La Cour d’Appel de Paris a autorisé le 29 octobre le parquet national financier (PNF) à demander de nouvelles mises en examen pour les anciens dirigeants d’Areva, dont l’ex-PDG Anne Lauvergeon. Elle est soupçonnée d’avoir tenté de dissimuler des pertes liées à l’achat du groupe minier canadien Uramin en 2007. Concernant ce dossier, Anne Lauvergeon a déjà été mise en examen en 2016 pour diffusion d’informations trompeuses et présentation de comptes annuels inexacts. Cette avalanche de procédures a valu à l’ex-sherpa de François Mitterrand d’être mise à l’écart par une bonne partie de l’establishment. Ces dernières années, elle a ainsi quitté les conseils d’administrations de Total (en mai 2015) et d’Airbus (en mai 2016). A la tête de sa structure de conseil et d’investissements, baptisée ALP, l’agrégée de sciences physiques, diplômée de l’Ecole normale supérieure et ancienne du corps des mines conserve cependant une indéniable cote à l’étranger ou ses déboires avec la justice française ne l’empêche pas de siéger à des conseils aussi prestigieux que ceux d’American Express (États-Unis), Rio Tinto (Australie) ou Koç Holding (Turquie).
Poste-clé au conseil de Suez
En France, elle conserve aussi un poste-clé au cœur des grandes manœuvres auxquelles se livre l’Etat actionnaire. Fin 2014 elle a en effet été nommée au conseil d’administration de Suez ou elle préside le Comité des nominations et de la gouvernance dont font partie Valerie Bernis, autre proche du président du conseil de Suez Gérard Mestrallet, mais aussi Nicolas Bazire, l’un des lieutenants de Bernard Arnault chez LVMH ou encore le banquier suisse Lorenz d’Este. Très assidue, l’administratrice Lauvergeon, qui a touché l’an dernier un peu plus de 57 000 euros de jetons de présence, a en charge un épineux dossier. En effet, l’instance qu’elle préside au sein du conseil a notamment en charge "de préparer en temps utile des recommandations pour la succession du directeur général et, le cas échéant, du président du conseil d’administration." Or, les deux postes occupés respectivement par Jean-Louis Chaussade, 66 ans, et Gérard Mestrallet, 69 ans, devraient changer de titulaires l’an prochain.
Pépy nommé président?
Pour la présidence, le scénario qui revient est celui d’une nomination de Jean-Louis Chaussade, mais le nom de Guillaume Pépy, patron de la SNCF mais aussi administrateur de Suez, circule également. Pour la direction générale, après quelques auditions externes, le choix du comité des nominations s’est resserré autour de deux candidatures internes : Marie-Ange Debon (HEC, Ena) qui depuis mars 2018, est "directeur général adjoint en charge de la France, de l’Italie et de l’Europe Centrale" ; et Bertrand Camus, diplômé de l’école nationale des Ponts et Chaussées, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans le groupe pour être nommé cette année directeur général adjoint "en charge des zones Afrique, Moyen Orient, Inde, Asie et Australie-Pacifique". Le processus de nomination du successeur de de Jean-Louis Chaussade aurait pris du retard en raison notamment des hésitations d’Engie sur l’avenir de sa participation de 32% au capital de Suez.
Privatisation d'Engie à venir
Bercy, via l’Agence des participations de l’Etat presse depuis quelques semaines le management d’Engie à se décider sur la cession de cet actif. Une opération stratégique, en raison des activités de Suez mais aussi car elle déterminera la façon et le prix auquel l’Etat compte va se désengager d’Engie, ou il détient 24,1% du capital et plus d’un tiers des droits de vote. Cette privatisation, qui pourrait rapporter environ 6 milliards d’euros à l’Etat est programmée à partir d’avril prochain, date à laquelle sera promulguée la loi Pacte qui prévoit expressément l'opération. D’ici là, Isabelle Kocher et Jean-Pierre Clamadieu, le duo à la tête d’Engie, devra avoir statué sur sa participation dans Suez, valorisée 2,5 milliards d’euros ; et Anne Lauvergeon donné ses « recommandations » pour le choix des nouveaux dirigeants du groupe.Tout en gérant ses relations compliquées avec la justice.