Développement psychomoteur

Texte

 

ITEM 55 Développement psychomoteur du nourrisson et de l'enfant : aspects normaux et pathologiques (sommeil, alimentation, contrôles sphinctériens, psychomotricité, langage, intelligence). L'installation précoce de la relation parents-enfant et son importance. Troubles de l'apprentissage

  • Diagnostiquer une anomalie du développement somatique, psychomoteur, intellectuel et affectif.
  • Repérer précocement les dysfonctionnements relationnels et les troubles de l'apprentissage.
     
Avant de commencer…

Le développement psychomoteur du nourrisson et de l'enfant est le reflet de l'interaction entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, qui débute dès la vie intra-utérine.

La maturation cérébrale et le développement du système nerveux central suivent étape par étape un programme déterminé.
Les facteurs environnementaux peuvent quant à eux moduler le développement cérébral, certaines stimulations étant cruciales aux phases précoces de développement et dans une fenêtre temporelle donnée (périodes critiques). L'importance du processus d'apprentissage dans la mise en place des différentes acquisitions psychomotrices est actuellement soulignée.

L'évaluation du développement psychomoteur est capitale. Il s'agit d'évaluer le développement d'un enfant d'un âge donné par rapport à une norme de population. Il faudra donc savoir tenir compte des variations individuelles au fil d'un calendrier qui sera toujours le même pour chaque enfant. Au cours de l'examen d'un enfant, plusieurs domaines du développement seront évalués : développement moteur, capacités de communication et compétences sociales, développement cognitif (voir le tableau 3.2 récapitulatif plus bas).

Deux circonstances différentes peuvent amener à évaluer le développement psychomoteur :
• examen systématique ;
• inquiétude des parents ou à l'occasion d'une pathologie.

L'étude du développement psychomoteur repose sur l'interrogatoire, qui est fondamental et ne doit jamais être suggestif, et sur l'examen clinique. Deux notions sont importantes : le niveau des performances de l'enfant par rapport à son âge chronologique et sa dynamique de développement appréciée lors de consultations successives.

L'enfant doit être mis en confiance, en présence de ses parents, examiné dans une salle adaptée, au calme, avec de nombreux jeux permettant sa participation active.

 

I. Développement psychomoteur du nourrisson et de l'enfant : aspects normaux

A. Chez le nourrisson (jusqu'à 2 ans)

1. Motricité

Au cours de la première année de vie, une modification du tonus va s'observer avec disparition progressive de l'hypotonie axiale et de l'hypertonie des membres. À la motricité initialement réflexe du jeune nourrisson (réflexes archaïques, voir chapitre 44) succède l'apparition progressive de la motricité volontaire, puis une coordination de plus en plus fine et la marche. La progression du tonus se fait dans le sens céphalocaudal.

Tenue de tête

À la naissance, elle est inexistante ; la manœuvre du tiré-assis permet de mesurer l'acquisition de celle-ci avec chute en arrière jusqu'à l'âge de 2 mois (voir fig. 44.13 au chapitre 44). À 2 mois, on note un contrôle de la tête en position verticale, à 3 mois un contrôle dans toutes les positions. En décubitus ventral, l'enfant arrive à soulever sa tête du plan du lit très précocement, il la change de côté à 1 mois.

Station assise

L'acquisition de la station assise est progressive. À 1 mois, tenu, le nourrisson a le dos rond. On note un début de tenue assise vers 4 mois avec support ; à 5 mois, la station assise est présente avec appui des mains vers l'avant ; à 6–8 mois, il existe une réaction de parachute latéral (fig. 3.1). À 8–9 mois, la station assise autonome, sans support, est parfaite. L'enfant est capable de s'asseoir seul à partir de 8 mois.

Réactions posturales : parachute latéral
 
Fig. 3.1. Réactions posturales : parachute latéral (6–8 mois).

 

Station debout

Chez le nouveau-né, elle est réflexe. À 6 mois, le nourrisson supporte le poids de son corps ; à 10 mois, il se met debout en tirant avec les membres supérieurs. Il marche tenu vers 11 mois et seul entre 9 et 18 mois. À partir de 9 mois sont présents les parachutes antérieurs.

Acquisition de la marche

Elle se fait entre 9 et 18 mois. La plupart des enfants marchent à quatre pattes ou rampent avant de se mettre debout.
Beaucoup d'enfants ont un mode de locomotion très particulier : ils se déplacent sur les fesses avec fréquemment une jambe repliée. Un petit nombre d'enfants n'ont aucune activité de propulsion avant de se mettre debout.

Préhension

Elle est réflexe à la naissance (grasping, voir fig. 44.14 au chapitre 44). Vers 4–5 mois, le nourrisson tend la main vers l'objet (préhension volontaire). Il existe un empaumement cubital vers l'objet. À 6 mois, il porte à la bouche, on note un empaumement médian. À 6 mois, il passe d'une main à l'autre (fig. 3.2) et, à 9 mois, il manipule avec ses deux mains. Il existe une pince fine avec opposition pouce-index à partir de 9 mois.

Expériences sensorimotrices

Elles ont un rôle clé en apportant de nouvelles influences sur les processus cognitifs utilisés dans la résolution de tâches précises. Ainsi, chez le nourrisson, il existe une corrélation très nette entre l'accès au déplacement autonome et la résolution d'épreuves de recherche manuelle d'objets cachés.

 Passage d'une main à l'autre d'un objet avec empaumement médian
 
Fig. 3.2. Passage d'une main à l'autre d'un objet avec empaumement médian.

 

2. Aptitudes cognitives et de communication

Vision

Le nouveau-né reconnaît le visage de sa mère et peut suivre horizontalement. À 1 mois, il existe une poursuite horizontale parfaite, à 3 mois une poursuite horizontale et verticale. À 9 mois, le nourrisson cherche du regard un objet tombé et disparu. Au fil de la première année, l'acuité visuelle s'affine.

Audition

L'enfant entend d'emblée ; le système auditif est fonctionnel dès la vie intra-utérine. Il existe une orientation parfaite au bruit à l'âge de 6 mois.

Communication

Un sourire-réponse est présent dès 2 mois.
Les premières vocalises apparaissent vers 2 mois (gazouillis) ; le nourrisson rit aux éclats vers 4 mois. La qualité du contact et l'intérêt du regard sont les premiers indices de capacités de communication. La mise en place du comportement d'attention conjointe est très importante à évaluer : l'attention visuelle conjointe, ou attraction du regard d'autrui vers un objet d'intérêt, doit être présente dès les premiers mois ; le pointage du doigt pour montrer un objet ou pour le réclamer dès 9 mois. À 9–10 mois, on note une capacité d'imitation, le nourrisson fait « au revoir », « bravo ».

Le développement du langage repose sur des interactions entre les aptitudes innées et leur « programme » de développement (déterminés génétiquement) et les informations linguistiques de l'entourage, dans une relation faite d'interactions et d'échanges affectifs.

Le développement des deux versants du langage doit être précisé, en sachant que le développement du versant réceptif (compréhension) précède celui du versant expressif (expression). Les parents peuvent surestimer le niveau de compréhension de leur enfant. La compréhension des premiers mots survient entre 8 et 10 mois. L'enfant comprend un ordre simple en contexte vers 15 mois et hors contexte vers 30 mois.
Sur le versant expressif, le babillage notamment canonique (redoublement des syllabes qui apparaît entre 6 et 7 mois) a valeur de langage et précède l'apparition des premiers mots entre 10 et 12 mois. L'augmentation du nombre de mots est variable d'un enfant à l'autre. En moyenne, l'enfant à 15 mois possède dix mots ; entre 18 à 24 mois, l'enfant arrive à une masse critique de cinquante mots, il est alors capable d'apprendre entre quatre et dix mots nouveaux par jour. Cette phase est qualifiée d'« explosion lexicale », qui favorise l'émergence de la syntaxe avec l'apparition des premières associations de mots.

 

B. Chez le petit enfant (à partir de 2 ans jusqu'à 6 ans)

Au cours de l'examen, l'étude du comportement de l'enfant est fondamentale, permettant d'apprécier la sociabilité, le langage, la capacité d'attention. Faire appel à des jeux simples s'avère souvent d'une excellente contribution ; le faire dessiner et le faire utiliser des cubes (capacités praxiques) font partie de l'examen de tout enfant à cet âge (tableau 3.1). Plus encore que chez le jeune nourrisson, il existe d'importantes variations dans l'acquisition des divers comportements.

 
Tableau 3.1. Compétences graphiques et visuo-praxiques évaluées à la consultation.

 

12 mois

24 mois

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

Graphisme

 

Trait

Rond

Carré

Triangle

Losange

Construction

Empile deux cubes

Tour avec six cubes
six cubes

Pont avec trois cubes
 

trois cubes

 

Pyramide avec six cubes
 

six cubes

 

 

1. Motricité (globale et fine)

À 2 ans

L'enfant est capable de marcher à reculons, lancer une balle, monter et descendre les escaliers marche par marche, donner un coup de pied dans un ballon. Il ouvre une porte, grimpe sur des meubles. Il commence à courir. Il gribouille des figures circulaires, encastre des formes, fait des tours de six cubes, copie un trait vertical. Il peut laver et sécher ses mains, mettre ses chaussures, enlever ses vêtements, se servir d'une cuillère.

À 3 ans

Il est capable de tenir une attitude, de résister à une poussée douce. Il saute à pieds joints vers l'avant, fait du tricycle. Il se lave les mains seul. Il copie un cercle et avec trois cubes reproduit le pont.

À 4 ans

Il maintient un appui monopodal et peut commencer à sauter à cloche-pied, lance une balle en l'air. Il copie un carré, dessine un bonhomme avec une tête et deux à quatre parties.

À 5–6 ans

Il sait sauter à la corde, rattraper une balle qui rebondit. Il sait faire du vélo sans les petites roues. Il s'habille et se déshabille. À 5 ans, il copie le triangle et écrit son prénom en lettres bâton. Il reproduit une pyramide avec six cubes. À 6 ans, il copie le losange et écrit son prénom en lettres attachées.
 

2. Langage, comportement social et adaptatif

À 2 ans

L'enfant montre les parties de son corps, associe deux mots, suit deux ou trois directions : devant, derrière en haut ou en bas. Il nomme une ou plusieurs images, utilise le pluriel. Il écoute une histoire en suivant les images. Vers 2 ans et demi, il fait semblant lors des jeux (dînettes, poupées, files de petites voitures…). Il reconnaît son image dans le miroir.

À 3 ans

Il fait des phrases, emploie le « je », prononce son nom. Il compte jusqu'à 3.
Il commence à jouer avec les autres enfants en parallèle. Il connaît son âge, son sexe.

À 4 ans

Il raconte des histoires, joue avec d'autres enfants avec des interactions sociales (joue au papa et à la maman). Il compare la longueur de deux lignes, désigne la plus longue. Il nomme les couleurs. Il commence à faire des additions simples avec l'utilisation des doigts.

À 5–6 ans

Il décrit parfaitement une image avec des phrases élaborées ; il répète une phrase de douze syllabes. Il pose des questions sur la signification des mots. Il connaît la comptine numérique jusqu'à 30. Il dénombre une collection de dix pièces et a acquis le principe de cardinalité (le dernier chiffre correspond au total de la collection). Au niveau de l'organisation spatio-temporelle, l'enfant montre le dessus, le dessous, devant, derrière. Le repérage dans le temps est parfois plus difficile à évaluer : il doit connaître l'après-midi, le soir. La dominance latérale à l'usage préférentielle d'une main étant établie vers 4 ans, la discrimination droite-gauche est possible à 6 ans.

Les grandes étapes du développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans sont synthétisées dans le tableau 3.2.
 

Tableau 3.2. Développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans.

 

Acquisitions motrices et posturales

Acquisitions manuelles

Acquisitions du langage

Acquisitions sensorielles

2 mois

Soulève tête et épaules (sur le ventre)

Bouge vigoureusement les quatre membres

Serre le doigt

Réponse vocale à la sollicitation

Sourire-réponse

Suit des yeux

4 mois

Tenue de tête déjà acquise

S'appuie sur les avant-bras (sur le ventre)

Joue avec les mains

Vocalise

Rit aux éclats

6 mois

Tient assis avec appui

Passe un objet d'une main à l'autre

Babillage (« ma-ma »)

Repère un visage familier

9 mois

Tient assis sans appui

Tient debout avec appui

Saisit un objet avec la pince pouce-index

Réactions posturales aux pulsions

Répète une syllabe

Réagit à son prénom

Joue à « coucou, le voilà »

Peur de l'étranger

12–18 mois

Marche seul (considérée retardée après 18 mois)

Autonomie pour le verre et la cuillère

Empile deux cubes

Deux mots combinés

Apparition du « non »

Joue avec d'autres enfants

24 mois

Court

Imite un trait

Trois mots en phrase

Comprend une consigne simple

3 ans

Monte les escaliers en alternant les pieds

Fait du tricycle

Imite un rond

Dit une petite histoire

S'habille seul

 

C. Développement de l'alimentation, du sommeil et du contrôle sphinctérien

1. Alimentation

Dès l'âge de 4–5 mois

Il peut boire à une tasse lorsque celle-ci est portée à ses lèvres ; il mange à la cuillère.

À 6 mois

Il mastique et peut commencer à manger un biscuit seul, ce qui coïncide avec la possibilité de tenir les objets.

À 15 mois

Il prend une tasse seul et boit seul.

À 18–24 mois

Il tient une cuillère et mange seul.
 

2. Sommeil

De la vie fœtale à l'adolescence, le sommeil se construit et s'organise. Chez l'enfant comme chez l'adulte, il existe des variations interindividuelles.

Chez le nouveau-né

Il dort beaucoup, environ 16 heures par jour. Les périodes d'éveil s'effectuent sous forme d'état de veille agitée. Il n'y a pas de différence jour-nuit. Il s'endort en sommeil agité, qui représente 50 à 60 % du sommeil total.

Entre 1 et 6 mois

C'est la période où le sommeil évolue le plus rapidement avec apparition d'une périodicité jour-nuit, d'une maturation EEG des ondes de sommeil et apparition de rythmes circadiens de la température, du pouls, de la respiration et des sécrétions hormonales.
À 3 mois, la durée moyenne de sommeil est de 15 heures dont 9 heures de sommeil nocturne. Entre 6 mois et 1 an, le sommeil nocturne est de 12 heures.

Entre 6 mois et 4 ans

On note une réduction progressive du sommeil diurne avec trois à quatre siestes journalières vers 6 mois, deux siestes à 12 mois puis une seule vers 18 mois.

Vers 4 ans

On note un sommeil le plus souvent uniquement nocturne de 13 ou 14 heures.

De 4 à 12 ans

On note une réduction du temps total de sommeil ; le sommeil devient uniquement nocturne avec augmentation du sommeil lent profond en début de nuit. La durée du sommeil est inférieure à 12 heures avec coucher à 20 h vers 5–6 ans, coucher à 21 h vers 8 ans, coucher à 22 h au début de l'adolescence.
 

3. Contrôle sphinctérien

Chez le nouveau-né, la miction est un acte réflexe. Le contrôle volontaire ne débute pas avant 15 à 18 mois. L'aquisition de la propreté est dépendante de l'âge d'initiation de l'éducation à la propreté : il faut tenir compte de ce facteur clé pour juger de l'âge d'aquisition de la propreté. L'enfant peut prévenir et utiliser un pot à 18 mois. À 2 ans, il est propre le jour avec des accidents occasionnels et commence à être propre la nuit. Cependant, l'âge de la propreté nocturne est variable. Il va seul aux toilettes vers 4 ans.
Le contrôle anal est souvent obtenu avant le contrôle vésical. 

La connaissance des étapes du développement psychomoteur est indispensable.
Elles seront évaluées lors de tout examen et notées dans le carnet de santé.
En cas d'écart de développement, les données recueillies, complétées par celle de l'examen neurologique, vont permettre une orientation diagnostique.

 

II. Aspects pathologiques du développement psychomoteur

A. Préambule

En cas d'anomalie du développement psychomoteur, certaines acquisitions ne sont pas présentes à un âge moyen donné, qu'elles n'aient jamais existé ou qu'elles soient perdues (on parle alors de régression).
Le développement de l'enfant comprend plusieurs domaines, qui pourront être altérés de façon globale — on parle généralement de retard global du développement, qui peut être homogène ou hétérogène (parfois l'atteinte est nettement plus marquée dans un domaine du développement) — ou de façon isolée (retard de langage ou retard moteur isolé).

Il convient toutefois de préciser que le terme de « retard » est un terme trompeur qui laisse supposer un rattrapage ; or, le plus souvent, les difficultés seront persistantes. Il faut retenir que le retard de développement n'est qu'un signe d'appel qui pourra conduire à un diagnostic de différents types de troubles du neurodéveloppement (comme la déficience intellectuelle, le trouble du spectre autistique ou le trouble spécifique du langage oral).

Les troubles développementaux liés à un déficit sensoriel ou par carence de stimulation, qui nécessitent un dépistage précoce afin de mettre en place une prise en charge adaptée, ne sont pas traités ici.

 

B. Démarche diagnostique

1. Interrogatoire

L'interrogatoire est fondamental et s'attachera à préciser :

  • les antécédents familiaux : notion de consanguinité, de cas familiaux, dans la fratrie, tous les antécédents médicaux quels qu'ils soient ;
  • les antécédents personnels :
    • grossesse : spontanée ou provoquée (techniques de procréation médicalement assistée), suivi échographique, déroulement de la grossesse, pathologie maternelle, prise de médicaments ou de toxiques ;
    • obstétricaux : durée du travail, accouchement par voie basse, césarienne… ;
    • périnataux : existence ou non d'une asphyxie périnatale, score d'Apgar… ;
    • postnataux : étapes du développement psychomoteur, existence ou non d'une autre pathologie, digestive, rénale, cardiaque ;
  • le moment exact de la première inquiétude des parents est toujours capital à faire préciser ; il existe très souvent un décalage par rapport à l'âge de la première consultation. Ne jamais banaliser les doutes d'un parent sur le développement de son enfant ;
  • l'évolution des troubles : progrès réguliers, stabilité des acquisitions ou régression.

Il existe une certaine variabilité dans les acquisitions, mais le praticien doit connaître les signes d'alerte qu'il ne devra pas laisser passer. L'encadré suivant indique les signaux d'alerte précoces pour le développement de la motricité et du langage de l'enfant.

Signaux d'alerte précoces d'anomalie du développement moteur
• Ne tient pas sa tête à 3 mois.
• Ne tient pas assis à 9 mois.
• Ne marche pas à 18 mois.
• Ne pédale pas à 3 ans.

Signaux d'alerte précoces d'anomalie du développement linguistique
• Silencieux la première année sans babillage canonique.
• Ne dit aucun mot à 18 mois.
• Aucune association de mots à 24 mois.
• Absence d'intelligibilité de la production linguistique à 3 ans.
• Absence de phrases à 3 ans. 

 

2. Examen clinique

L'examen clinique doit toujours être complet :

  • mesure du périmètre crânien rapportée sur une courbe, de même que poids et taille ;
  • recherche d'une anomalie de l'examen neurologique ;
  • examens cutané, cardiaque, abdominal (hépatomégalie, splénomégalie) ;
  • vérification des différentes étapes du développement psychomoteur.
     

3. Analyse des données cliniques recueillies

L'interrogatoire et l'examen clinique permettent de préciser le niveau des performances et de les comparer à l'âge chronologique de l'enfant.

La sévérité de l'atteinte est appréciée par le quotient de développement (QD), qui est le rapport entre le niveau des performances de l'enfant et son âge. Ainsi, un enfant âgé de 6 ans qui réalise les performances moyennes d'un enfant de 3 ans aura un QD de 50 (3/6 × 100), ce qui signifie qu'il réalise 50 % seulement des performances attendues pour son âge.

L'interrogatoire et l'examen clinique permettent de préciser le niveau de l'atteinte neurologique (centrale ou périphérique) (fig. 3.3) et d'orienter vers une des nombreuses causes responsables d'une anomalie du développement (fig. 3.4) :

  • les atteintes centrales (70 % des cas) sont regroupées sous le terme de troubles du neurodéveloppement et peuvent traduire :
    • soit un trouble d'origine anténatale, périnatale ou postnatale (70 %) : notion de progrès ou de stabilité des signes ;
    • soit une pathologie neurodégénérative (30 %) : notion de régression.
type d'atteinte
Fig. 3.3. Type d'atteinte neurologique orientant la démarche étiologique.

 

orientation
Fig. 3.4. Orientation diagnostique étiologique.

 

  • les atteintes périphériques (30 % des cas) responsables d'une anomalie du développement sont le plus souvent progressives et correspondent aux maladies neuromusculaires observées chez l'enfant.

 

C. Atteintes périphériques

Le signe d'appel est le plus souvent un trouble du développement moteur contrastant avec un éveil et des capacités cognitives préservées.

Il s'agit de maladies neuromusculaires. Elles sont définies par l'atteinte primitive de l'un des composants de l'unité motrice (voir fig. 3.4) :

  • atteinte de la corne antérieure : amyotrophie spinale infantile ;
  • atteinte du nerf périphérique : neuropathies sensitivomotrices héréditaires ;
  • atteinte de la fibre musculaire : dystrophie musculaire progressive (type maladie de Duchenne).

Dans tous les cas, la connaissance d'un diagnostic précis est indispensable et permettra au mieux à l'enfant et à sa famille de trouver au sein d'une équipe pluridisciplinaire une écoute, un accompagnement et une prise en charge adaptée (voir chapitre 53).

 

D. Atteintes centrales

1. Orientation

On parle désormais de troubles du neurodéveloppement.
Le diagnostic repose sur l'interrogatoire et l'examen clinique.

Lorsqu'il existe une anomalie à type de déficience intellectuelle avec ou sans signes dysmorphiques évidents, et sans anomalies neurologiques franches, une consultation de neuropédiatrie et/ou de génétique seront demandées en première intention.
Lorsqu'il existe une anomalie neurologique et/ou une épilepsie au premier plan, une consultation de neurologie pédiatrique avec réalisation d'une IRM cérébrale sera demandée en première intention.

Sur un plan cognitif, on distinguera les enfants présentant des difficultés globales du fonctionnement intellectuel (déficience intellectuelle) des enfants ayant des difficultés plus ciblées ou spécifiques d'un domaine (trouble du langage, par exemple).
Dans cette seconde situation, le trouble pourra être secondaire (par exemple, dans la neurofibromatose de type 1, les enfants développent des troubles de l'apprentissage le plus souvent sans déficit intellectuel) ou primitif (cela correspond aux troubles « dys »).

 

2. Déficience intellectuelle

La prévalence de la déficience intellectuelle est de 2 à 3 % dans la population générale.

Les principaux signes d'appel sont le retard de langage isolé, le retard global du développement, les difficultés d'apprentissage (notamment compréhension de textes et difficultés pour le raisonnement mathématique) et les troubles du comportement.

Le déficit des fonctions intellectuelles concerne plusieurs domaines comme le raisonnement, la résolution de problème, la planification, la pensée abstraite, le jugement. L'évaluation du fonctionnement intellectuel fait appel le plus souvent aux échelles de Wechsler. On parle de déficit si le score du quotient intellectuel (QI) est inférieur à 70 (± 5). Le QI n'est évaluable chez l'enfant qu'à partir de l'âge de 3 à 4 ans mais n'est vraiment stable qu'à partir de 7 à 8 ans.

Les causes sont nombreuses. Schématiquement, les causes de la déficience intellectuelle peuvent être regroupées en trois groupes principaux (tableau 3.3).

Tableau 3.3. Principales causes de déficience intellectuelle.

Atteinte cérébrale postnatale

  • Méningite bactérienne (pneumocoque principalement)
  • Traumatisme accidentel ou dans le cadre de sévices à enfant (syndrome de l'enfant secoué)
  • Anoxie cérébrale (noyade, malaise grave du nourrisson)

Complications d'origine périnatale (anoxie) et de la prématurité

 

Causes anténatales

  • Environnementales :
  • Origine infectieuse : infections à CMV, rubéole, toxoplasmose, virus herpès, virus Zika…
  • Origine toxique : alcool (syndrome d'alcoolisme fœtal), mais aussi héroïne, cocaïne, médicaments tels que certains antiépileptiques (valproate)
  • Génétiques :
  • Liées à des anomalies du nombre des chromosomes, telles que dans la trisomie 21 (voir chapitre 11).
  • Liées à des anomalies de structure des chromosomes, comme dans les syndromes microdélétionnels : syndrome de Willi-Prader, syndrome d'Angelman, syndrome de Williams…
  • Liées à des mutations ponctuelles, comprenant les malformations cérébrales et les syndromes neurocutanés

 

3. Troubles du spectre autistique (TSA)

L'autisme au sens générique du terme est considéré aujourd'hui comme un trouble d'origine neurodéveloppementale dont les signes psychopathologiques principaux se manifestent par des perturbations dans l'interaction et la communication sociale accompagnées également de comportements répétitifs et stéréotypés (DSM-5).

La prévalence en population générale serait de 1 %.
Chez la moitié des enfants avec un TSA est associée une déficience intellectuelle de causes variées.

Les critères diagnostiques sont :

  • l'existence de déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés :
    • déficit de réciprocité sociale ou émotionnelle ;
    • anomalies du contact, déficit de communication non verbale ;
    • difficultés d'ajustement social, voire retrait total ;
  • le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités :
    • stéréotypies, écholalie, activité de rotation des objets ;
    • intolérance au changement, rituels ;
    • attachement à des objets insolites, intérêts persévérants ;
    • hypo- ou hyperréactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour certains aspects sensoriels (lumières, flairage…) ;
  • dès les étapes précoces du développement ;
  • avec un retentissement significatif.

Tout praticien doit savoir repérer les signes d'alerte d'autisme, cela dès les premières phases du développement et dès que les parents expriment une inquiétude autour du développement de leur enfant, et orienter vers un centre ressources autisme (CRA).

 

4. Les troubles spécifiques du développement et des apprentissages, communément appelés troubles « dys »

Ce sont des troubles neurodéveloppementaux qui entraînent des anomalies cognitives perturbant les acquisitions (langage, motricité, apprentissage de la lecture, des mathématiques ou de l'écriture) en l'absence de déficience intellectuelle (diagnostic différentiel), en l'absence de trouble sensoriel ou neurologique, chez un enfant normalement socialisé et scolarisé.

Leur étiologie est actuellement considérée comme complexe, plurifactorielle avec des facteurs génétiques et environnementaux.

Ils sont fréquents, avec une prévalence dans la population générale autour de 10 %.
L'enquête clinique devra absolument écarter un trouble sensoriel ou neurologique. Le patient avec un trouble du neurodéveloppement doit alors être adressé à un centre spécialisé.

Troubles spécifiques du développement du langage

Troubles spécifiques du langage oral, ou TSLO

Le retard de langage est un motif de consultation fréquent à l'âge préscolaire et est le signe d'appel le plus fréquent des TSLO.

Ce diagnostic est un diagnostic d'élimination après avoir éliminé systématiquement un déficit sensoriel auditif, un trouble acquis du langage d'origine neurologique ou des négligences graves dans les situations de maltraitance.
La déficience intellectuelle et les troubles du spectre autistique sont les principaux diagnostics différentiels. Parfois, seule l'évolution des enfants permet de porter un diagnostic définitif.

Un bilan orthophonique avec rééducation si nécessaire doit être prescrit.

Troubles spécifiques du langage écrit, ou dyslexie

Les difficultés d'apprentissage de la lecture et/ou de l'orthographe sont un motif fréquent de consultation à l'âge scolaire.
En cas de difficultés de compréhension pour les textes lus, il faudra s'assurer de l'absence de déficience intellectuelle.
Une prise en charge spécialisée est nécessaire, précoce pour éviter un retard scolaire : rééducation orthophonique et adaptations pédagogiques.

Trouble d'acquisition ou développemental de la coordination, ou dyspraxie

Les plaintes scolaires débutent dès l'école maternelle, avec des difficultés graphiques et une maladresse puis, au primaire, avec des difficultés en mathématiques notamment en géométrie. La prise en charge est multidisciplinaire et précoce : rééducation (ergothérapie, psychomotricité, orthoptie) et aménagements pédagogiques.

Trouble de déficit de l'attention/hyperactivité (TDAH)

Le trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par un niveau inapproprié d'attention, d'impulsivité et d'hyperactivité motrice.
Sa prévalence est estimée à 5 % des enfants d'âge scolaire, avec une prédominance masculine. La comorbidité avec des troubles des apprentissages est fréquente, concourant à un risque d'échec scolaire.

Le diagnostic est avant tout clinique.

 

5. Encéphalopathies neurodégénératives

Elles sont plus rares et représentent moins de 30 % des cas d'anomalies neurodéveloppementales. Après un développement normal, une régression des acquisitions est constatée plus ou moins tôt.
La démarche étiologique repose là encore sur l'interrogatoire et l'examen clinique qui permettront de guider au mieux les explorations complémentaires. L'IRM, les explorations neurophysiologiques (EEG…) permettront d'orienter la démarche diagnostique.

Dès la suspicion d'une pathologie neurodégénérative, une orientation en centre de référence spécialisée neuropédiatrique s'impose pour diagnostic et prise en charge spécifique.

Dans cette situation de régression, il faut savoir rechercher une encéphalopathie neurodégénérative métabolique et/ou génétique (par exemple, le syndrome de Rett) ou des formes rares d'épilepsie.
Dans quelques cas, il existe un traitement spécifique qui sera d'autant plus efficace que mis en route précocement.

Le diagnostic précis du cas index permettra la plupart du temps de proposer un conseil génétique et un diagnostic prénatal approprié.

 

Références

American Psychiatric Association (APA). Diagnostic and statistical Manual of mental disorders, Fifth edition

(DSM-5) Washington. DC: American Psychiatric Association; 2013.