Livre. Elle a vécu – et vit à nouveau – à Bruxelles, où elle est considérée comme l’une des meilleures observatrices des réussites et des tourments de l’Union européenne. Dans ses chroniques pour les journaux néerlandais NRC et belge De Standaard, comme dans les analyses qu’elle livre à de prestigieux centres de réflexion (Carnegie Europe, European Council on Foreign Relations), elle a toujours su mêler le réalisme qui caractérise l’approche néerlandaise de la question européenne, le refus des idées toutes faites et la certitude qu’au-delà des rivalités entre europhiles à tous crins et patriotes attardés la construction européenne est simplement une nécessité. Et une réalité dont il serait bon d’accepter les limites, tout en considérant qu’elle ne répondra jamais à l’ensemble de nos attentes.
Après des années bruxelloises passées notamment à décrypter la crise financière qui faillit mettre l’Union à terre, Caroline de Gruyter a séjourné à Vienne et elle a découvert la capitale de ce qui fut l’empire des Habsbourg, cette vieille et puissante dynastie qui, durant près de huit cents ans, contrôla les territoires d’une dizaine de pays européens actuels, mais aussi les Philippines ou le Pérou. Charles Ier, le dernier empereur, descendant des petits seigneurs locaux de Suisse qui, au XIIIe siècle, s’emparèrent de l’Autriche et bâtirent à partir de Vienne leur immense empire, fut contraint d’abdiquer en novembre 1918. Il gardait toutefois la conviction que seuls les Habsbourg étaient capables d’unifier les peuples européens.
De quoi intriguer une journaliste curieuse qui allait s’imprégner de l’histoire d’un Etat multinational, capable de se maintenir durant des siècles en exerçant une complexe gouvernance sur plusieurs peuples « rarement d’accord entre eux et toujours jaloux les uns des autres », comme l’écrit l’autrice du Monde d’hier, monde de demain (Actes Sud, 368 pages, 23,50 euros). Et, bien vite, elle allait évidemment établir un parallèle entre la réalité de l’empire défunt et celle de l’Union européenne toujours en construction.
« Mon immersion temporaire dans le monde des Habsbourg m’a amenée à me poser toutes sortes de questions que je ne me serais pas posées si, au lieu d’habiter quatre ans à Vienne, je m’étais installée à Zurich ou Dublin », écrit Caroline de Gruyter, qui souligne que ce séjour a totalement infléchi sa vision de l’Europe, de ce qu’elle est, de ce qu’elle devrait être. Du fait, aussi, que grande puissance aux yeux du monde, l’Europe communautaire n’est souvent vue par ces citoyens que comme l’empire des faiblesses et de la pusillanimité.
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