Les troubles vésicosphinctériens nocturnes sont un motif fréquent de consultation en urologie, surtout chez les personne âgées, indique l'Association française d'urologie (AFU) (source 1). L’envie d’uriner la nuit, appelée nycturie, a beau être fréquente, elle n’en est pas moins un symptôme à prendre en compte.
Définition et symptômes de la nycturie
Ce symptôme gênant consiste à se réveiller une ou plusieurs fois par nuit pour uriner, chaque miction étant précédée et suivie par le sommeil.
La nycturie peut toucher les hommes comme les femmes, mais elle est plus fréquente chez les hommes âgés. "Plus de la moitié des hommesâgés de plus de 70 ans ont une nycturie, qui peut s’expliquer par de nombreuses raisons", explique l'AFU.
Attention toutefois, souligne cette dernière : les causes de la nycturie sont multifactorielles et il ne faudrait surtout pas interpréter la nycturie comme témoin obligatoire d’un prostatisme chez l'homme.
Uriner souvent la nuit peut altérer la qualité de vie
Bien que la nycturie soit souvent bénigne, elle peut altérer le sommeil ainsi que la récupération - elle est donc associée à la diminution de la qualité de vie du/de la patient.e, indique l'Association des urologues du Canada (AUC) (source 2). Chez les gens âgés, elle expose aussi « aux chutes nocturnes, aux syncopes mictionnelles... »
Pourquoi je fais beaucoup pipi la nuit ?
Certaines mauvaises habitudes alimentaires et un apport excessif en eau ou en liquides le soir (soupe, tasse de café, thé, tisane...) peuvent être à l'origine de la nycturie.
Le sel et l'hypertension
Des chercheurs de l’université de Nagasaki, au Japon, se sont intéressés à la consommation de sel de personnes souffrant de nycturie. D’après leur étude, publiée en 2017, une consommation excessive de sel pendant la journée pourrait conduire à une envie d’uriner la nuit. En effet, le sel retient les liquides. Cette rétention d’eau, associée d’ailleurs aussi à l’hypertension artérielle, serait à l’origine des visites nocturnes aux toilettes.
La polyurie nocturne
La polyurie nocturne (qu'on distingue de la polyurie globale) pourrait être la raison pour laquelle vous ne pouvez pas dormir toute la nuit sans une pause pipi. La polyurie nocturne est un syndrome où le rapport habituel jour/nuit de la production d'urine est modifié. Les personnes qui en souffrent produisent plus de 33 % de leur débit urinaire quotidien la nuit.
L'insuffisance cardiaque, les maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson et d'Alzheimer, le cancer de la vessie et de la prostate, le diabète, l’insuffisance hépatique, et les maladies rénales chroniques font partie des pathologies qui peuvent entraîner une polyurie nocturne.
L'apnée du sommeil
Lorsque les voies aériennes supérieures sont obstruées, nos nuits sont entrecoupées par des arrêts respiratoires. Il s’agit de l’apnée du sommeil. Le manque d’oxygène provoque une réaction en chaîne qui déclenche le besoin d’uriner. Ce trouble du sommeil peut devenir grave sur le long terme, il est essentiel d’en discuter avec son médecin pour faire un bilan et trouver un éventuel traitement.
Une vessie fatiguée
Votre vessie a peut-être simplement du mal à fonctionner la nuit. Les causes sont variées : une infection ou inflammation, une vessie hyperactive, ou encore une obstruction de la vessie. Selon un rapport de la revue BMJ cité par Health, de nombreux patients qui souffrent de nycturie sont affectés à la fois par la polyurie nocturne et la faible capacité vésicale nocturne, qui sont deux problèmes distincts. Les patients atteints de ces deux maladies reçoivent un diagnostic de nycturie mixte.
Un mauvais sommeil
Certaines personnes finissent par uriner pendant la nuit parce qu'elles se réveillent simplement plus souvent que d’habitude. Dans ce cas, ce n’est pas le besoin de vider la vessie qui provoque le réveil, mais le fait de se réveiller qui déclenche une envie d’uriner. Les causes du mauvais sommeil devront donc être identifiées et, si possible, traitées.
Bilan de nycturie : quels examens réaliser ?
La nature multifactorielle de la nycturie complique son diagnostic. « Une évaluation initiale avec anamnèse et examen physique approfondis peut clarifier ses causes, qu’elles soient urologiques ou non », explique l'AUC. La consultation doit aussi comprendre "l’évaluation des symptômes urinaires, de la consommation de liquides (quantité, type et moment), des médicaments et des habitudes de sommeil en lien avec la nycturie. »
D'autres examens supplémentaires peuvent être prescris selon le contexte afin d'éliminer un diagnostic différentiel : mesure de la tension artérielle, prise de sang, polysomnographie si la personne ronfle afin de dépister une apnée du sommeil...
Le médecin prescrira également un examen cytobactériologique des urines (ECBU), afin de rechercher d'éventuelles bactéries dans les urines et de détecter une infection urinaire.
Le recours à un questionnaire ciblé permet également de repérer la nycturie, et l'utilisation d'un calendrier mictionnel, sur lequel le/la patient.e indique les horaires ainsi que les volumes urinés.
Comment éviter de se réveiller la nuit pour uriner ?
Si vous perdez le sommeil à cause de la nycturie, parlez-en à votre médecin. Certaines causes de nycturie ont un traitement facile à mettre en place.
Parfois la prise en charge de la nycturie passe par le simple fait de diminuer la consommation d’alcool ou de boissons gazeuses le soir, de boire plus d’eau le matin, et surtout de diminuer la dose de café. De manière générale, pour lutter contre la nycturie, il est recommandé de limiter la consommation de liquides le soir afin de ralentir la production d’urine pendant le sommeil.
« Les personnes dont l’apport en sel est élevé devraient réduire leur consommation quotidienne afin d’observer une réduction bénéfique des mictions nocturnes. Outre le sel et l’eau, la consommation de protéines peut également jouer un rôle », ajoute l'AFU.
Sont également recommandés :
- l’élévation des membres inférieurs en fin d’après-midi/soirée (jambes au-dessus du niveau du cœur pendant 1 à 3 heures avant le coucher) ;
- l’utilisation de bas de contention.
Si l'on soupçonne un syndrome d’apnée du sommeil, ce dernier doit être identifié « et justifiera une ventilation en pression positive continue », indique l'AFU.
Peut-on prendre un traitement à base de médicaments ?
Des modifications de diurèse peuvent être induites pharmacologiquement en augmentant la diurèse l’après-midi et/ou en diminuant la diurèse nocturne, indique l'AFU.
Dans certains cas, un médicament de synthèse, la desmopressine, qui mime l'action de l'hormone antidiurétique, peut aider à gérer les envies fréquentes d'uriner la nuit. Elle permet notamment de « réduire la fréquence des mictions nocturnes d’un nombre appréciable d’hommes par rapport à un placebo, en traitement pendant 3 à 12 mois », décrit la revue Cochrane dans les résultats d'une étude publiée en 2017 (source 3).
Il est en réalité incorrect de parler de nycturie pour définir des mictions nocturnes trop fréquentes, indique l'AFU. Sur le plan sémantique, nycturie signifie “miction nocturne” sans préjuger de la fréquence, tandis que le terme pollakiurie signifie “miction fréquente”. C'est la langue anglo-saxonne qui, en utilisant le terme de "nocturia" a pollué la langue française, ou tout au moins le “jargon” médical, en introduisant le terme de nycturie qui entre en compétition avec le terme de pollakiurie.