Échox | Mars 2024 | Volume 45, Numéro 1

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L’évolution

technologique

et l’intelligence artificielle dans la pratique

Où en sommes-nous ?

Numéro de convention en poste-publication : 40070307
Mars 2024 Volume 45, numéro 1
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Une offre pour étudiants en imagerie médicale, en radio‑oncologie et en électrophysiologie médicale.
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Sommaire

L’évolution technologique et l’intelligence artificielle dans la pratique

Où en sommes-nous ?

Mot du président 4

Les technologues : des acteurs clés dans l’évolution technologique de l’intelligence artificielle du secteur de la santé

Chronique inspection 5

Questions et réponses sur la réglementation de la profession et l’encadrement de la pratique

Déontologie

L’éthique en matière d’intelligence artificielle : 8 les biais discriminatoire

Démystifier le contenu d’un dossier patient 11

Articles

Un nouveau système

Le rôle potentiel du ChatGPT

Présentation

Un duo gagnant !

Les progrès de l’intelligence

artificielle en échographie cardiaque : US2.AI

Une nouvelle fonctionnalité qui transformera les industries et révolutionnera le futur en échographie cardiaque

L’intelligence artificielle et

l’électrophysiologie médicale

Dépistage, prévision et traitement de diverses pathologies cardiaques

L’ÉchoX, la revue de l’Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale, est publié depuis 1964. Elle est disponible en format numérique sur le site de l’Ordre. • COMITÉ DE LA REVUE Ksenia Sirotkina, t.i.m. (MN), Mohamed Khélifi, t.i.m. (RD), Vanessa Signoracci, t.i.m. (RD) • COLLABORATEURS AU CONTENU Alexandra Provost, avocate, Caroline Girard, t.e.p.m., Christiane Brizard, avocate, Danielle Ferron, avocate, Francine Roy, t.i.m. (RD), Geneviève Dupuis, t.i.m. (RD), Marie-Eve Côté, t.i.m. (RD), Mohamed Khelifi, t.i.m. (RD), Philippe Coucke, Pr., Sabrina Carrier, t.i.m. (RD), Sonia Viau, t.i.m. (MN), Vanessa Signoracci, t.i.m. (RD), Vincent Dubé, t.i.m. (MN) • RÉVISION ET CORRECTION Dominique Gaucher • PUBLICITÉ OTIMROEPMQ • DESIGN GRAPHIQUE Bunka PLATEFORME DE DIFFUSION ISSUU • ABONNEMENT communications@otimroepmq.ca • POLITIQUE D’ABONNEMENT Les membres reçoivent l’ÉchoX trois fois par année par infolettre • POLITIQUE ÉDITORIALE Sauf indications contraires, les textes et les photos publiés n’engagent que les auteurs. Toute reproduction doit mentionner la source, après autorisation préalable de l’Ordre.

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DÉPÔT LÉGAL Bibliothèque nationale du Québec et Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0820-6295

Mars 2024 3
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d’ordonnance à venir pour le Québec
19
radiologie
en
du
radiologie,
du ChatGPT
27
de rotation
L’utilisation des technologies des traitements
langage naturel en
l’exemple
Borggreve, Van Nes
ou la chirurgie
32
radiothérapie
d’une chirurgie hors du commun pratiquée surtout en pédiatrie Radiomique et automatisation
en
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Mot du président

Les technologues : des acteurs clés dans l’évolution technologique de l’intelligence artificielle du secteur de la santé

L’évolution technologique par l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé croît à une vitesse grand V. Plusieurs investissements privés et publics soutiennent ce développement qui influence déjà nos pratiques et le fera encore davantage dans un avenir proche. En effet, l’imagerie médicale, la radio-oncologie et l’électrophysiologie médicale étant des secteurs où le financement et les avancées sont les plus marqués, cette évolution rapide amène certainement son lot de questions et d’anticipations de votre part, mais aussi parfois d’inquiétudes, qui sont tout à fait légitimes.

Comme ordre professionnel, nous sommes à l’affût de l’ensemble des paramètres qui sont interpelés par l’arrivée de l’intelligence artificielle. Il faut embrasser tout le changement positif que cela apportera dans la pratique de nos professions au bénéfice d’un meilleur accès et d’une meilleure qualité de soins aux patients. On se doit de redéfinir nos balises et nos perspectives pour faire place à ces évolutions. À travers les préoccupations déontologiques et celles sur l’encadrement, la formation continue, tout comme la formation de base, nous sommes soucieux d’affirmer que le jugement clinique des technologues sera plus que jamais mis de l’avant. Sachez que nous sommes présents pour vous accompagner dans ce virage. Le congrès de cette année, consacré à l’innovation technologique et à l’intelligence artificielle, est un rendez-vous incontournable pour vous outiller de façon concrète et vous permettre de trouver des réponses à vos

questions. L’événement, qui regroupe plus de 35 conférenciers répartis dans chacun des 5 domaines de pratique, propose une programmation de haute qualité. Je vous invite personnellement à y prendre part pour toute la pertinence des contenus qui vous seront partagés, mais également afin d’échanger avec vos pairs, avec l’équipe de l’Ordre et nos partenaires. Parce que dans toute cette démarche, je crois fermement que la mobilisation de notre communauté professionnelle est partie prenante de la réussite de ce virage technologique. De plus, alimentée par cette réalité, notre planification stratégique à venir cette année sera le moteur de plusieurs initiatives nous permettant de vous accompagner au rythme des changements, mais aussi des opportunités.

Sur ce, je vous invite à découvrir cette édition passionnante de votre ÉchoX. Soyez captivés par les avancées qui touchent votre pratique et celles de vos collègues, relayez l’information et soyez partie prenante dans cette réalité pour laquelle les technologues ont toute l’expertise d’être des acteurs clés. Bonne lecture !

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Visite d’inspection professionnelle et encadrement de la pratique

QUESTIONS ET RÉPONSES SUR LA RÈGLEMENTATION DE LA PROFESSION ET LA VISITE D’INSPECTION

Dans cet article, nous aborderons la visite d’inspection de même que l’encadrement de la pratique, sous forme de questions-réponses.

1) Quels sont les documents qui encadrent la profession de technologue en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale ?

La Loi sur les technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale, le Code de déontologie, les Normes de pratiques de même que le Référentiel des compétences, constituent la référence première des technologues qui ont à cœur le respect de leur profession et par le fait même, celui du patient. L’éthique professionnelle doit se manifester à travers les compétences des technologues.

Loi sur les technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale

C’est dans la loi que nous retrouvons les activités qui sont réservées aux technologues. L’article 7 énumère les activités qui peuvent être réalisées par les technologues en imagerie médicale et en radiooncologie, tandis que l’article 11.1 liste celles qui peuvent l’être par les technologues en

électrophysiologie médicale. Ces activités peuvent être effectuées seulement si les conditions suivantes sont respectées :

■ l’activité fait l’objet d’une ordonnance;

■ l’activité est réalisée à des fins diagnostiques ou thérapeutiques;

■ l’activité est réalisée dans le cadre de l’exercice du technologue.

Il est possible que certaines activités réservées aux technologues soient exercées par un autre professionnel, mais cela doit être prévu dans une loi ou un règlement de l’Ordre ou dans celui d’un autre ordre professionnel.

Lorsqu’on se questionne au sujet de la légalité d’une activité, la première chose à faire est de consulter la loi afin de vérifier si celle-ci couvre l’activité en question. Prenons l’exemple suivant :

En tant que technologue en imagerie médicale (t.i.m.) du domaine du radiodiagnostic, puis-je injecter une substance dans une articulation ?

L’article 7 nous permet « d’administrer des médicaments ou d’autres substances, lorsqu’ils font l’objet d’une ordonnance », cependant, l’article 7 mentionne également que le t.i.m. peut « introduire un instrument, selon une ordonnance, dans et au-delà

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Francine Roy t.i.m. (RD) Directrice de l’inspection professionnelle Geneviève Dupuis t.i.m. (RD) Marie-Eve Côté t.i.m. (RD)

du pharynx ou au-delà du méat urinaire, des grandes lèvres ou de la marge de l’anus ou dans une veine périphérique ou une ouverture artificielle ».

La répo nse est donc « non », puisque l’articulation n’est pas spécifiée dans la loi.

Si n ous ne trouvons pas la réponse à notre question dans la loi, il faut vérifier les règlements qui s’y rattachent ou encore les normes de pratique. Prenons l’exemple suivant :

En tant que technologue en radio-oncologie, puis-je travailler dans un centre de prélèvement sanguin ?

L’article 2 du Règlement sur une activité professionnelle qui peut être exercée par un technologue en imagerie médicale et un technologue en radio-oncologie stipule que : « le technologue en imagerie médicale et le technologue en radio-oncologie peuvent, à la suite d’une ordonnance et lorsque requis par un examen d’imagerie médicale ou par un traitement en radiooncologie, effectuer un prélèvement sanguin. »

La réponse est « non », puisque l’activité de faire un prélèvement sanguin ne serait pas réalisée dans le cadre d’un traitement en radio-oncologie.

Les lois et règlements concernant la profession de technologue sont disponibles sur le site Web de l’Ordre à la section Protection du public

Code de déontologie

Le Code de déontologie est un document qui régit la profession de technologues sur les attitudes et comportements adéquats. Ce document contient les règles de bonne conduite du technologue envers le public et la profession. Nous y trouvons notamment les règles sur le secret professionnel, les actes dérogatoires et l’obligation de mettre à jour ses connaissances.

Normes de pratique

Les normes de pratique représentent des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques établies pour chacun des secteurs d’activités des différents domaines d’exercice. Les normes sont établies dans le but d’aider les technologues à maintenir de hauts standards de qualité dans l’exercice de leur profession.

Toutes les normes et lignes directrices sont disponibles sur le site Web de l’Ordre à la section Membres Elles sont révisées régulièrement pour tenir compte de l’évolution de la pratique.

Référentiel des compétences

Le référentiel des compétences est un document de référence pour tous les technologues des différents domaines et secteurs d’activités. Il contient la liste des compétences requises et essentielles que les technologues doivent mettre en pratique tout au long de leur carrière. Le référentiel sert à orienter et guider le technologue dans sa profession. Or tous les technologues sont tenus d’exercer la profession avec conscience et intégrité, tout en respectant les cadres légaux mentionnés ci-dessus.

2) Quel est le rôle du comité d’inspection professionnelle ?

Le comité d’inspection professionnelle (CIP) surveille l’exercice de la profession par l’intervention d’inspecteurs suivant les programmes qu’il détermine et que le Conseil d’administration approuve, selon des critères de risque. Une liste d’inspecteurs est établie pour assister le comité, ce qui permet à l’Ordre de remplir son principal mandat.

C’est en vertu de l’article 109 du Code des professions qu’un comité d’inspection est constitué au sein de chaque ordre. Ce comité est donc rendu obligatoire par la Loi.

Quant au service d’inspection professionnelle, il est composé d’une équipe permanente ainsi que d’inspecteurs occasionnels issus de tous les domaines d’exercice.

3) Quelle est la composition du comité d’inspection professionnelle ?

Le CIP est composé de 16 technologues, membres de l’Ordre. Ces membres sont nommés par le conseil d’administration selon leur expérience et leur expertise dans les différents secteurs d’activités, et ce, pour tous nos domaines d’exercice.

Le mandat pour chaque membre du CIP est d’une durée de deux ans, sauf pour le président du comité qui, lui, est nommé pour trois années. Ces mandats sont également renouvelables.

4) Comment se déroule une visite d’inspection ?

Tout d’abord, il est important de savoir que les étapes de l’un ou l’autre des programmes d’inspection visent le technologue et non l’établissement pour lequel il travaille. Si un changement survient au niveau de l’employeur alors qu’un technologue a déjà entamé

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le processus d’inspection professionnelle, ce dernier est tenu, selon l’article 60 du Code des professions, de mettre à jour son dossier professionnel sur le Portail. Ce changement n’affecte en rien le processus d’inspection en cours.

Chaque année, 20 % des membres ayant préalablement été visés à l’étape 3 (visioconférence) du programme de surveillance générale sont sélectionnés de façon individuelle pour passer à l’étape 4 de la visite d’inspection. Tout comme aux étapes 1, 2 et 3, la sélection des membres (tous domaines confondus) se fait de façon aléatoire et selon des critères établis par le Comité d’inspection professionnelle.

L’inspection professionnelle a pour mandat d’assurer la surveillance des membres, grâce à l’évaluation de leur compétence dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, il est important de retenir que c’est dans une approche pédagogique à des fins d’amélioration et d’accompagnement que les visites d’inspections ont lieu. Le but est de sensibiliser les membres à l’importance du respect des normes, de la Loi et du Code de déontologie. Or, les membres visés par l’étape 4 du processus reçoivent la visite d’un inspecteur attitré à leur domaine d’expertise, pour une durée d’une demi-journée. Comme mentionné précédemment, les membres sont sélectionnés de façon individuelle, ce qui signifie que seul le membre visé par le processus est évalué par l’inspecteur.

5) En quoi consiste le rapport d’inspection, et qui peut le consulter ?

Premièrement, le rapport d’inspection est confidentiel et acheminé au membre visé uniquement . Le rapport d’inspection est d’abord rédigé par l’inspecteur, selon l’analyse des questionnaires complétés de l’étape 2, la visioconférence de l’étape 3 ou selon l’évaluation pratique effectuée lors d’une visite, avant d’être adopté

RÉFÉRENCES

1 – Ordre des technologues en imagerie médicale, radio-oncologie et électrophysiologie médicale du Québec, Inspection professionnelle , 2023.

2 – Code de déontologie des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale , Légis Québec , 2023.

par le CIP. Il est présenté sous forme de rappels et de recommandations spécifiques, qui englobent tous les éléments relatifs à l’encadrement de la pratique (p. ex. : loi, code de déontologie, normes de pratiques). Bien que certaines de ces recommandations ne relèvent pas toujours de la responsabilité du membre directement, ce dernier doit tout de même faire part, dans son plan d’action, de la façon dont la recommandation pourra être appliquée. Par exemple, pour la recommandation suivante :

« Assurez-vous qu’un programme du contrôle de la qualité des équipements soit établi dans votre secteur et qu’un technologue responsable soit nommé (p. ex. : un coordonnateur) afin d’assurer l’optimisation de la qualité des images et de collaborer avec le physicien au moment de l’inspection. »

À cet effet, si aucun programme du contrôle de qualité n’est établi dans le secteur, le fait de s’informer auprès du coordonnateur ou du gestionnaire est considéré comme une action.

De plus, comme inscrit dans nos normes de pratique, certaines recommandations relèvent de la responsabilité du service; donc, des gestionnaires. Toutefois, il revient à la discrétion du membre de communiquer ou non son rapport d’inspection. Quoi qu’il en soit, les recommandations inscrites dans le rapport d’inspection sont notamment basées sur les normes de pratique en vigueur, et le but est d’en assurer la conformité. L’implication individuelle des membres, tout comme le travail d’équipe et la coordination, sont essentiels au bon déroulement du service et de ses activités. Or c’est dans un esprit de communication et de collaboration que l’amélioration de la pratique permettra d’assurer la protection du public.

Afin de connaître son implication dans le processus d’inspection professionnelle, il faut se rendre sur le site Web de l’Ordre à la section Membres afin de consulter le Pas à Pas

3 – Règlement sur les activités professionnelles qui peuvent être exercées par des personnes autres que des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale, Légis Québec , 2023. 4 – Code des professions, Légis Québec , 2023.

Mars 2024
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L’éthique en matière d’intelligence artificielle :

les biais discriminatoires

« TIRÉ DE L’ÉTHIQUE EN MATIÈRE D’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : LES BIAIS DISCRIMINATOIRES – 2023 LANGLOIS AVOCATS »

Avec les avancées rapides en matière d’intelligence artificielle (l’« IA »), on entend de plus en plus parler de la nécessité d’un encadrement éthique de l’IA. Mais à quoi fait-on référence ici ?

« Tirée du mot grec ethos qui signifie manière de vivre, l’éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse aux comportements humains et, plus précisément, à la conduite des individus en société. L’éthique fait l’examen de la justification rationnelle de nos jugements moraux, elle étudie ce qui est moralement bien ou mal, juste ou injuste1. »

Quant à la définition de l’IA, aux fins de notre réflexion, nous avons aussi retenu celle établie par le Parlement européen en 2020 :

« la capacité d’une machine à reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, l’apprentissage, la planification et la créativité2 ».

Ainsi, tout comme les comportements humains, l’intelligence artificielle qui les reproduit soulève des questions éthiques, morales et sociales. En effet, même si ces systèmes sont capables d’apprendre, ils

travaillent sur des représentations prédéfinies du monde, des modèles partiels qui sont générés par l’humain.

C’est dans ce contexte que plusieurs organisations se sont penchées sur l’élaboration de principes éthiques liés à l’IA, qui doivent être considérés dès la conception de l’ensemble des algorithmes. Leurs réflexions convergent autour des principes suivants : transparence et explicabilité, responsabilité, respect de la vie privée, justice et équité (non-discrimination), sûreté et sécurité (nonnuisance ou malfaisance).

Sans prétendre couvrir l’ensemble des enjeux éthiques pouvant survenir en matière d’IA, dans le présent article, les auteures ont choisi de s’attarder à un comportement humain dont les impacts se font déjà sentir en matière d’IA, à savoir les biais discriminatoires.

Plusieurs causes expliquent l’IA biaisée

Les biais discriminatoires existent en dehors de l’IA et des algorithmes. Ils existent d’abord chez les humains sous forme de raccourcis pris par le cerveau qui mènent à la prise de

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décisions ou conclusions incorrectes et subjectives 3

Les biais qu’on retrouve dans l’IA sont donc fréquemment les mêmes que ceux retrouvés chez les humains, mais amplifiés dû à l’accès de l’IA à des quantités astronomiques de données biaisées. Ainsi, on dira qu’une IA est biaisée lorsque son résultat n’est pas neutre, loyal ou équitable 4

De surcroît, l’IA est confrontée à différents types de biais algorithmiques que l’on peut regrouper en deux grandes catégories. Il y a d’abord les biais cognitifs qui sont intégrés par l’humain concepteur. Ceux-ci englobent les biais de confirmation5, les biais de répétition 6 et les biais stéréotypes7. Dans ces cas, l’humain concepteur est sujet à des biais déclenchés par des stéréotypes et des préjugés profondément établis dans son inconscient et qui le conduisent à favoriser sa perception du monde, même si des données contradictoires à sa pensée existent8. Ainsi, les biais cognitifs de l’humain concepteur sont intégrés sous forme de biais algorithmiques aux systèmes d’IA qu’il a programmés.

Il y a également les biais statistiques qui découlent des données d’entraînement. Ceux-ci englobent les biais de représentativité 9, les biais des données10 et les biais d’omission de variantes11. Ils désignent une situation d’inadéquation entre les données utilisées par un algorithme et la réalité qu’elles tentent de mesurer en raison de la manière dont les données ont été collectées12. Cela survient notamment lorsque l’intelligence artificielle a été entraînée sur des données insuffisantes, inexactes ou non représentatives. Ainsi, les systèmes d’IA qui sont entraînés avec de telles données statistiques biaisées produiront nécessairement des résultats biaisés.

Plusieurs solutions existent

Mais comment s’assurer que les systèmes d’intelligence artificielle ne discriminent pas un groupe de personnes en particulier, que ce soit à l’égard de leur couleur de peau, de leur genre, de leur âge ou de leur nationalité ?

Plusieurs solutions sont envisageables afin de concevoir des IA plus justes et moins biaisées. D’abord, il est nécessaire de conscientiser les humains qui conçoivent les systèmes d’IA afin qu’ils reconnaissent leurs propres biais et les tempèrent en travaillant avec une équipe diverse, mixte et interdisciplinaire qui priorisera les répercussions de l’IA sur l’humain, plutôt que sur la performance ou la recherche de profits18

Ensuite, il est nécessaire d’améliorer les systèmes d’IA eux-mêmes, dans la façon dont ils exploitent les données, sont développés, déployés et utilisés afin de les empêcher de perpétuer les biais humains et cognitifs. Cela peut se faire notamment en incluant, dans les données des IA, les résultats de recherche en psychologie et la documentation sur les biais inconscients19. Il est par ailleurs primordial de diversifier autant que possible l’ensemble des données sur lesquelles les IA sont entraînées.

Parallèlement, l’utilisation de l’IA à titre d’outil permettant d’identifier les manifestations de discrimination systémique envers certains groupes démographiques et soutenant l’élaboration de politiques publiques ciblées afin d’y répondre devrait être améliorée et renforcée.

Conclusion

En conclusion, l’éthique de l’IA soulève les mêmes questions éthiques, morales et sociales que celles que nous voyons au sein de la société en général. Parmi celles-ci, les biais discriminatoires doivent être au cœur des préoccupations. Il sera donc essentiel de considérer ces questions dès la conception des algorithmes, notamment lors de la sélection de données utilisées. Cela dit, l’IA pourrait également permettre d’aider à contrer la discrimination si elle est bien utilisée.

On dira qu’une IA est biaisée lorsque son résultat n’est pas neutre, loyal ou équitable4 .
9 Mars 2024

RÉFÉRENCES

1 – Gouvernement du Canada (2015). Qu’est-ce que l’éthique ?, Canada.ca.

2 – Intelligence artificielle : définition et utilisation | Actualité | Parlement européen, (europa.eu).

3 – Clémence Maquet (2021). « Intelligence artificielle : quelle approche des biais algorithmiques ? », Siècle Digital.

4 – Patrice Bertail, David Bounie, Stephan Clémençon et Patrick Waelbrœck (2019). « Algorithmes : biais, discrimination et équité » Télécom ParisTech.

5 – Lorsque seules les informations et données confirmant certaines opinions et hypothèses sont utilisées.

6 – Lorsque des informations sont tenues pour avérées à force d’être répétées, même lorsqu’elles sont fausses.

7 – Lorsque des affirmations sont issues de préjugés envers certains groupes d’une population.

8 – Patricia Gautrin (2021). « [ANALYSE] Que reprocher à un algorithme biaisé ? », CScience.

9 – Lorsque les données utilisées ne sont pas représentatives de la population.

10 – Lorsque les données utilisées sont tout simplement inexactes.

11 – Lorsque certaines variables affectant la réalité ont été omises.

12 – Statistique Canada (2023).

« Statistique 101 : biais statistique [Vidéo] », YouTube.

13 – Julia Angwin, Jeff Larson, Surya Mattu et Lauren Kirchner (20160).

« There’s software used across the country to predict future criminals. And it’s biased against blacks », ProPublica.

14 – Ibid.

15 – DataScientest (2020). « Intelligence artificielle et discrimination : Tout savoir sur ces sujets »

16 – Agence France-Presse (2020).

« Un homme noir arrêté à tort à cause de la technologie de reconnaissance faciale », Radio-Canada.

17 – Patrick Grother, Mei Ngan et Kayee Hanaoka (2019). Face Recognition Vendor Test, Part 3: Demographic Effects, National Institute of Standard and Technology, U.S. Department of Commerce

18 – Ibid.

19 – Ibid.

20 – « Mission, Team and Story », The Algorithmic Justice League.

21 – « Ravel Law ». SourceForge.

22 – Anne-Isabelle Cloutier et Katarina Daniels (2019). « La discrimination systémique à l’aube de l’intelligence artificielle », Blogue du CRL.

23 – UNESCO Bibliothèque numérique (2021). « Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle »

24 – Benjamin Weiser (27 mai 2023).

« Here’s What Happens When Your Lawyer Uses ChatGPT », The New York Times, en ligne; Dan Milmo (23 juin 2023). « Two US lawyers fined for submitting fake court citations from ChatGPT », The Gardian.

25 – Katia Gagnon (25 mai 2023).

« Examen du Barreau ChatGPT recalé », La Presse.

26 – Arnaud Billion et Mathieu Guillermin (2019). Intelligence artificielle juridique : enjeux épistémiques et éthiques. Droit, Sciences et Technologies, 9, 131-147.

27 – Ibid.

28 – Michael A Patterson et Rachel P. Dunaway (2019). « Understanding the Ethical Obligations of Using Artificial intelligence », Long Law Firm.

29 – Ibid.

30 – Cour du Banc du Roi du Manitoba (23 juin 2023). « Directive de pratique »

31 – Arnaud Billion et Mathieu Guillermin (2019). « Intelligence artificielle juridique : enjeux épistémiques et éthiques » Cahiers Droit, Sciences et Technologies, Vol. 8, p. 131-147.

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Démystifier le contenu d’un dossier patient

Le dossier médical d’un patient contient l’ensemble des informations recueillies dans le contexte de la prestation de soins et de services. Nous retrouvons dans celui-ci des renseignements personnels et/ou sensibles touchant la condition physique et mentale d’un individu. C’est notamment pour cette raison que le dossier est confidentiel et que nul ne peut y avoir accès sans le consentement de l’usager ou celui de la personne pouvant donner un consentement en son nom, et ce, sous réserve de certaines exceptions applicables.

Le Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements (ci-après « Règlement sur l’organisation ») prévoit le contenu du dossier médical selon la catégorie d’établissement où l’usager obtient ses services de santé (centre local de services communautaires [CLSC], centre d’hébergement et de soins de longue durée [CHSLD], centre hospitalier, etc.). Ces règles, en vigueur depuis 1984, n’ont pas été mises à jour depuis leur adoption, et ce, malgré la fusion des établissements en avril 2015. Ainsi, le contenu du dossier de l’usager dans un centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS), par exemple, comprend nécessairement l’intégration des normes applicables à chaque centre qui lui donne des services. Or, si l’usager reçoit des services ou soins du CLSC et du centre hospitalier, son dossier comprendra le contenu obligatoire du CLSC et celui du centre hospitalier.

À titre indicatif, pour un centre hospitalier, le dossier médical doit, entre autres, comprendre :

■ l’observation médicale, l’examen physique, le diagnostic provisoire;

■ les ordonnances;

■ l’enregistrement des étapes de préparation et d’administration des médicaments;

■ les notes d’évolution rédigées par les membres du personnel clinique de même que celles rédigées par le médecin ou le pharmacien;

■ les demandes et les rapports de consultation ou de traitement;

■ les éléments ayant servi à l’établissement d’un diagnostic ou d’un traitement, tels les documents photographiques, ultrasonographiques et radiologiques, ainsi que les parties des tracés d’électrocardiographie et l’électro-encéphalographie, en plus des autres pièces pertinentes;

■ les rapports d’examens diagnostiques;

■ le document attestant l’obtention du consentement d’un bénéficiaire à des soins ou des services dispensés par le centre hospitalier; et

■ le diagnostic préopératoire, la nature de l’intervention projetée, le protocole opératoire indiquant la nature des interventions, les constatations, les techniques opératoires utilisées et la description des pièces prélevées.

Si le membre n’exerce pas sa profession dans un établissement au sens de la L.S.S.S.S., il a l’obligation de constituer, tenir et maintenir un dossier sur son patient, lequel va comprendre minimalement les renseignements ou documents énumérés à l’article 6, Règlement sur la tenue des dossiers, des registres et des cabinets de consultation et sur la cessation d’exercice d’un membre de l’Ordre des technologues en imagerie médicale en

11
M e Jessica Deschamps-Maheu LL.B., LL.M Francine Roy t.i.m. (RD)

radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec, à savoir :

■ la date d’ouverture du dossier;

■ le nom du client, son sexe, sa date de naissance, son adresse et son numéro de téléphone;

■ l’identification et la description de l’examen ou du traitement réalisé, de même que les commentaires qui justifient la qualité suboptimale de l’examen ou du traitement;

■ la description des substances ou médicaments administrés, incluant le type, la quantité, la dose, le numéro de lot, le site, la voie et l’heure de l’administration;

■ la dose de radiation émise, selon les cas et lorsque l’appareil le permet;

■ toute information concernant les images réalisées au cours de l’examen ou du traitement, incluant le nombre d’images conservées dans le dossier et, selon les cas, le nombre d’images rejetées;

■ l’ordonnance, les renseignements cliniques, la correspondance et les autres documents relatifs aux services professionnels rendus, tels que les questionnaires préalables à l’examen ou au traitement réalisés;

■ les annotations sur l’évolution de l’état du client à la suite des services rendus;

■ toute annotation ou document concernant la consultation ou la transmission de renseignements ou documents du dossier d’un client à ce dernier ou à un tiers.

Peu importe le lieu d’exercice professionnel (cabinet privé ou établissement au sens de la L.S.S.S.S.), le membre doit tout de même s’assurer de consigner les documents ou informations énumérés ci-haut dans le dossier patient. Il doit apposer à chaque intervention sa signature et indiquer son titre professionnel. Par ailleurs, il convient de préciser que le contenu du dossier médical, tel que défini par règlement, n’est pas limitatif. Il est possible d’y ajouter d’autres documents ou informations pertinentes. Le professionnel doit cependant verser tout ce qui a servi à l’établissement d’un diagnostic ou traitement. Or des données brutes ou des notes manuscrites, par exemple, permettant de mener à un diagnostic, devraient se trouver dans le dossier du patient.

L’usager a droit à ce que son dossier contienne toutes les informations recueillies sur sa santé et que le professionnel rende compte précisément de l’ensemble des interventions faites à son endroit au fur et à mesure qu’elles sont recueillies. Souvent, les établissements ou ordres professionnels émettent des lignes

directrices quant aux délais d’inscription de certaines annotations. Peu importe les directives émises, il est fortement recommandé de consigner les notes de manière contemporaine aux événements, et ce, pour éviter l’avènement de conséquences graves pour l’usager ou le professionnel.

Les systèmes d’archivage

Actuellement, les établissements de santé possèdent plusieurs systèmes informatiques pour archiver des documents, images ou données. Il s’agit notamment du système d’information hospitalier (SIH), du système d’information en radiologie (SIR), du système d’information en oncologie (SIO), du système d’archivage numérique (PACS).

La responsabilité des gestionnaires de ces systèmes est importante, puisqu’ils doivent s’assurer qu’il y ait en place des mesures de sécurité pour protéger ces informations hautement confidentielles. De plus, ils doivent prioriser les corrections pouvant occasionner une erreur médicale ou l’inaccessibilité d’un examen ou de données d’un patient. Avant d’en modifier le contenu, le gestionnaire doit s’assurer qu’un examen n’a pas été dicté. Depuis l’adoption de la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels (communément appelé « Loi 25 »), le 21 septembre 2021, il va sans dire que cette obligation est d’autant plus importante.

Le technologue a aussi un rôle de premier plan à jouer : il doit s’assurer de la confidentialité des codes d’accès qui lui sont attribués par le gestionnaire. L’obligation d’assurer la confidentialité des renseignements confidentiels est d’ailleurs au cœur de ses obligations déontologiques. Lorsque l’examen est terminé, il doit vérifier que l’examen complet a été archivé au PACS. Toute modification à apporter à une image ou à un examen archivé doit être portée à l’attention du gestionnaire de système sur un formulaire signé. De plus, le technologue doit s’assurer que les corrections demandées sont effectuées selon les informations qu’il a fournies au gestionnaire.

En conclusion, le contenu du dossier complet et intégral auquel le patient a accès permet la mise en œuvre de son droit à l’information sur sa condition de santé. Les informations contenues dans le dossier médical d’un usager sont importantes sur le plan juridique, dans la mesure où les notes qui y sont consignées ont une valeur légale. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans les recours en matière de responsabilité professionnelle et dans d’autres litiges judiciaires ou quasi judiciaires.

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Un nouveau système d’ordonnance à venir pour le Québec

AMÉLIORER L’ACCÈS AUX EXAMENS ET AUGMENTER L’EFFICACITÉ POUR LE TRAITEMENT DES DEMANDES, EST-CE POSSIBLE ? LE PROJET DU PRESCRIPTEUR ÉLECTRONIQUE RÉPOND « OUI »

L’écosystème d’imagerie au Québec est particulièrement complexe et composé de plusieurs actifs et composantes en interrelation.

Les systèmes d’admission, de départ et de transfert (ADT), les systèmes de rendezvous locaux (RV), les systèmes d’information de radiologie (SIR), ceux d’archivage et de transmission d’images (PACS) sont parmi les nombreux systèmes locaux qui alimentent et interagissent avec le domaine provincial d’imagerie. Les répertoires d’imagerie médicale (RID) sont les systèmes qui reçoivent et entreposent les informations reçues par les systèmes-sources mentionnés précédemment. Ils agissent à titre d’archives suprarégionales. À ce jour, il est possible d’avoir une vue longitudinale des examens publiés grâce au Registre XDS. Nous pouvons partager les examens qui sont publiés avec succès par le Médiateur XDS. Une publication réussie permet également de rendre disponibles les examens d’imagerie dans les outils de consultation provinciaux, soit le visualiseur DSQ et le Carnet de santé.

Cet écosystème a permis entre autres de diminuer les répétitions d’examens et d’améliorer la qualité des soins au patient en rendant disponibles les images et les

1 https://ipam.ca/, Notre action.

En commun

rapports des examens pour les intervenants autorisés.

Ce dernier est en évolution constante. Dans les prochaines années, une révolution de son architecture est prévue, et plusieurs initiatives commencent déjà à se mettre en place. Ces démarches s’inscrivent dans le cadre du plan de modernisation technologique du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et toucheront éventuellement tous les établissements.

Cet article traitera plus spécifiquement du projet du prescripteur électronique. L’initiateur de la demande de ce projet est l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM). La mission de l’IPAM est : d’« éliminer ou restreindre des actes médicaux inappropriés, rendus à des fréquences excessives ou non conformes aux bonnes pratiques médicales. Générer des économies et les réinvestir dans l’amélioration de l’accessibilité des services de médecine spécialisée au bénéfice de la population du Québec1 ».

Dans le cadre de l’évolution de l’écosystème, le MSSS a décidé de prioriser le Prescripteur électronique parmi les différents choix de projets. Le projet en est à la phase

Sabrina Carrier t.i.m.

Chef d’équipe des Administrateurs d’actifs imagerie provinciaux par intérim

Centre opérationnel d’actifs Imagerie médicale (RID Montréal-McGill, Médiateur XDSi, Registre et Quarantaine XDSi)

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de pilotage à l’heure actuelle, et vous serez amenés probablement à en entendre parler de plus en plus.

Pourquoi ce projet plutôt qu’un autre ?

Parce que les prescriptions sont le point de départ de tout examen qui transite dans l’écosystème. Le projet de prescripteur électronique permettra de s’attaquer plus largement à tout ce qui touche à la prescription d’un examen d’imagerie médicale, notamment à sa pertinence, à la réduction des doublons et à l’optimisation à tous les niveaux. À l’intérieur du prescripteur électronique, on trouve l’outil d’aide à la décision. Il permettra d’évaluer la pertinence de l’examen demandé par le professionnel de la santé et ainsi proposer le meilleur examen d’imagerie médicale à faire passer au patient, et ce, en se basant sur les renseignements cliniques, l’âge du patient, la dose de radiation, la nature de l’examen (si c’est un examen de suivi), etc. De plus, en informatisant complètement le processus de prescription, on va inévitablement réduire la circulation du papier dans les hôpitaux et les cliniques médicales. Donc, tous les efforts de cette implantation ont pour but d’améliorer l’accès aux examens et d’augmenter l’efficacité du traitement des demandes.

L’équipe du Centre opérationnel d’actifs d’imagerie de la Direction des ressources informationnelles du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, avec le consentement et le soutien de l’équipe d’imagerie du MSSS, a décidé de vous présenter le projet du prescripteur électronique : une belle avancée technolo gique

pour notre profession et une meilleure continuité du virage numérique. Éliminons les FAX et le papier ! Diminuons les listes d’attente en imagerie médicale.

À l’heure actuelle, il y a encore beaucoup de manipulations relatives au traitement des ordonnances. Même dans les établissements qui fonctionnent majoritairement en format électronique, il n’est pas rare que les ordonnances aient d’abord circulé sous leur forme papier dans les départements ou soient arrivées par fax à l’étape de la prise de rendez-vous ou de l’accueil du patient au département d’imagerie. En misant sur le prescripteur électronique, nous voulons donc améliorer la trajectoire des ordonnances dans ces services. Puis, en incluant un moteur de pertinence dans cette solution, on optimisera et on réduira les requêtes en imagerie médicale.

Les bénéfices et avantages visés par ce projet sont :

■ actualiser l’ordonnancement, dans les services d’imagerie médicale, avec la standardisation d’une prescription électronique;

■ centraliser l’accès à l’information, afin d’appuyer les décisions reliées à l’ordonnancement ou non d’un examen;

■ filtrer les demandes d’imagerie médicale qui peuvent être moins pertinentes par l’intégration d’un outil d’aide à la décision;

■ accélérer le traitement des demandes et l’accessibilité aux services d’imagerie en fonction de la priorité et en éliminant les doublons;

■ diminuer les saisies dans les systèmes d’information.

Le projet de prescripteur électronique permettra de s’attaquer plus largement à tout ce qui touche à la prescription d’un examen d’imagerie médicale, notamment à sa pertinence, à la réduction des doublons et à l’optimisation à tous les niveaux.
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En misant sur le prescripteur électronique, nous voulons donc améliorer la trajectoire des ordonnances dans ces services.

En résumé, la planification d’un examen pour un patient qui doit passer un examen en Imagerie se déroulera de manière plus fluide.

Naturellement, tout ceci doit commencer par des ordonnances électroniques standardisées, autant pour les demandes internes d’un centre hospitalier que pour celles externes. L’uniformisation visuelle sera faite entre les deux (voir figure 1 pour visualiser l’ordonnance du prescripteur électronique interne).

Prescripteur interne et externe

Lorsqu’un spécialiste prescrira un examen, la demande sera toujours faite à partir d’une ordonnance normalisée, et l’outil de pertinence sera disponible. Il pourra conseiller de confirmer le choix, de proposer un examen alternatif ou d’annuler la demande. Selon l’origine de celle-ci, on trouve deux processus pour le prescripteur : interne ou externe. Les demandes du prescripteur interne seront pour les demandes faites en milieu hospitalier. L’accès par le dossier clinique informatisé permet de lancer l’application de la prescription électronique. D’autre part, les demandes faites en cabinet/GMF par un médecin de famille ou un infirmier praticien spécialisé à travers le dossier médical électronique seront quant à elles traitées par le prescripteur externe (voir la figure 2 pour visualiser les interactions du prescripteur électronique).

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Figure 1 : L’ordonnance du prescripteur électronique interne. Figure 2 : Représentation du flux de travail du prescripteur électronique.

Le chemin de l’ordonnancement sera :

■ Prescripteur en imagerie interne

1. Demande d’examen par le médecin.

2. Recommandation de l’outil à l’aide à la décision.

3. Transmission de la demande au département de radiologie.

4. Suivi et statut de la demande.

5. Réalisation de l’examen.

■ Prescripteur en imagerie externe

1. Demande d’examen par le médecin.

2. Recommandation de l’outil d’aide à la décision.

3. Transmission de la demande.

4. Suivi et statut de la demande.

5. Mise en attente ou RDV.

Comment ça fonctionne ?

Le professionnel de la santé qui prescrit l’examen devra remplir la demande d’examen par l’ordonnance électronique mise en place. Puis, le moteur de pertinence émettra des recommandations d’après les informations sur le patient, l’examen demandé et les renseignements cliniques. L’utilisateur recevra la suggestion de l’examen le plus recommandé; il aura le choix de la suivre ou non. Puis, il transmettra sa demande, et elle sera mise en attente, ou un RDV sera attribué selon la priorisation assignée en vertu des conditions médicales.

La priorité qui est attribuée à la demande lui a été décernée lors du choix de l’examen par l’utilisateur.

Celle-ci est visible dans l’ordonnance électronique, et l’utilisateur peut toujours la modifier manuellement si la situation l’exige.

Les demandes externes seront distribuées selon la priorité et les prochaines disponibilités de rendez-vous. Ceci se fera par un centre de répartition des demandes de service d’imagerie (CRDS-i) pour les premiers examens en imagerie de certaines modalités. Le prescripteur sera informé du statut de la demande et recevra une notification de son classement dans le CRDS-i.

Les demandes internes arriveront directement dans un module du SIR. Elles seront distribuées selon la priorité et les prochaines disponibilités de rendez-vous. Pour les examens de radiologie conventionnels, les patients seront directement dirigés vers un service d’imagerie. Les demandes urgentes seront directement acheminées vers un service d’imagerie médicale, peu importe la modalité.

Moteur de pertinence, vraiment ?

Lors de la création d’une requête on y trouvera obligatoirement, selon toute évidence, l’identification du patient : nom, prénom, sexe et date de naissance. L’ordonnance devra aussi contenir l’examen demandé et les renseignements cliniques associés.

Ensuite, l’application de l’aide à la décision s’ouvrira pour permettre d’avoir accès à des recommandations provenant de différentes sources reconnues pour les diagnostics suspectés et les renseignements cliniques associés.

Les recommandations proviennent de l’analyse de la pertinence de l’examen demandé d’après des

Le moteur de pertinence émettra des recommandations d’après les informations sur le patient, l’examen demandé et les renseignements cliniques.
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lignes directrices. L’aide à la décision est basée sur trois références :

■ l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS);

■ l’association canadienne des radiologistes (CAR);

■ iREFER de The Royal College of Radiologists (RCR)2

Il est important également de mentionner que l’aide à la décision subira des mises à jour régulières de ses lignes directrices pour conseiller adéquatement les utilisateurs.

Le processus d’analyse de la pertinence se fera en fonction de ces six facteurs (voir la figure 3 pour mieux visualiser le processus) :

1. sélection, âge et sexe;

2. ajout des indications cliniques recherchées;

3. questionnaire, si pertinent;

4. validation : est-ce qu’il y a eu des examens similaires récemment dans le dossier santé Québec ?

5. vérification s’il y a demande en cours : est-ce qu’il y a des demandes similaires en cours au CRDSI ?

6. validation des antécédents.

Pour le moment, la mise en production est graduelle, le processus d’analyse comprend les points 1 et 2; éventuellement les autres facteurs s’ajouteront.

Puis, la recommandation arrivera sur l’écran du requérant.

Mise en situation

Une femme va consulter son médecin pour des douleurs lombaires non traumatiques. À travers l’aide à la décision, une liste de scénarios s’offre au médecin pour le soutenir dans sa décision (voir la figure 4 pour avoir un visuel du scénario).

■ Suspicion de pathologies tumorales ou infectieuses.

■ Déficit neurologique imp. ou progressifs.

■ Échec du traitement conservateur.

■ Suspicion de sacro-illite.

■ Facteurs de risque ou signes de FX.

■ Antécédents de chirurgie lombaire.

■ Aucun.

Ici, aucun de ces scénarios ne s’applique au contexte clinique de la patiente. Le système conseillera donc au médecin d’annuler sa demande d’examen de radiologie, puisqu’aucun examen n’est recommandé pour sa patiente.

Si cette patiente était allée consulter pour les mêmes raisons, mais qu’avec le tableau clinique, le médecin avait eu des soupçons de pathologies tumorales ou infectieuses, le scénario aurait été bien différent (voir la figure 5 pour avoir un visuel du scénario).

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2 Les scénarios de iREFER ne sont pas activés en ce moment (octobre 2023). Figure 3 : Schéma du processus d’analyse dans le moteur de pertinence. Figure 4 : Scénario lombaire non traumatique sans autre facteur.

Conclusion

La transformation numérique et l’optimisation du processus d’ordonnancement élimineront progressivement le papier et l’utilisation des fax. Ce nouveau processus d’ordonnancement est une bonne nouvelle. Avec l’aide à la décision et l’acheminement au Centre de répartition des demandes de service d’imagerie, cela sera bénéfique pour le réseau, les professionnels ainsi que les patients, puisque ce projet participe à l’uniformisation des pratiques, à la diminution des doses de radiations inutiles, à l’élimination des redondances et à la gestion des listes d’attente entre les établissements. L’équipe du CO a été mandatée pour soutenir le premier niveau d’aide à la décision. Notre implication est prévue pour la première année de pilotage qui est déjà en cours dans certains centres ciblés par le MSSS. Nous trouvions cependant intéressant de communiquer à une audience élargie les visées et bénéfices de cette avancée technologique à venir prochainement dans le réseau.

REMERCIEMENTS

Remerciements particuliers à Tania Asselin-St-Arneault pour ses judicieux conseils et son précieux temps.

Merci pour leur collaboration à Véronique Pellerin, Dèmi Boisvert, Yasmine Lounis qui sont des membres de l’équipe du projet du prescripteur électronique du CO actifs d’imagerie médicale.

Un merci aussi à Jean-François Trudel pour sa collaboration au cours du processus d’écriture et à Geneviève Sénéchal pour la révision du texte.

Un merci spécial à Amélie Tremblay et à Éric Savoie de l’équipe Projet du prescripteur électronique du MSSS pour leur soutien et leurs conseils.

RÉFÉRENCES

1 – Document interne; Mandat Support – Prescripteur électronique.

2 – Présentation de l’équipe du projet du prescripteur électronique du MSSS.

3 – Projet prescripteur électronique en imagerie V1 et Prescripteur électronique en imagerie planification P6 du MSSS.

FIGURES

1 – Image de l’ordonnance du prescripteur électronique interne gracieuseté de l’équipe projet du prescripteur électronique du MSSS.

2 – Schéma provenant de la banque personnelle de l’auteure, inspiré des schémas du MSSS

3 – Schéma provenant de la banque personnelle de l’auteure, inspiré des schémas du MSSS

4 – Image de l’outil de l’aide à la décision, autorisation de l’équipe projet du prescripteur électronique du MSSS.

5 – Image de l’outil de l’aide à la décision, autorisation de l’équipe du projet du prescripteur électronique du MSSSl.

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Figure 5 : Scénario douleurs lombaires non traumatiques avec risque de pathologie tumorale.

Le rôle potentiel du ChatGPT en radiologie

L’UTILISATION DES TECHNOLOGIES DES TRAITEMENTS DU LANGAGE NATUREL EN RADIOLOGIE, L’EXEMPLE DU CHATGPT

De plus en plus, l’intelligence artificielle (IA) devient un outil puissant en imagerie médicale, offrant de nouvelles possibilités, améliorant la précision, l’efficacité, les résultats et facilitant aussi les tâches des professionnels de la radiologie. Sa capacité à analyser et interpréter les images en temps réel pourrait réduire considérablement le temps et les ressources nécessaires au diagnostic, ainsi que les dépenses associées aux soins de santé. La radiologie représente déjà un milieu « fertile » à la recherche et attire la technologie informatique. Jusqu’à octobre 2022, plus que 75 % des dispositifs médicaux à base d’IA et de Machine Learning approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) sont consacrés à la radiologie ! (Figure 1 ).

Tout comme le Machine Learning, le « Chat Generative Pre-trained Transformer » ou tout simplement « ChatGPT » est l’une des technologies d’IA les plus prometteuses pour le diagnostic par imagerie médicale. C’est un grand modèle de langage informatique formé par la société américaine OpenAI, qui utilise le traitement du langage naturel (traduction à partir de l’anglais du Natural Language Processing — NLP). Selon Oracle Canada, une entreprise experte de logiciels et de programmation, le NLP est une branche de l’IA qui permet aux ordinateurs de comprendre, générer et manipuler le langage humain. Il permet d’interroger les données à l’aide d’un texte ou d’une voix en

langage naturel. Le NLP est la technologie de base des assistants virtuels, tels que l’Oracle Digital Assistant (ODA), Siri, Cortana ou Alexa. OpenAI a également élargi les capacités du ChatGPT à la compréhension des images. Cette approche est rendue possible grâce aux modèles GPT-3.5 et GPT-4 multimodaux qui appliquent leur raisonnement linguistique à un large éventail d’images, y compris des photographies, des captures d’écran et des documents mixtes texte-image. Les experts prédisent que le marché de l’IA générative a un taux de croissance annuel de 35 %. Cela entraînera le développement de données de formation de meilleure qualité, de modèles de langage plus efficaces, d’applications et

Radiodiagnostic 19
Mohamed Khelifi t.i.m. Coordonnateur technique en imagerie médicale CIUSSS de l’Ouest de l’Île de Montréal, Hôpital de LaSalle Figure 1 : Répartition des dispositifs médicaux à base d’IA approuvés par la FDA selon les spécialités.
Jusqu’à octobre 2022, plus que 75 % des dispositifs médicaux à base d’IA et de Machine Learning approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) sont consacrés à la radiologie !

de progrès en matière de ressources matérielles et d’infrastructure. Ce sont de nouveaux concepts « bizarres » qu’entendent les technologues en imagerie médicale qui ne sont pas, seulement, inquiets de leurs effets sur la profession (près d’un emploi sur cinq est « fortement exposé » à l’IA générative, selon un rapport d’Indeed), mais aussi de leurs futures utilisations en radiologie. Sans détailler les aspects informatiques, nous explorons, dans cet article, les caractéristiques du ChatGPT, ses utilisations en radiologie et son apport pour notre domaine.

Qu’est-ce que le « ChatGPT » ?

ChatGPT est une IA conversationnelle « Chatbot » disponible en ligne gratuitement au grand public depuis novembre 2022, capable de répondre instantanément aux questions et d’adapter son discours en fonction des réponses. Le nom de ChatGPT est un motvalise : « chat » fait référence à une discussion en ligne dans laquelle les internautes échangent des messages de manière instantanée et « GPT » signifie « Generative Pretrained Transformer  », car le bot d’OpenAI a été préentraîné sur des données afin de pouvoir générer des réponses pertinentes (figure 2).

ChatGPT et la radiologie

Lorsqu’on consulte la littérature scientifique sur l’utilisation du ChatGPT en radiologie, la plupart des articles traitent de sa nature multidimensionnelle et explorent son impact potentiel dans pratiquement tous les aspects de la radiologie, de l’information aux patients, en

passant par la sélection du protocole, à la génération et à la structuration des rapports. Puisque ChatGPT est basé sur le NLP, selon la société IBM, ce traitement vise à créer des machines qui comprennent et répondent à des données vocales ou sous forme de texte, et qui répondent par leur propres texte ou parole, de la même manière que les êtres humains. De quelles façons, donc, utilisons-nous cette technologie en radiologie ? Qui va profiter de cette innovation ?

En passant du stade de la crainte que l’IA remplace les professionnels de la radiologie à celui de la compréhension que la plus grande contribution de l’IA à l’imagerie médicale est d’améliorer les qualités du personnel, ChatGPT a bien des avantages et des capacités prometteuses !

La précision et l’efficacité améliorées

La précision et l’efficacité améliorées dans le diagnostic des images médicales sont les caractéristiques principales de cette technologie. OpenAI n’a pas

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Figure 2 : ChatGPT, une IA conversationnelle.

spécifiquement entraîné le modèle ChatGPT sur des images médicales. Cependant, il peut toujours faire quelques observations de base fondées sur ce qu’il sait de l’anatomie humaine. On a demandé à ChatGPT d’examiner la radiographie de face de l’extrémité inférieure du tibia et la cheville, et les résultats étaient surprenants (voir l’encadré à la page suivante). En effet, la capacité de ChatGPT à analyser et interpréter des images médicales à l’aide d’algorithmes de NLP constitue un avantage majeur en radiologie. Traditionnellement, les radiologistes analysent les images et interprètent leurs résultats de façon « manuelle », ce qui peut prendre du temps et engendrer des erreurs. Cependant, pour tirer parti de la précision du ChatGPT, ce dernier nécessite des particularités spécifiques adaptées aux images médicales analysées. En fournissant des détails et informations pertinentes sur les images, tels que les antécédents médicaux du patient, les symptômes et les caractéristiques de l’image, ChatGPT peut traiter et interpréter efficacement les images en temps réel, ce qui permet d’établir des diagnostics rapides et précis. Cette approche innovante réduit non seulement la charge de travail des radiologistes, mais améliore également l’efficacité et la fiabilité globales du processus de diagnostic. Les algorithmes du ChatGPT sont conçus pour reconnaître des indicateurs dans les images radiologiques et les interpréter d’une manière similaire à celle que feraient les radiologistes. Ils ont la capacité d’analyser une grande quantité de données à partir d’images médicales pour identifier ces indicateurs et anomalies et peuvent même apprendre des

cas précédents pour améliorer la précision de leurs analyses. ChatGPT peut aider à reconnaître les anomalies les plus subtiles dans les images médicales, qui pourraient échapper aux radiologistes. De plus, il réduit le besoin d’examens supplémentaires inutiles.

La réduction de la variabilité et des erreurs d’interprétation

La réduction de la variabilité et des erreurs d’interprétation est synonyme, entre autres, de compétence. Cette dernière peut être touchée par les différences d’interprétation ou les erreurs très courantes en radiologie. C’est déjà inquiétant de savoir qu’annuellement, à l’échelle mondiale, on compte presque 40 millions d’erreurs de diagnostic, dont 3 à 5 % sont en radiologie ! Les variations dans la formation, l’expérience et les préjugés personnels peuvent expliquer les incohérences dans le diagnostic. L’un des avantages de l’utilisation du ChatGPT en radiologie est sa capacité à réduire la variabilité et les erreurs de l’interprétation. En effet, les algorithmes de ChatGPT sont formés sur de grandes quantités de données, ce qui leur permet d’apprendre des modèles et d’interpréter les images médicales avec plus de cohérence et de précision. ChatGPT n’est pas, non plus, soumis aux mêmes préjugés humains et limitations cognitives qui peuvent affecter les radiologistes. Le principe est simple : prenons l’exemple d’une image visible sur une structure anatomique en tomodensitométrie dont l’unité Hounsfield témoigne d’une pathologie. L’algorithme va simplement

En passant du stade de la crainte que l’IA remplace les professionnels de la radiologie à celui de la compréhension que la plus grande contribution de l’IA à l’imagerie médicale est d’améliorer les qualités du personnel.
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Une radiographie de l’extrémité inférieure de la jambe gauche présentée au ChatGPT pour élaborer un rapport radiologique.

Voici les constatations de Dr ChatGPT :

■ Localisation de la fracture potentielle : La fracture potentielle semble située au milieu de la diaphyse du péroné. Les fractures des péronés médianes de la diaphyse peuvent être isolées ou accompagnées d’autres blessures, notamment au niveau de la cheville ou du tibia opposé.

Nature de la fracture

■ Déplacement : À première vue, la fracture ne semble pas déplacée, ce qui signifie que les fragments osseux sont étroitement alignés.

■ Complétude : La fracture semble complète et s’étend sur toute la largeur du péroné.

■ Orientation : La ligne de fracture semble quelque peu oblique lorsqu’elle traverse le péroné.

Résultats associés

■ Rupture corticale : Il semble y avoir une rupture nette dans le cortex du péroné, ce qui indique une fracture.

■ Tissus mous : Il est difficile de formuler des commentaires définitifs sur les lésions des tissus mous uniquement à partir d’une radiographie. Cependant, il n’y a pas de gonflement majeur évident autour du péroné auquel on pourrait s’attendre avec une telle blessure.

■ Mécanisme potentiel : Compte tenu de l’emplacement et de la nature, cela pourrait être le résultat d’un coup direct ou d’un traumatisme sur le côté de la jambe ou même de forces de torsion. Le mécanisme exact serait plus évident à partir d’une histoire clinique.

■ Implications : Les fractures fibulaires isolées, surtout si elles ne sont pas déplacées, ont généralement un bon pronostic avec une prise en charge appropriée. Cependant, la décision de prise en charge, qu’il s’agisse d’opter pour un traitement conservateur ou une intervention chirurgicale, dépendra de divers facteurs tels que la configuration exacte de la fracture, les blessures associées et les facteurs liés au patient.

■ Recommandation : S’il s’agissait d’un scénario réel, une immobilisation immédiate suivie d’une consultation avec un chirurgien orthopédiste serait la meilleure solution. Ils recommanderaient probablement une imagerie supplémentaire, incluant éventuellement différentes vues radiographiques ou même une tomodensitométrie, pour évaluer la fracture en détail et élaborer un plan de gestion définitif.

interpréter cette anomalie selon l’explication qu’il a apprise d’avance (selon les livres de médecine ou autres). Par contre, deux radiologistes peuvent interpréter ces images de façon différente selon leurs différentes formations ou expérience.

Mais attention, pour quiconque envisage d’utiliser les traitements du langage naturel actuels pour la pratique clinique, les erreurs ou « hallucinations » sont un problème sérieux ! ChatGPT peut poser des diagnostics étonnants, tout comme un vrai médecin, mais il inventera également des faits en toute confiance ! (Figure 3)

Mais attention, pour quiconque envisage d’utiliser les traitements du langage naturel actuels pour la pratique clinique, les erreurs ou « hallucinations » sont un problème sérieux !
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Une demande est présentée à ChatGPT : rédigez un rapport de radiologie pour cette image (Coupe transverse de tomodensitométrie thoracique).

Réponse de GPT-4V : Rapport

■ Date : 25/06/2021

■ Type d’étude : CT thoracique

■ Sujet : Homme de 42 ans

■ Résultats : Les images tomodensitométriques thoraciques démontrent une opacité nodulaire dans le lobe supérieur gauche, mesurant environ 1,3 cm de diamètre. L’opacité semble avoir des bords spiculés et est située à côté de la plèvre. Il n’y a aucune preuve de lymphadénopathie médiastinale ou hilaire.

■ Impression : Les résultats sont préoccupants pour une tumeur maligne primaire du poumon. Une évaluation plus approfondie avec une biopsie sont recommandées pour confirmer le diagnostic.

■ Avis des radiologistes : Le type d’étude et l’identification sont corrects. Les dimensions du nodule sont vraies, mais c’est plutôt à droite. C’est de l’hallucination !

Améliorer le rapport de radiologie

Le premier endroit où l’IA aura le plus grand impact est la génération de rapports. Les radiologues peuvent utiliser ChatGPT (ou un autre type d’IA générative) pour améliorer l’efficacité des rapports en dictant uniquement les résultats positifs ou un rapport détaillé, et en permettant à ChatGPT de rédiger un rapport structuré complet. S’il est connecté à un système de transcription, ChatGPT pourrait remplir automatiquement les informations de la liste des résultats radiologiques du patient, des notes du médecin, des rapports chirurgicaux et pathologiques ou des rapports de radiologie antérieurs dans l’en-tête du rapport (figure 4). ChatGPT peut également être utilisé pour traduire un rapport de radiologie, optimisé pour le lecteur. Par exemple, ChatGPT peut créer une version conviviale d’un rapport de radiologie, la personnaliser en fonction des besoins d’un médecin-urgentiste ou d’un spécialiste en neurologie, ou la modifier dans un format demandé par un médecin (figures 5 et 6). En offrant une surveillance du contrôle de la qualité, en suggérant des résultats positifs et négatifs pertinents et en fournissant aux radiologues des recommandations de suivi appropriées basées sur les meilleures pratiques en matière de santé de la population, ChatGPT peut également améliorer la qualité du rapport de radiologie.

Traitement des données des soins de santé

À mesure que, dans les systèmes de santé du monde entier, on passe à des dossiers médicaux électroniques, on rencontre de grandes quantités de données non structurées. Le NLP peut être utilisé pour analyser et obtenir de nouvelles informations sur les dossiers médicaux. Les grands modèles linguistiques jouent un rôle de plus en plus important dans l’extraction d’informations précieuses à partir de dossiers médicaux en texte libre, offrant aux cliniciens un nouvel outil d’exploration de données cliniquement pertinentes.

Figure 4 : Exemple de rapport d’une radiographie de calcanéum généré automatiquement par le logiciel Radpair qui fait en sorte que le radiologue n’a pas besoin de transcription ni des services des archives pour envoyer le rapport au médecin référent.

23 Mars 2024
Figure 3

Rapport d’un examen d’IRM du genou droit généré par ChatGPT :

Un épanchement articulaire important, plus prononcé dans la région suprapatellaire. Il existe également des preuves d’une déchirure du ménisque médial, ainsi que de légères modifications dégénératives du cartilage articulaire. Le ligament croisé antérieur et le ligament croisé postérieur sont intacts. Le mécanisme extenseur est également intact. Aucune autre anomalie significative n’est observée.

■ Impression : Épanchement articulaire important et déchirure méniscale médiale du genou droit, avec de légères modifications dégénératives du cartilage articulaire.

■ Avis des radiologistes : Reconnaissance correcte de l’étude, diagnostic correct (épanchement et déchirure méniscale).

Rapport de radiologie généré par ChatGPT :

Deux radiographies de poumons de face pour contrôle. Celle qui est réalisée récemment (B) montre une amélioration significative de l’état du patient par rapport à la radiographie précédente (A). L’analyse précédente a montré un épanchement pleural, qui est une accumulation de liquide dans l’espace entre les poumons et la paroi thoracique. L’analyse actuelle montre que l’épanchement pleural a disparu. Il n’y a aucune preuve de nouvelles anomalies dans les poumons ou la paroi thoracique. Les poumons semblent bien dilatés et la taille du cœur est normale. Le médiastin, qui est l’espace entre les poumons, se situe également dans les limites normales.

■ Conclusion : L’état du patient s’est amélioré depuis la dernière radiographie thoracique, avec résolution de l’épanchement pleural précédemment constaté. Aucune nouvelle anomalie n’est observée.

■ Avis des radiologistes : Amélioration de l’épanchement pleural.

Sous l’évaluation de quatre radiologues, une nouvelle étude, dont les résultats sont publiés dans la revue Radiology, montre l’efficacité du ChatGPT dans l’extraction et l’étiquetage des phénotypes oncologiques à partir de rapports d’examens de tomodensitométrie (TDM) en texte libre liés au cancer du poumon. Sur 424 rapports de TDM de suivi du cancer du poumon sur une période, ChatGPT a atteint un taux de précision de 98,6 % dans l’extraction des paramètres de lésion, de 98,1 % dans l’identification des maladies métastatiques, un score F1 de 0,96 dans la génération d’étiquettes

A

correctes pour la progression oncologique. Pour cette analyse, les chercheurs ont également exploré la distribution des sites métastatiques chez les patients atteints d’un cancer du poumon, révélant que les métastases se produisaient fréquemment dans des endroits tels que le parenchyme pulmonaire, les os, le foie et les glandes surrénales. Ces informations ont le potentiel d’améliorer la compréhension de la progression de la maladie et de guider les cliniciens vers une planification de traitement plus efficace.

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Figure 5 Figure 6
B

Une solution à la pénurie de ressources en santé

ChatGPT pourrait remplacer les agents administratifs qui fixent des rendez-vous ou des informations de préparation aux examens radiologiques. Une recherche réalisée par un groupe de chercheurs allemands a analysé les réponses du ChatGPT à 25 questions concernant des informations de préparation aux examens PET-SCAN. Bien qu’il y ait eu des incohérences, les réponses ont été jugées appropriées dans 92 % des cas. Les grands modèles de langage tels que la version 4 du ChatGPT pourraient présenter un outil d’information permettant aux patients de répondre à leurs questions lors de la préparation d’un examen ou encore, expliquer un rapport. Une nouvelle étude révèle que ChatGPT surpasse les médecins humains en termes de qualité et d’empathie des réponses aux préoccupations des patients. L’étude, publiée dans JAMA Internal Medecine a comparé les réponses écrites de médecins et celles de ChatGPT à des questions de santé réelles. Un groupe

de professionnels de la santé a évalué les réponses par la suite et a préféré les réponses de ChatGPT dans 79 % des cas et les a trouvées plus empathiques et de meilleure qualité ! (Figure 7 )

Photo générée par ChatGPT en réponse à la question : Comment on injecte le produit de contraste en radiologie ?

En radiologie, l’injection de produit de contraste est un processus couramment utilisé pour améliorer la qualité des images obtenues lors de certains examens médicaux. Voici comment cela se déroule généralement :

1- Préparation : Avant l’injection, le patient sera préparé en retirant les vêtements ou les objets métalliques qui pourraient interférer avec l’examen. Il peut également lui être demandé de jeûner pendant quelques heures avant l’examen, en fonction du type d’examen et des directives spécifiques.

2- Accès veineux : Une fois le patient prêt, un accès veineux sera établi en insérant une aiguille ou un cathéter dans une veine, généralement sur le bras ou la main. Cela permettra d’injecter le produit de contraste directement dans la circulation sanguine.

3- Injection du produit de contraste : Le produit de contraste sera administré lentement par voie intraveineuse. La vitesse d’injection dépendra du type d’examen et des recommandations du médecin-radiologue. Le patient peut ressentir une sensation de chaleur ou un goût métallique pendant l’injection, ce qui est normal.

4- Acquisition des images : Une fois le produit de contraste injecté, le patient sera placé sous le tomodensitomètre, l’appareil approprié de radiographie ou d’imagerie. Les images seront ensuite acquises par le technologue en radiologie, qui veillera à ce que le patient reste immobile pendant la procédure pour obtenir des images nettes et précises.

5- Suivi et récupération : Après l’examen, le patient sera surveillé pendant un certain temps pour détecter toute réaction indésirable au produit de contraste. Dans la plupart des cas, le produit de contraste est rapidement éliminé par le corps et ne cause aucun problème. Cependant, il est important de signaler à l’équipe médicale tout effet secondaire ou toute réaction anormale. Il est essentiel de suivre les instructions de votre médecin ou de l’équipe médicale spécifique à votre cas. Ils seront en mesure de vous fournir des informations détaillées sur la procédure d’injection de produit de contraste et de répondre à toutes vos questions ou préoccupations .

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Figure 7 : Comparaison des informations présentées par un médecin et ChatGPT selon une étude.

Je suis technologue, ChatGPT peut-il m’aider dans mes tâches ?

Si ces technologies sont destinées principalement à assister le médecin radiologiste, les secrétaires et les agents administratifs, les technologues peuvent aussi bénéficier de leurs avantages. ChatGPT peut être une source précieuse d’informations à présenter aux patients. Lorsqu’il s’agit d’une précaution après examen, des informations peuvent être générées automatiquement. Il peut être aussi utilisé, selon les besoins, pour établir des protocoles techniques d’imagerie des différentes modalités radiologiques, résumer des informations cliniques et traduire des informations dans différentes langues.

Mais, comme notre travail est très technique, nous devons faire attention. Il ne faut pas compter sur cette technologie pour réaliser des examens radiologiques. Du point de vue éthique et déontologique, ChatGPT n’est pas encore une source fiable. Nous lui avons demandé de nous montrer la réalisation d’un examen avec injection de produit de contraste. Les informations récoltées sont tellement vagues et générales qu’un technologue ne doit pas les présenter à son patient (voir l’encadré à la page précédente).

ChatGPT doit d’abord recevoir des demandes soigneusement conçues. Si les informations fournies sont insuffisantes, il a tendance à faire des hypothèses sur ce que souhaite l’utilisateur, hypothèses qui peuvent poser des problèmes. De plus, si les utilisateurs n’incluent pas d’informations spécifiques sur un scénario clinique ou s’il comprend des contradictions potentielles, le chatbot

RÉFÉRENCES

1 – S. Samriddhi, ChatGPT in Radiology: The Advantages and Limitations of Artificial Intelligence for Medical Imaging Diagnosis, National Library of Medicine.

2 – ChatGPT, Le générateur de texte par intelligence artificielle d’OpenAI, BDM Tools .

3 – Jason N. Itri, « Fundamentals of Diagnostic Error in Imaging », RadioGraphics 38, nº 6

4 – Will Morton, Can ChatGPT help prepare patients for PET scans? AuntMinnie

5 – S. Srivastav, R. Chandrakar, S. Gupta et coll. (July 06, 2023), « ChatGPT in Radiology: The Advantages and Limitations of Artificial Intelligence for Medical Imaging Diagnosis », Cureus 15 no 7, e41435, doi:10.7759/cureus.41435

6 – Jean-François Venne, Diagnostic — CHATGPT au travail, entre promesses et menaces, Gestion HEC Montréal

peut renvoyer une réponse apparemment crédible, mais finalement incorrecte. C’est l’effet « hallucination », un processus par lequel un système d’IA génère des concepts et les formule d’une manière convaincante qui peut tromper les non-experts.

Conclusion

Le lancement de ChatGPT a eu l’effet d’une bombe. Son efficacité, les promesses de développement futur ainsi que l’arrivée d’autres outils similaires obligent les professionnels à se positionner sur leur utilisation de l’intelligence artificielle. Au-delà des rapports de radiologie, ChatGPT peut aider à réaliser d’autres tâches liées à la rédaction médicale. Il a déjà été utilisé avec succès pour rédiger des lettres de préautorisation destinées aux assureurs et pour produire des documents destinés aux patients, tels que des instructions de soins postinterventions radiologiques. Une chose est certaine : en tant que technologues, nous suivons avec inquiétude ce que l’IA générative, dont l’exemple du ChatGPT, peut réaliser dans notre domaine. Le McKinsey Global Institute prévoit que près d’un tiers des activités de travail aux États-Unis serait automatisée d’ici 2030. Mais les recherches montrent aussi que l’IA générative est moins susceptible de remplacer un travail entier, surtout dans les soins de santé, mais plutôt de servir d’outil pour augmenter ou rationaliser certaines parties d’un travail. Le contact humain et l’intuition sont essentiels dans les soins de santé, et l’IA ne peut pas reproduire entièrement ces capacités ni faire preuve d’empathie ou comprendre la complexité des émotions humaines.

FIGURES

1 – Julia Croxen, Pulse check: An analysis of the FDA’s list of AI- and ML-enabled devices, Rock Health.

2 – Jiayan Liu, CHATGPT has accelerated the flywheel, TSVC.

3, 5 et 6 – Y. Zhengyuan, The Dawn of LMMs: Preliminary Explorations with GPT-4V(ision), Microsoft Corporation.

4 – Propriété de l’auteur. Image générée de l’utilisation d’un logiciel Radpair.

7 – Data source-UC San Diego

Encadré 1 – Les Shute .

Encadré 2 – Propriété de l’auteur

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Borggreve, Van Nes ou la chirurgie de rotation

PRÉSENTATION D’UNE CHIRURGIE HORS DU COMMUN, PRATIQUÉE SURTOUT EN PÉDIATRIE

Les avancées technologiques améliorent à grands pas le bien-être des enfants amputés. La chirurgie de rotation a pour sa part un immense impact sur leur qualité de vie. Faisons d’abord un petit retour dans le temps.

La chirurgie de rotation a été pratiquée pour la toute première fois en 1927 par Borggreve, mais elle fut vraiment mieux maitrisée seulement vers 1950 par le Néerlandais orthopédiste Cornelis Pieter Van Nes. Cette chirurgie fut au départ pratiquée principalement lors des aplasies du fémur (défaut congénital de développement du fémur très souvent associé à des malformations du bassin et du membre inférieur).

Chaque année, environ 882 enfants âgés de moins de 15 ans recevront un diagnostic de cancer, et bien qu’il s’agisse de la deuxième cause de décès par maladie chez les enfants, le sarcome d’Ewing ou l’ostéosarcome restent rares. Sachant qu’environ deux tiers des enfants atteints de cancer subiront des conséquences de la maladie de façon tardive (p. ex. : difficultés psychosociales, anomalies endocriniennes, etc.), il est plus qu’important de limiter les répercussions à long terme sur leur qualité de vie.

Dans le texte suivant, je vous présente les deux principaux cancers de l’os chez

l’enfant et la très impressionnante chirurgie de rotation.

Sarcome d’Ewing

Le sarcome d’Ewing a été décrit la première fois en 1921 par James Ewing, cancérologue américain. C’est une tumeur osseuse à cellules rondes indifférenciées, plus précisément une tumeur neurœctodermique primitive. Il s’agit d’une tumeur extrêmement agressive, mais qui est très sensible à la radiothérapie. Il y aurait une translocation, c’est-à-dire une cassure ou une mutation dans les chromosomes 11 et 22. La maladie se localise principalement à la diaphyse de l’os long et parfois dans les vertèbres. La prédisposition serait 10 fois plus élevée chez les individus de race blanche plutôt que dans la population afro-américaine. Les données démographiques démontrent que ce sont les enfants qui sont les plus touchés ou les jeunes adolescents/adultes entre 5 et 20 ans, et il est extrêmement rare que ce cancer touche les gens au-delà de 20 ans. La prévalence est plus forte chez les garçons que chez les filles, et celles-ci ont de meilleurs taux de survie. Sur le plan radiographique, on décrit l’image du sarcome d’Ewing comme un « bulbe d’oignon », et la diaphyse est plutôt boursoufflée. Sur la scintigraphie osseuse (figure 1 ), la lésion apparaîtra plus

Médecine nucléaire 27
Sonia Viau t.i.m.

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discrète, et ce sont plutôt les tissus mous autour de la diaphyse qui seront plus hypercaptants. Les données scientifiques démontrent qu’environ 25 % des sarcomes d’Ewing surviennent avant 10 ans, alors que la grande majorité, soit 65 %, apparaît entre 10 et 20 ans, pour 10 % chez les plus de 20 ans.

L’ostéosarcome

L’ostéosarcome est une tumeur maligne d’origine mésenchymateuse qui se caractérise par l’élaboration d’os ou de substance ostéoïde par les cellules tumorales. En fait, c’est lorsque les ostéoblastes se mettent à muter en cellules cancéreuses que la maladie débute. La maladie se localise à la métaphyse des os longs de la jambe ou du bras et dans 50 % des cas, elle se situe au niveau du genou (figure 2). Elle apparaît plus souvent lors d’une poussée de croissance, et elle se manifeste surtout chez les garçons ainsi que chez les individus de race afro-américaine. La tumeur solide, dure et irrégulière est décrite sur le rayon X par un « sapin » ou un rayon de soleil. Du point de vue de la scintigraphie, l’ostéosarcome apparaîtra plutôt comme une zone d’hyperhémie en phase de flot, immédiate, et la tardive, avec une grosse déformation de l’os. L’ostéosarcome est la huitième forme la plus courante de cancer chez l’enfant.

Il est à noter que la maladie arrive souvent lors d’une poussée de croissance ou pendant la puberté. Les patients consultent surtout pour les raisons suivantes : une blessure qui ne guérit pas, une tuméfaction locale, parfois une fracture occulte, de la douleur,

Le nerf sciatique est le facteur le plus fondamental dans cette chirurgie. Il sera très important qu’il soit intact puisqu’il amène toute la sensibilité au pied et toute la mobilité du pied qui remplacera l’ancien genou.
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Figure 1 : Scintigraphie osseuse, Ewing du fémur. Figure 2 : Étude de scintigraphie osseuse d’ostéosarcome.
La chirurgie de Borggreve amène une tout autre
façon de pouvoir conserver cette articulation.

entre autres nocturne, une enflure ou une masse, de la fièvre et une perte de poids. Parfois, on suspecte une infection, et grâce à la scintigraphie osseuse ou au TEPCT, le diagnostic tombe.

Qui peut avoir accès à la chirurgie de Borggreve ?

La plastie de rotation est une amputation segmentaire. Autrement dit, on enlève une partie de la jambe ou du membre inférieur, en préservant les vaisseaux et le nerf sciatique. Le nerf sciatique est le facteur le plus fondamental dans cette chirurgie. Il sera très important qu’il soit intact puisqu’il amène toute la sensibilité au pied et toute la mobilité du pied qui remplacera l’ancien genou.

Les patients atteints de maladies autres que le cancer peuvent également bénéficier de cette chirurgie. En effet, pour certaines maladies congénitales, le genou remplacera la hanche, et la cheville deviendra le genou (voir figure 3).

Il pourrait aussi s’agir d’un patient qui est un candidat à l’amputation, mais dont le fémur est très endommagé par la maladie et dont les tissus de la jambe

seraient trop complexes à reconstruire. La chirurgie de Borggreve deviendra alors une alternative à une amputation complète.

Parlons ici de la croissance des enfants. Les prothèses sont généralement faites pour des patients adultes, alors les familles font face à une situation complexe lorsqu’un jeune enfant reçoit un diagnostic et qu’il doit subir une amputation. Les enfants et leur famille doivent prendre de grandes décisions concernant l’amputation en bas âge (avant 10 ans), les prothèses ne sont pas prévues pour durer jusqu’à l’âge adulte, et il est impossible d’insérer une prothèse dans l’os parce que le patient grandira; il y aura ainsi de grandes inégalités de longueur. C’est dans ce cas-là que la chirurgie de rotation est une très bonne option pour les patients. Toutefois, pour des jeunes en croissance, il existe également des prothèses de croissance qui fonctionnent par un mécanisme d’aimant qui fera allonger la jambe (figure 4). Il faut tout de même garder en tête qu’il peut y avoir des inconvénients à long terme lorsqu’on a recours à une prothèse, tels que l’usure et des décèlements. Quand les filles ont atteint l’âge de 12 ans et les garçons 14 ans, les médecins considèrent qu’ils ont

29 Mars 2024
Figure 3 Figure 4

atteint leur grandeur adulte et pourront faire le choix d’avoir accès à une prothèse standard adulte.

À la suite du diagnostic, le patient bénéficiera d’une chimiothérapie afin de diminuer la masse, l’amputation suivra, ainsi que l’éventuelle pose de prothèse. La chimiothérapie sera maintenue même après la chirurgie afin de s’assurer qu’il n’y a plus de cellules cancéreuses. Dans le cas présenté ci-haut, l’amputation de cuisse pose le problème de la perte du genou, l’articulation fondamentale pour son rôle d’amortissement. La chirurgie de Borggreve amène une tout autre façon de pouvoir conserver cette articulation. Le plus grand avantage de cette chirurgie est la possibilité de permettre à l’enfant de continuer de pratiquer des sports d’impact. En effet, en gardant son membre et l’articulation, l’enfant peut continuer de jouer au hockey et même faire du ski. Il faut se rappeler qu’une prothèse reste fragile, et les sports que l’enfant pratiquera seront limités.

Comment se déroule la chirurgie

En quoi consiste la chirurgie de rotation ? Dans le cas d’un ostéosarcome au niveau du fémur proximal, comme sur la figure 5 présentée ici, où le tibia et le pied ne sont pas atteints par la maladie, la personne subira une autogreffe de sa propre jambe (la partie saine du pied et de son tibia). Le principe consiste à fixer le tibia sur l’extrémité supérieure du fémur, après l’avoir fait tourner de 180 degrés. La cheville fonctionne comme un genou, le pied fait office de moignon de jambe.

Ainsi, comme nous pouvons le voir sur la figure 5, cela peut sembler particulier, mais de cette façon, le pied deviendra la nouvelle articulation du genou. Cela veut dire que la personne a une meilleure fonctionnalité, particulièrement pour la marche, la course et le sport.

Les patients qui ont bénéficié de cette chirurgie se présentent régulièrement en médecine nucléaire pour leur suivi médical. Nous vérifions l’état de leur nouvelle jambe ainsi que la présence de rechute ou de métastases. Voir la figure 6 et 7 d’un patient qui s’est présenté au CHU Sainte-Justine.

Les avantages de cette opération

Pour les patients en bas âge (moins de 10 ans), on va souvent privilégier cette chirurgie, puisque c’est bon pour toute la vie. La jambe du patient préservée, celui-ci garde ses plaques de croissance, donc,

son membre inférieur continuera à grandir. Cela veut dire que cela ne nécessitera pas plusieurs chirurgies d’agrandissement de jambe pour suivre la croissance.

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Figure 5

Antérieur

REMERCIEMENTS

Postérieur

Un énorme merci à Dr Robert Turcotte, chirurgien orthopédiste-oncologue, pour avoir pris le temps de m’accorder une entrevue fort enrichissante au sujet de la chirurgie de la rotation.

RÉFÉRENCES

1 – Centre hospitalier universitaire de Nantes.

2 – Société canadienne du cancer, Chirurgie du cancer des os chez l’enfant, juillet 2021.

3 – Société canadienne du cancer, Cancer des os

4 – Boston Children’s Hospital, Rotationplasty

5 – Lifebreidge Health, International center for limb lenghtening, Rotationplasty

6 – National Library of Medicine, Ewing Sarcoma, 2022.

À la suite de cette opération, il n’y aura pas de problème de moignon ou d’emboîtement ni de frottement, puisqu’il n’y aura pas de plaie dans l’articulation du genou.

Un fait très important à prendre en considération est que les patients qui subissent cette opération ne souffrent pas de douleur fantôme, puisque les nerfs sont conservés dans la chirurgie.

Ensuite, les patients n’ont pas le deuil du membre, puisqu’ils ont gardé leurs orteils, et ils se considèrent seulement comme différents.

Lorsqu’il n’y a pas de complications, la guérison est relativement rapide; c’est comparable au temps que la fracture met à se réparer. En effet, dès que l’union osseuse est obtenue et ensuite achevée, le patient pourra recommencer à mettre du poids sur sa jambe. Puis, malgré la complexité de la chirurgie, celle-ci peut s’effectuer en 4 à 5 heures.

Pour conclure, la chirurgie de rotation est une chirurgie innovatrice qui est peu connue, mais qui peut apporter une grande mobilité aux patients qui la reçoivent. L’amputation présente une grande période d’adaptation, mais la médecine peut offrir tout un éventail de types de reconstructions. Pour certaines communautés culturelles, la chirurgie de rotation n’est pourtant pas une option. Pour certains, c’est plutôt l’aspect esthétique qui heurte, puisque visuellement, cela peut être choquant à voir, étant donné que ce n’est pas dans l’ordre des choses. Néanmoins, cette chirurgie nous permet de voir grand pour la santé et l’avenir.

FIGURES

1 – Scintigraphie osseuse, Ewing du fémur.

2 – Étude de scintigraphie osseuse d’ostéosarcome.

3 – health.ucdavis.edu/synthesis/issues/spring2019/ knee.html

4 – Allstar Therapies, allstartherapies.com/2020/02/16/ rotationplasty/

5 – The New England Journal of Medicine, www.nejm.org/ doi/full/10.1056/enejmicm030590

6 – Tep-Ct avant et après la chirurgie.

7 – Scintigraphie osseuse, chirurgie de rotation.

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Figure 6 : À gauche – Tep-Ct avant la chirurgie. À droite – Tep-Ct après chirurgie de rotation.
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Figure 7 : Scintigraphie osseuse, chirurgie de rotation.

Radiomique et automatisation en radiothérapie : un duo gagnant !

ARTICLE INITIALEMENT PUBLIÉ DANS LA REVUE MÉDICALE DE LIÈGE

Chef du service de radiothérapie

CHU de Liège, Belgique

L’incidence du cancer au niveau mondial ne fait qu’augmenter, et les demandes de soins dans ce domaine sont sous pression constante. La radiothérapie, largement utilisée depuis plus d’un siècle, fait face, depuis des années, à un manque chronique de ressources, tant au niveau des équipements qu’au niveau des professionnels de soins. En 2014 déjà, la prospection des besoins dans les pays moins bien lotis financièrement, était sans appel : à cette époque on estimait que toutes choses restant égales, il y aurait, en 2020, un déficit de 10 000 unités de téléthérapie, de 12 000 médecins-radiothérapeutes, de 10 000 physiciens (personne clé dans un service car elle assure la qualité des faisceaux) et de 29 000 technologues (personnes qui manipulent les machines et administrent les traitements aux patients)1. Il est regrettable de constater qu’aujourd’hui encore, des dizaines de pays ne disposent d’aucune unité de radiothérapie, et un peu moins de cent sont dans une situation de pénurie exacerbée.

Parmi les états membres de la Communauté Européenne, une étude récente HERO ( Health Economics in Radiation Oncology) fait également état de variations importantes en matière de ressources disponibles (variation

d’un facteur 6)2, 3. Partant du constat qu’aujourd’hui, approximativement la moitié des patients qui nécessitent un traitement de radiothérapie selon les critères EBM ( Evidence Based Medicine) en bénéficient déjà, il n’en reste pas moins que l’autre moitié n’y est pas soumise. Si l’on veut atteindre globalement 80 % des indications réelles couvertes, ceci pose indéniablement le problème des ressources techniques et humaines disponibles pour atteindre cette cible 2, 3 Ces besoins en radiothérapie vont encore augmenter de 16 % d’ici 2025 et ce, dans un secteur déjà sous-financé depuis de longues années. Le budget annuel hypothétique pour 100 000 patients dans un état fictif (Europalia), calculé sur un modèle TD-ABC (Time Driven Activity Based Costing, modèle accessible en ligne), serait d’approximativement 173 millions d’euros, ce qui équivaut à une somme moyenne « modeste » de 3 518 euros par patient, loin en dessous des montants parfois astronomiques dépensés pour des traitements médicamenteux (en particulier en immunothérapie)3. Ce modèle TD-ABC permet de calculer le coût, basé sur l’investissement consenti au départ et l’activité, tenant compte du temps imparti par chaque professionnel dans le processus.

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oncologie
Radio-

Lourdeur et variabilité des procédures de planification en radiothérapie

Une partie chronophage du travail en radiothérapie consiste à la planification des traitements, à partir de l’information contenue dans diverses sources d’imagerie médicale (scanners = CT, examens par résonance magnétique = IRM, et tomographie par émissions de positons = PET et ultrasonographie = US). Le modèle économique précité (TD-ABC) illustre parfaitement bien l’utilité financière de l’automatisation de certains processus de planification (détection et segmentation) et l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), afin de réduire, notamment, le facteur temps dédié à l’humain. Un certain nombre de ces tâches requises est, par ailleurs, souvent répétitif, voire même rébarbatif (par exemple, le processus de la segmentation = dessiner digitalement, coupe par coupe : les régions d’intérêts, ROI = Region of Interest, et les volumes d’intérêts ou VOI). L’approche automatique de cette segmentation fait fi de la variation de l’expertise et de l’interprétation humaine de la délimitation des ROI et VOI, maintes fois mise en exergue par les radiothérapeutes eux-mêmes (variabilité importante inter - et intra - observateurs). L’IA a également accès à de l’information contenue dans le code binaire qui constitue l’image numérique, et ceci – par définition – est invisible pour le professionnel de soins. En combinant toutes ces informations issues de l’image avec d’autres caractéristiques (cliniques et

biologiques) propres aux patients, des modèles mathématiques peuvent être construits, capables d’aider au diagnostic, au choix thérapeutique et à la planification des traitements en radiothérapie. Ils sont également très utiles, tant dans le domaine prédictif (réponse ou non à un traitement) que pronostique (survie et survie sans rechute) et, par ce biais, peuvent nous amener à individualiser la prise en charge pour optimiser le résultat final.

Apport de la radiomique

La radiomique est donc définie comme l’extraction automatique de données quantifiées contenues dans l’image numérique (l’imagerie est par ailleurs une approche non invasive, qui peut donc être aisément répétée). En combinant les données radiomiques avec d’autres sources d’informations (cliniques, biologiques et pathologiques), on peut espérer, à terme, l’introduction de l’automatisation du processus de préparation au traitement en radiothérapie et ce, pour répondre à la pénurie matérielle et humaine. On espère que cette solution sera bénéfique en termes d’efficience (efficacité majorée, à moindre coût). On distingue deux approches possibles : d’un côté, la radiomique basée sur des fonctionnalités prédéfinies (FBR = feature based radiomics). On détermine à l’avance les fonctionnalités, et le calcul se fait à partir d’une image que l’on a préalablement segmentée, de façon manuelle ou

La radiomique est donc définie comme l’extraction automatique de données quantifiées contenues dans l’image numérique (l’imagerie est par ailleurs une approche non invasive, qui peut donc être aisément répétée).
Mars 2024 33
L’avantage de cette approche, c’est qu’elle ne nécessite pas une segmentation préalable par la main de l’homme, contrairement à l’approche FBR.

semi-automatique. À côté de cela, on distingue la radiomique basée sur de l’apprentissage en profondeur (DLBR = deep learning based radiomics)4, 5. Cette forme ne nécessite pas de segmentation de l’image au préalable, et les fonctionnalités ne sont pas prédéfinies.

Approche FBR

Pour l’approche basée sur la quantification de fonctionnalités prédéfinies (FBR), la segmentation de l’image (soit la définition des ROI et VOI) se fait à partir d’images radiologiques (CT, IRM, PET), grâce à l’intervention manuelle ou semi-automatisée d’un radiothérapeute. En mode semi-automatique, on utilise souvent le principe d’un seuil (par exemple, en densité CT, où en % du SUVmax en PET). Ce processus, assez chronophage, dépend forcément aussi de l’expertise du radiothérapeute et, en mode semi-automatique, du seuil utilisé. On sait qu’entre différents radiooncologues, même seniors, des différences marquées peuvent être mises en évidence dans la définition des ROI et VOI, et que le choix d’un seuil dans l’approche semi-automatique dépend du groupe de recherche concerné. De multiples publications font part de variabilité intra – et inter – observateurs, et d’hétérogénéité en matière du choix de seuil, ce qui explique les nombreuses critiques, et les difficultés pour comparer les études entre elles 5, 6

Les images radiologiques utilisées par les radiothérapeutes dans un processus radiomique doivent, par ailleurs, être préalablement traitées et standardisées.

Ces démarches peuvent influencer la reproductibilité des résultats finaux, et donc la robustesse du modèle mathématique.

En effet, ces processus préparatoires peuvent effectivement modifier les caractéristiques fonctionnelles de l’image (à titre d’exemples : la forme des structures segmentées, donc la quantification du volume et du diamètre, la texture, l’organisation spatiale des voxels – le voxel est en 3D ce que le pixel est en 2D – et la distribution en histogramme d’une fonctionnalité). Le choix des fonctionnalités que l’on veut utiliser est donc primordial, particulièrement en FBR, si l’on souhaite que le modèle soit robuste et que l’on veut éviter des conclusions erronées. Il est donc plus qu’utile de multiplier les différents types de scanners ainsi que les protocoles d’acquisition, pour éviter de tomber dans le piège de la sélection de fonctionnalités à coloration trop locale (uniquement d’application sur le scanner de l’institution, et avec des protocoles d’acquisition spécifiques au site).

Approche DLBR

La radiomique basée sur de l’apprentissage en profondeur (DLBR) fait appel, en règle générale, aux réseaux neuronaux (forme particulière d’apprentissage machine), dont l’architecture au départ est inspirée du système visuel humain 4, 5. La DLBR utilise une succession (une cascade) de réseaux neuronaux « unicouche » qui sont entraînés pour apprendre à distinguer des structures dans l’image, et qui permettent, in fine,

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la reconnaissance du signal et la classification en cluster 5, 6, 7. Les fonctionnalités dans une telle approche ne sont pas prédéfinies. C’est l’apprentissage machine qui permet de les identifier, et d’en évaluer l’importance relative pour l’établissement du modèle final.

L’avantage de cette approche, c’est qu’elle ne nécessite pas une segmentation préalable par la main de l’homme, contrairement à l’approche FBR. Si pour l’instant, la segmentation manuelle par un radiologue est encore considérée comme un standard en FBR, il est fort à parier que la machine sera – sur base des informations provenant de plusieurs modalités d’imagerie – tout à fait capable d’identifier avec précision des ROI et VOI et ce, de façon autonome. Elle est apte à reconnaître la physiologie unique d’un segment et peut donc faire la différence entre un segment sain et malade 8. On sait que l’approche semi-automatique, voire même totalement automatique, de la segmentation majore la reproductibilité et, in fine, aboutit à une robustesse accrue des fonctionnalités et des modèles mathématiques7. Par contre, l’inconvénient en DLBR, c’est qu’il faut énormément de données pour assurer la solidité du modèle 4

Nous n’irons pas plus loin dans le développement des méthodes utilisées pour la sélection de ces fonctionnalités (approche supervisée ou non supervisée), ni dans les méthodes statistiques pour l’établissement du modèle mathématique final, d’ailleurs largement expliquées dans d’autres publications 4, 5. En résumé, le principe de base est celui d’une approche itérative sur un collectif initial, à la recherche de paramètres optimaux ( hyperparameter tuning).

Le modèle établi est ensuite testé et validé sur un collectif indépendant (qui n’a pas servi à la démarche de construction du modèle). Ceci requiert donc un nombre suffisant de sujets éligibles.

La robustesse d’un modèle est souvent rapportée sous forme d’une valeur AUC ( Area Under the Curve) calculée sur un ROC ( Receiver Operating Curve). Graphiquement, une courbe est obtenue en mettant le nombre de vrais positifs en Y, par rapport au nombre de faux positifs en X; plus l’AUC est élevée, plus la performance de classification est élevée. Des exemples concrets seront donnés dans le chapitre suivant.

Un cas d’école : l’apport de la radiomique dans le cancer du poumon

Le rôle de la radiomique dans le domaine du cancer pulmonaire prend une place de plus en plus

importante, que ce soit pour l’aide à la détection et au diagnostic (différentiation entre malin et bénin et la définition des différents sous-types histologiques, allant même jusqu’à prédire les mutations génétiques), la prédiction de la réponse aux différents traitements et des effets secondaires au niveau des tissus sains, ainsi que la possibilité de prédire quels patients risquent de rechuter et, donc, donner la possibilité d’adapter les traitements en conséquence. Par ailleurs, le suivi longitudinal de certaines fonctionnalités, dans et autour de la tumeur (le micro-environnement péri-tumoral), permet d’objectiver et de quantifier la réponse à un traitement (delta-radiomics) de façon longitudinale dans le temps, beaucoup mieux qu’avec les critères habituellement utilisés (RECIST = Response Evaluation Criteria in Solid Tumors) 8

L’identification automatique des ROI et VOI, du type histologique, et du génotype tumoral

On s’intéresse de très près à la possibilité de la détection automatique de lésions pulmonaires9. Plusieurs logiciels existent sur le marché, certains d’entre eux sont déjà validés par les instances régulatrices, et mis en place dans un environnement clinique. Mais l’image contient, bien entendu, beaucoup plus d’informations que simplement la présence d’un nodule. C’est cette multitude d’informations supplémentaires que cherche à exploiter, par exemple, cette équipe mixte (américanochinoise), quand elle essaie de classifier, de façon rétrospective, les tumeurs pulmonaires en sous-types histologiques à partir d’images CT (avec injection de contraste, donnant donc trois phases d’acquisition : sans contraste, la phase artérielle et la phase veineuse). Ces chercheurs ont utilisé les images CT provenant de 229 patients, chez qui le diagnostic de cancer a été confirmé par l’anatomo-pathologie10. Ils ont extrait et analysé au total 1 160 fonctionnalités quantifiables, construit un modèle prédictif, et évalué sa robustesse, particulièrement dans un contexte d’acquisition d’images avec des produits de contraste. La segmentation des tumeurs a été faite par un seul radiologue avec 20 ans d’expérience et ce, de façon semiautomatique. La cohorte a été divisée en 10 sousgroupes (neuf pour entraîner le modèle et un dixième pour le tester), et toute la procédure a été répétée 10 fois en effectuant la rocade entre le set d’entraînement et les sets de test. Les fonctionnalités sélectionnées permettent de différencier le cancer épidermoïde (SCC = squamous cell carcinoma) et l’adénocarcinome (AD) (AUC 0,801 à 0,864), l’AD et le cancer à petites cellules

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(SCLC = small cell lung cancer) (AUC 0,850 à 0,857), un peu moins le SCC et le SCLC (AUC 0,619 à 0,664). Par contre, ce qui ressort une fois de plus de cette étude, c’est que les fonctionnalités radiomiques dépendent fortement des conditions d’acquisition et de l’utilisation, ou non, de produits de contraste10. Rappelons que l’image radiologique est également susceptible de fournir des informations totalement indécelables visuellement. Ces caractéristiques peuvent être la traduction de la pathogenèse, et donc du génotype (en particulier la présence de certaines mutations qui influencent l’agressivité tumorale). Une revue de la littérature en fait l’état des lieux. Elle souligne l’intérêt grandissant en clinique, particulièrement à l’ère d’une approche personnalisée11

La prédiction de la réponse de la tumeur et, pourquoi pas, de la toxicité au niveau des tissus sains

Il serait fortement utile de pouvoir prédire la réponse à un traitement de radiothérapie, ou à tout autre type de traitement utilisé, comme par exemple les modulateurs de la réponse immunitaire (traitement anti-PD1), très populaires aujourd’hui, par exemple, pour la prise

en charge de patients avec des métastases de cancers pulmonaires non à petites cellules (NSCLC) ou de mélanomes12. Pour les cancers pulmonaires, l’AUC atteint une valeur de 0,83, tandis que pour le mélanome, le résultat est moins impressionnant (AUC 0,64). On comprend immédiatement l’intérêt d’une telle approche, car l’immunothérapie est coûteuse, et seule une fraction des patients en bénéficie vraiment.

Pour prédire la réponse à la radiothérapie, Il y a des modèles à disposition qui se basent sur une signature génomique (GARD = Genome based model for Adjusting Radiotherapy Dose)13. Seulement, cette approche génomique requiert du temps et est onéreuse. Elle est difficilement applicable dans un contexte de routine clinique, car les délais pour obtenir un résultat sont trop longs. Plusieurs auteurs se sont donc logiquement penchés sur l’apport potentiel de la radiomique.

Très souvent, ces études comportent un collectif restreint de patients, recrutés de façon rétrospective et sur de longues périodes (avec, donc, des changements en matière de technologies d’imagerie et de protocoles d’acquisitions)14, 15, 16, 17. Il semble bien y avoir une énorme variabilité pré-analytique et analytique, ce qui mène bien entendu à des difficultés d’interprétation.

Dans un monde idéal, ce que nous aimerions pouvoir faire, c’est de définir, a priori, sur base des caractéristiques propres au patient et à la tumeur, la dose optimale pour maximiser le taux de réponse tout en minimisant le risque de complications, en d’autres termes d’entamer un possible virage vers une approche personnalisée

21 .

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Il est utile de se rappeler qu’en la matière, et c’est le cas pour toute forme d’intelligence artificielle, la standardisation s’impose. Par ailleurs, une validation « interne » doit obligatoirement aboutir à une validation « externe » (autre centre, autre équipe, autres modalités d’acquisition des images). Une revue exhaustive a été publiée récemment concernant la valeur prédictive en matière de réponse au traitement pour des NSCLC. Au départ, 178 publications ont été répertoriées, dont seules 34 sont effectivement disponibles en texte complet et (seulement) 14 ont été retenues in fine car elles ont passé le cap de la revue des pairs. Quand on utilise le RQS ( Radiomic Quality Score), on constate que le score atteint est globalement insuffisant. Les auteurs soulignent, à côté des limitations techniques classiques, qu’il y a une hétérogénéité importante entre les différentes études, et qui s’explique par une grande variabilité en matière de patients étudiés, des stades de la maladie, des modalités thérapeutiques, des durées de suivi et de la méthodologie radiomique18, 19

À la lecture de toutes ces études, il faut donc rester prudent, car toutes les limitations que nous avons évoquées restent de mise encore aujourd’hui. Toutes les démarches radiomiques entreprises pour prédire la réponse tumorale peuvent également être utilisées théoriquement pour anticiper la survenue d’une éventuelle toxicité au niveau des tissus sains. Ceci pourrait faire changer un plan de traitement en profondeur. Mais les mêmes réserves méritent d’être rappelées en matière de l’interprétation des conclusions publiées20

La possibilité d’adapter le traitement individuellement

Dans un monde idéal, ce que nous aimerions pouvoir faire, c’est de définir, a priori, sur base des caractéristiques propres au patient et à la tumeur, la dose optimale pour maximiser le taux de réponse tout en minimisant le risque de complications, en d’autres termes d’entamer un possible virage vers une approche personnalisée21. L’équipe de Cleveland Ohio s’y est attelée, en étudiant rétrospectivement un collectif de 944 patients éligibles, dont 849 ont été retenus pour créer le modèle (tous traités dans le centre même), et 95 pour constituer une cohorte indépendante pour valider le modèle (tous traités dans 7 centres affiliés). Pour atteindre ce collectif, ils ont inclus des patients avec des lésions pulmonaires primaires, récidivantes ou métastatiques. Tous ont bénéficié de SBRT ( Stereotactic Body Radiation Therapy). Ils ont utilisé les coupes CT avant traitement pour établir, grâce à un réseau neuronal

( Deep Profiler ), une empreinte capable de prédire le devenir du patient et particulièrement, le délai entre le traitement et la survenue d’une rechute. En combinant avec des facteurs cliniques, ils ont déterminé iGray, la dose individuelle capable d’obtenir un taux de rechute estimé sous la barre des 5 %. En plus, cette valeur iGray est applicable sans pour autant prendre le risque de complications et ce, dans la majorité des cas étudiés. Ils ont même démontré qu’une réduction de la dose est possible dans 23,3 % des cas, ce qui ouvre la porte à une désescalade de l’intensité du traitement.

Conclusion

On comprend très rapidement le formidable potentiel de la radiomique, mais ceci ne peut nous faire oublier les pièges à éviter, et les problèmes à résoudre au préalable. Il y a d’abord la problématique de la résolution et de la qualité de l’image, qui dépend des caractéristiques des machines utilisées. Ensuite, il faut standardiser les protocoles d’acquisitions car ceux-ci peuvent influencer le modèle mathématique créé. On ne peut pas faire simplement abstraction du mouvement respiratoire, particulièrement dans une région où la plupart des organes y sont fortement sensibles. Les processus de préparation des images peuvent également influencer le résultat final. La segmentation itérative mérite d’être automatisée pour éliminer le biais de l’observateur. Quoi qu’il en soit, on ne pourra éviter de tester la robustesse et la consistance du modèle, en évaluant son efficacité sur une cohorte de données indépendantes et ce, de façon prospective (la plupart des études sont encore rétrospectives). Si un modèle est construit, il faut impérativement le soumettre à une validation externe, c’est-à-dire dans un autre centre.

La plupart des auteurs ajoutent que le succès clinique dépendra de trois facteurs supplémentaires : l’approche radiomique offre une valeur supplémentaire en matière de prédiction par rapport aux modèles utilisés à ce jour; elle permet de définir de façon précoce une réponse à un traitement donné; elle est entièrement standardisée et automatisée, en partant de l’acquisition de l’image à l’extraction des fonctionnalités. Si la radiomique répond à ces trois caractéristiques essentielles, elle deviendra incontournable dans le processus préparatoire de la radiothérapie.

On peut effectivement imaginer un trajet de soins en radiothérapie où, dès que l’image est acquise, l’IA détecte les ROI et les VOI, définit les caractéristiques de la tumeur et des tissus sains avoisinants afin de déterminer une dose individuelle optimale (maximiser

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le contrôle et minimiser les effets secondaires), calcule et optimise la distribution de cette dose (principe du planning inversé, déjà en application en clinique), et tout cela de façon totalement automatisée. Cette approche radiomique en radiothérapie pourrait aussi utiliser les données des scanners embarqués sur les accélérateurs linéaires (qui offrent la possibilité d’acquérir des images pendant le traitement), et éventuellement prédire de façon rapide le devenir (réponse

RÉFÉRENCES

1 – Datta NR, Samiei M, Bodis S. Radiation therapy infrastructure and human resources in low –and middle–income countries: present status and projections for 2020, Int J Radiat oncol Biol Phys 2014; 89: 448-57.

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3 – Lievens Y, Gasparotto C, Defourny N, Grau C. The HERO project: inspire awareness, strengthen radiotherapy, delivers equitable access, J Glob Oncol 2018; 4: 224s.

4 – Lohmann P, Bousabarah K, Hœvels M, Treuer H. Radiomics in radiation oncology – basics, methods, and limitations, Strahlenter Onkol 2020; 196: 848-55.

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tumorale, ou la toxicité au niveau des tissus non cibles) et ce, au décours même du traitement, afin d’en adapter son intensité (c’est le concept de la radiothérapie adaptative)22

Faisons le pari que le radiothérapeute qui ne fera pas usage de la radiomique et de l’IA pour automatiser le processus va très certainement disparaître dans un avenir proche, au profit de celui qui implémentera ce duo gagnant au bénéfice des patients traités.

8 – Bera K, Velcheti V, Madabushi A. Novel quantitative imaging for predicting response to therapy: techniques and clinical applications, Am Soc Clin Oncol Educ Book 2018; 38: 1008-18.

9 – Balagurunathan Y, Schabath MB, Wang H, et al. Quantitative imaging features improve discrimination of malignancy in pulmonary nodules, Sci Rep 2019; 9: 8528.

10 – Linning E, Lu L, Li L, et al. Radiomics for classifying histologic subtypes of lung cancer based on multiphasic contrastenhanced computed tomography, J Comput Assist Tomogr 2019; 43 :300-6.

11 – Thawani R, McLane M, Beig N, et al. Radiomics and radiogenomics in lung cancer; a review for the clinician Lung Cancer 2018; 115: 34-41.

12 – Trebeschi S, Drago SG, Birkbak NJ, et al. Predicting response to cancer immunotherpay using noninvasive radiomic biomarkers Ann Oncol 2019; 30:998-1004.

13 – Scott JG, Berglund A, Schell MJ, et al. A genome-based model for adjusting radiotherapy dose (GARD): a retrospective cohort-based study, Lancet Oncol 2017; 18: 202-11.

14 – Yan M, Weidong Wang W. Radiomic analysis of CT predicts tumor response in human lung cancer with radiotherapy, J Digital Imaging 2020; 33: 1401-1403.

15 – Huynh E, Coroller TP, Narayan V, et al. Association from radiomic data extracted from static and respiratorygated CT scans with disease recurrence in lung cancer patients

treated with SBRT, PloS ONE 2017; 12: e0169172.

16 – Mattonen SA, Palma DA, Johnson C, et al. Detection of local recurrence after sterotactic ablative radiation therapy for lung cancer: physician performance versus radiomic assessment. Int J Radiat Oncol biol Phys 2016; 94: 1121-8.

17 – Coroller TP, Agrawal V, Narayan V, et al. Radiomic phenotype features predict pathological response in non-small cell lung cancer. Radiother Oncol 2016; 119: 480-6.

18 – Chetan MR, Gleeson FV. Radiomics in predicting treatment response in non-samll-cell lung cancer: current status, challenges and future perspectives, Eur Radiol 2021; 31 (2): 1049 – 1058.

19 – Fornacon-Wood I, Faivre-Finn C, O’Connor JP, Price GJ. Radiomics as a personalized medicine tool in lung cancer: separating the hope from the hype, Lung Cancer 2020; 146: 197-208.

20 – Desideri I, Loi M, Francolini G, et al. Application of radiomics for the prediction of radiation-induced toxicity in the IMRT era: current stateof-the-art, Front Oncol 2020; 10: 1708.

21 – Lou B, Doken S, Zhuang T, et al. An image-based deep learning framework for individualising radiotherapy dose: a retrospective analysis of outcome prediction Lancet Digit Health 2019; 1: e136-47.

22 – Avanzo M, Stancanello J, Pirrone G, Sartor G. Radiomics and deep learning in lung cancer, Strahlenther Onkol 2020; 196: 879-87.

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Les progrès de l’intelligence artificielle en échographie cardiaque : US2.AI

LIBÉRER LA PUISSANCE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : TRANSFORMER LES INDUSTRIES ET RÉVOLUTIONNER LE FUTUR

Dans le domaine médical, les médecins et les technologues font face à un monde en constante évolution. Bien que certaines de ces découvertes puissent sembler menaçantes au premier abord, être ouvert aux nouveautés et aux avancées technologiques peut conduire à des solutions innovantes pouvant être bénéfiques pour les patients, ainsi qu’à une amélioration des soins de santé. Il est essentiel d’être prêt à relever les défis, de prendre des initiatives et de s’adapter aux nouvelles méthodes et technologies qui émergent constamment. En adoptant cet état d’esprit et en agissant avec discernement, on peut espérer réaliser des progrès significatifs dans le domaine médical. Je me souviens de ma formation à l’Institut de Cardiologie, au service d’échographie cardiaque. Cet apprentissage est un processus complexe qui nécessite une connaissance approfondie de l’anatomie du cœur et la capacité de détecter différentes pathologies cardiaques. Je me suis sentie submergée, car je devais assimiler de nombreuses informations et détails pour maîtriser cette compétence clinique essentielle. Avec de la pratique et l’exposition à une

diversité de pathologies, ma confiance et ma compétence en matière d’échographie cardiaque se sont certainement accrues. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il existait un moyen plus facile d’apprendre la routine de l’imagerie en échographique cardiaque.

Dr Anique Ducharme, une cardiologue clinicienne-chercheure à l’ICM, m’a présenté un nouveau logiciel qui est approuvé aux États-Unis1 et qui sera bientôt intégré dans les hôpitaux américains : US2.AI. L’efficacité de ce logiciel pourrait potentiellement apporter de nombreux avantages, tels que l’amélioration des soins aux patients et du flux de travail global.

Qu’est-ce que c’est ?

Le logiciel US2.AI est un outil d’intelligence artificielle développé pour faciliter la détection de conditions pathologiques, telles que l’insuffisance cardiaque, l’hypertension pulmonaire, la dysfonction systolique et diastolique du ventricule gauche, ainsi que calculer la fraction d’éjection. Ce logiciel permet une interprétation standardisée des

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Échographie médicale Vanessa Signoracci, t.i.m. Dr Anique Ducharme 1 Le logiciel est approuvé par Santé Canada, cependant aucune date de mise en marché n’est divulguée pour le moment.

échographies. Les rapports d’échographie entièrement automatisés peuvent désormais être générés à l’aide d’un simple appareil mobile équipé de l’IA à partir d’un examen standard, incluant le Doppler CW/PW/Tissue et offrant toutes les vues 2D. Par exemple, il pourrait mesurer automatiquement la FEVG, et éventuellement les Strains des ventricules gauche et droit et le Doppler tissulaire ( figure 1 ). L’évaluation des valvulopathies est en développement tout comme la sévérité de la régurgitation d’une valve, en traçant une zone isovéloimétrique proximale (PISA) et en mesurant la Vena contracta La qualité de l’interprétation dépend évidemment de la qualité de l’acquisition réalisée.

Les ingénieurs de US2.AI ont développé un logiciel qui imite les tâches simples mais parfois longues, généralement réalisées par un technologue, comme les multiples mesures effectuées. Le but est d’améliorer l’accès aux soins de santé en démocratisant les échographies cardiaques. Pour parvenir à cela, ils ont utilisé un vaste ensemble de données provenant de laboratoires d’analyse («  core laboratories  ») pour former le système, l’exposant à divers scénarios auxquels un technologue pourrait être confronté pendant sa formation. Grâce à cette exposition et à ce processus d’apprentissage, le système devient capable d’imiter les actions, de réaliser les mesures et de les intégrer afin de fournir des résultats.

Le but de ce logiciel est d’améliorer l’efficacité et la précision de l’analyse de l’imagerie par échographique cardiaque. Cependant, il est essentiel de s’assurer que le système est rigoureusement testé et validé pour garantir qu’il fournit des résultats fiables et qu’il respecte les normes requises en matière de sécurité et de productivité.

Les avantages

Ce système pourrait être hautement efficace, car il élimine tout besoin de sélection manuelle de trame, d’annotations ou de vues. Toutes ces tâches sont effectuées automatiquement. De plus, le système est équipé de filtres de qualité qui identifient les images de meilleure qualité et tentent d’améliorer celles présentant une résolution faible.

Les rapports automatisés proposés par US2.AI sont compatibles avec plusieurs compagnies d’échographie (systèmes Philips et GE entre autres) et nécessite peu de manipulations. Par exemple, le logiciel peut analyser les études à partir du PACS existants grâce à l’utilisation de DICOM ( Digital Imaging and Communications in Medicine), tout en préservant la confidentialité des données des patients.

De plus, l’intelligence artificielle pourrait contribuer à éliminer la subjectivité dans l’interprétation de certaines échographies, réduisant ainsi les malentendus qui peuvent survenir entre les cardiologues et

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Figure 1 : Il pourrait mesurer automa]quement la FEVG, les Strains des ventricules gauche et droit et le Doppler tissulaire.
Le logiciel offre des fonctions innovantes pour la détection de pathologies cardiaques et a été principalement stimulé par la pénurie de technologues en imagerie médicale.

les technologues en raison des nombreuses variations possibles. En réalité, les mesures fournies par le logiciel sont comparables à celles obtenues par un technologue expérimenté.

En 2013 et 2015, des études menées par des spécialistes ont été publiées dans le Journal of the American Society of Echocardiography sous la direction du Dr Yoran Hummel, président de US2.AI. Ces études ont démontré que le système était capable d’identifier la fraction d’éjection cardiaque de manière plus précise

qu’un cardiologue, en raison de son approche strictement objective. Généralement, les cardiologues et les technologues peuvent s’accorder sur ce qui est considéré comme normal en termes de fraction d’éjection. Cependant, ils éprouvent parfois certaines difficultés à déterminer ce qui est anormal et à différencier les parois cardiaques akinétiques de celles hypokinétiques. Le logiciel offre des fonctions innovantes pour la détection de pathologies cardiaques et a été principalement stimulé par la pénurie de technologues en imagerie médicale. En aidant à soulager les tâches des échographistes cardiaques, ce programme répond à un besoin critique. Une étude de Canon, intitulée « Preventing Work-related Injuries Among Sonographers », a révélé que la majorité des échographistes cardiaques font face à des blessures musculosquelettiques, et environ deux tiers d’entre eux éprouvent des douleurs liées au travail; 20 % subissent des blessures mettant fin à leur carrière. Le manque d’échographistes cardiaques entraîne des listes d’attente plus longues pour les patients qui nécessitent des soins immédiats.

Plus d’autonomie ?

Grâce à sa connectivité universelle, le système offre également aux technologues et aux infirmiers la possibilité de travailler en dehors du cadre hospitalier. Dans un article publié dans le Journal de l’échographie en 2022, les avantages de l’échographie point de soins (POCUS) et son utilisation croissante dans les spécialités médicales ont été discutés. Traditionnellement, le POCUS était réalisé à l’aide d’échographes portables sur chariot, mais l’accès à ces machines était limité. Cependant, des dispositifs d’échographie portables ultra-portables sont apparus ces dernières années, offrant un meilleur accès à la technologie POCUS à moindre coût. Ces dispositifs portables ont démontré une précision similaire aux machines sur chariot pour diverses applications, notamment les procédures au chevet et les évaluations diagnostiques. Bien que peu d’études aient directement comparé différents dispositifs d’échographie portables, les utilisateurs recherchent des données comparatives pour éclairer leurs décisions d’achat, y compris des facteurs tels que la facilité d’utilisation, la navigabilité du logiciel, la résolution spatiale, la résolution de contraste, la pénétration, le bruit de fond et la satisfaction globale de la qualité de l’image. Pour utiliser le logiciel US2.AI, il suffit de télécharger les images obtenues dans les dispositifs portables, et en seulement deux à trois minutes, un rapport

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Ce programme semble être la meilleure innovation en échographie cardiaque. Cela soulève la question de savoir s’il remplacera le technologue formé d’aujourd’hui. La réponse est « non ». Bien que potentiellement très intéressant comme outils de dépistage, ce programme comporte plusieurs inconvénients.

complet incluant les mesures de chaque structure anatomique est généré et analysé. Une étude menée à la Nouvelle-Orléans et publiée sous le titre «  AI

POCUS AI Point-of-Care Ultrasound Heart Screening by Novices in The PANES HF Study » a démontré que des échographistes novices pouvaient réaliser un examen échographique de dépistage ou un examen normal en moins de 12 minutes. En automatisant certaines tâches telles que les mesures manuelles, le logiciel libère du temps pour les échographistes et les cliniciens, ce qui pourrait améliorer l’efficacité des laboratoires d’échographie, augmenter le nombre d’examens réalisés, voire permettre aux professionnels de se consacrer à d’autres tâches telles que les soins aux patients.

Guidage pour l’acquisition des images

Ce système peut également être utilisé comme outil de dépistage par des non-experts pour réaliser certains examens limités. Un système de navigation et de guidage a été développé pour guider le néophyte

dans l’acquisition de vues standards et limitées. Ainsi, des infirmières qui n’avaient jamais reçu de formation en échographie cardiaque ni utilisé une sonde échographique ont été formées spécifiquement à cet effet. Par la suite, elles ont effectué des échographies limitées au domicile de patients atteints de maladies métaboliques afin de dépister de l’insuffisance cardiaque. Les images obtenues ont été interprétées à l’aide du logiciel US2.AI, puis comparées aux échographies standards effectuées par des cardiologues certifiés. Les résultats étaient adéquats pour aider à poser un diagnostic. Utiliser l’échographie AI réalisée par des non-experts, et ce, directement aux domiciles des patients, ouvre une nouvelle voie pour trier les patients atteints de maladies métaboliques.

En rendant l’échographie plus accessible dans la communauté, on pourrait améliorer la détection précoce de l’insuffisance cardiaque et permettre des interventions en temps opportun. Cela peut entraîner de meilleurs résultats pour les patients, car l’identification précoce et la prise en charge des problèmes cardiaques peuvent prévenir les hospitalisations et

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améliorer la qualité de vie globale des personnes atteintes de maladies cardiovasculaires.

Dans de nombreuses régions, en particulier dans les zones à faible revenu et les communautés rurales, l’accès aux services d’échocardiographie est parfois limité. Cela peut entraîner un diagnostic et une prise en charge tardifs des affections cardiovasculaires. L’extension des services échographiques dans la communauté pourrait potentiellement alléger la charge de travail des centres d’échographie tertiaires, leur permettant de se concentrer sur les cas plus complexes, tandis que les dépistages de routine et les diagnostics précoces seraient gérés au niveau des soins primaires.

US2.AI s’est donnée comme objectif de construire un avenir où tout le monde, des régions les plus avancées sur le plan technologique aux communautés aux ressources les plus limitées, pourrait avoir un accès égal à des analyses d’échocardiographie cohérentes et de haute qualité.

Le logiciel a reçu l’approbation de la FDA. Une étude intitulée « Soutien au diagnostic échographique

par l’IA pour le Brigham and Women’s Hospital’s Cardiac Imaging Core Laboratory » a été menée à Singapour. Dans cette étude, 600 échographies cardiaques avec des mesures automatisées ont été envoyées aux laboratoires d’échographie du Brigham and Women’s Echo Lab de l’Université Harvard à Boston. Trois candidats ont été sélectionnés pour agir en tant que lecteurs humains impartiaux. Le logiciel a présenté moins de variabilité face à chacun des trois lecteurs que la variabilité observée entre les humains eux-mêmes (inter-observateurs).

Le Dr Scott Solomon, directeur du CICL à l’hôpital Brigham et professeur de médecine au Harvard Medical School, a mentionné que US2.AI était comparable aux humains pour de nombreuses mesures échocardiographiques. Il préconise donc une approche combinée, alliant les mesures automatisées à l’expertise humaine dans l’évaluation des écho cardiogrammes, afin de pouvoir introduire plus rapidement de nouvelles thérapies pour les patients. Les résultats ont également démontré que les échographies automatisées correspondaient aux interprétations diagnostiques des lecteurs humains expérimentés.

US2.AI s’est donnée comme objectif de construire un avenir où tout le monde, des régions les plus avancées sur le plan technologique aux communautés aux ressources les plus limitées, pourrait avoir un accès égal à des analyses d’échocardiographie cohérentes et de haute qualité.
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La technologie d’apprentissage automatique révolutionnaire de US2.AI peut réduire le temps nécessaire au traitement et à l’interprétation des échocardiogrammes, passant de 30 minutes à moins de 2 minutes, sans aucune variation notée en termes de qualité, et avec une précision similaire à celle des cliniciens experts.

Les inconvénients

Ce programme semble être la meilleure innovation en échographie cardiaque. Cela soulève la question de savoir s’il remplacera le technologue formé d’aujourd’hui. La réponse est « non ». Bien que potentiellement très intéressant comme outil de dépistage, ce programme comporte plusieurs inconvénients.

Le phénomène GIGO (« garbage in, garbage out ») prend ici tout son sens. En effet, l’IA ne peut qu’analyser et interpréter les images acquises. Ainsi, les patients aux soins intensifs sous ventilation mécanique peuvent offrir des images floues, de basse résolution et avec beaucoup d’artéfacts rendant difficile le discernement des différentes structures et anomalies du cœur. C’est alors que l’expertise et le jugement de l’utilisateur deviennent essentiels pour interpréter les résultats des images visualisées de manière critique. Parfois, il faut également effectuer des corrections manuelles.

Bien que ce logiciel puisse être utile pour automatiser certaines tâches, économiser du temps et éviter

les erreurs humaines, la précision de ses évaluations dépendra de la qualité des images fournies en entrée. Dans l’ensemble, le logiciel et l’utilisateur travaillent en synergie pour fournir des résultats optimaux, exploitant la puissance de l’automatisation tout en utilisant l’expertise humaine pour valider, corriger et interpréter les données.

En conclusion, l’utilisation de l’IA constitue une innovation majeure en échographie cardiaque, mais elle ne remplacera pas sous peu les technologues formés. En effet, les logiciels d’analyse d’images ne peuvent pas remplacer l’expertise humaine, mais ils peuvent être des outils précieux pour automatiser certaines tâches répétitives et effectuer du dépistage afin de démocratiser l’accès à l’échocardiographie et de permettre un diagnostic précoce de plusieurs conditions cardiovasculaires comme l’insuffisance cardiaque.

Cependant, dans des domaines critiques comme les soins de santé, des situations avec des données ambiguës ou incomplètes, des dilemmes éthiques ou des événements inattendus, le jugement humain est inestimable afin de fournir des soins adaptés et de comprendre pleinement des affections médicales complexes, comme celles liées au cœur. Il est essentiel de se rappeler que l’apprentissage et la pratique continus demeurent indispensables pour développer une expertise solide en échographie cardiaque.

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma sincère gratitude pour votre aide inestimable, Dr Anique Ducharme. Votre générosité et votre soutien ont été d’une grande aide, et je vous en suis profondément reconnaissante.

RÉFÉRENCES

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7 – Ultrasound Journal 14, 27 (2022), Le, MP.T., Voigt, L., Nathanson, R. et al., Comparison of four handheld point-of-care ultrasound devices by expert users, [consulté le 6 mars 2024].

FIGURE

1 – US2.AI, [droits d’utilisation de l’image obtenus le 3 mars 2024].

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L’intelligence artificielle et l’électrophysiologie médicale :

dépistage, prévision et traitement de diverses pathologies cardiaques

VOICI DE BREFS EXEMPLES OÙ PATHOLOGIES CARDIAQUES ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE VONT DE PAIR ACTUELLEMENT POUR AMÉLIORER LES SOINS QUE NOUS PRODIGUONS DANS NOTRE PRATIQUE. LA TECHNOLOGIE ÉMERGENTE PERMETTRAIT DE MIEUX DÉPISTER LES PATHOLOGIES, LES PRÉVENIR ET, POSSIBLEMENT, LES TRAITER, AU BÉNÉFICE DES PATIENTS.

Depuis plus d’une décennie, l’intelligence artificielle voit son développement et sa mise en application s’accélérer. En médecine notamment, elle intervient dans la recherche fondamentale et clinique, la pratique hospitalière, les examens médicaux, les soins ou encore la logistique. Certaines des technologies présentées dans ce texte sont déjà implantées, mais la plupart sont à l’étape de la recherche. Toutefois, chacune d’elles sera assurément intégrée dans notre pratique de technologue en électrophysiologie médicale dans les prochaines années.

Montre intelligente avec ECG dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire La fibrillation auriculaire est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent. Elle

tou che environ 700 000 personnes au Canada. Son diagnostic est un défi quotidien pour le cardiologue, du fait de son caractère souvent paroxystique et asymptomatique d’environ 30 % des patients. Les symptômes des patients qui consultent aux urgences ou dans les cliniques spécialisées peuvent être incapacitants dès le début de leurs épisodes.

Cette maladie cardiovasculaire peut provoquer des douleurs à la poitrine ou, plus souvent, des palpitations. Ces dernières sont ressenties comme des frémissements ou des battements du cœur rapides ou irréguliers. L’essoufflement, les étourdissements, la fatigue, l’anxiété ou l’incapacité à accomplir les activités de la vie quotidienne peuvent également être des symptômes de fibrillation auriculaire. Le diagnostic précoce est important pour éviter la complication

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Électrophysiologie médicale Caroline Girard t.e.p.m. Institut de cardiologie de Montréal

majeure potentielle qu’est l’accident vasculaire cérébral (AVC). Environ un AVC sur six est causé par cette arythmie.

La montre intelligente avec application d’électrocardiogramme (ECG) figure parmi les innovations actuelles de l’intelligence artificielle appliquées à la médecine (figure 1 ). Cette technologie représente déjà pour la pratique un atout majeur dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire.

De plus en plus de gens se dotent de bracelets ou d’appareils intelligents pour suivre leur état de santé. Des médecins recommandent même à leurs patients de s’en procurer pour détecter l’arythmie cardiaque qui passe inaperçue sur les électrocardiogrammes traditionnels ou sur un moniteur Holter porté pendant 48 heures.

On manifeste de plus en plus d’intérêt envers la montre intelligente, qui produit une bande de rythme de qualité d’une à deux dérivations. Les nouveaux algorithmes permettent des tracés sans artéfact et une meilleure détection des arythmies. Ces tracés peuvent ensuite être visualisés sur un cellulaire ou envoyés par courriel.

La montre ECG se révèle pratique en raison de son rapport d’enregistrement immédiat durant les

symptômes. Le défi actuel réside plutôt dans l’autodiagnostic que font les patients sans avoir reçu d’avis médical ou bénéficié de l’intervention d’un médecin.

Il reste qu’à long terme, cet outil aura très probablement un effet sur l’incidence des AVC et par conséquent sur la mortalité et la morbidité des patients atteints de fibrillation auriculaire.

De plus en plus de gens se dotent de bracelets ou d’appareils intelligents pour suivre leur état de santé. Des médecins recommandent même à leurs patients de s’en procurer pour détecter l’arythmie cardiaque.

De plus en plus de gens se dotent de bracelets ou d’appareils intelligents pour suivre leur état de santé. Des médecins recommandent même à leurs patients de s’en procurer pour détecter l’arythmie cardiaque.
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Figure 1

Intérêt potentiel de l’intelligence artificielle pour prédire la survenue d’arythmie ventriculaire chez les patients porteurs d’un défibrillateur

Le défibrillateur implantable est très efficace pour prévenir le risque d’arythmie mortelle responsable de la mort subite cardiaque, mais jusqu’à présent, les cardiologues manquent d’outils pour prédire la survenue d’une arythmie ventriculaire grave qui pourrait conduire le défibrillateur à produire un choc ou une stimulation antitachycardique (ATP) 1

Des chercheurs se sont demandés s’il était possible de prédire les traitements du défibrillateur (principalement les chocs délivrés par l’appareil, qui sont très douloureux et traumatisants pour les patients) en utilisant les données sur le rythme cardiaque des patients enregistrées et transmises par l’appareil au cours du mois précédent.

Ils ont donc évalué deux stratégies visant à prédire les événements : l’une, de façon classique, utilisait des méthodes basées sur plusieurs critères associés au risque de choc (notamment des tachycardies/fibrillations ventriculaires, des extrasystoles, une baisse d’impédance de la sonde); l’autre méthode consistait à utiliser des algorithmes d’intelligence artificielle.

Résultat : l’intelligence artificielle s’est avérée meilleure, même si elle n’a pas détecté tous les cas.

De plus, l’intelligence artificielle a reconnu des caractéristiques associées au risque de récidive de fibrillation/tachycardie ventriculaire dans le mois suivant la thérapie, comme un changement dans l’impédance de la sonde, des modifications de la fréquence cardiaque et des modifications d’activités du patient (figure 2).

Ces résultats sont prometteurs et laissent supposer qu’en analysant avec l’intelligence artificielle les données enregistrées et transmises par le défibrillateur, il serait possible d’identifier les patients à risque de choc ou de stimulation ATP. On pourrait ainsi tenter d’agir pour prévenir les arythmies ventriculaires et donc les traitements délivrés par l’appareil.

La robotique dans le diagnostic et le traitement des troubles du rythme cardiaque

Lors d’ablation d’arythmie cardiaque complexe, le médecin utilise un système de cartographie informatique qui lui permet de repérer précisément les parties du cœur qui génèrent des signaux électriques anormaux pour les traiter sans endommager les autres régions du cœur.

1 Cela consiste en une ou plusieurs salves de stimulation (par exemple de 6 à 10)

et est souvent efficace pour cesser une tachycardie ventriculaire.

Ces résultats sont prometteurs et laissent supposer qu’en analysant avec l’intelligence artificielle les données enregistrées et transmises par le défibrillateur, il serait possible d’identifier les patients à risque de choc ou de stimulation ATP.
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à une fréquence plus rapide que la fréquence de l’arythmie. L’ATP est indolore

Ces techniques d’ablation conventionnelles sont particulièrement efficaces pour prévenir les récidives d’arythmie maligne, mais elles sont longues et éprouvantes pour les médecins spécialistes (électrophysiologistes), durant parfois plus de trois heures pendant lesquelles le port du tablier de plomb est nécessaire. En outre, ces techniques exposent le patient, le personnel médical (dont les technologues en électrophysiologie médicale) et l’électrophysiologiste à des radiations ionisantes pouvant dépasser plusieurs minutes.

La radiothérapie stéréotaxique est une technologie couramment utilisée en oncologie pour traiter avec précision, efficacité et de façon non invasive les tumeurs solides. Récemment, cette technologie a été évaluée dans le traitement des tachycardies ventriculaires (TV) réfractaires aux traitements conventionnels.

Le système de navigation magnétique permet le pilotage à distance d’une sonde d’ablation par radiofréquence intracardiaque. L’un des systèmes développés à ce jour permet la manipulation robotique de cathéters intracardiaques qui fait appel à la création artificielle d’un champ magnétique géant autour du corps. Dans l’un de ces systèmes développés par la société Stéréotaxis (St Louis, Missouri, É.-U.) (figure 3), deux aimants géants permanents de plus de deux tonnes chacun sont plaqués contre la paroi du thorax, et leur orientation l’un par rapport à l’autre est contrôlée par ordinateur. Il en résulte un vecteur intracardiaque au centre du cœur généré par les deux aimants. Un cathéter d’ablation, caractérisé par l’extrême souplesse de son bout distal, répond et s’oriente de façon extrêmement précise dans l’axe du champ désiré. L’opérateur, après avoir inséré le cathéter dans la cavité cardiaque à ablater, passe au poste de contrôle qui comprend une station de travail d’où il va piloter l’ensemble de l’intervention, à l’aide d’un équipement informatique sophistiqué. Les mouvements du cathéter peuvent être ainsi générés par l’orientation des aimants, en évitant que le médecin spécialiste ne soit debout plusieurs heures auprès du patient.

Cette nouvelle technologie permet de traiter avec une grande précision des cas de troubles du rythme, des plus simples aux plus complexes, sans peine pour l’électrophysiologiste qui n’a plus à porter de tablier de plomb et n’est plus soumis aux radiations ionisantes.

Les électrocardiogrammes « dopés » par l’intelligence artificielle

Par intelligence artificielle, on entend des machines et programmes intelligents capables d’effectuer des

Sondes électriques insérées dans une veine de votre poitrine

Générateur d’impulsions

tâches semblables à celles des humains. L’apprentissage automatique (ou « machine learning ») est un sous-ensemble de l’intelligence artificielle et fait référence à la capacité d’un programme de comprendre lui-même des modèles à partir de données, sans qu’on lui enseigne explicitement des règles.

Ce type de modèle peut maintenant être utilisé non seulement pour l’interprétation des électrocardiogrammes (ECG), mais également pour le dépistage et la prévention de diverses arythmies cardiaques, grâce à sa capacité d’analyse en profondeur d’une énorme quantité de données.

Des recherches récentes ont démontré que, combiné à l’intelligence artificielle (figure 4), le logiciel appliqué à l’ECG permet d’identifier des patients susceptibles de développer des pathologies cardiaques telles que la fibrillation auriculaire, un dysfonctionnement systolique ventriculaire gauche ou de l’hypertrophie cardiaque, même s’ils ont un rythme sinusal normal durant l’enregistrement.

La liste des pathologies que l’on pourrait reconnaître grâce à l’ECG 12 dérivations soutenu par l’IA risque de s’allonger, étant donné que des chercheurs tentent actuellement d’évaluer la faisabilité et la spécificité de cette technologie pour diagnostiquer certaines maladies cardiaques génétiques, telles que la

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Figure 2 Figure 3 : Salle d’électrophysiologie interventionnelle équipée du système de guidage magnétique Niobe, Stereotaxis, St Louis, Missouri.
Des recherches récentes ont démontré que, combiné à l’intelligence artificielle, le logiciel appliqué à l’ECG permet d’identifier des patients susceptibles de développer des pathologies cardiaques telles que la fibrillation auriculaire, un dysfonctionnement systolique ventriculaire gauche ou de l’hypertrophie cardiaque, même s’ils ont un rythme sinusal normal durant l’enregistrement.

cardiomyopathie hypertrophique, l’amylose cardiaque ou la cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène. Sachant qu’une détection précoce de ces pathologies cardiaques génétiques pourrait permettre une meilleure prévention de la mort subite cardiaque, cette technologie à venir est littéralement susceptible de sauver des vies.

Lorsqu’un ECG est téléchargé dans l’algorithme d’IA, le signal passe d’abord par ce qu’on appelle un réseau de délimitation, qui consiste à segmenter les différentes ondes électriques du

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Figure 4

signal (P, QRS, T) ainsi que les segments et intervalles. Ces données sont ensuite analysées parmi des métadonnées pour être classifiées, afin de détecter les potentielles anomalies du signal d’ECG. Cette délimitation des ondes électriques fournit des informations cliniques au chercheur.

Par ailleurs, utilisé dans un contexte aigu telle l’urgence, l’ECG activé par l’IA pourrait aider à l’identification rapide d’un déséquilibre électrolytique potentiellement mortel et des patients présentant un risque imminent d’arrêt cardiaque pourraient nécessiter une surveillance précoce et plus intensive.

La récente pandémie de COVID-19 a permis le développement de technologies basées sur l’IA, telles que la surveillance de l’intervalle QT à distance à l’aide d’appareils mobiles. Cette technologie pourrait aider les patients dans la prise de traitement ou dans les suivis cliniques.

Conclusions

L’intelligence artificielle doit encore trouver sa place exacte en cardiologie. Elle n’en est encore qu’à ses balbutiements, aussi bien sur le plan de l’interprétation que sur celui de son utilisation pour la prévention cardiovasculaire et la prévision des arythmies.

La recherche avance rapidement sur la question. On peut espérer que dans quelques années,

RÉFÉRENCES

1 – Bernadette Ibrahim [UCL], dirigée par Omar El Mourad [UCL] Zineb Hanafi [UCL], Intérêt de la montre ECG dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire en médecine générale

2 – fondationicm.org/blogue/la-fibrillationauriculaire/?gc lid=EAIaIQobChMIppazh6W3gwMVDfXICh0ViwPmEAAYASA AEgIvQfD_BwE

3 – ici.radio-canada.ca/nouvelle/1154524/ detecter-une-maladie-grace-a-unemontre-intelligente

4 – lactualite.com/sante-et-science/ docteur-ma-montre-dit-que-mon-c œ urva-trop-vite/

5 – www.cardio-online.fr/Actualites/Depeches/ Interet-potentiel-de-lintelligence-artificielle-pour-predirela-survenue-d-arythmie-ventriculaire-chez-lespatientsporteurs-d-un-defibrillateur

6 – Nadir Saoudi, Decebal Gabriel Latcu, Jean Paul Rinaldi, Philippe Ricard, Robotics in the diagnosis and treatment of cardiac arrhythmia

l’intelligence artificielle pourra soutenir la pratique en cardiologie afin de mieux diagnostiquer, traiter et potentiellement guérir nos patients.

La collaboration de l’homme et de la machine sera toutefois toujours nécessaire pour valider les résultats émis par les algorithmes technologiques. L’intérêt principal de l’intelligence artificielle réside plutôt dans son utilisation comme outil collaboratif, permettant d’obtenir des informations impossibles à récolter par une autre approche, des informations invisibles pour l’œil du cardiologue ou du technologue expert.

Je n’ai pas le mérite de maîtriser, ni même d’étudier ces nouvelles technologies dans le cadre de mon travail (je suis TEPM et je coordonne des projets de recherche en électrophysiologie médicale à l’Institut de Cardiologie de Montréal). Je vous les présente ici très sommairement, dans l’espoir de vous intéresser aux possibles techniques futures utilisées dans notre domaine. N’hésitez pas à consulter les références à la fin du document pour compléter vos connaissances sur chacune des technologies présentées dans le texte ci-dessus.

7 – www.revmed.ch/view/414467/3621477/ RMS_652_1082.pdf

8 – www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/ S1278321818302282

9 – www.roboticep.com/telerobotics/

10 – www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/ revue-medicale-suisse-113/passe-present-et-futur-destechnologies-d-ablation-percutanee-desarythmiescardiaques#tab=tab-toc

11 – cardiologs.com/blog/ ai-systems-powered-by-deep-learning/

12 – www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8469424/

13 – Jean-Marie Grégoire, Cédric Gilon, Hugues Bersini, Stéphane Carlier, Intelligence artificielle et ECG : revue critique

14 – www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/ full_html/2020/10/msc200197/msc200197.html

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