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ARTICLE DE REVUE
Y penser est déjà suf fisant…
Hémoglobinurie paroxystique
nocturne
Rudolf Benz a , Georg Stüssi b , Bernhard Gerber b,c
a
Klinik für Innere Medizin, Abteilung für Hämatologie und Onkologie, Kantonsspital Münsterlingen; b Servizio die Ematologia, Istituto Oncologico
della Svizzera Italiana (IOSI), Bellinzona; c Klinik für Hämatologie, UniversitätsSpital Zürich
Malgré la rareté de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, il convient de songer
à cette afection en présence d’une hémolyse à test de Coombs négatif, de cytopénies,
de troubles abdominaux indéinis et de thromboses. Au cours des dernières années,
des progrès diagnostiques et thérapeutiques ont radicalement modiié la prise en
charge des patients atteints.
Introduction
De nombreux lecteurs ont probablement encore un
vague souvenir (datant de leurs études) de l’hémoglobi
nurie paroxystique nocturne (HPN) en tant que maladie
si rare qu’elle peut immédiatement être jetée aux ou
bliettes. En efet, l’incidence de la maladie est si faible
qu’un médecin de famille n’a pratiquement aucune
chance d’être confronté à un cas au cours de toute sa
carrière. Toutefois, les outils diagnostiques et thérapeu
tiques ont changé de manière tellement fondamentale
au cours des dernières années qu’il est désormais pos
sible d’aider très eicacement les patients atteints
d’HPN tout en améliorant considérablement aussi bien
leur survie globale que leur qualité de vie. Les manifes
tations cliniques de l’HPN sont très variées, raison pour
laquelle la maladie n’est pas toujours facile à diagnos
tiquer. Dans cet article, nous tentons de présenter les
diférentes manifestations à l’aide de deux cas cliniques
puis de mettre en lumière quelques aspects diagnos
tiques et thérapeutiques essentiels de l’HPN.
Très rare, l’HPN est une maladie clonale acquise des
cellules souches hématopoïétiques, dont l’incidence
dans la vessie, avec une baisse du pH; enin, selon cette
s’élève à env. 1/1 000 000/an. La prévalence de la mala
dénomination, tous les patients devraient présenter
die est d’env. 16 cas/1 million d’habitants. En l’absence
une hémoglobinurie, alors qu’en fait, elle s’observe
de traitement, une durée moyenne de survie de 10 ans
uniquement chez environ un tiers d’entre eux [3].
a été rapportée [1]. La maladie a été décrite pour la
première fois de manière détaillée en 1882 par Strübing
de Greifswald, dans le journal allemand Deutsche Medizinische Wochenschrit [2]. Le nom purement descriptif
Rudolf Benz
Physiopathologie
Chez les patients atteints d’HPN, l’altération physiopa
n’est cependant pas adapté à la maladie ni à la physio
thologique principale est l’absence de l’ancre glycosyl
pathologie désormais connue. Il s’agit en réalité d’un
phosphatidylinositol (GPI), qui lie diférentes protéines
nom triplement inadapté: la maladie ne se manifeste
à la surface des cellules de l’organisme [4, 5]. Cette ab
pas par crises puisqu’il s’agit d’une hémolyse continue;
sence est causée par une mutation dans le gène PIGA.
l’hémolyse n’est pas limitée à la nuit, l’urine matinale
Dans la mesure où il s’agit d’une altération génétique
foncée s’explique par un séjour prolongé de l’urine
acquise, les cellules de la moelle osseuse ne sont géné
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ralement pas toutes touchées. Le degré d’atteinte de ces
(MIRL ou CD59) sur les érythrocytes. Les deux protéines
cellules peut être très variable d’un patient à un autre,
sont des inhibiteurs naturels du complément, dont le
ce qui peut en partie aussi expliquer les grandes difé
rôle physiologique consiste à inactiver le complément
rences au niveau de l’activité de la maladie. La propor
activé spontanément. En l’absence de ces protéines sur
tion de la maladie peut également varier avec le temps
les érythrocytes, il se produit une hémolyse incontrô
chez un même patient, raison pour laquelle un contrôle
lée médiée par le complément, ainsi qu’une libération
régulier du clone HPN est absolument indispensable.
intravasculaire d’hémoglobine. L’hémoglobine intra
vasculaire est physiologiquement liée par l’hapto
Exemple de cas 1
Un homme de 41 ans souffre depuis plusieurs années de douleurs
abdominales et d’une sensation de ballonnement. Des examens
gastro-entérologiques ont été réalisés à plusieurs reprises, mais
ils n’ont pas permis de trouver la cause des symptômes. Lors
d’une tomodensitométrie, une zone sténosée a été mise en
évidence dans l’intestin, mais celle-ci n’a pas été opérée. Finale-
globine, et ainsi inactivée. Lorsque l’haptoglobine est
épuisée, l’hémoglobine libre s’accumule dans le sang
avant d’être éliminée via les reins. Cette hémoglobinu
rie est responsable de l’urine matinale foncée, mais ne
concerne de loin pas tous les patients. La coloration
foncée de l’urine peut également varier d’un jour à
l’autre (ig. 1).
ment, lors d’un séjour à l’étranger, le patient fait l’objet d’une
évaluation en urgence à l’hôpital en raison de nausées, de vomissements, de diarrhées, de frissons et de ièvre. Les valeurs
sanguines sont les suivantes: leucocytes 2,97 G/l, hémoglobine
112 g/l, thrombocytes 118 G/l, LDH 1355 U/l et protéine C réactive
physiopathologique central de l’HPN. Elle entraîne une
5,2 mg/l. Face à une pancytopénie légère, à une formule sanguine différentielle normale, à une élévation de la LDH et à des
urines foncées avec hémoglobinurie, et compte tenu des symptômes cliniques, une hémoglobinurie paroxystique nocturne
entraîner des troubles de la déglutition, des douleurs
(HPN) est soupçonnée (ig. 1). Le diagnostic est conirmé par
cytométrie en lux (ig. 2).
Le phénotype de la maladie est avant tout déterminé
L’hémoglobine intravasculaire représente le mécanisme
décomposition du monoxyde d’azote (NO) et provoque
ainsi une activité accrue des muscles lisses. Cela expli
que les spasmes cliniques souvent très gênants, pouvant
abdominales et une dysfonction érectile. L’élévation
chronique du tonus vasculaire provoque à plus long
terme une hypertension de la grande et de la petite circu
lation. Outre l’élévation du tonus vasculaire, l’hémoglo
par l’absence du «decayaccelerating factor» (DAF ou
bine libre, avec le fer lié, constitue un facteur majeur
CD55) et du «membrane inhibitor of reactive lysis»
prédisposant au développement d’une insuisance
rénale chronique.
Exemple de cas 2
Chez une patiente âgée de 25 ans présentant une anémie hémolytique et une thrombocytopénie, une césarienne en urgence est
réalisée au cours de la 38e semaine de grossesse en raison
d’une suspicion de syndrome HELLP («hemolysis, elevated liver
enzymes, and low platelet count»). La numération leucocytaire
est normale, la numération thrombocytaire s’élève à 46 G/l et
l’hémoglobine est de 107 g/l, avec un volume globulaire moyen
de 112 l. Après l’accouchement, la patiente ne récupère guère
et souffre d’une fatigue intense persistante. Elle présente toujours
une anémie hémolytique à test de Coombs négatif, avec une
concentration d’hémoglobine de 105 g/l. Une première ponction
de moelle osseuse réalisée 1 an plus tard amène à soupçonner
un syndrome myélodysplasique (SMD). Une seconde ponction
médullaire réalisée 6 mois plus tard ne coïncide certes plus avec
le diagnostic de SMD, mais la cytométrie en lux (analyse
FLAER) révèle un clone HPN considérable (95%) (ig. 1 et 2).
Les événements thromboemboliques représentent les
principales manifestations cliniques de l’HPN et sont
la principale cause de la morbidité et de la mortalité
accrues. L’HPN constitue l’un des facteurs de risque
Figure 1: Clichés cliniques et moelle osseuse.
A: Echantillon d’urine du patient en période asymptomatique. B: Echantillon d’urine du
patient en période d’activité hémolytique accrue. C: Examen cytologique de la moelle
osseuse avec cellularité augmentée et érythropoïèse nettement accrue avec déviation
à gauche de la maturation accompagnée d’une augmentation du nombre des proérythroblastes présentant une altération macroblastique (lèche).
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thromboembolique les plus importants. La physio
pathologie de la disposition accrue à la thrombose
reste loue. Le complément, les facteurs de coagulation,
les fragments cellulaires et l’absence d’antigènes de
surface peuvent jouer un rôle (ig. 3). Les thromboses
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Figure 2: Cytométrie en lux du sang périphérique d’un patient avec clone HPN.
Examen de cytométrie en lux multiparamétrique du sang périphérique. Les granulocytes neutrophiles sains expriment
à leur surface le CD24 lié à l’ancre GPI et les monocytes sains expriment le CD14 également lié à l’ancre GPI. Le réactif FLAER
se lie directement à l’ancre GPI des granulocytes neutrophiles et des monocytes.
A (scattergramme): 31,2% des granulocytes neutrophiles ne présentent ni le CD24 ni l’ancre GPI à leur surface et correspondent
à la taille du clone HPN. B (histogramme): 31,2% des granulocytes neutrophiles sont FLAER-négatifs. C (scattergramme): 22,2%
des monocytes n’expriment ni le CD14 ni l’ancre GPI à leur surface et correspondent à la taille du clone HPN.
D (histogramme): 22,1% des monocytes sont FLAER-négatifs.
Abréviations: HPN = hémoglobinurie paroxystique nocturne; GPI = glycosylphosphatidylinositol; FLAER = aérolysine luorescente.
peuvent survenir dans la branche artérielle et dans la
des douleurs abdominales s’observent chez environ
branche veineuse, ont souvent une localisation atypique
50% des patients, tandis que la dysfonction érectile et
et sont également observées sous traitement anticoa
les douleurs thoraciques sont présentes dans 40% des
gulant suisant. Les événements thromboemboliques
cas. Des troubles de la déglutition sont rapportés chez
les plus fréquents de localisation atypique se trouvent
jusqu’à 30% des patients, et une insuisance rénale
dans le tractus gastrointestinal (syndrome de Budd
s’observe dans 14% des cas. En fonction de l’ampleur
Chiari, thromboses veineuses hépatiques) ainsi que
de l’hémolyse, des signes tels que l’hémoglobinurie et
dans le système nerveux central (thromboses des sinus
l’ictère scléral s’observent. Le tableau 1 présente les in
veineux).
dications pour la recherche d’un clone HPN (adapté
d’après les recommandations Onkopedia) [7]. En plus
Signes cliniques et diagnostic de l’HPN
Le meilleur recensement des patients atteints d’HPN
des situations décrites précédemment, il convient éga
lement de rechercher un clone HPN en cas d’anémie
aplasique, de syndrome myélodysplasique hypoplasique
dans les registres a permis une meilleure connaissance
et dans le cadre de la mise au point des cytopénies per
de l’étendue des signes cliniques [6]. Chez 60 à 80% des
sistantes. Dans des cas isolés, il est également néces
patients, la fatigue, les céphalées et la dyspnée se
saire de rechercher une HPN en cas de douleurs abdo
trouvent au premier plan. Ces symptômes surviennent
minales récidivantes ou de dysphagies, en particulier
indépendamment de la taille du clone HPN. En outre,
si elles sont associées à une hémolyse.
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Mutation somatique du gène PIG-A situé
sur le chromosome X dans les cellules
souches hématopoïétiques
L'hémoglobline intravasculaire
dégrade le NO.
Activité accrue des muscles lisses accompagnée de spasmes.
Les fragments des érythrocytes et les composants libérés sont prothrombogènes.
Hémolyse
En raison de l’absence du CD55 sur
les érythrocytes, le facteur C3b du
complément ne peut pas être
neutralisé. En raison de l’absence
du CD59, le facteur C5b du complément ne peut pas être bloqué, ce qui
entraîne la formation incontrôlée
du complexe d’attaque membranaire
(CAM), qui provoque une perforation
de la membrane érythrocytaire,
responsable de l’hémolyse.
Thrombose
La protéine d’ancrage ne peut pas être
synthétisée.
L’absence du CD55 et du CD59 sur les thrombocytes entraîne, via le complément fixé, une
activation des thrombocytes. L’absence du
récepteur de l’urokinase CD87 sur les monocytes et du «tissue factor pathway inhibitor»
(TFPI) contribue également à une disposition
accrue aux thromboses.
Monocytes Neutrophiles Lymphocytes Thrombocytes Erythrocytes
CD14
Ainsi, différentes structures ne peuvent pas
se fixer à la surface des cellules. Elles sont
principalement désignées par CD «cluster of
differentiation».
CD16
CD48
CD55
CD55
CD59
CD59
CD48
CD24
CD52
CD55
CD55
CD55
CD59
CD59
CD59
CD87
CD66
CD87
Acétylcholinestérase
TFPI
Figure 3: Résumé de la pathogenèse et des signes cliniques centraux en résultant.
Bien que l’HPN puisse être, comme mentionné précé
Pour l’évaluation des événements cérébraux artériels
demment, responsable de thromboses veineuses et plus
et veineux, l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
rarement d’événements artériels [8], la recherche routi
constitue depuis longtemps la méthode de référence.
nière d’un clone HPN n’est pas indiquée en cas de throm
Une récente étude à l’IRM a mis en évidence des difé
bose veineuse idiopathique typique [9]. Une HPN peut
rences de perfusion signiicatives dans l’intestin grêle,
toutefois être également observée en cas de thromboses
en présence de troubles abdominaux et d’une HPN [11].
des sinus veineux et de thromboses veineuses abdomi
Diférentes utilisations sont envisageables pour l’avenir.
nales, raison pour laquelle une recherche peut s’avérer
Ainsi, en particulier les patients atteints d’insuisance
judicieuse dans certains cas suspects [10].
rénale, comorbidité fréquente en cas d’HPN, pour
Tableau 1: Indications pour la recherche d’un clone HPN, adapté d’après les recommandations Onkopedia [7].
Anémie hémolytique acquise à test de Coombs négatif (sans signes d’anémie hémolytique microangiopathique)
Hémolyse intravasculaire (haptoglobine indétectable, hémoglobinurie, hémoglobine plasmatique libre élevée)
Thromboses avec au moins un des critères suivants:
• Localisation «atypique» (thrombose d’un sinus veineux, syndrome de Budd-Chiari, thrombose de la veine mésentérique,
porte ou splénique, thromboses des veines dermiques)
• Thromboses (indépendamment de leur localisation) chez des patients présentant des signes d’anémie hémolytique
(LDH élevée / haptoglobine abaissée)
• Thromboses (indépendamment de leur localisation) en rapport avec une cytopénie d’origine indéterminée
Patients avec anémie ferriprive d’origine indéterminée (après exclusion minutieuse d’autres causes) en relation avec des signes
d’anémie hémolytique
Diagnostic ou forte suspicion d’anémie aplasique
Diagnostic de syndrome myélodysplasique (uniquement en cas de faible score WPSS), en particulier en cas de syndrome
myélodysplasique hypoplasique
Signes de crises douloureuses abdominales récidivantes d’origine indéterminée ou de dysphagie, en particulier
en cas d’hémolyse concomitante
Abréviations: HPN = hémoglobinurie paroxystique nocturne; LDH = lactate déshydrogénase; WPSS = WHO classiication-based Prognostic
Scoring System.
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Signe clinique
Anomalies de laboratoire typiques de l’HPN
Investigations supplémentaires
Fatigue
Anémie avec hémolyse à test de Coombs négatif
(élévation de la LDH, des réticulocytes et de la bilirubine;
haptoglobine basse) et autres cytopénies
Mise au point de l’hémolyse à test
de Coombs négatif
Douleurs
abdominales
Anémie hémolytique et éventuellement autres cytopénies.
Valeurs de laboratoire au demeurant non spéciiques.
Eventuellement, lactate élevé
Examens supplémentaires (échographie, TDM ou IRM) pour rechercher
des thromboses ou une ischémie
Thromboses
atypiques
Cytopénies à l’hémogramme, en particulier anémie
Echographie, TDM ou IRM pour
rechercher des thromboses.
Hémogramme avec réticulocytes
Hémorragies
Thrombocytopénie et autres cytopénies, en particulier
signes d’hémolyse
Quick, aPTT et éventuellement autres
paramètres de la coagulation
Infections
Neutropénie et anémie hémolytique
Recherche d’un foyer infectieux,
protéine C réactive et autres analyses
microbiologiques
Cytométrie en flux pour détection d’HPN
Tableau 2: Signes cliniques de l’HPN et examens recommandés.
Abréviations: HPN = hémoglobinurie paroxystique nocturne; LDH = lactate déshydrogénase; TDM = tomodensitométrie; IRM = imagerie par résonance
magnétique; aPTT = temps de thromboplastine partielle activée.
raient bénéicier d’un diagnostic iable sans réaliser de
GPI, permet d’évaluer les groupes cellulaires avec la
tomodensitométrie (TDM) avec produit de contraste.
plus grande précision (aérolysine avec marquage luores
Pour les nouveaux diagnostics avec douleurs abdo
cent, FLAER) (ig. 2) [12].
minales isolées, l’IRM pourrait permettre de faire la
diférence entre étiologies ischémiques et fonction
nelles et de visualiser directement l’impact d’un traite
Traitement
ment sur la perfusion dans l’intestin grêle avant et
Lorsqu’une HPN est diagnostiquée, le traitement dépend
après son initiation.
des manifestations cliniques. Chez les patients asymp
L’étape diagnostique la plus essentielle consiste donc à
tomatiques avec uniquement une mise en évidence
penser à une HPN, ce qui n’est pas toujours évident
d’un clone HPN, un traitement n’est pas nécessairement
compte tenu de la rareté de la maladie et de la multi
indispensable. Chez les patients asymptomatiques sans
tude de ses manifestations cliniques (tab. 2). En cas de
thromboembolies, avec une hémolyse très légère com
suspicion d’une HPN, il est nécessaire de rechercher
pensée sur le plan clinique et un faible taux de lactate
une hémolyse cliniquement manifeste. Dans tous les
déshydrogénase (LDH), il est possible d’attendre avant
cas, il convient de prescrire un test de Coombs pour
d’initier un traitement. Toutefois, ces patients doivent
exclure une hémolyse à médiation immunitaire, ainsi
faire l’objet d’une surveillance étroite.
qu’une numération diférentielle manuelle pour ex
En revanche, en cas d’HPN symptomatique, un traite
clure la présence de schizocytes.
ment par éculizumab (Soliris®) devrait être initié le plus
Le diagnostic précis d’un clone HPN peut être posé ra
rapidement possible. L’éculizumab est un anticorps
pidement, à un prix raisonnable et avec iabilité grâce à
monoclonal qui bloque l’activation du complément
l’immunophénotypage, méthode hautement sensible
et ainsi, l’hémolyse. Après une prise initialement heb
et spéciique. Pour cette raison, les examens génétiques
domadaire, le médicament est administré toutes
sont insigniiants pour cette maladie dans le quotidien
les 2 semaines par voie intraveineuse, sous forme de
clinique. L’absence de certaines protéines de surface,
perfusion d’env. 45 minutes. Le traitement purement
normalement liées à la surface cellulaire par l’ancre
symptomatique par transfusion, et anticoagulants de
GPI, aide à poser le diagnostic. Etant donné que l’ancre
la classe des antivitamines K en cas de thromboses,
GPI est une structure fondamentale pour la liaison des
qui était utilisé avant la mise sur le marché de l’écu
protéines à la surface cellulaire, cellesci font défaut
lizumab, a été relégué à l’arrièreplan au vu des compli
non seulement sur les érythrocytes, mais également
cations graves qui peuvent survenir dans le cadre de
sur la plupart des autres cellules sanguines. Dès lors, le
l’HPN.
clone HPN peut également être recherché sur les mo
Le traitement par éculizumab a radicalement modiié
nocytes et les granulocytes. Par rapport aux sujets sains,
la prise en charge des patients atteints d’HPN, bien
le CD14 fait défaut sur les monocytes et le CD24 fait
qu’aucune recommandation en faveur de son utilisa
défaut sur les granulocytes neutrophiles chez les per
tion n’ait été formulée dans une analyse Cochrane en
sonnes atteintes. En ce qui concerne les érythrocytes,
raison du faible nombre de cas et des études limitées
ce sont le CD55 et le CD59 qui sont absents. Le test par
[13]. Dans toutes les études réalisées, mais également
aérolysine (atténuée), qui se lie spéciiquement à l’ancre
dans la pratique clinique quotidienne, les patients ont
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présenté une amélioration prononcée et immédiate de
traitement. Le vaccin contre le méningocoque B ap
leur qualité de vie. En particulier, les symptômes asso
prouvé par l’Agence européenne des médicaments
ciés à l’HPN, tels que la fatigue, les diicultés de déglu
(EMA) n’est pas encore autorisé en Suisse, mais il de
tition et les douleurs abdominales, s’améliorent sou
vrait, si disponible, également être envisagé [18]. Les
vent déjà après la première administration. A plus long
infections gonococciques sont beaucoup plus rares
terme également, l’éculizumab a considérablement
[19]. Tous les patients sous traitement par éculizumab
réduit les complications et symptômes systémiques.
doivent avoir chez eux un antibiotique de réserve ei
Dans la majorité des cas, l’hémolyse régresse à tel point
cace contre les méningocoques (par ex. ciproloxacine
que les transfusions ne sont plus nécessaires et que
750 mg). En cas de ièvre, les patients doivent contacter
l’incidence des complications thromboemboliques
leur médecin.
sous éculizumab est pratiquement identique à celle
Dans des cas isolés, il arrive que le test direct à l’anti
dans la population générale [14]. De façon concordante,
globuline (TDA) monospéciique se révèle positif pour
un déclin signiicatif de l’activation de la coagulation a
le C3 au cours du traitement par éculizumab, ce qui
pu être constaté sous traitement par anticorps établi
s’explique par le blocage du complément à partir de C5.
[15]. En raison de la réduction du taux de thromboses, il
L’éculizumab bloque la partie terminale de la cascade
est également possible de réévaluer le traitement anti
du complément à partir de C5. Les facteurs qui se
coagulant établi après un certain temps; des données
trouvent plus en amont de la cascade, en particulier le
claires relatives à la sécurité après l’arrêt de l’anticoa
facteur C3 du complément, restent toutefois actifs et se
gulation font néanmoins défaut.
déposent à la surface des érythrocytes. Chez environ
Toutefois, étant donné que le traitement par éculizu
un tiers des patients atteints d’HPN, cela se traduit par
mab est particulièrement onéreux (coûts uniquement
un besoin de transfusion permanent, car la rate éli
médicamenteux s’élevant à 464 000 CHF/an, d’après le
mine les érythrocytes chargés en C3 au niveau extra
Compendium suisse des médicaments), un bilan réalisé
vasculaire, même si l’éculizumab améliore nettement
par un médecin spécialiste est indispensable avant
l’hémolyse intravasculaire [20].
l’initiation du traitement. En cas d’HPN symptomatique
Durant la grossesse et après l’accouchement, le risque
Le patient doit être adressé à un centre spécialisé
ain qu’une demande de prise en charge des
coûts du traitement puisse être faite et que
le patient puisse être inscrit dans un registre
suisse d’HPN.
de thromboses veineuses est en soi augmenté. Chez les
patientes atteintes d’HPN, ce risque est encore beau
coup plus fortement accru [21] et il s’agit d’un facteur de
complication supplémentaire de la grossesse. Pour
cette raison, il serait souhaitable d’initier un traite
ment eicace pour réduire ce risque, dans la mesure où
et en particulier en cas de complications thrombo
le diagnostic et le traitement des événements throm
emboliques, cette mise au point devrait avoir lieu très
botiques durant la grossesse est encore plus complexe.
rapidement, car l’état clinique du patient peut se dégra
Bien que l’administration de l’éculizumab ne soit pas
der relativement vite en cas d’HPN non traitée. Le pa
formellement autorisée durant la grossesse, ce médi
tient doit être adressé à un centre spécialisé ain qu’une
cament est recommandé par tous les spécialistes.
demande de prise en charge des coûts du traitement
Aucun passage signiicatif de l’anticorps dans la circu
puisse être faite et que le patient puisse être inscrit dans
lation fœtale n’a pu être démontré [22, 23]. Le médica
un registre suisse d’HPN. L’inscription dans un registre
ment est également eicace et sûr chez les enfants,
est une condition exigée par l’Oice fédéral de la santé
comme l’a montré une récente étude de Phase I/II [24].
publique (OFSP) pour l’évaluation systématique du suc
Toutefois, l’éculizumab n’est autorisé ni chez les enfants
cès thérapeutique et un prérequis pour l’instauration
ni durant la grossesse.
du traitement.
Environ la moitié des patients avec mise en évidence
L’éculizumab inactive le facteur C5 du complément et
d’un clone HPN présente une afection hématologique
interrompt ainsi la cascade naturelle du complément,
concomitante, l’anémie aplasique (AA) étant l’afection
qui joue un rôle central dans les défenses immuni
de loin la plus fréquente (43,5% de l’ensemble de la co
taires non spéciiques contre les infections [17]. Eton
horte). L’association avec l’AA pourrait s’expliquer par
namment, le traitement par éculizumab n’entraîne
les antigènes manquants des cellules HPN, ce qui pour
guère d’augmentation signiicative de la tendance aux
rait empêcher une attaque immunologique contre ces
infections, à l’exception du risque nettement accru
cellules. En présence d’une maladie hématologique
d’infection à méningocoques. En conséquence, tous
avec clone HPN concomitant, le traitement se base sur
les patients devraient se faire vacciner avec le vaccin
les recommandations thérapeutiques relatives à l’af
méningococcique tétravalent avant l’initiation du
fection hématologique sousjacente [16]. La réponse à
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ARTICLE DE REVUE
Correspondance:
un traitement immunosuppresseur est généralement
Dr Rudolf Benz
meilleure chez les patients atteints d’AA avec clone
Kantonsspital Münsterlingen
HPN que chez les patients sans clone HPN [16]. Dans ce
CH8596 Münsterlingen
rudolf.benz[at]stgag.ch
contexte, une grefe allogénique de cellules souches
peut également être envisagée, alors qu’elle n’est globa
lement pas recommandée chez les patients uniquement
atteints d’HPN [25], car elle est associée à une mortalité
péritransplantatoire très élevée.
Perspectives
Bien que la pathogenèse de l’HPN ait été clariiée, des
données exhaustives fournissant des paramètres plus
clairs pour orienter l’utilisation du traitement particu
lièrement onéreux par éculizumab font défaut en rai
son de la rareté de la maladie. Il est dès lors essentiel
que la maladie soit recherchée en cas de suspicion et
que les patients soient inscrits dans des registres cen
traux et étroitement suivis par un médecin familiarisé
avec la maladie. Un tel registre est d’ores et déjà établi
et il sera utile à l’avenir pour poser de manière encore
plus optimale les indications thérapeutiques. L’éculi
zumab est certes un traitement eicace et une grande
avancée pour les patients atteints d’HPN, mais en exer
çant une inhibition du complément purement symp
tomatique, il ne traite pas le trouble à proprement
parler. Il reste à espérer que les possibilités en rapide
expansion permettront à l’avenir de trouver une voie
vers des traitements encore plus ciblés.
Disclosure statement
Les auteurs ne déclarent aucun conlit d’intérêts inancier
ou personnel en rapport avec cet article.
Photo de couverture
© Jezper | Dreamstime.com
Références
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hemoglobinuria. N Engl J Med. 1995;333(19):1253–8.
2 Strübing P. Paroxysmale Haemoglobinurie.
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L’essentiel pour la pratique
• L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est une maladie qui se manifeste typiquement par une hémolyse à test de Coombs négatif, des
cytopénies, des thromboses et des douleurs abdominales.
• Malgré la rareté de la maladie, celle-ci peut être mise en évidence ou exclue avec certitude au moyen de la cytométrie en lux.
• Le traitement et le pronostic de la maladie se sont fortement améliorés
depuis l’introduction de l’inhibiteur du complément éculizumab.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE
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