3- Examen physique

C’est un examen statique du pied en décharge puis en charge, comparatif avec une étude de la marche. Il permet un examen des troubles trophiques et morpho statiques et un examen général neurologique, vasculaire, articulaire, de l’équilibre statique et dynamique et un examen podoscopique.

3.1- Interrogatoire :

L'interrogatoire notera la présence dans l’histoire de la maladie des complications du diabète : neuropathie, néphropathie, rétinopathie, maladie cardio-vasculaire ou amputation antérieure.

Il recherchera des antécédents d’ulcère, des douleurs des muscles jambiers, des changements au niveau du pied, des orteils, ou des ongles, un problème de chaussage, une hypoesthésie en gants ou en chaussettes et une histoire de tabagisme.

Le dernier résultat de l’HbA1C est un bon indice d’équilibre du diabète et de prévention des complications.

 3.2- Inspection :

A l’inspection des téguments, on notera la coloration, la température, la présence d’œdème, de signes d’insuffisance veineuse (dermite, ulcère, varices,  varicosités).

On recherchera une hyperkératose ou des callosités, des fissures, une macération ou une rougeur, un suintement ou du pus.

On relèvera toute déformation musculo-squelettique d’orteils tel un oignon, hallux valgus, pied de Charcot, des tophis goutteux ou des griffes d’orteils.

3.3- Examen  dermatologique :

Impose une inspection globale, interdigitale, il s’assure de la présence d'ulcération ou de zones d'érythème anormal.

La présence de cors ou durillon, une hyperkératose plantaire ou une verrue, la dystrophie unguéale ou la pachyonychie doit être notée (8). La différence de température focale ou globale de la peau entre un pied et l'autre peut être un facteur prédictif d’une maladie vasculaire ou une ulcération. (9)

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3.4- Examen musculo-squelettique :

 L'évaluation musculo-squelettique inclue l'évaluation de toute déformation. Les déformations rigides qui ne peuvent pas être facilement réduites manuellement ou les déformations courantes d'avant-pied qui sont connues pour augmenter la pression plantaire et sont associées au frottement et à l’usure de la peau.  

Elles touchent l’articulation métatarso-phalangienne ; une  hyper extension conjointe à une flexion inter phalangienne (pointe de griffe) ou une extension phalangienne distale (orteils en marteau).

On vérifiera le tonus et la force musculaire, la flexion plantaire des orteils et le signe du papier s’il y a suspicion de déficit du tibial postérieur.

Un testing neuromusculaire complet systématique s’impose devant un pied creux qui peut révéler une myopathie, un syndrome pyramidal ou une maladie hérédo-dégénérative.

3.5- Examen neurologique :

3.5.1: perception de la douleur:

La douleur neuropathique provoque une anxiété, une dépression, des troubles du sommeil et se manifeste par des paresthésies, des fourmillements, des picotements ou des décharges électriques. Un EMG et une biopsie cutanée sont quelques fois indiqués (10).

Les patients atteints de diabète de type 1 depuis au moins cinq ans et tous les patients atteints de diabète de type 2 doivent subir une évaluation annuelle de la neuropathie par des tests cliniques simples.

L'exploration de la sensibilité superficielle et profonde et de la sensibilité au chaud et froid doit rechercher des troubles de la sensibilité superficielle à type d’asymétrie, de zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie ou à l’inverse des zones d’hyperesthésie (Allodynies). La systématisation signe le tronc nerveux atteint.

La neuropathie périphérique est la principale cause de l'ulcération du pied diabétique.

L'examen clinique recommandé, permet d’identifier la perte de sensation protectrice (LOPS: loose of protective sensation) plutôt que la neuropathie précoce. Les symptômes précoces les plus communs impliquent les petites fibres et comprennent la douleur et les dysesthésies  (Questionnaire DN4). L'implication des grosses fibres peut provoquer un engourdissement et une perte de sensation protectrice (LOPS). LOPS indique la présence d'une polyneuropathie sensorimotrice distale.

Tableau 1: Diagnostic clinique Questionnaire DN4 (voir Annexe 2).

Cinq tests cliniques simples sont utiles dans le diagnostic de LOPS dans le pied diabétique (11). Idéalement, deux d'entre eux devraient être régulièrement effectués pendant l'examen de dépistage;  le mono filament de 10 g et un autre test.

  1. Test de température.

  2. Perception des vibrations. La palléothésie est testée par le diapason sur les malléoles.

  3. Sensation de protection: mono filament de 10 g.

  4. La sensibilité discriminative : test du piquer/toucher ou pinprick.

  5. La sensibilité tactile : test au coton qui consiste à passer un morceau de coton sur le bout des orteils.

La sensibilité profonde est explorée par le sens de position des orteils et les réflexes achilléens.

L'absence de perception de la pression du mono filament de nylon ou test de Semmes Weinstein, au niveau d’un des sites classe le pied diabétique à haut risque. D’où les recommandations de prise en charge du pied diabétique à risque (12).

Figure2 : Technique du test au mono filament (13).

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Tableau 2 : Recommandations de traitement et de suivi du pied diabétique à risque(13)

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3.5.2- La sensibilité

Mono filaments de 10 g :

 De nombreuses études prospectives ont confirmé que la perte de sensation de pression à l'aide du mono filament de 10 g est hautement prédictive de l'ulcération subséquente. Pour l'exécution de ce test, le dispositif est placé perpendiculairement à la peau, fermement  avec une pression appliquée jusqu'à ce que le mono filament se déforme. Il devrait être maintenu en place pendant environ 1 s, puis relâché. La perte de la capacité à détecter cette pression au niveau d'un ou de plusieurs sites anatomiques sur la face plantaire du pied a été associée à la perte de la fonction nerveuse des grosses fibres. Il est recommandé de tester quatre sites (1ère, 3ème et 5ème têtes métatarsiennes et surface plantaire de l'hallux distal) sur chaque pied.

A chaque site, il faut faire deux applications avec le mono filament et une factice sans le filament, dans un ordre aléatoire pour éviter les biais d’anticipation du patient. Les patients doivent fermer les yeux pendant le test.  Le patient doit répondre "oui" ou "non" s’il ressent ou pas l’application et où il la ressent.

Le patient doit reconnaître la perception de la pression et identifier le site correct. Les zones de callosités doivent toujours être évitées lors des tests de perception de la pression. La systématisation de ces troubles permet de délimiter les territoires nerveux atteints. L'absence de perception de la pression du mono filament considère le pied à haut risque. (Voir figure2).

 Sensation de Pinprick :

L'incapacité d'un sujet à percevoir la sensation de piqûre d'épingle a été associée à un risque accru d'ulcération (14). Une broche jetable doit être appliquée juste à côté de l'ongle sur la surface dorsale de l'hallux, avec juste assez de pression   pour déformer la peau. L'incapacité de percevoir le pinprick sur l'un ou l'autre hallux serait considérée comme un résultat de test anormal. On notera une asymétrie de sensibilité ou des territoires d’allodynie et d’hyperesthésie douloureuse.

Test de seuil de perception vibratoire :

Le biothésiomètre (ou neurothésiomètre) est un appareil de poche simple, utilisant le diapason 128 Hz, qui donne une évaluation semi-quantitative du seuil de perception des vibrations (VPT). La perception des vibrations est testée sur la pulpe de l'hallux. Avec le patient allongé sur le dos, le stylet de l'instrument est placé sur l'hallux dorsal et l'amplitude est augmentée jusqu'à ce que le patient puisse détecter la vibration, le nombre résultant est connu comme le VPT.  La moyenne de trois lectures est prise sur chaque hallux. Un VPT> 25 V est considéré comme anormal et fortement prédictif d'une ulcération ultérieure du pied (15).

Le sens positionnel du gros orteil et Les réflexes de la cheville :

 Explorent la neuropathie profonde. L'absence de réflexes de la cheville a également été associée à un risque accru d'ulcération du pied. Les réflexes de la cheville peuvent être testés avec le patient agenouillé ou reposant sur une table d’examen. Le tendon d'Achille doit être tendu jusqu'à ce que la cheville soit dans une position neutre avant de le frapper avec le marteau reflexe. 

3.6- Evaluation vasculaire

3.6.1- Pied ischémique

La présence d'ischémie doit d'abord être évaluée par l'anamnèse et l'examen physique qui appréciera la température cutanée et le temps de recoloration, les symptômes de claudication et la palpation systématique des pouls en particulier le pouls dorsal pédieux et les impulsions tibiales postérieures. L’examen est  complété par une évaluation Doppler de poche si les impulsions sont absentes.

Lorsqu'une évaluation plus objective est nécessaire, l'évaluation de la perfusion des membres inférieurs se fera au moyen d'une échographie Doppler artérielle des membres inférieurs, d'une mesure de l’index de pression systolique (IPS) ou ABI (index de pression brachiale) (14), d'une mesure transcutanée de la pression en oxygène (TCO2) ou de la mesure de la pression systolique du gros orteil (PSGO).

3.6.2- Comment prévenir les amputations

Après évaluation initiale, et en présence de signes d'ischémie ou de pré-ischémie, une évaluation rapide est nécessaire pour éviter les amputations et prévoir un geste de revascularisation précoce.

Les informations basées sur les données de l'évaluation de l'ischémie pourraient conduire à une évaluation vasculaire plus invasive, par exemple, l'angiographie, qui peut conduire à une intervention ouverte ou endovasculaire de reperméabilité (16). Cette artériographie classique est maintenant uniquement un examen pré-thérapeutique de traitement endovasculaire. 

ABI est un examen simple, facilement reproductible et un élément essentiel pour le diagnostic d’insuffisance vasculaire des membres inférieurs. Elle est mesurée à l’aide d’une sonde ultrasonique Doppler standard en divisant la pression systolique de la cheville par la pression systolique brachiale la plus élevée. Ainsi un ICA≥0,9 est normal, un ICA≤0,8 signe une claudication intermittente et un ICA≤0,4 se voit avec la douleur ischémique de repos avec nécrose tissulaire.

Une IPS≥1,3 fausse les mesures et définit des artères incompressibles, donc un groupe à haut risque cardio-vasculaire, on envisagera alors un autre moyen de dépistage comme la mesure transcutanée d’oxygène. Il reste très peu utilisé en médecine générale (17,18).  La mesure de la pression systolique du gros orteil (PSGO) est indiquée chez le diabétique en cas de neuropathie et médiacalcose. Une AOMI est définie par une différence≥50 mm Hg entre la pression systolique de la cheville et la pression systolique du gros orteil ou par un index orteil bras ≤ 0,55 mm Hg.

La mesure transcutanée de la pression en oxygène (TCO2) est réalisée en présence d’artériopathie et évalue la sévérité de l’ischémie et la probabilité de cicatrisation. Elle est fortement recommandée chez les plus de 50 ans et envisagée chez les moins de 50 ans s’il y a des facteurs de risque associés tel que le tabagisme, l’hypertension artérielle ou un diabète de plus de dix ans d’évolution. Sa valeur normale est de 50 mm Hg. En dessous de 30 mm Hg, le taux de cicatrisation est faible et l’ischémie est critique. Une erreur d’interprétation peut être envisagée s’il y a un œdème du pied ou une infection (19).

3.8- Examen articulaire :

Il faut rechercher des points douloureux exquis osseux ou ligamentaire à l’interrogatoire. L’examen articulaire en amplitude passive et active recherchera un enraidissement ou une laxité, un gonflement ou un épanchement articulaire et une synovite.

L'examen de l’avant pied se fait par le test de Mulder ou squeeze test : creusement de l’arche du pied et palpation des espaces inter métatarsiens.

Examen du médio pied : Articulation de Chopart ou transverse du tarse et l’interligne tarsométatarsienne de Lisfranc par des mouvements de prono supination, examen malléolaire, du sinus du tarse et de la subtallienne.

Examen et testing tendineux et aponévrotique (9) : Palpation du tendon calcanéen, flexion dorsale de cheville (Achille court), genou fléchi et genou tendu. Palpation à la recherche de nodosités et de tendinite du court et long fibulaire, du tendon tibial postérieur et antérieur, du long extenseur de l’hallux et des orteils. Rechercher une ténosynovite, une crépitation neigeuse et un épaississement le long du tendon. Des talalgies  plantaires, postérieures ou en couronne peuvent révéler une aponévrosite ou une bursite. Les Mouvements et amplitudes sont étudiés par deux types de gestes:

- Inversion du pied : (flexion, adduction, supination). Elle est normalement de 25°.

- Eversion du pied : (extension, abduction, pronation). Elle est normalement de 10°.    

3.9- Etude de la marche :

Elle se fera debout pieds nus, puis chaussés pour étudier l’aspect harmonieux ou asymétrique. On notera une boiterie, un steppage ou un fauchage, une marche spastique ou ébrieuse.

L'examinateur fera marcher le patient sur les talons pour explorer la racine L5 et sur les pointes des pieds pour la racine S1. La marche sur le bord externe latéral explore le jambier antérieur, la marche sur le bord interne explore une lésion du fibulaire. 

L’aspect du pied sera minutieusement étudié. Un pied plat de Charcot ou un pied creux peut être l’expression d’une neuropathie chronique, une myopathie ou une maladie hérédo-dégénérative, qui peuvent se voir chez le diabétique.

Etude des trois phases du pas est un temps fort de l'examen. Il comporte:

- Phase taligrade, on recherchera une instabilité du pas en varus ou en valgus.

- Phase digitigrade qui se fait habituellement sur le premier rayon, recherchera un report sur les autres rayons.

- La phase plantigrade ou déviation du pas vers le bord médial ou latéral du pied.


3.10- Examen podoscopique 

Il permet une vision directe de l’appui plantaire(9) et une :

  • Vue postérieure de l'axe de la jambe et du talon, le relief calcanéen, le tendon d’Achille et les gouttières rétro-malléolaires.

  • Vue plantaire ou vue inférieure; elle permet de voir les zones d’appui et d’exclusion d’appui, la présence de durillons ou une assise talonnière en valgus ou en varus.

  • Vue médiale qui montre l'état de l’arche et son creusement ou effondrement, des anomalies d’appui en équin ou en varus.

  • Vue dorsale qui dessine toute déformation de l’avant pied tel un hallux valgus, un Quintus Varus ou des orteils en griffes ou en marteau.

Photo 3

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Photo 4

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Vue latérale qui permet de voir l’aspect du talon, du cou du pied, de la saillie physiologique de la tête et de la base du V métatarsien.

-Etude des empreintes plantaires : Elle est ovoïde au niveau du talon postérieur et des pulpes des orteils. La bande métatarsienne est la plus large. L’isthme ou la zone d’appui du médio pied a un bord externe légèrement concave vers l’extérieur.