Honda CBR600RR/CBR1000RR C-ABS : L’assurance anti-glissade

Après la généralisation de son freinage intégral antiblocage CBS-ABS et le lancement de son premier airbag moto, Honda renchérit en matière de sécurité sur les 2 roues. Nous avons testé ses CBR600RR et CBR1000RR C-ABS 2009, des motos dotées du premier ABS intégral développé spécifiquement pour les sportives. Retour d’expérience.

Honda CBR600RR/CBR1000RR C-ABS : 1er essai

Honda n’a pas toujours recherché la performance pure mais a aussi défrayé la chronique par ses innovations en matière de sécurité. Et 40 ans après le lancement de la première moto équipée d’un disque de frein avant en série (la CB 750 K0, en 1969), Honda lance une ultime version de son freinage ABS, cette fois sécifiquement étudiée pour ses motos sportives : le C-ABS. Autrement dit, le constructeur a intégralement revu son système de freinage antiblocage avec répartition automatique sur les deux roues déjà connu sur nombre de ses modèles pour l’adapter cette fois aux spécificités et besoins des sportives, utilisées sur route mais aussi sur piste ! Dés lors, les questions fusent : Comment fonctionne-t-il ? Quel ressenti offre-t-il ? Quelles performances ? Voici nos réponses à l’issue de ce premier test organisé par le constructeur, sur sol humide, sol sablonneux et surtout, dans un contexte racing sur circuit. Action !

Honda CBR600RR et CBR1000RR C-ABS 2009 : Les mêmes, à un (gros) détail près…

Pour 2009, les principales évolutions des motos sportives Honda CBR600RR et CBR1000RR concernent beaucoup moins leurs caractéristiques générales (voir « A retenir ») que leur freinage. En les examinant, on remarque ainsi ces fameux disques ajourés vissés à même les moyeux de roues, dont la vitesse de rotation est mesurée par des capteurs fixés à même la fourche et le bras oscillant, le fonctionnement du système étant signalé par un voyant au tableau de bord. Jusqu’ici, rien de nouveau donc. Maisça ne va pas durer. Car moteur coupé, la prise du levier dévoile cette fois un feeling inhabituel sur les CBR, à savoir un levier de frein plutôt « spongieux » ! Contact, première et dès 6 km/h, le voyant d’alerte ABS s’éteint, ce qui signifie, à l’inverse, que l’antiblocage rentre en jeu. On teste alors en ligne droite à basse vitesse le ressenti des commandes. En simulant une réaction réflexe avec action des commandes de frein sans ménagement, on parvient alors à déclencher le système, et déjà le feeling du C-ABS se manifeste. Aucune réaction ne se fait sentir dans les commandes, on perçoit seul le travail des pneus qui raccrochent après quelques centimètres de « roue libre ». Là encore, rien de bien extraordinaire. Passons aux exercices pratiques. En piste !

Test 1 : Le C-ABS Honda sur chaussée mouillée

Pour le premier test, les moniteurs de l’Ecole Française de Conduite, partenaire de Honda, ont arrosé la piste du circuit de la Ferté Gaucher retenu pour cet essai, afin de simuler un revêtement mouillé. Je m’élance alors, bien décidé à agir comme demandé et lutter au mieux contre mon instinct de conservation ! Au signal du moniteur, j’empoigne le levier et j’appuie sur la pédale comme un âne… La CBR 1000 RR plonge alors de façon très progressive, ne se dandine pas de l’arrière comme si elle avait perdu de l’adhérence et s’arrête. Pas mal. Second essai, plus véloce cette fois, à environ 80 km/h. Plus incisif sur les freins, je parviens à davantage ressentir le travail du C-ABS, et ses différences avec un ABS classique. En fait, on ne ressent aucun des phénomènes mécaniques habituels : pas de retour dans les commandes (pas de petits à-coups dans la pédale ou le levier), pas de bruit non plus (pas de clac-clac-clac). Pour le moment, le C-ABS se révèle transparent à l’usage, permettant de doser l’action sur les commandes de façon classique, soit progressive soit dégressive. Efficacité, agrément d’utilisation, c’est parfait pour le moment. Continuons.

Test 2 : Le C-ABS Honda sur le sable, les graviers…

Maintenant, les moniteurs recouvrent la piste d’un mélange sablonneux. Vient mon tour. Courageux, mais pas téméraire, je vérifie que le voyant d’alerte ABS s’éteigne comme il faut, puis vérifie que l’ABS se déclenche bel et bien d’un appui franc sur la pédale. Signal de départ, première, seconde, troisième… 80 km/h et j’empoigne le levier tout en écrasant la pédale ! La CBR pique du nez, se tasse sur son pneu avant, mais reste bien en ligne. Dans le même temps, on perçoit le travail des pneumatiques qui « cherchent le grip » puis la moto s’arrête… toujours sur ses roues. La poussière retombe lentement sur le tarmac. Outre sa fonction antiblocage classique, l’intérêt du dispositif est de ne pas engendrer de réactions étranges. La notion de répartition se ressent surtout lorsque l’on écrase brutalement la pédale sans toucher au levier. Le transfert de masse vers l’avant reste proche de celui qu’on obtiendrait avec un freinage sur l’avant seul, mais avec le C-ABS la répartition sur les deux roues s’opère dans l’instant, on ne se rend compte de rien. C’est là encore complètement transparent.

Test 3 : Le C-ABS Honda sur circuit

Troisième chapitre du test, celui sur circuit, le plus attendu… au tournant… des vibreurs. Pour ce faire, nous disposons de plusieurs modèles : des CBR1000RR et CBR600RR, avec ou sans C-ABS. En sautant d’un modèle à l’autre, les repères ne changent pas, ou presque pas. On boucle le premier tour de mise en température des pneus sans réfléchir, sans percevoir de différence de feeling. L’appui modéré sur la pédale de frein, histoire de resserrer une trajectoire « ne réveille pas » les étriers avant et l’impression d’être toujours maître à bord domine. C’est déjà une information en soi sur la neutralité du système. On reprochera juste un levier de frein légèrement spongieux sur le premier quart de sa course. Mais avec ou sans C-ABS, les lois de la physique persistent. De fait, si vous freinez après le panneau « trop tard », vous avez toutes les chances d’achever votre course dans le bac à graviers, de toute façon ! En revanche, dans le cas d’un gros freinage type « fin de ligne droite », le C-ABS peut alors apporter un plus. Voici comment.

Fini de balayer la piste !

Très souvent (ou en tout cas en fonction des habitudes de chacun), sur circuit, on ne se sert que du frein avant et soyons clairs… peu de pilotes exploitent les limites des possibilités des sportives modernes. Dans le même temps, l’adhérence du pneu arrière elle n’en reste pas moins effective, bien évidemment. C’est là que le C-ABS entre en scène, permettant justement d’exploiter la totalité du grip offert par les deux pneus en répartissant la puissance de freinage entre l’avant et l’arrière en fonction des pressions exercées sur les commandes. Le test est sans appel : au bout de quelques tours, il devient plus facile de faire un freinage court et propre en sollicitant les deux commandes sur les CBR dotées du C-ABS. Alors qu’une pression de trop sur la pédale d’une version standard engendre invariablement un balayage de la piste (vécu et vérifié). Pour dénicher un défaut au C-ABS, il faut chercher à freiner sur les zones bosselées (pas évident sur un circuit neuf…). En temps normal, l’ABS digère assez mal cet exercice (avec un allongement des distances), alors que la finesse d’analyse du boîtier électronique du C-ABS permet cette fois des réactions probantes sur revêtement frippé. Attendons un essai routier pour confirmer ou non. Reste la question du poids. Avec 10 kilos de plus à emmener, les CBR devraient fatalement en souffrir sur un tour chronométré. Mais les écarts que j’ai pu mesurer entre C-ABS et modèles standard ne m’ont pas semblé significatifs. La répartition des masses des sportives modernes doit y être pour beaucoup et les CBR restent de sacrées horloges…

Bilan du test C-ABS : L’assurance anti-glissade

Avec le lancement de son C-ABS, Honda continue de développer sa politique de « contrôle total » sur ses motos de série, cette fois aussi différentes puissent-elles être que de vraies sportives comme les CBR600RR et CBR1000RR. Cette ultime évolution haut de gamme du freinage intégral antiblocage japonais a nécessité près de huit années de recherche mais le résultat est là : le C-ABS a dévoilé lors de ce premier test un fort potentiel. La performance et l’agrément sont au rendez-vous dans 95 % des cas. De fait, on ne ressent jamais l’envie de déconnecter l’assistance (tant mieux, elle n’est pas débrayable). Mais surtout le C-ABS apporte une sécurité absolue dans des conditions d’adhérence limites. Un vrai plus dans le cadre d’un usage quotidien qui restera quand même à approfondir en cas d’utilisation intensive sur piste sèche. Mais compte tenu du prix des carénages et autres pièces détachées, son surcoût de 1 000 ? promet d’être amorti dès la première chute évitée.

Par Christophe Le Mao, photos David Reygondeau et Stan Perec

  • 1er vrai ABS intégral sportif
  • efficacité quand ça glisse
  • ressenti proche d’un système standard
  • onéreux et lourd, pour le moment
  • levier spongieux
  • quid sur le sec en usage intensif ?

C-ABS, l’avis du pilote

Sébastien Charpentier : « En endurance, cet ABS peut être intéressant »

Sébastien Charpentier, notre ex-champion du monde Supersport sur Honda, collabore aujourd’hui avec la structure Ten Kate. Il va bientôt de nouveau enfiler le cuir pour rouler aux 24 heures du Mans en compagnie de Jean-Michel Bayle et Mathieu Lagrive (jolie brochette !). Il nous donne son avis sur le C-ABS : « Pour l’usage de tous les jours, l’ABS est un vrai plus. Grâce à lui, on peut se tirer d’une situation délicate sans bobo. En course, il peut être intéressant, notamment en endurance avec des conditions météo changeantes. Si les averses se suivent, l’ABS pourrait être un confort supplémentaire et s’il parvient à vous éviter une chute, c’est une chance supplémentaire de finir la course ».

Honda travaille déjà sur la question. La marque a déposé une demande auprès de la Fédération Internationale de Motocyclisme pour faire homologuer ses CBR C-ABS en endurance et en Superbike Supersport. Le HRC travaille déjà sur les boîtiers. Les freins, ce n’est pas ce qui fait avancer une moto paraît-il, mais ceux-là pourront peut-être faire gagner une course sous la pluie. A suivre.

Honda CBR600RR/CBR1000RR C-ABS : A retenir

Pratique

Prix :

– au 19/03/09 :

CBR 600 RR standard 11 490 ?

CBR 600 RR C-ABS 12 490 ?

CBR 1000 RR standard 14 490 ?

CBR 1000 RR C-ABS 15 490 ?

– 01/04/09 :

CBR 600 RR standard 11 990 ?

CBR 600 RR C-ABS 12 990 ?

CBR 1000 RR 15 690 ?

CBR 1000 RR C-ABS 16 690 ?

Coloris : noir/rouge, blanc/bleu/rouge (CBR6000RR) ; HRC/Repsol (CBR1000RR)
Disponibilité : mars 2009
Garantie : 2 ans, pièces et main d’oeuvre, kilométrage illimité

Technique : Le C-ABS décortiqué

De la routière d’entrée de gamme (la CBF 125) aux roadsters sportifs (CB 600 F et CB 1000 R) en passant par les trails (Transalp 700 et Varadero 1000), presque toutes les Honda ont droit aujourd’hui à leur freinage assisté. Les sportives manquaient à l’appel. Avec le C-ABS, c’est corrigé. BMW n’est plus le seul constructeur à proposer un freinage ABS sur une sportive, mais Honda lui y rajoute un couplage automatique sur les deux roues. Explication.

Pour concevoir son système C-ABS, Honda est parti de la base technique d’un freinage ABS Bosch dont le brevet est passé dans le domaine public. La marque a aussi pris en compte les géométries de direction propre aux sportives, ainsi que leur empattement plus court. En outre, l’actuel ABS-CBS Honda fonctionne de façon mécanique (hydraulique) avec des étriers à trois pistons et surtout des maître-cylindres supplémentaires (lourds et encombrants). Pour son C-ABS, Honda a préféré miser sur l’électronique tout en conservant les étriers de série. Cela en fait le premier « brake by wyre » en quelque sorte du marché* !
En action, le cycle de déclenchement de l’ABS s’avère suffisamment rapide sur une CBF 1000 par exemple, mais trop lent pour équiper une sportive selon les ingénieurs Honda. Ces derniers ont notamment travaillé sur la vitesse de réaction du système dans les deux sens (relaché de pression, retour de la pression hydraulique). Par exemple, lors du relâché de frein, le C-ABS met moins de temps que les autres ABS Honda à terminer son cycle. Ainsi, la moto apparaît plus neutre dans son comportement, puisqu’elle dépend moins longtemps des réactions du C-ABS. Difficile à percevoir sur revêtement lisse (sans mesure), cet écart est plus net notamment sur les bosses le C-ABS s’avère plus rapide.
De plus, l’ajout de petite pompe en échange de maître-cylindre supplémentaire permet de mieux réguler les transferts de liquide dans les durites. Ajouté à un moteur électrique et à une centrale électronique optimisés, le C-ABS offre un fonctionnement plus naturel que le classique CBS ABS. Cela se traduit par l’absence totale de rebond (ou dribble ou pulsation) dans les commandes. On gagne alors en confort d’utilisation. Pourtant, son fonctionnement reste perceptible si l’on se porte à l’écoute de sa machine. En effet, le raccrochement des pneus est toujours sensible au guidon.
Enfin, notons que le C-ABS Honda n’est pas déconnectable, ceci afin de limiter les erreurs de jugement. Honda se protège ainsi de toute attaque de la part des propriétaires (souvenez vous du propriétaire de Renault Velsatis qui avait fait parler de lui en arguant que son régulateur de vitesse était resté bloqué à fond sur l’autoroute…). Enfin, on peut imaginer que le C-ABS remplacera un jour le CBS-ABS sur les autres motos de la gamme.

Le traction control pour bientôt !

Les CBR600RR et CBR1000RR C-ABS 2009 ne présentent que peu de modifications visuelles. Une grille circulaire au niveau du moyeu, des capteurs au niveau de ces grilles, un autocollant « Combined ABS ». Pourtant, intégrer toute la structure du C-ABS n’a pas été une sinécure pour les ingénieurs Honda. Mises à nu, les CBR qui sont déjà de véritables usines à gaz en configuration standard dévoilent alors toute la complexité d’intégration du C-ABS. Les diverses pièces du système prennent place au mieux sur les motos. Elles sont même étudiées pour résister à la chaleur en raison de leur proximité avec la ligne d’échappement ou les carters moteurs.
Les CBR adoptent également une nouvelle boucle arrière de cadre conçue pour accueillir un boîtier électronique supplémentaire. La CBR1000RR perd son petit garde-boue arrière en raison du passage de roue retouché et la CBR600RR présente un carénage plus enveloppant pour y glisser un large boîtier électronique sous son flanc gauche. Il va de soi que si ces éléments venaient à être abimés lors d’une chute, la facture serait d’autant plus salée.
Le système présente une durée de vie égale à celle de la moto et les plaquettes sont identiques. Reste que le C-ABS réclame une purge complète tous les 18 000 km. Cette opération prend environ trois heures contre 1/2 heure sur une CBR standard. La facture grimpe alors, mais le jour où le C-ABS vous sauve un flanc de carénage et un rétro (et vous épargne peut-être une belle broche sur la clavicule, par exemple), vous gagnez au change.
Enfin, les CBR C-ABS proposeront bientôt un package ultra complet avec l’arrivée du traction control. En effet, ce dispositif anti patinage à l’accélération utilise les informations des capteurs déjà utilisés pour le C-ABS. En série sur les CBR 2010 ?

* par analogie avec le système d’accélérateur électronique Ride by Wire Aprilia

Honda CBR C-ABS, les autres évolutions 2009

Honda CBR600RR C-ABS :
– nouveau carénage avec sabot plus enveloppant
– nouvelle culasse, nouveaux pistons et nouvel échappement pour plus de couple à mi-régime
– nouveaux étriers de frein monoblocs plus légers
– nouveaux coloris : noir/rouge et tricolore blanc/bleu/rouge (version E-ABS uniquement), noir/vert et édition limitée blanc/bleu/noir (version standard uniquement)

Honda CBR1000RR C-ABS :
– nouveau coloris tricolore HRC célébrant 50 ans de victoires Honda en compétition
– nouveau coloris Repsol
– habillage arrière avec nouveaux clignotants
– nouvelle pièce d’habillage dissimulant la centrale électronique de contrôle du freinage C-ABS sous la selle



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