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Le rêve industriel laisse place à la logique financière

Son ancien patron Bernard Dumon n'avait pas réussi à faire de Saint Louis le grand groupe agroalimentaire dont il rêvait. Intégrées dans la stratégie patrimoniale de Worms, l'avenir de ses deux filiales, Générale Sucrière et Awa, paraît incertain.

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Publié le 24 févr. 1997 à 01:01

Deux ans après la mort de son fondateur et ancien patron Bernard Dumon, le groupe Saint Louis est absorbé par son actionnaire principal. Nicholas Clive Worms en devient le président et Dominique Auburtin, responsable des participations industrielles chez Worms, devrait en prendre la direction générale, remplaçant ainsi Daniel Melin, qui quitte le groupe. La décision prise par la famille Worms enterre définitivement le rêve de Bernard Dumon de faire de Saint Louis un grand de l'industrie agroalimentaire française. Elle n'est, tout compte fait, que la suite logique de l'histoire mouvementée du groupe.
Car, durant les dix dernières années de sa carrière, les initiatives industrielles de Bernard Dumon furent les unes après les autres entravées par la stratégie patrimoniale de son actionnaire principal. En 1986, Bernard Dumon, à la tête de ce qui n'est encore qu'une société sucrière _ la Générale Sucrière, aujourd'hui deuxième opérateur français du secteur _, jette son dévolu sur Lesieur. Mais peu après s'en être triomphalement emparé, Saint Louis est à son tour assailli par l'italien Ferruzzi. Il ne sauve son indépendance que grâce à l'intervention de son actionnaire minoritaire Worms, qui porte sa participation à 29 %.

Un service qu'il fera chèrement payer à Bernard Dumon. Sous l'influence de Worms et de Jean-Marc Vernes (chez Ferruzzi), celui-ci est contraint de recéder Lesieur à l'italien, ne conservant que les plats cuisinés William Saurin. Fructueux financièrement, cet épisode est un rude coup pour Bernard Dumon, qui ne désarme pas pour autant. Au début des années 90, il se lance dans la bataille pour le contrôle de Perrier qui oppose Nestlé aux Agnelli (qui sont entrés chez Saint Louis aux côtés de Worms) et prend 13,8 % du capital du groupe de Vergèze. Là encore, c'est un échec qu'une nouvelle plus-value ne suffit pas à effacer.
Diversification dans le papier
Entre-temps, il se diversifie dans le papier avec Arjomari-Prioux. Après sa fusion en 1990 avec le britannique Wiggins Teape et Appleton, il se retrouve avec 40 % du premier groupe européen de production et de distribution de papier Awa. En 1994, face à la crise de consommation qui touche le secteur, ce sont les plats cuisinés qu'il doit sacrifier. Il rapproche sa division Euralim de Danone pour former Panzalim, dont ce dernier prend le contrôle. Même si désormais Saint Louis réalise la majeure partie de ses facturations dans le papier, Bernard Dumon s'accroche à l'agroalimentaire. Tout en développant Générale Sucrière en Europe de l'Est, il s'intéresse à plusieurs possibilités, lorgne un moment le groupe fromager Besnier avant de tenter de s'emparer d'Eridania Béghin-Say (EBS), son rival de toujours déstabilisé par le naufrage de Ferruzzi. En vain.
En janvier 1995, lorsque l'avion qui transporte Bernard Dumon, cinquante-neuf ans, son frère Yves et Max de la Giraudière, directeur général de GS, s'écrase au Bourget, l'histoire de Saint Louis bascule. Même si son successeur, Daniel Melin, tente de poursuivre ce rêve industriel. Ex-PDG de Spie Batignolles et ancien de Saint-Gobain, Daniel Melin ne supporte pas, lui non plus, que l'on taxe le groupe de holding. Mais, plus encore que Bernard Dumon, il a bien du mal à convaincre.
Sucre: court-circuité par EBS
Sa tâche consistera en fait à recentrer le groupe et à gérer les difficultés qui apparaissent. Il passe une lourde provision pour restructurer Awa et reprend sa gestion en direct, remerciant au passage Alain Soulas, qui fut le bras droit de Bernard Dumon dans le papier. Awa, après avoir pesé sur le bénéfice net de Saint Louis en 1995 (_ 61 %, à 573 millions de francs) et en 1996 (_ 44 % au premier semestre), paraît cependant en voie de redressement. D'autre part, Daniel Melin fait le ménage. Il cède Royal Champignon, éternel canard boiteux, à la coopérative Champi-Jandou. Et boucle la sortie définitive de Saint Louis de l'agroalimentaire en cédant ses 34,5 % restants de Panzalim à Danone pour 3 milliards.
Ces initiatives pour développer le groupe sont moins concluantes. Certes, en montant au capital du deuxième sucrier espagnol Azucarera et en prenant 15 % du leader Ebro, il prend une position stratégique dans le cadre de la future restructuration du sucre espagnol. Mais, lors de la vente de la CFS, très rentable branche sucrière de la Mixte, il est court-circuité par un droit de préemption d'EBS. Il se déclare ensuite candidat au rachat de Cacao Barry avant de reculer, découragé par le poids de l'Afrique dans l'activité du groupe de transformation de cacao. On sent aussi en arrière-plan le frein exercé par Worms, peu soucieux en réalité de voir Saint Louis dépenser son trésor de guerre.
Officiellement, rien ne change dans la stratégie industrielle du groupe. Du moins à court terme. Car, à plus longue échéance, on peut s'interroger sur la vocation d'un groupe patrimonial comme Worms à rester dans une activité ausi cyclique et capitalistique que le papier. Quant à la Générale Sucrière, détenue à 100 % par Saint Louis et évaluée entre 7,5 et 9 milliards de francs, elle ne manquera pas de susciter la convoitise des grands groupes européens du secteur comme Sudzucker ou Tate & Lyle. Ce qui ne laissera sans doute pas Worms indifférent.

ANNE DENIS

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