2 – Effets sur le génotype et le phénotype

Les modifications chimiques dues aux rayonnements peuvent toucher diverses molécules comme l’eau, les molécules constitutives des membranes cellulaires ou l’acide désoxyribonucléique (ADN). Cette dernière molécule, qui est présente dans le noyau de la cellule, contient toute l’information génétique propre à la cellule, son génome. Sa modification entraîne des modifications au niveau cellulaire puis au niveau de l’organisme pour les organismes pluricellulaires.

L’affectation de la molécule d’ADN est la principale conséquence de l’exposition des cellules aux rayonnements radioactifs.

2 .1 – La molécule d’ADN

Notre organisme est constitué de milliards de cellules agencées pour former des organes. Dans chaque cellule sont stockés environ deux mètres d’ADN (acide désoxyribonucléique). L’ADN est la molécule qui contient les informations nécessaires au métabolisme des cellules donc au fonctionnement de l’organisme et à la reproduction. Elle constitue le matériel génétique, support de l’hérédité. Cette molécule est composée de deux brins complémentaires en double hélice, reliés par des bases (les nucléotides) qui sont au nombre de quatre : l’adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C).

2.2 – Effets directs et indirects sur le génome et leurs conséquences

Comme il est décrit dans le paragraphe antérieur 1.3 lors de l’exposition des cellules aux rayonnements ionisants deux mécanismes sont impliqués dans les lésions moléculaires:

  • le premier, conséquence d’un effet direct des rayonnements ionisants.
  • le second, indirect impliquant une ionisation des molécules d’eau présentes dans la cellule qui aboutit à la création de radicaux libres (radiolyse de l’eau). Les hydroxyles OH produits lors de cette création de radicaux libres infligent des lésions au niveau de l’ADN.

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Schéma des lésions de l’ADN induites par les effets directs et indirects des rayonnements ionisants

Ces deux mécanismes ont les mêmes effets et différents types de modifications de la molécule d’ADN ont été identifiés :

  • les cassures simples de chaines: 1 seul brin est cassé au niveau de la liaison désoxyribose-base ou désoxyribose-phosphate
  • les cassures des liaisons double brin : lésions des 2 chaînes de l’ADN à une distance n’excédant pas quelques nucléotides.
  • Altération des bases nucléiques: avec lésions uni ou bilatérales qui ont pour conséquence des distorsions de la structure de l ’ADN
  • Pontages au sein de l’ADN : la formation de liaisons chimiques anormales intra chaînes
  • Liaisons avec des protéines

2.3 –  Intervention des mécanismes de réparation de l’ADN et conséquences

L’ADN subit en moyenne chaque jour plusieurs dizaines de milliers de lésions par cellule: des cassures simple brin, des cassures double brin, des lésions des bases. Ces lésions sont essentiellement dues au fonctionnement cellulaire « normal » en présence d’oxygène auquel s’ajoutent des stress de l’organisme comme la température corporelle et des stress extérieurs à l’organisme comme les virus, les produits chimiques, les ultraviolets…

La plupart de ces lésions de l’ADN n’ont pas d’expression biologique pour deux raisons :

  • les différentes régions de la chaîne d’ADN ne sont pas codantes pour la synthèse de protéines, pour une cellule donnée environ 90% des gènes ne s’expriment pas.
  • la plupart des lésions sont réparables.

En effet, pour lutter contre ces lésions, les cellules sont équipées d’enzymes comme la protéine P53, appelée « gardienne du génome » qui corrigent les anomalies et assurent la réparation de l’ADN.

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Réparation de l’ADN par un complexe enzymatique

Il existe plusieurs cas de figure lorsque les rayonnements ionisants provoquent des lésions de l’ADN dans la cellule:

  • Les lésions sont réparées avec succès par les enzymes de la cellule. Il n’y a pas alors de conséquences.
  • Les lésions ne sont pas importantes pour le codage génétique. Dans ce cas, le fonctionnement de la cellule n’est pas affecté.
  • Les enzymes de la cellule ne parviennent pas à réparer correctement l’ADN et le codage génétique est atteint (mutations) entraînant des conséquences pour la cellule.

La capacité du mécanisme réparateur de la cellule à répondre aux effets de l’exposition aux rayonnements ionisants dépend de plusieurs facteurs liés à la cinétique des différents phénomènes en jeu (vitesse d’apparition des lésions, nombre de lésions et vitesses de réparation) :

  • L’énergie et la nature des rayonnements.
  • La puissance du rayonnement : débit de la dose reçue (une même dose reçue en peu de temps est bien plus nocive que si elle est étalée dans le temps).
  • Certains facteurs chimiques ou physiques influant sur la sensibilité cellulaire (température, présence de certaines substances chimiques tels l’oxygène, forme chimique sous laquelle le radioélément est incorporé).
  • Type des cellules exposées (les cellules qui ont un potentiel de multiplication important, dites indifférenciées, telles les cellules de la moelle osseuse, sont d’autant plus radiosensibles).

La plupart des lésions provoquées sur l’ADN par les rayonnements ionisants ne sont pas directement observables. Dans certains cas elles peuvent se traduire par des anomalies structurales des chromosomes visibles au microscope.

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Anomalie structurale d’un chromosome due aux rayonnements ionisants

Lorsque la molécule d’ADN n’est pas réparée correctement lors d’une exposition aux rayonnements ionisants, sont observés deux cas de figure :

  • Les lésions de la molécule d’ADN mal réparée ont pour conséquence des mutations létales provoquant la mort cellulaire :
  • Cette mort cellulaire peut être immédiate pour des doses d’irradiation extrêmement importantes de l’ordre de quelques centaines de Gy.
  • La mort cellulaire peut être différée lors d’expositions aux rayonnements moins importantes à partir de 1 à 2 Gy. Les cellules irradiées continuent alors de fonctionner mais perdent leur capacité de se multiplier. En effet, les lésions au niveau de l’ADN ont affectés la synthèse de molécules impliquées dans le mécanisme de division cellulaire qu’est la mitose. La mort des cellules apparaît après un temps variable dépendant de la vitesse de renouvellement Le délai de mort cellulaire différée est d’autant plus court que les cellules affectées ont un haut pouvoir de prolifération: cellules souches de la moelle osseuse, cellules intestinales, cellules de la peau, cellules cancéreuses.

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La mort cellulaire intervient lors d’une des 4 phases de la mitose présentée ci-contre

Les effets biologiques suite à cette mort cellulaire sont appelés effets déterministes car ils se manifestent toujours.

  • Les réparations des lésions des molécules d’ADN ont permis d’éviter la mort de la cellule. Toutefois l’ADN a été modifié et sont apparues des mutations. La cellule va donc subir des changements. Les effets biologiques sont dans ce cas appelés effets stochastiques. Ces effets stochastiques sont aléatoires et dépendent de la nature des mutations survenues au hasard.

Le schéma ci-après résume les différents mécanismes en jeu au niveau de l’ADN lors d’une exposition aux rayonnements.

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Schéma résumant les différents mécanismes engendrant les modifications de la cellule après son exposition à un rayonnement ionisant.