Médiastinite: prévalence, diagnostic, traitement et pronostic
Prise en charge des complications aiguës
Peer-review

Médiastinite: prévalence, diagnostic, traitement et pronostic

Article de revue
Édition
2023/42
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2023.1259994800
Forum Med Suisses. 2023;23(42):1372-1375

Affiliations
a Universitätsklinik für Notfallmedizin, Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern
b Ärztezentrum Praxis1 AG, Münsingen
c Universitätsklinik für Thoraxchirurgie, Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern

Publié le 18.10.2023

La médiastinite aiguë est une maladie rare avec des symptômes souvent non spécifiques et elle représente un défi en termes de diagnostic et de traitement. Compte tenu de la morbidité et de la mortalité élevées, une détection et une prise en charge interdisciplinaire rapides sont essentielles. L'objectif de cet aperçu est de sensibiliser une nouvelle fois les médecins de premier recours et les médecins en soins aigus à cette affection.

Contexte

La médiastinite est une inflammation ou une infection des structures et du tissu conjonctif du médiastin. Le médiastin est délimité par le sternum en avant, la colonne vertébrale en arrière, la plèvre latéralement, l'ouverture supérieure du thorax en haut et le diaphragme en bas. Il contient de gros vaisseaux, la trachée, l'œsophage, le cœur, le thymus et des ganglions lymphatiques [1–4]. Une médiastinite peut se développer de manière aiguë (en quelques heures à quelques jours), subaiguë (en quelques semaines) ou chronique (sur plusieurs années). La médiastinite aiguë est une affection dangereuse, le plus souvent d'origine infectieuse. Les bactéries sont les agents pathogènes les plus fréquemment mis en évidence par culture [5, 6]. Dans de rares cas, en particulier chez les personnes immunodéprimées, des champignons ou très rarement des mycobactéries peuvent également être détectés [3, 7, 8]. La médiastinite aiguë survient le plus souvent après une opération, après une rupture de l'œsophage ou par continuité lors d'infections odontogènes et oropharyngées [1, 3, 4, 9–11]. Rarement, elle survient spontanément, lors d'infections pulmonaires ou par dissémination hématogène ou lymphogène [3, 4]. Dans certains cas, la cause reste indéterminée [1]. La médiastinite aiguë n'est pas une maladie homogène, car le traitement et le pronostic dépendent pour l'essentiel de la cause spécifique.

Épidémiologie

Entre 2012 et 2021, l'Office fédéral de la statistique a recensé en moyenne 162 hospitalisations par an dues à une médiastinite. Les statistiques ne précisent toutefois pas la proportion de médiastinites aiguës. Les médiastinites aiguës d'origine tuberculeuse ont été répertoriées séparément, avec environ 8 cas par an. La dernière médiastinite syphilitique tardive signalée a été documentée en 2020. Notre article se concentre sur les formes de médiastinites aiguës, sans aborder les médiastinites chroniques.

Différentes formes

Médiastinite post-sternotomie

La médiastinite post-sternotomie (MPS) est une complication rare mais typique de la sternotomie médiane et fait partie des infections de plaies profondes [12]. Le risque dépend de facteurs pré- et périopératoires (entre autres utilisation des deux artères mammaires internes comme pontages, contamination directe ou indirecte de la plaie, séjours prolongés en unité de soins intensifs, opérations de révision [4, 9]) et de facteurs liés à la patiente ou au patient (entre autres tabagisme, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], diabète sucré, obésité) [2, 7, 9, 13]. La MPS se manifeste typiquement 14–30 jours après une opération [2, 7, 13]. Sur le plan microbiologique, Staphylococcus (S.) aureus ou S. epidermidis (flore cutanée) peuvent le plus souvent être mis en évidence; une croissance monobactérienne est fréquente [14]. Cependant, d'autres germes à Gram positif et à Gram négatif peuvent également être à l'origine de la maladie, ce qui influence le choix de l'antibiotique [4, 15, 16]. Des champignons sont mis en évidence par culture dans à peine 5% des cas, le plus souvent chez des personnes dont le système immunitaire est affaibli [8].

Médiastinite dans le cadre d'une perforation de l'œsophage

La perforation de l'œsophage est la deuxième cause la plus fréquente de médiastinite aiguë. Seul environ 1% des perforations de l'œsophage entraînent une médiastinite, mais celle-ci constitue une urgence chirurgicale en raison de la mortalité élevée qu'elle entraîne. Les perforations de l'œsophage sont rares. Environ la moitié de toutes les perforations surviennent lors d'une gastroscopie, le risque par gastroscopie étant de 0,5% [4]. En outre, une perforation œsophagienne peut se produire spontanément après des vomissements dus à une consommation excessive d'alcool (syndrome de Boerhaave, 24% de tous les cas), après l'ingestion d'un corps étranger (17% de tous les cas) [17] ou en cas d'insuffisance anastomotique. Une muqueuse déjà endommagée (entre autres en cas de reflux, de consommation chronique d'alcool et de tumeur maligne) favorise la survenue d'une perforation [7]. Les personnes de plus de 50 ans en sont le plus souvent victimes [4]. Lorsque le contenu de l'œsophage ou la salive s'écoule dans le médiastin, une translocation bactérienne et une infection des tissus environnants se produisent rapidement, ce qui peut entraîner un sepsis, une défaillance multiorganique et la mort en quelques heures [2, 3]. La plupart du temps, ce sont des germes anaérobies ou mixtes anaérobies-aérobies qui sont en cause, ainsi que des espèces de Candida [2, 4].

Médiastinite nécrosante descendante

La médiastinite (souvent nécrosante) descendante (MND) est rare et résulte dans plus de 90% des cas d'infections odontogènes, pharyngées ou cervicales [11]. Dans 6% des cas, l'origine est inconnue [2–4, 18, 19]. Le «danger space», une zone anatomique ouverte de l'espace rétropharyngé où les infections peuvent se propager très rapidement jusqu'au diaphragme en raison de la pesanteur et de la pression intrathoracique négative lors de l'inhalation, est particulièrement critique [6, 20]. En moyenne, la médiastinite aiguë se développe quatre jours après le diagnostic de l'infection primaire [11]. Il convient de noter que ces patientes et patients sont souvent traités par antibiotiques en ambulatoire, ce qui peut rendre plus difficile la détection d'une médiastinite en tant que complication. Les facteurs de risque de cette complication sont le diabète, le tabagisme, la consommation nocive d'alcool, la consommation de drogues par voie intraveineuse, un mauvais état dentaire et un traitement immunosuppresseur. Les états impliquant une hypoperfusion tissulaire, tels que les antécédents de maladies pulmonaires et cardiaques, favorisent également l'apparition de la maladie. Dans plus de 50% des cas, aucun facteur de risque spécifique n'est identifié [10]. Les hommes au cours de la cinquième décennie de vie sont les plus touchés par la MND [1, 4, 5]. En fonction du foyer infectieux primaire, le spectre des agents pathogènes est majoritairement polymicrobien (anaérobie/aérobie) [3, 4, 18, 21]; des organismes fongiques peuvent être mis en évidence dans environ 4% des cas [10].

Manifestations cliniques

Parmi les symptômes fréquents dans toutes les formes de médiastinite aiguë figurent les douleurs thoraciques, une odyno-/dysphagie, une dyspnée, de la fièvre, des frissons et une tachycardie [1, 3, 4, 11]. La présentation des personnes touchées peut aller de «cliniquement stable» à «avec sepsis fulminant» [1–3]. Après une sternotomie, les patientes et patients présentent une cicatrice opératoire enflammée, une instabilité sternale, des crépitations sous-cutanées dans la zone opératoire et des sécrétions locales [4]. Après une perforation de l'œsophage, des douleurs dans la nuque ou entre les omoplates, ainsi que des troubles de la déglutition et de la voix peuvent apparaître. Dans la triade de Mackler, qui est considérée comme la présentation typique du syndrome de Boerhaave, les personnes concernées sont en proie à des vomissements, à des douleurs thoraciques et à un emphysème sous-cutané. Chez 33% des patientes et patients, aucun symptôme typique ne survient et 7% sont asymptomatiques au début, ce qui a des répercussions négatives sur le pronostic [7]. Les symptômes de la MND dépendent du foyer infectieux primaire. Le trismus, l'oedème de l'angle de la mâchoire, la protrusion unilatérale du pharynx, les difficultés de déglutition ou le stridor inspiratoire sont considérés comme des signaux d'alarme de complications en cas d'infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) [3]. Les symptômes les plus fréquents d'une médiastinite aiguë consécutive à une infection odontogène sont une odontalgie durant plusieurs jours et un gonflement croissant de la région submandibulaire; le trismus, la dysphagie et l'odynophagie sont plus rares [22].

Diagnostic

Le diagnostic de suspicion d'une médiastinite aiguë est clinique, en tenant compte des résultats de laboratoire et radiologiques [3]. D'après les lignes directrices des «Centers for Disease Control and Prevention» [2, 23], une médiastinite aiguë peut être diagnostiquée lorsqu'au moins un des critères de chacun des blocs suivants est rempli:
  • douleurs thoraciques ou instabilité sternale ou fièvre >38 °C;
  • écoulement purulent du médiastin ou élargissement du médiastin à la tomodensitométrie (TDM);
  • mise en évidence microbiologique ou histopathologique de l'agent pathogène à partir de liquide/d'un prélèvement biopsique du médiastin.
Pour poser le diagnostic, il convient de procéder à la détermination des paramètres inflammatoires, ainsi qu'au prélèvement d'hémocultures et de cultures ou de biopsies de la zone concernée [3, 4]. La réaction de polymérisation en chaîne (PCR) eubactérienne ou panfongique à partir d'un échantillon de tissu joue notamment un rôle dans l'identification de l'agent pathogène chez les personnes ayant été préalablement traitées par antibiotiques. Le diagnostic suspecté cliniquement est confirmé par des résultats radiologiques typiques. La radiographie conventionnelle du thorax n'est pas utile [7]. L'examen radiologique de référence est la TDM du cou et du thorax avec produit de contraste. Sa sensibilité est de 100%. La spécificité est plus faible, surtout en phase postopératoire précoce pour la MPS, où elle n'est que de 33% dans les 14 premiers jours postopératoires, car les altérations postopératoires et inflammatoires peuvent avoir un aspect similaire. Plus tard, c'est-à-dire >14 jours après l'opération, la spécificité augmente également à 100% [8]. En phase postopératoire précoce, il n'est donc guère possible de faire la différence entre une infection débutante et des altérations postopératoires [7, 8]. Dans le cas de la MND, il convient de noter qu'en l'absence de réponse au traitement ou en cas d'aggravation clinique, la TDM doit être effectuée non seulement au niveau du cou, mais aussi du thorax. Les anomalies typiques à la TDM sont la présence d'air libre sous le sternum ou dans la zone touchée du médiastin et des altérations œdémateuses des structures concernées (fig. 1). Les anomalies indirectes à la TDM sont des épanchements pleuraux, des collections liquidiennes péricardiques ou médiastinales et parfois la formation de thrombi vasculaires. En cas de MPS, l'intégrité du sternum est compromise à l'examen radiologique [2, 4, 24]. En particulier en cas de MND, il existe une lymphadénopathie cervicale et une densité accrue du tissu adipeux (>25 unités Hounsfield [UH]) [24].
Figure 1: Tomodensitométrie (TDM), A) coupe coronale et B) coupe axiale. Jeune patient présentant une détérioration non spécifique de son état général après une infection respiratoire. LaTDM montre une imbibition marquée du tissu adipeux médiastinal, en particulier au niveau sous-carinaire, avec un médiastin globalement élargi, ce qui a permis de diagnostiquer une médiastinite aiguë.
En cas d'origine suspectée dans la région ORL, les personnes concernées doivent faire l'objet d'une oto-rhino-laryngoscopie. Une endoscopie est nécessaire lorsqu'une perforation de l'œsophage paraît plausible [1]. En cas de médiastinite après une perforation de l'œsophage, une TDM avec produit de contraste oral peut être réalisée afin de localiser la zone perforée grâce au produit de contraste qui s'en échappe et de pouvoir planifier les interventions avec plus de précision [3, 4, 7].

Traitement

En cas de médiastinite aiguë, un traitement interdisciplinaire rapide est crucial. Une antibiothérapie à large spectre adéquate, par exemple par amoxicilline/acide clavulanique ou pipéracilline/tazobactam (en cas d'immunosuppression, pour couvrir Pseudomonas aeruginosa), doit être initiée immédiatement. Si – en particulier pour la MPS – une infection par des staphylocoques à coagulase négative est possible ou si une infection par S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) n'est pas exclue, il est recommandé d'ajouter de la vancomycine. En cas d'évolution fulminante d'une MND causée par des streptocoques β-hémolytiques au sens d'une fasciite nécrosante du médiastin, il convient d'ajouter en outre de la clindamycine pour inhiber la formation de toxine [25]. La couverture empirique supplémentaire des espèces de Candida par des médicaments antifongiques est controversée, mais en raison de la morbidité et de la mortalité élevées, elle se fait le plus souvent, en particulier en cas de perforation de l'œsophage. En cas d'anamnèse de voyage positive, le traitement antibiotique doit parfois être encore plus large. Comme le drainage chirurgical et le débridement du foyer infectieux initial et du médiastin atteint doivent être réalisés rapidement; il est essentiel d'impliquer précocement les collègues chirurgiens [2–6, 11]. En particulier en cas de MND, les voies respiratoires doivent être sécurisées précocement. Les gonflements œdémateux dans la région de la gorge et le trismus compliquent la gestion des voies respiratoires et ont un effet défavorable sur le pronostic [2, 3, 6].
Le traitement chirurgical consiste, selon la localisation, en un drainage transcervical/une cervicotomie (surtout en cas d'infection dans le médiastin supérieur) [7], une sternotomie médiane (médiastin antérieur) ou une thoracotomie/thoracoscopie uni-/bilatérale (médiastin postérieur) (fig. 2 et 3). Chez les patientes et patients stables présentant un abcès, celui-ci peut être drainé en premier lieu [2].
Figure 2: Thoracoscopie pour médiastinite aiguë, vue intra-opératoire. Infiltration ou imbibition de la plèvre pariétale avec, au niveau médiastinal, des zones hémorragiques et nécrotiques. Épanchement pleural hémorragique.
EIC: espace intercostal.
Figure 3 A, B: Thoracoscopie pour médiastinite aiguë, vue intra-opératoire. Infiltration ou imbibition du péricarde et de la graisse péricardique ainsi que zones nécrosées. Fenestration péricardique après nécrosectomie de la graisse péricardique.
A: artère; V: veine; VCS: veine cave supérieure.
Après une perforation de l'œsophage, l'intégrité de l'organe doit être restaurée par une suture ou un lambeau musculaire. Pendant la période qui suit, l'alimentation est assurée par une sonde gastro-jéjunale à titre de protection [2, 7].
Dans le cas de la MPS, différentes approches ont été évaluées, mais il n'a jusqu'à présent pas été possible de démontrer clairement la supériorité d'une méthode en particulier. Le choix de la méthode dépend fortement de l'étendue de l'infection et des conditions propres aux malades [1, 2, 4, 11]. Il existe toutefois un consensus sur le fait qu'un assainissement chirurgical du foyer infectieux avec drainage liquidien et débridement de la plaie doit être effectué et que les espaces fasciaux affectés doivent être ouverts. Chez les patientes et patients présentant une instabilité sternale prononcée, après traitement de l'infection, il convient en outre de recourir à un renforcement par lambeau musculaire (muscle pectoral), à une plastie par filet ou à une reconstruction chirurgicale [2, 7].

Pronostic

Les données de la littérature concernant la mortalité varient considérablement et vont de pourcentages à un chiffre à 50% pour toutes les causes de médiastinite aiguë. Outre les facteurs de risque spécifiques à la patiente ou au patient, la localisation est également déterminante, les infections du médiastin supérieur présentant un meilleur pronostic que celles du médiastin inférieur. Une pose rapide du diagnostic dans les premières 24 heures et une prise en charge interdisciplinaire agressive sont essentielles pour réduire la mortalité [26]. Les patientes et patients requièrent généralement des soins intensifs, ont une longue période de convalescence et présentent souvent des séquelles à long terme. Il en résulte des coûts élevés [9].

Prévention

Les mesures de prévention générales, telles que la réduction de l'obésité, des facteurs de risque cardiovasculaire et du tabagisme, diminuent également le risque de médiastinite aiguë. Pour prévenir les MPS, les patientes et patients sont testés avant l'opération pour détecter les germes multirésistants comme le SARM et reçoivent une antibioprophylaxie périopératoire dans de nombreux hôpitaux. Il convient en outre de viser un taux de glucose sanguin normal [2, 4]. Environ 20% de la population présente une colonisation durable de la muqueuse nasale par S. aureus, ce qui multiplie par trois le risque d'infection postopératoire après une sternotomie. Pour cette raison, la «Society of Thoracic Surgeons» (STS) recommande une décolonisation préopératoire de S. aureus, par exemple par mupirocine et chlorhexidine [27], bien que ce sujet soit également controversé. Une bonne hygiène dentaire et buccale réduit le risque de MND [10].

Nouvelles connaissances

Jusqu'alors, les agents pathogènes connus de la MPS étaient surtout des germes à Gram positif. Des recherches récentes ont toutefois révélé que des germes à Gram négatif (le plus souvent des entérobactéries) pouvaient être mis en évidence par culture dans un cas sur quatre, ce qui représente un gain de connaissances décisif tant pour l'administration rapide d'un traitement adéquat que pour le pronostic. Les personnes atteintes de MPS présentant des germes à Gram négatif ont tendance à se présenter plus tôt en postopératoire que celles présentant des germes à Gram positif [8].
Une étude de 2022 a montré un lien entre la médiastinite aiguë dans le cadre d'une perforation de l'œsophage et les infections à levures, ce qui était en soi associé à un moins bon pronostic [5].
Dans une étude de 2022, il a été démontré que la cause principale du diagnostic souvent tardif de la MND était la présentation clinique souvent atypique. La plupart du temps, les personnes concernées présentaient des symptômes non spécifiques tels que des maux de gorge et des douleurs à la déglutition, mais moins de douleurs thoraciques primaires. La morbidité élevée décrite jusqu'à présent a été étayée par le fait que 75% des malades ont dû subir plusieurs opérations (4 à 5 fois) et que, dans plus de 80% des cas, ils ont dû recevoir des soins intensifs pendant plus d'une semaine. La mortalité observée correspondait plutôt à celle des estimations plus récentes, soit environ 9%. Un âge élevé (>67 ans) ou des valeurs de protéine C réactive (CRP) supérieures à 230 mg/l à l'admission se sont avérés être des facteurs de mauvais pronostic. Il semble que les survivantes et survivants ne souffrent pas nécessairement d'une baisse durable de leur qualité de vie, mais qu'une majorité d'entre eux se plaignent de dysphagie à long terme [1].
Jusqu'à présent, la classification anatomique d'Endo et al. [28] était utilisée pour choisir l'approche chirurgicale. Deux grandes études menées ces dernières années [6, 11] ont chacune proposé une nouvelle classification avec des implications thérapeutiques, dont il ressort que la mortalité associée à la MND était nettement plus faible que dans les études précédentes grâce à des voies d'abord chirurgicales précises et adaptées. Dans les deux études, une attention particulière a été accordée à la médiastinite postérieure, qui n'était pas considérée comme une entité distincte dans la classification antérieure et n'était donc pas associée à des implications thérapeutiques claires. Selon Guan et al. [6], la MND postérieure survient le plus souvent en cas d'abcès rétropharyngé. Sugio et al. [11] ont décrit une MND postérieure dans 34% des cas de médiastinite sous-carinaire étendue, qui était souvent accompagnée d'épanchements pleuraux et d'empyèmes et de leurs complications. Il s'est avéré qu'un drainage cervical était suffisant uniquement pour les médiastinites supra-carinaires antérieures. Dans les autres cas de figure, compte tenu de l'extension plus importante, d'autres mesures chirurgicales telles que la thoracotomie avec drainage et débridement sont le plus souvent recommandées [6]. Sugio et al. [11] ont décrit une mortalité à 30 jours de 3,6%, ce qui est inférieur aux études antérieures.
L'algorithme dans la figure 4 donne une proposition pour la marche à suiver en cas de médiastinite aiguë.
Figure 4: Algorithme proposé pour la marche à suivre en cas de médiastinite aiguë.
BPCO: bronchopneumopathie chronique obstructive; TDM: tomodensitométrie; ORL: oto-rhino-laryngologique; MPS: médiastinite post-sternotomie; MND: médiastinite nécrosante descendante.

Perspectives

En raison de la rareté de la maladie, il est difficile de trouver des études multicentriques randomisées et contrôlées de grande envergure sur le diagnostic et le pronostic de la médiastinite aiguë. Il est également problématique que les recommandations thérapeutiques possèdent rarement un niveau de preuve élevé et qu'à la connaissance des auteurs de cet article, il n'existe pas de «lignes directrices» claires, en particulier pour la MND. Les études les plus récentes [6, 11] permettent pour la première fois de dégager des implications thérapeutiques plus claires. Chez les patientes et patients souffrant d'infections odontogènes et oropharyngées, on ne trouve pas de constellation de risque particulière dans 50% des cas, raison pour laquelle une connaissance plus précise à ce sujet serait utile pour la prise en charge et la prévention. Globalement, il est essentiel que la médiastinite aiguë soit connue de tous les médecins en soins aigus en tant qu'affection clinique ou en tant que diagnostic différentiel avec diverses présentations, et que les mesures diagnostiques et thérapeutiques soient initiées rapidement en raison de la mortalité et de la morbidité élevées.

L'essentiel pour la pratique

  • La médiastinite aiguë est une cause rare de douleurs thoraciques, qui est souvent fatale en l'absence de traitement.
  • Les personnes touchées se présentent souvent avec une détérioration non spécifique de leur état général après une sternotomie, une endoscopie ou une infection de la sphère dentaire/ORL.
  • L'examen radiologique de référence est la tomodensitométrie avec produit de contraste.
  • La pose rapide du diagnostic et la mise en place immédiate du traitement sont déterminantes pour le pronostic.
  • Outre le traitement de la maladie de base, les antibiotiques à large spectre et l'assainissement chirurgical sont les principaux piliers de la prise en charge multidisciplinaire.
Eveline Tissot, médecin diplômée Universitätsklinik für Notfallmedizin,
Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern
Nous remercions chaleureusement le Dr méd. Samira Olga Kessler de l'Institut universitaire de radiologie diagnostique et interventionnelle et pédiatrique de l'Inselspital de Berne pour le traitement des images, M. Patrick Schwab de l'Office fédéral de la statistique pour les chiffres mis à disposition et le Dr méd. Lukas Baumann pour la relecture et les précieuses suggestions du point de vue infectiologique.
Dr méd. Sabrina Jegerlehner
Oberärztin
Universitätsklinik für Notfallmedizin
Inselspital, Universitätsspital Bern
Freiburgstrasse 16C
CH-3010 Bern
sabrina.jegerlehner[at]insel.ch
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