L’occlusion est l’interruption du transit intestinal quelle que soit sa cause, bénigne ou maligne. Son retentissement peut être aigu ou subaigu en fonction du processus exact. On distingue les occlusions mécaniques des occlusions fonctionnelles, et les occlusions par obstruction des occlusions par strangulation. L’expression de syndrome occlusif rend compte de la multiplicité potentielle des étiologies responsables.
Sommaire :
Une occlusion peut accompagner à peu près tout processus digestif ou rétropéritonéal en phase aiguë, mais à l’heure actuelle les étiologies les plus fréquentes chez les patients arrivant en occlusion sont les occlusions tumorales (sur obstacle tumoral colique ou carcinose péritonéale) et les occlusions sur brides post-opératoires, parfois des années après la première intervention. L’occlusion fonctionnelle n’est pas forcément bénigne, et l’occlusion mécanique n’a pas forcément une évolution péjorative précipitée non plus :
C’est le carré de Mondor : 1 Douleur abdominale 2 Vomissements 3 Arrêt des matières et des gaz 4 Météorisme :
Douleurs abdominales toujours présentes même si elles ne sont pas forcément violentes dans les occlusions fonctionnelles. Localisées ou diffuses, se traduisant souvent par des paroxysmes, en spasmes ou crampes traduisant la lutte de l’intestin qui conserve une partie de son péristaltisme en amont de l’obstacle. Le siège initial peut être un élément d’orientation mais il n’est souvent pas décrit très précisément.
Vomissements précoces en cas d’occlusion haute, tardifs en cas d’occlusion basse. D’abord alimentaires, puis bilieux et enfin fécaloïdes, qui peuvent être considérés comme un signe de gravité. S’ils ne sont pas constatés mais décrits comme des vomissements foncés ils peuvent être aussi liés à une hémorragie digestive haute et non pas une occlusion.
L’arrêt des matières et des gaz est constant et souvent précoce. L’arrêt des gaz est beaucoup plus fiable, à l’interrogatoire il faut parfois contourner la question du « faites vous des gaz » en précisant qu’on ne parle pas de flatulences, que tout le monde en fait normalement et demander au le patient si il a remarqué que « l’air ne sortait plus ». Il est rare que le patient réponde à côté en disant que « ça passe encore » dans une véritable occlusion. Il arrive parfois qu’un patient, souvent aux troubles intestinaux chroniques et au ballonnement fluctuant dramatise un peu en disant qu’il n’y a aucun gaz. Dans ce cas il n’y aura pas le choix que de faire faire les examens et parfois malheureusement on ne retrouve pas de signes occlusifs même au scanner.
Dans les occlusions basses sur obstacle fécal, il y a parfois de fausses diarrhées qui font hésiter sur le diagnostic, en général peu abondantes. Au stade précoce d’une occlusion haute, il peut y avoir l’évacuation normale du reste de l’intestin en aval de l’obstacle avec une selle normale alors que le patient est déjà symptomatique.
Les conséquences de l’occlusion vont être une distension du contenu intestinal en amont de l’obstacle. L’occlusion se comporte alors comme une déshydratation en créant un 3ème secteur. Suivant le mécanisme à l’origine de l’occlusion et secondairement dans une distension majeure avec amincissement de la paroi abdominale, plus encore s’il y a une ischémie ou une tumeur, il peut y avoir une perforation digestive avec péritonite et choc septique. Les mécanismes ischémiques entrainent aussi une translocation bactérienne avec ce même risque septique sans perforation.
Le météorisme (ballonnement visible, tympanisme) est quasi constant dès que l’occlusion est présente depuis quelques heures. Il faut se méfier des obstacles très haut situés où il ne peut pas y avoir réellement de météorisme, au maximum si les vomissements ne vident pas l’estomac on verra une dilatation gastrique. Sur les gros abdomens distendus, ou chez l’obèse, si cliniquement on est pas sûr d’avoir affaire à un météorisme mais à une ascite, l’échographie en salle est précieuse. Par contre cliniquement on ne peut plus réellement à l’heure actuelle décrire précisément ce météorisme et sa localisation comme dans les livres anciens de chirurgie où les cas arrivaient avec de gros retards diagnostiques (sauf peut-être sur les volvulus du sigmoïde).
Il faut rechercher les cicatrices parce que les patients ne se rappellent pas toujours avoir été opérés, considèrent que les cicatrices de hernies ou de césariennes ne sont pas des opérations abdominales. La cœlioscopie n’étant pas si ancienne, en général ils s’en souviennent (toujours essayer de demander si on ne leur a pas retire un « bout » d’intestin, d’appendice, de vésicule, d’utérus et d’annexes chez les patients âgés). Les cicatrices anciennes sont en général visibles même chez des patients en surpoids donnant des abdomens marqués comme un champ de bataille (je fais dans le lyrisme ici parfois). Ces cicatrices doivent faire penser à la possibilité d’occlusions sur brides plus que des étranglements d’éventrations (ce qui est quand même possible).
Les orifices herniaires doivent être palpés, ce n’est pas toujours évident et donc les échographier au moindre doute ou les scanner si la clinique ne peut être affirmative d’une occlusion par étranglement herniaire.
Les touchers pelviens (toucher rectal TR et toucher vaginal TV) faisaient partie de l’examen systématique d’un abdomen aigu … quand on ne disposait que péniblement que d’une radiographie d’abdomen. Ce n’est plus tellement d’actualité, parce qu’il y aura quasiment toujours un examen d’imagerie (sauf les occlusions récidivantes et traitées médicalement). Les renseignements apportés par le TR ou le TV sont minces pour ne pas dire inexistants. Diagnostiquer un fécalome au scanner sans avoir fait de TR n’est pas une faute médicale si le tableau clinique pouvait évoquer un volvulus ou une sténose tumorale. Pratiquer systématiquement un TR/TV chez un patient jeune, ce n’est certes pas dramatique mais ce n’est souvent pas très bien vécu. Le TV ne renseignerait d’ailleurs qu’exceptionnellement sur une masse pelvienne responsable de l’occlusion.
Les patients âgés sont plus facilement compliants à cet examen qu’ils ne voient pas comme intrusif. Ceux ci étant plus à même de faire un fécalome, il est aussi plus logique de continuer à les examiner à cet endroit. Néanmoins certaines impactions fécales sont relativement hautement situées et donc pas accessibles au TR. Il peut aussi coexister quelques matières résiduelles et un niveau d’occlusion plus haut situé dans l’abdomen. Enfin tout vieillard dément et grabataire ne fait pas forcément une occlusion sur fécalome mais peut aussi étrangler une hernie ancienne qui n’a jamais été opérée ou faire une bride.
Les complications dépendent de la nature et du mécanisme de l’occlusion avec déshydratation, hypovolémie par création d’un 3ème secteur, insuffisance rénale, ischémie digestive voire syndrome compartimental abdominal.
Un bilan biologique standard est généralement réalisé, dans l’idée d’un préopératoire, couplé à un bilan hépatique et pancréatique si on suspecte une étiologie biliaire. On recherche principalement en signes de gravité une hyperleucocytose d’origine septique, ou de souffrance intestinale, et des anomalies ioniques (hyponatrémie ou hypernatrémie , hypokaliémie), associées à l’élévation de la créatinine (insuffisance rénale aiguë), une élévation de l’hématocrite par hémoconcentration. Les lactates peuvent être un témoin de souffrance tissulaire aussi. Si la diurèse est conservée, une chimie urinaire rapide peut être analysée en fonction des résultats sanguins, mais cela apporte peu de renseignements en urgence.
Elles sont caractérisées par une paralysie intestinale réactionnelle. Il n’y a pas de bruit hydro-aérique à l’auscultation sans que cela revête un caractère de gravité comme dans les occlusions mécaniques ischémiques. Le liquide gastrique est peu abondant et clair. Les signes généraux et biologiques sont modérés. L’ASP montre une dilatation diffuse du grêle et ou du colon
Un grand nombre de pathologies déjà évoquées sur le site sont susceptibles de s’accompagner d’une occlusion réflexe ou iléus :
Mais tout foyer infectieux ou inflammatoire, même à distance peut finalement engendrer une occlusion fonctionnelle associée. La période post-opératoire de chirurgie abdominale mais également de toute chirurgie importante, surtout sous anesthésie générale, est propice à l’iléus. De même que des situations médicales, neurologiques, métaboliques s’accompagnent d’occlusion fonctionnelle : hypokaliémie, hypothyroïdie, prophyrie, saturnisme, oedème angioneurotique …
Une dernière étiologie est représentée par le syndrome d’Ogilvie, colectasie, pseudo-obstruction colique idiopathique. Elle réalise une dilatation aiguë du cadre colique sans obstacle. Elle concerne les patients âgés, institutionnalisés, grabataires, les patients de réanimation. Elle s’installe progressivement avec arrêt incomplet du transit, un météorisme diffus, volumineux et non douloureux avec distension colique en radiographie plus important à droite. Le traitement repose sur l’exsufflation en coloscopie, qui, si la paroi est très amincie n’est pas sans risque de perforation. Les récidives parfois très rapides sont fréquentes.
Reste une des 3 dernières indications d’ASP en urgence (avec la recherche d’un pneumopéritoine sous les coupoles diaphragmatiques et d’un corps étranger ingéré). Se base sur l’évaluation en position debout des niveaux hydro-aériques, centraux nombreux plus larges que hauts en cas d’occlusion du grêle, au contraire périphériques peu nombreux plus hauts que larges en cas d’occlusion colique. Tous les patients ne supportent pas de rester debout malheureusement, il faut se contenter d’un cliché couché montrant juste une distension des anses intestinales et éventuellement d’un cliché de profil en décubitus dorsal en rayon horizontal pour voir quelques niveaux.
L’aérobilie se voit rarement en cas d’iléus biliaire, de même que la pneumatose intestinale en cas de gaz intramural.
La radiographie avec ingestion de produit de contraste iodé est à mon avis un non-sens, elle se fait parfois, y compris pour le scanner en double contraste (IV et PO) dans les occlusions de diagnostic difficile. Il est évident que chez un patient qui vomit, ce n’est pas très malin, cela se réalise par la sonde gastrique mais il est néanmoins préférable de l’éviter.
On décrivait avant que l’échographie n’avait pas d’intérêt dans le bilan d’une occlusion du fait que l’air oppose une barrière aux ultrasons. En théorie c’est vrai, l’air ne permet pas le passage du faisceau et donc l’image est coupée. Sauf qu’on peut différencier (mais c’est subtil) l’air intra péritonéal de l’air intradigestif et ce de manière plus sensible qu’un pneumopéritoine sur l’ASP. On peut également visualiser l’intestin à partir du moment où celui-ci contient soit des matières soit encore mieux visible, du fluide intra et inter anses. Or les occlusions avec dilatation importante du grêle vont donner des images avec peu d’air, donc des niveaux mal visibles en ASP mais des images liquidiennes très évocatrices en échographie.
Sensibilité meilleure que l’ASP, presque autant que le scanner, potentiellement pas de faux négatif, est capable de faire la différence entre occlusion vraie et constipation sévère avec colectasie, étude possible des pneumopéritoines, fait la différence entre occlusion et ascite, grossesse, globe vésical
Mais : Ne retrouve pas la cause de l’occlusion, ne montre pas la zone de transition siège de l’occlusion (la bride etc), l’étude de la paroi est difficile et possible uniquement avec une sonde haute fréquence pour la couche superficielle d’un segment du grêle et donc ne témoigne pas clairement de sa vitalité.
En résumé, l’échographie ne donne que rarement l’étiologie de l’occlusion mais permet son diagnostic précoce, plus tôt que l’ASP. Utilisée en routine de FAST ultrasound, elle ne fait donc pas perdre de temps et réalise une économie peut être pas réellement financière (une échographie même rapide coûte plus cher qu’un ASP) mais de temps et de moyens puisqu’il n’y a pas besoin de brancarder jusqu’en salle de radio, l’échographie sera faite en salle d’examen directement.
Devenu incontournable dans l’évaluation d’un abdomen aigu, déjà sans injection donne beaucoup de renseignements, le contraste par injection intraveineuse de produit iodé, renseigne aussi sur l’ischémie pariétale digestive. L’injection est à éviter en cas d’insuffisance rénale avérée ou d’antécédent de réaction allergique aux produits de contraste radiologique, la préparation anti-allergique ne pouvant se faire en temps voulu. Il confirme le diagnostic et précise la gravité par présence d’épanchement intrapéritonéal associé, un pneumopéritoine de faible abondance, couvert ou au contraire volumineux quand on ne peut cliniquement distinguer du météorisme. Il précise le siège de l’obstacle et donc très souvent donne l’étiologie de l’occlusion. Les remarques sont les mêmes que pour l’ASP concernant l’ingestion de produit de contraste.
L’hospitalisation en milieu médico-chirurgical (ce qui concrètement dans les hôpitaux français ne veut rien dire …) est la règle … À première vue, toute occlusion de constitution rapide est susceptible de devoir être opérée, pas forcément séance tenante mais prochainement. En cas de signes de gravité il faut prévenir le chirurgien au décours du premier bilan et décortiquer les résultats du scanner avec lui. Les occlusions de constitution lente, seront traitées médicalement, et parfois aussi hospitalisées en médecine surtout chez des patients âgés polypathologiques. Ces situations sont dures à évaluer cliniquement chez des sujets qui s’expriment peu, et il est parfois extrêmement dur de les faire évaluer par le chirurgien.
Le traitement « conservateur » se base sur la réanimation et la réhydratation, la correction des désordres hydroélectrolytiques engendrés par le 3ème secteur. C’est rarement un remplissage vasculaire massif, et les cristalloïdes sont préférables aux colloïdes dans ce contexte. L’hyperhydratation n’est pas souhaitable non plus, surtout chez des patients insuffisants cardiaques. Les chocs doivent être traités en fonction de l’étiologie suspectée (septique en premier lieu). L’antibiopropylaxie sera employée au décours de l’acte opératoire, dans une occlusion sans suspicion de sepsis associé, elle n’a pas lieu d’être et risque de sélectionner les germes s’il y a une translocation bactérienne secondairement.
L’aspiration au moyen d’une sonde gastrique est classique, pas toujours bien supportée, et parfois finalement de très peu d’intérêt chez un malade qui ne vomit pas et qui a un météorisme modéré.
L’analgésie doit être employée sans hésitation même si on sait très bien que le paracétamol et les antispasmodiques sont peu efficaces, les anti-inflammatoires et l’aspirine contre-indiqués (sauf dans l’ileus de la colique néphrétique où les AINS sont très efficaces). Les morphiniques vont eux-même ralentir le transit, mais au tout premier jour d’une occlusion il n’y a pas de problème à soulager le malade le temps d’être sûr de l’étiologie de l’occlusion. Les solutions intermédiaires via le tramadol injectable ont finalement les mêmes effets secondaires et une efficacité modeste. On a plus la naïveté de penser que les signes d’examen physique surtout péritonéaux seront modifiés par la morphine, c’est faux, et quand bien même ce serait vrai, le patient finira toujours par avoir un scanner pour poser l’indication opératoire.
Le traitement étiologique est à réaliser chaque fois que possible, en particulier dans les occlusions fonctionnelles où la paralysie de l’intestin n’est qu’un réflexe.
Les occlusions par obstruction peuvent parfois céder sous traitement médical et permettre un traitement à froid dans de meilleures conditions (colectomie avec résection-anastomose en 1 temps).
Il doit rester présent à l’esprit que toute occlusion peut être opérée en cas de signe de gravité ou de modification du tableau clinique. L’intervention dépendra de l’étiologie retrouvée et utilisera une laparotomie ou coelioscopie avec iléostomie ou colostomie de décharge. Les hernies sont maintenant plus abordées par coelioscopie que par incision inguinale, même étranglées. L’invagination est traitée par … désinvagination et généralement sans résection intestinale. Les obstacles tumoraux coliques sont parfois dérivés chirurgicalement ou bénéficient de la pose d’une prothèse par coloscopie quand c’est possible, ceci permet d’ailleurs de temporiser la résection tumorale plutôt que de réaliser une stomie. Les occlusions sur brides et les volvulus sont opérées rapidement pour lever le risque d’ischémie pariétale. Les foyers infectieux digestifs sont drainés.
ECN Item 217 Occlusion intestinale
Conduite à tenir devant une occlusion intestinale aiguë , Chirurgie viscérale
Occlusion intestinale aiguë , SNFGE
L’occlusion intestinale chez le patient atteint de cancer , Le médecin du Québec
Occlusion digestive sur carcinose péritonéale , AFSOS
Palliation de l’obstruction intestinale , CFP
Occlusions intestinales , slideshare
Pseudo-obstruction intestinale chronique , Orphanet
La douleur abdominale , SFMU
Anesthésie pour urgences abdominales , Ileus post-opératoire , SFAR
Small bowel obstruction , Large bowel obstruction , Radiopaedia
Adult small bowel obstruction (abstract)
Intestinal obstruction during pregnancy
A peculiar cause of bowel obstruction
SBO ultrasound , The Short Coat
The truth about Small Bowel Obstruction , EMBlog Mayo Clinic
Small bowel obstruction , 5 min sono
Small bowel obstruction: Diagnosis by ultrasonography , ALiEM
Duodenum and small bowel , Ultrasoundcases
Small bowel obstruction , Ultrasoundpodcast
Cecal volvulus illustration (pdf)
Coelioscopie pour occlusion sur bride ATTENTION PROBLEME DE SON PARASITE, COUPER LE SON
Chirurgie pour occlusion du grêle sur fécalome
Chirurgie pour occlusion sur volvulus du grêle
DisImpactor, c’est pour désimpacter, je vous laisse deviner à quoi ça sert (et pour les naïfs c’est expliqué ici sur le site du « créateur » nuvomed) :
https://twitter.com/PLovett/status/390905640228757504 https://twitter.com/ultrasoundjelly/status/553700035884761088 https://twitter.com/EM_ResUS/status/560580548599349248 https://twitter.com/UltrasoundMD/status/547432958635020288
Merci beaucoup