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Série

Marc Vergnet, le souffle d'un entrepreneur militant

Sous les drapeaux en 1968, Marc Vergnet a défendu les énergies renouvelables, avant de créer une start-up dédiée au dessalement solaire de l'eau de mer.

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Par Christine Berkovicius

Publié le 7 août 2018 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Quand Mai 1968 éclate, Marc Vergnet, tout frais sorti de l'Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts, a vingt-six ans, et des idées plein la tête. Son idéal, ce n'est pas la révolution, mais le développement, avec l'Afrique en ligne de mire, le continent où il est né, en 1942, dans une famille de pieds-noirs. Une vocation précoce, qui ne le quittera jamais... A l'époque, ce futur pionnier de l'éolien ne pense donc qu'à une chose, boucler ses valises pour entamer la mission qu'il vient de décrocher au Burkina Faso. Mais, avant de partir, il faut encore achever son service militaire.

Quelques mois plus tôt, le jeune ingénieur a été affecté comme sous-lieutenant au 5e génie à Satory, près de Versailles. Et c'est là, entre les murs de la caserne, que lui parviennent les premiers bruits de l'agitation étudiante. « Je m'en souviens bien car l'armée de métier qui nous encadrait était inquiète », raconte Marc Vergnet, qui était alors chargé de superviser la réalisation des travaux de l'armée. « Nous ne comprenions pas tout ce qui se passait - Cohn-Bendit, les ouvriers - mais nous sentions bien qu'il y avait là une formidable remise en cause que nous étions inconsciemment prêts à accompagner. Et nous avons commencé, nous aussi, à poser des questions à la hiérarchie. »

Mise aux arrêts de rigueur

Mais l'ambiance se dégrade, et vire au clash, lorsque le commandement militaire demande à Marc Vergnet et à ses camarades de mobiliser leurs engins de chantier pour aller détruire les barricades. « On s'est révolté, on a dit non, on a expliqué que ce n'était pas notre rôle en tant qu'appelés. Et ça s'est mal fini puisque, en tant que meneur, j'ai été mis aux arrêts de rigueur pendant presque un mois ! » Sans avoir été acteur du mouvement, Marc Vergnet en retient un « formidable espoir de changement », un sentiment d'ouverture, de confiance en l'homme, qui anime tout son début de carrière. En Afrique, il invente une pompe à motricité humaine, utilisable par les femmes et facile à entretenir.

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A son retour en France, en 1973, il se bat durant quinze ans pour promouvoir le solaire et les énergies renouvelables, « militant face à la doctrine nucléaire ». Mais, là où « l'esprit 68 » l'a inspiré, c'est lors de la création à Orléans de sa société, vingt ans plus tard, en 1988, pour exploiter la pompe hydraulique qu'il avait mise au point, puis développer des éoliennes basculantes, capables de résister au passage des cyclones.

Stratégie de diversification

Avec une poignée de salariés, Vergnet démarre sur des bases « communautaires » - tous actionnaires, prise de décision collective, partage des bénéfices de façon égalitaire... Mais la concertation permanente trouve vite ses limites, et le consensus financier vole lui aussi en éclats, avec plusieurs départs à la clef. « Ce que j'ai compris, c'est que les gens n'aimaient pas tellement trancher, et qu'il fallait un patron pour le faire », décrypte Marc Vergnet. « Le boulot, c'est essentiellement cela, éviter aux autres d'avoir à décider ! »

Au cours des dix ans qui suivent, Vergnet grossit, embauche plus de 100 personnes, et réussit à se faire un nom dans l'éolien, principalement dans les DOM-ROM et les zones cycloniques, avant de subir un trou d'air lié à une réforme de la loi Littoral. Brutalement, l'industriel perd 70 % de ses marchés, et ne s'en remettra jamais vraiment, malgré des stratégies de diversification. Après avoir frôlé la faillite il y a six ans, la société a été placée en redressement judiciaire en 2017 et reprise par un consortium financier piloté par Patrick Werner, l'ancien patron de La Banque Postale.

Marc Vergnet, lui, a passé la main en 2013, dégoûté de voir que « la France a raté le coche de l'industrie du renouvelable » au profit de grands groupes « qui font de l'argent avec du service ». L'échec ne l'empêche pas de rebondir. A soixante-douze ans, il crée Mascara, une start-up d'une quinzaine de salariés qui a mis au point une solution de dessalement solaire de l'eau de mer pour limiter la pénurie d'eau dans le monde. Le système a été testé avec succès, les projets se multiplient, de Bora Bora au Cap. Marc Vergnet, qui réfléchit à une levée de fonds, continue d'y croire, même s'il se sent moins en phase avec l'air du temps. « Face à la toute-puissance de la finance, les initiatives économiques, humaines, sociales rentrent aujourd'hui dans le rang. On est loin de l'après-68 où l'on pouvait oser des modèles différents !

Repères

1942 Naissance en Algérie

1968 Appelé au 5e génie à Satory

1988 Création de Vergnet

1994 Création de Mascara

Correspondante à Orléans Christine Berkovicius

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