La sensorimotricité

Quand on parle de proprioception, on en vient forcément à utiliser un autre terme qui peut sembler très « barbare » au premier abord : la sensorimotricité. Pour ma part, bien que plongée depuis longtemps dans de nombreux articles concernant la proprioception, j’ai mis un moment à vraiment comprendre ce terme. Pourtant, quand on y réfléchit bien, cela n’est pas si compliqué.

La sensorialité, c’est la capacité pour un être vivant de percevoir les sensations qui proviennent de ses différents sens : vision, audition, toucher, proprioception, etc.

La motricité, c’est l’ ensemble des fonctions nerveuses et musculaires permettant les mouvements volontaires ou automatiques du corps. 

La sensorimotricité, c’est donc la capacité qu’a notre système nerveux de produire des mouvements sur la base d’informations provenant de nos sens. En effet, il n’y a jamais de motricité sans signaux provenant de nos sens.

La sensorimotricité est à la base de l’apprentissage sensorimoteur.

Pour comprendre cela, rien ne vaut un dessin. Notre système nerveux connaît la position de chacun de nos membres les un par rapport aux autres et de notre corps dans l’espace grâce à différentes informations sensorielles, et notamment grâce à notre proprioception. Cela lui permet d’envoyer des ordres moteurs pour distribuer le tonus musculaire et réaliser le mouvement que le sujet désire réaliser. Il reçoit en retour des informations sensorielles qui l’informent sur les conséquences sensorielles réelles du mouvement réalisé. On appelle cette boucle : le couplage perception/action.

Avant l’action, notre cerveau prédit les conséquences sensorielles de l’action qu’il envisage, puis au cours de la réalisation du geste, il compare les informations sensorielles qui lui reviennent à cette prédiction (feedback sensoriel dont proprioceptif). S’il détecte une erreur, il la corrige en envoyant un nouvel ordre moteur. C’est ainsi que nos mouvements deviennent de plus en plus précis et efficaces. A la longue, sous l’effet d’un entraînement sensorimoteur, le mouvement s’automatise (voir l’article Proprioception et contrôle des mouvements). En effet, la proprioception a la particularité de s’appuyer sur la plasticité sensorimotrice, c’est à dire la capacité qu’a le cerveau de créer de nouvelles connexions neuronales et de se réorganiser sous l’effet d’un entraînement sensorimoteur

L’apprentissage sensorimoteur va concerner plus particulièrement le très jeune enfant qui apprend à contrôler son corps et qui construit son schéma corporel ; mais l’entraînement sensorimoteur peut être utilisé tout le long de notre vie pour apprendre une tâche nouvelle mettant en jeu nos mouvements : écrire, danser, jouer d’un instrument de musique, conduire une voiture, faire du sport, etc. (NDA : Le traitement proprioceptif du SDP repose sur un entraînement sensorimoteur s’appuyant sur des leurres sensoriels : prismes, semelles, etc. ) L’ entraînement sensorimoteur peut même être utilisé dans les apprentissages scolaires, parmi les méthodes les plus connues s’appuyant sur celui-ci, on compte les méthodes MONTESSORY, BOREL-MAISONNY, etc.*

Chez le bébé, l’apprentissage sensorimoteur est à la base de sa capacité à agir sur le monde (son agentivité), à la base de la construction de son intelligence.

En effet, comme le disait le Pr JP Roll (CNRS) :

« Plus qu’un « sixième sens », la sensibilité proprioceptive pourrait être un sens premier indispensable à l’émergence de la conscience de soi en tant qu’être capable d’action. » JP. Roll (CNRS)

Pour illustrer cela, je vous invite à visionner cette très jolie vidéo du Centre Jean Piaget, qui montre un bébé dans les premières étapes de son apprentissage sensorimoteur, mettant en jeu les mouvements de ses bras/mains et ses sens : vision et proprioception principalement. C’est ainsi qu’il va commencer à construire les représentations internes des mouvements de son corps, puis automatiser ses mouvements à force de répétitions et de corrections des erreurs. Une fois le mouvement maitrisé, il pourra commencer à agir sur son environnement. Une fois le mouvement automatisé, il n’aura plus besoin de contrôler son corps du regard.

Lire aussi sur Sciences et Avenir : Pourquoi les bébés gigotent de façon spontanée dès la naissance ?


Pour aller plus loin :

  • Expériences sensori-motrices et apprentissages scolaires *, conférence de Florence Bara (Intérêt et limites de l’apprentissage sensorimoteur)
  • Comprendre le lien entre sensorimotricité et dyslexie :

Découvrir aussi notre site d’adaptations pédagogiques pour les Dys : SDP, Troublesneurovisuels, Dys


Credit : Image par Алеся Фартушняк de Pixabay