Il est arrivé, engoncé dans son manteau, avec un air renfrogné. Café de Flore, haut lieu de Saint-Germain-des-Prés, pas très loin de chez lui. « J’ai failli vous appeler, ce matin, pour remettre. Avec le couvre-feu et tout ça. Et puis je me suis dit que j’allais vous dire tout le mal que je pense de votre traitement du cinéma dans Le Monde. Ça m’a donné du cœur au ventre. »
Pierre Lescure (75 ans, président du Festival de Cannes, premier directeur de Canal+, père des « Enfants du rock » sur Antenne 2, chroniqueur encore aujourd’hui pour l’émission « C à vous » sur France 5, un demi-siècle dans la culture…) n’a pas sa langue dans la poche, ni le mot « diplomatie » tatoué sur le front : « Si vous étiez cons, je n’en dirais pas un mot. Mais des mecs d’une telle intelligence qui en font un usage aussi désespérant, qui ne me donnent jamais envie de voir un film ! Même quand vous aimez, vous coupez la chique… »
« Je suis né avec “Le Monde” »
Il se marre. Ça sauve un peu. Et puis, de parler, ça va mieux. « Vous comprenez, c’est le journal que je lis depuis toujours. Je suis né avec Le Monde. » Ça pourrait être glauque, c’est bizarrement joyeux. Nous, on est venu pour parler de Cannes, de comment le Festival a traversé cette annus horribilis, pour, finalement, la semaine du 27 au 29 octobre, y présenter une version ultra-light, histoire de « rallumer la lumière » : « Quelques invités, une petite délégation et une montée des marches, symbolique mais quand même, pour que Cannes ait un peu une émotion. » En projection, la sélection des courts-métrages, celle de la Cinéfondation et de quatre films de la compétition qui n’a pas eu lieu : Un triomphe, d’Emmanuel Courcol, Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès, Asa ga kuru (True Mothers), de Naomi Kawase, et Beginning (Au commencement), de la Géorgienne Dea Kulumbegashvili.
A dire vrai, ceux-là et d’autres, on les a déjà vus. Sous l’appellation « Sélectionné au Festival de Cannes », Thierry Frémeaux, directeur et sélectionneur du Festival, et Pierre Lescure, président, ont en effet, depuis six mois, « promené » (comprendre « accompagné », mais le terme est joli) « leur » sélection d’une cinquantaine de films à Venise, Angoulême, Deauville, Saint-Sébastien, ou encore, la semaine dernière, au Festival Lumière à Lyon. Faute de pouvoir se tenir, Cannes a protégé sa marque.
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