Chapitre 14Désordres oculomoteurs neurogènes et myogènes

F. Audren, C. Bok-Beaube, Ch. Costet, D. Denis, P.-F. Kaeser, G. Klainguti, F. Oger-Lavenant, A. Sauer, C. Speeg-Schatz, E. Zanin

Troubles oculomoteurs supranucléaires
F. Oger-Lavenant

Les troubles oculomoteurs supranucléaires, encore appelés syndromes ou paralysies supranucléaires ou paralysies de fonction ou paralysies oculomotrices centrales, sont dus à une atteinte des voies contrôlant la motricité conjuguée, c’est-à-dire des voies supranucléaires du système oculomoteur efférent. Les lésions supranucléaires affectent presque toujours les deux yeux simultanément. Aussi la diplopie est-elle le plus souvent absente du tableau clinique, ce qui retarde le diagnostic lorsque le tableau oculomoteur est le premier signe de l’atteinte neurologique.

La motricité conjuguée comprend donc les mouvements de version mais l’oculomotricité centrale concerne également la fixation oculaire, le réflexe vestibulo-oculaire et le nystagmus optocinétique. Il est habituel de joindre à la motricité conjuguée la motricité disconjuguée, c’est-à-dire les mouvements de vergence, car ils sont supranucléaires.

Les voies supranucléaires comprennent toutes les régions prémotrices et motrices des cortex frontal et pariétal, le cervelet, les ganglions de la base, les colliculus supérieurs, le thalamus ainsi que des centres du tronc cérébral (formation réticulée pontique paramédiane, intégrateurs neuronaux) et les noyaux vestibulaires.

En pratique, les atteintes le plus fréquemment rencontrées par l’ophtalmologiste sont celles du tronc cérébral où tous les circuits issus des zones suscitées convergent et se trouvent rassemblés. Nous verrons également les atteintes hémisphériques les plus fréquentes.

Nous verrons donc successivement l’examen pratique des mouvements oculaires, les syndromes oculomoteurs du tronc cérébral et, conjointement, leur localisation anatomique, et nous terminerons par les atteintes hémisphériques.

La connaissance de l’anatomie du tronc cérébral permet de faire le diagnostic des principaux syndromes supranucléaires, tels que l’ophtalmoplégie internucléaire, le syndrome « un et demi » de Fischer et les paralysies de fonction horizontales et verticales même débutantes.

Deux syndromes présents chez de jeunes enfants sont vus en premier par l’ophtalmologiste : la paralysie dite « des deux élévateurs » pour un pseudo-ptosis et l’apraxie oculomotrice congénitale de Cogan pour un tableau de malvoyance.

ÉTUDE CLINIQUE DE L’OCULOMOTRICITÉ

L’examen de l’oculomotricité centrale [40] (fig. 14-1) étudie la fixation oculaire, les saccades, les mouvements de poursuite, la convergence, le réflexe vestibulo-oculaire et le nystagmus optocinétique. Chaque mouvement est géré par une voie spécifique ; leur action finale est de maintenir la position des deux yeux sur une cible d’intérêt et d’assurer des mouvements appropriés sur des zones d’intérêt.

Les mouvements oculomoteurs comprennent les mouvements rapides représentés par les saccades et la phase rapide du nystagmus optocinétique, les mouvements lents représentés par la poursuite et le réflexe oculocéphalique et la convergence (cf. chapitre 21).

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Fig. 14-1 Bases anatomiques de l’oculomotricité centrale.

III, nerf oculomoteur ; IV, nerf trochléaire ; VI, nerf abducens ; MA, moelle allongée ; P, pont ; C, cervelet ; M, mésencéphale ; Th, thalamus ;

CP, cordon postérieur ; FLM, faisceau longitudinal médian ; riFLM, noyau rostral interstitiel du FLM ; NR, noyau rouge ; fr III, fibres radiculaires du III ; fr VI, fibres radiculaires du VI ; FRPP, formation réticulée pontique paramédiane ; NV, noyau du V (nerf trijumeau).

STABILITÉ OCULAIRE

La fixation oculaire a pour fonction de maintenir l’image d’un objet sur la fovéa.

La fixation oculaire ayant pour fonction de supprimer des mouvements oculaires involontaires, la survenue de toute saccade involontaire (intrusions saccadiques et leurs manifestations : les ondes carrées) ou de nystagmus spontané est pathologique.

SACCADES

Les saccades ont pour but de placer rapidement la fovéa sur une cible d’intérêt, ce sont des mouvements balistiques qui ne peuvent pas être modifiés après leur initiation.

Les saccades peuvent être volontaires, automatiques d’origine sensorielle (attraction visuelle ou auditive) ou réflexes d’origine vestibulaire ou constituer la phase rapide des nystagmus.

L’examen des saccades est le point de départ de l’examen oculomoteur et porte essentiellement sur les saccades volontaires. On demande au sujet de bouger rapidement son regard entre deux cibles visuelles. Les saccades sont étudiées dans les quatre directions (haut, bas, versions droite et gauche). On apprécie leur latence, leur vitesse, leur conjugaison, leur amplitude (donc leur précision : hypométrie ou hypermétrie) et la fixation excentrée.

Quand l’examen des saccades est réalisé de façon rigoureuse, il est le plus souvent normal. L’étude de la poursuite est sans valeur localisatrice réelle et très vulnérable à des circonstances non neurologiques. Elle est inutile.

Si dans une des phases de l’examen une anomalie est relevée, on doit alors tester les réflexes oculocéphaliques (cf. infra) ; dans le cas d’une atteinte des saccades d’adduction, la convergence sera à son tour évaluée.

POURSUITE

Le système de poursuite permet une vision optimale en maintenant les objets en mouvement sur les fovéas. L’examen se fait en demandant au sujet de suivre du regard une cible visuelle en mouvement horizontal puis vertical, la tête et le corps restant immobile. Les mouvements de poursuite ne peuvent se produire que si le sujet fixe son regard sur une cible. Le mouvement de la cible ne doit pas dépasser 30° par seconde. Quand les mouvements de poursuite sont en retard par rapport à la cible, on observe une saccade de rattrapage pour recentrer les yeux sur la cible.

RÉFLEXE VESTIBULO-OCULAIRE

Le réflexe vestibulo-oculaire a pour but de maintenir l’image de manière stable sur la rétine lors des mouvements brefs de rotation de la tête comme ceux de la marche. Un dysfonctionnement du réflexe vestibulo-oculaire peut se manifester par un nystagmus spontané. En pratique, nous examinons le réflexe oculocéphalique en demandant au sujet de fixer une cible droit devant pendant que nous imprimons à sa tête des mouvements horizontaux brefs. Pendant cette manœuvre, les yeux doivent se déplacer passivement dans l’orbite dans le sens opposé au mouvement.

VERGENCE

Les mouvements oculaires de vergence orientent les yeux en direction opposée, permettant ainsi le maintien d’une cible visuelle sur la fovéa alors que la cible s’approche du sujet. Le substrat neuronal de la vergence est imparfaitement connu chez l’homme car cette fonction implique la vision binoculaire, l’accommodation qui stimule la convergence et réciproquement, ainsi que le jeu pupillaire (triade accommodation, convergence, myosis).

Physiologiquement, nous effectuons des vergences de refixation qui ne sont pas toutes médio-nasales — passage d’une cible en vision de loin à une cible en vision de près et souvent axial droit ou gauche — et non des vergences guidées, qui s’épuisent rapidement même chez un sujet normal.

L’examen doit donc faire fixer un optotype en vision de loin puis des lettres ou un dessin avec des détails précis en vision de près.

NYSTAGMUS OPTOCINÉTIQUE

Le nystagmus optocinétique assure le maintien stable des images sur la rétine lors des mouvements soutenus de la tête ou de l’environnement.

Son évaluation correcte en clinique nécessite un stimulus rotatoire qui remplit tout l’espace visuel, le tambour optocinétique (tambour de Barany) alternant des bandes sombres et claires sous-tend seulement une partie du champ visuel. L’examen du nystagmus optocinétique ne fait donc pas partie d’un examen de routine.

ENREGISTREMENT ÉLECTRO-OCULOGRAPHIQUE DES MOUVEMENTS OCULOMOTEURS

Il permet d’apprécier des anomalies débutantes traduites par un ralentissement du mouvement et remédie au défaut de l’observateur qui, lorsqu’il observe des saccades, en effectue lui-même. En effet, pendant la saccade, il se produit une dépression visuelle qui peut empêcher l’observateur d’analyser finement celle du patient.

AU TERME DE L’EXAMEN

La démarche clinique est résumée sur un arbre décisionnel (fig. 14-2).

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Fig. 14-2 Arbre décisionnel : examen oculaire pratique.

OIN, ophtalmoplégie internucléaire.

(D’après Vignal C., Miléa D., 2002 [72].)

ATTEINTES OCULOMOTRICES DU TRONC CÉRÉBRAL

Les atteintes oculomotrices du tronc cérébral [60] concernent les mouvements conjugués latéraux ou les mouvements verticaux. Les atteintes permettent le plus souvent de situer le niveau de la lésion : ainsi, on peut préciser au neuroradiologue les zones à explorer en priorité.

Nous avons volontairement séparé les atteintes centrales monoculaires fréquemment isolées au début et les atteintes binoculaires rapidement associées à des troubles neurologiques extraoculaires.

ATTEINTES MONOCULAIRES

En raison de leur caractère unilatéral le plus souvent (au moins au début), ces pathologies sont vues en premier par l’ophtalmologiste ou l’orthoptiste.

Ophtalmoplégie internucléaire

L’atteinte la plus fréquente est l’ophtalmoplégie internucléaire (fig. 14-3 et 14-4) caractérisée par l’atteinte isolée de l’adduction lors des mouvements latéraux, la convergence étant respectée quand la lésion n’atteint pas les pédoncules cérébraux : le patient se plaint soit d’une gêne lors des saccades horizontales dans les formes débutantes soit d’une diplopie fugace dans les formes plus avancées. L’examen retrouve lors des mouvements horizontaux une lenteur d’adduction unilatérale ou bilatérale selon l’importance de la lésion, les yeux ne présentant pas de déviation horizontale en position primaire contrairement à une atteinte du noyau du III. Sur l’œil controlatéral au globe dont l’adduction est limitée, c’est-à-dire sur l’œil en abduction, on observe des secousses nystagmiques (nystagmus de Harris). L’ophtalmoplégie internucléaire peut être unilatérale ou bilatérale. Son étiologie chez un sujet jeune est en général une sclérose en plaques, alors que chez un sujet plus âgé les causes vasculaires ou tumorales prédominent. La lésion est située sur le faisceau longitudinal médian ipsilatéral au déficit d’adduction.

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Fig. 14-3 Ophtalmoplégie internucléaire : lésion du faisceau longitudinal médian (FLM).

DL, droit latéral ; DM, droit médial.

(D’après Vignal C., Miléa D., 2002 [72].)

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Fig. 14-4 Ophtalmoplégie internucléaire.

Syndrome « un et demi » de Fischer

Le syndrome « un et demi » (fig. 14-5) associe une paralysie de latéralité dans un sens et une paralysie de l’adduction dans l’autre sens : l’œil ipsilatéral à la lésion n’a plus de mouvements horizontaux et l’œil controlatéral n’effectue qu’un mouvement d’abduction. La lésion englobe le noyau du VI et le faisceau longitudinal médian. L’étiologie est vasculaire ou tumorale.

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Fig. 14-5 Syndrome « un et demi ».

C, syndrome prémoteur de la convergence ; FLM, faisceau longitudinal médian.

(D’après Vignal C., Miléa D., 2002 [72].)

Paralysie dite « des deux élévateurs »

En règle générale, il s’agit d’un enfant adressé pour ptosis unilatéral chez lequel on découvre sur cet œil un déficit d’élévation à peu près identique en adduction et en abduction (fig. 14-6). Lorsque l’œil paralysé fixe, il se place en position primaire faisant disparaître le ptosis ou le réduisant considérablement, le ptosis étant dû à l’hypotropie du globe paralysé. Il existe une forme minime sans ptosis avec simplement un déficit unilatéral d’élévation. En fait, il s’agit vraisemblablement d’une atteinte congénitale du noyau du droit supérieur (controlatéral à l’œil atteint) qui est le principal élévateur de l’œil, l’oblique inférieur étant essentiellement extorseur et élévateur accessoire en adduction. Le signe de Charles Bell est présent, contrairement à une paralysie du III. Il s’agit donc d’une paralysie monoculaire de l’élévation.

Devant tout ptosis, un déficit d’élévation conduit à régler chirurgicalement en premier l’hypotropie et en second un éventuel ptosis résiduel, inverser cette séquence expose à une exposition cornéenne délétère.

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Fig. 14-6 Paralysie dite « des deux élévateurs ».

TROUBLES DE L’OCULOMOTRICITÉ HORIZONTALE

Les paralysies centrales du regard horizontal indiquent une lésion au niveau de la protubérance ; les déviations horizontales du regard entraînant une position anormale de la tête impliquent des structures plus dispersées dans le système nerveux central.

La paralysie du regard horizontal comprend :

  • sur un œil une paralysie de l’abduction ;

  • sur l’autre œil une paralysie de l’adduction avec préservation de la convergence.

Quand cette atteinte intéresse les saccades et le réflexe oculocéphalique, il existe une lésion du noyau du VI ipsilatéral au déficit d’abduction. En fait, l’atteinte isolée est rare car la lésion inflammatoire ou vasculaire intéresse également les fibres radiculaires du nerf facial toutes proches, une paralysie faciale périphérique ipsilatérale est donc rapidement associée.

Quand il existe une atteinte bilatérale des noyaux du VI, la paralysie du regard horizontal est bilatérale. Le tableau se présente souvent en deux temps, une ophtalmoplégie internucléaire ouvrant le tableau clinique.

TROUBLES DE L’OCULOMOTRICITÉ VERTICALE

Les déficits de l’oculomotricité verticale impliquent des lésions bilatérales ou médianes du tronc cérébral. Quand l’oculomotricité horizontale est préservée, la lésion se situe au niveau du mésencéphale.

Syndromes des fibres radiculaires du III

Les fibres peuvent être atteintes entre le noyau du III et leur émergence du tronc cérébral par, le plus souvent, une atteinte vasculaire. Si la lésion est petite, on observe une atteinte partielle du III. Mais le plus souvent, en raison des structures voisines et de l’étendue de la lésion, s’associent des signes neurologiques extraoculaires comme un syndrome pyramidal controlatéral (syndrome de Weber) ou un syndrome cérébelleux controlatéral (syndrome de Claude).

Syndrome du noyau du III

Le patient présente d’un côté une paralysie du III totale et de l’autre un déficit isolé de l’élévation responsable d’une hypotropie du globe. Selon l’importance de la lésion, souvent vasculaire, on peut observer des ptosis bilatéraux ou des mydriases bilatérales.

Syndromes de Parinaud

Sous ce terme, on regroupe les atteintes des saccades vers le haut et/ou le bas ; le réflexe oculocéphalique vertical est respecté dans tous les cas. La lésion se situe à la jonction mésodiencéphalique.

Lorsque la paralysie atteint simultanément le regard vers le haut et le bas ou uniquement le regard vers le bas, l’atteinte est bilatérale, comme dans la paralysie supranucléaire progressive (maladie de Steele-Richardson-Olszewski) où existe une dégénérescence des noyaux riFLM (noyaux rostraux interstitiels du faisceau longitudinal médian).

Quand la paralysie n’existe que vers le haut, l’atteinte est unilatérale au niveau ou près de la commissure postérieure. Ce tableau clinique, plus fréquent, témoigne de lacunes, de lésions inflammatoires ou tumorales. En raison de la situation de la lésion dans la partie haute du tronc cérébral, une paralysie du IV peut être associée.

Devant toute paralysie acquise non traumatique du IV, il faut rechercher un déficit bilatéral d’élévation, témoin d’une atteinte tumorale souvent.

ATTEINTES OCULOMOTRICES DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX

On observe une déviation conjuguée des yeux mais les réflexes oculocéphaliques sont conservés. Ces atteintes se rencontrant dans des phases aiguës sont en général du ressort du réanimateur ou du neurologue, elles témoignent de l’étendue des lésions hémisphériques et sont associées à des déficits sensitivomoteurs des membres en sens opposé. Mais on peut observer des déviations séquellaires des yeux responsables d’une position compensatrice de la tête, très inesthétique et éprouvante pour le patient, du côté de la paralysie de fonction. Il s’agit de séquelles soit neurochirurgicales soit infectieuses. Ces patients peuvent être grandement soulagés par une chirurgie oculomotrice de type Kestenbaum-Anderson. Si le patient a une déviation permanente des yeux vers la gauche, l’œil droit qui est en adduction dans l’orbite aura un renforcement du droit latéral et un affaiblissement du droit médial et l’œil gauche qui est en abduction dans l’orbite aura un renforcement du droit médial et un affaiblissement du droit latéral. Les quantités de chirurgie sont fonction de l’importance du torticolis.

APRAXIE OCULOMOTRICE

Les saccades et la poursuite horizontales sont absentes. Seul le réflexe oculocéphalique permet au patient d’explorer son environnement. En déplaçant sa tête latéralement, il entraîne le déplacement de ses globes oculaires.

Forme acquise

Ce tableau peut être acquis dans des lésions touchant bilatéralement les lobes frontaux et pariétaux et sera associé à des signes neurologiques extraoculaires qui conduisent les patients en premier en consultation de neurologie.

Forme congénitale

Il faut connaître la forme congénitale car il s’agit de nourrissons adressés pour malvoyance. En effet, ils ne semblent jamais regarder au bon endroit et présentent des mouvements céphaliques latéraux afin d’amener les yeux sur la cible. Ce tableau est connu sous le nom d’apraxie oculomotrice congénitale de Cogan. Elle peut être isolée et les signes s’amenuisent au fur et à mesure des années mais elle peut être associée à des affections gravissimes (maladie de Joubert, de Pelizaeus-Merzbacher…). Dans la forme congénitale isolée, seule l’horizontalité est affectée.

Toute anomalie extraoculaire, telle qu’une hypotonie, doit entraîner un bilan neuropédiatrique.

ANOMALIES DE LA VERGENCE
Anomalies de la convergence

Elles se présentent soit sous forme de paralysie soit sous forme de spasme.

Lorsque le déficit de convergence est isolé, en règle il n’implique pas de pathologie grave sous-jacente mais, parfois, il peut précéder l’installation de signes témoins de lésions neurologiques graves.

Cliniquement, le patient se plaint de diplopie dans le regard de près. En cas de déficit neurologique, l’examen retrouve une difficulté de convergence, l’adduction étant normale, avec le respect de l’accommodation et du myosis dans la vision de près. Devant ce tableau, il faut rechercher un déficit d’élévation voire un nystagmus retractorius observé sur un patient examiné de profil.

Le spasme de convergence pathologique est le témoin d’une atteinte bilatérale mésencéphalique ou mésodiencéphalique et s’accompagne de myosis.

Anomalies de la divergence

Cliniquement, on observe une ésophorie associée à une diplopie en vision de loin.

Cette entité est controversée quant à un centre de la divergence, mais il semblerait davantage s’agir de réseaux neuronaux dispersés dans le tronc cérébral [61].

Conclusion

Outre l’examen des ductions, l’examen oculomoteur doit apprécier les versions horizontales et verticales tant sur le plan volontaire que réflexe et automatique si on veut dépister précocement une pathologie oculomotrice supranucléaire. Certains tableaux cliniques sont vus en premier par l’ophtalmologiste : lorsqu’une diplopie fugace ouvre le tableau clinique comme dans les atteintes monoculaires supranucléaires, ou lorsqu’une gêne à la lecture ou à l’exploration de l’espace survient comme dans les atteintes de la verticalité ou de l’horizontalité. Ces constatations imposent alors de faire appel au neurologue ou au neuroradiologue.

Paralysie du nerf oculomoteur (III)
Ch. Costet

Le nerf oculomoteur, ou III (ancien nerf moteur oculaire commun), innerve extrinsèquement les muscles droit supérieur, droit médial, droit inférieur, oblique inférieur, releveur de la paupière supérieure, et intrinsèquement par ses fibres parasympathiques, le sphincter de l’iris et le muscle ciliaire. La complexité de cette innervation explique les tableaux cliniques multiples des paralysies du nerf oculomoteur, paralysies oculomotrices les plus fréquentes après celles de la sixième paire crânienne. Un examen clinique initial soigneux doit permettre d’effectuer un diagnostic positif rapide et d’orienter les examens complémentaires : l’analyse de l’atteinte pupillaire est capitale pour rechercher un anévrysme de l’artère communicante postérieure, dont la rupture peut engager le pronostic vital.

RAPPEL ANATOMIQUE

Le noyau du nerf oculomoteur (fig. 14-7), situé en position paramédiane au niveau du tegmentum mésencéphalique, est en réalité composé de plusieurs noyaux, chacun innervant un muscle propre [81]. Le noyau dorsal innerve le muscle droit inférieur, le noyau ventral le droit médial, le noyau intermédiaire l’oblique inférieur, le noyau médian le droit supérieur, le noyau caudal central le releveur de la paupière supérieure, et le noyau d’Edinger-Westphal assure l’innervation parasympathique. Chaque noyau est double et innerve son muscle ipsilatéralement, à deux exceptions près :

  • le noyau médian innerve le muscle droit supérieur controlatéral ;

  • un seul noyau (le noyau caudal central) innerve les deux muscles releveurs de la paupière supérieure.

Ces particularités anatomiques expliquent l’aspect clinique spécifique des paralysies nucléaires du nerf oculomoteur.

Les fibres du III, issues de l’ensemble des noyaux d’un côté et du noyau médian controlatéral, se rassemblent pour émerger à la partie antérieure du tronc cérébral, au niveau de la fosse interpédonculaire. À ce niveau, elles entrent en rapport avec le polygone de Willis, avec possibilité de compression anévrysmale. Après avoir traversé la citerne interpédonculaire, elles cheminent le long de la tente du cervelet et pénètrent le toit du sinus caverneux. Dans ce trajet, le nerf oculomoteur est accolé sous le lobe temporal, expliquant qu’il puisse être étiré ou comprimé en cas d’engagement temporal — mydriase due à la souffrance des fibres iridoconstrictives, les plus supérieures. Les fibres du nerf oculomoteur parcourent ensuite la partie latérale du sinus caverneux et se divisent en deux branches au niveau de la fente sphénoïdale avant de pénétrer dans l’orbite :

  • la branche supérieure innerve le muscle droit supérieur et le releveur de la paupière supérieure ;

  • la branche inférieure innerve les muscles droit médial, droit inférieur et oblique inférieur.

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Fig. 14-7 Rapport du nerf oculomoteur avec le polygone de Willis.

1. Artère communicante postérieure. 2. Bifurcation du tronc basilaire. 3. Nerf oculomoteur. 4. Artère cérébrale postérieure. 5. Nerf trochléaire. 6. Artère cérébelleuse supérieure. 7. Nerf abducens. 8. Artère communicante antérieure. 9. Artère cérébrale antérieure. 10. Artère cérébrale moyenne. 11. Artère carotide interne.

(D’après Jacob-Lebas M., Vignal-Clermont C., 2011 [32].)

DIAGNOSTIC CLINIQUE

La paralysie du nerf oculomoteur a des aspects cliniques multiples. L’examen séméiologique doit déterminer précisément le trouble oculomoteur (atteinte extrinsèque) et la présence d’une atteinte pupillaire (atteinte intrinsèque). La paralysie peut être complète ou partielle [47]. Des signes de régénération aberrante ou des paralysies d’autres paires crâniennes rendent parfois le tableau encore plus complexe.

Une variabilité de la symptomatologie dans le temps doit toujours faire évoquer le diagnostic de myasthénie.

PARALYSIE COMPLÈTE

Le patient se présente avec un ptosis complet, une exotropie de grand angle (conservation du tonus du muscle droit latéral), une hypotropie (préservation de la fonction d’abaissement du muscle oblique supérieur), une incyclotorsion (conservation du tonus de l’oblique supérieur) (fig. 14-8). L’analyse de la préservation de la fonction du muscle oblique supérieur peut nécessiter une étude des mouvements des vaisseaux conjonctivaux en biomicroscopie [23]. Il existe une paralysie de l’adduction (droit médial), de l’élévation (droit supérieur et oblique inférieur), de l’abaissement (droit inférieur).

Une atteinte intrinsèque associée se traduit par une mydriase aréflexique et une paralysie de l’accommodation.

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Fig. 14-8 Paralysie complète du nerf oculomoteur gauche.

a. Position primaire : exotropie, hypotropie, ptosis et mydriase gauche. b. Versions droites : limitation totale de l’adduction gauche (fonction préservée du muscle oblique supérieur gauche). c. Versions gauches : abduction gauche préservée. d. Regard vers le bas : limitation abaissement gauche. e. Regard vers le haut : limitation de l’élévation gauche.

PARALYSIE PARTIELLE

L’atteinte extrinsèque partielle peut correspondre soit à un déficit global modéré de tous les éléments oculomoteurs, soit à un déficit limité à quelques éléments.

  • Les associations classiquement plus fréquemment rencontrées sont celles correspondant à une atteinte de la branche inférieure du nerf oculomoteur (muscles droit médial, droit inférieur, oblique inférieur) (vidéos 14-1 et 14-2) ou de sa branche supérieure (muscle droit supérieur et releveur de la paupière supérieure) (vidéo 14-3).

  • À l’opposé, les atteintes monomusculaires isolées (droit supérieur, droit médial, oblique inférieur) sont exceptionnelles et doivent orienter vers une autre étiologie (traumatisme, syndrome de restriction musculaire, ophtalmoplégie internucléaire).

L’atteinte intrinsèque éventuellement associée peut aller de la mydriase aréflexique à une simple anisocorie, que seul un examen soigneux du réflexe oculomoteur peut mettre en évidence.

SIGNES DE RÉGÉNÉRATION ABERRANTE

Une rétraction palpébrale supérieure lors des mouvements d’adduction ou d’abaissement du globe, un myosis paradoxal (vidéo 14-4) peuvent apparaître en période de récupération de la paralysie. Ces phénomènes sont particulièrement retrouvés dans les contextes traumatiques, compressifs ou chez l’enfant. Ils sont exceptionnels dans le cadre d’une paralysie étiquetée ischémique.

PARALYSIES D’AUTRES PAIRES CRÂNIENNES ASSOCIÉES

Leur présence peut orienter le diagnostic topographique :

  • III, IV, V1 : fente sphénoïdale ; II associé : apex orbitaire ;

  • III, VII, hémiplégie croisée : syndrome de Weber (pied pédonculaire) (fig. 14-9) ;

  • III, IV, V1, syndrome de Claude Bernard-Horner (pouvant masquer la mydriase) : loge carotidocaverneuse ;

Une paralysie associée du IV est à rechercher dans les suites des traumatismes crâniens.

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Fig. 14-9 Syndrome de Weber par accident vasculaire cérébral, paralysies du nerf oculomoteur et du VII droits avec hémiplégie gauche.

PARALYSIE NUCLÉAIRE DU NERF OCULOMOTEUR

Des particularités anatomiques du noyau du nerf oculomoteur découle l’aspect clinique de son atteinte (vidéo 14-5) : paralysie complète du nerf oculomoteur du côté atteint, associée à une paralysie controlatérale de l’élévation (décussation seulement des fibres destinées au muscle droit supérieur), association possible unilatérale ou bilatérale d’un ptosis et/ou d’une mydriase (proximité des noyaux du releveur de la paupière supérieure et d’Edinger-Westphal).

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

La paralysie du nerf oculomoteur survient soit dans un contexte neurologique grave avec orientation diagnostique (cf. supra), soit de manière en apparence isolée. Dans ce cas, l’atteinte pupillaire et l’âge sont au cœur de la réflexion étiologique : il est fondamental de savoir diagnostiquer en urgence un anévrysme compressif, pouvant mettre en jeu le pronostic vital [38].

ÉLIMINER UNE COMPRESSION ANÉVRYSMALE

Les rapports anatomiques du nerf oculomoteur avec le polygone de Willis expliquent que le nerf soit particulièrement exposé à une compression par un anévrysme de la région : un anévrysme de l’artère communicante postérieure se manifeste dans près de la moitié des cas par une paralysie isolée du nerf oculomoteur. La fréquence de l’atteinte pupillaire (un tiers des cas) est due à la position superficielle, dorsomédiale, des fibres pupillomotrices au sein du nerf oculomoteur, ce qui les rend vulnérables à une compression dans l’espace sous-arachnoïdien.

La prise décisionnelle en urgence d’explorations neurovasculaires est aidée par la règle des cinq « P » (cf. encadré).

Règle des cinq « P »

Une paralysie du nerf oculomoteur :

  • avec une atteinte pupillaire (Pupil) ;

  • et/ou une douleur (Pain) ;

  • et/ou une atteinte oculomotrice partielle (Partial) ;

  • et/ou une atteinte oculomotrice progressive (Progressive) ;

  • et/ou chez un patient jeune (Patient) ;

doit faire réaliser en urgence une imagerie neurovasculaire (angio-IRM ou angio-TDM), complétée éventuellement par une artériographie, à la recherche d’une compression anévrysmale [12].

Des arbres décisionnels diagnostiques ont été proposés depuis 2002 dans la littérature [111238] (fig. 14-10). Ils reposent sur deux critères principaux, l’atteinte pupillaire et l’âge du sujet.

  • Tous les patients de moins de quarante ans ont un bilan neuroradiologique.

  • Les patients de plus de quarante ans avec atteinte extrinsèque complète sans atteinte pupillaire peuvent bénéficier d’une surveillance rapprochée, avec bilan vasculaire pour éliminer une maladie de Horton. En cas d’aggravation, d’apparition d’une iridoplégie ou de signes de régénération aberrante, le bilan neuroradiologique s’impose.

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Fig. 14-10 Arbre décisionnel : conduite à tenir devant une paralysie isolée du nerf oculomoteur.

(D’après Cochard-Marianowschi C., et al., 2008 [12].)

AUTRES CAUSES

L’atteinte ischémique est, pour la plupart des auteurs [4465], la cause la plus fréquente de paralysie du nerf oculomoteur chez l’adulte, notamment sur terrain vasculaire (diabète, hypertension artérielle, tabagisme, sujet âgé). L’ischémie touche les vaisseaux nutritifs destinés à la partie centrale du tronc du nerf oculomoteur, porteuse des fibres motrices extrinsèques, et peut épargner les fibres pupillomotrices plus périphériques : il en résulte une paralysie volontiers complète extrinsèque, avec le plus souvent épargne pupillaire. La paralysie nucléaire du nerf oculomoteur est également le plus souvent d’origine vasculaire.

Le traumatisme est une deuxième cause fréquente de paralysie du nerf oculomoteur [34], tant chez l’adulte que chez l’enfant.

En l’absence d’autre cause, il faut savoir évoquer une fistule carotido-caverneuse.

Les compressions tumorales malignes (primitives ou métastatiques) et bénignes (méningiomes) sont moins fréquentes : le tableau est souvent indolore, plus progressif que celui de la compression anévrysmale. Une aggravation ou l’apparition d’innervations paradoxales chez un patient porteur d’une paralysie du nerf oculomoteur, initialement étiquetée ischémique, doivent pousser à revoir le diagnostic.

Les causes inflammatoires ou infectieuses, suspectées devant un tableau clinique particulier, relèvent d’un bilan spécifique (polyneuropathie de Guillain-Barré, méningite infectieuse, lymphomateuse ou carcinomateuse).

La migraine ophtalmoplégique est un diagnostic d’élimination, à ne poser qu’après un bilan neuroradiologique complet. Elle se manifeste le plus souvent par une ophtalmoplégie récidivante douloureuse, pouvant être précédée par un ptosis, et survenant généralement du même côté. L’âge moyen d’apparition est quinze ans, mais elle peut toucher l’enfant plus jeune ou l’adulte. Chez l’enfant, le principal diagnostic différentiel est la compression du nerf oculomoteur par une tumeur de la fosse postérieure.

PARALYSIE CONGÉNITALE DU NERF OCULOMOTEUR

Rare, elle représente cependant plus d’un tiers des cas de paralysies du nerf oculomoteur chez l’enfant [50], devançant les causes traumatiques, infectieuses, tumorales et, exceptionnellement, vasculaires. Généralement unilatérale isolée, elle s’accompagne très fréquemment de signes de régénération aberrante (myosis, syncinésies palpébrales) (fig. 14-11 et vidéo 14-6).

Les mécanismes impliqués sont multiples : traumatisme à la naissance (forceps), hypoxie néonatale, agénésie ou hypoplasie du nerf oculomoteur pouvant être mise en évidence en IRM à haute résolution [41].

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Fig. 14-11 Paralysie du nerf oculomoteur gauche congénitale.

Mydriase gauche, hypotropie gauche prédominant sur l’exotropie par paralysie de l’élévation et parésie de l’adduction gauche (hyperfonction du droit supérieur droit mise en évidence au test de l’écran translucide).

PRINCIPES DE PRISE EN CHARGE

La gestion d’une étiologie neurologique, si besoin en urgence (anévrysme), est bien entendu primordiale.

Sur le plan strabologique, la récupération spontanée d’une paralysie du nerf oculomoteur peut être très lente, avec possibilité de survenue de phénomènes de régénération aberrante, compliquant le tableau clinique. Elle est bonne sur terrain ischémique, plus difficile dans les suites d’un traumatisme ou d’une étiologie compressive.

Le traitement chirurgical ne sera à envisager qu’après la phase classique de prise en charge médicale (occlusion, prismes), associée si besoin à des injections de toxine botulique, après plusieurs mois de stabilité de l’état oculomoteur (au moins six à douze mois après le début de la paralysie).

  • Un bilan précis des séquelles est à effectuer en préopératoire.

  • Un ptosis dit « providentiel » sur paralysie complète masquant la diplopie ou une perte de fusion centrale peuvent justifier une abstention thérapeutique.

  • Le patient est prévenu d’éventuels temps opératoires itératifs parfois complexes et d’un risque de résultat incomplet. La chirurgie palpébrale ne sera effectuée, si besoin, qu’après la chirurgie strabologique.

  • Dans les paralysies congénitales du nerf oculomoteur, le traitement de l’amblyopie peut donner de bons résultats [55]. La récupération d’une vision binoculaire est exceptionnelle, mais le traitement chirurgical (un ou plusieurs temps) permet une nette amélioration du strabisme [67].

Conclusion

L’ophtalmologiste, susceptible d’être confronté en première ligne à une paralysie isolée du nerf oculomoteur, doit savoir établir un diagnostic clinique précis et décider d’une exploration neuroradiologique en urgence. Une paralysie acquise, avec atteinte pupillaire, oriente vers une compression anévrysmale, à risque vital, ne tolérant pas de retard diagnostique. La complexité des tableaux cliniques et de l’évolution des paralysies du nerf oculomoteur impose d’attendre plusieurs mois de stabilité de la situation avant une orientation chirurgicale. Les traitements amblyogènes et chirurgicaux des paralysies congénitales du nerf oculomoteur, les plus fréquentes chez l’enfant, permettent l’obtention de résultats corrects par rapport à la situation initiale.

Paralysie du nerf trochléaire (IV)
G. Klainguti, P.-F. Kaeser

Le IVe nerf crânien (nerf trochléaire) émerge sur la face dorsale du tronc cérébral, qu’il contourne après décussation (fig. 14-12). Cette particularité anatomique le rend particulièrement vulnérable. De toutes les paralysies oculomotrices, la paralysie du nerf trochléaire est la paralysie oculomotrice la plus fréquemment rencontrée par l’ophtalmologiste. Elle est pourtant souvent sous-diagnostiquée parce que les déficits moteurs qu’elle entraîne sont moins visibles que ceux que provoquent les autres paralysies oculomotrices. La paralysie du muscle oblique supérieur provoque une déviation verticale et torsionnelle avec diplopie et, à terme, une hyperfonction du muscle antagoniste direct, l’oblique inférieur. Elle s’exprime par des symptômes très différents selon qu’elle est modérée (parésie) ou marquée (paralysie), congénitale ou acquise, unilatérale ou bilatérale (tableau 14-I).

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Fig. 14-12 Représentation schématique du trajet anatomique du nerf trochléaire (IV).

(D’après Kline L.B., Bajandas F.J., 2008 [37].)

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Tableau 14-I –  Caractéristiques des paralysies du nerf trochléaire.

MÉTHODES D’EXAMEN
TEST DE BIELSCHOWSKY-NAGEL

La positivité du test de Bielschowsky-Nagel d’inclinaison céphalique apporte la réponse pathognomonique [5, 56]. Le test repose sur la stimulation otolithique engendrée par l’inclinaison qui déclenche une innervation accrue des muscles incyclorotateurs, l’oblique supérieur et le droit supérieur. L’oblique supérieur n’étant pas en mesure de contrebalancer l’action verticale du droit supérieur, le globe oculaire se place en hypertropie. Parks a intégré ce test dans une batterie en trois temps qui permet, devant toute déviation verticale, d’identifier le muscle parétique [58].

COORDIMÈTRES DE HESS-WEISS OU LANCASTER

Les coordimètres de Hess-Weiss ou Lancaster (fig. 14-13d) donnent de bonnes indications sur les déviations horizontales et verticales. L’utilisation de la torche de Kratz sur l’écran de Hess-Weiss indique également les déviations torsionnelles en vision rapprochée.

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Fig. 14-13 Méthodes d’examen.

a, b, c. Verres de Maddox. En cas d’excyclodéviation de l’œil droit, le patient perçoit avec son œil droit une bascule anti-horaire du trait horizontal (c, incyclodiplopie). d. Torche de Kratz sur coordimètre de Hess-Weiss. e. Paroi tangentielle de Harms utilisant un critère lumineux horizontal pour la mesure de la torsion. f, g. Ophtalmoscopie indirecte. Excyclotorsion objective bilatérale plus marquée sur l’œil gauche (g).

VERRES DE MADDOX

Les verres de Maddox (fig. 14-13, a, b et c) permettent la mesure de la cyclotorsion en position primaire [36] sachant qu’une déviation en excyclotorsion de l’œil droit provoque pour le sujet la perception d’une inclinaison antihoraire de la ligne horizontale.

PAROI TANGENTIELLE DE HARMS

La paroi tangentielle de Harms [24, 70] (fig. 14-13e) repose sur le principe de la confusion et de la dissociation par un verre rouge sombre. Ce dispositif permet de mesurer simultanément, en degrés, les déviations horizontale, verticale et torsionnelle, à une distance de 2,5 ou 3 mètres. Les mesures sont effectuées dans toutes les directions du regard, les versions étant obtenues par déplacement contrôlé de la tête, l’axe de l’œil fixateur demeurant perpendiculaire à la paroi.

EXAMEN OBJECTIF DE LA TORSION AU FOND D’ŒIL

L’examen objectif de la torsion au fond d’œil est réalisée par ophtalmoloscopie indirecte et documentation photographique (fig. 14-13, f et g).

COMMENT DIFFÉRENCIER LES PARALYSIES DU NERF TROCHLÉAIRE ?

Cf. tableau 14-I.

Paralysie congénitale

Présente dès la naissance (fig. 14-14), elle peut cependant demeurer compensée par la fusion verticale durant de nombreuses années et ne se révéler qu’à l’âge adulte. L’amplitude de fusion verticale, normalement comprise entre 3 ? et 6 ?, peut ici atteindre des valeurs de 10 ? à 25 ? [66], allant jusqu’à neutraliser le signe de Bielschowsky (fig. 14-14, c et d). La décompensation n’est pas soudaine mais apparaît progressivement, favorisée par la fatigue, l’approche de la presbytie, la pénombre, par la prise de médicaments psychotropes et, parfois, par un traumatisme mineur qui peut faire soupçonner à tort une parésie acquise. L’hyperfonction du muscle antagoniste direct, l’oblique inférieur, est toujours présente. La déviation verticale est fortement latéralisée dans la zone d’adduction de l’œil atteint, le patient adoptant un torticolis en rotation horizontale de la tête qui lui permet de fixer en abduction de l’œil parétique, dans un secteur où la déviation verticale est absente ou maîtrisée par la fusion. La déviation torsionnelle en excyclotorsion est uniformément présente dans toutes les directions du regard, mais elle joue un rôle subjectif mineur et la gêne principale est constituée par la déviation verticale.

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Fig. 14-14 Parésie congénitale unilatérale du nerf trochléaire droit.

a. Torticolis en rotation horizontale à droite. b. Élévation en adduction de l’œil droit (hyperfonction de l’oblique inférieur droit). c, d. Signe de Bielschowsky inconstant en inclinaison sur l’épaule droite. e. Torticolis déjà présent dans l’enfance.

Parésie récemment acquise, unilatérale

Elle se caractérise par une déviation verticale et torsionnelle dans le regard inférieur, la gêne principale se situant en adduction inférieure de l’œil parétique (fig. 14-15). Pour y remédier, le patient adopte un torticolis tridimensionnel qui privilégie le regard en haut et en abduction de l’œil atteint, menton abaissé, tête tournée et inclinée du côté opposé à la parésie. L’hyperfonction de l’oblique inférieur homolatéral fait défaut et le déficit moteur est peu visible à l’examen des versions. Le signe de Bielschowsky est présent et constant. La gêne est constituée par la déviation verticale et la déviation torsionnelle.

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Fig. 14-15 Parésie acquise récente unilatérale du nerf trochléaire droit.

a. Torticolis tridimensionnel. b. Absence d’hyperfonction de l’oblique inférieur. c, d. Signe de Bielschowsky constant sur l’épaule droite (flèche).

Parésie acquise bilatérale

La déviation verticale en position primaire est faible, voire nulle, et n’apparaît que dans les regards latéraux (fig. 14-16). En revanche, la déviation torsionnelle est très marquée, déjà présente en position primaire et augmentant fortement en regard inférieur, où les valeurs d’excyclotorsion peuvent atteindre 20°. L’incomitance en « V », très marquée, entraîne une ésotropie visible en regard inférieur. Le patient adopte une position de tête caractéristique menton abaissé, qui lui permet de fixer regard levé, où les déviations sont minimales. La gêne subjective est marquée dans toute situation qui exige le regard inférieur, lecture, descente des escaliers, par exemple. Le signe de Bielschowsky, s’il est recherché regard en bas, est présent lors de l’inclinaison de la tête sur chaque côté. Si la parésie est fortement asymétrique, il peut arriver que la parésie la plus forte masque la symptomatologie située du côté le plus faiblement atteint, celle-ci pouvant se révéler après le traitement chirurgical de la première. Cette situation appelée « parésie masquée » peut souvent être suspectée par la présence d’une forte excyclotorsion.

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Fig. 14-16 Parésie acquise bilatérale du nerf trochléaire.

a. Absence de déviation verticale. b. Torticolis menton abaissé. c, d. Absence d’hyperfonction de l’oblique inférieur. e, f. Limitation de l’abaissement en adduction des deux côtés.

ÉTIOLOGIE

Le nerf trochléaire peut être atteint au niveau de son noyau, dans l’espace sous-arachnoïdien, dans le sinus caverneux, dans l’orbite, et jusqu’à la jonction neuromusculaire [37].

À L’ÉTAGE NUCLÉAIRE ET FASCICULAIRE

À l’étage nucléaire et fasciculaire, les causes les plus fréquentes sont vasculaires, traumatiques et démyélinisantes.

DANS L’ESPACE SOUS-ARACHNOÏDIEN

Dans l’espace sous-arachnoïdien, le nerf crânien est particulièrement exposé aux traumatismes et l’atteinte bilatérale est très fréquente.

DANS LE SINUS CAVERNEUX

Dans le sinus caverneux, l’atteinte du IV peut être associée à celle d’autres nerfs crâniens, V, VI et III. En cas d’atteinte combinée du IV et du III, le déficit vertical dû au IV n’est pas visible en raison de la paralysie de l’adduction. La présence d’une excyclotorsion indique cependant l’atteinte conjointe du nerf trochléaire.

ÉTIOLOGIE DE LA PARÉSIE CONGÉNITALE

L’étiologie de la parésie congénitale du nerf trochléaire est encore débattue. Des études récentes d’imagerie ont montré qu’une part importante des parésies congénitales est liée à l’agénésie du nerf trochléaire, l’oblique supérieur étant alors hypoplasique [77].

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel principal est celui de la skew deviation. Dans ce cas, on pourra mesurer une déviation verticale nettement plus faible en décubitus dorsal qu’en position debout [76]. De plus, en cas de skew deviation, l’œil en hypertropie se trouve en incyclodéviation.

CONDUITE À TENIR ET TRAITEMENT

Toute paralysie du nerf trochléaire récemment apparue et non corrélée avec un traumatisme crânien doit être investiguée. La tension artérielle, la glycémie et la vitesse de sédimentation font partie des examens de routine, suivis du bilan neuroradiologique avec IRM cérébro-orbitaire.

La plupart des parésies acquises du IV s’améliorent ou même guérissent spontanément. Les parésies d’origine vasculaire, plus fréquentes en cas de diabète ou d’hypertension artérielle, ont une tendance à récupérer spontanément, de même que les parésies traumatiques si le nerf n’a pas été sectionné. Il arrive qu’une parésie bilatérale ne récupère que d’un côté, donnant au patient l’impression d’une aggravation lors de l’apparition de la déviation verticale en position primaire.

La place du traitement prismatique est très réduite en raison de la forte incomitance de la déviation verticale et de la torsion. La rééducation orthoptique ne repose sur aucune preuve scientifique et n’est pas indiquée.

L’injection de toxine botulique dans l’oblique inférieur homolatéral ou le droit inférieur controlatéral a été décrite [25] mais a l’inconvénient de ne fournir qu’un effet transitoire.

Le traitement chirurgical, très efficace, ne s’envisage que sur un tableau clinique stable, après un délai de douze mois. Il vise à réduire les déviations verticales et torsionnelles par affaiblissement de l’oblique inférieur, raccourcissement de l’oblique supérieur, ou combinaison des deux. L’affaiblissement du synergiste opposé, le droit inférieur, est également proposé [27, 33, 45, 64].

Conclusion

La paralysie du nerf trochléaire est un trouble oculomoteur fréquent dont la symptomatologie est variable. La paralysie congénitale provoque une diplopie verticale qui n’apparaît parfois qu’à l’âge adulte. La paralysie acquise se manifeste par une diplopie verticale et torsionnelle dans le regard inférieur. Dans l’atteinte bilatérale, qui est souvent traumatique, le trouble visuel provoqué par l’excyclodéviation est au premier plan mais n’est souvent pas décrit par les patients comme une diplopie. Il convient de connaître ces signes et de les rechercher car le traitement chirurgical de la paralysie du nerf trochléaire permet de restituer à ces patients un champ de vision binoculaire.

Paralysie du nerf abducens (VI)
A. Sauer, C. Speeg-Schatz

La paralysie du nerf abducens (VI) est la plus fréquente des paralysies oculomotrices. Le nerf abducens innerve un seul muscle oculomoteur : le droit latéral. La paralysie du nerf abducens entraîne un déficit ou une paralysie de l’abduction, à l’origine d’une diplopie binoculaire horizontale.

  • L’étiologie des paralysies du nerf abducens regroupe un grand nombre de causes.

  • Le pronostic dépend de la cause et de l’âge de survenue.

  • Il est souvent favorable chez l’adulte après cinquante ans, avec une grande majorité de récupération spontanée.

  • Chez l’adulte jeune et l’enfant, les causes tumorales et inflammatoires sont les plus fréquentes et le pronostic ainsi plus variable.

DIAGNOSTIC CLINIQUE

La paralysie du nerf abducens se caractérise par une atteinte du muscle droit latéral, empêchant l’abduction de l’œil paralysé. Parallèlement, le muscle antagoniste, le droit médial, devient dominant et entraîne un strabisme paralytique convergent, ou ésotropie. Au verre rouge, la diplopie binoculaire est de type homonyme (non croisée) horizontale, augmentant dans le regard latéral du côté atteint et de loin. Un torticolis est retrouvé tête tournée du côté paralysé.

Le test de Lancaster est un test rouge-vert qui permet de faire le diagnostic de l’œil et des muscles paralysés et de reconnaître les hyperactions musculaires secondaires à la paralysie. Il consiste en un relevé graphique de l’oculomotricité dans les différentes positions du regard. L’œil paralysé a un cadre plus petit que la normale (par hypoaction du muscle paralysé), l’œil controlatéral a un cadre plus grand que la normale (par hyperaction de l’agoniste controlatéral suivant la loi de Hering). Ainsi, dans une paralysie du nerf abducens, le cadre sera plus petit dans le champ temporal de l’œil atteint par rapport au côté sain (fig. 14-17).

L’examen clinique sera complété par un examen neurologique complet comprenant une analyse systématique de l’ensemble des paires crâniennes et par un examen ophtalmologique, notamment un fond d’œil recherchant un œdème papillaire associé [12, 2272].

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Fig. 14-17 Lancaster typique d’une paralysie du nerf abducens gauche.

FORMES CLINIQUES

On distingue habituellement les formes congénitales des formes acquises [12, 2272].

Les paralysies congénitales du nerf abducens sont rares, assez souvent bilatérales, et s’intègrent dans des formes syndromiques complexes. Les deux formes les plus classiques sont le syndrome de Möbius et le syndrome de Stilling-Duane [39].

Le syndrome de Möbius associe une diplégie faciale, une paralysie bilatérale de l’abduction et souvent des anomalies générales (malformations des extrémités, atteintes des dernières paires crâniennes, retard mental). Dans la majorité des cas, le syndrome de Möbius résulte d’anomalies vasculaires prénatales du tronc cérébral [48].

Le syndrome de Stilling-Duane est une atteinte congénitale du nerf abducens liée à une agénésie complète ou partielle du noyau et du tronc du nerf abducens, associée à une innervation aberrante du droit latéral par des fibres destinées au droit médial. Le tableau clinique comporte du même côté une paralysie de l’abduction et une rétraction du globe lors de l’adduction. La fente palpébrale s’élargit lors de l’abduction en raison de la contraction des obliques. Elle se rétrécit en adduction par une rétraction du globe dans l’orbite liée à l’association de la co-contraction des deux droits horizontaux et de l’effet « corde de rappel » du droit latéral fibrosé.

Le syndrome de Stilling-Duane est habituellement décrit comme un syndrome de restriction (cf. infra) et un diagnostic différentiel des paralysies du nerf abducens, mais il est en fait une atteinte congénitale du nerf abducens. Il atteint plus souvent les filles et l’œil gauche. La majorité des cas sont sporadiques, mais des formes héréditaires sont rapportées dans la littérature et plusieurs mutations sont impliquées. Des anomalies associées sont présentes chez un quart des patients environ [28].

ÉTIOLOGIE DES PARALYSIES DU NERF ABDUCENS

Chez l’enfant (vidéo 14-7), on évoquera principalement les causes congénitales, traumatiques et tumorales.

Les principales causes chez l’adulte comprennent les maladies vasculaires, les traumatismes et les tumeurs.

Des atteintes isolées transitoires sont retrouvées aussi au cours des maladies infectieuses, fébriles et après vaccinations. Les hypertensions intracrâniennes primaires ou secondaires sont souvent responsables d’une paralysie du nerf abducens bilatérale car ce nerf présente un trajet long à la base du crâne, sensible aux variations de pression cérébrale. D’autres signes cliniques comme un œdème papillaire de stase bilatéral, des acouphènes et des éclipses visuelles sont alors souvent retrouvés.

Dans les atteintes nucléaires, on retrouve souvent une atteinte d’une ou plusieurs autres paires crâniennes et une paralysie de la latéralité du regard. Les causes sont principalement ischémiques, tumorales ou par démyélinisation.

L’atteinte du nerf abducens dans l’espace sous-arachnoïdien est dite « non localisatrice ». Des étiologies variées sont évoquées : inflammatoires (sclérose en plaques, lupus ou sarcoïdose), tumorales, traumatiques et infectieuses (maladie de Lyme, syphilis…).

Dans le sinus caverneux, la sémiologie est souvent plus riche, avec des associations à un syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral, une paralysie du III et/ou du IV ou une atteinte du trijumeau. Les causes sont diverses : tumorales, vasculaires (thromboses et anévrysmes de la carotide interne, fistules carotidocaverneuses), ischémiques (maladie de Horton et diabète), inflammatoires (sarcoïdose, tuberculose et syndrome de Tolosa-Hunt), infectieuses et traumatiques [12, 2272].

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le principal diagnostic différentiel est représenté par l’atteinte myogène du muscle droit latéral, dont les principales causes sont la myasthénie, les myosites, rarement les myopathies dysthyroïdiennes. Les traumatismes, par lésion directe du muscle et/ou incarcération musculaire, et les spasmes en convergence peuvent poser aussi le problème du diagnostic différentiel [7, 26].

CONDUITE À TENIR DEVANT UNE PARALYSIE ACQUISE DU NERF ABDUCENS

Chez l’enfant, les examens complémentaires doivent avant tout éliminer une tumeur intracrânienne. Une IRM cérébrale ou, à défaut, un scanner doit être pratiqué(e) dans les meilleurs délais. Si l’imagerie cérébrale est normale, une ponction lombaire à la recherche d’une cause infectieuse ou inflammatoire sera indiquée [12, 3972].

Chez l’adulte de moins de cinquante ans, en cas d’atteinte non traumatique isolée du nerf abducens, il est nécessaire de pratiquer un bilan neuroradiologique. S’il est négatif, des examens sanguins à la recherche d’un syndrome inflammatoire et une consultation neurologique avec ponction lombaire sont demandés [222672].

Après cinquante ans, la maladie de Horton doit être recherchée (vitesse de sédimentation en urgence) et un bilan cardiovasculaire est réalisé afin d’éliminer les facteurs de risque, comme une hypertension artérielle ou un diabète. En dehors de ces causes, l’atteinte du nerf abducens isolée, le plus souvent d’origine vasculaire, se résout généralement en six à huit semaines et ne nécessite pas d’exploration supplémentaire. Il n’y a pas d’indication à un bilan neuroradiologique [2226, 72].

Les atteintes bilatérales imposent un bilan neuroradiologique. En cas de normalité, une ponction lombaire avec prise de pression à la recherche d’une hypertension intracrânienne est indiquée [72].

PRINCIPES DE LA PRISE EN CHARGE

Le traitement étiologique, parfois urgent (compression anévrysmale, Horton…), est indiqué devant toute paralysie oculomotrice. Les mesures mises en place par l’ophtalmologiste dépendent de la gêne ressentie par le patient (diplopie invalidante) et du moment de cette prise en charge. La majorité des paralysies du nerf abducens va s’arranger spontanément entre six semaines et six mois.

À la phase aiguë de la paralysie, une occlusion de l’œil atteint est souvent proposée afin de supprimer la diplopie. Si l’acuité visuelle le permet, on réalise une occlusion alternante, systématique chez l’enfant en raison du risque d’amblyopie. Quand l’angle de déviation est stable et peu important (maximum 20 ? à 25 ?), des prismes à base temporale peuvent être posés devant l’œil paralysé ou répartis sur les deux yeux.

Après trois à six mois d’évolution, un traitement par toxine botulique peut être proposé. L’injection réalisée dans le droit médial homolatéral à la paralysie permet de limiter sa contracture et de soulager la diplopie persistante. Les résultats sont controversés selon les études. L’effet secondaire principal est la survenue d’un ptosis transitoire par diffusion de la toxine.

En cas de persistance après six à douze mois d’évolution, la chirurgie est le traitement de choix. Le protocole est guidé par un test de duction forcée [222672] :

  • si l’œil paralysé passe la ligne médiane, le traitement repose sur l’association recul du droit médial-résection du droit latéral ;

  • si l’œil ne passe pas la ligne médiane, une technique de transposition musculaire de type Hummelsheim, par déplacement des droits verticaux fonctionnels, est indiquée.

Conclusion

Les paralysies du nerf abducens regroupent un grand nombre d’étiologies. Le pronostic dépend de la cause et de l’âge de survenue. Il est souvent favorable chez l’adulte après cinquante ans avec une grande majorité de récupération spontanée. Chez l’adulte jeune et l’enfant, les causes tumorales et inflammatoires sont les plus fréquentes et le pronostic est donc variable.

Syndromes de rétraction
SYNDROME DE BROWN
D. Denis1

Le syndrome de rétraction de Brown est un désordre de l’oculomotricité dû à une anomalie située au niveau du muscle oblique supérieur. Il se manifeste par une limitation active et passive de l’élévation en adduction, c’est-à-dire dans le champ d’action du muscle oblique inférieur (fig. 14-18). Il existe deux types de syndrome de Brown : congénital et acquis. Ce dernier est secondaire à des causes multiples : inflammation infection, traumatisme (œdème, cicatrice rétractile), iatrogène.

  • Le syndrome de Brown est caractérisé par une limitation active et passive du globe oculaire en haut et en adduction ; il existe :

    • deux types : congénital et acquis ;

    • trois degrés : léger, modéré, sévère.

  • Le bilan locorégional est nécessaire dans les types acquis.

  • Au test des ductions, on constate une impossibilité d’excursion du globe oculaire en haut et en adduction.

  • L’imagerie sera centrée sur la totalité du muscle oblique supérieur.

  • Évolution : guérison spontanée ou post-traitement, dépendant de l’étiologie.

  • Indication chirurgicale : torticolis, hypotropie, strabisme associé.

  • Les résultats chirurgicaux sont souvent décevants à long terme.

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Fig. 14-18 Limitation de l’élévation en adduction de l’œil droit caractéristique du syndrome de Brown.

HISTORIQUE

En 1949, Harold Whaley Brown décrit ce syndrome qu’il publie en 1950 [9] sous le terme du « syndrome de rétraction de la gaine du muscle oblique supérieur ». En 1973, il complète sa description initiale séparant un vrai et un pseudo-syndrome de la gaine du muscle oblique supérieur dus à des facteurs étiologiques différents : les vrais syndromes sont les syndromes restrictifs congénitaux et les pseudo-syndromes sont les syndromes restrictifs acquis [10].

ÉPIDÉMIOLOGIE

La fréquence du syndrome de Brown congénital est d’un sur 430 à 450 strabismes [75], soit un cas pour 20 000 naissance. Il est unilatéral dans 90 % des cas, sans prédominance de sexe ni de côté.

HÉRÉDITÉ

La majorité des cas sont sporadiques, les rares cas familiaux étant soit de transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète et expression variable, soit de transmission autosomique récessive [7475].

ÉTIOLOGIE
Syndrome de Brown congénital

L’étiologie du syndrome de Brown congénital est restée longtemps inconnue, Brown évoquant une gaine antérieure du tendon de l’oblique supérieur trop courte et fibreuse. Des études morphologiques au cours d’interventions chirurgicales ou de dissections ont retrouvé des anomalies primitives fibromusculaires aussi bien au niveau du tendon que du muscle et du complexe tendon-trochlée. La théorie la plus largement admise suggère une anomalie morphologique de l’oblique supérieur présente à la naissance faisant obstacle à son bon fonctionnement : le tendon est inélastique et trop court, le corps musculaire est trop fin, ces anomalies empêchant le relâchement, indispensable à la contraction du muscle.

Syndrome de Brown acquis

Dans le syndrome de Brown acquis, le contexte est différent puisque l’atteinte survient sur un muscle oblique supérieur normal au départ. Cette atteinte peut survenir sur :

  • la portion musculaire ;

  • le tendon réfléchi ;

  • la trochlée ;

  • le complexe tendon-trochlée.

Les causes possibles sont multiples : inflammatoires ou infectieuses, traumatiques ou iatrogènes (tableau 14-II). Quelle que soit l’étiologie, on aboutit à l’anomalie restrictive caractéristique du syndrome de Brown. Dans certains cas, le passage du tendon dans la poulie pourra s’effectuer de manière brutale réalisant un click qui peut être audible et/ou palpable, souvent douloureux, qualifié de « click syndrome ». Quatre particularités peuvent différencier le syndrome acquis du syndrome congénital : l’intermittence de la symptomatologie, le click syndrome, la nécessité d’un bilan étiologique clinique et paraclinique et la réversibilité sous traitement dans certaines causes inflammatoires [16].

Particularités du syndrome de Brown acquis :

  • intermittence de la symptomatologie ;

  • « click syndrome » ;

  • nécessité d’un bilan étiologique clinique ;

  • réversibilité du syndrome pour certaines causes inflammatoires.

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Tableau 14-II –  Étiologie des syndromes de Brown acquis.

CLASSIFICATION

Brown a initialement fondé sa classification sur l’origine congénitale et acquise (tableau 14-III). Ce syndrome peut également être classé selon la sévérité du syndrome (tableau 14-IV) :

  • léger : sans hypotropie ni en position primaire ni en adduction, seulement en haut et en adduction ;

  • modéré : sans hypotropie en position primaire mais avec hypotropie en adduction et dans le regard en haut et torticolis modéré en position primaire ;

  • sévère : avec hypotropie en position primaire, en adduction et dans le regard en haut (fig. 14-19) et torticolis sévère en position primaire.

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Tableau 14-III –  Formes cliniques en fonction de la sévérité du syndrome.

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Tableau 14-IV –  Classification des syndromes de Brown.

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Fig. 14-19 Syndrome de Brown modéré droit avec torticolis modéré, absence de déviation en position primaire, hypotropie en adduction et hypotropie dans le regard en haut et à gauche.

EXAMEN CLINIQUE
Interrogatoire précis
  • Au niveau du syndrome :

    • date d’apparition (affection survenant le plus souvent dans l’enfance, parfois lors de la première année de vie pour la forme congénitale) ;

    • circonstances d’apparition (élévation anormale de l’œil sain, torticolis) ou déclenchantes (traumatisme, pathologie connue, maladie inflammatoire, générale, acte chirurgical) ;

    • caractère constant ou intermittent avec la présence ou non d’un « click » ;

    • aspect douloureux ou non ;

    • existence d’une diplopie.

  • Signes d’accompagnement : syndrome grippal, infection ORL, inflammation orbitaire, maladie générale, auto-immune…

  • Contexte personnel et familial du sujet : existence d’une maladie générale, de système, d’un désordre oculomoteur tel qu’un strabisme, une fibrose musculaire, d’un traumatisme facial…

Examen
Signes fonctionnels

Douleurs et/ou rougeur en supéro-interne de l’orbite, chémosis, céphalées, diplopie verticale.

Signes d’examen

On recherche des signes cutanés locaux : signes inflammatoires, cicatrices de traumatismes anciens au niveau de l’angle supéro-interne de l’orbite.

Le torticolis est présent dans 30 % à 40 % des cas, tête inclinée discrètement du côté atteint avec élévation du menton. Ce torticolis survient pour compenser la déviation verticale en position primaire et est le plus souvent l’apanage des formes modérées, sévères et bilatérales.

Réfraction

À la réfraction, on retrouve le plus souvent une emmétropie et plus rarement des astigmatismes hypermétropiques et des hypermétropies.

Troubles moteurs

Le signe le plus caractéristique de ce syndrome est la limitation de l’élévation active et passive en adduction de l’œil atteint (fig. 14-20). Les troubles moteurs les plus fréquents sont l’hypotropie en adduction et/ou en élévation et le torticolis, puis le signe du « click ». Ce dernier est dû à un obstacle mécanique situé dans la région trochléaire venant gêner le jeu musculaire de l’oblique supérieur ; il peut s’accompagner d’une douleur ou d’une gêne au niveau de l’angle interne de l’orbite pendant le mouvement du globe.

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Fig. 14-20 Syndrome de Brown gauche avec torticolis, ésotropie de l’œil gauche, hypotropie gauche en position primaire. L’examen coordimétrique met en évidence une importante limitation de l’élévation.

Troubles sensoriels et amblyopie

L’acuité visuelle est habituellement maximale. L’amblyopie est rare et retrouvée en rapport avec une amétropie non corrigée, une ésotropie congénitale associée.

La vision binoculaire est le plus souvent normale en position primaire et dans le regard en bas. La diplopie est à rechercher dans toutes les positions du regard.

Il faut rechercher une fusion dans la position de torticolis lorsqu’elle existe ; une neutralisation ou une diplopie est à rechercher lors des tentatives d’élévation en adduction.

EXAMENS PARACLINIQUES
Coordimétrie

Il s’agit essentiellement des tests de Lancaster ou de Hess-Weiss qui confirment les données cliniques :

  • forme congénitale :

    • normalité de chaque œil en position primaire et dans le champ inférieur (fig. 14-21) ;

    • hypoaction du muscle oblique inférieur de l’œil atteint ;

    • hyperaction plus ou moins marquée du droit supérieur controlatéral ;

    • absence d’hyperfonction du muscle oblique supérieur atteint ;

    • l’évolution peut se faire vers l’amélioration de la coordimétrie avec meilleure excursion dans le champ du muscle oblique inférieur homolatéral et réduction de l’hyperaction du droit supérieur controlatéral ;

  • forme acquise, en particulier traumatique :

    • pas de normalité de chaque œil en position primaire et dans le champ inférieur ;

    • hypoaction du muscle oblique inférieur de l’œil atteint ;

    • hyperaction du droit supérieur et du droit inférieur controlatéraux plus accentuée (fig. 14-22).

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Fig. 14-21 Syndrome de Brown sévère droit avec impossibilité d’élévation en adduction de l’œil droit.

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Fig. 14-22 Coordimétrie de deux syndromes de Brown.

a. Congénital : normalité de l’œil en position primaire et dans le champ inférieur, hypoaction de l’oblique inférieur de l’œil atteint, hyperaction du droit supérieur controlatéral et absence d’hyperaction du muscle oblique supérieur atteint. b. Acquis après un traumatisme au niveau de l’angle supéro-interne de l’orbite de l’œil droit : hypoaction des deux obliques de l’œil atteint.

Imagerie cérébrale et orbitaire

L’imagerie centrée sur la région orbitaire et péri-orbitaire incluant le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est devenue particulièrement indispensable. Pour les syndromes congénitaux, l’IRM effectue une analyse de l’oblique supérieur dans sa totalité (tendon, poulie et corps). Elle permet de mettre en évidence plusieurs types d’anomalies du muscle oblique supérieur à type d’hypertrophie du complexe poulie-tendon (fig. 14-23a), poulie-tendon-corps (fig. 14-23, b et c), de la poulie et d’anomalie du tendon (plus long, aminci et fibreux) (fig. 14-23, d à f) [13].

Dans les syndromes traumatiques, la scanographie représente l’examen de choix dans l’exploration des traumatismes cranioencéphaliques. La qualité des reconstructions permet une analyse exhaustive des lésions dans tous les plans. L’IRM doit être indiquée dans un second temps après avoir éliminé l’existence d’un corps étranger ferromagnétique, les performances d’imagerie étant supérieures à celles de la TDM pour mettre en évidence les lésions des tissus mous comme, dans ce cas, l’atteinte et/ou l’incarcération de l’oblique supérieur.

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Fig. 14-23 Syndrome de Brown congénital : aspects en IRM.

a. Hypertrophie du complexe tendon-poulie droit (coupes axiales en T2 et T1 avec injection de gadolinium). b. Hypertrophie du complexe tendon-poulie-corps musculaire de l’oblique supérieur gauche (coupes coronale et axiale en séquence CISS) (muscle oblique supérieur entouré en rouge). c. Hypertrophie du complexe tendon-poulie-corps musculaire de l’oblique supérieur droit (coupes axiales mettant en évidence l’hypertrophie du muscle oblique supérieur droit au niveau du tendon, de sa poulie et du corps musculaire dans sa portion antérieure sur les deux premières coupes, et du corps musculaire dans sa portion postérieure sur la troisième coupe). d. Hypertrophie de la poulie droite (coupe axiale en séquence T1). e. Allongement du tendon droit (coupe axiale en séquence T2). f. Amincissement du tendon gauche au niveau de son insertion sclérale (coupes axiales en séquence CISS et T1 avec injection de gadolinium).

Test de duction forcée

Ce test confirme l’existence d’un obstacle mécanique à l’origine de la limitation de l’élévation passive du globe atteint en adduction. La positivité de ce test permet de poser le diagnostic (fig. 14-24).

Effectué chez l’enfant sous anesthésie générale, il doit être bilatéral et comparatif. Il consiste à amener le globe atteint par traction dans le champ d’action du muscle oblique inférieur (vers le haut et l’intérieur) et à noter l’existence ou non d’un « click ».

Le test est positif quand l’œil ne parvient pas à effectuer ce mouvement passif.

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Fig. 14-24 Test de duction forcée sous anesthésie générale : bilatéral et comparatif.

Ce test met en évidence l’impossibilité d’élévation en haut et en adduction de l’œil droit (champ d’action du muscle oblique inférieur).

Bilan complémentaire

Les examens complémentaires sont prescrits dans les syndromes acquis lors de la recherche étiologique et pour la surveillance :

  • bilan biologique : syndrome inflammatoire, bilan thyroïdien… ;

  • bilan locorégional orienté par la clinique avec prescription de radiographies du crâne et des sinus de la face, de l’orbite, panoramique dentaire ;

  • bilan général : d’autres examens et consultations spécialisées pourront être effectués en fonction du contexte clinique, comme par exemple des consultations dermatologique, endocrinologique (bilan thyroïdien), rhumatologique.

ÉVOLUTION

Le syndrome de Brown congénital peut s’améliorer spontanément. L’amélioration peut être obtenue après des efforts répétés de fixation d’élévation en adduction aussi bien dans les formes congénitales que dans les formes acquises. Cette possible disparition ou amélioration spontanée doit toujours être considérée lors de l’indication chirurgicale. L’évolutivité de ce syndrome de Brown est variable et difficilement prévisible ; le plus souvent l’état est stationnaire. La fréquence de ce syndrome à l’âge adulte est assez faible, peut-être parce que le regard en haut est moins sollicité chez l’adulte que chez l’enfant.

Pour le syndrome acquis, l’évolution est très variable, dépendante de l’étiologie, allant d’une régression totale spontanée ou sous traitement médical à une absence de régression (fracas osseux…).

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Les principaux diagnostics différentiels du syndrome de Brown sont :

  • la paralysie de l’oblique inférieur ;

  • le syndrome d’adhérence de l’oblique ;

  • le syndrome de rétraction de Stilling-Duane ;

  • la paralysie unilatérale des deux élévateurs ;

  • la fracture du plancher de l’orbite.

TRAITEMENT
Techniques

Différentes techniques sont proposées, mais aucune ne fait l’unanimité :

  • intervention sur la gaine du muscle oblique supérieur ;

  • intervention sur le tendon du muscle oblique supérieur, dans le but de libérer le tendon pour diminuer la traction sur le muscle oblique supérieur : sections des brides, pelage du tendon réfléchi, ténotomie simple, ténectomie simple, interposition de silicone entre les deux sections du tendon dont la longueur est proportionnelle à la sévérité du syndrome [73] ;

  • affaiblissement du muscle oblique supérieur : technique simple et rapide donnant de bons résultats, réversibles (technique préférentiellement choisie par notre équipe).

Indications

Le traitement chirurgical repose sur plusieurs critères : présence ou non d’un torticolis et/ou d’une déviation associée. Il vise par conséquent à traiter le torticolis et la limitation d’élévation en adduction.

Syndrome de Brown congénital

Abstention chirurgicale si :

  • torticolis très discret sans signe fonctionnel (céphalées et douleurs cervicales à l’âge adulte) ;

  • vision binoculaire présente dans le regard en bas (pour la lecture) en l’absence de strabisme associé.

Intervention chirurgicale envisagée si :

  • torticolis important avec modifications irréversibles de la musculature du cou et du rachis cervical ;

  • décompensation de la déviation verticale avec hypotropie importante ;

  • vision binoculaire altérée en position primaire et dans le regard vers le bas.

Syndrome de Brown acquis

Dans un premier temps, il n’y a pas de geste chirurgical sur le muscle oblique supérieur atteint mais un traitement médical qui doit être entrepris (foyer inflammatoire, infectieux, tumorales, traumatiques…). Ce traitement local peut consister en un traitement par des injections de corticoïdes dans la région de la poulie et/ou par des anti-inflammatoires. Des exercices de mouvements oculaires pourront être prescrits en fonction de l’étiologie.

Dans un second temps, un geste chirurgical peut être envisagé :

  • intervention sur les muscles controlatéraux devenus hyperactifs ;

  • intervention sur le muscle oblique supérieur associée ou non à l’affaiblissement du muscle oblique inférieur homolatéral ;

  • Fadenoperation du droit supérieur controlatéral.

Que le syndrome de Brown soit congénital ou acquis, la présence d’un torticolis et d’une hypotropie sévères sont des arguments décisionnels dans l’indication chirurgicale. Le résultat chirurgical est variable et moins prévisible par rapport à d’autres chirurgies oculomotrices. Les indications doivent rester exceptionnelles au risque d’aggraver l’état oculomoteur initial du sujet.

Complications
Hypercorrection

C’est une paralysie de l’oblique supérieur. Les interventions d’affaiblissement de l’oblique supérieur à type de ténectomie et ténotomie entraînent dans la majorité des cas une paralysie de l’oblique supérieur qui peut nécessiter un traitement secondaire [14]. La paralysie peut s’installer progressivement après la chirurgie et se caractérise par une diplopie dans le regard en bas, une hyperaction de l’oblique inférieur, une hypoaction de l’oblique supérieur affaibli avec torticolis (du côté sain) et excyclotropie de l’œil atteint. La diplopie de même que la torsion sont difficilement annulables. Cette complication est plus invalidante que la situation de départ représentée par le syndrome de Brown, le regard vers le bas étant plus utilisé que le regard vers le haut.

Hypocorrection

Elle est asymptomatique et ne s’accompagne pas de diplopie ni de trouble torsionnel. Elle peut survenir après toute technique d’affaiblissement de ce muscle et peut s’améliorer avec le temps.

Autres complications

Elles sont rares et spécifiques de chaque technique : ptosis, dilacération du droit supérieur, adhérences dans le quadrant supéro-nasal.

Conclusion

Le syndrome de Brown congénital résulte d’un obstacle congénital au bon fonctionnement de l’ensemble du muscle oblique supérieur, tout particulièrement au niveau du complexe poulietrochlée, empêchant le mouvement d’élévation en adduction. Le syndrome de Brown acquis est dû à une grande variété d’étiologies. Devant la possibilité de régression spontanée et face à la variabilité des résultats chirurgicaux quelle que soit la technique, seuls les syndromes avec hypotropie en position primaire, torticolis et altération de la vision binoculaire seront à opérer, tout en sachant que la technique chirurgicale doit être adaptée à chaque cas.

SYNDROME DE STILLING-TÜRK-DUANE
D. Denis, E. Zanin2

Le syndrome de rétraction de Duane, connu en Europe sous le nom de syndrome de Stilling-Türk-Duane ou syndrome de Stilling-Duane, est une affection congénitale à l’origine de restrictions des mouvements oculaires par dysgénésie de l’innervation des muscles oculomoteurs. Il se caractérise par un déficit des mouvements oculomoteurs horizontaux, un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction avec énophtalmie pouvant être associés à des troubles verticaux. Le syndrome de Duane est rare, avec une incidence au sein de la population générale de 0,04 % à 0,05 %. Il représente 1 % à 4 % des strabismes [1718]. Plusieurs classifications ont été proposées, la plus utilisée en pratique clinique reste celle de Malbran modifiée par Huber [31]. Trois types cliniques sont ainsi individualisés en fonction de l’atteinte prédominante de l’abduction ou de l’adduction. Le type I (78 % des cas de syndrome de Duane) est une limitation prédominante de l’abduction, le type II (7 % des cas) de l’adduction et le type III (15 % des cas) une limitation équivalente de l’abduction et l’adduction. Le syndrome de Duane est majoritairement unilatéral (82 %), sporadique (90 %), sans prédisposition selon le groupe ethnique [1783]. Il touche préférentiellement les femmes (58 %) et les yeux gauches (59 %) [17, 4683]. À l’inverse du strabisme concomitant, les patients atteints de syndrome de Duane développent, dans la majorité des cas, une vision binoculaire normale en adoptant une position vicieuse de la tête ou torticolis. La réalisation systématique d’une IRM a permis de confirmer l’hypothèse étiologique initialement évoquée par l’électromyographie (EMG) et l’histologie [59] : le syndrome de Duane, quel que soit son type, est secondaire à une anomalie d’innervation du muscle droit latéral par le VI, avec différents degrés d’atteinte (absence totale à innervation quasi normale), entraînant une innervation aberrante par une branche du III et des modifications musculaires (atrophie, fibrose, hypotrophie, hypertrophie, muscles bosselés ou « splittés ») [15, 3582].

PATHOGÉNIE

De nombreuses hypothèses étiologiques ont été avancées depuis la découverte du syndrome de Duane. Plusieurs étapes se sont succédé en fonction des examens paracliniques à la disposition des cliniciens : anatomopathologie, électrophysiologie et neuroradiologie. Ces derniers ont abouti à la conclusion que le syndrome de Duane était en rapport avec une dysinnervation du muscle droit latéral par le VI avec innervation aberrante par le III. L’IRM va plus loin en mettant en évidence des variations en fonction du type clinique avec une absence ou une hypoplasie sévère du VI pour la majorité des types I et III et une présence de VI pour la majorité des types II [35]. Le type I (limitation prédominante de l’abduction) serait donc une absence ou une hypoplasie sévère du VI avec un muscle droit latéral innervé par une petite partie des fibres du III, la force développée en adduction par le droit médial restant supérieure au droit latéral. Le type II (limitation prédominante de l’adduction) serait un muscle droit latéral doublement innervé avec présence d’un VI fonctionnel assurant l’abduction et une branche du III destinée au droit latéral égale à celle du droit médial, la co-contraction de forces identiques en adduction empêchant le mouvement. Le type III (limitation équivalente de l’abduction et l’adduction) serait un VI absent ou non fonctionnel et des branches du III à destinées du droit latéral et médial équivalentes, la co-contraction de forces identiques en adduction empêchant le mouvement.

EMBRYOLOGIE

Le syndrome de Duane est lié à une anomalie congénitale du nerf oculomoteur VI ou de son noyau. Par conséquent, le syndrome de Duane peut être secondaire à une anomalie génétique jouant un rôle dans le développement embryologique du VI ou à un facteur environnemental intervenant entre la quatrième et la huitième semaine de gestation, fenêtre temporelle de développement des nerfs crâniens et des muscles oculomoteurs. Selon Sevel, les muscles oculomoteurs sont issus d’une masse mésenchymateuse unique qui se développe à proximité de la vésicule optique [68]. Cette dernière reçoit, afin d’amorcer sa différenciation en fibres musculaires, une première innervation de la part du nerf oculomoteur commun (III). Rapidement cette masse va se diviser en deux paquets qui vont être à l’origine des muscles oculomoteurs ; le supérieur (droit supérieur, releveur de la paupière, oblique supérieur) et l’inférieur (droit inférieur, oblique inférieur), le muscle droit médial et latéral provenant de la fusion des deux complexes. Parallèlement à la formation musculaire, les nerfs oculomoteurs VI et IV émergent du tronc cérébral à la recherche de leur muscle cible, guidés par la sécrétion d’un chimioattracteur, l’a2-chimérine [51].

Deux hypothèses étiologiques découlent de ces observations.

  • selon la première, le syndrome de Duane est secondaire à une mauvaise fusion musculaire des paquets mésenchymateux supérieur et inférieur lors de la formation du droit latéral, d’où une perturbation de la sécrétion de chimioattracteur, une mauvaise direction du VI (avec hypoplasie ou dégénérescence secondaire) et la persistance de l’innervation du droit latéral par le III ;

  • selon la seconde, le syndrome de Duane est lié à une anomalie initiale du noyau du VI ou de la croissance du VI vers le droit latéral, avec persistance d’innervation du droit latéral par le III ou réinnervation secondaire par le III.

Dans les cas sporadiques de syndrome de Duane, les grandes études ont retrouvé un risque de malformations associées dix à vingt fois supérieur à la population générale [17]. Ces malformations peuvent être divisées en plusieurs catégories : oculaires et non oculaires (squelettiques, auriculaires, neurologiques avec en particulier atteinte d’autres nerfs crâniens). Certains syndromes ont été associés au syndrome de Duane : syndrome d’Okihiro (surdité, malformation de l’avant-bras), syndrome de Wildervanck (fusion des vertèbres cervicales, surdité), syndrome de Holt-Oram (malformation membre supérieur et cardiaque), syndrome de Goldenhar (dysplasie oculo-auriculo-vertébrale), morning glory syndrome (malformation du nerf optique). Un événement tératogène survenant au cours du deuxième mois de gestation permet d’expliquer toutes les malformations associées au syndrome de Duane rapportées dans la littérature (par exemple, exposition à la thalidomide).

GÉNÉTIQUE

La grande majorité des syndromes de Duane sont d’origine sporadique, les formes familiales ne représentent que 10 % des cas : facteurs génétiques et environnementaux sont donc impliqués, les formes héréditaires étant principalement dominantes à pénétrance et expressivité variables. Les anomalies génétiques incriminées appartiennent à un groupe hétérogène de gènes. Différentes mutations ont été rapportées, associées à des phénotypes différents ayant en commun le syndrome de Duane. Les formes syndromiques telles que le syndrome d’Okihiro lié à la mutation du gène SALL4 au locus 20q13 [2], le phénotype DURS1 (retard mental, syndrome branchio-oto-rénal, anomalies génitales) lié à la mutation du locus 8q13 ou encore les mutations au niveau de 1q42, 4q27, 22q11. Cependant, la seule anomalie génétique ayant été significativement associée par liaison génétique au syndrome de Duane dans sa forme isolée au sein d’une large famille de phénotype DURS2 (forte proportion d’atteinte bilatérale de type I/III, avec troubles verticaux et atteinte d’autres nerfs crâniens) est une mutation du gène CHN1 (en 2q31) [23]. Miyake a démontré dernièrement in vitro et in vivo chez l’animal que cette mutation entraînait une hyperactivation d’a2-chimérine à l’origine d’une dérégulation de la croissance axonale des nerfs oculomoteurs vers leurs muscles cibles [51].

FORMES CLINIQUES

Les différentes formes cliniques observées sont la résultante d’une adaptation variable à la même cause initiale : une dysinnervation du droit latéral par le VI.

Les signes d’appels qui vont motiver un avis spécialisé sont : le torticolis et l’inesthétique de l’anomalie oculomotrice.

Clinique
Déficit d’abduction

Celui-ci est complet ou plus rarement partiel, avec élargissement de la fente palpébrale dans les efforts d’abduction. Il peut être expliqué par le défaut d’innervation du droit latéral par le VI mais aussi par l’absence d’élongation musculaire du droit médial en cours d’abduction [79], probablement liée à l’hypertrophie musculaire du droit médial, retrouvée dans 57 % des types I [1582].

Déficit d’adduction

Celui-ci est partiel et rarement complet, par co-contraction des muscles droits médiaux et latéraux en cours d’adduction et fibrose du droit latéral.

Rétraction du globe

Elle s’accompagne d’un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction par co-contraction des muscles droits médial et latéral et fibrose du droit latéral.

Déviations verticales

Les déviations verticales (upshoot ou downshoot) apparaissent en adduction et s’expliquent par un phénomène de bride du muscle droit latéral fibrosé ou co-contracté en adduction, avec glissement du muscle au-dessus ou au-dessous du globe, ou encore par le recrutement des muscles droit supérieur ou inférieur pour aider l’adduction.

Défaut de convergence

Dans les atteintes unilatérales, l’œil atteint reste fixé en position primaire tandis que l’autre œil converge.

Torticolis

Il est adopté afin d’obtenir une position du regard ou les deux yeux seront alignés et la vision binoculaire possible. C’est la manifestation la plus visible, la plus fréquente et la plus gênante du syndrome (65 % selon Méhel et al.) [46]. Il apporte une position de confort visuel mais peut entraîner des troubles vertébraux cervicaux (anomalie de la croissance du rachis cervical, cervicalgies) ainsi qu’une asymétrie faciale dès que son angle est supérieur à 5° à 7° et ce d’autant plus qu’il est figé, permanent.

Le principal diagnostic différentiel est la paralysie du VI. Certains signes seront particulièrement évocateurs de syndrome de Duane : l’absence d’ésotropie de grand angle en position primaire malgré la limitation importante de l’abduction et une diminution de la limitation en abduction dans le regard vers le haut et le bas.

Classification

La classification habituellement utilisée en pratique clinique est largement inspirée de la classification d’Huber [31] (tableau 14-V). Le syndrome de Duane se divise selon trois types moteurs : types I à III ; à ces trois types se rajoute une dernière forme rare, le type IV — principalement observée après recul excessif du droit médial dans les Duane de type I.

Type I (78 % des cas) :

  • il simule une paralysie du VI ;

  • il est caractérisé par (fig. 14-25) :

    • une limitation sévère de l’abduction (souvent l’œil ne dépasse pas la ligne médiane) associée à une limitation de l’adduction légère et inconstante ;

    • un rétrécissement de la fente palpébrale avec rétraction du globe, énophtalmie et parfois élévation ou abaissement du globe en adduction ;

    • une ouverture palpébrale dans les efforts d’abduction ;

    • un torticolis de compensation tête tournée en direction du côté atteint avec position de confort de l’œil atteint en adduction ;

    • en position primaire, l’œil sain fixant, une orthotropie ou une déviation en convergence de l’œil atteint avec une déviation secondaire importante lorsque l’œil atteint prend la fixation ;

    • l’amblyopie est rare mais on note une tendance à la neutralisation dans le champ d’action du muscle droit latéral ;

    • l’unilatéralité reste la situation la plus fréquente (80 % des cas).

Type II (7 % des cas) : il est caractérisé par (fig. 14-26) :

  • une limitation sévère de l’adduction ;

  • un rétrécissement de la fente palpébrale avec rétraction du globe, énophtalmie et parfois élévation ou abaissement du globe en adduction ;

  • une limitation de l’abduction légère et inconstante ;

  • un torticolis de compensation tête tournée en direction du côté sain, et position de confort de l’œil atteint en abduction plus ou moins marquée ;

  • en position primaire, l’œil sain fixant, l’œil atteint présente une déviation en divergence.

Type III (15 % des cas) : il est caractérisé par (fig. 14-27) :

  • une limitation marquée des mouvements horizontaux en adduction et en abduction ;

  • un rétrécissement de la fente palpébrale avec rétraction du globe et énophtalmie en adduction, plus ou moins accompagnée d’upshoot ou de downshoot ;

  • une limitation des mouvements verticaux ;

  • un torticolis de compensation dont la position dépend de la limitation principale ;

  • en position primaire, l’œil sain fixant, la position de l’œil atteint peut être en légère ésotropie, exotropie ou centré.

Type IV : nommé divergence synergistique ou « ocular splits » par Jampolsky, il est caractérisé par :

  • une adduction de l’œil atteint impossible aboutissant à une abduction paradoxale ; l’abduction étant généralement faiblement limitée à normale ;

  • un torticolis de compensation tête plus ou moins tournée en direction de l’œil sain, la position de confort de l’œil atteint étant en abduction plus ou moins marquée ;

  • en position primaire, l’œil sain fixant, la position de l’œil atteint est en exotropie.

Il est parfois difficile en pratique clinique de déterminer les limites de chacun de ces types, qui sont l’expression d’une même affection innervationnelle. Yûksel a d’ailleurs proposé récemment une nouvelle classification avec une continuité entre les différents types, fondée sur les limitations et l’angle de déviation [80].

Certaines anomalies congénitales oculaires ou générales peuvent être associées [83].

Le syndrome de Duane, résultant d’une agénésie/hypoplasie congénitale du VI, est une paralysie oculomotrice neurogène et myogène sans atrophie musculaire grâce à l’innervation aberrante du muscle droit latéral par le III. L’expression clinique dépend de la présence ou non du VI, de l’importance de la réinnervation aberrante par le III et de la fibrose des droits horizontaux.

  • Principaux signes d’appel :

    • torticolis ;

    • oculomotricité anormale.

  • Principaux signes d’examen :

    • déficit d’abduction avec élargissement de la fente palpébrale dans les efforts d’abduction ;

    • rétraction du globe avec rétrécissement de la fente palpébrale en adduction ;

    • déviations verticales en adduction ;

    • vision binoculaire normale, bonne stéréopsie en position de torticolis.

  • Trois types cliniques principaux :

    • syndrome de Duane I : abduction très limitée ou absente ;

    • syndrome de Duane II : adduction limitée ou absente avec abduction relativement normale ;

    • syndrome de Duane III : adduction et abduction limitées.

Quels que soient le type et l’uni- ou la bilatéralité, le sujet se met en position de torticolis pour aligner les axes visuels et acquérir une vision binoculaire normale. Si les axes visuels ne peuvent être alignés, le torticolis dépend de la position de l’œil dominant.

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Tableau 14-V –  Classification des syndromes de Duane selon Huber.

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Fig. 14-25 Syndrome de Duane de type I droit.

a. Position de torticolis tête tournée en direction de l’œil atteint (œil droit). b. Limitation marquée de l’abduction droite avec ouverture de la fente palpébrale, une adduction normale avec rétraction et rétrécissement de la fente palpébrale droite en adduction.

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Fig. 14-26 Syndrome de Duane de type II gauche.

a. À l’âge de 3 ans. b. À l’âge de 9 ans.

On note un torticolis tête tournée en direction de l’œil sain et légèrement tournée à droite, une limitation de l’adduction de l’œil gauche avec élévation et fermeture de la fente palpébrale et rétraction en adduction. En position primaire, il existe une déviation en divergence de l’œil gauche. L’abduction de l’œil gauche est conservée.

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Fig. 14-27 Jeune fille consultant pour céphalées et douleurs cervicales de plus en plus invalidantes. L’examen de la vision binoculaire met en évidence un syndrome de Duane de type III gauche.

a. Exotropie en position primaire de l’œil gauche. b. Limitation de l’abduction. c. Limitation de l’adduction et rétraction de la fente palpébrale en adduction.

EXAMENS PARACLINIQUES

Le diagnostic de syndrome de Duane est confirmé par le test de duction passive sous anesthésie générale qui précise les limitations d’origine mécanique (fibrose) et par le résultat de l’IRM cérébro-orbitaire.

Test de duction passive

Il est réalisé sous anesthésie générale. Il concerne les muscles droits médiaux et latéraux, il doit être bilatéral et comparatif.

Radiographie du rachis cervical

Elle permet d’analyser les conséquences anatomiques du torticolis à long terme sur la statique cervicale.

IRM cérébro-orbitaire

L’IRM associe une séquence 3D T2 CISS explorant l’émergence du VI au niveau du tronc cérébral à des coupes millimétriques orbitaires explorant les muscles oculomoteurs. L’IRM a permis de confirmer la fréquence élevée d’agénésie du nerf abducens, tous types de syndrome de Duane confondus, et de décrire des différences en fonction des types : pour le type I, il y a une forte proportion d’agénésie, alors que pour le type II, le VI est plus souvent présent (fig. 14-28).

Les muscles oculomoteurs ont très peu été explorés. L’information principale découverte grâce à la réalisation d’IRM orbitaires est l’absence d’atrophie du muscle droit latéral comme on peut l’observer dans les paralysies acquises du VI. L’innervation aberrante du droit latéral par le III préviendrait l’atrophie musculaire mais pas la fibrose (fig. 14-29). Selon une étude réalisée par Zanin et al., il existerait une forte proportion d’anomalies musculaires de type hyper/hypotrophie ou anomalie de forme (bosselé ou « splitté ») au niveau des droits latéraux (93 % des types I, 100 % des types II, 60 % des types III) [82]. Les anomalies musculaires seraient plus rares sur les droits médiaux et uniquement à type d’hypertrophie (57 % des types I, 40 % des types II, 29 % des types III) [82]. La mise en évidence d’anomalie musculaire peut guider la prise en charge chirurgicale et aider à prédire ses résultats.

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Fig. 14-28 Agénésie du nerf abducens droit dans un syndrome de Duane de type I droit. IRM cérébrale : le nerf abducens est totalement absent.

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Fig. 14-29 Syndrome de Duane de type II gauche. IRM orbitaire : muscles droit médial (DM) et droit latéral (DL) hypertrophiés avec aspect de haricot du droit latéral gauche.

PRISE EN CHARGE

La plupart des patients atteints de syndrome de Duane compensent leur trouble par un léger torticolis et ne nécessitent aucune prise en charge médicale en dehors d’une éventuelle correction optique et d’une simple surveillance. Pour les autres, elle consiste en une rééducation d’amblyopie et une chirurgie oculomotrice.

Traitement médical

Il sera classique : correction optique totale et rééducation d’une éventuelle amblyopie. Les prismes, secteurs et rééducation orthoptique n’ayant pas d’indication.

Traitement chirurgical

Il faut comprendre que la chirurgie ne peut rétablir l’innervation normale du muscle droit latéral, par conséquent aucune technique chirurgicale n’aboutira à un résultat parfait. La mobilité oculaire restera réduite. Le but est principalement de réduire le torticolis et de traiter les déviations horizontales d’angle important en position primaire et, de façon plus relative, de réduire une rétraction importante du globe ou un phénomène d’élévation inesthétique en adduction. L’indication majeure est le torticolis. En effet, des conséquences fonctionnelles et anatomiques sur la statique cervicale peuvent apparaître à partir d’un angle de 5° à 7° et sont à évaluer avec attention.

La chirurgie est fonction du type clinique et se déroule par étapes. Pour éviter les sur- ou sous-correction, il faut faire la distinction entre l’origine innervationnelle ou mécanique de la déviation et des limitations. Le test d’élongation musculaire est capital avant tout geste chirurgical. Seules les procédures de transpositions musculaires peuvent améliorer l’abduction, au prix d’une réduction de l’adduction. Nous envisagerons surtout les types I et III, les II et IV correspondant à des situations plus rares et plus complexes.

Chirurgie horizontale

Le geste chirurgical porte sur l’œil atteint et traite en priorité le torticolis. Les techniques privilégient le recul musculaire fondé sur le test d’élongation des droits horizontaux, les résections étant contre-indiquées sur des muscles potentiellement fibrosés et inextensibles. Les résultats chirurgicaux retrouvés dans la littérature rapportent une réduction du torticolis dans 80 % des cas, avec une stabilité dans le temps de 8,75 ans [4] (fig. 14-30) :

  • type I : double recul asymétrique : droit médial atteint > droit latéral (2 à 3 mm selon l’extensibilité du muscle). Si l’angle strabique est important, on y associe un recul du muscle droit médial sain. L’impotence de ce type I pourra être traitée soit par une Fadenoperation (fils de Cüppers) sur le droit médial de l’œil sain, limitant l’adduction de l’œil sain, ou par une intervention de transposition des droits verticaux en direction du droit latéral atteint en considérant les risques d’ischémie et de réduction de l’adduction ;

  • type II : double recul asymétrique : droit latéral atteint > droit médial atteint. Si l’angle strabique est important, on y associe un recul du muscle droit latéral sain ;

  • type III : la chirurgie a pour but le redressement de l’œil en position primaire par recul des droits horizontaux adaptés au torticolis, l’angle de strabisme en position primaire et le test d’élongation musculaire ;

  • type IV : large recul du droit latéral de l’œil atteint, avec intervention de transplantation du droit latéral au droit médial de l’œil atteint si le résultat est insuffisant.

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Fig. 14-30 Même patiente présentant un syndrome de Duane de type I droit qu’en fig. 14-25, photographiée avant et après chirurgie.

a, b. On note l’amélioration immédiate en postopératoire du torticolis après un recul des deux droits horizontaux. c. Sept ans après, le résultat est stable aussi bien sur le torticolis que sur les anomalies palpébrales.

Chirurgie pour les déviations verticales et la rétraction en adduction

Lorsque les déséquilibres verticaux et la rétraction en adduction sont dysesthétiques, certains gestes peuvent être proposés :

  • recul du droit latéral avec clivage en « V » pour les upshoot ou downshoot ;

  • dédoublement du droit latéral (technique selon Jampolsky) pour améliorer à la fois l’upshoot et la rétraction du globe en adduction ;

  • transplantation du droit latéral au droit médial de l’œil atteint ;

  • myopexie postérieure du droit latéral pour empêcher le glissement du droit latéral, mais au risque d’augmenter l’énophtalmie.

Mesures associées

La chirurgie permet une amélioration de la déviation et du torticolis mais pas une guérison. La famille et le patient doivent être prévenus que l’impotence du muscle fibrosé perdure après intervention et que le torticolis est le plus souvent diminué mais pas éliminé. Ceci explique la nécessité de la kinésithérapie du rachis cervical.

Conduite à tenir

Elle est synthétisée sur la figure 14-31.

Conclusion

Le syndrome de rétraction de Duane est une forme complexe de strabisme dont l’étiologie à la frontière entre strabologie et neurologie a intéressé de nombreuses équipes. Le mécanisme, longtemps discuté, paraît plus clair grâce aux dernières avancées dans les domaines de l’imagerie cérébro-orbitaire et la génétique. Le syndrome de Duane serait secondaire à une anomalie de développement du VI et/ou de fusion musculaire du droit latéral. Nous soulignons l’importance d’un examen clinique fin et attentif associé à la réalisation d’une IRM cérébro-orbitaire, afin de classer au mieux l’atteinte, et de l’évaluation de l’élongation musculaire sous anesthésie générale. Ces patients sont souvent stables, avec un léger torticolis leur assurant une vision binoculaire normale. Les formes plus sévères peuvent bénéficier d’une prise en charge chirurgicale avec des résultats intéressants sur le torticolis, le strabisme en position primaire et les phénomènes de rétraction en adduction. De nombreuses questions restent cependant en suspens, motivant la poursuite des recherches, parmi lesquelles : la prédominance de l’atteinte gauche ou encore le mécanisme d’abduction sans VI visible à l’IRM.

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Fig. 14-31 Conduite à tenir devant un syndrome de Duane.

DL, droit latéral ; DM, droit médial.

SYNDROMES DE FIBROSE CONGÉNITALE DES MUSCLES OCULOMOTEURS
C. Bok-Beaube

On désigne sous le terme de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs les tableaux cliniques résultant d’une fibrose de la musculature oculaire extrinsèque et des fascias. Ces syndromes sont présents dès la naissance, non évolutifs. Ils font partie des syndromes de restriction et ont longtemps été l’objet d’une confusion nosologique. Leur étude doit beaucoup aux apports de la génétique. Leur classification actuelle est génétique et les regroupe sous le terme de CFEOM, acronyme du terme anglo-saxon Congenital Fibrosis of ExtraOcular Muscle.

  • Les syndromes de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs sont une pathologie rare à la sémiologie riche et évocatrice.

  • Le torticolis est majeur.

  • L’étude génétique est indispensable au diagnostic et au conseil familial.

  • Les résultats demeurent incomplets malgré la prise en charge médicochirurgicale bien conduite.

CLASSIFICATION RÉCENTE

Les travaux de génétique moléculaire d’Engle et al. ont permis de reconnaître trois formes de syndrome de restriction [19] :

  • le syndrome de Stilling-Türk-Duane (cf. supra) ;

  • le syndrome de Brown (cf. supra) ;

  • les syndromes de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs, dont on distingue trois types :

    • le CFEOM1, autosomique dominant : l’anomalie génétique est localisée sur le centromère du chromosome 12 ;

    • le CFEOM2, autosomique récessif : la mutation se trouve sur le gène arix, sur le bras long du chromosome 11 ;

    • le CFEOM3, autosomique dominant : l’anomalie génétique se situe sur le bras long du chromosome 16.

La présentation clinique et le mode de pénétrance sont évocateurs mais non suffisant pour différencier ces trois types, seule l’étude génétique le peut [57].

PHYSIOPATHOLOGIE

Le primum movens est une anomalie de l’embryogenèse des noyaux oculomoteurs. L’agénésie ou hypogénésie des noyaux du III est responsable d’un mauvais développement des muscles oculomoteurs. Cette origine neurogène explique les réinnervations paradoxales retrouvées cliniquement [21].

ASPECTS CLINIQUES

La forme stéréotypée associe un ptosis majeur bilatéral avec fonction nulle du releveur de la paupière supérieure, des yeux bloqués en hypotropie, le tout responsable d’un torticolis majeur tête rejetée en arrière, dans un contexte familial (fig. 14-32) [29]. Les signes peuvent cependant être frustes et la présentation familiale hétérogène (fig. 14-33).

Les signes cliniques constants sont :

  • le torticolis : majeur et invalidant (fig. 14-34), lié au frein moteur et non à une recherche de binocularité ;

  • les troubles oculomoteurs : à type d’hypotropie et limitation complète de la verticalité ; les mouvements horizontaux ne sont pas limités ; la motilité intrinsèque est normale ;

  • le ptosis : variable, il peut être uni- ou bilatéral, symétrique ou non, d’importance moyenne à majeure, avec une mauvaise fonction du releveur de la paupière supérieure.

De façon inconstante peuvent s’associer des strabismes horizontaux et des anomalies innervationnelles : syncinésie de Marcus Gunn, spasmes en convergence lors des tentatives d’élévation (fig. 14-35).

D’un point de vue sensoriel, l’astigmatisme est fréquent ; associé aux troubles oculomoteurs, il représente un facteur d’amblyopie. En l’absence d’amblyopie, la vision binoculaire est normale dans le champ de concomitance ; on retrouve une neutralisation dans la zone d’incomitance.

L’imagerie en résonance magnétique nucléaire (IRM) montre une hypotrophie souvent majeure du complexe droit supérieur-releveur de la paupière supérieure (fig. 14-36) ; les autres muscles oculomoteurs sont souvent retrouvés hypotrophiques mais parfois hypertrophiques de façon diffuse ou localisée.

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Fig. 14-32 Syndrome de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs : forme familiale typique (la mère a été opérée).

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Fig. 14-33 Syndromes de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs : présentations familiales hétérogènes.

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Fig. 14-34 Syndrome de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs : le torticolis est constant.

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Fig. 14-35 Syndrome de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs.

a. Au repos : ésotropie gauche. b. Limitation de l’élévation bilatérale avec spasmes en convergence.

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Fig. 14-36 Syndrome de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs. Aspects en IRM : hypotrophie musculaire majeure.

TRAITEMENT

La prise en charge comprend :

  • le dépistage et le traitement de l’amblyopie par une correction optique adaptée et des pénalisations ;

  • la chirurgie oculomotrice, proposée vers deux à trois ans selon l’importance du torticolis et des facteurs amblyogènes :

    • dans un premier temps, elle vise à relâcher les muscles droits inférieurs fibreux ;

    • dans un second temps, les troubles oculomoteurs horizontaux résiduels ou induits par le premier temps chirurgical vertical pourront être pris en charge ;

  • la chirurgie palpébrale, à type de suspension de la paupière supérieure au muscle frontal, qui doit être modérée du fait de la paralysie de l’élévation [42] ;

  • l’étude génétique, indispensable au diagnostic et au conseil familial.

Le but du traitement est d’obtenir le meilleur confort possible, donc la meilleure acuité visuelle et la diminution du torticolis, en prévenant les patients de la persistance des limitations oculomotrices et du résultat incomplet, malgré un traitement bien conduit.

Conclusion

Les syndromes de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs représentent une entité rare, cliniquement reconnaissable et mieux connue depuis les avancées de la recherche génétique. Leur diagnostic rapide permet une prise en charge adaptée. Il faut prévenir les patients des limites du traitement chirurgical.

Pathologie dysthyroïdienne
C. Bok-Beaube

L’atteinte oculomotrice est fréquente au cours des orbitopathies dysthyroïdiennes. Liée à la fibrose musculaire, elle réalise au stade séquellaire une myopathie restrictive, responsable d’une diplopie et/ou de limitations oculomotrices invalidantes.

  • L’orbitopathie dysthyroïdienne est une pathologie qui dure plusieurs années et peut évoluer par poussées imprévisibles.

  • En phase initiale, l’IRM est indispensable si une corticothérapie est discutée.

  • En phase séquellaire, la clinique et la prise en charge chirurgicale sont liées à l’importance de la fibrose tissulaire.

HISTOIRE NATURELLE DES TROUBLES OCULOMOTEURS

L’orbitopathie dysthyroïdienne atteint toutes les structures orbitaires. Elle associe classiquement et de façon plus ou moins complète une exophtalmie à des rétractions palpébrales, des troubles oculomoteurs et une hypertension oculaire. Elle évolue en deux phases : une phase inflammatoire, durant de douze à vingt-quatre mois, suivie d’une phase séquellaire où s’installent les phénomènes de fibrose [1]. Les muscles oculomoteurs sont la cible primitive de l’atteinte orbitaire. Lors de la phase inflammatoire, le corps charnu est le siège d’une infiltration par des lymphocytes, des cellules inflammatoires, des mucopolysaccharides, et d’un œdème, épargnant le tendon. Ces éléments sont responsables de l’augmentation de volume des masses musculaires, prédominant à l’apex, mesurable en imagerie [43]. Cliniquement, l’atteinte oculomotrice s’accompagne de signes inflammatoires locaux : douleur à la mobilisation du globe, chémosis, rougeur conjonctivale en regard de l’insertion des muscles droits. En phase séquellaire, l’évolution se fait vers la fibrose.

L’atteinte oculomotrice est cliniquement présente dans 40 % des orbitopathies dysthyroïdiennes ; elle est présente en imagerie dans 98 % des cas [20].

BILAN CLINIQUE, ORTHOPTIQUE, BIOLOGIQUE ET IMAGERIE
BILAN CLINIQUE

Il définit les caractères de la diplopie : direction (verticale, horizontale ou mixte), incomitance, permanence, positions compensatrices. Il évalue les limitations oculomotrices.

L’interrogatoire précise la durée, l’évolution et les traitements entrepris de la maladie thyroïdienne et orbitaire. Il apprécie la gêne subjective dans la vie courante. On vérifiera la tension oculaire dans le regard de face et le regard en haut, la position et la dynamique palpébrale.

BILAN ORTHOPTIQUE

Il permet de quantifier les déviations. Les schémas coordimétriques indispensables et répétés objectivent les restrictions musculaires et les hyperactions secondaires.

BILAN BIOLOGIQUE

Il comprend le dosage de T3, T4, TSH et celui des Trak (anticorps anti-récepteurs à la TSH), révélateurs de l’évolutivité de la maladie orbitaire. Un chiffre élevé de Trak témoigne d’une évolutivité persistante au niveau orbitaire même si la clinique paraît stabilisée.

IMAGERIE

Typiquement, l’imagerie retrouve une hypertrophie des muscles oculomoteurs, fusiforme, prédominant à l’apex, épargnant le tendon (fig. 14-37). Le scanner visualise les muscles atteints, mesure le degré d’exophtalmie, apprécie le rapport contenant/contenu orbitaire, la taille des sinus osseux. Il doit être systématiquement demandé lorsqu’une orbitotomie est envisagée. L’imagerie en résonance magnétique nucléaire apprécie l’état de fibrose et/ou d’inflammation des muscles et de la graisse orbitaire. En phase initiale, elle est indispensable si un traitement anti-inflammatoire est discuté ; elle permet alors de ne pas méconnaître une composante inflammatoire cliniquement peu marquée [71]. Les deux types d’imagerie sont donc complémentaires. Devant un tableau clinique typique d’orbitopathie, le scanner est souvent suffisant ; l’IRM sera demandée devant une forme complexe et/ou inflammatoire.

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Fig. 14-37 Orbitopathie dysthyroïdienne. Hypertrophie musculaire en IRM, coupe sagittale : noter l’aspect fusiforme prédominant à l’apex et le respect du tendon.

(Cliché F. Heran, Fondation ophtalmologique Rothschild, Paris.)

FORMES CLINIQUES

Les muscles le plus souvent touchés sont les droits inférieurs, suivis, par ordre de fréquence décroissante, par les droits médiaux puis supérieurs ; l’atteinte des muscles obliques est rare, celle des droits latéraux exceptionnelle. L’atteinte peut être unilatérale ou bilatérale, symétrique ou non, monomusculaire ou plurimusculaire. Elle réalise, au stade de séquelle, un tableau de myopathie restrictive. Citons à part : les troubles oculomoteurs induits ou persistants après une orbitotomie chirurgicale.

ATTEINTE D’UN DROIT INFÉRIEUR

Elle est la forme clinique la plus typique, responsable d’une diplopie verticale par hypotropie et limitation de l’élévation (fig. 14-38). On mesure une augmentation de la pression oculaire de plus de 4 mm Hg entre le regard de face et le regard en haut, liée à la compression directe sur la sclère du droit inférieur fibreux. Dans l’atteinte bilatérale symétrique des droits inférieurs, le patient ne décrit pas de diplopie mais présente une attitude de tête rejetée en arrière, invalidante.

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Fig. 14-38 Orbitopathie dysthyroïdienne. Atteinte du droit inférieur gauche : hypotropie et limitation de l’élévation gauche, gros droit inférieur gauche visualisé au scanner.

ASSOCIATION DE L’ATTEINTE DROIT INFÉRIEUR ET DROIT MÉDIAL

Elle est très fréquente. Les patients décrivent une diplopie mixte. Si l’atteinte est bilatérale et symétrique la diplopie est horizontale.

ATTEINTE D’UN DROIT SUPÉRIEUR

Elle occasionne une diplopie verticale avec limitation de l’abaissement. Elle peut s’associer à l’atteinte du droit inférieur controlatéral.

ATTEINTE D’UN MUSCLE OBLIQUE

Elle est rare, le plus souvent associée à l’atteinte d’un droit inférieur ou de plusieurs muscles droits. Elle doit être recherchée car souvent méconnue. Elle associe aux désordres oculomoteurs une composante torsionnelle.

ATTEINTE D’UN DROIT LATÉRAL

Elle est exceptionnelle, associée à celle des autres muscles droits dans des formes plurimusculaires.

TROUBLES OCULOMOTEURS INDUITS OU PERSISTANTS APRÈS UNE ORBITOTOMIE CHIRURGICALE

Ils sont fréquents, liés à la perte de support et aux décompensations suite à la chirurgie osseuse (fig. 14-39). Les formes avec exophtalmie majeure nécessitant une large décompression et la présence de « gros muscles » sur l’imagerie préopératoire sont des facteurs favorisants. Ces troubles sont limités par la réalisation d’une orbitotomie inférieure et médiale, permettant de limiter le déficit osseux sur chaque paroi et par l’association à une lipectomie dans les formes graisseuses [54]. Le temps chirurgical osseux doit donc précéder le temps oculomoteur.

Un bilan oculomoteur complet est indispensable avant la réalisation de l’orbitotomie.

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Fig. 14-39 Atteinte bilatérale plurimusculaire décompensée après orbitotomie : diplopie horizontale par ésotropie droite, limitation de l’élévation et de l’abduction bilatérale. Aspect en IRM.

PRISE EN CHARGE

La stabilisation de la maladie thyroïdienne est indispensable avant tout geste orbitaire.

AU STADE INFLAMMATOIRE DE L’ORBITOPATHIE

Une corticothérapie peut être instaurée devant l’association de trois ou plus de signes inflammatoires locaux, selon la classification de Mourits (tableau 14-VI). Idéalement elle consiste en des flashs de Solu-Médrol® à la dose de 1 g par jour injecté trois jours de suite, suivis d’un traitement oral à fortes doses (1 mg/kg par jour), prolongé et lentement dégressif. En cas de contre-indication, de complication de la corticothérapie ou de corticodépendance, une radiothérapie à dose modérée (20 à 25 Gy) fractionnée en dix séances peut être proposée. Son effet est différé [3].

Une orbitotomie en urgence, au stade inflammatoire, peut être indiquée en cas de neuropathie optique compressive. Il s’agit alors souvent de formes peu exophtalmiantes.

Devant une diplopie, les prismes représentent une solution d’attente.

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Tableau 14-VI –  Classification de Mourits (1989).

AU STADE SÉQUELLAIRE

L’orbitotomie est proposée devant une exophtalmie cosmétiquement gênante ou un risque de complication (exposition cornéenne, neuropathie optique compressive). La prise en charge des troubles oculomoteurs est chirurgicale [8]. La chirurgie oculomotrice est proposée devant une forme invalidante avec stabilité du tableau clinique datant d’au moins six mois chez un patient en euthyroïdie depuis au moins six mois. Elle est guidée par le diagnostic précis des muscles atteints et l’importance de la restriction. Elle obéit au schéma chronologique suivant : le premier temps est celui de la chirurgie osseuse, le deuxième temps celui de la chirurgie oculomotrice et le troisième temps celui de la chirurgie palpébrale. S’agissant d’une pathologie restrictive, le geste consiste en un recul musculaire du ou des muscles fibreux. Les résections ou plicatures doivent être évitées car elles aggravent la restriction. Devant une diplopie mixte, on commencera toujours par le geste vertical qui peut améliorer la composante horizontale. Il s’agit d’un geste chirurgical souvent hémorragique sur des tissus fibreux et fragiles. Il faut souligner l’importance des tests peropératoires de duction forcée et d’élongation musculaire dans l’établissement du protocole chirurgical [863].

Conclusion

La gêne occasionnée par les troubles oculomoteurs de l’orbitopathie dysthyroïdienne demande une prise en charge rapide et adaptée. Le diagnostic des muscles atteints, établi par la clinique et l’imagerie, est indispensable à l’évaluation du protocole thérapeutique. Les « patients doivent être patients » car la prise en charge chirurgicale est proposée en phase séquellaire, après souvent plusieurs années d’évolution. Ils doivent être informés des risques de poussées évolutives imprévisibles pouvant amener à des gestes chirurgicaux itératifs.

Myopathies
F. Audren

Les troubles oculomoteurs touchent environ 5 % de la population et sont surtout représentés par les strabismes et les paralysies oculomotrices. La pathologie touchant les muscles oculomoteurs eux-mêmes est rare. Les muscles oculomoteurs présentent des caractéristiques structurelles, fonctionnelles, biochimiques et immunologiques qui expliquent leur grande résistance à la fatigue et un contrôle rapide et précis de la motilité oculaire, mais qui peuvent aussi expliquer pourquoi ces muscles sont spécifiquement atteints dans certaines pathologies, comme la myasthénie, les mitochondriopathies ou encore l’orbitopathie dysthyroïdienne [78].

  • Les pathologies oculomotrices dues à des myopathies sont rares.

  • Elles sont le plus souvent génétiques et souvent d’origine mitochondriale.

  • Le tableau clinique le plus fréquent est l’ophtalmoplégie externe progressive.

  • Les causes les plus fréquentes sont les cytopathies mitochondriales, la dystrophie oculopharyngée et la maladie de Steinert.

  • Le principal diagnostic différentiel est la myasthénie.

MYOPATHIES OCULAIRES

Les myopathies oculaires se caractérisent habituellement par une limitation oculomotrice bilatérale, d’évolution progressive et très lente, souvent associée à un ptosis qui peut être le premier signe ; on parle d’ophtalmoplégie externe chronique progressive. Elle peut toucher plusieurs muscles au début, puis va se généraliser (fig. 14-40), pouvant aboutir à des globes oculaires fixés en position primaire (ou en exotropie) ; mais, du fait de son installation très progressive, cette ophtalmoplégie n’est le plus souvent pas responsable de diplopie.

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Fig. 14-40 Ptosis bilatéral et limitation de la motilité oculaire chez une patiente présentant une ophtalmoplégie externe progressive (myopathie mitochondriale).

MYOPATHIES OCULAIRES MITOCHONDRIALES

Les myopathies oculaires sont dominées par les ophtalmoplégies liées à des anomalies mitochondriales, l’atteinte pouvant être oculomotrice et palpébrale exclusive ou s’associer à des atteintes extraoculaires [49]. Les myopathies oculaires mitochondriales sont caractérisées par une ophtalmoplégie externe chronique progressive, apparaissant généralement avant l’âge de vingt ans. Elle peut être isolée ou associée à une atteinte d’autres muscles (face, pharynx, voile, cou, épaules, tronc, racine pelvienne) et à des atteintes extramusculaires :

  • oculaires : rétinopathie, atrophie optique ;

  • cardiaques : trouble de conduction ;

  • ORL : surdité, troubles vestibulaires ;

  • neurologiques : ataxie cérébelleuse, myoclonies, neuropathie périphérique, épilepsie, retard mental, pseudo-accidents vasculaires cérébraux ;

  • digestives : trouble de la motilité intestinale.

Les mitochondries sont des organites ubiquitaires, prédominant dans le muscle et le système nerveux, source d’ATP pour la cellule (voie métabolique aérobie). Les myopathies oculaires mitochondriales sont dues soit à des mutations de l’ADN mitochondrial (transmission maternelle), soit de l’ADN nucléaire (transmission autosomique dominante ou récessive due à des gènes codant alors des protéines de structure de la mitochondrie ou des protéines de maintenance du génome mitochondrial). Les associations pathologiques sont très variées en fonction de l’anomalie génétique responsable :

  • des mutations ponctuelles donneront des syndromes caractéristiques, où l’ophtalmoplégie n’est pas au premier plan :

    • MELAS (#540000, Mitochondrial Encephalopathy, Lactic Acidosis, Stroke-like episodes) ;

    • MERRF (#545000, Myoclonic Epilepsy with Ragged-Red Fibers) ;

  • le syndrome de Kearns-Sayre (#530000) est dû à des délétions de grande taille et se caractérise par une ophtalmoplégie externe, une rétinopathie pigmentaire, un ptosis et une cardiomyopathie. Le diagnostic clinique est fait en présence d’une ophtalmoplégie externe chronique progressive débutant avant l’âge de vingt ans et d’une rétinopathie pigmentaire d’aspect caractéristique, avec une rétine « poivre et sel » prédominant au niveau maculaire avec atrophie péripapillaire, de retentissement généralement modéré. Ces anomalies ophtalmologiques sont associées à au moins une atteinte parmi les suivantes :

    • cardiaque : bloc de conduction, incomplet au début et pouvant évoluer vers un bloc auriculoventriculaire complet ;

    • neurologique : protéinorachie, ataxie cérébelleuse, surdité, démence ;

    • endocrinien : retard croissance, hypoparathyroïdie, dysfonction gonadique, diabète ;

    • musculaire : faciale (orbiculaire et frontal) ;

  • les mutations de l’ADN nucléaire donnent d’autres syndromes (transmission autosomique dominante ou récessive) :

    • gènes de structure : syndrome de Leigh (#256000) ;

    • gènes de maintenance : MNGIE (#603041, Mitochondrial NeuroGastroIntestinal Encephalopathy), SANDO (#607459, Sensory Ataxic Neuropathy, Dysarthria, Ophtalmoparesis), ophtalmoplégies externes isolées (PEOA1, #157640, PEOA2, #609283) ;

    • etc.

Devant une ophtalmoplégie externe chronique progressive, le bilan devra être systématique, comprenant le plus souvent : enquête génétique, examen neurologique, IRM encéphalique (recherche d’anomalies neurologiques associées, atrophie des muscles oculomoteurs), électromyogramme, électrorétinogramme, électrocardiogramme, audiogramme, dosages biologiques (glycémie, enzymes musculaires, lactates), biopsie musculaire (sur le deltoïde, notamment à la recherche de « ragged-red fibers », typiques dans les mitochondriopathies, cette biopsie pouvant être normale) et analyses génétiques (fig. 14-41).

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Fig. 14-41 Arbre diagnostique devant une ophtalmoplégie externe progressive.

EMG, électromyogramme ; MINGIE, Mitochondrial Neurogastrointestinal Encephalopathy ; MERRF, Myoclonic Epilepsy With Ragged-Red Fibers ; MELAS, Mitochondrial Encephalopathy, Lactic Acidosis, Stroke-like episods ; SANDOS, Sensory Ataxic Neuropathy Dysarthria, Ophtalmoparesis ; PEOA, Progressive External Ophthalmoplegia, Autosomic dominant.

DYSTROPHIE MUSCULAIRE OCULOPHARYNGÉE

Dans la plupart des dystrophies musculaires (comme la myopathie de Duchenne, #164300), il n’y a pas d’atteinte oculomotrice, même dans les formes très évoluées. Les myopathies oculaires associées aux dystrophies musculaires sont surtout représentées par la dystrophie musculaire oculopharyngée, de transmission autosomique dominante (pénétrance 100 %, sévérité variable). L’affection est ubiquitaire mais il existe des régions de forte prévalence (Israël et Québec).

Elle débute après quarante-cinq ans par un ptosis bilatéral, parfois asymétrique, suivi par une dysphagie, d’abord pour les solides, et plus tardivement par un déficit proximal des membres ; les troubles oculomoteurs sont rares et souvent tardifs (après soixante ans). Les autres signes observés sont une dysarthrie/dysphonie, une faiblesse linguale avec atrophie, une faiblesse des muscles faciaux. Il n’y a pas d’atteinte cardiaque ou respiratoire rapportée.

L’évolution est lentement progressive et la durée de vie peu ou pas modifiée. Les complications sont surtout marquées par des troubles de la déglutition. La grabatisation est rare et toujours très tardive. Le traitement est chirurgical (chirurgie palpébrale, myotomie du muscle cricopharyngien).

Le diagnostic est confirmé par l’étude génétique, qui recherche une répétition de triplets GCG sur le gène PABPN1 (polyadenine binding protein nuclear 1) du chromosome 14. L’électromyogramme recherche un syndrome myogène inconstant, les CPK sont parfois augmentées. La biopsie musculaire recherche des inclusions intranucléaires filamenteuses de 8,5 nm de diamètre en microscopie électronique, caractéristiques (présentes sur seulement 3 % à 6 % des fibres musculaires, avec un fort risque de faux négatifs).

Les diagnostics différentiels à évoquer devant l’association ptosis et troubles de la déglutition sont les mitochondriopathies, la dystrophie myotonique de Steinert et la myasthénie.

DYSTROPHIE MYOTONIQUE DE STEINERT

La dystrophie myotonique de Steinert (#160900, dystrophie myotonique de type 1 ou maladie de Steinert), de transmission autosomique dominante, est la maladie musculaire la plus fréquente. Elle comporte un ptosis modéré et non au premier plan, un faciès inexpressif avec fonte musculaire, une myotonie (déficit musculaire distal, contraction des mains et de la mâchoire), une cataracte, des troubles endocriniens et des troubles de conduction cardiaque (bloc auriculoventriculaire). L’ophtalmoplégie est modérée et rare. Le diagnostic est fait sur la clinique, l’électromyogramme qui retrouve des salves myotoniques, et surtout sur l’analyse génétique qui recherche la répétition de codons CTG dans une zone non codante du gène DMPK (Dystrophia Myotonica Protein Kinase) sur le chromosome 19.

ATTEINTE DE LA JONCTION NEUROMUSCULAIRE

On peut rapprocher la myasthénie des maladies des muscles oculomoteurs. Il s’agit d’une maladie auto-immune où des anticorps sont dirigés contre les récepteurs à l’acétylcholine de la jonction neuromusculaire ; elle est un diagnostic différentiel de certaines atteintes musculaires [72].

La myasthénie peut être généralisée ou oculaire pure. La principale caractéristique clinique est le caractère fluctuant des troubles, majorés par la fatigue. Le diagnostic est suspecté par l’examen clinique qui doit être complet, éliminant des signes orbitaires, une anomalie des réflexes pupillaires ou de la sensibilité cornéenne. Le ptosis est le signe le plus fréquemment rencontré. La diplopie est également fréquente, variable, avec un trouble oculomoteur qui touche le plus souvent le droit médial puis le droit inférieur. Le tableau peut être trompeur, pouvant simuler une ophtalmoplégie internucléaire ou une paralysie de la IIIe paire crânienne. On doit systématiquement rechercher une notion de fausse route ou une dysphonie, orientant vers une possible myasthénie généralisée, la prise en charge neurologique étant alors urgente.

Le diagnostic se fait surtout sur la clinique, l’imagerie orbitaire et cérébrale (normale), les anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine et anti-muscles, l’électromyogramme et/ou un test pharmacologique aux anticholinestérasiques (faisant disparaître les symptômes). La recherche d’un thymome associé doit être systématique (scanner thoracique), ainsi qu’un bilan thyroïdien (association à une dysthyroïdie).

En cas de myasthénie généralisée avec révélation par des signes oculomoteurs initiaux, plus de 90 % des patients vont généraliser en règle dans les deux ans. En cas de myasthénie oculaire pure, tout le bilan peut être normal, ce qui n’élimine pas le diagnostic.

Dans les formes oculaires pures invalidantes, les anticholinestérasiques ne sont efficaces que dans la moitié des cas, la corticothérapie étant alors indiquée.

Troubles oculomoteurs des fractures orbitaires
C. Bok-Beaube

Les fractures orbitaires surviennent parfois dans un contexte polytraumatique où leurs complications peuvent passer au second plan derrière le pronostic vital. La rupture de la synergie oculomotrice est l’une des complications les plus fréquentes au cours des traumatismes orbitaires. Elle se rencontre au décours des fractures du plancher et/ou de la paroi interne mais aussi après leur traitement chirurgical.

  • La fracture en trappe est une urgence chirurgicale dans les 48 heures.

  • Devant une diplopie verticale post-traumatique, il faut demander un scanner avec des coupes sagittales passant par le trajet du droit inférieur.

  • Il faut prévenir les patients des séquelles des fractures et de leur traitement.

RAPPEL ANATOMIQUE ET TYPES CLINIQUES

Du fait des zones de fragilité osseuse, trois types de fractures orbitaires vont intéresser l’ophtalmologiste. Ces fractures peuvent s’associer.

FRACTURES MAXILLOMALAIRES

Ce sont des fractures à point d’impact malaire, propagées au maxillaire. Le rebord orbitaire est en général respecté. On y rencontre les fractures du plancher, dont deux formes cliniques typiques peuvent être individualisées : les fractures par éclatement osseux (ou fractures en « blow out ») [69], correspondant aux traumatismes avec déplacement externe des murs orbitaires, et les fractures en trappe dans lesquelles le plancher se remet spontanément en place, piégeant la péri-orbite dans le foyer de fracture, ce qui nécessite une intervention urgente. Les problèmes posés par tout type de fracture maxillomalaire sont la diplopie, l’énophtalmie par expansion osseuse et évasion du contenu orbitaire dans le sinus maxillaire, la dystopie du canthus externe et de la paupière inférieure, les troubles de la sensibilité dans le territoire du nerf sous-orbitaire.

FRACTURES NASO-ETHMOÏDO-MAXILLAIRES

Ces fractures, outre leurs conséquences plastiques (notamment énophtalmie), ont des retentissements fonctionnels qui sont la dystopie du canthus interne, l’obstruction des voies lacrymales, l’énophtalmie, les troubles oculomoteurs par atteinte des muscles oblique inférieur et/ou droit médial, l’obstruction nasale. On y trouve les fractures par hyperpression de la paroi interne.

FRACTURES FRONTO-ORBITAIRES

Elles intéressent l’arcade sourcilière, le plafond orbitaire, le sinus frontal, parfois l’ethmoïde, la grande aile du sphénoïde, et elles peuvent aller jusqu’à la paroi externe de l’orbite. Le déplacement des fragments osseux est le plus souvent interne, associé à une exophtalmie. Elles posent des problèmes fonctionnels à type de méningoencéphalocèle, rhinorrhée cérébrospinale, anosmie, troubles d’acuité visuelle, ophtalmoplégie, diplopie, ptosis, souvent dans un contexte neurochirurgical.

PHYSIOPATHOLOGIE DES TROUBLES OCULOMOTEURS AU COURS DES FRACTURES ORBITAIRES

Il faut distinguer la diplopie des fractures orbitaires non opérées de celle résiduelle et/ou induite par le traitement chirurgical de la fracture.

TROUBLES OCULOMOTEURS DES FRACTURES ORBITAIRES NON OPÉRÉES

L’origine est multifactorielle. Trois mécanismes sont reconnus : déséquilibres mécanique, neurogène, sensoriel.

Déséquilibre mécanique

Le plus souvent en cause, il correspond au blocage de la motricité extrinsèque. Ses caractéristiques cliniques sont particulières : limitation oculomotrice précoce, d’emblée maximale — le plus souvent limitation de l’élévation dans les fractures du plancher ou de l’abduction dans les fractures de la paroi interne — ; le test de duction forcée est positif.

Les causes d’une origine mécanique sont : l’incarcération des tissus mous périmusculaires dans le foyer de fracture (l’incarcération des muscles eux-mêmes étant exceptionnelle), l’hématome ou l’œdème intraorbitaire responsables d’une restriction diffuse d’amélioration progressive, un traumatisme direct musculaire dont la cicatrisation spontanée peut se faire vers la fibrose expliquant les échecs de la chirurgie orbitaire.

Le schéma coordimétrique montre la limitation oculomotrice, l’hyperaction de l’agoniste controlatéral avec faible contracture de l’antagoniste homolatéral. La tomodensitométrie visualise les lésions et étudie la dynamique oculaire.

Déséquilibre neurogène

C’est une parésie ou une paralysie musculaire due à la lésion d’un nerf oculomoteur ou de ses ramifications. Rares, précoces, les lésions nerveuses sont en général extraorbitaires noyées dans un tableau neurochirurgical : typiquement, association fracture orbitaire-fracture du rocher avec paralysie du VI. Cependant la lésion d’un rameau nerveux innervant l’oblique inférieur se rencontre au cours des fractures du plancher, responsable d’un tableau de « pseudo-Brown ». Le test de duction forcée est négatif.

Déséquilibre sensoriel

C’est la déviation progressive, le plus souvent horizontale, d’un globe oculaire devenu non voyant au décours du traumatisme ou la décompensation d’un trouble de la fusion préexistant. Cliniquement, les amplitudes des ductions volontaires sont peu restreintes malgré l’importance de la déviation ; le test de duction forcée est négatif.

DIPLOPIE ET FRACTURES ORBITAIRES OPÉRÉES

L’incidence moyenne d’une diplopie séquellaire ou induite par le traitement est de 20 % [30].

Les facteurs prédisposants sont le délai opératoire supérieur à un mois, l’association d’une fracture du plancher à une fracture de la paroi interne, l’extension postérieure des fractures supérieure à 20 mm du rebord [6].

Les causes sont variées : désincarcération insuffisante, chirurgie iatrogène, fibrose, séquelles morphologiques, décompensation sensorielle, atteintes neurogène ou musculaire définitives.

BILAN DES DIPLOPIES POST-TRAUMATIQUES

L’interrogatoire précise les modalités de l’accident. L’examen clinique comporte l’examen ophtalmologique complet, l’examen orbitaire et palpébral. Il est complété par des photographies obligatoires dans un contexte médico-légal. L’examen oculomoteur apprécie la diplopie et ses caractères (direction, incomitance, position compensatrice), la déviation oculaire, les limitations oculomotrices, les modifications de la fente palpébrale, l’ascension ou l’abaissement du globe lors des mouvements oculaires. S’il est possible, le test de duction forcée sous anesthésie locale permet de préciser le mécanisme.

L’œdème, la douleur et les hématomes peuvent rendre difficile l’examen initial, qui doit être répété (fig. 14-42).

Le bilan orthoptique avec coordimètre précise les restrictions et hyperactions compensatrices ; il est répété pour suivre l’évolution et poser l’indication chirurgicale.

La symptomatologie est variée, dépendant de la physiopathologie ; cependant, l’abord sémiologique d’une diplopie post-traumatique obéit à quelques règles [5253] :

  • il n’y a pas de parallélisme entre l’importance de la fracture et les troubles oculomoteurs ;

  • une diplopie horizontale est souvent mieux tolérée qu’une diplopie verticale ;

  • en l’absence de diplopie initiale, on ne relèvera pas de diplopie secondaire si la fracture n’est pas opérée ;

  • la fibrose est un facteur de mauvais pronostic.

La tomodensitométrie (TDM) confirme le diagnostic, analyse les dégâts osseux, les rapports contenant/contenu. Les coupes sagittales centrées sur le muscle droit inférieur sont indispensables dans les fractures du plancher pour connaître les rapports muscle/fracture, surtout dans les formes postérieures. L’imagerie en résonance magnétique, du fait de la mauvaise visualisation osseuse, a un rôle modeste dans le bilan initial.

Deux formes cliniques particulières sont à individualiser : la fracture en trappe et l’hypertropie post-traumatique (cf. encadré).

Fracture en trappe

Fracture du plancher, rencontrée le plus souvent chez l’enfant, également appelée fracture « en bois vert », elle se referme spontanément, « piégeant » les éléments anatomiques herniés. Les signes oculomoteurs sont immédiats et nets : diplopie verticale avec limitation douloureuse de l’élévation, parfois de l’abaissement. Ils contrastent avec la pauvreté de l’examen clinique souvent réduit à une hémorragie sous-conjonctivale. Le schéma coordimétrique confirme l’atteinte verticale. L’exploration tomodensitométrique, pauvre, recherche une image « en goutte » caractéristique, avec peu ou pas de défect osseux (fig. 14-43). Le traitement chirurgical orbitaire est urgent, dans les 48 heures, en raison du risque ischémique et du caractère définitif des séquelles oculomotrices.

Hypertropie post-traumatique

Elle est décrite dans les fractures de type « blow out » très postérieures du plancher et/ou après réparation du plancher par du matériel, d’autant plus que celui-ci est épais et placé postérieurement. On note une diplopie verticale avec hypertropie et limitation de l’abaissement ; le test de duction forcée est négatif. L’imagerie guide le diagnostic et la conduite à tenir. L’évolution se fait le plus souvent vers la régression spontanée en quelques mois, en rapport alors avec une « sidération » transitoire du muscle droit inférieur.

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Fig. 14-42 La douleur, l’œdème et les hématomes rendent difficile l’examen initial.

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Fig. 14-43 Aspect tomodensitométrique d’une fracture en trappe. Noter le peu de défect osseux et l’image « en goutte ».

TRAITEMENT
GÉNÉRALITÉS

En dehors de l’urgence représentée par la fracture en trappe, au stade de fracture récente, la persistance de la diplopie au-delà de quinze jours et/ou l’importance de l’énophtalmie dictent l’heure de la chirurgie orbitaire. L’intervention tend à la restauration anatomique des parois orbitaires après désincarcération des tissus mous. La réfection orbitaire améliore souvent les désordres oculomoteurs.

Voici le cas de M. P qui consulte pour diplopie après traumatisme de l’orbite gauche. L’imagerie montre la fracture de la paroi médiale, avec déplacement du muscle droit médial qui apparaît embroché voire sectionné par un fragment osseux. La réparation orbitaire permet la résolution des troubles oculomoteurs (fig. 14-44). La chirurgie oculomotrice, si indiquée, se déroulera trois à six mois après la chirurgie orbitaire, devant des déviations importantes avec diplopie persistante et stable [62]. Il s’agit souvent d’une chirurgie itérative pouvant intéresser un ou les deux yeux. Le renforcement du muscle déficient du côté de la fracture ou l’affaiblissement d’un muscle fibreux donnent souvent de bons résultats. On évitera de renforcer un muscle déficient fibreux, ce qui aggraverait la restriction ; dans ces cas, on affaiblira les antagonistes homolatéraux ou les synergiques controlatéraux.

Voici le cas de M. P. qui consulte vingt-huit ans après une fracture de l’orbite droite iatrogène, survenue au cours d’une intervention ORL pour sinusite, opérée rapidement. Il se tient avec un torticolis tête penchée en bas pour éviter la diplopie liée à l’hypertropie de l’œil droit. L’imagerie montre la fracture postérieure du plancher, un remaniement anatomique avec foyer cicatriciel fibreux. La révision orbitaire n’est pas indiquée. La chirurgie oculomotrice à type de recul du droit supérieur homolatéral et exploration-libération des adhérences, petit renforcement du droit inférieur, permet une amélioration des symptômes (fig. 14-45). Lorsqu’il existe un trouble de la verticalité associé à une anomalie de l’horizontalité, on commencera par opérer la verticalité. Le but du traitement est de rendre l’orthophorie en position primaire et dans le regard en bas. Il peut persister une diplopie dans le regard en haut.

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Fig. 14-44 Jeune homme présentant une diplopie suite à un traumatisme orbitaire gauche.

a. Exotropie gauche. b. Limitation majeure de l’adduction. c. L’imagerie, en coupe coronale, montre la fracture de la paroi médiale avec large défect osseux et déplacement du muscle droit médial vers le sinus nasal. d. En coupe axiale, le muscle droit médial est dans le foyer de fracture ; il paraît sectionné. e, f. Deux mois après réfection orbitaire, exploration et réparation de la fracture, les troubles oculomoteurs s’améliorent.

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Fig. 14-45 Traumatisme orbitaire ancien.

a. Torticolis majeur pour éviter la diplopie. b. En position primaire : hypertropie droite. c. Limitation de l’abaissement. d, e. L’imagerie montre la fracture du plancher orbitaire droit, sa réparation et les remaniements anatomiques séquellaires. Une reprise orbitaire n’est pas indiquée. Un geste oculomoteur est réalisé. f, g. Aspect postopératoire : position de tête améliorée, orthophorie, amélioration de l’abaissement.

CONDUITE À TENIR

Elle a été précisée par Morax [53].

La fracture n’a pas été opérée et s’accompagne de diplopie
  • Il existe une anomalie morphologique (dystopie, énophtalmie) : la chirurgie orbitaire est indiquée ; il en résulte souvent une amélioration de l’oculomotricité.

  • La diplopie est isolée sans trouble morphologique : si le test de duction forcée et/ou l’imagerie montrent l’origine mécanique, la chirurgie orbitaire est indiquée (fig. 14-44) ; sinon, on a recours d’emblée à la chirurgie oculomotrice (fig. 14-46).

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Fig. 14-46 Polytraumatisme : traumatisme crânien avec coma, arrachement d’un bras, fracture de la face et fracture non opérée du plancher orbitaire droit. Diplopie horizontale au réveil.

a. Cliniquement : exotropie droite. b, c. Noter l’importance de la déviation sans limitation de la motilité. d, e. L’imagerie élimine une origine mécanique : il s’agit d’une décompensation d’une exophorie préexistante. Devant l’absence d’énophtalmie, la chirurgie oculomotrice est indiquée d’emblée. f. Aspect postopératoire.

La fracture a été opérée
  • L’imagerie en résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix : elle permet d’analyser le matériel de reconstruction et ses rapports avec les muscles oculomoteurs et les tissus mous.

  • Il persiste un trouble oculomoteur permanent : l’imagerie précise s’il s’agit d’une anomalie du contenu (fibrose musculaire) ou du contenant (désincarcération insuffisante) ou des deux, et oriente vers une révision orbitaire ou une chirurgie oculomotrice d’emblée. Les formes fibreuses sont de mauvais pronostic.

  • La chirurgie orbitaire a induit une diplopie : cette complication est fréquente. Selon les données de l’imagerie (matériel de reconstruction trop épais ou trop postérieur), une révision orbitaire peut être proposée s’il n’y a pas d’amélioration spontanée à trois mois. Si nécessaire, elle sera suivie d’une chirurgie oculomotrice.

Il faut se souvenir qu’en l’absence de diplopie initiale, il n’apparaîtra pas de diplopie si la fracture n’est pas opérée. Il faut donc peser soigneusement les indications de réfection orbitaire devant une énophtalmie isolée.

Conclusion

La diplopie est une complication fréquente des fractures orbitaires et de leur traitement. Il faut connaître l’urgence de la fracture en trappe, souligner l’importance du scanner avec des coupes sagittales passant par le trajet du muscle droit inférieur devant une diplopie verticale post-traumatique, et la place de l’IRM devant les diplopies résiduelles ou induites par une réfection chirurgicale orbitaire. Il est important de prévenir les patients des risques de chirurgies itératives et des séquelles de la fracture et/ou de son traitement chirurgical.

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