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Université de Neuchâtel Faculté des lettres et sciences humaines Institut de sociologie Année universitaire 2015-2016 Des femmes dans des pratiques sportives masculines : motifs d’engagement et de desengagement. Une etude exploratoire aupres de joueuses de football neuchateloises Travail de mémoire Rédigé sous la direction de Christophe Jaccoud Master en sciences sociales Gilles Rüfenacht « S’adonner au football c’est donc pour les femmes risquer de perdre leur grâce et leur charme, c’est renoncer à l’image traditionnelle de la femme et à ses principaux attributs beauté et maternité […] » (Prudhomme-Poncet, 2003a, p. 125). 01/02/2016 0 REMERCIEMENTS Avant d’entrer véritablement dans le contenu de ce travail, je tiens à remercier plusieurs personnes, sans qui ce mémoire ne serait probablement pas arrivé à terme. Tout d’abord, je voudrais remercier Christophe Jaccoud, mon directeur lors de ce mémoire, qui a eu la gentillesse d’accepter de me suivre pendant tout ce temps. Je tiens à le remercier chaleureusement pour la patience dont il a fait preuve pendant ces nombreux mois par rapport à mes questionnements parfois interminables et également pour tous les précieux conseils qu’il a su me donner pour que je ne m’égare pas dans des recherches inutiles. Je tiens aussi à le remercier pour sa grande disponibilité. Ensuite, je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont eu la gentillesse d’accepter de participer aux entretiens, les joueuses, les entraîneurs ou encore le responsable du football neuchâtelois. Sans leur disponibilité, ce mémoire n’aurait également pas pu être possible. Un grand merci aussi à certains participants, Leia, Roland et Baptiste qui m’ont permis d’entrer en contact avec des joueuses notamment pour les entretiens. Au final, j’aimerais également remercier différentes personnes qui me sont chères et qui ont su m’épauler pendant toute cette longue période de rédaction : Maria, pour sa relecture du document et ses corrections, ainsi que son aide et ses encouragements dans les moments de doute ; Leia pour sa patience et son soutien au cours de ces dernières années ; Thomas qui a su me rassurer lorsque j’avais l’impression de faire fausse route ; Baptiste pour son soutien à persévérer pendant toutes ces années. Un grand merci également à tous ceux qui ont pu m’aider et me soutenir d’une quelconque manière, et dont le nom m’aurait échappé ici. 1 TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ..............................................................................................................1 TABLE DES MATIERES ......................................................................................................2 INTRODUCTION ..................................................................................................................6 CONTEXTE ET ETAT DE LA RECHERCHE ......................................................................8 Le sport : domaine privilégié des hommes ..........................................................................8 Le sport moderne : culte de la virilité et de la performance ..............................................8 Le cas des femmes : arrivée tardive et inégalités ........................................................... 10 Quelques repères sur le sport en Suisse ......................................................................... 14 Un sport en particulier : le football.................................................................................... 17 Bref historique de la pratique ........................................................................................ 17 Une lente émergence de la pratique féminine ................................................................ 18 Présentation du football féminin suisse et neuchâtelois ................................................. 21 L’envie de pratiquer : bref aperçu helvétique ................................................................ 23 CADRE THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE .................................... 24 Inégalités entre hommes et femmes : le concept de genre .................................................. 24 Les origines du sexe biologique comme justification première des inégalités ................ 24 Le genre : construction sociale de la différence des sexes .............................................. 25 Les inégalités hommes/femmes au travers de la domination masculine ......................... 27 Le foyer : lieu d’origine des rôles assignés au genre ...................................................... 29 L’enfance et l’adolescence : périodes scolaires qui façonnent les identités .................... 31 Le monde du travail : espace (in)visible et privilégié des inégalités ............................... 34 Le sport comme parfait domaine des inégalités de genre ................................................... 36 La féminité comme légitimation de pratiques différenciées ........................................... 36 La féminité et les pratiques différenciées « rejetées » : l’exemple du football ................ 39 2 Conséquences du genre : moyens différenciés en sport et au football ............................ 41 Des influences liées à la pratique sportive ......................................................................... 44 Les loisirs : des choix sexuellement différenciés ........................................................... 44 Importance des autrui significatifs................................................................................. 45 Les femmes dans le football : quels constats ?............................................................... 46 Questions et hypothèses de recherche ............................................................................... 50 Questions de recherche ................................................................................................. 50 Hypothèses de recherche ............................................................................................... 50 METHODOLOGIE .............................................................................................................. 53 Support qualitatif : les entretiens ....................................................................................... 53 Échantillon et brève présentation des participants ............................................................. 54 Joueuses ....................................................................................................................... 55 Entraîneurs ................................................................................................................... 58 Officiels ........................................................................................................................ 60 ANALYSE ........................................................................................................................... 61 Organisation des données : l’analyse thématique............................................................... 61 Les éléments contribuant à commencer la pratique ........................................................... 63 Les aspects du sport en lui-même .................................................................................. 63 Importance de la famille ............................................................................................... 65 Copains et camarades de classe : un élément supplémentaire ........................................ 67 L’influence de l’entraîneur pour continuer la pratique ................................................... 68 Jouer avec des garçons : quels avantages/inconvénients ? ............................................. 69 Hypothèse 1 en lien avec les résultats d’analyse ............................................................ 71 Les possibles raisons d’un abandon de pratique ................................................................ 73 Quitter les garçons à l’adolescence : quels constats ? .................................................... 73 3 Les « problèmes » propres aux équipes de filles ............................................................ 75 Mauvaises relations avec les entraîneurs, dirigeants et équipes masculines .................... 79 L’influence du manque de temps sur l’arrêt d’activités .................................................. 84 D’autres raisons « secondaires » d’abandon .................................................................. 85 Hypothèse 2 en lien avec les résultats d’analyse ............................................................ 87 Continuer de pratiquer à l’âge adulte : quelles influences ? ............................................... 89 Éléments contribuant à la poursuite de pratique pour les filles ....................................... 90 Entraîneurs et dirigeants : bons contacts au sein des clubs ............................................. 92 Les « regards » positifs de la part des équipes masculines et du public .......................... 94 La pratique féminine : un jeu différent des hommes ...................................................... 96 Les apparences des joueuses : signes évidents d’homosexualité ?.................................. 98 Les difficultés et les améliorations au sein du football féminin ...................................... 99 Hypothèse 3 liée aux résultats d’analyse ..................................................................... 102 CONCLUSION .................................................................................................................. 105 Synthèse des résultats et discussion................................................................................. 105 Difficultés rencontrées .................................................................................................... 111 Pistes pour d’éventuelles futures recherches.................................................................... 112 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 114 Contexte et problématique .............................................................................................. 114 Ouvrages complets...................................................................................................... 114 Sections d’ouvrages .................................................................................................... 115 Articles de revues ....................................................................................................... 122 Documents et données statistiques .............................................................................. 125 Sites internet ............................................................................................................... 125 Autres ......................................................................................................................... 125 4 Méthodologie ................................................................................................................. 126 Ouvrages complets...................................................................................................... 126 Sections d’ouvrages .................................................................................................... 126 ANNEXES ......................................................................................................................... 127 Annexe 1 : Activité sportive globale en Suisse ................................................................ 127 Annexes 2 et 3: Activité sportive en Suisse selon le sexe et l‘âge .................................... 127 Annexe 4: Schéma des oppositions pertinentes ............................................................... 129 Annexe 5 : A taxonomy of human motivation ................................................................. 130 Annexes 6-7-8 : Les différents guides d’entretien ........................................................... 131 Grille de questions pour les joueuses ........................................................................... 131 Grille de questions pour les entraîneurs ....................................................................... 132 Grille de questions pour les officiels ........................................................................... 134 5 INTRODUCTION Les sociétés humaines sont organisées selon des catégories sexuées qui sont socialement construites (Héritier, 1996, Mathieu, 1991, in Mennesson, 2004a). Justement, dans son sens moderne, l’idéal masculin est associé à la puissance, au courage et à l’honneur. Les femmes, quant à elles, ont eu pour tâches de s’occuper de leur foyer et de leurs enfants ; elles étaient exclues de la vie publique. Cette division qui s’est établie entre hommes et femmes s’est maintenue jusqu’au XXème siècle, où les mouvements pour le droit des femmes ont voulu changer les choses (Mosse, 1997). Les dispositions sexuées englobent donc les perceptions, les pensées, les actions d’une catégorie de sexe où chaque personne considère, tient et exerce son corps de manière à être socialement interprété comme masculin ou féminin (Goffman, 2002 ; Bourdieu, 1980, in Mennesson, 2004b). Ainsi, le genre se réfère aux normes, aux rôles attribués aux sexes hommes et femmes. Il distingue donc le biologique du social, mais exprime aussi le rapport au pouvoir. La valorisation se fait systématiquement pour le masculin, en opposition au féminin, et avec une intolérance à toutes les formes de transgressions (Opériol, 2013). La biologisation du social est à l’origine de cet ordre naturel des sexes hiérarchisé (Bourdieu, 1998 ; Delphy, 1991, in Mennesson, 2004a). Justement, le domaine du sport reste dominé par les hommes (livres sportifs, sports médiatisés, conversations sportives, etc.), malgré le fait que les femmes sont de plus en plus nombreuses à en pratiquer (Hargreaves, 1997). De plus, malgré cette augmentation de pratique et leur arrivée dans les disciplines masculines, le sport leur est encore défavorable (Elias & Dunning, 1994 in Mennesson, 2007). Pourtant, le sport est normalement accessible à tous, avec des opportunités égales, sans différence, sans discrimination d’âge, de classe, de sexe, d’ethnie, etc. (Hargreaves, 1997). En Suisse, le sport est important, car il contribue à la socialisation, l’intégration et la santé de la population (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Le football, en particulier, est depuis longtemps un sport populaire de masse, au regard de ses pratiquants et spectateurs ; il est sûrement le plus populaire dans le monde. Sa simplicité, la capacité à pouvoir jouer partout, en transformant n’importe quel objet en balle a conduit à sa diffusion (Berva, 1998). En 1995, dans un rapport sur la deuxième Coupe du Monde féminine, Sepp Blatter (secrétaire général de la FIFA 1 à l’époque) disait que le football 1 Fédération Internationale de Football Association. 6 féminin serait tout aussi important que celui des hommes en 2010 (in Breuil, 2011). Néanmoins, force est de constater qu’aujourd’hui « […] le football féminin vit encore dans l’ombre de son homologue masculin » (Breuil, 2011, p. 7), même si le nombre de compétitions et de licenciées a augmenté depuis lors (Breuil, 2011). Les joueuses continuent d’être isolées et stigmatisées ; leur pratique est perçue comme illégitime par les dirigeants masculins (Hughes, 1996, in Mennesson, 2006), voire considérée comme déviante (Becker, 1985, in Mennesson, 2006). Justement, le développement de la pratique des femmes est contrôlé par les hommes, puisqu’ils détiennent les postes de pouvoir (Mennesson, 2006). Les femmes footballeuses doivent essayer d’incorporer une féminité imposée par la discipline (Mennesson, 2007), tout en étant fortement marquées par une socialisation sexuée inversée pendant l’enfance (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007). Il leur est difficile de rompre avec la volonté de féminisation de l’apparence par les fédérations sportives, car les joueuses sont dépendantes de ces organisations. Cependant, cette lutte des catégories sexuées renforce le questionnement de la domination masculine (Mennesson, 2007). D’un côté, le sport entraîne une passion massive, alors que de l’autre les abandons sportifs sont très nombreux à l’adolescence, principalement chez les filles (Gould, 1987, Russel, Allen & Wilson, 1996, Sallis & Patrick, 1996, Wankel & Mummery, 1996, in Guillet, Sarrazin, Carpenter, Trouilloud, & Cury, 2002). L’engagement sportif peut se faire par des conditions causales, telles que l’attractivité de l’activité, l’attractivité des alternatives et les barrières qui empêchent l’arrêt de l’activité (Kelley, 1983, in Guillet, Sarrazin, Carpenter, Trouilloud, & Cury, 2002). Quoi qu’il en soit, dans toutes les situations l’individu est gouverné par l’envie de maximiser les expériences positives, tout en minimisant les négatives (Thibaut & Kelley, 1959, in Guillet, Sarrazin, Carpenter, Trouilloud, & Cury, 2002). Pour terminer, ce travail va tenter de montrer que certains sports restent fortement pratiqués par des femmes, alors que d’autres restent presque exclusivement l’apanage des hommes. Le but de ce travail est d’appréhender et de comprendre les raisons qui poussent des femmes à pratiquer des sports qui sont, par tradition, considérés comme masculins. Le football est ici le sport qui nous intéresse particulièrement et plus spécifiquement celui joué par les femmes dans le canton de Neuchâtel. 7 CONTEXTE ET ETAT DE LA RECHERCHE Le sport : domaine privilégié des hommes Le sport moderne : culte de la virilité et de la performance Le sport a toujours entretenu une tradition masculine (Louveau, 1986, in Liotard, 2004 ; Aceti & Jaccoud, 2012). Déjà dans l’Antiquité, la participation aux Jeux était exclusivement masculine (Baillet, 2001). Ensuite, au Moyen-Age, les chevaliers se battaient en duel, pour défendre leur réputation, leur dignité, leur honneur, avec courage. Au XVIIème-XVIIIème siècle, les Grecs (sous la forme des sculptures antiques) (Mosse, 1997) étaient l’idéal de beauté qui devait inspirer tous les hommes (Winckelmann, 1755, 1764, in Mosse, 1997) : leurs corps et attitudes représentaient la puissance et la virilité, sans pour autant négliger l’esprit 2 (Mosse, 1997). La femme, quant à elle, devenait un « […] objet de désir et de domination pour l’homme » (Hull, 1995, in Mosse, 1997, p. 35), apparentée à un sexe faible. Au milieu du XVIIIème siècle, les beautés à la fois féminine et masculine étaient distinctes : la virilité de l’homme s’opposait à la sensualité de la femme (Mosse, 1997). Ensuite, le XIXème siècle a vu renaître le goût pour les exercices physiques dans les sociétés occidentales (De Coubertin, 1896). À cette époque justement, les public schools de GrandeBretagne ont enseigné les valeurs masculines telles que la loyauté pour un groupe, la compétitivité, la force physique ou encore l’autonomie (De Coubertin, 1896 ; Dunning, 1994a ; Hargreaves, 1997 ; Mignon, 1998 ; Rees & Miracle, 2002 ; Theberge, 2002) qui servaient à discipliner et à viriliser les jeunes hommes (De Coubertin, 1896 ; Dunning, 1994a ; Elias, Dunning, 1994, Mosse, 1997, in Guionnet & Neveu, 2004). Ainsi, les garçons développaient leurs capacités à diriger (leadership) (Dunning, 1994a ; Mignon, 1998 ; Baillet, 2001 ; Rees & Miracle, 2002) et leur envie de victoire (Dunning, 1994a ; Bundgaard, 1985, Mirel, 1982, in Rees & Miracle, 2002). Cette époque contribua à l’identité masculine dominante, à son modèle pour la suite (Hargreaves, 1994, in Theberge, 2002). A cette époquelà, l’homme est fort et brave, alors que la femme faible, timide et dépendante (Dunning, 1994b). 2 La devise romaine « un esprit sain dans un corps sain » était centrale (Mosse, 1997). 8 La féminité de la femme permettait à l’homme de se rendre compte de sa virilité, surtout que l’idéal masculin étant central à l’époque (Mosse, 1997) : l’homme s’est vu assigner la culture et la sphère publique (les lieux externes à la maison, le travail), alors que les femmes ont été assimilées à la nature, la reproduction et donc la sphère privée (la maison) : les rôles assignés aux sexes ont été complémentaires (Hargreaves, 1997). Ceci va naturellement caractériser l’agressivité, la compétitivité chez l’homme, alors que la femme est vue comme passive, émotive et donc dans l’incapacité de pratiquer des activités physiques intenses (Delamont & Duffin, 1978, Ortner, 1974, Vertinsky, 1990, in Hargreaves, 1997). Dans cette optique, les sports se sont donc constitués comme une « maison des hommes » (Godelier, 1966, in Liotard, 2004). Ainsi, « […] le sport moderne a été inventé dans le dernier quart du XIX e siècle par les hommes pour les hommes » (Broucaret, 2012, p. 11 ; Aceti & Jaccoud, 2012) et il a aidé à la (re)conquête de la virilité masculine, couplée d’une forte conviction de l’inégalité hommes femmes (Terret, 2010, in Broucaret, 2012), où la femme est exclue des terrains sportifs, car vue comme inapte à la pratique. La gouvernance des sports est également confiée aux hommes (Broucaret, 2012). De plus, le sport permet d’appréhender les notions de règle, de hiérarchie, de respect, d’égalité, de solidarité et d’acquérir les vertus telles que la résistance, la volonté, le goût pour l’effort, l’ordre, la discipline, la modestie, la docilité, l’audace, etc. Il valorise également la performance, le rendement, la rivalité et la virilité (Caillat, 2002), tout en s’associant aux valeurs de la guerre, telles que le courage, l’héroïsme, la camaraderie, le sacrifice et la mort (Mosse, 1997). Il paraît donc logique que les activités sportives modernes aient été conçues par des hommes et pour le renforcement de la virilité des garçons (Dunning, 1986, in Defrance, 2008 ; Bohuon, 2012b), tel un « […] « fief de la virilité » […] » (Dunning, 1986, in Defrance, 2008, p. 101 ; Elias & Dunning, 1986, in Bohuon, 2012a, p. 97). Encore aujourd’hui, « le sport est un vecteur central de socialisation virile » (Guionnet & Neveu, 2004, p. 40) et il a le pouvoir de façonner l’identité masculine (Katz, 1996). Justement, les jeunes « […] intériorisent les valeurs supposées de la virilité » (Liotard, 2004, p. 129) ; apparaître viril pour les garçons suppose qu’il faut avoir du muscle, de la force (physique et morale), du courage, de l’honneur, de l’autorité, de la loyauté, etc. Pour les filles, la virilité est apparentée à la grande taille, la protection, la confiance en soi, la domination, le courage, le machisme, etc. Pour les garçons, la virilité est plutôt une qualité, alors que les filles pensent que cela dépend de la situation (Duret, 1999a). Au travers de la socialisation de la pratique 9 des sports d’équipes, les garçons apprennent la supériorité masculine : être apparenté à une femme est dégradant et renforce cette idée de supériorité (Katz, 1996 ; Guionnet & Neveu, 2004). D’ailleurs, les entraîneurs utilisent des termes liés aux femmes pour motiver ou remotiver leurs joueurs masculins, tel un comportement sexiste ; être un « vrai homme » suppose de rejeter tout ce qui est apparenté au féminin (Katz, 1996). La peur de l’échec à être viril conduit le garçon à redoubler d’investissement dans une activité sportive pour devenir un « vrai mec » (Guionnet & Neveu, 2004). Au final, la virilité appartient aux hommes (Dunning, 1994b ; Bourdieu, 1998) et le sport a toujours été un domaine masculin, où les femmes sont mises à l’écart, voire exclues (Birrell & Theberge, 1994, Cole, 1994, Connell, 1995, Hall, 1996, in Jeanes & Kay, 2007). Justement, les rôles sociaux, liés au genre, se sont construits en fonction de ces notions de masculinité/virilité, qui ont servi à naturaliser une domination masculine envers les femmes (Jeanes & Kay, 2007 ; Aceti & Jaccoud, 2012). Cependant, les femmes peuvent s’approprier le sport et en modifier les contours pour leur propre pratique (Wearing, 1998, in Jeanes & Kay, 2007). Ainsi, le sport peut renforcer les idéologies de genre, tout en laissant la liberté et l’opportunité de les bouleverser (Hargreaves, 1990, in Jeanes & Kay, 2007). Le cas des femmes : arrivée tardive et inégalités Puisque l’histoire du sport a toujours été celle des hommes (Louveau, 2006), les Jeux antiques étaient masculins (Baillet, 2001) et les tournois féodaux également : les dames ne pouvaient pas véritablement y assister3 (Rühl, 2006). Au XIXème siècle, les femmes (comtesses, marquises, etc.) ne faisaient pas vraiment de sport, mais s’adonnaient à des loisirs, des passetemps pratiqués par les plus fortunés : ces activités ne devaient pas nuire à leur grâce, leur élégance et étaient le reflet de la puissance sociale de l’époux (tenues, costumes utilisés). Le sport était encore le loisir de distinction de l’élite (aristocrates, rentiers, bourgeois) (Louveau, 2006 ; Corbin, 1995, in Breuil, 2011) ; les paysannes et les ouvrières étaient absorbées dans le travail domestique et la gestion des enfants (Louveau, 2006 ; Breuil, 2011). Ensuite, la 3 Au Moyen-Age, seules quelques femmes de haut rang étaient acceptées à assister aux tournois et pouvaient remettre les prix aux vainqueurs, mais uniquement avec l’accord des arbitres (Rühl, 2006). 10 pratique sportive « légère » des femmes4 a émergé dans un souci de santé mentale et physique5 (Arnaud, 1996 ; Hargreaves, 1997 ; Theberge, 1989, Hargreaves, 1994, in Theberge, 2002 ; Park, 1987, in Rees & Miracle, 2002 ; Prudhomme-Poncet, 2003a ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Pfister, 2006 ; Broucaret, 2012 ; Bohuon, 2012b), mais toujours avec des exercices en conformité avec les normes sociales et culturelles de la période 6 (la femme restait belle, faible et fragile, rattachée au foyer, etc.) (Arnaud, 1996 ; Hargreaves, 1997 ; Manidi, 2000 ; Prudhomme-Poncet, 2003a ; Bohuon, 2012b) ; elles devaient également préserver, voire renforcer les parties du corps qui servent à la procréation et la maternité 7 (Arnaud, 1996 ; Manidi, 2000 ; McCrone, 1987, in Rees & Miracle, 2002 ; PrudhommePoncet, 2003a ; Bohuon, 2012b). Les opinions médicales ont toujours été centrales dans les légitimations des sports pour les femmes aux XIXème et XXème siècles (Hargreaves 1997 ; Kocher, 2001 ; Mennesson, 2005a). Avec le temps, la bicyclette s’est vue appropriée par les femmes, contribuant à leur émancipation (Carteret, 1993 [1899], in Bohuon, 2012b ; Arnaud, 1996 ; Hargreaves, 1997 ; Terret, 2010, in Broucaret, 2012). Certains sports étaient considérés comme inappropriés aux femmes, car leur participation aurait remis en cause la supériorité masculine et l’image de la féminité (Hargreaves, 1997). D’ailleurs, les premiers Jeux olympiques de 1896 étaient interdits aux femmes (Arnaud, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003a ; Bohuon, 2012b ; Broucaret, 2012), ils étaient destinés à l’homme vu comme un héros (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Bohuon, 2012b ; Broucaret, 2012) car « […] une olympiade femelle serait impensable, impraticable, inintéressante, inesthétique et incorrecte » (Pierre de Coubertin, in Davisse & Louveau, 1998, p. 69, in Bohuon, 2012b, p. 40 ; Lefevre, 1996 ; Broucaret, 2012). En 1900, pour la deuxième olympiade, quelques rares sports leur étaient autorisés (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Bohuon, 2012b ; Broucaret, 2012). La pensée de Pierre de Coubertin reflétait bien la période : le sport pratiqué par les femmes n’était pas un spectacle La différenciation se faisait dans l’intensité et la quantité : la pratique féminine était une pratique masculine adaptée (Manidi, 2000). 4 Il existait une peur du manque d’enfant et de « dégénérescence de la race » (Zancarini-Fournel, 2005) ; l’éducation physique féminine s’inscrivait donc dans le but de régénération raciale (Prudhomme-Poncet, 2003a). 5 6 Les goûts, les activités et les valeurs étaient différenciés entre hommes et femmes (Arnaud, 1996). 7 La place de la femme a toujours été essentielle dans la société justement (Mosse, 1997). 11 recommandable. L’athlète devait rester mâle et la récompense, les applaudissements féminins ; ceci s’inscrivait dans la tradition antique et chevaleresque (De Coubertin, 1912). Cependant, la Première Guerre mondiale marqua une rupture : les femmes durent remplacer les hommes absents, disparus et prirent plus de responsabilités (Arnaud, 1996 ; Prudhomme, 1996 ; Mosse, 1997 ; Kocher, 2001 ; Prudhomme-Poncet, 2003a ; Louveau, 2006 ; Breuil, 2011 ; Broucaret, 2012), tout en provoquant la crainte de leur masculinisation (Arnaud, 1996 ; Louveau, 2006 ; Breuil, 2011 ; Broucaret, 2012 ; Bohuon, 2012b). Malgré certaines réticences ou réactions hostiles, un bon nombre de femmes appréciaient des disciplines très variées (Breuil, 2011 ; Broucaret, 2012). Cet enthousiasme pour le sport féminin était supposé être temporaire. Par contre, les années immédiates d’après-guerre confirmèrent le statut des sportives (Breuil, 2011). Justement, les années 1920-1930 étaient propices à la participation des femmes dans le sport, avec volonté d’opportunités égales aux hommes, sans pour autant avoir les mêmes moyens (victimes d’interdictions, de réprimandes surtout pour les sports à caractère masculin8) (Hargreaves, 1997) : les représentations collectives continuaient de rattacher les femmes aux tâches domestiques et au foyer (Louveau, 2006). Pendant cette période, les femmes organisèrent leurs propres Jeux olympiques (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Broucaret, 2012) ; l’incorporation des femmes aux JO 9 s’est faite de manière timide et progressive (Hargreaves, 1997 ; Broucaret, 2012). En 1928, les femmes étaient admises dans deux épreuves olympiques, ce qui mettait en péril l’idéal olympique (celui de la virilité) ; le sport au féminin était possible, mais il ne devait pas devenir un spectacle offert à tous (De Coubertin, 1931). Dans l’entre-deux-guerres, la morale sociale – ancrée dans le discours médical – continuait de préconiser une activité physique modérée pour les mères ou futures mères (Louveau, 2006). Le sport féminin est rejeté ou mis à l’écart avant les années 1950 (Drevon, 2005, in Defrance, 2008), surtout que les rares participantes n’étaient pas prises au sérieux (Broucaret, 2012). Le déséquilibre sportif hommes/femmes resta très fort jusque dans les années 1960-1970 (Defrance, 2008). Les années 1960 virent la population active se modifier, avec l’arrivée du temps des loisirs également (Louveau, 2006). Cependant, ce temps libre devait servir au bien- La « garçonne » était le symbole de l’émancipation, qui fréquentait des lieux de mauvaise vie et qui était proche de la prostituée (Arnaud, 1996). 8 9 Jeux olympiques. 12 être du foyer (Corbin, 1995, in Louveau, 2006) ; les femmes se dirigèrent donc plutôt vers le tricot, la broderie et la couture (Louveau, 2006). Le changement de statut pour les femmes dans le sport s’est opéré en parallèle de l’amélioration générale de la condition de la femme (matrimoniale, salariale, juridique et politique)10 (Defrance, 2008) : les évolutions sociales et culturelles permettent de comprendre la féminisation des pratiques sportives (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2006). Un début de reconnaissance d’une pratique féminine par les institutions nationales et internationales se fit dans les années 1970 (Mennesson, 2004a ; Prudhomme, 1996, 2003, in Mennesson, 2006) de par un questionnement important sur les organisations sociales de manière générale (éducation, famille, travail) (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006) ; les débats concernaient surtout les rôles sociaux dévolus aux femmes (Ergas, 1992, in Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2006). Les années 1990 marquèrent un véritable changement : les délégations n’envoyant aucune sportive sont de moins en moins nombreuses aux Jeux Olympiques11 (Broucaret, 2012). Il faut dire que jusqu’alors, les enjeux économiques étaient très importants et la médiatisation du sport cruciale. Ainsi, les dirigeants sportifs s’étaient désintéressés à la pratique des femmes (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006). Au final, la conquête du sport au XXème siècle a conduit à une massification de la pratique féminine (Louveau, 2006 ; Corbin, 1995, in Breuil, 2011) : femmes et hommes ont une fréquence d’activité physique proche à la fin du XXème siècle, mais dans des disciplines, espaces et moments différents (Defrance, 2008) et sans pour autant qu’elles rattrapent totalement leur retard sur les hommes (Terret, 2010). De plus, les femmes n’arrivent pas à s’imposer dans les instances dirigeantes, qu’elles soient nationales ou internationales. Les postes d’entraîneurs sont également rarement confiés à des femmes (Breuil, 2011). En bref, l’univers sportif est dominé par la tradition (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006), où les femmes sont dissuadées de pratiquer certains sports qui ne seraient pas en accord avec leur féminité (Broucaret, 2012). 10 L’année 1968 est charnière dans la volonté d’une égalité hommes/femmes (Louveau, 2006). 11 43% de femmes en 2008 à Pékin, contre 11% en 1960 à Rome. Cependant, en 2008, encore trois délégations n’avaient pas de femmes dans leur rang (Arabie Saoudite, Qatar et Brunei) (Broucaret, 2012). 13 Quelques repères sur le sport en Suisse Le sport, dans son sens moderne, gagna la Suisse dans les années 1880 ; ce sont les étudiants et touristes britanniques qui amenèrent leurs jeux et passe-temps. Après l’apparition de clubs et de compétitions, différentes fédérations sportives ont été créées à la fin du XIXème siècle. Les gymnastes étaient hostiles à l’arrivée du sport, car ils voulaient préserver une pratique composée de valeurs bourgeoises. Puis entre 1902 et 1930, la gymnastique s’en rapprocha progressivement puisque le phénomène prenait de l’ampleur, les jeunes générations s’y intéressaient ; ce milieu se rendit compte que le sport avait le même but, à savoir avoir une influence positive sur la jeunesse et son développement physique. La concurrence gymnastique/sport s’était faite en milieu associatif et à l’école ; le sport était vu comme trop libre, désordonné, alors que la gymnastique était la seule manière rationnelle et raisonnée pour améliorer ses performances au travers de l’ordre et de la discipline 12. Par la suite, l’éducation physique à l’école va se « sportiviser » et dès les années 1980, le sport devint la pratique de référence parce qu’elle occupait une place déterminante dans la société (Bussard, 2000). Entre 1992 et 1997, le manque d’exercice physique s’était accentué, pour ensuite être enrayé (Lamprecht & Stamm, 2006). Aujourd’hui, en comparaison internationale, les Suisses sont très sportifs13 ; les individus pratiquent assidûment un sport ou n’en font pas du tout14 (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008, in Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009 ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Il faut dire que les personnes qui font de l’exercice physique régulièrement sont en meilleure santé, se sentent mieux et améliorent leur qualité de vie (Lamprecht & Stamm, 2006). Dès le plus jeune âge, les garçons bougent plus que les filles et cette différence se maintient avec l’âge. En règle générale, l’activité physique augmente progressivement pendant l’enfance, pour ensuite reculer à l’adolescence, à 13 ans et à 17 ans ; pourtant, la baisse de pratique à 13 ans n’est pas d’actualité chez les filles 15. Ensuite, la motivation sportive se 12 « […] le sportif se fait plaisir, alors que le gymnaste se sent investi d’un devoir » (Bussard, 2000, p. 41). 13 Dans une certaine logique, les personnes les plus sportives sont celles qui fument le moins, se nourrissent plus sainement, ont moins de problèmes de surpoids et ont un meilleur bien-être psychique (Lamprecht & Stamm, 2006). 14 Graphique de l’évolution sportive en Suisse de 1978 à 2014 (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014) en annexe. Graphique de l’activité sportive selon le sexe et l’âge : enfants/adolescents (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008a) en annexe. 15 14 retrouve dans le plaisir, la bonne santé, la forme physique, la camaraderie ou encore la performance et la compétition (ces deux-là étant plutôt privilégiés par les garçons), aussi bien chez les enfants que les adolescents (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008a). À l’âge adulte, la motivation à pratiquer se trouve surtout dans la possibilité de contact avec la nature, la santé, le plaisir et le bien-être, avec une baisse d’attrait pour la performance et la compétition. La population suisse pratique également plusieurs sports à la fois, elle est « polysportive » ; le choix d’un sport dépend de l’âge et du sexe notamment. Les femmes se dirigent plutôt vers le fitness, le yoga, l’équitation, la danse et le walking. Le football, le hockey sur glace et le tir sont plus plébiscités par les hommes (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014), alors que le ski alpin, le badminton ou encore le jogging sont des pratiques à tendance mixte. De plus, les sports de ballon attirent plus les adolescents et les jeunes adultes (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Quoi qu’il en soit, au fil du temps, les femmes sont presque aussi nombreuses que les hommes à faire du sport (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008, in Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009 ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). De plus, avec l’âge, la pratique s’érode (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008, in Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009 ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014) et les creux d’activité sont plus fréquents pour les femmes. Les plus grands écarts entre les sexes sont visibles pendant la jeunesse et après les 25 ans, pour ensuite devenir très faibles en avançant en âge (Lamprecht & Stamm, 2006 ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Ces écarts peuvent s’expliquer du fait que les femmes réduisent leur pratique sportive en fonction de leurs enfants et de la vie familiale ; ensuite, lorsque les enfants sont grands, elles reprennent le sport plus régulièrement 16. Il faut dire qu’une partie importante de la population helvétique ne fait plus de sport par manque de temps ou occupée par obligations professionnelles et familiales (la proximité des infrastructures peut également avoir une influence sur la pratique) ; les femmes sont celles qui désirent le plus fortement reprendre une activité sportive. Certains arrêts ont aussi été causés par un mauvais entraîneur, des mésententes avec les coéquipiers, une pression excessive ou encore des blessures (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). 16 Graphique de l’activité sportive selon le sexe et l’âge (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014) en annexe. 15 En ce qui concerne les clubs sportifs, une bonne partie des enfants et adolescents en sont membres, avec une sous-représentation des filles. Ils y sont motivés par la discipline, l’entraînement, l’esprit de camaraderie, les compétitions. Les changements, les départs de clubs ou encore les arrêts de la pratique sont aussi fréquents : perte d’intérêt pour la discipline, intérêt pour d’autres, manque de temps, conflits avec des coéquipiers (pour les enfants) ou avec l’entraîneur (pour les adolescents) (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008a). En avançant en âge, une bonne partie de la population pratique toujours en clubs, avec une forte proportion de jeunes hommes (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014) ; les individus masculins/féminins y sont attirés par la camaraderie, la convivialité, une pratique régulière et les entraîneurs, avec un intérêt plus prononcé pour la compétition chez les hommes (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Les femmes restent minoritaires en clubs ; elles sont cependant majoritaires dans certaines disciplines, dont la gymnastique, le patinage, le volleyball, la danse ou encore le twirling et le swissfit. Les femmes sont plus fortement représentées lorsqu’elles sont jeunes, leur nombre diminuant avec l’âge (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2011). Pour ce qui est des accidents, les (jeunes) hommes se blessent plus que les femmes (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014), le plus fréquemment à cause du ski et du football (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Les sports les plus populaires dans les médias sont le football, le ski alpin, le tennis et le hockey sur glace. Les femmes quant à elles privilégient le patinage, la natation, l’équitation et la gymnastique, alors que les hommes s’intéressent davantage aux sports mécaniques, au rugby, à la boxe, etc. (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Question finances, « les hommes déboursent plus que les femmes pour le sport » (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014, p. 5), en participations aux manifestations sportives (billets, maillots, etc.) et à l’accès aux infrastructures et aux équipements pour la pratique (cotisations, chaussures, vêtements, etc.) (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Le sport contribue également au développement des enfants et des adolescents (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008, in Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009). La population helvétique estime que la promotion devrait se faire auprès des jeunes, des femmes, des seniors et des handicapés (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). 16 Un sport en particulier : le football Bref historique de la pratique La soule était la forme ancestrale du football et du rugby (Mignon, 1998). Le football populaire de l’époque médiévale était mal organisé : violent, sans limites de temps, de délimitation de surface de jeu, sans règles précises (Guttmann, 2002 ; Wahl, 2002 ; Carew, 1602, in Dunning & Curry, 2004). Au XVIIIème et XIXème siècle, la pratique du football tenait une place importante dans les public schools du Royaume-Uni (Dunning & Curry, 2004), avec une réglementation progressivement écrite (Wahl, 2002 ; Prudhomme-Poncet, 2003a ; Dunning & Curry, 2004) ; au fil du temps, « chaque établissement se construit sa tradition propre » (Wahl, 2002, p. 16). En 1863, il fut décidé d’adopter les règles mises en place par le collège de Cambridge (Wahl, 2002 ; Dunning & Curry, 2004) et la Football Association fut créée par la même occasion17 (Mason, 1980, Russell, 1997, in Lanfranchi, 1998 ; Thomas, 1999 ; Guttmann, 2002 ; Wahl, 2002 ; (Dunning & Curry, 2004). Dès 1880, la Suisse devint un berceau important du football, car les collèges suisses accueillaient des étudiants ingénieurs, techniciens, banquiers britanniques dans le cadre de leur formation (Lanfranchi, 1998 ; Wahl, 2002). En 1895, l’Association suisse de football vit le jour (Bussard, 2000). Avec la volonté d’unifier la pratique du football, la Fédération Internationale de Football Association fut créée en 1904, pour diriger le football mondial dans son ensemble (Guttmann, 2002 ; Wahl, 2002 ; Breuil, 2011). La fin de la Première Guerre mondiale poussa à la nationalisation du jeu dès 1920 (Lanfranchi, 1998 ; Mignon, 1998) : la rencontre footballistique devint le lieu favori d’oppositions internationales (Lanfranchi, 2002). La première compétition internationale de football se déroula pendant les Jeux olympiques, puis la FIFA mit en place sa première Coupe du monde en 1930. L’Union of European Football Associations fut créée en 1954 pour gérer le football européen en particulier ; elle organisa son premier championnat d’Europe en 1960. En 1955, la Coupe d’Europe des clubs champions (future Ligue des champions de l’UEFA18) émergea pour confronter les meilleurs clubs européens (Wahl, 2002). Au fil du temps, le 17 Cette année-là, le football se démarqua du rugby, en excluant la partie agressive, violente qui est associée au rugby (Dunning & Curry, 2004). 18 Union of European Football Associations. 17 professionnalisme prit de plus en plus de place et le jeu devint plus technique, tactique, avec des améliorations dans les entraînements, les infrastructures, les stades sont aussi devenus de plus en plus nombreux19. Les médias ont pris une ampleur croissante, tout comme les sponsors, ce qui génère une importante part de revenus (Wahl, 2002). Les années 1980 virent le football se médiatiser et surtout devenir une activité économique, liée aux stratégies d’entreprise, où le supporter se transforma en consommateur, avec le lien régional brisé par la télévision. D’ailleurs, sa commercialisation précoce – le premier des sports collectifs – peut expliquer son expansion planétaire (Mignon, 1998). Cependant, le football a voulu se protéger de la présence féminine par crainte de sa dévalorisation. Ainsi, la pratique des femmes n’a été acceptée que très lentement (Kocher, 2001). Une lente émergence de la pratique féminine À la fin du XIXème siècle en Grande-Bretagne, la popularisation du sport aida d’autres femmes, issues de milieux plus modestes, à avoir accès à des sports (Hargreaves, 1994, in Breuil, 2011). Certains matchs de football furent pratiqués dans des highschools pour filles dès les années 1890 (Kocher, 2001 ; Wahl, 2002 ; Breuil, 2011). En 1894, avec une volonté d’égalités entre les sexes, des femmes formèrent la première association de football féminin en Grande-Bretagne, mais les matchs de football furent pratiqués de manière épisodique (Breuil, 2011) ; les premières équipes y voient le jour en 1895 (Prudhomme, 1996 ; Kocher, 2001 ; Prudhomme-Poncet, 2003a). Après la Première Guerre mondiale, les années 1920 virent la création de plusieurs clubs de football féminins en Europe (Breuil, 2011), ainsi que des rencontres à fortes affluences, mais qui restèrent des matchs de bienfaisance (Kocher, 2001 ; Breuil, 2011) et de remerciements pour les femmes quant au travail effectué lors de cette période difficile (Wahl, 2002 ; Breuil, 2011). Le 5 décembre 1921, au Royaume-Uni, la FA20 interdit aux clubs, aux dirigeants, aux associations régionales, aux arbitres de soutenir le football féminin (prêter des terrains, assistance technique, etc.) (Kocher, 2001 ; Breuil, 2011), tout en n’interdisant pas – officiellement – sa pratique ; cette décision britannique influença les autres pays européens : le football n’était donc pas souhaitable pour les femmes (Breuil, 2011). Ainsi, dans les années 1930, les équipes possédaient peu de moyens et face à la 19 En 1951, la Suisse compte plus de 400 stades (Wahl, 2002). 20 Football Association. 18 pression sociale faite à leur encontre, elles disparurent progressivement (Prudhomme, 1996 ; Wahl, 2002 ; Prudhomme, 2003, in Louveau, 2006 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Breuil, 2011). Les discours médicaux stipulaient que la faiblesse physique avérée de la femme (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Sohn, 2002, in Breuil, 2011) représentait un risque de stérilité21 (Prudhomme-Poncet, 2003b ; Breuil, 2011) et de virilisation (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Breuil, 2011) : la féminité devait rimer avec beauté, grâce et élégance (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Louveau, 2006 ; Breuil, 2011). Le sport pouvait donc aider les femmes à s’émanciper, mais il fallait rester belle et mettre les obligations familiales au premier plan (Amar, 1994, in Louveau, 2006). Ensuite, les transformations économiques, sociales et culturelles des années 1950 permirent aux jeunes filles de jouer au football22. Cependant, entre 1950 et 1965, les différentes fédérations footballistiques refusèrent d’intégrer le jeu féminin, tout en interdisant à nouveau les acteurs du football masculin de soutenir le jeu féminin d’une quelconque manière. Dès 1965, le nombre de pratiquantes augmenta partout en Europe et le football fut financé et dirigé par de riches hommes d’affaires qui voulaient gagner de l’argent avec les rencontres de football féminin. En 1971, afin de stopper cette quête du profit, l’UEFA décida de reconnaître la pratique des femmes (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011) et les associations nationales devaient organiser leur jeu (Breuil, 2011). Cependant, « aucun programme d’action n’est suggéré aux associations nationales pour assurer le développement de la pratique » (Breuil, 2011, p. 218) : les instances footballistiques préféraient contrôler la pratique plutôt que de l’ignorer, sans pour autant la développer (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a). La mixité était interdite et un âge minimum fut décidé : les filles pouvaient obtenir une licence footballistique à partir de onze ans seulement (Breuil, 2011). « Ainsi, les règlements adoptés empêchent un développement quantitatif et qualitatif du football féminin » (Breuil, 2011, p. 224). Ce peu de reconnaissance des instances dirigeantes nationales et internationales et des médias n’encouragea pas les sportives à se tourner vers le D’ailleurs, des règles particulières leur sont adaptées (contacts interdits, temps de jeu et terrains réduits, etc.) (Prudhomme, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003 ; Prudhomme-Poncet, 2003b) 21 22 Cependant, des disparités européennes existent : les pays du Nord (et/ou protestants) étaient plus actifs que ceux du Sud (et/ou catholiques) (Breuil, 2011) (place plus importante pour le sport, développement économique et social plus soutenu, taux de scolarisation féminin plus élevé et changements de mœurs facilités) (Lagrave, 2002, in Breuil, 2011) ; l’émancipation féminine y était donc plus forte (Wahl, 2002). 19 football ; elles privilégièrent d’autres disciplines qui offraient la possibilité de participer à des compétitions plus variées et attrayantes. Par la suite, pour développer le football des filles, les fédérations mirent en place une dose de mixité pour les filles de moins de onze ans : elles jouaient avec les garçons en attendant d’intégrer une équipe 23. Les années 1970-1980 virent les pays du Nord s’affirmer plus fortement que ceux du Sud (Breuil, 2011). De plus, l’UEFA tarda à créer une compétition internationale officielle (Breuil, 2011) ; une certaine ignorance, voire du mépris prédominait, toujours avec la justification de la faiblesse des femmes et leur inaptitude à la pratique 24 (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a). Les femmes s’impatientaient devant l’inactivité des hautes instances du football (Breuil, 2011), mais les responsables du football organisèrent finalement un tournoi européen qui eut lieu entre 1982 et 198425 (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011). Cependant, le financement restait un problème : pas de soutien de la part de l’UEFA, frais de déplacement trop élevés et spectateurs absents. L’UEFA a donc dû venir en aide au déficit féminin de manière progressive. Le tournoi de 1989-1991 devint le Championnat d’Europe des Nations féminin – ou Euro féminin – (même appellation que les hommes). À partir de 1997, le tournoi féminin se calque sur le masculin, avec une phase finale à l’identique, qui se déroule également tous les quatre ans26 (Breuil, 2011). La FIFA tarda également à mettre en place une Coupe du monde féminine de football – ou Coupe du monde féminine de la FIFA – (Breuil, 2011) ; celle-ci vit le jour en 1991 (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011) et se déroule tous les quatre ans comme les hommes (Prudhomme-Poncet, 2003a ; Breuil, 2011). Par la suite, des catégories internationales féminines de jeunes furent aussi prévues, comme c’était déjà le cas pour les garçons. A noter qu’au niveau des clubs, une Coupe d’Europe pour les clubs champions est introduite en 2001 (Breuil, 2011). 23 Ceci leur permet aussi d’améliorer leur jeu technique et tactique (Breuil, 2011). 24 Le règlement est de nouveau adapté aux spécificités féminines (temps de jeu réduit, protection de la poitrine, ballon plus petit, etc.) (Prudhomme, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a). 25 Les seize nations inscrites surprennent les responsables (Breuil, 2011). 26 Avant, le tournoi européen se déroulait sur deux ans avec un système de groupes différent (Breuil, 2011). 20 Présentation du football féminin suisse et neuchâtelois « En Suisse, il est difficile de trouver des traces tangibles des débuts du football féminin » (Kocher, 2001, p. 143), parce que le football féminin suisse a été tardif et les femmes se cachaient pour jouer (Entretien ANF, 03.12.2015). Par conséquent, la logique historique est la même que pour ses voisins européens. Ainsi, dans les années 1950-1960, les différentes fédérations footballistiques refusaient toujours d’intégrer le jeu féminin et interdisaient le football masculin de soutenir le jeu féminin de quelque manière que ce soit. En Suisse, les dirigeants furent plus hésitants, mais après s’être renseignés auprès d’autres pays sur le statut du football féminin, ils rejetèrent également les demandes des femmes 27 (Breuil, 2011). Plusieurs équipes virent le jour dans les années 1960, avec également la fondation de l’Association romande de football féminin (Kocher, 2001) ; elles se multiplièrent dès 1968, avec dix équipes recensées en Suisse romande. La partie suisse allemande créa aussi des équipes, dont cinq à Zürich (Archives de la Fédération suisse de Football, 1969, in Breuil, 2011). À cette époque, les rencontres étaient plutôt locales (Kocher, 2001) et il existait dixhuit équipes au total en Suisse ; celles-ci étaient financées et dirigées par de riches hommes d’affaires qui comptaient faire du profit avec les rencontres. Dès 1969, certaines fédérations footballistiques reconnurent de manière partielle la pratique des femmes ; la fédération helvétique autorisa les clubs à mettre en place des sections féminines (Breuil, 2011). Ainsi, devant l’engouement pour ce sport, une Ligue féminine suisse de football fut créée en 1970 (Kocher, 2001 ; Breuil, 2011), avec une volonté du football masculin de contrôler la pratique féminine (Kocher, 2001). Ce championnat manqua de moyens financiers et obligea les longs déplacements ; par conséquent, la Ligue fut divisée en trois groupes, selon les régions (Breuil, 2011). En 1985, les filles de moins de douze ans n’étaient pas encore autorisées à posséder une licence et il n’existait qu’une seule catégorie d’âge, sans championnat organisé. Puis, une dose de mixité pour les filles de moins de onze ans fut instaurée la même année : elles attendaient l’âge minimum pour jouer avec des filles en pratiquant avec des garçons, afin d’améliorer leur jeu également. D’ailleurs, en 1985, la Suisse comptait 96 clubs avec trois Pour l’anecdote, la première fille en Suisse à pouvoir jouer officiellement au football était Madeleine Boll, une Valaisanne âgée de douze ans et à qui la Fédération helvétique avait délivré une licence par erreur, sans remarquer que c’était pour une fille (dans les années 1960) (Breuil, 2011). 27 21 divisions différentes (Breuil, 2011). En 1993, la Ligue féminine intègre l’ASF, sous la pression de l’UEFA et la FIFA28. Ensuite, de 1970 à 2000, les équipes féminines ont fortement augmenté dans tout le pays, passant de moins de 30 équipes à plus de 330. En comparaison, les joueurs licenciés masculins stagnaient, voire régressaient (Kocher, 2001). Malgré cela, le football féminin helvétique reste un sport invisible (Haenni, 1995, in Kocher, 2001), avec une moindre tolérance de la part de la Romandie. La majorité des titres de championnes se sont concentrés en Suisse Alémanique, avec une domination des équipes de Berne et de Zürich (Kocher, 2001). Actuellement, en Suisse et plus spécifiquement dans le canton de Neuchâtel, une fille peut pratiquer comme les garçons : elle s’approche d’un club et s’inscrit dans la catégorie des juniors correspondant à son âge. Dès l’école de foot (juniors G), elle pratique avec les garçons29, avec la possibilité de jouer dans la même catégorie que ceux-ci, en étant une année plus âgée. Ensuite, les filles quittent les garçons lors du passage de la catégorie D à C, c’est-àdire autour des 13-14 ans, avec une certaine souplesse, sans pour autant être obligées. À ce moment-là, elles rejoignent des équipes juniors totalement composées de filles et qui se nomment B11 (préalablement B9). Celles-ci accueillent une large classe d’âge allant de 13 à 17 ans. Il existe cinq équipes de ce type pour la saison 2015/2016, disséminées dans les différentes régions du canton de Neuchâtel. Après le passage dans ces équipes B11, les filles rejoignent les équipes seniors féminines (Entretien ANF, 03.12.2015). Lors de la saison 2015/2016, il existe cinq équipes d’actives en 3ème ligue (Séance ANF, 11.11.2015) et deux en 2ème ligue interrégionale (sept équipes au total) 30. Les ligues du football féminin helvétique fonctionnent de la même manière que chez les hommes, avec une 4ème ligue (selon les régions), une 3ème ligue (celles-ci sont régionales), une 2ème ligue interrégionale, une 1ère ligue, une ligue nationale B et une ligue nationale A (celles-ci sont interrégionales). Les promotions se font de la même manière qu’au sein des équipes masculines, avec toutefois moins d’équipes dans les ligues (Entretien ANF, 03.12.2015). Ces instances souhaitaient qu’une seule association soit responsable des sections masculines et féminines (Kocher, 2001). 28 À noter qu’à Neuchâtel, deux équipes juniors (F et E) sont composées uniquement de filles pour la saison 2015/2016 (Entretien ANF, 03.12.2015). 29 30 http://www.football.ch/anf/Association-neuchateloise-de-football/Clubs-ANF/Club-ANF.aspx/v-906/t51869/ls-14355/sg-43057/a-rr/ et http://www.football.ch/anf/Association-neuchateloise-de-football/ClubsANF/Club-ANF.aspx/v-947/t-55960/ls-14440/sg-43360/a-rr/, consultés le 09.01.2016. 22 L’envie de pratiquer : bref aperçu helvétique Aujourd’hui, en Suisse, le football est un des sports les plus appréciés chez les enfants et adolescents, surtout pour les garçons. Il reste le sport associatif le plus répandu pour les garçons à l’enfance et à l’adolescence31, alors que les filles se tournent plutôt vers la gymnastique et la danse pendant l’enfance et également vers le volleyball à l’adolescence (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008a). Entre l’enfance et l’adolescence, le football perd des pratiquants masculins et féminins 32 ; ceci se voit de manière flagrante chez les filles, qui se tournent probablement vers d’autres activités (physiques ou non) (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008a). Avec l’âge, la pratique du football baisse pour les deux sexes, mais de manière encore plus radicale chez les femmes (presque plus aucune pratiquante après 45 ans) (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009). Ainsi, le football ne compte pas une grande proportion de pratiquantes et même quand il leur est demandé si elles voudraient le pratiquer ou le pratiquer davantage, les femmes restent faiblement concernées (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2009 ; Lamprecht, Fischer & Stamm, 2014). Quoi qu’il en soit, l’engouement existant pour le football peut s’expliquer par l’important nombre de clubs qui lui est affilié33, surtout qu’il est la deuxième discipline à avoir le plus de membres, juste derrière la gymnastique (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2011). Ceci s’ajoute aux infrastructures, car en Suisse les terrains de football sont fortement représentés. De plus, l’offre footballistique paraît plus forte en Suisse romande qu’en Suisse alémanique, inversement aux offres de gymnastique (Balthasar et al., 2013). D’ailleurs, par la suite, le football reste le sport favori des hommes âgés de 15 à 29 ans (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2008b). 31 32 Les adhésions en clubs – pour garçons et filles – s’effritent à 15-20 ans (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2011). 33 Il se place derrière la gymnastique et le tir (Lamprecht, Fischer & Stamm, 2011). 23 CADRE THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE Inégalités entre hommes et femmes : le concept de genre Les origines du sexe biologique comme justification première des inégalités Au XVIIème siècle, les individus pensaient que « le masculin était la version réussie d’un genre unique » (Zancarini-Fournel, 2005, p. 15) et l’idée du corps féminin comme version inférieure du masculin s’est perpétuée (Laqueur, 1992, in Zancarini-Fournel, 2005). Ensuite, la science a été utilisée pour prouver la supériorité de l’homme sur la femme (Mistral, 2012). Ainsi, la période des Lumières y était propice parce qu’elle désirait démontrer la rationalité de l’ordre social que médecins et anthropologues commencèrent à mesurer, quantifier, comparer, etc. (Stafford, 1991, Schiebinger, 1989, 1993, Laqueur, 1992, Pfister, 1997, in Pfister, 2006). Les arguments biologiques fournis par la médecine commencèrent à révéler les traits de caractère ou encore l’intelligence, qui servaient à construire les différences ethniques, sociales et de genre (Lowe & Hubbard, 1986, in Pfister, 2006) ; « […] la croyance selon laquelle l’intelligence dépend du poids du cerveau » (Pfister, 2006, p. 3) en est le parfait exemple 34 (Pfister, 2006 ; Vidal, 2010 ; Mistral, 2012). Cette période a associé la féminité à la discrétion, la retenue, la douceur, la passivité et ces vertus devaient être inculquées au travers de l’éducation ; les anatomies étaient liées aux comportements et les caractères étaient liés aux conditions sociales (Zancarini-Fournel, 2005). La mise en place de normes avait pour tendance de marginaliser ceux qui ne s’en approchaient pas (Pfister, 1997, in Pfister, 2006). L’anatomie expliquant les rôles et qualités des hommes et des femmes35, le corps féminin était alors appréhendé comme une sorte d’homme inabouti (Guionnet & Neveu, 2004), avec un appareil génital inachevé (Jörg, 1821, Honegger, 1991, in Pfister, 2006) ; la grossesse, l’accouchement, les menstruations, etc. étaient vus comme des déficiences pathologiques qui vont diffuser l’image d’un « sexe faible » (Guionnet & Neveu, 2004 ; Pfister, 2006 ; Mistral, 2012), démontrant ainsi leur fragilité et leur incapacité à réaliser certaines tâches qui étaient dévolues aux hommes (Bohuon, 2012b ; Mistral, 2012). Le corps des femmes devait donc être caché, discipliné dans l’espace public. (Zancarini-Fournel, 2005). Ainsi, le discours médical a 34 Les cerveaux féminins sont logiquement plus petits puisque les femmes sont plus petites et que le volume du cerveau varie selon la taille du corps (Vidal, 2010). 35 Hommes et femmes sont faits pour se compléter, avec force pour l’un et faiblesse pour l’autre (Pfister, 2006). 24 pu justifier les préjugés masculins – qui se sont ancrés dans les consciences collectives – pour justifier l’exclusion des femmes (Mennesson, 2004a ; Bohuon, 2012b). Le genre : construction sociale de la différence des sexes Le mot « sexe » est assigné aux différences biologiques entre mâles et femelles, associées aux organes génitaux et aux fonctions de procréation. Dès la naissance, les enfants font partie de deux classes sexuelles distinctes (garçons/filles), comme de simples animaux (mâles/femelles), identifiables et valables pour toute la vie (Goffman, 2002 ; Hirschauer, 1996, in Pfister, 2006 ; Aceti & Jaccoud, 2012 ; Morra, 2015). Le biologique va conduire à « […] une manière spécifique d’apparaître, d’agir, de sentir liée à la classe sexuelle […], ce complexe peut être désigné comme genre […] » (Goffman, 2002, p. 47), où les différences biologiques justifient les différences sociales (Dunning, 1994b ; Goffman, 2002). Justement, le terme « genre » est lié à la culture et à la classification sociale des mots « masculin » et « féminin » (Oakley, 1972, in Delphy, 2002) ; « si le sexe désigne une identité biologique, le genre renvoie à une identité sociale, à la construction culturelle de la différence des sexes » (Opériol, 2013, p. 18). Ainsi, en naissant, les enfants possèdent un sexe biologique et non une identité masculine ou féminine (Hargreaves, 1997). Puis, les individus sont socialisés différemment (Gadrey, 1995 ; Hargreaves, 1997 ; Bourdieu, 1998 ; Lahire, 2001 ; Buscatto, 2014 ; Morra, 2015), au travers de la famille, de l’école et du monde du travail (Gadrey, 1995) ; parents, entourage, enseignants, médias contribuent à fabriquer filles et garçons pour qu’ils se rapprochent de la conformité masculin/féminin à l’âge adulte (Hargreaves, 1997 ; Bourdieu, 1998 ; Lahire, 2001 ; Buscatto, 2014 ; Morra, 2015). Le féminin et le masculin sont donc des réalités sociales qui se basent sur la biologie pour se justifier (Hargreaves, 1997 ; Goffman, 2002 ; Clair, 2012 ; Buscatto, 2014 ; Morra, 2015), où les corps, les pensées, les paroles, les gestes, les apparences, les sentiments ou encore les pratiques sont affectés (Lahire, 2001 ; Buscatto, 2014) : les noms, les couleurs, les vêtements, les paroles, etc. se font en accord avec le sexe (Hargreaves, 1997 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010) ; les filles sont vues comme plus gentilles, fragiles avec moins de liberté (Hargreaves, 1997 ; Goffman, 2002 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010), qu’il faut protéger de la dureté de la vie (Goffman, 2002), alors que les garçons sont vus comme plus vigoureux, aventureux et sont poussés à s’épanouir en extérieur (Hargreaves, 1997 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010). Les socialisations différenciées ne sont pas ressenties comme forcées, contraignantes par les 25 acteurs : elles correspondent à des habitus (Lahire, 2001), à une « […] intériorisation sous la forme d’une nature des contraintes sexuées imposées par le monde social » (Lahire, 2001, p. 12). Ainsi, « […] les dispositions masculines ou féminines ne sont pas vécues comme un choix parmi d’autres possibles, mais comme une évidente nécessité » (Lahire, 2001, p. 13). Il faut dire que « […] l’enfant apprend à connaître l’autre « version » de la réalité sociale, sans toutefois s’y identifier » (Lahire, 2001, p. 16) : la mixité n’implique pas une absence de stéréotypes sexués (Lahire, 2001 ; Fortino, 2002, Zaidman, 1996, in Mennesson, 2004a). Dans une certaine suite logique, les enfants ont tendance à se regrouper selon leur sexe dès leur plus jeune âge (Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010 ; Buscatto, 2014), avec des espaces, des activités, des jeux différenciés (Buscatto, 2014) qui sont encore privilégiés en vieillissant (Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010) : « plus les enfants passent de temps avec des partenaires de même sexe, plus leurs comportements sont différenciés » (Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010, p. 84). Pendant l’enfance et l’adolescence, chaque individu intériorise donc des manières de penser, de dire, de faire en lien avec son sexe ; ces dispositions genrées vont guider hommes et femmes dans des comportements différenciés et attendus (Buscatto, 2014). Par conséquent, les idéaux hommes et femmes sont opposés, mais aussi complémentaires (force/fragilité, dureté/douceur, compétence/ignorance dans différents domaines, insensibilité/sensibilité, etc.) ; le genre devient une opposition binaire homme/femme36 (Louveau, 1996 ; Bourdieu, 1998 ; Harding, 1986, in Laberge & Albert, 2000 ; Goffman, 2002 ; Liotard & Terret, 2005 ; Héritier, 2010), où les valeurs masculines sont supérieures aux féminines37 (Bourdieu, 1998 ; Goffman, 2002 ; Héritier, 2010). Ainsi, il suppose un agencement similaire de droits et d’obligations, mais organisé séparément. Il est ici question d’organisation parallèle, où le sexe sert à mettre en place des traitements différentiels 38 (Goffman, 2002). Entre autres, « […] les femmes voient leur vie centrée sur les tâches domestiques » (Goffman, 2002, p. 55 ; Bourdieu, 1998 ; Clair, 2012 ; Buscatto, 2014), contrairement aux hommes (activité professionnelle) (Bourdieu, 1998 ; Goffman, 2002 ; 36 Schéma des oppositions pertinentes (Bourdieu, 1998) en annexe. D’ailleurs, des pratiques féminines insignifiantes deviennent nobles si elles sont pratiquées par des hommes (couturier, cuisinier) (Mistral, 2012). 37 À l’école, les filles rentrent en classe avant les garçons (priorité du sexe « faible », notion de galanterie) ou encore les toilettes « publiques » où les femmes y vont en groupe et où le lieu se veut plus raffiné (Goffman, 2002). 38 26 Clair, 2012 ; Buscatto, 2014) ; l’image traditionnelle de la famille s’est consolidée avec le modèle capitaliste industriel (Best, 1971, Hamilton, 1978, Vicinus, 1973, Young, 1937, in Hargreaves, 1997), où l’homme est la figure dominante de l’autorité, car il est investi dans la sphère économique (Hargreaves, 1997) et la femme doit être proche du foyer puisqu’elle allaite le bébé39 (Goffman, 2002). Au final, malgré la présence importante des femmes sur le marché du travail, les évolutions des configurations familiales n’ont pas perturbé les rôles de chacun, appris très jeune et légitimé par les habitudes (Buscatto, 2014). Ainsi, les représentations collectives40 assignent des rôles aux deux sexes (Goffman, 2002 ; Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a) ; ces rôles supposent l’adoption de certains critères et le rejet d’autres pour se considérer et être considéré comme homme ou femme (Marro, 2015). Les places et les activités des individus ne découlent donc pas de leur nature ou de leurs capacités (Delphy, 2002). Dans tous les domaines, des discriminations et des hiérarchisations entre les sexes persistent (Kergoat, 1992, Mathieu, 1991, in Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a), ce qui conduit à des inégalités de traitement pour les femmes (Goffman, 2002 ; Mennesson, 2005a). Les inégalités hommes/femmes au travers de la domination masculine Comme il a été possible de s’en rendre compte, l’homme est associé à l’espace public alors que la femme est assignée à la sphère privée ; la famille, le travail, les médias, etc. donnent des rôles mineurs aux femmes. Les différentes situations de la vie contribuent à la construction d’une situation diminuée des femmes avec une faible représentation dans les positions politiques, économiques, de pouvoir. Justement, les parents, les enseignants, l’entourage découragent les filles à se diriger dans certaines filières scolaires (techniques et scientifiques) en justifiant une fragilité féminine opposée à la facilité des garçons pour ces domaines. Biologiquement, l’homme et la femme sont deux variantes, une supérieure et une inférieure, d’une même physiologie (Bourdieu, 1998). « […] la construction sociale des organes sexuels enregistre et ratifie symboliquement certaines propriétés naturelles indiscutables » (Bourdieu, 1998, p. 19) et permet « […] la division des statuts sociaux 39 Ici, la biologie a réussi à normaliser l’impact culturel des tâches domestiques (Goffman, 2002) 40 À noter que les revendications des femmes au XXème siècle ont permis de faire évoluer leur place dans la société (Mennesson, 2004a). 27 assignés à l’homme et à la femme » (Bourdieu, 1998, p. 21). La nature justifie et légitime cette domination (Clair, 2012) et l’hétérosexualité y présente sa suprématie41 (Butler, 2006, in Clair, 2012). Pour un homme, la pire humiliation est de se faire transformer en femme ; se faire féminiser par des moqueries ou plaisanteries affecte la virilité (Franco, 1992, in Bourdieu, 1998). De plus, l’homme doit sans arrêt affirmer sa virilité ; cette virilité doit être validée, reconnue par les autres hommes. « La virilité […] est une notion éminemment relationnelle, construite devant et pour les autres hommes et contre la féminité, dans une sorte de peur du féminin […] » (Bourdieu, 1998, p. 59). Ainsi, les choses, les activités quelles qu’elles soient sont divisées selon l’opposition masculin/féminin et les individus d’un sexe vont exclure tout ce qui pourrait appartenir à l’autre genre : un homme doit être viril et une femme féminine. Cette division sexuelle incorporée au corps sous la forme d’habitus se légitime naturellement dans le monde social tout entier (Bourdieu, 1998) ; la réalité biologique construit la différence entre les sexes où les hommes dominent les femmes arbitrairement, à tout point de vue dans l’ordre social (Dunning, 1994b ; Bourdieu, 1998 ; Clair, 2012) : « le masculin est conditionné à dominer et, de manière complémentaire, le féminin à se soumettre » (Bourdieu, 1998, in Manidi, 2000, p. 152). Peu importe les domaines, il existe une domination des hommes sur les femmes, que cela soit du point de vue économique, social ou symbolique (Buscatto, 2014). Lorsque les personnes dominées appliquent les principes qui ont été mis en place par les dominants ou encore structurent leur pensée selon les principes de la domination (Bourdieu, 1998), cela sous-entend que « […] leurs actes de connaissance sont, inévitablement, des actes de reconnaissance, de soumission » (Bourdieu, 1998, p. 19). Par conséquent, cette domination est incorporée par les habitus (Bourdieu, 1998), où ceux-ci sont nécessaires à sa compréhension : elle s’accomplit par la conformité des activités des femmes, qui sont socialement approuvées (Hong, 1999). Le pouvoir fait partie des relations sociales (Hargreaves, 1986, in Dunning, Malcolm & Waddington, 2004b) et « power may be exercised with or without the resistance of power subjects, and with or without their knowledge » (Hargreaves, 1986, p.5, in Dunning, Malcolm & Waddington, 2004b, p. 193). « La violence symbolique est […] cette forme de violence qui Auparavant, céder à la pénétration de la part d’un homme était la manière symbolique de renoncer au pouvoir et à l’autorité (Boswell, 1990, in Bourdieu, 1998). 41 28 s’exerce sur un agent social avec sa complicité » (Bourdieu, 1992, in Hong, 1999, p. 134). Elle est douce et souvent invisible : les dominés incorporent les relations de domination de manière naturelle (Bourdieu, 1998 ; Bourdieu, 1992, in Hong, 1999 ; Mauger, 2006) ; les perceptions, les appréciations, les actions qui constituent les habitus fondent cette domination, au-delà des décisions et des volontés conscientes. Cette violence symbolique est incorporée dans chaque individu sous forme de dispositions difficilement modifiables, autant du côté des dominants que des dominés (Bourdieu, 1998). « Les injonctions continues, silencieuses et invisibles que le monde sexuellement hiérarchisé […] leur adresse préparent les femmes […] à accepter comme évidentes, naturelles et allant de soi des prescriptions et des proscriptions arbitraires qui, inscrites dans l’ordre des choses, s’impriment insensiblement dans l’ordre des corps » (Bourdieu, 1998, p. 63). Le foyer : lieu d’origine des rôles assignés au genre La famille est le principal acteur de la construction des habitus sexués, qui se forment au travers de la socialisation des filles et des garçons dès leur plus jeune âge (Bourdieu, 1998 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010). Avant même la naissance d’un enfant, les parents assignent déjà une catégorie sexuée à l’enfant : le sexe anatomique s’associe aux attributs vus comme masculins ou féminins (chambre et vêtements notamment) (Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010 ; Samuel, Brachet, Brugeilles, Paillet, Pélage & Rollet, 2014). Ensuite, dès la naissance de l’enfant, les parents se comportent différemment en fonction de son sexe (Belotti, 1975, Deem, 1978, Delamont, 1980, Grabrucker, 1988, Whyld, 1983, in Hargreaves, 1997 ; Belotti, 1973, in Duru-Bellat, 1990 ; Establet, 1988, in Establet, 2003 ; Belotti, 1974, in Ferrand, 2004, Guionnet & Neveu, 2004) : les garçons vont être considérés comme robustes et forts, alors que les filles seront vues comme délicates et douces42 (Duru-Bellat, 1990 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010 ; Mistral, 2012). Dès le départ, « […] les systèmes éducatifs inculquent la féminité et la virilité » (Opériol, 2013, p. 21) : les mères apprennent à leurs filles à être soumises et les hommes apprennent à dominer par l’armée ou encore le sport (Opériol, 2013). En conséquence, les enfants adoptent les jeux attribués à leur sexe tout en imitant leurs 42 Les filles sont plus protégées, « maternées » que les garçons (Duru-Bellat, 1990). 29 parents selon le sexe (le père pour les garçons et la mère pour les filles) 43 (Guionnet & Neveu, 2004 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2005, in Mistral, 2012) : les garçons sont poussés à pratiquer des jeux actifs – comme le football –, alors que les filles sont incitées à pratiquer des jeux calmes et à communiquer plus volontiers (Mistral, 2012) ; les jeux, activités et attitudes des filles accordent de l’empathie à autrui (Establet, 2003). De plus, les garçons sont plus stimulés de la part des parents et ont une plus grande liberté de mouvement (Duru-Bellat, 1990 ; Belotti, 1974, in Ferrand, 2004, Guionnet & Neveu, 2004), avec une moindre acceptation de l’échec et une valorisation de la compétition, de l’effort pour obtenir des résultats ; les filles sont plus amenées à jouer sur le côté séduction tout en favorisant les aspects de la conversation, il leur est privilégié la tolérance, la solidarité et les échecs sont vus comme des inaptitudes et sont donc plus facilement tolérés (Duru-Bellat, 2004, in Mistral, 2012). La transmission de ces différents affects se fait souvent de manière inconsciente, tout comme leurs conséquences sur la construction sexuée (Mistral, 2012 ; Buscatto, 2014). « […] les filles comme les garçons s’imprègnent de forts stéréotypes concernant leurs goûts supposés naturels et leurs domaines d’activités « privilégiés » » (Monnot, 2009, p. 61). Cette socialisation différenciée (Baudelot & Establet, 1998, in Lemistre, 2006) pousse les filles à s’investir dans la sphère privée (famille et tâches domestiques) et les garçons dans la sphère publique (travail et monde extérieur)44 (Ferrand, 2004 ; Kergoat, 2004, in Clair, 2012 ; Cossette, 2015). D’ailleurs, les tâches domestiques et familiales ne sont toujours pas équitablement partagées (Opériol, 2013) : les garçons sont moins mis à contribution dans le travail domestique (Duru-Bellat, 1990 ; Vincent, 2001, in Establet, 2003 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004). Il faut dire que les mères endossent un rôle qui se veut socialement valorisant (Garcia, 2011, Coulon & Cresson, 2007, in Samuel, Brachet, Brugeilles, Paillet, Pélage & Rollet, 2014) et qui oriente leur carrière professionnelle par la suite (Duru-Bellat, 1990) ; même lorsque la femme a un emploi, la parité dans la répartition des tâches n’est pas pour autant respectée (Guionnet & Neveu, 2004). Un fils va aider son père à bricoler, jardiner, s’occuper de la voiture, vouloir être aussi fort que son père, ne jamais pleurer, alors que la fille va imiter sa mère dans les tâches domestiques et dans son apparence féminine (se coiffer, se maquiller, se faire belle) (Guionnet & Neveu, 2004). 43 44 Ceci découle des anciens modèles assignés aux sexes, où les femmes étaient exclues de la sphère publique (Fraisse, 1989, in Ferrand, 2004). 30 L’infériorité des femmes est donc due à un conditionnement social (Belotti, 1974, in Ferrand, 2004, Guionnet & Neveu, 2004), où les compétences des sexes sont différenciées et deviennent une sorte de fatalité au fil du temps (Mistral, 2012). Cependant, les parents ne sont pas les seuls responsables, car l’entourage, l’école et les différents supports médiatiques 45 jouent également un rôle important dans la construction des stéréotypes de sexe. Justement, le marketing accentue ces différences, avec le rose pour les filles et le bleu les garçons (Mistral, 2012) qui socialise le genre au travers des habits (Martin, 1998, Court, 2010, in Samuel, Brachet, Brugeilles, Paillet, Pélage & Rollet, 2014). Ensuite, la publicité renforce de manière importante les stéréotypes de sexe à la fois masculin et féminin (Falconnet, Lefaucheur, 1975, in Duru-Bellat, 1990 ; Mistral, 2012) : la femme y est présentée comme un objet désirable pour l’homme et les accessoires pour le foyer lui sont directement affiliés (Duru-Bellat, 1990 ; Monnot, 2009). De plus, les jouets sont fortement stéréotypés (Tap, 1985, in Duru-Bellat, 1990 ; Hargreaves, 1997 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010 ; Nelson, 2005, in Cossette, 2015 : les filles ont plutôt des accessoires de bébés, de poupées ou encore d’objets domestiques46, alors que les garçons ont des véhicules, des outils, des accessoires de construction et sportifs (Tap, 1985, in Duru-Bellat, 1990 ; Hargreaves, 1997 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Nelson, 2005, in Cossette, 2015). De ce fait, les parents vont privilégier des jouets jugés appropriés au sexe de leur enfant et ils « […] ont tendance à encourager les activités et conduites traditionnellement considérées comme adaptées au sexe de leur enfant, et à décourager, voire à réprimander celles qu’ils jugent inappropriées » (Barbu & Le Maner-Idrissi, 2010, p. 88), en s’inquiétant plus facilement de voir leur fils pratiquer une activité jugée féminine que de voir leur fille dans un jeu masculin (Lorenzi-Cioldi, 1998, in Ferrand, 2004 ; Mistral, 2012). L’enfance et l’adolescence : périodes scolaires qui façonnent les identités Pendant l’enfance, l’école est l’un des endroits les plus propices à la fabrication du genre (Saint-Martin & Terret, 2005) ; « […] l’élève va apprendre progressivement à investir des disciplines et à mettre en œuvre des qualités conformes à son sexe » (Duru-Bellat, 1995, p. 598), surtout que les élèves abordent l’école avec une socialisation familiale différenciée, en 45 Il s’agit des publicités, catalogues, magazines, livres jeunesse et/ou scolaires, etc. (Buscatto, 2014). 46 La poupée est un parfait support d’identification pour la quête de la féminité chez les filles (Monnot, 2009). 31 fonction de leur sexe (Block, 1983, Felouzis, 1994, in Duru-Bellat, 1995). À l’école, l’attirance pour des enfants de même sexe renforce les stéréotypes de sexe : notion de pouvoir (ordres, vantardise, menaces) pour les garçons, au travers d’activités hiérarchisées ; langage et parole pour les filles (Ferrand, 2004). Par conséquent, pendant les récréations, filles et garçons restent entre eux : les filles pratiquent des activités féminines (marelle, corde à sauter) et les garçons des activités collectives masculines bruyantes et agressives (jeux de guerre, de ballon) 47 (Guionnet & Neveu, 2004 ; Monnot, 2009). La féminité continue d’être construite à l’école, tout en étant stigmatisée et marginalisée (Swain, 2000, in Jeanes & Kay, 2007). L’apprentissage des savoirs y est aussi genré (Duru-Bellat, 1995 ; Baudelot & Establet, 1991, in Mennesson, 2005a ; Buscatto, 2014), avec un système éducatif renforçant les stéréotypes sexués (Mosconi, 1989, in Mennesson, 2005a) : les comportements sont différenciés du côté des enseignants (les garçons sont plus facilement interrogés, les filles nécessitent moins d’attention) (Duru-Bellat, 1995 ; Buscatto, 2014) et d’autant plus dans les disciplines scientifiques (mathématiques, physique, etc.) jugées comme masculines (Duru-Bellat, 1995). Ensuite, les manuels scolaires sont également sexistes : les métiers des femmes sont peu variés (enseignantes, infirmières) ou elles restent cantonnées dans leur rôle domestique à s’occuper des enfants et des tâches ménagères (Mistral, 2012). De plus, le contenu des cours est majoritairement masculin (références culturelles, écrivains, artistes, scientifiques, personnages historiques) (Guionnet & Neveu, 2004 ; Opériol, 2013). Ainsi, malgré le fait que les femmes ont une réussite scolaire plus élevée que les hommes (Larcebeau, 1973, 1982, in Aebischer, 1995 ; Gadrey, 1995 ; Caille, Lemaire & Vrolant, 2002, in Establet, 2003 ; Baudelot & Establet, 1992, in Mennesson, 2004a ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Mennesson, 2005a ; Lemistre, 2006 ; Mistral, 2012 ; Duru-Bellat, 1990, Baudelot & Establet, 1991, in Clair, 2012 ; Buscatto, 2014), les choix d’orientation restent sexués (Aebischer, 1995 ; Establet, 2003 ; Baudelot & Establet, 1992, in Mennesson, 2004a ; Mosconi, 1989, in Clair, 2012 ; Opériol, 2013 ; Buscatto, 2014) : pendant l’enfance, les filles se mettent à rêver de professions supérieures, d’élite qui appartiennent au monde masculin (Sapiro, 1991, in Monnot, 2009), puis à l’adolescence, elles se dévalorisent et voient leurs projets à la baisse (Caille, Lemaire & Vrolant, 2002, in Establet, 2003 ; Ferrand, 2004 ; Par exemple, le football – formel et informel – joué à l’école contribue au développement de l’identité masculine pour les garçons ; la participation des filles n’est pas acceptée et elles définissent leur féminité en n’y participant pas (Renold, 1997, Skelton, 2000, Swain, 2000, in Jeanes & Kay, 2007). 47 32 Guionnet & Neveu, 2004 ; Baudelot & Establet, 1998, in Lemistre, 2006 ; Sapiro, 1991, in Monnot, 2009 ; Mistral, 2012). Les filles font plus facilement des choix raisonnés (DuruBellat, 1990, in Establet, 2003 ; Duru Bellat, 1989, in Lemistre, 2006) car elles ont appris depuis toutes petites à ne pas entrer en compétition, mais plutôt à plaire et à venir en aide aux autres48 (Sarah et al., 1990, in Duru-Bellat, 1995 ; McRobbie, 1991, in Mennesson, 2005a ; Monnot, 2009), d’autant que l’adolescence est la période où les garçons tentent d’affirmer leur virilité (Mistral, 2012) en s’opposant à la féminité (Laberge & Albert, 2000). Même lorsqu’elles poursuivent leurs études, les filles montrent plus d’intérêt dans des formations fortement féminisées (Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004), comme les études littéraires (Larcebeau, 1973, 1982, in Aebischer, 1995 ; Establet, 2003 ; Von Erlach & Segura, 2011 ; Mistral, 2012) et sciences humaines (Establet, 2003 ; Von Erlach & Segura, 2011 ; Mistral, 2012), alors que les garçons s’intéressent plus aux maths et aux sciences 49 (Establet, 2003 ; Von Erlach & Segura, 2011 ; Mistral, 2012). D’ailleurs, les filles qui s’engagent dans des professions à tradition masculine sont souvent issues de fratries n’ayant que des filles ou de fratries où les garçons ont déjà échoué scolairement ; elles endossent le rôle du garçon par substitution (Duru-Bellat, 1990). Au final, pendant la période scolaire, la contrainte des femmes est double : elles doivent essayer de rester compétitives dans les études, tout en s’accaparant le rôle féminin qui s’apparente à la séduction (Duru-Bellat, 1990). Au final, les filles sont moins motivées par le prestige et l’ambition des itinéraires professionnels 50 (Aebischer, 1991, in Aebischer, 1995 ; Von Erlach & Segura, 2011). Tout ceci leur donnera une utilité, une assignation sociale qui conduiront à un épanouissement personnel, également possible au travers de la vie familiale (Duru-Bellat, 1990, in Establet, 2003 ; Lemistre, 2006 ; Scanlon, 1998, in Monnot, 2009). Celles qui ne s’accommodent pas avec ces conditions sont plutôt vues et jugées comme peu féminines (Balkin, 1987, in Duru-Bellat, 1995). L’éducation et les différences garçons/filles L’identité culturelle des filles est tournée vers la relation avec l’autre, l’imagination, l’affectif, etc. (DuruBellat, 1995 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004). 48 « Un garçon qui aime les lettres risque de se faire traiter d’efféminé, une matheuse pourra être considérée comme un repoussoir asexué » (Mistral, 2012 p. 110). Par conséquent, les garçons qui se perçoivent faibles en mathématiques vont quand même privilégier cette discipline, car elle est jugée comme masculine (logique, rationalité, etc.) (Dhavernas, 1992, in Duru-Bellat, 1995). 49 Absences des filles où les degrés enseignés sont complexes (Opériol, 2013) et où l’excellence est recherchée (Bui-Xuan, 2001, in Guionnet & Neveu, 2004), comme les grandes écoles scientifiques par exemple (Soulié, 1995, in Bourdieu, 1998 ; Mennesson, 2005a), 50 33 renvoient à la division du travail hommes/femmes et le système scolaire anticipe déjà le monde socialisant des futurs adultes (Duru-Bellat, 1995). Le monde du travail : espace (in)visible et privilégié des inégalités « […] l’emploi féminin est un fil conducteur pour lire la place des femmes dans la société. En ce sens, la division sexuelle des emplois construit le genre » (Maruani, 2002, in Clair, 2012, p. 30). Le monde du travail est fortement inégalitaire (Bourdieu, 1998) car les hommes et les femmes ne sont pas égaux dans l’accès à l’emploi51 (Buscatto, 2014), avec une faible reconnaissance pour les femmes (Bourdieu, 1998 ; Buscatto, 2014). Il existe « […] un phénomène de ségrégation genrée » (Buscatto, 2014, p. 80), où les femmes se concentrent dans des secteurs plutôt féminins et les hommes dans des domaines plutôt masculins (Bourdieu, 1998 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Buscatto, 2014), surtout que les professions mixtes restent rares (Guionnet & Neveu, 2004 ; Buscatto, 2014). Ce constat est une continuité de « […] la division du travail entre les sexes dans la famille » (Jenson, 1995, p. 542). Par conséquent, certains métiers « virils » (policier, pompier, militaire, mécanicien, électricien, etc.) restent masculins (Bourdieu, 1998 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Clair, 2012). Les femmes se dirigent plutôt vers des professions telles qu’enseignantes, employées administratives, secrétaires, infirmières, agentes d’entretien, assistantes maternelles, vendeuses, etc. (Bourdieu, 1998 ; Buscatto, 2014) ; leurs choix d’emplois se font souvent autour de leurs compétences liées foyer (Bourdieu, 1998 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Bihr & Pfefferkorn, 2002, in Mistral, 2012 ; Clair, 2012), d’aide à la personne (Guionnet & Neveu, 2004 ; Mistral, 2012), de la mode, etc. (Mistral, 2012) car les qualités de la féminité y sont vues comme des qualités professionnelles52 (Bihr & Pfefferkorn, 2002, in Mistral, 2012). Cependant, ces qualités sont souvent peu reconnues en termes de rémunération (Mistral, 2012) ; une forte proportion de femmes dans une profession y affecte les rémunérations pour les deux sexes (Killingsworth, 1990 in Couppié, Dupray & Moullet, 2006) et peut signifier une perte de 51 Les femmes ont toujours eu les métiers les plus répétitifs et les moins bien rémunérés ; le travail des femmes a toujours été dévalorisé (Michel, 1956, Guilbert 1946/1966, in Clair, 2012). Par exemple, le métier d’infirmière a longtemps été considéré comme mobilisant uniquement des qualités relationnelles naturelles, non techniques et donc non reconnues comme véritable qualification (Kergoat et al., 2002, in Guionnet & Neveu, 2004). 52 34 prestige pour la profession concernée 53 (Tonhey, 1974, in Bourdieu, 1998 ; Guionnet & Neveu, 2004). Ainsi, les femmes n’étant toujours pas libérées de leur travail de reproduction (Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004), des inégalités visibles subsistent, telles que des qualifications sexuées (le sexe du travailleur peut jouer un rôle à l’embauche pour une formation équivalente, avec un net avantage pour les hommes) (Silvera, 1995 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Clair, 2012), des écarts de salaires (les femmes gagnent moins que les hommes, que cela soit pour un même poste, une même formation ou encore une même durée de travail) (Silvera, 1995 ; Bourdieu, 1998 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Silvera, 1996, in Mennesson, 2005a ; Couppié, Dupray & Moullet, 2006 ; Opériol, 2013 ; Buscatto, 2014), des vitesses de carrières différentes (les promotions sont plus facilement accordées aux hommes, avec la maternité est comme raison principale de frein de carrière) (Silvera, 1995 ; Bourdieu, 1998 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; (Maruani, 1998, in Mennesson, 2005a ; Clair, 2012 ; Opériol, 2013 ; Buscatto, 2014), une influence de la vie privée (les hommes ne se mobilisent pas dans la réussite professionnelle de leur conjointe, alors que les femmes favorisent la réussite de leur partenaire) (Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Clair, 2012), des écarts de chômage (les femmes sont plus souvent au chômage que les hommes, peu importe l’âge et la catégorie sociale) (Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Silvera, 1996, in Mennesson, 2005a ; Clair, 2012) et des temps de travail différents (les femmes favorisent les temps partiels, pour pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle) (Silvera, 1995 ; Ferrand, 2004 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Silvera, 1996, in Mennesson, 2005a ; Clair, 2012 ; Buscatto, 2014). La vision dominante est incorporée par les filles qui trouvent normal l’ordre social existant et qui refusent « […] les filières ou les carrières d’où elles sont en tout cas exclues, s’empressant vers celles auxquelles elles sont en tout cas destinées » (Bourdieu, 1998, p. 102). D’ailleurs, il existe deux modes de ségrégation de sexe : éducative et sur le marché du travail. Le premier concerne les formations ayant plus d’étudiants – et donc de diplômés – féminins que masculins (les infirmières), alors que le second touche des emplois qui se veulent sexuellement différenciés, avec – à formation équivalente – une nette préférence pour les Certains domaines professionnels basés sur l’image de la virilité veulent se protéger de la féminisation justement (Williams, 1989, Maruani & Nicole, 1989, in Bourdieu, 1998). 53 35 femmes (les secrétaires) (Couppié, Dupray & Moullet, 2006). A noter que l’arrivée des femmes dans des métiers masculins (médecins, journalistes, professeurs, etc.) est récente (les femmes y sont encore sous-représentées) (Buscatto, 2014) et que même dans les métiers dits féminins, les hommes – qui y sont rares – se trouvent plus souvent dans des positions hiérarchiques favorables et valorisantes (Williams, 1992, 1995, in Guionnet & Neveu, 2004 ; Buscatto, 2014). Le sport comme parfait domaine des inégalités de genre La féminité comme légitimation de pratiques différenciées Le sport reste fortement structuré sexuellement (Pociello, 1999b), tel un espace privilégié du masculin et de la virilité (Pociello, 1983, in Louveau, 1996 ; Lefevre, 1996 ; Louveau, 2004 ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2005b ; Mennesson, 2006 ; Bohuon, 2012b ; Aceti & Jaccoud, 2012), où les intérêts des hommes y prédominent (Hargreaves, 1997 ; Defrance, 2008). L’image idéalisée de la masculinité (Connell, 1995, in Theberge, 2002) – celle qui se veut la plus puissante, la dominante, celle qui est déterminée comme hégémonique54 (Theberge, 2002) – y occupe une place centrale. Ainsi, « […] le sport […] incarne l’apparente supériorité naturelle des hommes sur les femmes » (Connell, 1987, in Mennesson, 2007, p. 20), où le corps sert de reproduction accentuée dans les différences entre les sexes (Mennesson, 2004a ; Liotard, 2004, in Liotard & Terret, 2005 ; Pfister, 2006), basées sur la performance (Liotard, 2004, in Liotard & Terret, 2005 ; Pfister, 2006) et la force physique (Liotard, 2004). La comparaison des performances et des records hommes/femmes naturalisent la hiérarchie entre les sexes et l’affiliation des femmes au « sexe faible » (Prudhomme, 1996 ; Caillat, 2002 ; Liotard, 2004 ; Pfister, 2006). Le sport permet de renforcer la supériorité des hommes sur les femmes (Rees & Miracle, 2002 ; Caillat, 2002 ; Bohuon, 2012a) et où la virilité est associée à la réussite (Liotard, 2004). Il devient donc le reflet des rôles, des qualités habituellement assignés aux deux sexes 55, qui sont aussi synonyme de violence symbolique, avec un sexe dominant et un sexe dominé (Pociello, 1999b). 54 Le terme est celui utilisé par le sociologue italien Antonio Gramsci, dans son analyse des relations de classes (date non spécifiée). 55 Jeux combatifs pour les garçons, dispositions esthétiques et artistiques pour les filles (Pociello, 1999b). 36 Aujourd’hui encore, chaque individu s’y présente comme homme ou comme femme et y affiche sa masculinité ou sa féminité (Liotard, 2004, in Liotard & Terret, 2005 ; Pfister, 2006 ; Aceti & Jaccoud, 2012). Ce domaine permet de « […] voir les contours de la féminité et de la masculinité […] et leur acceptation sociale ; […] le sport participe […] [à] la construction sociale du féminin – et du masculin » (Louveau, 2004, p. 166). La féminité et la masculinité ont des normes spécifiques56 (Louveau, 1996 ; Lecocq, 1996 ; Baillette, 1999, in Liotard & Terret, 2005). Par conséquent, la prise de risque corporelle est incompatible avec la féminité (Louveau, 1996 ; Louveau, 1997 ; Louveau, 2004 ; Mennesson, 2005a ; Louveau, 2006) et « […] les femmes sont tolérées dans des activités « féminines » […] » (Pfister, 2006, p. 7). Dans cette optique-là, les sports sont définis comme masculins ou féminins 57 (Louveau, 1996 ; Louveau, 1997 ; Laberge & Albert, 2000 ; Monnot, 2009). Les « […] pratiques dites « masculines » sont […] des disciplines sportives peu féminisées » (Mennesson, 2005a, p. 25), surtout que les femmes concernées doivent également se rapprocher de « […] l’image socialement associée au corps féminin, qui doit séduire […] »58 (Liotard, 2004, p. 131). Le succès et la performance ne suffisent pas pour les femmes, elles doivent également être en adéquation avec les « […] canons esthétiques de la séduction corporelle […] » (Davisse & Louveau, 1991, in Pociello, 1999b, p. 110 ; Lefevre, 1996 ; Caillat, 2002) qui sont définis par la classe dominante (Pociello, 1999b). Ici, les dominés se calquent sur le modèle mis en place par les dominants (Liotard, 2004 ; Taboada-Léonetti, 1990, in Mennesson, 2005b) : les femmes s’accommodent avec les conventions traditionnelles de la masculinité et de la féminité (Hargreaves, 1979, 1987, in Hargreaves, 1997). Justement, la femme virile est perçue comme un repoussoir (Louveau, 2004 ; Louveau & Bohuon, 2005) : les sportives vues comme masculines subissent un procès de virilisation Le masculin s’associe avec la maitrise de son environnement, son autonomie, son indépendance, son efficacité et le rejet de ses émotions. Le féminin communique avec les autres, exprime ses émotions, est sensible et passif (Lecocq, 1996), avec des caractéristiques comme la souplesse, l’élégance, l’esthétisme, l’harmonie, etc. qui lui sont dévolues (Lefevre, 1993, in Lefevre, 1996 ; Manidi, 2000 ; Baillet, 2001 ; Pfister, 2006 ; Bohuon, 2012b ; Broucaret, 2012). 56 Ce sont les sports que chaque sexe choisit, aime et rêve en priorité (Louveau, 1997). À noter que certains – rares – sports peuvent être qualifiés de « mixtes » (Laberge & Albert, 2000 ; Monnot, 2009). 57 58 Les filles participant aux sports masculins peuvent être vues comme des « garçons manqués » (Hargreaves, 1997). 37 (Louveau, 2004) car elles sont une menace pour la féminité59 (Louveau, 2004 ; Louveau & Bohuon, 2005 ; Bohuon, 2012a). La pratique sportive des femmes interroge sur leur identité sexuée, alors que la pratique confirme l’identité sexuée masculine 60 (Louveau, 2000, in Bohuon, 2012a). Puisque « le sport réclame de « vraies » femmes61 et de « vrais » hommes […] : femmes féminines, hommes virils » (Louveau, 2004, p. 180), les transgressions sont d’autant plus difficiles (Mennesson, 2005b). La pénalité des femmes est double, car si elles veulent atteindre les standards masculins, elles sont affiliées à la virilité (Pfister, 2006). « Pour convaincre l’univers homosexué sportif, il faut être aussi performant qu’un homme et/ou aussi belle qu’une femme définie par l’homme »62 (Lefevre, 1996, p. 253). La sportive n’est pas considérée, car « […] soit […] elle n’est pas une « vraie » femme, soit […] elle n’est pas un « vrai » sportif » (Mennesson, 2005a, p. 28) ; « une femme qui agit ou réussit comme un homme n’est jamais reconnue comme un homme […], elle n’est reconnue ni comme un homme ni comme une femme » (Aebischer, 1995, p. 125). Dans cette continuité, même si l’arrivée des femmes a remis en cause l’ordre sexuel traditionnel de la féminité et de la masculinité (Liotard & Terret, 2005), les attendus sociaux et culturels dans le choix d’un sport sont importants de nos jours (Louveau, 1996 ; Louveau, 1997) : les goûts sportifs restent sexuellement différenciés (Arnaud, 1996 ; Louveau, 1997 ; Pociello, 1999a ; Baillet, 2001 ; Pociello, 1995, in Liotard, 2004 ; Louveau, 1981, 1988, Davisse & Louveau, 1998, in Louveau, 2004 ; Louveau, 2006 ; Defrance, 2008 ; Terret, 2010 ; Broucaret, 2012). Les politiques et valeurs du monde sportif, associées aux habitus (Defrance, 2008) font que les filles privilégient le patin à glace, l’équitation, la gymnastique ou encore la danse63 (Louveau, 1997 ; Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Guionnet & Ceci conduisit à la création de tests de féminité depuis les années 1960, pour « […] identifier les « vraies femmes » […] » (Bohuon, 2008, in Bohuon, 2012a, p. 97 ; Louveau & Bohuon, 2005). Par conséquent, ils excluent celles qui échouent, qui ne répondent pas aux critères désirés par le monde du sport (Bohuon, 2012a). 59 60 Un homme ne sera jamais considéré comme trop viril (Louveau, 2004). 61 Les « vraies » femmes doivent prouver leur appartenance de sexe. Par conséquent, leur apparence est importante (fines, féminines, cheveux longs, vêtements féminins) et le corps sert à plaire et séduire. Leur identité sexuée est incompatible avec l’homosexualité et un style trop masculin (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2005b). 62 Un « vrai homme » est actif, courageux, conquérant, fort, viril et une « vraie femme » est séduisante, désirable, belle (Lefevre, 1996). Les pratiques sont celles dominées par l’esthétisme, l’artistique, le contact avec les animaux et qui nécessitent la beauté, l’élégance (qualités vues comme féminines) (Louveau, 1997 ; Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Guionnet & Neveu, 2004 ; Louveau, 2006). 63 38 Neveu, 2004 ; Louveau, 2006), alors que les garçons favorisent les sports qui nécessitent une forte compétition (Louveau, 1997 ; Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Goffman, 2002), qui soient d’équipe (football, rugby, etc.) ou individuels (tennis, lutte, etc.) (Laberge & Albert, 2000 ; Louveau, 2006). Ces derniers veulent faire du sport pour affirmer leur force et leur virilité (Laberge & Albert, 2000 ; Goffman, 2002). A l’âge adulte, ces différences sexuées se perpétuent au travers de la socialisation familiale – opérée pendant l’enfance et l’adolescence – et confirmée par les images, les idées diffusées par la publicité, les films, les chansons, etc. (Laberge & Albert, 2000). La féminité et les pratiques différenciées « rejetées » : l’exemple du football Comme il a été possible de se rendre compte précédemment, peu de femmes choisissent des pratiques sportives apparentées aux traditions masculines (Louveau, 1986, in Louveau, 2004) car elles ne conviennent pas à la féminité désirée par la société (Louveau, 1997 ; Louveau, 2004 ; Mennesson, 2005a). Cependant, même si les « ratés » restent faibles, le monde social n’arrive pas toujours à faire intérioriser les dispositions sexuées (Lahire, 2001). Ainsi, cette socialisation peut avoir des failles (Hargreaves, 1997) et des transgressions de pratiques sexuées minoritaires subsistent (Laberge & Albert, 2000 ; Prudhomme, 2003, Mennesson, 2003, in Louveau, 2006 ; Buscatto, 2014) : filles qui font de la boxe, du football, garçons qui chantent dans une chorale, font de la danse (Buscatto, 2014). Les configurations familiales peuvent favoriser ces transgressions, comme lors de dispositions sexuées « inversées » (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007). Quoi qu’il en soit, l’exclusion des femmes a toujours été historiquement forte dans les sports d’équipe (Theberge, 2002) car elles sont encore moins prises au sérieux dans une pratique jugée masculine (PrudhommePoncet, 2003a). Le football, en tant que jeu d’honneur, a toujours appartenu au monde masculin (Kocher, 2001), comme un lieu privilégié de la masculinité (Mignon, 1998). Les stéréotypes sexués y sont donc fortement restés ancrés dans les discours et les actions à travers le temps ; il est perçu comme inapproprié aux femmes et surtout à la féminité (Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a). Ainsi, « […] les pratiquantes transgressent les représentations dominantes de la femme sportive en s’engageant dans l’apprentissage de techniques corporelles historiquement et symboliquement « masculines » » (Theberge, 1995, in Mennesson, 2004b, p. 71). Leur arrivée sur un terrain masculin a modifié les relations entre 39 les sexes de par leurs transgressions des normes habituellement tolérées (Tschap-Bock, 1983, in Kocher, 2001). D’ailleurs, des violences symboliques peuvent être vécues par les joueuses (Mennesson, 2002, in Héas et al., 2004), au travers de mises à l’écart, de dénigrements, etc. qui se produisent consciemment ou non (Héas & Bodin, 2003, in Héas et al., 2004). Les représentations sociales et symboliques du milieu sportif démontrent des rapports sociaux de sexe basés sur la domination masculine (Bourdieu, 1998, in Héas et al., 2004), où les joueuses intériorisent les stéréotypes sexués (Héas et al., 2004). De plus, le contexte homosocial du football féminin ne facilite pas la construction d’identités telle que les « vraies femmes » (Mennesson, 2002, in Mennesson, 2005b). En définitive, les équipes de femmes se font plus rares (Héas et al., 2004) car une raison invoquée pour ne pas développer davantage la pratique des femmes serait le manque de conformité corporelle des joueuses de football 64 (Mennesson, 2004a) ; elles doivent réussir à maîtriser un sport masculin tout en essayant de montrer qu’elles appartiennent à la catégorie « femme » pour se sortir d’une certaine stigmatisation (Laberge, 1994, in Mennesson, 2004b). Les joueuses évoluent dans un monde à part encore aujourd’hui (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), où un même sport est pratiqué de façon différente par les hommes et les femmes65. Dans le football, les femmes sont moins agressives sur le terrain et commentent moins de fautes66, en comparaison des hommes (Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011). Pour l’instant, les femmes jouent « leur » football, plutôt que « le » football (Jeanes & Kay, 2007). L’appropriation d’un sport ne se fait donc pas de la même manière selon les sexes (Baillet, 2001) : le concept d’organisation parallèle (Goffman, 2002) prend ici tout son sens. Encore aujourd’hui, les footballeuses sont perçues comme des femmes essayant de faire comme les hommes (Héas et al., 2004) : le problème majeur réside dans le fait que le football féminin est comparé de manière régulière à son homologue masculin, alors que la plupart des discours pour cette pratique au féminin ont tendance à les appréhender comme incomparables (Prudhomme-Poncet, 2003a). « La déperdition […] d’effectifs féminins à la période de En France, la commission féminine de football a décidé d’imposer le port d’un tailleur à leurs joueuses nationales lors de leurs sorties officielles. Ceci montre la stratégie de l’image et de la féminité qui existe encore aujourd’hui et qui veut montrer la conformité sexuée traditionnelle (Mennesson, 2004a ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006). 64 65 Les sexes s’adaptent aux pratiques qui ne leur sont pas destinées (Mennesson, 2005a). 66 Les femmes sont globalement considérées comme plus fair-play que les hommes (Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011). 40 puberté ne constitue que le reflet général de cette violence symbolique […] » (Héas et al., 2004, p. 201), surtout que l’homme reste toujours l’incarnation du football (Héas et al., 2004). Par contre, la participation des femmes questionne la domination masculine et l’efficacité de la violence symbolique (Mennesson, 2005a) et montre qu’elles aiment le football, tout en réussissant à s’éloigner des valeurs traditionnelles de la féminité 67 (Jeanes & Kay, 2007). Conséquences du genre : moyens différenciés en sport et au football Puisque le sport reproduit la supériorité masculine au travers d’images, de croyances qui dénigrent les femmes et leurs pratiques (Jeanes & Kay, 2007), la répartition hommes/femmes reste inégalitaire, avec une proportion féminine – dans tous les domaines touchés par le sport – sous-représentée (Broucaret, 2012). Les techniques sportives ont toujours été faites pour les hommes (Tabet, 1979, in Aceti & Jaccoud, 2012) et la supériorité masculine se perçoit par différents éléments concrets (Aceti & Jaccoud, 2012). Premièrement, l’administration (entraînements, gestion, encadrement) reste un domaine genré (Vieille Marchiset, 2004, in Aceti & Jaccoud, 2012), où les hommes occupent les positions hautes (Hargreaves, 1997), avec une sous-représentation des femmes dans l’administration, le management et le coaching (White & Brackenridge, 1960-1985, in Hargreaves, 1997 ; Broucaret, 2012), tout comme l’arbitrage. Les entraîneurs sont également majoritairement masculins quand il s’agit d’encadrer des femmes (Broucaret, 2012). Les infrastructures sont tout aussi genrées (Terret, 2007, Terret & Zancarini-Fournel, 2007, in Breuil, 2011 ; Broucaret, 2012) : leurs mises à disposition sont plus faibles pour les femmes (Terret, 2007, Terret & Zancarini-Fournel, 2007, in Breuil, 2011 ; Broucaret, 2012). Ainsi, de par l’omniprésence masculine dans la pratique, dans les fonctions dirigeantes et d’encadrement dans le football (Héas et al., 2004), les femmes ne sont pas réellement désirées, ce qui implique un manque de moyens et d’infrastructures (pas d’argent, de terrains, de vestiaires, d’entraîneurs, etc.) (Prudhomme-Poncet, 2003a). De plus, football féminin et masculin cohabitent difficilement dans un même club, surtout que les ambitions de la pratique de femmes sont souvent secondaires (Prudhomme-Poncet, 2003b). Les footballeuses évoluent donc dans un monde clos, à l’écart des hommes et de leur pratique (Mennesson, 2002, in Héas À noter que l’homosociabilité des sports collectifs féminins aide à ne pas rejeter l’homosexualité, contrairement aux équipes masculines (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006). 67 41 et al., 2004). A noter qu’à l’adolescence leurs effectifs diminuent (Héas et al., 2004). Les pratiques mixtes se font jusqu’à l’entrée dans l’adolescence, ensuite les filles intègrent une équipe féminine, « […] passant d’une hétérosociabilité à une homosociabilité » (Héas et al., 2004, p. 189). Ce changement – qui, contrairement aux joueurs masculins, est imposé – marque souvent une rupture dans la pratique : perte des coéquipiers, nouvelles coéquipières plus âgées, entraîneurs différents, lieu/trajets différents. Par conséquent, les équipes de femmes sont moins nombreuses. A l’adolescence, certaines footballeuses sont également incitées à quitter l’équipe mixte avant l’âge maximal, comme une sorte d’exclusion. Ensuite, elles doivent réussir à s’intégrer dans leur nouvelle équipe unisexe (Héas et al., 2004). Deuxièmement, le sport est devenu un secteur économique important : tous les acteurs y rationalisent leurs interventions, pour avoir des retombées financières maximales (Brohm, 1998, in Baillet, 2001 ; Caillat, 2002 ; Whannel, 2002 ; Minquet, 2004). Ainsi, les enjeux financiers sont organisés par des hommes pour des sportifs également masculins (Knoppers & Elling, 2001, in Aceti & Jaccoud, 2012). Pour survivre, les femmes doivent souvent réussir à conjuguer carrière sportive et professionnelle et ceci même au plus haut niveau68 (Broucaret, 2012). De plus, les femmes doivent faire un choix entre la carrière sportive et la maternité, ce qui n’est pas un souci qui touche les hommes (Broucaret, 2012). Le football n’est pas épargné : il est devenu une activité économique basée sur la rentabilité69 (Mignon, 1998 ; Baillet, 2001 ; Mignon, 2002), où le succès sportif permet d’avoir une diffusion plus étendue et des recettes supplémentaires (Mignon, 2002). Ce souci de rentabilité constante peut pousser les actionnaires à se retirer de ce qui ne rapporte pas assez, surtout dans les attentes à court terme (Mignon, 2002). Même si les promoteurs essaient d’y inclure les femmes, la demande footballistique reste masculine (Mignon, 1998). Des difficultés, des insuffisances persistent, comme un bilan économique régulièrement déficitaire (pour les championnats européens entre autre) (Breuil, 2011). Troisièmement, les spectateurs sont devenus progressivement indispensables dans le soutien pour l’équipe, mais également en termes de recettes (Hourcade, 2002). « […] le spectateur 68 Les dix sportives les plus rémunérées gagnent près de quatre fois moins que les dix hommes sportifs les mieux payés (Forbes, 2011, in Broucaret, 2012). Le caractère désintéressé du sport a disparu dans les années 1980, avec l’arrivée de fabricants d’articles sportifs, de groupes industriels, de médias, de financiers, de sponsors de toute sorte (Mignon, 2002). 69 42 recherche un spectacle de qualité, sans se soucier de l’équipe qui le lui offre » (Galeano, 1998, in Hourcade, 2002, p. 76-77), alors que « […] le supporter désire avant tout une victoire de ses favoris, quelle que soit la qualité du match […] » (Hornby, 1998, in Hourcade, 2002). Il faut dire que l’identification du public se fait plus facilement envers un sportif qu’envers une sportive ; le grand sportif, le héros perdure dans la masculinité. Les représentations mentales restent figées dans le masculin, la supériorité masculine et relèguent la femme au rang de spectatrice. Le public s’intéresse donc plus volontiers au sport pratiqué par des hommes que par des femmes (Rauch, 2005). Par conséquent, le football féminin n’attire toujours pas les mêmes foules, comparé à son homologue masculin (Prudhomme, 1993, in Prudhomme, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a). Finalement, l’intérêt des médias pour la pratique féminine reste encore fortement inégal par rapport à celle des hommes (Hargreaves, 1997 ; Kocher, 2001 ; Shifflett & Revelle, 1994, in Whannel, 2002 ; Caillat, 2002 ; Liotard, 2004 ; Mennesson, 2005a ; Pfister, 2006 ; Broucaret, 2012) : « les médias privilégient les spectacles sportifs masculins, inculquant de ce fait la culture sportive masculine comme seule culture légitime » (Koivula, 1999, in Aceti & Jaccoud, 2012, p. 7). Ainsi, les sports considérés comme masculins sont plus facilement retransmis (football, rugby, boxe, cyclisme, sports automobiles, etc.) (Mennesson, 2005a ; Broucaret, 2012), surtout que l’audience, le consommateur est principalement masculin (Hargreaves, 1986 ; Prudhomme, 1996 ; Pociello, 1999b ; Whannel, 2002). La médiatisation des sportives est plus forte lorsqu’elles se conforment à la définition dominante de la féminité et qu’elles s’impliquent dans des disciplines jugées féminines (Hargreaves, 1997 ; Wright & Clarke, 1999, in Mennesson, 2004b ; Duncan & Messner, 1998, in Mennesson, 2005a ; Louveau, 2004). De plus, les journalistes et commentateurs sportifs sont rattachés aux normes esthétiques de la « vraie » féminité dans leur propos (Hargreaves, 1986 ; Pociello, 1999b), surtout que les femmes sont sous-représentées dans le journalisme sportif70 (Broucaret, 2012) ; le sport féminin est jugé, commenté par rapport à la norme esthétique, alors que le sportif est analysé dans le jeu, l’action, la performance (Hargreaves, 1986 ; Hargreaves, 1997 ; Whannel, 2002 ; Mennesson, 2005a ; Louveau, 2012, in Broucaret, 2012). Les médias s’intéressent aux sportives lorsqu’elles gagnent, contrairement aux sportifs masculins Le peu de femmes qui arrivent à entrer dans les médias sportifs est cantonnée à s’intéresser aux sports féminins (Hargreaves, 1986). 70 43 (Louveau, 2012, in Broucaret, 2012). Au final, « […] media sport plays a strong conservative role in the reproduction of inequality between the sexes » (Hargreaves, 1986, p. 152). Dans le football, l’omniprésence masculine est tellement forte que les pratiquantes ellesmêmes s’identifient à des footballeurs masculins (Héas et al., 2004) : ceci marque la reconnaissance dominants/dominés par le biais du pouvoir symbolique (Bourdieu, 1998, in Héas et al., 2004 ; Althusser, 1971, in Jeanes & Kay, 2007). La conséquence est que le public n’est pas au rendez-vous non plus (Prudhomme-Poncet, 2003a). Force est de constater que d’une manière générale, les performances sportives féminines ne suscitent pas un grand intérêt de la part des médias. Cette tendance s’accentue encore davantage dans les sports à tendance masculine (Mennesson, 2005a). Le football féminin ne jouit donc pas de la même reconnaissance médiatique que le football masculin (Prudhomme, 1993, in Prudhomme, 1996 ; Kocher, 2001 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a) car « le football est à l’origine une discipline sportive exclusivement masculine, de longue date investie par les hommes » (Prudhomme, 1996, p. 124). Cependant, aujourd’hui, les investissements des hautes instances ont permis un plus grand intérêt des médias et du public footballistique, tout en attirant de nouveaux sponsors importants. L’affluence féminine n’égale pas celle des hommes, mais elle progresse d’année en année (Breuil, 2011). Des influences liées à la pratique sportive Les loisirs : des choix sexuellement différenciés Depuis très jeunes, les individus se dirigent vers des activités de loisirs différenciées selon leur sexe (Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Maccoby, 1990, in Mennesson, 2005a ; Louveau, 2006) les filles préfèrent la lecture, la musique et des activités artistiques, alors que les hommes favorisent les domaines multimédia et sportif (Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Louveau, 2006). « […] l’amélioration des conditions économiques et sociales et le développement des loisirs favorisent la pratique sportive […] [mais] […] de nombreux facteurs en diminuent la diffusion et la permanence » (Todisco & Melchiorri, 1998, p. 277) ; les goûts sportifs sont culturels (Rauch, 2005). « L’adolescence est une période déterminante pour l’orientation des motivations, la constitution des compétences et l’élaboration des choix de vie » (Bizzini & Piffaretti, 1998, p. 61). Ainsi, l’adolescent doit se décider en fonction de son temps et de la valeur qu’il donne à la pratique ; il n’est pas possible de tout aimer et de 44 tout faire (Rauch, 2005). Pendant l’enfance, les filles sont nombreuses à pratiquer une activité physique, leur nombre baisse à l’adolescence pour encore diminuer à l’âge adulte, en comparaison des garçons (Louveau, 2006). Ensuite, dans les sports masculins, les femmes doivent éprouver une attirance pour des activités qui ne leur étaient pas destinées socialement et doivent y ressentir un certain plaisir (Mennesson, 2004b). Par conséquent, leurs modes de socialisation sont spécifiques, avec notamment des configurations familiales particulières. Les contextes relationnels des pratiquantes (famille, entraîneurs, coéquipiers masculins) sont donc importants à prendre en compte (Mennesson, 2004b). Importance des autrui significatifs Tout d’abord, plusieurs facteurs sont déterminants dans l’implication sportive : intérêt pour la discipline, vouloir se faire de nouveaux amis, amis et/ou parents aussi sportifs ou encore le fait d’avoir assisté à une manifestation sportive (Todisco & Melchiorri, 1998). Cependant, les autrui significatifs (agents importants dans la socialisation des individus) (Brown, 1985, Brown, Frankel & Fennell, 1989, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) réussissent à façonner les croyances et les perceptions chez les enfants, ainsi qu’à influencer indirectement leur comportement (Eccles et al., 1990, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Dans le domaine du sport, les parents, l’entraîneur et le reste de l’entourage peuvent influencer les jeunes sportifs (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) : « […] les débuts des enfants dans un sport organisé a été déterminé par l’intérêt des parents et des amis […] » (Carlsson, 1993, in Moraes, 2004, p. 111). Le choix du sport de l’enfant se fait en fonction de la tradition familiale (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014), c’est-à-dire la participation actuelle ou antérieure des parents à une discipline (Todisco & Melchiorri, 1998). De plus, un soutien approprié de leur part conduit l’enfant à de grandes expériences et à de la persévérance dans l’activité sportive (Moraes, 2004) ; pendant les premières années d’initiation, les parents servent d’exemple pour motiver et stimuler leurs enfants, en leur fournissant le matériel nécessaire et en les valorisant dans leur activité sportive (Bloom, 1985, in Moraes, 2004). Par conséquent, la participation des parents influence la motivation de l’enfant à faire un sport (Babkes & Weiss, 1999, Fredricks & Eccles, 2004, in Cope, Bailey & Pearce, 2013). La famille joue donc un rôle crucial, que cela soit dans le choix, l’abandon ou la réussite du sport en question (Todisco & Melchiorri, 1998). L’incorporation des éléments constitutifs de la féminité et de la masculinité traditionnelles lors de la socialisation influence 45 également le choix, l’investissement et l’arrêt d’un sport. Une adolescente qui aura intériorisé un modèle sportif familial spécifique va se trouver confrontée à de nouveaux modèles contradictoires dans la pratique : le choix du sport pour une jeune fille va s’inscrire à la frontière entre le maintien de la loyauté familiale et la raison sportive (Lecocq, 1996). Ensuite, quand l’enfant est enrôlé dans une pratique, le rôle de l’entraîneur devient également important. Son comportement permet d’influencer les performances, la satisfaction et la persévérance du sportif (Black & Weisse, 1992, Chelladurai, 1993, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) ; il a un impact crucial sur la motivation du sportif (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Vallerand & Losier, 1999, in Sarrazin et al., 2002) car il instaure un climat de motivation (Ames, 1992, in Sarrazin et al., 2002) au travers des entraînements, du regroupement des enfants, de son autorité, de la reconnaissance (Sarrazin et al., 2002) et de l’évaluation des performances (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Sarrazin et al., 2002). Cependant, l’entraîneur peut être autoritaire, avec un besoin permanent de contrôle, tout en mettant la pression à ses joueurs (il privilégie la victoire, avec des sanctions auprès de ses joueurs pour les erreurs commises) ou favoriser l’autonomie, tout en impliquant ses sportifs dans le processus de décision (il privilégie l’apprentissage, le progrès ou encore la coopération entre les membres de l’équipe). Le premier obtiendra de la rivalité au sein même de son équipe, avec un climat sportif basé sur l’égo, alors que le second aura des membres soudés qui s’entraident (Sarrazin et al., 2002). Au final, un entraîneur dont les exigences dépassent les capacités des joueurs a une part de responsabilité dans les abandons des sportifs (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Todisco & Melchiorri, 1998). Un entraîneur trop superficiel est également responsable des abandons sportifs, surtout lorsque la compétition s’intensifie pour le jeune et ceci principalement dans les sports d’équipe (Todisco & Melchiorri, 1998). Finalement, l’entraîneur est un personnage très important parce qu’il aide à créer les perceptions de compétence, d’autonomie et d’entraide chez ses joueurs (Sarrazin et al., 2002). Les femmes dans le football : quels constats ? Pour les femmes faisant un sport masculin, les dispositions sexuées inversées au cours de l’enfance ou de l’adolescence sont importantes (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). La socialisation et la participation sportive se font au travers des hommes, comme le père ou 46 parfois le frère71 (Lecocq, 1996 ; Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Les pères transmettent la passion de la pratique sportive en intéressant ou en amenant très jeune leurs filles sur le terrain sportif72 (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a), comme « […] le poids d’un déterminisme familial » (Lecocq, 1996, p. 128). De plus, très tôt, ces filles participent à des jeux avec les garçons (frères, cousins, copains) (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a) ; les joueuses de football commencent d’ailleurs leur pratique assez jeune, que cela soit dans un club ou simplement en extérieur avec les copains (Mennesson, 2005a). Elles refusent également d’intégrer des groupes de filles, dénigrent et rejettent leurs attitudes vues comme féminines. Cette appartenance aux groupes masculins sert à renforcer les compétences – techniques, physiques et comportementales – liées à leur pratique, tout en valorisant la puissance physique et l’agressivité (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Au final, les filles se voient comme des « garçons manqués ». Deux configurations familiales favorisent la socialisation sexuée inversée (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007) : 1. Modèle du garçon manquant : dans une famille exclusivement composée de femmes et où le père aime le sport, une des filles va endosser le rôle du garçon pour essayer de combler les attentes fortes et déçues des pères quant à une descendance sportive masculine. 2. Socialisation par les frères (ou parfois les cousins) : dans des familles nombreuses, la socialisation d’une fille peut être confiée à un grand frère proche en âge et celui-ci va amener sa sœur sur des terrains de jeux à tendance masculine. Ainsi, cette « […] acquisition des dispositions pendant l’enfance […] correspond […] à la construction classique de l’habitus par la socialisation familiale […] », mais elle peut être « […] différente selon les contextes de pratique » (Mennesson, 2004b, p. 76). À l’adolescence, la transition est rude, car le « garçon manqué » bouscule les normes sexuelles dans une période importante d’identification sexuée pour chaque individu (Thorne, 1993, in Mennesson, 2005a), surtout que cette manière d’être est défavorable pour ces filles dans les jeux de séduction avec les garçons parce qu’elles ne se sentent pas à l’aise et ne correspondent 71 Ici, pères et frères jouent les rôles de modèles, alors que les mères deviennent des contre-modèles (Lecocq, 1996). Quand les mères s’intéressent au sport, elles sont souvent contre les pratiques masculines et incitent leurs filles à faire des sports féminins (Mennesson, 2005a). 72 47 pas aux critères désirés par les adolescents masculins (Duret, 1999, in Mennesson, 2005a). Il faut dire que l’adolescence est la période synonyme de transition, de croissance et de crise (Bizzini & Piffaretti, 1998). « Pendant cette période […], l’individu doit faire face à toute une série de changements d’ordre biologique, affectif, cognitif et social qu’il doit intégrer dans la construction d'une identité autonome » (Bizzini & Piffaretti, 1998, p. 49). La différenciation sociale existante se traduit par « […] une déperdition sexuée dans le sport à l’adolescence […] » (Davisse, 1996, Davisse & Louveau, 1998, in Louveau, 2004, p. 168). Pendant cette période-là, il est difficile pour les filles de se conformer à la féminité en pratiquant des sports, surtout les plus vigoureux qui sont considérés comme non féminins ; être bon en sport est synonyme de masculinité (Cockerill & Hardy, 1987, in Hargreaves, 1997). La pression des copines peut également faire en sorte qu’elles s’orientent vers des activités plus proches de la féminité (Hendry, 1978, in Hargreaves, 1997). L’arrêt sportif à l’adolescence est lié à la puberté, aux influences commerciales et aux contraintes idéologiques ; les raisons médicales (changement du corps, menstruations, etc.) peuvent jouer un rôle, mais elles ne sont pas les principales raisons d’arrêt (Hargreaves, 1997). La période de l’adolescence est aussi l’occasion de s’opposer aux règles établies, ce qui peut engendrer des conflits avec l’entraîneur (Bizzini & Piffaretti, 1998). De plus, l’adolescence coïncide avec des exigences scolaires plus élevées, ce qui implique une conciliation accrue entre sport et études73 (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). Toujours lors de cette période, les filles atteignent l’âge limite autorisé pour jouer en équipe mixte de football et doivent rejoindre une équipe entièrement féminine si elles veulent continuer leur pratique (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). L’arrêt y est fréquent, car les filles doivent réussir à trouver une équipe uniquement composée de femmes qui se trouve à une distance convenable de leur domicile (ceci n’est pas toujours évident puisque les équipes féminines sont beaucoup moins nombreuses) (Mennesson, 2005a). De plus, ce changement les dévalorise parce qu’elles s’imaginent que les filles ne savent pas jouer au football. Pour elles, le fait d’intégrer une équipe composée uniquement de femmes les fait rétrograder dans la hiérarchie des sexes. Par conséquent, si elles ne trouvent pas une équipe à la hauteur de leur espérance, à savoir d’assez bon niveau, elles abandonnent la pratique du 73 Les nouvelles difficultés scolaires engendrent une responsabilisation de carrière qui elle-même engendre une baisse du temps disponible pour les loisirs (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). 48 football (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Par contre, celles qui arrivent à s’intégrer dans une équipe féminine doivent faire face au mépris des hommes (Hargreaves, 1997 ; Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007) qui critiquent leur apparence masculine entre autres. Cette stigmatisation pour les footballeuses les fait évoluer dans un monde séparé, où il existe une frontière avec le football masculin hostile à leur pratique (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007) et où le rapport de force, de pouvoir est à l’avantage des hommes (Mennesson, 2005a). Ensuite, une bonne entente entraîneur/sportif influence significativement la poursuite ou l’abandon sportif (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). Dans le football, le fait d’encadrer une équipe féminine serait dévalorisant pour un entraîneur et une tâche compliquée à effectuer (choisir entre un discours compréhensif, ouvert sur le dialogue – émotivité supposée des femmes – ou autoritaire – plutôt utilisé avec les hommes –) (Mennesson, 2005a). Entraîneurs et dirigeants veulent encourager la pratique des femmes, tout en étant moralisateurs (Mennesson, 2005a ; Becker, 1985, in Mennesson, 2006 & Mennesson, 2007) car ils considèrent l’apparence corporelle des femmes, ainsi que leurs pratiques sexuelles comme anormales : les hommes veulent contrôler les pratiques homosexuelles des joueuses et les féminiser (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006). Les hommes voudraient voir de « vraies femmes » jouer au football et non des « hommes ». D’ailleurs, l’homosexualité est assez mal vue par les entraîneurs et les dirigeants, où l’exclusion les femmes trop « homos » physiquement peut se produire. L’entraîneur sert à appliquer les normes, notamment celles de la féminité (Mennesson, 2006). Au niveau institutionnel, ces femmes sont également stigmatisées et méprisées, car leur pratique n’est pas représentée comme un enjeu majeur (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2006). Les relations entre équipes féminines et masculines au sein des clubs sont aussi presque inexistantes, voire conflictuelles (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006 ; Mennesson, 2007). Par conséquent, le football féminin vit comme un monde homosocial, isolé et exclu des hommes, et qui tente de s’opposer à l’homophobie (en valorisant ses propres normes) (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006). Cependant, le football féminin a joui d’une certaine reconnaissance dernièrement (Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013), avec pour conséquence une collaboration entre sections masculines et féminines (Bayle, 2000, in Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). Aujourd’hui, une 49 stratégie intégrée voit le jour, ce qui signifie que la section féminine entre dans les stratégies symboliques, sportives, commerciales et marketing voulues par les clubs. Elles sont de moins en moins perçues comme une obligation ; les projets se veulent plus globaux et surtout responsables, autour d’un club mixte (Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). Questions et hypothèses de recherche Tout au long de la partie théorique, il a été possible de se rendre compte que des sports sont à tendance masculine et que d’autres sont plutôt féminins. Malgré cela, certaines femmes investissent des pratiques sportives qui sont réservées aux hommes. Ceci a conduit à l’émergence d’un questionnement de départ : Quelles sont les motivations qui poussent les femmes à pratiquer un sport reconnu comme masculin ? Il est difficile d’imaginer des femmes pratiquer des sports qui vont à l’encontre des stéréotypes sexués. Ainsi, il sera donc intéressant de comprendre les motivations qui les poussent à pratiquer le football justement. Les questions de recherche tenteront d’apporter des éléments de réponse à ce questionnement de départ. Questions de recherche Q1 : Quels sont les éléments qui influencent les joueuses dans leur choix quant à se diriger dans la pratique d’un sport tel que le football ? Q2 : Quelles sont les raisons qui poussent les femmes à arrêter massivement de jouer au football dès l’adolescence ? Q3 : Quelles sont les raisons qui poussent un nombre plus restreint de joueuses à continuer la pratique du football après l’adolescence ? Hypothèses de recherche H1 : la famille – principalement au travers de la figure paternelle – arrive à donner envie aux filles de pratiquer un sport à tradition masculine tel que le football. 50 Ainsi, je pense que la famille joue le rôle de motivateur initial dans le choix d’un sport, car l’un des deux parents l’a déjà pratiqué et que l’enfant doit perpétuer une certaine tradition familiale (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). Dans le cadre du football, les pratiquantes ont eu une socialisation sexuée inversée. Ainsi, le père ou les frères ont donné l’envie à la joueuse de pratiquer le football (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007). H2 : à l’adolescence, une mauvaise incorporation dans une équipe féminine et des rapports conflictuels avec l’entraîneur (masculin) – qui se veut moralisateur, sexiste, etc. – peuvent entraîner un abandon de pratique. Celui-ci peut être renforcé par d’autres activités qui deviennent plus intéressantes aux yeux des pratiquantes. Je suppose que puisque les filles doivent arrêter de jouer avec les garçons à l’âge de 13-14 ans et changer d’équipe pour jouer uniquement avec des coéquipières de sexe féminin, elles se sentent fortement dévalorisées par ce changement ; certaines abandonnent, car cela constitue une rétrogradation de niveau pour elles (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Pour celles qui débutent dans une équipe féminine, des conflits avec l’entraîneur (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) peuvent survenir et les font arrêter la pratique du football. Justement, les entraîneurs (aidés des dirigeants) se veulent moralisateurs (concernant l’apparence corporelle ou les préférences sexuelles) (Mennesson, 2005a ; Becker, 1985, in Mennesson, 2006 & Mennesson, 2007). Les entraîneurs sont majoritairement masculins dans l’encadrement des femmes (Broucaret, 2012), ce qui facilite – comme avec les garçons – un comportement sexiste (Katz, 1996) et décourage ces dernières à pratiquer. De plus, l’intérêt pour d’autres activités (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000), telles que la musique, voir ses amis, avoir un(e) petit(e) ami(e), incite certaines joueuses à abandonner également (Todisco & Melchiorri, 1998). H3 : les femmes continuent la pratique du football si elles arrivent à bien s’incorporer dans une équipe féminine qu’elles estiment de bon niveau, tout en leur permettant de rester dans une optique de « garçon manqué » qui leur est apparentée depuis l’enfance. Quand les filles arrêtent de pratiquer le football avec les garçons à l’adolescence, elles doivent changer d’équipe pour se retrouver uniquement avec des femmes. À ce moment-là, elles 51 abandonnent la pratique si elles jugent ne pas trouver d’équipe possédant un assez bon niveau (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Ainsi, lorsqu’une équipe leur paraît assez forte, elles continuent la pratique de ce sport. De plus, en appartenant à un monde homosocial (Mennesson, 2006), je suppose qu’elles refusent de se soumettre à une apparence corporelle (Mennesson & Clément, 2003, in Mennesson, 2004b) normalisée par les stéréotypes sexués (Lahire, 2001 ; Fortino, 2002, Zaidman, 1996, in Mennesson, 2004a). Elles défient ainsi les socialisations différenciées (Lahire, 2001) et la domination masculine (Bourdieu, 1998) mises en place par la société et ancrées dans les habitus depuis l’enfance (Bourdieu, 1998 ; Lahire, 2001) : une noncorrespondance d’une personne conduit au rejet ou à des violences de la part d’autres personnes (Butler, 2006, in Morra, 2015). Par conséquent, l’équipe de football – en tant que mode de sociabilité communautaire (Mennesson & Clément, 2003, in Mennesson, 2004b) – aide les joueuses à faire face au mépris des hommes qui critiquent leur apparence masculine (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2007), apparentée au concept du « garçon manqué » (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007). Il faut dire que l’adolescence est rude, car les jeux de séduction avec les garçons leur sont défavorables : elles ne correspondent pas aux critères désirés par les adolescents masculins (Duret, 1999, in Mennesson, 2005a). Au final, même si une collaboration entre sections masculines et féminines émerge aujourd’hui (Bayle, 2000, in Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013), les pratiquantes évoluent toujours dans un monde à part, où il existe une frontière avec le football masculin (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), telle une organisation parallèle (Goffman, 2002) : les femmes jouent « leur » football (Jeanes & Kay, 2007), qui se veut différencié de celui des hommes. 52 METHODOLOGIE Support qualitatif : les entretiens Les méthodes qualitatives sont à utiliser pour expliquer scientifiquement les faits (Oevermann et al., 1979, in Flick, 2007) ; leur choix dépend des questions de recherche, mais surtout de ce qui fonctionne le plus efficacement pour obtenir les données nécessaires (Maxwell, 1999). L’entretien permet « […] au chercheur de retirer […] des informations et des éléments de réflexion très riches et nuancés » (Quivy & Van Campenhoudt, 2006, p. 173). Contrairement aux questionnaires, le contact est direct entre chercheur et interlocuteurs, ce qui permet d’appréhender les trajectoires de vie individuelles. Durant cet échange, les interlocuteurs peuvent exprimer leurs perceptions, leurs interprétations, leurs expériences d’évènements ou de situations. L’entretien permet ainsi d’avoir un maximum de profondeur et d’authenticité, qui tourne autour des hypothèses de recherche, sans pour autant exclure de potentiels développements annexes (Quivy & Van Campenhoudt, 2006). Le chercheur doit respecter les besoins et les intérêts de ses participants (Flick, 2007) ; lors de l’entretien, il faut donc les informer quant aux buts et aux attentes de la recherche, en insistant sur l’anonymat, la confidentialité (Berthier, 2006 ; Flick, 2007) qui doit donc offrir de la liberté dans les réponses (Berthier, 2006). Dans ce travail, l’entretien semi-directif paraît le plus adéquat, car il permet d’avoir un fil conducteur, une trame de questions à suivre, tout en laissant certaines libertés aux interlocuteurs (Quivy & Van Campenhoudt, 2006). Il s’agit « […] d’une série de questionsguides, relativement ouvertes […] » (Quivy & Van Campenhoudt, 2006, p. 174). L’ordre des questions n’est pas figé et il est possible de recentrer le débat si celui-ci s’éloigne trop des objectifs à atteindre (Quivy & Van Campenhoudt, 2006 ; Berthier, 2006). Il nécessite la mise en place d’un guide d’entretien74 (Berthier, 2006 ; Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui, 2009) où les questions sont le reflet des questionnements de la problématique et des hypothèses de recherche (Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui, 2009). Ensuite, l’entretien centré sur un problème (Witzel, 2000, in Flick, 2007) paraît le type d’entretien le plus adéquat pour interroger les joueuses de football parce qu’il permet de collecter des données 74 « […] outil pour saisir les stratégies et les opinions » (Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui, 2009, p. 84). 53 biographiques qui sont tournées vers un problème en particulier ; les questions sont là pour détailler et étayer la compréhension des discours narratifs préalables (Witzel, 2000, in Flick, 2007). Pour les entraîneurs et les officiels du football féminin neuchâtelois, l’entretien était articulé autour des questions et hypothèses de recherche, tout en se rapprochant de l’entretien d’expert. Ici, l’enquêté et son histoire sont secondaires ; la personne questionnée n’est pas appréhendée en tant que personne, mais elle est considérée comme experte dans le domaine d’activité analysé, pour sa connaissance sur le sujet. L’information est donc plus restreinte et l’entretien plus directif (Meuser & Nagel, 2002, in Flick, 2007). Le but était d’obtenir des informations complémentaires sur la pratique footballistique, sa promotion, les infrastructures à disposition, etc., surtout que ces « experts » ne sont pas directement immergés dans la pratique, ils en ont un regard externe. Toutefois, ces entretiens ont également comporté une phase narrative pour comprendre le parcours des enquêtés, de comment ils sont arrivés dans ce sport au féminin. À noter qu’avant les entretiens, il s’agit de contrôler la construction du guide d’entretien et la formulation des questions ; il est important de se demander ce qui est recherché, les raisons de présence des questions, etc. (Ulrich, 1999, in Flick, 2007). Les méthodes utilisées dans la recherche constituent les moyens pour répondre aux questions de recherche et non une sorte de transformation logique de celles-ci ; les questions de recherche démontrent ce que le chercheur désire comprendre et les questions d’enquête sont celles formulées pour les enquêtés afin d’aboutir à cette compréhension (Maxwell, 1999). Ici, la grille de questions s’articule en fonction des questions de recherche pour les joueuses elles-mêmes. Les entretiens avec les entraîneurs et les officiels se sont articulés autrement, en complément d’information sur le football féminin neuchâtelois, avec des grilles de questions qui ne sont pas totalement collées aux questions de recherche. Échantillon et brève présentation des participants Dans les enquêtes qualitatives, les enquêtés doivent être bien choisis, surtout que le nombre est réduit. L’échantillonnage ne se fait pas dans la quantité, puisqu’il s’agit de comprendre des situations et non d’estimer des valeurs. La représentativité n’est donc ici pas d’actualité (Berthier, 2006). Peu importe le sujet, il est impossible d’en étudier tous les cas. Il s’agit « […] de découvrir quelque chose qui puisse s’appliquer à toutes les choses d’un certain type en étudiant quelques exemples, le résultat de cette étude étant […] « généralisable » à tous les 54 membres de cette classe de chose » (Becker, 2002, p. 118), tout en étant conscient que quelques cas ne peuvent pas refléter la totalité des autres cas non-interrogés (Becker, 2002). Ce travail se base sur un échantillon utile (Patton, 1990, in Maxwell, 1999), ce qui veut dire que les enquêtés ont été trouvés par choix basé sur des critères (LeCompte, Preissle & Tesch, 1993, in Maxwell, 1999). Ainsi, les personnes ont été choisies délibérément pour obtenir des informations qui ne peuvent être obtenues par d’autres choix ; ces informations servent à répondre aux questions de recherche (Maxwell, 1999). Ici, l’échantillon ne se veut donc pas forcément être le meilleur, où toutes les autres personnes touchées par le sujet seraient vues comme moins légitimes (Becker, 2002). Dans le cadre de ce travail, l’important était d’interroger des joueuses (encore pratiquantes ou non) d’horizons et d’époques différentes : elles sont soit des pratiquantes précoces ou tardives, soit des anciennes pratiquantes précoces ou tardives. Leur vision des choses s’est associée avec celles d’entraîneurs et d’officiels du football féminin neuchâtelois. Ainsi, douze entretiens ont été réalisés – huit avec des joueuses, trois avec des entraîneurs et un avec un responsable ANF – entre novembre et décembre 2015. Ceux-ci ont duré en moyenne 60 minutes, pouvant même aller jusqu’à 90 minutes pour certains. À noter que pour les joueuses, les différentes questions du guide d’entretien ne leur ont pas toutes été posées : leur choix s’est opéré en fonction du parcours sportif passé et actuel de chacune, explicité au cours de l’entretien. Par conséquent, pour ne pas dupliquer inutilement différentes grilles de questions en fonction de leur biographie, une seule a été maintenue. De plus, l’anonymat des participants a été préservé, surtout qu’il est particulièrement envisagé lorsqu’ils font partie d’un même organisme (entreprise, famille, etc.) (Flick, 2007). Dans le cas des équipes de football féminin neuchâtelois, cet élément était d’autant plus important à tenir compte parce que les effectifs y sont restreints. D’ailleurs, même si la question leur a été posée, la situation professionnelle ne figure pas dans la description des participants, tout comme les ligues footballistiques concernées : il pourrait être trop évident de retrouver certaines personnes, notamment des joueuses. Joueuses A. « On était au bord du terrain, ma maman elle nous emmenait souvent voir mon papa, on jouait déjà au ballon à ce moment-là. C’était un sport qui me plaisait. ». Ancienne joueuse de 30 ans qui a joué dans une seule équipe féminine. Elle a commencé par faire de l’athlétisme 55 étant enfant et a arrêté vers 10-12 ans pour commencer le football en club. En parallèle, elle faisait également du tennis. Elle a joué avec les garçons jusqu’à l’âge de 15 ans pour rejoindre ensuite une équipe féminine. Elle a joué dans celle-ci pendant 5-6 ans, jusqu’à ses 20-21 ans. Tout confondu, avec les garçons et les filles, elle a joué pendant environ dix ans au football en club. Actuellement, elle fait du volley-ball dans une équipe, du vélo par beau temps et du TRX. Elle est née dans une famille sportive, où son père et sa tante faisaient du football ; ses deux frères en ont également fait pendant un moment ; sa sœur faisait du tennis et de la natation ; sa maman est moins sportive par contre. Avec ses frères et sœur, ils faisaient aussi des sports d’hiver, comme le ski ou le patin à glace. B. « Mon frère, il faisait déjà du foot donc voilà j’étais amenée à jouer au ballon avec lui dans le jardin. ». Ancienne joueuse de 28 ans qui a joué dans trois équipes féminines différentes. Elle a commencé à 7 ans à faire du football en club avec les garçons et a arrêté à 9 ans. Ensuite, elle a essayé le judo et la danse, mais sans conviction. Elle faisait également du vélo, du roller et de la musique. À 15 ans, elle a décidé de recommencer, mais n’est restée que pendant une année, sans faire de passeport officiel. Puis, elle participait à des tournois amicaux régionaux avec des amies, pour finalement reprendre la pratique en club à 19 ans. Elle joua encore 4-5 ans dans deux clubs différents et arrêta définitivement. Actuellement, elle fait principalement du théâtre. Elle est née dans une famille où les parents ne sont pas du tout sportifs, mais son grand frère a fait du football par contre. C. « Franchement, à toutes les récrés on était dehors en train de faire du foot. Les autres filles jouaient peut-être à d’autres jeux, mais moi j’aimais bien ça. ». Joueuse de 35 ans qui a joué dans quatre équipes féminines différentes. Elle a commencé le football en club à 6-7 ans, avec les garçons. En parallèle, elle a fait du tennis pendant quelques années et de la musique également. À 14 ans environ, elle a quitté la pratique avec les garçons pour aller dans une équipe composée uniquement de filles ; elle y a joué jusqu’à ses 20-21 ans. À ce moment-là, elle décida d’arrêter et de se diriger vers le volley-ball pendant 1-2 ans. Ensuite, elle recommença le football et évolua dans trois autres équipes féminines, ceci depuis une dizaine d’années maintenant. Cela fait 2-3 ans qu’elle est dans son équipe actuelle. Elle a également fait du badminton et du ski dans ses loisirs. Elle est née dans une famille avec des parents non sportifs ; elle a trois sœurs, une fait également du football et les deux autres ne sont pas sportives ; son copain fait aussi du football. 56 D. « C’est pas mal [prénom] qui me proposait de venir et pis du coup je venais même s’il n’était pas là. J’adorais donc j’y allais. ». Joueuse de 28 ans qui a joué dans quatre équipes féminines différentes. Elle a commencé par de la danse moderne entre 4 et 6 ans, pour ensuite se diriger dans le rock acrobatique à 8 ans et en a fait pendant 12 ans. Entre 15 et 20 ans, elle a aussi fait du badminton, du hip-hop et de la salsa. A 20 ans, elle arrête le rock acrobatique et essaie le football et le unihockey mixtes à l’Université pendant 3-4 ans. Puis, elle s’inscrit dans une équipe féminine de football au sein d’un club et fait également du volley-ball en parallèle. Elle passe quatre années dans ce club et joue dans trois autres équipes féminines les quatre années suivantes. Cela fait une année qu’elle est dans son équipe actuelle. Elle est née dans une famille plutôt sportive ; son père a fait du football et a également été entraîneur ; son frère a aussi fait du football. E. « C’est peut-être un mot fort, mais c’est une valeur familiale un peu. Parce que chez moi, dans ma famille, le foot c’est le sport de la famille. ». Joueuse de 23 ans qui a joué dans trois équipes féminines différentes. Jusqu’à l’âge de 14 ans, elle n’a pas fait beaucoup de sport, juste un peu de gymnastique, mais pas sérieusement. Elle jouait et faisait du vélo avec ses copains de quartier. Ensuite, elle a commencé le football en club à 14 ans et est restée 6-7 ans dans cette équipe féminine, pour ensuite en connaître deux autres pendant les trois années qui ont suivi. Cela fait une année et demie qu’elle est dans son équipe actuelle. Elle est née dans une famille sportive ; son père a fait du football ; son frère et sa cousine en font également encore aujourd’hui ; sa mère est moins attirée par le sport, mais a suivi l’engouement familial en ce qui concerne le football. F. « J’aimais bien, en tout cas quand j’étais petite, jouer avec les garçons. C’est vraiment quelque chose que j’appréciais, en fait j’ai souvent préféré la compagnie des garçons, que la compagnie des filles de manière générale. ». Joueuse de 29 ans qui a joué dans trois équipes féminines différentes. Elle a commencé le football à 6 ans en club, avec les garçons, et a décidé d’arrêter la pratique quelque temps avant de devoir aller jouer avec des filles uniquement. Dans le même temps, elle a fait de la musique et a participé à des tournois régionaux amicaux. Puis, elle a repris la pratique à 23 ans, soit 10 ans plus tard environ. Elle a connu trois équipes féminines et cela fait 2-3 ans qu’elle pratique dans son équipe actuelle. En parallèle, elle fait du tennis et du badminton pendant ses loisirs, principalement lors de la trêve footballistique hivernale. Elle est née dans une famille avec des parents qui n’ont pas 57 d’affinité pour le sport ; elle a trois sœurs, dont une qui fait aussi du football, les deux autres ne sont pas sportives par contre ; son copain fait aussi du football. G. « Mon frère, il a toujours fait du foot et on jouait dans le jardin. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pensé au foot direct. ». Joueuse de 23 ans qui a joué dans une seule équipe féminine. Elle a fait de la natation, de la gymnastique et du badminton pendant 6 ans. À 16 ans, elle a décidé de se diriger dans le football et a intégré une équipe composée de filles. Puisqu’elle n’a joué que dans une seule équipe, cela fait 7 ans qu’elle joue dans son club actuel. Elle est née dans une famille plutôt sportive ; son père a été joueur et également entraîneur ; son frère a également fait du football. Ses parents ont toujours voulu qu’elle fasse un sport, pour se dépenser, un peu comme une obligation. H. « Je jouais tout le temps dans la cour de récré avec mes copains, quand j’étais petite, et j’ai toujours aimé le foot et une fois tout d’un coup il y a un de mes copains qui m’a pris avec à l’entraînement et j’ai continué. ». Joueuse de 23 ans qui a joué dans deux équipes féminines différentes. Elle a commencé le football en club à 8 ans, en jouant avec les garçons. Elle a joué avec eux pendant 6 ans, soit jusqu’à ses 14 ans. Elle a joué pendant 8 ans avec sa première équipe féminine (elle y était également caissière) et elle est dans son club actuel depuis 2015. Elle a également fait partie des scouts et fait de la musique pendant sa jeunesse. Elle est née dans une famille sportive ; son père fait du football ; sa sœur fait de la gymnastique et aime le football ; sa mère est moins sportive, mais elle suit et apprécie tout de même le football. Entraîneurs I. « Le foot c’est génial. C’est un sport magnifique, on apprend, c’est une école de vie, en parallèle de l’école tout court ou l’éducation que l’on peut avoir à la maison. On apprend des choses, on apprend à être en équipe, à être en groupe. » Ancien entraîneur principal de 40 ans qui a entraîné des juniors et ensuite une équipe de filles. Il a fait du basketball, du judo et du skateboard pendant sa jeunesse. Dans le football, il a fait toutes ses classes de juniors dans un seul club et a arrêté. Ensuite, il a recommencé à jouer à l’âge adulte et finalement il s’est dirigé dans la fonction d’entraîneur. Il a commencé par devenir l’assistant d’un entraîneur au sein d’une équipe de juniors, qu’il a suivi depuis l’école de foot jusqu’en juniors D ou C. En parallèle, il devenait attentif à la pratique de l’équipe des filles au sein du même club. 58 Finalement, il a suivi ce même entraîneur dans l’assistanat de l’équipe des filles. Lorsque celui-ci a quitté le club, il a décidé de reprendre l’équipe avec un autre collègue, tous les deux comme entraîneurs principaux, où chacun se partageait différentes tâches. Au total, il s’est impliqué pendant 4 ans avec cette équipe féminine. Cela fait une année et demie qu’il a cessé d’entraîner. Il a été le premier « footeux » de sa famille ; son frère a fait un petit peu de football, mais il a privilégié le basketball ; son fils de 2 ans commence déjà à apprécier de jouer au football. J. « Comme je ne peux plus jouer, je préfère faire passer mon savoir aux enfants ou aux adultes qui commencent, l’équipe féminine typiquement. C’est surtout ça, cette envie de passer cette connaissance. ». Entraîneur principal de 50 ans qui a entraîné des juniors et ensuite une équipe de filles. Il a fait du ski, du volley-ball, de la natation, du vélo, du squash et du tennis auparavant. Concernant le football, il a commencé à jouer à l’âge de 6 ans en club et a fait toutes ses classes de juniors dans un seul club. À l’âge adulte, il a joué dans deux clubs différents et a arrêté de pratiquer à la naissance de son fils. Il a repris contact avec le monde du football lorsque son fils avait 5 ans et qu’il avait l’âge de commencer à jouer. Il a commencé à entraîner l’équipe de son fils, avec un autre entraîneur. Ils ont suivi toutes les classes de juniors de cette équipe. Pendant 2 ans, il a entraîné ces juniors et également l’équipe féminine en même temps. Cela fait 3 ans qu’il entraîne les filles et 13 ans au total dans son club actuel. Son père a fait du football ; son fils et sa fille en font actuellement. K. « Je ne regrette pas d’avoir fait un sport d’équipe, dans le sens où justement on apprend à vivre en communauté et on apprend justement un petit peu qu’on ne peut pas tous avoir les mêmes idées, les mêmes objectifs. ». Entraîneur-assistant de 27 ans qui a entraîné des juniors et ensuite une équipe de filles. Il a essayé le volley-ball pendant peu de temps et pense peutêtre se diriger prochainement dans le rugby. En football, il a commencé de jouer en club à 1012 ans et suite à une blessure importante au genou, il décida de se diriger dans la fonction d’entraîneur à 17 ans, tout en continuant de pratiquer lors de tournois amicaux régionaux avec des amis. Il commença dans un club en tant qu’entraîneur juniors et changea pour son club actuel pour y entraîner également des juniors. Après s’être lié d’amitié avec l’entraîneur principal de l’équipe féminine, il devint son assistant. Cela fait 6 ans environ qu’il est dans son club actuel. Ses parents voulaient le diriger dans d’autres sports, ils pensaient qu’il serait 59 mieux dans un sport individuel ; sa sœur a fait du judo ; ses deux frères ont également essayé le football, l’un joue encore, l’autre a fait du judo, du breakdance et du tir à l’arc. Officiels L. « Tous les sports m’intéressent, mais ça a toujours été le football. J’ai commencé le football en juniors et ça a toujours été le foot mon sport privilégié, ma passion. ». Employé de l’Association neuchâteloise de football de 48 ans. Il a fait du football en club, que ça soit pendant sa jeunesse ou à l’âge adulte. Il a entraîné plusieurs équipes et notamment des sélections M-13 et M-14 par exemple. Cela fait 3 ans qu’il travaille au sein de l’ANF. Il organise les formations pour les entraîneurs, tout en ayant un travail administratif dans le même temps. Il est à disposition des clubs dans la mise en place d’entraînements spécifiques et il s’occupe d’une partie de la détection des futurs talents chez les jeunes. Il doit également aller voir des matchs à la fois masculins et féminins de manière proportionnellement équivalente entre les deux pratiques ; son rôle est donc également de soutenir et de discuter. Il est né dans une famille peu intéressée par le football ; sa sœur n’a pas fait de football ; sa fille fait du football. 60 ANALYSE « […] le chercheur se formera inconsciemment une sorte d’image mentale de la sphère de vie qu’il se propose d’étudier. Il fera intervenir les croyances et les images qu’il a déjà en tête pour élaborer une vision plus ou moins intelligible de cette sphère » (Blumer, 1969, p. 36, in Becker, 2002, p. 39). Tout comme le cinéaste ou le romancier, le sociologue ne se satisfait qu’au travers des apports de son imagination ; il tente de donner du sens aux données fournies par les enquêtés. Puisque le sociologue n’est pas directement impliqué dans les situations énumérées (lors d’entretiens par exemple), il doit faire attention à ne pas tomber dans la facilité en attribuant des pensées faussées aux personnes interrogées ; il ne s’agit donc pas de deviner les choses, mais d’être précis et juste dans leur interprétation, surtout que les données fournies par les enquêtés sont déjà issues de leur propre interprétation de leur tranche de vie (Becker, 2002). Justement, le codage dans la recherche qualitative sert à réarranger les catégories pour faciliter la comparaison des données, en les classant par thèmes notamment. Le choix des méthodes doit être logique et compatible avec les autres éléments de la recherche (Maxwell, 1999). Organisation des données : l’analyse thématique Pour ce travail, l’analyse thématique des entretiens paraît la plus pertinente. Avant l’étape de codage, chaque participant est brièvement présenté – en lien avec la question de recherche – en y ajoutant une affirmation typique à l’entretien, nommée motto of the case. Puis, les sujets principaux mentionnés par l’enquêté sont résumés ; ceux-ci font partie des résultats, dans une forme revisitée (ceci est visible dans la partie méthodologie). Ainsi, chaque cas est d’abord analysé de manière singulière (Flick, 2007) pour mettre en place des thèmes et des sousthèmes (selon un modèle non linéaire) qui sont liés avec les objectifs de la recherche. Ensuite, il s’agit de regrouper les mêmes thèmes abordés lors de plusieurs entretiens, pour montrer leur importance particulière, justifiée par la récurrence ; ceci permet d’organiser l’information par un travail de comparaison (Paillé & Mucchielli, 2003 ; Berthier, 2006 ; Flick, 2007 ; Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui, 2009), à la fois dans les rapprochements et les répulsions des sujets interrogés (Berthier, 2006). Tout ceci est apparenté à un codage thématique (Flick, 2007 ; Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui, 2009). « […] la thématisation constitue l’opération centrale de la méthode, à savoir la transposition d’un corpus donné en un certain 61 nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé et ce, en rapport avec l’orientation de recherche (la problématique) » (Paillé & Mucchielli, 2003, p. 123-124). Il faut souligner que « […] l’analyse ne s’arrête pas à l’étiquetage des extraits et débouche sur la construction d’une représentation synthétique et structurée du contenu analysé » (Paillé & Mucchielli, 2003, p. 138). Pour pouvoir interpréter les propos tenus par les enquêtés, il est nécessaire de retranscrire les entretiens (Flick, 2007) ; la retranscription est une étape importante de la recherche pour se représenter la narration de l’enquêté (Kowal & O’Connell, 2014). Différents systèmes existent, qui varient dans leurs degrés d’exactitude (Kowal & O’Connell, 2004, in Flick, 2007) ; elle peut être reportée de manière brute ou « corrigée » (orthographe standard, littérale, phonétique, etc.), soit pour garder le langage d’origine, soit pour faciliter la compréhension du discours. La retranscription ne doit pas être descriptive : seul le contenu importe. La linéarité originelle du discours doit également être préservée, sans catégorisation, sans « codage » (Kowal & O’Connell, 2014). Parfois, l’exactitude n’est pas utile à la question de recherche ni à la recherche en elle-même, comme une sorte de fétichisme scientifique. Ceci peut s’avérer bénéfique dans les analyses de discours et d’organisation du langage (Flick, 2007). Il paraît plus raisonnable de retranscrire autant que possible ce qui est en lien avec les questions de recherche (Strauss, 1987, in Flick, 2007), surtout que les retranscriptions prennent du temps et de l’énergie. De plus, l’anonymat des données, dans les noms, les lieux, les références temporelles, etc., doit également être pris en compte (Flick, 2007). Au final, les retranscriptions se sont ici faites de manière complète, en restant le plus proche possible du discours des enquêtés, sans pour autant noter les hésitations, les « blancs » présents dans le dialogue. Ensuite, la partie analytique de ce travail se veut découpée en trois parties distinctes : chacune se rapporte à une question de recherche, avec un retour sur hypothèse de recherche en fin de partie. Les données ont donc été assemblées par thèmes, avec des affirmations représentant l’intérêt du phénomène. J’ai veillé à ne pas mal interpréter les données et les forcer à être en accord parfait avec les hypothèses développées auparavant. Il faut souligner qu’aucune interprétation des données n’est parfaite et peut dépendre des perspectives d’analyse utilisées et des aspects à analyser désirés (Roulston, 2014). De plus, ces éléments sont appuyés par des points évoqués dans le contexte de recherche et la problématique, tout comme de nouveaux constats qui ont été aperçus ultérieurement. 62 Les éléments contribuant à commencer la pratique « Pour pratiquer une activité sportive il faut être fortement stimulé et motivé » (Todisco & Melchiorri, 1998, p. 281). La motivation influence les choix, la persévérance et la performance dans des activités pratiquées (Wigfield & Eccles, 2000). Plusieurs théories essaient d’expliquer comment et pourquoi les individus sont motivés. Ceci permet aussi d’expliquer les raisons qui poussent les personnes à arrêter une activité et donc à ne plus être motivées. Par conséquent, certains aspects de différentes théories seront utilisés dans cette première partie analytique pour mettre en lumière les points mentionnés par les différents participants lors des entretiens. Il faut déjà souligner qu’en football plus spécifiquement, les sentiments de plaisir et de compétence sont les émotions principales de la motivation (Weiss & Chaumeton, 1992, in Bizzini & Piffaretti, 1998). De plus, dans des pratiques jugées masculines, les femmes doivent y ressentir du plaisir. L’entourage des pratiquantes (famille, entraîneurs, coéquipiers masculins) doit également être pris en compte (Mennesson, 2004b) car il réussit à influencer indirectement leur comportement. Les parents, l’entraîneur et le reste de l’entourage peuvent donc influencer les choix sportifs (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Les aspects du sport en lui-même Dans un sport considéré comme masculin tel que le football, les femmes doivent y éprouver un certain plaisir, surtout que l’activité ne leur est socialement pas destinée (Mennesson, 2004b). De plus, avec son modèle Hiérarchique de la Motivation Intrinsèque et Extrinsèque (HMIE), Vallerand (1997) postule que les motivations se font notamment en fonction du degré d’autonomie, de choix et d’acceptation de l’individu (autodétermination). Justement, la motivation intrinsèque suppose que l’individu accomplit une activité pour la satisfaction, le plaisir qu’elle procure ; il y en existe trois formes. La première se fait au travers de la connaissance (apprendre, essayer, comprendre quelque chose de nouveau), la seconde passe par l’accomplissement (essayer d’atteindre de nouveaux objectifs personnels, surmonter des défis) et la troisième est régie par la stimulation (sensations, excitations liées à la pratique) (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Sarrazin et al., 2002). Dans le cas des joueuses de football interrogées, leur motivation semble se faire au travers de la motivation intrinsèque et plus spécifiquement celle de la stimulation. Il faut dire que le motif premier – chez l’enfant entre autres – pour participer à un sport est la recherche d’expériences agréables amenant du plaisir (Chalip & Green, 1998, Green, 2005, Wankel & Kreisal, 1985, Weiss & Amorose, 2008, in 63 Cope, Bailey & Pearce, 2013). Effectivement, sept joueuses (A/B/C/D/E/F/H) évoquent la notion de plaisir : « Moi, j’ai toujours ce plaisir de jouer. » C « Moi je vois un ballon, je suis comme un petit chien. J’adore ça, vraiment. J’adore le contact avec le ballon, j’adore. Dès que je vois une balle, je fais des jongles, je fais de shoots, j’adore ça, je trouve ça génial. » B « C’est quand même un sport assez de contacts, mais voilà je n’ai jamais lâché parce que j’aime trop ça. » E D’ailleurs, lorsqu’il a été demandé aux participants masculins des entretiens d’expliquer les raisons qui pouvaient pousser les filles à se diriger dans le football, cette notion de plaisir a été reprise par deux entraîneurs (J/K), ainsi que le responsable ANF (L) : « J’ai des filles qui ont commencé le foot parce qu’elles aimaient le foot. » J « Il y en a certaines qui doivent aimer le foot, je pense que certaines adorent ça. » K Ensuite, la théorie de la motivation par la compétence proposée par Harter (1978), qui s’inspire de White (1959), suppose que l’individu a besoin de se sentir compétent lorsqu’il effectue des tâches qui peuvent se solder par un succès ou un échec. Ce besoin amène la personne à essayer de dominer la situation, en étant efficace et en se maitrisant. Le sentiment de contrôle et d’estime de soi face à la situation va accroître ou stabiliser la motivation de l’individu. Au départ, la personne sera intéressée par une activité où elle pense pouvoir être compétente (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 & in Cope, Bailey & Pearce, 2013). Même si elle est moins présente que la notion de plaisir, celle de la compétence est nommée par trois joueuses (A/C/D). Elles sont stimulées par le fait de se sentir capables et donc compétentes pour faire du football : « Je crois que je suis vraiment plus douée avec les pieds qu’au tennis avec les mains. » A « J’avais l’impression d’y arriver parce que si j’avais été complètement pomme, je ne pense pas que j’en aurais fait pendant aussi longtemps. » C Pour finir, les garçons sont ceux qui favorisent les sports nécessitant une forte compétition (Louveau, 1997 ; Pociello, 1999b ; Laberge & Albert, 2000 ; Goffman, 2002), comme les sports d’équipe (Laberge & Albert, 2000 ; Louveau, 2006). Ceci leur sert à affirmer leur force 64 et leur virilité (Laberge & Albert, 2000 ; Goffman, 2002). Pourtant, le fait que le football soit un sport collectif a motivé certaines joueuses à s’engager dans la pratique. Six footballeuses (A/C/E/F/G/H) évoquent cette raison pour justifier leur choix, où le fait d’être ensemble et de se motiver les uns les autres est important : « Un sport d’équipe, ça de toute façon je voulais faire. » H « Alors je voulais plutôt un esprit d’équipe, pas individuel. Donc j’ai visé sur le foot. » G « Moi j’aime bien les sports d’équipe parce qu’on se motive les uns les autres, il y a des échanges et on est de milieux différents. Un sport individuel, ce n’est pas mon truc quoi. » C En résumé, dans la pratique du football véritablement, la grande majorité des joueuses interrogées a été attirée par le fait que celle-ci leur procure un certain plaisir. Le fait que ce soit un sport collectif, pour pouvoir interagir avec d’autres personnes notamment, est un aspect aussi important – contrairement à ce que pourraient procurer des sports individuels –. Le fait de se sentir compétent a également été mentionné par certaines, mais il semble moins indispensable que les deux notions évoquées précédemment. Importance de la famille La famille joue un rôle important dans le choix d’un sport. Celui-ci peut s’effectuer en fonction de la tradition familiale (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). Dans le cas des huit joueuses interrogées, sept d’entre elles (A/B/D/E/F/G/H) sont issues de familles sportives et qui apprécient plus spécifiquement le football. Ceci signifie qu’au moins l’un de ses membres « proches » aime en faire ou s’y intéresse d’une quelconque manière ; ceux que j’entends par « proche » sont les grandsparents, les parents, les frères et sœurs, les cousins/cousines ou encore les oncles et tantes, avec lesquels il est possible de supposer que les liens de parenté se veulent moins éloignés qu’avec d’autres membres de la famille par exemple. Pour « valider » l’influence de ces membres sur les pratiquantes, seuls ceux qui ont joué et/ou se sont intéressés au football avant que les joueuses ne le fassent sont concernés. Ainsi, il a été possible de se rendre compte que les individus en question sont le père, le frère, la sœur, la tante ou encore la cousine ; ceux qui sont le plus présents dans les parcours biographiques des footballeuses sont le père et le frère. Parmi ces sept footballeuses, cinq (A/D/E/G/H) ont un père qui apprécient particulièrement le football et qui l’a également souvent pratiqué. Certaines avouent même avoir été influencées 65 directement par ce dernier (A/H) ; ce constat est aussi repris par un entraîneur (J) et le responsable ANF (L) : « Alors, déjà j’ai commencé, entre autres je pense, à cause ou grâce à mon papa. » A « Je regardais avec lui le foot. En fait, je pense que c’est surtout que je suis allée une fois, quand il y avait l’ancienne Maladière, il m’avait emmenée une fois voir un match de foot et je pense que ça, ça m’avait aussi beaucoup plu. C’est ça qui m’a aussi poussé je pense à faire du foot. Du coup, je devais avoir 6-7 ans. » H « Ça peut aussi être une passion familiale, où le père fait du foot, il regarde des matchs à la télé, ils vont voir des matchs à l’extérieur. » L De plus, cinq joueuses (A/B/D/E/G) ont également un frère qui a pratiqué ou qui pratique encore le football. Pour certaines (A/B/G), celui-ci a joué un rôle direct dans leur envie de s’intéresser et de jouer au football. Ce constat est d’ailleurs repris par le même entraîneur que précédemment concernant l’influence du père (J) et le responsable ANF (L) : « J’ai joué beaucoup du foot avec mon frère et pis ça me donnait envie. C’est pour ça que je suis allé essayer de faire du foot quoi. » G « Je pense que c’est parce que j’ai un grand frère en fait qui faisait du foot. » B « Le frère fait du foot et baignée là-dedans, envie de faire du foot quoi. » L Il est donc possible de se rendre compte que dans les milieux familiaux, les figures masculines sont celles qui influencent le plus les filles à faire du football, mais les femmes de la famille ne sont pas à exclure non plus. C’est le cas pour trois joueuses, où une femme a joué le rôle de motivateur : E au travers de sa cousine, A par l’intermédiaire de sa tante et F par sa sœur. Cependant, même si le milieu familial est fortement intéressé par le football, il faut souligner qu’une autre figure féminine s’implique moins dans la sphère footballistique : c’est le cas des mères. Lorsque les pères et les frères jouent les rôles de modèles, les mères deviennent des contre-modèles (Lecocq, 1996) et elles sont souvent opposées aux pratiques masculines en incitant leurs filles à faire des sports féminins (Mennesson, 2005a). Dans le cas présent, ces dernières sont souvent moins sportives ou intéressées par le football, voire même plus inquiètes que les autres membres de la famille lorsqu’elles voient leur fille s’engager dans le football ; cette inquiétude est surtout visible chez les mères dont les filles se sont blessées lors de la pratique. Ces points apparaissent chez cinq joueuses (A/E/F/G/H) : 66 « Ma mère, elle ne fait pas du tout de sport, mais on est une famille plutôt qui suivons le sport. » H « Ma maman, c’était surtout ma maman, elle avait peur. Du coup, quand je me suis blessée, c’était un peu difficile avec ma mère parce qu’elle ne voulait pas que je reprenne. » E Pour terminer, il faut insister sur le fait qu’aucune joueuse n’a été obligée par sa famille, d’une quelconque manière, à s’inscrire dans un club de football et à pratiquer ; aucune n’a donc été inscrite de force, sans que son avis n’ait été pris en considération préalablement. Ainsi, il est possible de se rendre compte que le milieu familial influence, directement ou indirectement, les filles dans leur volonté de faire du football. Une majorité d’entre-elles ont eu un père et/ou un frère qui les a incitées à pratiquer ou en tout cas qui leur a donné goût à la pratique. À noter que, souvent, les mères sont moins impliquées dans l’incitation à la pratique pour leurs filles, avec même une tendance pour certaines à essayer de décourager leur enfant dans le fait de jouer au football. Copains et camarades de classe : un élément supplémentaire Il a été possible de se rendre compte que la famille a joué un rôle pour les joueuses dans leur envie de pratiquer, notamment au travers de leur père et/ou de leur frère. Cependant, ceux-ci ne sont pas les seuls à avoir suscité cette envie. Le fait d’avoir des amis sportifs (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014) peut aussi jouer un rôle. Effectivement, les camarades de classe ou encore les copains ne sont pas à négliger. Ceux-ci permettent aux filles de faire du football avec eux, que ce soit dans le quartier où elles habitent ou encore à l’école lors des récréations. Sept joueuses (A/B/C/E/F/G/H) sont concernées : « Oui j’ai commencé tard aussi, mais j’en jouais déjà avec les camarades ou dans la cour, même dans le quartier. » A « Bon je jouais tout le temps dans la cour de récré avec mes copains, quand j’étais petite, et j’ai toujours aimé le foot. » H Ainsi, le fait de donner envie tente ensuite certaines filles à s’inscrire dans un club, le même club où tous ces copains jouent déjà. Il en résulte une envie d’être ensemble, de se retrouver entre copains (Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014 ; Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014), comme une continuité de l’école et du quartier résidentiel. Les cinq joueuses ayant eu une pratique junior mixte (A/B/C/F/H) mettent en avant ce point-là. Celui67 ci est soutenu par le responsable ANF (L), qui se rend compte de cette envie de se retrouver entre copains lorsque les filles s’inscrivent en club, tout comme pour les garçons finalement : « Au départ, c’était pour être avec les autres, pour être avec mes copains. » C « Mes camarades de l’époque, ils commençaient les juniors, je me suis dit que j’allais aussi commencer les juniors quoi. » B « Mon équipe c’était beaucoup des copains de classe donc je retrouvais mes amis donc on était beaucoup ensemble. » H Pour résumer, les camarades de classe et les copains jouent également un rôle de motivateur pour les filles faisant du football, que cela soit dans le milieu scolaire ou dans le quartier d’habitation. Ceci a pour effet que les filles sont tentées de s’inscrire directement dans un club de football pour pouvoir continuer de pratiquer et d’être avec leurs amis. Ce constat s’est avéré d’autant plus significatif concernant l’unique joueuse dont personne au sein de sa famille ne faisait ou ne s’intéressait au sport et plus particulièrement au football. L’influence de l’entraîneur pour continuer la pratique À présent, tout comme pour la partie familiale et amicale, il s’agit de voir si l’entraîneur joue également un rôle dans cette envie de continuité de pratique. Son comportement permet d’influencer notamment la satisfaction et la persévérance chez le sportif (Black & Weisse, 1992, Chelladurai, 1993, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). L’entraîneur a donc un fort impact sur sa motivation (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Vallerand & Losier, 1999, in Sarrazin et al., 2002). Ceci vient du fait qu’il met en place un climat de motivation (Ames, 1992, in Sarrazin et al., 2002) par les entraînements qu’il propose, mais également par le lien qu’il met en place avec les enfants, au travers de son autorité ou encore de sa reconnaissance (Sarrazin et al., 2002). Cette partie se penche plus particulièrement sur la période de l’enfance et où la pratique était mixte, c’est-à-dire lorsque les joueuses faisaient du football avec les garçons. Dans le cas des joueuses interrogées, cinq seulement ont eu ce type de pratique (A/B/C/F/H). Ces dernières admettent toutes que leurs entraîneurs ont eu de l’importance dans leur envie de pratiquer et surtout de continuer cette pratique, du fait qu’ils les intégraient à l’équipe comme tous leurs coéquipiers masculins. Ce constat-là est également appuyé par le responsable ANF (L) : 68 « C’était un monsieur un peu plus âgé, je pense un peu plus âgé que mes parents, il faisait un peu papy, hyper sympa, vraiment hyper adorable. D’ailleurs, selon ce que ma mère m’a raconté, c’est lui qui m’a proposé de venir jouer et il était hyper gentil avec moi quoi. Donc pas de discrimination ″ouais toi tu es une fille tu ne fais pas ci″, non alors il m’a toujours intégrée dans l’équipe. » C « Le fait que j’avais mon vestiaire aussi, il faisait attention pas qu’on m’embête dans mon vestiaire, mais il me prenait aussi pour expliquer la théorie de l’équipe. Il n’essayait pas de me mettre à l’écart non plus. Ça s’est bien passé, un bel exemple. » A « Mes entraîneurs, ils m’ont toujours encouragée, ce n’est pas parce que j’étais une fille qu’ils ont essayé de me faire arrêter. Non mais toujours à encourager, toujours à dire ″ce n’est pas parce que tu es une fille que tu joueras moins bien″ ou quoi que ce soit quoi. » H Pour conclure, il faut dire que les joueuses ont entretenu de bons contacts avec leurs entraîneurs pendant l’enfance. Ceux-ci les ont toujours incorporées à l’équipe et en tout cas pas mises de côté. Ceci a été d’autant plus important à leurs yeux, dans l’optique de continuer la pratique par la suite. De mauvais contacts avec les entraîneurs ou encore une mise à l’écart du groupe sportif pourraient engendrer un abandon de pratique (cet aspect est plus développé dans la partie d’analyse sur les abandons sportifs), surtout que les filles pratiquantes sont rares pendant cette période (voir partie suivante) ou en tout cas proportionnellement sousreprésentées par rapport aux garçons. Jouer avec des garçons : quels avantages/inconvénients ? Comme il a été possible de s’en rendre compte, les contacts avec les entraîneurs sont bons pour les filles qui décident de jouer en juniors avec les garçons. Ceci ne paraît pas forcément automatiquement évident, surtout de par le fait que les filles à avoir une pratique en équipes mixtes se font rares. Il faut dire que certaines semblent essayer pendant quelque temps, mais sans forcément continuer. Par conséquent, les filles qui jouent de manière régulière et constante sont peu nombreuses. Ce constat est validé par les cinq joueuses qui sont justement passées par ce type de pratique (A/B/C/F/H), mais également par les propos de E – qui avait l’impression qu’il y avait peu de filles en juniors avec les garçons et cela a été un frein pour elle quant à commencer avant avec ces derniers justement – et ceux du responsable ANF (L) : « On arrive dans un monde en fait où moi je ne connaissais aucune fille forcément, je n’avais pas vraiment de copines qui faisaient du foot ou alors j’en ai peut-être eu une ou deux qui ont fait une saison avec moi, mais pas beaucoup plus quoi, des copines de classe. » C 69 « Il y a eu de temps en temps des filles ouais, mais elles n’ont jamais accroché. Un moment on était trois, mais après elles n’ont pas fait très long, il n’y a que moi qui ait vraiment. » H « Moi je n’ai pas voulu aller avant parce que je n’avais pas trop envie d’affronter ça et dans les équipes de garçons, quand j’avais 14 ans, il ne me semblait pas qu’il y avait beaucoup de filles. » E Le faible nombre de pratiquantes féminines peut engendrer certaines problématiques, notamment dans les infrastructures qui ne sont pas adaptées au fait qu’il y ait des filles et plus particulièrement concernant les vestiaires, comme nous le décrivent une joueuse (B) et un entraîneur (J) : « Il y a des situations un peu pénibles tu vois. Au niveau aussi de la pudeur tu vois. Les vestiaires ce n’était pas adapté, j’étais amenée à voir plein de garçons de ma classe tout nu, enfin ce qui n’est pas normal je trouve. Du coup, moi je ne pouvais pas me doucher là-bas, je devais rentrer chez moi et c’était chiant. » B « Souvent le problème c’est les vestiaires. En tout cas, nous dans notre infrastructure, on n’a pas la possibilité d’avoir un vestiaire que pour les filles. Donc quand on a des entraînements ou des matchs et qu’il y a des garçons, souvent c’est toute une gymnastique pour les faire changer. Ça, c’est un peu l’inconvénient. » J Quoiqu’il en soit, les cinq joueuses (A/B/C/F/H) soulignent le fait que leur incorporation dans les équipes de garçons s’est bien déroulée, principalement due au fait qu’elles jouaient avec des garçons avec lesquels elles avaient des contacts auparavant, à l’école notamment. Cette bonne intégration est également soulevée par le responsable ANF (L) : « Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu des problèmes avec mes copains parce que j’étais une fille et qu’ils ne voulaient pas qu’il y ait une fille dans l’équipe. » C « En général, les garçons les acceptent bien. » L De plus, cette pratique en équipes mixtes se veut plus poussée et plus exigeante, ce qui constitue un bon apprentissage footballistique pour la suite du parcours des femmes, notamment en équipes adultes plus tard ; savoir aller aux contacts et de meilleurs progrès d’un point de vue technique sont principalement mis en avant. Ceci semble s’expliquer du fait que les garçons commencent à jouer au football plus tôt, par rapport aux filles. Le nombre de pratiquants garçons est également plus important, ce qui permet d’élever le niveau de jeu et surtout d’apprentissage, de progression. Les joueuses ayant pratiqué avec des garçons en juniors (A/B/C/F/H) relèvent ces différents points, qui sont accentués par les dires de tous les 70 entraîneurs interrogés (I/J/K), ainsi que du responsable ANF (L). Il faut également souligner qu’une joueuse ayant commencé plus tardivement la pratique et directement en équipes de filles (E) met en avant ces différents aspects, de par les échos qu’elle a eu de coéquipières qui sont passées par une pratique junior mixte : « Les garçons ils jouent déjà depuis plus longtemps, depuis plus petit et ça te pousse à leur niveau. » A « Si elles commencent avec les garçons, c’est toujours un bien parce qu’elles apprennent à s’endurcir un petit peu, au niveau caractère, au niveau du contact. C’est que bénéfique par la suite. » J « C’est simplement une histoire d’émulation parce qu’au niveau des garçons, on a un plus grand nombre, quand on sélectionne et on prend les meilleurs, le niveau est assez grand. […] comme il y a une émulation entre eux, ça va augmenter la progression. S’il y a une fille qui est avec eux, automatiquement elle devra se mettre un petit peu à niveau, elle ne pourra pas se contenter de l’acquis. Si cette fille-là, je la mets uniquement avec les équipes filles qu’on a là, ça sera la meilleure. C’est difficile de faire plus quand on est déjà la meilleure. » L En résumé, malgré le fait que les filles soient peu nombreuses à évoluer dans des équipes de football avec des garçons pendant l’enfance, la majorité des participants concernés par cette période-là estime que ceci constitue un bon apprentissage pour la suite dans la pratique des femmes, notamment au travers d’exigences plus poussées. Les filles doivent se mettre au niveau des garçons, surtout que les opportunités de commencer plus tôt à pratiquer sont plus importantes pour ces derniers. Finalement, les contacts avec les garçons sont en général bons et non conflictuels, probablement dû au fait que filles et garçons se côtoient également en dehors de l’équipe, notamment dans le milieu scolaire. Cependant, certains soulignent que les infrastructures ne sont pas forcément adaptées à la présence filles, pour les vestiaires entre autres où aucun ne leur semble dévoué en priorité. Hypothèse 1 en lien avec les résultats d’analyse Pour ma première hypothèse de recherche, je supposais que le milieu familial jouait le rôle de motivateur principal pour les filles, dans leur envie de pratiquer. Pour sept joueuses sur huit (A/B/D/E/F/G/H), la famille a donc joué un rôle significatif, car le football a été fortement présent dans leur parcours biographique, que cela soit au travers des parents, des frères et sœurs, d’une cousine ou encore d’une tante. Par conséquent, le fait que les filles font du football comme une sorte de tradition familiale (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014) n’est pas à exclure. 71 Dans un deuxième temps, je pensais plus spécifiquement que le père ou les frères étaient les figures familiales qui poussaient ces dernières à se lancer dans le monde du football véritablement. Cependant, même si les figures paternelles et fraternelles sont fortement présentes, celles-ci ne paraissent pas aussi significatives dans le fait d’inciter les filles à se lancer dans la pratique footballistique. Seules quatre joueuses sur sept (celles dont le milieu familial appréciait le football) (A/B/G/H) estiment avoir été directement influencées par le père ou le frère. Par conséquent, la notion de socialisation sexuée inversée proposée par Mennesson (2004b, 2005a, 2007) est à appréhender de manière plus nuancée ou en tout cas de manière moins significative que le milieu familial de manière globale. De plus, les camarades de classe et les copains jouent également un rôle significatif de motivateurs pour que les filles fassent du football. Comme proposé par Todisco & Melchiorri (1998) et Golay & Malatesta (2012, in Malatesta et al. 2014), ceci s’est avéré révélateur auprès de sept joueuses (A/B/C/E/F/G/H), notamment ceux côtoyés dans les milieux scolaires et résidentiels. Ceci est d’autant plus vrai pour l’unique joueuse dont la famille ne s’intéresse pas au football, ni même au sport de manière générale (C). Justement, c’est également une des raisons qui a motivé les joueuses à s’inscrire en club et jouer avec les garçons (A/B/C/F/H). Les copains et camarades de classe semblent donc avoir un rôle important, voire même plus important que la famille – au travers du père et du frère notamment –, dans la motivation des joueuses à jouer au football et principalement à s’inscrire dans les clubs pour le faire, comme une volonté d’être avec les amis, d’être ensemble (Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). En tout cas, ceci rejoint Mennesson (2005a) dans l’idée que les filles débutent leur pratique assez jeune, en extérieur avec les copains. Ensuite, pour les cinq joueuses qui ont commencé de pratiquer en club avec des garçons et ceci dès l’enfance (A/B/C/F/H), l’entraîneur a aussi joué un rôle important dans leur motivation, pas dans le fait de les inciter à faire du football, mais en tout cas de continuer leur pratique, dans leur persévérance, comme le présentent Guillet, Sarrazin & Cury (2000). Pour terminer, je tiens également à souligner que la notion de plaisir a été importante pour sept joueuses (A/B/C/D/E/F/H) et que le football en tant que sport collectif (à l’opposé des sports individuels) a aussi influencé six filles (A/C/E/F/G/H) dans leur choix. Par conséquent, des éléments externes aux autrui significatifs (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) ont également joué un rôle dans le choix de ce sport plutôt qu’un autre. 72 Les possibles raisons d’un abandon de pratique Comme il l’a déjà été évoqué dans la première partie d’analyse, plusieurs théories de la motivation existent et tentent d’expliquer comment et pourquoi les individus sont motivés. Elles permettent également d’expliquer les raisons qui poussent les personnes à arrêter une activité et donc à ne plus être motivées au final. Par conséquent, certains points de ces différentes théories seront utilisés dans cette seconde partie d’analyse, en lien avec les aspects soulevés par les participants lors des entretiens. Justement, il faut savoir qu’il existe différentes raisons d’abandon : l’intérêt pour d’autres activités, le manque de plaisir, une faible habileté, des blessures (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000), des problèmes avec l’entraîneur ou encore l’ennui (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Gould, Feltz, Horn & Weiss, 1982, Gould, 1987, Petlichkoff, 1993, in Guillet, Sarrazin, Carpenter, Trouilloud, & Cury, 2002). De plus, les pratiques mixtes s’arrêtent à l’adolescence. A ce moment-là, les filles doivent intégrer une équipe féminine. Ce changement imposé fait qu’elles perdent leurs coéquipiers, qu’elles doivent en connaître de nouvelles plus âgées, avec des entraîneurs et lieu/trajets différents. Les équipes de femmes se font donc plus rares (Héas et al., 2004). Quitter les garçons à l’adolescence : quels constats ? A l’adolescence, les filles doivent quitter la pratique avec les garçons pour aller jouer uniquement avec des filles. Parmi les cinq joueuses qui ont joué en juniors dans une équipe mixte (A/B/C/F/H), seulement trois (A/C/H) sont passées par cette étape-là, les deux autres (B/F) ayant arrêté avant pour d’autres raisons qui seront explicitées ultérieurement. Quoiqu’il en soit deux pratiquantes (A/C) évoquent le fait qu’il n’était pas évident pour elles de quitter ce milieu connu, principalement composé des copains et camarades de classe, comme il a été possible de s’en rendre compte précédemment : « Je partais d’un milieu hyper connu où c’était tous mes copains de classe, j’étais à l’école avec eux donc je les voyais tous les jours et tous les weekends. » C « Donc là c’était un petit peu dur au niveau des amis parce que tu quittes tout. » A Cependant, ce changement de pratique se justifie du fait que les différences physiques deviennent trop importantes entre garçons et filles à ce moment-là. Ceci est relevé par trois joueuses (A/E/H), les trois entraîneurs interrogés (I/J/K) et le responsable ANF (L) : 73 « Après on n’a plus le droit de jouer avec les garçons vu que notre morphologie grandit différemment, enfin se développe différemment. Donc après j’ai arrêté et j’ai dû aller avec les filles. » A « Alors après le passage, il est quasi obligé quoi parce qu’elles ne peuvent plus jouer, simplement d’un point de vue physique. » L Ces différences physiques ne sont pas les seuls éléments qui « obligent » les filles à quitter les garçons. Auparavant dans leur pratique, elles se sentaient intégrées au groupe de garçons du fait qu’elles les côtoyaient à l’école, voire dans leur quartier. De ce fait, il n’y avait pas de « rejet » de la part des garçons au sein de l’équipe et si « rejet » il y avait, il se faisait de la part des autres équipes rencontrées pendant les matchs, comme l’expliquent les cinq joueuses ayant joué en juniors avec les garçons (A/B/C/F/H), un entraîneur (K) et le responsable ANF (L) : « Quand je jouais avec les garçons et qu’on allait jouer dans les autres clubs ou qu’il y avait les autres équipes qui venaient, avec les autres parents. Oui, là il y a eu des remarques, genre à leur propre fils, ″tu ne vas quand même pas te faire voler la balle par une fille″. » A « Si c’est contre une autre équipe, ils vont plus facilement te tacler, devenir plus secs quoi. » H Cependant, ce « rejet » peut s’opérer au sein de la propre équipe mixte des joueuses qui s’explique par le fait qu’au fil du temps, les garçons dans ces équipes-là ne sont plus forcément que des copains et camarades de classe ; cet élément est mis en avant par trois joueuses (A/B/H). De plus, plus spécifiquement à l’adolescence, deux joueuses (B/H), un entraîneur (K) et le responsable ANF (L) estiment également que les garçons et les filles commencent à avoir une mentalité différente qui fait que l’aspect sportif ne suffit plus pour jouer ensemble : « C’est vrai que ceux qui me connaissaient moins, ils ne savaient pas, ils ne me connaissaient déjà pas comment j’étais donc eux, on va dire, ils me le faisaient ressentir par certains moments, que ça les dérangeait, soit que je leur prenne leur place, soit que je joue à leur place. » A « Et je n’étais même plus trop acceptée dans mon équipe donc du coup j’ai préféré changer et aller avec les filles. Je me suis dit que c’était l’âge, le moment de changer. Alors l’entraîneur ça va toujours, mais c’est plutôt les joueurs maintenant à l’âge où les garçons ils commencent à devenir un peu bête. Et du coup si tu commences à le passer ou faire un passement de jambes ou tu lui prends le ballon, il le prend mal le garçon, parce que c’est une fille qui t’a fait ça donc c’est l’air con. Donc après ils deviennent méchants quoi. » H 74 « Après, je pense que de se retrouver avec des filles, certaines ça leur fait du bien finalement parce qu’il y a une mentalité je pense, elles sont séparées à un âge où le garçon est en pleine puberté dans l’adolescence et je pense qu’elles ne doivent pas être mécontentes de se retrouver avec des filles quoi. » K « Au niveau de la mentalité, ça pourrait être des fois un tout petit peu difficile, les garçons sont encore très immatures et elles ont déjà un peu passé à autre chose. » L En résumé, les joueuses estiment que le fait de quitter une pratique avec les garçons, mais surtout de quitter les copains et camarades de classe peut s’avérer difficile, notamment à l’adolescence. Cependant, certaines joueuses mettent en avant le fait qu’elles se sentent rejetées de la part de leur propre équipe, alors qu’elles paraissent déjà faiblement acceptées du côté des équipes adverses. Ceci s’explique du fait que les coéquipiers changent au fil des années et que les amis disparaissent peu à peu. De plus, l’adolescence semble être une période compliquée pour la cohabitation des garçons et des filles au sein d’une même équipe, où les mentalités semblent diverger à ce moment-là. Par conséquent, le changement de pratique à l’adolescence leur paraît bénéfique, avec une envie pour les joueuses de rejoindre une équipe de filles. Il faut également souligner qu’en plus d’une mentalité changeante entre garçons et filles conduisant à de mauvais rapports au sein de l’équipe mixte, l’adolescence est la période où des différences visibles s’opèrent entre les deux sexes au point de vue physique. Les « problèmes » propres aux équipes de filles A l’adolescence, dans le football, lorsque les filles ne sont plus en âge de jouer avec les garçons, elles doivent rejoindre une équipe entièrement féminine si elles veulent continuer de pouvoir pratiquer (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Ainsi, les filles sont « obligées » de quitter une pratique avec des garçons pour se diriger vers une pratique uniquement avec des filles. Comme il a été possible de se rendre compte, les joueuses doivent partir d’un milieu où elles connaissent leurs coéquipiers – avec qui elles ont de bons contacts ou non – pour arriver dans une équipe où elles ne connaissent personne ou presque (voir la partie traitant des continuités de pratique pour plus d’informations), surtout qu’il a été remarqué que leur proportion est faible dans les effectifs mixtes. Par conséquent, l’adaptation dans un nouveau milieu n’est pas toujours évidente pour certaines, comme l’expliquent A et C ou encore D au travers des échos d’une coéquipière. Même E, qui n’a pas joué auparavant avec 75 des garçons, met en avant cet aspect-là, qui est aussi repris par l’entraîneur K. Cette peur de l’inconnu peut même conduire à un abandon prématuré de pratique, comme dans le cas de F : « Ce n’est pas facile, comme je disais, de débarquer dans une équipe, de s’intégrer. » C « Ouais, je pense que c’était la peur de l’inconnu aussi. Pas forcément parce que je devais quitter des garçons et aller avec des filles, mais parce que je quittais des gens que je connaissais pour aller avec des gens que je ne connaissais pas. Je pense que c’était surtout ça. » F Le fait d’arriver dans une nouvelle équipe, sans connaître personne, n’est donc pas évident. De plus, dans les équipes de filles, le « problème » de s’intégrer s’intensifie du fait que de grandes différences d’âge subsistent dans les catégories adultes. Effectivement, les âges des joueuses vont de 14-16 ans à plus de 40 ans, voire allant même jusqu’à 50 ans. Cette notion-là est reprise par cinq joueuses (A/B/C/F/H), les trois entraîneurs (I/J/K), ainsi que le responsable ANF (L). B avoue même que cette différence d’âge l’a fait arrêter lorsqu’elle a voulu recommencer la pratique au sein d’une équipe exclusivement féminine : « J’arrivais dans un autre monde avec d’autres personnes et là j’étais beaucoup plus jeune parce qu’on pouvait commencer autour des 13-14 ans, je ne sais plus exactement à quel âge, mais les filles il y en avait plusieurs qui avaient 25 ans. Je veux dire, le noyau de l’équipe, il y avait 10 ans de plus que moi. Alors, 25 ans, 14 ans, on n’a pas du tout, ce n’est pas pareil quoi. On n’a pas les mêmes intérêts, enfin c’était très différent. J’avoue, au début, j’ai eu un petit peu de peine parce que ce n’était pas évident, il fallait se faire des amies. » C « Après les âges c’est tout confondu, ça va de 14 à, aujourd’hui dans notre équipe on a une fille qui a 50 ans. » F « Mais du coup je me suis retrouvée là avec des bonnes femmes qui me paraissaient super vieilles en fait tu vois, j’avais 15 ans, elles en avaient. J’étais la plus jeune et il y en avait qui avait 30-40. Enfin tu vois, posées, avec leur chien, enfin tu vois. Un peu les grosses bourrines. Moi j’étais trop impressionnée quoi. Et je ne me suis pas sentie à ma place de nouveau dans cette équipe. » B Ensuite, puisque les filles doivent réussir à trouver une équipe féminine, celle-ci doit se situer à une distance qui ne se veut pas trop éloignée de leur domicile, ce qui est d’autant plus compliqué, car les équipes de femmes sont moins nombreuses (Mennesson, 2005a). Justement, les distances lors des déplacements, pour se rendre aux entraînements entre autres, peuvent devenir un problème, étant donné le peu d’équipes féminines dans le canton de Neuchâtel. Huit participants (A/B/C/D/E/F/H/K) soulignent la problématique d’une nonproximité d’équipes et huit personnes interrogées (A/C/F/H/I/J/K/L) mettent en avant la faible 76 proportion d’équipes dans le canton de Neuchâtel. Ces deux-éléments paraissent complémentaires, notamment dans les propos de A, C, F, H et K. Justement, il est possible de s’en rendre compte au travers des discours de K concernant une ancienne joueuse, de H concernant d’anciennes coéquipières et de F (tous les trois soulignent que ces éléments sont des motifs d’abandons) : « En gros c’était soit [nom d’équipe] avec ma sœur, soit [nom d’équipe] et je n’avais pas envie, en plus ça faisait loin. Je suis de [nom de village]. Donc arrivée en fin de juniors C, j’ai arrêté. » F « Et elles n’ont pas envie justement d’aller, faire une demie heure de route chaque fois pour aller dans un autre club quoi donc elles arrêtent. » H « Elle a arrêté parce qu’il n’y avait pas d’équipe de filles à proximité. » K La proportion féminine dans le sport reste inférieure en comparaison des hommes (Broucaret, 2012). Comme il a été possible de constater auparavant, la proportion de filles en équipes juniors avec les garçons est faible. Ceci se traduit par un nombre d’équipes seniors féminines peu élevées par la suite. Dans une certaine continuité, les effectifs féminins adultes restent également pauvres et régulièrement changeants. Par conséquent, une problématique existe chaque fin de saison, où il faut motiver les joueuses présentes dans l’équipe à rester ou se démener pour en retrouver de nouvelles afin d’être sûr de pouvoir commencer le championnat la saison suivante. De plus, les joueuses rencontrent souvent les mêmes adversaires et lorsqu’elles changent d’équipe se retrouvent presque automatiquement avec des filles contre lesquelles elles ont déjà joué. Ces constatations sont mises en avant par sept joueuses (A/B/C/D/E/F/G), deux entraîneurs (I/K) et le responsable ANF (L) : « Donc il faut vraiment penser football neuchâtelois, donc les filles elles passent d’une équipe à l’autre. » F « Vu que c’est un peu la pénurie de miss donc je pense que n’importe quel club je pense qu’il ne serait pas contre qu’il y ait de nouvelles joueuses. » D « Chaque fin de saison on est à la limite de ne pas refaire une équipe parce qu’il y a des filles qui partent donc il va falloir travailler pour en retrouver d’autres et c’est un gros gros gros travail, pour trouver des filles. » I De plus, il faut dire qu’un manque d’engagement est visible chez les filles faisant du football. Ces dernières ne sont pas véritablement investies dans la pratique, comme concernant la 77 présence aux entraînements par exemple. Ceci est pointé du doigt par six joueuses (A/B/C/D/E/F) et un entraîneur (I) (cet élément l’a démotivé et décidé d’arrêter d’entraîner) : « On peinait à avoir toutes les filles là, le soir quoi. Je veux dire, on avait 2 entraînements par semaine et des fois on se retrouvait à 3 quoi. Ça ne voulait rien dire, les meufs elles n’étaient pas motivées. » B « Je pense les derniers entraînements, on était 4 ou 5 filles. Toujours les mêmes, évidemment. Après du coup, c’était très démotivant parce que en match voilà, quand on s’entraîne à 4 ou 5, ce n’est pas évident de faire une prestation sympa et voilà il y a eu une démotivation générale. » F « Il y avait toujours très peu de filles à l’entraînement. Donc ça c’est un gros problème qui moi m’a complètement démotivé. » I Ce manque d’engagement fait baisser la motivation des joueuses qui s’investissent dans la pratique, mais également celle des entraîneurs. Cet élément est révélateur de ce qui pourrait être qualifié d’un « effet de mode » et qui est soulevé par A, B, I, J et K. Ils ont constaté que plusieurs filles s’inscrivent dans l’équipe comme pour suivre simplement les copines et passer du temps ensemble, sans forcément être intéressées plus que ça par la pratique du football en elle-même. Cet effet de mode a même fait abandonner la pratique pour A : « Je ne sais pas pourquoi elles étaient là en fait. Pour papoter, faire les belles, je ne sais pas. » B « Il y a aussi des filles qui viennent parce que c’est un petit peu, j’ai envie de dire, la mode. » I « Le moment où moi j’arrêtais, c’était beaucoup des jeunes qui, j’avais l’impression, venaient plus parce que c’était un effet de mode, j’ai le sentiment. Pour suivre les copines ou parce que le foot c’était cool, qu’une femme fasse du foot, ou ça donnait un genre. J’avais l’impression que ce n’était pas pour le sport en lui-même, mais que c’était plus parce que c’était bien de faire du foot. […] C’est un des critères qui a fait que j’ai abandonné, oui. Je n’avais pas l’impression qu’elles faisaient du foot pour faire du foot. » A Le dernier point à soulever ici est le fait que le niveau de jeu des femmes est très variable, entre les joueuses qui se sont investies avec les garçons, celles qui commencent à l’adolescence ou celles qui débutent encore plus tardivement. Il en résulte qu’au sein d’une même équipe, les différences de niveau entre les joueuses sont élevées. Ceci est constaté par six joueuses (A/B/C/D/F/H), les trois entraîneurs (I/J/K) et le responsable ANF (L). D’ailleurs, certains participants (A/C/D/E/I/J/L) estiment que le niveau féminin neuchâtelois est globalement plutôt faible : « Donc c’est juste que là il y a plein de niveaux différents, au sein de ta propre équipe en fait. Il y en a qui commencent le foot et il y en a qui savent super bien jouer. » H 78 « Et ce qu’on s’est retrouvé, c’est des écarts de niveaux énormes entre les joueuses. Donc entre une débutante de 40 ans et une gamine de 16 ans qui avait déjà fait 3 ou 4 ans de juniors et qui commençait déjà à tâter quoi. Il faut faire des équipes avec ça et ce n’est pas toujours évident. » I « Alors à chaque fois que tu en as qui arrivent, très souvent c’est des débutantes parce qu’il y en a beaucoup qui commencent le foot à 15 ans, voire à 20 ans et là il n’y a pas les bases quoi. Donc là effectivement, à chaque fois qu’il y avait plusieurs filles qui arrivaient et qui avaient moins le niveau, tu as l’impression d’avoir un niveau qui baisse quoi. » C « Il y a certaines filles qui n’aiment pas venir seulement avec des filles. Parce qu’elles trouvent que le niveau n’est pas assez grand. C’est plus des fois par rapport à un niveau, elles sont vraiment au-dessus et de se retrouver avec un groupe de filles, ça devient difficile de jouer au foot avec des filles. Parce que le niveau est relativement, entre la meilleure et la moins bonne, est relativement grand quoi. » L En résumé, lorsque les filles quittent les garçons à l’adolescence et qu’elles se dirigent dans une équipe féminine, elles quittent un milieu connu pour arriver dans un milieu totalement inconnu. Elles appréhendent souvent ce moment, surtout concernant le fait de se faire de nouvelles amitiés. De plus, cet aspect-là n’est pas facilité, du fait qu’elles arrivent relativement jeunes – pour la plupart – dans des équipes où les joueuses sont plus âgées qu’elles, voire même beaucoup plus âgées, ce qui accentue leur appréhension dans ce milieu spécifique. Il faut également dire que les filles ont moins de choix en termes d’équipes, contrairement aux garçons. Elles doivent réussir à s’intégrer dans des équipes qui sont restreintes en nombre, surpassant la problématique de la distance dans leur choix. Au sein des équipes elles-mêmes, les effectifs sont pauvres en nombre, dû probablement au fait que peu de filles commencent le football avec les garçons et surtout s’y intéressent de manière précoce. Justement, ceci traduit un manque d’engagement de la part des coéquipières, qui viennent s’inscrire en club plutôt par « effet de mode » que par réelle envie de pratiquer. Par conséquent, à chaque fin de saison, les équipes doivent retrouver des joueuses et peinent à renflouer leur effectif au final. De plus, tous ces éléments font qu’il existe de grandes disparités de niveaux entre les joueuses au sein des équipes féminines, avec même un niveau neuchâtelois considéré comme globalement faible. Mauvaises relations avec les entraîneurs, dirigeants et équipes masculines Précédemment, il a été souligné que l’entraîneur joue un rôle dans la continuité de pratique pendant l’enfance, mais il a également une part de responsabilité dans les abandons sportifs, notamment lorsqu’il existe des conflits avec celui-ci (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Gould, 79 Feltz, Horn & Weiss, 1982, Gould, 1987, Petlichkoff, 1993, in Guillet, Sarrazin, Carpenter, Trouilloud & Cury, 2002). Justement, l’entraîneur est un personnage très important, car il aide à créer les perceptions de compétence, d’autonomie et d’entraide chez ses joueurs (Sarrazin et al., 2002). Celui dont les exigences dépassent les capacités des joueurs n’est pas à négliger (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Todisco & Melchiorri, 1998), ni celui qui se veut trop superficiel, et ceci dans les sports d’équipe notamment (Todisco & Melchiorri, 1998). Une mauvaise entente entraîneur/sportif peut donc influencer significativement l’abandon sportif (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). Par conséquent, cinq joueuses (C/D/E/F/G) mettent en avant de mauvais contacts avec certains entraîneurs, qui sont également repris par les propos d’un entraîneur (K) et du responsable ANF (L). D’ailleurs, C et F avouent avoir arrêté pendant un moment à cause d’un entraîneur qui ne leur convenait pas : « Il va faire en sorte de dégoûter du foot et on va arrêter. Ça, je peux imaginer aussi que ça joue un rôle. » L « J’ai aussi eu moins de motivation parce que j’avais aussi un entraîneur qui ne me convenait pas forcément très bien et j’ai arrêté. » C « Ce nouvel entraîneur, moi je crois que j’étais allée au début qu’il était venu, j’étais allée faire un ou deux entraînements et il ne m’a pas tellement plu donc du coup je n’ai pas continué. » F Ces mauvais contacts se reflètent dans le fait que certains entraîneurs sont moins compétents, moins impliqués. Ces notions sont reprises par six joueuses (A/B/D/E/G/H) et un entraîneur (K). H va même jusqu’à dire que son équipe a fait renvoyer un entraîneur à cause de son manque d’intérêt et d’implication au sein de la pratique féminine. De plus, une partie d’entre eux (B/H/K) apparentent même certains entraîneurs à des « coureurs de jupons », qui viendraient pour les filles (que cela soit pour draguer ou pour véritablement être en couple avec une joueuse) et non pour la pratique du football féminin en lui-même : « Alors les autres entraîneurs ils ne s’investissaient pas beaucoup quoi. » G « Nous on avait viré un coach, l’équipe on avait décidé parce que ça n’allait pas, il n’avait pas du tout les capacités. » H « Des gens de confiance, ce n’est pas facile à trouver, surtout quand on est une équipe féminine. En tout cas, on en a eu 2-3, c’est plus des coureurs de jupon, c’est triste à dire, mais c’est ça. » K Un dernier élément concernant les entraîneurs est qu’ils changent souvent. Six joueuses (A/B/C/E/F/H) se sont aperçues que leurs entraîneurs n’ont jamais fait plus de deux saisons 80 suivies. C’est d’ailleurs le cas de I lorsqu’il était devenu entraîneur principal. Ces changements fréquents sont également relevés par les trois entraîneurs interrogés (I/J/K) et peuvent être en lien avec leurs propos concernant leur propre parcours, où ils relèvent que leur incorporation dans une équipe féminine a été due à un besoin, plutôt qu’une réelle envie apparente. H a également l’impression que les entraîneurs filles viennent les entraîner dans l’optique de rester peu de temps pour ensuite prendre en charge une équipe masculine, comme une sorte de passage obligé avant de débuter dans le sport au masculin, comme l’a souligné indirectement K concernant son propre parcours : « Il y a beaucoup de mouvements au niveau des entraîneurs, ça c’est sûr. Chez les garçons, j’ai quand même eu longtemps le même entraîneur. Tandis que chez les filles, ça bouge quand même pas mal. » H « Ca a une durée de vie limitée un entraîneur, parce qu’il nous supporte une saison, mais après, une à deux saisons je dirais. » F « Comme ça, pendant une année il a pu être avec un autre entraîneur où il suivait seulement et il faisait ses papiers. Et du coup justement après, il a fait 2 ans du coup dans l’équipe, et après il s’est dit il a fait des papiers pour entraîner jusqu’en 2ème ligue chez les hommes. Donc après le but c’est quand même d’aller plus haut. » H Ensuite, les contacts entre les équipes féminines et les dirigeants d’un club ne sont pas forcément toujours bons. Mennesson (2004b ; 2006) souligne que la pratique des femmes n’est pas représentée comme un enjeu majeur au niveau institutionnel : elles sont stigmatisées et méprisées du la part des hommes, surtout que les ambitions de la pratique de femmes semblent souvent secondaires (Prudhomme-Poncet, 2003b). Justement, toutes les joueuses (A/B/C/D/E/F/G/H) avouent avoir eu de mauvaises relations avec certains de leurs dirigeants à un moment donné de leur parcours footballistique. Leurs dires sont également accentués par les propos des trois entraîneurs (I/J/K). Ils soulignent notamment le manque d’investissement de la part des responsables des clubs dans la pratique féminine, où les filles ne sont pas une priorité évidente, voire même mise de côté : « Leur priorité c’était leur 1ère équipe, les juniors, les mecs et puis les filles bon ben s’il y avait du temps ou s’il y avait quelque chose, ils faisaient quelque chose pour elles, dans beaucoup de clubs c’est ça mis à part ça. » D « Le président, il est venu et il a dit ″qui c’est qui veut rester ?″ et il n’y avait personne qui osait dire et il a dit ″de toute façon si vous n’êtes pas 10, moi il n’y a plus d’équipe, je m’en fous″. Il a dit carrément ″je m’en fous″. » E 81 « Je ne devrais peut-être pas dire ça, mais je sais que si mon président il n’a plus d’équipe féminine, il s’en fout. Je le vois comme ça et il me l’a dit. » I « On a eu 2-3 dirigeants du club qui ne savaient pas pourquoi on avait une équipe de filles, qui n’étaient même pas au courant qu’on avait une équipe de filles. » K Justement, ces difficultés peuvent s’expliquer du fait que les femmes sont plus rares du côté des entraîneurs et également des dirigeants. Les femmes sont sous-représentées dans l’administration, le management et le coaching (White & Brackenridge, 1960-1985, in Hargreaves, 1997 ; Broucaret, 2012), avec des entraîneurs qui généralement masculins et ceci même lorsqu’il s’agit d’encadrer des femmes (Broucaret, 2012). Cette forte présence masculine (Héas et al., 2004) implique dans le football féminin un manque de moyens et d’infrastructures (Prudhomme-Poncet, 2003a). Le rôle d’entraîneur est peu convoité par les femmes. L’ANF constate ce manque d’intérêt par la faible proportion de femmes à s’inscrire aux cours qui y sont consacrés. L’arbitrage neuchâtelois manque également de sujets et les femmes y sont peu représentées (Séance ANF, 11.11.2015). Ce constat est démontré par le parcours biographique des participantes, sept joueuses (A/B/C/D/E/F/H) ont eu une femme entraîneur à un moment donné, proportion qui reste faible en comparaison à la présence masculine qui fut nettement plus accentuée : elles ont connu une, voire deux entraîneurs femmes au maximum ; I, K et L relèvent également ce point-là. D’ailleurs, G n’a eu que des hommes comme entraîneurs. Du côté des dirigeants, une seule joueuse (H) a connu une présidente féminine et quelques membres du comité féminins ; J, K et L mettent aussi en avant cette rareté : « Maintenant, on a quelques filles qui jouent avec nous ou qui ont joué avec nous, qui maintenant font partie de l’administration centrale. C’est-à-dire, on a la secrétaire je crois et la caissière juniors sauf erreur. » K Dans une certaine continuité, le modèle de Brown (1985) (Brown, Frankel & Fennell, 1989, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) regarde directement l’influence du contexte social sur l’abandon sportif (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Il se rend compte de « l’impact des stéréotypes culturels liés au genre […] » (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000, p. 54), ce qui peut expliquer certains abandons dans des sports jugés masculins ou féminins (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Ainsi, si une activité sportive n’est pas conforme aux stéréotypes de genre, ceci peut conduire un individu à abandonner (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). De plus, football féminin et masculin cohabitent difficilement dans un même club (Prudhomme82 Poncet, 2003b). Ceci ne s’est pas ressenti du côté des entraîneurs et dirigeants, mais paraît plus présent du côté des équipes masculines au sein des clubs. Quatre joueuses (A/D/E/F) ont eu de mauvais contacts avec des équipes d’hommes dans les clubs où elles ont pu jouer, où les contacts entre chaque sexe étaient faibles. De plus, les préjugés des footballeurs à leur égard ainsi que leurs remarques déplaisantes n’aidaient pas à améliorer le climat relationnel. Celuici était pesant entre les équipes féminines et masculines. L’entraîneur K soulève également cette problématique : « Sincèrement c’est les mecs et pis les filles. Il y a très peu de contacts, enfin vite fait. C’était assez cantonné chacun dans son coin. » D « C’est des remarques ironiques, genre ″ha vous les femmes vous savez jouer″, toujours des pics. Des fois ils passaient au bord du terrain, ils nous regardaient s’entraîner et genre une fille qui se loupe, ils rigolent quoi. » E « J’ai déjà entendu des commentaires au bord du terrain où j’ai envie de prendre les types et leur dire ″écoutez les gars laissez la jouer au foot quoi″. » K En résumé, de mauvais contacts avec les entraîneurs peuvent exister. Lorsque les relations entre une joueuse et son entraîneur deviennent trop mauvaises, ceci peut conduire à un abandon de pratique. Au sein du football féminin, les entraîneurs semblent moins impliqués ou moins intéressés à la pratique féminine véritablement. De plus, la présence des entraîneurs en équipe féminine est souvent de courte durée, ce qui conduit à des changements fréquents et dénote un réel besoin d’en trouver régulièrement des nouveaux. Il faut également souligner que certains peuvent s’engager comme entraîneurs filles dans l’optique de se diriger ensuite dans des sections masculines, comme une sorte d’obligation afin de faire ses preuves. Du côté des dirigeants, les contacts peuvent également être difficiles, dans la mesure où ces derniers ne s’investissent que très peu dans la pratique des femmes. Les joueuses semblent également manquer d’appui auprès des dirigeants des clubs, ceux-ci étant composés essentiellement d’hommes. Le manque de femmes au sein d’une direction et de l’encadrement peut être une explication à la problématique. Ceci est accentué par le fait que les relations entre les équipes masculines et féminines au sein d’un même club peuvent être inexistantes, car la pratique féminine reste stigmatisée par les hommes. 83 L’influence du manque de temps sur l’arrêt d’activités L’intérêt pour d’autres activités peut être une raison d’abandon (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). D’ailleurs, « […] l’intérêt pour d’autres activités constitue la raison la plus citée dans la décision d’abandonner » (Weiss & Chaumeton, 1992, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000, p. 47). Justement, la période de l’adolescence est propice à la découverte de nombreuses activités. Malheureusement, le temps fait que les joueuses doivent faire un choix à ce moment-là. Les occupations qui ont été les plus fréquemment citées auprès des joueuses interrogées étaient la musique (B/C/E/F/H), passer du temps avec leurs amies (A/D/F) ou apprécier le cinéma (E/F). Pour celles qui faisaient du football entre l’enfance et l’adolescence (A/B/C/F/H), aucune ne les a privilégiés au détriment du football ; pour celles qui ont eu une pratique plus tardive (D/E/G), leurs différentes activités n’ont pas été un frein à commencer la pratique footballistique plus tôt. Cependant, toutes les joueuses reconnaissent que le football leur prend ou prenait du temps et certaines avouent qu’il faut réussir à prévoir, à organiser son temps (C/D/H), voire faire des concessions quant à choisir une activité plutôt qu’une autre (A/H) : « Au bout d’un moment, c’est vrai que ça prend du temps. Donc on fait des choix, on ne peut pas tout faire. » C « Je suis quelqu’un d’assez ordonnée, il faut juste que ça rentre dans ton planning de la semaine et c’est bon. Bon des fois, les scouts, les matchs de foot, c’était en même temps, mais j’ai toujours mis la priorité sur le foot en fait. » H De plus, cette problématique du temps et du choix d’activités s’intensifie à l’adolescence parce qu’elle coïncide avec des exigences scolaires plus élevées, où la conciliation entre sport et études devient plus difficile. Justement, les nouvelles difficultés scolaires qui se veulent plus exigeantes font qu’il y a une baisse du temps disponible pour les loisirs (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). D’ailleurs, quatre joueuses (A/C/D/H) et un entraîneur (K) soulèvent ce point-là. Le manque de temps associé aux études et au sport a fait que A a dû arrêter la pratique, tout comme K qui s’en est également rendu compte concernant une de ses anciennes joueuses : « Typiquement, quand j’ai commencé le lycée, j’ai arrêté les scouts parce que ça commençait à me prendre trop de temps. Après j’ai même joué dans deux ensembles, je prenais des cours. Donc j’ai 84 continué la musique et j’ai même fait plus de musique, mais ça jouait toujours avec le foot quoi. Après des fois, de temps en temps il y a des choses en même temps. Enfin, il faut faire un choix quoi. » H « Au bout d’un moment, on n’a plus le temps de faire les devoirs, de faire tous les sports que l’on veut donc j’ai dû choisir et j’avais plus d’affinités avec le foot, alors j’ai continué le foot et j’ai arrêté le tennis. Voilà, on ne peut pas tout faire. Je faisais aussi de la musique, alors ça commençait à faire un peu beaucoup. » C « Là, c’était plus le fait, les études, je bossais à côté à la Migros. Ça me prenait pas mal de temps aussi. Et d’être à l’école la semaine, d’avoir 2 à 3 entraînements, ça dépendait, par semaine, la Migros le samedi et les dimanches on allait jouer dans toute la Suisse après avec les filles, parce qu’il y avait peu d’équipes. Et là, ça me faisait trop. » A « [prénom de joueuse] qui a arrêté, mais parce qu’avec les études ça lui prend trop de temps. » K Il faut également souligner que cette notion de temps est un facteur supplémentaire qui a fait que I a arrêté d’entraîner l’équipe de filles dont il avait la charge. Pour résumer, le temps est un facteur important dans le choix des activités sportives. Le football est un sport qui prend du temps d’après les joueuses et qu’il faut réussir à s’organiser pour réussir à concilier différents loisirs. De plus, les périodes de l’enfance et surtout de l’adolescence voient le milieu scolaire s’intensifier en termes d’exigences. Par conséquent, certaines joueuses ont dû faire des choix dans leurs multiples activités annexes, où le football est resté prioritaire par contre, pour celles qui étaient concernées par la pratique dans ces périodes-là. D’autres raisons « secondaires » d’abandon A présent, il s’agit de constater d’autres raisons d’abandon qui ont été soulevées, mais qui ne paraissent pas autant importantes, en comparaison des différents points énumérés précédemment. Ces raisons sont les blessures, l’âge, la grossesse et le fait de se sentir moins compétent. Tout d’abord, les blessures peuvent entraîner un abandon de pratique (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Six participants (B/C/E/F/G/K) énumèrent ce sujet, avec l’éventualité de douleurs (B/C), de fractures (E/F) – qui stoppent momentanément la pratique –, voire même d’un arrêt de pratique définitif (B/G/K). G s’est rendu compte que le fait de se blesser régulièrement a fait arrêter la pratique du football pour son frère, tout comme K qui en parle de la part d’une ancienne joueuse : 85 « Mon frère il se blesse très facilement. Du coup il a arrêté, il ne fait plus de sport. Il a essayé l’année passée, mais il se reblesse facilement. » G « On en a une qui a arrêté la saison passée parce qu’elle s’est fracturé le tibia et elle a quand même 30 ans et elle a dit je pense que c’est gentiment le temps, pour moi le moment de m’arrêter. » K Ensuite, comme énuméré précédemment par K justement, l’âge entre également en ligne de compte. Quatre personnes interrogées (A/C/H/K) ont mis en avant cette notion-là. C se remet d’ailleurs en question à chaque fin de saison pour savoir si elle fait une saison supplémentaire ou non : « Elles commençaient toutes à avoir un certain âge aussi et à arrêter. » A « C’est vrai que maintenant, vu mon âge, d’autant que j’ai un peu mal au dos, chaque année tu rempiles, mais pour une année quoi. Chaque année, tu te poses la question. » C La maternité (Lecocq, 1996 ; Baillet, 2001), tout comme le mariage sont aussi des raisons qui poussent les femmes à arrêter la pratique (Lecocq, 1996). La grossesse est donc une problématique typiquement féminine qui peut obliger les femmes à arrêter de jouer au football, que ce soit momentanément ou de manière définitive. Ce constat est relevé par C, J et K : « Il y a celles qui tombent enceintes aussi, un truc qu’on n’a pas chez les hommes quoi. Il y en a certaines après la grossesse qui ne veulent pas revenir. » K En dernier lieu, comme il l’a déjà été dit dans la première partie de ce travail, le sentiment de compétence sert à garder la motivation en football (Weiss & Chaumeton, 1992, in Bizzini & Piffaretti, 1998). L’abandon reste élevé lors de l’adolescence (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) car au fil du temps, les croyances en leurs capacités déclinent chez les enfants, comme en sport notamment, sans pour autant que la valeur de l’activité ne décline (Wigfield et al., 1997, in Wigfield & Eccles, 2000) ; les enfants deviennent plus réalistes sur leurs réelles capacités (Stipek & Mac Iver, 1989, in Wigfield & Eccles, 2000) ou l’environnement devient très compétitif, ce qui arrive à décourager la réussite de certains individus (Stipek, 1996 ; Wigfield, Eccles & Pintrich, 1996, in Wigfield & Eccles, 2000). Par conséquent, le fait de se sentir incompétent augmente le risque d’abandon (May et al., 2007, in Cope, Bailey & Pearce, 2013). Au final, d’après le modèle Hiérarchique de la Motivation Intrinsèque et Extrinsèque (HMIE), l’amotivation est le moment où l’individu ne fait plus de liens entre son 86 comportement et ses conséquences – qui correspond au plus bas niveau d’autodétermination – et où il ressent un sentiment d’incompétence (Vallerand, 1997, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Sarrazin et al., 2002). Ce ressenti d’affaiblissement de ses propres compétences est repris par deux joueuses (B/E), où E précise qu’elle n’a pas commencé plus tôt pour cette raison et B également, qui a arrêté de pratiquer pendant l’enfance avec les garçons et à l’adolescence en équipe filles car elle se sentait plus faible que les autres : « Je pense que j’ai toujours eu envie de le faire, mais j’avais justement beaucoup d’aprioris : de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir toucher un ballon. » E « Ça m’amusait comme ça, mais j’étais beaucoup plus faible que les autres et ce n’est pas un truc qui m’a passionné plus que ça. Donc j’ai arrêté. » B En résumé, les blessures jouent un rôle dans l’abandon de pratique définitif ou d’arrêt momentané, tout comme la grossesse également. L’âge est aussi un facteur d’interrogation pour les femmes, quant à leur arrêt de jouer au football. Pour terminer, se sentir moins compétent dans la pratique du football peut aussi être cause d’arrêt, tout comme un frein lorsque les filles désirent commencer. Hypothèse 2 en lien avec les résultats d’analyse Lorsque les filles doivent quitter une pratique avec les garçons à l’adolescence, elles partent d’un milieu qu’elles connaissent – notamment au travers des copains et camarades de classe – pour un monde qui leur est inconnu. Cette adaptation n’est pas évidente, d’autant plus qu’il y règne de grandes différences d’âge entre les joueuses. Ceci a poussé deux joueuses (B/F) à arrêter leur pratique à ce moment-là ; B ne se sentait pas à l’aise avec les différences d’âge, alors que F avait peur de rejoindre une nouvelle équipe où elle ne connaîtrait personne (qu’elle justifie par sa timidité notamment). Ensuite, les équipes féminines sont peu nombreuses et les distances entre le domicile des joueuses et la situation géographique des clubs peuvent poser problème. Au sein des équipes féminines, il faut souligner que les effectifs ne sont souvent pas très étoffés et il semble y régner un manque d’engagement apparent. Cette raison-ci a fait arrêter A dans sa pratique et I dans son envie d’entraîner également. Toujours au sein des équipes de filles, les niveaux entre les joueuses sont très variables, entre celles qui débutent la pratique et celles qui jouent depuis plus longtemps. En ce qui concerne ma deuxième hypothèse de recherche, je pensais que cette différence de 87 niveaux serait une raison pour abandonner la pratique, car elles se sentiraient dévalorisées par ce changement qui serait vu comme une rétrogradation dans le niveau qu’elles ont pu connaître précédemment, comme le propose Mennesson (2004b ; 2005). Cependant, même si le responsable ANF (L) a soulevé le fait que certaines joueuses ne veulent pas venir jouer avec d’autres filles, estimant que le niveau est plus faible. Aucune joueuse interrogée n’a abandonné pour cette raison-là, autant celles qui ont commencé plus tardivement que celles qui sont passées d’une pratique mixte à une pratique unisexe. Cette partie d’hypothèse est à rejeter dans le football féminin neuchâtelois. Ensuite, la personnalité des entraîneurs et surtout de mauvais contacts avec ces derniers peuvent jouer un rôle dans les abandons sportifs chez les filles ; c’est le cas de F pendant l’enfance et de C à l’âge adulte. Justement, je supposais également dans ma deuxième hypothèse de recherche que des conflits avec l’entraîneur pouvaient pousser les filles à arrêter leur pratique, comme mis en avant par Guillet, Sarrazin & Cury (2000). Ce point-là peut s’avérer pertinent, mais il est aussi à rejeter dans le cadre de cette hypothèse parce qu’aucune joueuse n’a directement arrêté au moment de rejoindre une équipe féminine à l’adolescence. De plus, pour celles qui continuent en équipes filles à l’adolescence, les entraîneurs et les dirigeants ne se sont pas révélés moralisateurs quant aux apparences et/ou préférences sexuelles des joueuses, comme le proposent Menesson (2005a) et Becker (1985, in Mennesson, 2006 & Mennesson, 2007), qui supposaient également que des conflits avec les entraîneurs pouvaient jouer un rôle. Ainsi, cette partie d’hypothèse est également à rejeter. Dans la même continuité, leur comportement n’est donc pas sexiste, comme le dit Katz (1996), même si les femmes sont peu représentées dans les fonctions d’encadrement. Ce dernier point est relevé par tous les participants et valide la partie d’hypothèse proposée par Broucaret (2012). Au final, les joueuses appréciaient ou faisaient de la musique et aimaient passer du temps avec leurs amies pendant l’adolescence, comme suggéré par Todisco & Melchiorri (1998). Cependant, les différentes activités que les participantes ont eues au cours de leur adolescence n’ont pas été un frein à leur pratique, que cela soit dans le fait de continuer à jouer au football ou à commencer à jouer pour celles qui ont débuté tardivement. Ainsi, cette dernière partie d’hypothèse, mise en avant par Guillet, Sarrazin & Cury (2000) et Todisco & Melchiorri (1998) est également à rejeter. Quoi qu’il en soit, il faut tout de même souligner que la notion 88 de temps est importante pour les participants. D’ailleurs, même si ceci concerne l’âge adulte, A et B mettent en avant que leur abandon de pratique actuel est également lié à un manque de temps, tout comme I dans sa fonction d’entraîneur. De plus, il faut aussi remarquer que les blessures peuvent influencer l’abandon de pratique, tout comme la grossesse chez les femmes ; ceci valide les idées de Lecocq (1996) et Baillet (2001) concernant la maternité. Pour conclure, A, C et H sont les trois uniques joueuses à être passées d’une pratique mixte à une pratique unisexe à l’adolescence. Malgré toutes les barrières qui existent dans le football féminin et qui rendent sa pratique compliquée ou en tout cas plus compliquée que pour les garçons par exemple, ces trois joueuses ont continué de pratiquer. D’après le modèle HMIE de Vallerand (1997) qui a été utilisé dans la première partie d’analyse, la motivation intrinsèque est une des raisons fondamentales qui permet la persistance de l’activité sportive (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Sarrazin et al., 2002). Dans le cas de ces joueuses, leur motivation liée au plaisir de jouer a donc été plus fort que tout le reste. Ensuite, d’après le modèle de Smith (1986), l’individu analyserait ses coûts et ses bénéfices, liés à la pratique, pour se décider à continuer ou à arrêter une activité (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). En prenant en compte ce modèle-là (Smith, 1986, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000), les joueuses de football calculent leurs plaisirs et leurs souffrances, pour réussir à maximiser leurs récompenses et à minimiser les points négatifs de la pratique (Coser, 1977 ; Homans, 1974, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Ainsi, lorsque les coûts engendrés par la pratique sont supérieurs à la satisfaction qu’engendre l’activité (Todisco & Melchiorri, 1998), les footballeuses arrêtent de pratiquer leur sport, ce qui n’est le cas que pour deux joueuses (A/B) actuellement, parmi celles interrogées. Continuer de pratiquer à l’âge adulte : quelles influences ? En se référant au modèle de Smith (1986), où l’individu analyserait ses coûts et ses bénéfices, liés à la pratique, pour se décider à continuer ou à arrêter une activité (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000), il s’agit à présent de se rendre compte des bénéfices qui poussent les filles à continuer de pratiquer, surtout que les coûts – les difficultés propres au football féminin et à sa pratique – ont été mis en avant dans la partie analytique précédente. Il faut dire qu’aujourd’hui une collaboration entre sections masculines et féminines semble voir le jour (Bayle, 2000, in Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). Les équipes féminines seraient donc moins perçues comme une obligation (Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). 89 Éléments contribuant à la poursuite de pratique pour les filles Comme il a été possible de se rendre compte précédemment, il n’est pas toujours évident d’arriver dans une nouvelle équipe, ceci devenant encore plus problématique dans les équipes féminines, notamment en raison de grandes différences d’âge entre celles qui arrivent (souvent jeunes) et celles qui sont là depuis plus longtemps (souvent plus âgées). Justement, se sentir accepté, intégré au sein du groupe sportif devient important, comme le mettent en avant six participants (C/H/I/J/K/L). De plus, il est essentiel pour l’adolescent de faire partie d’un groupe, pour y développer des amitiés (Palmonari, 1993, in Bizzini & Piffaretti, 1998) ; cette recherche de l’amitié est une donnée importante de motivation et de poursuite du sport (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Light & Lemonie, 2010, in Cope, Bailey & Pearce, 2013). L’attachement est donc important (Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014 ; Malatesta et al. 2014), surtout que le temps passé ensemble sert à le renforcer (Malatesta et al. 2014). Ainsi, que cela soit à l’adolescence ou à l’âge adulte, ce besoin d’avoir de forts liens amicaux est crucial pour continuer de pratiquer. Ceci est mis en avant par toutes les joueuses interrogées, ainsi que deux entraîneurs (J/K). D’ailleurs, J souligne également qu’il a dû se séparer de joueuses qui menaçaient cette bonne ambiance amicale qui régnait au sein de son équipe : « Il y avait une bonne ambiance aussi, je me suis fait des amies et ouais c’était cool quoi. » B « J’ai quand même continué et pour finir je me suis fait ma place, je me suis fait des copines et c’est bien allé. » C « Quand tu vas au foot déjà tu retrouves les copines, t’es vraiment dans un esprit d’équipe. Ça te fait vraiment beaucoup de bien. » E « Ce sont des amies et je me sens bien avec elles. Je ne me vois pas changer de club. » G Dans une certaine continuité, le fait de connaître quelqu’un qui fait déjà partie de l’équipe est un facteur important pour continuer de pratiquer. Ceci rejoint l’idée vue dans la partie analytique précédente, où il n’est pas évident de rejoindre une nouvelle atmosphère totalement inconnue, encore plus mise en avant par les joueuses qui quittent une pratique mixte avec leurs copains pour rejoindre un jeu unisexe inconnu. Ce besoin de connaître quelqu’un et ainsi rejoindre son équipe est soulevé par six joueuses (A/B/C/D/E/F) et un entraîneur (J) : 90 « Il y a une équipe qui s’est formée [nom de lieu]. C’est des filles que je connaissais, avec qui je faisais des tournois. Elles ont monté cette équipe en fait et elles cherchaient absolument des filles. Moi vu que je les connaissais et c’était vraiment une super ambiance, j’y suis allée avec elles. » B « Moi, je connaissais souvent au moins une personne, sauf [nom d’équipe] la première fois, et c’est plus facile de t’intégrer quand tu connais déjà une personne et après tu élargis ton cercle. » C Ensuite, comme il a été vu précédemment, les équipes féminines sont peu nombreuses, ce qui peut rendre compliqué les déplacements. Mennesson (2005a) met en avant que la distance est un élément important dans la poursuite de pratique des filles, où l’équipe, le club ne doit pas se situer trop loin du domicile des joueuses. Justement, l’aspect de la proximité est également important pour quatre joueuses (B/C/D/F), appuyé par les dires d’un entraîneur (K) et du responsable ANF (L) : « J’ai rejoint [nom d’équipe] parce que c’était beaucoup plus simple pour moi aussi, vu que j’étais domiciliée [nom de lieu], j’avais les cours [nom de lieu]. » B « Et en plus, c’est à 8 minutes de chez moi, ça c’est aussi super appréciable parce que dans le canton il n’y a plus énormément d’équipes. » C Le niveau de la pratique est aussi toujours présent. Même si des grandes différences de niveau de jeu entre les joueuses existent et ne conduisent pas à des abandons sportifs, le maintien dans l’activité sportive est dû au fait que les joueuses (A/C/F/H) estiment que le niveau de jeu est suffisamment bon ou en tout cas que le noyau principal de l’équipe maintient un niveau de jeu satisfaisant à leurs yeux, avec des filles qui ne sont pas que débutantes. Ce constat est également repris par l’entraîneur J : « Il y avait toujours quand même un groupe de filles qui savait jouer donc ça te motive aussi. » C Pour résumer, il est important de faire partie de l’équipe sportive, de se sentir intégré. Ceci est renforcé par le besoin de s’y faire des amitiés. Bien s’entendre avec ses coéquipières et devenir amies est une notion essentielle dans la poursuite de la pratique féminine. De plus, rejoindre une nouvelle équipe au sein de laquelle une connaissance en fait déjà partie est un élément déterminant. Ceci va dans la continuité de ce qui a déjà été vu : les filles appréhendent le moment où elles doivent rejoindre une équipe exclusivement féminine puisque ce nouveau milieu leur est inconnu. Au final, puisque les équipes se font rares, la notion de distance est toujours présente et importante. Si la distance entre le club et leur 91 domicile est trop éloignée, les joueuses pourraient arrêter le football ; pour continuer de pratiquer, ces dernières doivent trouver une équipe qui se situe proche des chez elles ou en tout cas à une distance qu’elles estiment convenable. Tout ceci est renforcé par le fait que les filles continuent également de pratiquer lorsque le niveau global de l’équipe leur paraît satisfaisant. Entraîneurs et dirigeants : bons contacts au sein des clubs Précédemment, il a été remarqué qu’une mauvaise entente avec l’entraîneur pourrait conduire à des abandons sportifs. Par conséquent, une bonne entente avec celui-ci influence significativement la poursuite de l’activité sportive (Piffaretti, 1997, in Bizzini & Piffaretti, 1998). Ainsi, tous les participants ont mis en avant cet aspect-là, qui est donc central à leurs yeux pour que les filles continuent de pratiquer. D’ailleurs, certains parmi eux (C/F/I) ont également relevé que ceci pouvait être crucial lorsqu’il s’agissait de retrouver des joueuses, puisqu’il a été remarqué que les effectifs sont pauvres et changeants ; les entraîneurs avec qui l’entente s’est bien passée n’hésitent donc pas à rappeler leurs anciennes joueuses, qu’ils ont connu dans leur équipe actuelle ou au sein d’autres clubs : « Les entraîneurs qui avaient de bons contacts avec certaines de leurs joueuses, quand ils arrivent dans une nouvelle équipe, ils nous appellent. Parce que c’est toujours ce même problème, les équipes manquent de joueuses. » F « J’ai été recontactée par un de mes anciens entraîneurs […] et il m’a contacté ″[prénom de la joueuse] on fait une nouvelle équipe, est-ce que ça t’intéresse ?″. Je me suis dit ″ouais pourquoi pas″ parce que fondamentalement j’aime le foot quoi. » C De plus, d’après quatre joueuses (A/E/F/H), les trois entraîneurs (I/J/K) et le responsable ANF (L), les entraîneurs des équipes féminines doivent s’adapter aux filles ; cette adaptation doit se faire dans leur comportement – où diriger des filles ou des garçons n’est pas pareil –, dans la gestion des entraînements – due aux niveaux différents entre les joueuses – et aux horaires de travail – qui semblent plus irréguliers chez les femmes –. Une gestion différenciée au niveau du comportement est ce qui revient le plus fréquemment : « Il faut plus de patience avec les équipes féminines, ça c’est sûr. Les filles, on peut être assez chiantes. Alors disons que deux garçons, s’ils ont un problème l’un avec l’autre, ils vont s’engueuler et une semaine après ce sera bon. Tandis que des filles, alors c’est beaucoup plus compliqué quoi. Mais ça traîne en longueur quoi, s’il y a un problème, mais ça peut prendre des grandes ampleurs, il faut 92 vraiment régler les problèmes. Donc tu ne peux pas te permettre la même chose et le coach ne peut pas parler de la même manière à des filles qu’à des garçons parce que nous les filles, il ne faut pas nous engueuler parce que sinon on va le prendre contre nous et on va se braquer. Tandis qu’un garçon s’il fait quelque chose de mal, pendant le match il fait une passe en retrait qui est mauvaise et il y a goal, le coach il va l’engueuler et ça va rebooster le garçon. Tandis qu’une fille, il ne faut pas lui crier dessus. En tout cas, moi dans mon équipe c’était ça. C’était vraiment, il fallait dire les choses positivement. » H « On était déjà plus dans le foot avec les garçons. Avec les filles, on était moins dans le foot. Il fallait régler les problèmes avec un tel, il fallait régler les problèmes de prise de tête avec un tel et ça n’allait pas avec un tel. Et de partout quoi, c’était assez compliqué donc il fallait leur dire les choses ou ça donnait, pas sur le terrain, on disait écoute ça ne va pas, il faudrait quand même que. Et ça pleurait, vraiment oui c’était à fleur de peau. » I Au niveau institutionnel, il a été possible de se rendre compte que les femmes peuvent être stigmatisées et méprisées de la part des hommes, surtout que leur pratique n’est pas véritablement un enjeu majeur (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2006). Quoi qu’il en soit, ceci n’est pas forcément toujours le cas, car de bons contacts peuvent exister entre dirigeants et équipes féminines, où les clubs ne se veulent pas discriminants, ni stigmatisants face à la pratique féminine (Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014). Sept joueuses (A/B/C/D/E/F/H) soulignent que des liens avec leurs dirigeants peuvent être bons, soit actuellement, soit par le passé, du fait qu’ils les englobent dans le club, comme n’importe quelle autre équipe. L’entraîneur J souligne également ce constat-là au niveau de son club actuel : « Après l’entraînement il vient toujours boire un verre avec nous, on parle, il nous considère vraiment de la même manière que les autres équipes. » E « Je pense que c’est équitable pour tous. Pour les juniors, les filles ou les adultes, on essaie de partager équitablement. » J De plus, il faut également souligner que les équipes féminines sont souvent « à part », c’est-àdire qu’elles s’autogèrent dans leur recherche de fonds, de sponsors, que cela soit pour des nouveaux équipements, des sorties d’équipe, etc. Ceci concerne tout autant les clubs où les contacts avec les dirigeants sont bons, que ceux où les contacts se sont avérés plus difficiles. Quatre joueuses (C/E/F/H) et deux entraîneurs (I/K) ont mis ceci en avant. Il est aussi possible de remarquer que les dirigeants utilisent les joueuses des équipes féminines lors de manifestations sportives que le club organise et ceci peu importe les contacts entretenus avec celles-ci ; six participants (B/C/F/H/I/K) en font le constat : 93 « C’est vrai que c’était un peu frustrant parce que typiquement pour les équipements ou comme ça, il fallait qu’on s’autofinance. » F « Les filles en fait sont en autofinancement finalement, depuis quelques années. » K « J’ai l’impression que ça gravite toujours autour et qu’on n’est pas totalement impliqué, même si oui quand il y a une manifestation, on demande de s’impliquer, autant la première qu’etc. » I En résumé, l’entraîneur a une influence sur le fait de continuer la pratique après l’adolescence, surtout s’il entretient de bons contacts avec les joueuses. Ensuite, le caractère des filles semble différent de celui des garçons. Ainsi, l’entraîneur doit réussir à s’adapter aux différentes situations et notamment dans sa manière d’être, de parler et dans la gestion des conflits entre coéquipières. Du côté des dirigeants, de bons contacts peuvent exister avec leur équipe féminine. Cependant, celle-ci n’est pas forcément mise en avant pour autant, mais possède le même statut que les autres équipes du club, hommes ou juniors. Elle n’est en tout cas pas mise en retrait dans les projets du club. De plus, les équipes féminines sont souvent indépendantes, avec leur gestion propre. Même si elles sont soutenues par le club, elles s’autofinancent de manière générale. Cette autogestion se contredit avec le fait que les clubs font volontiers appel à « leurs » joueuses lors de manifestations sportives. Les « regards » positifs de la part des équipes masculines et du public Il a été possible de se rendre compte dans la partie d’analyse précédente que « l’impact des stéréotypes culturels liés au genre […] » (Brown, 1985, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000, p. 54) ne sont pas à négliger puisque certains sports seraient appropriés aux hommes, d’autres aux femmes et d’autres sont neutres (Marsh & Jackson, 1986, Salminen, 1990, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Les équipes masculines pouvaient justement avoir des préjugés au niveau de la pratique des femmes, sans forcément s’y intéresser plus que cela, ce qui rendait la cohabitation entre le football féminin et masculin difficile au sein du même club (Prudhomme-Poncet, 2003b) ; les relations entre équipes féminines et masculines devenaient donc inexistantes, voire mauvaises (Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2006 ; Mennesson, 2007). Ainsi, il a été possible d’apercevoir que les femmes peuvent être stigmatisées et méprisées du côté des hommes (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2006). Cependant, ce n’est pas toujours le cas. Sept joueuses (A/B/C/D/E/F/H) soulignent le fait que les contacts entre garçons et filles au sein du même club peuvent être bons, appuyés par les propos des trois 94 entraîneurs (I/J/K). D’ailleurs, parmi ces participants, cinq (C/E/F/I/J) font remarquer que les équipes masculines vont voir les filles jouer et réciproquement : « Après aussi, du coup on essaie d’être là quand ils jouent parce que je trouve que c’est sympa tu vois. Et ils nous encouragent tout le temps, même si on fait vraiment un match, mais pourri et que c’est n’importe quoi. Ils nous disent ″ce n’est pas grave les filles, vous ferez mieux la prochaine fois, motivez-vous″. » E « On les encourage à de temps en temps aller, faire un tour et aller encourager les autres équipes du club, tout à fait. Les entraîneurs, la même chose. Ce n’est pas que leur équipe qui doit être importante, c’est le club, c’est d’avoir cet esprit de club. » J Ensuite, neuf participants (A/C/D/E/F/H/I/K/L) se rendent compte que l’affluence pour les matchs d’équipes féminines est plutôt faible. Il faut savoir que, de manière générale, le public s’intéresse plus facilement au sport masculin (Rauch, 2005). Ainsi, le football féminin n’attire pas les mêmes foules (Prudhomme, 1993, in Prudhomme, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a). Quoi qu’il en soit, les rares spectateurs qui viennent encourager les filles sont originaires de l’entourage proche, c’est-à-dire la famille (principalement les parents), les amis, les petits copains, parfois d’anciennes coéquipières et bien entendu des hommes du club (comme vu précédemment). Puisque c’est un entourage plutôt proche, les joueuses ne reçoivent pas de commentaires négatifs sur leur pratique. Huit participants (A/B/C/D/E/F/G/J) estiment que les commentaires se rapprochent de critiques de matchs basiques, qui servent d’encouragements ; seul J a déjà entendu des moqueries concernant une équipe adverse et de la part de spectateurs étant venus soutenir l’équipe adverse : « Alors ceux qui connaissent le foot, ils nous disent comment on aurait dû faire. Ils nous donnent des conseils, mais sinon il n’y pas de critiques. » G « Je trouve qu’ils nous donnent pas mal de conseils. Ils ne nous font jamais de remarques négatives. Ils nous donnent pas mal de conseils de comment améliorer ça ″t’aurais plutôt dû faire comme ça, la prochaine fois regarde″, etc. Je trouve que pendant le match, ils nous coachent beaucoup. Des trucs bêtes, mais du genre ″prends la 10, prends la 9, elle est toute seule, n’oublie pas de la prendre″ et toi tu le sais, tu entends tout le monde le dire, mais ça ne te dérange pas parce que c’est vraiment pour t’aider, ce n’est pas pour tout le temps te dire la même chose. Et je trouve que ça fait du bien parce que quand on te dit ″bien joué, bien sorti la balle″, t’as envie de continuer et t’es un peu dans un bon rythme quoi. Ça t’encourage. » E « Des remarques et des plaisanteries sur comment elle a joué, sur comment elle est coiffée. Je trouvais ça vraiment déplacé. Après, ce n’est pas à moi de me mettre envers eux. C’est leur problème entre eux et je 95 trouvais ça vraiment déplacé, malheureux. En tout cas, si c’est quelque chose qui arrive à mon équipe, je pense que je me serais déjà engueulé avec le public. » J Pour résumer, malgré le fait qu’il peut exister des contacts difficiles entre les équipes masculines et féminines au sein d’un même club, les contacts entre équipes hommes et femmes peuvent également être bons. Ce constat est renforcé du fait qu’hommes et femmes vont voir les matchs de leurs homologues de manière plutôt régulière ; ceci renforce la cohésion au sein d’un même club. Ensuite, le public est peu nombreux aux matchs féminins, constitué principalement d’un entourage proche, voire presque exclusivement familial. Par conséquent, l’atmosphère qui y règne est plutôt bonne, avec des commentaires de pratique qui se veulent constructifs et non négatifs ou péjoratifs. La pratique féminine : un jeu différent des hommes La pratique d’un même sport est différente selon les hommes ou les femmes. En football, les femmes sont moins agressives et font moins de fautes ; elles sont plus fair-play que les hommes (Mennesson, 2005a ; Breuil, 2011). Justement, les femmes paraissent jouer un football qui leur est propre, plutôt que le « véritable » football (Jeanes & Kay, 2007). Les participants suivent cette même idée. Globalement, ils estiment que le football féminin est moins agressif/violent, plus fair-play, plus axé sur l’aspect technique et moins puissant. À l’unanimité, toutes les personnes interrogées s’accordent à dire que la pratique féminine est moins rapide : « Au niveau de l’endurance, on était là tu vois, mais ça va juste un peu plus lentement quoi. Tu as l’impression que les nanas elles ont les jambes, qu’il y a la gravité qui a plus d’effet sur un terrain féminin, où il y a des filles qui jouent que sur un terrain où il y a des mecs qui jouent. » B « C’est clair que chez les filles c’est plus lent. Ça ne veut pas dire que c’est pire, mais c’est plus lent quoi. C’est surtout au niveau de la vitesse de jeu je trouve. » E « Une fille va courir moins vite qu’un garçon. Je vois ça, c’est surtout au niveau de la vitesse du jeu que c’est différent. » J Ensuite, les footballeuses sont perçues comme des femmes qui essaient de pratiquer comme des hommes (Héas et al., 2004), surtout que le football féminin est constamment comparé au jeu masculin. Pourtant, les propos auraient tendance à les appréhender comme incomparables (Prudhomme-Poncet, 2003a). Certains participants (A/B/G/H/L) estiment que le jeu est moins 96 bon ou moins intéressant à voir que celui des hommes, alors que d’autres (C/F/H/J/K), au contraire, trouvent que le jeu féminin est plus intéressant à regarder. Quoi qu’il en soit, tous les participants s’accordent à dire que le football féminin et masculin sont le même sport, mais pratiqué différemment. Ils expliquent cette disparité de par les différences physiques évidentes qui existent entre hommes et femmes. De plus, ils estiment que les footballs masculin et féminin ne doivent pas être comparés et si comparaison il doit y avoir entre les deux pratiques, celle-ci ne doit servir qu’à expliquer les différences pour certains participants, où chaque pratique possède des qualités différentes ; ceci est dû au fait que le football masculin reste encore la norme aujourd’hui, puisque ce sport a toujours appartenu au monde masculin justement (Kocher, 2001) : « Le truc c’est que les hommes physiquement de toute façon, ce n’est pas la même chose qu’une femme donc forcément que les contacts ça ne sera pas la même chose. Forcément que la course, un homme ça peut aller plus vite. Donc forcément que ça sera plus rapide chez les hommes que chez les femmes. Mais après, ce n’est pas pour autant que ce n’est pas intéressant. Ce n’est pas forcément plus faible, mais c’est un autre jeu quoi. » H « Vu les différences physiques, ce n’est pas vraiment comparable je pense. Mais c’était pour dire que pour moi c’est faux de dire qu’elles sont en dessous et qu’elles ne pourraient jamais faire ce que les hommes font. Elles n’auront jamais les mêmes capacités physiques ou de force, mais elles peuvent faire autre chose, à leur manière. » E « C’est ce qu’on fait parce qu’on connaît le foot masculin. Alors tous les gens qui ne savent pas du tout ce que c’est le foot féminin, par défaut on compare pour expliquer ″c’est plus si, c’est moins ça″. Je ne sais pas s’il faudrait, s’il faut vraiment le comparer. Moi, je le fais parce que comme ça on explique concrètement, les gens ils visualisent ce qu’est le foot masculin et on explique 2-3 choses. C’est plus facile de décrire un sport en disant ″c’est plus ou c’est moins″ que de trouver des modes tout seul. Voilà, moi je trouve que chacun, c’est le même sport, mais pratiqué un peu différemment. » C Pour résumer, hommes et femmes jouent un football différent. Malgré cela, le football féminin reste tout de même du football, avec des qualités, des aspects différents qui s’expliquent par les disparités physiques entre hommes et femmes. Par conséquent, la comparaison constante entre la pratique masculine et féminine ne devrait pas se faire. Cependant, puisque le public footballistique reste majoritairement masculin, une certaine dose de comparaison peut survenir, mais uniquement pour expliciter les différences visibles entre les deux pratiques. 97 Les apparences des joueuses : signes évidents d’homosexualité ? Les styles vestimentaires ou les apparences au sein des équipes féminines sont plutôt variés. Tous les participants interrogés sur cette question prétendent que les équipes de filles ont de tout, autant des filles qualifiées de « féminines » que des femmes plutôt masculines et associées à des « mecs », des « garçons manqués » (ces termes ont été utilisés par les participants et ne débouchent pas d’une éventuelle interprétation). De plus, tous reconnaissent que l’homosexualité existe au sein des équipes, que cela soit de manière discrète ou affichée. Cependant, sept d’entre eux (A/B/C/E/G/H/I) estiment que le fait de penser que les équipes féminines de football sont uniquement composées de filles lesbiennes est véritablement un cliché. D’ailleurs, lorsque les joueuses disent qu’elles font ou qu’elles ont fait du football, les personnes qui ne les connaissaient pas pensent qu’elles ont une orientation homosexuelle : « Je trouve que ce n’est pas ça qui doit caractériser le foot féminin parce que c’est un peu réducteur quand même. C’est souvent l’image, enfin c’est souvent un peu les clichés qui sont véhiculés. » C « Pas venant de gens proches de l’équipe. Mais après c’est plus toi quand tu dis que tu fais du foot, ça c’est un cliché qui est là. » B « En général, les gars ils disent que celles qui font du foot sont en général lesbiennes. Et ce n’est pas vrai. Il y en a quelques-unes dans l’équipe, mais on n’est pas toutes comme ça, du tout. Donc on essaie de dire ″arrêtez ne dites pas ça, ça devient énervant de dire qu’on est toutes lesbiennes, c’est faux″. » G Cette homosexualité présente au sein des équipes féminines a fait que deux joueuses (A/E) se sont questionnées quant à leur préférence sexuelle, notamment au moment de l’adolescence lorsqu’elles ont débuté dans une pratique composée exclusivement de filles. Deux entraîneurs (J/K) relèvent également que certaines joueuses hétérosexuelles ont une certaine crainte quant à cette présence homosexuelle, notamment lors des douches, que certaines préfèrent d’ailleurs prendre à leur domicile. Pour terminer, deux joueuses (D/E) avouent avoir joué dans des équipes où le fait de pratiquer dans une équipe féminine de football était clairement une revendication homosexuelle ; leurs coéquipières ne se cachaient pas et en profitaient même pour s’exhiber : « Et c’est limite des fois une revendication. Moi j’en ai vu pas mal c’est ″je le montre″. Ce n’est pas le cas de toutes, de loin pas, mais il y en a c’est un peu leur manière de montrer quoi ″je fais ça″. » D 98 En résumé, même si l’homosexualité existe au sein des équipes féminines et que parfois l’équipe peut être un moyen de revendiquer ses préférences sexuelles, il est réducteur et stéréotypé d’assimiler toutes les joueuses à des personnes homosexuelles. De plus, les apparences liées aux styles vestimentaires semblent être variées, ce qui devrait être un frein à ces clichés portant sur le football féminin comme milieu privilégié à tendance lesbienne. Les difficultés et les améliorations au sein du football féminin Aujourd’hui, puisque le football est une activité économique comme une autre, basée sur la notion de rentabilité (Mignon, 1998 ; Baillet, 2001 ; Mignon, 2002), le spectacle proposé doit être rentable (Mignon, 2002). La demande footballistique reste encore et toujours masculine (Mignon, 1998), ce qui fait que les médias s’intéressent moins à la pratique des femmes (Hargreaves, 1997 ; Kocher, 2001 ; Shifflett & Revelle, 1994, in Whannel, 2002 ; Caillat, 2002 ; Liotard, 2004 ; Mennesson, 2005a ; Pfister, 2006 ; Broucaret, 2012). Tout ceci fait que le public n’est également pas au rendez-vous (Prudhomme-Poncet, 2003a. Logiquement au final, le football féminin ne jouit pas de la même reconnaissance médiatique que le football masculin (Prudhomme, 1993, in Prudhomme, 1996 ; Kocher, 2001 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a). Dans cette continuité, une grande majorité des différents participants (C/D/E/F/I/J/K/L) estiment que le foot féminin manque de reconnaissance, de moyens, de possibilités ou encore de visibilité, en comparaison au football masculin notamment. Cinq personnes interrogées (C/E/I/J/K) relèvent que le monde du football – masculin – voit éclater des scandales, à cause d’énormes sommes d’argent qu’il véhicule. Cette atmosphère de corruption pourrait faire que le football féminin devienne l’avenir du football et que les spectateurs se tournent vers ce type de pratique, c’est en tout cas ce que supposent deux entraîneurs (I/J) – surtout que les trois entraîneurs (I/J/K) sont d’avis que le niveau féminin progresse au fil des ans et devient de plus en plus intéressant à regarder – : « Avec tout ce qui arrive maintenant à la FIFA, les problèmes de corruption, Blatter, Platini et compagnie. Allez savoir, si tout d’un coup les gens, ils n’en auront pas marre et qu’ils se diront ″on se retrouve un truc peut-être un peu plus authentique″, je ne sais pas. Le football féminin, peut-être à ce moment-là, sera la solution. » I « Que les gens, ça leur fasse un déclic de voir que le football féminin est quand même plus sain que le football masculin. » J 99 Ensuite, concernant plus spécifiquement le canton de Neuchâtel, quatre participants (H/J/K/L) estiment qu’il est en retard par rapport à d’autres cantons (ce retard s’explique selon L par la petite taille du canton), ce qui a pour conséquence que les joueuses talentueuses quittent la région pour se diriger ailleurs. Ce constat est repris par cinq personnes interrogées (F/H/J/K/L). Justement, les participants pointent du doigt la promotion du football féminin, qui leur semblait insuffisante il y a quelques années et qui leur semble encore insuffisante aujourd’hui, avec notamment H qui pointe du doigt les lieux de finales de Coupe neuchâteloise : « Les finales de Coupes neuchâteloises on va les faire à Couvet, à Fleurier, où il n’y a pas de gradins, il n’y a rien du tout. Ce n’est pas promouvoir le foot féminin ça. Oui ils font un tournus soi-disant, mais bon il faut être un peu plus logique quoi. » H Cependant, plusieurs participants (A/B/C/D/E/F/I/L) estiment que l’ANF fait des efforts aujourd’hui, en soutenant les clubs à mettre en place des équipes féminines et en organisant des journées de découvertes footballistiques pour les filles qui voudraient essayer : « Là, maintenant il y a vraiment une promotion qui se fait. Une fois par année, [prénom] organise une promotion du foot féminin. Il y avait 100-120 jeunes filles qui ont commencé, avec l’idée de leur dire. Il y en avait qui faisait déjà du foot, d’autres pas, en leur disant ″si ça vous plaît, inscrivez-vous, allez dans les clubs″ donc au niveau de l’Association, il y a une promotion du foot féminin, pour inciter des filles à aller s’inscrire dans les clubs. » L « Après je pense qu’ils peuvent toujours faire plus l’ANF, pour motiver des jeunes filles à commencer. Je pense qu’ils ont déjà commencé à faire quelques trucs, mais c’est assez récent. Je pense qu’il faut continuer. » E De plus, il faut souligner que la faible proportion d’équipes d’actives fait que le championnat est peu valorisant ; la priorité est de créer de nouvelles équipes étant donné la diminution des équipes au fil des ans. Actuellement, il n’y pas de sélections M-13 et M-15, dû au manque de joueuses de ces âges-là. D’ailleurs, l’ANF s’est donnée pour objectif la promotion et le développement du football féminin dès l’enfance, en organisant des journées d’essais pour les 7-10 ans par exemple, dans l’espoir de voir augmenter le nombre de joueuses actives avec le temps (Séance ANF, 11.11.2015). De surcroît, depuis quelques années, l’ANF a également tenu à mettre en place des équipes juniors pour pallier aux arrêts de pratique à l’adolescence, comme nous l’explique L : 100 « On a créé une ou 2 de ces équipes, un peu aux forceps, un peu artificiellement, en poussant les clubs, en soutenant. Pour finir, c’est parti parce que c’était important d’avoir des équipes qui étaient un tout petit peu disséminées dans tout le canton. Ça veut dire qu’une fille qui était ici du bas ne devait pas monter à La Chaux-de-Fonds pour jouer quoi. Donc on a une équipe au Val-de-Travers, une au Val-de-Ruz, parce que celle du Val-de-Travers, elle ne fait pas encore le championnat, mais elles s’entraînent, elles n’étaient pas assez. On a une équipe au Locle, une équipe à Chaux-de-Fonds, on a Xamax ici, Cortaillod et on avait La Neuveville, on espère peut-être les retrouver. Donc c’est assez bien, une fille qui veut commencer le foot ou qui veut continuer le foot, elle n’a pas besoin de se déplacer trop loin quoi. Et ça, c’était vraiment ce qu’il manquait ici à Neuchâtel. Trop de filles faisaient du foot et arrêtaient après parce qu’il n’y avait plus rien entre-deux. Et si on arrête, c’est difficile de recommencer en seniors et quand on a 14 ans, on n’a peut-être pas forcément envie d’aller dans des équipes d’adultes, de femmes. Ça ne correspond pas. » L « Avant, il n’y avait pas grand-chose qui existait. Donc il y avait le foot avec les garçons et après il y avait les adultes. Il manquait quelque chose, clairement. Et là, trop de filles arrêtaient. Alors, on a créé ces B9 [B11] et c’est le passage en fait, entre le foot avec les garçons, le foot des enfants, au foot féminin mais junior, au passage dans les actives. » L « Elles [les joueuses seniors] tournaient un petit peu sur les mêmes personnes depuis des années et des années donc ces gens-là vieillissent aussi et ça avait de la peine à réalimenter. Donc on ne va pas y arriver tout de suite, il faudra quand même encore 2-3 ans pour que ces B9 [B11] passent en seniors donc il faut qu’on tienne encore un petit moment pour vraiment avoir cette lignée-là quoi. » L Pour résumer, le football féminin semble toujours en retrait par rapport à son homologue masculin, dû notamment aux manques de moyens alloués aux équipes féminines. Cependant, avec les scandales actuels qui règnent auprès des instances du monde du football, la pratique footballistique féminine pourrait devenir l’avenir du football, perçu comme un sport plus sain. Ensuite, à Neuchâtel, le canton est en retard par rapport à d’autres régions, ceci s’explique certainement par sa taille et son faible bassin de population. Cette réalité fait que les joueuses qui ont du talent quittent la région pour se diriger vers des endroits où il existe de meilleures possibilités. Afin d’éviter les arrêts de pratique à l’adolescence, l’ANF a mis en place des équipes juniors féminines B11 un peu partout dans le canton (notamment pour éviter les abandons liés à une distance trop éloignée), ce qui permet aux joueuses de 14 ans d’avoir une étape intermédiaire avant d’aller dans les sections seniors. Ceci, associé à une augmentation de promotion du football féminin chez les enfants de sexe féminin, a pour but de faire fructifier le nombre de pratiquantes au fil des années et par la même occasion, le nombre d’équipes seniors, qui ont tendance à disparaître jusqu’à présent. 101 Hypothèse 3 liée aux résultats d’analyse Les filles qui font du football au moment de l’adolescence ou après l’adolescence dans une équipe féminine estiment que le fait d’y créer des liens amicaux est important pour continuer la pratique, comme proposé par Bizzini & Piffaretti (1998), Light & Lemonie (2010, in Cope, Bailey & Pearce, 2013), Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, (2014) et Malatesta et al. (2014), telle une volonté d’être ensemble. Pour les joueuses interrogées, il est primordial de connaître quelqu’un lorsqu’elles rejoignent une équipe ; cela peut concerner les coéquipières, mais aussi l’entraîneur. Un autre facteur important est la notion de distance : elles apprécient que leur club se situe à une distance convenable de leur domicile ; ce point-ci rejoint celui de la partie d’analyse concernant les abandons, où une distance trop éloignée pouvait conduire à arrêter la pratique. De plus, même si des niveaux différents entre les joueuses d’une même équipe existent au sein du football féminin neuchâtelois (élément démontré dans la partie traitant des abandons sportifs), les participants estiment que le noyau principal de joueuses au sein de l’équipe possède toujours un assez bon niveau. Par conséquent, les pratiquantes gardent leur motivation pour continuer de jouer au football. Ceci rejoint Mennesson (2004b ; 2005a) qui met en avant que les filles arrêtent de pratiquer lorsqu’elles ne trouvent d’équipe avec un assez bon niveau à leurs yeux. Ainsi, la partie de ma troisième hypothèse de recherche est validée : les joueuses ont également continué de faire du football parce que l’équipe en elle-même leur paraissait assez forte au final. Ensuite, les styles vestimentaires et les apparences corporelles semblent variés au sein des équipes, allant de filles ressemblant à des « mecs », de personnes étant catégorisées comme « féminines ». Par conséquent, la partie suivante de ma troisième hypothèse de recherche concernant le fait que les joueuses refusent de se soumettre à une apparence corporelle (Mennesson & Clément, 2003, in Mennesson, 2004b) normalisée par les stéréotypes sexués (Lahire, 2001 ; Fortino, 2002, Zaidman, 1996, in Mennesson, 2004a) ne peut pas être validée, d’autant qu’il n’y pas de rejet ou de violences de la part d’autres personnes (Butler, 2006, in Morra, 2015) du fait que la plupart d’entre-elles semblent correspondre aux socialisations différenciées (Lahire, 2001) mises en place par la société et ancrées dans les habitus depuis l’enfance (Bourdieu, 1998 ; Lahire, 2001). Toutefois, le concept de domination masculine (Bourdieu, 1998) semble quelque peu trop fort pouvoir être relié aux joueuses interrogées. De plus, le constat des apparences est renforcé par le fait que, même si les équipes féminines sont 102 un milieu où l’homosexualité existe et elles peuvent être le lieu de claires revendications homosexuelles – que cela soit dans l’attitude comme dans l’apparence corporelle –, ceci n’est pas une constante et apparaît souvent comme un cliché véhiculé par les personnes qui méconnaissent la pratique féminine. Par conséquent, ce point-là conforte le rejet de cette partie d’hypothèse. Justement, de bons contacts peuvent exister entre les joueuses et leurs entraîneurs, leurs dirigeants et également les équipes masculines du club ; ceux-ci ne critiquent pas leurs apparences corporelles qui, de toute façon, sont variées. Ainsi, le fait que l’équipe de football aide les joueuses à faire face au mépris des hommes qui critiquent leur apparence masculine (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2007), apparentée au concept du « garçon manqué » (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), ne semble pas non plus d’actualité. Anciennement stigmatisée, la valeur de l’activité semble être perçue de manière positive à présent (Adorno, 1980, in Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014). De plus, le public, qui provient principalement de l’entourage proche des joueuses, ne « critique » leur jeu que de manière positive et constructive. Les moqueries deviennent donc un phénomène rare dans le football féminin. Au final, il semblerait effectivement qu’une collaboration entre sections masculines et féminines émerge aujourd’hui, comme le propose Bayle (2000, in Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013), où les équipes de filles ne sont plus perçues comme une obligation ; les projets se veulent plus globaux, autour d’un club mixte (Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). Cependant, les pratiquantes semblent toujours évoluer dans un monde à part (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), notamment concernant leur gestion financière. Ainsi, même si les équipes féminines semblent être incorporées de manière satisfaisante aux clubs dans leur ensemble, celles-ci doivent se gérer de manière quasi autonome dans la recherche de sponsors permettant une rentrée de fonds servant aux équipements, aux sorties, etc. De plus, il existe une frontière avec le football masculin (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), telle une organisation parallèle (Goffman, 2002) : les femmes jouent « leur » football (Jeanes & Kay, 2007), qui se veut différencié de celui des hommes. Les participants ont mis en avant le fait que le football féminin n’est pas le même jeu que celui de leurs homologues masculins, notamment dus à leurs différences physiques ; ces disparités 103 semblent d’ailleurs non-modifiables avec le temps. Par conséquent, cette dernière partie de ma troisième hypothèse de recherche est à valider de manière plus nuancée. Pour conclure, comme il en a déjà été question dans la partie analytique concernant les abandons de pratique, le modèle de Smith (1986) stipule que l’individu analyserait ses coûts et ses bénéfices, liés à la pratique, pour se décider à continuer ou à arrêter une activité (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Ainsi, le participant est rationnel et arrive à calculer ses plaisirs et ses souffrances. Son but est de maximiser les récompenses, tout en minimisant les impacts négatifs de l’activité (Coser, 1977 ; Homans, 1974, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Pour qu’un individu soit satisfait et participatif, il faut que les bénéfices soient supérieurs aux coûts, sinon le participant arrêtera l’activité (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Ainsi, malgré les coûts – les difficultés propres au football féminin et à sa pratique – qui ont été mis en avant précédemment, les bénéfices des joueuses – liés à leur plaisir de jouer notamment (visible dans la première partie d’analyse) et aux éléments permettant leur poursuite de pratique – semblent supérieurs aux coûts ; c’est le cas pour six joueuses aujourd’hui en tout cas. Justement, l’ANF constate que la faible proportion d’équipes d’actives fait que le championnat est peu valorisant (les équipes disparaissent au fil des ans) ; la priorité est donc de trouver de nouvelles équipes. Ainsi, le but au sein de l’ANF est la promotion et le développement du football féminin dès l’enfance, en organisant notamment des journées de découverte du football pour les filles (Séance ANF, 11.11.2015). De plus, des équipes juniors féminines (B11) ont été mises en place depuis quelques années pour stopper l’arrêt de pratique des filles à l’adolescence. 104 CONCLUSION Ce travail voulait saisir les motivations qui faisaient que les femmes se dirigeaient dans la pratique du football dans le canton de Neuchâtel, en analysant les raisons qui les poussaient à commencer de pratiquer, celles qui pouvaient faire qu’elles risquaient d’abandonner et celles qui faisaient qu’elles ont envie de continuer à l’âge adulte. Pour tenter d’y parvenir, douze personnes ont été interrogées, autant des joueuses que des entraîneurs et un responsable ANF. Quoiqu’il en soit, ce travail ne se prétend pas totalement représentatif, principalement dû au fait qu’il n’a concerné qu’une maigre proportion des individus globalement concernés par le football féminin neuchâtelois et sa pratique. Synthèse des résultats et discussion Dans le cadre de ce travail, la première hypothèse de recherche stipulait que le milieu familial joue le rôle de motivateur principal pour les filles dans leur envie de pratiquer, comme une sorte de tradition familiale (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). En ce qui concerne les joueuses interrogées, la famille dans sa globalité a joué un rôle significatif, dans le sens où le football y est une activité fortement présente, que cela soit en pratique véritable ou simplement en goûts et intérêts de toute sorte. Ensuite, il était plus spécifiquement supposé que le père ou les frères sont les figures centrales qui contribuent à ce que les filles au sein de la famille s’engagent dans la pratique, car ces deux figures masculines contribuent à la socialisation et la participation sportive (Lecocq, 1996 ; Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a), surtout que le père transmet cette passion en amenant très tôt sa fille sur le terrain sportif (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Dans les sports masculins pratiqués par des femmes, il est donc question de dispositions sexuées inversées au cours de l’enfance ou de l’adolescence (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a). Ces dispositions acquises pendant l’enfance correspondent à la socialisation familiale au travers de l’habitus (Mennesson, 2004b). Même si les figures paternelles et fraternelles sont très présentes dans le parcours des joueuses interrogées, celles-ci ne semblent pas aussi significatives parce que seule une moitié des pratiquantes estiment avoir été directement influencées par leur père ou leur frère. Par conséquent, la notion de socialisation sexuée inversée proposée par Mennesson (2004b ; 2005a ; 2007) est à utiliser de façon plus nuancée, en comparaison du milieu familial global. 105 Dans la continuité de cette première hypothèse de recherche, les débuts des enfants dans un sport organisé influencés par les parents ont été pris en compte, mais les amis ont eux aussi leur importance (Carlsson, 1993, in Moraes, 2004). Il faut dire que le fait d’avoir des amis sportifs contribue à l’envie de pratiquer (Todisco & Melchiorri, 1998 ; Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). Les camarades de classe et les copains ont également joué un rôle significatif pour motiver les filles neuchâteloises à faire du football et notamment lorsque la famille de la joueuse ne s’intéresse pas à ce milieu en particulier. Ceci a même été un facteur supplémentaire dans le fait de s’inscrire dans un club. Les copains et camarades de classe semblent presque avoir un rôle plus important que le père ou le frère et principalement lorsqu’il s’agit de s’inscrire en club directement. Il y a une volonté d’être ensemble (Golay & Malatesta, 2012, in Malatesta et al. 2014). Une autre personne qui n’a pas été prise en considération dans la première hypothèse de recherche est l’entraîneur. Celui-ci est également important dans la pratique, car son comportement permet d’influencer la motivation du sportif (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Vallerand & Losier, 1999, in Sarrazin et al., 2002) par le climat qu’il arrive à mettre en place (Ames, 1992, in Sarrazin et al., 2002) dans les entraînements, le regroupement des enfants, son autorité, la reconnaissance (Sarrazin et al., 2002) et l’évaluation des performances (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Sarrazin et al., 2002). Ceci aide à maintenir la satisfaction et la persévérance chez le sportif (Black & Weisse, 1992, Chelladurai, 1993, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Pour les joueuses qui ont commencé la pratique pendant l’enfance avec les garçons, l’entraîneur a aussi joué un rôle important dans leur motivation à se sentir satisfaites et à persévérer. Pour terminer, des éléments externes aux autrui significatifs (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) ont eu leur importance pour les joueuses interrogées, telles que la notion de plaisir et celle de sport collectif. Ces points-là n’avaient pas non plus été soulevés lors de la première hypothèse de recherche. En ce qui concerne la deuxième hypothèse de recherche, il était supposé que de devoir quitter les garçons à l’adolescence constitue une rétrogradation dans le niveau de jeu qu’elles ont pu connaître auparavant et qu’elles se sentent dévalorisées par ce changement (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005). Il faut dire qu’au sein des équipes féminines de football neuchâtelois, les niveaux entre les joueuses sont très variables, avec certaines qui débutent et d’autres qui jouent depuis plus longtemps. Cependant, aucune joueuse 106 interrogée n’a abandonné la pratique pour cette raison-là. Cette première partie d’hypothèse ne peut donc pas être validée. Ensuite, le changement de pratique imposé à l’adolescence coïncide avec une perte des coéquipiers, de nouvelles coéquipières plus âgées, des entraîneurs différents et des lieux/trajets différents ; ces éléments font que les équipes de femmes sont peu nombreuses (Héas et al., 2004). Les joueuses interrogées soulignent qu’à l’adolescence, elles sont parties d’un milieu qu’elles connaissaient pour un autre totalement inconnu. Cette adaptation n’est pas aisée, car il y a de grandes différences d’âge entre les pratiquantes. Ces points-là ont été des raisons d’abandon pour deux joueuses, où l’une ne se sentait pas à l’aise avec les différences d’âge et l’autre appréhendait le fait de devoir de rejoindre une nouvelle équipe où elle ne connaîtrait personne. De plus, les filles doivent réussir à trouver une équipe uniquement composée de femmes qui se trouve à une distance convenable de leur domicile, alors que ces équipes sont moins nombreuses (Mennesson, 2005a). Justement, les équipes féminines sont faibles en nombre dans le canton de Neuchâtel ; les distances entre le domicile des joueuses et les clubs peuvent devenir problématiques. Il faut aussi souligner que les effectifs ne possèdent pas un très grand nombre de pratiquantes, avec un manque d’engagement apparent de la part de ces dernières. Ce faible engagement qui règne au sein de l’équipe a fait abandonner une joueuse et un entraîneur. Il est donc possible de se rendre compte que d’autres éléments semblent plus pertinents dans l’abandon de pratique, en comparaison aux différences de niveau entre les pratiquantes. Dans la suite de cette deuxième hypothèse de recherche, il était stipulé que des conflits avec l’entraîneur pouvaient pousser les filles à arrêter leur pratique (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Dans le football féminin neuchâtelois, de mauvais contacts avec les entraîneurs peuvent jouer un rôle dans les abandons sportifs : ce fût le cas de deux joueuses, l’une pendant l’enfance et l’une à l’âge adulte. Ainsi, même si cet élément est à prendre en compte, il est à rejeter dans le cadre de cette hypothèse, car aucune joueuse n’a directement arrêté au moment de rejoindre une équipe féminine à l’adolescence. De plus, entraîneurs et dirigeants peuvent être moralisateurs quant aux apparences et/ou préférences sexuelles des joueuses (Menesson, 2005a ; Becker, 1985, in Mennesson, 2006 & Mennesson, 2007), mais ceux-ci ne le se sont pas avérés. Ainsi, cette partie d’hypothèse est également à rejeter en ce qui concerne le football féminin neuchâtelois. Ensuite, une sous-représentation des femmes existe dans l’administration, le management et le coaching (White & Brackenridge, 1960-1985, in 107 Hargreaves, 1997 ; Broucaret, 2012), avec des entraîneurs également majoritairement masculins lorsqu’il s’agit d’encadrer des femmes (Broucaret, 2012). Ces point-là ont pu être vérifiés dans le football du canton de Neuchâtel et valident cette partie d’hypothèse. La dernière partie de la deuxième hypothèse de recherche supposait qu’un intérêt pour d’autres activités peut conduire à un abandon de pratique (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Todisco & Melchiorri, 1998). Justement, les joueuses appréciaient ou faisaient de la musique et aimaient passer du temps avec leurs amies pendant l’adolescence (Todisco & Melchiorri, 1998). Cependant, la notion d’abandon est à rejeter parce que les différentes activités que les joueuses ont eues pendant leur adolescence n’ont pas été un frein à leur continuité ou début de pratique. Il faut tout de même souligner que la notion de temps est importante pour les participants, notamment à l’âge adulte. Deux joueuses et un entraîneur justifient leur abandon de pratique actuelle par à un manque de temps. De plus, les blessures et la grossesse (Lecocq ; 1996 ; Baillet, 2001) peuvent influencer l’abandon de pratique dans le football féminin neuchâtelois. Dans le cadre de la troisième hypothèse de recherche, il était supposé que les joueuses de football continuent de pratiquer lorsque le niveau de l’équipe leur paraît assez bon. Même si des niveaux différents entre les joueuses d’une même équipe existent au sein du football féminin neuchâtelois, les participants estiment qu’un noyau principal de pratiquantes dans les équipes possède un niveau plutôt bon. Ainsi, cette partie d’hypothèse de recherche peut être validée. De plus, créer des liens amicaux est important pour continuer la pratique (Bizzini & Piffaretti, 1998 ; Light & Lemonie, 2010, in Cope, Bailey & Pearce, 2013 ; Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014 ; Malatesta et al., 2014), vu comme une volonté d’être ensemble. Pour les joueuses interrogées, il est important de déjà connaître quelqu’un lorsqu’elles rejoignent une équipe. La notion de distance est aussi à prendre en compte, car elles apprécient que leur club se situe à une distance convenable de leur domicile. La suite de la troisième hypothèse de recherche stipulait que les joueuses refusent de se soumettre à une apparence corporelle (Mennesson & Clément, 2003, in Mennesson, 2004b) normalisée par les stéréotypes sexués (Lahire, 2001 ; Fortino, 2002, Zaidman, 1996, in Mennesson, 2004a). Dans les équipes féminines neuchâteloises, les styles vestimentaires et les apparences corporelles semblent variés, avec des filles apparentées à des « mecs » et d’autres catégorisées comme « féminines ». La plupart d’entre elles semblent s’accorder avec 108 les socialisations différenciées (Lahire, 2001) ancrées dans les habitus depuis l’enfance (Bourdieu, 1998 ; Lahire, 2001). Toutefois, le concept de domination masculine (Bourdieu, 1998) ne semble pas totalement d’actualité pour les joueuses interrogées. Par conséquent, cette partie d’hypothèse de recherche ne peut pas être validée, renforcée par le fait qu’il n’y pas de rejet ou de violences de la part d’autres personnes (Butler, 2006, in Morra, 2015). De plus, le rejet de cette partie d’hypothèse concernant les apparences physiques et vestimentaires est renforcé par le fait que l’homosexualité n’est pas toujours présente dans les équipes féminines et apparaît souvent comme un cliché véhiculé par les personnes qui méconnaissent la pratique, même si le football féminin est un milieu où l’homosexualité existe. Dans la continuité, le fait que l’équipe de football aide les joueuses à faire face au mépris des hommes qui critiquent leur apparence masculine (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2007), apparentée au concept du « garçon manqué » (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007) ne semble pas non plus pouvoir être validé. De bons contacts peuvent exister entre les joueuses et leurs entraîneurs, leurs dirigeants et les équipes masculines du club, surtout que les apparences corporelles des joueuses sont variées. Anciennement stigmatisée, la valeur de l’activité semble être perçue de manière positive à présent (Adorno, 1980, in Malatesta, Golay, Malbois & Jaccoud, 2014), notamment renforcée par le public qui s’implique par des critiques positives et constructives ; les moqueries deviennent donc un phénomène rare dans le football féminin. Il faut tout de même souligner que le football féminin n’attire toujours pas non plus les mêmes foules, comparé à son homologue masculin (Prudhomme, 1993, in Prudhomme, 1996 ; Prudhomme-Poncet, 2003b ; Mennesson, 2004a). En ce qui concerne la dernière partie de la troisième hypothèse de recherche, il semblerait qu’une collaboration entre sections masculines et féminines émerge aujourd’hui (Bayle, 2000, in Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013), avec des projets qui se veulent plus globaux, autour d’un club mixte et où les équipes de filles ne sont plus perçues comme une obligation (Bayle, Jaccard & Vonnard, 2013). Cependant, les pratiquantes semblent toujours évoluer dans un monde à part (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007). Même si actuellement les équipes féminines neuchâteloises semblent être incorporées dans les clubs, celles-ci doivent se gérer de manière quasi autonome, notamment dans la recherche de sponsors pour les équipements, les sorties, etc. De plus, il existe toujours une frontière avec le 109 football masculin (Mennesson, 2004b ; Mennesson, 2005a ; Mennesson, 2007), telle une organisation parallèle (Goffman, 2002), où les femmes jouent « leur » football (Jeanes & Kay, 2007). Les participants ont remarqué que le football féminin ne propose pas le même jeu que celui de leurs homologues masculins, notamment dus à leurs différences physiques. Par conséquent, cette dernière partie de la troisième hypothèse de recherche peut être validée, mais de manière plus nuancée. Ensuite, différentes théories associées à la motivation ont été utilisées pendant ce travail. Le modèle HMIE de Vallerand (1997) a été utilisé pour appréhender la motivation intrinsèque. Elle est une des raisons fondamentales qui permet la persistance de l’activité sportive (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000 ; Sarrazin et al., 2002). Dans le cas de la plupart des joueuses interrogées, le plaisir de jouer au football semble avoir tenu une place importante et ceci malgré toutes les barrières qui existent dans le football féminin et qui rendent sa pratique plus difficile en comparaison de celle des garçons. D’après le modèle de Smith (1986), l’individu analyse ses coûts et ses bénéfices, liés à la pratique, pour se décider à continuer ou à arrêter une activité (in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Ainsi, les joueuses de football calculent leurs plaisirs et leurs difficultés, pour réussir à maximiser leurs récompenses et à minimiser les points négatifs de la pratique (Coser, 1977 ; Homans, 1974, in Guillet, Sarrazin & Cury, 2000). Lorsque les coûts engendrés par la pratique sont supérieurs à la satisfaction qu’engendre l’activité (Todisco & Melchiorri, 1998), les footballeuses arrêtent de pratiquer : cela a été le cas pour deux joueuses actuellement. Cependant, lorsque les bénéfices sont supérieurs aux coûts, la joueuse continue l’activité sportive (Guillet, Sarrazin & Cury, 2000) : c’est le cas de six joueuses aujourd’hui. Pour conclure, l’ANF se rend compte le faible nombre d’équipes féminines fait que le championnat est peu valorisant. Aujourd’hui, la priorité est donc de former de nouvelles équipes. Le but principal au sein de cet organisme du football neuchâtelois est la promotion et le développement du football féminin dès l’enfance, en organisant notamment des journées de découverte du football pour les filles (Séance ANF, 11.11.2015). De plus, des équipes juniors exclusivement féminines (B11) ont été mises en place depuis quelques années pour enrayer l’arrêt de pratique des filles à l’adolescence. 110 Difficultés rencontrées Lors de ce travail, quatre personnes concernées et intéressées par la recherche ont annulé leur entretien à la dernière minute. Pour certains, il était trop compliqué de fixer à nouveau un rendez-vous, alors que d’autres n’ont plus répondu à mes relances ; ceci était en partie due au fait que les contacts ont été pris dès les mois de septembre-octobre 2015. Par conséquent, une prise de contact plus rapide aurait sans doute permis d’avoir quelques entretiens supplémentaires. Quoi qu’il en soit, leur nombre a été suffisant pour mettre en place une analyse qui s’avère pertinente au final. De plus, l’ordre des questions des grilles d’entretiens n’a pas toujours forcément été adéquat, du fait qu’elles étaient calées en fonction des trois axes de recherche basés sur les questions et hypothèses de recherche. Parfois, des questions traitant d’une thématique plus large auraient été meilleures, notamment concernant les entraîneurs ou encore les dirigeants. Ainsi, ceci aurait peut-être évité des répétitions dans le discours des personnes interrogées, ainsi que des relances inutiles concernant certains participants et en particulier pour ceux qui étaient moins « bavards ». De plus, je tiens à préciser qu’une question a été supprimée au fil des entretiens : il s’agit de celle qui s’intéressait aux « vraies femmes » et surtout au lien entre la sportive et celles-ci. Lorsqu’elle a été posée, lors des premiers entretiens, il s’est avéré que les participants étaient gênés et la trouvait trop compliquée, que leurs réponses étaient très aléatoires et concernaient des aspects à chaque fois totalement différents (physiques, comportementaux, relationnels, etc.), même en essayant de recadrer la question par des relances. Par conséquent, le traitement de l’information aurait été trop hasardeux et il était plus aisé de supprimer cette question lors des entretiens suivants. Peut-être aurait-il fallu mettre en place un questionnaire quantitatif en se focalisant sur des aspects axés sur les propriétés plutôt physiques et comportementales. Au final, je tiens également à souligner qu’il n’a pas été toujours évident de faire le tri dans les lectures à disposition pour rédiger les parties du contexte et de la problématique de recherche. J’ai parfois eu l’impression de m’égarer et de lire des documents qui n’étaient pas totalement utiles et surtout indispensables. Il faut relever que la littérature à disposition dans les domaines du genre et du sport – et plus précisément le football – est vaste. 111 Pistes pour d’éventuelles futures recherches Pour de futurs travaux sur le sujet, il serait intéressant d’interroger un nombre plus important de joueuses et d’entraîneurs, tout en trouvant plus de joueuses qui sont passées d’une pratique mixte avec les garçons à unisexe avec les filles et en se focalisant principalement sur celles qui auraient effectivement arrêté à ce moment-là. Dans le cadre de ce travail, il n’était pas envisageable de faire un tri au préalable. De plus, comme il a été possible de constater que des équipes juniors filles ont été mises en place, il serait sans doute pertinent de revoir avec les responsables du football neuchâtelois d’ici quelques années si ce moyen mis en place aura véritablement ralenti l’arrêt de pratique chez les filles et surtout fait que les équipes seniors augmentent. Ensuite, il pourrait être intéressant d’essayer de savoir si le manque d’engagement apparemment propre aux équipes féminines s’explique effectivement dans un « effet de mode ». Il serait aussi pertinent de vérifier si cet « effet de mode » existe bel et bien et dans quelles mesures il est spécifique au football féminin. De plus, comme il a été possible de l’apercevoir, les contacts avec les dirigeants sont donc assez variables. Dans certains clubs, les filles ont été clairement mises de côté, avec un désintérêt total de la part des instances dirigeantes. D’autres clubs par contre intègrent l’équipe féminine à leur projet global. Ces différences semblaient visibles entre « grands » clubs et « petits » clubs ; les « grands » clubs ou en tout cas ceux qui semblaient avoir des ambitions au niveau de leurs équipes masculines et juniors ne s’inquiétaient pas du tout des équipes filles, alors que les « petits » clubs ou ceux où l’ambition liée aux équipes masculines et juniors semble plus modérée entretiennent de bons contacts avec leur équipe féminine. Certaines joueuses faisaient d’ailleurs ce parallèle-là. Cependant, elles n’étaient pas assez nombreuses pour que le résultat soit véritablement validé. Quoi qu’il en soit, il serait intéressant de vérifier ce constat-là lors de futures recherches puisqu’il provient d’interprétations en fonction de dires de joueuses, mais qui n’ont pas été véritablement dits de la sorte par certaines d’entre elles. Au final, il pourrait être pertinent d’interroger également des joueurs masculins pour faire une étude comparative sur le monde du football des hommes à Neuchâtel et voir quels constats en ressortent (notamment dans la notion « d’effet de mode » par exemple). Ainsi, il serait possible de se rendre compte si de grandes différences existent entre le football féminin et masculin, comme cela l’a été supposé par les participants lors de ce travail. Dans le même 112 temps, il pourrait être demandé à ses joueurs leurs ressentis face à la pratique féminine et des liens qui existent au sein des clubs, notamment pour ceux qui sont concernés par une équipe féminine dans leur propre club. 113 BIBLIOGRAPHIE Contexte et problématique Ouvrages complets BAILLET, Dominique. G. (2001). Les grands thèmes de la sociologie du sport. Paris : L’Harmattan. BOURDIEU, Pierre (1979). La distinction : critique sociale du jugement. Paris : Les éditions de minuit. BOURDIEU, Pierre (1998). La domination masculine. 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Quel est votre parcours sportif, depuis votre enfance jusqu’à aujourd’hui ? 2. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous diriger dans le football ? 3. Quel rôle a joué votre famille, votre entourage dans ce choix ? 4. Dans quelles mesures vos entraîneurs vous ont-ils convaincus à faire du football ? Q2 : Quelles sont les raisons qui poussent les femmes à arrêter le football en masse dès l’adolescence ? 5. Comment avez-vous vécu le fait de devoir quitter les garçons à l’adolescence ? Comment s’est déroulée votre intégration au sein d’une équipe exclusivement composée de femmes ? 6. Quels étaient vos rapports avec votre nouvel entraîneur ? Et du côté des dirigeants ? 7. À l’adolescence, quels étaient vos (autres) centres d’intérêt (sportifs et non-sportifs) ? a. Aviez-vous pensé à arrêter la pratique ? Quelles en étaient les raisons ? b. Quelles étaient les raisons d’une non-pratique footballistique ? 8. Quelle est la principale raison de votre arrêt actuel de pratiquer ? Q3 : Quelles sont les raisons qui poussent un moindre nombre de femmes à continuer la pratique du football après l’adolescence ? 9. À l’adolescence, comment décririez-vous le niveau de l’équipe féminine que vous aviez intégrée ? Dans quelles mesures était-elle à la hauteur de vos exigences ? 10. Qu’est-ce qui vous pousse à faire du football aujourd’hui ? Et dans cette équipe en particulier ? 11. Comment décririez-vous votre entraîneur actuel (ou le dernier côtoyé) ? Et du côté des dirigeants ? Quels contacts entretenez-vous avec les équipes masculines du club ? 12. Quel est le public principal de votre pratique ? Quel regard porte-t-il sur votre jeu ? 131 13. Comment qualifieriez-vous le football féminin ? Comment vous situez-vous par rapport au football masculin ? Dans quelles mesures les deux pratiques doivent-elles être comparées (ou non) ? 14. Comment qualifieriez-vous une « vraie femme » ? De quelle manière la sportive en fait partie ? 15. Quels sont les styles vestimentaires, les apparences physiques dans l’équipe ? Comment est perçue l’homosexualité au sein de l’équipe, voire du club ? Questions de clôture 16. Quel est votre avis sur le monde footballistique et son implication dans le football féminin ? 17. Désirez-vous rajouter quelque chose concernant l’entretien et le football féminin ? Questions personnelles supplémentaires 18. Dans quel club/équipe jouez-vous ? Depuis quand ? Dans quelle ligue ? Quel rôle jouez-vous dans ce club, cette équipe ? 19. Quel est votre âge ? 20. Dans quel contexte familial avez-vous vécu (frères/sœurs, parents, etc.) ? Qui d’autre pratique autour de vous ? 21. Quelle est votre profession actuelle ? Ou domaine d’études ? Grille de questions pour les entraîneurs Questions biographiques 1. Quel est votre parcours sportif, depuis votre enfance jusqu’à aujourd’hui ? 2. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous diriger dans le football ? 3. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous occuper d’une équipe féminine ? Questions « d’expert » 4. Pourriez-vous me décrire le club dans son ensemble (en termes d’effectifs, d’infrastructures) ? Quelle est la l’administration/l’encadrement ? 132 proportion de femmes dans 5. Depuis quand la section féminine existe-t-elle ? Quels en sont les avantages/inconvénients ? 6. Quels sont les budgets/moyens alloués aux hommes, aux femmes et aux juniors ? 7. Que pouvez-vous me dire sur le football féminin d’aujourd’hui ? Et dans ses évolutions ? Q1 : Quels sont les éléments qui influencent les joueuses de football dans leur volonté de pratiquer ce sport masculin ? 8. Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent les filles à pratiquer ? Dans ce club ? Dans cette équipe ? Q2 : Quelles sont les raisons qui poussent les femmes à arrêter le football en masse dès l’adolescence ? 9. Comment pensez-vous que les filles vivent le fait de devoir quitter les garçons à l’adolescence ? Quel regard portez-vous sur ce passage de mixte à unisexe à l’adolescence ? 10. Quels changements apercevez-vous dans les effectifs à ce moment-là ? Q3 : Quelles sont les raisons qui poussent un moindre nombre de femmes à continuer la pratique du football après l’adolescence ? 11. Quels rapports entretenez-vous avec les joueuses ? Quels contacts entretenez-vous avec les équipes masculines du club ? Qu’est-ce qui est différent en comparaison d’une équipe féminine ? 12. Quels rapports existe-t-il entre les équipes féminines et masculines dans le club ? 13. Comment qualifieriez-vous le football féminin ? Comment vous situez-vous par rapport au football masculin ? Dans quelles mesures les deux pratiques doivent-elles être comparées (ou non) ? 14. Quel public vient voir les femmes jouer ? Quelles différences par rapport aux hommes ? 15. Comment qualifieriez-vous une « vraie femme » ? De quelle manière la sportive en fait partie ? 133 16. Quels sont les styles vestimentaires, les apparences physiques dans l’équipe ? Comment est perçue l’homosexualité au sein de l’équipe, voire du club ? Questions de clôture 17. Quel est votre avis sur le monde footballistique et son implication dans le football féminin ? 18. Comment situez-vous le football féminin dans 10 ans ? 19. Désirez-vous rajouter quelque chose concernant l’entretien et le football féminin ? Questions personnelles supplémentaires 20. Dans quel club êtes-vous ? Depuis quand ? Quel rôle jouez-vous dans ce club ? 21. Quel est votre âge ? 22. Dans quel contexte familial avez-vous vécu (frères/sœurs, parents, etc.) ? Qui pratique autour de vous ? 22. Quelle est votre profession actuelle ? Domaine d’études ? Grille de questions pour les officiels Questions biographiques 1. Quel est votre parcours sportif/professionnel, depuis votre enfance jusqu’à aujourd’hui ? 2. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous diriger dans le football ? 3. Pour quelles raisons avez-vous accédé à cette fonction d’encadrement du football féminin ? Questions « d’expert » 4. Pourriez-vous m’expliquer les étapes de pratique d’une fille, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte et ses possibilités à Neuchâtel ? 5. Pourriez-vous m’expliquer le fonctionnement du football féminin suisse et neuchâtelois ? 6. Depuis quand la section féminine existe-t-elle dans le canton de Neuchâtel ? 7. Quelles particularités existent dans la gestion des équipes féminines ? 134 8. Quelles différences y a-t-il entre les hommes, les femmes et les juniors dans les moyens mis en place ? 9. Que pouvez-vous me dire sur le football féminin d’aujourd’hui ? Dans ses évolutions ? 10. Où se situe le canton de Neuchâtel par rapport aux autres cantons ? Pour quelles raisons ? 11. Quelle est la proportion de femmes dans l’administration/l’encadrement ? Q1 : Quels sont les éléments qui influencent les joueuses de football dans leur volonté de pratiquer ce sport masculin ? 12. Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent les filles à pratiquer le football ? Q2 : Quelles sont les raisons qui poussent les femmes à arrêter le football en masse dès l’adolescence ? 13. Comment pensez-vous que les filles vivent le fait de devoir quitter les garçons à l’adolescence ? Quel regard portez-vous sur ce passage de mixte à unisexe à l’adolescence ? 14. Quels changements apercevez-vous dans les effectifs à ce moment-là ? Q3 : Quelles sont les raisons qui poussent un moindre nombre de femmes à continuer la pratique du football après l’adolescence ? 15. Quels contacts entretenez-vous avec les équipes féminines ? En comparaison des équipes masculines ? 16. Comment qualifieriez-vous le football féminin ? Comment vous situez-vous par rapport au football masculin ? Dans quelles mesures les deux pratiques doivent-elles être comparées (ou non) ? 17. Quel public vient voir les femmes jouer ? Quelles différences par rapport aux hommes ? Et les médias ? 18. Comment qualifieriez-vous une « vraie femme » ? De quelle manière la sportive en fait partie ? Questions de clôture 135 19. Quel est votre avis sur le monde footballistique et son implication dans le football féminin ? 20. Comment situez-vous le football féminin dans 10 ans ? 21. Désirez-vous rajouter quelque chose concernant l’entretien et le football féminin ? Questions personnelles supplémentaires 22. Quel rôle jouez-vous dans le football neuchâtelois/suisse ? Quelle est votre fonction ? 23. Quelle est votre formation professionnelle ? Domaine d’études ? 24. Quel est votre âge ? 25. Dans quel contexte familial avez-vous vécu (frères/sœurs, parents, etc.) ? Qui pratique autour de vous ? 136