Pinault: "Je ne change pas de stratégie tous les six mois"

Détendu et confiant, François- Henri Pinault est fier des résultats semestriels d’après-crise. Le chiffre d’affaires (8 milliards d’euros) progresse de 3,6 % par rapport à 2009. Grâce au pôle luxe (Gucci, YSL, Bottega Veneta, Balenciaga…), qu’il considère "comme un des plus beaux groupes du monde", le résultat net a doublé (403 millions d’euros). Même la distribution - qui représente toujours 62 % de l’activité - renoue avec la croissance.

Comment expliquez-vous les performances du groupe?
Nos résultats en forte croissance confirment la pertinence de notre stratégie. Toutes les activités améliorent leur rentabilité: le pôle luxe, Conforama, Fnac, Redcats (La Redoute) ou Puma. Dès 2008, le groupe a réagi en diminuant ses coûts tout en lançant des offensives commerciales. Nous récoltons le fruit de nos efforts en dépit d’une sortie de crise fragile en Europe, qui représente 57 % de notre activité.

Parlez-nous de Gucci Group, votre pôle luxe.
Son résultat a progressé de 23 %. En Chine, nos ventes sont en hausse de 40 %! Je suis donc confiant pour la fin de l’année.

Suffit-il de débarquer dans les pays émergents pour réussir?
Non, cela exige un vrai savoir-faire. Il faut les aborder avec des produits et une communication adaptés. Par exemple, l’assortiment de nos produits en Chine est choisi par l’équipe chinoise de Gucci, qui vient régulièrement à Florence pour faire une sélection parmi les 1.800 références que la marque développe chaque année. Au Brésil, nous avons racheté notre franchisé et nous allons poursuivre les ouvertures de boutiques. C’est un marché de 200 millions de personnes, où la classe moyenne est prospère. La Colombie et le Mexique sont aussi prometteurs.

"A l’automne, la Fnac lancera une nouvelle plateforme avec l’offre multi-éditeurs"

Comment se déroule la transition au sein de la maison Alexander McQueen après la mort du créateur?
Son décès a été un drame. McQueen nous laisse une marque magnifique. Nous avons nommé la styliste Sarah Burton, qui était très proche de lui. Les collections hommes et Croisière ont été bien reçues. La première collection femme de Sarah sera présentée cet automne à Paris.

Puma a-t-il bénéficié du Mondial de football?
Puma est le 3e équipementier sportif mondial et le plus rentable! Puma a profité de la Coupe du monde en termes de visibilité et de ventes d’articles de foot. Mais sa performance commerciale globale n’est pas satisfaisante. Malgré l’intégration de la marque de golf Cobra, acquise en avril, l’activité est stable. Nous avons d’importantes perspectives de développement en Chine, par exemple, où la marque, pour des raisons historiques, ne profite pas suffisamment du boom de ce marché.

Etofferez-vous Puma avec de nouvelles marques?
Autour d’elle, nous allons construire un pôle lifestyle à côté de notre pôle luxe. Nous recherchons des marques qui ont un fort potentiel de développement mondial, ce qui est le cas des grif fes liées au sport. Quand, aux JO de Pékin, Usain Bolt montre ses chaussures Puma devant les caméras du monde entier, les images sont vues par des milliards de téléspectateurs. Seul le sport permet une telle audience. En 2007, lorsque nous avons acheté Puma, la marque affichait 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous visons 4 milliards d’euros à l’horizon de 2015.

Les enseignes de distribution restent à vendre?
Notre stratégie ne change pas tous les six mois ! Nous vendrons nos enseignes de distribution. Mais je ne suis pas pressé et je ne les braderai pas. Les acquéreurs potentiels apprécieront les très bonnes performances de ce début d’année : le chiffre d’affaires de Conforama est en augmentation de plus de 6 % grâce à une nouvelle logistique, une offre modernisée et des prix agressifs. Son résultat bondit de 67 % et nous prenons des parts de marché. La Redoute réussit son basculement sur le Net avec 72 % de commandes en ligne et six catalogues par an qui fonctionnent comme des vitrines. Le résultat, là aussi, progresse de 43 %. Leader en Europe, l’activité de la Fnac progresse, elle, de 3 % et son résultat de 8 %.

La Fnac n’est donc pas condamnée par le livre numérique?
Au contraire. C’est une véritable opportunité que la Fnac a saisie dès 2008. La lecture sur tablette va attirer un public plus jeune et élargir les modes de consommation. Contrairement à la musique, Apple n’a pas verrouillé l’accès aux librairies en ligne. L’iPad permet de télécharger aussi bien les ibooks d’Apple que l’offre de la Fnac ou des autres libraires. A l’automne, la Fnac lancera une nouvelle plateforme avec l’offre multi-éditeurs.

Trois entrées féminines dans votre conseil d’administration, un film sur la défense de l’environnement… Tout pour l’image?
Ce n’est pas une question d’image mais de convictions ! Un groupe privé comme le nôtre doit être proactif. Prenons la parité chez PPR, la proportion de femmes atteint 57 %. Mais elles ne sont que 30 % parmi les 150 dirigeants du groupe. Pour y remédier, nous demandons, par exemple, aux cabinets de recrutement de nous proposer autant de candidats femmes qu’hommes.

En 2005, votre père vous laissait sa place. Vous sentez-vous toujours "fils de"?
On me posait cette question à mes débuts. Aujourd’hui, elle ne me traverse plus l’esprit. Quand mon père m’a cédé les commandes, il est allé jusqu’au bout de sa démarche, sans jamais interférer. Ce qui ne m’empêche pas de continuer à le consulter.

Source: JDD papier