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Contention et psychomotricité. Intérêt du soin psychomoteur dans une unité de soins intensifs en psychiatrie adulte.


par Louise LOZANO PICCOLO
ISRP Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice - Diplôme d'état de sychomotricien  2019
  

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1

Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice

Contention et Psychomotricité

Intérêt du soin psychomoteur dans une unité de soins intensifs en psychiatrie

adulte

Mémoire présenté par Louise Lozano Piccolo en vue de
l'obtention du Diplôme d'État de Psychomotricien

Référent de Mémoire :

Loïc MASCROISIER Paris, Session 2019

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Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice

Contention et Psychomotricité

Intérêt du soin psychomoteur dans une unité de soins intensifs en psychiatrie

adulte

Mémoire présenté par Louise Lozano Piccolo en vue de
l'obtention du Diplôme d'État de Psychomotricien

3

Référent de Mémoire :

Loïc MASCROISIER Paris, Session 2019

4

Remerciements

Je tiens avant tout à remercier les patients que j'ai rencontré, qui m'ont appris beaucoup sur la souffrance, mais également le courage. A qui je témoigne mon respect et mon admiration les plus profonds. Sans me tromper, je ne pense pas avoir pu traduire la complexité de leur identité et de leurs problématiques. Seulement, j'espère avoir pu rendre hommage à leur humanité.

Je remercie tout particulièrement Loïc MASCROISIER qui m'a ouvert les portes de la connaissance, pour la richesse des questionnements professionnels et humains dont il m'a fait profiter.

Je tiens à remercier Laura NARDEUX qui m'a accueilli avec chaleur et bienveillance, pour son écoute attentive et ses précieux conseils tout au long de cette année.

Je remercie chaleureusement toutes les personnes de l'équipe pluridisciplinaire de L'Unité Intersectorielle de Soins Intensifs (UISI) de l'Hôpital Henri Ey, qui m'ont accompagné professionnellement et humainement dans ma formation. Pour la confiance qu'ils m'ont accordée et l'intérêt croissant qu'ils ont témoigné pour mon travail. Pour la simplicité avec laquelle tous les corps professionnels m'ont apporté des regards différents et riches de sens.

Je remercie également l'équipe du 5ème secteur de santé mentale de Paris, avec qui j'ai partagé avec plaisir et passion le quotidien des enjeux du secteur. Pour leurs questionnements qui m'ont considérablement aidé à faire avancer mes réflexions.

Je remercie le Docteur Liova YON et le Docteur Jean-Daniel LELIEVRE qui m'ont ouvert les portes de la psychiatrie et sans qui ce voyage n'aurait pas été possible.

Enfin je remercie ma famille et mes amis aux horizons variés, pour leur soutien et leur compréhension. Catherine pour sa relecture éclairante.

5

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c'est l'homme même qui disparaît. »

François Tosquelles

6

Table des matières

1

INTRODUCTION

9

2

THEORIE

11

 

2.1

L'UNITE INTERSECTORIELLE DE SOINS INTENSIFS (UISI)

11

 

2.1.1

Historique

11

 

2.1.2

Description de l'unité

12

 

2.1.3

Description des professionnels de l'unité et organisation du service

13

 

2.1.4

Critères d'indications et patients accueillis

13

 

2.2

LES MALADIES PSYCHIATRIQUES

14

 

2.2.1

Les troubles schizophréniques

15

 

2.2.2

Les troubles bipolaires

16

 

2.2.3

Traitements pharmacologiques

17

 

2.2.4

Symptomatologie psychiatrique à l'UISI

19

 

2.3

LA CONTENTION EN PSYCHIATRIE

21

 

2.3.1

La contention - aspect règlementaire

22

 

2.3.2

La contention - aspect clinique

23

 

2.3.3

La contention symbolique

24

 

2.3.4

Les contentions chimiques

24

 

2.3.5

Les contentions environnementales

25

 

2.3.6

Les contentions mécaniques

26

 

2.4

APPORTS DU SOIN PSYCHOMOTEUR

28

 

2.4.1

Le cadre des prises en charges

29

 

2.4.2

L'objectif des stimulations psychomotrices

30

 

2.4.1

La proprioception

31

 

2.4.2

Schéma corporel et Image du corps

31

 

2.4.3

Le schéma corporel

32

 

2.4.4

Image du corps

33

 

2.4.5

La contenance

36

 

2.4.6

Les enveloppes psychiques

37

 

2.4.7

Le dialogue tonique

39

 

2.4.8

La respiration

40

3

CLINIQUE

42

 

3.1

MADAME A - TABLEAU D'UNE REGRESSION

42

7

3.1.1 Anamnèse 42

3.1.2 Traitements 43

3.1.3 Bilan d'observation 44

3.1.4 Projet thérapeutique 45

3.1.5 Prise en charge en psychomotricité 46

3.2 MONSIEUR K - CREER UN ESPACE D'ECHANGE 50

3.2.1 Anamnèse 50

3.2.2 Traitements 51

3.2.3 Bilan 52

3.2.4 Projet thérapeutique 54

3.2.5 Prise en charge en psychomotricité 55

3.3 MONSIEUR N - RETROUVER UNE MAITRISE CORPORELLE 57

3.3.1 Anamnèse 57

3.3.2 Traitements 58

3.3.3 Bilan d'observation 59

3.3.4 Projet thérapeutique 60

3.3.5 Prise en charge en psychomotricité 61

3.4 MONSIEUR M - UNE PRISE EN CHARGE EN URGENCE 64

3.4.1 Anamnèse 64

3.4.2 Traitements 64

3.4.3 Prise en charge en psychomotricité 65

4 DISCUSSION 69

4.1 PSYCHOMOTRICITE, CONTENTIONS ENVIRONNEMENTALES ET CONTENTION SYMBOLIQUE 69

4.1.1 La régression thérapeutique 69

4.1.2 La reconstruction 70

4.1.3 Les stimulations 71

4.2 PSYCHOMOTRICITE ET CONTENTIONS PHARMACOLOGIQUES 72

4.2.1 Potentialisation de l'effet du traitement psychotrope 72

4.2.2 La relaxation 73

4.2.3 Intérêts physiologiques 73

4.2.4 Reconstruction proprioceptive 74

4.3 PSYCHOMOTRICITE ET CONTENTIONS PHYSIQUES 75

4.3.1 Penser la contention 75

4.3.2 Reprise en équipe pluridisciplinaire 76

4.3.1 L'alliance thérapeutique 78

4.3.2 Prise en charge psychomotrices 78

4.4 CONCLUSION 80

5 BIBLIOGRAPHIE 82

8

6 ANNEXES 86

9

1 Introduction

J'ai découvert, dans le cadre de mon stage de dernière année au sein d'une Unité Intersectorielle de Soins Intensifs (UISI), les mesures de contention pratiquées en psychiatrie adulte. Cette unité accueille le débordement des patients venant déstructurer la relation, à un moment de l'expression de leur maladie, dite aiguë. J'ai tenté de réfléchir à ces mesures de derniers recours, leur apport et leurs indications avant de voir quelle place pourrait avoir le soin psychomoteur auprès de ces patients en crise.

Historiquement, les notions de contrainte, d'isolement et de privation de liberté des malades mentaux ont, dans un premier temps, servi à isoler le malade de la société. Elles ont évolué au fil des siècles vers des mesures moins fréquentes et à visée thérapeutique. La notion de contrainte est étroitement liée à la capacité de la société de contenir la folie. En effet, le débordement des patients garde en lui une part subjective, il dépend de l'interprétation de chacun et sa prise en charge est conditionnée par la capacité de l'institution à le tolérer ou non. C'est sans doute dans cet espace d»interprétation que nous pouvons transformer la violence en intensité et ainsi contenir tout en redonnant du mouvement. L'unité de soins intensifs a pour particularité de disposer de plusieurs formes de contention. Premièrement, la contention symbolique, définie par la loi et les règles de l'unité. Ensuite, la contention environnementale, correspondant aux moyens architecturaux mis en place pour restreindre les déplacements du patient, on peut citer l'unité fermée, mais aussi les chambres d'isolement. En outre, les contentions chimiques sont amenées par les traitement pharmacologique prescrits au patient. Et enfin, la contention mécanique vise, elle, à contraindre les mouvements du patient. Ces mesures dites de derniers recours sont encore aujourd'hui une source de questionnements et de réflexions importante pour tous les acteurs du domaine médical, paramédical, et plus encore, une grande préoccupation de la société.

Ma réflexion autour de ces différentes contentions se construit autour de plusieurs questionnements. Tout d'abord : quelles fonctions thérapeutiques ont chacune des contentions pour répondre aux débordements des patients ? Mais également, et surtout, quelle est la place de la psychomotricité en réponse à ces débordements ?

10

Après l'analyse des pratiques actuelles, nous réfléchirons à la possibilité de diminuer l'intensité de l'agitation des patients grâce au soins psychomoteur, pour raccourcir le temps de contention, pour qu'il soit non-traumatique et plus utile.

J'ai tenté d'y répondre en observant au quotidien l'effet de ces mesures sur les patients, le regard qu'ils portent sur ce moment une fois terminé et en participant aux réflexions cliniques avec les soignants. La pluridisciplinarité de l'équipe m'a permis de percevoir dans toutes les situations la multiplicité des visions et des opinions qui en découlent.

Pour ouvrir ma discussion, je me suis penchée sur les différentes places du psychomotricien dans chaque forme de contention. J'ai tenté de réfléchir aux intérêts des concepts psychomoteurs auprès des patients recevant un traitement psychotrope, ceux en chambre d'isolement et enfin ceux sous contentions mécaniques. Je me suis demandé quelle était l'importance de la réflexion autour du corps et des items psychomoteurs avec l'équipe. Durant les temps informels, les réflexions d'équipes, comment la psychomotricité peut-elle aider à penser le corps de ces patients en souffrance, et le faire exister ?

Nous cherchons à sortir de la sidération que provoque l'intensité dans laquelle ces patients se trouvent. Pour cela il faut penser leurs souffrances pour répondre plus humainement, en donnant un accompagnant adapté aux différentes mesures de contention et dans le but `arriver à s'approcher, tout en respectant la sécurité de chacun, redonner une dynamique de mouvement.

Ce sont les patients que j'ai rencontrés, luttant contre leur souffrance, se faisant déborder, parfois violemment, par des angoisses qu'ils ne peuvent ni contenir ni se représenter, qui m'ont amenée à penser et réfléchir ces mesures dites de dernier recours.

Problématique: Quelle place peut avoir le soin psychomoteur auprès du patient en soins intensifs en psychiatrie adulte ?

11

2 Théorie

2.1 L'Unité Intersectorielle de soins intensifs (UISI)

L'Unité Intersectorielle de Soins Intensifs (UISI) s'est construite sur la base d'une Unité de Soins Intensifs Psychiatriques (USIP). Ces USIP sont apparues en France à la fin du XXème siècle. L'étude menée par Antoine Deguillaume (2017), dénombre 17 USIP sur le territoire Français. Elles ont pour mission de délivrer des soins à des patients considérés comme « agités et perturbateurs », incapables de se maintenir en service d'admission et en raison du caractère aigu et transitoire de leurs symptômes. Ces unités sont conçues pour être les mieux habilitées à la prise en charge de l'hétéroagressivité et l'autoagressivité aigües. Le caractère intensif du soin apporté dans cette unité peut être mis en parallèle avec les soins intensifs d'autres spécialités (cardiologie, pneumologie, pédiatrie...), c'est le lieu pour gérer la crise. L'unité présente des critères similaires, à savoir, une forte densitéì médical et paramédicale de soignants, une surveillance rapprochée et continue des patients, une dispensation de soins réguliers et de qualitéì. Ce sont de petites unités, généralement de dix à quinze lits, permettant de délivrer des soins cadrants, étayants et sur une courte durée, maximum deux mois, dans un environnement fermé, sécuriséì et contenant peu de stimulation. Ce type de soin est étudiéì à l'étranger au travers des Psychiatric Intensive Care Units (PICU).

La particularité de l'UISI est d'accueillir des patients dits « à chaud », venant directement des unités d'accueil et d'urgence. A la différence des USIP qui reçoivent uniquement des admissions programmées et nécessitent de fournir un dossier de pré-admission ainsi qu'un engagement de reprise par le service d'origine (Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault, & Naudet, 2009, p. 141).

2.1.1 Historique

La création des USIP est une des réponses à la problématique de la violence en milieu psychiatrique. La réforme de 1972 des soins psychiatriques permise par l'introduction des neuroleptiques a conduit à une prise en charge de plus en plus diversifiée et ambulatoire. Elle s'est construite autour des Centres médico-psychologiques (CMP), des Centres d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), des Hôpitaux de jour (HDJ) et l'ouverture des unités d'hospitalisation dans une logique d'humanisation et de respect du patient. L'objectif de cette

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prise en charge étant de réduire les temps d'hospitalisation pour permettre aux patients de se réinsérer dans la société en construisant leur parcours de soins à l'intérieur de leur environnement d'origine.

Le guide méthodologique de la planification en santé mentale publie en 1977 les recommandations suivantes dans le Bulletin Officiel no 88-6 bis, « Dans chaque département au moins, une unitéì d'hospitalisation à temps complet doit être conçue pour recevoir, pour des séjours limités dans le temps, des patients agités et perturbateurs dont la prise en charge est provisoirement contre-indiquée dans les unités d'hospitalisation des secteurs, mais qui ne relèvent pas pour autant d'une Unité pour Malades Difficiles (UMD) » cité par (Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault, & Naudet, 2009). Cette unité est donc orientée pour recevoir une symptomatologie particulière et non des pathologies.

2.1.2 Description de l'unité

L'architecture et l'organisation de l'environnement dans l'unité sont des éléments essentiels au bon fonctionnement thérapeutique du soin intensif en psychiatrie. Il est indispensable pour pouvoir accueillir des patients en soin sans consentement que l'unité dispose d'un espace commun intérieur suffisant et également d'un espace extérieur. Le soin sans consentement se doit d'être pensé de façon à garantir l'intégrité et la dignité de la personne hospitalisée, ce qui impose de prendre en compte la qualité de vie et les conditions de sécurité que doit garantir l'unité. L'unité de soins intensifs se situe au sixième étage de l'hôpital qui bénéficie d'un sas d'entrée sécurisé et des mesures de contrôle d'identité. Elle se compose de 10 chambres dont 4 chambres d'isolement. Toutes les chambres sont disposées de part et d'autre d'un couloir traversant l'unité par son milieu. Les chambres d'isolement comportent trois points d'accès et disposent d'une grande fenêtre dont l'ouverture est limitée à 10 centimètres. Elles se composent d'un lit scellé au sol au centre de la pièce afin de pouvoir circuler et dispenser les soins, d'une salle de bain pouvant être fermée à clé si besoin contenant un sanitaire, un lavabo et une douche. Le reste de l'unité est composé d'une salle commune (télévision, et salle à manger), une terrasse, un poste de soins, une salle de pause pour le personnel, deux vestiaires, deux bureaux de consultation, le bureau du cadre de santé de l'unité, un salon dédié aux familles, une salle de sport, une salle de bain avec une baignoire et une salle de psychomotricité.

13

2.1.3 Description des professionnels de l'unité et organisation

du service

L'unité est sous l'autorité du chef de service assisté d'un cadre de santé. Ils assurent la coordination avec les services d'origine des patients, et garantissent la bonne mise en oeuvre du projet de soins individuel du patient. L'équipe pluridisciplinaire associe psychiatres, internes en psychiatrie, infirmiers, aides-soignants, agents des services hospitaliers (ASH), psychologues, secrétaires, un psychomotricien et un cadre de santé pour permettre la prise en charge globale de chaque individu. Le ratio patient/soignants est supérieur aux unités fonctionnelles classiques pour favoriser la dimension relationnelle du soin. Cette unité contient 33 Équivalents Temps Plein (ETP) pour 10 patients contre 37 ETP pour 22 patients en moyenne dans une unité de secteur. La cohésion de l'équipe mais également le travail en concertation sur l'orientation et la réflexion du projet thérapeutique de l'unité, permettent d'apporter un soin étayant, contenant et sécurisant aux patients.

L'équipe pluridisciplinaire travaille en collaboration avec les soignants des unités d'hospitalisation de secteur des patients. Le volet social est assuré par les assistantes sociales du secteur d'origine pour maintenir l'avancée du projet. Elles sont sollicitées si le patient en fait la demande pour continuer à construire son projet de vie. La collaboration avec les différentes unités des secteurs de psychiatrie favorise l'alliance thérapeutique tout au long du parcours de soins. La dynamique institutionnelle doit être étayante pour le patient, pour cela il est important que tous ses acteurs portent un projet commun pour le patient. Ce projet est discuté au cours des synthèses d'hospitalisation ou des réunions hebdomadaires dites de concertation, où se rencontrent l'équipe soignante de l'USI et celle de l'unité d'hospitalisation de secteur du patient. Elles permettent un partage et un retour d'informations concernant le patient.

2.1.4 Critères d'indications et patients accueillis

L'USIS permet de recevoir et de gérer la crise. Elle reçoit des patients en fonction de leur symptomatologie plutôt que des pathologies spécifiques. Elle est adaptée à recevoir des patients « agités et perturbateurs », qui ne peuvent pas être accueillis dans une unité d'hospitalisation de secteur classique, en raison du caractère aigu de leurs symptômes. C'est l'intensité des symptômes, l'agitation, le déni de leur maladie (anosognosie) avec refus de soins, l'intolérance

14

à la frustration, les passages à l'acte hétéro- et auto-agressifs et le risque de fugue qui vont rendre nécessaire l'admission des patients à l'UISI.

L'unité permet également d'accueillir des patients en séjour de rupture lors d'une impasse thérapeutique ou en cas de crise institutionnelle. Cette mesure permet aux équipes des unités de secteurs de se mettre à distance du patient après un passage à l'acte pour pouvoir continuer sa prise en charge dans les meilleures conditions possibles. Dans le cas d'une impasse thérapeutique, le patient bénéficie du cadre étayant de l'unité et d'ajustements thérapeutiques, le temps que son unité de secteur puisse repenser son projet de soins.

L'UISI est une unité intersectorielle fermée accueillant uniquement les patients relevant d'une hospitalisation sans consentement conformément à la loi du 5 juillet 2011. Ces hospitalisations sont faites, à la demande d'un tiers (SPDT), à la demande d'un tiers en urgence (SPDTU), pour péril imminent (SPPI) ou à la demande d'un représentant de l'état (SPDRE). Ces modes d'hospitalisation peuvent entrainer de la confusion chez les patients sur l'origine de l'hospitalisation. Bien qu'elle soit « à la demande » d'une personne (tiers ou représentant de l'État), ce sont bien les médecins psychiatres qui décident, au vu des éléments cliniques, d'une hospitalisation. Et c'est parce que l'hospitalisation complète constitue une véritable mesure de privation de liberté, que la loi prévoit le contrôle systématique par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) de ces mesures d'hospitalisation. Il doit statuer sur la conformité administrative de la procédure engagée par les psychiatres. Les patients peuvent être adressés directement par les services d'urgence des hôpitaux généraux (SU), les centres d'accueil et de crise (CAC, CAP, UAI et UIA), le Centre Psychiatrique d'Orientation et d'Accueil (CPOA), l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police (IPPP), ou par les unités d'hospitalisation de secteur.

2.2 Les maladies Psychiatriques

Selon le diagnostic primaire de la Classification Internationale des Maladies, 10ème révision (CIM-10), l'UISI accueille principalement des patients souffrant de troubles mentaux et du comportement (World Health Organization, 2016). Ce chapitre de la CIM-10 regroupe les schizophrénies et troubles délirants, les troubles de l'humeur et les troubles liés à l'utilisation de substances psychoactives. Nous aborderons spécifiquement la schizophrénie et les troubles bipolaires qui sont les pathologies psychiatriques les plus fréquemment rencontrées dans l'unité.

15

2.2.1 Les troubles schizophréniques

Les troubles schizophréniques sont multiples et appartiennent aux psychoses chroniques, ils se caractérisent par la perte de contact avec la réalité et souvent une anosognosie. Le terme de schizophrénie vient du grec « schizein », signifiant séparer et « phrèn » désignant l'esprit. Il convient d'envisager la maladie comme la résultante de l'interaction de plusieurs facteurs, génétiques, environnementaux, psychosociaux et biologiques (toxiques, agents traumatiques). On distingue deux types de symptômes dans les troubles schizophréniques. Les symptômes dits positifs correspondant à la reconstruction délirante du monde par le patient, et qui ne sont pas observés chez les personnes en bonne santé. Les symptômes dits négatifs, correspondent à un affaiblissement des capacités psychologiques normalement présentes comprenant, dépression, autisme, repli sur soi. Souvent les deux types de symptômes coexistent et leur prédominance va influencer le choix des traitements. Concernant son diagnostic les psychiatres s'appuient sur deux manuels, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, en anglais Diagnostic et Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5, 2013) et la Classification Internationale des Maladies, 10ème révision (CIM-10, 2016)1.

D'après le DSM-5 (2013), le diagnostic de troubles schizophréniques se fait par un psychiatre, et nécessite la présence d'au moins deux des symptômes suivants : présence d'idées délirantes, d'hallucinations, d'un discours désorganisé, d'un comportement désorganisé ou catatonique, d'un retrait, de symptômes négatifs et d'autisme, durant une période d'au moins un mois.

La CIM-10 (2016) place le syndrome dissociatif au centre de la symptomatologie. Il comprend la dépersonnalisation qui se définit par une étrangeté à soi-même. Des troubles du cours de la pensée tels qu'une pensée dissociée, un discours désorganisé, des phrases sans cohérence, des persévérations verbales, des barrages schizophréniques2, un fading mental3 et une accélération de la pensée. Des troubles des affects tel qu'un émoussement des affects (athymhormie) qui se caractérisent par une perte de l'élan vital, un manque de désir, une dévitalisation. De l'ambivalence où chaque pulsion traduit à la fois un sentiment et son contraire. Une discordance affective entre le discours et l'expression des émotions. Nous retrouvons également des troubles

1 Annexe 3

2 Éclipse de la pensée se traduisant par l'interruption momentané du discourt

3 Le débit et le volume de la voix ralenti traduisant un essoufflement de la pensée

16

corporels comme la catatonie4, des raideurs corporelles, des stéréotypies5, une déambulation incessante, des paramimies6 comme par exemple des sourires immotivés, un maniérisme7 et une échopraxie8.

La CIM-10 (2016) distingue plusieurs formes de troubles schizophréniques, classées en fonction de l'expression de la symptomatologie associée. La schizophrénie simple où les symptômes négatifs sont au premier plan. La schizophrénie paranoïde, la forme la plus fréquente est caractérisée par un délire polythématique9 souvent sous-tendu par des hallucinations. Dans la schizophrénie catatonique, le patient est figé, il présente une absence de mouvements volontaires, il est généralement mutique ou répétant les mêmes phrases. La schizophrénie dysthimique aussi appelée troubles schizo-affectifs, présente au moment aigu de l'expression des troubles des symptômes dépressifs avec risque suicidaire ou au contraire, des symptômes maniaques. La schizophrénie pseudo-psychopathique ou héboïdophrénique se caractérise par un comportement antisocial : agression, délinquance, toxicomanie. Alternant des phases délirantes avec impulsivité, risques de passage à l'acte très violent et la présence de symptômes dissociatifs comme une froideur affective. La schizophrénie hébéphrénique présente souvent peu de délire, les malades vivent dans un repli profond, ont un langage incohérent et paraissent indifférents au monde extérieur malgré une forte anxiété.

2.2.2 Les troubles bipolaires

Les troubles bipolaires désignent des troubles de l'humeur cycliques, avec une alternance d'accès mélancoliques et d'accès maniaques. Selon la durée et l'intensité des phases mélancoliques et maniaques on peut répertorier plusieurs troubles bipolaires, les types 1, 2, 3 ainsi que les cycles rapides et les mixtes.

L'accès mélancolique est une forme sévère de dépression caractérisée par une grande tristesse, une asthénie10, un ralentissement psychomoteur, une dévalorisation, une anhédonie11, une perte

4 Caractérisé par des périodes de passivité et de négativisme alternant avec des excitations soudaines

5 Répétition d'un ou plusieurs gestes ou mots sans but utile ni intention significative

6 Mouvements du corps discordants par rapport aux affects

7 Identification à des manières sociales qui ne correspondent pas au sujet

8 Imitation, répétition des mouvements de son interlocuteur

9 Concernant plusieurs thèmes

10 Grande fatigue

11 Perte d'intérêt et de plaisir

d'appétit, des troubles du sommeil (insomnie du petit matin), une anxiété, une somatisation, un monoïdéisme12, une bradypsychie13, une bradyphémie14, des troubles de l'attention, de la mémoire et de la concentration, une hypomimie15, une incurie. Les symptômes atteignent leur paroxysme le matin et diminuent parfois au cours de la journée.

L'accès maniaque provoque une perte de contact avec la réalité et une anosognosie, il est caractérisé par une excitation psychique, motrice et une exaltation thymique16. Une tachypsychie17 comprenant des idées extrêmement rapides, une fuite des idées, passage du coq à l'âne, et une logorrhée18 intarissable. L'excitation motrice se traduit par une agitation motrice stérile, une hyperactivité, une déambulation nocturne, une désinhibition, des achats inconsidérés et une instabilité motrice. Tandis que l'exaltation thymique aussi appelée euphorie se traduit par un ludisme19, un sentiment de toute puissance, une extravagance physique, une impudeur, une hypermimie, une hyperhédonie20 et une mégalomanie (Vidal, 2019).

2.2.3 Traitements pharmacologiques

Les traitements pharmacologiques les plus prescrits à l'UISI sont les neuroleptiques, les thymorégulateurs, les anxiolytiques, les hypnotiques et les antiparkinsoniens.

Les neuroleptiques sont des médicaments psychotropes, le premier, découvert en 1951 par Henri Laborit est la chlorpromazine. Ils agissent principalement sur l'état du système nerveux central au niveau de la transmission synaptique, ils ont une action antagoniste en bloquant les récepteurs à la dopamine, notamment les récepteurs D2. Ils peuvent également avoir une action sur les systèmes noradrénergiques, sérotoninergiques, histaminiques, et cholinergiques, leur pharmacodynamie est détaillée en annexe21. « [Le système dopaminergique] joue un rôle dans la régulation de la vie émotionnelle et le contrôle de la motivation, dans la modulation de la perception, ainsi que dans l'organisation des comportements adaptatifs. Ces domaines sont

12 Incapacité à penser à plusieurs choses en même temps

13 Ralentissement psychique, des pensées

14 Ralentissement du débit verbal

15 Faciès figé

16 Concernant l'humeur

17 Excitation psychique

18 Flux de paroles

19 Joueur, blagueur

20 Plaisir excessif

21 Annexe 2

17

18

perturbés dans la psychose qui est la première indication de l'utilisation des neuroleptiques. Le système dopaminergique joue également un rôle dans le contrôle de la motricité et dans l'inhibition de la sécrétion de prolactine, à l'origine des effets secondaires de certains neuroleptiques. ». (Franck & Thibaut, 2005, p. 1). Il existe quatre grandes propriétés des neuroleptiques avec un tropisme22 plus ou moins important en fonction des molécules et des doses utilisées : sédatif, anti-productif (action sur les symptômes positifs), anti-déficitaire (action sur les symptômes négatifs) et atypiques.

Les neuroleptiques sédatifs (et anti-productifs à fortes doses) : largactil®, tercian®, nozinan®, zyprexa®, loxapac®, vont être efficaces sur l'agitation et l'angoisse. Ce sont les neuroleptiques les plus antinoradrénergiques et antihistaminiques ce qui leur confère une action sédative marquée. Leurs effets anticholinergiques contrebalancent l'émergence des effets extrapyramidaux.

Les neuroleptiques anti-productifs aussi dit incisifs : haldol®, piportil®, modecate® théralène®, agissent en réduisant la symptomatologie délirante et les hallucinations, ils ont une action au bout de quelques jours à quelques semaines selon les molécules et s'accompagnent d'un effet sédatif secondaire et d'un effet désinhibiteur secondaire également. Ils ont des effets antidopaminergiques puissants, non compensés par leur très faible effet anticholinergique et ont donc une forte action antiproductive mais également des effets neurologiques puissants.

Les neuroleptiques anti-déficitaires aussi appelés désinhibiteurs : solian®, dogmatil®, fluanxol®. Ils agissent en réduisant l'apragmatisme, l'athymhormie et le ralentissement psychomoteur.

Les neuroleptiques atypiques ont, eux, une action anti-productive et anti-déficitaire marquée : leponex®, abilify®, risperdal®.

Les thymorégulateurs, aussi appelés normothymiques ou stabilisateurs de l'humeur, sont des psychotropes prescrits dans le traitement préventif et curatif des troubles de l'humeur. Il en existe de plusieurs types, le choix sera motivé par les symptômes observés mais également en prévention d'éventuels effets indésirables. Les principaux thymorégulateurs sont les sels de lithiums : téralithe® souvent utilisé en traitement de fond. D'autres types sont utilisés comme les antiépileptiques : tégrétol®, dépamine®, dépakote®, lamotrigine®, ou encore les neuroleptiques atypiques : le zyprexa®, xeroquel®, risperdal®, abilify®.

22 Réaction d'orientation orientée

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Les anxiolytiques forment une classe de médicaments principalement constituée par des benzodiazépines. Ils ont une action tranquillisante, myorelaxante, anticonvulsivante et parfois hypnotique. La prescription doit être limitée dans le temps et avec une posologie adaptée, le risque de dépendance physique et psychique est important, l'arrêt de ce traitement doit donc être progressif. Les principaux anxiolytiques de la famille des benzodiazépines sont le valium®, le lexomil®, le xanax®, le seresta®, le tranxène®, le lysanxia®, et Il existe également d'autres types d'anxiolytique comme l'atarax® qui est un antihistaminique.

Les hypnotiques sont des médicaments visant à lutter contre l'insomnie. Ils peuvent aider à l'endormissement et au maintien du sommeil. Les principaux hypnotiques sont le théralène® (neuroleptique), le rohypnol®(benzodiazépine), le stilnox® et l'imovane®.

Les «correcteurs» antiparkinsoniens sont indiqués pour corriger le syndrome parkinsonien provoqué par les neuroleptiques. Le syndrome parkinsonien se manifeste chez certains patients par des tremblements, des contractures, des crampes et des mouvements involontaires (au niveau du visage, du corps, des jambes) qui peuvent être inconfortables et douloureux. Les principaux antiparkinsoniens correcteurs sont l'akineton®, l'artane®, le lepticur® et la parkinane-lp®.

Les traitements peuvent être administrés par voie orale (gouttes, cachets), ce qui permet d'adapter aisément les dosages pendant les périodes d'introduction de nouveaux traitements ou d'ajustement, certains peuvent également être administrés par voie injectable. Une des contrainte du mode de placement sous contrainte des patients est la prise obligatoire du traitement. Ainsi, si le patient le refuse, il sera alors délivré sous forme injectable. L'unité permet ainsi une meilleure surveillance de l'observance.

2.2.4 Symptomatologie psychiatrique à l'UISI

Les patients accueillis à l'UISI ont en commun le caractère aigüe de leurs symptômes. C'est l'intensité des symptômes qui rend nécessaire la prise en charge dans une unité fermée et contenante. Nous utilisons les termes d'intensité et de débordements pour enlever le caractère projectif que suggère l'emploi du terme « violent ». Cette façon de penser la symptomatologie du patient permet de rester en contact avec lui au lieu de provoquer une mise à distance. La proposition de ma collègue Marion Lefèvre, avec qui j'étais en stage à l'UISI, dans son mémoire « Boxe, psychomotricité et troubles psychiatriques », est une réflexion autour du

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contrôle de cette intensité. Les symptomatologies indiquées pour l'unité sont les « troubles du comportements » qui comprennent différents versants comme l'agitation, la désorganisation et les passages à l'acte hétéro- et auto-agressif.

L'agitation est un trouble du comportement qui se caractérise par une hyperactivité psychomotrice désordonnée, pathologique et inadaptée. On peut différencier plusieurs types d'agitations selon la symptomatologie associée. L'agitation confuse s'accompagne de symptômes comme la désorientation temporo-spatiale, troubles de l'attention, propos incohérents et altération de la vigilance. Elle est symptomatique d'une perte de sens de la réalité pour le patient.

Madame A. présente une agitation psychomotrice, elle court dans le couloir de l'unité sans pouvoir s'arrêter, cette agitation continue en chambre d'isolement où elle fait le tour de son lit, pratique des exercices de musculations sans jamais pouvoir se reposer et trouver le sommeil. Elle est également confuse, ne retrouvant pas sa chambre et tient des propos incohérents.

L'agitation délirante est la plus fréquente, elle s'observe chez les sujets qui présentent un délire envahissant. On peut observer une attitude de fuite, méfiance, défense avec des réactions aux stimulations par une agitation psychomotrice voir de l'agressivité. Cette agitation va mettre en mouvement le corps sans réel cohérence et s'accompagne d'une grande angoisse.

Madame D. est une patiente délirante et paranoïaque. Elle est accueillie dans l'unité suite à des troubles du comportement dans son unité de secteur. Persuadée, qu'elle est enceinte, dans un moment d'angoisse, elle a entièrement détruit le mobilier de sa chambre et menacé l'équipe de son unité de secteur avec un bout de bois. Elle justifie son comportement de façon peu cohérente en disant qu'elle voulait protéger son enfant.

Certains patients présentent une agitation de type maniaque, on retrouvera alors des symptômes de la manie comme une agitation psychomotrice, euphorie, logorrhée, insomnie sans fatigue et distance relationnelle inadaptée.

La désorganisation fait partie de la symptomatologie du syndrome dissociatif que l'on retrouve dans la schizophrénie. Elle peut également être consécutive à une consommation de toxique, un manque de sommeil ou encore un accès maniaque. Cette désorganisation peut s'observer sur plusieurs plans, d'une part une désorganisation idéo-verbale, on retrouve une absence de lien logique entre les propos, passage du coq à l'âne, relâchement des associations.

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Sur le plan thymique, les affects sont fluctuants et imprévisibles, on peut parler d'ambivalence affective, d'émoussement affectifs, ou d'athymhormie. Au niveau comportemental, on note des gestes étranges, maniérés, incohérents, désorganisés et stériles.

Monsieur K. est un patient désorganisé, son discours est incompréhensible et très empreint de son délire, marqué par un relâchement des associations sans aucun lien logique. Il est ambivalent et présente une fluctuation émotionnelle (rires aux larmes en quelques secondes) et une gestuelle étrange. Parmi les manifestations de sa désorganisation comportementale, on peut observer au moment du repas qu'il mélange tous les ingrédients, ou encore qu'il jette régulièrement les draps ou son pyjama par la fenêtre.

Les passages à l'acte auto- ou hétéro-agressif désigne une certaine forme impulsive d'agir, souligné par la violence et la brusquerie de la conduite. Ils peuvent être dirigés contre soit (suicide, mutilations) ou contre autrui (agressions). Ces types de passage à l'acte sont souvent dues à une agitation délirante, un refus de soins avec déni des troubles, un automatisme mental ou encore une intolérance à la frustration.

Monsieur A. est accueilli pour troubles du comportement sur une versant auto-agressif et hétéro-agressif. Dans un moment d'énervement, il a violement poussé sa soeur et pour éviter de frapper sa mère, il aurait frappé dans un mur en se blessant le poignet. Le coup était assez violent pour nécessité une opération avec la mise en place de broches métalliques et d'un plâtre. Arrivé dans l'unité, en chambre d'isolement, il frappe dans la porte avec son bras plâtré et se blesse à nouveau, déplaçant les broches et nécessitant une nouvelle opération.

2.3 La contention en psychiatrie

La contention est une « Restriction, à des fins thérapeutiques, de l'espace évolutif d'un malade atteint de troubles mentaux. » (Palazzolo, Lachaux, & Chabannes, 2000, p. 90). On peut comprendre que cette mesure soit prise dans un but thérapeutique et englobe plusieurs formes de contentions. Restreindre l'espace évolutif d'un patient peut se faire de façon pharmacologique, environnementale ou encore physique. Cette notion de privation de liberté est encadrée par la loi (LOI n° 2011-803 du 5 juillet 2011) relative aux droits et à la protection

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des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. La contrainte imposée par la loi concernant les démarches administratives, les mesures de surveillance des patients et les temps de reprise en équipes sont en miroir de la contrainte imposée au patient.

2.3.1 La contention - aspect règlementaire

Les deux indications de la Haute Autorité de Santé pour la contention sont l'hétéro- et l'autoagressivité majeures et non maîtrisables par d'autres moyens thérapeutiques. Nous pouvons citer ces autres moyens thérapeutiques tels que la parole et l'alliance thérapeutique avec les soignants, la contenance de l'équipe soignante formée à ces situations de gestion de la violence et un traitement sédatif efficace.

Nous pouvons décrire trois principales situations menant les patients à l'hétéroagressivité ou l'autoagressivité. La première situation concerne les patients « pour qui un recours à l'agir et notamment à l'autoagressivité qui est devenu un mode d'expression préférentiel [...] et l'unique moyen de gérer leurs angoisses et leurs frustrations. » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 842)

Madame B. est une patiente de 25 ans en décompensation maniaque. Particulièrement intolérante à la frustration et avec une grande labilité thymique, chaque émotion la conduisait à frapper sur la porte de sa chambre de façon sthénique, faisant abstraction des risques de dommages corporels auxquels elle s'exposait. La pose des contentions lui a permis de prendre le temps de repérer ses émotions et de faire appel à ses ressources pour reconstruire une contenance interne.

La deuxième situation concerne les patients schizophrènes sous l'emprise d'un syndrome délirant (éléments étrangers dans le corps etc...). Ils peuvent se blesser dans le but d'extraire ces éléments étrangers dans leur corps. La dernière situation concerne les patients sous l'emprise d'un automatisme mental qui les pousse à se mettre en danger ou à mettre en danger autrui (Azoulay & Raymond, 2017, p. 842).

Monsieur D. est un patient de 20 ans. Lors de sa première décompensation, il vivait dans un petit appartement avec son frère. Il présentait des hallucinations acoustico-verbales qui lui répétaient de « tuer ». Il s'est alors enfermé dans la salle de bain tentant de calmer ses hallucinations. Cependant son frère força la porte de la salle de bain et monsieur D poussé par ses hallucinations lui asséna plusieurs coups de cutter jusqu'à ce que la lame se casse.

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Les recommandations de la Haute Autorité de Santé semblent circonscrire la contention physique à une mesure de sécurité ou de prévention, sans lui reconnaître de fonction thérapeutique propre. Mais « protéger les patients de ces violences qu'elles soient dirigées contre lui-même ou contre autrui, ne fait-il pas déjà partie du prendre soin ? » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 843). Ces passages à l'acte violents sont, en psychiatrie, symptômes d'angoisses paroxystiques, de frustrations ingérables, de délire envahissant et suppriment tout libre arbitre des patients. Il est important de s'interroger sur la fonction des contentions pour éviter les dérives. Cependant s'interroger sur la dimension thérapeutique et leur « bonne utilisation » demande plus d'effort que de simplement les condamner au vu des dérives.

2.3.2 La contention - aspect clinique

La tendance actuelle est à la polémique autour de la contention physique, cette pratique pose question principalement vis-à-vis de la liberté et des droits fondamentaux des patients. Vécue par la société comme une sanction ou une punition, la contention est avant tout un soin. Comme le rappel bien M. Azoulay et S. Raymond (2017), il s'agit de ne pas oublier « qu'un trouble psychiatrique sévère et décompensé est la première atteinte aux libertés et au libre arbitre de nos patients. » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 842). En France, l'hospitalisation sans consentement est une mesure conçue pour garantir l'accès aux soins des personnes qui n'auraient pas accès à leur libre jugement, ce qui fait partie des Droits fondamentaux de l'Homme.

Plusieurs praticiens hospitaliers se sont penchés sur la question de la contention du point de vue du vécu du patient. L'étude réalisée par R. Carré, A-H. Moncany, L. Schmitt et R. Haoui, (2017), montre que les patients aimeraient une meilleure continuité du lien relationnel pendant les temps de contention et également être impliqué dans la prise de décision. On perçoit bien la complexité de cette demande de vouloir être impliqués dans les soins au moment où le patient a perdu son discernement, c'est là toute la difficulté de cette pratique.

2.3.3 La contention symbolique

Le cadre juridique de l'hospitalisation sous contrainte est déjà ici une forme de contention symbolique imposée au patient au sens où il perd sa liberté de libre circulation et doit se conformer aux règles du service (pyjama, absence d'affaires personnelles, cigarette distribuée à heures précises). Ceci dans le but, d'une part de le protéger et d'autre part de pouvoir lui apporter les soins dont il a besoin malgré son manque de discernement. Globalement tout passe par une demande aux soignants. Ce lien de dépendance favorise la régression et le contact maternant de l'équipe. Nous savons que l'homme se construit dans le contact avec l'autre (la mère). C'est en cela que la contention symbolique permet une régression et la mise en oeuvre d'outils dans le contact avec l'autre, pour une reconstruction plus efficace.

2.3.4 Les contentions chimiques

La contention chimique ou pharmacologique consiste en l'administration d'un traitement médicamenteux, le plus souvent sédatif, anxiolytique ou antipsychotique. Ces traitements ont pour but de répondre aux symptômes du patient et à leur intensité de la manière la plus adaptée possible. Nous pouvons noter plusieurs types de contentions chimiques, d'une part les traitements sédatifs dont les anxiolytiques et les neuroleptiques sédatifs qui vont inhiber la transmission de l'influx nerveux. Ils auront un effet anxiolytique et une réduction de l'agitation grâce à un effet myorelaxant23 et une diminution de la conscience et de la vigilance. D'autres part les neuroleptiques antipsychotiques (ou incisifs) qui vont induire un bouleversement sensoriel pour le patient. La perception, qu'elle soit efficace ou non, se construit à partir des informations que le cerveau reçoit du système sensoriel et de leur mise en relation. Elle va permettre de se représenter le monde et de pouvoir être en contact avec celui-ci. Cette construction, si elle est inefficace, devient pathologique et ne peut pas permettre de s'épanouir avec son environnement. Ce moment de bouleversement sensoriel modifie le rapport au monde et peut donc être très déstabilisant. La modification sensorielle a pour but de rapprocher la perception du patient d'une réalité commune, qu'elle soit plus efficace. Pourtant ces modifications peuvent induire une lutte pour le patient entre ce qui est « moi » et « non moi ».

23 A pour effet de décontracter les muscles.

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La thérapie quelle qu'elle soit est le point d'appui qui permettra au patient de reconstruire son « moi » autour des éléments de la réalité.

Cependant les contentions chimiques comportent de nombreux risques et nécessitent une surveillance cardiaque et celle de la numération et de la formule sanguine (NFS)24. Les traitements peuvent induirent une somnolence, des troubles de la marche avec risque de chute, un accident vasculaire cérébral, une déshydratation, et un syndrome malin pouvant engager le pronostic vital (hyperthermie, rigidité musculaire, perturbation du système nerveux autonome, troubles délirants). Les traitements sont donc toujours prescrits en fonction de la balance bénéfice/risque. Chaque traitement doit avoir un bénéfice pour le patient supérieur aux risques qu'il entraine.

2.3.5 Les contentions environnementales

La contention environnementale comprend l'ensemble des moyens architecturaux qui permettent de limiter l'espace géographique dans lequel une personne peut se déplacer. La structure de l'hôpital avec son sas d'entrée, les portes des services, des différentes pièces et des chambres fermées à clefs sont autant de formes de contention. Ces contentions viennent structurer un espace pour le sécuriser et donner les moyens à l'institution d'être contenante et rassurante. Le service fermé de psychiatrie est donc une contention environnementale qui impose au patient un isolement de son environnement habituel et de multiples stimulations désorganisatrices, anxiogènes ou persécutives qu'il contient. L'utilisation de la chambre d'isolement est une mesure supplémentaire d'isolement dans la situation ou le service fermé ne suffirait pas à contenir le patient. Elle a pour but de limiter de façon considérable la mobilité du patient et réduit ainsi son potentiel de dangerosité.

Cependant, J. Dubreucq (2012) dans sa thèse met en avant que selon lui, la contention psychique entraînée par la contention environnementale et/ou physique a probablement l'effet thérapeutique le plus important. « En effet, cette contention psychique de l'agitation est de nature double : d'une part elle entraine une réduction massive des stimuli externes potentiellement persécuteurs mais aussi une régression infantile importante par la dépendance

24 Analyse quantitative et qualitative des éléments figuré du sang.

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massive qu'elle induit dans la relation entre le patient et les équipes soignantes, dont il est totalement tributaire pour la satisfaction de ses besoins. » (Dubreucd, 2012, p. 51).

Au vu de cette régression la dépendance créée par les contentions et le cadre de l'unité, amène une relation des équipes avec le malade, qualifiée de maternante par Palazzolo (2000). On peut donc faire un parallèle avec la relation maternante de la mère avec son enfant au cours de la petite enfance où c'est elle, qui sert de pare-excitation contre l'angoisse générée par le monde extérieur. C'est la mère qui, selon Bion, psychiatre et psychanalyste britannique, de par sa capacité de rêverie, pensera les sensations de son enfant, pour qu'il puisse les reprendre secondairement. « [...] la régression infantile générée par le placement en chambre d'isolement pourrait, dans ce cadre, permettre au patient de recréer un lien rassurant, stable, régi par des règles claires [...] avec le monde extérieur lui permettant ainsi par la suite de réintégrer la communauté. » (Dubreucd, 2012, pp. 51-52). Cette régression nécessite que l'équipe mettre en place une relation avec le patient lui permettant d'avoir les outils pour retrouver son autonomie. On peut noter à ce propos que Freud (1926) montrait déjà, une association dans les rêves entre la vision d'une chambre et la symbolique maternelle, ce lieu était donc assimilable selon lui à l'utérus maternel (Dubreucd, 2012).

2.3.6 Les contentions mécaniques

La contention mécanique25 est une mesure d'exception qui vise à répondre à des états d'agitation extrême. Elle est limitée dans le temps et découle d'une prescription médicale après concertation pluriprofessionnelle. Elle impose une surveillance et un accompagnement intensifs, ainsi qu'un traitement sédatif systématique. Les contentions mécaniques doivent être posées dans une chambre d'isolement prévue à cet effet qui doit préserver l'intimité du patient et favoriser le repos et l'apaisement. La pose des contentions doit également être accompagnée d'une verbalisation au patient des raisons de leur nécessité et des conditions de leur levée. On peut également observer dans la pratique que le placement en chambre d'isolement et parfois la pose des contentions mécaniques peuvent être demandés par le patient lui-même lorsqu'il se sent débordé par sa propre agitation ou par les tensions internes qui lui font ressentir qu'il pourrait commettre un passage à l'acte violent. C'est une demande de cadre, d'une autorité que

25 Illustré en Annexe 4

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l'on peut appeler paternelle, qui lui imposerait des limites protectrices qu'il n'est pas en mesure de mettre en oeuvre seul.

Monsieur A. est un patient ayant un recours privilégié à l'agir pour gérer ses frustrations et ses émotions. Il se trouve actuellement en chambre d'isolement avec des temps d'ouverture. Durant un temps d'ouverture de la chambre d'isolement il sent l'énervement le gagner. Ses tentatives de retourner au calme dans sa chambre sont mises en échec par son agitation motrice. Il demandera alors à l'équipe un traitement sédatif dit « si besoin » et la pose de contentions mécaniques. Elles seront enlevées au bout d'une heure, après le retour au calme du patient.

C'est aussi un moyen de rétablir un échange, une communication quand les patients sont inaccessibles de par leur comportement et s'efforcent de détruire les liens que les soignants tentent de créer. Cette mesure vise à aider le patient à repérer son aspect bénéfique, le pousser à élaborer et faire appel à une contenance interne plutôt qu'à cette contenance externe. Il s'agit de se servir de cet outil pour les aider à trouver et construire des stratégies alternatives à l'agir.

Pour que la pratique de la contention relève du soin et non pas de l'acte automatique ou d'une simple réponse à une situation définie, il s'agit de créer des temps d'élaboration en équipe autour de chaque contention. Prendre le temps de partager son ressenti, de discuter des gestes, des paroles qui ont été choisies par l'équipe pour accompagner ce moment est indispensable à la fonction de soin de cette mesure. Comment pouvons-nous être contenant avec cette pratique si nous ne sommes pas certains de son effet thérapeutique ? Mais également, si nous ne prenons pas le temps d'exposer à nos collègues nos doutes et nos craintes, nos incertitudes pour pouvoir élaborer ensemble sur ces questions. Sans une remise en cause constante de nos pratiques le risque est à l'automatisation des réponses et la mise à distance de nos questionnements et de nos affects, pourtant indispensables pour penser le soin avec bienveillance. Le risque est également de ne pas se rendre compte de la fonction des contentions mécaniques lorsqu'elles font partie de notre quotidien et d'en repousser les indications.

L'accompagnement continu de l'équipe soignante durant la période de contention physique est également ce qui donne du sens à la contention. Paul Sivadon (1965) l'a souligné en disant que la proximité attentive des soignants, pendant les temps d'isolement et de contention apporte à la contrainte sa dimension de soin. Ce sont ces moments de proximité de la vie quotidienne que

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sont les repas, les soins d'hygiène, les traitements, mais également tous les moments informels qui peuvent créer du lien entre les soignants et le patient.

Les risques liés aux contentions physiques sont nombreux et s'ajoutent aux risques des traitements pharmacologiques. Nous pouvons noter la présence de plusieurs types de risques : les risques physiologiques liés à l'immobilisation du patient dont, les risques de constipation, de déshydratation, d'hypotension orthostatique, d'escarres ou encore d'infection. S'ensuivent les risques de traumatismes physiques liés au matériel utilisé, comme les sangles qui compriment un membre quand le patient s'agite ; et enfin des risques psychologiques comme l'apparition ou l'aggravation d'un état confusionnel, ou d'agitation. Ou encore l'apparition d'un syndrome d'immobilisation qui amène le patient à une régression psychomotrice avec une incontinence sphinctérienne vésicale et anale, un ralentissement idéatoire, une diminution de la capacité d'initiative, des troubles de la mémoire, et une recherche de la dépendance (dont l'incapacité à manger seul, un langage enfantin ...).

Au vu de ces éléments nous pouvons convenir que la pratique de la contention doit être utilisée comme une mesure d'exception. Et qu'il est nécessaire de réfléchir aux différents moyens pouvant diminuer le temps de contention du patient pour limiter ces risques. Peut-être que la psychomotricité est la profession la plus adaptée pour accompagner un patient sous contention ou en chambre d'isolement. C'est un moment ou le langage amène à une relation de confrontation. L'approche et l'intérêt que l'on porte au corps amène une relation plus apaisée. On sera plutôt un allié, un tiers dans la relation du patient avec son corps, un point d'appui pour rétablir cette relation.

2.4 Apports du soin psychomoteur

Quelle est la place de la psychomotricité auprès du patient en psychiatrie adulte ? Le psychiatre Alexandre Christodoulou (2006), se base sur son expérience de praticien qui prescrit la psychomotricité pour répondre à cette question. L'évaluation psychomotrice à un intérêt spécifique, l'aide au diagnostic psychiatrique. Le discours du patient ne reflète pas toujours sa réalité et l'approche par la médiation corporelle met en jeu d'autres éléments à travers la relation. On peut citer en particulier la mise en évidence d'une impulsivité latente, une tension interne contenue, un trouble du schéma corporel ou de l'image du corps, des troubles temporels et spatiaux, des troubles de l'équilibres ou des troubles sensoriels. Elle participe également à l'orientation du projet personnalisé du patient. La mise en jeu du corps dans la relation avec le

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psychomotricien lui permet souvent de verbaliser des éléments de son vécu qu'il n'a pas pu livrer en entretien. Plusieurs indications paraissent intéressantes pour l'intervention du psychomotricien en intra-hospitalier. « Les troubles des rythmes biologiques tels que les troubles du sommeil, les troubles alimentaires, la constipation, les troubles de la libido témoignent du désinvestissement du corps qui est négligé, ralenti dans son fonctionnement » (Christodoulou, 2006, p. 7) ; la thérapie psychomotrice amène un réinvestissement corporel. L'accélération pathologique du fonctionnement du corps dans « la manie avec la fuite des idées, la logorrhée intarissable [...], les délires congruents de la mégalomanie mais aussi les perturbations des rythmes biologiques avec l'insomnie, l'hyperactivité stérile » (Christodoulou, 2006, p. 7) est une indication privilégiée pour les médiations corporelles. Elles permettent de redonner de la contenance et du contenant à des patients qui débordent. La psychomotricité permet également la verbalisation des phénomènes hallucinatoires corporels dans les psychoses schizophréniques. En utilisant le corps comme pivot de la relation, elle permet de recréer du lien.

2.4.1 Le cadre des prises en charges

Il s'agit de garder à l'esprit la fonction première de l'isolement des patients en psychiatrie. L'isolement peut se construire à des degrés variables selon les besoins des patients. L'UISI est une unité fermée qui permet aux patients pour qui le secteur contient encore trop de stimulations de pouvoir trouver un lieu plus contenant. La chambre d'isolement sera souvent un passage nécessaire aux patients de l'UISI pour commencer à se réorganiser en l'absence de stimulation et pour retrouver peu à peu l'extérieur. L'intervention du psychomotricien en chambre d'isolement est conditionnée par plusieurs facteurs. Tout d'abord cette séance est pensée de façon à apporter des stimulations choisies pour que le patient puisse étayer son rassemblement, sa reconstruction psychocorporelle. Le temps de la séance doit également être adapté au contexte et au patient, et ceci bien que dans tous les cas il est préférable que la séance soit courte, environ une quinzaine de minutes, pour ne pas sur-stimuler le patient. Comme au moment où l'enfant se construit, ces moments de réorganisations psychocorporelle sont intenses et fatigants.

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2.4.2 L'objectif des stimulations psychomotrices

L'apport des stimulations psychomotrices à ce moment de la prise en charge du patient, aide le patient dans un premier temps, à diminuer ses angoisses. L'angoisse est un symptôme présent chez tous les patients de l'unité bien que l'expression de celle-ci soit très différente, elle renvoie à la souffrance de l'individu. La sensation de vide, de perte de repères temporels, spatiaux, de perte de contact avec son corps et en particulier des limites corporelles provoquent une angoisse intense. Les patients réagissent souvent à cette angoisse par une mise en mouvement de leur corps de façon désorganisée et non cohérente. Bien que nécessaire, la chambre d'isolement et les contentions physiques peuvent augmenter l'intensité de l'anxiété. Il s'agit alors d'amener avec les stimulations psychomotrices un point d'appui pour leur permettre de retrouver des repères. Souvent la première étape est de diminuer l'intensité dans laquelle ces patients se trouvent pour aller vers de la stabilité. Le travail s'articule autour de médiations favorisant la régression et la détente musculaire et psychique. Ce moment permet d'apaiser les patients et par la suite de retrouver un mouvement qui a plus de cohérence.

En parallèle des mesures d'isolements et de contentions les patients reçoivent des traitements médicamenteux dont les doses sont établies au regard de l'intensité de leurs symptômes et de leurs réponses aux traitements pour atteindre une dose efficace. Pour beaucoup les doses des traitements sont considérablement augmentées. Une des raisons de l'augmentation des doses est la pharmaco-résistance des patients aux traitements. Cette résistance humaine aux substances psychoactives pousse donc les médecins prescripteurs à augmenter la dose afin d'obtenir l'effet recherché (sédatif, anxiolytique, hypnotique etc...). L'apport des stimulations psychomotrices visant la détente et le lâcher prise peuvent être bénéfiques pour atténuer cette résistance au traitement que l'on pourrait qualifier de psychique. Cela pourrait, dans un premier temps de permettre au patient de bénéficier du traitement qu'il reçoit ; et dans un second temps de diminuer les doses efficaces pour certains traitements, en minorant donc la potentiel dangerosité des effets secondaires. Les psychiatres M. Passamar, O. Tellier et B. Vialmont (2011) concluent que « Trop de sédation, ou une trop longue sédation, a un impact délétère sur le suivi thérapeutique. » (Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Ainsi, malgré les enjeux des états d'agitation en urgence psychiatrique et dans une évolution parfois sécuritaire du soin, il s'agit de développer de nouvelles techniques car nous ne pouvons pas ignorer les répercussions de la prise en charge de la crise, sur le devenir du patient en posturgence.

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2.4.1 La proprioception

Sherrington (1906), médecin neurologue introduit les termes d'extéroception, désignant les cinq sens, d'intéroception, qui traduit la sensibilité viscérale et de proprioception, regroupant la sensibilité en provenance des muscles, tendons et articulations ainsi que la sensibilité vestibulaire. La proprioception désigne donc la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties de son corps dans l'espace. Elle fait appel aux récepteurs musculaires et ligamenteux, qui informe sur le degré de tonus des muscles et les différentes positions des membres, les uns par rapports aux autres. Ces informations provenant des éléments proprioceptifs sont transmises au système nerveux centrale et permettent une régulation motrice inconsciente et une sensation consciente de son corps.

Olivier Gapenne (2010) développe la fonction du système proprioceptif comme indispensable à la constitution de l'expérience corporelle. Le système proprioceptif interviendrait comme un outil indispensable de différenciation de soi et du monde, mais également comme un outil de constitution de l'espace vécu. Dans le cadre des psychoses, en regard de symptômes comme l'indifférenciation de soi et du monde, l'auteur propose l'hypothèse selon laquelle le système proprioceptif serait défaillant. L'altération du système proprioceptif dans la psychose ne permettrait pas au sujet de faire correctement cette différenciation de soi et du monde. Cette confusion sensorielle expliquerait le manque d'unité corporelle que peux ressentir le schizophrène. La proprioception constitue donc un sens indispensable à la solidité du corps en tant que contenant. Elle permet de se percevoir en interaction avec le monde, sans se confondre avec lui.

2.4.2 Schéma corporel et Image du corps

Pour comprendre les enjeux de la reconstruction psychocorporelle en psychiatrie il s'agit d'abord de comprendre comment le corps viens à l'enfant et par quels processus celui-ci vient à « l'habiter ». Ces deux notions, le schéma corporel et l'image du corps bien que différentes sont complémentaires. Dans la psychose et particulièrement dans la phase aiguë de la maladie, le rapport au corps est totalement modifié et c'est en comprenant les étapes de la construction du vécu corporel des enfants que nous pourrons trouver des leviers pour favoriser la reconstruction du vécu corporel chez ces patients. Ainsi nous pourrons tenter de faire des liens entre les symptômes rencontrés dans la psychose et leurs origines potentielles dans l'altération du schéma corporel et de l'image du corps.

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2.4.3 Le schéma corporel

Le schéma corporel se réfère au champ de la neurologie. Pierre Bonnier (1904) développe le sens des attitudes qui sera l'ancêtre du schéma corporel. Il introduit la notion de schéma, qui nous fournit la notion de localisation de chaque partie de notre corps et forme la base de tout mouvements. Ce schéma est une figuration topographique de notre moi. Il insiste également sur l'apport indispensable du schéma corporel dans la notion de différenciation de soi et du monde, du moi et du non moi.

Notre sentiment d'existence, d'individuation corporel ainsi que notre « espace corporel » organisé de façon topographique va nous permettre d'appréhender le monde. C'est à travers notre schéma corporel que nous apprenons à connaitre le monde. Merleau-Ponty écrit « Loin que mon corps ne soit pour moi qu'un fragment de l'espace. Il n'y aurait pas d'espace pour moi si je n'avais pas de corps. » (Merleau- Ponty, 1945, p. 119).

La perception de notre corps est étroitement liée aux afférences sensorielles tel que les données visuelles, kinesthésiques, proprioceptives et vestibulaires. C'est à partir de leur intégration que nous construisons notre schéma corporel. Ajuriaguerra appuis cette vision en donnant la définition suivant du schéma corporel : « édifiéì sur les impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques et visuelles, le schéma corporel réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification » cité par (Guiose, 2003, p. 29). Dans la psychose le rapport au corps propre est souvent modifié, le schéma corporel qui s'était initialement constitué est remanié de par les modifications des voies sensorielles et il devient alors pathologique. Les hallucinations psychosensorielles, qu'elles soient visuelles, cénesthésique, kinesthésique ou tactiles, envoies des informations sensorielles altérer au cerveau et modifie de ce fait le schéma corporel. La topographie du corps dans sa représentation de localisation, de forme, d'étendu, de limite peut être altéré. Cette réflexion peut nous amener à mieux comprendre le rapport du psychotique avec le monde en comprenant de prime abord le rapport qu'il a avec son corps. L'ébauche de la construction de l'existence et celle de l'espace sont intimement liée à la construction du schéma corporel. Nous pouvons comprendre la complexité dans laquelle se trouve ces personnes à concevoir l'existence du monde, sa différenciation de soi et l'organisation de celui-ci si son propre schéma corporel subit sans cesse des modifications. La désorganisation est un

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symptôme fréquemment rencontré chez les patients psychotiques dans les phases aigues de la maladie. Nous pouvons voir différemment ce symptôme, au regard des réflexions de Merleau-Ponty. Il s'agit de comprendre la difficulté à s'organiser dans l'espace quand un sujet manque d'organisation interne ou quand celle-ci n'est pas solide et stable.

2.4.4 Image du corps

Aux prémices de la construction de l'image du corps, l'enfant acquière une unification corporelle. Wallon (1931), parle des différentes étapes qui conduisent à la construction du sentiment d'unité corporelle qu'il appelle corps propre. Morin et Thibierge (2004) nous le décrivent dans leur article que « Le corps est d'abord traité par l'enfant comme s'il était fait de parties distinctes, animées chacune d'une vie personnelle : tel enfant peut ainsi offrir des morceaux de gâteau à ses orteils. » (Morin & Thibierge, 2004, p. 421). C'est par la suite, entre six mois et deux ans que Lacan (1949) situe le stade du miroir dans. L'enfant va alors s'intéresser à son image dans le miroir, dans un premier temps, en pensant que c'est un autre enfant et tente alors d'interagir avec lui. Puis c'est avec la présence de l'autre (la mère) qui le porte et le désigne physiquement et verbalement « C'est toi », que l'enfant peut reconnaitre dans un premier temps l'image de sa mère comme le reflet de celle-ci. Pour enfin à travers le regard de l'autre s'identifier à son reflet et acquérir la notion d'unité corporelle. Pourtant, chez le patient psychotique, une absence de sentiment d'unité corporel persiste. Ce sentiment peut aller jusqu'à des angoisses archaïques de morcellements, initialement très précoce dans le fonctionnement psychique.

Bullinger (2004) fait l'hypothèses que « l'image du corps est maintenue présente par les sensations elles-mêmes, mais dès que les sensations cessent, l'image du corps s'estompe » cité par (Jeannerod, 2010, p. 185). Cette sensation d'unité corporelle est entretenue par les modulations permanentes de ces états toniques, en absence de ces sensations, les patients psychotiques ne ressentent plus cette unité corporelle. Pour pallier ces angoisses, les patients peuvent adopter plusieurs stratégies qui seront alors révélatrices de la nature de leurs angoisses et si nous nous attachons à les observer et les comprendre, elles nous orienteront vers un travail approprié en psychomotricité. Souvent l'augmentation du tonus musculaire globale permet d'activer le système proprioceptif dans le but de garder un ressenti corporel, un contact avec leur corps qu'ils sentent sinon absent. Ils peuvent également diminuer l'amplitudes de leurs

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mouvements de façon à garder leurs membres contre leur axe corporel, dans l'angoisse qu'en les décollant un peu trop ils puissent se détacher.

Schilder, neurologue et psychanalyste, introduit le terme d'image du corps et le différencie du schéma corporel en le désignant comme « l'image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparaît à nous même » cité par (Jeannerod, 2010, p. 185). Nous pouvons donc comprendre cette notion comme une construction au-delà de la perception des sens, qui mêle l'imagination et les représentations mentales. Lhermitte (1998) décrit la forme de cette image comme notre lien avec le temps, elle serait donc chargée de sens et d'histoire.

L'investissement du patient psychotique de son corps va être empreint de son délire et modifiera alors, parfois profondément, son image du corps. Nous pouvons émettre l'hypothèse, que souvent, cette construction délirante qui se forme autour du corps du patient est elle-même compréhensible en cela qu'elle s'appuie sur des « perceptions sensorielles » investies de façon délirante ou encore sur des évènements symboliques de l'histoire du patient.

Madame A, patiente de l'unité intersectorielle de soins intensifs, me parlait fréquemment de ses hallucinations cénesthésique26. Elle décrivait la présence d'un chat dans son ventre, ou encore un chat qui tétait le lait de ses seins, de l'intérieur. Ces sensations corporelles étaient présentes au moment de ses menstruations et peuvent faire penser à des sensations réelles dont l'interprétation est, elle erronée. Elle me faisait également part de sensations douloureuses d'un arbre lui poussant dans l'anus. Cette sensation pouvait être corrélé à des douleurs réels de par la constipation de madame A à ce moment.

Bullinger nous dit que Les stimuli auditifs, vestibulaires, proprioceptifs, tactiles et visuels sont progressivement intégrés au sein d'une représentation globale de soi. Les grandes fonctions psychomotrices comme la coordination des deux côtes du corps, l'organisation des activités motrices avec le niveau d'activitéì, la capacitéì d'attention, la stabilitéì émotionnelle prennent leur source dans cette représentation unifiée de l'image du corps. » (Kloeckner, et al., 2009, p. 155)

26 Concernant la sensibilité interne

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L'origine du mot schizophrénie, introduit par le psychiatre Eugen Bleuler illustre la notion de fragmentation de l'esprit, « schizein » provenant du grec fractionnement et « phrèn » l'esprit. Nous pouvons percevoir dans la schizophrénie le fractionnement entre les différentes voies sensorielles qui ne peuvent plus s'accorder pour crée une cohérence et donner une représentation unifiée du vécu corporel. La sensation d'unité corporel est présente quand les différentes voies sensorielles concordent et sont cohérentes. Quand les voies sensorielles n'envoient pas des informations cohérentes entre elles, le vécu corporel est discordant. Nous pouvons citer en exemple les trajets en voitures où les informations vestibulaires ne correspondent pas aux informations visuelles ce qui peux provoquer des nausées. Également les personnes amputées qui ressentent des sensations dans le membre fantôme tout en ayant une perception visuelle en adéquation avec leurs sensations. Nous pouvons nous inspirer de ce dernier cas ou l'expérience montre qu'en créant l'illusion de la présence de la jambe manquante par une stimulation visuelle en plaçant un miroir reflétant la jambe opposée, les douleurs fantômes peuvent cesser. Nous pouvons émettre l'hypothèse qu'en rassemblant les vécus des différentes voies sensorielles nous pourrions reconstruire un vécu corporel cohérent pour ces patients. Dans ces pathologies, la problématique psychomotrice principale se situe autour de l'altération de la sensation de permanence du corps, de l'unité corporelle, de l'enveloppe corporelle et psychique. Bullinger conçoit que « Le travail en psychomotricitéì s'orientera à un niveau global vers l'intégration de l'enveloppe corporelle. On peut proposer des expériences de rassemblement à partir de médiateurs sensoriels (portage dans des tissus ou un hamac, enveloppe sonore, sensations vibratoires, pataugeoire) inscrits dans une relation. » (Kloeckner, et al., 2009, p. 155). C'est cette enveloppe corporelle qui garantit la sécurité et la permanence du corps. « Le développement sensorimoteur se conçoit dans la perspective de Bullinger comme une suite d'étapes qui s'emboitent en suivant un axe céphalocaudal. Elles aboutissent à la maîtrise d'espaces corporels : l'espace utérin, l'espace oral, l'espace du buste, l'espace du torse et l'espace du corps en déplacement. Cette construction de l'axe corporel met en lien les acquisitions posturales, les coordinations sensorimotrices et les notions spatiales. L'axe corporel apparaît non seulement comme un appui postural mais aussi comme un appui représentatif et émotionnel, à mettre en lien avec les identifications intracorporelles décrites par Haag » (Kloeckner, et al., 2009, p. 156).

Eric Pieryre (2008), s'appuie sur le travail de Françoise Dolto et développe la notion d'image composite du corps qu'il substitue à l'image du corps. Dolto introduit l'idée que l'image du corps aurait à voir avec une temporalité antérieure au corps conscient. Pieryre dénombre huit

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composantes reliées à cette période archaïque et formant l'image composite du corps. Il les regroupe en deux ensembles, celles déjà élaboré par les psychologues, psychanalystes, comprenant le sentiment de continuité d'existence, le processus d'individuation et l'identité sexuée. Dans un autre ensemble, il ouvre la voie aux travail spécifique du psychomotricien en regroupant, la peau articulation du physique et du psychique, le contrôle de la sensorialité, le vécu du contenu de l'intérieur du corps, les angoisses archaïques, et les mécanismes de défenses corporels basé sur la tonicité. Il présente dans son article une grille des indices positifs et négatifs d'observation de l'image composite du corps, un outil pour le bilan psychomoteur de l'image du corps.

2.4.5 La contenance

Michel Brioul (2017) définit la contenance comme la capacité de l'ensemble des soignants, à un niveau individuel aussi bien qu'institutionnel, de donner suffisamment de stabilité et de solidité avec des repère pour permettre au patient de s'apaiser. C'est donc la capacité de pouvoir « tenir ensemble » pour lutter contre les angoisses produites par les défaillances du « Moi-peau ».

Parlons d'abord de la contenance maternelle pour comprendre sa fonction dans la relation mère/enfant. Le psychanalyste anglais, Wilfried Bion, s'appuie sur le concept « d'identification projective » de Mélanie Klein pour développer la notion de contenance maternelle (Ciccone, 2012). Le nourrisson n'étant pas en capacité d'assimiler les stimulations de par son appareil psychique immature, il va alors projeter sur sa mère (élément beta), celle-ci va recevoir cette expérience, et de par sa fonction de rêverie maternelle, elle va la penser et la rendre assimilable pour l'enfant (élément alpha). La relation maternant des équipes soignantes permet au patient, qui n'est plus capable d'assimiler les stimulations de son environnement d'avoir un portage psychique. L'équipe de par les réunions de réflexions cliniques, où le patient est pensé, mais également de par la posture des soignants et leurs interactions avec le patient recrée un cadre ou les fonctions maternelle protège et permettent au patient d'étayer sa reconstruction psychique.

Comme le met en avant Catherine Potel (2010), le psychomotricien a pour rôle de contenir le patient avec son corps et son appareil psychique. « C'est la capacitéì du psychomotricien à contenir ce qui déborde, ce qui n'est pas organiséì, ce qui est en menace d'inexistence ou de

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déconstruction, qui est particulièrement convoquée dans nos espaces thérapeutiques. Cette capacitéì de contenance fait appel tout autant àÌ notre corps qu'à notre appareil psychique » (Potel Baranes, 2010, p. 324). Cette fonction de contenance s'articule autour de plusieurs fonctions développées par Bernard Golse, psychanalyste et pédopsychiatre français. Il l'appelle l'intégration de la bisexualité psychique qui permettrait aux soignants d'alterner entre une fonction maternante du côté de l'objet contenant et une fonction paternante du côté de l'objet limitant. On retrouve donc dans le rôle du psychomotricien, cette notion de contenance qui s'articule entre une contenance psychique avec la notion de rêverie maternelle de Bion mais également une contenance corporelle qui renvoie au travail de l'enveloppes corporelle s'étayant sur la peau. Cette enveloppe corporelle, selon Anzieu, qui sera le point d'appuis des enveloppes psychiques du patient. Il faut aussi rappeler que « Soigner consiste à contenir et transformer ce que dépose le patient, ce qu'il transmet. Contenir, c'est d'abord garder pour soi, garder en soi, accepter d'entendre, de recevoir, ce qui peut se présenter comme inentendable, insupportable. Transformer c'est détoxiquer cette expérience, et c'est d'abord la penser. » (Ciccone, 2012, p. 399).

Dans l'esprit d'une contenance institutionnel, la cohérence de l'équipe soignante est indispensable et permet de lutter contre le clivage. Le patient semble sans cesse développer des efforts pour détruire les relations, le travail interactionnel. Il induit un clivage au sein de l'équipe soignante par son changement d'attitudes en fonction de ses interlocuteurs. Il faut, dans une perspective thérapeutique résister à ce clivage dirigé contre les fonctions de rassemblement de l'équipe. C'est en cela que la relation de l'ensemble de l'équipe pourra être contenante, et sera un point d'appuis pour la reconstruction psychocorporelle du patient

2.4.6 Les enveloppes psychiques

L'enveloppe psychique concerne la psychologie intersubjective et non seulement intrapsychique puisqu'elle se construit dans la relation et peut s'appliquer à l'individu comme à une institution. L'enveloppe psychique avant tout une fonction, elle résulte de l'intériorisation de la fonction contenante. La construction de l'enveloppe psychique dépend des qualités de l'objet contenant, on retrouve la notion de mère suffisamment bonne de Winnicott avec ses fonctions de holding, handling et d'objet presenting. Mais également la fonction de rêverie maternelle de Bion et l'intégration de la bisexualité psychique de Golse. Enfin, Albert Ciccone (2001), rajoute deux fonctions, la sollicitation : « il doit aussi le solliciter, l'attirer vers des

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niveaux de présence, d'intégration, d'organisation, d'expériences émotionnelles plus élevés. » (Ciccone, Enveloppe psychique et fonction contenante : modèles et pratiques, 2001, p. 92). Et garantir une rythmicité des expériences, « la rythmicité permet l'anticipation et donne une illusion de permanence, de continuité » (Ciccone, Enveloppe psychique et fonction contenante : modèles et pratiques, 2001, p. 92).

Anzieu parle de l'expérience du nourrisson du contact différenciateur, du centre de gravité et des stimulations tactiles. Elles lui permettent de différencier une surface interne et une externe. Ce qu'il nomme « interface », elle entraine la notion de dedans/ dehors, de volume, ce qui apportera à l'enfant la sensation de contenant, ce qu'il nommera le moi-peau. Le moi-peau à plusieurs fonctions, fonction du maintien du psychisme, une fonction contenante, une fonction de pare-excitation, fonction d'individualisation de soi, d'inter-sensorialité, et fonction d'inscription des traces sensorielles tactiles. Le moi-peau s'étaye à partir des fonctions de la peau qu'elles soient anatomiques ou métaphoriques. Anzieu (1985) décrit les trois fonctions de la peau. Elle est le contenant qui retient à l'intérieur le bon et le plein de l'allaitement, des soins, du bain de parole. C'est également une interface entre le dehors et le dedans, elle a une fonction de limite qui protège de la pénétration. Enfin, elle est un moyen primaire de communication non verbale avec l'autre surface mais également un lieu d'inscription mnésique des trace corporelles.

Selon Didier Houzel, pédopsychiatre et psychanalyste français, les enveloppes psychiques s'étayent sur la peau corporelle, nous retrouvons donc ici la notion du moi-peau d'Anzieu. Pour leurs construction l'enfant doit bénéficier du holding et du handling de la mère suffisamment bonne sans quoi elles pourraient être défaillantes. Les notions de holding et de handling sont des voies préférentielles pour construire des médiations visant à retrouver une enveloppe psychique solide. Le toucher thérapeutique mais également des types de relaxation par portage pourrons servir de points d'appuis dans la reconstruction de ces enveloppes. D'autre part ces enveloppes psychiques décrites par Houzel ont des relations homéomorphique27 avec l'environnement. Ce qui veut dire qu'elles s'inter-influencent mutuellement, le patient introjecte le cadre environnemental dans lequel il se trouve (l'unité d'hospitalisation) et y projette pour en tester sa contenance (attaques du cadre). Il s'agit de prendre en considération le caractère hypersyntone28 des patients et de leur proposer un environnement contenant, un

27 Qui peuvent être amené en coïncidence par déformation élastique, sans déchirure ou recouvrement.

28 Qui réagit sur le plan émotionnel et comportementale en miroir des autres et de son environnement.

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cadre sécurisant et bienveillant qu'il va pouvoir introjecter. En parallèle, le patient va perpétuellement attaquer ce cadre comme pour tester sa solidité, sa permanence, l'équipe soignante doit alors, comme une mère avec son enfant, recevoir ces attaques sans pour autant se détruire, ni s'éloigner. C'est en cela que l'équipe soignante deviens pour le patient un repère stable sur lequel il pourra s'appuyer par la suite. C'est également en garantissant cette permanence que les patients peuvent reconstruire la notion de réalité. En attaquant le cadre, il y projette leurs pulsions de haine et de destruction, si le cadre ne se détruit pas, le patient sera confronté à la réalité et pourras remettre en question sa toute-puissance imaginaire. Et en dernier lieu, ces enveloppes doivent être souple, solide et malléable pour s'adapter pour mieux aux situations et protéger la personne des modifications des réalités qu'elles soient internes et/ou externes. Elles matérialisent une limite souple qui permet d'être en contact au monde. C'est une enveloppe avec une porosité contrôlé qui permet d'être traversé par le monde (de l'introjecter) et d'projeter tout en restant soi.

2.4.7 Le dialogue tonique

Le dialogue tonique est une notion introduite par Wallon dès 1930. Cette notion sera reprise par Julian de Ajuriaguerra en 1977, qu'il nomme dialogue tonico-émotionnel, il l'approfondit et le décrit comme le reflet des états émotionnels de deux individus en relation avec la possibilité d'une interaction de l'un à l'autre. Le dialogue tonico-émotionnel s'appuie sur la notion de tonus musculaire et des émotions. Le tonus musculaire est l'état permanant de tension qui s'exerce sur un muscle. Le tonus est le réceptacle des émotions, il va varier de manière consciente et inconsciente en fonction de nos émotions. Ces modifications toniques sont perceptibles par les individus avec lesquels nous interagissons. Comme un langage universel nous pouvons percevoir une part du langage corporelle par le dialogue tonico-émotionnel.

Les patients psychotiques sont souvent hypersyntones, ils ont une réceptivité exacerbée à l'ambiance et aux émotions des autres. Ils seront donc très réceptifs à notre dialogue corporel, en cela nous sommes formés à maitriser notre propre dialogue tonique pour amener le patient à se sentir en sécurité et pouvoir interagir. Le dialogue tonique tonico-émotionnel est autant un outil diagnostique qui permet d'évaluer la potentiel impulsivité d'un patient qu'un outil de pratique. L'utilisation de cet outil est permanant pour évaluer, la proxémie dans laquelle le patient se sent bien, la possibilité de contact, les réactions émotionnelles. Toutes ces informations seront des clés pour s'adapter au patient et permettre le contact.

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Monsieur M, patient hospitalisé à l'UISI. Il est originaire de Somalie et en raison de son mutisme nous ne savons pas s'il comprend le Français. Il est décrit par son unité de secteur comme sthénique et imprévisible. Il est actuellement en chambre d'isolement, gémit et cri. Au timbre de sa voix, ce gémissement ressemble à un appel à l'aide qu'il ne peut formuler. En absence de communication verbale possible le langage corporel devient indispensable. Les réaction tonico-émotionnelles de monsieur M m'ont permis de percevoir jusqu'où je pouvais m'approcher et de comprendre sa demande de contact. Ce contact qui lui a, par la suite, permis de s'apaiser.

2.4.8 La respiration

La respiration est une fonction physiologique indispensable à la vie. Elle permet également d'avoir une action régulatrice sur d'autres fonctions physiologiques comme la fréquence cardiaque. Chez le patient psychotique en crise aiguë toutes les fonctions physiologiques sont impacté, le rythme nycthéméral, le rythme cardiaque et la respiration.

Franck Pittéri (1996) montre que la plupart des mouvements psychique et émotionnels sont accompagnés par une modification de la localisation, du rythme ou de l'amplitude respiratoire. Chez le patient en décompensation psychotique les troubles de la respiration traduisent de nombreuses angoisses. Ces angoisses peuvent s'exprimer sous la forme de difficulté à respirer, d'oppression thoraciques, de douleurs thoraciques, d'accélération ou diminution de la fréquence respiratoire et peuvent s'étendre au niveau cardiaque avec une sensation d'accélération du rythme cardiaque, une sensation de douleur cardiaque voir de mort imminente.

V. Defiolles-Peltier décrit la respiration comme outil essentiel de la thérapie. Elle pense le travail de la respiration dans la mesure où il renvoie à des sensations archaïques de la vie. « La respiration étant un mode d'échange entre l'intérieur et l'extérieur du corps, elle est la base d'une première ébauche de travail sur les limites corporelles, et permet la réintégration de la notion du dehors et du dedans. » (Defiolles-Peletier, 2010, p. 253). Dans ce travail autours des sensations corporelles liées à la respiration, les notions de sensations d'air frais qui va rentrer dans le corps et d'air chaud qui va en ressortir met en avant la température du corps. Les mouvements que produisent les respirations sont également des sensations intéressantes sur

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lesquelles s'appuyer pour moduler l'amplitude et la localisation de la respiration. Ce travail autour des amplitudes respiratoires et de ses sensations proprioceptives permet de faire ressentir au patient l'espace de son corps, son volume et ses limites.

Au-delà de la réintégration des limites Defiolles-Peltier insiste sur la notion de participation du patient à sa thérapie, il va pouvoir être acteur du soin et retrouver de la maitrise et une autonomie vis-à-vis de sa respiration. Cette réappropriation de son autonomie va ici passer par une réappropriation corporelle « A partir de la respiration, une réappropriation du corps propre va pouvoir s'effectuer. En effet, un patient en phase aigüe se trouve d'emblée dans un état de dépendance quasiment totale à l'égard de son entourage. Ce travail sur la respiration lui restitue une autonomie qu'il est libre de choisir ou de refuser. » (Defiolles-Peletier, 2010, pp. 253-254). Un travail autour de la respiration au moment d'une décompensation aigüe permet de gérer l'angoisse, la plupart du temps présente et paroxystique chez tous les patients. C'est leur donner la possibilité de pouvoir contrôler cette angoisse en incitant à abaisser la fréquence respiratoire ce qui va diminuer les sensations de tachycardie. L'action en elle-même mais également la possibilité de retrouver une maitrise de certaines sensations physiologiques angoissantes va leur permettre de faire diminuer leur niveau d'angoisse. Forcer son attention à se focaliser sur une perception interne que l'on peut maitriser grâce à un contrôle avec un feedback rapide permet de diminuer l'angoisse.

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3 Clinique

Les cas cliniques de ce mémoire sont tous des patients que j'ai rencontré à l'Unité Intersectorielle de Soins Intensifs (UISI). La place particulière du psychomotricien ainsi que la courte durée de séjour des patients dans l'unité nécessitaient la présentation d'au moins quartes cas cliniques. D'une part pour donner un aperçu des différentes prises en charges possibles. Et d'autre part, comment mieux vous faire vivre le rythme de l'unité et son turnover constant ?

3.1 Madame A. - tableau d'une régression

Nom : Mme Amalia André

Âge : 22 ans Né le : 06/11/1996*
Diagnostic : Schizophrénie paranoïde

*Le nom du patient et sa date de naissance ont été modifié pour conserver son anonymat.

3.1.1 Anamnèse

Madame A. est une patiente hospitalisée à l'unité intersectorielle de soins intensifs (UISI), depuis septembre 2018. Elle est en placement sous contrainte en soins psychiatrique à la demande d'un tiers (SPDT), le signataire du tiers étant sa mère. Elle est hospitalisée pour une décompensation avec recrudescence d'angoisse et vécu délirant persécutif. Elle sera transférée de son unité d'hospitalisation de secteur à l'UISI en novembre dans le cadre d'un syndrome confusionnel et troubles du comportement à type d'agitation psychomotrice.

Madame A. vit chez ses parents, sa mère est enseignante en élémentaire et son père travaille dans une ambassade. Son frère, plus jeune, poursuit des études d'ingénieur dans une ville de province. Elle est orientée en CLIS (Classe pour l'inclusion scolaire) en CM2, l'équivalent actuel sont les ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire), puis poursuivra en SEGPA (Section d'enseignement général et professionnel adapté) durant le collège et intégrera par la suite un CAP d'horticulture.

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Elle commence à être suivie en pédopsychiatrie durant la petite enfance, elle présente des troubles spécifiques mixtes du développement depuis l'âge d'un an et demis. Pendant plusieurs années elle sera suivie au centre médico-psychologique (CMP) et participera à des activités à l'hôpital de jour (HDJ) de son secteur.

3.1.2 Traitements

Madame A. a déjà essayé plusieurs neuroleptiques mais semble résistante à ces molécules. L'introduction d'un nouveau neuroleptique, la Clozapine®, a été faite pendant le temps d'hospitalisation à l'UISI, ce traitement nécessite une surveillance pendant toute la période d'introduction. Compte tenu des risques de granulopénie29 et d'agranulocytose30 ce traitement est limité aux patients résistant aux autres molécules. Sur le plan clinique elle provoque une sédation rapide et intense et a des effets antipsychotiques marqué. Elle induit également moins de réactions extrapyramidales comme la dystonie aiguë31, le syndrome parkinsonien et l'akathisie32 (Vidal, 2013). Un autre neuroleptique, le Nozinan® lui est associé car il possède des propriétés antihistaminiques qui provoquent une sédation et un effet légèrement antipsychotique. Madame A. présente des effets secondaires de son traitement neuroleptique comme une hypersialorrhée très importante, une perte d'équilibre, une constipation et on peut émettre l'hypothèse de la présence d'akathisie aux vues de ses déambulations constantes bien qu'il soit difficile de savoir si ce symptôme est associé à sa pathologie ou aux effets secondaires des neuroleptiques. Elle présent également une akinésie33, une hypertonie et des difficultés d'articulations.

Le reste de son traitement est composé d'un anxiolytique, le Temesta®, pour abaisser l'intensité de ses angoisses, un somnifère, l'Imovane® pour l'aider à l'endormissement et un antiparkinsonien, la Parkinane® utilisé comme correcteur du syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques comprenant tremblements généralisé, mouvements anormaux de la bouche, akinésie, hypertonie.

29 Diminution des granulocytes (globules blancs non spécifiques) dans le sang.

30 Disparition aiguë des granulocytes dans le sang.

31 Trouble neurologique moteur responsable d'anomalies du tonus des muscles

32 Impatiences, impossibilité à s'assoir, besoin irrépressible d'agitation

33 Lenteur d'initiation des mouvements et tendance à l'immobilité

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3.1.3 Bilan d'observation

Madame A. a une présentation très négligée, on voit qu'elle a désinvestie son corps, autant en ce qui concerne les soins qu'elle lui apporte que la façon dont elle l'habite. Quand je la rencontre elle est en chambre d'isolement mais a des temps d'ouvertures autorisé. Elle présente une agitation motrice constante, malgré les sédatifs et les hypnotiques qui lui sont prescrits à forte doses. Elle n'arrive pas à se reposer malgré les temps en chambre d'isolement fermée. Elle finit par s'épuiser et s'endort en pleine journée devant la télé sans avoir un temps de sommeil suffisant ni réparateur. L'équipe soignante choisi, deux semaines après son arrivée, de poser des contentions à madame A. pendant la nuit et le temps de la sieste pour l'immobiliser et l'amener à dormir. Les troubles du sommeil induits par la pathologie majore certains symptômes comme la désorganisation c'est pourquoi retrouver un rythme nycthéméral est la première étape indispensable du soin. Lors de la pose des contentions, elle semble se rassembler, se détendre, et ferme les yeux. Elle arrive alors à trouver le sommeil et son état clinique s'améliore suffisamment pour pouvoir lever les contentions deux semaines plus tard.

Motricité globale : Madame A. présente très peu d'amplitude dans ses mouvements. D'allure catatonique, elle se déplace les bras le long du corps et les jambes tendues avec des petits pas. Elle se déplace rapidement et n'a pas conscience de ses difficultés d'équilibre dynamiques ce qui l'amène à se mettre en danger.

Tonus : Elle présente peu de régulation tonique et se situe généralement sur un versant hypertonique.

Délire : Elle présente un délire non systématisé, très flou et il est difficile d'accès au regard de ses difficultés d'expression. Elle présente des hallucinations cénesthésiques et visuelles. Elle nous dit avoir des chats dans le ventre, des coupures de sécateurs, un arbre qui lui pousse dans le ventre et dans l'anus. Toute ces sensations sont désagréables selon la patiente. Nous pouvons faire l'hypothèse que ces sensations hallucinatoires sont liées à des sensations proprioceptives (douleurs des menstruations, constipations...) interprétées par la patiente. La patiente parle également de ses hallucinations visuelles, elle décrit des personnes de son entourage qu'elle voit dans l'unité, des gens qui viennent faire la fête dans sa chambre la nuit et l'empêche de dormir.

Espace/ Temps : Perte du rythme nycthémérale. Mauvais repérage spatial dans l'unité (elle ne retrouve pas facilement sa chambre). Le repérage temporel est en cours d'acquisition, la

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rythmicité de son emploi du temps qui a été ritualisé avec la visite de ses proches et les interventions de l'équipe lui permet de l'étayer et contenir son angoisse.

Motricité fine : Elle présente une amimie la plupart du temps mais son visage s'anime parfois avec un sourire dans la relation.

Langage : Des difficultés d'articulation sont très présentes. Une hypersialorrhée due au traitement neuroleptique et l'absence du réflexe de déglutition salivaire rend la communication difficile.

Cognitions : Difficultés d'attention et de concentration. La compréhension de madame A. est également limitée aux phrases et consignes simples. Elle est cependant très réceptive à l'imitation et capable de faire de l'humour et d'y réagir.

Conclusion : On peut voir que madame A, est très envahis par son délire. Elle a une perturbation des rythmes biologiques et une désorientation temporo-spatial. Elle semble avoir perdu un rapport au corps relationnel et l'habite uniquement fonctionnellement. Elle est prise dans une tension permanente et son vécu est dominé par des sensation douloureuses.

3.1.4 Projet thérapeutique

Modalités : Prise en charge dans l'unité deux fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances durent environ 30 minutes, mais cette durée est adaptée aux capacités attentionnelles et à l'état émotionnel de la patiente.

Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à madame A de reconstruire une unification psychocorporelle pour apaiser son angoisse. Pour cela nous voulons lui amener des sensations corporelles agréables à investir pour désinvestir ses sensations délirantes. A long terme nous travaillerons l'unification de ses sensations corporelles pour qu'elle retrouve la conscience de son corps.

Moyens : Prise de contact avec un objet transitionnel. Séances de relaxation avec différents médiateurs. Relaxation par pression, relaxation par portage avec un drap et relaxation par enveloppement à l'aide de balles effets peau.

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3.1.5 Prise en charge en psychomotricité

Les réflexions d'équipe autours des contentions mécaniques prescrites à madame A. amène à la mise en place de mesures particulières. Dans le discourt, aux vues de sa régression, nous pensons ce moment comme quand une mère couche son enfant qui n'as envie de dormir mais qui en a besoin. Des mesures sont réfléchies en fonctions d'éléments psychomoteurs, le timbre de la voix, la lumière de la pièce, les mots utilisés, le touché. Un rituel de bordage a été mis en place pour aider madame A. à retrouver ses rythmes biologiques à l'aide de cette rythmicité. Le rituel aide à apaiser les angoisses, comme le rituel de l'histoire pour un enfant au coucher. Pour certains patients qui n'ont pas de sécurité interne, s'endormir peut-être une grande source d'angoisse, sans savoir s'ils se réveillerons.

Nous commençons la prise en charge le vendredi 14 décembre. La première séance se déroule dans sa chambre, la prise de contact s'est faite à l'aide d'objets transitionnels, elle nous présente ses doudous, deux chevaux. Nous travaillons autour de ses peluches des notions de rythmes, de jeu de rôle, à travers l'équitation. Ces jeux de rythmes sont une approche des rythmes biologiques perturbé de la patiente. Les jeux de rôles amènent la place de l'autre et les interactions possibles avec lui. Elle prend plaisir dans ces échanges et souhaite continuer de nous voir, nous construisons peu à peu une relation sécurisante. Elle sera la base de la relation thérapeutique, c'est le début du portage psychique.

Une fois la relation de confiance établie avec la patiente je lui propose des séances de relaxation. Cette médiation me parait être la plus adapté pour madame A. qui est très régressé. La mise en jeu du holding, du handling par le toucher ou avec des objets médiateurs, a pour but de faire vivre des expériences sensorielles qui pourrons être le point d'appuis d'une reconstruction de ses enveloppes physiques/psychiques dans un cadre contenant. Dans un premier temps la séance se fait dans sa chambre pour conserver les avantages de ce lieu où elle se sent bien. La relaxation par pression permet de prolonger la contenance externe apporté par les contentions mécaniques, donner un sentiment de continuité au rassemblement qu'elles ont pu amener. Nous cherchons à remplacer la contenance apportée par les contentions mécaniques par une contenance physique. Puis au fils des séances nous nous déplaçons dans la salle de psychomotricité pour amener madame A. à investir des lieux spécifiques à des activités et l'amener à différencier les espaces en leur donnant une fonction. C'est un déplacement de lieu marquant le passage d'un soin, pour retrouver une rythmicité (rythmes nycthémérales), à retrouver une dynamique en allant « explorer » ses sensations, ressentis et d'aller vers un mieux-être, mieux bouger, mieux

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habiter son corps. Elle aime cette médiation et verbalise toujours que « ça lui fait du bien » sans pouvoir développer davantage sur ses sensations. L'accès à la parole est très limité d'où l'intérêt privilégié des médiations corporelles.

Nous avons commencé par une relaxation par pression bilatérales. A travers le toucher nous souhaitons favoriser la contenance, lui faire prendre conscience de la solidité de son corps et l'amener une sensation d'unité corporelle. L'absence d'amplitude dans ses mouvements, l'attitude catatonique « flasque » laisse penser que madame A. ne ressent plus son corps, ou du moins elle n'en perçoit plus sa solidité. Pour autant ses moments d'agitations motrices où elle court, fait du sport, sont surement des manifestations de recherches d'éprouvés corporels. Nous amenons avec les pressions cet éprouvé de solidité, de volume dans la continuité pour activer la proprioception du corps mais également rassembler. Nous avons ensuite travaillé sur l'enveloppe corporelle avec de la relaxation par portage à l'aide d'un drap. Cette approche permettait à madame A. de se laisser aller à une détente musculaire tout en restant dans une enveloppe sécurisante matérialisé par le drap. La relaxation par portage est une médiation qui favorise la régression en amenant le patient à des sensations de « bercement » avec un retour au rythmes binaires renvoyant aux rythmes biologiques comme le rythme de la respiration ou le rythme du coeur. La régression apportée par cette rythmicité particulière et continu amène un lâché prise tonique se reposant sur la relation de confiance avec le thérapeute. Grâce au portage nous favorisons également la prise de conscience de la notion d'axe corporel. Ce balancement est un mouvement de pivot autour d'un axe, l'axe corporel. Nous proposons de l'allier à la détente musculaire, supprimant les positions de sur-enveloppement. La patiente peut alors ressentir sa colonne vertébrale et le prolongement de son axe dans la rotation des jambes et de la nuque contre le matelas. Le travail s'est ensuite poursuivi autour de la notion de contenance de son corps, de sa densité, de son volume pour permettre à madame A. de percevoir les limites de son corps et d'en percevoir sa densité. Nous introduisons la relaxation avec des balles effets peau à moitié gonflé, ce qui induit chez madame A. une détente musculaire et viscérale, elle émet des gazes régulièrement depuis la cinquième séance. Le travail des limites corporelles est à mettre en lien avec les expériences corporelles de la peau sur lesquelles se construit les enveloppes psychiques. Les balles passé avec une certaine pression amènent une contenance physique, enveloppante qui comprime dans une juste mesure pour rassembler et lier toutes les parties du corps de madame à avec une continuité dans le geste et des passages répétitifs. Nous travaillons à travers toutes ces relaxations des expériences corporelles archaïques, pour qu'elles puissent être le point d'appuis d'une reconstruction de l'enveloppe psychique. Nous essayons

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également d'amener des stimulations corporelles agréables à la patiente qui est sans cesse envahis par des hallucinations douloureuses. Elle est très logorrhéique, le discourt étant principalement une verbalisation de ses hallucinations, la diffluence de sa parole traduit l'intensité avec laquelle la patiente est envahis par son délire. Dans un premier temps il me semble important de pouvoir lui parler pendant ces temps, pour amener de la contenance verbale, une enveloppe psychique sonore, je réponds à ses questionnements ses sollicitations en mettant des mots sur ses sensations, ses douleurs et ce qu'elle me dit spontanément, « la faim », « le besoin de bouger ». La tonalité de la voix, le rythme, la prosodie participe à l'enveloppement. J'essaye de faire des liens, tout en émettant des hypothèses ouvertes pour tenter de mettre des mots sur ses maux. Malgré ses hallucinations, nous arrivons peu à peu à diminuer ses verbalisations jusqu'à faire une séance totalement dans le silence fin janvier, l'absence de verbalisation pour madame A. est signe de diminution de l'intensité de son délire et de ses hallucinations. Elle a pu se laisser aller à simplement éprouver ses sensations, ce qui était si difficile au début de notre travail. Cette capacité à se focalisé sur son corps sans investir le langage traduit également la diminution de l'intensité de ses angoisses. Les réflexions autours de madame A. aboutisse à la construction d'un outil supplémentaire, un vêtement compressif. Cet outil à nécessité que l'équipe se mobilise, une ASH se propose pour coudre la bande de tissu qui servira à envelopper madame A comme un gilet. La compression de ce vêtement compressif active la proprioception et lui faire ressentir son buste. Il est utilisé durant 30 minutes tous les jours. C'est également dans ces projets communs, ou l'équipe pense le patient et élabore un outil que se crée un holding, un handling institutionnel.

Au départ de Madame A. nous avons effectué 10 séances de relaxation au totale. Durant ce travail nous avons pu observer que madame A. s'est redressé, elle à une meilleure position axiale qui a favorisé son désir d'être en contact. Elle adopte une position plus adaptée sur une chaise, a une meilleure compréhension et des réponses plus construites et adaptées. La position social éveil chez elle, l'envie d'être dans le contact, elle commence alors à solliciter les membres de l'équipe et les patients. En prenant conscience de son axe elle a pu augmenter son amplitude de mouvements ce qui a permis d'agrandir son polygone de sustentation et donc améliorer ses déplacements.

Après réflexion, et aux vues de la construction du regard clinique que j'ai travaillé tout au long de ce stage. Je pense qu'il aurait été bénéfique de commencer ce suivie en psychomotricité plus tôt. La prise en charge de la patiente aurait pu être concomitante au temps de repos sous contentions. Commencer le suivie plus en amont, aurait permis d'investir le temps de la pose

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des contentions avec des stimulations comme des pression pour amener un relâchement. Le fait de faire coïncider ces stimulations et la pose des contentions permet de rendre ce temps moins traumatique pour la patiente. D'autre part nous aurions pu espérer qu'en travaillant la contenance relationnelle et physique avec la relaxation par pression, la durée de la nécessité des contentions pour que madame A. dorme aurait pu être raccourci. Nous aurions pu, plus rapidement passer des contentions mécaniques à une contenance par la relation et enfin une contenance corporelle. Le toucher thérapeutique et la contenance relationnelle auraient permis de reconstruite les enveloppes de madame A. en amont. De plus madame A. avait une grande résistance aux traitements sédatifs, ce qui rendait impossible l'augmentation des doses et à obliger les équipes à réfléchir à un autre procédé pour l'amener à dormir. Nous pouvons penser qu'une prise en charge psychomotrice aurait potentialisé l'effet des traitements sédatifs et permis à madame A. de dormir.

Suite au retour de Mme A. chez elle, j'ai eu l'occasion de la recroiser à l'hôpital de jour ; elle pratique des activités de groupe comme la piscine dans lesquelles elle s'est très bien adaptée aux autres patients et elle y prend beaucoup de plaisir. Les effets secondaires du traitement se sont amoindris, l'hypersialorrhée à totalement disparu. Elle me reconnait, me sourit et nous échangeons quelques mots. Elle est dans une demande de contact et peux maintenant solliciter l'équipe quand elle en a besoin.

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3.2 Monsieur K. - créer un espace d'échange

Nom : M. Kevin Klein

Âge : 29 ans Né le : 8/3/1989*
Diagnostic : Troubles schizo-affectifs

*Le nom du patient et sa date de naissance ont été modifiés pour conserver son anonymat.

3.2.1 Anamnèse

Monsieur K. est un patient hospitalisé sous contrainte en soins psychiatriques à la demande d'un tiers en urgence (SPDTU), pour une rechute des troubles liés à sa schizophrénie. Il est transféré de son unité d'hospitalisation de secteur à l'USI en octobre 2018 pour syndrome confusionnel et troubles du comportement. Son état clinique s'étant amélioré, il retourne dans son unité de secteur en novembre 2018 et nous ai adressé à nouveau en décembre 2018 pour une recrudescence des mêmes symptômes.

Hospitalisé en SPDTU depuis septembre 2018 à la suite d'une tentative de suicide par défenestration dans un contexte de décompensation marqué par des éléments de discordances de la pensée et du comportement. Il est hospitalisé en urgence dans une unité de secteur correspondant au lieu de sa tentative de suicide. Monsieur K. a été initialement suivi depuis 10 ans par un autre secteur, celui de sa domiciliation ; au moment du transfert sur son secteur, les équipes découvrent que monsieur K. « a été changé » de domiciliation et dépend maintenant du secteur où il est actuellement pris en charge. Les échanges entre les psychiatres des deux structures sont difficiles. On peut ressentir le caractère abandonnique de sa prise en charge institutionnelle. Il présente alors des hallucinations variées (auditives, visuelles, et kinesthésiques) encore envahissantes malgré un traitement neuroleptique sous forme retard34 bien conduit.

Il est l'aîné d'une fratrie de 4 enfants, un frère issu d'une première union et un demi-frère et une demi-soeur de la deuxième union de sa mère. Ses parents se sont séparés dans son enfance et il a vécu avec sa mère dans des communautés du voyage. Elle-même a essayé d'échapper aux

34 Une injection intramusculaire qui assure une couverture antipsychotique pour plusieurs semaines

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services sociaux, elle nécessiterait des soins psychiatriques et serait selon ses dires, Sans Domicile Fixe (SDF) avec la jeune soeur du patient. Son père très souvent à l'étranger essaie d'être présent mais se décourage régulièrement. Il ne prendrait pas en compte la maladie de son fils, voyant ça comme « des mensonges ». On note également dans les transmissions et dans les propos du patient la présence d'allégations de maltraitances des parents à son encontre, chaque parent se renvoyant la faute et s'accusant mutuellement de maltraitance. Le discours du patient est trop empreint de son délire pour avoir une vision claire de la situation ; mais il semble comporter des souvenirs traumatiques, fantasmés ou non, avec chacun de ses parents. Sa situation familiale est complexe et marquée par peu de relations de soutien ; ses parents ne viennent le voir que très rarement pendant l'hospitalisation ; chacune de ces visites nous fait entrevoir des bizarreries de la part de ses parents, et perturbe beaucoup le patient durant les jours qui suivent.

Monsieur K. poursuit sa scolarité jusqu'en seconde européenne, qu'il redouble trois fois. Il commence un Diplôme d'Accès aux Études Universitaires (DAEU) d'histoire géographie mais ne se présente pas aux examens. Il commence à être suivi en psychiatrie vers ses 19 ans, à la suite d'une tentative de suicide dans le cadre d'un épisode délirant et est hospitalisé quasiment en continu depuis ce jour. Les permissions qui lui sont accordées quand son état se stabilise sont souvent suivis d'épisodes délirants aigus dans le cadre de pharmaco-psychose. Il consomme des toxiques (cannabis) qui exacerbent ses troubles schizophréniques mais ne s'arrêtent pas avec l'arrêt de la consommation.

3.2.2 Traitements

L'introduction d'un neuroleptique, la Clozapine® a été faite pendant le temps d'hospitalisation à l'UISI, son introduction a été particulièrement compliquée. Dans un premier temps monsieur K. a présenté des signes de problèmes cardiaques qui ont nécessité l'arrêt du traitement ; une deuxième introduction a été faite avec des paliers d'introduction plus faibles. Les dosages sanguins pour contrôler la présence de la molécule dans son sang montrent qu'il ne l'absorbe pas - pour 500mg introduit il ne lui reste que 100mg présent dans son sang - la question se pose des raisons de cette absorption si faible. Monsieur K. est toujours en train de cracher, de se frotter les dents, de pousser pour expulser des sels, de boire et d'uriner en grande quantité. On peut voir ses comportements comme des tentatives de vidages ou de rejet du traitement. Nous continuons cependant l'introduction car c'est la molécule la plus efficace concernant les effets

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antipsychotiques. Le Nozinan® est un autre neuroleptique, prescrit pour ses qualités sédatives et un effet légèrement antipsychotique. Le patient présente des effets secondaires de son traitement neuroleptique, une perte d'équilibre et une constipation.

Durant ses décompensations, il présente des phases maniaques et des phases dépressives intenses qui le conduisent à des passages à l'acte suicidaire ; un traitement pour réguler son humeur est mis en place. La Dépakote® est un anticonvulsivant utilisé, ici, pour son effet thymorégulateur grâce au renforcement de la voie GABAergique. En parallèle il potentialise l'effet des neuroleptiques (Vidal, 2019).

Le reste de son traitement est composé d'un anxiolytique pour apaiser ses angoisses, le Valium® et d'un antiparkinsonien, le Lepticur® utilisé comme correcteur du syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques, comprenant tremblements généralisés, mouvements anormaux de la bouche, akinésie, hypertonie.

3.2.3 Bilan

Quand je le rencontre il est en chambre d'isolement mais a des temps de sorties autorisés. Lors de ces moments il erre dans les couloirs de l'unité, sa démarche est lente et à petit pas, sans ballant des bras, le dos courbé et la tête baissée. Il est amimique et ne communique avec personne. Je le revois une semaine plus tard, son état s'est vite dégradé. Il est contentionné en chambre d'isolement car il se mutilait par grattage de ses orifices, se faisant saigner. Il ne contrôle plus ses fonctions annales et urinaires. Cet investissement des orifices met en évidence une très forte angoisse mais également la question des enveloppes, peaux physique et psychique. On pense également à la représentation de l'intérieur de son corps, un corps tuyaux ou il suffirait de se vider pour rejeter les traitements ? Il est exalté, logorrhéique, son discours n'est pas compréhensible et comporte beaucoup de bruitages et de rires immotivés. Peu à peu son état s'améliore, il est décontenu et a des temps d'ouverture dans l'unité ; il est toujours exalté mais son discours, par moment, devient compréhensible et nous accédons à son délire, bien que cela ne dure pas plus d'une phrase ou deux. Il présente beaucoup de bizarreries et d'automatismes mentaux. Il nous dit qu'il mange les miettes par terre car à chaque fois cela sauve un enfant. Il comprend cependant ce qu'on lui dit et nous pouvons donc commencer un bilan psychomoteur.

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Le bilan a été effectué sur deux séances, en octobre et novembre 2018, lors de sa première hospitalisation à l'UISI.

Comportements et observations durant le bilan : Monsieur K. est très demandeur de prise en charge en psychomotricité et participe volontiers ; il a des difficultés à maintenir son attention durant toute la séance. Il est distractible mais il est assez facile de le ramener à l'exercice proposé. Le cadre de la séance et notre présence lui permettent de disposer d'un espace où il arrive à être attentif, accessible, plus calme et détendu que durant la journée.

Tonus : Il présente de larges rires immotivés au contact mais se laisse manipuler facilement lors de l'examen du tonus ; une grande rigidité au premier abord mais il arrive à relâcher presque totalement son bras sur demandes répétées.

Motricité globale : On observe une cyphose thoracique, les épaules en dedans, il se déplace lentement sans ballant, les bras le long du corps, traîne les jambes. Bonne mobilité des membres inférieurs si sollicités avec un ballon, les membres supérieurs restent relativement statiques. Peu de mouvements volontaires et peu d'amplitude sauf si quelque chose l'intéresse et alors on découvre une agilité impressionnante.

Motricité fine : Les items de motricité faciale de Kwint en mimétisme sont tous réussis, cependant leurs associations pour reproduire des émotions n'est pas possible. Il ne semble pas comprendre la notion de reproduction d'émotions, on sent que cela provoque une légère sidération qui devient vite angoissante pour lui.

Latéralité : Latéralité manuelle et podale à droite. Monsieur K. connaît la droite et la gauche sur lui-même et sur autrui. La réversibilité est cependant difficile à obtenir car la notion de « sur toi, sur moi » est compliquée ; il a du mal à se situer par rapport à lui-même dans le test de Piaget-Head et situe les objets par rapport à l'examinateur dans un premier temps, puis comprend après plusieurs explications ce qu'est « par rapport à lui » et situe alors les objets dans le bon sens. On se pose la question de l'origine de cette difficulté, une possible fusion avec l'autre où la difficulté à se différencier est grande, ou bien, l'impossibilité de se prendre en compte, s'oubliant ainsi en tant que personne. La suite du test est réussie mais lui demande beaucoup de concentration. Aucun problème lors des reproductions des mouvements de l'EMG (Évaluation de la Motricité Gnosopraxique) de Vaivre Douret.

Schéma Corporel : Lors des somatognosies, le patient sait nommer et reconnaître les parties du corps sur lui et sur autrui. Cependant certains items complexes comme «pommettes» lui

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posent problème ; il met longtemps à trouver et se plonge dans une concentration à la limite de la stupeur. Il cite souvent des éléments précis quand je lui demande des parties générales, la compréhension est un peu altérée. Le schéma corporel est donc correct mais fragile.

Mémoire : Bonne mémoire de travail (mémoire instantanée), moins bonne mémoire de rappel ; son délire reprend vite place quand le rappel est difficile pour lui.

Communication/ Comportement : Ne peut pas exécuter un ordre comprenant trois étapes, il ne peut pas attendre la suite de la consigne et manipule le matériel selon ses envies. Son discours spontané est presque exclusivement rapporté à son délire et très peu compréhensible. Il comprend cependant ce qu'on lui dit et répond généralement de manière adaptée aux sollicitations si elles sont simples et dans le moment présent.

Conclusion : On peut constater que Monsieur K est fortement envahi par son délire, ce qui limite ses capacités attentionnelles et de compréhension, il est cependant réceptif au portage dans la relation. Il a des difficultés à se représenter «lui et l'autre», et on peut émettre l'hypothèse d'un manque de limites corporelles, une fusion avec l'autre ou un manque de conscience de soi. Le manque de mouvements, d'amplitude et l'attention qu'il porte à des éléments précis de son corps peuvent nous évoquer une possible angoisse de morcellement. On note un émoussement affectif, une alexithymie, l'incapacité de reconnaître, mimer et parler de ses émotions.

3.2.4 Projet thérapeutique

Modalités : Prise en charge deux fois par semaine, chaque séance durant 45 minutes.

Objectifs : L'objectif principal de cette prise en charge de créer un espace d'échange, une réalité commune. Pour cela nous travaillerons dans le but de reconstruire ses limites corporelles et de reprendre conscience de son corps. Ce travail nous conduira à la prise de conscience de l'autre et du tiers.

Moyens : Stimulation de l'espace perceptif à partir d'un espace corporel dynamique. La prise en charge se centre sur des éléments proprioceptifs et multi-sensoriels avec le bain thérapeutique proprioceptif35 et le corset compressif.

35 Illustré en Annexe 5

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3.2.5 Prise en charge en psychomotricité

La prise en charge débute lors de la deuxième hospitalisation à l'UISI. Monsieur K, a été entre temps stabilisé pendant quelques semaines et a pu retourner dans son unité d'hospitalisation de secteur. Puis l'intensité de sa symptomatologie a nécessité de réintégrer l'UISI. Il est à ce moment plus envahi que quand nous avions effectué le bilan. Nous lui proposons alors des séances de bains thérapeutiques proprioceptifs.

Il accepte la proposition et nous suit jusque dans la salle de bains de l'unité. Il observe dans un premier temps l'eau couler dans le bain avec un mélange d'excitation et d'angoisse. Nous plaçons un drap sur la baignoire pour recréer un espace foetal alliant chaleur, liquide, pesanteur et contenance. Nous cherchons à créer un espace de régression positive, permettant l'exploration de sa sensorialité proprioceptive. La séance se décompose en six temps : le trajet jusqu'à la salle de bain, le remplissage de la baignoire, le temps du bain, le vidage de la baignoire, l'emmaillotage et le retour en chambre. Le bain lui procure une sensation de détente musculaire et psychique à M. K, on peut voir son visage se détendre et sa logorrhée diminuer au fil des séances. Il est amené à compartimenter les espaces durant le bain grâce au drap. Il peut effectuer ses stéréotypies (cracher, se moucher, se frotter les dents) sous le drap, dans son espace d'intimité et doit avoir une attitude sociale en dehors du drap. Il arrive de mieux en mieux à investir et compartimenter ses espaces. Nous travaillons ces moments avec deux soignants, pour travailler le couple thérapeutique dans ces moments de reconstruction psychocorporel.

Plusieurs stimulations lui ont été proposées selon les séances durant le bain. Stimulations olfactives avec des huiles essentielles que nous proposons tour à tour et qu'il associe à des lieux géographiques. Stimulations visuelles avec le choix de la couleur d'une lampe. Stimulations sonores, nous proposons des hymnes nationaux à monsieur K. qui est passionné de football pour qu'il les reconnaisse. Il s'agit de trouver un espace transitionnel où nous pouvons entrer en contact avec lui et créer un espace de réalité commun dans lequel il peut se structurer.

A la suite du bain, nous utilisons le vêtement compressif, initialement créé pour madame A., pour faire perdurer les sensations proprioceptives liées au bain qui semble lui permettre de mieux habiter son corps. On peut voir qu'il se tient plus droit, gagne en amplitude de mouvement et fluidifie sa démarche. C'est le seul tissu ou vêtement que, pendant longtemps, il ne jette pas par la fenêtre ni ne salit.

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Nous poursuivons la prise en charge avec des séances de psychomotricité en utilisant comme point d'appui, la passion de monsieur K. pour le football. Notre travail s'oriente autour des notions d'équilibre, de posture, de coordination dynamique général et de coordination bi-manuelle. Nous essayer de l'étayer avec la relation dans le jeu, ce sont les règles du jeu, l'entrainement, le fait d'avoir un objectif, de compter les points qui redonne une structure sur laquelle s'appuier pour établir des limites. La séance se construit autour de passes en induisant une rythmicité, signe de continuité, en introduisant le tour de rôle. Puis nous travaillons avec l'aspect attentionnel, en accélérant ces échanges et en laissant le choix du destinataire de la passe. On peut observer qu'il prend en compte ses deux partenaires. Nous travaillons la notion d'axe corporel et de redressement par la proprioception avec des passes au pied et un objet mou en équilibre sur la tête. On peut voir un réel investissement malgré la difficulté de l'exercice ; il est notamment réceptif aux inductions physiques, par le touché, pour qu'il se redresse.

Suite au retour de M. K dans son unité d'hospitalisation de secteur, les soignants nous font part d'une nette amélioration. Il est apparemment plus en lien avec les autres patients et respecte mieux le cadre de l'unité. Les bains thérapeutiques proprioceptifs se poursuivent avec les soignants de son unité et des sorties ont été organisées pour permettre au patient de jouer au football en extérieur.

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3.3 Monsieur N. - retrouver une maitrise corporelle

Nom : M. Kaissa Nicolas

Âge : 40 ans Né le : 04/04/1979*
Diagnostic : Troubles schizo-affectifs

*Le nom du patient et sa date de naissance ont été modifiés pour conserver son anonymat.

3.3.1 Anamnèse

Monsieur N. a 40 ans, il est né à Paris et a grandi en Guadeloupe. Ses parents divorcent alors qu'il est âgé de 6 mois. Après le divorce son père retourne vivre au Cameroun et y décède en 2010 à la suite d'un syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA). Sa mère reste en Guadeloupe avec lui et se remarie avec un homme qui devient donc le beau-père du patient et l'élève.

Il passe un Baccalauréat Science et Technologies Tertiaires (STT) et poursuit sa scolarité en Licence de Science et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ; il redouble trois fois la première année, il est à ce moment Champion de France junior de karaté, sport qu'il abandonnera en sénior. En 2002 il vient habiter chez sa tante à Paris durant deux ans, puis retourne en Guadeloupe. Par la suite il travaille comme standardiste au cabinet de son beau-père, puis commence des études de personnel naviguant en école privée qu'il ne pourra pas poursuivre du fait de ses troubles psychiatriques. Il revient en France en 2008 à l'occasion d'un pèlerinage à Lourdes, le billet d'avion lui étant offert par sa famille sans billet retour. Sa famille refuse par la suite de l'héberger à nouveau.

Histoire de la maladie : Notion d'un premier épisode d'excitation délirante en Guadeloupe avec une comorbidité addictive au cannabis, cocaïne et Poppers ; les tentatives de prise en charge pour un sevrage sont sans succès. La première hospitalisation en métropole date de 2002, il a alors 23 ans. A son retour en métropole en 2008, dans un contexte de grande précarité où il se retrouve sans domicile fixe, plusieurs hospitalisations s'ensuivent. Une prise en charge en

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Hôpital de jour débute en 2009, puis une stabilisation de la prise en charge débute avec son admission en Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Depuis 2018, il est hébergé dans un foyer thérapeutique.

Monsieur N. a été hospitalisé dans son unité d'hospitalisation de secteur le 19/02/2019 pour conduites sexuelles inadaptées, il caresse une passante dans le métro. L'hôpital de jour et le foyer thérapeutique qu'il fréquente rapportent des problèmes de comportement depuis deux mois. Ils décrivent une majoration des propos et des tentatives de rapprochement a tonalité sexuelle dirigées vers les soignantes des structures. Il est transféré à l'unité intersectorielle de soins intensifs le 04/03/2019, en chambre standard, pour des comportements masturbatoires dans les couloirs de l'unité et tentatives d'attouchements auprès des patients et/ou soignants de son secteur. Il est alors placé en chambre d'isolement le 06/03/2019. Pose de contentions mécaniques dans la soirée à la suite de troubles du comportement à type d'hétéroagressivité verbale dans l'unité, intolérance à la frustration et sthénicité36. Les contentions sont levées le 08/03/2019.

3.3.2 Traitements

L'introduction d'un neuroleptique, la Clozapine® a été faite pendant le temps d'hospitalisation à l'UISI, pour ses propriétés sédatives rapides et intenses et ses puissants effets antipsychotiques. Le Nozinan® est un autre neuroleptique, utilisé è visée sédative et possède aussi un effet légèrement antipsychotique. Monsieur N. présente des effets secondaires à son traitement neuroleptique, une hypersialorrhée et une constipation.

Le thymorégulateur utilisé en traitement de fond pour les troubles de t'humeur du patient est le Théralithe®. S'ajoute à celui-ci la Dépakote®, un anticonvulsivant possédant également un effet thymorégulateur efficace au moment de la crise maniaque, en parallèle il va également potentialiser l'effets des neuroleptiques.

Le reste de son traitement est composé d'un anxiolytique, le Valium® pour apaiser ses angoisses.

36 Forte tonicité active

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3.3.3 Bilan d'observation

Quand je le rencontre, je ne suis que de passage dans l'unité et je ne connais pas les patients actuellement hospitalisés. Monsieur N. me sollicite dans le couloir pour connaitre ma fonction ; je lui explique alors mon rôle, il s'empresse de me répondre avec un discours logorrhéique et délirant que sa mère est psychomotricienne, qu'il connait très bien ce métier et rajoute plusieurs fois en se justifiant : « ce n'est pas un mensonge ». Il me suit ensuite dans le bureau de la secrétaire où je vais récupérer des documents. Il se place dans l'encadrement de la porte de façon à ce que je ne puisse pas la fermer, en continuant de m'interpeller. Je tente de lui expliquer que nous prendrons un temps pour discuter par la suite, car je ne suis pas disponible et que nos échanges dérangent la secrétaire. Il ne semble pas entendre ce que je lui dis et continue de me parler jusqu'à ce que je ferme la porte. On perçoit un non-respect de la proxémie et un contact très envahissant ainsi que des difficultés de séparation dans l'échange. Je retrouve ensuite monsieur N dans le couloir ; il m'interpelle pour me demander si je suis « fâchée contre lui » ; là aussi on peut observer un aspect très enfantin de cette relation régressive et la peur de l'abandon. Je prends le temps de lui expliquer que je ne suis pas fâchée et que je m'excuse si la fin de notre conversation était un peu brutale pour lui ; il semble soulagé et s'excuse à son tour de son comportement en me prenant la main. Je conviens avec lui que nous nous reverrons la semaine prochaine. Son comportement est très ambivalent, entre un accrochage très important, beaucoup d'investissement puis, un désinvestissement, très revendicateur, persécuté, et peu de temps après une forte angoisse de la destruction potentiel du lien. Ce sont des attaques qu'il porte au cadre, aux relations avec les soignants comme pour en tester leur solidité, ce dont il doute lui-même.

Monsieur N. est très grand et de stature imposante, il est cyphosé et ses bras pendent le long de son corps. Il se déplace rapidement à l'aide de ses grandes jambes tout en ayant une démarche assez lente. Son visage traduit un état d'étonnement permanant, les yeux grands ouverts et la bouche entr'ouverte.

Langage : Il est logorrhéique, son discours fluide et très accéléré traduit la rapidité de ses idées. Il est désorganisé et passe du coq à l'âne en mêlant des éléments délirants à un discours qu'il

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tente de rationnaliser. Elation de l'humeur37 avec tachypsychie et bradyphémie. Monsieur N. a une dysarthrie38 induit par les traitements neuroleptiques.

Tonus : Il est très sthénique, son corps imposant parait tendu en permanence, il s'impatiente vite et gesticule. On note une agitation psychomotrice permanente. On sent dans sa gestuelle une tension interne malgré les effets des sédatifs qui le ralentissent considérablement. On peut penser qu'il lutte contre les traitements, contre cette sédation.

Délire : Son délire est principalement à thématique mystique et religieuse : « Je demande au prêtre de me faire pardonner à chaque fois que je touche une femme ». Associé à une dimension d'excitation et de désinhibition pulsionnelle, il n'est pas totalement conscient du caractère transgressif de ses conduites et on observe un rationalisme morbide : « j'ai voulu chatouiller une femme dans le métro » ou alors il banalise ses actes : « tout le monde a des pulsions ».

Espace/ Temps : Il ne s'adapte pas à la proxémie de chacun et rentre facilement dans l'espace intime des patients et des soignants sans paraître gêné ni percevoir la gêne de ses interlocuteurs, même quand ceux-ci le verbalisent. Sa perception du temps paraît complexe et anxiogène, il est intolérant à la frustration, ne supportant pas les temps de latence entre ses sollicitations et la réponse de l'équipe soignante. Il a besoin d'être rassuré par des repères horaires, me sollicitant de nombreuses fois dans la même journée pour savoir à quelle heure aura lieu la séance de psychomotricité. On peut y voir une angoisse liée au manque de sensation de continuité d'existence.

Conclusion : Ses enveloppes corporelles et psychiques sont fragiles, il déborde constamment de la relation et ses relations paraissent insécures, dans un rapport d'ambivalence et de peur de la destruction du lien, de peur de la séparation. Ses explorations du corps de l'autre peuvent être également une expression de cette faible construction et de sa fragilité.

3.3.4 Projet thérapeutique

Modalités : Prise en charge en chambre d'isolement deux fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances durent environ 25 minutes, avec la présence d'un infirmier.

37 Altération de l'humeur, recouvre un large spectre, du bonheur à l'extase.

38 Difficulté d'articulation.

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Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à monsieur N. d'apaiser ses angoisses, de permettre une réduction de sa résistance psychique aux traitements et de lui permettre de retrouver une maitrise corporelle. Pour cela je propose une médiation permettant de travailler la régulation tonique. Je lui propose de s'approprier à long terme les techniques proposées pour qu'il puisse les utiliser de façon autonome quand il en ressent le besoin.

Moyens : Séances de relaxation en utilisant les conductions verbales de Madame G. Soubiran, puis des éléments adaptés de la relaxation progressive de Jacobson.

3.3.5 Prise en charge en psychomotricité

Lors des réunions de réflexion d'équipe, les soignants de l'unité m'interpellent concernant la tension interne qu'ils perçoivent chez monsieur N. ; les résistances aux traitements ne permettent pas d'augmenter encore les doses et pourtant ils redoutent un nouveau passage à l'acte. Les quelques tentatives d'ouverture de la chambre d'isolement sont jusqu'à présent peu concluantes et il est rapidement raccompagné en chambre. Il est physiquement très intrusif dans les espaces du personnel, mais également physiquement avec les soignantes de l'unité. Elles me font part d'attouchements fréquents qu'il banalise par la suite bien qu'il soit accessible au recadrage sur le moment. Après une concertation avec l'équipe, je lui propose une prise en charge en chambre d'isolement centrée sur la relaxation qu'il accepte volontiers, et nous nous donnons rendez-vous en fin d'après-midi. Je viens le chercher dans l'unité accompagnée d'un infirmier ; il me semble nécessaire d'introduire un tiers dans cette relation thérapeutique pour donner la possibilité à M. N. d'investir différemment les deux soignants. Ce tiers lui permet d'organiser ses mouvements ambivalents entre bon objet et mauvais objet entre deux personnes. Cette répartition des pulsions enlève la toute-puissance de la relation duelle. Le tiers permet à l'enfant de projeter l'aspect angoissant de la relation mère/enfant sur lui ; il devient alors le protecteur de cette relation mère/enfant ; il assure la fonction de liaison et de répartition décrite par Bernard (Golse, 2006), ainsi qu'une fonction de différenciation. De la même manière le tiers sera le garant de la relation thérapeutique avec le patient. Nous recréons un aspect régressif en utilisant la relaxation et en introduisant cette relation sécure et continue en travaillant la diminution des angoisses de séparation. L'introduction du tiers permet de travailler la différenciation dans la relation duelle. Il me semble important de construire cette prise en charge en chambre d'isolement pour favoriser l'association de cette médiation avec l'espace dédié au

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temps de recentrage sur soi. L'idée étant également qu'il puisse profiter seul des bénéfices de la relaxation à la fin de la séance.

Je lui propose de s'allonger sur son lit, le plus confortablement possible bien que sa grande taille ne lui permette pas de tenir entièrement dessus ; il commence par se positionner avec la tête tombant légèrement dans le vide et je lui suggère de descendre un peu plus bas de façon à ce que sa tête repose totalement sur le coussin et que ce soient ses pieds qui reposent donc dans le vide ; il acquiesce et me dit effectivement que c'est plus confortable. Je lui propose de fermer les yeux s'il le peut, ce qui ne semble pas plus poser de problème, puis je commence les conductions utilisées par Giselle Soubiran, tout d'abord les points d'appui de son corps sur le lit et l'oreiller, les bruits lointains de la circulation et ceux, plus proches, des passages dans le couloir, la température de la pièce et la différence avec celle de son propre corps, la luminosité qui à cette heure-là commence à baisser. Ces conductions sont adaptatives et lui permettent d'augmenter sa concentration sur des sensations ou un canal sensoriel particuliers, ce qui lui permet un renforcement des perceptions de son corps. Je lui propose ensuite de porter son attention sur sa respiration en favorisant une plus grande amplitude ; puis de placer une main sur son ventre pour sentir le mouvement de sa respiration. Je voie qu'il suit pas à pas toutes mes propositions ; son état de conscience est visiblement altéré, son rythme respiratoire est lent et profond, son tonus musculaire s'est abaissé et le temps de réaction à mes suggestions est long ; les conductions se centrent autour de la respiration, à savoir visualiser son trajet, sentir les différences de température de l'air ; je lui demande ensuite de faire descendre cette respiration au niveau abdominal en essayant de la ralentir, ce qu'il fait avec application.

Par la suite je lui propose quelques mobilisations de la relaxation progressive de Jacobson par séries de deux, tout d'abord contracter le plus fort possible les bras, des épaules jusqu'au bout des doigts, puis de relâcher cette tension instantanément. Puis une deuxième fois le même exercice, mais cette fois en maitrisant le relâchement musculaire de la façon la plus progressive possible. Nous continuons cet exercice avec les jambes, puis le corps en entier. Le patient s'entraine à observer ses sensations de tensions musculaires et à les identifier. En arrêtant de mettre en tension ses muscles il apparente cette nouvelle sensation à du relâchement. Ce procédé permet d'éliminer les tensions dites « résiduelles » et d'amener une détente psychique et physique. Le lâcher-prise et la détente physique permettrait au patient de ne plus lutter contre les traitements et de s'apaiser. La notion de contrôle musculaire introduite dans cette relaxation vise à faire participer M. N. de façon dynamique à sa prise en charge. Il s'agit de lui redonner de la maitrise concernant son corps pour favoriser la diminution de ses comportements

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inadaptés. S'ensuit un temps de reprise avec des conductions. Quand il s'assied sur son lit, je lui demande comment il se sent, il me dit qu'il se sent détendu. Nous quittons la chambre après lui avoir proposé de nous revoir le lendemain, il reste dans son lit, se recouche et s'endort. Nous aurons deux autres séances, structurées de la même façon. Peu à peu j'introduis différentes mobilisations de la relaxation progressive de Jacobson pour solliciter d'autres groupements musculaires, comme la contraction des muscles du buste.

L'équipe soignante note que la semaine suivant nos deux premières séances, les troubles du comportement à type d'attouchements auprès des soignantes a considérablement diminué. Quand je le retrouve la semaine suivante, il est question de son retour dans son unité d'hospitalisation de secteur. Pour préparer ce retour j'insiste, lors de la séance, sur l'appropriation de ses sensations de détente et de maîtrise de son corps. Je l'invite à réutiliser ces techniques quand il en ressentira le besoin, que ce soit une tension interne ou bien un manque de maîtrise corporelle. Il me remercie pour notre travail qu'il a beaucoup apprécié, et me dit que cela lui a permis « de se recentrer sur lui ». Le lendemain, j'apprends par une infermière qu'il prend des moments seul, pour se détendre sur son lit en reprenant les exercices que nous faisions.

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3.4 Monsieur M. - une prise en charge en urgence

Nom : M. Abdellah Martin

Âge : 24 ans Né le : 01/02/1995*
Diagnostic : Schizophrénie paranoïde

*Le nom du patient et sa date de naissance ont été modifiés pour conserver son anonymat.

3.4.1 Anamnèse

Monsieur M. est vraisemblablement originaire de Somalie, nous n'avons aucun document d'identité, ni de contact avec une personne de son entourage. Les éléments de son anamnèse sont restreints en raison de son mutisme. Il aurait subi de nombreuses violences au cours de sa migration jusqu'en France. Il dit qu'il aurait déjà tué, mais le contexte reste très flou.

Il est hospitalisé depuis le 29 Mars 2019 en Soins Psychiatriques à la Demande d'un Représentant de L'État (SPDRE). Monsieur M. est interpellé par les forces de l'ordre dans un parking où il a dégradé des véhicules à l'aide d'une barre de fer et s'est blessé au visage et aux avants bras ; il est retrouvé ensanglanté et désorienté. Conduit à l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police (IPPP), et suite à l'entretien avec un psychiatre, il est orienté vers le secteur d'hospitalisation correspondant au lieu où il a été interpellé. Il est décrit dans les transmissions faites par les soignants de son secteur comme un patient mutique et imprévisible. Il est placé dans une chambre d'isolement et alterne entre des troubles du comportement où il déchire son matelas, saute de son lit, frappe à la porte et des moments où il est contentionné. L'équipe de son unité de secteur nous l'adresse pour cause d'une impasse thérapeutique. Ils n'arrivent pas à sortir de ce schéma de prise en charge avec les poses de contentions à répétition. Arrivé à l'UISI, il est placé en chambre d'isolement

3.4.2 Traitements

Le traitement neuroleptique incisif est procuré par l'Haldol® qui a des propriétés anti-productives puissantes, il inhibe les idées délirantes et les hallucinations grâce à sa puissante action antidopaminergique au sein de la voie mésolimbique. Il provoque également une

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sédation psychomotrice efficace et peut présenter des effets indésirables moteur pyramidaux (Vidal, 2013). Ce traitement est accompagné d'un neuroleptique sédatif, le Nozinan®, il agit grâce à son action antihistaminique par une sédation, son action adrénolytique inhibe la stimulation du système sympathique et induit donc un ralentissement de l'activité des organes (Vidal, 2013).

Un traitement anxiolytique, le Valium®, est également prescrit pour apaiser ses angoisses. Il a une action agoniste spécifique sur un récepteur du complexe « récepteurs macromoléculaires GABA-OMEGA », également appelé BZ1 et BZ2 et modulant l'ouverture du canal chlore (Vidal, 2013). Il a une action physiologique, myorelaxante, sédative et hypnotique.

3.4.3 Prise en charge en psychomotricité

Cette prise en charge psychomotrice s'est faite dans un contexte d'urgence quand l'accès à la parole n'était plus possible. L'objectif étant d'apaiser le patient et d'éviter l'escalade provoquée par l'impuissance de l'équipe soignante face à ce patient, incapable d'exprimer verbalement son mal-être. Ce contact permis par une médiation corporelle est parfois le seul point d'accès au patient. D'où la présence du psychomotricien dans ce contexte pour cette prise de contact, une bonne évaluation de la demande, une stimulation juste tout en évaluant l'impulsivité possible à travers son attitude tonique.

Le 04 Avril 2019, durant la matinée, nous entendons monsieur M., alors en chambre d'isolement, émettre de forts gémissements sans discontinuer. Nous allons le voir, deux infirmiers et moi-même. Son visage crispé, exprime une grande douleur morale, de la tristesse et une expression de son impuissance à maîtriser ce qui lui arrive. Il se tient debout dans une attitude catatonique, nous fait face et parfois se tourne vers le mur où il regarde son reflet dans une vitre opaque, se touchant le visage avec effroi. On peut penser par son attitude catatonique qu'il n'habite plus son corps, qu'il en est prisonnier, qu'il le subit. Son absence de mouvement et son expression faciale font penser à une perte de maîtrise très angoissante. L'attitude de se regarder dans le reflet de la vitre en se touchant le vissage fait penser à la dépersonnalisation, on peut sentir une angoisse dans l'absence de reconnaissance de lui-même. Les infirmiers tentent de lui parler mais il reste inaccessible à la parole, et continue de gémir. Il s'assied au sol, un infirmier lui tend la main lui proposant de s'asseoir sur son lit. S'asseoir au sol c'est aussi aller chercher un appui. Tout en continuant de gémir, il saisit la main et se laisse faire.

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J'ai compris à ce moment que notre présence lui était importante mais ne suffisait pas à le calmer, qu'il était en demande d'aide sans pouvoir l'exprimer verbalement. Il ouvre la possibilité du contact physique, c'est le premier geste qu'il fait envers nous. C'est un choix de sa part de passer par le contact physique. Les infirmiers se tournent vers moi, me demandant du regard si je pouvais intervenir. La demande de l'équipe, même non verbale est importante, c'est une volonté de porter ensemble le patient et d'être coordonnés pour amener au patient ce dont il a besoin au bon moment. C'est aussi connaitre les approches de ses collègues pour que les prises en charge soient soutenues psychiquement par tous. Je hoche la tête et m'approche, lui proposant de s'allonger sur son lit, il participe bien qu'il ait besoin de notre aide pour se placer sur le lit. Je le recouvre d'une couverture et commence une séance de toucher thérapeutique avec des pressions bilatérales en partant des pieds jusqu'à la tête. Il est immobile en décubitus dorsale, se laisse faire tout en continuant de gémir. Lentement je remonte jusqu'à son buste et il commence à s'apaiser peu à peu, ses gémissements cessent. Quand je redescends vers ses pieds pour faire un deuxième passage, ses gémissements reprennent et de la même façon, disparaissent quand j'atteins son buste. Les pressions amènent une notion de contenance, de solidité et augmentent les retours proprioceptifs rassurants dans la « présence » de son corps, ce qui paraissait lui faire défaut devant le miroir. Sans donner d'indications verbales, je ralentis ma respiration et l'amplifie pour qu'il l'entende. Il saisit le rythme de ma respiration et se cale dessus en expirant profondément. La respiration en mimétisme c'est lui donner la possibilité de retrouver rapidement la maîtrise d'une sensation intéroceptive, cette maîtrise est apaisante en plus d'apporter de la détente physiologique (ralentissement du rythme cardiaque). Le mouvement binaire de la respiration quand il est lent permet aussi une rythmicité continue (notion de continuité importante) et de bercement. J'arrive au niveau de sa tête et je sens qu'au contact de mes mains les traits de son visage se détendent. Le contact des mains sur le visage amène la détente en focalisant l'attention du patient sur les ressentis des contractions musculaires du visage et aide à les relâcher. Nous restons un moment avec lui, continuant ce travail de respiration, je garde une main sur son ventre. Travailler le moment de la séparation après un moment d'éprouvé intense, c'est aussi permettre une sensation de continuité, c'est assurer une présence au-delà des manifestations de mal-être, prendre le temps de rester en contact quand le patient va mieux. La séance se finit à l'arrivée du psychiatre pour l'entretien journalier ; monsieur M. est alors calme et accessible au dialogue, il parle avec le psychiatre à l'aide d'un interprète, sans barrage et de manière fluide.

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Nous pouvons penser cette prise en charge dans l'urgence comme nécessaire pour ce patient dans ce moment d'angoisse paroxystique. Cette demande d'aide, bien que non verbale, est formulée par le patient et a permis de créer un contact, contact qui à son tour lui a permis de s'apaiser et d'être disponible pour l'entretien de réévaluation des consignes et du projet de soin personnalisé. Il a pu verbaliser que la chambre d'isolement était très angoissante pour lui, ce qui a conduit à son ouverture sur une plus grande plage horaire.

Passer par le corps était le seul moyen de rentrer en contact avec lui. Le moment de crise qu'il vivait a amené monsieur M., à un moment de régression où il ne pouvait plus s'exprimer verbalement et il montrait sa souffrance comme le fait un enfant, en gémissant. Au-delà de la douleur qui était manifeste, cette manifestation était une demande d'aide et de contact. De la même manière qu'un enfant vient à pleurer plus fort quand il voit qu'on le regarde, plus qu'une manifestation physiologique, c'est une demande de contact. Aussi, si l'on prend en compte son inaccessibilité par la parole, on peut comprendre qu'il est préférable d'utiliser des modes de communication correspondant à son état de régression. Le toucher thérapeutique était à ce moment le moyen de communication le plus adapté, il contient une fonction de holding nécessaire quand l'enfant est en souffrance et a besoin d'être porté, rassuré, bercé. Le dialogue tonico-émotionnel permet d'apporter au patient - par l'ajustement tonique du thérapeute - un sentiment de sécurité, un apaisement. Le travail de la respiration en mimétisme donne un support au patient, grâce à la respiration du thérapeute, qui lui permet d'investisse sa propre respiration. C'est dans un premier temps la possibilité de souffler profondément, d'extérioriser sa souffrance, de pouvoir la projeter à l'extérieur du corps, elle a valeur de décharge émotionnelle. Dans un second temps c'est la reprise de la maîtrise d'un facteur, dans un contexte ou le patient est dans l'impossibilité de maîtriser ce qui lui arrive. En contrôlant sa fréquence respiratoire, ce sont tous les paramètres vitaux qui vont être modifiés. Avec l'activation du système parasympathique, la respiration lente et profonde permettra une diminution de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle.

La présence du psychomotricien dans l'unité permet des interventions que l'on pourrait qualifier à « chaud ». D'une part, elles servent à faire une évaluation psychomotrice de l'état du patient pour aider au diagnostic, mais également évaluer la sthénicité du patient, la prise en compte de facteurs psychomoteurs comme la proxémie, le dialogue tonique, les réactions de prestances, le discourt infra-verbale. Ces signes cliniques sont difficilement perceptibles pour

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l'équipe aux vues de l'inaccessibilité par le langage qui pourrait être due, dans le cas de monsieur M, uniquement à la « barrière de la langue ». Cependant cette inaccessibilité au langage peut être retrouvé chez beaucoup de patient, en particulier avec la présence d'un mutisme ou d'un discourt non congruent avec leurs émotions. A la suite de ce temps d'évaluation, c'est aussi la possibilité d'entrer en contact avec lui par le dialogue tonico-émotionnel avec des stimulations apaisante et contenante. Ce temps qui pourra être bénéfique pour crée de l'alliance thérapeutique avec l'équipe et permette de faciliter les échanges avec le psychiatre.

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4 Discussion

4.1 Psychomotricité, contentions environnementales et contention symbolique

La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande concernant les modalités de mise en oeuvre de la contention et de l'isolement d'« Identifier et mettre en place des soins permettant d'accélérer la levée de l'isolement ou de la contention mécanique. » (Haute Autorité de Santé, 2017, p. 11). C'est en répondant à cette demande que la présence du psychomotricien prend tout son sens.

4.1.1 La régression thérapeutique

La régression « désigne un retour en arrière dans un processus de développement et le recours à des attitudes et des comportements liés à une phase antérieure du développement » (Marc, 2002, p. 30). Cette régression psychocorporelle est favorisée par le cadre de l'hospitalisation sous contrainte. Elle constitue un levier dans la prise en charge thérapeutique du patient. Les contentions environnementales et symboliques privent le patient de son autonomie. La dépendance créée par le contexte régressif de l'hospitalisation permettra d'engager une relation entre le patient et les soignants. Cette relation, pour être thérapeutique, sera contenante et limitante, maternante et paternante. Elle sera le point d'appuis de la reconstruction psychocorporelle du patient. Sandor Ferenczi (1990), développe la régression thérapeutique sous le nom de « néocatharsis ». Dans un cadre sécurisant il amène ses patients à travers la relaxation à « régresser à la situation traumatique ». Sa démarche consiste à répondre de façon adaptée aux besoins du patient régressé pour obtenir un effet correcteur et réparateur du traumatisme initial. Michael Balint (1971) prolonge cette méthode, il conçoit la régression comme la reviviscence des premières relations d'objet et notamment des relations mère-nourrisson. Il met en avant la dynamique relationnelle : « Tout semble indiquer par ailleurs que dans le traitement analytique des états régressifs, les aspects interpersonnels sont plus importants. Nous rejoignons ici un problème qu'on pourrait appeler le pouvoir thérapeutique de la relation » (Balint, 1971, p. 213). Il souligne la correspondance entre la régression et le mode de communication du thérapeute, « la relation d'objet est toujours une interaction [...] et le plus souvent les moyens non verbaux interviennent également pour la créer et la maintenir » (Balint, 1971, p. 215). Le recours au langages corporel et émotionnel est donc à privilégier.

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C'est en cela que le psychomotricien, de par sa maitrise des communications non verbales est le professionnel privilégié pour apporter dans la relation au patient les outils qui lui permettront d'aller de cette régression à sa reconstruction.

La chronicisation du patient reste le risque majeur de la contention environnementale. Si on induit une trop grande régression sans donner les moyens au patient de reconstruire son autonomie, il restera figé dans cette position de régression sans perspective d'évolution. La présence d'un cadre, de règles stables et solides, le relationnel avec l'équipe soignante, l'utilisation correcte des contentions, sont des facteurs qui permettent au patient de se reconstruire à partir de ce moment de régression.

4.1.2 La reconstruction

Ces phases antérieures peuvent concerner les stades libidinaux, les relations d'objet, les modes de communication etc. Le plus souvent, la régression convoque l'ensemble de ces facteurs. Michael Balint, psychiatre et psychanalyste hongrois, met en avant les phénomènes complexes qui tissent les premières relations entre la mère et le nourrisson : « l'impression de chaleur, les mouvements et les bruits rythmiques, les murmures confus, les effets envahissants et irréversibles exercés par les odeurs et les saveurs, le contact corporel étroit, les sensations tactiles et musculaires (notamment dans les mains) et enfin le pouvoir indéniable que possèdent tous ces phénomènes d'engendrer et de dissiper les angoisses et les doutes, le bien-être ou la détresse et la solitude désespérée », cité par (Marc, 2002, p. 34). La régression ramène le patient à ces sensations primaires, le thérapeute doit y être attentif et utiliser les modes de communication de cette période de la vie. Le psychomotricien, se servira de tous les modes de communication non verbaux qui participent à la construction de l'enfant. Nous pouvons citer ceux développés plus haut dans ce mémoire, le dialogue-tonique, la contenance, le holding.

Véronique Defiolles (2010), psychomotricienne, souligne dans cette régression, la perte de conscience que le patient a de son corps « On dirait que la rupture effectuée entre le corps du patient et son histoire le renvoie à un état proche de ce qui est décrit chez le nourrisson dans la phase d'indifférenciation. Le patient s'éprouve comme une somme de sensations cénesthésiques, ne faisant plus la différence entre soi et le monde externe. Cet état entraine une situation de dépendance qui peut aller très loin dans la régression psychocorporelle. Celle-ci se retrouve au niveau du schéma corporel et de l'image du corps, qui sont comme oubliés, mis

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entre parenthèses, le patient n'a plus conscience de lui-même et donc de sa corporéité. » (Defiolles-Peletier, 2010, p. 256). L'intérêt de nous appuyer sur ces modes communication de l'enfance sera, d'une part, de rentrer en contact avec lui et, d'autre part, de permettre de répondre à ses besoins de façon adaptée. En cela, nous pourrons travailler autour des fonctions nécessaires au développement du schéma corporel et de l'image du corps. Ces stimulations permettront au patient d'aller de la régression à la reconstruction de soi.

4.1.3 Les stimulations

Le dialogue tonico-émotionnel est une voie de communication privilégiée qui permet de comprendre ces patients parfois mutiques ou discordants. Ce langage corporel nous transmet l'état de tension interne du patient. Dans un service comme l'UISI, l'évaluation de la possibilité d'un passage à l'acte violent est constante. Dans le contexte de la psychiatrie, la communication verbale est souvent insuffisante pour faire cette évaluation. Notre regard est donc précieux, il permet d'alerter ou au contraire de rassurer. Au-delà de l'état de tension interne, le dialogue tonique nous aide à rentrer en relation avec l'autre. Le dialogue tonique nous renseigne sur la distance nécessaire à chacun pour rentrer en contact sans être intrusé. Pour le travail auprès des patients en chambres d'isolement, il est nécessaire de savoir évaluer la disponibilité, l'indisponibilité et le besoin d'être en contact. Notre capacité de contenance, c'est celle de recevoir et transformer ce que le patient nous exprime, verbalement ou corporellement. Après ce premier temps de contact, il faut évaluer le bénéfice d'une prise en charge en chambre d'isolement. Les chambres d'isolement sont faites pour isoler le patient des stimulations. Seulement il s'agit ici de stimulations qui vont être désorganisatrices pour lui. Le travail que nous proposons s'appuie sur des stimulations en écho à la chambre d'isolement. C'est favoriser le retour au calme, l'apaisement, la détente physique et psychique. Ces interventions peuvent aider le patient à profiter des bénéfices de l'isolement et en réduire le temps nécessaire pour le rassemblement du patient. La relaxation est la médiation qui m'a semblé être la plus adaptée dans le contexte qui était celui de la chambre d'isolement. L'aspect régressif qui est amené par la relaxation est un support pour apporter des stimulations qui lui permettent de se center sur soi. L'intérêt, par exemple, de recréer une forme de holding comme Winnicott le décrit, est de s'appuyer sur ces communications primaires pour que le patient puisse recréer son enveloppe psychique. Par exemple, le portage dans un drap amènera un ressenti vestibulaire comparable à celui du nouveau-né. Le mouvement binaire du bercement créé instinctivement par les parents

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pour calmer les enfants renvoie directement aux rythmes biologiques du corps, celui de la respiration et du rythme cardiaque. C'est en utilisant le canal de communication corporelle que nous aidons le patient par le portage physique et psychique à lâcher prise et à se détendre dans une relation sécurisante. Le toucher, quand il est possible est également une voie de communication privilégiée puisqu'elle convoque l'étayage du « Moi-Peau » d'Anzieu sur la fonction biologique de la peau. Le toucher vient recréer des expériences sensitives, les perceptions et les sensations épidermiques entre la mère et son enfant.

Le psychomotricien travaille également à créer du lien ; il sert de tiers dans la relation du patient avec le psychomotricien de son secteur. En s'appuyant sur le travail effectué par ce dernier, il permet de garder une continuité, un lien, mais aussi de donner au patient le moyen de construire à distance une relation thérapeutique avec son psychomotricien de secteur.

4.2 Psychomotricité et contentions pharmacologiques

« Intuitivement il semble que les techniques à médiation corporelle potentialisent l'effet du traitement psychotrope. » (Christodoulou, 2006, p. 8).

4.2.1 Potentialisation de l'effet du traitement psychotrope

Le psychiatre Alexandre Christodoulou suggère une hypothèse qui mériterait bien de faire l'objet d'une étude quantitative et qualitative. La question de cette potentialisation serait une perspective plus qu'intéressante au regard des risques d'effets secondaires qui peuvent aller jusqu'à engager le pronostic vital du patient. Nombre de patients en crise aigüe sont particulièrement résistants aux psychotropes et nécessitent l'augmentation des doses efficaces des traitements. Nous avons tout intérêt à nous saisir de ce qui permet de potentialiser l'effet des traitements dans le but d'en diminuer les doses efficaces. D'une part pour des raisons de sécurité, mais également dans le but d'offrir un soin le plus efficace possible.

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4.2.2 La relaxation

Reprenons la définition de la relaxation de R. Durand de Bousingen : « Les méthodes de relaxation sont des conduites thérapeutiques, rééducatives ou éducatives, utilisant des techniques élaborées et codifiées, s'exerçant spécifiquement sur le secteur tensionnel et tonique de la personnalité. La décontraction neuromusculaire aboutit à un tonus de repos, base d'une détente physique et psychique » cité par (Guiose, 2003, p. 7). On peut citer parmi les différentes méthodes les plus répandues le courant neurophysiologique avec la relaxation progressive de Jacobson, qu'il définit comme une psychopédagogie de la détente neuromusculaire. Il met en avant la prise de conscience de la corrélation entre la détente musculaire et la détente psychique. Un second courant est constitué de méthodes d'inspiration psychanalytique, comme Le Training Autogène de Shultz, la rééducation psychotonique d'Ajuriaguerra, la relaxation à induction verbale de Sapir et la relaxation psychomotrice de Giselle Soubiran, la méthode de relaxation et de mouvement de madame Guerda Alexander ou encore la méthode Feldenkrais.

4.2.3 Intérêts physiologiques

Le premier colloque international de relaxation (Hissard, 1897) conclut : « Les techniques de relaxation impliquent nécessairement une baisse du tonus musculaire et une adaptation respiratoire [...]. Il existe une corrélation entre les états de conscience et le tonus musculaire déterminée par la substance réticulée » cité par (Guiose, 2003, p. 21). Nous pouvons donc convenir que la relaxation a une action physiologique sur le niveau de tonus musculaire, les états de conscience et la respiration. Marc Guiose (2003), psychologue et psychomotricien, décrit les indices physiologiques observables des modifications des états de conscience, liées à la relaxation. Il insiste sur le fait que celles-ci sont volontaires et utilisées à des fins thérapeutiques. Il distingue deux ordres d'indices physiologiques de ces modifications d'états de conscience - périphérique et centrale. Les indices périphériques sont observables par diverses modifications physiologiques, telles que le rythme cardiaque, le rythme respiratoire, le tonus musculaire et les mouvements des yeux. Ces modifications physiologiques correspondent à l'activité du système parasympathique. Les indices centraux sont eux, observables à partir d'un Électro-Encéphalogramme (EEG) « La caractéristique la plus commune de tous les états de conscience modifiés est la présence d'un rythme alpha plus ou moins modifié de manière transitoire ou soutenue. On observe une augmentation de son amplitude, diminution de sa fréquence, extension vers les régions antérieures, stabilité ou glissement progressif vers le thêta

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et les ondes lentes du sommeil (delta). L'alpha est plus abondant chez des sujets pratiquant régulièrement une technique de modification de conscience volontaire. Globalement, l'état alpha correspond à une stabilisation du niveau d'énergie cérébrale, à une sorte d'eutonie. » (Guiose, 2003, pp. 24-25). Au-delà des modifications qu'entraine la pratique de la relaxation chez un sujet, quel peut être son intérêt chez un patient souffrant de troubles psychiatrique ? C'est ce que les psychiatres D. Servant, R. Logier, Y. Mouster et M. Goudemand (2009) explorent dans leur article. Ils démontrent l'intérêt de la relaxation pour pallier certaines perturbations physiologiques. La diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) chez les patients présentant un trouble psychiatrique traduit une perturbation des mécanismes physiologiques émotionnels. La VFC apparaît comme un bon reflet de la capacité du coeur à moduler son rythme en fonction des sollicitations internes et externes. Quelques études ont aussi montré une augmentation de la VFC par biofeedback utilisant des techniques de contrôle respiratoire, de relaxation et de méditation.

4.2.4 Reconstruction proprioceptive

Nous avons déjà montré que la sensibilité proprioceptive permet la prise de conscience de son corps, d'une part de sa présence et d'autre part de sa position dans l'espace (Roll, 2003). Des expériences récentes confirment la citation de Merleau-Ponty « Ce n'est pas l'oeil qui voit, c'est le corps comme totalité ouverte » cité par (Roll, 2003, p. 61). Les informations proprioceptives depuis la plante des pieds jusqu'aux muscles de la rétine renseignent sur la position du corps dans l'espace et de fait, la position de la rétine dans l'espace Ces informations sont essentielles à la perception de l'espace incluant les objets autour de nous. La proprioception assure donc une fonction de lien entre le corps et l'environnement.

Les développements postural et mental sont intimement liés. La stabilité posturale est nécessaire pour optimiser notre réceptivité aux stimuli (Lagache, s.d.). La stabilité posturale garantissant une sécurité et une bonne réceptivité sensorielle conditionne la procédure décisionnelle. Ces facteurs génèrent le besoin de contact, c'est l'appétence envers l'environnement qui entraine l'envie de contact. A l'inverse l'instabilité posturale produit de l'insécurité, elle réduit les possibilités de réceptivité aux stimuli. Dans ce contexte le corps réagit par une protection du Système Nerveux Central (SNC) en adoptant un mode réactionnel primitif avec des stéréotypies motrices et comportementales.

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Nous pouvons voir que la proprioception est essentielle dans la perception de son propre corps mais également dans le lien de celui-ci avec son environnement. Que ce soit par pure nécessité de perception de l'environnement ou pour développer un attrait pour celui-ci. Cependant quand cette proprioception se trouve modifiée par la maladie et/ou les traitements psychotropes nous pouvons aisément comprendre l'impact de ces modifications sur l'interaction avec l'environnement. L'intérêt des stimulations psychomotrices portent ici sur l'appropriation de ces modifications sensorielles, et sur le travail d'ajustements autour des nouvelles perceptions qu'elles entrainent. Le travail sur le développement postural et la conscience de l'axe est primordial à ces moments où les patients sont souvent susceptibles de perdre leur équilibre postural. La situation d'insécurité provoque et renforce les réactions de protections et donc les mécanismes de défense qui sont très archaïques chez les patients psychotiques. Des stimulations choisies autour de la conscience de l'axe corporel et le travail de l'équilibre, par exemple un travail de stimulations proprioceptives sur une planche de proprioception, servent à ce que le patient s'approprie les diverses sensations, se les représentent et les corticales. Ce travail sur les traces mnésiques des sensations corporelles est essentiel pour pouvoir s'adapter aux stimulations internes et externes. Quand un traitement psychotrope vient transformer les perceptions initiales du patient, nous devons être là pour favoriser la corticalisation de ces informations sensorielles. Le patient pourra ainsi être dans un meilleur rapport au monde et bénéficier d'un meilleur contact avec ce dernier.

4.3 Psychomotricité et contentions physiques

Nous devons nous saisir du rôle qui est le nôtre, inscrire le patient dans le système de soin, et cela de la meilleure des façons. Notre approche et la qualité des soins - en cela j'inclue la relation de soin - seront déterminants pour la suite de la prise en charge. « Le temps du soin aux urgences est déterminant [...]. C'est la qualité de ce premier temps qui conditionnera la qualité de la prise en charge ultérieure. » (Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Mais la relation n'est-elle pas censée être le pivot de la démarche de soin en maladie mentale ? (Guivrach & Cano, 2013)

4.3.1 Penser la contention

Nous aurons forcément besoin de la contention mécanique dans des cas extrêmes, ces cas où tous les autres moyens thérapeutiques ont échoué, ces cas où nous nous devons quand même

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de trouver une solution pour ne pas laisser le patient se faire du mal ou faire du mal à autrui. C'est dans ces moments qu'il est important d'avoir au préalable laissé un espace à la discussion, et à la réflexion autour de la contention, sans quoi elle sera utilisée de façon délétère et traumatique pour le patient. Ces espaces de réflexions sont également des garde-fous nécessaires quand ces pratiques font partie de notre quotidien, pour empêcher un glissement vers des pratiques inappropriés.

M, Azouley et S, Raymond, psychiatres à l'Unité pour Malades Difficiles (UMD) Henri Colin, nous mettent en garde, contre le danger actuel de ne plus évoquer ni de conceptualiser la contention physique. Et de ce fait, de pouvoir devenir maltraitant. En dehors d'un jugement de la valeur thérapeutique de la contention physique en elle-même, il s'agit de penser à comment la mettre en oeuvre au mieux. Puisque de fait, elle semble nécessaire, dans certaines situations, attachons-nous à la penser au mieux. « La conjoncture actuelle nous semble dangereuse : vouloir faire comme si la contention physique n'existait pas, vouloir faire comme s'il était toujours possible de faire autrement c'est prendre le risque de ne plus jamais l'évoquer, la conceptualiser, la penser, la réfléchir. Or, il arrivera forcément un moment où elle s'avèrera nécessaire. Et c'est là que, sans compétences spécifiques, la mise en contention sera traumatique pour les patients et pour les soignants [...] » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 844).

4.3.2 Reprise en équipe pluridisciplinaire

Quelle est la place de la contention physique dans le soin en psychiatrie adulte ? Cette question soulève la question du positionnement des soignants face à cette pratique. Quelle influence le positionnement des soignants peut-il avoir dans l'exécution du soin ? « Comment pouvons-nous rassurer les patients si nous-mêmes ne sommes pas au clair avec nos pratiques et intimement convaincus du sens thérapeutique des mesures que nous mettons en place ? » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 844). L'article de Guivrach et Cano (2013) nous donne une représentation du vécu des soignants lors de la pose des contentions. « [...] les soignants confrontés à la contention avaient un vécu majoritairement négatif à type de frustration, colère et absence de ressenti, qu'il s'agissait pour eux d'une expérience difficile mais nécessaire, qui était à la fois un acte de soin et sécurité. » (Guivrach & Cano, 2013, p. 243). L'absence de ressenti, la colère, la frustration sont retrouvés dans les symptômes décrivant l'épuisement professionnel. Dans ce contexte de soin, nous pouvons craindre que les soignants amenés à contentionner des patients risquent de perdre l'estime de leur travail. Nous pouvons aussi penser

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qu'en cherchant à se protéger de la perte de sens que provoque en eux la pose des contentions, ils le fassent de façon robotique, sans y engager de relation et de portage psychique.

La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un temps de reprise en équipe pluridisciplinaire après la pose de contention à un patient. Dans le but de « Permettre aux soignants d'exprimer leurs difficultés face à cette pratique vécue parfois avec culpabilité ; permettre aussi l'expression de la peur ou de la difficulté de prendre soin d'un patient qui a ou qui a eu un comportement violent. » et de « Permettre l'expression des difficultés éprouvées face à un contexte d'exigences contradictoires et de dissonance éthique. » (Haute Autorité de Santé, 2017, p. 18). Ce temps de reprise est indispensable, il permet d'une part que nous remettions sans cesse en question nos pratiques et d'autre part que nous puissions parler de notre vécu. Nous autres psychomotriciens, bien que souvent figurants dans ces pratiques d'équipe, nous avons tout à fait notre place dans ces temps de reprise et de réflexion. Nous mettons à disposition de tous nos observations du langage corporel des patients et des soignants. C'est ensemble que nous pouvons comprendre ce qui a été bénéfique et ce qui ne l'a pas été. Nous pouvons aussi par la verbalisation de notre propre ressenti, que nous avons appris à identifier et à analyser, inciter les autres professionnels à faire de même. Faire vivre la pensée, la capacité de pensée, le savoir critique, remettre en cause, se questionner sur les notions de morale et d'éthique. Pousser les équipes au dialogue, pour penser ses actes et créer des discussions, c'est aussi oser dire des bêtises. François Tosquelles, psychiatre catalan, nous dit que nous ne sommes jamais tant sérieux que lorsque nous ne nous prenons pas au sérieux. Nous autres psychomotriciens, nous sommes aussi présents pour parler des émotions de chacun, patients et soignants. Que chacun prenne une place dans les discussions d'équipe pour que le patient soit représenté et éclairé par différents regards. Le psychomotricien se doit de faire exister le corps et plus spécifiquement le rapport au corps dans l'imaginaire commun. Prendre le temps pour élaborer, donner du sens, rêver, émettre des hypothèses, rompre avec l'intelligence rationnelle, c'est mettre à disposition sa psyché pour penser le patient.

C'est aussi à travers les questionnements autour du corps que notre présence soulève, que nous pouvons amener les soignants à penser le patient différemment. C'est au détour d'expériences avec les équipes soignantes, que nous échangeons sans nous en rendre compte des éléments de nos pratiques. Le psychomotricien a pour habitude d'expérimenter avec son propre corps chaque stimulation qu'il propose au patient. C'est donc naturellement que je me suis livrée à l'expérimentation de la contention mécanique. A mon grand étonnement, les soignants se sont saisis de ce moment, de manière innocente, pour me questionner sur mon vécu corporel. C'est

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parfois dans ces moments informels, que nous construisons ensemble une praxie commune. La complexité des pathologies psychiatriques et de leur prise en charge nous pousse, plus qu'ailleurs, à mettre en commun nos connaissances. Plus qu'une pluridisciplinarité, il est souhaitable que nous nous engagions dans une transdisciplinarité. Saulus la définit comme « la capacité professionnelle à enrichir sa pratique de données issues de disciplines différentes de la sienne, sans perdre sa spécificité » (Saulus, 2008, p. 162). C'est par ces échanges de pratiques, de connaissances, en amenant dans l'imaginaire collectif, les concepts d'enveloppes psychiques, de contenances, de toucher thérapeutique, que nous pouvons participer à la contention mécanique. Nous pensons cette mesure avec les soignants pour qu'ils puissent y voir une mesure thérapeutique où leurs gestes, leurs positionnements, leurs paroles et leur toucher serait aussi thérapeutique, si ce n'est plus, que la prescription des contentions mécaniques elles-mêmes.

4.3.1 L'alliance thérapeutique

L'alliance thérapeutique est un outil indispensable d'observance des soins ultérieurs. L'intérêt d'atténuer le vécu traumatique du patient lors des contentions a pour but de favoriser sa compliance aux soins et l'alliance thérapeutique avec les soignants. Il s'agit donc de trouver les facteurs favorisant ou desservant l'alliance thérapeutique. Les psychiatres du centre hospitalier Pierre-Jamet (2011), montre que « L'expérience thérapeutique précédente (sédation psychique), les effets secondaires, la relation thérapeutique avec l'ensemble des soignants sont des facteurs d'observance et d'adhésion aux soins. » (Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Pour donner au patient le meilleur pronostique, cette alliance thérapeutique doit se faire lors de la première prise en charge de la maladie. C'est en cela que le patient aura la meilleure observance et ainsi un meilleur pronostique d'évolution. « Les professionnels savent que plus le délai de traitement initial de la maladie schizophrénique est long, moins les rémissions seront significatives. » (Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455).

4.3.2 Prise en charge psychomotrices

Les psychiatres (Carré, Moncany, Schmitt, & R, 2017), montrent que sont fréquemment retrouvés de la part des patients, le thème de déshumanisation, un sentiment de soumission vis-à-vis des soignants, d'être dominé, la perception de punition, de sanction, d'être rejeté,

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abandonné ; et ceci d'autant plus que la pauvreté des informations transmises lors de la contention entraîne de l''incompréhension. Le « collectif des 39 » dénonce l'emprise gestionnaire et bureaucratique du quotidien qui « [...] dissout petit à petit la disponibilité des acteurs de soins : comment alors prendre le temps de comprendre, de chercher du sens, de penser tout simplement que le patient, si inaccessible soit-il, attend des réponses et des solutions humaines à même de l'apaiser. » (Collectif des 39, 2016, p. 17). Apporter au patient contentionné des soins psychomoteurs c'est redonner une dimension humaine aux soins, permettre de retrouver du contact, un réceptacle à son angoisse, être entendu et accompagné dans ces moments de souffrance.

Nous nous appuyons sur l'article de M. Azoulay et S. Raymond pour affirmer que la contention mécanique peut amener de la contenance psychique : « À la contention physique s'associe la contention psychique. La contention physique peut, elle aussi, rendre compte d'une démarcation et permettre alors de délimiter, rétablir des seuils, des frontières. » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 843). Seulement, cette expérience est traumatique si elle est vécue seule, sans accompagnement. Nous proposons ici, d'accompagner le patient contentionné avec le soin psychomoteur. Toute prise en charge d'un patient contentionné doit se faire dans la conscience de la vulnérabilité de la position du patient à ce moment. C'est pourquoi il sera nécessaire de créer une relation de confiance pour que ce travail soit bénéfique. De la même façon que nous avons développé l'intérêt de la relaxation auprès du patient en chambre d'isolement, cette médiation est particulièrement adaptée pour la prise en charge du patient contentionné. De multiples possibilités de stimulations s'offrent à nous, toujours dans une même dynamique de fond, à savoir : apaiser le patient, diminuer son angoisse et favoriser la détente physique et psychique. Il est important de choisir au cas par cas les stimulations qui nous semblent les plus adaptées à la clinique du patient. Les conductions verbales de Soubiran peuvent être un premier contact, amener au patient un bain de parole qui pourra le porter, créer une enveloppe sonore. Ces conductions visent à apporter de la détente et une prise de conscience du corps. Nous avons la possibilité de les adapter en fonction des stimulations que nous voulons amener au patient. La respiration ou bien la relaxation active de Jacobson permettent au patient angoissé par la perte de contrôle de son corps, de retrouver le contrôle de sa respiration, de ses rythmes biologiques, de l'état de tension et de détente de ses muscles. Cette maîtrise corporelle mise en lien avec un travail de détente est très rassurante et recentre les patients sur eux-mêmes. Pour des patients qui n'arrivent plus à percevoir leur corps et leurs limites, et qui ressentent le besoin de les éprouver de manière violente, un travail autours des limites, du volume et de la densité

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du corps peut être le bienvenu. Pour cela, nous pouvons travailler autour du contact, les pressions amèneront une sensation de solidité. Les balles effets peau sont un outil de contact enveloppant, qui matérialise la contenance de l'enveloppe, les limites corporelles. Nous pourrions encore citer une infinité de possibilité et il en reste encore autant à inventer pour répondre aux souffrances des patients.

4.4 Conclusion

Il est parfois difficile pour les psychomotriciens eux-mêmes de définir leurs champs d'action. Au vu de la multiplicité des approches et des pathologies qu'il nous arrive de prendre en charge, il s'agit de développer une pratique spécifique, propre à chaque cas. Les psychomotriciens sont encore trop peu nombreux à travailler en psychiatrie adulte. Pourtant l'étymologie du mot même nous prédispose à en être des acteurs ; provenant du mot grec « psyche », signifiant âme ou esprit, et « iatros » qui signifie médecin, c'est littéralement la médecine de l'âme. Et qui est mieux placé qu'un psychomotricien pour soigner l'âme et son enveloppe ?

Nous pouvons ainsi conclure que la psychomotricité devrait être considérée comme incontournable dans une unité de soins intensifs en psychiatrie adulte. Elle est complémentaire de toutes les formes de contention. Nous avons choisi de développer chacune d'elle, mais il faut savoir que dans la clinique elles sont inextricablement liées. Penser le corps du patient, potentialiser les effets des psychotropes, accompagner le patient contentionné et/ou se trouvant en chambre d'isolement avec des stimulations organisatrices, apaiser ses angoisses, sont autant de possibilités du soin psychomoteur. Le psychomotricien n'est-il pas finalement, le professionnel le plus adapté au travail du « contact » avec le patient en crise ?

Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault et Naudet parlent du fonctionnement des unités de soins intensifs et concluent : « Les équipes sont multidisciplinaires, associant médecins, infirmièr(e)s, aides-soignants, psychologue, ergothérapeutes, psychomotricien, éducateur, assistante sociale. » ; « La présence médicale et soignante, la qualité de la formation initiale et continue, l'expérience et la cohésion des équipes sont en réalité l'atout majeur de ces unités de soins. » (Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault, & Naudet, 2009, p. 141). Cependant à ce jour, seul deux des dix-sept unités répertoriées bénéficient d'un psychomotricien au sein de leur équipe. Il s'agit aujourd'hui, de se donner les moyens de favoriser des solutions humaines à même de soulager les patients. Il va de soi qu'à ce stade de la réflexion, la problématique

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financière est centrale dans l'avenir de la prise en charge des patients en psychiatrie et nous ramène à des questions politiques. Comment la Société veut-elle traiter la problématique de santé mentale ? Il faut plus de courage pour penser ces mesures de dernier recours et pour élaborer ensemble, à partir de la clinique, des modalités de mise en oeuvre humaine de celles-ci que de les accabler sans apporter d'autres solution.

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6 Annexes

Annexe 1 : Grille des indices positifs de négatifs d'observation de l'image composite du corps de Eric Pireyre dans son article (L'image du corps : monolithique ou composite ?, 2008)

Sensation de continuité d'existence :

Stéréotypies motrices

Phénomènes d'accrochage sensoriels
Certains comportements masturbatoires
Recherche de sensations

Exigence de l'immuabilité

Identité :

Connaissance imparfaite ou plaquée de son prénom et de son nom
Utilisation incorrect ou inauthentique des pronoms personnels

Appropriation de l'identité d'autrui par imitation de ses caractéristiques comportementales et/ou

verbales

Écholalies - echopraxies - echomimies

Recherche de fusion avec le corps de l'autre

Identité sexuée :

Utilisation incorrect ou inauthentique des pronoms personnels (genre) Recherche possible d'un habillement censé référer au sexe opposé

Peau physique et psychique :

Comportement de recherche de limites : physiques, corporelles ou dans l'environnement
Débordement au-delà des limites de la feuille de dessin

Évitement ou demandes fréquentes de toucher

Exploration du corps de l'autre

Essais plus ou moins « involontaire » d'érafler la peau de l'autre

Jeux portant sur la pellicule ou la membrane des objets et/ou des végétaux Investissement particulier des orifices : contrôle imparfait, forte angoisse, énurésie, encoprésie Angoisse autour des blessures

Sensibilité somato-viscérale :

Démantèlement : tendance à recourir à certains aspects de la sensorialité et à refuser le recours à

d'autres

Risques de crise clastiques si incitation trop forte

Somatognosie

Utilisation des aspects les plus archaïques des systèmes sensoriels (ex : vision périphérique) Evitement ou recherche de jeux de tiers et/ou porters (demande proprioceptive)

Représentation de l'intérieur du corps :

Tendance à l'expulsion incontrôlée ou intempestive d'air et de liquide du corps par les orifices

Difficulté à comprendre les contrastes sensoriels (dur/ mou particulièrement)

Recherche d'appuis dans les angles (« prothèse » de colonne vertébrale)

Angoisse de vidage : urines, menstruation, saignements

Attrait pour l'observation de l'écoulement de l'eau

Intérêt amplifié pour les constantes corporelles

Méconnaissance de la réalité anatomique interne du corps

Connaissance « intuitive » d'un mécanisme interne de conduction type « tuyauterie »

Méconnaissance, au niveau axial, de l'os et du muscle

Appréhension d'un corps bidimensionnel

Attaques contre la tridimensionnalité

Quête du sein

Envie de rentrer dans le corps de l'autre

Angoisses corporelles archaïques :

Attaques contre la tridimensionnalité

Manifestations liées au morcellement, à la chute, à la dévalorisation et à la liquéfaction du corps

Recherche de l'horizontalité (long temps d'allongement au sol)

Manifestations neurovégétatives concomitantes à l'angoisse

Recours à des objets autistiques

Recherche de l'appuis du dos

Dessins de traits verticaux ou de spirales

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Mécanismes de défense corporels :

Paratonies de fond et d'action

Syncinésies de diffusion tonique et tonico-cinétiques

Hypertonie

Hypotonie

Dominance tonique nette et normale d'un hémicorps sur l'autre à partir de 5-6 ans

Qualité de la latéralité

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Annexe 2 : Tableau : Les neuroleptiques - Pharmacodynamie des neuroleptiques sur les grands systèmes de neuromédiation issue du support de cours du Professeur J. L. Senon, (Les neuroleptiques, 2002)

Système concerné

Conséquences

Dopaminergique

- action antispychotique (système limbique, cortex frontal) - action anti-émétique (centre du vomissement et récepteurs périphériques)

- signes endocriniens (axe hypothalamo- hypophysaire)

Noradrénergique

(action essentiellement sur récepteurs a-1)

- hypotension orthostatique

- troubles de l'éjaculation

- ptôse palpébrale (?)

- corrélation avec effet sédatif, avec les altérations de la

vigilance

Sérotoninergique

elle concerne notamment la clozapine ainsi que de nouveaux composés en développement: * antagonistes 5-HT2 = antipsychotiques (clozapine, rispéridone)

* antagonistes 5-HT3 (sétrons actuellement commercialisés comme anti-émétiques)

- voie en cours d'évaluation mais prometteuse : de nombreux neuroleptiques, mêmes "classiques", sont des antagonistes 5-HT2

Histaminergique

(concerne essentiellement les phénothiazines)

- sédation

- action anti-allergique (faible pour les phénothiazines neuroleptiques)

- prise de poids (avec action hormonale)

Cholinergique, avec double impact : - clozapine, phénothiazines pipéridinées, aliphatiques, puis pipérazinées et enfin halopéridol sont des antagonistes directs des récepteurs cholinergiques centraux comme périphériques

- levée du tonus inhibiteur sur les neurones cholinergiques normalement maintenu par des neurones dopaminergiques, d'où déséquilibre de la balance dopamine/acétylcholine; avec le temps, cet effet tend à diminuer avec le développement de l'hypersensibilité des récepteurs dopaminergiques

- effets anticholinergiques (atropiniques) directs

- effets centraux antimuscariniques (impliquant la fonction motrice et la mémorisation)

- effets indésirables extra-pyramidaux imposant parfois le recours à des correcteurs antiparkinsoniens (anticholinergiques)

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Annexe 3 : Extrait de la Classification Internationale des Maladies, 10ème édition (CIM-10) Chapitre V : Schizophrénie, trouble schizotypique et troubles délirants ; Troubles de l'humeur [affectifs].

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Chapitre V

F32.2 Épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques

Épisode dépressif dans lequel plusieurs des symptômes dépressifs mentionnés ci-dessus, concernant typiquement une perte de l'estime de soi et des idées de dévalorisation ou de culpabilité, sont marqués et pénibles. Les idées et les gestes suicidaires sont fréquents et plusieurs symptômes a somatiques » sont habituellement présents.

agitée

Dépression caractérisée épisode isolé sans symptômes psychotiques majeure

vitale

F32.3 Épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques

Épisode dépressif correspondant â la description d'un épisode dépressif sévère (F32.2) mais s'accompagnant par ailleurs d'hallucinations, d'idées délirantes ou d'un ralentissement psychomoteur ou d'une stupeur d'une gravité telle que les activités sociales habituelles sont impossibles ; il peut exister un danger vital en raison d'un suicide, d'une déshydratation ou d'une dénutrition. Les hallucinations et les idées délirantes peuvent dire congruentes ou non congruentes â l'humeur.

Épisodes isolés de :

· dépression :

· majeure [caractérisée] avec symptômes psychotiques

· psychotique

· psychose dépressive :

· psychogène

· réactionnelle

F32.30 Épisode dépressif sévère, avec symptômes psychotiques congruents à l'humeur

F32.31 Episode dépressif sévère, avec symptômes psychotiques non congruents à l'humeur

F32.8 Autres épisodes dépressifs

Dépression atypique

Épisodes isolés d'une dépression u masquée » SA'

F32.9 Épisode dépressif, sans précision

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Dépression SAl Trouble dépressif SA1

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Annexe 4 : Illustration des contentions mécaniques en chambre d'isolement (avec des soignants de l'unité)

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Annexe 5 : Illustration du bain thérapeutique proprioceptif (avec des soignants de l'unité)

Résumé

Les pratiques de contention symbolique, de contention environnementale (isolement), de contention chimique (tranquillisants ou neuroleptiques) et de contention mécanique (liens) sont présentes en psychiatrie adulte, en particulier au moment de la crise. À partir de l'expérience d'une unité intersectorielle de soins intensifs en psychiatrie adulte, ce mémoire propose une réflexion sur l'intérêt du soin psychomoteur pendant chacun ces moments.

Abstract

The practices of symbolical restraint, environmental restraint (isolation), chemical contain (tranquillizers or neuroleptics) and mechanical restraint (links) are present in adult psychiatry, particularly at the time of the crisis. Based on the experience of an intersectoral unit of intensive care in adult psychiatry, this thesis propose reflection on the interest of psychomotor care during each of these moments.

Mots clés : Psychiatrie ; Isolement ; Contention ; Psychomotricité ; Contenance ; Psychotropes ; Relaxation ; Psychose ; Schizophrénie

Keywords : Psychiatry ; Isolation ; Physical restraint ; Psychomotor ; Psychological contain ; Psychotropic ; Relaxation ; Psychosis ; Schizophrénia






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle