5 points à établir avant de démarrer une thérapie

A certains moments de notre vie, on peut ressentir le besoin de « voir quelqu’un ». Mais on peut être freiné par la peur de l’inconnu... Tout ce qu’il faut savoir avant d’entreprendre une telle démarche.
Valérie Josselin
5 points à établir avant de démarrer une thérapie iStock

Les psys sont partout : à la télévision, au cinéma, à la radio... N’empêche, « se faire suivre » est toujours autant auréolé de mystère. « Cette opacité du soin psychique peut dissuader de s’y engager ou, plus grave encore, pousser un patient à se tourner vers les mauvais interlo­cuteurs, déplore Samuel Dock, docteur en psychopathologie clinique, psychologue clinicien et psy­chanalyste, qui vient de publier les Chemins de la thérapie (Flammarion), une plongée dans les coulisses de son métier. « Si le coaching et certaines pratiques thérapeutiques “alternatives” rencontrent autant de succès, c’est parce que ces approches sont claires sur les “solutions” qu’elles proposent, du moins en apparence. Alors que la psychothérapie continue à rester beaucoup trop discrète sur ses méthodes et ne rassure pas les patients. Mon pro­pos est donc de démystifier la consultation psychothérapeutique d’inspiration analytique (la plus caricaturée) pour permettre à tous ceux qui en ont besoin de se lancer sans appréhension dans cette fantastique aventure humaine. »

A découvrir également : L'humiliation, comment y faire face ?

Psychiatre, psychologue, psychopraticien, psychothérapeute : qui aller voir ?

Pour Samuel Dock, le diplôme universitaire (psychologue, psychiatre) est une garantie de sérieux : « A la faculté, on étudie l’histoire des concepts, on apprend à faire de la réo­rientation de patients, à identifier les grandes structures de soins. Les formations sont supervisées par des conseils d’éthique et des comités scientifiques. Autant de garde­ fous contre le sentiment de toute­puissance dogmatique. Mais le métier s’apprend surtout à travers la pratique. C’est pourquoi j’invite les patients à tabler sur le titre de “psy­chothérapeute”, subordonné à la validation d’un stage de quatre cents heures au minimum, obligatoire dans le cur­sus de psychologue clinicien et de psychiatre. Il permet d’écarter un grand nombre de thérapeutes autoproclamés ou les psychopraticiens qui n’ont pas accompli cette for­mation en psychopathologie clinique sous la supervision d’un maître de stage. »

Les bons réflexes Ne vous engagez pas à l’aveugle (sur Internet notamment). Renseignez-vous plutôt auprès d’un proche ayant entrepris une psychothérapie et satisfait de celle-ci : il pourra demander à son psy de vous orienter. Vous pouvez aussi poser la question à votre médecin généraliste, il travaille souvent en réseau. « N’hésitez pas à questionner le praticien, lors de la première séance, sur sa formation – s’il est passé par une école et laquelle, s’il est affilié à une association psychanalytique –, son expérience, ses tarifs. Enfin, mieux vaut ne pas brouiller les pistes entre ce qui relève du corps (prise en charge médicamenteuse) et ce qui relève de la psyché (travail sur la parole), en évitant de consulter un psychiatre qui est en même temps psychothérapeute. »

Vers quel accompagnement se diriger ?

« Si vous présentez un symptôme précis et souhaitez une méthode rapide pour vous en débarrasser, il est préférable, pour commencer, de se tourner vers les thérapies comportementales et cognitives (TCC) pour un trouble obsessionnel compulsif ou une phobie, ou l’EMDR pour un traumatisme, répond Samuel Dock. Si votre mal-être est plus insaisissable, la thérapie d’inspiration analytique en face à face – qui n’est pas une forme dégradée de la cure analytique sur le divan, de moins en moins pratiquée – a plus de sens. Mais elle nécessite de pouvoir parler de soi, de son intimité, même si l’enfance n’est assurément pas un passage obligé. » S’il existe des analystes qui se disent freudiens, lacaniens ou jungiens, aujourd’hui, les universités françaises forment des psychologues avec une approche pluridisciplinaire complète, dite “intégrative”.

Les bons réflexes Méfiez-vous des psychologues cliniciens qui accueillent tous les publics (enfants, adolescents, adultes, couples) et qui affichent des « approches » aussi différentes que les TCC, l’hypnose, la systémie et la psychanalyse.

Combien de temps ça dure ?

« Si je commence, je vais en prendre pour dix ans ! » Cette peur empêche souvent de consulter. « S’il faut se méfier des psychothérapeutes qui promettent une durée fixe, j’ai observé qu’une thérapie d’inspiration analytique efficace peut porter ses fruits au bout de six mois à un an, à raison d’une fois par semaine au minimum, rapporte Samuel Dock. Pour progresser, il faut de la continuité dans le soin. Et je vais être clair : aujourd’hui, ce n’est plus audible d’entendre des analystes recevoir des patients pendant quinze ou vingt minutes, s’agace ce dernier. La durée minimale d’une séance est de trente minutes, l’idéal étant quarante-cinq minutes. Le patient doit disposer de temps pour dérouler son vécu et procéder à la libre association d’idées. »

Les bons réflexes Là encore, vous êtes en droit de questionner le praticien sur ses modalités d’accompagnement, la direction empruntée, la durée de la thérapie... Si vous avez le sentiment que rien ne bouge au bout de quelques séances, il faut pouvoir le verbaliser, « toute interrogation pouvant faire partie de la problématique du patient et être mise au travail », selon Samuel Dock, qui précise toutefois qu’un patient qui se dégrade, en grande détresse, avec des symptômes massifs, doit être immédiatement orienté vers un psychiatre et éventuellement vers une prise en charge médicamenteuse.

A quoi reconnaître un « bon » thérapeute ?

Samuel Dock insiste d’abord sur l’importance du « cadre ». Celui-ci doit protéger, structurer et contenir les entretiens autant que la psyché du patient, qui a besoin de se sentir autorisé à “tout” raconter lors de la séance. Le psychologue clinicien énonce quelques principes fondateurs : trois séances préliminaires pour que le patient puisse décider s’il souhaite travailler avec ce thérapeute et ce dernier estimer s’il est un bon interlocuteur pour soutenir sa demande ; un lieu, un horaire et un jour de rendez-vous identiques ; le règlement des séances manquées, sauf raison exceptionnelle ; l’arrêt de la thérapie en cas d’absence trois fois durant le trimestre ; trois séances de clôture ; des recommandations si le travail ne peut s’effectuer ensemble. Et, bien sûr, le respect strict du secret professionnel.

Les bons réflexes Une certaine quiétude doit apparaître dans la relation au psy. « Nous sommes avant tout des soignants », insiste Samuel Dock. Si chaque séance s’apparente à une épreuve, il est primordial de changer de thérapeute.

La thérapie remet-elle « tout » en question ?

« Découvrir qui nous sommes est un voyage vers l’inconnu, forcément déstabilisant, mais une expérience toujours libératrice, répond Samuel Dock. Notre part d’ombre est à l’œuvre à travers nos symptômes. Alors autant la reconnaître pour l’apprivoiser et en faire quelque chose. Il faut comprendre qu’à la fin d’une thérapie d’inspiration analytique, le patient n’est pas transformé : seulement, il ne se confond plus avec ses symptômes et se déleste d’une grande partie des douleurs qui l’empêchent d’accéder à son vrai désir, aux multiples vérités de lui-même, à son inventivité. »

Les bons réflexes Il faudra vérifier qu’une fois la thérapie commencée, certaines choses commencent à bouger : votre rapport à vos proches, à votre travail, à votre organisation... et génèrent des événements concrets. « Même une séparation peut être encourageante », soutient le psychologue clinicien.

Ce qui n'est pas acceptable

Dans les Chemins de la thérapie, Samuel Dock n’y va pas... par quatre chemins ! « Si votre thérapeute change l’horaire de vos séances, de cabinet, s’il est fréquemment en retard ou vous fait des avances, fuyez-le. Idem s’il cherche à devenir votre ami, vous touche ou se met en colère. Et même si je crois peu à la fameuse “neutralité bienveillante” du psychothérapeute, qui doit reconnaître qu’il est un être humain traversé par des opinions, tout jugement moral et toute prise de position doivent être exclus. Gare enfin aux psys qui vous enferment dans des cases (“Vous êtes comme ci”, “Vous fonctionnez comme cela”), se sentent en toute-puissance ou exercent une forme d’emprise (“N’allez pas voir un tel”, “Cette approche ne vous apportera rien”). N’oublions pas que c’est le patient qui a le savoir. »

le 01/05/2022