Cette année, le palmarès exclusif des 150 plus belles entreprises indépendantes de France réalisé par L'Entreprise met trois femmes à l'honneur : Véronique Garnodier (Charlott'), Yseulys Costes (1000mercis) et Corinne Lejbowicz (Leguide.com). Rentabilité, stress, argent, succès et échecs... Elles se livrent en toute transparence.

Cette année, le palmarès exclusif des 150 plus belles entreprises indépendantes de France réalisé par L'Entreprise met trois femmes à l'honneur : Véronique Garnodier (Charlott'), Yseulys Costes (1000mercis) et Corinne Lejbowicz (Leguide.com). Rentabilité, stress, argent, succès et échecs... Elles se livrent en toute transparence.

L'Express

Véronique Garnodier, PDG de Charlott', la marque de lingerie vendue à domicile, est en tête du classement pour la deuxième année.

Comment obtenez-vous une telle rentabilité ?"44,7 % de rentabilité, vous trouvez ça incroyable ? Non, moi je dirais que c'est bien... et qu'on peut toujours mieux faire ! Nous avons une structure entièrement intégrée, sans aucun intermédiaire. Si je ne considère que la dimension points de vente, avec le coût des pas-de-porte et les charges sociales liées à l'emploi de vendeuses, elle pèse sur la marge à hauteur de 2 points et demi, voire 3 points. Rajoutez 1 point et demi pour la rémunération d'un grossiste... Nous n'avons pas tout ça. Environ un tiers de notre chiffre d'affaires permet de couvrir la rémunération de nos vendeurs - des indépendants qui touchent une commission sur les ventes -, un tiers sert à payer nos charges de fonctionnement et un gros tiers constitue notre résultat propre avant impôt. Nous concevons tous nos produits, dont nous sous-traitons la production, essentiellement en Tunisie."Quels sont les ressorts de votre croissance ?"Notre développement est viral et sans fin. Il ne faut pas qu'il y ait de limite. Le marché de la lingerie pèse plusieurs milliards d'euros. Nous vendons aussi des produits pour hommes, qui représentent aujourd'hui seulement 7 % de notre chiffre d'affaires. Nos relais de croissance sont les nouveaux produits, mais surtout sur notre réseau, et nous misons d'abord sur le levier humain. Souvent un vendeur arrive à la vente directe par défaut mais il y reste par passion. La crise ? Elle a multiplié notre réseau de vendeuses indépendantes et donc boosté nos ventes. En contrepartie, il a fallu suivre en production !"Votre idée de départ ? "A l'origine de Charlott', il y a une rencontre avec la vente à domicile. Le produit n'est venu qu'après, via une étude de marché. Je cherchais un nouveau produit pour la vente à domicile façon Tupperware. Il fallait que ce soit simple, ludique, renouvelable et que cela concerne un maximum de gens. La lingerie, c'est génial ! J'ai des idées sur d'autres produits mais plus pour 2013-2014. Croyez-moi, je serai encore là dans vos futurs classements !"Vos atouts ?"Notre réseau. Nous travaillons sur l'émotionnel, la complicité. En interne, nous sommes des fous furieux, nous traquons chaque centime, nous produisons de la valeur, 30 millions d'euros, avec 30 personnes seulement. Nous avons développé des outils de management, de coaching en ligne pour motiver nos vendeuses et un outil de reporting extra qui nous permet d'anticiper. Ces nouvelles technologies nous permettent de générer du chiffre."Vos échecs ?"Il faut savoir perdre. Il ne faut pas avoir peur de l'échec. C'est une part importante de la réussite. Plus on en fait, mieux on apprend. L'échec le plus important ? Être passée à côté de vendeuses talentueuses que je n'ai pas su retenir. Elles ont monté leurs structures ou sont parties ailleurs."Etes-vous stressée ?"Pas du tout. Pourquoi je le serais ? Je suis très tonique et je travaille la "positive attitude" : je vois d'abord ce qui va bien ! Tous les jours, je commence par faire du sport (du vélo), plutôt le matin, de 6 heures à 8 heures. Et là je suis zen. Je peux faire 100 km par jour ! Je n'aime pas le mot "problème", je préfère la remise en question. Je considère que, quand on est chef d'entreprise, c'est à soi d'apporter une réponse, de trouver une solution."Que représente l'argent pour vous ?"Je gagne beaucoup d'argent et je ne m'en excuse pas. Mon salaire ? 15 000 euros mensuels. Et nous enregistrons un bon résultat [10 millions d'euros par an, ndlr]. Je réinvestis beaucoup et je ne redistribue pas parce qu'on est en LBO. Je ne cours plus après l'argent. J'ai passé ça, je préfère que les équipes se transcendent, c'est plus excitant. Mon conjoint et moi, nous avons 55 % des parts de l'entreprise, au côté de deux actionnaires financiers qui sont à moitié-moitié. Ils sont contents, même s'ils ont payé cher leur investissement, 55 millions d'euros, en 2006. Mais depuis, nous avons repris le contrôle via le LBO. Nous sommes sollicités tous les jours : Charlott' est aujourd'hui valorisée à plus de 100 millions d'euros !"Comment voyez-vous votre avenir ?"Une date de sortie ? Nous aurions déjà pu vendre dix fois à 150 millions d'euros. Mais la première fois en 2006, quand nous avons perdu la majorité, je suis partie avec mon compagnon faire un tour du monde et, au bout d'un an, la boîte perdait un peu son âme... et sa croissance ! Et pour tout dire, les grandes vacances, ça suffisait comme ça ! Depuis, nous nous sommes organisés pour travailler trois semaines par mois, et partir une semaine en vacances. Ça se passe bien. De toute façon, à distance, nous contrôlons tout grâce aux ordinateurs. Maintenant, Charlott' peut vivre sans nous, mais c'est peut-être moi qui aurais du mal à vivre sans Charlott' ! Notre challenge aujourd'hui, c'est un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros en 2014."

L'échec est une part de la réussite pour ces dirigeantes, qui disent en avoir tiré des leçons.



société de vente à domicile de lingerie

Yseulis Costes, présidente du groupe de publicité et de marketing interactif 1000mercis.

Comment obtenez-vous une telle rentabilité ?"Notre rémunération est indexée sur la performance des opérations marketing que nous réalisons pour nos clients. C'est le principe du gagnant-gagnant : lorsque ça fonctionne bien, nous engrangeons des "incentives" qui sont un bon outil de motivation des équipes. Pour maintenir cette rentabilité, nous devons donc sans cesse innover afin de garantir la performance de nos actions. C'est pourquoi nous investissons 15 % de nos recettes dans la R&D.Quels sont les ressorts de votre croissance ?"Nous surperformons la croissance [22 % en 2010, ndlr] pour deux raisons : la qualité de l'exécution des actions pour nos clients et notre capacité d'innover en permanence. Il faut aimer aller vite, ce qui nous laisse une certaine liberté. La croissance est palpable et nous pousse à être réactifs."Votre idée de départ ?"J'étais enseignante-chercheur en marketing interactif à Paris-Dauphine et au laboratoire marketing de Harvard. Et mon associé, Thibaut Meunier, était responsable du data mining chez Air France. Nous avons fait nos études ensemble et je l'ai contacté lorsque l'idée a germé par hasard, dans la continuité de mes travaux de recherche. Je venais d'être maman et je me suis dit qu'internet serait le support idéal pour déposer ses listes d'envies cadeaux. Je n'avais aucune expérience du monde de l'entrepreneuriat. Le modèle économique est toujours le même, c'est celui des bases de données et des applications B to C. Ce qui importe, dans ces métiers interactifs, c'est le savoir-faire et la vision."Vos atouts ?"L'énergie ! Il faut aller vite, nos métiers dans l'interactivité réclament de la rapidité. Il faut beaucoup d'énergie et de passion, sinon on ne fait pas ce métier. Il faut savoir monopoliser ses ressources au bon moment. Je suis loin d'être seule à apporter de l'énergie, nous sommes très bien entourés et avons une bonne équipe."Vos échecs ?"J'ai une mémoire sélective et je ne retiens pas les mauvaises expériences. Des difficultés, il y en a toujours. Il faut en tirer des leçons et en ressortir de l'énergie positive. Ce qui apparaît comme un échec à mes yeux, c'est lorsqu'on a le regret de ne pas avoir essayé."Etes-vous stressée ?"Dans nos métiers, il y a beaucoup de pression, il faut aimer ça. Quand on veut aller vite, le stress est galvanisant, sinon on le subit et c'est paralysant. Il faut que le stress soit moteur sinon c'est compliqué. Et puis, être deux est un véritable facteur pour abaisser le niveau de stress. De plus, j'habite à deux pas du bureau, et j'ai une nounou sur qui je me repose pour la garde des enfants [11 ans, 19 mois et 8 mois, ndlr], ce qui simplifie beaucoup la vie au quotidienQue représente l'argent pour vous ?"Je suis d'origine aveyronnaise, j'ai donc un rapport très terrien à l'argent. C'est un outil d'investissement qui donne de la liberté, mais ce n'est pas le Graal. En soi, l'argent n'a jamais rendu personne heureux. C'est un outil qui a une puissance et permet de la croissance, de l'innovation. Avec l'évolution des métiers des nouvelles technologies, la clé est le développement, et pour ce faire, il faut de l'argent."Comment voyez-vous votre avenir ?"Il y a trois axes importants pour 1000mercis. D'abord l'innovation, car nous ne sommes qu'au début de nos métiers et nous espérons inventer encore plein de nouvelles choses. L'international, ensuite. Nous opérons aujourd'hui dans treize pays, nous commençons à travailler avec des clients dans l'Union européenne sur des axes importants et passionnants. Enfin, les nouveaux canaux relationnels, c'est-à-dire le mobile et les réseaux sociaux, dont nous sommes loin d'avoir fait le tour. Les usages des consommateurs évoluent rapidement, plus vite qu'avant."

Yseulis Costes, présidente du groupe de publicité et de marketing interactif 1000mercis.

Corinne Lejbowicz, présidente du comparateur de sites marchands Leguide.com.

Comment obtenez-vous une telle rentabilité ?"Nous gagnons de l'argent parce que nous travaillons beaucoup ! Nous avons aujourd'hui le plus large référentiel en Europe de sites marchands avec 135 millions d'offres en ce moment, dont 20 millions en France, et nous nous battons tous les jours pour avoir de nouvelles offres. Nos concurrents, ce sont Google et Microsoft : mais eux n'ont pas notre équipe de commerciaux dédiés et ça nous permet de marquer des points."Quels sont les ressorts de votre croissance ?"Nous sommes sur un marché porteur avec plus de 10 % de croissance par an. Mais là où nous nous battons, c'est pour prendre le plus vite possible des parts de marché - dans 14 pays à ce jour - à nos concurrents, qui sont des indépendants. Ensuite, c'est un cercle vertueux car nous avons une bonne notoriété auprès des sites d'e-commerce."Votre idée de départ ?"Je ne suis pas la créatrice du site Leguide.com. Le fondateur est Michaël Copsidas, qui a eu l'idée de créer un site de "bonnes affaires" autour d'un moteur de recherche. Je suis arrivée en 2005 avec la mission de manager le développement européen et d'accélérer l'entrée en Bourse six mois plus tard. Ex-ESCP et IEP Paris, j'avais une expérience en télématique comme ancienne directrice générale d'une agence de communication, mais je ne connaissais rien aux PME. Depuis, je suis devenue accro : contrairement aux grands groupes, dans une PME, ça n'arrête pas. En 2005 nous pesions 4 millions d'euros. En 2010 presque sept fois plus."Vos atouts ?"Nous ne sous-traitons rien. Nous faisons évoluer notre technologie par nous-mêmes : nous sommes donc plus pertinents et plus réactifs. Nous rachetons des entreprises étrangères bien implantées localement comme Dooyoo en Allemagne et Mercamania en Espagne : cette stratégie nous permet de gagner rapidement des parts du marché européen."Vos échecs ?"Je ne parlerai pas d'échec mais de difficultés qui nous freinent. A l'international par exemple : tout est trop lent parce qu'on applique trop souvent des méthodes qui ne sont pas adaptées. Cela suppose donc de s'organiser : par exemple, les >>> Allemands sont sensibles à la permanence du contact avec un même interlocuteur. Pas en France. Il faut comprendre et adapter des modèles de prospection culturellement différents. Or sur internet, c'est la course contre la montre."Etes-vous stressée ?"Il faut du stress, cela fait partie de la vie et surtout dans le monde internet : tous les jours, il y a une innovation ; si on baisse notre vigilance, ne serait-ce qu'un mois, on est en danger. Le tout est de faire la différence entre stress et pression. En 2009, nous avons été visés par une OPA hostile. Nous avons décortiqué et analysé la stratégie du prédateur et fait la tournée de nos actionnaires pour nous expliquer. Au total cinq mois de stress ! Mais je gère facilement. Et puis après des journées de 12 heures de travail, j'ai un bon truc : la lecture. Rien de tel pour décrocher qu'un bon auteur de roman comme Thomas Pynchon, qui a le sens de l'écriture et de la vision."Que représente l'argent pour vous ?"Le capital de Leguide.com est très éclaté : moi-même et les dirigeants n'avons que 8,6 % du capital, le reste est en Bourse. L'argent, c'est le moyen de développer l'activité, et donc nous n'avons distribué aucun dividende depuis notre création. Pour devenir leader européen, il faut du cash. Pour gagner du temps, il faut pouvoir faire de la croissance externe. Nous n'avons pas encore la taille de notre ambition."Comment voyez-vous votre avenir ?"Etre plus gros ! En termes d'audience, nous sommes troisième en Europe avec 14 millions de visiteurs. Nous devons poursuivre nos efforts pour devenir incontournables.

Corinne Lejbowicz, présidente du comparateur de sites marchands Leguide.com.
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