CHAPITRE 12
Glaucomes de l’enfant

D. Denis, A. Aziz-Alessi

Le glaucome entraîne une neuropathie optique compressive responsable de 5 % des cécités de l’enfant [1]. C’est une des priorités de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour réduire le handicap visuel chez les enfants à travers le monde [1], Cette pathologie regroupe chez l’enfant un vaste ensemble d’affections rares et polymorphes (Fig. 12-1) [2], potentiellement cécitantes dont les approches diagnostique et thérapeutique sont différentes de celle de l’adulte.

Les manifestations cliniques sont secondaires à l’élévation de la pression intra-oculaire (PIO) et dépendent de l’âge de survenue et du type de glaucome; elles peuvent s’observer dès la naissance. L’objectif principal de l’ophtalmologiste pédiatre va être la normalisation immédiate et à long terme de la PIO. De la rapidité avec laquelle un diagnostic précis est posé, du type de glaucome rencontré, du caractère approprié du traitement et de la rigueur d’une surveillance « à vie » dépendra la qualité de la vision qui elle-même conditionnera la vie future de ces enfants glaucomateux. Cette prise en charge est pluridisciplinaire concernant orthoptiste, infirmier(ère) de la protection maternelle et infantile (PMI), médecin généraliste, pédiatre, généticien et ophtalmologiste.

Génétique

La Human Genome Organization (HGO) désigne les loci impliqués dans la survenue de glaucomes primaires par le symbole GLC. Les chiffres 1, 2, 3 représentent respectivement les angles ouverts, fermés et les formes congénitales. Chaque nouveau locus cartographié est assigné par une lettre. Le glaucome de l’enfant rassemble trois grandes formes, différentes d’un point de vue phénotypique et génotypique :

  • les glaucomes congénitaux primaires avec anomalie de développement limitée à l’angle iridocornéen et au trabéculum : trois loci identifiés GLC3A à C dont le gène CYP1B1 situé sur le chromosome 2p21 codant pour un cytochrome P450. La plupart des glaucomes congénitaux surviennent sporadiquement, cependant des antécédents familiaux sont présents dans 10 à 15 % des cas et sont autosomiques récessifs avec une pénétrance variable. Chez les jumeaux et dans la descendance des patients sans antécédent de consanguinité, le risque de glaucome congénital primitif est inférieur à 5 % [3];

  • les glaucomes congénitaux dysgénésiques associés à des anomalies du segment antérieur (embryotoxon postérieur, Axenfeld, Rieger, etc.) avec identification de deux gènes codant pour des facteurs de transcription (PITX2 loci RIEG1 4q25-27 et FOXC1 6p25);

  • les glaucomes juvéniles de révélation plus tardive liés à la mutation faux sens du gène MYOC1, locus GLC1A (1q23-24) avec accumulation de myociline anormale dans le trabéculum [3].

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Fig. 12-1 Classification des glaucomes de l’enfant.

Glaucomes primaires
GLAUCOME CONGÉNITAL PRIMITIF
INTRODUCTION, DÉFINITION

Le glaucome congénital primitif est le plus fréquent des glaucomes de l’enfant. C’est une urgence diagnostique et thérapeutique, car l’altération des fibres ganglionnaires qui transmettent l’influx visuel au cortex peut être définitive. L’objectif principal du thérapeute est la normalisation immédiate et à long terme de la PIO. Mais ce n’est pas là le seul challenge, car le glaucome peut être aussi à l’origine d’une amétropie, d’une amblyopie et secondairement aboutir à un strabisme et/ou à un nystagmus alourdissant le pronostic.

La prise en charge s’intègre dans une démarche multidisciplinaire de qualité pour permettre le meilleur développement de la fonction visuelle, garant d’une bonne qualité de vie. Depuis ces dernières années le pronostic s’est amélioré grâce aux avancées effectuées dans le domaine du dépistage, de la génétique et aussi grâce à la précocité et à la qualité de la thérapeutique en particulier dans les formes sévères précoces.

FRÉQUENCE, ÂGE DE DÉBUT, ETHNIE ET SEXE

L’incidence estimée à 1 sur 18 500 naissances [3] en Europe occidentale, elle est majorée dans les populations avec taux de consanguinité élevé [4]. Selon l’âge de survenue, le glaucome sera précoce (de la période prénatale à 1 mois d’âge), infantile (de 1 mois à 2 ans) ou tardif (au-delà de 2 ans). Le plus souvent bilatéral, asymétrique, il survient dans 80 % des cas durant la première année de vie et dans 25 % des cas à la naissance. Le sex-ratio est de 1 avec classiquement une légère prédominance masculine.

EXAMEN CLINIQUE
Circonstances de découverte

On suspecte un glaucome congénital dans deux circonstances :

  • existence de signes témoignant d’une pression élevée : buphtalmie, larmoiement, cornée trouble, gêne à la lumière;

  • contexte familial de glaucome pédiatrique.

Signes cliniques

L’hypertonie et ses conséquences peuvent se manifester par des signes qui sont fonction de l’âge de l’enfant et de la sévérité du blocage de résorption de l’humeur aqueuse.

SIGNES FONCTIONNELS
  • Nouveau-né et nourrisson : triade classique larmoiement (Fig. 12-2), blépharospasme et photophobie. Ces signes, souvent associés entre eux, apparaissent avant la buphtalmie; ils ne sont pas pathognomoniques mais très évocateurs. Ils sont liés à l’œdème épithélial par souffrance cornéenne. La photophobie peut même s’observer à l’intérieur de l’habitat, être associée à un frottement et une fermeture des yeux en pleine journée (Fig. 12-3).

  • Enfant entre 1 et 3 ans : œil hyperhémique, larmoyant simulant une conjonctivite, vision floue (troubles de la réfraction à type de myopie, anisométropie), troubles de l’oculomotricité conséquences d’une acuité visuelle basse (strabisme et nystagmus), céphalées.

SIGNES D’EXAMEN CARACTÉRISTIQUES : SIGNES D’EXPANSION DU GLOBE OCULAIRE

L’hyperpression entraîne une distension puis une déformation importante des tissus oculaires pouvant toucher la paroi externe (sclérotique et cornée) tout en dégradant le nerf optique dans sa structure et sa fonction. Buphtalmie, mégalocornée, augmentation de la longueur axiale et excavation papillaire sont les principaux signes qui témoignent de l’élargissement de l’œil dÛ à l’hypertonie. On définira la buphtalmie par l’augmentation du volume du globe oculaire, la mégalocornée par l’augmentation des dimensions de la cornée et l’excavation papillaire par une excavation verticale supérieure à 3/10. L’élargissement du globe oculaire survient parce que les structures oculaires sont constituées de collagène immature qui les rend malléables et extensibles sous l’effet de l’hyperpression. C’est un mécanisme passif qui survient d’abord et principalement à la jonction cornéosclérale qui implique en antérieur la cornée périphérique, en postérieur la longueur axiale et le nerf optique. Lorsque cet élargissement est asymétrique (Fig. 12-4), il est plus visible et le diagnostic plus rapide. En revanche, lorsque l’atteinte est bilatérale et symétrique, les parents consultent plus tard pensant que « ces grands beaux yeux » (Fig. 12-5) entrent dans le cadre de la normalité. L’extensibilité disparaît vers l’âge de 3 ans pour la cornée et 10 ans pour la sclère. Trois ans est néanmoins l’âge retenu pour différencier les glaucomes congénitaux des glaucomes juvéniles [5].

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Fig. 12-2 Larmoiement clair bilatéral chez un enfant atteint de glaucome congénital primitif précoce.

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Fig. 12-3 Photophobie chez une enfant de 9 mois atteinte de glaucome congénital primitif bilatéral.

CONSÉQUENCES CORNÉENNES
  • Élargissement : le diamètre cornéen normal à la naissance est de 9,5 à 10 mm. À l’âge de 1 an, il est de 11 mm pour atteindre celui de l’adulte (12 à 12,5 mm) à l’âge de 2-3 ans. Un diamètre de 12 mm ou plus chez un enfant de moins de 1 an est le témoin d’un élargissement cornéen. Cet élargissement est bien toléré par l’épithélium et le stroma, moins bien par l’endothélium et la membrane de Descemet. Lorsque l’étirement cornéen progresse, la membrane de Descemet se rompt, les bords s’enroulent avec création d’un espace lentement comblé par le glissement des cellules endothéliales (Fig. 12-6). Ces ruptures sont appelées stries de Haab; elles sont le plus souvent transparentes mais peuvent s’opacifier en cas d’atteinte du stroma postérieur : dans ce cas-là, la prolifération d’un collagène désorganisé induit une opacité irréversible. Les stries sont soit parallèles au limbe soient horizontales, uniques ou multiples en fonction de la sévérité et de la précocité de l’hypertonie. Lorsqu’elles sont horizontales et centrales, elles entraînent une gêne visuelle maximale plus par la perte de transparence que par l’astigmatisme irrégulier créé. Les stries peuvent être évidentes ou au contraire difficilement visibles au biomicroscope expliquant l’intérêt d’avoir recours à une tomographie par cohérence optique (optical coherence tomography [OCT]) du segment antérieur (Fig. 12-7). Elles sont à distinguer des vergetures de la membrane de Descemet secondaires aux extractions instrumentales per partum (forceps) qui sont verticales et linéaires.

  • Œdème : l’œdème cornéen est à l’origine des symptômes observés dans le glaucome de l’enfant, il est irritant, douloureux, produit une diffusion de la lumière qui a un effet d’éblouissement et se manifeste par un larmoiement et une photophobie. Il est plus fréquent chez les nourrissons souffrant de glaucome congénital précoce (prénatal à 2 mois de vie) et sa fréquence diminue à mesure que l’enfant grandit et que la fonction de barrière de l’endothélium devient mature. Deux mécanismes sont à l’origine de l’œdème cornéen :

  • la combinaison de l’immaturité endothéliale et de l’augmentation du gradient de pression oculaire. En effet, l’endothélium immature n’est pas assez efficace pour maintenir un état de déturgescence cornéenne. Ce phénomène est observable dans les services de néonatalogie où les prématurés présentent fréquemment des œdèmes de cornée spontanés par immaturité endothéliale sans hyperpression intra-oculaire. Les nourrissons atteints de glaucome congénital développent des œdèmes cornéens, pour des niveaux de pression qui n’auraient pas eu d’incidence si la cornée avait terminé sa maturation;

  • la rupture de la membrane de Descemet : un œdème aigu peut survenir lorsqu’une rupture de la membrane de Descemet se produit, le flux d’humeur aqueuse passe alors dans le stroma produisant l’œdème. Ce second mécanisme est moins fréquent que le précédent, mais il témoigne d’une distension rapide du globe et est prédictif d’une amblyopie organique future.

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Fig. 12-4 Asymétrie du diamètre cornéen.

a. Enfant de 9 mois atteint de glaucome congénital bilatéral de découverte tardive. b. Même enfant âgée de 4 ans, normotone après chirurgie sans traitement mais gardant toujours une asymétrie séquellaire.

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Fig. 12-5 Glaucome congénital bilatéral et symétrique chez un enfant âgé de 6 mois, vu tardivement, les parents pensant que « ces grands beaux yeux » étaient des yeux normaux.

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Fig. 12-6 Stries de Haab horizontales traversant l’axe visuel : vue en lampe à fente à fort grossissement.

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Fig. 12-7 Visualisation en SD-OCT (spectral-domain optical coherence tomography) de stries de Haab montrant l’enroulement descemétique.

CONSÉQUENCES LIMBIQUES

La distension limbique apparaît sous la forme d’une zone plus sombre de quelques millimètres de largeur, plus fréquemment présente en supérieur, s’étalant souvent de 10 heures à 14 heures avec une hauteur maximale à midi.

CONSÉQUENCES SUR LA CHAMBRE ANTÉRIEURE

La chambre antérieure apparaît anormalement profonde, la base de l’iris est étirée et amincie.

CONSÉQUENCES SUR LA LONGUEUR AXIALE

L’augmentation de la longueur axiale liée à l’hypertonie se manifeste par une myopie axile qui peut diminuer de 1 à 2 mm après normalisation de la PIO

CONSÉQUENCES RÉFRACTIVES

L’élargissement oculaire génère des anomalies réfractives à type d’astigmatisme irrégulier, de myopie et d’anisométropie qui conduiront à une amblyopie si elles ne sont pas précocement dépistées et corrigées.

CONSÉQUENCES SUR LE NERF OPTIQUE

C’est un des paramètres majeurs du diagnostic et du suivi, évalué par le rapport entre la surface de l’excavation et la surface de la papille (rapport cup/disc [C/D]). Chez l’enfant sain, les nerfs optiques sont symétriques avec un rapport C/D inférieur à 0,3. Chez l’enfant glaucomateux au début de l’évolution, l’hypertonie entraîne un recul de la lame criblée sans altération des fibres visuelles, celles-ci étant rejetées en nasal. Puis, la progression de l’excavation se fait en profondeur. L’excavation peut être partiellement voire totalement réversible lorsque la pression est contrôlée, sans toutefois entraîner une régénération axonale. Ce phénomène n’est pas retrouvé chez l’adulte en raison de la perte des capacités d’expansion des composants élastiques péripapillaires. La verticalisation de l’excavation, moins fréquente que chez l’adulte, est un signe de gravité traduisant la souffrance du nerf optique. Lorsque le glaucome existe dès la naissance, l’excavation peut devenir totale en quelques jours

Enfin, l’asymétrie papillaire reste très suspecte car présente dans 88 % des glaucomes congénitaux unilatéraux, alors que seulement 2,3 % des enfants normaux ont des disques optiques asymétriques [6].

Au total, les manifestations du glaucome congénital primitif dépendent de l’âge de survenue et de la sévérité de l’élévation pressionnelle. Elles seront d’autant plus sévères que le globe est déformable (chargé en fibres élastiques). Ainsi, une PIO très élevée chez un nouveau-né sera responsable d’une cornée trouble, très élargie et d’une excavation papillaire. A contrario, une tension moins élevée entraînera un tableau initial moins alarmant telle une cornée élargie sans trouble cornéen ni photophobie mais avec une excavation papillaire verticale supérieure ou égale à 3/10 et/ou asymétrique. Toute la difficulté consistera à dépister la moindre aggravation des paramètres de surveillance afin de poser l’indication chirurgicale. Les parents devront y participer en recherchant l’apparition du moindre signe fonctionnel

L’essentiel : signes caractéristiques du glaucome congénital primitif

Ils sont liés à l’âge de survenue et à la sévérité de l’élévation pressionnelle :

  • élargissement de l’œil :

    • atteinte de la cornée : diamètre augmenté; œdème; stries de Haab,

    • distension limbique,

    • augmentation de la longueur axiale,

    • conséquence réfractive : astigmatisme, myopie axile et anisométropie;

  • atteinte du nerf optique :

    • excavation verticale > 3/10, asymétrique,

    • potentiellement réversible;

  • asymétrie des signes entre les deux yeux.

DIAGNOSTIC

Examen sous anesthésie générale

L’anesthésie générale est indispensable jusqu’à l’âge de 3 ans. Un bilan pré-anesthésique spécifique est incontournable. L’examen clinique et paraclinique a une valeur diagnostique et pronostique essentielle. Il doit être méthodique, rigoureux, consigné par écrit, nécessitant la connaissance des valeurs normales en fonction de l’âge (voir chapitre 3.2)

DIAMETRE CORNEEN HORIZONTAL ET VERTICAL

La mesure du diamètre cornéen se fait au microscope opératoire, au compas, sur le méridien horizontal et vertical de blanc à blanc (Fig. 12-8). Lorsque les valeurs recueillies dépassent les normes de 1 à 2 mm, les mesures deviennent suspectes. En d’autres termes, un diamètre de 12 mm ou plus chez un enfant de moins de 1 an est pathologique

EXAMEN BIOMICROSCOPIQUE DU SEGMENT ANTÉRIEUR

L’examen de la cornée recherche un œdème cornéen et des stries de Haab (voir plus haut), une distension limbique et vérifie la transparence du cristallin.

PRESSION INTRA-OCULAIRE MESURÉE AU TONOMETRE DE PERKINS OU AU TONO-PEN

Instant capital pour l’établissement du diagnostic, la mesure de référence se fait à l’aplanation au tonomètre de Perkins (Fig. 12-9). Le chiffre obtenu est corrigé en fonction de l’anesthésique utilisé (sévoflurane induisant une hypotonisation de 30 % contre 40 % pour son prédécesseur l’halothane). Sont considérés comme normaux sous anesthésie générale les chiffres de PIO de 6 mmHg à la naissance, 8 mmHg à 1 an et 10 mmHg à 2 ans. Le chiffre obtenu doit être corrélé à la pachymétrie.

PACHYMÉTRIE

L’épaisseur cornéenne centrale (ECC) est évaluée afin d’apprécier la PIO (Fig. 12-10). Chez l’enfant normal, l’ECC augmente légèrement de la naissance à 11 ans avec une différence minorée d’environ 20 µm chez les enfants africains-américains [7].

GONIOSCOPIE

L’aspect normal de la chambre antérieure de l’enfant diffère de l’adulte. La zone trabéculaire est caractéristique, elle a l’apparence d’une membrane lisse, homogène, monochrome s’étendant de l’iris périphérique à la ligne de Schwalbe témoignant d’une absence de recul de l’angle avec insertion antérieure de l’iris jusqu’à l’âge de 1 an. Puis, le trabéculum devient plus pigmenté et l’angle recule.

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Fig. 12-8 Mesure du diamètre cornéen avec l’aide d’un compas sur le méridien horizontal et vertical de blanc à blanc lors d’un examen sous anesthésie générale.

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Fig. 12-9 Prise de PIO au tonomètre à aplanation de Goldman.

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Fig. 12-10 Pachymétrie indissociable de la prise de tension. Configuration de l’angle dans le glaucome congénital.

Dans le glaucome congénital, l’iris est inséré plus antérieurement, rendant indistincts la bande ciliaire, l’éperon scléral et une partie de la zone trabéculaire. L’insertion de l’iris peut se faire selon plusieurs configurations (dites de type fœtal) : en antérieur directement sur le trabéculum (Fig. 12-11a), plus postérieur recouvrant l’éperon scléral (Fig. 12-11b) et enfin en postérieur et concave (Fig. 12-11) où l’iris paraît tapisser l’angle en remontant jusqu’en avant de l’éperon scléral. À noter également la présence de spicules sombres, qui peuvent être très denses et localisés sur 360° de boucles vasculaires en provenance du cercle artériel de l’iris, et de lacunes périphériques iriennes régulières par étirement de la couche superficielle de l’iris avec parfois visualisation du corps ciliaire dans les glaucomes précoces (stroma irien hypoplasique ou d’aspect « mité » ).

Différents examens anatomopathologiques ont démontré que le canal de Schlemm était plus antérieur que dans sa position normale, c’est-à-dire en avant de l’insertion de l’iris. Ils n’ont jamais retrouvé la classique « membrane de Barkan » mais la présence d’une condensation trabéculaire rendant l’angle imperméable.

ÉCHOGRAPHIE
  • Échographie en mode A : la longueur axiale est souvent augmentée par rapport à la normale témoignant de la distension postérieure du globe oculaire; cette mesure participe au diagnostic et au suivi (Fig. 12-12).

  • Échographie en mode B : en cas de trouble cornéen, cet examen élimine un glaucome secondaire par rétinoblastome, par hémangiome choroïdien et permet l’évaluation de l’excavation papillaire. En cas de doute, la biomicroscopie ultrasonore (ultrasound biomicroscopy [UBM]) du segment antérieur permet d’écarter un diagnostic différentiel à type de dysgénésie (Fig. 12-13).

EXAMEN DU NERF OPTIQUE

L’excavation papillaire pathologique confirme le diagnostic de glaucome congénital primitif, son analyse répétée permet de suivre l’évolution du glaucome traité (Fig. 12-14)

Critères diagnostiques

Le diagnostic de glaucome congénital primitif repose sur les données de l’examen initial sous anesthésie générale mettant en évidence :

  • des signes d’élargissement et/ou d’asymétrie oculaire;

  • une PIO anormalement élevée pour l’âgeTous deux sont associés à au moins un critère parmi lesquels :

    • photophobie et épiphora;

    • cornée trouble, stries de Haab;

    • excavation papillaire > 3/10, verticale [2]

Bilan général

L’examen oculaire des parents est systématique de même que celui de la fratrie.

L’examen pédiatrique recherchant une dysmorphie faciale, une anomalie générale associée s’avère normal dans le cadre du glaucome congénital primitif.

Le bilan génétique doit être envisagé avec typage de l’acide désoxyribonucléique (ADN) : les gènes responsables sont situés sur les bras courts des chromosomes 1 et 2.

Au terme de ce bilan, le diagnostic de glaucome congénital primitif sera posé et la prise en charge thérapeutique devra se faire dans les plus brefs délais après avoir recueilli le consentement éclairé des parents.

SURVEILLANCE

Jusqu’à l’âge de 3 ans, les examens de surveillance sont similaires à ceux utilisés lors de l’examen initial sous anesthésie générale. Après 3 ans, les examens de surveillance sont similaires à ceux du glaucome juvénile. On surveillera en consultation :

  • l’acuité visuelle et la réfraction;

  • la tension oculaire à air et à aplanation si possible avec pachymétrie cornéenne centrale, comptage cellulaire et éventuellement mesure de l’élasticité cornéenne;

  • l’OCT avec retinal nerve fiber layer (RNFL) et épaisseur maculaire;

  • l’échographie A;

  • les clichés en couleurs et monochromatiques (bleu) du fond d’œil

À partir de 7-8 ans, le champ visuel par l’analyseur de Humphrey s’ajoute aux examens de surveillance cités ci-dessus.

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Fig. 12-11 Gonioscopie : configuration de l’angle dans le glaucome congénital.

a. Schéma des trois configurations de l’angle iridocornéen : antérieure, postérieure et concave. b. Configuration antérieure de l’iris (insertion antérieure de l’iris au niveau du trabéculum précanaliculaire ; nombreux trabécules sur 360°). c. Configuration postérieure de l’iris. d. Configuration concave de l’iris.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Face à un tableau évolué avec larmoiement, cornée élargie et/ou œdémateuse et excavation papillaire, le diagnostic de glaucome congénital est certain. En revanche, en cas de tableau débutant ou face à une forme légère, il faudra (Tableau 12-1) :

  • devant un larmoiement unilatéral : éliminer une obstruction du canal lacrymal associée à des sécrétions (larmoiement non clair) et un reflux à la pression du sac lacrymal;

  • devant une photophobie : éliminer une atteinte cornéenne ou de la chambre antérieure inflammatoire ainsi qu’une hypertension intracrânienne (HIC);

  • devant un œil rouge et larmoyant : éliminer une conjonctivite (infectieuse, etc.), une kératite (virus herpès simplex), un ulcère cornéen épithélial, une inflammation de la chambre antérieure (uvéite, traumatisme);

  • devant une cornée opaque : éliminer un traumatisme par forceps, des malformations congénitales, une dystrophie cornéenne héréditaire, une maladie de surcharge, un œdème par kératite. À noter que l’association glaucome congénital-dystrophie endothéliale héréditaire a pu être décrite lorsque, malgré la normalisation de la PIO, l’opacification totale de la cornée est restée inchangée;

  • devant un élargissement du globe oculaire :

    • antérieur : éliminer une mégalocornée congénitale primitive sans glaucome associé;

    • postérieur : éliminer une myopie axiale.

  • devant une excavation ou pseudo-excavation du nerf optique, éliminer les éléments suivants :

    • une leucomalacie périventriculaire peut entraîner une excavation par dégénérescence des axones rétinogéniculés. L’excavation simule alors celle d’un glaucome congénital mais les antécédents de prématurité, la PIO normale, l’atteinte symétrique des radiations optiques en imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’absence d’évolution permettent de faire le diagnostic;

    • une excavation physiologique sur une papille de grande taille;

    • un colobome du nerf optique mimant une atteinte glaucomateuse, mais l’excavation prédominera dans la partie inférieure du nerf optique.

Au total, face à ces différents signes, il est important de penser au glaucome infantile. L’examen du segment antérieur et l’évaluation du fond d’œil doivent donc être indissociables d’une prise de tension oculaire sous anesthésie générale.

TRAITEMENT

Le glaucome congénital primitif est une urgence chirurgicale en raison du risque d’opacification brutale de la cornée et de destruction du nerf optique.

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Fig. 12-12 Échographie A : mesure de la longueur axiale qui participe au diagnostic et au suivi.

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Fig. 12-13 Échographie B : en cas de troubles cornéens pour éliminer un glaucome secondaire.

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Fig. 12-14 a, b. Fond d’oeil droit et gauche (Retcam™) : excavation papillaire verticale, profonde et sévère chez un nourrisson de 3 mois opéré bilatéralement en urgence à l’âge de 1 mois de chirurgie filtrante.

Tableau 12-1 Diagnostic différentiel du glaucome congénital primitif.

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GLAUCOME JUVENILE
DÉFINITION, INCIDENCE

Le glaucome juvénile à angle ouvert est une maladie rare, grave car potentiellement cécitante, sans atteinte systémique associée qui touche théoriquement l’enfant de 3 à 18 ans. Il représente 6 % des glaucomes primitifs avec une incidence de 0,32/100 000 sujets de moins de 20 ans. Il est toujours bilatéral et volontiers asymétrique [8].

FACTEURS DE RISQUE

Le glaucome juvénile survient généralement dans des familles présentant des cas de glaucome, ce qui justifie un dépistage systématique dans les familles « à risque » . Les glaucomes juvéniles familiaux ont une transmission autosomique dominante. Cinq loci ont été incriminés (GLC1A, GLC1J, GLC1K, GLC1M, GLC1N) mais seul le gène GLC1A codant pour la myociline a été identifié [5]. Plus de 20 % des patients ont une mutation du gène myociline/TIGR sur ce locus GLC1A du chromosome 1q23. Le glaucome juvénile semble plus fréquent chez les sujets mélanodermes

PHYSIOPATHOGÉNIE

Le mécanisme par lequel la mutation de la myociline entraîne le glaucome n’est pas clairement élucidé, mais l’anomalie organique engendrée se situe au niveau du trabéculum. On retrouve en gonioscopie un épaississement du tissu trabéculaire pouvant s’associer à une insertion antérieure de l’iris. Il semblerait exister une corrélation entre l’âge d’apparition du glaucome juvénile et le degré d’anomalie angulaire.

SIGNES ET SYMPTÔMES

Cette forme de glaucome typiquement asymptomatique est le plus souvent de découverte fortuite lors d’un examen de routine. L’absence d’élargissement oculaire visible et de prise de tonus oculaire systématique chez l’enfant peut contribuer à l’expliquer.

Interrogatoire

On recherche une histoire familiale de glaucome, des signes fonctionnels à type de céphalées, douleurs rétro- ou péri-oculaires, fatigue visuelle, maladresses, baisse de l’acuité visuelle, infléchissement scolaire (témoignant d’un glaucome très évolué). La gravité du retard diagnostique de ce glaucome explique la nécessité d’un examen ophtalmologique complet chez tout enfant qui consulte pour un trouble visuel non expliqué par une simple amétropie.

Acuité visuelle et réfraction

L’acuité visuelle est en général conservée mais peut plafonner à 7-8/10 dans les cas évolués. La réfraction peut révéler une myopie modérée qui peut aller de – 3 à – 6 D en rapport avec une hypertonie oculaire non diagnostiquée sur un globe oculaire encore malléable au niveau du pôle postérieur.

Examen du globe

L’examen du segment antérieur à la lampe à fente ne met pas en évidence de signe de dysgénésie du segment antérieur.

La PIO, évaluée après mesure de l’ECC, au tonomètre à air et à aplanation, est généralement élevée pouvant aller jusqu’à 40-50 mmHg.

La gonioscopie met en évidence soit un angle normal ouvert, soit un angle de type fœtal non reculé avec l’existence possible de trabécules et un aspect en verre dépoli. Les trabécules peuvent être très épais, de coloration marron noir s’étalant de quelques degrés à 360° (Fig. 12-15). Ces anomalies retrouvées également dans les dysgénésies de l’angle suggèrent que le glaucome juvénile pourrait être une forme a minima de dysgénésie angulaire.

Le fond d’œil (FO) met en évidence le plus souvent une excavation verticale, profonde et sévère. Une analyse morphologique fine de la papille est indispensable et doit être complétée par des rétinophotographies.

Les deux signes cliniques majeurs qui caractérisent cette pathologie sont l’augmentation importante de la PIO et la sévérité de l’excavation papillaire, signes qui témoignent d’un retard de diagnostic

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Fig. 12-15 Gonioscopie, glaucome juvénile.

Angle non reculé avec présence d’un réseau dense de trabécules épais, de coloration marron-noir s’étalant sur 360°.

Examens paracliniques

Ils peuvent être effectués le plus souvent à partir de 3 ans pour l’OCT et de 7 ans pour le champ visuel (CV). Les particularités propres à l’enfant sont dues aux difficultés de réalisation (attention soutenue, fixation stable) et d’interprétation, car il n’existe pas de programme « normatif » adapté pour l’enfant ou l’adolescent qui de ce fait devient son propre témoin.

OCT

L’OCT est très utile chez l’enfant pour aider au diagnostic différentiel entre glaucome juvénile débutant et hypertonie oculaire isolée. Les valeurs normales de l’épaisseur de la couche des fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires oscillent selon les auteurs entre 94 et 104 µm [9]. Un RNFL inférieur à 90 µm devra faire suspecter un glaucome juvénile lorsque les autres étiologies de cette diminution de fibres ont été éliminées (atrophie optique notamment).

CHAMP VISUEL

Cet examen subjectif est souvent peu contributif chez les plus jeunes et lors du premier examen. Il sera répété et dépend de la compréhension de l’examen par l’enfant. Les conditions sont parfois rendues encore plus difficiles par l’inadaptation du matériel à la taille de l’enfant et à la morphologie de son visage. On retrouve les mêmes déficits que ceux présents pour le glaucome chronique à angle ouvert avec des amputations du champ visuel typiquement arciformes. Les déficits sont d’apparition plus rapide que chez l’adulte et d’emblée sévères justifiant la réalisation d’examens répétés.

RÉTINOPHOTOGRAPHIE

C’est un examen très utile pour suivre l’évolution et détecter les aggravations de l’excavation du nerf optique. Les clichés doivent être réguliers pour assurer un suivi documenté.

Au total, même en l’absence de base normative pour l’enfant, ces examens complémentaires sont indispensables au diagnostic, à l’évaluation du pronostic et à un suivi objectif. Il est en effet important de mettre en évidence les faux positifs et les faux négatifs, en d’autres termes de ne pas mettre en place une thérapeutique inutile contraignante pouvant entraîner des effets secondaires et de ne pas laisser passer un glaucome juvénile. Le manque de fiabilité du champ visuel dans la tranche d’âge 3-10 ans donne toute son importance à l’OCT.

ÉVOLUTION

Ce glaucome évolue à bas bruit et passe de ce fait longtemps inaperçu. L’évolution se fait généralement vers une PIO très haute, une excavation papillaire majeure et des déficits campimétriques sévères imposant un traitement médical et chirurgical urgent

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel du glaucome juvénile inclut les autres formes de glaucome à angle ouvert qui peuvent survenir à tout âge : glaucome cortisonique, glaucome traumatique, glaucome inflammatoire, etc. (Tableau 12-2)

Tableau 12-2 Glaucomes associés à une anomalie oculaire et/ou systémique.

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TRAITEMENT

Le traitement (voir plus loin) d’un glaucome juvénile est essentiellement chirurgical. La thérapeutique médicale est très utile soit au début de la prise en charge, notamment lorsqu’il est nécessaire d’hypotoniser médicalement le globe oculaire avant l’acte chirurgical, soit au cours de l’évolution. De nombreux enfants suivent un traitement médical après intervention.

L’essentiel : signes et prise en charge du glaucome juvénile
  • Début après 3-4 ans, typiquement asymptomatique, souvent de découverte fortuite.

  • Cas familiaux : transmission autosomique dominante.

  • Cinq loci mais un seul gène identifié GLC1A codant pour myociline.

  • Signes fonctionnels : céphalées, myopie.

  • Signes d’examen (deux signes majeurs) :

    • PIO élevée;

    • atteinte du nerf optique : excavation importante

  • Examens complémentaires : CV, OCT, rétinographie.

  • Évolution :

    • à bas bruit, passe longtemps inaperçu;

    • vers PIO très haute, déficits campimétriques, neuropathie excavante majeure.

  • Conduite à tenir : traitement médical hypotonisant et chirurgie filtrante sans délai.

  • Suivi : PIO, pachymétrie, OCT, CV, rétinophotographie.

Glaucomes secondaires à des anomalies non acquises oculaires et/ou systémiques

Le glaucome de l’enfant peut être associé à des anomalies développementales oculaires et/ou anomalies systémiques et alors être associé à un grand nombre de syndromes (voir Tableau 12-2).

GLAUCOMES DYSGÉNÉSIQUES

L’anomalie développementale des cellules de la crête neurale céphalique (migration ou différenciation) implique une à trois des structures majeures suivantes : trabéculum, iris et cornée. Il en résulte une altération du mécanisme d’évacuation de l’humeur aqueuse aboutissant à un glaucome. Ces pathologies, appelées « neurocristopathies » , sont typiquement bilatérales, fréquemment diagnostiquées à la naissance ou très tôt dans l’enfance et ont une origine génétique. Les potentialités multiples des cellules de la crête neurale et leur présence en deux cordons cellulaires tout au long du tube neural rendent compte des nombreuses associations pathologiques extra-oculaires constituant autant de glaucomes syndromiques polymalformatifs (voir chapitre 11). Le risque de glaucome est de 50 à 70 % sauf pour l’embryotoxon postérieur isolé qui néanmoins nécessite une surveillance régulière car il est pour certains une forme fruste de l’anomalie d’Axenfeld-Rieger.

IRIDO-GONIO-DYSGÉNÉSIES

Anomalie et syndrome d’Axenfeld-Rieger

La similarité des anomalies de la chambre antérieure commune aux anomalies d’Axenfeld et de Rieger explique qu’on les regroupe souvent sous le terme d’anomalie d’Axenfeld-Rieger. La transmission est autosomique dominante.

Le glaucome présent dans 50 % des cas se manifeste le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence, rarement à l’âge adulte. En gonioscopie, on retrouve des éléments caractéristiques :

  • un embryotoxon postérieur qui peut aller d’une ligne blanche fine isolée (Fig. 12-16a) à une ligne très épaissie et/ou déplacée (Fig. 12-16b) en avant suspendue par une fine membrane;

  • des cordons de tissus passant en pont et reliant l’iris périphérique à l’embryotoxon et variant en taille, en nombre et en étendue caractérisant une anomalie d’Axenfeld. Au-delà des cordons iridocornéens, l’angle est visible et l’éperon scléral est généralement caché par l’iris périphérique (Fig. 12-16c). Lorsque cette anomalie est localisée à un quadrant, la pupille est déplacée en regard de façon variable pouvant aboutir à l’obturation complète de l’axe visuel nécessitant une pupilloplastie (Fig. 12-16d). Ce déplacement pupillaire est souvent le motif de consultation;

  • un iris qui peut être normal en dehors de ces anomalies de l’angle mais aussi altéré voire aminci ou atrophié avec formation de trous (polycorie), de corectopie avec ectropion de l’uvée, caractérisant alors l’anomalie de Rieger. Ces anomalies, généralement bilatérales et relativement symétriques (Fig. 12-16e), sont stables et peuvent évoluer dans les premières années de vie (déplacement de la pupille et changements progressifs de l’iris pouvant prêter à confusion avec le syndrome irido-cornéo-endothélial [ICE]).Néanmoins, il est difficile de corréler les adhérences angulaires iridocornéennes et l’étendue des déficits iriens à la sévérité du glaucome. Le glaucome semble plus lié à la trabéculodysgénésie sous-jacente qu’aux anomalies de l’angle ou aux synéchies périphériques. Ainsi, une insertion haute de la base de l’iris au niveau du trabéculum apparaît plus fréquente sur l’œil qui se complique de glaucome

Sur le plan histologique, le trabéculum est souvent compacté, en particulier dans les couches externes. Cette apparente compression semble due à un développement incomplet du trabéculum associé à un canal de Schlemm rudimentaire ou absent [10].

D’autres anomalies oculaires peuvent être associées : une microsphérophakie, une microcornée, une microphtalmie, un staphylome, une sclérocornée, un strabisme.

Lorsqu’à l’anomalie d’Axenfeld-Rieger s’associent des signes systémiques à type de malformations dentaires, faciales, ombilicales, rénales, osseuses, ORL (surdité), cérébrales (syndrome de la selle turcique vide) et cardiaques, on parle de syndrome d’Axenfeld-Rieger. Les lésions dentaires sont une absence ou une microdontie (incisives supérieures). Il existe une dysmorphie faciale à type d’hypoplasie de la branche montante du maxillaire inférieur, un aplatissement de la base du nez et un hypertélorisme. Le défaut de régression du tissu péri-ombilical apparaît sous la forme d’une hernie ombilicale (Fig. 12-16f).

Le traitement médical doit éviter la pilocarpine. Les options chirurgicales sont détaillées en fin de chapitre. C’est un glaucome difficile à traiter qui évolue très souvent vers une cécité par atrophie optique

Syndrome SHORT

C’est un acronyme qui caractérise un syndrome associant une petite taille – short stature (S) –, une hyperlaxité articulaire ou une hernie inguinale ou les deux – hyperextensibility of joints or inguinal hernia or both (H) –, une énophtalmie – ocular depression (O) –, une anomalie de Rieger (R) et un retard à la première dentition – teething delay (T). Cette association est très rare (16 familles dans la littérature mondiale). Cinquante pour cent des patients développent un glaucome en relation avec l’anomalie d’Axenfeld-Rieger [11].

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Fig. 12-16 Syndrome d’Axenfeld-Rieger.

a. Embryotoxon postérieur : ligne épaissie blanche. b. Embrytoxon étendu sur 360°. c. Cordon de tissu passant en pont reliant l’iris périphérique à l’embrytoxon : anomalie d’Axenfeld. d. Correctopie dans un syndrome d’Axenfeld. e. Correctopie bilatérale : syndrome de Rieger. f. Hernie ombilicale. (Remerciements au Dr P. Dureau pour la Fig. 12-16d.)

Aniridie

L’aniridie est une malformation congénitale bilatérale sévère de toutes les structures de l’œil caractérisée par une aplasie ou une hypoplasie de l’iris (Fig. 12-17). L’aniridie est due dans 90 % des cas soit à une mutation du gène PAX6 (aniridie dite « génétique » ), soit à une microdélétion de la région 11 p 13 du chromosome 11 (aniridie dite « chromosomique » ) avec dans ce cas un risque élevé d’une tumeur de Wilms ou néphroblastome; le syndrome WAGR (Wilms tumor, aniridia, genital anomalies, mental retardation) résulte d’une délétion des gènes contigus concernés.

Quelle que soit la forme d’aniridie, un glaucome y est associé dans plus de deux tiers des cas. C’est la complication la plus fréquente et la plus difficile à traiter de cette pathologie expliquant les contrôles réguliers de la PIO. La survenue du glaucome se fait le plus souvent à l’adolescence mais peut être précoce, représentant alors un facteur de gravité. Ce glaucome est lié aux synéchies périphériques antérieures entre le moignon de l’iris et la partie postérieure de la cornée : le processus évolutif conduit à l’obstruction partielle du trabéculum entraînant un véritable blocage trabéculaire par les expansions antérieures du moignon irien, plus marquées en région supérieure, pouvant occlure un orifice de trabéculectomie. Ce glaucome peut également être lié à une dysgénésie de l’angle.

Le glaucome de l’aniridie est un glaucome réfractaire au traitement avec moins de 50 % des patients qui ont une PIO contrôlée [12] après de multiples chirurgies expliquant le mauvais devenir visuel (Fig. 12-17c). Il existe des comorbidités oculaires associées au glaucome qui y contribuent aussi : la cataracte, la kératopathie, le nystagmus, l’hypoplasie fovéolaire, l’insuffisance limbique, le décollement de rétine, la microphtalmie, la survenue d’une physe. La chirurgie du glaucome est le plus souvent pratiquée (la trabéculectomie étant la plus pratiquée) suivie de la cataracte, de la kératoplastie et de la chirurgie rétinienne. Gupta [12] étudie 128 yeux de 64 patients atteints de glaucome aniridique, diagnostiqué après l’âge de 5 ans avec un suivi moyen de 7,69 ± 4,98 ans et montre que la meilleure acuité visuelle corrigée à long terme est très basse (28 % à 6/60, 7 % > 6/18, 26 % de phtyse) et que le devenir visuel final est d’autant plus mauvais que la PIO initiale est élevée, que l’aniridie est familiale (p = 0,037) et que le nombre d’interventions chirurgicales est grand. Il montre que l’évolution vers la cécité est de 69,8 % à 5 ans et de 97,6 % à 10 ans

Microcorie congénitale

Cette affection uni- ou bilatérale est caractérisée par une pupille d’un diamètre inférieur à 2 mm dans le regard au loin. Une myopie forte, un glaucome et une cataracte peuvent être associés. Il s’agit d’une affection rare qui peut être due soit à un trouble du développement du muscle dilatateur de l’iris, soit à la contraction de matériel fibreux au niveau du rebord pupillaire en rapport avec des reliquats de la tunica vasculosa lentis, soit à des anomalies des cellules de la crête neurale. Elle peut s’observer isolément (microcorie congénitale primitive, de transmission dominante autosomique par microdélétion 13q32.1) ou associée à un syndrome de rubéole congénitale, un syndrome de Marfan ou à un syndrome oculo-cérébro-rénal de Lowe (microcorie congénitale secondaire) [11].

CORNÉO-IRIDO-GONIO-DYSGÉNÉSIES : OPACIFICATIONS CORNÉENNES CONGÉNITALES

Les opacifications cornéennes congénitales ont une prévalence de 6 pour 100 000 nouveau-nés en Europe. Les causes les plus fréquentes sont dues à une dysgénésie du segment antérieur. La plupart de ces anomalies sont bilatérales et peuvent s’accompagner d’autres anomalies oculaires et parfois d’anomalies systémiques. Dans une série de 139 enfants porteurs de dysgénésie du segment antérieur associé à des opacités cornéennes congénitales, Shigeyasu retrouve dans 72,7 % des cas un syndrome de Peters, dans 11,4 % des cas un staphylome du segment antérieur, dans 7,7 % des cas un syndrome de Rieger et dans 6,4 % des cas une sclérocornée [13].

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Fig. 12-17 Aniridie.

a. Aniridie chez un garçon de 10 ans. b. Aniridie totale : aplasie irienne. c. Excavation papillaire majeure bilatérale – oeil droit (OD) et 8/10 oeil gauche (OG) – témoignant d’un glaucome réfractaire.

Anomalie de Peters

Cette anomalie est due à un déficit central de la membrane de Descemet et de l’endothélium cornéen avec amincissement et opacification du stroma postérieur en regard. L’opacification peut être centrale et occuper une portion ou la totalité de la cornée (épargne de la cornée périphérique), ou être décentrée (Fig. 12-18a). Elle est fonction de l’étendue du déficit endothélial.

L’UBM est indispensable pour permettre le bilan exact des adhérences iridocornéennes (partant de la collerette irienne pour s’insérer à la face postérieure de la cornée) et cornéocristalliniennes, ainsi que des opacifications cristalliniennes (Fig. 12-18b). Elle permet d’apprécier le degré de fermeture de l’angle et la position du cristallin, à distance (type 1) ou adhérent (type 2) à la cornée. C’est l’examen incontournable dans le bilan préopératoire [14]. L’anomalie de Peters peut être associée à une anomalie d’Axenfeld-Rieger. D’autres signes oculaires peuvent être associés : une microphtalmie, une cornea plana, un colobome, des anomalies iriennes.

À un degré malformatif plus sévère, l’anomalie de Peters se présente par un déficit endothéliodescémétique associé à une absence totale de stroma au centre cornéen, avec un centre fermé seulement par l’épithélium. L’œil est constamment buphtalme, excessivement fragile. L’œil adelphe peut présenter un autre type de dysgénésie (anomalie de Peters, anomalie d’Axenfeld ou embryotoxon).

Des études histopathologiques ont montré la présence de synéchies périphériques antérieures et des études ultrastructurales ont révélé des altérations trabéculaires [15]

Syndrome de Peters ou Peters-plus

Lorsque l’anomalie de Peters s’associe à des anomalies extra-oculaires systémiques comme une malformation cardiaque, cérébrale, auriculaire, un retard mental et statural, une brachydactylie, un visage rond et une fente labiopalatine, on parle de syndrome de Peters-plus (voir chapitre 11).

Dans ces cornéo-irido-gonio-dysgénésies, le glaucome est présent dans 50 à 70 % des cas, survenant fréquemment à la naissance. Le mécanisme physiopathologique est mal connu et le traitement extrêmement difficile de pronostic très réservé explique la nécessité d’un traitement précoce.

Ce glaucome est réfractaire aux traitements et les résultats visuels à long terme sont mauvais. Yang rapporte sur 126 procédures de glaucome, effectuées sur 34 yeux de 19 enfants atteints de syndrome de Peters d’âge médian de la première chirurgie de 2,1 mois (de 2 jours à 8,5 ans), avec un suivi médian de 11,0 ans (de 3,2 à 22,8 ans), un contrôle de la PIO avec ou sans médication antiglaucomateuse dans 32 % des cas au bout d’une ou de plusieurs interventions chirurgicales. La vision finale rapportée est globalement pauvre : 20/200 dans 9 % des cas, 20/400 à perception d’un mouvement de la main dans 35 % des cas, perception lumineuse dans 21 % des cas, et aucune perception de la lumière dans 35 % des cas. Ces mauvais résultats visuels s’expliquent par le caractère non contrôlable du glaucome, l’amblyopie de privation, d’autres anomalies du segment antérieur et postérieur associées à l’anomalie de Peters et les complications postopératoires, en relation avec la greffe de cornée, la cataracte, le décollement de la rétine inopérable et la phtyse [16].

Staphylome du segment antérieur

Le staphylome congénital du segment antérieur est une forme sévère de dysgénésie du segment antérieur. C’est une anomalie unilatérale ou bilatérale qui se caractérise par une cornée large, amincie, vascularisée superficiellement, opaque et une ectasie des structures adjacentes du segment antérieur. L’iris peut être partiellement absent ou adhérent à la surface postérieure de la cornée. De même, le cristallin peut être adhérent à la face postérieure de la cornée, comme pour l’anomalie de Peters, être subluxé, cataracté, se présenter sous la forme atrophique ou être absent.

Le degré du staphylome peut être variable : l’extension du staphylome est prédominante en région limbique (Fig. 12-19) en raison de l’étirement et de l’amincissement du globe oculaire, secondaire à la PIO élevée témoignant d’un glaucome congénital sévère. Le staphylome peut dépasser la fente palpébrale. Il peut y avoir un chevauchement avec les signes cliniques du syndrome de Peters.

Le bilan paraclinique, par l’UBM et l’IRM cérébro-orbitaire, aide à mieux apprécier le degré de sévérité du staphylome pour une meilleure description phénotypique et prise en charge thérapeutique.

Plusieurs facteurs étiologiques ont été impliqués dans la pathogenèse : infection intra-utérine, anomalies chromosomiques avec d’autres atteintes organiques, association au syndrome de brides amniotiques.

Des mutations de CYP1B1 ont été identifiées chez les enfants atteints de staphylome congénital antérieur, d’anomalies de Peters ou d’Axenfeld-Rieger, d’ectropion de l’uvée, d’aniridie partielle, de glaucome congénital [17].

Les principaux gènes responsables des opacifications cornéennes congénitales sont listés dans le Tableau 12-3.

Sclérocornée congénitale

Le terme de sclérocornée prête à confusion, il est souvent utilisé à tort devant une opacification cornéenne étendue. Cette malformation congénitale de la cornée, asymétrique (90 % ), non évolutive, non inflammatoire se caractérise par une absence de frontière entre cornée et sclère : il y a une scléralisation de la cornée. La sclérocornée est limitée à la partie périphérique de la cornée, mais elle peut s’étendre à toute la cornée, appelée alors sclérocornée totale (Fig. 12-20). La cornée est plus ou moins blanche et sillonnée d’anses vasculaires radiaires à départ limbique gagnant progressivement la moyenne périphérie en surface de la cornée. L’histologie et l’UBM montrent que plusieurs structures peuvent être déficitaires de façon variable dont essentiellement l’endothélio-Descemet. Certaines formes de sclérocornées totales ont été reclassées anomalies de Peters avec synéchies iridocornéennes et cornéolenticulaires grâce à l’utilisation de l’UBM [15]. Une étude en microscopie électronique et en microscopie immunoconfocale visant à analyser le phénotype épithélial dans quatre sclérocornées totales montre que l’origine est essentiellement cornéenne mais en cas d’angiogenèse cornéenne massive, l’invasion par de l’épithélium conjonctival est possible [18].

Il existe plusieurs catégories de sclérocornée : avec microcornée plus ou moins importante, avec opacité cornéenne périphérique et cornea plana (Fig. 12-19), centrale ou totale [19].

La survenue d’un glaucome plus ou moins précoce s’explique par des anomalies oculaires angulaires dysgénésiques toujours présentes.

La sclérocornée congénitale peut s’accompagner d’anomalies systémiques : spina bifida, anomalies cérébelleuses, anomalies crâniennes, audition basse, déformations limbiques, cryptorchidisme, ou être intégrée dans un syndrome (syndromes d’Hallermann-Streiff-François, de Mieten, de Smith-Lemli-Opitz) [11].

Au cours du suivi des nouveau-nés atteints de sclérocornée, il est très important de surveiller la tension oculaire ou de rechercher une cataracte dans les cas bilatéraux. Une kératoplastie transfixiante pourra être envisagée dans les cas bilatéraux en sachant que le glaucome postopératoire reste le problème majeur.

Tableau 12-3 Opacités cornéennes congénitales et gènes responsables.

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Fig. 12-18 Sclérocornée congénitale OD et syndrome de Peters avec microcornée OG : opacification centrale et étendue en inférieur à gauche

(a) L’UBM de l’OG (b) montre les adhérences iridocornéennes et iridocristalliniennes.

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Fig. 12-19 Staphylome du segment antérieur.

Enfant de 3 mois présentant un staphylome du segment antérieur de l’oeil droit avec une cornée large, amincie, vascularisée superficiellement, opaque et une ectasie des structures adjacentes. L’oeil gauche présente une sclérocornée supérieure avec microcornée et cornea plana sillonnée d’anses vasculaires radiaires à départ limbique.

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Fig. 12-20 Sclérocornée congénitale totale : scléralisation de la cornée

CORNÉODYSGENESIES : LA MÉGALOCORNÉE CONGÉNITALE

La mégalocornée congénitale, ou mégalophtalmie antérieure congénitale, désigne une augmentation de taille du segment antérieur bilatérale, symétrique et isolée. Le diamètre cornéen peut atteindre 15 à 16 mm sans autre signe évocateur de glaucome congénital avec possible diminution de l’épaisseur cornéenne (Fig. 12-21). Elle touche dans 90 % des cas les garçons (transmission liée à l’X). Plusieurs éléments peuvent la différencier d’un glaucome congénital : l’absence de dégradation de la fonction visuelle, de troubles cornéens, de stries de Haab, d’excavation et d’hypertonie. La gonioscopie peut être normale ou montrer des procès iriens proéminents, une vaste zone de pigmentation trabéculaire. Ces patients doivent être surveillés étroitement pour dépister la survenue secondaire d’une hypertonie oculaire (20 % des cas). La mégalocornée congénitale est rarement associée à des anomalies systémiques comme la maladie de Marfan, le syndrome de Soto, certaines craniosténoses syndromiques. Le syndrome de Neuhauser associe macrocéphalie, mégalocornée et retard mental [20]

GLAUCOME ASSOCIÉ A DES MALFORMATIONS VASCULAIRES DE LA FACE

Les phacomatoses ont traditionnellement été définies comme un groupe de maladies héréditaires avec une expressivité variable et caractérisé par des tumeurs multisystémiques.

Le syndrome de Sturge-Weber-Krabbe (SWK), le syndrome de Klippel-Trenaunay et la phacomatose pigmentovasculaire ont un signe commun au niveau du visage : un angiome plan de couleur rouge violine [21]. Dans ces trois pathologies le glaucome et les altérations choroïdiennes sont les signes ophtalmologiques à rechercher.

Le glaucome a pour mécanisme :

  • une dysgénésie de la chambre antérieure associée ou non à une insertion antérieure de l’iris;

  • une élévation de la pression veineuse épisclérale par hémangiome épiscléral (sang dans le canal de Schlemm) et hypersécrétion du corps ciliaire secondaire à l’hypervascularisation;

  • une hyperpigmentation dans l’angle dans le cas de la phacomatose pigmentovasculaire.

Le traitement est difficile :

  • local par prostaglandines, bêtabloquants et inhibiteurs de l’anhydrase carbonique mais rarement suffisant;

  • chirurgical (trabéculectomie) assez décevant à long terme. La cryothérapie, le laser diode et les valves peuvent être effectués en connaissant les complications.

Les altérations choroïdiennes sont à type d’épaississement et dans ces trois pathologies elles peuvent se compliquer d’accumulation de liquide sous-maculaire. La photocoagulation, la thérapie photodynamique et la radiothérapie pourront être utilisées.

MALADIE DE STURGE-WEBER-KRABBE (SPORADIQUE)

Cette affection de fréquence 1/50 000 associe :

  • une manifestation cutanée capillaire à type d’angiome plan de la face de couleur rouge violine (essentiellement le territoire du V1) et parfois parsemé d’angiomes tubéreux;

  • une manifestation cérébrale, à type d’angiome leptoméningé (occipito-pariétal) homolatéral entraînant principalement une épilepsie souvent rebelle (70 % des cas) et secondairement des calcifications corticales;

  • des manifestations oculaires : glaucome (30 à 70 % des cas) et hémangiomes choroïdiens (55 % des cas). Des hémangiomes (télangiectasies) conjonctivaux et épiscléraux sont souvent présents. L’atteinte est unilatérale dans la majorité des cas. En pratique, la découverte d’une malformation capillaire de la face, d’un angiome plan cutané dans le territoire du V1 et d’un glaucome homolatéral chez un nouveau-né doit faire évoquer le diagnostic justifiant une évaluation sous anesthésie générale.

Ce glaucome est homolatéral à l’hémangiome cutané; il est plus fréquent lorsque l’atteinte cutanée concerne les paupières supérieure et inférieure et apparaît dans plus de 50 % des cas avant l’âge de 2 ans par dysgénésie du segment antérieur entraînant une buphtalmie (Fig. 12-22a). Il peut apparaître plus tardivement à l’adolescence par hyperpression veineuse épisclérale (Fig. 12-22). Son traitement est particulièrement difficile en raison de son apparition précoce, de la sévérité des lésions oculaires lorsque le diagnostic est posé et de sa mauvaise réponse aux traitements classiques [22]. Plusieurs interventions chirurgicales peuvent être effectuées, mais à long terme, les résultats tant au niveau de la pressionnel que du champ visuel demeurent décevants (Fig. 12-22d).

L’hémangiome de la choroïde survient sous deux formes spécifiques, une circonscrite sans autre anomalie systémique et une diffuse. L’hémangiome, localisé en postérieur dans le secteur temporal, est le plus souvent asymptomatique. Dans tous les cas, l’augmentation des vaisseaux choroïdiens donne au FO une couleur brillante rouge (Fig. 12-22) ou rouge-orangée et cette différence de coloration avec l’œil sain aide au diagnostic. Les examens paracliniques tels que la rétinophotographie, l’OCT, l’angiographie au vert d’indocyanine et l’échographie B aident au diagnostic et au suivi. Deux complications à type d’effusion uvéale [23] et de décollement séreux rétinien [24] ont été rapportées après début d’instillation par travoprost et bimatoprost, respectivement impliquant une utilisation prudente quand le SWK est associé à un hémangiome choroïdien diffus.

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Fig. 12-21 Nourrisson de sexe masculin âgé de 10 mois présentant une mégalocornée congénitale.

SYNDROME DE KLIPPEL-TRENAUNAY

Cette affection de fréquence 1/100 000 fait partie des syndromes congénitaux malformatifs des membres. Elle associe de façon caractéristique un hémangiome plan cutané d’un seul membre inférieur avec hyperplasie des tissus mous, une hypertrophie osseuse sous-jacente (asymétrie de longueur et volume du membre) et un aspect bleuté de la peau (veines variqueuses). Plus exceptionnellement, l’angiome peut être facial. Les complications oculaires les plus fréquentes sont semblables à celles du SWK, à type d’hémangiome choroïdien et de glaucome et leur traitement est identique.

D’autres manifestations plus rares, ont été rapportées : varices orbitaires, télangiectasies conjonctivales, paralysie du sympathique, colobome irien, hétérochromie, gliome du chiasma et des nerfs optiques, persistance de la vascularisation fœtale, fibres à myéline, dysplasie rétinienne et prolifération astrocytaire du nerf optique

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Fig. 12-22 Maladie de Sturge-Webber-Krabbe (SWK).

a. Nourrisson de 17 jours consultant en urgence pour buphtalmie droite avec oedème cornéen sur 360°. b-d. Enfant de 12 ans avec SWK gauche, glaucome réfractaire gauche : FO, excavation profonde et blanche OG avec couleur rouge-orangé angiomateuse (c, d). e, f. Enfant âgé de 7 ans (e), même enfant à 16 ans atteint de SWK (f). g. FO, excavation OD avec couleur brillante rouge-orangée hémangiomateuse diffuse.

PHACOMATOSE PIGMENTOVASCULAIRE

Décrite par Ota en 1939, c’est un syndrome malformatif congénital rare [21] qui associe à la naissance des lésions cutanées (mélanocytose dermique) à des malformations pigmentaires et vasculaires (nævus flammeus). Une hypothèse pathogénique incrimine une dysplasie des cellules nerveuses vasomotrices et des mélanocytes de la crête neurale. Cinquante pour cent des patients présentent une ou plusieurs comorbidités associées incluant : le SWK, le nævus d’Ota, le syndrome de Klippel-Trenaunay, le glaucome congénital, un retard mental, une hydrocéphalie, une alopécie triangulaire et des anomalies squelettiques. L’incidence semble plus élevée chez les patients d’origine asiatique. La mélanocytose atteint :

  • l’œil : hyperpigmentation de la conjonctive, de la sclère, du trabéculum, de la choroïde; plus rarement, une mélanocytose du stroma cornéen et des dépôts sur le cristallin. La mélanocytose oculaire est de type melanosis oculi ou nævus d’Ota;

  • la peau : nævi spili ou taches mongoloïdes.

Le glaucome est présent dans 10 % des cas. Le mécanisme est en relation avec une hyperpigmentation de l’angle (les mélanocytes entraînent une augmentation de la résistance à l’écoulement), un angle dysgénésique et/ou une élévation de la pression épisclérale

Ces patients ont un risque de développement de mélanome de l’uvée et de la choroïde.

En pratique, un glaucome infantile associé à des angiomes cutanés et à une mélanocytose oculaire doit être considéré comme une phacomatose pigmentovasculaire et implique un bilan complet à la recherche d’autres anomalies oculaires (angiome choroïdien et mélanome choroïdien) et extra-oculaires (angiome leptoméningé)

CUTIS MARMORATA TELANGIECTATICA CONGENITA

Il s’agit d’une maladie vasculaire congénitale localisée ou généralisée caractérisée par un aspect marbré, réticulé, livédoïde de la peau, des ulcérations, des télangiectasies, des ectasies veineuses, une asymétrie corporelle par atrophie cutanée au niveau de la cutis. Des anomalies associées à type de retard mental, de fente palatine ont été également décrites parfois associées à des cardiopathies congénitales. Les anomalies oculaires incluent le plus souvent un glaucome congénital unilatéral, qui peut survenir dans les premiers mois de vie (buphtalmie) (Fig. 12-23) et dans la petite enfance, et plus rarement un décollement de rétine congénital. Le mécanisme de ce glaucome et sa réponse aux traitements semblent être les mêmes que ceux du SWK [25].

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Fig. 12-23 Cuti marmorata telangiectatica généralisée.

a. Enfant de 8 mois présentant une cuti marmorata telangiectatica généralisée opérée en urgence à l’âge de 3 mois pour buphtalmie et cornée trouble sur 360° ; aspect marbré et livédoïde de la peau associé à des télangiectasies et des ectasies veineuses. b. Visage à l’adolescence. c. Glaucome bilatéral réfractaire à droite. FO : excavation papillaire plus profonde à droite.

DÉSORDRES MÉTABOLIQUES

Un glaucome peut survenir dans certains désordres métaboliques qui sont liés soit à une anomalie dysgénésique, soit à une accumulation de métabolites dans l’angle iridocornéen, soit à une atteinte cristallinienne.

MUCOPOLYSACCHARIDOSES

Les mucopolysaccharidoses (MPS) regroupent des troubles liés à des surcharges lysosomales secondaires à des anomalies génétiques du métabolisme de glycosaminoglycanes (GAG). Selon l’enzyme déficiente, on en décrit sept types : I. Hurler; II. Hunter; III. San Filippo; IV. Morquio; V. Scheie; VI. Maroteaux-Lamy; VII. Sly (voir chapitre 26). L’accumulation de mucopolysaccharides intéresse tous les tissus : squelette, foie, rate, cerveau et œil. Les signes caractéristiques des MPS incluent l’opacification cornéenne progressive, la dégénérescence pigmentaire rétinienne, la diminution en amplitude des tracés de l’électrorétinogramme (ERG), l’atrophie optique, l’œdème papillaire et le glaucome. Le glaucome est dÛ à l’accumulation des GAG au niveau trabéculaire et à la désorganisation structurale stromale perturbant l’évacuation de l’humeur aqueuse. L’opacification de la cornée rend la gonioscopie et l’examen du nerf optique difficiles. De plus, l’augmentation de l’épaisseur de la cornée opacifiée peut aussi faussement augmenter la PIO. Fahnehjelm a montré que l’hystérésis de la cornée était plus élevée chez les patients atteints de MPS I et VI [26]. Il est important de prendre en compte la pachymétrie et l’hystérésis afin de ne pas prescrire à tort un traitement hypotenseur. Lorsque le FO est inaccessible, l’échographie B est utile pour évaluer l’excavation papillaire

SYNDROME OCULO-CÉRÉBRO-RÉNAL DE LOWE

Ce syndrome rare (1/500 000) [11], dÛ à une anomalie du métabolisme des acides aminés, se caractérise par une dysmorphie faciale très caractéristique, un sévère retard psychomoteur et staturo-pondéral, un rachitisme vitamino-résistant, une insuffisance rénale avec protéinurie, une hyperamino-acidurie et un déséquilibre phosphocalcique. Il existe constamment une cataracte congénitale partielle ou totale avec dans 40 % des cas un glaucome infantile par anomalie de l’angle. En gonioscopie, on retrouve des anomalies de type dysgénésique.

HOMOCYSTINURIE ET CYSTINOSE (VOIR PLUS LOIN)

Le glaucome survient par dislocation ou luxation du cristallin.

NÉOPLASIE ENDOCRINIENNE MULTIPLE IIB

Parmi les trois types de néoplasies endocriniennes multiples, le type IIb est la forme la plus agressive de la maladie. Le type IIb associe des neuromes muqueux labiobuccaux, une hypertrophie des nerfs cornéens, un aspect marfanoïde, des endocrinopathies telles le cancer médullaire de la thyroïde à stroma amyloïde et le phéochromocytome. Le début se manifeste chez le nourrisson ou le jeune enfant. Les signes digestifs présents dès la naissance sont souvent les premiers signes de la maladie et sont dus à une ganglioneuromatose du tractus digestif. Les autres anomalies de développement sont des neuromes des muqueuses (langue, lèvres, paupières, conjonctives épaisses; Fig. 12-24a), des neuromes des nerfs cornéens élargis et non myélinisés bien visibles en lampe à fente (Fig. 12-24b), blanchâtres, radiaires et centripètes qui partent du limbe et se dichotomisent. Cette forme se complique de glaucome. Les corrélations anatomocliniques et histochimiques obtenues par l’examen des yeux post mortem ont établi que l’hypertrophie des nerfs cornéens était due à des ganglioneuromes; ceux-ci sont retrouvés dans le limbe, le trabéculum, l’uvée et les nerfs ciliaires postérieurs expliquant la survenue du glaucome (Fig. 12-24) [27]. Le traitement est classique : médical par collyre hypotonisant, puis chirurgical lorsque l’hypertonie n’est plus maîtrisée par le traitement hypotonisant.

ANOMALIES DU TISSU CONJONCTIF
SYNDROME DE MARFAN

Le syndrome de Marfan est héréditaire, causé par des mutations du gène FBN-1 (gène codant pour la protéine fibrillin-1), situé sur le chromosome 15 avec un mode de transmission autosomique dominante. Il est caractérisé par la triade clinique : anomalies oculaires, cardiovasculaires et ostéoarticulaires. Sur le plan oculaire, l’atteinte des fibres zonulaires présente dans 50 % des yeux dès l’âge de 5 ans explique l’ectopie bilatérale des cristallins (généralement en supérieur).

La fréquence du glaucome parmi les enfants atteints de Marfan est de 2,2 % . Plusieurs mécanismes sont à l’origine du glaucome :

  • le principal est le blocage pupillaire par subluxation du cristallin;

  • des anomalies de l’angle, expliquant l’hypertonie en postopératoire d’une phacophagie;

  • un glaucome pigmentaire en relation avec une configuration inhabituelle de l’iris entraînant une réduction de l’écoulement.

En 2014, Kutchey et al. [28] émettent l’hypothèse de l’implication de microfibrilles (agrégats composés de fibrilline rentrant dans la composition des fibres élastiques) dans la pathogénie du glaucome, en particulier chez les sujets atteints de syndrome de Marfan, via la signalisation du transforming growth factor beta (TGF-β) et par anomalie de contraction des fibres élastiques trabéculaires. L’exérèse du cristallin subluxé permet de mettre à l’abri des complications ultérieures dues à la luxation vraie, antérieure ou postérieure, mais pas des autres mécanismes cités ci-dessus. Le décollement de rétine est une complication fréquente.

SYNDROME DE WEILL-MARCHESANI

Dans ce syndrome, l’enfant est de petite taille avec des mains et des pieds courts. Les signes ophtalmologiques sont une microsphérophaquie (cristallin petit et rond par relâchement circonférentiel de la zonule), une ectopie cristallinienne, un corps ciliaire plus petit expliquant l’étirement de la zonule.

Le plus souvent, le glaucome est aigu par luxation du cristallin ectopique dans la chambre antérieure entraînant un bloc pupillaire. Mais il peut aussi survenir par formation de synéchies périphériques au niveau de l’angle. Une myopie sévère est souvent le résultat du déplacement antérieur du cristallin. Récemment, il a été démontré que l’épaisseur de la cornée était plus importante (et que cette épaisseur était associée à l’activation des kératocytes antérieurs) [29], ceci justifiant la mesure de la PIO couplée à celle de l’épaisseur de la cornée.

Sur le plan thérapeutique, classiquement le traitement du glaucome doit être effectué après iridectomie périphérique ou ablation du cristallin. Néanmoins, en cas de forte hypertonie, de glaucome très avancé, d’un comptage cellulaire bas, une chirurgie filtrante est effectuée en premier permettant d’obtenir des conditions plus favorables pour l’ablation du cristallin [30].

D’autres rares pathologies associées à une dislocation du cristallin peuvent développer un glaucome comme le syndrome d’Ehlers-Danlos, la déficience en sulfite oxydase, l’ostéogenèse imparfaite, le syndrome de Stickler, le syndrome de Kniest (voir plus loin)

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Fig. 12-24 Néoplasie endocrinienne multiple.

a. Enfant de 13 ans présentant une néoplasie endocrinienne multiple avec glaucome juvénile sévère. On remarque des neuromes des paupières, des conjonctives épaisses, des neuromes des nerfs cornéens qui sont élargis bien visibles en lampe à fente, blanchâtres, radiaires et centripètes qui partent du limbe et se dichotomisent. b. Lampe à fente : hypertrophie des nerfs cornéens. c. Fond d’oeil droit : excavation papillaire bilatérale profonde et blanche, amincissement concentrique de l’anneau neurorétinien avec visualisation de la lame criblée témoignant de l’évolution d’un glaucome à angle ouvert à pression élevée. d. Fond d’oeil gauche : excavation papillaire bilatérale profonde et blanche, amincissement concentrique de l’anneau neurorétinien avec visualisation de la lame criblée témoignant de l’évolution d’un glaucome à angle ouvert à pression élevée.

GÉNODERMATOSE ASSOCIÉE À UN GLAUCOME : NEUROFIBROMATOSE DE TYPE 1 (NF1)

Ce syndrome neurocutané est caractérisé par des taches cutanées de couleur café au lait (tronc et membres), des taches pigmentées (lentigines) au niveau des plis axillaires et inguinaux, des neurofibromes cutanés, des nerfs périphériques et/ou du système nerveux central. Il peut s’y associer une atteinte osseuse de type scoliose, déformation du tibia, hémi-hypertrophie de jambe, dysplasie osseuse de l’orbite. Les atteintes ophtalmologiques peuvent constituer le signe initial de l’affection. Les plus fréquentes sont les nodules de Lisch iriens (hamartome pigmenté de l’iris : pathognomonique), le gliome du nerf optique, le neurofibrome plexiforme palpébral supérieur, l’ectropion congénital de l’uvée et, plus rarement, le ganglioneurome choroïdien diffus. Le développement d’un glaucome congénital est rare. Le plus souvent, il est unilatéral, précoce, avec buphtalmie précédant les autres critères de la maladie. Mais la mégalocornée peut aussi exister sans glaucome : un facteur de croissance libéré par du tissu neurofibromateux a pu être isolé comme responsable de l’élargissement du globe et d’un gigantisme de l’hémiface [31].

Dans cette NF1, plusieurs mécanismes sont évoqués : le plus fréquent semble être une infiltration par du tissu neurofibromateux du corps ciliaire et/ou de la choroïde, puis on note une fibrovascularisation, une endothélisation, une fermeture de l’angle secondaire par synéchies périphériques antérieures (épisodes d’hypertonie répétés) ou par épaississement du corps ciliaire et de la choroïde infiltrés, un blocage de l’écoulement de l’humeur aqueuse par hypertrophie des nerfs ciliaires, une anomalie dysgénésique de l’angle (prolifération de cellules de la crête neurale) [32]. Les anomalies gonioscopiques présentes chez les enfants glaucomateux sont : un embryotoxon ou une ligne de Schwalbe épaissie, une hyperpigmentation, un tissu dense avasculaire couvrant les structures angulaires, une insertion antérieure de l’iris, de larges synéchies antérieures périphériques, une fermeture de l’angle.

Environ, 50 % des patients NF1 avec glaucome présentent en association un neurofibrome orbitaire ou palpébral.

Le neurofibrome plexiforme infiltre l’orbite, la région orbitotemporale et/ou les paupières. De siège palpébral, il s’accompagne dans plus de 50 % des cas d’un glaucome congénital. La paupière est le site préférentiel du neurofibrome plexiforme qui a une forme de S couché. Rare ou discret à la naissance, il augmente au cours de l’enfance. La paupière est épaissie et semble présenter un ptosis asymétrique plus marqué dans sa partie temporale. La triade homolatérale buphtalmie, hémi-hypertrophie faciale et névrome plexiforme palpébral constitue le syndrome de Jules-François. Dans bon nombre de cas, le glaucome précède le développement du neurofibrome plexiforme palpébral et celui de l’orbite.

L’ectropion congénital unilatéral de l’uvée peut se compliquer d’un glaucome sévère (voir plus loin).

Le ganglioneurome choroïdien diffus est une tumeur bénigne très rare de la choroïde. Il est fréquemment décrit avec la NF1. Il est au début le plus souvent asymptomatique et doit être recherché : on doit le suspecter face à un glaucome congénital unilatéral et le rechercher devant un aspect d’épaississement anormal de la choroïde soit à l’examen ophtalmologique, soit après bilan radiographique (signal anormal du pôle postérieur) [33]. Il peut aussi se révéler par des complications : formation fibreuse sous-rétinienne et choroïdienne provenant du ganglioneurome choroïdien, hémorragie vitréenne. Il peut être associé à un neurofibrome palpébral. Le glaucome y est associé dans presque tous les cas se manifestant par une expansion du globe : aux mécanismes cités ci-dessus il peut s’ajouter une complication néovasculaire de ce ganglioneurome choroïdien.

AUTRES ANOMAUES SYSTÉMIQUES ASSOCIÉES À UN GLAUCOME

ECTROPION CONGÉNITAL DE L’UVÉE

Cette anomalie congénitale rare est caractérisée par la présence anormale d’un épithélium postérieur de l’iris débordant le rebord pupillaire et pouvant recouvrir partiellement la surface antérieure de l’iris. L’atteinte peut être circonférentielle ou sectorielle. Le glaucome, très fréquent, se présente sous une forme congénitale avec buphtalmie ou sous une forme tardive de type juvénile. Le mécanisme est dÛ soit à un processus tumoral par infiltration de la gaine de Schwann des nerfs ciliaires lesquels viendraient bloquer l’angle, soit à un épaississement nodulaire du corps ciliaire et de la choroïde par une membrane fibrovasculaire ressemblant à un glaucome néovasculaire. Cette anomalie peut être associée à des anomalies systémiques que l’on doit rechercher incluant la neurofibromatose de von Recklinghausen, l’hémiatrophie faciale, le syndrome de Willebrand, la microsphérophaquie mais aussi à des anomalies oculaires dysgénésiques comme par exemple le syndrome d’Axenfeld-Rieger augmentant le risque de glaucome [10].

NÆVUS D’OTA

Mélanocytose oculocutanée congénitale caractérisée par une pigmentation anormale de la face, de l’œil et des muqueuses, le nævus d’Ota est dÛ à une accumulation anormale des mélanocytes dans les tissus oculaires, au niveau de la peau dans le territoire des deux branches supérieures du nerf trijumeau et au niveau de la muqueuse nasale et buccale. L’atteinte oculaire est homolatérale à l’atteinte cutanée. La fréquence est de 0,014 à 0,034 % [34], plus élevée dans la population asiatique. Les hamartomes pigmentés peuvent atteindre les tissus orbitaires et les leptoméninges. Sur le plan cérébral, le nævus d’Ota peut être associé à un mélanocytome méningé et à un mélanocytome intracrânien. Dans environ deux tiers des cas, l’atteinte est cutanée et oculaire, dans un tiers des cas uniquement cutanée, et lorsqu’il n’y a pas d’atteinte cutanée, on appelle cette mélanocytose, le melanosis oculi. Dans 60 % des cas, le nævus est présent dès la naissance mais peut n’apparaître qu’à la puberté.

Sur le plan oculaire, la mélanocytose atteint l’épisclère, l’uvée et l’angle mais aussi la rétine et le disque optique. La pigmentation profonde (sclérale) est bleuâtre et la pigmentation superficielle (conjonctivale) brunâtre (Fig. 12-25).

Au niveau de l’iris, on note des mammillations, une hétérochromie irienne du côté atteint (iris plus foncé), une irrégularité de l’épithélium pigmenté et un réflexe pupillaire afférent ralenti s’objectivant par une moins bonne dilatation aux cycloplégiques.

En gonioscopie, on retrouve dans tous les cas une hyperpigmentation de l’iris recouvrant les structures de l’angle. Les études histopathologiques révèlent la présence de mélanocytes dans le trabéculum. Il n’y a pas toujours de corrélation entre le degré et l’étendue de la pigmentation et l’élévation de la PIO. D’autres facteurs sont impliqués comme l’épaississement des procès iriens couvrant le trabéculum et l’insertion antérieure de l’iris suggérant une anomalie développementale de l’angle.

Le glaucome chronique homolatéral est présent dans 10 % des cas et débute à la naissance ou dans l’enfance. Un épaississement cornéen doit être recherché, car il interfère avec la mesure de la pression oculaire, laquelle doit toujours être surveillée chez un enfant présentant un nævus d’Ota ou un melanosis oculi.

Sur le plan thérapeutique, une chirurgie filtrante peut être proposée initialement.

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Fig. 12-25 Naevus d’Ota : pigmentation profonde sclérale bleuâtre inférieure.

ANOMALIES CHROMOSOMIQUES

Le glaucome peut survenir dans certaines anomalies chromosomiques. Les plus fréquentes sont les trisomies (21, 13-15), le syndrome de Willi-Prader, le syndrome de Turner, la trisomie et la délétion partielle du chromosome 18.

AUTRES ASSOCIATIONS SYNDROMIQUES

Les syndromes suivants peuvent s’accompagner d’un glaucome congénital :

  • syndrome de Rubinstein-Taybi;

  • rubéole congénitale;

  • syndrome alcoolofœtal;

  • syndrome d’Hallerman-Streiff-François;

  • syndrome hépato-cérébro-rénal (Zellweger);

  • dysplasie oculo-dento-digitale;

  • syndrome oculo-facio-cardio-dental;

  • syndrome de Marshall;

  • syndrome nail-patella;

  • syndrome de Lowry-MacLean;

  • syndrome de Melnick-Needles;

  • syndrome de Townes-Brocks.

Glaucomes secondaires

Une grande variété de pathologies rares peut être à l’origine d’un glaucome secondaire chez l’enfant (Tableau 12-4). Le mécanisme déterminant du glaucome sera retrouvé par l’anamnèse et l’examen oculaire de l’enfant : les causes les plus fréquentes sont en rapport avec une chirurgie de la cataracte congénitale, une cause inflammatoire, une cause traumatique ou une cause iatrogène.

APHAQUIE APRÈS CHIRURGIE DE CATARACTE CONGÉNITALE

D. Thouvenin

Le glaucome est une complication préoccupante de la chirurgie de la cataracte de l’enfant, car ce diagnostic est difficile et donc parfois tardif, et le traitement en est complexe. Malgré l’amélioration de la qualité des techniques chirurgicales pour l’extraction cristallinienne et la prise en charge du vitré, la fréquence du glaucome après chirurgie bien effectuée reste élevée et grève le pronostic fonctionnel. La fréquence est d’environ de 24 % [35]. On note dans la prévalence deux facteurs de risque principaux : l’âge inférieur à 6 mois et la persistance de la vascularisation fœtale (PVF).

Le mécanisme d’apparition est variable soit précoce dÛ à l’inflammation postopératoire sur un œil immature ou microphtalme (PVF), soit progressif par dysgénésie angulaire congénitale associée à la cataracte ou modification des structures angulaires postopératoires. Le glaucome survient soit :

  • précocement (moins de 1 an après intervention) : il est lié à des facteurs locaux responsables d’une fermeture angulaire ou d’une saturation de ses possibilités de filtration. Les hypothèses sont multiples : inflammation postopératoire, modification architecturale des structures angulaires, dispersion du matériel cristallinien et vitréen en chambre antérieure toxique pour l’angle immature. Le blocage pupillaire par du vitré en chambre antérieure et la fermeture angulaire par adhérence irienne sont moins fréquents grâce à l’amélioration des techniques chirurgicales;

  • tardivement : le glaucome chronique peut apparaître parfois plus de 10 ans après la chirurgie initiale. C’est un glaucome à angle ouvert, lié à une dysfonction angulaire. Les hypothèses sont une perte de rigidité du plan irien, provoquant des périodes de fermeture puis des synéchies et une dysgénésie angulaire congénitale associée à la cataracte.

Le rôle de l’implant est très discuté, protecteur ou aggravant. Les facteurs aggravants sont une implantation traumatique et un positionnement de l’implant dans le sulcus ciliaire : l’implantation intercapsulaire est par conséquent recherchée. Le rôle protecteur de l’implant est évoqué, car il représente un support au plan irien et une barrière avec le segment postérieur.

Le diagnostic de glaucome et la surveillance de l’évolution sont complexes expliquant les retards diagnostiques. L’hypertonie est difficile à mettre en évidence pour des raisons techniques (âge de l’enfant, nystagmus, strabisme, port de lentilles). Chez le très jeune enfant, on utilisera le tonomètre à rebond afin d’éviter une anesthésie supplémentaire et chez l’enfant de 5-6 ans, le tonomètre à air. Seuls les chiffres normaux obtenus à plusieurs reprises seront retenus. En revanche, les chiffres élevés devront être vérifiés à l’aplanation (tonomètre de Goldmann ou Perkins sous anesthésie générale). En effet, il ne faut pas hésiter à contrôler la tension sous anesthésie générale en cas de doute, et ce à tout âge en tenant compte de l’épaisseur cornéenne, souvent très élevée chez les enfants opérés de cataracte la première année de vie, même en l’absence d’œdème. Le traitement médical suit les mêmes règles que pour les autres glaucomes de l’enfant.

Tableau 12-4 Glaucomes pédiatriques secondaires.

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GLAUCOME UVÉITIQUE

C’est un glaucome qui se distingue des autres glaucomes secondaires par ses caractéristiques histologiques, ses hautes pressions, sa nature partiellement iatrogénique et par son évolution qui peut être rapide. Le glaucome uvéitique de l’enfant est plus sévère que celui de l’adulte, car il peut s’accompagner rapidement d’une perte d’acuité visuelle sévère et irréversible.

Ce glaucome peut survenir après toute inflammation mais la cause la plus fréquente reste l’arthrite juvénile idiopathique (30 % des cas). L’uvéite est la plus fréquente des manifestations extra-oculaires de cette maladie et survient dans 8 à 37 % des cas [36]. Les principales complications de cette maladie sont le glaucome, la cataracte, les synéchies iridocristalliniennes. Le glaucome survient en moyenne 2 à 3 ans après le début de la maladie.

Des infections comme la toxoplasmose, des pathologies inflammatoires comme la sarcoïdose conduisent à une augmentation de la tension oculaire. Pour d’autres glaucomes uvéitiques, souvent aucune étiologie n’est retrouvée.

Quelle que soit l’étiologie, la sévérité du glaucome est en relation avec le type de maladie, sa durée et le contrôle de l’inflammation par le traitement.

Le mécanisme du glaucome uvéitique est dÛ à l’obstruction du flux aqueux :

  • soit par secclusion et bloc pupillaire, soit par fermeture chronique en raison de synéchies de l’angle (macroscopique);

  • soit par glaucome chronique à angle ouvert et par glaucome cortisonique (microscopique).

Lors du glaucome à angle ouvert secondaire à une uvéite, l’altération du flux aqueux résulte de l’atteinte du trabéculum par les cellules inflammatoires filtrées, les cytokines, le pigment irien et les corticoïdes. Il en résulte une trabéculite. Les différents facteurs influençant la pression oculaire sont cités dans le Tableau 12-5.

Sur le plan thérapeutique, le contrôle de la PIO par un traitement médical seul n’est pas toujours possible a fortiori dans les cas de glaucome réfractaire. La stratégie thérapeutique doit porter en priorité sur le traitement de l’uvéite par voie locale et générale, avec des corticoïdes locaux, généraux et des immunosuppresseurs, plutôt qu’adapter la dose des stéroïdes au contrôle de la PIO.

Le traitement chirurgical est difficile. Une intervention précoce sous corticostéroïdes (le moins hypertensif) peut être justifiée : certains paramètres doivent être considérés tels l’âge de l’enfant, l’étiologie, le contrôle ou non de l’inflammation et la présence ou non du cristallin. Il est essentiel d’opérer sur un œil non inflammatoire dans un délai de 4 à 6 mois. Ainsi ces patients doivent être mis systématiquement sous corticoïdes en préopératoire. Il existe un risque d’hypotonie postopératoire chez ces enfants, peut-être dÛ au manque potentiel de sécrétion de l’humeur aqueuse.

GLAUCOME TRAUMATIQUE

Le traumatisme peut causer directement une altération de la voie de drainage ou altérer la fonction trabéculaire comme par exemple les cellules hématiques dues à un hyphéma ou à une hémorragie du vitré.

GLAUCOME CORTISONIQUE

Les causes médicamenteuses d’une hypertonie incluent les corticostéroïdes (mécanisme à angle ouvert), les médicaments anti-épileptiques et antimigraineux (topiramate), les drogues à base de sulfates (mécanismes à angle fermé). L’enfant, notamment avant 6 ans, présente la réponse hypertensive la plus forte et rapide aux corticoïdes [37]. Ce risque est aussi élevé dans les maladies du tissu conjonctif et lors de diabète de type 1. L’augmentation de la PIO survient plus fréquemment après une administration locale que générale, classiquement 1 à 4 semaines après le début du traitement. Certains corticoïdes augmentent plus la PIO tels la dexaméthasone.

Le mécanisme n’est pas clairement élucidé, il serait dÛ à l’augmentation de la résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse par altération induite du trabéculum par les glucocorticoïdes (changements microstructuraux; dépôts de matériel extracellulaire; activité d’inhibiteur protéase et phakogénique conduisant à l’épaississement et à l’imperméabilité du trabéculum) et à une prédisposition génétique (certains gènes incriminés comme le gène myociline). La prise en charge associe l’arrêt impératif des corticoïdes et un traitement hypotonisant. La réponse à l’arrêt des corticoïdes est variable : soit l’hypertonie régresse rapidement avec ou sans séquelle, soit l’hypertonie résiste au traitement hypotonisant prolongé (parfois à long terme) et alors nécessite un traitement chirurgical.

Tableau 12-5 Glaucomes uvéitiques : facteurs influençant la pression intraoculaire.

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GLAUCOME NÉOPLASIQUE

Les cancers comme le rétinoblastome, le xanthogranulome juvénile, la leucémie, peuvent élever la PIO chez l’enfant par un mécanisme d’obstruction du flux aqueux par des cellules tumorales ou par hémorragie secondaire (Fig. 12-26a).

Le xanthogranulome juvénile [38], ou nævo-endothélio-xanthome, est une affection dermatologique rare du nourrisson et du jeune enfant. Il apparaît sous forme de lésions cutanées uniques ou multiples, nodulaires ou papulaires de consistance molle, de 1 à 10 mm de diamètre, de couleur jaunâtre ou rougeâtre qui, après quelques mois, deviennent brun jaunâtre. Ces lésions sont principalement localisées au niveau du visage et du cuir chevelu, plus rarement au niveau du tronc et de la racine des membres. Le diagnostic de xanthogranulome juvénile repose sur la biopsie cutanée. Histologiquement, les lésions sont constituées par une prolifération de cellules histiocytaires n’exprimant pas les marqueurs de l’histiocytose langerhansienne.

Cette affection, habituellement bénigne, a de multiples localisations extracutanées mais la plus fréquente est la localisation oculaire : 0,3 à 0,5 % . La prolifération granulomateuse peut toucher les différentes structures de l’œil et générer un glaucome, une uvéite ou un iritis. Les facteurs de risque pour le développement des complications oculaires incluent le nombre de lésions cutanées et l’âge inférieur à 2 ans. Plusieurs tableaux cliniques existent :

  • une tumeur irienne asymptomatique localisée ou diffuse;

  • un glaucome unilatéral;

  • un hyphéma spontané;

  • une hyperhémie conjonctivale avec des signes d’uvéite et une hétérochromie congénitale ou acquise;

  • parfois le tableau peut imiter un mélanome oculaire.

Cette affection peut être associée à la maladie de Recklinghausen.

Le xanthogranulome peut affecter l’orbite, l’iris, le corps ciliaire, la cornée et l’épisclère; l’atteinte irienne est la plus fréquente, les nodules iriens peuvent être vascularisés et saigner spontanément causant un hyphéma puis un glaucome secondaire : le pronostic visuel est alors souvent compromis, même si le pronostic général est habituellement bon. Ainsi le xanthogranulome juvénile irien est le premier diagnostic à évoquer face à un hyphéma spontané du jeune enfant; des accidents vasculaires rétiniens ou un décollement de rétine sont plus rares. Le xanthogranulome juvénile peut être diagnostiqué par une biopsie :

  • de peau si les lésions cutanées typiques sont présentes (Fig. 12-26b). Cependant, l’absence de lésions de la peau n’exclut pas le diagnostic, car celles-ci régressent souvent spontanément. Cinquante pour cent des patients ne développent pas de lésions cutanées et sont vus en première intention par un ophtalmologiste;

  • de la masse intra-oculaire.

Sur le plan thérapeutique, les lésions cutanées ne nécessitent pas de geste d’exérèse, sauf en cas de préjudice esthétique. Le pronostic dans les formes cutanées classiques est excellent avec une régression spontanée des lésions en quelques mois ou années (de 3 à 6 ans).

Le traitement des lésions uvéales doit être précoce si possible avant la survenue d’hyphéma ou de glaucome secondaire. Il repose sur l’exérèse par iridectomie (si la tumeur est limitée), la corticothérapie, la radiothérapie (si la tumeur est diffuse), la cryothérapie et plus récemment les anti-vascular endothelial growth factor (anti-VEGF) [38].

Le traitement du glaucome fait appel à des antiglaucomateux et/ou à une chirurgie filtrante.

La surveillance doit être rigoureuse, n’appelle aucun traitement pour les lésions, sauf en cas d’anomalies oculaires.

L’essentiel : prise en charge du xanthogranulome juvénile

Le xanthogranulomatome juvénile est une affection dermatologique rare du jeune enfant, où l’atteinte oculaire est la localisation extracutanée la plus fréquente. Le risque d’atteinte oculaire est très élevé chez l’enfant âgé de moins de 2 ans et lorsque les lésions cutanées sont multiples. Les complications sont essentiellement uvéales provoquant hyphéma et glaucome secondaire spontané lesquels peuvent constituer des circonstances de découverte. Le traitement fait appel à l’exérèse chirurgicale, la cryothérapie, la radiothérapie et plus récemment les anti-VEGF. Ces complications compromettent souvent le pronostic visuel et nécessitent une prise en charge rapide. Une collaboration avec les pédiatres, les dermatologues est nécessaire avec surveillance ophtalmologique systématique.

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Fig. 12-26 Xanthogranulome juvénile chez un enfant de 6 mois.

a. Hyphéma révélateur oeil gauche (flèches) : visualisation de la prolifération granulomateuse blanchâtre à la surface de l’iris. b. Lésion cutanée frontale xanthogranulomateuse.

GLAUCOME CRISTALLINIEN

Le glaucome résulte d’une subluxation ou dislocation du cristallin, qui peut être ectopique et/ou avec microsphérophakie (le cristallin est diminué en diamètre équatorial et augmenté en diamètre antéropostérieur conduisant à un aspect quasi sphérique), laquelle entraîne un bloc pupillaire secondaire (Fig. 12-27). Les différentes pathologies impliquées sont : le syndrome de Marfan, le syndrome de Weill-Marchesani, l’homocystinurie, une cystinose, une dislocation spontanée, un syndrome d’Ehlers-Danlos, la déficience en sulfite oxydase, l’aniridie, le syndrome de Kniest (darfinisme métatrophique de type II). Cette subluxation du cristallin associée à la microsphérophakie a été décrite comme responsable d’un glaucome dans deux syndromes :

  • le syndrome d’Axenfeld-Rieger et la microsphérophakie [39], phénotype rare où le processus pathologique primaire ne semble pas être l’anomalie de migration des cellules de la crête neurale, mais plutôt le développement anormal du cristallin qui de ce fait n’a pas fourni le signal nécessaire au développement des structures du segment antérieur;

  • le syndrome oculaire familial qui se présente sous un phénotype clinique et génétique unique par mutation du gène LTBP2 regroupant une mégalocornée congénitale infantile associée à un glaucome cristallinien (sphérophakie et/ou ectopie) [40]. Ce syndrome oculaire a été décrit dans plusieurs familles consanguines (turque, marocaine, macédonienne, saoudienne). Les mutations LTBP2 provoquent ce phénotype oculaire et peuvent conduire aux caractéristiques du Marfan. Ces enfants doivent être surveillés de manière étroite. Seule l’exérèse du cristallin subluxé permet d’éviter la luxation vraie. Néanmoins, une iridectomie prophylactique, un myosis chronique médicamenteux peuvent être tentés pour prévenir le glaucome par bloc pupillaire.

GLAUCOME PAR ÉLÉVATION DE LA PRESSION VEINEUSE EPISCLERALE

Les signes typiques de l’élévation de la pression veineuse épisclérale sont la dilatation et la tortuosité des vaisseaux épiscléraux conjonctivaux (Fig. 12-28) et l’élévation de la PIO. D’autres signes incluent, un chémosis, un ptosis, une impotence musculaire, une ischémie oculaire. L’augmentation des pulsations oculaires peut être mise en évidence pendant la tonométrie. La gonioscopie peut révéler du sang dans le canal de Schlemm. Trois causes sont responsables : une obstruction veineuse, des anomalies artérioveineuses (fistule carotidocaverneuse, varices orbitaires) et une origine idiopathique. Pour exemple, dans le syndrome de SWK, l’élévation de la pression veineuse épisclérale est due à la fois à l’hémangiome épiscléral et aux fistules artérioveineuses.

GLAUCOME SECONDAIRE PAR ANGLE FERMÉ

Il s’agit de la rétinopathie des prématurés, des microphtalmies, de la nanophtalmie, de la persistance de la vascularisation fœtale, du rétinoblastome, de la persistance de la membrane pupillaire

NÉOVASCULARISATION

De multiples pathologies congénitales peuvent engendrer des glaucomes secondaires par néovascularisation (voir Tableau 12-4).

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Fig. 12-27 Microsphérophaquie.

a. Luxation cristallinienne en chambre antérieure associée à une mégalocornée et un ectropion de l’uvée. b. Gonioscopie : présence du cristallin (flèche) dans la chambre antérieure. c. UBM : luxation cristallinienne en chambre antérieure, entraînant une poussée hypertensive par blocage pupillaire secondaire chez un enfant de 9 mois.

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Fig. 12-28 Hyperpression veineuse épisclérale : visualisation du réseau sous-conjonctival épiscléral chez un nourrisson de 17 jours présentant une buphtalmie, un oedème de cornée et un chémosis.

Pronostic fonctionnel

Le plus souvent, l’évolution se fait selon deux situations possibles :

  • résolution de l’hypertonie par maturation post-natale de l’angle, la chirurgie permettant dans ces cas de passer un cap. Le pronostic fonctionnel peut alors être bon. C’est typiquement le cas de nombreux glaucomes dits « primitifs » classiques de transmission autosomique récessive;

  • persistance d’un obstacle à l’écoulement de l’humeur aqueuse avec un tonus difficile à contrôler malgré des interventions itératives et un pronostic fonctionnel médiocre.

Dans tous les cas, l’évolution à long terme comporte un risque de récidive et de séquelles fonctionnelles liées à l’altération du nerf optique, à la mauvaise transparence cornéenne, aux troubles réfractifs et à l’amblyopie.

Traitement du glaucome de l’enfant

La stratégie thérapeutique chez l’enfant diffère de celle de l’adulte. Elle consiste à lutter contre l’hypertonie, prendre en charge l’amblyopie, traiter l’opacité cornéenne séquellaire (Fig. 12-29).

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Fig. 12-29 Traitement médical et chirurgical du glaucome de l’enfant.

LUTTER CONTRE L’HYPERTONIE

Le traitement chirurgical reste surtout le traitement de première intention dans : le glaucome congénital primitif; les glaucomes juvéniles à angle ouvert; les glaucomes de l’aphaque; les glaucomes à angle fermé (secondaires à la luxation du cristallin).

Le traitement médical du glaucome joue un rôle important en réduisant temporairement la PIO en préopératoire (en attente du bilan pédiatrique systémique dans les glaucomes secondaires) ou lorsque le tonus reste limite à la suite de plusieurs interventions chirurgicales, et ce sur un long terme.

TRAITEMENT MÉDICAL

Le traitement hypotonisant du nourrisson et de l’enfant soulève plusieurs problèmes : l’absence d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la majorité des collyres qui engage la responsabilité de l’ophtalmologiste (même s’il est obligé de déroger aux règles de prescription), l’absence à ce jour d’adaptation des collyres par rapport au poids de l’enfant avec comme conséquence des concentrations plasmatiques plus importantes pouvant provoquer des effets indésirables systémiques graves, et ce d’autant qu’existe une toxicité accrue chez le nourrisson et l’enfant par immaturité des systèmes enzymatiques hépatiques. Il est donc important d’employer le dosage minimum pour une efficacité maximale, de prendre le temps d’expliquer aux parents les bonnes pratiques d’utilisation de ces collyres (compression digitale des voies lacrymales diminuant le passage systémique et occlusion palpébrale augmentant la pénétration cornéenne : manœuvres qui ne sont pas toujours faciles à respecter chez un enfant turbulent) et de s’assurer de la parfaite compréhension parentale.

Les familles thérapeutiques utilisées agissent sur la production et/ou l’évacuation d’humeur aqueuse; les β-bloquants, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique diminuent la production d’humeur aqueuse; les parasympathomimétiques (pilocarpine) et les analogues de prostaglandines augmentent l’évacuation d’humeur aqueuse et les sympathomimétiques limitent la production d’humeur aqueuse favorisant plus ou moins son écoulement. Les associations de familles combinent les deux actions [41]

β-bloquants

À l’échelon mondial les β-bloquants sont les plus couramment prescrits pour le glaucome pédiatrique et en particulier le timoptol, en raison de leur efficacité : comme chez l’adulte, la baisse de PIO est de l’ordre de 20 à 25 % . Cependant, il n’y a pas d’AMM pour leur utilisation chez l’enfant. Leurs contre-indications justifient un avis pédiatrique avant leur introduction; une bradycardie, un asthme, des troubles respiratoires chez le nourrisson la contre-indiquent. Il est conseillé de préférer des faibles concentrations afin de réduire les effets secondaires systémiques. Le traitement sera initié avec des concentrations à 0,25 % , en privilégiant les formes galéniques à base de suspensions ou de gels, ces derniers ayant une absorption systémique plus faible et nécessitant une seule application par jour.

L’association de deux collyres β-bloquants est déconseillée et quand il y a d’autres collyres associés, ceux-ci doivent être administrés avec un intervalle d’au moins 15 minutes

Analogues des prostaglandines

Il y a une AMM chez l’enfant pour le latanoprost et le travoprost. Comme chez l’adulte, la baisse de PIO est de l’ordre de 30 à 35 % . L’efficacité des prostaglandines fait qu’elles sont souvent prescrites en première intention chez l’enfant. Il n’existe pas d’effet indésirable systémique connu de cette classe thérapeutique. Les parents de l’enfant doivent néanmoins être informés lors de l’emploi prolongé du risque de pigmentation irienne, d’hyperhémie conjonctivale mais aussi d’allongement des cils. L’efficacité du latanoprost semble intéressante dans les glaucomes juvéniles mais reste discutée dans le syndrome de SWK, notamment lorsqu’il existe un hémangiome choroïdien [23, 24]. Par ailleurs, du fait du risque pro-inflammatoire des prostaglandines, la prudence est de règle dans les hypertonies oculaires liées à une inflammation, quel qu’en soit le mécanisme.

Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique

Il n’y a pas d’AMM. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) sont la seule classe de médicament antiglaucomateux disponible dans les formes systémiques et topiques. Ils sont utilisés chez l’enfant depuis plusieurs décennies, et ont fait la preuve de leur efficacité par voie orale dans la réduction de la PIO d’environ 30 à 35 % dans les glaucomes infantiles. La tolérance est correcte, à condition que la dose totale maximale soit respectée (5 à 10 mg/kg/j) et qu’elle soit administrée 3 fois/j. Les IAC sont utilisés en première ou deuxième intention, notamment lorsque les β-bloquants sont contre-indiqués ou insuffisamment hypotonisants. Le risque d’acidose métabolique (se manifestant par une polypnée) et d’hypokaliémie (génératrice de troubles du rythme et de la conduction cardiaque) justifie une supplémentation potassique et une surveillance régulière clinique (pouls, poids) et du ionogramme sanguin. Les IAC topiques potentialisent l’action des IAC par voie systémique et sont bien tolérés en cas de cornée normale. Inversement en cas d’endothélium pathologique et de densité endothéliale diminuée, il existe un risque de décompensation cornéenne [42] : par conséquent, chez les enfants présentant des complications cornéennes dues à l’hypertonie (stries de Haab, œdème), il est préférable d’utiliser les autres hypotonisants.

Sympathicomimétiques

Il n’y a pas d’AMM. La barrière hémato-encéphalique est plus perméable chez l’enfant, ce qui augmente le passage cérébral des substances lipophiles telle la brimonidine (Alphagan®). L’utilisation d’apraclonidine (Iopidine®), moins lipophile que la brimonidine, est théoriquement plus sÛre chez l’enfant. Des épisodes d’apnée et de coma rapportés après instillation de brimonidine chez des nouveau-nés expliquent que leur prescription ne doit pas être réalisée en dessous de 6 ans.

Parasympathicomimétiques

Leur emploi est devenu minoritaire depuis l’avènement de thérapeutiques plus récentes. Ils peuvent néanmoins trouver leur place dans certaines formes de glaucome, en particulier par fermeture de l’angle. Leur utilisation est intéressante pour permettre d’obtenir un myosis avant ou après goniotomie, trabéculotomie ou sclérectomie profonde. La survenue d’un syndrome confusionnel ou d’une agitation motrice doit faire évoquer une intoxication cholinergique.

L’essentiel

Le traitement médical doit être adapté à l’âge et la santé générale de l’enfant, au type de glaucome. Les profils d’efficacité et de sécurité de chaque médicament doivent être connus afin de diagnostiquer les effets indésirables, dont la fréquence et la sévérité clinique sont souvent majorées chez l’enfant.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Il existe plusieurs procédures chirurgicales dont l’indication dépend du type de glaucome, de l’âge de l’enfant, de la clarté cornéenne, du degré d’atteinte du nerf optique, de la présence d’une pathologie oculaire et/ou générale associée, d’une ou de plusieurs chirurgies préalables.

Ces procédures doivent être réalisées dans un centre de référence, par un opérateur rompu à la chirurgie des yeux buphtalmes (repères anatomiques modifiés) et par une équipe d’anesthésie pédiatrique entraînée.

Chirurgie de l’angle : la goniotomie

En 1938, Otto Barkan met au point la technique de goniotomie pour le glaucome congénital, le but étant de créer une voie d’évacuation de l’humeur aqueuse. Cette technique doit être effectuée par des mains expérimentées et exige certaines conditions : des cornées claires, une trabéculodysgénésie limitée au trabéculum sans autre anomalie du segment antérieur. Le but est d’inciser l’angle afin de libérer le trabéculum du feutrage embryonnaire qui l’obture et de repousser l’insertion trop antérieure de l’iris. L’intervention s’effectue sous anesthésie générale, l’emploi de la pilocarpine assure la protection du cristallin pendant la chirurgie. La goniotomie est pratiquée avec une lentille à gonioscopie et un couteau de goniotomie après approfondissement de la chambre antérieure avec des visco-élastiques. Le chirurgien se place généralement à l’opposé du site chirurgical prévu. Le couteau de goniotomie, introduit en cornée claire à 1 mm du limbe dans un plan parallèle à l’iris, est ensuite avancé au-dessus du plan irien pour pénétrer le trabéculum dans son tiers antérieur, juste derrière la ligne de Schwalbe. Une incision circonférentielle est alors réalisée d’une largeur de 4 à 5 fuseaux horaires : on observe fréquemment un hyphéma dans l’angle. Les autres complications de la goniotomie sont rares et comprennent une iridodialyse, l’apparition de synéchies antérieures périphériques, l’atteinte iatrogène du cristallin, un décollement de rétine en cas de myopie forte associée.

La gonioscopie après goniotomie efficace retrouve un angle plus ouvert au niveau du site opératoire avec une meilleure visualisation de la bande ciliaire et de l’éperon scléral. La répétition de la procédure de goniotomie est possible dans les zones non traitées pour améliorer le contrôle pressionnel. Les échecs de la goniotomie sont dus à une longueur ou une profondeur d’incision inadéquate ou à l’oblitération de l’incision par des synéchies périphériques.

En 1992, Russel-Eggit rapporte après goniotomie un taux de succès supérieur à 80 % [43]. Une étude récente évaluant les résultats de la goniotomie chez 36 enfants atteints de glaucome congénital primitif en Afrique rapporte qu’un second geste de goniotomie à 3 mois de la première chirurgie est nécessaire pour obtenir un contrôle pressionnel satisfaisant [44].

Chirurgie filtrante trabéculaire

TRABÉCULOTOMIE

La trabéculotomie présente l’avantage de pouvoir être réalisée même en cas de cornée opaque. Elle implique l’emploi d’un microscope opératoire et d’un trabéculotome. Après dissection d’un volet scléral, et repérage du canal de Schlemm, la procédure consiste à introduire en douceur un trabéculotome dans le canal aussi loin que possible sans rencontrer de résistance, puis à induire un mouvement de rotation de 90° de l’instrument en chambre antérieure tout en restant dans un plan strictement parallèle à l’iris (Fig. 12-30a). Cette procédure doit être réalisée en nasal et/ou en temporal du volet scléral. L’injection de substance visco-élastique dans le canal de Schlemm doit être réalisée avant et après trabéculotomie. Les complications chirurgicales sont l’hyphéma, une fausse route, une cyclodialyse et le prolapsus de l’iris dans la microperforation du trabéculotome nécessitant une iridectomie chirurgicale. Il a été rapporté un taux de succès de 82 à 92 % après trabéculotomie [45]. En 2015, Lim [46] montre après trabéculotomie qu’il est nécessaire de réintervenir pour 32 des 77 yeux étudiés, soit un taux de reprise chirurgicale de 41 % .

TRABÉCULECTOMIE

La trabéculectomie consiste, sous couvert d’un volet scléral de protection généralement de 4 × 4 mm, en une sclérokératectomie, comprenant idéalement le trabéculum et permettant à l’humeur aqueuse de quitter la chambre antérieure vers les espaces sous-conjonctivaux. Après avoir placé un fil de traction cornéenne (soie 7/0) à 12 heures ou limbique (3-9 heures), pour récliner le globe vers le bas, l’ouverture conjonctivale est réalisée à 1 mm du limbe. Un volet scléral à charnière limbique de dissection parallèle est réalisé (Fig. 12-30b), de profondeur de la moitié de l’épaisseur sclérale : trop fin, il favorise l’hypotonie; trop épais, il peut faire clapet et bloquer la filtration. Avant de pratiquer la trabéculectomie, en raison de la cicatrisation excessive du lit chirurgical chez l’enfant, on pourra employer des antimitotiques (voir plus loin). À ce temps opératoire, une paracentèse inférotemporale permet l’accès en chambre antérieure en per- et postopératoire.

Lorsque le limbe chirurgical est exposé (le repère visuel est la ligne blanc-bleu), la trabéculectomie proprement dite est réalisée par résection d’un bloc sclérolimbique qui comprend idéalement le trabéculum et le canal de Schlemm (quatre incisions directes de pleine épaisseur : deux parallèles et deux perpendiculaires). La réalisation d’une iridectomie périphérique est indispensable pour éviter que l’iris ne s’incarcère dans la fistule. La fermeture du volet scléral de protection se fait à l’aide de deux points séparés au Nylon 10/0, assurant le maintien d’une chambre antérieure formée sans que le volet soit hermétique. On pourra y associer ou non une suture ajustable. Les sutures conjonctivoténoniennes doivent être étanches, soit par points séparés soit par minisurjets (Vicryl® 8/0 ou 10/0). Les complications de la trabéculectomie sont l’hyphéma, le décollement de rétine, l’issue de vitré, la luxation du cristallin, l’effusion uvéale, l’hypotonie et l’apparition d’une bulle kystique. Il a été rapporté un taux de succès de 87 à 100 % après trabéculectomie. Le taux de reprise chirurgicale varie néanmoins entre 20 et 31 % : 31 % soit 17 yeux pour Dureau en 1998 [47], 23 % soit 34 yeux pour Yassin en 2016 [48].

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Fig. 12-30 Vues peropératoires de trabéculotomie et de sclérectomie.

a. Vue peropératoire d’une trabéculotomie après introduction du trabéculotome dans le canal de Schlemm et pénétration dans la chambre antérieure. b. Vue peropératoire d’une trabéculectomie : après dissection d’un volet scléral à charnière limbique, une résection d’un bloc sclérolimbique et une iridectomie périphérique sont effectuées. c. Vue peropératoire d’une sclérectomie profonde non perforante : après dissection d’un volet scléral à charnière limbique, pelage à la pince de la paroi interne du canal de Schlemm, du trabéculum cribliforme et d’une partie du trabéculum cornéoscléral.

SCLÉRECTOMIE PROFONDE NON PERFORANTE

L’objectif de la chirurgie du glaucome congénital par sclérectomie profonde non perforante est d’éviter les complications inhérentes à la chirurgie perforante. La technique est classique : incision limbique, réalisation de deux volets scléraux successifs, le premier superficiel de 4 × 5 mm, le second profond de 3 × 2 mm, avec pelage du toit et du fond du trabéculum jusqu’à transsudation de l’humeur aqueuse, suture du volet scléral par un point d’Éthylon® 10/0, suture conjonctivale au Vicryl® 10/0 (Fig. 12-30c). L’application d’une éponge imbibée d’antimitotique (voir plus loin) est effectuée dans le volet scléral et en sous-conjonctival. Un implant de drainage résorbable peut être mis en place en l’absence de perforation. La gonioscopie postopératoire retrouve un angle plus ouvert au niveau du site opératoire avec une meilleure visualisation de la bande ciliaire, de l’éperon scléral et du trabéculum aminci. Les complications sont à type de perforation et rarement d’hyphéma. Cette technique chirurgicale offre de bons résultats entre des mains expérimentées sans les complications d’une chirurgie perforante. Tixier et al. [49] ont initialement retrouvé sur une série limitée (12 yeux) et un recul faible (de 10 mois) un taux de succès pressionnel de 75 % . Quelques années après, notre équipe a abouti aux mêmes conclusions (56 % de succès sans traitement et 89 % avec traitement à 3 ans) [50]. En 2014, Al-Obeidan et al. [51], sur un effectif plus important et un suivi prospectif de longue durée, confirment que la sclérectomie profonde non perforante, associée ou non à un traitement médical permet d’obtenir des résultats pressionnels satisfaisants à court et long terme. Notre équipe retrouve dans une publication en 2016 des résultats identiques [52]

CHIRURGIE COMBINÉE : TRABÉCULOTOMIE COMBINÉE AVEC TRABÉCULECTOMIE ET SCLÉRECTOMIE PROFONDE NON PERFORANTE COMBINÉE AVEC TRABÉCULOTOMIE

La combinaison de ces différentes techniques permet d’améliorer les résultats pressionnels en créant deux voies d’évacuation de l’humeur aqueuse, ce qui est indiqué dans les cas de glaucome compliqué et/ou réfractaire.

Dietlem compare [53] trabéculotomie, trabéculotomie avec trabéculectomie et trabéculectomie : il ne retrouve pas de différence significative quant au pourcentage de succès tensionnel. Pour lui, les différences de résultats sont plus dues à la pratique individuelle et à la gravité de la maladie qu’à la technique chirurgicale. D’autres rapportent un taux de succès de 45 à 91 % avec la technique combinée trabéculectomie-trabéculotomie [54, 55] respectivement avec ou sans anomalie du segment antérieur associée.

EMPLOI D’ANTIMÉTABOLITES

Chez le jeune enfant, la cicatrisation excessive est un facteur de risque d’échec chirurgical par fibrose conjonctivale circonscrivant la bulle de filtration. Cela explique le recours à l’utilisation de substances inhibant la prolifération fibroblastique. Les deux substances les plus couramment utilisées sont la mitomycine C et le 5-fluororacile (5FU) dont les modalités d’utilisation et les doses préconisées doivent être rigoureusement respectées. La mitomycine C est plus efficace que le 5FU. Néanmoins il existe des complications inhérentes à l’emploi de ces antimitotiques à type d’amincissement de la bulle de filtration, de risques d’endophtalmie ou d’hypotonie postopératoires

Cyclo-affaiblissement

Son utilisation est réservée aux cas les plus difficiles à traiter. Ces enfants ont souvent un tel remaniement conjonctival qu’il est alors préférable de détruire le corps ciliaire plutôt que d’ouvrir à nouveau l’angle. La cyclodestruction par voie transconjonctivale avec les lasers yttrium aluminium garnet (YAG) ou diode est préférée à l’endocyclophotocoagulation directe des procès ciliaires, même si cette dernière a l’avantage de permettre un repérage direct des procès ciliaires. La manipulation de la sonde peut être dangereuse pour le cristallin et l’endocyclophotocoagulation est plus facile chez l’aphaque. Les résultats de la littérature sont à prendre avec précaution, et les 50 % de succès donnés dans plusieurs articles ne tiennent généralement pas compte des antécédents chirurgicaux des patients, de l’origine du glaucome et du nombre de séances de laser. Le laser est moins efficace en cas de glaucome néovasculaire, d’uvéite et chez le tout jeune enfant. Le problème majeur de la cyclodestruction est d’agir sur un mode binaire « tout ou rien » et de nécessiter la destruction d’un nombre important de procès ciliaires pour aboutir à une diminution efficace de la PIO. Ce mode d’action entraîne un risque d’inflammation oculaire, d’hypotonie et de phtyse.

Chirurgie de drainage

L’utilisation de systèmes de drainage est réservée aux échecs répétés des interventions précédentes. Ces systèmes se composent d’un réservoir suturé à la paroi oculaire et d’un tube inséré en chambre antérieure. Certains de ces drains, comme l’implant d’Ahmed, ont aussi une valve qui contrôle la sortie d’humeur aqueuse en fonction de la PIO. Il existe des modèles de taille réduite pour les enfants. La mise en place de ces drains est difficile, car cette chirurgie n’est pratiquée que sur des yeux multi-opérés et ne peut être réalisée que dans des centres de référence. Les complications per- et postopératoires sont nombreuses, avec le risque de décollement choroïdien avec hypotonie, d’hémorragie expulsive, ou de décollement de la rétine. Le déplacement du tube peut entraîner une cataracte, une érosion conjonctivale, voire une décompensation cornéenne par contact endothélial ou une uvéite par irritation uvéale.

Surveillance postopératoire

Une surveillance postopératoire prolongée de la cicatrisation tissulaire chez l’enfant est fondamentale en raison d’une hyperplasie possible avec fibrose du site opératoire. En postopératoire immédiat, l’enfant aura une coque en permanence sans pansement oculaire pour ne pas créer ou aggraver une amblyopie. L’enfant sera revu sous anesthésie générale à 1 semaine, 1 mois puis tous les 3 mois la première année postopératoire en absence de complications, puis tous les 6 mois jusqu’à ce que l’enfant soit capable de coopérer suffisamment pour réaliser un examen fiable en consultation (3 ans). Le traitement anti- inflammatoire par corticothérapie locale instillé 4 à 6 fois/j sera prolongé pendant 6 semaines et diminué progressivement sur 6 semaines en maintenant la surveillance de la bulle de filtration et de la PIO. Une antibiothérapie préventive per os et topique associée à une corticothérapie est de rigueur la première semaine

LUTTER CONTRE L’AMBLYOPIE RÉFRACTIVE ET ORGANIQUE

La prise en charge sur le long terme des glaucomes de l’enfant après la normalisation de la PIO a pour but d’obtenir un haut niveau d’acuité visuelle, indispensable pour une qualité de vie préservée. L’élargissement du globe dÛ à la déformabilité sclérale plus importante dans les premiers mois de vie entraîne de façon précoce un astigmatisme (stries de Haab), une myopie axile (augmentation longueur axiale), une anisométropie (asymétrie lésionnelle), des opacités de cornée pouvant conduire à l’amblyopie, au strabisme et/ou un nystagmus de malvoyance profonde. La réduction durable de la PIO en postopératoire empêche la survenue des complications. Le fait que les lésions anatomiques glaucomateuses surviennent sur un système visuel immature à la naissance explique l’association d’une amblyopie organique et fonctionnelle. La sévérité de cette amblyopie mixte dépend de la sévérité des lésions oculaires initiales et de la précocité du traitement de l’amblyopie. Ce dernier repose sur une correction optique totale associée à une pénalisation de l’œil sain (occlusion sur peau, pénalisation optique ou médicamenteuse).

LUTTER CONTRE L’OPACITÉ CORNÉENNE : GREFFE DE CORNÉE

Les résultats de la greffe de cornée chez les enfants présentant un glaucome congénital primitif sont décevants avec un taux de rejet élevé. Elle ne sera proposée qu’en cas d’atteinte bilatérale sévère, chez des enfants avec un important déficit visuel.

Prise en charge médico-sociale

Au-delà de son rôle de thérapeute, l’ophtalmologiste aidé du pédiatre, du médecin traitant, de l’orthoptiste doit orienter et accompagner l’enfant atteint de glaucome et ses parents (voir chapitre 32) : face à une déficience visuelle précoce, un plan personnalisé sera établi avec rééducation plurispécialisée dès 0-3 ans – centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS)/service d’accompagnement familial et d’éducation précoce (SAFEP)/service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) –, aides techniques (stimulation par aides techniques ou aménagement spécifiques de la chambre; livres en relief, jeux, meubles adaptés) pour favoriser l’éveil et le développement du nourrisson

Conclusion

La prise en charge du glaucome de l’enfant dépend de son type, de sa sévérité initiale et de son caractère isolé ou associé à d’autres pathologies.

L’examen ophtalmologique va classer le glaucome, évaluer sa gravité et définir la conduite à tenir. L’objectif du traitement sera d’atteindre une PIO minimale sur le long terme. Le traitement chirurgical fait appel à des techniques filtrantes bien codifiées. Le traitement médical doit être adapté à l’âge et la santé générale de l’enfant, au type de glaucome en connaissant et en prévenant ses risques d’effets secondaires.

Aujourd’hui, le glaucome de l’enfant est toujours une pathologie cécitante qui pour certaines formes et grâce aux progrès constants du dépistage, de la précocité et de la qualité des prises en charge, est devenu évitable. Pour exemple, le glaucome congénital primitif, pathologie cécitante est évitable à la condition que sa prise en charge (depuis le dépistage jusqu’au traitement) soit effectuée par des professionnels exigeants et expérimentés dans des structures d’excellence dédiées; ainsi, dans la majorité des cas, l’acuité visuelle finale est supérieure ou égale à 5/10 (même dans des cas initiaux très sévères), acuité garante d’une qualité de vie préservée et d’un champ visuel suffisant.

Pour les glaucomes secondaires où la cécité est inévitable (opacités cornéennes congénitales bilatérales), l’ophtalmologiste devra diriger ces enfants le plus vite possible vers des centres spécialisés pour malvoyants.

Remerciements : Dr Matthieu Robert, Dr Marie-Christine Koeppel, Sophie Bertrand, Dr Marie Callet, Dr Frédéric Collet, Dr Christophe Orssaud, Dr Émilie Zanin.

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