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Santé

De nouvelles pistes dans le traitement de l'épilepsie

Ce 10 février a lieu la nouvelle "Journée Européenne de l’Epilepsie". Décryptage de cette maladie avec le neurologue Arnaud Biraben.
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cortex entorhinal latéral
Grâce à l'imagerie par IRM fonctionnelle, une équipe du centre médical de l'Université Columbia à New York vient de localiser précisément le point de départ de la maladie d'Alzheimer dans le cerveau. Il s'agit du cortex entorhinal latéral.
DR

Ce 10 février a lieu la nouvelle "Journée Européenne de l’Epilepsie", intitulée "l’épilepsie, c’est davantage que les crises". C’est une maladie que beaucoup de familles essaient encore de dissimuler, alors qu’elle est très répandue, dix fois plus fréquente que la sclérose en plaques, par exemple, et une fois sur quatre extrêmement difficile à soigner. En France, on compte ainsi 600.000 épileptiques, 60 millions dans le monde. Et d’après les statistiques, une personne sur 25 aura un jour une crise d’épilepsie...

Suite aux "Journées Nationales de l’Epilepsie" de novembre 2013 et à celles de l’American Epilepsy Society en décembre, Arnaud Biraben*, neurologue et président de la Ligue Française contre l’Epilepsie (LFCE) se réjouit de l’arrivée en France, en ce début 2014, d’un nouveau médicament, le Pérampanel et de plusieurs avancées médicales annoncées pour les mois et années à venir (1).

 

DÉFINIR L'ÉPILEPSIE. En grec, epilambaneim signifie "attaquer par surprise". Une crise dure de quelques secondes à une ou deux minutes, pendant lesquelles a lieu une "décharge incontrôlée" des neurones, c’est-à-dire une activité électrique anormale paroxystique (visible sur l’électroencéphalogramme), accompagnée de toutes sortes de manifestations. Lors des crises généralisées, où tous les neurones sont impliqués, le patient ne peut pas s’en souvenir, il peut être sujet à des contractions de tous les muscles très spectaculaires. Lors de crises dites partielles, les signes dépendent de la zone cérébrale impliquée et de sa fonction : impression de "déjà vécu", "déjà vu", peurs, contractions dans la zone motrice, hallucinations dans la zone visuelle ou auditive... On parle d’épilepsie proprement dite, s’il y a risque de récidive spontanée des crises. 

Sciences et Avenir : quelles sont les avancées dans la lutte contre la maladie ?

Arnaud Biraben : en 2014, l’avancée majeure sera l’arrivée en France d’un médicament, le Pérampanel. Il agit au niveau des synapses, sur les récepteurs excitateurs impliqués dans l’initiation et la propagation des crises d’épilepsie (les récepteurs AMPA au glutamate). Après plusieurs essais infructueux, on a enfin réussi à mettre au point une molécule active à ce niveau et bien supportée.

Ce produit est issu de la recherche du laboratoire Japonais EISAI. Il est actuellement utilisé en association avec d’autres anti-épileptiques est déjà en vente dans certains pays d’Europe (Allemagne, Espagne, pays nordiques...). En agissant sur une cible différente de toutes les molécules déjà existantes, il donne l’espoir de guérir certaines épilepsies partielles dites "réfractaires", qui résistaient jusqu’à présent aux autres médicaments.

DES CRISES AUX CAUSES VARIABLES. De même qu’il n’y a pas qu’un seul type de crise, les causes sont variables. Toute agression du cerveau (toxique, alcool, traumatique...) est susceptible de provoquer une crise, qui peut rester unique. Divers mécanismes biochimiques peuvent aussi perturber l’équilibre excitation/inhibition des neurones : inflammatoires, immunologiques, un AVC, une tumeur, des lésions que l’on peut détecter sur une IRM... Il faut enfin rappeler qu’en 2013, une équipe de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) à Paris, a découvert qu’une mutation du gène DEPDC5 du chromosome 22 était impliquée dans la faculté de "fabriquer" une épilepsie partielle dite "focale".

Pratique-t-on aussi la chirurgie ?

Oui, pour les épilepsies partielles, on peut retirer du cerveau la zone épileptogène propre au patient, d’autant qu’on sait de mieux en mieux la cerner grâce aux enregistrements EEG, video EEG, IRM...

Et récemment, on a démontré l’existence d’oscillations EEG à haute fréquence (80 à 500 Hz) qui paraissent caractéristiques de cette zone épileptogène, permettant de la délimiter même sans enregistrer des crises. Mais il est également possible d’inhiber cette zone en la stimulant électriquement, soit indirectement : via un nerf se rendant vers le cerveau (nerf vague, trijumeau), soit directement dans le cerveau.

Aux Etats-Unis, le système NeuroPace vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché. Il s’agit d’un mini ordinateur inséré à un boitier implanté dans l’os du crâne, d’où partent des électrodes qui enregistrent la zone épileptogène et analysent l’EEG. Si une crise débute, une stimulation est envoyée en retour pour inhiber cette zone épileptogène. Ce dispositif est réservé aux patients non opérables classiquement.

Peut-on prédire une crise ?

Un système australien baptisé NeuroVista dont c’est l’enjeu, est actuellement en test. Grâce à des électrodes chirurgicalement insérées à la surface du cerveau, reliées par fil à un processeur interne inséré sous la clavicule, lui-même relié par bluetooth à un boitier externe, le système analyse l’EEG et par des algorithmes propres permet de prévoir la probabilité de survenue d’une crise. Testé sur 15 patients depuis mai 2013, ses algorithmes s’avèrent de plus en plus performants, prévenant de façon de plus en plus fiable une grande majorité de patients de l’imminence d’une crise.

Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?

Parmi les techniques actuellement en test chez l’animal, l’optogénétique qui agit sur certains types de neurones sensibles à la lumière présente des résultats prometteurs. Ainsi, la chercheuse française Jeanne Paz (Stanford) a présenté au dernier congrès de l’American Epilepsy Society une expérience dite « en boucle fermée », qui inhibe les crises post-AVC chez la souris (manipulée génétiquement pour mimer l’épilepsie). En éclairant ces neurones à la bonne longueur d’onde, on module leur excitabilité, ce qui empêche la survenue des crises.

Une autre technique génétique actuellement en expérimentation animale aux États-Unis consiste à injecter dans le cerveau des micro-ARN "sur mesure" afin d’exclure la transcription d’ARN messagers, de réguler l’expression des gènes durant l’épileptogénèse et donc d’empêcher cette dernière. Egalement en cours, des chercheurs de l’université Stanford viennent de montrer que des greffes de neurones inhibiteurs à partir de cellules souches arrêtent la survenue de crises. A ce sujet, l’application humaine nécessite de franchir encore certaines étapes (éthiques, innocuité à long terme,...)

Propos recueillis par Mathilde Brasilier

1) En France, les centres de recherche sont coordonnés par le « Club Epilepsie ». Le CHU de Rennes, associé à l’unité INSERM-LTSI est le seul à disposer de modèles informatiques du cerveau et d’épilepsie, de modèles animaux d’épilepsie et d’un service d’exploration d’épilepsie humaine.

*Le Dr. Arnaud Biraben est expert auprès de tous les laboratoires impliqués dans l’épilepsie.

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