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Mariani : «Dexia revient
à la discipline bancaire»

«En dehors des conséquences graves qu'a eues la crise sur nos comptes, l'activité opérationnelle de Dexia est demeurée bonne et comparable à celle de l'année précédente», déclare Pierre Mariani. AFP

INTERVIEW - Pierre Mariani, le nouvel administrateur délégué du groupe, détaille sa stratégie.

Ce fut un coup de tonnerre le 29 septembre. Dexia, leader franco-belge du financement des collectivités locales, a été renfloué en urgence par Paris, Bruxelles et Luxembourg. Le Français Pierre Mariani en a pris les rênes une semaine plus tard, et a publié vendredi une perte trimestrielle record.

LE FIGARO. - Comment expliquez-vous que Dexia, dont vous avez été nommé administrateur délégué début octobre, affiche une perte nette de 1,5 milliard d'euros au troisième trimestre ?
Pierre MARIANI. - Cette perte considérable reflète la situation de Dexia telle que je l'ai trouvée à mon arrivée. Elle résulte de la crise, dont l'impact total est de 2,2 milliards d'euros dans nos comptes. FSA, la filiale américaine dont nous annonçons la cession, a subi à elle seule 460 millions d'euros de dépréciations, et nous enregistrons près de 1,1 milliard de pertes liées aux trois grandes faillites bancaires de la période (Lehman Brothers, Washington Mutual et les banques islandaises). Cela dit, en dehors des conséquences graves qu'a eues la crise sur nos comptes, l'activité opérationnelle de Dexia est demeurée bonne, et comparable à celle de l'année précédente.

Le mois d'octobre a été agité, en particulier pour Dexia. Quelles sont vos prévisions pour la fin de l'année ?
Je serai très prudent en termes de pronostic. Pour ce qui concerne le mois d'octobre, nous avons assisté à une grande dislocation des marchés. Les conditions de liquidité étaient critiques en début de mois, en particulier pour Dexia, ce qui a amené les États belge, français et luxembourgeois à entrer à son capital. Ils ont accordé leur garantie à nos émissions, ce qui nous permettra à court terme de revenir sur le marché interbancaire.

Dans quelles conditions êtes-vous parvenu à céder FSA ?
Cette société, acquise en 2000, faisait peser un risque extrêmement élevé pour Dexia : elle garantit un volume de 500 milliards de dollars d'émissions sur le marché américain, principalement de la part de collectivités publiques, mais aussi pour 130 milliards de produits de titrisation (ABS) très exposés à l'immobilier. Dexiaa déjà supporté des pertes importantes de ce fait, et risquait d'en connaître de nouvelles. Dès mon arrivée, j'ai proposé au conseil d'administration qu'une solution définitive soit trouvée pour FSA, car c'est à mes yeux une condition du redressement de l'ensemble du groupe. Nous avons conclu vendredi un accord avec l'américain Assured Guaranty, qui est la meilleure signature dans le domaine du rehaussement de crédit. Nous lui vendons les activités d'assurances - y compris des ABS - valorisées 722 millions de dollars payés, pour moitié, en actions, pour moitié, en cash.

Et pour ce qui reste de FSA…
Nous conservons un portefeuille de 17,9 milliards de dollars d'actifs financiers dont la maturité est à long terme, sur lequel nous avons constitué une provision de 1,4 milliard, et à ce jour nous n'avons pas eu à l'utiliser. Les actifs bénéficient en outre d'une garantie des États, dont nous prenons en charge les trois premiers milliards : cette garantie était indispensable pour maintenir le rating et nous permettre de conserver jusqu'à maturité les actifs concernés. Grâce à ce dispositif, nous avons donc levé une incertitude majeure pesant sur l'avenir de Dexia.

Quel profil souhaitez-vous donner à Dexia ?
Mon objectif est de réduire drastiquement le profil de risque de Dexia. Nous engageons ainsi une réduction importante de notre activité purement financière, pour nous concentrer sur nos deux grands métiers : le financement des collectivités locales et la banque de détail. Nous savons où et comment nous voulons être présents. Nous le serons là où notre base commerciale est puissante, là où nous avons accès à de la ressource et sur les activités profitables.

Quelles erreurs ont selon vous commises vos prédécesseurs ?
Je ne suis pas là pour juger le passé. Les comptes trimestriels de Dexia reflètent ses fragilités, et notamment le poids considérable de son exposition américaine, le risque de ses activités financières et l'inadéquation de ses ressources à ses actifs. L'objectif qui nous est assigné est de revenir aux disciplines bancaires, dont Dexia n'aurait jamais dû s'affranchir, et de ramener ainsi notre risque à un niveau acceptable.

Comment cela se traduit-il concrètement ?
Nous venons d'annoncer une réorganisation de l'entreprise guidée par cette nouvelle discipline. Au niveau du conseil d'administration, présidé par Jean-Luc Dehaene, un comité des risques a été créé en plus du comité d'audit. Pour ma part, j'ai proposé au conseil d'administration un comité exécutif de quatre membres, tous banquiers confirmés, au lieu de dix. Enfin, nous allons adopter le statut de banque au niveau de la holding Dexia afin de mettre en œuvre une politique centralisée de gestion des risques et de la trésorerie.

Pourquoi avez-vous quitté BNP Paribas pour Dexia, en pleine crise ?
Je suis banquier depuis des années. Nous vivons aujourd'hui une crise financière d'une extrême gravité : quoi de plus passionnant pour moi que de redresser une entreprise comme Dexia, forte de ses hommes et de ses métiers, et de lui redessiner un avenir.

» Dexia enregistre des pertes colossales

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