Abstention aux régionales : six questions sur un record absolu

Plus des deux tiers des Français n’ont pas été voter dimanche. Décryptage en graphiques d’un niveau d’abstention jamais vu sous la Vème République, et particulièrement préoccupant parmi les jeunes.

Paris, France, le 20 juin 2021, dans un bureau de vote du Xe arrondissement. LP/Olivier Corsan
Paris, France, le 20 juin 2021, dans un bureau de vote du Xe arrondissement. LP/Olivier Corsan

    Les Français ont massivement boudé les urnes dimanche, lors du premier tour des élections régionales. Avec un taux d’abstention supérieur à 66,6 %, ce scrutin a même pulvérisé un record absolu sous la Ve République. Voici ce que l’on peut dire à chaud de ce phénomène, qui a touché particulièrement les plus jeunes.



    Y a-t-il déjà eu un tel niveau d’abstention ?

    Commençons par comparer les régionales avec les régionales : 66,6 % d’abstention, c’est 13 points de plus que le plus haut niveau enregistré jusque-là pour ce scrutin, en 2010. Et 16 points de plus que les précédentes régionales, en 2015.

    Mais ce n’est pas seulement la participation la plus faible à un scrutin régional : c’est la plus faible participation à un scrutin tout court depuis le début de la Ve République. Le précédent record de 59,4 % lors des européennes de 2009 est pulvérisé. Seul un référendum, celui pour le quinquennat, en 2000, a connu une plus faible participation (30,19 %)

    Où s’est-on abstenu ?

    Partout, sauf en Corse. Mais, comme le montre la carte ci-dessous, certaines régions ont atteint des niveaux inquiétants : c’est le cas du Grand-Est, qui passe au-dessus des 70 % d’abstention, mais aussi de l’Ile-de-France et des Pays de la Loire, qui dépassent 69 % d’abstention.



    Si l’analyse de la participation par régions n’est pas extrêmement pertinente, les régions étant désormais si vastes qu’elles regroupent des réalités extrêmement variées, notons que l’explosion de l’abstention dans l’ouest était déjà particulièrement visible lors des dernières municipales.

    Qui s’est abstenu ?

    Toutes les catégories socio-professionnelles, selon une étude Ipsos, qui quantifiait déjà une tendance préoccupante en termes d’âge : 87 % des 18-24 ans et 83 % des 25-34 ans comptaient s’abstenir à ce scrutin, contre, par exemple, seulement 40 % des plus de 70 ans. Une première plongée dans les résultats de l’élection le confirme : les plus jeunes ont massivement boudé les urnes. Selon nos calculs, dans les communes comptant beaucoup de jeunes (Plus de 35 % de la population ayant moins de 30 ans), l’abstention médiane a atteint 64,5 %, contre 53,5 % dans celles comptant moins de jeunes (moins de 27 %). Et de la même manière, dans les communes avec une très faible proportion de plus de 60 ans (moins de 23 %), l’abstention médiane s’envole à 63,5 %, tandis qu’elle « chute » à 54,6 % dans les communes recensant plus de 35 % de cette même tranche d’âge.

    Pourquoi se sont-ils abstenus ?

    Il est trop tôt pour le dire. Mais les sondeurs ont pointé du doigt plusieurs motifs, parmi lesquels on trouve sans surprise, le désintérêt pour les partis, le manque de représentativité des listes, ou encore un sentiment d’impuissance. Notons toutefois que les mêmes sondeurs ont sous-estimé l’abstention d’environ 10 %…

    À qui a profité l’abstention ?

    Là encore, un tel niveau de participation rend toute analyse politique périlleuse. On observe toutefois une évidente prime au sortant, notamment à droite, (Bertrand, Pécresse, Wauquiez) mais aussi à gauche (Delga, Rousset). L’abstention a ainsi offert aux vieux partis traditionnels une petite revanche sur les Marcheurs, qui font un bide retentissant, mais aussi sur le RN, dont les électeurs étaient pourtant réputés loyaux. Mais aussi jeunes…