Décès de Damien Wigny, banquier passionné par la Renaissance italienne
Le nom de Damien Wigny est associé au plus gros scandale de fraude fiscale présumée en Belgique, mais il l’est aussi à des guides parmi les meilleurs jamais publiés sur cette Toscane dont il était amoureux.
- Publié le 20-04-2023 à 14h40
- Mis à jour le 20-04-2023 à 14h51
La Toscane avait fini par éclipser le Luxembourg dans la vie de Damien Wigny, comme on s’en convainc en tapant son nom sur les moteurs de recherche. Le banquier, qui est décédé mercredi à 80 ans, restera sans doute associé au plus gros scandale de fraude fiscale présumée en Belgique, l’affaire KB Lux. Mais beaucoup préféreront garder le souvenir de l’esthète et de l’érudit, passionné par la Toscane et la Renaissance italienne dont il devint ni plus ni moins que le plus fin connaisseur au monde en confectionnant des guides d’une richesse inouïe.
Né le 16 juin 1942 à Etterbeek, Damien Wigny était le fils de Pierre Wigny, qui fut ministre catholique des Colonies, puis des Affaires étrangères, et enfin de la Justice, entre 1947 et 1968. Après des études de droit à Louvain et de science économique à Londres, le jeune Wigny travailla quelques années pour la Coopération belge au Salvador et à Bruxelles, avant un bref passage au ministère des Finances et un poste de direction à la Banque asiatique de développement à Manille.
Quinze ans de procédure
C’est en 1976 que Damien Wigny rejoignit la Kredietbank au Luxembourg. Il en était le PDG quand éclata, en 1996, “l’affaire”. On reprocha à KB Lux d’avoir monté un système “back to back” qui permit à de nombreux clients belges d’éluder l’impôt en déposant leur argent au Luxembourg et en le récupérant en Belgique sous forme d’emprunts. Parmi eux, Rita Verstraeten, compagne du magnat du tabac Roger Gosset, qui ne se résignait pas à sacrifier en taxes et frais de succession la plus grosse partie des 2,56 milliards de FB dont elle avait hérité.
Verstraeten mit personnellement en cause Wigny, qui fut interpellé en novembre 1997 et fit trois semaines de détention préventive à Forest – une épreuve qu’il supporta stoïquement parce que, ayant “gardé sa mentalité de boy-scout”, il pouvait se contenter de peu, a raconté son fils Jérôme, qui rapporte que le détenu tuait le temps dans sa cellule en lisant à haute voix un exemplaire d’“Ulysse”, le célèbre roman de James Joyce trouvé dans la prison. Confié au juge Jean-Claude Leys, le dossier s’enlisa dans une querelle de procédure jusqu’en mai 2011, quand la Cour de cassation y mit un point final, après que les poursuites eurent été déclarées irrecevables, en appel comme en première instance, en raison de graves irrégularités dans l’enquête.
Une œuvre inachevée
À ce long calvaire, Damien Wigny ne consacra que quelques mots quand il nous convia, un jour de 2013, à un déjeuner pris le plus simplement du monde, avec son épouse Bernadette, autour de la table de la cuisine à son domicile de Thorembais-les-Béguines – une ancienne brasserie dont il avait converti l’entrepôt en gigantesque bibliothèque. Il parla d’abondance, en revanche, de ses projets éditoriaux.
Le Fonds Mercator venait de publier, enfin, le splendide guide qu’il avait consacré à Arezzo et sa région – plus de 1000 pages, gorgées d’illustrations. Ce devait être le premier volume d’une série de cinq comprenant deux inédits et la réédition très attendue de ses livres consacrés, dix ans plus tôt, à Florence et à Sienne (ville près de laquelle il avait acquis une propriété). L’aventure, malheureusement, en resta là.