Vivre au bord du précipice

Les campagnols au Svalbard

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Vivre au bord du précipice : les campagnols au Svalbard

Au nord de la Norvège, sur une île située en plein océan Arctique, se trouve une population bien spéciale de campagnols.

Ces petits rongeurs vivent sur Spitzberg, l’île principale de l’archipel du Svalbard. Ils y ont été introduits entre les années 1920 et 1960, possiblement par l’entremise du transport minier russe.

L’espèce fut d’abord identifiée comme le campagnol agreste, Microtus agrestis, que l’on trouve un peu partout en Europe et en Russie. Toutefois, des analyses génétiques et une mise à jour taxonomique récente ont identifié cette espèce comme étant le campagnol d’Ondrias, Microtus levis, qui vit principalement en Europe de l’Est et dans l’ouest de la Russie.

Bien qu’ils n’appartiennent pas à une espèce indigène de l’Arctique, ces campagnols ont quand même trouvé un site propice pour s’installer et prospérer de façon très originale.

Dans la région de Grumantbyen, un ancien poste minier russe, il existe une falaise où des centaines de Guillemots de Brünnich, des oiseaux de mer, se reproduisent chaque année. Les fientes produites par cette colonie coulent progressivement le long de la falaise depuis des centaines d’années, voire plus, ce qui a grandement enrichi les sols se trouvant plus bas. Là où la pente est plus douce, les sols, gorgés de nutriments, permettent la croissance d’une flore très riche. Les herbes sont une source importante de nourriture pour les campagnols lorsqu’ils sortent de leurs terriers aménagés dans des amas rocheux.

Malgré une prédation faible en raison de leur récente introduction, les campagnols fluctuent en abondance de façon vertigineuse. La population passe de près de 200 campagnols par hectare à une absence quasi totale, et ce de façon irrégulière.

Des chercheurs de l’Université de l’Arctique à Tromsø, en Norvège, et du Musée canadien de la nature travaillent ensemble pour tenter d’expliquer ces fluctuations. Diverses hypothèses ont été étudiées.

De premières observations suggèrent que la compétition est si féroce en période de forte abondance que les effets sociaux qui en découlent (combats, stress, modification des comportements reproducteurs, etc.) réduiraient la survie et la reproduction des campagnols. De plus, certains campagnols n’atteignent pas la maturité en période de forte densité, ce qui freine la reproduction de la population. Enfin, pendant deux hivers où des croûtes de glace se sont formées sur le sol, la population a été presque décimée. Ceci montre l’importance des facteurs météorologiques sur la dynamique de la population des campagnols de l’île Spitzberg.

L’île Spitzberg est habitée par près de 3000 personnes. Son passé économique inclut la pêche à la baleine, la chasse aux animaux à fourrure et l’exploitation du charbon.

Bien que située dans le Haut-Arctique, l’île est affectée par la dérive nord-atlantique, un courant marin prolongeant le Gulf Stream. La température moyenne de Spitzberg varie entre ‑14 °C en hiver et 6 °C en été. On y trouve une faune riche dont quelques milliers d’ours blancs, une sous‑espèce de renne, des milliers de Mergules nains, des Guillemots de Brünnich, et bien d’autres oiseaux de mer. En raison de cette riche biodiversité, les deux tiers de l’île sont maintenant protégés et Spitzberg est présentement une destination touristique très populaire.

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Dominique Fauteux.
Écrit par

Dominique Fauteux

Les petits mammifères nordiques sont centraux aux écosystèmes nordiques et leurs fluctuations d’abondance, qu’elles soient cycliques ou irrégulières, mènent à des pulsations de biodiversité. Dominique tente d’élucider les mécanismes de ces fluctuations grâce à des études empiriques utilisant les observations terrain et les collections muséales.

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