UE : comment Thierry Breton compte éviter les conflits d'intérêts

Le commissaire pressenti pour la France a rempli sa déclaration d'intérêts. Il indique qu'il se déportera toutes les fois que la Commission aura à traiter d'Atos.

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Thierry Breton en avril 2019, alors qu'il était encore PDG d'Atos.

Thierry Breton en avril 2019, alors qu'il était encore PDG d'Atos.

© ERIC PIERMONT / AFP

Temps de lecture : 5 min

La déclaration d'intérêts de Thierry Breton sera sans doute parmi les plus scrutées par la commission Juri la semaine prochaine, au Parlement européen. Le commissaire désigné par la France pour occuper le plus vaste portefeuille économique, industriel et militaire indique qu'il était auparavant PDG d'Atos. Dès la page 2, il précise qu'« en ce qui concerne ses anciennes relations avec le groupe Atos, (il) se comporter(a) exactement avec la même intransigeance que lorsqu'(il) est devenu ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie en France, en provenance du secteur privé ». Plus précisément, il s'engage à respecter le code de conduite des commissaires « avec une extrême rigueur », notamment s'agissant des situations de conflits d'intérêts ou pouvant être perçues comme telles.

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« En accord avec la présidente » Ursula von der Leyen, Thierry Breton « se récusera automatiquement de toute décision de gestion financière, contractuelle ou assimilée qui concernerait directement Atos ou l'une de ses entités. » Il s'agit d'appliquer l'article 4 du code de bonne conduite des membres de la Commission. Thierry Breton a démissionné de son mandat de PDG d'Atos le 31 octobre 2019.

Vente totale des actions Atos

S'agissant de son portefeuille d'actions, Thierry Breton indique qu'à la suite de sa désignation au poste de commissaire européen, « il ne détient plus aucune action dans aucune société. Il a en particulier cédé l'intégralité de ses actions Atos et Wordline. Il conserve uniquement des produits d'épargne en mandat de gestion exclusif, afin d'exclure tout risque de conflit d'intérêts ». Autrement dit, Thierry Breton ne gère pas lui-même son épargne.

Lire aussi Commission européenne : Thierry Breton, l'atout « numérique » de Macron

Il précise qu'il dispose de deux plans d'action de performance pluriannuels d'Atos attribués par le conseil d'administration en 2017 et 2019, livrables respectivement en 2020 et 2022, sous réserve d'atteinte des objectifs de performance. « Afin d'exclure tout risque de conflit d'intérêts, M. Breton a exprimé auprès du conseil d'administration d'Atos son souhait de renoncer à l'ensemble des actions dues au terme au titre de ces plans s'il était confirmé au poste de commissaire européen, ce que le conseil a accepté par décision du 31 octobre 2019. » Dès lors que le Parlement validera la Commission von der Leyen (par un vote prévu en principe le 27 novembre), l'ancien ministre de Jacques Chirac perdra donc définitivement « tous ses droits » sur ces deux plans.

Sa retraite suspendue pendant son mandat

Par ailleurs, le commissaire pressenti disposait d'un plan de retraite acquis au cours de ses onze années passées chez Atos. En quittant l'entreprise, il a fait valoir ses droits à la retraite. La garantie de liquidation de ce plan de retraite sera assurée par la compagnie d'assurance Axa qui sera « son unique débiteur, sans aucun lien avec Atos ou ses résultats économiques », est-il précisé dans la déclaration d'intérêts. Ce plan lui donne droit à une pension mensuelle. Mais si Thierry Breton est confirmé au poste de commissaire, il demandera à Axa d'en suspendre le paiement durant son mandat. Il ne touchera sa retraite qu'après avoir quitté la Commission européenne.

En dehors de ses fonctions chez Atos, Thierry Breton était administrateur de Carrefour SA et président du comité des rémunérations de Bank of America et Bank of America Securities, de SATS (un fournisseur de services d'assistance aéroportuaire à Singapour), de Sonatel (une société de télécommunication au Sénégal). Il a démissionné de tous ces mandats le 24 octobre 2019.

Pas de lien avec l'héritage de Bernard Arnault

Quant à ses liens avec la famille de Bernard Arnault, Thierry Breton précise que, s'il a été en effet envisagé qu'il préside le « comité des sages » en cas de décès accidentel du PDG de LVMH, ce « comité » n'a en réalité jamais été constitué. Par conséquent, il n'a aucun lien avec la fortune de Bernard Arnault ou son héritage.

Selon nos informations, le groupe PPE ne devrait pas faire obstacle à la confirmation de Thierry Breton. Même si l'ex-PDG s'affiche sous la bannière d'Emmanuel Macron et du groupe Renew, il compte tout de même de sérieux relais au sein de la droite européenne. Le président des Républicains, Christian Jacob, un chiraquien historique comme Breton, est intervenu auprès de Joseph Daul, le président du PPE, pour s'assurer que les eurodéputés chrétiens-démocrates ne feront pas de misères à son ami.

Dans l'attente du commissaire britannique

Les socialistes européens ont assez mal vécu que le gouvernement roumain bascule au PPE. Le nouveau gouvernement de Ludovic Orban et Ursula von der Leyen se sont mis d'accord pour proposer le poste de commissaire aux Transports à Adina-Iona Valean, une députée européenne élue depuis 2007. Le candidat hongrois sera le diplomate Oliver Varherlyi, ambassadeur de la Hongrie auprès des institutions européennes. Les auditions des trois candidats sont prévues les 13 et 14 novembre, Thierry Breton fermant le ban.

Lire aussi Nathalie Loiseau : « Le Brexit est un jeu de dupes pour les Britanniques »

Le Royaume-Uni doit quant à lui nommer un commissaire puisque la Commission von der Leyen devrait entrer en fonction avant que les Britanniques ne quittent l'Union européenne. La présidente von der Leyen envisagerait de ne confier aucun portefeuille à l'impétrant qui a vocation à quitter la Commission avec le Royaume-Uni d'ici le 31 janvier, sauf nouveau report. Dans ce cas, sans portefeuille, on pourrait se passer de cette audition, assez inutile. Les juristes étudient la question. « La solution la plus simple pour Boris Johnson serait de prolonger l'actuel commissaire britannique, Julian King, commente un officiel bruxellois. Mais Jonhson est en campagne pour les législatives du 12 décembre et redoute que le Parti du Brexit de Nigel Farage ne fasse toute une histoire de la nomination d'un commissaire européen britannique. Le Premier ministre britannique ne veut pas se faire déborder et être pris en défaut par Farage. » Une autre solution pour faire taire Farage serait pour Jonhson d'user d'une pirouette politique en proposant à Nigel Farage d'être le dernier commissaire européen britannique. Évidemment, Farage refuserait, mais il ne pourrait pas faire grief à Johnson de louvoyer pour ne pas quitter l'Union.

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Commentaires (4)

  • Aphroditechild

    Avec T. Breton et sa stratégie, on voit bien que pour arriver à sa fin, tout ce joli monde de la Finance a ses petites magouilles déjà bien mises en place. Tiens voilà ces premiers de cordée qui ont la réussite à portée de la main et qui trouvent grâce aux yeux de E. Macron, raison pour laquelle il a fait ce choix pour la Commission européenne.

  • MARCOS29

    Juan Branco a raison dans CREPUSCULE : la macronie est le parti des drahi, bollore, pinault, arnault qui dirigent de fait le pays par macron interposé
    Breton en est la preuve

  • baltazaroued

    La solution Breton est une astuce de dupe. Astuce très connue dans les conseils municipaux où l'élu (e) sort de la salle quand on vote la subvention d'une association à laquelle il fait partie, ne participe donc pas au vote dons pas de conflit d'intérêt avéré. Le tour est joué.