Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3, 305-322
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Revue générale
Négligence spatiale unilatérale : une conséquence dramatique
mais souvent négligée des lésions de l’hémisphère droit
M. Urbanski, V. Angeli, C. Bourlon, C. Cristinzio, M. Ponticorvo, F. Rastelli,
M. Thiebaut de Schotten, P. Bartolomeo
INSERM U610, Pavillon Claude Bernard, Hôpital de la Salpêtrière, Paris.
Reçu le : 08/12/2005 ; Reçu en révision le : 30/06/2006 ; Accepté le : 12/09/2006.
RÉSUMÉ
Introduction. La Négligence Spatiale Unilatérale (NSU) est l’un des principaux syndromes observables après une lésion touchant l’hémisphère non
dominant pour le langage. Le handicap important qu’elle entraîne justifie la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge appropriés. États
des connaissances. L’étude de la NSU est motivée par son lien avec des phénomènes cognitifs importants sur le plan théorique (attention visuospatiale et conscience perceptive). Les localisations cérébrales des lésions pouvant engendrer une NSU sont multiples mais souvent centrées sur
la jonction temporo-pariétale droite et la substance blanche sous-jacente. Les manifestations de ce syndrome sont hétérogènes, mais on peut
observer des régularités comme un biais d’orientation automatique de l’attention vers le côté de la lésion. Perspectives. Les progrès des techniques
d’imagerie permettent de mieux comprendre les bases anatomiques de ce syndrome et d’appréhender les corrélats neuronaux de la conscience
perceptive. Parallèlement, cela permet le développement d’outils cliniques d’évaluation et de rééducation. Conclusion. Après une description clinique de la NSU et de ses bases anatomiques, cette revue abordera l’état des connaissances sur le plan théorique (modèles anatomo-cliniques et
simulatifs). Enfin, seront présentées plusieurs méthodes de rééducations qui offrent des perspectives pour la prise en charge de ce syndrome.
Mots-clés : Négligence spatiale unilatérale • Neuroanatomie • Théories cognitives • Modélisation • Rééducation
SUMMARY
Unilateral spatial neglect: a dramatic but often neglected consequence of right hemisphere damage.
M. Urbanski, V. Angeli, C. Bourlon, C. Cristinzio, M. Ponticorvo, F. Rastelli, M. Thiebaut de Schotten, P. Bartolomeo, Rev Neurol (Paris) 2007; 163:
3, 305-322
Introduction. Unilateral Spatial Neglect (USN) is a common consequence of right brain damage. In the most severe cases, behavioral
signs of USN can last several years and compromise patients’ autonomy and social rehabilitation. These clinical facts stress the need for
reliable procedures of diagnosis and rehabilitation. State of the art. The last 3 decades have witnessed an explosion of studies on USN,
which raises issues related to complex cognitive activities such as mental representation, spatial attention and consciousness. USN is
probably a heterogeneous syndrome, but some of its underlying mechanisms might be understood as an association of disorders of spatial
attention. A bias of automatic orienting towards right-sided objects seems typical of left USN. Afterwards, patients find it difficult to disengage
their attention in order to explore the rest of the visual scene. Neglected objects are sometimes processed in an “implicit” way. Perspectives. The development of behavioural paradigms and of neuroimaging techniques and their application to the study of USN has advanced
our understanding of the functional mechanisms of attention and spatial awareness, as well as of their neural bases. A number of new
procedures for rehabilitation have recently been proposed. Conclusion. The present review describes the clinical presentation of USN, its
anatomical basis and some of possible accounts of different aspects of neglect behavior. Results of computer simulations and of rehabilitation techniques are also presented with implications for the functioning of normal neurocognitive systems.
Keywords: Unilateral spatial neglect • Neuroanatomy • Attention • Simulation • Rehabilitation
INTRODUCTION
La Négligence Spatiale Unilatérale (NSU) est un syndrome neurologique se manifestant fréquemment après une
lésion de l’hémisphère cérébral non dominant pour le langage (voir pour revue Bartolomeo et Chokron, 2001). On
estime qu’environ 85 p. 100 des patients porteurs d’une
lésion hémisphérique droite présentent en phase subaiguë
des signes de NSU qui détermineront dans 36 p. 100 des
cas une NSU modérée à sévère (Azouvi et al., 2002). Ce
syndrome est caractérisé par une difficulté voire une impossibilité à détecter, s’orienter vers et identifier des événements situés dans l’hémi-espace gauche, indépendamment
de la présence d’un déficit sensoriel ou moteur élémentaire
Correspondance : M. URBANSKI, INSERM U610, Pavillon Claude Bernard, Hôpital de la Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris
Cedex 13. E-mail : urbanski@chups.jussieu.fr
M. URBANSKI et coll.
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(Heilman et Valenstein, 1979). Les patients se comportent
comme si la partie gauche de leur espace corporel et/ou
extra-corporel n’existait plus.
Le syndrome de NSU a donné lieu à de nombreuses recherches depuis ces 30 dernières années et reste à l’origine de nombreux débats encore actuellement tant sur le plan théorique
que sur le plan neuroanatomique.
L’intérêt pour la NSU provient des questions théoriques
qu’elle pose sur des activités cognitives aussi complexes
que la représentation mentale, l’attention et la conscience
de l’espace et sur leurs localisations et fonctionnement dans
le cerveau.
Sur le plan de la santé publique, la NSU pose des problèmes
importants, du fait qu’elle aggrave le handicap en gênant la
rééducation motrice (Appelros et al., 2002 ; Denes et al.,
1982 ; Jehkonen et al., 2000). La réhabilitation sociale de
ces patients est également compromise, du fait de la réduction d’autonomie déterminée par la NSU (par exemple, ces
patients ne peuvent plus conduire une voiture).
La compréhension des mécanismes de la NSU est importante pour fournir aux cliniciens des outils adaptés de diagnostic et de traitement (rééducation). La recherche sur la
NSU peut en outre contribuer à une meilleure compréhension
des mécanismes cérébraux du traitement de l’espace et des
corrélats neuronaux de la conscience perceptive.
DESCRIPTION CLINIQUE
En phase aiguë, les patients négligents présentent typiquement une déviation de la tête et des yeux vers la droite
et ne peuvent prêter attention aux événements du côté gauche.
Ils peuvent ne manger que ce qui se trouve à droite dans
leur assiette, ne se raser ou se maquiller que la partie droite
du visage, ne lire que l’extrémité droite des journaux ou des
livres (dyslexie de l’héminégligence). Ainsi, les patients
héminégligents agissent comme s’ils ignoraient la moitié
gauche de l’espace. En dessinant de mémoire ou en copiant
une fleur ou une maison, ils omettent les détails de gauche.
Ils déplacent vers la droite le milieu subjectif d’une ligne
horizontale lors d’une tâche de bissection (Fig. 1).
Certains patients vont apprendre à compenser leur NSU
dans la vie quotidienne et dans les tests alors que d’autres
vont présenter une chronicité pouvant aller à plusieurs
années après l’accident vasculaire, ce qui rend d’autant plus
importante la question de trouver des moyens de rééducation
adaptés pour ces patients dont l’évolution de la NSU est
moins favorable.
Mise en évidence de la NSU dans les tests
neuropsychologiques
Fig. 1. – Exemple de copie de dessin et de bissection de ligne
chez un patient négligent.
Copy of a drawing and bisection of line performed by a neglect
patient.
simples (papier/crayon) et peuvent être administrés au lit du
patient, en prenant garde de maintenir centrée la feuille de
test par rapport au tronc du patient. Deux batteries validées
sont souvent utilisées pour évaluer la NSU : La Behavioural
Inattention Test comportant une série de tests conventionnels et neuf tests dits « comportementaux » (Halligan et al.,
1991a) et la Batterie d’Évaluation de la Négligence Spatiale
Unilatérale du GEREN, de langue française, validée sur une
population de 206 patients permettant une évaluation à la fois
du niveau de déficit, mais également de ses conséquences
fonctionnelles (Azouvi et al., 2002 ; pour les données normatives, voir Rousseaux et al., 2001). Cette batterie comporte
des tests visuo-peceptifs (cf. par exemple le test des figures
enchevêtrées), visuo-graphiques (cf. par exemple la copie
de dessin) ainsi que l’échelle Catherine Bergego (ECB),
questionnaire en 10 items d’auto-évaluation de la NSU par
le patient et par le thérapeute, permettant ainsi d’apprécier
l’importance de l’anosognosie associée à la NSU (Bergego
et al., 1995).
COPIE
(GAINOTTI
ET AL.,
1972)
Les patients négligents omettent ou distordent les éléments
situés sur la gauche de la feuille (NSU centrée sur la scène,
ou « scene-based »). Certains patients présentent un phénomène de NSU centrée sur l’objet (« object-based ») dans
laquelle tous les éléments sont présents mais la partie gauche
d’un item peut être manquante (Gainotti et al., 1972 ; Marshall et Halligan, 1993 ; Walker, 1995) (Fig. 2). Enfin, certains
patients peuvent aussi déplacer certains éléments situés à
gauche sur le modèle du côté droit lors de la copie (allochirie :
Critchley, 1953 ; Halligan et al., 1992).
TESTS
Parfois, les patients ne présentent pas de signes cliniques
évidents de NSU en phase subaiguë, et la NSU peut donc
passer inaperçue si on ne fait pas de tests spécifiques sur
lesquels repose le diagnostic. Ces tests standardisés sont
DE DESSIN
DE BARRAGE
Les patients doivent cocher ou entourer des traits (Albert,
1973) (Fig. 3), des lettres (Mesulam, 1985) (Fig. 4), des
formes (Gauthier et al., 1989 ; Halligan et Marshall, 1991a)
(Fig. 5). En général, ils débutent l’exploration du côté droit
et omettent les éléments situés à gauche.
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che. Souvent, même sans omission, on observe quand
même une nette tendance des patients à dénommer en premier
les items situés à droite.
Du fait que la NSU peut se manifester dans l’espace représentationnel, d’autres épreuves en permettent une évaluation
plus spécifique : comme par exemple, les dessins de mémoire
ou les épreuves reposant sur l’évocation mentale d’un espace,
notamment l’évocation mentale de la carte de France (Rode
et al., 1995 ; pour une revue des différents types d’épreuves
d’évaluation voir Gainotti et al., 1989).
Fig. 2. – Exemple de copie réalisée par une patiente présentant
une négligence centrée sur la scène (le dernier arbre à gauche est
manquant) et sur l’objet (la partie gauche de la maison et celle du
sapin sont manquantes).
Copy of drawing performed by a patient showing an association of
scene-based neglect (the leftmost tree is missing) and object-based
neglect (the left part of the house and of the fir tree are missing).
BISSECTION
DE LIGNES
Quand on demande aux patients d’indiquer le milieu
de lignes horizontales de différentes longueurs, ils dévient
vers la droite le milieu subjectif (Schenkenberg et al., 1980)
particulièrement pour les lignes longues. Paradoxalement,
le milieu subjectif des lignes courtes est dévié à gauche
(« cross-over effect », Marshall et Halligan, 1989) (Fig. 6).
FIGURES
ENCHEVÊTRÉES
(GAINOTTI
ET AL.,
1991)
Les patients doivent dénommer différents dessins d’objets
qui sont en partie superposés (2 à gauche, 1 central et 2 à
droite) (Fig. 7). Certains patients omettent les items de gauche, ou font des erreurs de reconnaissance en se focalisant
sur les détails de droite des objets situés dans l’espace gau-
BASES NEUROANATOMIQUES DE LA NSU
Cortex pariétal
Brain (1941) a le premier souligné l’importance des régions
pariétales postérieures à l’origine du tableau d’agnosie spatiale unilatérale. Par la suite, Hécaen et al. (1956) ont montré,
dans une étude radio-anatomique, l’importance de la région
pariéto-occipito-temporale droite à l’origine du syndrome
apraxo-agnosique (chez des patients ayant subi une exérèse
chirurgicale de cette région du fait d’une épilepsie rebelle).
Cette région a par la suite été confirmée sur une population
plus importante de 179 patients (Hécaen et al., 1972) ainsi
que par les premières études en imagerie cérébrale par Heilman et al. (1983a) et par Vallar et Perani (1986). La NSU
est retrouvée le plus fréquemment après lésion du lobule
pariétal inférieur, plus particulièrement dans sa portion à la
jonction avec le lobe temporal et plus rarement la portion
dorso-latérale du lobe frontal de l’hémisphère droit (voir
pour revue Vallar, 2001).
3 4 5
Fig. 3-5. – Exemples de performances de deux patientes lors des tests de barrage.
Dans le barrage de traits (Albert, 1973) (Fig. 3), le sujet doit cocher tous les traits qu’il voit. Ici la patiente commence par cocher un trait à
l’extrémité droite (flèche) puis poursuit uniquement le test sur la moitié droite de la feuille. Dans le barrage de lettre (Mesulam, 1985) (Fig. 4),
le sujet doit entourer tous les « A » répartis de façon symétrique entre la moitié gauche et la moitié droite de la feuille. La même patiente
n’est parvenue qu’à entourer les A à l’extrémité droite de la feuille. Dans le barrage de cloches (Fig. 5) (Gauthier et al., 1989), le sujet doit
entourer toutes les cloches réparties parmi des distracteurs visuels de façon symétrique. Ici une autre patiente parvient à franchir la ligne
médiane mais l’extrémité gauche de la feuille n’est pas explorée.
Performance of two neglect patients in cancellation tasks. In the line cancellation task (Albert, 1973) (Fig. 3), participant has to cancel all the
displayed lines. Here the patient began to cancel a line at the rightmost part of the sheet (arrow) and restricted her performance to the right
half of the paper sheet. In the letter cancellation task (Mesulam, 1985) (Fig. 4), participant has to cancel all the “As” distributed symmetrically
between the right and the left parts of a sheet. The same patient only managed to cancel “As” at the right end of the sheet. In the bells test
(Gauthier et al., 1989) (Fig. 5), participant has to cancel bells distributed across visual distractors symmetrically. Here, another patient managed
to cross the midline, but the left end of the sheet is under-explored.
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Fig. 6. – Illustration de la performance des patients en fonction de la longueur des lignes à bissecter. Pour les lignes
longues, les patients déplacent le milieu subjectif vers la droite
de façon importante. Pour les lignes courtes, le milieu subjectif est plutôt déplacé à gauche.
Typical performance of neglect patients as a function of the
line length in a line bisection task. For long lines, patients
displace the midpoint far to the right of the true centre. For
short lines, the subjective midpoint is displaced to the left of
the true centre (“cross-over effect”).
Fig. 7. – Exemple du test des figures enchevêtrées de Gainotti et al. (1991). Les réponses des patients sont notées dans l’ordre de production.
Example of the overlapping figures test (Gainotti et al., 1991). The order of the responses is reported.
Le sillon intrapariétal sépare le lobule pariétal supérieur
(dont la lésion engendrerait plutôt des comportements de type
ataxie optique : Perenin et Vighetto, 1988) et le lobule pariétal
inférieur (dont la lésion engendrerait des comportements de
NSU : Jeannerod et al., 1994, et des difficultés de manipulation
d’objets : Binkofski et al., 1999). De nombreuses aires
ont été identifiées dans le sillon intrapariétal chez le singe
(LIP : aire intrapariétale latérale ; AIP : aire intrapariétale
antérieure ; MIP : aire intrapariétale médiane ; VIP : aire intrapariétale ventrale). L’implication du LIP dans la conscience
visuo-spatiale gauche a été postulée chez l’homme (Marshall
et al., 2002 ; Vallar, 2001) à partir notamment des travaux
réalisés sur le singe chez qui les neurones du LIP sont dévolus à une représentation de saillance des objets ayant une
pertinence pour le comportement de l’animal et dont
l’activité est corrélée aux déplacements de l’attention dans
l’espace dans des tâches requérant la détection perceptive ou
la mémoire spatiale (Gottlieb, 2002 ; Gottlieb et al., 1998). Ils
sont également impliqués dans les mouvements de saccades
du fait des projections massives avec les colliculi supérieurs
et le champ oculo-moteur frontal. Le rôle de ces neurones
pourrait également expliquer que des traitements comme la
stimulation calorique vestibulaire ou la vibration des muscles
de la nuque à gauche puissent diminuer transitoirement la
NSU. La plupart des neurones du LIP encodent la localisation des stimuli en coordonnées rétinotopiques mais leur activité est modulée par des information sur les variables
posturales comme la position et le mouvement des yeux, de
la tête, du bras (Andersen et al., 1997 ; Duhamel et al., 1997)
ce qui permet une localisation spatiale précise dans divers
cadres de références et peut expliquer que la NSU puisse se
manifester simultanément par rapport à ces cadres (Driver et
Mattingley, 1998 ; Gottlieb, 2002 ; Pouget et Driver, 2000).
Ce rôle intégratif multi-modal du cortex pariétal est favorisé
par la présence de nombreux neurones ayant des champs
récepteurs bimodaux (auditivo-visuel au niveau du LIP et
plutôt visuo-tactile au niveau du VIP), ce qui pourrait expliquer le fait que la NSU puisse concerner plusieurs modalités
sensorielles. De plus, les fortes connexions du lobe pariétal
avec les systèmes moteurs, pré-moteurs ainsi que les aires
extra-striées lui confèrent un rôle clef pour une orientation
motrice et perceptive coordonnées vers des cibles.
Cette localisation pariétale a été précisée par la suite à
partir d’études utilisant la méthode de superpositions de
lésions (Bates et al., 2003 ; Frank et al., 1997 ; Rorden et
Karnath, 2004) au gyrus angulaire et à la partie médiane du
lobe temporal (Mort et al., 2003). Cette dernière région,
assez inattendue, reste cohérente avec les résultats en imagerie fonctionnelle qui rapportent une activation de cette
aire temporale lors de l’encodage d’une localisation spatiale ou de la récupération en mémoire de cette localisation
(Epstein et al., 1999).
Autres localisations moins fréquentes
Des cas de NSU ont été rapportés également après des
lésions dans différents territoires perfusés par l’artère cérébrale moyenne : le lobe frontal inférieur (Husain et Kennard,
1997) ; les ganglions de la base (Damasio et al., 1980 ; Ferro
et al., 1987 ; Healton et al., 1982 ; Karnath et al., 2002a ; Karnath et al., 2005) ; le thalamus (Cambier et al., 1980 ; Rafal
et Posner, 1987 ; Schott et al., 1981 ; Watson et Heilman,
1979) ; le gyrus cingulaire, bien que de façon rare (Heilman et al., 1983b) du fait de son implication dans des tâches
de déplacements de l’attention, d’exploration oculomotrice et
de recherche manuelle chez les sujets normaux (Gitelman et
al., 1999 ; Kim et al., 1999 ; Nobre et al., 1997).
Des cas de NSU après accident vasculaire touchant l’artère
cérébrale postérieure ont également été rapportés, notamment
lorsque des régions plus antérieures du lobe occipital
sont également lésées (Cals et al., 2002 ; Doricchi et Angelelli, 1999).
Enfin, certaines études ont valorisé plutôt les lésions
touchant le gyrus temporal supérieur (GTS) droit du moins
chez les patients n’ayant pas d’hémianopsie latérale homonyme gauche associée. Ce résultat suggère que cette région,
comparable à son homologue gauche dévolue au langage,
soit responsable de la conscience de l’espace chez l’homme
(Karnath et al., 2001 ; Karnath et al., 2002b ; Karnath et al.,
2004a ; Karnath et al., 2004b) d’autant qu’elle reçoit de
nombreuses afférences multimodales sensorielles (Jones et
Powell, 1970). Le GTS est également connecté à un réseau
anatomique cortico-sous-cortical avec le putamen, le noyau
caudé et le pulvinar qui, quand ils sont lésés, génèrent aussi
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le syndrome d’héminégligence mais le rôle d’une lésion du
cortex temporal supérieur dans la NSU est contesté par
d’autres études (Doricchi et Tomaiuolo, 2003 ; Hommet et
al., 2004 ; Marshall et al., 2002 ; Mort et al., 2003 ; Thiebaut de Schotten et al., 2005).
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vante d’imagerie cérébrale, le tracking de fibres, cette zone a
été identifiée comme une portion du faisceau occipito-frontal
supérieur.
BASES COGNITIVES DE LA NSU
Fibres de la substance blanche :
une issue possible du débat
En effet, il semble qu’une combinaison de lésions du cortex pariétal inférieur à des disconnexions sous-corticales
pariéto-frontales (Doricchi et Tomaiuolo, 2003 ; Gaffan et
Hornak, 1997) ou à la fois pariéto-frontales et pariétotemporales (Leibovitch et al., 1998) soient les causes les
plus fréquentes d’observation du syndrome de NSU. Chez le
singe, Gaffan et Hornak (1997) ont observé une NSU plus
sévère avec des lésions incluant la substance blanche qu’avec
des lésions confinées à la substance grise. Déjà Geschwind,
en 1965, avait proposé que la NSU puisse résulter d’une disconnexion entre les aires visuelles et somatosensorielles
hémisphériques droite, et l’hémisphère gauche, dominant pour le langage.
Certaines études ont confirmé l’implication de la substance
blanche sous-corticale dans le déterminisme du comportement
d’héminégligence en rapportant des cas de patients porteurs de
lésions touchant les fibres inter-hémisphériques du corps calleux (Heilman et Adams, 2003 ; Ishiai et al., 2001 ;
Kashiwagi et al., 1990). Cependant, plus récemment, il semble
qu’une lésion des fibres d’association intra-hémisphériques
soit principalement invoquée (Doricchi et Tomaiuolo, 2003 ;
Mort et al., 2003). Elle concerne des fibres d’association
pariéto-frontales dénommées en fonction des études comme le
faisceau longitudinal supérieur droit (Doricchi et Tomaiuolo,
2003) qui interconnecte le lobule pariétal inférieur au gyrus
frontal inférieur et au gyrus temporal supérieur (Catani et al.,
2005 ; Catani et al., 2002) ou le faisceau occipito-frontal supérieur droit, une autre voie de communication pariéto-frontale
(Nieuwenhuys et al., 1988 ; Thiebaut de Schotten et al., 2005).
Thiebaut de Schotten et al. (2005) ont mesuré les erreurs de
déviation vers la droite dans une tâche de bissection de lignes
au cours de stimulations électriques (inactivations transitoires) lors de la résection d’un gliome chez deux patients gauchers (l’un situé sur la partie caudale du lobe temporal droit,
l’autre sur le lobe pariétal inférieur droit). Diverses régions
corticales et sous-corticales dans la substance blanche
ont été stimulées afin de minimiser les dégâts de l’exérèse. L’inactivation de deux structures corticales déterminait une déviation : il s’agissait du gyrus supra-marginal (la
partie antérieure du lobule pariétal inférieur) et de la partie
caudale du GTS. En revanche, l’inactivation d’une partie
plus antérieure du GTS ainsi que du champ oculomoteur
frontal, ne provoquait pas de déviation significative. Toutefois,
les déviations les plus massives (de l’ordre de 30 p. 100 de la
longueur de l’hémisegment de droite de la ligne) étaient observées lors de l’inactivation de la substance blanche au fond
du lobule pariétal inférieur. Grâce à une technique inno-
Beaucoup de dissociations dans les manifestations de la
NSU ont été décrites. En effet, les patients peuvent montrer
une NSU dans l’espace proche et non dans l’espace lointain
(Halligan et Marshall, 1991a) ou l’inverse (Cowey et al.,
1994). Par exemple, certains patients peuvent dévier vers
la droite le milieu subjectif d’une ligne présentée sur une
feuille (espace péri-personnel) alors qu’ils pointeront
correctement le milieu d’une ligne présentée au loin (espace
extra-personnel) (Halligan et Marshall, 1991a). Les patients
peuvent montrer une NSU dans certains tests et non à d’autres
(Halligan et Marshall, 1992) voire des patterns opposés de
NSU (gauche/droite) en fonction de la tâche (Costello et
Warrington, 1987 ; Halligan et Marshall, 1998 ; Humphreys et
Riddoch, 1994). La NSU peut se manifester non seulement
dans l’espace visuel mais également auditif (Bisiach et al.,
1984 ; De Renzi et al., 1989), tactile (Bisiach et al., 1985 ;
Chedru, 1976) ou imaginé (Bisiach et Luzzatti, 1978 ; Bisiach
et al., 1981) ou encore engager des représentations centrées
sur le corps et/ou sur l’objet. Ces multiples dissociations
ont conduit à voir la NSU comme un déficit très hétérogène
(voir par exemple, Chatterjee, 1998 ; Stone et al., 1998 ; Vallar, 1994) voire comme une « entité sans signification » (Halligan et Marshall, 1992).
Bien qu’initialement la NSU ait été considérée comme liée
à des déficits sensoriels primaires comme l’hémianopsie latérale homonyme gauche (Bender, 1952), tous les patients négligents n’ont pas forcément de déficit du champ visuel, de
même que tous les patients hémianopsiques ne sont pas forcément héminégligents (Gainotti, 1968 ; Làdavas, 1987 ; McFie
et al., 1950). De plus, de nombreuses études ont montré une
préservation chez certains patients de traitements implicites
dans le champ visuel négligé pouvant aller jusqu’à un haut
niveau (Barton et al., 1998 ; Berti et al., 1992 ; D’Erme et al.,
1993 ; Halligan et al., 2003 ; Ishiai et al., 1996 ; Karnath et
Hartje, 1987 ; Làdavas et al., 1997a ; Marshall et Halligan, 1988 ; McGlinchey-Berroth et al., 1993 ; Volpe et al.,
1979).
Des déficits sous-jacents de plus haut niveau ont été
envisagés, tels que la difficulté à construire ou à explorer
une représentation interne de l’espace (théories « représentationnelles »), ou des difficultés à orienter l’attention dans
l’espace (théories « attentionnelles ») ou une disconnexion
à l’intérieur d’un vaste réseau impliqué dans la conscience
et l’attention spatiale.
NSU et représentation mentale
L’imagerie mentale correspond à la faculté par laquelle
nous pouvons visualiser un stimulus de mémoire (Bartolo-
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meo, 2002). Cette capacité du cerveau à produire des images
mentales permet la création de nouvelles représentations,
essentielle à la mise en œuvre des processus cognitifs les
plus complexes. En élaborant des images mentales nous
pouvons créer des cartes représentationnelles, attribuant une
dimension spatiale aux objets — dimension qui peut être
sélectivement endommagée dans la NSU. Parmi les premières
descriptions de patients présentant un déficit au niveau des
représentations spatiales, on trouve Bisiach et Luzzatti (1978)
qui ont introduit le terme de NSU représentationnelle. Ces
deux auteurs demandent à leurs patients de décrire une place
familière, la place de la Cathédrale à Milan (Piazza del
Duomo, Fig. 8), selon deux perspectives diamétralement
opposées.
Pour chaque point de vue, les patients rapportent les items
situés à droite et peu d’items, voire aucun, à gauche. Selon
Bisiach et Luzzatti, ce comportement reflèterait l’existence
d’une représentation spatiale analogique et symétrique dans
les deux hémisphères cérébraux qui serait partiellement
détruite dans la NSU représentationnelle. Les patients
auraient perdu la moitié gauche d’une représentation cognitive de l’espace. D’autres auteurs proposent en revanche que
le déficit ne se situerait pas au niveau de la représentation
mais plutôt au niveau de l’exploration de cette représentation
(Bartolomeo et al., 2005). La carte mentale serait intacte,
mais les patients ne seraient pas capables d’explorer la partie
gauche de leurs images mentales.
Suite aux descriptions de Bisiach et Luzzatti, de nombreux
cas de dissociation entre NSU représentationnelle et perceptive ont été rapportés (Beschin et al., 2000 ; Guariglia et al.,
1993 ; Ortigue et al., 2001). La question est alors de savoir
si la NSU représentationnelle est une entité à part entière
ou si elle fait partie intégrante de la NSU perceptive.
Fig. 8. – Photographie de la « Piazza del Duomo » à Milan. Dans
l’expérience de Bisiach et Luzzatti (1978), les patients devaient
s’imaginer sur la place et décrire tout ce qu’ils « voyaient » soit en
faisant face à la cathédrale soit en faisant dos à la cathédrale.
Photography of the “Piazza del Duomo” in Milan. In the Bisiach and
Luzzatti’s study (1978), patients have to describe the details that they
imagined seeing, either when facing the cathedral, or from the opposite vantage point.
Guariglia et al. (1993) rapportent le cas d’un patient qui
ne montre pas de signe de NSU personnelle, extra personnelle
ou péri personnelle, mais présente de sévères problèmes
dans la récupération d’items du côté gauche (des deux points
de vue opposés) de places familières. Ce patient a des performances normales pour les tâches requérant la génération
et la manipulation d’images d’objets. Beschin et al. (2000)
rapportent le cas remarquable d’un patient présentant une
sévère NSU personnelle droite ainsi qu’une NSU perceptive
droite, alors qu’une NSU représentationnelle se manifeste
du côté gauche. Ortigue et al. (2001) décrivent également
le cas d’une NSU représentationnelle, sans NSU perceptive.
Le patient omet systématiquement les items situés à gauche
lors des tâches d’imagerie. Ce pattern de performance suggère une dissociation entre imagerie mentale et perception
dans la NSU.
Néanmoins, certains auteurs proposent une hypothèse
alternative remettant en cause la dissociation de ces deux
déficits. Bartolomeo et al. (1994, 2005) suggèrent que
l’occurrence d’une NSU représentationnelle sans NSU perceptive peut se manifester au décours de la maladie. Les
patients montreraient originellement une association entre
NSU représentationnelle et visuelle, puis grâce aux stratégies
compensatoires perceptives (apprises en rééducation ou
hors rééducation), ils récupéreraient uniquement de leur
déficit perceptif. Cette explication peut être prise en compte
pour le patient de Guariglia et al. (1993) qui a été testé
pour la première fois seize mois après l’accident vasculaire
cérébral, et pour la patiente M.N. de Coslett (1997) évaluée
deux ans après son accident vasculaire cérébral.
Un cas semble aller à l’encontre de la position de Bartolomeo et al. (1994 ; 2005) : Beschin et al. (1997) rapportent un
patient avec un large infarctus pariétal droit sans signe évident
de NSU perceptive immédiatement après l’accident vasculaire cérébral mais présentant une NSU limitée à l’imagerie
visuelle. L’altération est extrêmement sévère lorsque le
patient est évalué par la description de places familières
et de la carte d’Italie. Le cas de NSU représentationnelle
pure décrit par Ortigue et al. (2001) semble également être
en contradiction avec cette hypothèse, puisque le patient
manifeste une NSU représentationnelle apparemment isolée
en phase aiguë.
L’un des problèmes de la mise en évidence de la NSU
représentationnelle pourrait être dû à la non spécificité et
sensibilité des épreuves. En effet, de nombreux tests utilisés
pour évaluer un déficit perceptif sont standardisés et permettent un consensus dans l’interprétation des résultats, alors
que les principales épreuves évaluant un déficit représentationnel font appel aux processus d’évocation, en demandant
aux patients de décrire de mémoire des lieux familiers.
Plusieurs points sont critiquables : 1) malgré l’instruction de
s’imaginer la scène « comme si elle se trouvait devant leurs
yeux », les patients peuvent simplement produire une liste
d’items provenant de leur mémoire sémantique verbale ;
d’ailleurs, il semble que le déficit ne soit observable que si
une composante spatiale est en jeu. Della Sala et al. (2004)
ont mis en évidence des troubles de la mémoire de travail
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Revue générale • Négligence spatiale unilatérale : une conséquence dramatique
visuo-spatiale dans la NSU représentationnelle. Quant à
Rode et al. (2004), ils montrent clairement chez un patient
présentant une NSU représentationnelle gauche durable que
le déficit n’est présent que dans la condition où il doit
imaginer mentalement l’espace à explorer mais disparaît
dans la condition où il doit évoquer le nom de villes sans
consigne d’imagination. 2) Ce type d’épreuve est influencé
par le niveau socio-culturel, ce qui implique une importante
variabilité inter et intra individuelle. Afin de pallier à ces
critiques, récemment Bartolomeo et al. (2005) ont créé une
tâche géographique sur la carte de France basée sur des
temps de réaction et permettant ainsi une mesure plus
contrôlée de l’imagerie mentale. Cette étude montre que
seuls deux patients présentent une NSU représentationnelle
en plus d’une NSU perceptive. Les patients étaient capables
d’imaginer des items à gauche mais ils présentaient un ralentissement du temps de réponse pour ces mêmes items par
rapport aux items de droite. La dissociation entre les temps
de réponse et la précision de la réponse suggère que le côté
gauche de leur carte mentale n’est pas perdu, mais seulement
« exploré » moins efficacement.
D’autres types de test permettant d’évaluer l’imagerie mentale sont les épreuves papier/crayon. Il est demandé aux
patients de réaliser des dessins de mémoire. Les deux patients
décrits par Bisiach et Luzzatti (1978) présentaient également une NSU gauche lors de la réalisation de dessins.
Cependant, le feedback visuel présent dans ces tâches papier/
crayon influence l’expression de la NSU. Ainsi, en comparant les performances de patients lors de la réalisation de
dessins de mémoire les yeux ouverts versus fermés, Chedru
(1976) puis Anderson (1993) remarquent alors que les
patients omettent moins de détails à gauche dans la condition
« yeux fermés ». D’autres auteurs (Chokron et al., 2004 ;
Halligan et Marshall, 1994) confirment ces résultats : les
dessins réalisés avec les yeux fermés permettraient l’évaluation réelle de l’imagerie mentale alors que la présence
d’un feedback visuel dans la condition « yeux ouverts »
311
accentuerait les signes de NSU (Fig. 9 et 10). Lorsque les
patients commencent à dessiner à droite, leur attention est
capturée par ces éléments déjà présents et empêche l’exploration vers le côté gauche (Chokron et al., 2004).
La NSU représentationnelle reste à l’heure actuelle un
déficit d’interprétation difficile et constitue un défi à la
fois pour la rééducation des patients et pour une meilleure
compréhension des liens qui existent entre l’imagerie
mentale et la perception visuelle.
NSU et orientation de l’attention
Les théories attentionnelles de la NSU reposent sur des
observations cliniques basiques comme la présence de
« l’attraction magnétique » du regard vers le côté ipsilésionnel (le fait que ces patients tendent à regarder vers la droite
dès qu’une scène visuelle se présente à leurs yeux, Gainotti
et al., 1991) et l’impossibilité apparente des stimuli présentés
du côté opposé à la lésion cérébrale à capturer l’attention des
patients. Il existe de nombreux résultats indiquant que la NSU
résulte d’une association de plusieurs désordres de l’orientation de l’attention dans l’espace (Bartolomeo et Chokron,
2002 ; Heilman et Van Den Abell, 1980 ; Mesulam, 1981).
MODÈLES ANATOMO-CLINIQUES
DE L’ATTENTION SPATIALE
La NSU est plus fréquente, plus sévère et plus durable après
une lésion touchant l’hémisphère droit qu’après une lésion
touchant l’hémisphère gauche (Beis et al., 2004 ; Stone et
al., 1991). Cette asymétrie a encouragé l’émergence de modèles
anatomo-cliniques du contrôle de l’orientation de l’attention
par les hémisphères cérébraux et a été également reproduite
par certains modèles mathématiques de simulation du comportement héminégligent.
Le modèle de Heilman (Heilman et Valenstein, 1979 ; Heilman et al., 1985 ; Heilman et al., 1983b ; Heilman et al.,
9 10
Fig. 9-10. – Exemples de dessins de papillon réalisés de mémoire par
un patient négligent. Yeux fermés (Fig. 9) et Yeux ouverts (Fig. 10) (Chokron et al., 2004).
Drawings from memory of a butterfly performed by a patient with left
neglect. Eyes closed (Fig. 9) and Eyes open (Fig. 10) (Chokron et al.,
2004).
M. URBANSKI et coll.
312
Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3, 305-322
1993) suppose que chaque hémisphère cérébral contrôle les
niveaux attentionnel et intentionnel de l’hémiespace controlatéral avec toutefois une compétence supplémentaire de
l’hémisphère droit pour activer les systèmes attentionnels
droit et gauche alors que l’hémisphère gauche ne pourrait
activer que le système attentionnel controlatéral. Le niveau
attentionnel et le niveau intentionnel mettraient en jeu
des réseaux distincts : 1) un réseau postérieur qui gérerait
l’attention spatiale via le thalamus qui filtre les informations
sensorielles vers le cortex et les régions associatives, et
2) un réseau antérieur qui géreraient l’intention via des
boucles cortico-sous-corticales passant par le thalamus
et les noyaux gris centraux. Une lésion hémisphérique
gauche ne déterminerait pas une NSU sévère puisque
l’hémisphère droit serait capable de compenser en partie
l’orientation de l’attention vers la droite alors que l’hémisphère gauche ne pourrait pas prendre le relais en cas de
lésion hémisphérique droite pour orienter l’attention vers
la gauche.
Le modèle de Kinsbourne (Kinsbourne, 1970, 1987, 1993)
suppose que l’activation d’un hémisphère a pour conséquence
l’apparition d’un biais attentionnel controlatéral. Les deux
hémisphères s’inhiberaient réciproquement par l’intermédiaire
du corps calleux. En condition physiologique, le vecteur attentionnel de l’hémisphère gauche serait plus puissant que celui
de l’hémisphère droit du fait de la prépondérance de l’activité langagière chez l’homme. Ainsi, une lésion hémisphérique gauche diminuerait l’importance du vecteur attentionnel et
permettrait une sorte de rééquilibre en diminuant également
l’inhibition exercée sur l’hémisphère droit. De ce fait,
une lésion gauche ne donnerait pas ou peu de signes de NSU
droite. En revanche, une lésion hémisphérique droite aurait
pour conséquence de rendre encore plus puissant le biais
attentionnel physiologique vers la droite, en libérant l’hémisphère gauche des inhibitions exercées par l’hémisphère droit.
Selon Kinsbourne, il faudrait donc parler plus d’« hyperattention droite » que de NSU gauche (mais voir Bartolomeo
et Chokron, 1999, pour des résultats qui vont à l’encontre
de ce modèle).
Le modèle de Mesulam (Mesulam, 1981, 2002) suppose
un circuit attentionnel impliquant trois régions interconnectées. Ces régions sont sous l’influence d’un système réticulé ascendant activateur permettant un niveau d’éveil et de
vigilance suffisants et sont connectées à la fois à des structures sous-corticales comme le colliculus supérieur, le pulvinar et le striatum mais aussi à un ensemble d’aires situées
dans le cortex pré-moteur, pré-frontal latéral, orbito-frontal,
temporal latéral supérieur, para-hippocampique et insulaire.
Mesulam décrit 1) un composant pariétal postérieur (comprenant le sillon intra-pariétal, une partie des lobules pariétal
supérieur, inférieur et temporo-médial supérieur) permettant la
création d’une représentation mentale dynamique d’événements saillants dans des coordonnées multiples et le calcul
des stratégies de mouvements attentionnels ; 2) le composant
frontal centré sur le champ oculomoteur frontal, les cortex
pré-moteur et préfrontal permettant la conversion de plans
et d’intentions en séquences motrices qui dirigent le foyer
attentionnel ; 3) le gyrus cingulaire permettant l’identification
de la pertinence motivationnelle des stimuli. Mesulam
ajoute également une dominance de l’hémisphère droit
pour contrôler bilatéralement la distribution attentionnelle
alors que l’hémisphère gauche n’aurait de compétence
que pour un contrôle controlatéral et postule que le volume et
l’activité des aires dévouées aux processus attentionnels
soient plus importants dans l’hémisphère droit que dans
l’hémisphère gauche.
BASES
NEURALES DE L’ATTENTION
De nombreuses études mettent en évidence la ségrégation
des aires cérébrales sous-tendant les différentes fonctions
attentionnelles et leur réseau en imagerie fonctionnelle
(Fig. 11), (Corbetta et Shulman, 2002). La préparation et
l’application d’une sélection « top down » (dépendante
des attentes du sujet) des stimuli et des réponses incluent
une partie du cortex intrapariétal et le cortex frontal supérieur
(notamment le champ oculomoteur frontal) : ce système
dorsal, bilatéral, correspondrait à l’orientation volontaire
de l’attention. Un autre système, ventral et latéralisé du
côté droit, est impliqué dans une sélection « bottom up »
(guidée par le stimulus). Il inclut le cortex temporo-pariétal
et le cortex frontal inférieur (Corbetta et Shulman, 2002).
Ce second système, automatique, est spécialisé dans la
détection des stimuli pertinents pour le comportement,
particulièrement quand ils sont saillants ou inattendus. Les
aires cérébrales de ce réseau ventral recouvrent en majorité
les régions corticales qui, quand elles sont lésées, provoquent
le syndrome de NSU (Corbetta et Shulman, 2002).
ATTENTION
EXOGÈNE VERSUS ENDOGÈNE ET
NSU
Le modèle de Posner (Posner, 1980 ; Posner et Petersen,
1990), issu de la psychologie cognitive, spécifie trois processus essentiels à la mise en jeu de l’orientation de l’attention
visuo-spatiale qui peuvent être étudiés au moyen du paradigme d’indiçage spatial (Posner, 1984 ; Posner et Petersen, 1990 ; Posner et al., 1982 ; Posner et al., 1984). Trois
carrés sont placés au centre de l’écran : un au milieu, un à
gauche et un à droite. La consigne donnée au sujet est de
détecter le plus rapidement possible une cible (ex : une
astérisque) qui apparaît dans l’un des deux carrés latéraux.
Des indices (épaississement du contour d’un carré périphérique, ou flèche centrale indiquant un des carrés latéraux)
peuvent être présentés avant l’apparition de la cible. On
distingue des indices valides, qui indiquent le bon côté
d’apparition de la cible, et des indices non valides qui
indiquent le carré opposé (Fig. 12).
La proportion des indices valides et non valides peut être
manipulée : soit les indices ne sont pas informatifs car la
cible apparaîtra autant de fois du même côté que du côté
opposé (condition 50-50 p. 100), soit le sujet a tout intérêt
à traiter la localisation de l’indice car elle lui indiquera dans
la majorité des essais la localisation de la cible (condition
80-20 p. 100). Le temps entre l’apparition de l’indice et celle
de la cible peut être plus ou moins long (par ex., de 150 à
1 000 ms). Ce paradigme permet de séparer les processus
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Revue générale • Négligence spatiale unilatérale : une conséquence dramatique
d’orientation automatique de l’attention (attention exogène)
des processus d’orientation volontaire (attention endogène) :
en effet, dans la condition avec indices non informatifs,
le sujet n’a pas d’intérêt particulier à traiter volontairement
l’indice alors que si les indices sont informatifs, le sujet
doit engager volontairement son attention sur l’indice pour
répondre plus rapidement à la cible. En réalité dans cette
dernière condition, la mise en jeu exogène de l’attention
n’est pas totalement absente du simple fait de l’apparition
des carrés et de l’indice, mais elle atteint son maximum au
bout de 150-200 ms de délai indice/cible ; après ce délai,
l’attention exogène est supplantée par l’attention endogène,
liée aux stratégies du sujet et qui demande donc plus de temps
pour se mettre en place. Chez les patients, plusieurs études
montrent que l’attention endogène vers le côté négligé
est relativement préservée, bien que ralentie (Bartolomeo
et Chokron, 2002 ; Bartolomeo et al., 2001) alors que l’orientation exogène est gravement perturbée, ce qui a pour effet
l’absence de capture automatique de l’attention du côté
négligé (Bartolomeo et al., 1999 ; Natale et al., 2005).
Selon les travaux de Posner et al., l’engagement de l’attention
vers une localisation spatiale dépendrait du pulvinar alors
que le mouvement de l’attention vers un nouvel emplacement
dépendrait du colliculus supérieur. De plus, les patients
négligents présentent un déficit de désengagement à droite
(le désengagement de l’attention serait sous-tendu par le
lobe pariétal postérieur) : une fois leur attention engagée
sur une cible du côté non négligé (à droite), ils montrent des
difficultés de réorientation de l’attention vers la gauche
313
(Bartolomeo et Chokron, 2002 ; Bartolomeo et al., 2001 ;
Posner et al., 1984).
Ce déficit d’orientation automatique vers le côté négligé
pourrait expliquer les comportements de déviation en bissection chez ces patients non pas comme le résultat d’une
compression de l’espace vers la droite (Halligan et Marshall, 1991b) mais plutôt comme la conséquence d’un déséquilibre attentionnel automatique (Bartolomeo et al.,
2004). En effet, Bartolomeo et al. (2004) ont montré que
les patients ne dévient vers la droite que lorsqu’il existe des
stimuli distracteurs ipsilésionnels alors que leurs performances
ne diffèrent pas de celles des témoins lorsqu’aucun stimulus
n’est présenté dans l’hémiespace droit. En effet, les stimuli
ipsilésionnels attirent automatiquement l’attention vers
l’hémiespace droit indépendamment de leur pertinence
pour la tâche (Corben et al., 2001) en augmentant ainsi le
déséquilibre attentionnel en défaveur de l’hémiespace gauche
(Bartolomeo et al., 2004).
Au vu de la correspondance entre les aires dévolues à
l’attention exogène et les régions lésées causant la NSU
et à l’instar des données cognitives, il semble essentiel de
considérer le déficit d’orientation automatique de l’attention à
gauche chez ces patients comme l’un des facteurs principaux
causant le syndrome de NSU.
Les troubles de l’attention sélective spatiale ne sont pas
exclusifs dans la NSU puisqu’il existe également des troubles
de l’attention sélective non latéralisés (« attentional blink »,
Husain et al., 1997). Chez les sujets normaux, la capacité à
détecter un second objet apparaissant moins de 400 ms
après la présentation d’un premier objet est altérée. Chez
11 12
Fig. 11. – Régions cérébrales activés lors de tâches impliquant l’orientation endogène (blanc) ou exogène (pointillés gris) de l’attention
(d’après Corbetta et Shulman, 2002). Le réseau exogène est latéralisé à droite.
Cerebral regions activated by tasks involving endogenous (in white) or exogenous (in gray dotted-line) orientation of attention (from Corbetta
and Shulman, 2002).
Fig. 12. – Illustration du paradigme de Posner et al. (1984). Après avoir fixé le carré central, un indice (épaississement du contour) apparaît
dans un des carrés latéraux pour une durée variable de temps. Ensuite apparaît une cible (astérisque) dans le même carré que l’indice
(condition valide) ou dans le carré opposé (condition non valide). Le sujet doit appuyer le plus rapidement possible sur un bouton dès qu’il
voit la cible.
Design of a cued reaction time task (Posner et al., 1984). Each trial began with the appearance of the three boxes for 500 ms with a fixation
point in the central box. Then the cue (brief brightening of the contour of one of the boxes) followed during 300 ms. The target (asterisk)
appeared at a variable Stimulus Onset Asynchrony (SOA) from the cue and remained visible until a response was made. The target (asterisk)
could appear in the box previously cued (valid condition) or in the opposite box (invalide condition). Participants are asked to maintain fixation
on the fixation point and to respond to the target as quickly and accurately as possible, by pressing the space bar.
M. URBANSKI et coll.
314
Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3, 305-322
les patients négligents, ce temps est multiplié par trois,
ce qui démontre que le déficit d’orientation de l’attention
dans la NSU n’est pas uniquement spatial mais également
temporel. D’autre part, il existe également des troubles de
l’attention soutenue (Hjaltason et al., 1996 ; Robertson et al.,
1995), un déficit fréquent de la mémoire de travail visuospatiale (Della Sala et al., 2004) ainsi qu’un déficit de remapping spatial du fait du dysfonctionnement du lobe pariétal
qui conduit à des difficultés à guider les saccades à travers
l’espace après qu’un objet à droite ou à gauche ait été fixé
(Husain et Rorden, 2003 ; Husain et al., 2001 ; Pisella et
Mattingley, 2004). L’association de ces différents troubles
dans la NSU est importante à prendre en considération
pour la compréhension du syndrome et les bases futures de
rééducation.
NSU et conscience
Les patients négligents semblent se comporter comme si une
partie du monde n’existait plus. Cependant, dans certains
cas, on a pu mettre en évidence des signes de « connaissance
implicite » des stimuli négligés (voir par exemple : Berti et
Rizzolatti, 1992 ; Marshall et Halligan, 1988 ; Volpe et al.,
1979). Certains patients semblent même capables d’éviter des
obstacles qu’ils assurent ne pas voir (McIntosh et al., 2004a ;
McIntosh et al., 2004b).
En 1988, Marshall et Halligan ont décrit une patiente qui
était incapable de décrire la différence entre deux dessins de
maisons identiques, sauf que dans l’un des deux des flammes
sortaient de la partie gauche de la maison (Fig. 13), mais préférait la maison sans flamme quand on lui demandait dans
laquelle elle préférerait vivre.
De même, malgré l’incapacité des patients à identifier de
manière explicite les mots ou les images présents dans leur
hémichamp négligé, la performance de certains d’entre
Fig. 13. – Exemple tiré de l’expérience de Marshall et Halligan
(1988). Les maisons sont présentées l’une au dessus de l’autre.
Line drawings of a house, in one of which the left side was on fire,
used in the Marshall and Halligan’s study (1988). Patient P.S
judged that the drawings were identical; yet when asked to select
which house she would prefer to live in, she reliably chose the
house that was not burning.
eux s’améliore considérablement lorsqu’on leur demande
de porter des jugements ou d’identifier par choix forcés
les cibles présentées dans le champ négligé (D’Erme et
al., 1993).
Des signes semblables de « perception implicite » peuvent
se retrouver dans les tâches de localisation de cibles latéralisées
(gauche ou droite) ou bilatérales (gauche et droite). Dans
une étude menée chez des sujets négligents et des sujets sains,
Marzi et al. (1996) ont montré que les 2 groupes de sujets
répondaient plus rapidement quand les cibles étaient présentes
des deux cotés par rapport à quand elles étaient présentées
en condition unilatérale (« redundancy target effect »). Cet
effet est présent chez les patients aussi bien dans les essais
où leur perception des 2 cibles était correcte que dans les
essais où ils avaient négligé la cible de gauche. Néanmoins, une autre étude a montré que des patients négligents étaient aussi lents à détecter les cibles en condition
unilatérale gauche qu’en condition bilatérale (Vuilleumier
et Rafal, 1999).
Un traitement implicite a été observé également lors des
paradigmes d’amorçage dont l’amorce, non perçue consciemment, a un effet sur le traitement du stimulus suivant. Quand
deux images, par exemple, sont présentées simultanément
à droite et à gauche du champ visuel, les patients négligents
nient voir celle de gauche et aucune perception ne semble
se réaliser. Cependant, si on leur demande de réaliser une
tâche de catégorisation ou de décision lexicale sur un mot
central lié sémantiquement ou non à l’image qui le précède
(l’amorce), le même effet d’amorçage présent chez les normaux peut se produire chez les patients : ils répondent mieux
et plus vite à la cible quand celle-ci est précédée par une
autre image de la même catégorie (ex : une rose et une marguerite). Cet effet — dit d’amorçage, est présent, voire supérieur (Schweinberger et Stief, 2001), quand l’amorce n’est
pas perçue consciemment par le patient (Berti et Rizzolatti,
1992 ; Làdavas et al., 1993 ; McGlinchey-Berroth et al.,
1993) Ces études d’amorçage chez les patients négligents
suggèrent donc fortement un traitement inconscient de l’image
du niveau perceptif jusqu’au très haut niveau du traitement
sémantique (McGlinchey-Berroth et al., 1993).
Les dissociations entre traitement explicite et implicite du
stimulus négligé ne semblent toutefois être présentes que
chez une minorité des patients. Pour la plupart des patients
négligents, la destinée du stimulus négligé semble être l’oubli
complet (D’Erme et al., 1993).
Souvent les patients négligents ne sont pas conscients
de leur déficits moteur, sensoriels ou cognitifs (anosognosie :
Babinski, 1914 et 1918). Il est important de lever l’anosognosie pour l’efficacité de la rééducation. Ce déficit de
conscience peut également concerner l’hémicorps gauche
des patients (hémiasomatognosie, qui est associée à l’anosognosie dans le syndrome d’Anton-Babinski) et entraîner
des chutes ou des contusions lorsque les patients se cognent
sur les obstacles situés du côté gauche. On assiste parfois
même à des phénomènes de rejet, de déni d’appartenance
de leur jambe ou de leur main gauche (misoplégie : Critchley,
1974). L’anosognosie pour l’hémiplégie semble associée
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Revue générale • Négligence spatiale unilatérale : une conséquence dramatique
aux lésions des aires prémotrices (BA 6 et BA 44), de l’aire
motrice BA 4 et du cortex somatosensoriel de l’hémisphère
droit (Berti et al., 2005).
MODÈLES SIMULATIFS DE LA NSU
Aujourd’hui, grâce aux progrès de l’informatique et de la
robotique, il est possible de construire des systèmes artificiels
(simulés ou physiques) qui réussissent à reproduire, au moins
pour certains aspects, le comportement humain et animal.
Cette méthodologie, dont l’esprit pourrait être traduit par
l’expression « construire pour comprendre », dispose d’un
grand potentiel théorique, parce que la construction d’un
modèle d’un certain phénomène permet de vérifier sa capacité explicative.
Au contraire, dans l’étude des phénomènes naturels, il
semble que trop souvent on se comporte comme les enfants
qui, pour comprendre comment un jeu fonctionne, le démontent en petits morceaux et, à la fin, se retrouvent avec un tas
de parties inutilisables.
Les simulations sont des théories interprétatives des phénomènes naturels formulées sous forme de programme (Parisi,
2001). Ce nouveau type d’investigation offre une série d’avantages non négligeables : exprimer une théorie comme un programme oblige tout d’abord à la définir quantitativement,
clairement, explicitement et de manière univoque, sans quoi
il est impossible que le programme fonctionne. La simulation
permet ensuite de vérifier que les prédictions du chercheur
résultent effectivement de sa théorie, car le programme qui
représente la théorie doit contenir tous les mécanismes et les
facteurs qui devraient expliquer un certain phénomène. Quand
on fait tourner le logiciel, il est possible de vérifier si les
phénomènes étudiés sont effectivement produits par l’action
des mécanismes supposés.
Dans l’étude des déficits attentionnels de la NSU, cela
se traduit par la nécessité de définir clairement et explicitement
les hypothèses sur les fonctions normales et pathologiques
des mécanismes de l’attention spatiale.
Les simulations constituent en outre des laboratoires virtuels
dans lesquels il est possible d’avoir un contrôle très élevé
sur la manipulation des variables et d’étudier dans un cadre
expérimental des phénomènes qui, pour plusieurs raisons,
n’y entrent pas facilement.
Pendant les dix dernières années, divers modèles simulatifs
ont été proposés afin d’explorer la NSU. Ces derniers sont fondés essentiellement sur des modèles connexionnistes et implémentés à partir de réseaux de neurones artificiels.
315
sentations de diverses zones de l’espace. Ainsi, le déficit de
désengagement peut être interprété comme une propriété
émergente de l’interaction des diverses parties du système
sans qu’il soit nécessaire de postuler l’existence d’un module
cérébral spécifique (« disengager »).
Mozer et collaborateurs (Mozer, 2002 ; Mozer et Behrmann,
1990 ; Mozer et al., 1997) ont utilisé un modèle connexionniste
formé par des structures de haut et de bas niveau pour l’attention spatiale et la reconnaissance des objets bi-dimensionels.
À l’aide de lésions graduelles effectuées sur les connexions
« bottom-up » qui reliaient une rétine artificielle à une couche
« attentionnelle », plusieurs comportements associés à la NSU
ont pu être reproduits, comme la dyslexie et la déviation à
droite dans la bissection de lignes.
Pouget et Sejnowski (1997) ont implémenté l’hypothèse
selon laquelle les neurones pariétaux calculent la fonction de
base des variables d’input dans un modèle computationnel
(Pouget et Sejnowski, 2001). Leur modèle effectue des transformations sensori-motrices où la réponse du neurone pariétal
est approchée avec le produit d’une fonction de Gauss de
la position de la rétine et une fonction sigmoïde de la position
de l’œil. En produisant des lésions sur ce modèle, les auteurs
ont réussi à reproduire des déficits semblables à ceux observés
chez les patients négligents.
Reproduction de l’asymétrie en faveur
de l’hémisphère droit dans la NSU
Anderson (1996 et 1999) a proposé un modèle dans lequel
la représentation des zones controlatérales et ipsilatérales
de l’espace est différente dans chacun des hémisphères et, en
particulier, que l’hémisphère droit intervient bi-latéralement
alors que l’hémisphère gauche intervient en premier lieu dans
l’hémiespace droit. La contribution totale des deux hémisphères à la représentation neurale générale de l’espace n’est
pas égale. En effet, la carte pariétale gauche est composée
d’un nombre moins grand d’unités que la droite. Lorsqu’on
le lèse, ce modèle reproduit la déviation à droite dans la bissection de lignes tout comme la dyslexie de la NSU.
Monaghan et Shillcock (2004) ont proposé un modèle
computationnel dans lequel les différences de bas niveau
entre les hémisphères, comme la grandeur des champs récepteurs, peuvent expliquer l’asymétrie droite/gauche typique.
Di Ferdinando et al. (sous presse) ont comparé les différentes théories de la NSU dans une étude de simulation, afin
de vérifier leur plausibilité théorique respective. Ils montrent
que les asymétries sont expliquées plus précisément par l’hypothèse d’une dominance de l’hémisphère droit pour les représentations spatiales de l’espace.
Reproduction mathématique de certains signes
de NSU
Perspectives : les réseaux écologiques
Cohen et al. (1994) ont pu obtenir le déficit de désengagement des patients négligents après avoir provoqué une
lésion dans leur modèle reproduisant les effets attentionnels
normaux de l’interaction et de la compétition entre les repré-
La modélisation des déficits neuropsychologiques et
du fonctionnement physiologique à travers la définition et
la lésion de modèles connexionnistes se dirige désormais vers
l’utilisation de « réseaux écologiques » (Di Ferdinando, don-
M. URBANSKI et coll.
316
Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3, 305-322
nées personnelles). Dans ces modèles, appartenant au cadre
de la Vie Artificielle (Langton, 1989), non seulement le cerveau et le système nerveux peuvent être simulés, mais aussi
les caractéristiques physiques d’un corps qui agit dans un
milieu physique et dont les caractéristiques ne sont pas définies a priori mais émergent de l’interaction entre l’organisme
et le milieu. Ce résultat est obtenu grâce à l’emploi d’un
algorithme d’apprentissage non supervisé, l’algorithme génétique (Mitchell, 1997), s’inspirant de critères évolutifs. Bien
que les réseaux de neurones et l’algorithme génétique ne soient
que des représentations très schématiques du cerveau et
de l’évolution, l’utilisation conjointe de ces deux méthodologies permet de reproduire des caractéristiques essentielles
des organismes vivants, et présentent un pas supplémentaire dans la direction de la plausibilité des modèles simulatifs en neuropsychologie.
du déficit alors que les patients négligents sont souvent
anosognosiques.
Les techniques « bottom-up »
Elles ne requièrent ni un niveau élevé de conscience du
déficit, ni un contrôle volontaire de l’attention vers la gauche (Frassinetti et al., 2002). Elles utilisent des stimulations
sensorielles pour rehausser la saillance et la représentation
de l’hémiespace gauche, en se basant sur le rôle intégratif
multi-modal du cortex pariétal postérieur. Ces techniques
sont des processus passifs, dont la durée des effets bénéfiques
sur les signes de NSU est confinée à la durée approximative
des modifications sensorielles ; ainsi l’amélioration reste très
limitée dans le temps et tend à disparaître dès que la manipulation est interrompue.
LA
PRATIQUES RÉÉDUCATIVES
DANS LA NSU
Malgré la possibilité dans la plupart des cas pour les patients
de compenser leurs déficits initiaux, d’autres présentent
une chronicité de leur NSU qui les handicape. Pendant les
30 dernières années, de nombreuses recherches ont montré
que certaines stimulations expérimentales pouvaient produire
une rémission transitoire des signes de la NSU.
Les techniques « top-down »
Elles entraînent les patients à porter leur attention vers le
côté négligé en stimulant les processus d’exploration visuospatiale (suivre le mouvement d’une lumière par exemple).
Mais si elles permettent d’améliorer le niveau de conscience
du déficit et la capacité à maintenir volontairement l’attention
du côté controlésionnel, elles ne permettent pas toujours
une généralisation aux activités de la vie quotidienne ni aux
autres tâches (Gouvier et al., 1987 ; Weinberg et al., 1977).
Il est donc nécessaire d’augmenter le nombre de tâches sur
lesquelles entraîner le patient, en particulier ajouter des tâches
écologiques, et ce sur une période de temps assez longue.
Par exemple, Pizzamiglio et al. (Pizzamiglio et al., 1992)
ont utilisé un traitement de 40 séances de réadaptation basé
sur 4 procédures principales. Ces tâches utilisaient 1) un
scanning visuo-spatial, 2) des tâches de lecture et copie de
matériel verbal, 3) une copie de projets ou de matrices
de points et 4) une description de figures. Tous les patients
ont montré une amélioration de la symptomatologie aussi
bien sur des tests visuo-spatiaux que sur une échelle fonctionnelle d’évaluation de la NSU (Zoccolotti et Judica,
1991). De même, Làdavas et al. (1994) ont entraîné des
patients à diriger l’attention vers l’espace contralésionnel
en utilisant des indices informatifs permettant de prédire
la localisation de la cible, ce qui a permis à ces patients
d’améliorer leur exploration vers la gauche. Malheureusement, ces procédures requièrent une bonne conscience
STIMULATION VESTIBULAIRE CALORIQUE
(SVC)
Cette technique consiste à provoquer une déviation du
regard et de la tête du côté de l’oreille où l’on aura instillé de
l’eau froide. On peut produire le même effet, avec une
intensité moindre, en introduisant de l’eau chaude dans
l’oreille controlatérale (Cappa et al., 1987 ; Rubens, 1985 ;
Vallar et al., 1990). Rubens (1985) a testé l’effet de la SVC
chez 18 patients négligents et a montré une réduction significative, bien que transitoire, des signes de NSU extracorporelle gauche évalués par un test de barrage de lignes et
un test de lecture. Des études ultérieures ont prouvé l’effet, là
encore transitoire, de la SVC sur d’autres manifestations de la
NSU comme la NSU corporelle, la NSU représentationnelle
ou sur des manifestations associées comme l’anosognosie ou
le délire somatophrénique (Geminiani et Bottini, 1992 ; Rode
et Perenin, 1994). Une des explications possibles est que
cette technique facilite les mouvements oculaires vers la
gauche (Chokron et Bartolomeo, 1999 ; Gainotti, 1993).
LA
STIMULATION OPTO-CINÉTIQUE
(SOC)
Les études chez les sujets normaux ont montré qu’une
stimulation optocinétique vers la gauche ou la droite détermine une activation de l’aire V5 (MT, MST), du sillon
intrapariétal supérieur et du putamen préférentiellement
dans l’hémisphère droit (Dieterich et al., 1998). De plus,
les singes chez qui on inactive l’aire MST montrent une
difficulté à initier un nystagmus en direction de l’hémisphère lésé ainsi qu’une perturbation de la poursuite oculaire
(Dürsteler et Wurtz, 1988).
La SOC utilise un arrière-plan se déplaçant vers la gauche
de façon à orienter automatiquement l’attention des patients
cérébrolésés droits du côté contralésionnel. Elle agit comme
l’arrière-fond en mouvement d’une scène visuelle, induisant
un réflexe qui permet au sujet normal de maintenir constante
l’image rétinienne lorsque son corps est en mouvement ou
que l’objet fixé visuellement se déplace, ou est présenté sur
un fond en mouvement.
Cette technique permettrait d’améliorer la NSU du fait
d’une réactivation indirecte de l’hémisphère droit lésé
par l’utilisation des afférences provenant de l’hémisphère
M. URBANSKI et coll.
Revue générale • Négligence spatiale unilatérale : une conséquence dramatique
© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
intact (Kerkhoff et al., 1999). De plus, Brandt et al. (2000)
ont montré qu’une stimulation vers la gauche produisait
une activation bilatérale de l’aire temporo-pariétale et des
ganglions de la base chez des patients avec lésion cérébrale
droite et hémianopsie controlatérale. Pizzamiglio et al. (1990)
ont mené des études avec SOC chez des contrôles, des
patients avec NSU et hémianopsie et des patients avec NSU
sans hémianopsie qui devaient effectuer une tâche de bissection de lignes présentées sur un fond de points en mouvement. Le mouvement horizontal du fond vers la droite ou
vers la gauche produisait un nystagmus optocinétique à une
vitesse stable et cohérente avec la direction du mouvement.
Chez tous les sujets, la SOC engendrait une déviation du
point subjectif de bissection, par rapport à la situation de
non mouvement. Le mouvement vers la gauche permet de
réduire l’erreur de bissection chez les patients négligents.
Concernant l’explication des bénéfices de cette méthode,
Gainotti (1993) souligne que la stimulation directe contralatéralement réoriente l’attention vers le côté négligé en
diminuant le biais ipsilésionnel. Vallar et al. (1995a) soutiennent que les effets de la SOC ont des répercussions sur
la proprioception, ce qui permet d’activer des représentations
multimodales de l’espace personnel dans l’hémisphère
droit et de réduire ainsi les signes de NSU.
LA
ROTATION GUIDÉE DU TRONC
Karnath et al. (1993) ont obtenu une réduction des signes
de NSU en imposant au tronc de patients négligents gauches une rotation de 15° vers la gauche. Poursuivant cette
démarche, Wiart et al. (1997) ont associé une rééducation de
l’orientation visuelle à un travail sur l’orientation volontaire du tronc. Un corset qui solidarise la tête et le tronc du
sujet, sur lequel est fixé une tige horizontale, permet au
patient de pointer vers des figures colorées placées sur un
panneau placé devant lui (ce dispositif a été conçu par Bon
Saint Côme). Le sujet est contraint d’imprimer une rotation
axiale à son tronc sous le contrôle de la vue pour déplacer
latéralement le pointeur. Les figures du panneau sont reliées à
un système lumineux et sonore qui d’une part assure le biofeedback au contact du pointeur, et d’autre part permet au
rééducateur d’indiquer les formes au patient (indiçage). Au
cours de 20 séances d’une heure, des patients ont été entraînés
à repérer et atteindre les figures à l’aide de la tige métallique,
la tâche se complexifiant progressivement (augmentation
du déplacement vers la gauche et diminution de l’indiçage).
Les résultats obtenus aux tests visuo-graphiques (au début
du protocole, à la fin puis un mois après) ont permis de montrer
un effet positif qui peut rester stable après un mois et est
transposable à une échelle d’indépendance fonctionnelle.
LA VIBRATION DES MUSCLES DE LA NUQUE
ET LA STIMULATION ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE
Karnath et al. (1993) ont appliqué des vibrations mécaniques transcutanées sur les muscles du côté gauche de la
nuque de patients négligents gauches, pendant une tâche de
détection visuelle latéralisée et ont observé une réduction
des signes de NSU (les vibrations imprimées du côté droit
317
n’aggravant pas les signes de NSU gauche). Vallar et al.
(1995b) ont utilisé ces stimulations sur la nuque et la main
de patients négligents et ont obtenus une amélioration des
résultats des patients à des tests de barrage de lettres ; Guariglia et al. (1998) ont obtenu avec cette procédure une amélioration de la NSU représentationnelle. Schindler et al. (2002)
ont montré un effet bénéfique et durable de cette méthode
associée à une rééducation de l’exploration visuelle par
rapport à une rééducation par entraînement de l’exploration visuelle seule.
LA
STIMULATION DU MEMBRE CONTRALÉSIONNEL
Cette technique se base sur l’observation que la NSU
diminue lorsque le patient utilise le membre gauche lors de
l’exécution des tests standards d’évaluation du déficit (Halligan et al., 1991b). Robertson et al. (1992) ont montré
que cette technique permet de réduire la NSU dans la vie
quotidienne pendant plusieurs semaines après la fin de la
rééducation. Même la simple stimulation proprioceptive de
la main gauche permet d’améliorer le déplacement des
patients (Robertson et al., 1994). Récemment, Làdavas et
al. (1997b) ont trouvé une amélioration dans une tâche de
recherche de stimuli visuels lorsque des mouvements passifs
de la main gauche étaient exécutés dans l’espace gauche
alors que des mouvements au centre ou à droite ou encore
exécutés avec la main droite ne permettaient pas d’observer
d’amélioration dans cette tâche. Ces effets peuvent se produire pour l’espace proche comme pour l’espace lointain
(Frassinetti et al., 2001).
L’ADAPTATION
PRISMATIQUE
(AP)
Cette nouvelle technique (Rossetti et al., 1998) permet
une amélioration des symptômes de NSU pour les tests
standards et les échelles fonctionnelles. Elle a de nombreux
avantages par rapport aux autres techniques de réhabilitation
de la NSU et ne demande qu’une courte période d’entraînement pour produire des effets bénéfiques durables (Frassinetti
et al., 2001). Elle ne requiert pas d’orientation volontaire
de l’attention vers le côté négligé comme pour les autres
techniques (Angeli et al., 2004). Cependant les recherches
n’ont pas encore permis une identification précise des processus à l’origine des effets de l’AP, bien que les hypothèses attentionnelles soient prépondérantes. Les patients
font des mouvements d’atteinte d’une cible visuelle avec la
main pendant et après avoir porté des prismes qui dévient
tout le champ visuel vers la droite. Pendant qu’ils portent
les prismes, ils apprennent ainsi à adapter leurs mouvements,
en corrigeant vers la gauche des mouvements déplacés à
droite par le système visuel (qui voit la cible plus à droite
par rapport à sa position réelle). Dans une première étude
faisant porter aux patients pendant 5 minutes des prismes
produisant une déviation visuelle de 10 degrés vers la droite,
Rossetti et al. (1998) ont observé une adaptation prismatique
chez tous les patients ainsi qu’un important « after-effect »,
consistant en l’amélioration de la NSU.
Des études suivantes ont rapporté des améliorations
considérables de la symptomatologie de la NSU suite à
M. URBANSKI et coll.
318
Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3, 305-322
l’AP lors de tâches visuo-motrices comme lors de tâches
représentationnelles (Rode et al., 2001 ; Rode et al., 1998), de
tâches visuo-verbales (Farnè et al., 2002), dans le déplacement
en fauteuil roulant (Rossetti et al., 1999) et lors de tâches
de contrôle postural (Tilikete et al., 2001). L’effet de l’AP
n’est donc pas seulement lié à des mécanismes sensori-moteurs
mais influence également des processus plus cognitifs (Berberovic et Mattingley, 2003 ; Mattingley, 2002 ; Rode et al.,
2003). Pour ce qui concerne la durée des effets induits par
l’AP, Rossetti et al. (1998) avaient obtenu un effet durant
deux heures consécutives à l’adaptation, mais d’autres études
ont obtenu une durée d’une semaine (Farnè et al., 2002).
Frassinetti et al. (2001) ont démontré le potentiel thérapeutique de l’adaptation de prisme en décrivant une amélioration
à long terme des patients négligents.
Les mécanismes sous-jacents à l’efficacité de cette technique ne sont pas encore compris avec précision. Rossetti
et al. (1999) proposent que l’origine de l’amélioration serait la
stimulation des mécanismes neuraux de bas niveau qui
contrôlent et corrigent les erreurs entre positions réelles/
prévues du bras lors de l’adaptation. Angeli et al. (2004)
ont proposé que l’amélioration de la NSU reflète des changements dans la commande du système oculomoteur.
CONCLUSION
Ces techniques offrent des perspectives de prise en charge
de la NSU, qui malgré sa fréquence, peut passer inaperçue
et reste souvent mésestimée au niveau de ses conséquences
sur le plan de la santé publique. Sur le plan théorique, une
meilleure compréhension du syndrome permettra de proposer
des modèles plus adaptés du fonctionnement normal de
la conscience de l’espace, des processus d’imagination
mentale et de l’attention visuo-spatiale. Sur le plan neuroanatomique, le débat commence à se résoudre grâce aux
nouvelles techniques d’imagerie (notamment IRM en tenseur
de diffusion), éventuellement couplées à la stimulation
électrique intra-opératoire, qui permettent de commencer à
envisager la NSU comme une pathologie des réseaux pariétofrontaux hémisphériques droits impliqués dans l’attention
et la conscience de l’espace.
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