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L'ouie : réglée comme une horloge suisse

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Par Paul Molga

Publié le 24 août 2005 à 01:01

Des chercheurs de la Harvard School of Medicine (Massachusetts) viennent de faire une découverte prometteuse : en étudiant une souris transgénique dépourvue du gène rétinoblastome dont la mutation est responsable de très graves tumeurs rétiniennes chez les jeunes enfants, ils ont pu constater qu'elle disposait dans l'oreille d'un nombre plus important que la normale de cellules ciliées. Ils ont même constaté que ces récepteurs, qui constituent un élément clef du système auditif, mais qui sont normalement incapables de se régénérer, avaient étonnamment proliféré. Des applications thérapeutiques concernant les affections et le vieillissement de l'ouie sont encore lointaines, mais des espoirs sont désormais permis là où on pensait déjà tout savoir. L'ouie est en effet un de nos sens les mieux connus et dont on sait suivre pas à pas le chemin.

Froissez légèrement ce journal. Il crée de l'énergie sous la forme d'une pression exercée sur les molécules environnantes. L'air, qui a perdu quelques molécules autour du papier, s'est provisoirement raréfié. Mais l'espace est vite comblé par d'autres molécules qui font naître un nouveau vide dans leur sillage, et ainsi de suite. Cette alternance de zones d'air dense et d'air raréfié est l'onde sonore qui se déplace jusqu'à l'oreille à la vitesse approximative de 343 m/s (1.500 m/s dans l'eau).

Trois propriétés
On en détecte trois propriétés. La fréquence d'abord, c'est-à-dire le nombre de ses vibrations ou la quantité d'intervalles entre les espaces ondulatoires qui parviennent chaque seconde en un point. Elle se mesure en hertz (Hz). La sensibilité de l'oreille humaine est réglée pour nous permettre d'entendre des sons aigus comme ceux d'un violon (20.000 Hz) et graves comme ceux d'une contrebasse (20 Hz). Si nous percevions les infra et les ultrasons, il faudrait vivre en entendant vibrer nos os à chaque pas, digérer nos intestins à grand fracas et trembler la terre. Ce que perçoivent certains animaux : les mammifères marins qui utilisent les ultrasons (des fréquences supérieures à 25.000 Hz) comme système d'écholocalisation et les pachydermes qui communiquent entre eux sur de longues distances dans la bande de 14 à 24 Hz. En décembre dernier, ils ont ainsi pu entendre l'onde provoquée par l'effondrement de la plaque océanique asiatique et déserter les côtes avant l'arrivée du tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est.

Les sons ont aussi une intensité que mesurent les décibels et une qualité qui est donnée par les vibrations secondaires pour distinguer les harmoniques d'une même fréquence (une guitare et une basse jouant la même note). Nous captons les ondes acoustiques dans le repli extérieur et le tube de peau qui conduit à l'oreille interne. En dépit de sa simplicité, ce tube remplit des fonctions importantes : il filtre contre ses parois les fréquences sonores les plus agressives et protège l'oreille des corps étrangers avec ses cils et ses glandes qui fabriquent le cérumen. Deux centimètres plus au fond, une membrane épaisse comme une feuille de papier et aussi tendue que la peau d'un tambour tremble sous l'effet des ondes sonores. C'est le tympan, qui peut vibrer jusqu'au diamètre d'un atome d'hydrogène.

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Le marteau et l'enclume
Il transmet l'énergie reçue à un transformateur fait de trois osselets : un marteau rattaché au tympan par son manche, une enclume et un étrier qui sont également liés. Quand ils absorbent le son émis par le froissement de votre journal, ces trois éléments vibrent à la même fréquence que le tympan mais sur une zone plus petite qui intensifie les ondes. A ce stade, la pression de l'air doit être absolument identique des deux côtés de la membrane pour transmettre précisément la vibration. Un équilibrage est parfois nécessaire quand on monte en altitude. C'est la fonction de la trompe d'Eustache reliant le pharynx à l'oreille moyenne. En bâillant, en déglutissant ou en soufflant le nez bouché, elle s'ouvre pour laisser pénétrer de l'air dans la cavité du tympan et ainsi rééquilibrer les pressions.

Après quoi, l'énergie sonore parvient à l'oreille interne par la fenêtre ovale, l'une des deux ouvertures de la barrière osseuse qui se dresse entre les osselets et le crâne. L'autre sert à compenser les vibrations de l'étrier : quand il pousse vers l'intérieur, la membrane de la fenêtre ronde se gonfle vers l'extérieur et inversement. A partir de 80 décibels, un réflexe protecteur permet aussi de réduire la transmission des ondes par l'intermédiaire des osselets et des muscles qui rattachent le marteau et l'étrier aux parois de la caisse du tympan. Mais il manque d'efficacité pour les sons très intenses et les fréquences aiguës.

Passé ce filtre, l'énergie sonore est transformée en onde de pression dans le liquide (l'endolymphe) où baignent les mécanismes délicats de l'oreille interne. C'est un véritable labyrinthe composé de plusieurs vestibules et canaux dont la cochlée, un tube spiralé d'environ 35 millimètres de long qui contient le nerf auditif. La plus épaisse de ses parois renferme l'organe de Corti. Il comprend 14.000 cellules ciliées déployées sur quatre rangées au pouvoir discriminateur : les cellules proches de la fenêtre ovale captent les fréquences les plus hautes. Mais pour les sons inférieurs à 50 décibels, la pression n'est pas suffisante pour incliner les cils. D'autres cellules pourvues d'un mécanisme contractif prennent donc le relais.

Comme pour le toucher, le goût ou la perception de la douleur, le message recueilli par les 35.000 fibres du nerf auditif connectées à la membrane sensorielle parvient au cerveau à travers des canaux ioniques qui transforment finalement les ondes acoustiques en impulsions électriques.

Le cerveau interprète
Le cerveau connaît toutes les notes de ce nano-clavier qu'il déchiffre au rythme de 100.000 impulsions par seconde en identifiant le mélange des fréquences, des amplitudes et de la qualité des sons qui lui parviennent. Sa capacité d'abstraction est telle qu'il est même capable d'interpréter des mélodies sans les entendre. Il filtre également les sons quand ils parviennent en masse dans un lieu public. Une voie connue nous appelle. Nous localisons sa source grâce à l'infime différence de temps séparant l'arrivée des ondes sonores dans l'une ou l'autre oreille. Concentrée sur une lecture, nous sommes même capables de ne plus rien entendre des bruits alentour. Même parfaitement connues, l'incroyable simplicité de la mécanique auditive et la capacité de discrimination cérébrale qui lui est associée émerveillent encore beaucoup de chercheurs. On dit en faculté que ce sujet continue de susciter des vocations. Jugez-en : depuis que vous avez froissé le journal, il ne s'est écoulé que 20 millisecondes pour réaliser le travail décrit jusque-là.

PAUL MOLGA

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