Cette photo diffusée le 9 septembre 2022 par Arianespace montre le transfert du noyau central de la fusée Ariane 6 sur son aire de lancement pour les essais combinés prévus le 11 juillet 2022 à Kourou.

Cette photo diffusée le 9 septembre 2022 par Arianespace montre le transfert du noyau central de la fusée Ariane 6 sur son aire de lancement pour les essais combinés prévus le 11 juillet 2022 à Kourou.

AFP

Quel est l’avenir spatial de l’Europe ? C’est bien cette large question qui devrait être au centre des débats du sommet européen de l’espace qui s’ouvre ce samedi à Séville, alors que les différents pays européens membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) se divisent sur la stratégie à adopter pour relancer une filière qui cumule les retards face à ses concurrents chinois, indiens et américains.

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Le premier gros morceau concerne notamment l’avenir et le modèle d’exploitation d’Ariane 6, qui illustre les difficultés de l’Europe sur la question des lanceurs spatiaux, condition d’un accès autonome à l’espace. "Les discussions sont difficiles", concède Philippe Baptiste, président du Cnes, l’agence spatiale française. Le retard de quatre ans d’Ariane 6, qui n’effectuera son vol inaugural qu’en 2024, sans oublier l’inflation, ont engendré des "surcoûts considérables", souligne une source proche du dossier auprès de l’Agence France Presse. Quand le programme sera en rythme de croisière, c’est-à-dire à partir du 16e vol à l’horizon 2027-2028, il y aura un besoin de financement d’environ 350 millions d’euros par an, selon elle, confirmant une information de La Tribune.

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Plusieurs pays européens continuent néanmoins à croire dans le projet Ariane 6. La France, en premier lieu, qui finance la moitié du programme, et s’y résout au nom de la souveraineté, de même que l’Italie, dans une situation similaire avec son lanceur Vega-C, également en difficulté après l’échec de son lancement en décembre dernier. Mais pour l’Allemagne et la plupart des pays, c’est une "faillite du système", explique toujours cette même source.

Plus de concurrence ?

Berlin souhaite ainsi bouleverser le monopole d’Arianespace sur le marché spatial européen, et veut insérer davantage de concurrence pour la prochaine génération de lanceurs européens, afin de réduire les coûts. Plutôt qu’un programme dirigé par l’ESA, l’Allemagne souhaite que l’agence européenne achète des services de lancement directement auprès des industriels, comme le fait la Nasa. Plusieurs entreprises allemandes s’y préparent en développant pour l’heure de petits lanceurs, comme le français MaiaSpace, filiale d’ArianeGroup, le constructeur d’Ariane 6. De son côté, l’Italie pousse aussi de son côté pour qu’Avio, le constructeur italien de Vega-C, puisse commercialiser directement sa fusée, actuellement exploitée par Arianespace pour le compte de l’ESA.

Face à ce grand chambardement potentiel, les autres Etats de l’ESA auront aussi leur mot à dire, les décisions étant prises par consensus. Les Etats bénéficient de la règle du retour géographique, prévoyant que l’investissement de chaque pays se traduise par des retombées industrielles équivalentes pour ses entreprises.

"Nous ne sommes pas dans une situation économique porteuse"

Un autre point à l’ordre du jour de cette réunion à Séville sera la question de l’exploration robotique et habitée. Dans un rapport commandé par l’ESA, des experts appelaient, en avril, l’Europe à garantir une "présence permanente et indépendante" sur les orbites terrestre et lunaire, ainsi que sur la Lune. Or, l’Europe ne dispose actuellement pas de moyens propres pour envoyer des astronautes dans l’espace, dépendant d’un système de troc utilisé jusqu’ici avec Moscou ou Washington. Cela suppose d’importants investissements, or "nous ne sommes pas dans une situation économique porteuse", pointe le patron de l’ESA Josef Aschbacher.

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Une "première brique" serait que l’industrie développe elle-même, dans un premier temps, une capsule cargo pour des missions en orbite basse, a expliqué une autre source à l’Agence France Presse. En retour, les Etats offriraient des garanties d’achats de services. "C’est un moyen de réduire les coûts", estime cette source.

La première journée de ce sommet spatial sera consacrée à un conseil ministériel des 22 Etats membres de l’ESA (la plupart des pays de l’UE, le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège). La seconde, organisée par la présidence espagnole de l’Union européenne, est consacrée à une réunion conjointe UE-ESA. Avec l’espoir d’aboutir à des consensus, plus que nécessaires pour redorer une filière qui a longtemps fait la fierté de l’Europe.

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