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Sidérurgie, Arcelor Mittal, Grandrange...Un ex-ministre de l'Economie se lâche devant les députés

Interrogé par une commission parlementaire, Francis Mer qui a géré la privatisation d'Usinor-Sacilor n'a pas tari d'éloges sur Lakshmi Mittal. Et dit tout le mal qu'il pense de Montebourg, des syndicalistes et des Chinois.
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Francis Mer ex-ministre de l'Economie.
Issu du monde de l'industrie (Saint-Gobain, Arcelor...) Francis Mer a été ministre de l'Economie sous Jacques Chirac (2002-2004). Il a précédé à ce poste Laurent Fabius et l'a cédé à Nicolas Sarkozy.
Photo SIMON ISABELLE/SIPA

La commission d’enquête parlementaire sur l’avenir de la sidérurgie créée fin janvier à l’initiative des députés communistes et Front de gauche, dans la foulée de l’affaire Florange, auditionnait Francis Mer ce mercredi matin. L’ancien dirigeant d’Usinor, qui deviendra Arcelor puis ArcelorMittal, n’a pas forcément tenu le discours attendu. L’actuel vice-Président du groupe Safran, qui fut le premier à négocier avec Lakshmi Mittal, en lui cédant en 1999 le site industriel de Gandrange (Unimétal), a tenu un discours "sans langue de bois". Chacun en a pris pour son grade.

Les Chinois, d’abord: "Comment en est-on arrivé là? C’est à cause des Chinois ! Il y a quinze ans, ils n’existaient tout simplement pas et aujourd’hui ils représentent 50% de la demande et de la production d’acier mondiales !"

Milton Friedman est, selon lui, le grand responsable: "La raison d’être d’une entreprise est de dégager des profits pour donner du pouvoir d’achat. Tout a basculé en 1970, quand Friedman a écrit dans le New York Times que la seule légitimité d’une entreprise était de créer de la valeur pour ses actionnaires. C’est la date de naissance du capitalisme qui déraille."

Les patrons ne trouvent pas plus de grâce aux yeux de l’ancien ministre des Finances : "Quand j’entends le patronat expliquer que le problème de la France c’est le coût du travail, cela me rend honteux. Le patronat est honteux! Ce sont les mêmes qui ne veulent pas faire de gros efforts de formation de leurs personnels de peur que la concurrence ne leur pique! Voilà une grande différence entre la France et l’Allemagne, beaucoup plus que le coût du travail!"

Les politiques ont aussi droit à leur volée de bois vert.  Francis Mer ne croit pas du tout à une loi sur la cession des sites rentable : "J’aimerais bien voir comment vous allez l’écrire celle-là ! D’abord, en tant qu’industriel, il est normal de concentrer ses capacités, quand il y en a trop comme c’est le cas aujourd’hui dans la sidérurgie mondiale. Et je dois me concentrer sur mes meilleurs outils. Les autres ne sont pas forcément mauvais, comme ce qui s’est passé à Florange. Mais, ensuite, vous me demandez de céder ces outils à un autre, vous aurez beaucoup de monde, bien sûr. Offrir sur un plateau une clientèle comme PSA ou Volkswagen à un autre? Evidemment que Mittal ne veut pas!"

Pas plus qu’à la nationalisation: "Nationaliser une usine qui est dans un groupe est tout simplement impossible. Vous n’avez pas le droit ! Je suis allé voir Arnaud Montebourg, en novembre, pour lui dire qu’il allait se flinguer, soir par son gouvernement, soit par le droit français et européen."

Arnaud Montebourg n’est clairement pas non plus son ami: "Quand vous passez deux heures avec quelqu’un qui est incapable d’admettre qu’il va dans le mur, pour servir des intérêts purement personnels, c’est inquiétant. D’autant qu’il a la confiance des gens."

Les syndicalistes, enfin. Francis Mer prévient les députés : "J’espère que vous allez vous les payer eux aussi. Mais n’oubliez pas que cela fait 30 ou même 40 ans que l’on connaît la situation de Florange. A tel point que c’est même de Florange que l’on a décidé de créer le site de Fos-sur-Mer, car on voyait bien que tôt ou tard la Lorraine était condamnée, sans charbon, sans fer, sans accès portuaire ! S’ils vous disent qu’ils ne savaient pas… c’est un mensonge."

Le seul qui trouve grâce à ses yeux? Lakshmi Mittal

Finalement, il n’y en a qu’un qui mérité ses louanges : Lakshmi Mittal, le coup de grâce pour des députés… médusés : "Vous avez tord de penser que Monsieur Mittal n’a qu’un objectif financier. Je pense que c’est un homme qui a envie d’exister. Il n’a pas trop mal réussi d’ailleurs. Surtout, c’est l’archétype de l’entrepreneur, qui prend des risques, réussit parfois, mais pas toujours. S’il veut restaurer sa rentabilité aujourd’hui, ce n’est pas pour l’argent, mais pour grandir. Et, notamment, un jour, aller en Inde, où il n’est toujours pas. Mais pour cela, il aura besoin de solides bases arrière en Europe."

C’est d’ailleurs ce qui le rend confiant pour la sidérurgie européenne et qui lui permet, enfin, d’adresser un message rassurant à ses interlocuteurs : "Je ne crois pas du tout que Mittal fermera ses usines européennes ou françaises, tout simplement parce que ce sont ses meilleures ! C’est très simple, Mittal a bâti son groupe avec toutes les affaires dont Arcelor n’a pas voulu. Aux Etats-Unis, en Algérie… Je le sais puisque c’est moi-même qui les refusais ! Il est même venu nous demander un coup de main, en 2000 quand son château de cartes manquait de péricliter. Mais on a refusé. C’est finalement la Maison Blanche qui l’a sauvé, en instaurant des quotas, puis la fulgurante reprise économique de 2002 à 2008. Mais jamais il ne décidera de fermer ses usines en France."

Mer paraît oublier qu'en 10 ans, de l'eau a coulé sous les ponts

Disant cela, l'ex-ministre qui fêtera en mai ses 74 ans reconnaît toutefois ne pas être très au fait de l’état actuel des sites industriels d’Arcelor Mittal en Europe. En effet : son constat date… de 2002, quand il a quitté Arcelor! Nombreux sont ceux qui, ayant disposé plus récemment, s’alarment du manque d’investissement dont ont bénéficié les installations européennes de Mittal. Deux fois moins que son grand concurrent Thyssenkrupp, aux dires d’un récent affranchi. En revanche, ses outils brésiliens sont, eux, encore très performants.

Le magnat indien de l’acier a même fait une offre de reprise de l’usine brésilienne flambant neuve que le sidérurgiste Allemand, après plusieurs milliards d’euros d’investissement, est contraint de vendre sous la pression de sa dette. Si ArcelorMittal venait à gagner cette affaire, il sera temps de s’inquiéter de cette solide position brésilienne qui pourra parfaitement lui servir de "solide base arrière" pour conquérir l’Inde.

 

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