidan . 193
Sur les auto -inoculations du chancre syphilitique, par Barthélemy. 200
Syphilis doublée (Cas de), par Hugo Engel . 316
Irritation et syphilis, par Neumann . 558
Altérations histologiques des syphilides cutanées, leur évolution et
l'induration du lymphatique dorsal de la verge, par J. Neumann . 5:57
Recherches sur le bacille de Lustgarten , par Alvarez et Tavel • 625
Recherches sur le microbe de la syphilis, par Marcus . 746
Modifications de la peau après la disparition des éruptions syphili
tiques, par J. Neumann . 737

CHANCRE .

Diagnostic du chancre de l'amygdale, par P. Legendre. 112


Du chancre de l'amygdale, par Taylor . . 112
Contribution à l'étude du chancre palpebral, par Baudry . 412
Diagnostic entre le chancre infectant et l'herpės, par Leloir . 452
Cautérisation d'un chancre induré, par le sublimé, pour enrayer la
marche de la syphilis, par Hallopeau . 442
Excision du chancre syphilitique, par Keyes . 562

GÉNÉRALITÉS. MARCHE . PRONOSTIC .

Des lymphopathies syphilitiques, par Sallé. . . 46


Syphilis el purpura , par lartmann . 168
780 TABLE DES MATIÈRES .

Paqes .
Leucoderme syphilitique, par Neisser. 182
De la fragilité des os chez les syphilitiques, par Cliarpy . 269
Influence de la syphilis sur la mortalité infantile, par A. Fournier . 296
Les accidents parasyphilitiques, à propos d'un cas de rhumatisme in
fectieux parasyphilitique, par J. Renaut . 565
A propos du rôle de l'hyperthermie dans la syphilis, par Portalier. 647
Des principaux facteurs de gravité de la syphilis, par Bourdin . 743
Opérations chirurgicales chez les syphilitiques, par Jannot 715
Syphilide pigmentaire chez l'homme, par Romalo . . 754

GOMMES . TUBERCULES . SYPHILIS VISCÉRALE .

Des gommes syphilitiques sous -cutanées, par Basset . . .

La syphilide acnéique du nez, par Horand . 385


Syphilides luberculeuses sèches, circinées , survenues 44 ans après
l'infection , par Heulz. 503
Périostiles gommeuses de l'omoplate, par Folliot. 50
Localisations osseuses de la syphilis tertiaire, par Gangolphe .
De l'ostéo - arthrite syphilitique tertiaire , par Gangolpho . . 449
Des manifestations de la syphilis sur la voûte du crâne, par Galtier
Boissière . .. 757
753
Syphilis du maxillaire inférieur, par Chabaud .
Syphilis des amygdales , par Pivaudran .
Syphilis laryngée, par Cadier . . A 19
Gommes syphilitiques du larynx, par Latouphis . 7:56
Ulcérations tracho- bronchiques syphilitiques isolées , par Schuman
Leclerq .. 443
Phthisie syphilitique. Guérison , par Gaudichier 152
Syphilis pulmonaire, par Polain . . .
A névrysme de l'aurte d'origine syphilitique , par Barbe et Rioblanc . . 117
La syphilis acquise du cœur et de ses membranes séreuses , par
G. Profeta
Epididymite syphilitique, par Pascalis
Rigidité du col d'origine syphilitique, par Doléris . 626
La syphilis placentaire, par Gascard .
Des rapports de l'hémoglobinurie paroxystique avec la syphilis, par
Schumacher II . . 371
Hemoglobinurie et syphilis, par A. Murri . 741
Hémoglobinurie et syphilis , par Götze .

Hémoglobinurie el syphilis, par Kopp


Des rétinites syphilitiques, par Zénon -Capon .
Synchisis étincelant chez un syphilitique, par Courtade .
Syphilomes des conduits auditifs, par Baraloux . 6:7
TABLE DES MATIÈRES . 781

SYPHILIS DU SYSTÈME NERVEUX .


Pages .
Lésions syphilitiques des nerfs crâniens, par Henry Lee 319
Accidents cérébraux au début de la période secondaire, par Ménétrier 421
De l'hémiplegie faciale dans la période secondaire de la syphilis, par
Dargaud . . . 751

De l'épilepsie syphilitique, par J. Barbier . 750


Syphilis cérébrale . Guérison par un traitement d'un an , par L. Boucher 116
Syphilis cérébrale simulant une paralysie générale, par Charpentier . 158
Syphilis cérébrale simulant une méningite tuberculeuse, par Morel
La vallée .. 508
Paralysie glosso-labio - laryngée d'origine syphilitique , par Raoull . . 505
Sur la période præataxique du tabes , par A. Fournier . 57
Syphilis et tabes, par Voigt .. 183
Surdité dans le tabes syphilitique , par Hermet 183
Tabes syphilitique précoce , par Méplain . 219
Symptômes vésicaux et urélhraux inaugurant la période præataxique
du tabes, par Lemonnier . . 287

SYPHILIS HÉRÈDITAIRE.
Syphilis héréditaire tardive (Manifestations oculaires de la ) , par
Massaloux -Lammonerie 42
Iritis hérédo -syphilitique chez une enfant de 6 mois, par Trousseau 415
Syphilis héréditaire dans ses manifestations sur l'appareil auditif, par
Hermet 149
Syphilis héréditaire. Lésions du foie et de la rate. Osteomalacio , par
Tissier . 207
190
Paralysie infantile due à la syphilis héréditaire, par Rocco de Luca .

Syphilis héréditaire à manifestations cérébrales, par Declerq et Masson 708

La syphilis héréditaire et l'hématopoïdse hépatique , par Rocco de


Luca . 54

TRAITEMENT .

Chancre ( Excision, Cautérisation du ). (Voyez chancre) . ..


Traitement du chancre phagedénique et des syphilides ulcéreuses, par
P. Spillmann .. 714

De la valeur thérapeutique du mercure comme antisyphilitique local,


par Kæb ner . 51
Traitement local des accidents cutanés de la syphilis, par Dubromelle . 70.5
Le savon mercuriel comme succédané de l'onguent napolitain , par
P. Spillmann .. 496
De l'iodoforme contre la syphilis, par Neumann 374
De la belladone comme moyen de faire tolérer l'iodure de potassium ,
par Aubert . 628

.
1
531+
gif
3 2044 081 511 578

Vous aimerez peut-être aussi