John Goossens foudroyé en pleine action
Vendredi après-midi, John Goossens a été terrassé par une crise cardiaque à l'âge de 57 ans. Le charismatique patron de Belgacom est décédé dans l'un des salons du circuit automobile de Francorchamps. Tout un symbole. Au moment de son décès, il y participait à une réunion des 200 principaux managers de Belgacom. Tout un symbole aussi, tant John Goossens fixait sans cesse de nouveaux défis à son entreprise.
- Publié le 07-11-2002 à 00h00
PORTRAIT
Vendredi après-midi, John Goossens a été terrassé par une crise cardiaque à l'âge de 57 ans. Le charismatique patron de Belgacom est décédé dans l'un des salons du circuit automobile de Francorchamps. Tout un symbole. Au moment de son décès, il y participait à une réunion des 200 principaux managers de Belgacom. Tout un symbole aussi, tant John Goossens fixait sans cesse de nouveaux défis à son entreprise.
Au sein du personnel de l'opérateur de télécommunications, le choc est énorme. `C'était Dieu le père ici´, n'hésite pas à dire l'un d'entre eux. `C'était quelqu'un de très impressionnant, qui avait un avis tranché sur tout, et que les gens respectaient énormément. C'était le prototype même du grand patron.´
Au sein des mondes économique et politique, l'émotion est très vive aussi. Naturellement doué pour la communication, John Goossens, devenu baron il y a deux ans, avait su lier des relations dans un très grand nombre de domaines. Il se murmure ainsi que c'est lui qui aurait soufflé à Guy Verhofstadt le nom de Karel Vinck pour prendre la tête de la SNCB. Ce Belge convaincu, étiqueté CVP alors qu'il était francophone, était au fil des années devenu quelqu'un de très influent dans le monde des affaires, au même titre d'ailleurs que ses grands amis Philippe Bodson et Maurice Lippens.
L'immense vide laissé par John Goossens tranche avec les propos qu'on tenait sur lui lorsqu'il devint patron de Belgacom en 1995. `John Goossens à la tête de Belgacom? C'est le transfert le plus improbable du siècle!´, écrivait le magazine `Trends Tendances´ à l'époque. Six ans plus tôt, lorsqu'il accèda à la tête d'Alcatel Bell, Goossens reconnut lui-même qu'il connaissait à peine la différence entre un frigo et un téléphone!
Et pourtant, il a fait de la RTT, une entreprise publique sclérosée par les nominations politiques, un des opérateurs télécoms les plus performants en Europe, au point même d'envisager un moment le rachat de KPN, un opérateur pourtant trois fois plus gros que Belgacom. `Dès son arrivée en 1995, il s'est révélé comme un formidable meneur d'hommes´, explique Baudouin Meunier, qui fut l'un de ses plus proches collaborateurs. `Il avait une vision: il voyait l'essentiel, il voyait la route à travers les difficultés.´
Le grand mérite de John Goossens est d'être parvenu à transformer Belgacom sans heurts sociaux. Son secret: une écoute et une communication hors du commun bien sûr, mais aussi... une poigne de fer. Pas question pour ses collaborateurs d'arriver au bureau avec un costume ou une cravate aux couleurs criardes. `Vous pouvez vous habiller comme vous le voulez, du moment que c'est en bleu ou en gris´, avait-il l'habitude de dire.
Le patron de Belgacom, qui rêvait de devenir GI en étant jeune, ne rigolait pas non plus avec la ponctualité. `Il vous disait bonsoir dès que vous arriviez ne fût-ce que deux minutes en retard à une réunion, y compris quand celle-ci se tenait à huit heures du matin´, raconte Baudouin Meunier.
Celui-ci s'empresse pourtant de préciser que John Goossens était un faux dur. `C'était un homme assez affectif, assez sensible, qui n'était pas aussi sûr de lui qu'il en avait l'air´, dit-il. S'il exigeait une grande discipline de la part de ses troupes, John Goossens aimait raconter par exemple qu'il était un sacré chahuteur lors de ses années à Saint-Michel. Et s'il était capable de lancer des fameuses piques contre l'un ou l'autre journaliste lors des conférences de presse de Belgacom, il était parfaitement charmant lorsqu'on l'abordait en tête-à-tête.
`C'était quelqu'un de très direct, qui avait le mérite de toujours dire aux gens ce qu'il pensait´, explique un de ses collaborateurs. `Il était assez fantasque aussi.´ N'ayant jamais sa langue en poche, il lança un jour que Michel Bon, le patron de France Télécom, était un `débile mental´.
Coïncidence troublante: la mort de John Goossens survient quelques mois à peine après celle de `l'autre John´, John Cordier, lui aussi un grand monsieur des télécommunications. Ce dernier avait d'ailleurs refusé la direction de Belgacom avant qu'on ne la propose à John Goossens. Les deux hommes se respectaient, même s'ils se sont souvent affrontés par médias interposés.
Chez Telindus, l'après-John Cordier a été extrêmement douloureux. Qu'en sera-t-il chez Belgacom? `Sa succession sera très difficile´, dit Baudouin Meunier. `La Belgique est orpheline d'un grand bonhomme.´
© La Libre Belgique 2002
JOHN GOOSSENS était à la tête de Belgacom mais également du Royal automobile club de Belgique et siégeait dans de nombreux conseils d'administration (TotalFinaElf, KBC, GBL, FEB, VEV, Fédération internationale de l'automobile...). Voici les principales dates qui ont jalonné son parcours professionnel: 1968: étudiant de l'Université catholique de Louvain, il en sort avec une licence en sciences commerciales et financières. C'est chez General Motors Overseas Corporation qu'il débute alors sa carrière, occupant les fonctions de coordinateur de la stratégie. 1971: il obtient un Master of Business Administration à l'université de Columbia (New York). Il quitte les Etats-Unis et revient en Belgique comme stagiaire en management auprès du groupe pétrolier Texaco. En 1976, il devient directeur des ventes puis directeur général de Texaco. En 1989, il reprend la direction de la filiale anversoise du groupe télécoms français, Alcatel Bell. En 1995, il succède à Bessel Kok à la tête de Belgacom.