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UNIVERSITE DES ANTILLES ET DE LA GUYANE FACULTE DE DROIT ET D’ECONOMIE DE LA MARTINIQUE Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe – UMR CNRS 8053 École doctorale pluridisciplinaire « Santé, Environnement et Sociétés dans les Amériques » LES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET LES ORGANISATIONS D’INTEGRATION ECONOMIQUE REGIONALE D’AMERIQUE LATINE ET DES CARAÏBES – QUELLES MUTATIONS ? – THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT (Arrêté du 30 mars 1992) Présentée et soutenue à Schoelcher publiquement le 31 mai 2011 par Audrey NELZIN-DE PIZZOL Sous la direction de Mme Danielle PERROT NNT : 2011AGUY0495 Membres du Jury : Mme Martha OLIVAR JIMENEZ, Professeur de droit public, Université Fédérale du Rio Grande Do Sul de Porto Alegre (Brésil), rapporteur M. Joël LEBULLENGER, Professeur de droit public, Université Rennes I, Chaire Jean Monnet, rapporteur M. Emmanuel JOS, Professeur de droit public, Université des Antilles et de la Guyane M. Jacques TENIER, Chercheur associé au Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes, Conseiller-Maître à la Cour des Comptes Mme Danielle PERROT, Professeur de droit public à l’Université des Antilles et de la Guyane, Chaire Jean Monnet L’Université des Antilles et de la Guyane n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. A mes parents, pour leur indéfectible et inconditionnel appui. A mon époux, pour son soutien moral et affectif. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Mme le Professeur Danielle PERROT dont l’appui en qualité de directrice de thèse m’a permis de mener à bonne fin ce doctorat de droit. Son regard professionnel et expérimenté a constitué un support inestimable. Mes pensées émues et reconnaissantes vont également à feu M. le Professeur Yves PIMONT, mon ancien directeur de thèse, et à son épouse. Je leur sais gré à tous deux de leur confiance et de la bienveillance qu’ils m’ont témoignées en toutes circonstances. Ma gratitude s’exprime ici envers tous ceux qui m’ont aidée – à une étape ou tout au long de ce travail – et/ou qui ont porté de l’intérêt à mes travaux. Qu’il me soit permis de remercier : M. Rubén BAREIRO SAGUIER, écrivain, ancien Ambassadeur du Paraguay à Paris, Mme Josy-Anne AREKIAN, chef de cabinet au rectorat de la Guadeloupe, M. le Professeur Serge GUINCHARD, M. le Professeur Jean-Michel BLANQUER, M. le Professeur Pierre EGEA, Mme Lydia BARFLEUR-LANCREROT, Maître de conférences associée à l’UAG, Son Excellence M. Colin GRANDERSON, Ambassadeur, vicesecrétaire général chargé des relations extérieures et communautaires de la CARICOM, M. CADE, M. et Mme Alain CAPRICE, Mme la députée George PAU-LANGEVIN, Mme LEGENDART, M. Alain MORVANY, M. le Professeur Justin DANIEL, directeur du CRPLC, feu M. Christian THERESINE, Doyen de la Faculté de droit et d’économie de la Guadeloupe, M. le Professeur Joël LEBULLENGER, Melle Isabelle VESTRIS, maître de conférences à l’UAG. Enfin, je remercie : - l’équipe du CRPLC pour son accueil chaleureux et ses commentaires constructifs sur ma thèse de doctorat ; - Mme Marie-Claude CORNEE, ingénieur d’études, documentaliste du CEDRE de Rennes, et ses collaboratrices, pour leur disponibilité et leur efficience dans le cadre de mes recherches documentaires. Que ceux nombreux, que la brièveté de cette page m’empêche de mentionner, veuillent bien me pardonner. SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE PREMIÈRE PARTIE : LA QUESTION D’UNE RECONFIGURATION EFFECTIVE DES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPEENNE, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES TITRE PREMIER : LE RÔLE DES SOMMETS SUCCESSIFS SUR LE « PARTENARIAT STRATEGIQUE » ENTRE L’UNION, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES CHAPITRE PREMIER : L’UTILISATION D’ACTES DE SOFT LAW COMME LEVIERS DE CHANGEMENT JURIDIQUE CHAPITRE SECOND : LA NECESSITE D’UNE REPONSE EUROPEENNE A DES ENJEUX MULTIPLES TITRE SECOND : L’ADAPTATION DE CERTAINS INSTRUMENTS TRADITIONNELS DE LA COOPERATION CHAPITRE PREMIER : LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE POLITIQUE EN TANT QU’INSTRUMENT DE COOPERATION CHAPITRE SECOND : LE DEMANTELEMENT DES SYSTEMES ANTERIEURS DE PREFERENCES COMMERCIALES DEUXIÈME PARTIE : LES SIGNES D’UNE RECONFIGURATION DES RELATIONS DE L’UNION EUROPENNE AVEC L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES AU PLAN CONVENTIONNEL TITRE PREMIER : DES ACCORDS « DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION » AVEC LA CAN ET LE SICA VERS DES ACCORDS INTERREGIONAUX D’ASSOCIATION CHAPITRE PREMIER : L’ELABORATION DE CES ACCORDS CHAPITRE SECOND : L’APPORT DE CES ACCORDS TITRE SECOND : LA CONCRETISATION D’UN ACCORD DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LE CARIFORUM CHAPITRE PREMIER : L’AMBITION D’INSTAURER DE NOUVEAUX RAPPORTS ECONOMIQUES ET COMMERCIAUX, UNE MUTATION DU PARTENARIAT CHAPITRE SECOND : LE PROJET D’UNE ZONE DE LIBRE ECHANGE UE – CARIFORUM ET L’ARTICLE XXIV DU GATT DE 1994 CONCLUSION GÉNÉRALE 5 RÉSUMÉ Depuis 1999, l’Union européenne a inauguré une nouvelle approche dans ses relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes. A cet égard, le premier sommet Union européenne – Amérique latine – Caraïbes, dit « sommet de Rio » marque un tournant grâce au lancement du « partenariat stratégique ». Dans ce cadre, toutes les organisations régionales d’intégration économique situées dans cette zone géographique, et non pas uniquement le MERCOSUR, apparaissent comme des partenaires importants. Le changement obéit autant à des contraintes externes qu’à une stratégie extérieure. Dans le domaine des échanges commerciaux, le but déclaré est d’atteindre « une libéralisation mutuelle des échanges » sur une base équitable et mutuellement profitable tout en défendant certaines valeurs communes. Cependant, le cadre juridique longtemps en vigueur s’est avéré inadapté à l’avènement d’une ambition économique et politique d’une telle ampleur. Par conséquent, l’Union européenne se trouve confrontée au défi de réformer les cadres juridiques de ses relations avec les organisations régionales d’intégration économique d’Amérique latine et des Caraïbes. La thèse analyse l’évolution et la restructuration actuelles des instruments juridiques des relations entre l’Union européenne l’Amérique latine et les Caraïbes. Mots-clés : action extérieure de l’Union européenne, accords interrégionaux, MERCOSUR, SICA, CAN, Accord de Partenariat Economique UE/CARIFORUM, partenariat stratégique. 6 SUMMARY Since 1999, the European Union began a new competitive approach in its relationships with Latin America and the Caribbean. In this respect, the first step has been made in the European Union-Latin America and Caribbean’ Summit [Rio Summit (1999)] with the launch of a new partnership called “Strategic Partnership”. In this context, all organisations of regional economic integration – not only the MERCOSUR the most competitive one – are considered as important partners. The change is due to external constraints as well as an external strategy. In the field of commercial exchanges, the goal is to attempt “mutual liberalisation of exchanges” on a fair and mutually profitable basis, defending at the same time “common values”. However, the traditional legal framework of the relations is obviously unsuitable for such an ambitious economic and political project. So, from a legal aspect, the European Union is confronted with the challenge of reforming the contractual frameworks of its relations with regional economic integrations in Latin America and in the Caribbean. The issue concerns an analysis of the evolution and restructuring of existing legal instruments of the European Union’s relations with Latin America and the Caribbean. Key-words: European External Action, Inter-regional Agreements, Common Market of the South (MERCOSUR), Union of South American Nations, Central American Integration System, Economic Partnership Agreement EU/CARIFORUM, Strategic Partnership. 7 RESUMEN Desde 1999, la Unión Europea instauró un nuevo enfoque en sus relaciones con América Latina y el Caribe. En este enfoque llamado “estratégico”, todas las organizaciones comarcales de integración económicas ubicadas en esta zona geográfica y no únicamente el MERCOSUR, se pueden ver como interlocutores importantes. La primera cumbre Unión Europea /América latina/Caribe (cumbre de Rio) es una fecha importante en la evolución de las relaciones gracias al lanzamiento “de la colaboración estratégica”. En lo que toca a los intercambios comerciales, la meta declarada es alcanzar una “liberalización mutual de los intercambios” a partir de una base equitativa y mutualmente provechosa defendiendo a la vez ciertos valores comunes. Sin embargo, el marco jurídico en vigor durante una larga temporada se ha revelado inadecuado para el advenimiento de una ambición económica y política de esta importancia. Por consiguiente, la Unión Europea se enfrenta hoy en día al desafío jurídico de la renovación del marco convencional de sus relaciones con las organizaciones de integración económica de América Latina y del Caribe. El asunto se refiere a un análisis de las relaciones exteriores de la Unión Europea desde el punto de vista de los desafíos jurídicos. Utilizamos el análisis sistémico para poner de relieve los factores explicativos de la evolución y de la reestructuración actuales de los instrumentos jurídicos de las relaciones entre la Unión Europea y América-Latina Caribe. Palabras-claves : Acción Exterior de la Unión Europea, acuerdos interregionales, MERCOSUR, Systema de Integración Centroamericana (SICA), Comunidad Andina, Acuerdo de Asociación Económico CARIFORUM-UE, Asociación estratégica. 8 TABLE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES ACP : (pays d’) Afrique-Caraïbes-Pacifique AIDI : Annuaire de l’ Institut de Droit International AFDI : Annuaire Français de Droit International AL : Amérique Latine ALADI : Association Latino-Américaine d’Intégration ALE : Accord de Libre Echange ALEAC : Accord de Libre échange avec l’Amérique Centrale (en langue anglaise : CAFTA-DR Central American’s - Free Trade Agreement and Dominica Republica) ALENA : Association de Libre Echange Nord-Américaine (en langue anglaise : NAFTA North American Free Trade Agreement) AMP : Accord sur les Marchés Publics plurilatéral ANASE : Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (en langue anglaise : ASEAN Association of Southeast Asian Nations) APD : Aide publique au développement APE : Accord de Partenariat Economique APER : Accord de Partenariat Economique Régional BID : Banque Interaméricaine de Développement cf. : confer CAN : Communauté Andine des Nations CACR : Comité des Accords Commerciaux Régionaux CARICOM : Caribbean Community et/ou Caribbean Common Market (en langue française : Communauté et Marché Commun des Caraïbes) 9 CARIFORUM : Forum des Caraïbes CBI : Caribbean Basin Initiative (en langue française : Initiative pour le Bassin des Caraïbes) CBI : Commission Baleinière Internationale (en langue anglaise : IWC International Whaling Commission) CE : Communauté Européenne CEE : Communauté Economique Européenne CEEA : Communauté Européenne de l’Energie Atomique – Euratom CEDH : Convention Européenne des Droits de l’Homme CEPAL : Commission Economique pour l’Amérique Latine CEPALC : Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes CIRDI : Centre International de Règlements des Différends relatifs à l’investissement CJAI : Coopération en matière de justice et d’affaires intérieures CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne CNC : Comité des négociations commerciales CNPF : Clause de la Nation la Plus Favorisée CNUCED : Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement CNUDCI : Commission des Nations-Unies de Droit Commercial International CNUDH : Conseil des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme COTED : Caribbean Council for Trade and Economic Development CRNM : Caribbean Regional Negotiating Machinery / Mécanisme Régional de Négociations des membres de la CARICOM CRPLC : Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe CSME : Caricom Single Market and Economy / Marché et Economie uniques des Caraïbes (MEUC) CSN : Communauté Sud-Américaine des Nations 10 DG : Direction Générale (de la Commission européenne) DSR : Document de Stratégie Régionale DSP : Document de Stratégie par Pays ECHO : European Commission for Humanitarian Aid and Civil Protection EAMA : Etats Africains et Malgache Associés ECLAC : Economic Commission for Latin America and the Caribbean (of the United Nations)/ Commission Economique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) ECDPM : European Centre for Development Policy Management/Centre Européen de Gestion des Politiques de Développement ECIP : European Community Investment Partners EUROLAT : Assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine EUROPOL : European Police Office FAO : Food and Agiculture Organization / Organisation (des Nations Unies) pour l’alimentation et l’agriculture OAA FED : Fonds Européen de Développement GATT : General Agreement on Tariffs and Trade /Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce IDE : Investissement Direct Etranger IFRI : Institut Français de Relations Internationales INTAL: Instituto para la integración de America latina y el Caribe/Institut pour l’intégration de l’Amérique latine et les Caraïbes (organisme de la Banque Interaméricaine de Développement) JDI : Journal de Droit International JOCE : Journal Officiel des Communautés Européennes JORF : Journal Officiel de la République Française JOUE : Journal Officiel de l’Union Européenne LDC : Less Developped Countries/Pays Moins Développés du CARICOM MERCOSUR ou MERCOSUL : Marché commun du Sud 11 MCCA : Marché Commun d’Amérique Centrale MEUC : Marché et Economie uniques des Caraïbes (en langue anglaise : CSME Caricom Single Market and Economy) ODI : Overseas Development Institute OAP : Organe d’Appel Permanent de l’Organe de Règlements des Différends OEA : Organisation des Etats Américains OECO : Organisation des Etats des Caraïbes Orientales (en langue anglaise : OECS Organisation of Eastern Caribbean States) OIT : Organisation International du Travail ORD : Organe de Règlement des Differends de l’OMC OMC : Organisation Mondiale du Commerce (en langue anglaise : WTO World Trade Organisation) OTN : Office of Trade Negotiations /Bureau des Négociations Commerciales de la CARICOM PAC : Politique Agricole Commune PARLACEN : Parlement centre-américain PARLANDINO : Parlement andin PARLASUR : Parlement du MERCOSUR PARLATINO : Parlement latino-américain PDLC : Pouvoirs Dans La Caraïbe (Revue du CRPLC) PECO : Pays d’Europe Centrale et Orientale PED : Pays en Développement PESC : Politique étrangère et de sécurité commune PFNSP : Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques PIB : Produit Intérieur Brut PIRC : Programme Indicatif Régional pour les Caraïbes PCC : Politique Commerciale Commune 12 PMA : Pays les Moins Avancés PSCA : Politique de Sécurité Commune Andine PVDALA : Pays en Voie de Développement d’Amérique Latine et d’Asie RAE-LEA : Revue des Affaires Européennes (en langue anglaise : LEA Law and European Affairs) Rec. CJCE et TPI : Recueil de la Cour de Justice et Recueil du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes Rec. CIJ : Recueil de la Cour Internationale de Justice RMCUE : Revue du Marché Commun et de l’Union Européenne RMUE : Revue du Marché Unique Européen SCO : Société Civile Organisée SEAE : Service Européen d’Action Extérieure SFDI : Société Française pour le Droit International SG-CAN : Secrétariat général de la Communauté Andine des Nations SG-SICA : Secrétariat général du SICA SICA : Système d’Intégration Centre-Américain SIECA : Système d’Intégration Economique Centre-Américain SPG : (Schéma ou) Système de Préférences Généralisées SPG+ : (Schéma ou) Système de Préférences Généralisées plus TCEE : Traité instituant la Communauté Economique Européenne TCE : Traité instituant la Communauté Européenne TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne TPI : Tribunal de Première Instance TSD : Traitement Spécial et Différencié TUE : Traité sur l’Union européenne UE : Union européenne 13 UE-AL-C : Union européenne-Amérique latine-Caraïbes UNASUR : Union des Nations Sud-Américaines USAID : United States Agency for International Development/Agence des Etats-Unis pour le Développement International ZLEA : Zone de Libre Echange des Amériques (en langue anglaise : FTAA Free Trade Agreement of the Americas) ZLE : Zone de Libre Echange 14 INTRODUCTION GENERALE 15 L’Union européenne entretient des relations multiformes avec nombre d’organisations régionales dans le monde. L’espace géographique Amérique latineCaraïbes n’échappe pas à cette tendance qui témoigne d’une prédisposition à s’ouvrir le plus possible sur le monde extérieur, à multiplier les engagements internationaux en prenant en compte les ensembles régionaux existants. Les premiers liens interrégionaux notamment en Amérique latine datent des années 1970-19801, époque d’émergence des mouvements d’intégration économique dans la région. Ainsi, des accords cadres furent signés avec le Groupe andin dès 19832 et avec le Marché Commun Centre Américain en 19853. Mais, l’approche interrégionale demeurait marginale par rapport à la conclusion d’accords bilatéraux, pratique par ailleurs plus ancienne4. Cependant, depuis la fin des années 1990, semble s’affirmer un renouveau des liens interrégionaux. Le qualificatif « interrégional » s’applique ici aux relations (sous forme conventionnelle ou non) entre organisations régionales5, accompagnées de leurs Etats membres. Il désigne celles de l’Union européenne avec les organisations régionales d’intégration économique circonscrites dans la zone géographique Amérique latineCaraïbes. Sur le plan politique, en 1999 a débuté le processus des sommets biannuels entre 1 FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la CEE avec les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Asie (PVDALA) », Juris-classeur Europe, fascicule n° 2230, 1992, spéc., p. 4. Les années 1980 correspondent à une période d’effervescence des processus régionaux des pays en voie de développement après les échecs des tentatives d’intégration des années 1970. Depuis lors, un autre renouveau des organisations régionales d’intégration économique est intervenu dans les années 1990. Voir, BONGOLO MASSAMBA (E.), Les intégrations économiques régionales des Pays en voie de développement face au nouvel ordre commercial mondial, Thèse de doctorat en droit, Université de Nice, 1999, 614 p. 2 Accord CEE/Pacte andin intitulé « Accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Européenne et, d'autre part, l'accord de Carthagène et ses pays membres, Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela », JOCE, n° L 153 du 8.06.1984, pp. 2-10. 3 Accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Européenne et, d'autre part, les pays parties au traité général d'intégration économique centre-américaine (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua) ainsi que Panama, JOCE, n° L 172 du 30.06.1986, pp. 2-11. 4 Voir Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République argentine, JOCE, n° L 249 du 10.11.1971, p. 19 ; Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République orientale de l’Uruguay, JOCE, n° L 333 du 4.12.1973, p. 2 ; Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 102 du 11.04.1974, p. 24 ; Accord entre la Communauté Economique Européenne et les Etats-Unis du Mexique, JOCE, n° L 247 du 23.09.1975, p. 11. 5 Les principaux instruments juridiques de ces relations sont les divers accords passés avec ces dernières ; s’y ajoute dans certains cas, l’utilisation d’instruments juridiques autonomes. Selon la définition de SANTANDER (S.), l’interrégionalisme est « la manifestation d’une interaction entre deux blocs régionaux de nature économico-politique impliquant l’institutionnalisation d’une relation qui se veut multifaciale », in Le régionalisme sud-américain, l’Union européenne et les Etats-Unis, Bruxelles, Ed. de l’Université de Bruxelles, 2008, 280 p., spéc., p. 53. 16 les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union Européenne, et ceux d’Amérique latine et des Caraïbes6 ; il se poursuit depuis7. A l’initiative européenne, un ambitieux projet de « partenariat stratégique » a été annoncé. Il inaugure une dynamique des relations extérieures dans laquelle il paraît primordial de faire intervenir les organisations régionales d’intégration économique aux côtés de leurs Etats membres8. A ce titre, le renforcement de l’intégration régionale constitue un objectif maintes fois réitéré de l’Union européenne, tant à l’égard de l’Amérique latine, qu’à l’égard des Caraïbes9. Par ailleurs, l’approche dite « stratégique » s’accompagne, durant la décennie 2000, de changements juridiques manifestes. Ainsi, le droit applicable aux Etats caribéens membres du groupe ACP10, se transforme. Cela se traduit par la signature en 2008 d’un accord de partenariat économique, négocié sur une base régionale différenciée (la région Caraïbes), et non avec l’ensemble des Etats membres du groupe ACP. De même, en Amérique latine, des négociations programmées dans le cadre juridique des « accords de dialogue politique et de coopération » du 15 décembre 200311, se sont achevées – le 19 mai 2010 à Madrid (Es6 Premier Sommet « Union européenne-Amérique latine-Caraïbes » réunissant quarante-huit chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne, à Rio de Janeiro (Brésil), les 28 et 29 juin 1999 ; Voir, Bulletin UE, 6-1999, point 1.3.112. 7 Dans le prolongement du premier, d’autres Sommets « Union européenne-Amérique latine-Caraïbes » concernant des aspects thématiques des relations ont eu lieu à : Madrid (Espagne) en 2002, à Guadalajara (Mexique) en 2004, à Vienne (Autriche) en 2006, à Lima (Pérou) en 2008, et, de nouveau à Madrid en 2010. 8 Voir MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union européenne avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine, Thèse publiée de la faculté de droit de l’Université de Genève, Bâle, Helbing Lichtenhahn, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, coll. Dossier de droit européen, n° 19, 2010, 480 p., spéc., p. 114 ; PERROT (D.), « Quel appui communautaire aux regroupements régionaux ?» in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Bruxelles, Bruylant, 2007, 560 p., spéc., pp. 203-226. 9 Voir, la déclaration finale du premier Sommet UE-AL-C à Rio, les 28 et 29 juin 1999, Bulletin UE, 61999 point 53. 10 « L’organisation du Groupe des Etats d’Afrique, Caraïbes, Pacifique » fut officiellement créée par l’accord de Georgetown (Guyana) conclu le 6.06.1975. Ce dernier a été amendé en 2003 par Décision n° 1/LXXVIII/03 du Conseil du Groupe ACP, lors de sa 78ième session à Bruxelles, les 27-28.11.2003, ACP/27/005/00 Rév.16 du 28.11.2003, http://www.acpsec.org/fr/conventions/The_Georgetown_Agreement_fr.pdf. L’accord de Georgetown amendé consacre l’organisation du groupe ACP sur la base de six régions géographiques qui sont : l’Afrique Australe, l’Afrique Centrale, l’Afrique de l’Est, l’Afrique de l’Ouest, les Caraïbes et le Pacifique (article 1 §4). Mais, les signataires entendent « promouvoir et renforcer l’unité et la solidarité entre les Etats ACP » (article 2 c). 11 Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les républiques de Bolivie, de Colombie, de l’Equateur, du Pérou et la république bolivarienne du Venezuela, d’autre part, COM (2003)695 final du 14.11.2003 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et les républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama d’autre part, COM (2003)677 final du 14.11.2003. Leur article 2 respectif exprime l’objectif de négocier des accords d’association instituant des zones de libre-échange. 17 pagne), lors du sixième sommet « Union européenne-Amérique latine-Caraïbes ». En conséquence, ont été paraphé en mars 2011, d’un côté, un accord d’association avec les pays membres du Système d’intégration centraméricain (SICA)12. Et de l’autre côté, sous une forme différente du projet initial, un accord commercial multipartite avec certains pays membres de la Communauté Andine des Nations (la Colombie et le Pérou). Il semble que l’Union européenne tente de créer les conditions juridiques d’un nouveau partenariat. Les relations entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes paraissent témoigner de la progression d’une stratégie, dans laquelle, ont été identifiés des intérêts et des objectifs partagés sur l’échiquier mondial. Il convient de présenter les acteurs concernés afin de délimiter le cadre de notre étude (Section I) et ensuite d’exposer les facteurs qui justifient l’intérêt d’examiner conjointement les relations que l’Union européenne entretient avec les organisations d’intégration économique en Amérique latine et dans les Caraïbes (Section II). A partir de ces préalables, il nous a été possible de dégager un questionnement, fil directeur de la présente analyse. 12 Voir http://ec.europa.eu/trade/creating-opportunities/bilateral-relations/regions/centralamerica/index_en.htm [consulté en juin 2011]. 18 SECTION I - L’UNION EUROPEENNE ET LES ORGANISATIONS REGIONALES D’INTEGRATION ECONOMIQUE EN AMERIQUE LATINE ET DANS LES CARAÏBES, SUJETS DE DROIT INTERNATIONAL Le choix de l’intitulé de la thèse impose d’emblée de qualifier l’« Union européenne ». Dans une perspective de droit international, l’on considère pour les besoins de cette étude que l’Union européenne est avant tout, par nature, une organisation internationale13 quoique non classique. Il est vrai qu’un des attributs importants des organisations internationales semblait lui faire défaut : l’attribution expresse de la personnalité juridique, notoirement accordée dans les traités aux Communautés. Mais, cette question amplement débattue par la doctrine14 est résolue depuis les modifications introduites par le Traité de Lisbonne. Celui-ci consacre l’attribution expresse de la personnalité juridique à l’Union (§ 1). De même, il importe de présenter, les organisations régionales d’intégration économique de l’espace géographique Amérique latine-Caraïbes. A l’instar de l’Union européenne, elles disposent de leur propre stratégie15– sous forme d’agendas de négociations, pour diversifier les liens avec plusieurs pays et groupements régionaux. En ce sens, elles peuvent être envisagées comme des acteurs sur la scène internationale16. Cela suppose 13 Selon les Professeurs Jean-Victor LOUIS et Marianne DONY, le silence du Traité de Maastricht au sujet de la personnalité juridique de l’Union européenne ne suffit pas à lui dénier le caractère d’organisation internationale contrairement à l’opinion de M. PECHSTEIN. Voir LOUIS (J.-V), « La personnalité juridique internationale de la Communauté et de l’Union », Commentaire J. MEGRET, Relations extérieures, vol. 12, Université de Bruxelles, 2005, 2 ème éd., pp. 51-56, spéc., p. 52 ; PECHSTEIN (M.), « Une personnalité internationale pour l’UE ? », Revue des Affaires Européennes (RAE-LEA), 1996, pp. 231-232. 14 Sur la question de la personnalité juridique de l’UE et ses enjeux, GAUTRON (J.- C.), GRARD (L.), « Le droit international dans la construction de l’Union européenne », in SFDI, Droit international et droit communautaire, perspectives actuelles, Colloque de Bordeaux, Paris, Pedone, 2000, pp. 80-87 ; NEFRAMI (E.), « La personnalité juridique de l’Union » in Les mots de la Constitution européenne, Actes des journées d’études du CRUCE, Amiens, 12.12.2003 et 15.10.2004, PUF, 2005, pp. 199-221. 15 SANTANDER (S.), Le régionalisme sud-américain, l’Union européenne et les Etats-Unis, op.cit., spéc., pp. 48-52. 16 En ce sens, voir par exemple, la Communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil, intitulée « L’Union européenne et l’Amérique latine : un partenariat entre acteurs mondiaux », COM (2009)495 final du 30.09.2009. 19 qu’elles aient deux attributs essentiels que sont : la personnalité juridique internationale et la capacité à conclure des accords ou « Treaty Making Power » (§ 2). §1 L’évolution vers l’attribution expresse de la personnalité juridique à l’Union Eu égard à son fonctionnement interne complexe, l’idée domine que l’Union européenne est « d’une nature juridique hybride, équivoque et insaisissable, elle est à la fois le tout et en même temps une partie du tout »17. En outre, elle est, selon la jurisprudence de la CJCE, une organisation sui generis dont le droit primaire crée « un nouvel ordre juridique de droit international »18. Par conséquent, tout en relevant du droit international, elle dispose d’un ordre juridique propre19; elle comporte une dimension d’intégration économique, tout en poursuivant une finalité politique reconnue dans les textes fondateurs, notamment dans la déclaration de Robert SCHUMANN de 195020. Il faut commencer par distinguer la situation avant le Traité de Lisbonne (A), de celle qui a suivi l’entrée en vigueur de ce dernier le 1er décembre 200921 (B), afin de mieux appréhender « l’UE » (C) et mieux identifier en son sein, qui est véritablement le sujet de droit. A) La situation avant le Traité de Lisbonne Avant le Traité de Lisbonne, généralement, on entend par l’expression « Union européenne », au sens large, l’entité juridique créée par le Traité de Maastricht entré en vigueur le 1er novembre 199322, et qui englobe les Communautés (premier pilier ou pilier 17 FENET (A.), Droit des relations extérieures de l’Union européenne, Paris, Lexis-Nexis-Litec, 2006, 396 p., spéc., p. 41. 18 CJCE, arrêt Van Gend and Loos c/Administratie der Belastingen, du 5.02.1963, aff. 26/62, Rec., p. 3. 19 CJCE, arrêt Costa c/ ENEL, du 15.07.1964, aff. 6/64, Rec. 1964, p. 1158. 20 Sur l’historique de la construction européeenne, le contenu et le contexte de la déclaration du 9 mai 1950, voir GERBET (P.), La construction européenne, Armand Colin, Paris, coll. U, 2007, 579 p, spéc., pp. 7198. 21 Traité de Lisbonne, modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, JOUE, n° C 306 du 17.12.2007 ; et, versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE, n° C 83 du 30.03.2010, p. 1. 22 Le traité de Maastricht du 7 février 1992, entré en vigueur en 1993, en son article A, crée une « Union européenne fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées par le présent traité », JOCE, n° C 191 du 29.07.1992, p. 1. 20 communautaire), la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ou deuxième pilier et enfin, la Coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (CJAI) ou troisième pilier23. L’Union européenne serait donc la somme de tout cela. Toutefois, il existe une dualité structurelle issue de l’existence de plusieurs traités : le Traité CE, le Traité CECA et le Traité EURATOM d’une part, et le Traité UE, d’autre part. Antérieurement à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la situation est d’autant plus complexe qu’il est acquis, selon l’article 281 du Traité CE (ex-article 210 Traité CEE), que seules les Communautés ont la personnalité juridique, et non l’Union européenne24 toute entière. Du moins, admeton que « l’Union européenne est un sujet de droit international par une de ses composantes : la Communauté européenne »25. D’ailleurs, même après la création de l’Union européenne par le Traité de Maastricht, la Communauté européenne a souvent été perçue comme l’acteur international principal, utilisant surtout la politique commerciale comme instrument de politique extérieure. Pourtant, si le Traité sur l’Union européenne ne contient pas de disposition indiquant que celle-ci a la personnalité juridique, l’article 2 du Traité UE – tel qu’issu de la révision par le Traité d’Amsterdam en 199726 (ex-article B) – confère à l’Union, l’objectif « d’affirmer son identité sur la scène internationale ». Cette disposition consacre ainsi l’émergence de l’Union comme acteur politique international. Par ailleurs, toujours à lasuite des modifications introduites par le Traité d’Amsterdam, la conclusion d’accords internationaux sur la base des articles 24 et 38 du TUE27, dans le cadre respectivement des deuxième et troisième piliers, a semblé corroborer la thèse d’une personnalité juridique implicite de l’UE28. Dans la ligne de l’avis de 1949 de la CIJ29, les défenseurs de cette 23 Article A §3 du Traité de Maastricht, JOCE, n° C 191 du 29.07.1992, p. 1. Par la renumérotation introduite par le Traité d’Amsterdam du 2.10.1997, cet article est devenu l’article 1 §3 du TUE. 24 « La proposition d’insérer dans le traité sur l’Union européenne, une disposition attribuant ou reconnaissant la personnalité juridique de celle-ci n’a été couronnée de succès ni durant la CIG 1996 qui devait conduire au traité d’Amsterdam, ni lors de la CIG 2000 qui s’est clôturée par la signature du traité de Nice ». Voir LOUIS (J.-V), « La personnalité juridique internationale de la Communauté et de l’Union », in LOUIS (J.-V.), DONY (M.) (dir.), Commentaire J. MEGRET, Relations extérieures, vol. 12, op.cit., pp. 21-56, spéc., p. 52. 25 GRARD (L.), « L’Union européenne, sujet de droit international », RGDIP, 2006/2, pp. 337-372, spéc., p. 340. 26 Traité d’Amsterdam, JOCE, n° C 340 du 10.11.1997. 27 La base de l’article 24 du TUE permet de conclure des accords internationaux portant sur la coopération policière et judiciaire en matière pénale et, celle de l’article 38 du TUE autorise des accords relatifs à la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité commune. 28 Sur les défenseurs de la thèse d’une personnalité juridique implicite de l’UE (au sens strict de création du traité UE, composée du 2ième et 3ème pilier), voir par exemple : 21 thèse s’inspirent de l’idée que « c’est de l’attribution de compétences devant nécessairement s’exprimer sur le plan international que l’on peut conclure à l’existence de la personnalité juridique internationale »30. Hormis la controverse sur la personnalité juridique de l’Union, l’attribution expresse de la personnalité internationale à la Communaté européenne, n’a pas résolu la question de l’étendue de la capacité internationale de cette dernière. En effet, l’attribution de la personnalité juridique n’écarte pas les problèmes découlant de la complexe répartition des compétences entre l’UE, la CE, et les Etats membres. Or, le champ des compétences externes de la CE détermine le type d’accords internationaux qu’elle peut potentiellement conclure avec les Etats et groupements régionaux, tels ceux d’Amérique latine et des Caraïbes31. La délimitation des compétences externes a été pour une part, l’œuvre des traités et pour une autre, celle de la jurisprudence32. Celle-ci fait une interprétation généralement33 NEUWHAL (N.), « A Partner with a Troubled Personnality : EU Treaty-Making in Matters of CFSP and JHA after Amsterdam », European Foreign Affairs Review,1998, pp. 177-195; TIZZANO (A.), « Une personnalité internationale de l’Union européenne », Revue du Marché unique européen, n° 4/1998, spéc.,p.11 ; Du même auteur, « La personnalité internationale de l’Union européenne » in DONY (M.), DE WALSCHE (A.), Mélange en hommage à Michel WAELBROECK, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 169-204 ; BRIBOSIA (E.), WEYEMBERGH (A.), « La personnalité juridique de l’Union », in DONY (M.) (dir.), L’Union européenne et le monde après Amsterdam, Bruxelles, éd. l’Université libre de Bruxelles, 1999, pp. 37-60 ; GRARD (L.), « L’Union européenne, sujet de droit international », op.cit, pp. 337-372. 29 Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice, sur « la réparation des dommages subis au service de l’ONU », 11.04.1949, Rec. CIJ, 1949, pp. 174-179. 30 LOUIS (J.-V), « La personnalité juridique internationale de la Communauté et de l’Union », Commentaire J. MEGRET, Relations extérieures, op. cit, p. 26. 31 Il faut cependant garder à l’esprit que les relations sont multiformes (et non pas uniquement conventionnelles) comme en témoigne, notamment l’utilisation du Système de Préférences Généralisées. 32 Sur la distinction et l’existence de compétences expresses et implicites : CJCE, arrêt Commission c/Conseil du 31.03.1971 (AETR), aff. 22/70, Rec., 1971, p. 263; ou plus récemment, l’avis de la CJCE 1/03, du 7.02.2006, à propos de la compétence de la Communauté pour conclure la nouvelle convention de Lugano concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, Rec., p. I-1145, point 114. Pour des analyses de cette jurisprudence : par exemple, LOUIS (J.-V.), « La Cour et les relations extérieures de la Communauté », Cahiers de droit européen, n° 3-4, 2006, Editorial, pp. 285-291. A propos des compétences internationales de la Communauté et l’apport de la jurisprudence sur la question :Voir LOUIS (J.-V.), « La compétence de la CE de conclure des accords internationaux », Commentaire J. MEGRET, Relations extérieures, vol.12, Université de Bruxelles, 2005, 2ème éd., pp. 58-75 ; KADDOUS (C.), « Le droit des relations extérieures dans la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes », Bâle, Genève, Munich, Bruxelles,Helbing et Lichtenhahn, Bruylant, Dossier de droit européen, n° 6, 1998, pp. 131-177 ; PERROT (D.), Mondialisme et régionalisme dans la politique extérieure de la CEE, Thèse de doctorat en droit, Université de Rennes I, janvier 1981, spéc., pp. 11-33 . 33 A l’exception, de ses avis 1/94 du 15.11.1994, Rec., p. I-5267 (Sur la compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux en matière de services et de protection de la propriété intellectuelle OMC) et 2/92 du 24.03.1995, Rec., p. I-521 (Sur la compétence de la Communauté ou de l’une de ses Institutions pour participer à la troisième décision révisée du Conseil de l’OCDE). Ces avis font une interprétation restrictive de la politique commerciale, la limitant aux seuls services dont la prestation 22 extensive qui étend le champ externe des aptitudes communautaires. Il en ressort que « la capacité internationale de la Communauté doit s’exercer dans les limites des compétences externes expresses, implicites ou subsidiaires de la Communauté »34. La CE se voit notamment reconnaître par le traité, une compétence expresse – exclusive ou partagée35 – pour s’engager sur une vaste gamme d’accords relatifs à la politique commerciale commune (ex-article 133 TCE36), à la coopération au développement (ex-articles 17737 et 181 TCE38) , aux modalités de coopération avec des Etats-tiers ou des organisations internationales dans le domaine de la recherche, du développement technologique et de l’environnement (ex-article 174 TCE39). A cela s’ajoute la possibilité de négocier des accords d’association40. Ces derniers ont servi en pratique à mener une coopération internationale institutionnalisée entre la CE et notamment les Etats ACP41. Enfin, à la suite de la n’entraînerait pas de mouvement de personnes. De surcroît, la CJCE y adopte une vision limitée des compétences implicites ; du moins était-ce avant la révision du chapitre sur « la politique commerciale commune » par le Traité de Nice signé le 26.02.2001 et entré en vigueur 1.02.2003. 34 PINGEL (I.), De Rome à Lisbonne : Commentaire article par article des traités UE et CE, Bâle, Paris, Bruxelles, Lichtenhahn, Dalloz, Bruylant, 2010, 2236 p., spéc., p. 1749. 35 Dans l’ordre juridique communautaire, la compétence est dite exclusive lorsque la Communauté est seule en mesure de l’exercer. Pourtant, la compétence extérieure est rarement exclusive – particulièrement en ce qui concerne la conclusion d’accords externes avec l’Amérique latine et les Caraïbes. En effet, ces derniers se limitent peu souvent à une simple relation commerciale (comme en témoignent les diverses bases juridiques utilisées) – Dans ce cas de figure, la Communauté s’engage en compagnie des Etats membres : c’est le recours à la pratique des « accords mixtes ». « Plus précisément, la conclusion d’un accord mixte est imposée par le fait que certaines des dispositions de l’accord relèvent de la compétence communautaire et d’autres de la compétence étatique ». Pour une étude exhaustive des accords mixtes et des problèmes qu’ils soulèvent tant dans l’ordre juridique interne que dans l’ordre juridique international,voir NEFRAMI (E.), Les accords mixtes de la Communauté européenne : aspects communautaires et internationaux, Bruylant, Bruxelles, 2007, coll. Droit de l’UE, n° 6, 711 p., spéc.,p. 9. Et, sur la notion de compétences partagées, voir NEFRAMI (E.), Les accords mixtes de la Communauté européenne : aspects communautaires et internationaux, Bruylant, Bruxelles, 2007, coll. Droit de l’UE, n° 6, 711p. , spéc., pp. 12-16. 36 Nouvel article 207 TFUE. 37 Originellement inséré dans le droit primaire par le Traité de Maastricht du 7 février 1992 (anciennement article 130 U), devenu nouvel article 208 TFUE. 38 Nouvel article 211 TFUE. 39 Nouvel article 191 TFUE. 40 Antérieurement à la modification introduite par le Traité de Lisbonne, le traité CE autorise les accords d’association (cf. ancien article 310 du TCE devenu article 217 du TFUE) suivant une procédure de conclusion spéciale : l’ex-article 300 du TCE (devenue article 218 du TFUE) qui décrit la procédure générale de conclusion des accords internationaux, comporte par ailleurs un paragraphe (ex-article 300 §3 du TCE) fixant la procédure pour les accords fondés sur l’ex-article 310 TCE. En outre, si l’ancien article 310 du TCE offre à la Communauté européenne une compétence expresse en matière externe, toutefois il ne précise pas si cette compétence est de nature exclusive ou non. 41 MORSON (S.), « ACP-Accord de Cotonou – Aspects historiques et généralités », Juris-classeur Europe, fascicule 2240, mis à jour 19.04.2005, pp.1-22, points 1-39. 23 révision introduite par le Traité de Nice42, l’article 181 A43, permet à la CE – tout en préservant la compétence des Etats membres – de conclure des accords relatifs aux modalités de coopération économique, financière et technique avec des pays tiers ou des organisations internationales. Toutes ces compétences expressément attribuées relèvent du pilier communautaire, de sorte que, le droit des Communautés européennes et le mode de décision dit « communautaire » ont pu apparaitre comme l’essentiel du droit applicable dans les relations avec l’extérieur44. Cependant, la pratique montre que, en raison de la diversité des relations, la mise en œuvre de l’action extérieure exige davantage que le recours à des procédures du premier pilier utilisées entre autres pour les aspects économiques, ou pour des questions d’asile ou d’immigration, par exemple45. Celles du deuxième pilier, voire du troisième pilier, interviennent également pour les aspects politiques et diplomatiques. De surcroît, dans certains cas, une action menée au titre de la PESC, peut impliquer la prise de mesures relevant de la compétence communautaire. Cette hypothèse est mentionnée à l’article 301 du TCE (ex-art. 228 A TCE dans sa version du Traité de Maastricht de 1992), lorsque des décisions prises au titre de la PESC prévoient une action de la Communauté en vue d’interrompre ou de réduire, partiellement ou totalement, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers46. On doit alors constater que s’agissant d’intervention extérieure, il n’y a pas toujours de séparation nette entre les piliers. Cela découle probablement de ce que, depuis le Traité de Maastricht de 1992, l’objectif du Traité UE est d’établir plus 42 Traité de Nice, JOCE, n° C 80, du 10.03.2001, p.1. 43 Article 181 A du TCE devenu article 212 TFUE. 44 Il convient de souligner la différence terminologique qu’il y a entre les « relations extérieures » et les « affaires extérieures ». Au sens strict, et compte tenu de la séparation en piliers, avant le Traité de Lisbonne, en principe, les « relations extérieures » relèvent de la compétence communautaire (premier pilier CE) et dépendent de la procédure de prise de décision communautaire. Tandis que les « affaires étrangères » relèvent de l’Union européenne et d’un mode de décision intergouvernemental. Toutefois, ce débat est caduc dans la mesure où le traité de Lisbonne opère un dépassement de ces deux expressions en usant des termes d’« action extérieure ». 45 Le Traité d’Amsterdam en 1997, a en effet fait basculer dans le premier pilier, la plupart des questions relevant de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (voir la Troisième partie du TCE : « les politiques de la Communauté », Titre IV, anciens articles 61 à 69 TCE). Ces dernières relevaient auparavant du troisième pilier. Voir Traité d’Amsterdam, signé le 2.10.1997, entré en vigueur 1.05.1999, JOCE, n° C 340 du 10.11.1997, p. 1. 46 Voir ancien article 301 du TCE : « Lorsqu’une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du Traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune prévoient une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, prend les mesures urgentes nécessaires ». 24 de cohérence47 par rapport à la coopération politique européenne informelle des années 1970-1980, formalisée plus tard dans l’Acte Unique Européen48. Cette recherche de cohérence globale, entre l’action de la CE et celle des Etats membres (agissant dans le cadre du second pilier) se reflète ainsi dans l’article 301 du TCE en matière d’intervention extérieure. Il témoigne de la volonté des rédacteurs de faciliter cette conjonction. Au demeurant, le politique et la diplomatie ne sauraient être totalement exclus lors de la passation d’accords internationaux49. Le possible recours à des accords transpiliers n’est donc pas à écarter, c’est-à-dire des accords passés par la CE et l’UE, pour négocier dans des domaines touchant à la Politique étrangère et sécurité commune (PESC) ou à la Coopération en matière de Justice et Affaires Intérieures (CJAI). Même si, à notre connaissance, l’hypothèse ne s’est pas présentée dans les relations avec l’Amérique ou avec les Caraïbes, il existe néanmoins un précédent d’accord transpilier dans les relations de l’UE avec la Suisse50. Ce type de mixité transpilier diffère des cas de participation de la CE et des Etatsmembres à un même accord, due à l’existence dans le champ du pilier communautaire, de compétences externes partagées. En effet, l’accord transpilier est une conséquence de la création, par le Traité de Maastricht, de l’Union européenne qui s’appuie sur deux piliers intergouvernementaux situés hors du champ de compétence de la Communauté. Il s’ensuit que tout accord externe touchant à des domaines couverts par la PESC ou la CJAI devrait être signé par la Communauté, et par « les Etats membres de l’Union européenne agissant dans le cadre de l’Union »51. En substance, l’existence de deux ordres (communautaire et de l’Union), et l’intrication croissante des compétences complexifient l’action extérieure de l’organisation 47 Voir ancien article 3 ou C du TUE, abrogé depuis par la révision issue du traité de Lisbonne. 48 Acte Unique Européen (AUE) signé à Luxembourg et à la Haye le 17.02.1986 et entré en vigueur le 1.07.1987, JOCE, n° L 169 du 29.06.1987, p. 1. 49 PERROT (D.), Mondialisme et régionalisme dans la politique extérieure de la CEE, Thèse de doctorat en droit, Université de Rennes I, janvier 1981, spéc, p. 40. 50 Accord entre l’Union européenne, la Communauté européenne et la Confédération suisse sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen, du 22.10.2004. L’accord a été conclu sur la base de deux décisions distinctes du Conseil, l’une autorisant la présidence à signer l’accord au nom de la Communauté, JOUE, n° L 370, du 17.12.2004, p.78, l’autre au nom de l’Union, JOUE, n° L 368, du 15.12.2004, p. 26. Cité par NEFRAMI (E.), Les accords mixtes de la Communauté européenne : aspects communautaires et internationaux, op. cit., note 12, p. 7. 51 FENET (A.), Droit des relations extérieures de l’Union européenne, Paris, Litec, 2006, 396 p., spéc.,p. 66. 25 internationale qu’est l’Union européenne au sens large, et nuisent à son efficacité52. Il s’ensuit un manque flagrant de visibilité et de lisibilité de l’action extérieure. De plus, la généralisation de la pratique des accords mixtes, si elle peut apparaitre juridiquement sûre53, peut retarder l’application des accords externes dans la mesure où, tributaires du bon déroulement des procédures de conclusion dans la Communauté et dans les Etats membres, certains accords peuvent ne jamais entrer en vigueur. Cette configuration propre au processus européen, a perduré jusqu’à la création d’une seule entité succédant à la Communauté et à l’Union54. En effet, l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne réorganise le droit primaire55 et propose des modifications importantes ainsi que de nouvelles dispositions. B) Les implications de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne Après la convocation d’une Conférence intergouvernementale56, le Traité de Lisbonne a été signé par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet de Lisbonne le 13 décembre 2007. Il est en vigueur depuis le 1er décembre 2009. Les implications du Traité de Lisbonne concernant « l’action extérieure de l’Union »57 sur la scène internationale devraient être déterminantes, même s’il n’est pas sûr 52 Le but initialement recherché était tout autre : tel que posé dans le Traité UE et ses versions successives, il s’agissait de créer un cadre institutionnel unique et d’assurer plus de cohérence entre les actions de la Communauté européenne et celle des Etats membres (ex-coopération politique). Voir en ce sens, l’ancien article 3 du TUE dans sa version consolidée, contenant les modifications apportées par le traité de Nice du 26.02.2001. 53 En ce qu’elle engage conjointement la Communauté et ses Etats membres, voir FENET (A.), op. cit., spéc.,p. 67. 54 Dans le « traité établissant une Constitution pour l’Europe », signé le 29 octobre 2004, JOUE, n° C 310 du 16.12.2004, p. 1, suivant l’article IV- 438, il fut posé que « L’Union établie par le présent traité succède à l’Union européenne instituée par le traité sur l’Union européenne et à la Communauté européenne ». Toutefois, à la suite du rejet par référendum de ce traité par la France (le 29 mai 2005) et les Pays-Bas (le 1er juin 2005), le texte n’est pas entré en vigueur. Cependant, l’échec du projet n’a pas marqué le coup d’arrêt des négociations. Finalement le traité de Lisbonne crée l’entité unique, fusion de la CE et de l’UE. Voir article 1 du TUE révisé. 55 Le traité de Lisbonne regroupe et modifie les traités existants – traité sur l’Union européenne et traité instituant la Communauté européenne – mais ne les remplace pas. Entre autres modifications, le traité de Maastricht garde sa dénomination de « Traité sur l’Union européenne », tandis que le traité instituant la Communauté européenne est dénommé « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ».Tous deux ont la même valeur juridique. 56 Conformément à la procédure de révision des traités posée dans l’ex-article 48 du traité UE. 57 Une cinquième partie du « Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne » (TFUE) est entièrement consacrée à « l’action extérieure de l’Union » et englobe les nouveaux articles 205 à 222 (TFUE). 26 que ce traité contribue à la lisibilité58 de ladite action extérieure. Tout d’abord, l’« Union » est dotée de la personnalité juridique, à la fois dans l’ordre juridique interne et dans l’ordre juridique international59, par le nouvel article 47 du Traité sur l’UE révisé. L’intérêt de cette disposition apparaît d’emblée : c’est la fin de la dichotomie CE/UE et la création d’une entité unique60, sous réserve de l’Euratom qui conserve une personnalité distincte61. La fusion de l’Union européenne et de la Communauté « devrait assurer une cohérence accrue de ses politiques externes (politiques commerciale, de coopération avec les pays tiers, et d’aide humanitaire, politique étrangère et de sécurité commune) et des aspects extérieurs de ses politiques internes »62. Cet objectif est clairement affirmé à l’article 21 paragraphe 3 alinéa 2 du TUE révisé où il est dit que la nouvelle entité l’«Union », « veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques ». Le principe de cohérence est d’application générale, dans toutes les politiques et dans toutes les actions de l’Union selon l’article 7 du TFUE. Cette ambition se trouvait déjà dans l’ancien article 3 du TUE abrogé et remplacé en substance par l’article 7 du TFUE. En termes de capacité au plan externe, l’Union dotée de la personnalité juridique peut, entre autres, être membre d’une organisation internationale63, ce qui renforce la visibilité de ses actions sur la scène internationale ; elle peut aussi contracter et signer en son nom propre des accords internationaux, dans la limite des compétences64 qui lui sont attribuées par le Traité sur le fonctionnement de l’UE65. Il est envisageable à l’avenir que se 58 Voir Préface du professeur Jean-Luc SAURON in CHALTIEL (F.), Le processus de décision après le traité de Lisbonne, Paris, La documentation française, 2010, coll. Réflexe Europe, 215 p., spéc., pp. 5-7. 59 L’ancien article 281 du traité CE concernant la personnalité juridique de la Communauté est abrogé. Il s’ensuit que la CE disparaît. 60 Selon l’article 1 du TUE révisé, l’Union se substitue et succède à la Communauté. 61 En ce qui concerne le traité Euratom et sa place dans l’architecture issue du traité de Lisbonne, voir RAPOPORT (C.), « Interrogations sur la réorganisation du droit primaire de l’Union européenne », RMCUE, n° 518, mai 2008, pp. 292-296. 62 Suivant l’appréciation de Messieurs PRIOLLAUD et SIRITSKY ; sur la portée de cette novation, voir PRIOLLAUD (F.-X.), SIRITSKY (D.), Le traité de Lisbonne – Texte et Commentaire article par article des nouveaux traités européens (TUE-TFUE), Paris, La documentation française, 2008, 523 p., spéc., p. 303. 63 Article 6 du TUE révisé. 64 Article 5 alinéas 1 et 2 du TUE révisé. 65 L’article 216 du TFUE reconnaît à l’Union compétence pour conclure des accords internationaux dans quatre hypothèses : - lorsque les traités le prévoient, 27 développe la participation de l’Union aux accords externes, tantôt aux côtés des Etats membres – dans les domaines relevant de compétences partagées – tantôt sans ceux-ci, lorsque l’Union dispose de pouvoirs exclusifs. A ce propos, les auteurs du Traité de Lisbonne se sont efforcés aussi d’établir une liste des compétences exclusives de l’Union66, inspirée par la pratique décisionnelle et la jurisprudence. On peut supposer que cet effort de clarification résout la question – sous réserve d’interprétation de l’article – de l’étendue de la compétence externe exclusive. De plus, on peut dire que l’Union est l’héritière de la CE dont elle hérite de compétences quelque peu élargies. C’est le cas notamment en matière de politique commerciale commune, où, sur le plan international, l’Union pourra dorénavant conclure tous types d’accords commerciaux, incluant par exemple l’ensemble des services y compris les services culturels et audiovisuels67, et ceux relatifs aux investissements directs étrangers, sans nécessiter la participation des Etats membres68 ; et donc, sans recourir à la pratique des accords mixtes. - - lorsque la conclusion d’un accord est nécessaire pour réaliser l’un des objectifs visés par les traités (codification de la jurisprudence Kramer : CJCE, arrêt Kramer c/Pays-Bas,14.07.1976, aff. jointes 3/76, 4/76, 6/76, Rec., p. 1279), si cela est prévu dans un acte juridique contraignant, lorsque l’accord en question est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée. (reprend la jurisprudence AETR : CJCE, arrêt du 31.03.1971, AETR, aff. 22/70, Rec.1971, p. 263). L’article 216 doit être lu en liaison avec l’article 3 §2 du TFUE qui reconnaît à l’Union une compétence exclusive pour la conclusion d’un accord international lorsque celle-ci « est prévue dans un acte législatif de l’Union, ou est nécessaire pour lui permettre d’exercer sa compétence interne, où dans la mesure où elle est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée ». Toutefois, dans les domaines de la coopération au développement et de l’aide humanitaire, l’article 4 §4 du TFUE précise que l’aptitude de l’Union pour conclure des accords, ne peut avoir pour effet d’empêcher les Etats membres d’exercer leur compétence. 66 Voir l’article 3 TFUE qui codifie l’interprétation extensive des compétences exclusives faite notamment par la jurisprudence. 67 L’article 207 du TFUE complète l’ancien article 133 §5 TCE dans sa rédaction issue du Traité de Nice en 2001. En effet, auparavant, entraient dans la compétence exclusive de la Communauté, les traités internationaux relatifs au commerce des services et aux aspects commerciaux de la propriété intellectuelle. Cependant, ceux touchant spécifiquement au commerce des services culturels, audiovisuels, ainsi qu’aux services sociaux, d’éducation ou de santé humaine relevaient de la compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres. Or, l’article 207 du TFUE (ancien article 133 TCE) intègre l’ensemble de la politique commerciale commune dans le champ des compétences exclusives de l’Union (cf. article 3 TFUE précité).Il en découle que les secteurs touchant au commerce des services culturels et audiovisuels qui faisaient partie des exceptions antérieurement exclues de la compétence commerciale exclusive par le traité de Nice, relèvent uniquement de l’Union. 68 Sous la réserve importante qu’au plan intra-communautaire, la fourniture des services culturels et audiovisuels ainsi que, ceux relatifs aux investissements directs étrangers, est régie par des règles spéciales : le Conseil statue à l’unanimité lorsque des accords externes concernent ceux-ci et comprennent des dispositions qui « risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union » ou « de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services ». 28 Par ailleurs, la structure en piliers est abandonnée. La fusion des piliers et la consécration d’une personnalité juridique unique à l’Union européenne devraient abolir la pratique des accords trans-piliers. Toutefois, la simplification résultant de la suppression des piliers n’est qu’apparente69. Enfin, pour la première fois, la dimension extérieure de l’Union est incarnée par l’instauration d’une part, d’un président du Conseil européen ; d’autre part, d’un « haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité »70 chargé de répondre en matière de PESC et qui en réalité cumule trois fonctions71 ; et enfin, d’un président de la Commission (article 17 §6 du TUE révisé) à qui il est reconnu également un rôle de représentation extérieure de l’Union, dans les domaines de l’action extérieure relevant de sa compétence, sauf en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune. Ces innovations institutionnelles visent à personnaliser l’Union. S’agissant du haut représentant, il est généralement perçu comme « la voix de l’Europe sur la scène internationale » conjointement avec le président du Conseil européen. Mais leur statut et la répartition des rôles risquent de demeurer abscons pour les tiers. Dans ce cas, visibilité de l’Union européenne ne rime pas forcément avec lisibilité72. Globalement, les nouveautés introduites en matière d’action extérieure servent « à rassembler les moyens y compris 69 D’une part, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) fait l’objet d’un titre séparé (Titre V, Chapitre 2 du TUE), les rédacteurs du TUE révisé affirment ainsi « la spécificité de la PESC par rapport aux autres politique de l’Union ». D’autre part, on aurait pu s’attendre à ce que l’ensemble des politiques relève d’un mode de prise de décision « communautaire » –au sens de décision prise par les institutions de l’Union – par opposition à une méthode intergouvernementale (décision issue de la coopération des Etats membres). Or, « la suppression de la structure en piliers de l’Union (…) n’entraîne cependant pas une “communautarisation” complète des matières relevant des anciens 2ème et 3ème piliers (politique étrangère et de sécurité commune, coopération policière et judiciaire en matière pénale). La méthode “communautaire” ne leur est en effet pas intégralement applicable ».Voir PRIOLLAUD (F.-X.), SIRITSKY (D.), op.cit., p.135. 70 Article 18 § 2, 3, 4 du traité sur l’Union européenne révisé. Les pouvoirs du « haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » sont précisés aux articles 23 à 41 du TUE. Cette nouvelle dénomination remplace celle du « ministre des affaires étrangères » de l’Union prévu dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe. 71 Le « haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » est tout à la fois viceprésident de la Commission européenne, président de la formation « affaires étrangères » du Conseil, et mandataire du Conseil pour la PESC. En cumulant les fonctions précédemment exercées par le secrétaire général du Conseil, (qui était haut représentant pour la PESC), d’une part, et par le commissaire aux relations extérieures, d’autre part, le haut représentant peut être vu, au plan interne, comme une tentative de concilier intérêts intergouvernementaux et intérêt communautaire. 72 PRIOLLAUD (F.-X.), SIRITSKY (D.), op.cit, p. 97 ; SAURON (J.-L.) parle de « tentative inachevée de lisibilité », Préface in CHALTIEL (F.), Le processus de décision après le traité de Lisbonne, op.cit., spéc., p. 5. 29 économiques, au service des ambitions politiques et de la volonté d’affirmation sur la scène internationale de l’Union »73. Compte tenu des évolutions intervenues dans le droit de l’Union européenne, et en s’inspirant des propos du professeur Jean-Victor LOUIS, on peut dire que la référence au droit des relations extérieures de l’Union européenne n’est plus un programme d’avenir74. Le Traité de Lisbonne abolit la référence à la Communauté européenne et consacre définitivement l’expression « Union européenne ». C) La référence à l’« Union Européenne » dans la thèse L’expression « Union européenne » est employée ici pour désigner au sens large, la résultante du processus européen d’intégration, sauf pour la période précédant 1993. On entend par là une organisation internationale dotée de la personnalité juridique et distincte de ses Etats membres. Au sens étroit, et par souci de rigueur juridique, la distinction CE/UE sera cependant opérée chaque fois que nécessaire. A cet égard, il faut remarquer, s’agissant des accords externes, que l’identification des sujets de droit concernés ne présente pas de difficulté majeure. Elle est facilitée du fait que la majorité des accords – surtout ceux dits « mixtes » – comporte une clause définissant la notion de « parties ». Il s’ensuit, qu’en se référant à l’intitulé exact de l’accord, il est en principe possible d’identifier quels sont les véritables sujets de droit. Ainsi, en pratique, les accords négociés ou conclus avec l’Amérique latine et les pays ACP, avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ont généralement pour partie la CE, le cas échéant, avec ses Etats membres, lorsque sont régis des domaines relevant dans l’ordre intra-européen de compétences partagées ou concurrentes. Dans ce cas, et, dans le cadre de cette étude, le vocable « Union européenne » est quelquefois utilisée pour désigner la réunion de la CE et de ses Etats membres, sous réserve que le sens de l’acception soit toujours précisé entre parenthèses. En revanche, si la CE est seule partie à l’accord externe, il faut en déduire qu’elle dispose d’une compétence exclusive. On se réfère donc principalement au système dit 73 PRIOLLAUD (F.-X.), SIRITSKY (D.), op.cit, pp. 114-115. 74 LOUIS (J.-V.), DONY (M.), Commentaire J.MEGRET, Relations extérieures, vol.12, op. cit., p. 21. 30 « communautaire »75. D’ailleurs, les « accords conclus par la CE » font référence ici à ceux régis par la procédure générale de l’ancien article 300 du TCE, par opposition aux procédures des ex-articles 24 et 38 dans l’ancienne rédaction du TUE. Mais, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il convient de parler des « accords entre l’Union et des pays tiers ou organisations internationales » 76. Seuls les accords signés après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ainsi que ceux signés avant mais conclus après l’application de ce traité, devraient témoigner, dans l’ordre international, de « l’Union » tel que le droit positif la consacre. L’Union devrait y apparaître comme « partie » aux côtés ou non de ses Etats membres dans les futurs accords conclus avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Cela ne signifie nullement que la personnalité internationale et le rôle international de l’Union se manifestent uniquement par des accords. Comme précédemment mentionné, les relations sont multiformes. Au-delà de l’aspect conventionnel, elles comprennent une dimension de dialogue politique, et des instruments unilatéraux sont utilisés. Par conséquent, le recours au droit institutionnel de l’Union européenne devrait permettre au cours de l’étude, de clarifier quelles sont les institutions de l’UE/CE concourrant au processus décisionnel. De plus, les modifications introduites par le Traité de Lisbonne seront mentionnées au cas par cas. Les relations interrégionales ne sont viables et possibles que si les organisations d’intégration économique régionales d’Amérique latine et des Caraïbes ont également la personnalité juridique, et, si elles disposent de la capacité à négocier d’éventuels accords. §2 Des organisations d’intégration économique régionale en Amérique latine et Caraïbes dotées du « Treaty Making Power » L’un des objectifs de l’action extérieure de l’Union sur la scène internationale est d’établir des partenariats avec des pays tiers ou des Organisations internationales ou régio- 75 Il peut paraître paradoxal à l’heure où le traité de Lisbonne consacre l’avènement de l’ordre juridique de l’Union d’employer l’adjectif « communautaire ». Toutefois, l’expression désigne ici la méthode de prise de décision par les institutions européennes et non celle issue de la coopération des Etats membres. Ainsi que, la soumission des actes qui en découlent au système juridique de régulation et de contrôle par la CJCE, devenue CJUE. 76 Nouvel article 218 TFUE. 31 nales qui partagent les mêmes principes77. Cela confirme l’ambition politique d’aboutir à un « partenariat stratégique » avec les acteurs de l’espace géographique Amérique latineCaraïbes. Hormis l’utilisation des instruments autonomes, l’un des moyens est de négocier des accords internationaux. Toutefois, dans l’hypothèse où les cocontractants sont potentiellement des Organisations régionales, cela soulève d’emblée la question de savoir si celles d’Amérique latine et des Caraïbes, identifiées comme interlocutrices prioritaires dans le cadre du partenariat stratégique, disposent de la capacité juridique de conclure78 des traités : c’est l’expression anglaise du « Treaty Making Power ». La réponse à cette question est à rechercher dans les traités fondateurs de ces Organisations régionales (B) ; mais il semble nécessaire au préalable, de définir la notion même « d’organisation régionale d’intégration économique » pour délimiter clairement le champ de cette étude (A). A) La notion d’« organisation régionale d’intégration économique » appliquée à l’espace géographique Amérique latine-Caraïbes La tentative de définition se heurte à deux obstacles : d’une part, l’imprécision juridique de la notion d’organisation régionale d’intégration économique (1), d’autre part, le problème de la délimitation objective de l’espace Amérique latine et Caraïbes (2). 1- L’imprécision juridique de la notion Pour une approche juridique79, il faut se réfèrer à la définition donnée par des juristes de droit international public pour qui l’expression désigne une « organisation inter- 77 Nouvel article 205 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), en parallèle avec le chapitre I, titre V du traité sur l’Union européenne (TUE), « dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union », nouvel article 21 §1 al. 2 (TUE). 78 Conclure au sens du droit international est l’expression de la volonté d’engagement. La conclusion « résulte de l’échange, du dépôt ou de la notification des instruments qui scellent dans l’ordre international l’engagement définitif des parties contractantes » ; autrement dit, ici la conclusion s’apparente à la ratification pour un Etat. DE WALSCHE (A.), « La procédure de conclusion des accords internationaux », in LOUIS (J.-V.), DONY (M.), Commentaire J. MEGRET, Relations extérieures, vol.12, pp. 77-96, spéc., pp. 89-90. 79 Les théories de l’intégration économique régionale sont essentiellement l’œuvre de spécialistes d’économie et /ou de relations internationales. Toute la difficulté vient de ce qu’il ne s’agit pas d’un concept appartenant au droit. Néanmoins, des travaux juridiques existent sur le sujet. Voir par exemple : RIDEAU (J.) (Éd.), Les aspects juridiques de l’intégration économique, Colloque de l’Académie de Droit International, Leiden (Pays-Bas), Sijtoff, 1972, 620 p. ; FONTANEL (J.), Organisations économiques internationales, Paris, Masson, 1981, 311 p. 32 nationale qui poursuit une finalité d’intégration dans le domaine économique. C’est à dire que la vocation de l’organisation n’est plus le rapprochement des politiques nationales des Etats membres mais le développement de politiques communes définies et gérées par l’organisation. Et l’intérêt collectif poursuivi doit dépasser la somme des intérêts particuliers de chacun des Etats membres »80. Autrement dit, de par sa structure, l’organisation régionale d’intégration économique répond en partie à la définition classique d’une organisation internationale : c’est une « association d’Etats constituée par traité, dotée d’une constitution et d’organes communs, et possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats membres»81 – créée dans une finalité économique au-delà de la coopération. Outre qu’elle concerne les Etats d’une même région, et n’a pas vocation à l’universalité, l’organisation régionale d’intégration se distingue avant tout par sa finalité qui est en même temps un processus : l’intégration économique. Cette vocation d’intégration économique est posée dans un acte constitutif82 qui prend la forme d’un traité83. A ce propos, compte tenu du rôle particulier qui lui est assigné, l’organisation d’intégration doit être distinguée de l’organisation de coopération. Cette dernière promeut les « échanges entre Etats membres par l’établissement de solidarités économiques »84 mais sans limiter la souveraineté des membres. Il n’y a pas de transferts de compétence des Etats membres vers l’Organisation et les décisions sont prises à l’unanimité. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fournit un bon exemple. A l’inverse, une organisation d’intégration « dans ses formes les plus achevées » conduit à limiter « la souveraineté des Etats membres en instituant dans leurs rapports mutuels d’authentiques éléments de fédéralisme économique »85 ; c'est-à-dire qu’au stade ultime de rapprochement écono- 80 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 7ème éd., 2002, 1510 p. 81 Définition de Sir Gérald FITZMAURICE, in A/CN.4/101, article 3, Ann. CDI.1956-II, p. 106 ; citée dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 7ème éd., 2002, spéc., p. 557 ; voir aussi N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ-Lextenso éditions, 8ème éd., 2009, 1709 p, spéc., p. 643 et pp. 637-708. 82 KIWALLO (J.), Les zones d’intégration économique régionale : approche juridique, Thèse de doctorat en droit, Paris V, 1997, spéc. p 19. 83 Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales, article 2 §1 a). Le terme « traité » désigne tout accord international « quelle que soit sa dénomination particulière ». Il faut noter que la Communauté européenne n’a pas signé cette Convention. Voir COMBACAU (J.), Le droit des traités, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?1991, spéc. , pp. 15 et 46 - 47. 84 CARREAU (D.), JUILLIARD (P.), Droit international économique, Paris, Dalloz, 4ème édition, 2010, 770 p., spéc.,p.30. 85 Ibidem. 33 mique, les Etats membres consentent des transferts de compétence, au profit des organes de l’intégration économique. Toute organisation régionale d’intégration économique vise, au premier stade, à supprimer les barrières aux échanges entre les pays du groupe. Mais au-delà de cet objectif limité, il semble qu’il s’agit surtout d’accords en vue d’atteindre un espace économique unifié, entre différents Etats souverains, au sein d’un bloc régional. Juridiquement, l’intégration peut conduire à l’apparition d’ordres juridiques spécifiques au sein de l’ordre international. Tel est le cas des Communautés européennes ou de la Communauté Andine des Nations. Ces organisations régionales d’intégration produisent des normes juridiques élaborées par ou au nom de l’organisation régionale ; elles disposent toutes deux d’organes et de procédures juridictionnelles de contrôle des comportements des Etats membres, telles la Cour de Justice des Communautés Européennes devenue Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et la Cour de Justice de la Communauté Andine des Nations. En outre, pour les membres d’une organisation régionale, le choix de l’« intégration économique» peut être soit un moyen86 notamment en termes de stratégie de développement, soit une finalité. Dans leur diversité87, les organisations régionales ne visent pas forcément à dépasser l’intégration économique pour atteindre l’intégration politique. A ce propos, il ne s’agit pas ici de comparer les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes à l’aune du modèle européen, sous peine de succomber au travers européocentriste. On notera simplement que l’intégration économique est toujours un processus qui s’effectue par étapes. Ainsi, les Professeurs CARREAU et JUILLIARD, distinguent-ils quatre niveaux d’intégration économique88. A ceux-ci, on peut ajouter une étape intermé86 Comme en témoigne la démarche fonctionnelle ou Spill over expérimentée par la Communauté économique européenne depuis le traité de Paris du 18.04.1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et celui Rome du 25.03. 1957 instituant la Communauté économique européenne (CEE). Voir à ce propos, QUERMONNE (J.-L.), Le système politique de l’Union européenne, Paris, Montchrestien, 7ème éd., 2009, 156 p. 87 TENIER (J.), « Panorama comparatif des dynamiques d’intégration », in LEBULLENGER (J.), FLAESCH-MOUGIN (C.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 3-30. 88 CARREAU (D.), JUILLIARD (P.), Droit international économique, 7ème éd., Paris, LGDJ, 2002, spéc., pp. 26-27. Les quatre niveaux d’intégration économique sont : D’abord, l’accord de libre échange : « situation internationale dans laquelle deux ou plusieurs Etats éliminent dans leurs rapports mutuels, les restrictions tarifaires et non tarifaires à leurs échanges commerciaux » ; la zone de libre échange ne requiert pas un système institutionnel très élaboré. - Puis, vient l’union douanière. Cette dernière suppose l’élimination des restrictions tarifaires et non tarifaires à leurs échanges commerciaux, l’établissement d’un Tarif Extérieur Commun(TEC) en guise de « protection commune » dans leurs rapports avec les Etats tiers. 34 diaire précédent la zone de libre échange : la zone d’échanges préférentiels. Elle se caractérise par la diminution des restrictions au commerce pour certains produits. Décidée par voie conventionnelle ou sur la base d’instruments juridiques autonomes, elle représente en quelque sorte, une forme embryonnaire d’intégration économique. Cette tentative de définition amène à écarter le terme générique courant de « groupements économiques régionaux ». Trop large, celui-ci englobe des structures aux institutions embryonnaires, qui n’ont pas forcément les caractéristiques des organisations de droit international, à savoir, l’attribution expresse ou implicite89 d’une personnalité juridique par leur traité constitutif ; ni la jouissance dans l’ordre international, de capacités juridiques exercées dans les limites du principe de spécialité90. Tel est par exemple le cas du Groupe des trois (G3)91 regroupant trois pays latino-américains exportateurs de pétrole : la Colombie, le Mexique, le Venezuela, ou de la Communauté Sud-américaine des Nations (CSN) créée à Cuzco en décembre 200492. Tous les groupements économiques régionaux ne peu- - - Ensuite, le marché commun ou marché unique combine les avantages de la zone de libre Echange et de l’union douanière (existence d’un Tarif Extérieur Commun, mais, elle exige en plus la libre circulation des facteurs de production c’est à dire la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Enfin, l’union économique est la forme la plus élaborée de l’intégration régionale. Outre, les quatre libertés du marché commun, elle suppose la mise en œuvre soit de l’harmonisation des politiques nationales, soit de politiques macroéconomiques communes. Une combinaison des deux peut être appliquée selon les secteurs, et les actes juridiques pris. 89 La jurisprudence de la Cour Internationale de Justice (CIJ) reconnait que la personnalité juridique peut exister même si le statut de l’organisation en question ne la prévoit pas explicitement. En effet, des droits et fonctions attribuées à l’organisation, « (...) ne peuvent s’expliquer que si l’organisation possède une (...) mesure de personnalité internationale et la capacité d’agir sur le plan international ». Voir Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice, sur la réparation des dommages subis au service de l’ONU, 11.04.1949, Rec. 1949, pp. 174-179. FENET (A.), Droit des relations extérieures de l’Union européenne, op.cit., p.38. 90 La Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales et entre organisations internationales rappelle en son article 6 que : « la capacité d’une organisation internationale de conclure des traités est régie par les règles de cette organisation ». Suivant la Cour Internationale de Justice (CIJ), le principe de spécialité signifie donc que les organisations internationales sont « dotées par les Etats qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir », CIJ, avis du 8.07.1996, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires, Rec., p.79. 91 Créé le 11 mars 1989, le Groupe des trois est présenté comme une entente devant favoriser l’intégration en Amérique latine. Voir DUHAMEL (A.), TREMBLAY (C.), « Le Groupe des trois », Les notes d’information de l’Observatoire des Amériques, 7.02.2003, 13 p. http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/03G3.pdf. [consultation du site le 10.08.2010]. 92 La Communauté Sud Américaine des Nations créée par la Déclaration de Cuzco au Pérou le 8.12.2004 est une entité qui regroupe les pays membres de deux organisations régionales d’Amérique du Sud : d’un côté le Marché commun du Cône sud (Mercosur) comprenant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, et de l’autre côté la Communauté Andine des Nations (CAN) formée de la Colombie, du Pérou, de la Bolivie et de l’Equateur. Le Chili, le Guyana et le Suriname sont également membres. Le Mexique et le Panama y ont un statut d’observateur. 35 vent donc pas adopter des actes relevant du droit international public. Or, la perspective d’établir des relations suppose, au moins, la capacité de l’organisation régionale de s’engager93 par la conclusion d’accords internationaux. Sur ce point, plusieurs hypothèses sont envisageables. Si l’organisation régionale a la capacité suffisante pour agir seule, les Etats membres n’ont pas lieu de se substituer à cette dernière. Mais si, l’organisation ne détient pas une mesure de capacité externe suffisante, les Etats membres doivent s’engager aux côtés de leur organisation régionale : c’est l’hypothèse des compétences partagées. Enfin, dans la configuration où l’organisation ne dispose pas du Treaty Making Power, il est envisageable que les Etats membres d’une organisation s’engagent seuls. Toutefois, dans ce cas, l’organisation régionale d’intégration économique à laquelle ils appartiennent ne sera pas partie à l’accord international négocié. Par conséquent, sur le plan théorique, nous ne sommes plus dans la configuration de relations interrégionales c’est à dire entre organisations régionales accompagnées de leurs Etats membres respectifs, mais dans celle des relations bilatérales ou plurilatérales94. Au contraire, les traités interrégionaux présentent l’avantage d’avoir un champ d’application ratione personae et donc spatial, plus étendu que les précédents : l’interrégionalisme doit refléter des solidarités plus étroites que celles qui existent au niveau universel, mais plus larges que celles présentes au niveau bilatéral. Il est vrai cependant que, dans certaines conjonctures particulières, la volonté politique de relations interrégionales peut, en pratique, donner lieu à des accords uniquement bilatéraux ou plurilatéraux95. Sans préjuger de leur importance dans les relations internationales, ni le G3, ni la CSN rebaptisée « Union des Nations sud-américaines » (UNASUR) en 2007 ne seront étudiés dans cette thèse ; en effet ces deux groupements ne peuvent être qualifiés d’« Organisations d’intégration économique régionale », au sens de la définition précitée. 93 Le droit international reconnaît une capacité d’agir aux organisations internationales dans les limites du principe de spécialité : « ...en matière de droit des traités la capacité des organisations internationales est la règle de droit commun qui ne cède que devant des dispositions restrictives expresses des chartes constitutives », Rapport de la Commission du droit international à l’Assemblée générale de l’ONU, Annuaire de la CDI, 1974, vol. 2, p. 310. 94 C’est pourquoi, dans le cadre de cette étude, l’analyse des pays comme Cuba n’est pas développée car cet Etat ne fait partie d’aucune organisation régionale d’intégration au sens sus-évoqué. Les relations bilatérales sont le plus souvent mentionnées à titre comparatif ou pour illustrer un propos. 95 En raison par exemple, des dissensions politiques entre les membres de la Communauté Andine des Nations (CAN), et à la suite de l’abandon des négociations de l’accord d’association interrégionale ayant pour partie la CAN et ses Etats membres, l’UE a opté pour la signature d’un accord tripartite limité aux aspects commerciaux entre l’UE, la Colombie et le Pérou.Voir déclaration de Madrid à l’issue du sixième Sommet UE-AL-C, le 18.05.2010, point 23. Sur le site du Conseil de l’Union européenne : http://www.consilium.europa.eu/Newsroom,document 9931/10 (Presse 131). [Consultation juin 2010]. Si ce type d’accord témoigne de choix stratégiques et diplomatiques pour contourner des obstacles conjoncturels, il fait néanmoins peser un risque de désintégration régionale. Voir LEBULLENGER (J.), 36 L’accroissement des mouvements d’intégration économique entre pays se déploie dans un espace géographique donné. C’est pourquoi, il nous paraît utile d’essayer de délimiter les contours de la région Amérique latine d’une part, et celle des Caraïbes, d’autre part. 2- Le problème de la délimitation de l’espace Amérique latine et Caraïbes Dans les deux cas, la difficulté vient de ce qu’il n’existe pas de définition objective96. Ainsi, le terme « Amérique latine » par exemple, reflète une vision idéologique : l’Amérique latine se réfère à un ancrage linguistique par opposition à l’Amérique anglosaxonne97. Puisqu’il s’agit d’étudier les relations de l’Union avec ces deux régions, la perspective adoptée se veut proche de celle de l’Europe. En effet, cette thèse contribue à l’étude d’un aspect des relations extérieures de l’UE. Il s’avère en l’espèce que la délimitation choisie par les Européens pour identifier l’Amérique latine et les Caraïbes n’est pas neutre. Elle reflète leur vision et traduit des enjeux sous-jacents98. Aussi, dans le cadre de cette étude, la notion d’Amérique latine correspond à l’ensemble composé de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud99. L’Amérique latine est constituée d’un ensemble de pays et d’organisations régionales d’intégration économique participants aux Sommets Union européenne-Amérique latine et Caraïbes100. S’agissant des Caraïbes, plusieurs conceptions existent. Mais, les institutions européennes n’en ont qu’une approche fonctionnelle qui ne relève pas d’un découpage scientifique. Elle renvoie semble-t-il à une vision restrictive et principalement insulaire des Caraïbes identifiés comme un chapelet d’îles situé en mer des Caraïbes dans l’arc des grandes et des petites Antilles. En réalité, la vision européenne des Caraïbes ne répond à aucune des deux FLAESCH-MOUGIN (C.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, Bruylant, Bruxelles, 2010, 530 p., spéc., p. 20. 96 S’agissant notamment de la région Caraïbes, Mme BARFLEUR-LANCREROT rappelle que « la délimitation demeure forcément subjective et se situe avant tout dans une perspective disciplinaire prédéterminée », BARFLEUR-LANCREROT (L.), La régionalisation Economique dans la zone des Caraïbes, Thèse de doctorat en droit, Paris I – Panthéon Sorbonne, juin 2003, 616 p., spéc., pp. 12 et 23. 97 CHAUNU (P.), Histoire de l’Amérique latine, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ? 2003, 128 p., spéc., p. 3. 98 Sur les enjeux, voir Première partie, titre I, Chapitre 2 de la thèse. 99 FLAURAUD (L.), L’intégration régionale en Amérique latine, Thèse de doctorat en droit, Université de Paris-X, Nanterre, 1975, 408 p., spéc., pp. 3-24. 100 Voir Annexe 1 de la thèse, p. 481. 37 grandes conceptions géographiques : maximaliste ou minimaliste101. Eminemment contestable en termes géographiques, cette conception a cependant une assise institutionnelle et conventionnelle : les Caraïbes correspondent ici aux seize Etats « C » du groupe ACP102. Et, à l’exception de Cuba103, les rapports particuliers de l’Union européenne avec ces pays « C », se fondent, sur leur participation à l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000104 et révisé en 2005105 et en 2010106. Lorsque l’UE a envisagé le remaniement des relations avec la région des Caraïbes dès 1996 et 1997 – dans le cadre respectivement, des propositions du Livre vert prévoyant « des options pour un nouveau partenariat » avec les Etats ACP107 et du document sur les « orientations en vue de la négociation de nouveaux accords de coopération avec les Etats d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique »108 – elle a considéré avec intérêt les organisations régionales et les mouvements d’intégration économique créés par et pour les Etats « C »109. 101 BEAUREGARD (C.-F.), « DFA coopération et intégration régionales », in JOS (E.), PERROT (D.), La Caraïbe face au défi de la mondialisation : marchés et nations dans l’aire Caraïbe/Amérique, Paris, Montchrestien, 1999, pp. 235-241, spéc., p. 237. Selon l’auteur, l’expression les « Caraïbes » au sens large, inclut « avec les petites et les grandes Antilles, le plateau des Guyanes, ainsi que les pays de l’Amérique centrale y compris le Mexique ». Au sens étroit, selon le même auteur, « la région des Caraïbes » est composée « de la zone du Delta de l’Orénoque, près du plateau des Guyanes, et du chapelet d’îles des petites et des grandes Antilles qui s’égrène du Sud au Nord en formant une frontière naturelle de ce Bassin [Bassin des Caraïbes] avec l’océan atlantique ». Au vu de cette délimitation géographique, une approche européenne restrictive des Caraïbes devrait exclure des pays comme Belize, le Surinamee ou le Guyana qui sont sur le continent américain. Au contraire, une conception maximaliste devrait en inclure d’autres, tels que les pays d’Amérique centrale et le Mexique qui ont un littoral caribéen (côté mer des Caraïbes), mais qui ne figurent pas pour autant dans la liste des pays caribéens membres du Groupe ACP. 102 Les seize Etats « Caraïbes » du groupe ACP, concernés par cette étude, sont : Antigua et Barbuda, la Barbade, les Bahamas, le Belize, la Dominique, la République dominicaine, Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, St Kitts -et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, le Surinamee, Trinidad-etTobago et Cuba. 103 Cuba est membre du groupe ACP mais non pas signataire de l’accord de Cotonou. 104 JOCE, n° 317, du 15.12.2000, p. 3. 105 Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27. 106 Accord modifiant, pour la deuxième fois, l'Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005, JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, p. 3. 107 Commission européenne, « Livre vert sur les relations entre l’Union européenne (UE) et les Etats ACP à l’aube du 21ème siècle. Défis et options pour un nouveau partenariat », COM (96) final du 20.11.1996. 108 Commission européenne, « Orientations en vue de la négociation de nouveaux accords de coopération avec les Etats d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique », COM (97)537 final du 29.10.1997. 109 Voir l’accord de Cotonou signé le 23.006.2000, article 37 § 5 ; JOCE, n° 317, du 15.12.2000 p. 3. 38 Il faut remarquer que les collectivités françaises d’Amérique, hors Saint Pierre-etMiquelon, telles que la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint-Barthélemy et SaintMartin sont géographiquement caribéens mais sont institutionnellement partie intégrante de l’Union européenne. Aussi figurant parmi les « Régions Ultrapériphériques » (RUP)110, elles n’appartiennent pas à la liste des pays « C », et ne seront donc pas étudiées dans cette thèse, si ce n’est de manière ponctuelle. Les considérations et définitions qui précèdent, amènent à identifier clairement les organisations régionales s’insérant dans la délimitation spatiale de l’étude. B) Les organisations régionales concernées et l’affirmation textuelle du «Treaty Making Power » Les organisations d’intégration économique en Amérique latine d’une part, sont celles issues du renouveau des dynamiques d’intégration ou « néo-régionalisme » des années 1990, c’est à dire celles qui ont vu le jour après l’effondrement des tentatives des années 1970111. Cela inclut tout d’abord, le Marché commun du Sud (MERCOSUR)112 dont la capacité juridique à négocier et signer des traités commerciaux est exercée par un de ses or- 110 PERROT (D.), « Les Régions ultrapériphériques françaises selon le Traité de Lisbonne », RTDE, n° 4, octobre-décembre 2009, pp. 717-741. 111 AUROI (C.), « Tentatives d’intégration économique et obstacles politiques en Amérique latine de la seconde moitié du 20ème siècle », Revue Relations Internationales, n° 137, janvier 2008, pp. 91-113. 112 Créé le 26 mars 1991 par le traité d’Asunción entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Voir http://www.mercosur.org.uy/innovaportal/file/719/1/CMC_1991_TRATADO_ES_Asuncion.pdf Le Mercosur (ou Mercosul en langue portuguaise) compte plusieurs Etats associés qui sont également membres de l’Association latino américaine d’intégration (ALADI) : le Chili est un Etat associé du Mercosur depuis 1996, la Bolivie l’est depuis 1997, la Colombie depuis 2003, et l’Equateur depuis 2004. Enfin, le Venezuela a sollicité son changement de statut pour passer d’« Etat associé » à « Etat-partie ». Suivant la procédure d’adhésion, posée au Chapitre IV, article 20 du Traité d’Asunción, le protocole d’adhésion du Venezuela a été signé le 4 juillet 2006. Sur les conditions juridiques de l’adhesion du Venezuela au MERCOSUR, voir OLIVAR JIMẾNEZ (M.-L.), « La adhesión de nuevos miembros al MERCOSUR », in LEBULLENGER (J.), FLAESCH-MOUGIN (C.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 53-88, spéc., pp. 60-71.Voir aussi Protocolo de adhesión de la Republica Bolivariana de Venezuela al Mercosur, en ligne : document du Secrétariat du Mercosur, « Instrumentos fundacionales del Mercosur », Montevideo, Uruguay, 105 p., spéc., pp. 100104 : http://www.mercosur.int/innovaportal/file/682/1/INSTRUMENTOS%20FUNDACIONALES%20DEL% 20MERCOSUR.pdf 39 ganes : le Conseil du Marché Commun, agissant « au nom du marché commun du sud »113 sous réserve de ratification par les Etats membres. Puis, est également analysée la relation européenne avec la Communauté Andine des Nations (CAN)114. Enfin, l’étude inclut le Marché Commun d’Amérique Centrale (MCCA). Sa rénovation a été rendue possible par l’instauration du Système d’Intégration Centre-américain (SICA)115. Il comprend un « projet spécifique d’intégration économique »116 dans lequel s’insère le Marché Commun d’Amérique Centrale (MCCA). On remarque que le regroupement régional dans l’isthme centraméricain : le Système d’Intégration Centraméricain (SICA), comprend un Etat insulaire : la République dominicaine. Géographiquement parlant, cet Etat appartient au Bassin des Caraïbes. Il n’est cependant pas membre du Marché Commun Centraméricain. D’autre part, pour les Caraïbes insulaires117, sont considérées les organisations d’intégration économique présentes telles que la CARICOM118. Cette organisation régio- 113 Voir Protocole d’Ouro Preto du 17.12.1994 complétant le Traité d’Asunción, et relatif à la structure institutionnelle du Mercosur, article 8. Le Conseil du Marché commun peut déléguer sa compétence pour négocier et signer des accords avec les Etats tiers, groupes de pays et organisations internationales au Groupe Marché Commun (article 14 paragraphe 7). Voir sur le site officiel du Mercosur http://www.mercosur.int/innovaportal/file/721/1/CMC_1994_PROTOCOLO%20OURO%20PRETO_ES. pdf 114 Ses membres originels sont la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela. Toutefois, il faut noter que le Venezuela s’est retiré de la Communauté Andine des Nations et du Groupe des trois (Colombie, Mexique, Venezuela). Bien qu’initialement créé par l’accord de Carthagène en 1969, on doit la relance du processus d’intégration andin au protocole de Trujillo du 10 mars 1996. Mais au niveau économique, le pas le plus significatif vers l’intégration économique eut lieu grâce au protocole de Quito de 1987 et l’accord de Barahona de 1991. Ces deux textes envisagèrent la création d’un marché commun. La CAN peine cependant à réaliser pleinement l’objectif d’un marché commun andin. Sur le fonctionnement institutionnel et les avancées de l’intégration de la CAN : ADIWASITO (E.), DE LOMBAERDE (P.), TORRENT (R.) (Eds), « The Future of Andean Integration and the Relations with the EU », Studia Diplomatica, vol. LVIII, n° 3, 2005, 142 p. 115 Le Système d’Intégration Centre-américain (SICA) est le cadre général de l’organisation d’intégration régionale des pays d’Amérique centrale. Il regroupe huit Etats membres : le Guatemala, le Honduras, le Salvador, le Nicaragua, le Costa-Rica, Belize, le Panama et la République dominicaine. Seulement cinq d’entre eux sont membres du Marché Commun Centre Américain (MCCA) : Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua, Costa-Rica. 116 Il s’agit du « Système d’Intégration Economique Centre américain » (SIECA). Voir TENIER. (J.), Intégrations régionales et mondialisation – complémentarité ou contradiction, Paris, la documentation française, 2003, 232 p., spéc., p. 54. 117 Au sens restrictif, la région des Caraïbes se limite au chapelet d’îles (grandes et petites Antilles) situées en mer des Caraïbes. La définition donnée de ce terme par la Commission européenne est uniquement fonctionnelle c'est-à-dire que « les Caraïbes » désigne alors principalement des pays insulaires, à l’exception de Belize, membres du groupe ACP et /ou du forum des Caraïbes (CARIFORUM), placés dans l’arc des grandes et petites Antilles. Voir Commission européenne, Les Caraïbes et l’Union européenne, Luxembourg, OPOCE, mai 2002, 48 p. 118 L’article 4 a) du traité constitutif de la CARICOM ou Traité de Chaguaramas du 4.07.1973, entré en vigueur le 1.08.1973, se fixe comme objectif d’atteindre l’intégration économique dans le cadre d’un marché commun : « L’intégration des Etats membres, par l’institution d’un régime de marché commun (…) dans le but de : 40 nale de par son traité constitutif de 1973 a en réalité deux composantes : la Communauté des Caraïbes (la CARICOM) et le Marché commun de la Caraïbe (le CARICOM). Le traité révisé de Chaguaramas du 5 juillet 2001119 crée une seule entité, renforce le processus de régionalisation et accélère l’intégration économique régionale. Il faut souligner que, dès l’origine, aussi bien dans le Traité de Chaguaramas du 4 juillet 1973 instituant la Communauté, que dans son annexe créant le marché commun, la personnalité juridique et la capacité à conclure des accords en matière commerciale120 sont affirmées. Toutefois, il semble que l’affirmation textuelle du Treaty Making Power est à relativiser face au volontarisme politique des Etats121. De toute manière, l’exercice de cette capacité internationale est limité par le principe de spécialité ; et ne saurait exclure la compétence concurrente des Etats membres quand un accord excède la compétence de l’Organisation régionale. Par ailleurs, on peut s’étonner de ce que le CARIFORUM – comprenant outre les membres de la CARICOM, la République dominicaine – ait été choisi comme cadre régional de négociations de l’accord de partenariat économique (APE) avec la CE et ses Etats membres. L’hypothèse la plus plausible est que cette solution fut privilégiée pour inclure la République dominicaine, étant donné que ce pays « C » est lié à la CARICOM par voie d’accord122 mais n’en est pas pour autant un membre à part entière. - - renforcer, coordonner et réglementer les relations économiques et commerciales entre les Etats membres afin de favoriser leur développement accéléré, harmonieux et équilibré ; soutenir l’expansion et poursuivre l’intégration des activités économiques dont les avantages seront équitablement répartis en tenant compte de la nécessité d’offrir des possibilités spéciales aux pays [les] moins développés ; accroître l’indépendance et l’efficacité économiques de ses Etats membres dans leurs relations avec les Etats, groupes d’Etats ou tous autres organismes». Voir JOS (E.), BARFLEUR (L.), Coopération et intégration économique régionale dans la Caraïbe, CEDIN-PARIS I, Paris, Montchrestien, 1996, 267 p., spéc., p. 119. 119 Traité révisé de Chaguaramas « portant création de la Communauté des Caraïbes, y compris le Marché et l’Economie uniques de la CARICOM (CSME) » signé le 5.07.2001, articles 228 §3, et 230. Texte disponible sur le site officiel http://www.caricom.org/jsp/community/community_index.jsp?menu=community 120 Traité de Chaguaramas du 4.07.1973, articles 63 et 70. 121 PERROT (D.), « Le schéma institutionnel de la CARICOM issu du Traité révisé de 2001 : entre statocentrisme et construction communautaire », in LEBULLENGER (J.), FLAESCH-MOUGIN (C.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 131-158. 122 Voir l’Accord de libre échange CARICOM -République dominicaine ou (Free Trade Agreement between CARICOM and Dominican Republica) a été signé en août 1998 et est entré en vigueur provisoirement depuis décembre 2001. De plus amples renseignements sur cet accord sont sur le site www.caricom.org.Voir également BARFLEUR-LANCREROT (L.), « L’accord de partenariat UECARIFORUM : un partenariat en trompe l’œil ? », Chronique des Amériques, n° 16, mai 2005, 8 p. 41 Enfin, il faut prendre en compte l’Organisation des Etats des Caraïbes Orientales (OECO) créée en 1981 à l’intérieur de la CARICOM123. En revanche, l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC) ne s’insère pas dans le champ de cette étude parce qu’elle n’a pas vocation à créer une intégration économique124. Dans le contexte de la mondialisation, l’Union européenne élabore des stratégies de négociation partout dans le monde, y compris avec les organisations régionales d’Amérique latine comme des Caraïbes. Et, il apparaît que si les régimes juridiques qui sont applicables à ces derniers diffèrent, ces réalités pourraient progressivement évoluer. 123 L’Organisation des Etats des Caraïbes Orientales (OECO), en langue anglaise OECS, comprend les sept plus petits Etats de la CARICOM (Anguilla, Antigua et Barbuda, le Commonwealth de Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines). Cette organisation a pour objectif l’intégration économique de ses Etats membres, elle dispose d’une monnaie unique et d’une banque centrale des Caraïbes. Concernant l’unification monétaire dans l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO). Voir CHEMAIN (R.), « Monnaie et intégration régionale dans la Caraïbe », in JOS (E.), PERROT (D.), La Caraïbe face au défi de la mondialisation – Marchés et nations dans l’aire Caraïbe/Amérique, Paris, Montchrestien, 1999, pp. 85-101, spéc. p. 89-32. 124 L’AEC créée par une convention de Carthagène signée le 29 juillet 1994, est définie par son acte constitutif comme « un organisme de consultation, de concertation et de coopération ». Le professeur Emmanuel JOS affirme qu’ « il ne s’agit donc pas d’une organisation d’intégration, comme la CARICOM par exemple. Dans le traité de Carthagène, qui établit l’AEC, l’intégration constitue un objectif à promouvoir entre les pays-membres, non par l’AEC elle-même, mais par les institutions spécifiques et les mécanismes existants ou à naître. L’AEC n’est donc ni une communauté politique, ni une zone de libre échange et encore moins une union douanière ». V. JOS (E.), BARFLEUR (L.), Coopération et intégration économique régionale dans la Caraïbe, op. cit., spéc., p. 31. 42 SECTION II - DES CADRES JURIDIQUES DISTINCTS DE RELATIONS AVEC L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES, REALITES EN MUTATION Traiter dans une même analyse des relations extérieures de l’Union européenne avec l’Amérique latine et les Caraïbes, c’est se heurter à un écueil juridique. Car l’on tente de mener conjointement l’analyse des cas de deux régions soumises à des régimes juridiques séparés, liées à la Communauté européenne et ses Etats membres, par des types d’accords distincts, fruits d’évolutions différentes dans l’histoire de la coopération. Par conséquent, l’importance des dissemblances (§1) conduit à rendre paradoxale la recherche de convergences. Néanmoins, la recherche par l’UE de nouvelles relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes (§2) qui coïncide avec la multiplication des négociations de nouveaux accords, amène à penser que les réalités d’une forte différenciation juridique pourraient évoluer. §1 Des dissemblances de régimes juridiques En dépit des régimes applicables très différents (A), une ébauche de rapprochement s’amorce (B). A) Un rappel des régimes applicables L’état actuel de la recherche montre que les relations avec l’Amérique latine sont régies par des catégories non homogènes d’accords et de surcroît, tout à fait différents du cadre des relations avec les Caraïbes125. C’est pourquoi ces deux catégories d’accords sont souvent analysées séparément. 125 A propos des relations de l’Union européenne avec l’Amérique latine, voir par exemple : FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la CEE avec les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Asie (PVDALA) », Juris-classeur Europe, fascicule n° 2230, 1992, 32 p. 43 Vers la moitié des années 1990, la Communauté européenne a signé avec les organisations régionales d’Amérique latine, des accords cadres de coopération126 dits de « troisième génération »127. Ils désignent des accords incluant le vaste domaine de la coopération économique, et comprenant la « clause démocratique ». Ils font suite aux accords de première génération conclus dans les années 1970 avec certains pays de la région128 et qui, dans leur contenu, se limitaient à certains aspects de coopération commerciale, ac- BOURIN-DION (C.), Les relations entre l'Union européenne et l'Amérique latine. Thèse de doctorat en droit, université de Rennes, Atelier reprod. th. Univ. Lille 3, 1996, 2 microfiches de 392 images ; VENTURA (D.), Les asymétries entre le Mercosur et l’Union européenne : les enjeux d’une association interrégionale, Paris, l’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2003, 502 p. TIZÓN (A.-W.), « Relations Between the Andean Community and the European Union » in ADIWASITO (E.), DE LOMBAERDE (P.), TORRENT (R.)(Eds), « The Future of Andean Integration and the Relations With the EU », Studia Diplomatica, vol. LVIII, n° 3, 2005, 142 p., spéc., pp. 61-72 ; MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union européenne avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine, Thèse publiée de la Faculté de droit de l’Université de Genève, Bâle, Helbing Lichtenhahn, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, coll. Dossier de droit européen n° 19 , 2010, 480 p. A propos des relations de l’Union européenne avec les Etats ACP, voir par exemple : GAUTRON (J.C.), « De Lomé à Cotonou : ruptures et continuité conventionnelles », in Mélanges en hommage à Jean-Victor Louis, Tome 2, Editions de l'Université Libre de Bruxelles, 2003, pp. 79-91. FEUER (G.), OURAGA (A.), « Un nouveau paradigme pour les relations entre l’Union européenne et les Etats ACP – L’Accord de Cotonou du 23 juin 2000 », RGDIP, 2002-2, Tome 106, pp. 270-293. PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Actes des journées nationales d’étude de la CEDECE, tenue au campus de Schœlcher – Martinique, en 2001, co-organisé par le Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe et le Centre de recherches européennes de Rennes, Bruxelles, Bruylant, coll. Rencontres européennes, 2007, 560 p. 126 Voir les accords cadres de coopération suivants : - L’accord interrégional de coopération CE/MERCOSUR du 15 décembre 1995, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 65, entré en vigueur le 1er juillet 1999. - L’accord cadre de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’un côté, et la Communauté andine et ses pays membres signé le 23 avril 1993 à Copenhague, JOCE, n ° L 127 du 29.04.1998, p. 10, entré en vigueur le 1er mai 1998. - L’accord cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, JOCE, n° L 63, du 12.03.1999, p. 39, entré en vigueur en mars 1999. 127 Contrairement aux accords de première et deuxième générations uniquement axés sur la dimension commerciale, les accords de troisième génération intègrent le vaste domaine de la coopération économique. Ils comprennent aussi une dimension politique symbolisée par la « clause démocratique ». Voir l’ECOTAIS (M. de) SAM-SIMENOT (A.), « La synergie des relations entre organisations régionales » in CHRISTOPHE-TCHAKALOFF (M.- F.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : essai de clarification, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 283-305. 128 Par exemple, Accord commercial entre la Communauté économique européenne et la République argentine, JOCE, n° L 249 du 10.11.1971, p. 19 ; Accord commercial entre la Communauté économique européenne et la République orientale de l’Uruguay, JOCE, n° L 333 du 4.12.1973, p. 2 ; Accord commercial entre la Communauté économique européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 102 du 11.04.1974, p. 24. 44 compagnés de quelques « mesures autonomes d’assistance »129. En outre, ils remplacent ceux de « deuxième génération » intervenus dans la décennie 1980130 qui initiaient par ailleurs, un début d’incorporation du domaine de la coopération économique. Pour les pays andins et d’Amérique centrale, jugés semble-t-il peu attractifs du point de vue économique131, ils consistaient en des accords non préférentiels, négociés au milieu des années 1990, destinés à promouvoir la coopération, la diversification des échanges. Ils appartiennent déjà au passé : de nouveaux accords dits de « dialogue politique et de coopération », signés en décembre 2003 ont vocation à se substituer aux précédents, et les rédacteurs y programment le passage à l’association. Par conséquent, ils préfigurent la vague d’une « quatrième génération » de liens contractuels. Il est vrai que cette tendance avait été amorcée à l’orée des années 2000, par une série d’accords assortis de libre-échange conclus bilatéralement, avec le Mexique132, puis le Chili133. Sur le plan interrégional, l’ouverture des négociations avec le MERCOSUR en 2000 semblait ouvrir l’ère « d’innovants accords de quatrième génération, établissant la plupart du temps une relation d’association et reposant sur l’édification de zones de libre-échange »134. Les pays 129 FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la CEE avec les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Asie (PVDALA) », op. cit., spéc., p. 4. 130 Voir accord CEE/Pacte andin intitulé « Accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Auropéenne et, d'autre part, l'accord de Carthagène et ses pays membres, Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela », JOCE, n° L 153 du 8.06.1984, pp. 2-10 ; accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Européenne et, d'autre part, les pays parties au traité général d'intégration économique centre-américaine (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua) ainsi que Panama, JOCE, n° L 172 du 30.06.1986, pp. 2-11. 131 Opinion exprimée par Mme FLAESCH-MOUGIN (C.), et M. LEBULLENGER (J.), « Les relations contractuelles de l’Union européenne avec les pays et groupements latino-américains », in Actes du colloque ECSA-WORLD de Bruxelles, l’UE dans un monde en transformation (19-20 septembre1996), Luxembourg, OPOCE, 1998,786 p., spéc., pp. 581- 628 ; LEBULLENGER (J.), « Quels(s) partenariat(s) entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », in Etudes en l’honneur de Jean Claude GAUTRON, Les dynamiques du droit européen en début du de siècle, Paris, Pedone, 2004, pp. 715-743. 132 Décision du Conseil 2000/658/CE du 28.09.2000 relative à la conclusion de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et les Etats-Unis du Mexique, d’autre part, JOCE, n° L 276 du 28.10.2000, p. 44. 133 Accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002, p. 3; Décision du Conseil 2002/979/CE du 18.11.2002, relative à la signature et à l'application provisoire de certaines dispositions d'un accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002. pp. 1-2, modifiée par la décision du Conseil 2005/106/CE du 22.11.2004, relative à l’application d’un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats membres, JOUE, n° L 38 du 10.02.2005. 134 LEBULLENGER (J.), « Quels(s) partenariat(s) entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », op.cit, p. 716. 45 andins et centraméricains ne devraient plus rester les laissés-pour-compte de cette évolution juridique. En revanche, s’agissant des Caraïbes, les conventions régissant la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’un côté, et les pays des Caraïbes de l’autre, ont, de 1975 à 2000, accordé à ces derniers, en tant que membres du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique, le plus avantageux de tous les régimes, tant du point de vue commercial en termes d’accès au marché communautaire, que du point de vue de la coopération au développement. A telle enseigne que, après les conventions de Yaoundé I et II en 1963 et 1969135, les conventions successives de Lomé I en 1975 jusqu’à la convention de Lomé IV révisée à mi-parcours par l’accord signé à Maurice le 4 novembre 1995136 paraissaient ne jamais pouvoir être égalées137. Toutefois, la réforme introduite dans l’accord de Cotonou signé le 23 février 2000138 modifie le régime commercial antérieur. Les premières appréciations affirment que ce changement « révèle une vision élargie et approfondie de ce qui n’était jadis qu’une coopération au développement »139. Il inaugure une « réforme profonde de l’esprit, des objectifs et de la pratique de la coopération »140; il implique un renouvellement total de la politique traditionnelle d’aide au développement à l’égard des partenaires privilégiés que sont les Etats de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. 135 Convention d’association entre la Communauté Economique Européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° 93, 11.07.1964, p. 1431 ; Convention d’association entre la Communauté Economique Européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° L 282, du 28.12.1970, p. 2. 136 Voir respectivement, Convention ACP-CEE de Lomé, signée à Lomé le 25.02.1975, JOCE, n° L 25 du 30.01.1976, p. 2 ; Deuxième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 31.10.1979, JOCE, n° L 347 du 22.12.1980, p. 2 ; Troisième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 8.12.1984, JOCE, n° L 86 du 31.03.1986, p. 3 ; Quatrième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15.12.1989, JOCE, n° L 229 du 17.03.1991, p. 3 ; Accord portant modification de la quatrième ACP-CE de Lomé signé à Maurice le 4.11.1995, JOCE, n° L 156, du 29.05.1998, p. 3. Sur l’évolution historique et juridique de la coopération entre la Communauté et les pays d’Afrique subsaharienne ainsi que ceux des Caraïbes et du Pacifique, voir par exemple, MORSON (S.), « ACP-Accord de Cotonou – Aspects historiques et généralités », Juris-Classeur Europe, fascicule n° 2240, du 19.04.2005, pp. 1-22. 137 Le Courrier ACP, Dossier spécial sur « la Convention de Lomé IV révisée, un instrument de coopération jamais égalé », Le Courrier ACP, n° 155, janvier-février 1996, spéc., pp. 1-17. 138 Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 ; et Décision 2000/483/CE, JOCE, n° L 317, 15 décembre 2000, p. 3-353. 139 FEUER (G.), OURAGA (A.), « Un nouveau paradigme pour les relations entre l’Union européenne et les Etats ACP – L’Accord de Cotonou du 23 juin 2000 », op. cit., spéc., p. 292. 140 PETIT (B.), « Le nouvel accord de partenariat ACP-UE », RMCUE, n° 437, avril 2000. pp. 215-ss. 46 Mais cet optimisme doit être relativisé compte tenu des controverses autour de l’impact supposé positif des changements141 . En sus, le risque de désintégration régionale est de plus en plus décrié142. Dans son volet commercial notamment, l’accord de Cotonou affiche des perspectives d’accords de partenariat économique (APE) notamment avec la région des Caraïbes. B) Une ébauche de rapprochement Malgré ces différences, le rapprochement des situations en Amérique latine et dans les Caraïbes se justifie de prime abord au regard du contexte international : les modifications qui interviennent découlent essentiellement de contraintes économiques et juridiques. Economiquement parlant, la mondialisation tend vers une intensification des échanges de marchandises, de services, de capitaux et de travailleurs. Cette augmentation exponentielle est susceptible d’amplifier les tensions commerciales et la concurrence avec d’autres pôles de croissance143 que sont l’Amérique du Nord, le Japon, et des pays émergents comme le Brésil, la Chine, et l’Inde. Le phénomène de la mondialisation économique a d’ailleurs été identifié dès 1996 par le Conseil européen de Turin144 comme un des défis majeurs auquel l’Union européenne devait faire face. Envisagée dans le contexte des relations économiques internationales, l’Union européenne à l’instar d’autres organisations d’intégration économique, tente d’inciter le développement de flux interrégionaux. Envers l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Union européenne est intéressée à développer ses 141 SALMON (J.-M.), « Les accords de partenariat économique Europe-ACP : une occasion unique pour l’intégration caribéenne ? », in Conseil général de la Martinique, Catalogue de l’exposition organisée par les archives départementales de la Martinique : Une Méditerranée caraïbe ? Clovis F. BEAUREGARD – 60 ans de coopération régionale, novembre-décembre 2007,101 p., spéc., pp. 25-30. Voir dans la thèse, Deuxième Partie, Titre second, Chapitre I, Section II sur « l’Accord de Partenariat Economique UECARIFORUM ; entre opportunités et défis ». 142 Allocution du professeur Luc-Marius IBRIGA, sur l’Accord de Cotonou et l’impact sur les intégrations économiques régionales en Afrique, à l’occasion des assises fondatrices de la chaire UNESCO sur les « Intégrations régionales » à Rennes, les 10-11-12 juin 2010 ; IBRIGA (L.-M.), « Accord de partenariat économique et dynamique intégrative en Afrique : l’efficience du choix des cadres régionaux de négociation », in LEBULLENGER (J.), FLAESCH-MOUGIN (C.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 423-436. 143 SENARCLENS (P. de), La mondialisation – Théories, enjeux et débats, Paris, Armand-Colin, 2e éd., 2001, pp. 71-72. 144 Conseil européen de Turin des 29-30 mars 1996. Le « Conseil européen » réunit alors les chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats de l’Union européenne ainsi que le président de la Commission. Ceux-ci sont assistés par les ministres chargés des affaires étrangères des Etats membres et par un membre de la Commission. 47 échanges, compte tenu de l’instauration d’une meilleure stabilité démocratique, et d’une redynamisation de l’intégration économique régionale favorisant le décollage économique dans l’espace géographique en question. Ces deux facteurs conjoncturels exercent un certain attrait envers l’Europe, selon la Commission européenne145. Mais, les contraintes internationales sont également juridiques. Confrontée aux exigences de l’Organisation Mondiale du Commerce, la Communauté européenne réaménage sa politique de coopération au développement et sa politique de coopération commerciale, en cherchant par exemple des substituts aux préférences spéciales non-réciproques contractuelles, qu’elle accordait aux pays caribéens membres du groupe ACP, sans détruire les liens étroits qui l’unissent à cette région. Outre le contexte international, d’autres facteurs de convergence peuvent être trouvés dans la dimension géopolitique, politique, économico-stratégique. §2 Des facteurs de convergence Il semble que trois principaux facteurs (A) justifient de s’intéresser aux changements juridiques intervenant dans les relations extérieures de l’Union européenne avec ces organisations régionales. Ces mêmes facteurs expliquent l’intérêt d’analyser conjointement la situation des régions d’Amérique latine et des Caraïbes. Plus particulièrement, dans le domaine politique, la proclamation du « partenariat stratégique » entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes apparaît comme un facteur important de rapprochement entre les régions. Faute d’une définition officielle de la notion, un essai de clarification s’avère utile (B). A) Les trois principaux facteurs Tout d’abord, les considérations géostratégiques sont à envisager. Les organisations régionales d’intégration en Amérique latine et dans les Caraïbes ont la spécificité géopolitique de se développer dans la zone d’influence directe des Etats-Unis. Or, au milieu des années 1990, cet Etat n’hésita pas à introduire de plus en plus couramment la no145 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Union européenne et Amérique latine : actualité et perspectives du renforcement de partenariat 1996-2000 », COM (95)495 du 23.10.1995, p. 5. 48 tion de « partenariat » dans ses relations avec les pays et groupements régionaux latinoaméricains et caribéens. Ainsi, faisant suite à « l’Initiative pour les Amériques » du président Georges BUSH en 1990, la déclaration de Miami du 11 décembre 1994, proposait un « partenariat pour le développement et la prospérité : démocratie, libre échange et développement durable aux Amériques »146. Dans ce contexte, les Etats-Unis furent à l’initiative de plusieurs sommets. Par exemple, un sommet entre les Etats-Unis et l’Amérique centrale eut lieu à San José le 8 mai 1997147. De plus, à l’occasion d’un autre tenu le 10 mai 1997, à Bridgetown (Barbade), les Etats-Unis et les pays membres de la CARICOM manifestèrent leur volonté conjointe de renforcer leur coopération dans l’esprit d’un plus grand « partenariat » et d’un « respect mutuel »148. Il s’ensuit que la tendance à multiplier les références au partenariat dans les relations extérieures correspond à une logique géopolitique et géostratégique ; c’est surtout un discours en vogue sur la scène internationale. Et la concurrence entre les Etats-Unis et l’Union européenne peut expliquer, par exemple, que celle-ci offre aux pays Caribéens, à travers un Accord de Partenariat Economique Régional (APER), la possibilité de négocier sur une base régionale. Certes, les APE visent principalement les Africains plus nombreux, mais il n’empêche, que les Etats « C » sont concernés. Or, ces pays ont déjà négocié en tant que groupement régional (membres de la CARICOM), les accords pour une Zone de libre Echange des Amériques149. Par ailleurs, il n’est pas rare de voir certains pays adhérer à la fois à une organisation latino-américaine et à une organisation caribéenne stricto sensu. C’est le cas de Belize qui est membre de la CARICOM, et aussi membre du Système d’Intégration Centre Américain (SICA) mais non du Marché Commun Centre Américain (MCCA). Des réseaux d’accords s’édifient entre les Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Amérique andine. Ce phé146 Voir Déclaration de Miami, 11 décembre 1994, Documents d’Actualité Internationale (DAI), n° 4, 1995, pp. 107-108. 147 Voir Documents d’Actualité Internationale (DAI), n° 14, du 15.07.1997, p. 487. 148 Voir « US-CARICOM Summit: Partnership for Prosperity and Security in the Caribbean », 10 mai 1997, Documents d’Actualité Internationale (DAI), n° 14, du 15.07.1997, p. 489. 149 Selon une proposition faite lors de la 16ème rencontre spéciale du Conseil de la CARICOM et entérinée par la Conférence des chefs de gouvernement en juillet 1996, quatre pays représentent la CARICOM aux différents groupes de travail de la ZLEA : - Barbade : droits sur la propriété intellectuelle et les services. - Belize : mesures sanitaires et phytosanitaires. - Jamaïque : petites économies et investissement. - Trinidad-et-Tobago : accès au marché, standards, barrières techniques au commerce, subventions, mesures antidumping. Voir BARFLEUR-LANCREROT (L.), La régionalisation économique dans la zone des Caraïbes, Thèse de doctorat, op. cit., p. 284 ; et sur http://www.ftaa-alca.org/Scomm_e.asp 49 nomène de regroupement Sud-Sud est avant tout l’expression de la stratégie des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, pour affronter la mondialisation et éviter leur dilution dans de grands ensembles économiques conçus par et probablement pour des pays plus puissants. Mais de surcroît, le développement d’une coopération Sud-Sud semble représenter un atout pour l’Union européenne qui l’appuie150, parce qu’elle jette des ponts entre les différents processus d’intégration économique de cette zone géographique. Ainsi, l’accord de libre échange signé en 1998 entre les pays membres de la CARICOM et la République dominicaine, de par l’ancienneté des consultations régulières et des relations commerciales inter se, a permis d’intégrer plus aisément ce pays aux négociations d’un Accord de Partenariat Economique avec l’Union européenne, bien qu’il n’appartînt pas au marché commun des Caraïbes (CARICOM). En outre, l’Union européenne manifeste également son intérêt pour « l’accord de complémentarité économique » CAN/MERCOSUR151. Dans cet accord entre les membres de deux organisations d’intégration économique, se trouve le projet d’une zone de libre échange : la dénommée « Communauté Sud Américaine des Nations »152. Ensuite, le second facteur de rapprochement est de nature juridique et commercial: on observe des interférences entre les différents régimes juridiques. Toute évolution du régime commercial négocié avec les uns a des répercussions sur celui des autres. A titre d’illustration, on remarque que, dans l’hypothèse de la signature d’un accord d’association interrégionale Union européenne/MERCOSUR153, les garanties d’une grande majorité des 150 Dans la communication relative aux futures relations UE-Caraïbes : « Communication sur le partenariat UE - Caraïbes », la Commission européenne affirme qu’elle « soutiendra la politique défendue par la région (Caraïbes) d’un élargissement de ses liens avec ses voisins dans les Caraïbes, en Amérique centrale et latine ». COM (2006)86 final du 2.03.2006, p. 27 ; De même, dans la communication sur « l’Union européenne et l’Amérique latine : un partenariat entre acteurs mondiaux », la Commission européenne propose de « renforcer l’intégration régionale et l’interconnectivité » en encourageant la formation de l’Union des Nations Sud Américaines (UNASUR), y compris au moyen d’un concours financier, COM (2009)495/3 du 30.09.2009, points 3.2. 151 « Acuerdo de complementación Económica CAN- Mercosur » signé le 24 octobre 2004, entre les chefs de gouvernement de la République d’Argentine, de la République fédérale du Brésil, de la République du Paraguay, et de la République d’Uruguay – Etats membres du Mercosur – d’une part, et la République de Colombie, la République d’Equateur et la république bolivarienne du Venezuela – pays membres de la Communauté andine, d’autre part. FERNÁNDEZ DE SOTO (G.), « Towards the Strenthening of the Andean Community: Challenges, Achievements, and Perspectives for the Future », Studia Diplomatica, vol. LVIII, n° 3, 2005, spéc., pp. 9-21. 152 La Communauté Sud-Américaine des Nations est fondée par la déclaration de Cuzco du 8 décembre 2004. Elle regroupe les Etats membres du MERCOSUR et de la CAN auxquels s’ajoutent le Chili, le Guyana et le Suriname. 153 Les négociations entre les parties pour un accord d’association ont été préparées dès 1995, par la signature de l’accord préparatoire. Elles ont cependant réellement commencé en 2000 et furent suspendues en 2004. En principe, les négociations ont repris lors du 6 ème Sommet Union européenne-Amérique latine- 50 pays des Caraïbes sur le marché européen seront de toute façon menacées. En effet, la possible entrée en vigueur d’une association interrégionale avec le MERCOSUR – concédant à ce dernier des facilités commerciales jusqu’alors réservées aux partenaires d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dits « partenaires privilégiés » – diminuera d’autant les marges préférentielles des Etats ACP. Il en va de même, en ce qui concerne la signature et la conclusion d’un accord d’association avec les pays membres du SICA et d’un accord commercial tripartite avec la Colombie et le Pérou. Certes, ce postulat ne constitue, somme toute, qu’une cause subsidiaire de la transformation du régime commercial avec les Etats ACP, mais elle n’est pas à écarter154. Enfin, la politique européenne, à l’égard de cette région de l’hémisphère américain est structurée autour d’un projet politique qui englobe à la fois l’Amérique latine et les Caraïbes. Ainsi, le sommet de Rio en juin 1999, entre les chefs d’Etat et de gouvernements européens et leurs homologues latino-américains et caribéens, a inauguré un « partenariat stratégique ». Le document final dégage les éléments d’une stratégie européenne d’approfondissement des relations, qui prend en compte le mouvement de régionalisation en Amérique latine et dans les Caraïbes. La proclamation du « partenariat stratégique Union européenne-Amérique latine-Caraïbes » a la particularité de marquer le franchissement d’une étape importante dans l’expansion des relations euro-latino-américaines puisque, se profile dès lors, la possibilité pour les latino-américains d’accéder à des accords préférentiels auxquels ils ne pouvaient pas prétendre155. De plus, cette proclamation va de pair avec des modifications du régime commercial aménagé pour les Etats caribéens. L’envergure politique du « partenariat stratégique UE-AL-C » et sa potentielle traduction en termes juridiques nécessite que l’on tente de clarifier cette notion. Caraïbes en mai 2010. Mais, la signature d’un accord d’association interrégionale UE/MERCOSUR demeure incertaine en raison de désaccords entre les parties sur le volet commercial. 154 Les causes juridiques principales du changement seront développées dans la thèse : PARTIE I, Titre II, Chapitre Second, Section 2 intitulée « La réforme du système conventionnel de préférences et impact sur les pays caribéens membres du groupe ACP ». 155 En témoignent la clôture, lors du sixième Sommet UE-AL-C, Madrid, le 18.05.2010, des négociations relatives aux accords d’association entre l’Union européenne et les pays membres d’Amérique centrale, et la fin des négociations relatives à un accord commercial multipartite entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou. Sur le bilan de ce Sommet, voir : http://www.latinreporters.com/amlatpol19052010.html, [consulté en juin 2010]. 51 B) L’essai de clarification de la notion de « partenariat stratégique » La communication de la Commission du 9 mars 1999156 proposant le « partenariat stratégique » ne fournit aucune définition de cette notion. Tout au plus indique-t-elle « des stratégies à mettre en œuvre » et l’analyse des raisons pour lesquelles le « partenariat stratégique » serait dorénavant l’objectif principal des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes. En l’absence de définition formelle, pour dégager la signification du «partenariat stratégique», il faut procéder en deux temps. Dans un premier temps, définir ce qu’est le partenariat au sens large (1). Dans un deuxième temps, compte tenu de l’utilisation de plus en plus répandue des termes « partenariat stratégique » par la Commission européenne, pour nommer des relations avec un pays, une région ou une organisation internationale157, il apparait indispensable d’appréhender les caractéristiques propres du « partenariat stratégique Union européenne-Amérique latine-Caraïbes » (2), et ce, au travers des éléments fournis par la Commission européenne. 1- Le partenariat dans son acception large Premièrement, analyser le partenariat dans son acception large implique que l’on s’interroge sur la façon dont s’établissent les rapports entre des organisations internationales d’intégration économique. Puisqu’elles sont des acteurs de la société internationale, c’est donc dans le champ du droit et des relations internationales, que certains auteurs158 ont tenté de définir la notion de partenariat. La doctrine s’accorde à reconnaître que le partenariat va au-delà de la simple coopération. Il apparaît « comme une forme supérieure de 156 Communication de la Commission sur « un nouveau partenariat UE-Amérique latine à l’aube du 21ème siècle », COM (99)105 final du 9.03.1999. 157 Il faut néanmoins noter que la formule est apparue de façon inédite dans le cadre des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Les partenariats stratégiques proclamés ultérieurement se sont tous inspirés, semble-t-il, du succès de cette approche initiale et de l’impact politique de la notion. C’est ainsi qu’il est question, par exemple, de « partenariat stratégique » avec la Chine depuis 2003 : voir SAUTENET (A), « L’Europe et la Chine : une coopération aux dimensions juridiques complexes », Asie Visions, n° 3, mars 2008, pp. 5-53; mais aussi avec l’Inde depuis 2004 : voir la communication de la Commission « Un partenariat stratégique UE-Inde », COM (2004)430, 16.06.2004 ; ou encore avec l’Afrique du Sud : Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 28.06.2006, « Vers l'établissement d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud », COM (2006)347 final. 158 DORMOY (D.), MERINI (C.), « Solidarité et partenariat dans les relations internationales », in RUBY (M.) (dir.), Mondialisation et solidarité : solidarisme et XXIème siècle, Orléans, Corsaire, 1998, pp. 385399. 52 coopération (…)»159 quoique les mêmes auteurs aient eux-même précisé que les deux notions ne sont pas interchangeables : « Vis à vis de la coopération avec laquelle le partenariat est souvent un peu rapidement confondu, on peut dire que celui-ci met “les parties intéressées” – mieux que la coopération – en face de leurs obligations et de leurs responsabilités »160. Globalement, le partenariat « peut être défini comme tout effort d’organisation de relations stables entre deux ou plusieurs entités » et suggère « une association de partenaires en vue d’actions communes»161. Dans les relations internationales, le partenariat apparaît « comme un outil propre à faciliter des prises de décisions visant la résolution de problèmes reconnus communs dans une situation vacillant entre ordre et mouvement »162. Les décisions à prendre par les partenaires tendent à résoudre une question : comment assurer un partage équitable et mutuel des gains de la mondialisation163 ? Tout l’intérêt de la relation partenariale, réside dans sa vocation à atténuer le risque d’une relation antagonique ; elle est le contraire d’un rapport concurrentiel, puisqu’elle fait émerger une possibilité d’agir ensemble164. Le point commun de toutes ces définitions est que le partenariat y est implicitement établi, comme issu de plusieurs volontés politiques convergentes, et il est interactif. En effet, il n’existe pas en droit international d’obligation de partenariat. 2- Le partenariat stratégique UE-AL-C Pour déterminer les caractéristiques propres du partenariat stratégique UE-AL-C, il faut se référer aux instruments le proclamant. Le « partenariat stratégique » trouve sa source dans un ensemble d’actes juridiques non contraignants, à savoir des communica159 Ibidem. 160 DORMOY (D.), « Mondialisation, partenariat et développement », in LABOUZ (M.- F.) (dir.), Le partenariat de l’Union européenne avec les pays tiers – conflits et convergences, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 47-57. 161 MOREAU-DEFARGES (P.), « Partenariat, mondialisation et régionalisation », op. cit., p. 39. 162 DORMOY (D.) et MERINI (C.), Idem. 163 Dans la communication intitulée « Nouveau partenariat UE-Amérique latine à l’aube du 21ème siècle », COM (99)105 final, la Commission européenne fait appel à des efforts conjoints pour contrer les conséquences négatives de la mondialisation, phénomène qui affecte tant l’Union européenne que l’Amérique latine. Il lui semble indispensable d’éviter l’aggravation ou l’apparition d’asymétries entre plus et moins avancés. V. Aussi : Commission européenne « l’Union européenne, l’Amérique latine et la Caraïbe : une association stratégique », Luxembourg, OPOCE, 2004, p. 6. 164 BARRAU (A.), Des alliances pour une mondialisation maîtrisée, rapport d’information de l’Assemblée nationale française, n° 3211, juin 2001, 114 p. 53 tions165 et les conclusions ou déclarations issues des sommets successifs Union européenne-Amérique latine-Caraïbes dont la fonction est essentiellement incitative. Ainsi, lors du premier sommet réunissant quarante-huit chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne qui s’est tenu à Rio les 28 et 29 juin 1999, deux documents ont été publiés : la « Déclaration de Rio de Janeiro »166 et les « Priorités d’action »167. Le premier, comportant soixante-neuf points, établit les principes généraux régissant les relations entre l’Europe, l’Amérique latine et les Caraïbes. Le second document définit cinquante-cinq priorités dans les domaines politique, économique, culturel, éducatif, scientifique, technique, social et humain. Ces documents amorcent en préalable, un rapprochement politique entre ces deux régions géographiques. Pour autant, en droit, la structure institutionnelle et la mise en œuvre de la coopération de la CE avec ces deux zones géographiques sont régies par des types d’accords très différents ; de surcroît, il n’y a pas d’unité institutionnelle entre les deux groupes. A la lecture des textes des communications et déclarations finales des sommets, plusieurs caractéristiques du partenariat stratégique UE-AL-C émergent ; même s’il apparaît d’emblée que l’interrégionalisme n’est pas propre aux relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes, comme en témoigne le dynamisme des liens entre l’Union européenne et les pays membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN)168. En premier lieu, ce partenariat stratégique se définit avant tout comme une initiative politique, fruit d’une proposition européenne, adressée aux futurs « partenaires »169 latino-américains et caribéens qui semblent y adhérer. Les liens sont renforcés « au vu des intérêts partagés et d’une vision semblable du contexte international »170. Les fondements du partenariat se trouvent dans l’adhésion des partenaires à des « valeurs communes » : 165 Voir la Communication du 9.03.1999 sur « Un nouveau partenariat UE- Amérique latine à l’aube du 21ème siècle », COM (99)105 final. Au vu des « résultats positifs de la stratégie de coopération » couvrant la période 1996-2000, la Commission fait une proposition concernant initialement l’avenir des relations Union européenne -Amérique latine : le partenariat stratégique. Voir la Communication du 31.10.2000 sur le « Suivi du premier Sommet organisé entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne », COM (2000)670, qui étend la formule autant à l’Amérique latine qu’aux Caraïbes. En l’espèce, ce sont tous des instruments de droit souple ou « soft law » sans effet obligatoire. 166 « Déclaration de Rio », Document d’actualité internationale (DAI), n°17, du 1.09.1999, pp. 668-692. 167 « Priorités d’action », Document d’actualité internationale (DAI), n°17, du 1.09.1999, pp. 692-695. 168 Voir Nuremberg Declaration on an EU-ASEAN Enhanced Partnership, Nuremberg, Germany,15 march 2007, 6 p, http://www.aseansec.org/20693.pdf ; Plan of Action to implement the Nuremberg Declaration on an EU-ASEAN Enhanced Partnership,Singapore, 22 november 2007, 17 p., http://www.aseansec.org/21122.pdf 169 Dans cette thèse, le terme « partenaires » se réfère aux pays et groupements liés à l’UE dans la quête d’un « partenariat stratégique ». 170 Sommet de Rio UE-AL-Caraïbes, 28-29 juin 1999, Bulletin UE, 6-1999, point 1.3.112. 54 l’économie de marché, la démocratie et les droits de l’homme171 mais également dans la quête d’une répartition équitable des fruits de la mondialisation économique et des bénéfices des nouvelles technologies. On en déduit que le partenariat stratégique entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, dénote la volonté des partenaires de s’engager dans des actions conjointes. Il crée un engagement moral qui oblige les parties, dès lors qu’elles y ont librement consenti, à mettre en œuvre les moyens utiles à la réalisation des actions décidées, même si, les déclarations et conclusions issues des sommets Union européenne-Amérique latine-Caraïbes ont une juridicité inférieure à celle du contrat ou d’une convention. Il y a donc bien en l’espèce, une convergence de volontés. L’aval des chefs d’Etat et de gouvernement, destinataires du projet politique est d’autant plus nécessaire au lancement du nouveau partenariat, que les initiatives européennes ne sont pas opposables aux Etats tiers. En second lieu, c’est une stratégie pour faire face aux défis extérieurs. La stratégie est « (…) plutôt une méthode qui conduit à classer et hiérarchiser des données, des situations, des évènements, puis de choisir le moment le plus opportun et les procédés les plus efficaces pour réaliser l’objectif qui est fixé » 172. Les objectifs visés se déclinent en trois axes majeurs173, politique, économique, et de coopération. C'est-à-dire qu’il s’agit d’atteindre un dialogue politique respectueux du droit international et du multilatéralisme174 ; des relations économiques et financières solides fondées sur une libéralisation étendue et équilibrée des échanges commerciaux ; et enfin, une coopération dynamique et multisectorielle. 171 Déclaration politique Sommet de Madrid, 17-18 mai 2002, Documents d’actualité internationale, n° 13, 2002, pp. 483-485. Il en ressort que pour l’Union européenne le partenariat stratégique est un vecteur pour projeter un socle de valeurs et de principes sur la scène internationale. Ce sont ces mêmes principes démocratiques « qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde (…) » Voir, l’article 21 §1 TUE, dans son Titre V, Chapitre I, issu du Traité de Lisbonne. Le traité établissant une Constitution pour l’Europe formulait explicitement la même idée dans l’article III-292. 172 Voir, GOUNELLE (M.), Relations internationales, Paris, Mémento-Dalloz, 1993, 168 p., spéc. p. 77. 173 Voir la communication de la Commission « sur le suivi du premier Sommet organisé entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne », COM (2000)670 final, du 31.10.2000. 174 Voir, Sommet de Madrid UE -Amérique Latine -Caraïbes, 17-18 mai 2002, déclaration finale « Valeurs et positions communes UE-AL-C », sur le site http://europa.eu.int/comm/world/lac/conc-fr/val-pos.htm. En outre, la référence au multilatéralisme signale implicitement, que les relations Union européenne Amérique Latine -Caraïbes, s’incorporent au débat économique sur le rapport entre régionalisme et multilatéralisme. Les partenaires adhèrent à la thèse de leur complémentarité mutuelle telle que démontée par l’OMC. Voir OMC, monographie sur « Le régionalisme et le système commercial multilatéral », Genève, OMC, 1995, 107 p. 55 En troisième lieu, les visées du partenariat stratégique entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes prétendent dépasser l’aide au développement, au profit d’une quête d’« intérêt mutuel ». L’objectif recherché semble d’affranchir les pays en développement de la logique d’assistanat. Par conséquent, cette affirmation n’a d’autre vocation que de traduire l’adhésion des participants à « la philosophie dominante » selon laquelle « les donateurs doivent soutenir les programmes de lutte contre la pauvreté, conçus et mis en place par les pays en développement, (...), et non se substituer à eux »175. Cette visée s’inspire peut-être en partie des préconisations de l’OCDE176. Ce but est posé dans la « déclaration du Millénaire » adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, les 6 et 8 septembre 2000 à New York177. Et elle rejoint l’un des « Objectifs du Millénaire » pour le développement, à savoir mettre en place d’ici 2015 « un partenariat mondial pour le développement ». Enfin, la quête de cohésion politique qui caractérise le partenariat stratégique UEAL-C, ne semble pas occulter la diversité des instruments conventionnels et autonomes, utilisés pour le rendre effectif. En substance, le partenariat stratégique entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes est-il une option à dimension politique, comme preuve de l’existence d’une politique extérieure de l’Union européenne, ou, une solidarité forcée née d’interdépendances qui s’imposent ? La réponse la plus appropriée consisterait à dire qu’il est ambivalent. En effet, du côté des européens, l’objectif qui consiste à assurer la présence de l’UE sur la scène internationale178 sous-entend que d’autres régions ont vocation à être concernées. En ce sens, le partenariat stratégique avec l’Amérique latine et les Caraïbes apparaîtrait pour les participants européens, comme une simple possibilité à dimension politique. Mais en même temps, faire face à l’interdépendance – quitte à la renforcer paradoxalement – est une préoccupation commune aux pays de l’Union européenne, de l’Amérique latine et des Caraïbes. L’ensemble des facteurs de convergence relevés, soulève des interrogations quant à la qualification des évolutions juridiques induites par la volonté politique d’une Union 175 COELHO (J.-M.), « Coopération au développement », in PINGEL (I.), De Rome à Lisbonne – Commentaire article par article des traités UE et CE, op. cit., spéc.,p.1245. 176 OCDE, « Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du 21 ème siècle », Les dossiers du Comité d’aide au développement – Coopération pour le développement – Rapport 1996, Paris, OCDE, 1997, pp. 14-33. 177 Texte disponible sur le site : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/ 178 Article 2 du TUE avant la révision introduite par le traité de Lisbonne, ex-article B du traité de Maastricht. 56 européenne stratège : s’agit-il de « mutations », au sens d’un ensemble de modifications juridiques découlant, d’une part, d’une évolution du contexte international et, d’autre part, d’une adaptation corrélative de la politique extérieure européenne179 à cette évolution internationale ; ou sommes-nous en présence d’un simple renouveau sans impact décisif ? La question se pose également de savoir, quelles seront à moyen et à long terme, les implications juridiques des changements observables, sur la structure des relations extérieures avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Les changements en cours impliquent-ils une adaptation des instruments traditionnels des relations, c'est-à-dire des améliorations des instruments conventionnels et autonomes, s’inscrivant dans le prolongement de la pratique antérieure, ou suggèrent-ils un bouleversement, y compris des régimes juridiques, applicables à chacune de ces régions ? Autrement exprimé, les instruments juridiques utilisés comportent-ils les indices d’une uniformisation progressive des régimes juridiques, comme le pronostiquait le Professeur Joël LEBULLENGER180 ? À la lumière des interrogations susmentionnées, l’objectif de cette thèse est de démontrer qu’une analyse systémique des changements juridiques qui s’opèrent dans les relations avec l’Amérique latine et avec les Caraïbes, se justifie. L’approche systémique prend en compte l’influence du contexte international et le jeu de forces des relations internationales sur l’évolution du droit. La méthode systémique consiste à considérer l’objet d’étude comme un « système », c'est-à-dire comme un ensemble d’éléments complexes en relation de dépendance réciproque. L’étude de l’évolution des relations extérieures ajoute aux apports de l’analyse juridique, les contributions d’autres écrits de nature économique, politique et géopolitique. Car, comme le précisait déjà le Professeur Jean RAUX, « le droit est déterminé par des activités d’ordre économique et politique qu’il lui appartient en retour de régir. Nous dégagerons donc les aspects économiques et politiques des relations extérieures de la CEE 179 Le postulat sous-jacent à l’étude est qu’il y a bel et bien une politique extérieure européenne même si « l’Union européenne n’a pas encore été capable de mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) cohérente et efficace et les progrès faits à partir d’Amsterdam de ce point de vue n’ont pas été décisifs. Ce serait cependant une profonde erreur de penser que la politique extérieure de l’Union est inexistante (…). Il est indiscutable que l’Union, bien qu’elle ne réunisse pas les attributs classiques d’une puissance, ou peut-être pour cette même raison, exerce un pouvoir d’attraction, par son modèle, à l’échelle mondiale ». Voir VASCONCELOS (A. de), « La régionalisation du système international » in Mélanges en hommage à JeanVictor LOUIS, vol. II. Bruxelles, éd. de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), 2003, spéc., p 53. 180 LEBULLENGER (J.), « Quels(s) partenariat(s) entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », op. cit., p. 716. Toutefois, l’observation faite par le professeur LEBULLENGER s’applique en principe uniquement au cadre des relations euro-latino-américaines. 57 en vue d’une meilleure compréhension de leurs aspects juridiques »181. D’ailleurs dans la seule sphère de l’analyse juridique, il faut prendre en considération, le droit international général, le droit international économique et le droit de l’UE. Tous régissent les relations extérieures de l’Union européenne. Car, en dépit de ses traits spécifiques, l’Union européenne n’en est pas moins un sujet de droit international. Elle reste « soumise à ce droit dans les rapports externes, qu’il s’agisse des règles du droit international général ou du droit conventionnel (les traités) auxquelles elle est partie »182. La Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée en ce sens dès 1972 dans l’arrêt International fruit du 12 décembre 1972183 et l’a réitéré notamment dans l’arrêt Racke du 16 juin 1998184. Enfin, le droit international économique entre en ligne de compte, parce que, les relations nouées par la Communauté avec des tiers évoluent au gré des exigences du droit de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les organisations régionales d’intégration économique sont, en effet, régies par le droit international économique notamment l’article XXIV du GATT remanié en 1994 qui fixe les conditions de validité juridique des aspects commerciaux de telles organisations. Il est envisagé de partir de l’hypothèse que, fortement conditionnée par des facteurs extérieurs, la stratégie européenne se caractérise par une recherche de réponse adaptée aux contraintes externes. Une réflexion sur la corrélation entre le contexte économique international et l’émergence d’une nouvelle conception des relations extérieures basée sur le partenariat stratégique entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes, s’impose. Dans l’optique de rechercher des indices de mutations juridiques, l’on s’interroge tout d’abord sur l’effectivité de la reconfiguration des relations (PREMIERE PARTIE). La question sous-jacente est de savoir si des Sommets et autres instruments de Soft Law peuvent amorcer des changements juridiques. Et si oui, comment se manifeste la reconfiguration ? Du monent qu’elle se matérialise par la transformation d’un faisceau d’instruments juridiques, 181 RAUX (J.) Les relations extérieures de la Communauté économique européenne, Thèse de doctorat en droit, université de Rennes, 1964, Paris, Cujas, 1966, 558 p. 182 LOUIS (J-V.), DONY (M.). Le droit de la CE et de l’UE – Relations extérieures, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, volume 12, 2ème éd., 2005, spéc., p. 27. 183 CJCE, arrêt du 12-12-1972, International Fruit Company c/ Produktschap Veor Groeten en Fruit, aff. C21/72, Rec., p. 1219-1226. Il convient de noter que, ce sont les Etats membres qui étaient parties au GATT initial de 1947. 184 CJCE, arrêt du 16.06.1998, A. Racke c /Hauptzollamt, aff. C-162/96, Rec., p. I-3655, point 45. À propos de concessions négociées en vertu de l’accord de coopération CEE/Yougoslavie et suspendues par un règlement communautaire. 58 l’étude de l’évolution et celle du contenu de ceux-ci, qu’ils soient autonomes ou conventionnels, peut fournir des éléments de réponse. Aussi, la seconde partie concerne-t-elle, plus particulièrement la recherche, sous l’angle interrégional, de signes de reconfiguration dans le champ conventionnel (DEUXIEME PARTIE). Au-delà, l’analyse du contenu de ces nouveaux instruments, doit servir à dégager la portée à long terme des modifications juridiques sur la structure des relations nouées entre l’Union européenne et des organisations d’intégration économique, en Amérique latine et Caraïbes. 59 PREMIÈRE PARTIE : LA QUESTION D’UNE RECONFIGURATION EFFECTIVE DES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPEENNE, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES « La volonté systématique de la Communauté et des Etats membres de l’Union de se référer au partenariat ou à des perspectives partenariales fait souvent figure de pétition de principe, sans pouvoir tenir lieu de politique. Le partenariat ne trouve en fait sa raison d’être que, si, grâce à la coopération qu’il impulse, il préfigure une association momentanément impossible, ou tend à compléter une association en quête de souffle politique, faute de pouvoir déboucher sur une admission ». RAUX (J.), « Association et perspectives partenariales », in TCHAKALOFF (M-F.) (dir.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : essai de clarification. Bruxelles, Bruylant, 1999, spéc, p. 92. 60 La pratique des sommets entre les chefs d’Etats et de gouvernement européens et leurs homologues d’Amérique latine et des Caraïbes, ne saurait à elle seule témoigner de l’effectivité des relations. Dans une optique déclarée de solidarité, elle marque surtout la volonté de coopérer pour atteindre des objectifs et relever des défis mondiaux. Ni la technique des sommets, ni les actes qu’elle sécrète, ne jouissent d’une présomption de juridicité. Il serait cependant hâtif de conclure que les sommets et les déclarations et « communiqués conjoints » qui en découlent, sont sans portée juridique. D’ailleurs, la périodicité des rencontres (tous les deux ans depuis 2000) laisse penser que les sommets sur le partenariat stratégique jouent un rôle d’impulsion dans la reconfiguration des relations (TITRE PREMIER). Pour le juriste, l’effectivité ne peut s’apprécier qu’au regard des moyens et instruments juridiques réellement mis en œuvre. A ce propos, on remarque dans un premier temps, que la volonté politique de la Communauté européenne et des Etats membres, s’est peu à peu traduite par l’adaptation de certains mécanismes traditionnels de la coopération (TITRE SECOND), comme prémices de la préparation à de nouvelles relations. 61 TITRE PREMIER : LE RÔLE DES SOMMETS SUCCESSIFS SUR LE « PARTENARIAT STRATEGIQUE » ENTRE L’UNION, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES 62 De nature politique, les sommets donnent lieu à des « déclarations communes », des « communiqués conjoints » ou des « conclusions finales » qui ne sont pas juridiquement obligatoires. Il est donc légitime de se demander, comment des sommets politiques et des actes sans force obligatoire peuvent avoir une portée assez grande pour influencer le développement de relations. A ce propos, le droit international enseigne que les déclarations issues des sommets, en tant qu’elles ne sont pas assimilables à des traités, présentent l’avantage d’une grande souplesse. Les déclarations communes, les communiqués conjoints et autres conclusions de sommets sont identifiés par une part de la doctrine, comme « des actes concertés non conventionnels », à savoir « des instruments issus d’une négociation entre personnes habilitées à engager l’Etat et appelées à encadrer les relations de ceux-ci, sans pour autant avoir un effet obligatoire »1. Cela revient à reconnaître qu’ils peuvent servir d’étapes (de lege ferenda), avant une traduction juridique effective. Cela confirme que l’utilisation d’actes de soft law comme leviers de changement juridique (CHAPITRE PREMIER) n’est pas une hypothèse rare. En raison de leur souplesse, ces actes de soft law affranchis du formalisme juridique, paraissent particulièrement adaptés à la nécessité d’une réponse européenne stratégique aux enjeux multiples (CHAPITRE SECOND) induits par un contexte international mouvant. 1 NGUYẾN QUOC (D.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, 7ème édition, spéc., pp. 377-384. 63 CHAPITRE PREMIER : L’UTILISATION D’ACTES DE SOFT LAW COMME LEVIERS DE CHANGEMENT JURIDIQUE Parmi les actes et instruments-clés affirmant l’avènement d’un partenariat stratégique avec les Etats membres d’organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes, il convient de repérer, ceux d’entre eux qui sont susceptibles d’avoir eu une portée juridique. Une précaution liminaire consiste donc à distinguer la portée juridique, de la portée obligatoire. La portée juridique caractérise les actes qui ont pu avoir une influence sur l’évolution du droit. Il y a donc renvoi à une dimension temporelle par rapport à une situation antérieure servant de référentiel. La démarche consiste à analyser les instruments affirmant l’instauration d’un partenariat stratégique avec l’Amérique latine et les Caraïbes à la lumière de leur développement ultérieur. L’hypothèse à vérifier en l’espèce, est que certains sont plus que des instruments politiques et pourraient appartenir à la soft law. Ce concept est apparu dans le droit international public durant la décennie 1970-1980, pour désigner des actes internationaux, qui n’ont pas la forme des traités, mais qui disposent d’une portée politique et potentiellement juridique, non clairement définie. La doctrine française utilise une pléthore d’expressions2 pour traduire la soft law : il est question, entre autres, de « droit doux »3, de « droit mou »4, ou de « droit assourdi »5. Indépendamment de leur qualification, les actes de soft law, se distinguent des actes conventionnels de droit dur, à caractère contraignant, par le fait, qu’ils ne sont pas forcément obligatoires. A l’inverse, ceux de droit dur, surtout ceux créant des obligations figurant dans des traités internationaux, s’imposent aux Etats qui les ont acceptés, selon le principe « pacta sunt 2 Ces termes seront ici utilisés indistinctement pour désigner la soft law. 3 VIRALLY (M.), « La distinction entre textes internationaux de portée juridique et textes internationaux dépourvus de portée juridique », Annuaire de l’Institut de droit international (AIDI), vol. 60-I, 1983, pp. 166257. 4 DUPUY (R.-J.), « La technique de l’accord mixte utilisée par les Communautés européennes», Annuaire de l’Institut de droit international (AIDI), 1973, spéc., p. 273. 5 ABI SAAB (G.), « Eloge du “droit assourdi”. Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain », in Mélange en hommage à François RIGAUX, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 59-69. 64 servanda 6», nonobstant la présence dans les mêmes traités, de clauses permissives ou facultatives. L’intérêt que l’on peut porter ici aux actes de droit doux, se justifie pour deux raisons. Tout d’abord, en l’espèce, ils sont pris conjointement par les chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’Union européenne, et d’organisations régionales d’Amérique latine, et des Caraïbes, c'est-à-dire, qu’ils « émanent de sujets aptes à s’engager sur le plan international »7. Ensuite, les actes de soft law remplissent différents rôles par rapport au droit dur8. Notamment, ils peuvent programmer, impulser le développement des règles de droit dur, contraignantes et traduites dans des accords internationaux. Du point de vue de la pratique, l’utilisation des actes de soft law semble liée aux finalités que les parties entendent poursuivre. Paradoxalement, leur moindre juridicité en fait des actes attractifs. En effet, cette juridicité assourdie ne les empêche pas d’être à l’origine de développements normatifs ultérieurs, de produire un effet juridique. Certains de ces actes ont pu faire figure de véritables plans d’action dans lesquels doivent s’inscrire l’activité normative future des parties. C’est pourquoi dans la recherche des preuves d’une effectivité de la reconfiguration, il faut tenter de déceler la portée de ces actes. Ce chapitre s’intéresse aux implications normatives potentielles du Plan d’action de Rio de 1999 en tant que programme (SECTION I), ainsi qu’aux effets juridiques potentiels des déclarations issues des sommets (SECTION II). 6 Convention de Vienne sur le droit des traités du 23.05.1969, article 26 : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». 7 Pour les Professeurs COMBACAU et SUR, seuls ces actes de soft law sont dignes d’intérêt. « Cette condition est même essentielle. C’est dans la mesure où la possibilité d’un engagement international existe que de tels instruments soulèvent un problème juridique ». Voir COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit international public, Paris, Montchrestien, 8ème édition, 2008, 818 p., spéc.,p. 87. 8 Voir en ce sens, CHATZISTAVROU, (F.), « L’usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règles de droit », Le Portique, n° 15, 2005, mis en ligne le 15.12.2007, [consulté le 9.06.2009], http://leportique.revues.org/document591.html . 65 SECTION I : LE PLAN D’ACTION DE RIO : INSTRUMENT PROGRAMMATOIRE Un outil de droit programmatoire9 se distingue d’un simple instrument politique en ce qu’il a vocation à produire tôt ou tard des développements normatifs. Les « Priorités d’action »10 aussi désignées sous le nom de « Plan d’action de Rio », ont été formulées lors du premier sommet réunissant des chefs d’Etat et de gouvernement membres d’organisations régionales d’Amérique latine, des Caraïbes et ceux de l’Union européenne, qui s’est tenu à Rio les 28 et 29 juin 1999. Le Plan de Rio définissait cinquante-cinq priorités dans les domaines politique, économique, culturel, éducatif, scientifique, technique, social et humain. Son objectif déclaré concernait le renforcement des liens de l’Union européenne avec les Etats et les organisations internationales d’Amérique latine et des Caraïbes en vue d’un « partenariat stratégique ». A priori, leur existence semble confirmer l’hypothèse d’une fonction programmatrice : le Plan d’action contribue à la formulation de priorités d’action pour la reconfiguration des relations. Autrement dit, il ne crée pas cette dernière, mais incite à sa réalisation. Dans le prolongement du sommet de Rio, en novembre 1999, un groupe de hauts fonctionnaires11 d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes, a été réuni à Tuusula, en Finlande. Ils convinrent de condenser les priorités du Plan d’action en onze thèmes majeurs ou priorités12, afin de réaliser des résultats rapides et donner une visibilité aux activités entreprises. 9 A propos du droit programmatoire, Voir SFDI, L’élaboration du droit international public, Actes du colloque à l’Université des sciences sociales de Toulouse les 16-17-18 mai1974, Paris, Pedone, 1975, 224 p. 10 « Priorités d’action », Document d’actualité internationale du 1er septembre 1999, n° 17, p. 692-695. 11 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : « Suivi du premier Sommet organisé entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne », COM (2000)670 final du 31.10.2000 ; La réunion d’un groupe de hauts fonctionnaires était planifiée dans le préambule du texte des « Priorités d’action ». 12 Les onze priorités d’action sont les suivantes : - Coopération dans les forums internationaux ; - Protection des droits de l’homme ; - Promotion du rôle des femmes ; - Coopération dans le cadre des catastrophes naturelles et environnementales ; - Lutte contre le trafic illicite de drogues et d’armes ; - Promotion d’un système économique et financier stable et dynamique ; 66 Du fait de son caractère non obligatoire, au moins deux conceptions du Plan d’action émis en 1999 sont possibles. Selon la première, le Plan d’action de Rio serait une promesse morale et politique sans portée juridique13. Cette vision fédère tous ceux qui jettent l’anathème sur toute forme de normativité relative ou qui craignent les effets pervers de la soft law en droit international14. Mais, elle est contestée ; car, pour une autre part de la doctrine, cette « thèse repose sur une assimilation abusive entre le “juridique” et “ l’obligatoire”, et ne peut être acceptée »15. Au contraire, selon la seconde conception, ce Plan d’action pourrait, sans être obligatoire, être vu comme ayant une portée juridique qui ne doit pas être sousestimée. Ces deux conceptions sont elles même, le reflet d’une controverse juridique sur la portée des actes de soft law. Car il faut reconnaître qu’une incertitude juridique entoure la valeur des actes de soft law, en général. Et, si leur multiplication ne permet plus de les écarter purement et simplement du champ de l’analyse juridique, leur appréciation doit s’effectuer au cas par cas. Concernant le Plan d’action, sa portée juridique se révèle d’emblée incertaine (§1). Mais, compte tenu du temps écoulé depuis son annonce en 1999, une évaluation au regard des faits, permet d’avancer l’hypothèse d’une portée juridique avérée quoique minimale (§2). §1 Une portée juridique incertaine - Encouragement de business forum ; Coopération dans les domaines de l’éducation, des études universitaires, de la recherche et des nouvelles technologies ; Protection de l’héritage culturel ; Etablissement d’une initiative jointe dans le domaine de la société de l’information ; Soutien à la recherche aux études post-graduées et aux stages dans le domaine des processus d’intégration. 13 Cette conception amène finalement à analyser le Plan d’action comme du pré-droit, donc ni law, ni soft, mais dans cette hypothèse, l’analyse perd sa raison d’être. 14 Pour un exposé des diverses positions doctrinales vis-à-vis de la soft law, voir DUPLESSIS (I.), « Le vertige et la soft law : réactions doctrinales en droit international », Revue Québécoise de Droit International, (Horssérie), 2007, pp. 245-268. L’auteure relève que la polémique à propos de la soft law et de ses effets, a cependant enflé après la publication de l’article du Professeur Prosper WEIL, « Vers une normativité relative en droit international ? », RGDIP, n° 5, 1982, pp. 5- 47. 15 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), FORTEAU( M.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ- Lextenso éd., 8ème édition, 2009, 1709 p., spéc. p. 429 ; PELLET (A.), « Le “bon droit” et l’ivraie – plaidoyer pour l’ivraie (Remarques sur quelques problèmes de méthode en droit international du développement) », in Mélanges offerts à Charles CHAUMONT, Pais, Pedone, 1984, spéc., pp. 465- 493. 67 Le Plan d’action, compte tenu du doute qui entoure sa place dans la classification juridique, doit être considéré comme appartenant à la catégorie des « textes incertains »16. Ce sont ceux dont l’application dépend du bon vouloir des destinataires qui en sont en même temps les auteurs. Entrent dans cette catégorie, les communiqués conjoints, les déclarations conjointes, les textes concertés au sein d’un organe international, et les accords informels. Le problème de la portée est d’autant plus difficile à déterminer de façon objective que – comme déjà énoncé – il se rattache aux diverses conceptions doctrinales des actes regroupés communément sous le qualificatif de soft law. En l’espèce, le postulat de départ est que le Plan d’action n’est rien d’autre qu’ « un acte concerté non conventionnel ». C'est-à-dire « un instrument issu d’une négociation entre personnes habilitées à engager l’Etat ou l’organisation internationale [...] et appelées à encadrer les relations de ceux-ci sans pour autant avoir un effet obligatoire. Il ne s’agit pas moins d’actes juridiques dès lors qu’ils sont adoptés avec l’intention de produire certains effets juridiques »17. Les effets en question peuvent être la transcription des orientations et priorités d’actions décidées, à moyen ou à long terme, dans des instruments juridiques autonomes et/ou conventionnels. Tenter de déterminer la valeur du Plan d’action revient à se demander quelle est l’intention des auteurs de ce document ? Peut-on classer le Plan d’action dans la catégorie d’ « actes juridiques adoptés avec l’intention de produire des effets juridiques » ? Suivant quels critères ? L’appréciation de sa portée juridique peut s’effectuer en considération de la forme (A) ou suivant des critères matériels (B). A) Les critères formels Les critères formels sont fondés sur l’analyse de l’intitulé du document et des termes employés. En outre, concernant l’étude de la méthodologie utilisée, les critères formels permettent également de répondre aux questions suivantes: le Plan d’action, est-il inclus dans un autre acte ? En quels termes est libellé le Plan d’action : déclamatoires ou opérationnels? Tout d’abord, l’analyse de l’intitulé : « priorités d’Action» ne fournit pas ou peu d’information. Tout au plus, il incline à penser que ces actions prioritaires, en ce qu’elles 16 Suivant l’expression du Professeur VIRALLY, voir VIRALLY (M.), « La distinction des textes internationaux de portée juridique et textes internationaux dépourvus de portée juridique », AFDI, vol. 60-I, 1983, pp.166-257, spéc., p. 191. 17 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, op. cit., spéc. p. 424. 68 comprennent un ensemble d’actions à « promouvoir », à développer dans l’avenir, ont une fonction programmatoire18 plutôt que déclaratoire. Cette interprétation est corroborée par l’emploi du futur dans le préambule des « priorités d’action » : par exemple, il est dit que la consolidation du partenariat stratégique via le Plan d’action « contribuera » au développement de chacun des pays participants ; les participants déclarent « nous renforcerons » et, sur la base des « principes et des engagements figurant dans la Déclaration de Rio de Janeiro, nous allons promouvoir les priorités suivantes : (...) ». Pour autant, cela ne suffit pas à déduire qu’il s’agit d’un texte ayant une probable portée juridique ou apte à produire un quelconque effet normatif. Pour certains juristes, le nombre élevé de ces priorités (au nombre de cinquante-cinq initialement) suggère davantage « une liste d’achats »19. Cette caractéristique serait inhérente aux sommets internationaux dans lesquels « il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des intérêts des participants, souvent très disparates en raison de leur hétérogénéité »20. En vertu de cette appréciation, « les décisions qui sont ainsi prises sont dépourvues d’effets juridiques directs »21. Mais, cette estimation n’occulte pas la possibilité d’effet juridique indirect du Plan d’action, ou tout du moins, de sa version synthétisée à Tuusula en 1999, laquelle retient onze priorités principales. Par ailleurs, le Plan d’action est décidé à la fin d’un sommet international, c’est-àdire d’une discussion, d’une concertation prise dans le cadre diplomatique entre plusieurs Etats. Au travers des formules utilisées, les participants au sommet ne semblent pas avoir pris d’engagement au sens « d’acte par lequel on se lie »22. Le Plan d’action est annexé à la déclaration de Rio23 qui est un texte non « conventionnel » autrement dit un texte qui n’est pas soumis au droit des traités, ni à la règle fondamentale qui sous-tend celui-ci, le principe pacta sunt servanda. Les « dispositions » de la déclaration ne sont pas par elles-mêmes susceptibles de créer des obligations. Seule la bonne volonté des participants, pourrait produire de tels effets. A l’aune du critère formel, le Plan d’action ne parait pas destiné à produire des effets juridiques. Par analogie avec les recommandations des organisations internationales, telles 18 DUPUY (R.-J.), « Droit déclaratoire et droit programmatoire : de la coutume sauvage à la “soft law” », in SFDI, L’élaboration du droit international public, Pedone, Toulouse, 1974, pp. 132-147. 19 FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Relations de la Communauté européenne avec les Pays d’Amérique latine et d’Asie (ALA), Juris-classeur Europe, fascicule 2231, mis à jour au 29 juin 2005, 44 p., spéc., p. 5. 20 Ibidem. 21 Idem, p. 5. 22 VIRALLY (M.), op. cit., p. 227. 23 « Déclaration de Rio », Document d’actualité internationale du 1er septembre 1999, n° 17, pp. 668-692. 69 que celles des Nations unies, les « priorités d’action» s’apparenteraient à des « déclarations d’intention » dans lesquelles le ou les auteurs se bornent à exposer quels seront leurs projets au moment où ils s’expriment, mais ils ne les accompagnent d’aucune promesse de s’y tenir, de ne pas en changer à l’avenir24. Pourtant, cette affirmation doit être nuancée, lorsque l’on examine le Plan d’action sous l’angle matériel. B) Les critères matériels A l’étude de son contenu, le Plan d’action dénote l’intention des rédacteurs du texte de l’appliquer. Deux raisons conduisent à cette conclusion. La première résulte de l’utilisation clairement privilégiée, en préambule, des verbes de décision exprimant une forte volition des rédacteurs. Elle laisse supputer une portée décisoire : « Nous, chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Amérique latine et des Caraïbes et de l'Union européenne, réunis dans la ville de Rio de Janeiro les 28 et 29 juin 1999, avons décidé de faire progresser la consolidation d'un partenariat stratégique (...) ». Sur les cinq paragraphes introductifs, le verbe « décider » revient trois fois. Dans le second paragraphe du préambule, les chefs d’Etats « conviennent » que les priorités d’action se fondent sur un « engagement commun envers (...) » ; suit l’énoncé de principes internationaux reconnus par les protagonistes comme « la démocratie représentative, l'autorité de la loi, le pluralisme, une bonne gestion des affaires publiques ». A l’issue de l’énumération des principes qui les guident, les participants affirment : « nous allons promouvoir les priorités suivantes (...) ». Et, celles-ci sont exposées en termes précis. Certes, là encore, même exprimées en termes clairs, il n’est pas certain que les priorités d’action aient vocation à être tenues et qu’elles seront appliquées. Il faut aussi reconnaître que la distinction entre « engagement » et « déclaration d’intention » n’est pas aussi simple qu’il y paraît. A supposer que l’on soit en présence d’engagements au sens « d’actes par lequel on se lie », il faut encore distinguer ce qui relève d’un engagement juridique, de ce qui exprime un engagement strictement moral et politique. Le premier crée des obligations ou comporte la volonté d’établir des relations régies par le 24 VIRALLY (M.), op. cit, pp. 227-228. Au contraire, le Professeur DUPUY admet que certaines recommandations des Nations-Unies peuvent avoir une portée juridique même molle : « L’Etat qui conforme son attitude à la recommandation, puise dans celle-ci un titre juridique », voir DUPUY (R.-J.), « Droit déclaratoire et droit programmatoire : de la coutume sauvage à la “soft law” », op.cit., p. 146. 70 droit international. L’engagement moral, pour sa part, implique que les Etats ne sont pas liés par les dispositions, ne sont donc pas tenus de les exécuter. En l’espèce, rien ne permet d’avancer que le Plan d’action crée des obligations juridiques. Toutefois, à défaut d’être juridique, il est admis qu’un engagement moral puisse produire un effet contraignant à l’égard des participants. Mais, le critère de distinction entre engagement juridique et engagement moral est de toute façon éminemment subjectif puisqu’il s’agit de l’exécution de bonne foi par les participants, c'est-à-dire de « leur volonté sincère de respecter ces engagements ». Il est probable que l’ambigüité des termes, permettant de déduire ou non l’intention des parties de se conformer aux dispositions du Plan d’action, soit sciemment entretenue25 . Car, l’incertitude conserve aux acteurs toute latitude pour modifier leurs priorités et leurs objectifs, sans s’encombrer de formalisme. Cependant, un second argument permet de supposer une intention d’application. Sur le plan institutionnel, le texte, dans son préambule, prévoit l’instauration d’un groupe composé des hauts fonctionnaires de l’Union européenne, de l’Amérique latine et des Caraïbes. Il a été mis en place afin de suivre et de travailler à la mise en œuvre des priorités retenues. En outre, sur le plan pratique, ceci se double des rencontres ministérielles qui se tiennent régulièrement entre l’Union européenne représentée par la Commission, le président du Conseil européen26 et les ministres des pays d’Amérique latine et ceux des pays des Caraïbes chargés du thème abordé27. Par conséquent, on peut en déduire que le Plan d’action appartient à une catégorie de « Gentlemen’s agreements »28 créant un engagement moral, qui oblige les parties, 25 SCHASTER (O.), « The Twilight Existence of Nonbinding International Agreements», American Journal of International Law, 1975, vol. 71, n° 2, pp. 296-304, spéc.,p. 298. 26 Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil européen est une institution à part entière selon l’article 13 du TUE révisé, et son président assure la représentation extérieure de l’Union européenne pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, en collaboration avec le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ce dernier remplace l’ancien Haut Représentant PESC. 27 Voir, Partie I, Titre II, Chapitre I, intitulé « Le renforcement du dialogue politique en tant qu’instrument de coopération ». 28 La classification du Professeur EISEMANN décrit plusieurs catégories de Gentlemen’s agreements : - Premièrement, le gentlemen’s agreement stricto sensu ou accord informel politique a un caractère « essentiellement mais non exclusivement programmatoire » même si des engagements très précis pourraient lui être incorporés. - Deuxièmement, le gentlemen’s agreement interprétatif a pour fonction « de permettre le déblocage d’une situation en déterminant par avance le comportement des parties dans le cadre d’une structure préexistante ». - Troisièmement le gentlemen’s agreement ou accord informel normatif a pour objet de « formuler un cadre normatif dans lequel devront s’inscrire les relations entre Etats », sans que les parties donnent à leurs engagements la forme d’un traité. 71 dès lors qu’elles l’ont librement consenti, à mettre en œuvre les moyens utiles à la réalisation des actions décidées. Selon la définition de M. EISEMANN, le « gentlemen’s agreement » se définit comme « un accord entre dirigeants politiques, qui ne lie pas les Etats qu’ils représentent sur le plan du droit, mais dont le respect s’impose à ses signataires comme une question d’honneur ou de bonne foi »29. L’effet juridique de l’acte sur le fondement de la bonne foi, paraît applicable en l’espèce. La définition30 corrobore l’idée d’une possible intention d’exécution décelable dans le plan d’action. Bien que le Plan d’action ne soit pas formalisé dans un acte contraignant, il pourrait avoir une portée minimale pour influencer l’évolution des relations et le choix des instruments pour contractualiser les actions déterminées. §2 Une portée juridique minimale Lorsque l’on confronte le Plan d’action avec les concrétisations, on peut noter en pratique, plusieurs exemples de réalisation dans les principaux domaines d’action définis par ce Plan, en vue de réaliser l’objectif principal du sommet de Rio de 1999 : instaurer un partenariat stratégique. Sans égard pour une quelconque hiérarchisation des thèmes – le Plan d’action n’en crée pas – les pistes prouvant une mise en œuvre dans les domaines politique et commercial (A) seront d’abord examinés, avant de s’attacher aux signes d’exécution sur le plan culturel et social (B) A) Dans les domaines politique et commercial L’expérience montre que les priorités d’action dans ces deux domaines, en liaison avec d’autres instruments propres à l’UE, telle la communication de la Commission « sur le suivi de Rio »31 du 31 octobre 2000, se sont traduites par l’usage de dispositions juridique- Voir EISEMANN (P.-M.), « Le Gentlemen’s agreement comme source du droit international », Journal de Droit International, 1979, pp. 326-348, spéc., p. 326 ; VIRALLY (M.), op. cit., p. 209. 29 Ibidem, p. 328-329. 30 Sur les critiques de cette définition, voir N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, op. cit., spéc. p. 424. 31 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Suivi du premier Sommet organisé entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne, COM (2000)670 final. 72 ment contraignantes et de mesures opérationnelles. Ces dernières s’appuient tantôt sur des mécanismes de coopération préexistants tantôt naissent d’évolutions juridiques. 1- Les aspects opérationnels politiques Sur le plan politique, la promesse d’inviter les acteurs de la société civile, à participer à l’implantation d’initiatives conjointes entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne, s’est concrétisée, par exemple, par l’introduction de clauses relatives à leur participation dans les accords conclus en 2003 avec les membres de la Communauté andine et les pays d’Amérique centrale. Ces accords sont dénommés « accords de dialogue politique et de coopération » et, les clauses en question, prévoient aussi les conditions de participation de la société civile32. S’agissant des Caraïbes, de telles clauses existaient déjà dans le volet politique de l’accord de Cotonou de 200033 et elles sont maintenues dans le cadre de l’Accord de Partenariat économique UE/CARIFORUM signé en 200834. Il faut cependant remarquer que la participation de tels acteurs, pose des problèmes spécifiques relatifs à leur mode de désignation et quant aux actions à mettre en œuvre. Par ailleurs, la priorité majeure qu’est le développement durable35, trouve une traduction juridique dans le cadre du système de préférences généralisées. Ce dernier est octroyé unilatéralement par la CE. Il vise à accorder une réduction des droits de douane à des marchandises originaires d’Etats tiers, entrant dans le marché intérieur. Au titre du régime d’encouragement au développement durable, le bénéfice de préférences commerciales additionnelles est soumis à la signature, voire à la ratification, préalables de conventions internationales relatives aux questions des droits du travail, des droits de l’homme, de la protection de l’environnement, de la lutte contre le trafic de stupéfiants et autres substances psycho- 32 Article 43 de l’accord de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine, COM (2003)695 final du 15.12.2003; et article 43 de l’accord de dialogue politique et de coopération avec les pays d’Amérique centrale, COM (2003)677 final du 15.12.2003. Pour de plus amples développements sur le contenu de ces accords et les dispositions relatives à la participation de la société civile. Voir dans la deuxième partie, Titre I, Chapitre second : « L’Apport de ces accords » dits de dialogue politique et de coopération. 33 Voir dans l’Accord de Cotonou, signé le 23.06.2000, les articles 10 et 11 relatifs à la participation des acteurs non étatiques. Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, pp. 3-353. 34 Voir Infra, deuxième partie de la thèse, Titre second, Chapitre I, Section II. 35 « Actions prioritaires », document précité, point 15. 73 tropes36. Ces conditions s’appliquent aux membres de la Communauté andine et aux pays centraméricains37. Dans le même sens, on peut voir dans la mise en place du régime spécial en faveur des pays les moins avancés, dénommé « Tout Sauf les Armes » une contribution à « la coopération internationale contre la dissémination des armes »38. Enfin, pour illustrer la concrétisation des priorités d’action en matière politique, on peut aussi citer, s’agissant d’ « encourager les contacts parlementaires entre les régions Amérique latine, Caraïbe et Europe », la tenue régulière de dialogues interparlementaires et la création de l’Assemblée parlementaire Euro latino-américaine (EUROLAT) par un acte constitutif du 8 novembre 200639. Elle est conçue pour devenir l’instance parlementaire du partenariat stratégique entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes40. 2- Les aspects opérationnels économiques Dans le domaine économique, les priorités sont en partie réalisées par des mécanismes de coopération préexistants. Mais leur réalisation sollicite également la bonne volonté des parties, pour mettre en place de nouveaux instruments juridiques. Ainsi, les partenaires se fixent comme objectif de « consolider [les] relations économiques et commerciales en tirant le plus grand profit possible des accords commerciaux existants entre [les] régions et en travaillant à la mise en œuvre de nouveaux accords »41. Les actes juridiques utilisés pour rendre effectives les réalisations des priorités, dans le domaine économique, sont de deux types. Ce sont, tantôt des actes unilatéraux imputables à la CE qui les adopte, pour servir l’objectif de la coopération économique ; tantôt ce sont des outils conventionnels négociés et conclus, ultérieurement à l’énoncé des priorités d’action. Ils sont passés entre l’Union européenne (CE et Etats membres) et d’autres sujets de droit international impliqués dans le « partenariat stratégique ». Les cosignataires peuvent être, soit des 36 Articles 7 à 10 du Règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 139. 37 Infra Première parte, Titre II, Chapitre second : « Le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales ». 38 « Actions prioritaires », document précité, point 12. 39 Acte constitutif de l’assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine, Bruxelles, le 9.11.2006, 2 p. Document PE380.882.http://www.europarl.europa.eu/intcoop/EUROLAT/assembly/plenary_sessions/constituent_sessio n_2006/20061109_brusselsdeclaration_fr.pdf 40 Voir Infra, Première partie, Titre II, Chapitre premier, « Le renforcement du dialogue politique en tant qu’instrument de coopération ». 41 « Actions prioritaires », document précité, point 23. 74 Etats (cas des accords avec le Chili et le Mexique), soit des organisations régionales avec leurs Etats membres (cas des négociations avec la Communauté andine et ses Etats membres ou le MERCOSUR et ses Etats parties), ou encore, des pays d’une même région géographique réunis au sein d’une structure distincte de leur organisation régionale (cas de l’accord de Cotonou avec les Etats ACP, et ensuite des négociations de l’APE avec les quinze pays caribéens réunis au sein du CARIFORUM). Concrètement, au titre des mécanismes qui existaient avant le Plan d’action de Rio, la mise en œuvre des priorités économiques a impliqué l’usage des programmes de coopération qui sont en même temps des moyens au service du développement. Concernant l’Amérique latine, dans le cadre des perspectives financières 2007-2013 pour la coopération au développement, le règlement n° 1905/200642 a prévu un programme géographique43 pour cette région et des programmes thématiques. Les seconds complètent le premier et couvrent des domaines d’activité spécifiques présentant un intérêt pour un groupe de pays non déterminés par la géographie. Pour les Caraïbes, la coopération économique se fonde principalement sur l’accord de Cotonou. Les programmes de coopération au développement destinés aux pays partenaires d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP) sont financés par le biais du Fonds Européen de Développement. Pour les périodes allant de 2001 à 2007 et de 2008 à 2013, il s’agit respectivement des 9ème 44 et 10ème FED45. 42 Règlement n° 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18.12.2006, portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement, JOUE, n° L 378 du 27.12.2006, p. 41. 43 Les programmes géographiques concernent la coopération avec des pays et régions déterminés selon une base géographique. Nés de la rationalisation et de la réforme de l’aide au développement au plan intracommunautaire, les programmes géographiques se déclinent en trois niveaux : - Les documents de stratégie élaborés par la Commission européenne fournissent le cadre général de la coopération avec la région ou le pays bénéficiaire ; - Les programmes indicatifs pluriannuels géographiques précisent les domaines prioritaires choisis pour un financement communautaire ainsi que les résultats escomptés et les indicateurs de performance ; - Les programmes d’action annuels, adoptés par la Commission sur la base des documents de stratégie et des programmes indicatifs pluriannuels, servent à la mise en œuvre des actions de coopération dans la mesure où ils déterminent les objectifs poursuivis pour l’année, les domaines d’intervention, les résultats attendus, les procédures de gestion. Voir le site EuropAid : http://ec.europa.eu/europeaid/index_fr.htm ; Pour une présentation des différents programmes régionaux existants, voir FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), op.cit., pp. 41-42. 44 Règlement financier du 27.03.2003 applicable au 9 ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 83, du 1.04.2003, p. 1 ; modifié par le Règlement (CE) n° 309/2007 du Conseil du 19.03.2007 modifiant le règlement financier du 27 mars 2003 applicable au 9 ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 82 du 23.03.2007, p. 1. 75 L’ambition de « Promouvoir des programmes et mécanismes de soutien destinés aux petites et moyennes entreprises dans le domaine des finances »46 s’est concrétisée par l’emploi du programme d’Investissement pour l’Amérique latine (AL INVEST) préexistant au Plan d’action, et destiné au soutien à l’internationalisation des PME latino-américaines ainsi qu’à la coopération entre entreprises. En outre, l’usage d’autres programmes de coopération sectoriels a été maintenu comme celui pour l’utilisation rationnelle de l'énergie en Amérique latine (ALURE)47. Enfin, s’agissant encore de l’Amérique latine, au titre des nouveaux moyens, l’ajout d’une coopération industrielle, là où elle n’était pas prévue dans les accords cadre antérieurs à 1999, prouve les efforts accomplis, pour donner vie aux priorités d’action. Ainsi, on trouve dans les accords signés en 2003 un volet relatif à la coopération industrielle48. Les réalisations dépassent cependant les domaines susévoqués, et touchent également les sphères culturelles et sociales. B) Dans les domaines culturel et social Entre l’Union européenne et les pays et organisations régionales d’Amérique latine, l’objectif prioritaire qui consiste à resserrer les liens, s’est également matérialisé au moyen des instruments juridiques unilatéraux classiques tels que les programmes sectoriels. Ainsi, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, le programme ALFA III49 relatif aux échanges entre Universités pour la période 2008-2010, se focalise sur la coopération en vue de moderniser et de réformer les systèmes d’enseignement supérieur en Amérique latine. Il œuvre au renforcement des partenariats entre établissements d’enseignement supérieur des deux régions. Le programme « Erasmus Mundus », qui remplace le programme Alßan – relatif à des bourses d’études – à partir de 2008, offre des bourses et promeut les échanges universitaires. 45 Règlement (CE) n° 215/2008 du Conseil du 18.02.2008 portant règlement financier applicable au 10 ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 78 du 19.03.2008, pp. 1-34. 46 « Actions prioritaires », document précité, point 30. 47 « Actions prioritaires », document précité, point 36. 48 Accord de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine, article 21, COM (2003)695 final du 15.12.2003 ; et Accord de dialogue politique et de coopération avec les pays d’Amérique centrale, article 21, COM (2003)677 final du 15.12.2003. 49 Programme également basé sur le règlement précité CE n° 1905/2006, JOUE, n° L 378 du 27.12.2006, p. 41. 76 En outre, le programme Alliance pour la Société de l’Information @LIS50, a perduré en 2009, il a été utilisé pour continuer à faciliter l’intégration des pays d’Amérique latine dans la société mondiale de l’information. Dans le cadre du partenariat avec le groupe ACP, les mécanismes de la coopération dans le domaine culturel et social, fondés sur l’accord de Cotonou signé en 2000, sur la base de l’ex-article 310 du TCE51, ont été reconduits ou enrichis52. Globalement, l’impact juridique du Plan d’action, s’illustre par le fait, qu’il a contribué par la suite à des développements juridiques dans la perspective du partenariat stratégique global. En d’autres termes, il a permis d’aménager les rapports mutuels entre les acteurs dans un but défini : la reconfiguration par étapes des relations juridiques. Certaines déclarations issues des sommets entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes semblent égalemnt avoir eu des effets juridiques ou politiques, capables d’influencer leurs relations. 50 Voir le site : http://ec.europa.eu/europeaid/where/latin-america/regional-cooperation/al-invest/index_en.htm [consulté en février 2009]. 51 Article 310 du TCE devenu article 217 du TFUE, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne 52 Par exemple, la révision à mi-parcours de l’accord de Cotonou le 25 juin 2005, introduit une disposition sur le développement et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Elle inclut également une disposition sur la promotion de la participation des jeunes à la vie publique et sur l’encouragement des échanges et l'interaction entre les organisations de jeunesse des pays ACP et de l'UE. [Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, en son article 26 lettre e), JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27]. La deuxième modification intervenue en 2010 conserve les précédents acquis en matière culturelle et sociale. [Accord modifiant, pour la deuxième fois, l'Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005, article 27 « Culture et développement » lettres c), e), f), , JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, p. 3. 77 SECTION II : LES EFFETS JURIDICO-POLITIQUES DES DECLARATIONS ISSUES DES SOMMETS Lieux de concertation entre les chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’Union européenne et les chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine et des Caraïbes, les sommets53 sont des enceintes du dialogue ou encore des cadres de définition d’un projet politique entre l’Union européenne et ses partenaires. C’est là que fut officiellement décidé le « partenariat stratégique avec l’Amérique latine et les Caraïbes », fondement politique des relations sur une base rénovée, entre l’Union européenne et les deux régions. Les sommets Union européenne – Amérique latine – Caraïbes sont perçus, avant tout, comme l’occasion de renforcer et de consolider ce partenariat stratégique54. Les déclarations finales issues des sommets, sont les expressions de la diplomatie concertée de l’Union européenne, résultats du dialogue politique avec les tiers. Elles sont dépourvues de portée obligatoire. Elles ont cependant une réelle autorité politique. En revanche, il est plus difficle de déterminer l’aptitude éventuelle de ces déclarations à produire des effets indirects de droit (§1). Par delà l’aspect juridique, elles constituent un apport important dans le déploiement de la politique extérieure de l’Union européenne (§2). §1 Des effets indirects de droit L’expérience montre que dans certains cas, les déclarations issues des sommets entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes ont constitué le point de départ de négociations en vue de nouveaux accords. En ce sens, le lancement des négociations confirme l’aptitude des déclarations à produire des effets indirects de droit telle que la concrétisation à 53 L’UE organise des rencontres régulières au Sommet avec les chefs d’Etat ou de gouvernement de plusieurs Etats tiers. L’UE est représentée dans ces réunions par le président du Conseil européen, l’ancien haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (à l’époque M. SOLANA) devenu “Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ” (à compter du 1.12.2009 ce poste est tenu par Mme ASHTON), et enfin, le président de la Commission européenne. Sur le rôle des Sommets internationaux dans les relations internationales, voir CHRESTIA (P.), « Les Sommets internationaux », Revue Etudes Internationales, vol. 31, n° 3, septembre 2000, pp. 443-474. 54 Commission européenne, Le partenariat entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes : un engagement commun, Luxembourg, OPOCE, 2008, 52 p., spéc., p. 14. 78 moyen ou long terme de ce qu’il est convenu d’appeler en droit international un traité 55 Plusieurs exemples l’illustrent (A). En dépit de leur absence de force obligatoire, l’attrait et l’intérêt des déclarations finales émises depuis 1999 résident dans leur triple avantage. Tout d’abord, et comme dans le cas du plan d’action, les déclarations finales en tant qu’instruments de soft law, permettent une grande flexibilité sous réserve de l’application de bonne foi de leurs prescriptions par les participants. Par conséquent, les déclarations sont des outils adaptés aux fluctuations de la scène internationale. En second lieu, les déclarations finales exprimées en termes très généraux, n’engagent pas d’emblée les chefs d’Etat et de gouvernement participants et ne créent pas d’obligations pour les Etats qu’ils représentent. La souveraineté des Etats qui y participent n’est donc pas aliénée. En troisième lieu, pour la part de doctrine ouverte à considérer positivement cette pratique, « ces instruments ne sont, en fait, ni moins respectés, ni moins contraignants que des traités en bonne et due forme : souvent adoptés à la suite de longues négociations et de manière solennelle, ils exercent une pression très grande sur leurs destinataires (...) »56. En définitive, les déclarations issues des sommets proclamant le «partenariat stratégique», servent de point de départ et de cadre général avant la concrétisation sous forme contractuelle (B). Ils en constituent le fondement politique. A) Les exemples d’effets indirects de droit des déclarations Les déclarations dans lesquelles les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, d’Amérique latine et des Caraïbes se prononcent en faveur de l’ouverture des négociations pour de nouveaux accords constituent dans une certaine mesure du pré-droit. Car elles préfigurent ce que le droit positif devrait être ou sera à plus ou moins court terme. Elles sont susceptibles d’entraîner l’ouverture de négociations pouvant déboucher sur de nouveaux accords plus ambitieux qui tiennent compte du potentiel économique voire de l’avancement des processus d’intégration économique des organisations régionales concernées par le partenariat stratégique entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. Car s’il ressort des déclarations que l’ambition recherchée dépasse le domaine commercial, les motivations ne sont jamais tout à fait détachées d’une recherche de rentabilité économique. 55 Voir Convention de Vienne de 1986 sur « le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales », article 2 §1 a). Le terme « traité » y désigne tout accord international « quelle que soit sa dénomination particulière ». 56 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), FORTEAU(M.), PELLET (A.), op. cit., p. 428. 79 En pratique, plusieurs déclarations issues des sommets entre l’Union européenne l’Amérique latine et les Caraïbes ont produit ce type d’effet indirect. Ainsi, par exemple, la déclaration issue du Sommet de Madrid de 2002, intitulée « Valeurs et positions communes »57, a encouragé la poursuite des négociations en vue d’un accord d’association entre l’Union européenne et le MERCOSUR58, qui commençaient à s’enliser à la suite de désaccords commerciaux. Dans ce cas, la déclaration a pour objet de stimuler la dynamique des relations, mais elle n’est pas à l’origine de l’ouverture des pourparlers entre ces deux organisations régionales. Le projet était déjà posé dans le préambule de l’accord-cadre de coopération interrégional Communauté européenne/MERCOSUR signé en 199559. En revanche, cette même déclaration porte de manière significative l’engagement conjoint des chefs d’Etat d’ouvrir des négociations, en vue d’inaugurer des accords de dialogue politique et de coopération avec les pays andins et centraméricains60. La déclaration finale précitée, identifie dans les trois domaines stratégiques définis au sommet de Rio en 1999 – politique, économique et coopération – les principes partagés, ainsi que l’ensemble des questions internationales d’intérêt commun, qui doivent permettre de surmonter des défis, au moyen d’une stratégie d’alliance. Cet engagement met ainsi le « partenariat stratégique » sur la voie de la concrétisation conventionnelle. Après la signature des accords de dialogue politique et de coopération entre d’un côté l’UE et la Communauté andine accompagnée de ses Etats membres, et de l’autre côté, l’UE et les Etats d’Amérique centrale membres du SICA, en 2003, le quatrième sommet UE-AL-C 57 Deuxième Sommet UE-AL-C de Madrid, Espagne, 17-18 mai 2002, déclaration finale « Valeurs et positions communes UE-AL-C », Bulletin UE, 5-2002, point 1.6.118. En ligne http://europa.eu.int/comm/world/lac/conc-fr/val-pos.htm. 58 Voir le point 16 bis, du texte de la déclaration finale « Valeurs et positions communes UE-AL-C » de mai 2002 : « Nous rappelons notre engagement à l’égard des négociations en cours entre l’UE et le MERCOSUR et notons à ce propos que les chapitres politique, institutionnel et de la coopération sont pratiquement achevés. Nous nous félicitons des progrès réalisés à ce jour sur les chapitres consacrés aux échanges et au commerce et de l’adoption du paquet relatif aux mesures de facilitation des échanges et nous sommes convaincus que les deux parties continueront de réaliser des progrès substantiels en vue d’une conclusion satisfaisante du processus de négociation dès que possible ». 59 Préambule de l’Accord cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et le Marché Commun du Sud signé le 15 décembre 1995, entré en vigueur le 1er juillet 1999, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 65 : « Considérant la volonté politique des deux parties d’établir, comme objectif final, une association interrégionale de caractère politique et économique fondée sur une coopération politique renforcée, sur une libéralisation progressive et réciproque de tout le commerce, tenant compte de la sensibilité de certains produits et conformément aux règles de l’Organisation mondiale du commerce et, enfin, sur la promotion des investissements et l’approfondissement de la coopération ». 60 Voir le point 17, du texte de la déclaration finale «Valeurs et positions communes UE-AL-C » des 17-18 mai 2002. 80 qui s’est tenu à Vienne (Autriche) en mai 2006, a été l’occasion, pour les chefs d’État et de gouvernement, de réitérer leur engagement à renforcer le partenariat stratégique. Corrélativement, les chefs d’État ont décidé à Vienne en 2006, de lancer des négociations en vue d’un accord d’association entre l’UE et l’Amérique centrale, d’une part, et d’un accord d’association entre l’UE et la Communauté andine , d’autre part. Dans cet exemple, les participants s’orientaient clairement vers la reconfiguration des relations. Cela peut être analysé comme une étape de formation du droit en devenir61. La traduction normative ultérieure eut lieu en 2010-2011: après l’abandon des négociations globales de l’accord d’association, un accord limité au seul contenu commercial a été paraphé en mars 201162 fondé sur l’ex-article 133 du TCE, devenu l’article 207 du TFUE. Cet exemple témoigne justement de l’un des avantages des déclarations finales et autres actes de soft law, adaptés aux réalités internationales. En effet, en l’espèce, on est loin de l’ambition politique initialement déclarée, sans doute parce que les vrais déterminants se trouvent ailleurs : les circonstances extérieures souvent mouvantes influent sur le résultat. Par conséquent, la souplesse d’un acte de soft law, telle une déclaration, est un atout. Elle permet d’énoncer les objectifs en termes plus ou moins précis et de s’adapter sans contraintes aux circonstances fluctuantes, par un instrument non contraignant. Tous les exemples cités confirment, non seulement la capacité des déclarations issues des sommets de créer des développements juridiques, mais ils révèlent en outre, que par le biais du dialogue politique instauré, les participants font le suivi des actions entreprises, ce qui peut conduire à d’autres développements juridiques. En outre, les déclarations portant ouverture de négociations n’interfèrent pas sur les procédures de droit interne, nationales ou régionales, prévues pour la négociation d’accords internationaux. Mais, elles peuvent constituer une étape correspondant à la pré-négociation. 61 VIRALLY (M.), « La distinction des textes internationaux de portée juridique et textes internationaux dépourvus de portée juridique », op. cit., pp. 242-244; VIRALLY (M.), « A propos de la “Lex ferenda” », in Mélanges offerts à Paul REUTER, Le droit international : unité et diversité, Paris, Pedone, 1981, spéc., pp. 519-533. 62 Pour une appréciation du contexte de négociation de cet accord, voir Deuxième partie de la thèse, Titre I Chapitre II, Section II, §2, B. 81 B) Les déclarations comme phases de pré-négociation L’élaboration d’un éventuel accord débute en principe par une phase préliminaire ou phase de pré-négociation63 menée au plan international. C’est dans cette phase que se joue l’avenir d’un « hypothétique futur accord »64. Cette étape consiste en des contacts informels et des conversations exploratoires65 entre les représentants des institutions européennes et les représentants du pays ou de l’organisation régionale intéressés à ouvrir des pourparlers. Même si ce n’est pas toujours le cas, en pratique, l’initiative en vue des négociations d’un accord provient souvent de sollicitations extérieures à la Communauté/Union européenne66. Cette observation générale se confirme dans le cas des relations, entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. En effet, lors du sommet de Madrid en 2002, les pays membres de la Communauté andine et ceux d’Amérique centrale ont manifesté leur désir de négocier des accords interrégionaux d’association et de libre échange avec l’Union européenne, du même type que l’accord prévu avec le MERCOSUR. Il découle de tout ce qui précède, que lorsque les chefs d’Etat et de gouvernement réunis dans le cadre d’un sommet international entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, se prononcent en faveur de l’ouverture de nouvelles négociations, le texte écrit final, rendu public, certifie la tenue d’une procédure informelle de négociations. Et, la déclaration ou conclusion – fruit de cette concertation informelle entre sujets de droit international – s’apparente à une phase de pré-négociations. Celle-ci « est volontaire, déterminée dans sa conduite et son aboutissement par les parties elles-mêmes, sans se référer à des cadres juridiques préconstitués »67. Un exemple de cette pratique est fourni dans les relations entre l’Union européenne et le MERCOSUR : les négociations exploratoires ont abouti à une décla- 63 Ni l’ex-article 300 du TCE ni l’ancien article 133 TCE ne portent mention expresse de l’existence d’une phase de pré-négociation. Mais en pratique, elle existe bel et bien ; il revient à la Commission européenne de mener cette phase. En droit communautaire, à ce stade, la Commission n’a aucune obligation juridique envers le Conseil qui peut autoriser officiellement les négociations pour des accords internationaux 64 BAILLIEZ (P.), « La procédure de conclusion des accords externes de la Communauté Européenne», 24 p., sur le site http://www.jurisfutur.com/Dossiers/accords_externes.htm. [Consulté en décembre 2005]. 65 Ces termes sont empruntés au Professeur ISAAC, pour désigner les « discussions à caractère technique précédant l’ouverture des négociations proprement dites ». Voir ISAAC (G.), BLANQUET (M.), Droit communautaire général, Paris, Armand-Colin, 8ème édition, 2001, 395 p. 66 LUABA LUMU (N.), La Communauté Economique Européenne et les intégrations régionales des Pays en Voie de Développement, op. cit., p. 227: « dans la plupart des cas, l’initiative en vue des négociations d’un accord provient des sollicitations extérieures à la CEE. En général, les membres d’une organisation internationale manifestent leur volonté d’étudier l’éventualité de conclure un accord (…) avec la CEE et en saisissent la Commission ». 67 COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit international public, 8ème édition, 2008, op.cit, spéc, p. 87. 82 ration conjointe non contraignante signée le 22 décembre 199468, dans laquelle, les parties se disent favorables à la négociation d’un potentiel accord d’association. Toutefois, cette étape préliminaire ne saurait créer d’obligation juridique ni à la charge des participants, ni à la charge de la Commission européenne qui en pratique la mène69. De plus, l’étape de pré-négociation ne se substitue pas aux procédures de négociations formelles fixées par le droit positif. Ainsi, la déclaration favorable au lancement de pourparlers, n’a pas d’influence sur le respect de la procédure communautaire générale de négociation des accords externes. Selon le droit communautaire, la procédure officielle pour négocier des accords internationaux était posée dans l’ex-article 300 du TCE devenu l’article 218 du TFUE. La procédure de l’article 218 du TFUE est applicable pour tous les accords externes négociés avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales, sous réserve des dispositions particulières de l’article 207 du TFUE70 relatif aux accords commerciaux (ex- article 133 du TCE). La négociation ne peut exister sans une autorisation du Conseil71. Cette autorisation de négocier prend la forme « d’une décision de négociation » selon les termes du Traité CE. En vertu de l’ancien article 300 §1 du TCE, il revenait à la Commission de présenter des « recommandations » au Conseil en vue d’obtenir l’autorisation d’ouvrir les négociations72. Mais, quant à l’ouverture et la conduite des négociations, le Traité de Lisbonne apporte des modifications. En effet, le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité peut également présenter au Conseil des recommandations en vue de cette ouverture, lorsque l’accord envisagé porte principalement ou exclusivement sur la politique étrangère et de sécurité commune73. Au moment d’autoriser l’ouverture des négociations, le Conseil conserve le 68 Solemn joint Declaration between the Council of E.U and European Commission, on the hand, and the Mercosur member states, on the other, JOCE, n° C 377 du 31.12.1994, p. 1. 69 PINGEL (I.), De Rome à Lisbonne-Commentaire article par article des traités UE et CE, à propos de l’article 300 TCE, op. cit., p. 1855; LOUIS (J-V), DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’Union européenne- Relations extérieures - Commentaire J.MEGRET, vol.12, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2ème éd, 2005, pp. 83-111 : la Commission « (…) n’est soumise à aucune obligation juridique envers le Conseil à ce stade ». 70 Voir notamment les dispositions de l’article 207 §4 du TFUE. Pour la négociation et la conclusion d’accords commerciaux, le Conseil statue à la majorité qualifiée sauf dans les cas où l’accord commercial envisagé porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise. 71 Voir article 218 §2 TFUE (ancien article 300 §1 du traité CE). 72 La Commission avait toute latitude pour demander ou non au Conseil, l’ouverture officielle des négociations, après avoir procédé à des études techniques évaluant l’impact de l’accord envisagé, les intérêts en présence. Voir la communication de la Commission européenne sur l’analyse d’impacts, COM (2002)276 final, Bruxelles, le 5.06.2002, 19 p. 73 Voir article 218 §3 du TFUE. 83 droit d’adresser au négociateur des « directives de négociation ». Il peut désigner un « comité spécial »74 pour assister ce dernier. En général, dans l’optique d’une négociation officielle, l’engagement politique à caractère général émis dans la déclaration finale internationale, sera transformé en invitation à ouvrir des négociations, c'est-à-dire, en recommandation dans l’ordre de l’Union européenne. La recommandation pourra aboutir, sous réserve de l’accord du Conseil, à des négociations officielles, en vue de la conclusion d’un nouvel accord. Tout ceci corrobore l’idée qu’un acte de soft Law peut être un moyen informel de la procédure conventionnelle75. La portée des déclarations issues des sommets n’est pas toujours aisément décelable. Le contenu des déclarations est souvent composite, c'est-à-dire que toutes les affirmations n’ont pas nécessairement vocation à produire des effets de droit. Certaines sont, simplement, déclaratoires76. Mais dans ce cas, les déclarations issues des sommets ont d’autres fonctions. Pour l’Union européenne qui en est l’instigatrice, elles peuvent servir sa politique extérieure. §2 Un apport à la politique extérieure européenne La tenue régulière de ces sommets et la publicité de leurs conclusions finales, laissent supposer qu’ils ont un rôle à jouer dans la politique extérieure de l’Union européenne. Leur effet politique potentiel, en font des moyens informels efficaces de politique extérieure (A). En matière de relations extérieures, ils assurent la visibilité de la politique européenne (B). A) Des moyens informels efficaces de politique extérieure Paradoxalement, le caractère non obligatoire des déclarations, peut renforcer l’efficacité de la politique extérieure de l’Union. En effet, l’Union européenne dispose, par ce biais, d’un excellent outil pour partager, voire diffuser sa propre vision des relations internationales. Les déclarations traduisent l’avancée d’un processus pour coordonner les stratégies 74 Voir article 300 TCE devenu article 218 §4 du TFUE. Cette disposition s’inspire de l’ancien article 113 du T CEE. 75 VELLAS (P.), « Les sources informelles du droit international public », in SFDI, L’élaboration du droit international public, Pedone, Toulouse, 1974, pp. 70-79. 76 DUPUY (R.-J.), « Droit déclaratoire et droit programmatoire : de la coutume sauvage à la “soft law” », op. cit., spéc, pp. 134-139. 84 entre les participants. Leur efficacité découle justement de leur nature non contraignante, d’autant que le caractère obligatoire d’un texte ne le prémunit en rien d’une éventuelle violation. Et il faut sans doute déceler ici, dans l’utilisation des actes de soft law, une reconnaissance de l’aptitude de ces actes à renforcer « la domination du/des stratège(s) »77 ; c’est-àdire, de l’Union européenne, dans le cas des sommets entre l’Union européenne et les Etats membres d’organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes. Les déclarations issues des sommets constituent des expressions du « partenariat stratégique » même embryonnaire, affiché comme base d’un renouvellement de l’approche de politique extérieure européenne. Même à long terme, les déclarations ont une fonction diplomatique qui peut, inciter des Etats et organisations régionales ne participant pas au partenariat stratégique entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes, à désirer de nouveaux engagements contractuels avec l’Union européenne. Suivant l’analyse du Professeur VELLAS, ces premières réunions périodiques sont un moyen permettant aux participants d’être « informés des problèmes communs auxquels ils ont à faire face et de rechercher ensemble les solutions internationales les mieux adaptées »78. S’il appert que le procédé le plus efficient pour coopérer à la résolution de problèmes communs est le recours à la procédure conventionnelle, des pourparlers seront alors organisés. L’essentiel ici est que, les déclarations issues des sommets semblent avoir une fonction incitative et un effet doublement indirect : on peut supposer qu’elles incitent au changement en lançant un signal politique au renouvellement des engagements et qu’elles permettent de trouver des solutions diplomatiques à des blocages relationnels gênant la transcription juridique. Par exemple, le sommet de Madrid de mai 2010, sous l’égide de la présidence espagnole de l’Union européenne, fut l’occasion de réitérer le soutien des chefs d’Etat et de gouvernement aux négociations pour un accord d’association entre l’Union européenne et le MERCOSUR79. Par ailleurs, les déclarations issues des sommets assurent la visibilité des progrès accomplis dans les relations. 77 Suivant l’expression consacrée par M. CHRESTIA (P.), op.cit., pp. 462-474. 78 VELLAS (P.), « Les sources informelles du droit international public », op. cit., p. 73. 79 Sixième Sommet UE-AL-C, Madrid, le 18 mai 2010, Déclaration de Madrid « Vers une nouvelle étape dans le partenariat birégional : l’innovation et la technologie au service du développement durable et de l’inclusion sociale », point 24. Le texte de la communication est diponible en ligne sur le site officiel du Conseil : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/er/114537.pdf 85 B) Des moyens de visibilité de la politique européenne Les chefs d’Etat et de gouvernement réunis, ne manquent pas de se féliciter des avancées des relations. Par exemple, la signature d’un accord d’association UE-Chili80 fut saluée à l’occasion du sommet entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes de mai 2002. En outre, les déclarations issues des sommets encouragent les évolutions en déterminant des thèmes d’action spécifiques en vue de faire avancer le partenariat stratégique. Par exemple, le troisième sommet qui a eu lieu à Guadalajara (Mexique) le 28 mai 2004 est axé sur la dimension sociale et sur l’efficacité minimale des institutions politiques au plan régional81. Le droit international abonde d’exemples où, un acte non obligatoire a été davantage appliqué qu’un traité82. Par conséquent, il se pourrait que les déclarations finales soient tout autant influentes comme moyens de visibilité de la politique européenne. En droit international, elles n’appartiennent cependant pas à la catégorie des déclarations liées à une prescription conventionnelle, comme c’est le cas, notamment, des déclarations conjointes par lesquelles des Etats entreprennent de négocier le texte d’un traité et indiquent les principes qui les guideront au cours de la négociation. A titre d’illustration, on peut citer « la déclaration de Tokyo du 14 septembre 1973 énumérant les principes sur lesquels les participants aux négociations commerciales unilatérales (Tokyo round) entendaient se fonder »83. 80 Accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part, signé le 18.11.2002, entré en vigueur le 1.03.2005, JOCE, n° L 352, 30.12. 2002, p. 3. 81 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant « Les objectifs poursuivis dans le cadre des relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine en vue du troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, d’Amérique latine et des Caraïbes qui se tiendra à Guadalajara (Mexique) le 28 mai 2004 », COM (2004)220 du 7.04.2004, JOUE, n° C 122 du 30.04. 2004, p. 44. 82 Voir en ce sens, l’opinion déjà mentionnée des Professeurs DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), op. cit, p. 428. Ils rappellent à titre d’illustration : « Il suffit de penser à cet égard, au rôle qu’ont joué et continuent de jouer, par exemple, l’Acte final du Congrès de Vienne et la Déclaration sur la neutralité perpétuelle de la Suisse (1815), la Charte de l’Atlantique (1941), la Déclaration des Nations Unies (1942) et les communiqués ou déclarations adoptés par les grandes conférences interalliées durant la Seconde guerre (Moscou, 1943 ; Yalta et Potsdam, (1945) ou l’acte final de la CSCE (Helsinki, 1975), la Charte de Paris(1990), la déclaration introductive du Pacte de stabilité en Europe (1995), la Déclaration et le Programme d’action de Copenhague pour le développement social (1995), ou l’Acte fondateur sur les relations, la coopération entre l’OTAN et la Fédération de Russie (1997) ». 83 Ibidem, p. 425. 86 A l’inverse, les déclarations issues des sommets UE-AL-C, si elles comprennent un catalogue des principes internationaux et « valeurs communes » qui guident les relations, les participants ne s’y engagent pourtant pas toujours d’emblée à négocier de nouveaux accords, sauf dans les cas précédemment exposés. Et même là, l’ouverture des négociations ne garantit pas le résultat de la négociation, à savoir la formalisation d’un accord plus ambitieux que ce qui existait précédemment. Les déclarations ou conclusions issues des sommets témoignent de l’existence d’un dialogue politique global mené par l’Union européenne avec des Etats tiers latino-américains et caribéens. En ce sens, du côté européen, elles assurent la visibilité du dialogue politique et permettent par ricochet à l’Union européenne d’affirmer son « identité sur la scène internationale ». Cet objectif était posé dans l’ex-article 2 du TUE, deuxième tiret. Il est remplacé depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne par l’article 3 § 5 du TUE révisé qui affirme expressément « dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts (...) ». Les déclarations ont tout à la fois une fonction diplomatique voire stratégique. Ainsi, les déclarations qui réitèrent l’engagement des partenaires en faveur des droits de l’homme, et de l’Etat de droit, n’apportent rien de nouveau, si ce n’est qu’elles confirment la « politique des droits de l’homme »84 de l’Union européenne. Enfin, les déclarations rédigées en termes généraux, témoignent d’une tentative de mise en cohérence des besoins et des visions que peuvent avoir les protagonistes quant à l’évolution de leurs relations mutuelles. L’utilisation de ces déclarations sans force obligatoire semble judicieuse pour atteindre une cohérence85 d’ensemble dans la politique extérieure européenne particulièrement, à l’égard de l’Amérique latine et des Caraïbes, sans pour autant paraître imposer des vues à d’autres Etats. Et les déclarations communes tendent à fortifier l’impression d’une relative unité de vue entre les participants, dans le cadre du processus de transformation des relations, initié à Rio en 1999. On peut avancer l’hypothèse que les déclarations et conclusions finales contribuent à déterminer et à affiner une politique extérieure pour l’Amérique latine et les Caraïbes. En effet, les déclarations et conclusions finales issues des sommets Union européenne, Amérique latine et Caraïbes comportent des lignes direc- 84 PETITEVILLE (F.), La politique internationale de l’Union européenne, Paris, Presses de la Fondation nationale de Sciences politiques, 2006, pp. 124-138. 85 L’impératif de cohérence de l’action extérieure de l’Union est affirmée notamment, dans le Traité sur l’UE révisé, en son article 21 §3, deuxième alinéa et, dans le Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), à l’article 7. 87 trices qui semblent indiquer que les objectifs pour l’Amérique latine et les Caraïbes sont convergents. 88 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER Qu’il s’agisse du Plan d’action de Rio ou des déclarations issues des sommets, la portée juridique de ces instruments de soft law, n’est pas aisée à établir. Les Professeurs COMBACAU et SUR préconisent, lorsque l’on tente de cerner les effets de tels instruments, de chercher entre autres, « la dynamique qui peut les entraîner, leur capacité à produire d’autres instruments dépendants d’eux, ou à être exécutés de telle manière qu’ils modifient une situation juridique préexistante ». Ils poursuivent : « dans une certaine mesure l’avenir de tels instruments est plus important que leur contenu. En d’autres termes, leur confirmation par une application concrète, ou leur aptitude à établir de nouvelles pratiques internationales, permet de préciser des effets juridiques qui, à leur simple lecture, sont souvent virtuels »86. C’est l’approche retenue ici pour démonter la portée juridique potentielle du Plan d’action et des déclarations issues des sommets UE-AL-C. On pourrait s’attendre à ce que les lignes directrices soient peu suivies et leur conséquence juridique nulle. Or, indirectement, ces actes ont un rôle à jouer dans l’évolution du droit positif. Ils constituent des documents préparatoires pour de futurs actes obligatoires, et sont donc potentiellement aptes à produire des effets indirects de droit. En effet, il apparaît qu’ils ont produits de tels effets. Les actes de soft law à l’initiative de l’Union européenne dans le cadre des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes, ont influencé le comportement des sujets de droit international et concourent à l’adaptation – en douceur – du droit jusqu’alors applicable, compte tenu de l’accélération de la mondialisation et des contraintes juridiques multilatérales. L’effet juridique indirect de ces instruments et leur rôle dans la reconfiguration des relations est donc prouvé à la lumière de l’expérience. On constate que dans la mesure du possible, et non sans obstacles, l’UE et les participants à ce partenariat stratégique tentent de concrétiser leur engagement politique y compris par le biais de nouveaux instruments conven- 86 COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit international public, Paris, Montchrestien, 8ème édition, 2008, 818 p., spéc., pp.88-89. 89 tionnels. Cela confirme que, dans les relations extérieures, le souci d’opportunité et de pragmatisme ne saurait éliminer l’exigence de juridicité87. Toutefois, pour confirmer ou infirmer l’effectivité de la reconfiguration des relations, il semble préférable de se référer aux actes dont la nature juridique est certaine. Ainsi, une reconfiguration effective devrait être concrétisée dans des accords plus ambitieux que ceux issus de la période 1995-2000. En effet, dans le déploiement de la politique extérieure européenne, le recours à des actes de soft law agréés par les partenaires, représente le premier stade d’un processus de transformation juridique des relations. Est requise à ce stade, l’adhésion des tiers concernés : les homologues d’Amérique latine et des Caraïbes s’entendent avec les Etats membres de l’Union européenne à « conjuguer leurs efforts pour faire face aux problèmes communs »88. Cela laisse supputer la nécessité d’une réponse à des enjeux multiples. La stratégie européenne de politique extérieure se doit d’être la plus adaptée possible au contexte et aux exigences multilatérales. 87 Le professeur Javier ROLDÁN BARBERO rappelle « qu’en 1983, l’illustre juriste [Jean-Victor LOUIS] prévenait, très à propos, qu’il fallait éviter que les relations extérieures de la Communauté Européenne ne deviennent une sorte de soft law », ROLDÁN BARBERO (J.), « Les relations extérieures de l’Union européenne : quelques faiblesses et incertitudes juridiques, in LOUIS (J.-V.), VANDERSANDEN (G.), WALSCHE (A. de), Mélanges en hommage à Jean Victor LOUIS, Bruxelles, Bruylant, éd. de l’Université libre de Bruxelles, Vol. II, 2003, 444 p., spéc, pp. 172-188. 88 Rapport d’évaluation du Sommet de Madrid 17-18 mai 2002. Sur le site de l’Union européenne : http://ec.europa.eu/world/lac/conc_fr/evarep.htm. 90 CHAPITRE SECOND : LA NECESSITE D’UNE REPONSE EUROPEENNE A DES ENJEUX MULTIPLES L’approche européenne dite « approche globale » combine le politique, l’économique et la coopération, traduisant une quête de réponses à des enjeux multiples. A l’instar d’autres organisations régionales, l’Union européenne cherche autant à renforcer sa stature économique avérée qu’à peser sur la scène internationale. Dans la mise en œuvre de son action extérieure, l’Union se fixe comme objectif, d’établir des partenariats avec des pays tiers ou des organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les mêmes valeurs89. Elle entend également, mener des actions et œuvrer « pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin (...) de promouvoir un système international fondé sur la coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale »90. A bien des égards, ces deux visées, expressément posées dans le Traité sur l’Union européenne révisé, ressortent dans la conduite des relations extérieures avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Il apparaît dès lors que, l’Union européenne est une puissance économique en quête d’influence politique et normative (SECTION I). Par ailleurs, l’étymologie du mot « stratégie », utilisé pour qualifier le partenariat, aiguille sur la piste d’une compétition entre l’Union européenne et des rivaux, intéressés à développer des partenariats avec les pays et les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes. La stratégie se référe directement au vocabulaire militaire (stratos : armée) et (ageîn : conduire) ; elle se définit comme « l’art d’imaginer secrètement un plan d’action pour vaincre un adversaire, en tenant compte de celui qu’il a sans doute conçu » 91 . Or, l’ombre du concurrent nord-américain reste omniprésente derrière les décisions européennes prises concernant l’espace géographique Amérique latine – Caraïbes. On note d’ailleurs, parmi les trente-cinq Etats membres de l’Organisation des Etats Américains (OEA) fondée en 89 Dans le Traité sur l’Union européenne révisé par le Traité de Lisbonne, les valeurs sont posées au Titre I, (articles 2, 3, et 6), ainsi que au Titre V, Chapitre I « dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union », (article 21 §1 alinéa 2). 90 Traité sur l’Union européenne révisé, nouvel article 21 §2 lettre h). 91 LACOSTE (Y.), De la géographie aux paysages : dictionnaire de la géographie, Paris, Armand COLIN, 2003, 413 p., spéc. p. 359. 91 1948 et réformée en 196792, à l’initiative des Etats-Unis, la présence de dix-sept pays latinoaméricains et de seize pays caribéens. Certes, les moyens militaires sont exclus dans le duel que se livrent ces grands pôles de croissance économique. Il n’en reste pas moins que, l’arme commerciale est un mode d’action internationale prisée dans la « stratégie d’influence extérieure » de l’Union européenne93. Ainsi, l’objectif politique d’atteindre un « partenariat stratégique » s’accompagne-t-il de la prolifération de projets de zones de libre échange interrégionales, impliquant des contraintes juridiques. Ces enjeux géostratégiques sont examinés ainsi que leurs implications juridiques (SECTION II). 92 Secrétariat général de l’Organisation des Etats Américains, Charte de l’Organisation des Etats Américains réformée par le protocole de Buenos Aires en 1967, Washington, documents officiels de l’OEA, 1972, 43 p. ; http://www.oas.org/en/member_states/authorities.asp. 93 La notion de « stratégie d’influence » est définie comme « un ensemble cohérent d’efforts et de démarches pour atteindre des objectifs précis », autrement dit « toute démarche par laquelle un acteur, ayant arrêté des objectifs, en organise la réalisation autour de moyens, éventuellement avec des échéances et des évaluations périodiques ». [MOREAU-DEFARGES (P.), « L’influence normative internationale de l’Union européenne – l’Union européenne, empire démocratique? », Paris, Les Notes de l’IFRI, n° 38, 79 p., spéc. pp. 7 et 14]. 92 SECTION I : L’UNION EUROPEENNE, PUISSANCE ECONOMIQUE EN QUÊTE D’INFLUENCE POLITIQUE ET NORMATIVE Malgré la puissance économique et commerciale94 de l’Union européenne, malgré sa politique commerciale commune riche d’un réseau dense d’accords commerciaux avec les Etats-tiers, la mondialisation lui pose plusieurs défis95 qu’elle tente de dépasser par la dynamisation de liens interrégionaux. Elle développe « des partenariats stratégiques avec des Etats ou groupements tiers » et essaie « d’obtenir l’appui de (ses) partenaires extérieurs pour défendre des positions communes au sein des enceintes internationales et renforcer (son) poids dans les négociations qui y sont menées »96. De plus, l’engagement de l’UE en faveur de la libéralisation des échanges, n’empêche pas que l’Union Européenne, oppose un certain nombre de « valeurs » à l’impératif libéral d’ouverture des marchés 97. Il demeure que l’Union Européenne aspire à jouer un rôle de régulateur multilatéral à l’OMC (§1). Simultanément, elle cherche à s’affirmer comme acteur international par la promotion et la projection internationale d’un ensemble de valeurs et principes politiques et démocratiques (§2). En ce sens, l’instauration d’une coopération internationale entre l’Union européenne et les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, lancée sur la base de la déclaration 94 Selon les statistiques du commerce mondial en 2005, l’UE est le premier exportateur et le second plus grand importateur de marchandises. L’Union européenne est la principale source d’investissements directs étrangers dans le monde (125,5 milliards d’euros) et réceptrice d’investissements directs étrangers du monde soit 69,8 milliards d’euros. En 2005, elle se plaçait devant les Etats-Unis pour le commerce de biens (17,5% contre 17,2%) et pour le commerce des services (26% contre 18,4%). Source : Commission européenne, DG Commerce - Press Information Service, « Global Europe : Facts and Figures », Bruxelles, le 4.10.2006 : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/october/tradoc_130366.pdf 95 PETITEVILLE (F.), « Quand l’Europe parle d’une seule voix : l’Union européenne à l’OMC », in HELLY (D.), PETITEVILLE (F.) (dir.), L’Union européenne acteur international, Paris, L’Harmattan, 2005, 270 p., pp. 211-224. Voir aussi discours du commissaire européen Peter MANDELSON, « Globalisation and Europe », Symposium on Globalisation Organised by Ministry of Economic Affairs Den Haag, The Netherlands, 3 september 2007, site http://ec.europa.eu/Commission_barroso/ashton/speeches_articles/sppm165_en.htm. 96 FLAESCH-MOUGIN (C.), « Les relations avec les organisations internationales et la participation à cellesci », in LOUIS (J-V.) et DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’UE - Relations extérieures, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2ème édition, 2005, pp.337-392, spéc. p. 345. 97 MENGOZZI (V.- P.), « Les valeurs de l’intégration européenne face à la globalisation des marchés », Revue du Marché Unique européen, n°1/98, pp. 5-11. 93 conjointe prise à l’issue du premier sommet UE-AL-C à Rio, en 1999, contribue à diffuser des valeurs démocratiques en en renforçant le partage. §1 L’ambition européenne d’un rôle de régulateur multilatéral à l’OMC La Communauté européenne98 fait partie avec les Etats-Unis, le Japon et le Canada – sans omettre l’importance de la Chine, membre de l’OMC depuis 2001 – des membres de l’Organisation Mondiale du Commerce qui possèdent les plus grandes parts du commerce mondial99. La puissance commerciale de la Communauté européenne combinée à son statut de membre à part entière, lui permet de défendre ses positions au sein de l’OMC. Elle entend contribuer à un encadrement normatif du commerce international. Au nombre des moyens, la stratégie commerciale communautaire exposée dans la communication du 4 octobre 2006100 préconise, d’une part, de soutenir l’OMC par la promotion du libre échange maîtrisé et du système de commerce multilatéral dans les relations extérieures (A) et, d’autre part, de négocier une nouvelle génération d’accords commerciaux régionaux et bilatéraux avec des partenaires clés. Il en ressort que la politique commerciale communautaire est utilisée comme un instrument de politique étrangère (B). A) La promotion du multilatéralisme et du libre échange La quête d’une reconfiguration des relations entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes s’inscrit dans une stratégie d’influence normative101 : la relation partena- 98 La Communauté est membre de l’OMC : le Conseil a conclu les accords issus des négociations du cycle d’Uruguay y compris celui instituant l’OMC, « au nom de la Communauté » [JOCE, n° L 336 du 23.12.1994, p. 1.] faisant ainsi de la Communauté européenne un membre à part entière de cette organisation internationale depuis le 1er janvier 1995, aux côtés des Etats membres. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui abolit la distinction CE/UE, il convient de parler de l’Union. Il est prévisible, que les statuts de l’OMC soient adaptés pour tenir compte du changement. BLIN (O.), « La Communauté européenne et l’OMC – droit matériel et institutionnel », Juris-Classeur Europe, fascicule 2260, juillet 2000, 28 p., spéc. p. 17. 99 Voir dossier spécial de la revue Alternatives économiques, « Commerce international : partenariat biaisé ? », Alternatives économiques, n° 256, mars 2007, pp. 100 et ss. 100 Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », COM (2006)567final, du 4.10.2006. 101 La notion de « stratégie d’influence normative» est définie comme « la capacité à influer sur la définition des normes (règles de droit, usages, normes techniques, etc.) à l’échelle internationale dans une multiplicité de domaines ». Cela concerne d’une part, « la capacité de l’Union européenne en tant qu’entité politique et 94 riale recherchée vise à donner aux participants les moyens d’infléchir le droit positif international, dans un sens conforme à leurs valeurs et intérêts, par l’exercice d’une puissance douce (ou soft power)102. Ainsi, les déclarations successives issues des sommets des chefs d’Etat et de Gouvernement définissent les grandes orientations que les partenaires doivent suivre afin de parvenir à ce but103. Parmi les orientations retenues, la problématique du multilatéralisme et celle du libre échange maîtrisé – c'est-à-dire tempéré par la prise en compte de considérations sociales, environnementales, économiques – sont érigées en questions transversales et en priorités dans le cadre des relations interrégionales104. La réalisation de tels objectifs, suppose une convergence des intérêts des partenaires. On peut donc présumer que des enjeux, au moins partiellement semblables, économiques, commerciaux, stratégiques, préoccupent les partenaires latino-américains105 et caribéens. Ainsi, la capacité d’influencer le système, par la création de normes internationales semble un enjeu commun, capable de justifier le partenariat stratégique. Pourtant, dans certains cas, la divergence des positions, au cours des négociations multilatérales, est un facteur qui tend à compliquer les relations interrégionales. Aussi, dans la mesure où le partenariat est interactif, il peut être utile de mettre en exergue les convergences entre l’Union et ses partenaires latinoaméricains et caribéens (1), ainsi que, les divergences d’intérêts (2). 1- La convergence entre partenaires autour de l’opposition à l’unilatéralisme nordaméricain économique à peser et à inscrire sa marque sur les différents théâtres de la vie internationale ». Voir COHEN-TANUGUI (L.), « L’influence normative internationale de l’UE : une ambition entravée », Paris, Notes de l’IFRI, n°40, op. cit, spéc, p. 4. 102 En termes de relations internationales, et selon la conception du politiste M. Joseph NYE, la « Soft Power » s’assimile au pouvoir de persuasion ou (co-option), c’est la capacité d’un acteur international « de structurer une situation de telle sorte que les autres pays fassent des choix ou définissent des intérêts qui s’accordent avec les siens ». Voir NYE ((J.-S.), DELORME (B.) (trad.), Le leadership américain : quand les règles du jeu changent, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1992, 266 p. ; ROCHE (J.-J.), Relations internationales, Paris , LGDJ, 1999, 372 p.., spéc., pp. 111 et 162, pp. 294-295. 103 Voir Supra, Chapitre premier, Section II « Les effets juridico-politiques des déclarations issues des sommets ». 104 Quatrième Sommet UE-AL-C, « Déclaration de Vienne », Vienne, Autriche, mai 2006, point 3. 105 GIORDANO (P.), « L’alliance stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique latine dans le cadre du système commercial multilatéral », Problèmes d’Amérique latine, n° 51, 2004, pp. 113 et ss. 95 La promotion du multilatéralisme réitérée à chacune des déclarations Union européenne-Amérique latine-Caraïbes106 peut s’interpréter comme, une opposition affirmée et partagée, à l’unilatéralisme nord-américain. L’influence régionale des Etats-Unis d’Amérique, est également prégnante au plan international. En effet, le poids prépondérant de ce pays dans la régulation de l’économie mondiale, constitue un frein, à l’influence normative de l’UE dans la sphère régionale107 et internationale. En outre, cette prépondérance incite les pays latinoaméricains et caribéens, à rechercher des échappatoires au leadership américain. Or, l’Europe propose, au moyen de l’instauration d’un partenariat stratégique, une dimension complémentaire aux liens étroits que les pays latino-américains et caribéens entretiennent avec l’Amérique du Nord108. Ainsi, l’engagement politique en faveur du multilatéralisme conduit l’Union européenne et les participants au « partenariat stratégique à « rejeter fermement toutes les mesures présentant un caractère unilatéral et un effet extraterritorial, contraires au droit international et aux règles de libre échange communément admises »109. Ils réprouvent ce type de pratiques représentant une « sérieuse menace pour le multilatéralisme ». L’opposition à l’unilatéralisme des Etats-Unis s’exprime expressément110 par la condamnation des dispositions extraterritoriales de la loi dite HELMS-BURTON111. Cette hostilité envers une loi à caractère commer- 106 Deuxième Sommet UE-AL-C, « Déclaration politique de Madrid 2002 »,Conclusions «Valeurs et positions communes UE-AL-C », Madrid, Espagne, mai 2002, points 1 et 26 ; Troisième Sommet UE-AL-C, « Déclaration de Guadalajara », Guadalajara , Mexique, mai 2004, un titre intitulé « Multilatéralisme » y est consacré ; Quatrième Sommet UE-AL-C, « Déclaration de Vienne », Vienne, Autriche, mai 2006, point 14 relatif au « Renforcement de l’approche multilatérale visant à promouvoir la paix, la stabilité, et le respect du droit international » ; Cinquième Sommet UE-AL-C, « Déclaration de Lima », Lima, Pérou, mai 2008, point 3 al.3. 107 Les Etats-Unis développent leur propre stratégie régionale basée sur la multiplication d’accords de libre échange avec des pays ou groupements régionaux pour pallier l’enlisement du projet de Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA). Cette stratégie est dite de « ZLEA-à-la-carte ». Voir WALSH (E.), « Le Sommet de Mar del Plata a-t-il enterré la ZLEA ? », Chronique du Centre d’études Interaméricaines (CEI), janvier 2006, pp. 1-10, spéc, p. 2. 108 Voir Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, « Un partenariat renforcé entre l’Union européenne et l’Amérique latine », COM (2005)636 final, du 8.12.2005, p. 4 ; Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant « Un partenariat UE-Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », COM (2006)86 du 2.03.2006, et son annexe SEC (2006)268 final, JOUE, n° C 104 du 3.05. 2006, p. 19. 109 Deuxième Sommet UE-AL-C, « Déclaration politique de Madrid 2002 », Madrid, Espagne, mai 2002, Point 26. 110 Quatrième Sommet UE-AL-C, Vienne, Autriche, le 12.05.2006, « Déclaration de Vienne », point 14 ; Document «Valeurs et positions communes UE-AL-C » adopté lors du Sommet de Madrid les 17-18.05.2002, point 47, document précité. 111 LAUREOTE (X.), « A propos de l’illicéité internationale de la loi Helms-Burton », Pouvoirs dans la Caraïbe (PDLC), Revue du CRPLC, n° 11,1999, pp. 105-131. 96 cial, traduit l’enchevêtrement des enjeux politiques et commerciaux masqués derrière la promotion du multilatéralisme. Plus largement, les protagonistes européens, latino-américains et caribéens partagent un positionnement idéologique selon lequel un système multilatéral solide et efficace fondé sur le droit international et soutenu par des institutions internationales fortes, serait garant de paix et de sécurité durables dans le monde. Un des axes de la stratégie d’influence européenne acceptée par les tiers latino-américains et caribéens, concerne la diffusion de normes pour le commerce et la paix ; ces mêmes idées ont prévalu lors de la construction de l’intégration européenne112. Au sein d’une enceinte de négociations internationales telle que l’OMC, les partenaires européens, latino-américains et caribéens, s’opposent à ce que prévale la conception des échanges commerciaux internationaux, fondée sur le libéralisme total. Unis, semble-t-il, par une vision politique convergente – le partenariat stratégique constituant une plate forme idéologique commune – ces partenaires entendent promouvoir un monde multipolaire en opposition à la conception unipolaire des Etats-Unis. Toutefois, cela n’occulte pas les divergences d’intérêts entre eux. Celles-ci sont visibles dans les négociations à l’OMC. 2- Les différences d’intérêts dans les négociations multilatérales sous l’égide de l’OMC L’Union européenne et ses partenaires ont des intérêts différents qui peuvent conduire soit à des complémentarités, soit à des divergences au sein de l’OMC. Ainsi, ils s’accordent à reconnaître le rôle déterminant de l’OMC pour régir les relations commerciales internationales et son importance dans la conduite des négociations destinées à imposer ou à renforcer des disciplines dans un nombre croissant de secteurs. Cette vision commune favorise la recherche de coalitions dans les négociations multilatérales113. 112 MENGOZZI (V.-P.), « Les valeurs de l’intégration européenne face à la globalisation des marchés », op. cit., spéc., p. 5. 113 Par exemple, s’agissant des relations avec l’Amérique latine, la Commission européenne justifiait le rapprochement stratégique en invoquant la nécessité de « mieux faire valoir les points de vue sur lesquels il existe une convergence de vues et d’intérêts au sein des instances internationales et des organismes multilatéraux ». Communication de la Commission sur « un nouveau partenariat UE/Amérique latine » COM (1999)105 final du 9 mars 1999, p. 7. S’agissant des relations avec les pays C pays membres du groupe ACP , l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000 dénommé « accord de partenariat » , comporte un chapitre 3 sur « La coopération dans les enceintes internationales » ; à l’Article 39 §1 dudit chapitre, il est énoncé que : « les parties reconnaissent l’importance de leur participation active à l’ Organisation Mondiale du Commerce ainsi qu’à d’autres orga- 97 En effet, dans le cadre multilatéral, compte tenu du mode de prise de décisions à l’OMC114, la formation de coalitions assez fortes entre membres, permet d’exercer un leadership dans les négociations multilatérales. C’est donc un moyen d’imposer des positions. De surcroît, eu égard à l’inachèvement du cadre réglementaire international, « le droit sui generis constitué par les Accords de l’OMC n’est pas défini une fois pour toutes »115. Autrement dit, certaines interprétations concernant les dispositions des accords sectoriels sur le commerce des services, sur l’agriculture, sur les droits de propriété intellectuelle, doivent être clarifiées dans le cadre de nouvelles négociations. Or, les avancées s’établissent au gré des cycles de négociation successifs. Dans ce contexte, le partenariat initié par l’Union européenne avec les pays et organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes, représente une opportunité pour chaque partie de faire progresser ses vues. Pour les pays en développement d’Amérique latine et des Caraïbes, il y a une occasion supplémentaire de faire entendre leur voix grâce à l’appui d’un membre influent de l’OMC : la CE. Ils sont assurés d’un soutien sur les thèmes qui leur sont chers, entre autres, la révision de toutes les dispositions concernant le Traitement spécial et différencié (TSD)116 en vue de les rendre effectives et opérationnelles, ou l’insertion de mesures adaptées aux petites économies vulnérables (Small Vulnerable Economies ou SVE). Pour l’Union européenne, il s’agit de déployer sa stratégie en vue de réguler le système commercial international. Un des objectifs explicite et récurrent – puisqu’il se retrouve notamment dans le discours politique et dans les accords externes conclus par la CE et ses Etats membres – consiste à coordonner leur position et à créer entre nisations internationales compétentes en devenant membre de ces organisations et en suivant de près leur agenda et activités ». 114 Les décisions sont prises soit par consensus, soit à la majorité des votants dans l’hypothèse où le consensus n’est pas possible. Voir « Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce », Article IX. Sur le site http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/04-wto.pdf 115 WAREGNE (J.-M.), L’Organisation Mondiale du Commerce - règles de fonctionnement et enjeux économiques, Bruxelles, CRISP, 2000, 381p, spéc. p. 8. 116 Dans son acception large, le Traitement Spécial et Différencié désigne l’ensemble des dispositions spécifiquement destinées aux pays en développement dans les Accords de l’OMC, et prévoyant notamment : des périodes plus longues pour la mise en œuvre des accords et des engagements multilatéraux ; des mesures visant à accroître les possibilités commerciales des pays en développement ; d’autres exigeant de tous les membres de l’OMC qu’ils préservent les intérêts commerciaux des pays en développement ; un soutien destiné à aider ces pays à mettre en place l’infrastructure nécessaire pour participer aux travaux de l’OMC, à gérer les différends et à appliquer les normes techniques ; ainsi que des dispositions relatives aux pays les moins avancés (PMA) parmi les membres de l’OMC. Sur le TSD,voir Infra, Deuxième Partie, Titre Second, Chapitre II, sur « Le projet d’une zone de libre échange UE-CARIFORUM confronté au droit de l’OMC » ; M’RINI LOFTI (M.), De la Havane à Doha – Bilan juridique et commercial de l’intégration des pays en développement dans le système commercial multilatéral, Québec, Canada, Presses de l’Université LAVAL, 2005, 517 p. , spéc.,p. 258-268. 98 l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, une coalition pour faire partager leur conception117. Dans la mise en œuvre de sa stratégie multilatérale, la CE devenue l’Union dispose d’un avantage important en ce qui concerne l’affirmation de son identité régionale. En effet, la reconnaissance d’un statut juridique institutionnel à la Communauté européenne au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce, fruit d’une évolution118, est aussi l’une des hypothèses en droit international où une organisation d’intégration économique régionale s’est vu reconnaître un droit d’adhésion à une organisation internationale et un statut distinct de celui des Etats qui la composent119. La Communauté européenne et ses Etats membres s’expriment par la voix de la Commission, qui est leur porte-parole unique. Certes, cette pratique non codifiée, ne jouit d’aucune sécurité juridique, faute d’être formalisée dans un texte juridique120. Mais, le principe de la représentation unitaire est jusqu’à maintenant respecté et la qualité organisationnelle qu’il implique est une plus-value. En revanche, les autres organisations régionales partenaires n’ont pas encore atteint le degré d’intégration suffisant pour exprimer leur position à l’OMC par la voix d’un porteparole unique. En pratique, le leadership de certains pays au sein d’une même organisation 117 Voir Quatrième Sommet UE-AL-C, Vienne, Autriche, le 12.05.2006, « Déclaration de Vienne », point 33 ; ou encore, dans l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000, le Chapitre 3 sur « La coopération dans les enceintes internationales », en son article 39 §1 énonce que : « les parties reconnaissent l’importance de leur participation active à l’Organisation Mondiale du Commerce ainsi qu’à d’autres organisations compétentes, en devenant membre de ces organisations et en suivant de près leur agenda et activités ». 118 Les Communautés n’exitaient pas en 1947, au moment de la création du GATT. En conséquence, la Communauté n’était pas membre de droit du GATT de 1947 et n’était pas partie à l’accord créant cette organisation. Sur l’évolution des rapports : voir BLIN (O.), La Communauté, le GATT et l’OMC : contribution à l’étude des rapports institutionnels entre la Communauté et les organisations internationales, Thèse de doctorat en droit, Université Toulouse I, 1997, 556 p. Par la suite, s’agissant des accords antérieurs liant les Etats membres et portant sur des questions douanières, la CJCE a considéré que la Communauté européenne est liée par les obligations antérieures des Etats membres pour les conventions douanières notamment le GATT, à l’exclusion des autres accords, voir CJCE, arrêt du 12.12. 1972, International Fruit Company, aff. C-21/72, Rec., p. 121 9. Pour une analyse de cette solution jurisprudentielle, voir RIDEAU (J.) Droit institutionnel de l’UE et des Communautés européennes, Paris, LGDJ, 2006, 1281 p., spéc., pp. 211 et ss ; RIDEAU (J.), « La participation de l’Union européenne aux organisations internationales », in SFDI, Droit international et Droit communautaire : perspectives actuelles, Actes du colloque de Bordeaux des 30 septembre-2 octobre 1999, Paris, Pedone, 2000, 448 p, spéc, p. 321 et pp. 358-360. 119 Voir, les conditions d’adhésion de l’art XI §1 de l’ « Accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce ». L’art XI § 1 offre aux Communautés européennes, la possibilité de devenir membres originels sous réserve, d’accepter les accords et engagements du GATT de 1947 et les résultats de l’Uruguay Round comme un tout indissociable : c’est le principe de l’engagement unique. 120 A propos de l’échec du « code de conduite sur la répartition des compétences entre la Commission et les Etats membres » au sein de l’OMC, voir FLAESCH-MOUGIN (C.), « Les relations avec les organisations internationales et la participation à celles-ci », in LOUIS (J-V.) et DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’UE - Relations extérieures, op. cit., spéc.,pp. 382-384. 99 régionale peut donner l’impression d’une position unifiée, comme l’illustre, la domination du Brésil dans le MERCOSUR. En réalité, ce pays poursuit ses propres objectifs de politique étrangère, au niveau multilatéral et régional. Néanmoins, une organisation régionale d’intégration économique comme la CARICOM réussit à coordonner les positions de ses Etats membres et à exprimer une position unifiée grâce à son « Mécanisme régional de négociations commerciales » (Caribbean Regional Negotiating Machinery ou CRNM)121. Traditionnellement, les pays membres de l’OMC, pour défendre leurs positions, forment divers groupes informels de négociation qui reflètent une convergence d’intérêts commerciaux plutôt qu’une identité régionale122. Il s’agit par exemple du G6 regroupant les EtatsUnis, l’Union européenne, le Brésil, l’Inde, l’Australie, et le Japon, ou encore le G20 dirigé par le Brésil, assisté de la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud et qui comprend en fait dix-neuf PED, le G33123, le G90124, les pays du groupe de Cairns125, ou les « amis des négociations de l’antidumping »126. Par conséquent, la CE dispose d’une situation a priori favorable pour défendre ses positions, voire contribuer à l’adoption d’actes plus conformes à sa conception politique d’un libre échange maîtrisé127, prenant en compte les intérêts des pays en développement dans le cadre de règles commerciales multilatérales128. Le but affiché est d’équilibrer par la régulation 121 Le CRNM a été créé en avril 1997 pour défendre les intérêts commerciaux des pays de la CARICOM, ainsi que de Cuba. Il est renommé le Bureau des Négociations Commerciales (Office of Trade Negotiations (OTN) de son sigle en langue anglaise), à la suite d’une décision de l’organe exécutif de la CARICOM, le 13 décembre 2009, à Belize. Juridiquement, il devient un département spécialisé du Secrétariat de la CARICOM. Voir site officiel : http://www.crnm.org/ 122 FLAESCH-MOUGIN (C.), « Les relations avec les organisations internationales et la participation à cellesci », in LOUIS (J-V.) et DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’UE - Relations extérieures, op. cit., spéc.,p. 42. 123 Groupe informel à l’OMC réunissant en réalité, quarante deux pays en développement importateurs de produits agroalimentaires. 124 Groupe de négociations à l’OMC regroupe les 79 pays du Groupe ACP, les 49 pays les moins avancés (PMA) – pour la plupart ACP – et les pays de l’Union africaine. 125 Groupe de Cairns a été créé en 1986 à l’initiative de l’Australie, afin de poursuivre des objectifs communs en matière de commerce des produits agricoles dans le cadre du cycle d’Uruguay il regroupe des pays exportateurs de produits agricoles : Afrique du sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Fidji, Indonésie, Malaisie, Nouvelle Zélande, Paraguay, Philippines, Thaïlande, Uruguay. 126 Groupe informel qui fait des propositions visant à renforcer les disciplines régissant la conduite des enquêtes antidumping afin de remédier à l’application jugée parfois abusive par les puissances commerciales du Nord notamment la Communauté. Ce groupe réunit le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, Hong Kong, la Chine, Israël, le Japon, le Mexique, la Norvège, la République de Corée, Singapour, la Suisse, le Taïwan, la Thaïlande et la Turquie. 127 BARRAU (A), Des alliances pour une mondialisation maîtrisée, Rapport d’information de l’Assemblée nationale française, n° 3211, 2001, 114 p. 128 LAFFINEUR (M), La conférence de Cancún : un échec salutaire pour l’OMC ? Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 1210, nov. 2003, p. 19. Le rapport mentionne : « Certes l’OMC reconnaît déjà des 100 le fonctionnement des marchés, tout en évitant les risques du protectionnisme et en encourageant l’équité de l’ordre juridique commercial multilatéral. Cette approche est considérée comme le socle politique distinctif de la stratégie commerciale multilatérale de l’Union européenne. Par ailleurs, la Communauté européenne est un partenaire influent à l’OMC, que les pays comme le Brésil, le Chili, le Mexique, ou parmi les pays caribéens, Trinidad-et-Tobago, la Jamaïque, entendent utiliser. En effet, bien que le rôle de la CE consiste avant tout et essentiellement à défendre les intérêts européens, la participation de l’ensemble des chefs d’Etats membres de l’UE, aux sommets UE-AL-C, joints à l’engagement de la CE en faveur de l’Agenda de Doha pour le développement en 2001129, augurent de perspectives de collaborations, lors des négociations multilatérales. Toutefois, simultanément solidaires et concurrents, les partenaires ont des positions divergentes sur nombres de questions cruciales dans le cadre des négociations multilatérales. En pratique, seul le concept de coopération Nord-Sud face à la mondialisation des marchés130, rencontre réellement l’adhésion sans réserve, des participants à l’objectif du « partenariat stratégique ». Au contraire, des concepts européens censés contribuer à la régulation non marchande de la mondialisation économique et commerciale, se heurtent à l’opposition franche des pays en développement. Il en est ainsi de l’agriculture multifonctionnelle131, du principe de précaution en matière d’environnement et de sécurité alimentaire, de l’exception culturelle dans le commerce mondial de l’audiovisuel ou encore de l’insertion des normes sociales dans les pratiques du commerce international. Craignant par exemple, l’éco-protectionnisme et les obstacles non tarifaires à l’introduction de leurs exportations dans le marché européen, ils rejettent la multifonctionnalité, malgré un engagement de principe dans les déclarations issues des sommets UE-AL-C sur le développement durable. Cette opposition est d’autant plus viru- différences entre les pays développés et ceux en développement, et distingue parmi ces derniers les pays les moins avancés. Mais ces distinctions doivent être affinées, de même que doit être définitivement reconnu le fait que les pays en développement possèdent une responsabilité commune mais différenciée dans la mise en œuvre des obligations multilatérales ». 129 Conférence ministérielle, 4ème session, Déclaration ministérielle de Doha, les 9 et 14.11.2001, Document OMC WT/MIN(01) DEC/W/1. 130 Cette solidarité Nord-Sud s’exprime au niveau multilatéral notamment par le soutien déjà mentionné, de la CE et de ses Etats membres, au « traitement spécial et différencié » des pays en développement ; par l’action de la Commission européenne et des Etats membres de l’UE, en faveur du lancement du cycle de négociations de Doha en 2001; par la défense de l’accès des pays en développement aux médicaments génériques ; par l’adoption au sein de la CE/UE en 2001, d’une initiative « Tous sauf les armes », entérinée à l’OMC, et qui prévoit la suppression des tarifs et quotas pour toutes les exportations, sauf celles des armes, des quelques 50 « pays le moins avancés » sur le marché communautaire. Dans l’aire américaine, en tant que PMA, Haïti bénéficie de cette initiative. 131 La multifonctionnalité signifie que l’Union européenne tente de promouvoir les aspects non commerciaux de l’activité agricole, comme la défense de l’environnement, le bien être des animaux, la qualité des produits. 101 lente, que certains pays en développement d’Amérique latine, comme le Brésil et l’Argentine (membres du groupe de Cairns), mais également les pays membres de la CARICOM, participent à des groupements d’intérêts comme le G20 ou le G33, et ont manifesté leur poids dans les négociations commerciales internationales132, prouvant ainsi leur capacité autonome à développer une stratégie commerciale multilatérale. Des pays qui jouent un rôle de leaders régionaux, comme le Brésil, n’hésitent pas à mettre en cause la CE devant l’Organe de Règlement des différends133. En dépit des difficultés que rencontre la CE/UE au plan multilatéral, sa politique commerciale commune demeure son meilleur atout : parallèlement à sa stratégie multilatérale, la CE développe une stratégie contractuelle, visant à multiplier les accords régionaux. Ces derniers, issus de négociation au cas par cas, insèrent la plupart des domaines pour lesquels, il n’existe pas de consensus au niveau multilatéral. Les accords interrégionaux, outre qu’ils comportent une dimension commerciale, constituent dès lors, surtout des palliatifs aux blocages des négociations multilatérales. B) L’utilisation de la politique commerciale commune comme instrument de politique étrangère Parmi les diverses composantes de l’action extérieure de l’Union, la politique commerciale commune, semble un moyen privilégié d’influence extérieure. Ceci peut s’expliquer par deux facteurs. Premièrement, sur le plan économique et commercial, le poids de l’Union européenne (en tant qu’organisation d’intégration économique) lui confère un avantage de négociations avec les pays tiers intéressés (1), entre autres, par l’opportunité de pénétrer le marché intérieur. Deuxièmement, sur le plan juridique, la politique commerciale commune (PCC), établie dès l’origine par le Traité de Rome, dispose d’un ensemble d’instruments que la CE a, en principe, la compétence exclusive d’utiliser aux fins notamment de mener une action internationale. La multiplication des accords commerciaux régionaux s’inscrit dans cette pratique. Et, l’utilisation de cette politique se révèle donc apte à servir les intérêts commerciaux et politico-économiques de l’Union, jusqu’à un certain point. En effet, l’ambition n’est 132 En faisant par exemple des propositions au Comité de l’Agriculture. Voir RNM – UPDATE, « CARICOM Presents Agriculture Proposals to WTO », February 13, 2001. Egalement le texte de la proposition de la CARICOM du 15.01.2001 : document G/AG/NG/W/100. Sur le site de l’OMC http://www.wto.org/english/ 133 Par exemple, le Brésil a déposé une plainte contre le règlement communautaire du sucre. Voir LEFORT (J.C.), L’OMC a-t-elle perdu le Sud ? Pour une économie internationale équitable assurant le développement des pays pauvres, Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 2750, 2000, 299 p, spéc. p. 50. 102 pas seulement de favoriser le commerce, mais de manière plus large, de maîtriser la mondialisation économique134 et de promouvoir le développement et l’insertion effectifs135 des pays en développement dans l’économie mondiale. Par conséquent la politique commerciale ne suffit pas à elle seule ; elle est complétée par le recours à d’autres politiques telle la politique en matière de développement (ex-article 177 du TCE, devenu article 208 TFUE) ; ou encore la coopération économique, financière et technique (ancien art.181 A du Traité CE devenu article 212 TFUE). Cependant, l’usage de la politique commerciale commune comme moyen de politique étrangère comporte des limites juridiques dans l’ordre communautaire. De manière générale, l’adaptation des instruments de politique commerciale à l’ambition de maîtriser la mondialisation n’est que relative (2). 1- Une puissance commerciale conférant un avantage de négociations Compte tenu de l’écart de développement entre l’Union et ces partenaires, lors des négociations visant à la conclusion d’accords commerciaux, elle est souvent en position de force pour monnayer les avantages commerciaux qu’elle concède à l’autre partie. En échange, l’Union escompte des contreparties qui peuvent être de nature aussi bien politique que purement commerciale. Ainsi, elle recherche pour ses opérateurs économiques, l’ouverture réciproque des marchés extérieurs, selon un calendrier asymétrique de libéralisation, pour tenir compte de la vulnérabilité des cocontractants. On peut y voir une contrepartie commerciale. En effet, l’Union européenne, en dépit de l’affirmation réitérée du peu d’importance des marchés latino-américains136 et caribéens137 pour elle, tient à les conserver comme gage de sa 134 Communication de la Commission européenne sur « Les valeurs européennes à l’ère de la mondialisation » COM (2005)525 final du 20.10.2005. Voir aussi Communication de la Commission européenne, « L’intérêt européen à réussir le défi de la mondialisation » COM (2007)581 final du 3.10.2007. 135 TAXIL (B), L’OMC et les pays en développement, Paris, Montchrestien, 179 p., spéc., pp. 33-34. L’auteur note que « si l’objectif d’intégration égalitaire des pays en développement est clair, les modalités de leur intégration juridique dans le système est mal définie ». « Le discours politique des déclarations finales de Marrakech invoque souvent la prise en compte des pays en développement. Ce sont pour l’essentiel des déclarations de principe ».Dans le même sens, voir FLORY (Th.), « Le nouveau système commercial mondial : quelques remarques », Journal de Droit International, 1995-2, pp. 877-891. 136 Sur le site de la Commission européenne (DG-Trade), on peut lire : « Si l’Union européenne est un partenaire essentiel pour le Mercosur » à l’inverse « le Mercosur n’est pas un partenaire commercial essentiel pour l’Union européenne ». De même, le document de stratégie régionale (2007-2013), p. 5, procédant à l’évaluation de la situation économique et commerciale en Amérique centrale rappelle que « la part que représente l’Amérique centrale dans le total des importations et des exportations de l’UE est relativement limitée (proche de 0,3% en 2005) ». En outre, les échanges entre l’Amérique centrale et l’UE sont fortement concentrés sur certains pays tels le Costa Rica et le Panama. 137 La région Caraïbes représentait en 2002, 19% des exportations et 16% des importations européennes. Site : http//ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/regions/acp/acp_caraib_memo_fr.htm. [Consulté en février 2005] 103 compétitivité internationale. L’ouverture extérieure est, en premier lieu, un enjeu de puissance économique et commerciale pour l’Union européenne qui doit maintenir sa position. Elle se doit d’élargir l’accès des entreprises des pays membres, aux marchés extra-européens et mondiaux138. Officiellement, elle est le deuxième partenaire commercial de l’Amérique centrale, de la Communauté andine et du Mexique, tout en étant, le premier partenaire du MERCOSUR, et du Chili. Maintenir la position économique et commerciale européenne dans la zone géographique de l’Amérique latine et des Caraïbes est tout à la fois un enjeu commercial et géopolitique139. En termes de contrepartie, l’Union propose une coopération dans les enceintes multilatérales pour maîtriser la mondialisation140, cela peut s’analyser comme une compensation politique, bien que, dans la plupart des cas, la collaboration soit au bénéfice des deux parties, comme sus évoqué. Au cours des négociations avec les tiers, l’avantage de négociations de l’Union européenne découle également de son aptitude à prendre en compte les stratégies et logiques économiques qui sous tendent la volonté de contracter des Etats tiers rassemblés au sein d’organisations régionales. En l’espèce, les partenaires ont une pluralité d’intérêts économiques et commerciaux qui les poussent à obtenir ou à conserver un accès privilégié au marché intérieur. Tout d’abord, on peut relever une forte attractivité de ce marché européen. Certes, la majorité des exportations des organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes se fait encore en direction du marché nord- américain141. Mais, cela n’exclut pas la quête de débouchés en dehors de l’hémisphère. En réalité, l’ambition des tiers de pénétrer le marché européen, peut se heurter aux mesures tarifaires ou non tarifaires, aux règles de droit communautaire (politique commerciale commune) visant à protéger le marché intérieur. Le 138 Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », COM (2006)567final, du 4.10.2006. Voir aussi publication de la Commission européenne, « Maîtriser la mondialisation, l’Union européenne et le commerce mondial », Luxembourg, OPOCE, 2003, spéc., p. 13, 22 p. 139 Commission européenne-DG relations extérieures, « L’Union européenne, l’Amérique latine et la Caraïbe : une association stratégique », Luxembourg, OPOCE, 2004, 62 p. 140 Conclusions de la présidence au Conseil de Laeken des 14 et 15 décembre 2001 - Annexe I Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union européenne, Bulletin de l’Union européenne 12.01, p. 21. Voir aussi Publication de la Commission européenne, « Maîtriser la mondialisation : L’Union européenne et le commerce mondial », Luxembourg, Office des Publications Officielles des Communautés européenne, 2003, 22 p., spéc. p. 3 : « Jouant un rôle majeur dans les négociations commerciales internationales, elle [L’Union européenne] s’efforce de maîtriser la mondialisation par la mise en place d’un système de commerce équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». 141 Ainsi, les Etats-Unis demeurent les principaux partenaires commerciaux de l’Amérique centrale (45,1% du total des importations et des exportations en 2005), contre (8,9% en 2005) pour l’Union européenne. De même, dans la région des Caraïbes, l’UE n’est que le deuxième partenaire commercial après les Etats-Unis. Pour plus de détails, voir les estimations commerciales par région de la Commission européenne DGCommerce, sur le site http://ec.europa.eu/trade/bilateral/regions 104 problème juridique sous-jacent renvoie alors au lien de compatibilité entre le droit communautaire et le droit du commerce international car l’engagement de l’Union européenne en faveur du maintien de l’ouverture de son marché, entre peu ou prou en conflit avec ses priorités internes. Par exemple, la protection de sa Politique Agricole Commune (PAC) demeure une préoccupation en contradiction avec l’ouverture des marchés, bien qu’elle ait opéré d’importantes réformes en vue d’adapter la PAC142. L’accusation de protectionnisme à l’encontre de l’Union européenne peut résulter en fait, d’un problème d’insuffisance de complémentarité économique143. Dans la pratique, la négociation visant l’ouverture du marché communautaire aux exportations des pays partenaires peut s’accompagner de vives tensions avec ceux-ci, lorsque les produits que l’Union européenne classe parmi ceux à protéger, sont ceux sur lesquels, les partenaires ont un avantage comparatif important : c’est le cas par exemple, des bananes144. Pour ce produit, la concurrence s’exerce à trois niveaux. Schématiquement, l’Union cherche à protéger les productions de bananes communautaires issues notamment des Régions Ultrapériphériques (RUP).Celles-ci pâtissent de la concurrence des productions ACP, lesquelles tentent de se maintenir face à l’entrée sur le marché européen des bananes-dollar produites en Amérique latine sous l’égide des firmes américaines. Des problèmes d’absence de complémentarité économique et d’asymétrie commerciale peuvent aussi se poser. L’exemple des négociations entre l’UE et le MERCOSUR est édifiant. Le problème de la concurrence directe entre les produits du MERCOSUR et de l’Union est au cœur des difficultés de la négociation145. Outre celui des produits agricoles (viandes, produits laitiers et céréales), les partenaires sont rivaux dans les domaines des textiles, des chaussures et de 142 Il s’agissait pour la CE et ses Etats membres de tenir compte des engagements multilatéraux. En effet, aux termes de l’Article 20 de l’Accord multilatéral sur l’agriculture de 1995, les membres de l’Organisation Mondiale du Commerce reconnaissent que « l’objectif à long terme de réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection [de l’agriculture] qui aboutiraient à une réforme fondamentale est un processus continu» ; De plus, le programme de travail fixé dans la déclaration de Doha du 14 novembre 2001 précisait que les négociations porteraient sur les trois volets de la libéralisation des échanges agricoles consacrés à Marrakech, c’est à dire l’accès au marché, les subventions à l’exportation et le soutien interne. Tous les membres de l’Organisation Mondiale du Commerce – dont la Communauté européenne – ont pris l’engagement de définir des obligations dans ces domaines. 143 SUKUP (V.), « Union européenne - Amérique latine : à la recherche d’un nouveau partenariat », Problèmes économiques, n° 2635 du 13.10.1999, p. 3-8. 144 Sur le conflit des bananes et le risque d’exacerbation de la concurrence entre pays latino-américains et caribéens, voir Infra Titre Second, Chapitre 2, Section I, §2, B). 145 Groupe de suivi des négociations Union européenne – Mercosur, Chaire Mercosur de sciences Po., « Annual report 2002- 2003 », Sciences Po., Paris 25 septembre 2003 site http://chairemercosur.sciences-po.fr/ 105 l’acier. La conjoncture aboutit à l’impasse des négociations146 malgré des tentatives de relance. Fort heureusement, les intérêts des tiers ne se limitent pas à la pénétration du marché intérieur. L’opportunité d’une coopération commerciale avec la Communauté européenne est intéressante pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui tentent d’éviter la marginalisation de leurs économies et de leurs organisations régionales d’intégration économique. Ils développent, en effet, des stratégies de coopération interrégionale. Celles-ci s’expriment par la recherche de collaborations extra-régionales – par exemple avec l’Union européenne – pour renforcer leurs processus respectifs d’intégration, et éviter la marginalisation147, dans un contexte de polarisation de l’économie autour de trois grands axes puissants que sont l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Asie. Ils souhaitent également attirer des investissements directs étrangers148. Les investissements étrangers désignent au sens large « tout bien matériel ou immatériel, mobilier ou immobilier, toute créance, détenue par une personne physique ou morale et se trouvant sur le territoire d’un Etat étranger »149. Selon le droit international positif, l’Investissement Direct Etranger (IDE) décrit « une (des) opération(s) qui peut être réalisée dans tous les domaines de l’activité économique par des techniques contractuelles très diverses ; il [l’investissement étranger] est caractérisé par le fait qu’une personne physique ou morale étrangère est rémunérée d’un apport matériel ou immatériel, durable, réalisé à l’étranger, dans une proportion importante, en fonction des résultats du projet d’investissement »150. Pour sa part, l’UE deuxième investisseur mondial, compte tenu du fait que les investissements directs étrangers constituent un mode d’accès aux marchés étrangers, en plein essor dans le commerce mondial, n’entend pas négliger cet aspect des échanges avec les tiers. Pour faciliter l’action internationale, le Traité de Lisbonne étend d’ailleurs le champ d’application de la politique commerciale commune exclusive, en intégrant les investissements étrangers directs151. A moyen terme, les traités bilatéraux d’investissement existants entre les Etats membres de l’Union et les pays tiers resteront valides. Mais, progressivement, il est probable que l’Union cherche à 146 Bulletin Quotidien Europe, n° 8931 du 1.02.2003 p. 10 ; Bulletin Quotidien Europe du 1.10. 2004 p. 16. 147 Pour l’exemple de la CARICOM, voir, DEMAS (W.-G.), West Indian Development and the Deepening and Widening of the Caribbean Community, Kingston, Jamaica, Ian Randle Publishers and Institute of Social and Economic Research (ISER), 1997, 144 p., spéc., pp. 9-10. 148 BLIN (O.), « L’apport de la Constitution européenne à la politique commerciale de l’Union », RMCUE, n° 485, février 2005, pp. 89-100, spéc, pp. 91 et 93. 149 TOUSCOZ (J.), Droit international, Paris, PUF, 1993, spéc., pp. 337-338, 420 p. 150 Ibidem. 151 Nouvel article 207 §1 TFUE. 106 développer pour les futures négociations commerciales avec des pays ou organisations internationales, un modèle d’accord d’investissement. Ensuite, sur le plan interrégional, le poids commercial européen rend attractive la libéralisation des échanges avec l’Union européenne, à travers la création de zones de libre échange, particulièrement, pour les partenaires comme le MERCOSUR qui, composé de plusieurs pays émergents tels que le Brésil, l’Argentine, le Chili membre associé, y compris le Venezuela, pourraient se voir progressivement exclus du bénéfice du système de préférences généralisées152, en application des mesures de graduation des préférences, dès lors que leurs productions sont concurrentielles sur le marché intérieur européen. Enfin, la diversité des instruments commerciaux de la politique commerciale commune représente aussi un atout de négociations. La Communauté a d’ailleurs souvent utilisé, avec efficacité, des dispositifs de politique commerciale pour mener une action internationale153. Ainsi, les principaux instruments juridiques de cette politique sont, soit de nature autonome – comme les règles antidumping ou le système de préférences généralisées qui permet un accès en franchise de droits de douane ou un accès préférentiel à taux réduit à la plupart des importations en provenance des pays en voie de développement – soit de nature conventionnelle, tels les accords à contenu commercial, passés avec un ou plusieurs Etats d’Amérique latine dans les années 1970-1980154. Globalement, la plupart de ces accords ne sont pas détachables des objectifs de politique internationale de l’Union. Toutefois ils demeurent avant tout de nature économique. Dès lors, on atteint les limites de la politique commerciale commune qui ne suffit pas à elle seule, à couvrir l’ampleur des ambitions internationales de l’Union européenne. 152 Dans une proposition de réforme du SPG qui devrait voir le jour le 1er janvier 2014, les pays susmentionnés pourraient ne plus bénéficier du SPG, sous réserve que le Parlement européen et le Conseil de l’Union adoptent cette proposition de règlement : Voir, Commission européenne, « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées », COM (2011)241 final du 10.05.2011, Annexe 2. Aussi, en quelque sorte, l’affirmation de Mme D. VENTURA dans sa thèse de doctorat anticipait ce changement : « Pour avoir atteint un certain niveau de développement, l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique et l’Uruguay ont été exclus, depuis 1999, [sic] du SPG, l’Europe considérant que ces pays n’ont plus besoin de lui pour assurer des niveaux d’exportations satisfaisants ». [VENTURA (D.), Les asymétries entre le Mercosur et l’UE : les enjeux d’une association interrégionale, op. cit, spéc., p. 286]. 153 Par ailleurs, le bénéfice du régime spécial « SPG drogue » créé unilatéralement par la CEE en 1990 pour permettre aux pays andins et centre-américains un accès préférentiel au marché communautaire s’accompagnait outre, du contrôle périodique des efforts de lutte contre la drogue, au titre de la coopération internationale contre le trafic de stupéfiants, d’une série de conditions relatives à l’application de normes environnementales et de normes internationales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Ce régime spécial a laissé place à un nouveau régime intitulé « SPG plus », mais la conditionnalité y a été renforcée. Voir Infra Titre Second, Chapitre II, Section I « La réforme du “régime spécial anti-drogue” et son impact sur la CAN et le SICA ». 154 Par exemple, l’Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 102 du 11.04.1974, p. 23. 107 2- Des instruments de politique commerciale relativement adaptés à l’ambition européenne L’efficacité de l’utilisation de la politique commerciale commune comporte plusieurs limites, plus ou moins corrigées par l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009. En premier lieu, avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la base juridique de la politique commerciale commune était l’ancien article 133 TCE, dans sa rédaction issue du Traité de Nice. Cet article énonçait aussi bien les règles de fond que les règles de procédure qui régissent la politique commerciale commune. Les procédures applicables pour la mise en œuvre de cette dernière, variaient selon la nature de l’acte (unilatéral ou conventionnel). Mais, de manière constante, aucune de ces dernières ne requéraient l’intervention du Parlement européen. La conséquence, concernant la procédure de négociation et de conclusion des accords commerciaux, est que, ceux-ci souffraient d’un déficit démocratique au plan intracommunautaire et international. Pourtant, dès le 15 octobre 1973, et compte tenu des revendications du Parlement européen, une pratique informelle dite « procédure Luns II ou Westerterp »155 a permis que le Parlement soit informé du déroulement de toute négociation et conclusion d’accords commerciaux dans le cadre de l’ancien article 113 du TCEE. Mais, il s’agissait en l’occurrence d’une pratique extra legem à l’effet juridique limité156. Le Traité de Lisbonne, en son article 207 §3 TFUE, dernière phrase, officialise cette pratique, à la nuance près, qu’il impose d’informer le PE, ce qui auparavant restait facultatif. Ainsi, les règles applicables pour conclure des accords commerciaux internationaux, dans la rédaction issue du Traité de Lisbonne, font intervenir le Parlement européen au stade de la négociation : il est destinataire de rapports réguliers de la Commission sur l’état d’avancement des négociations commerciales157. De plus, préalablement à toute décision de conclusion par le Conseil, tous les accords commerciaux sont soumis à la consultation du Parlement européen158. Cette disposition met fin à l’exception de l’ancien article 300 §3 du TCE, qui dispensait le Conseil, de consulter le Parlement européen, « pour les accords visés à l’article 133, paragraphe 3 ». De surcroît, le Parlement européen conserve la possibilité de saisir la Cour de justice sur la com155 BARAV (A.) (dir.), PHILIP (C.), BOUTAYEB (C.), Dictionnaire juridique des Communautés européennes, Paris, PUF, 1993, 1180 p., spéc, p. 771. 156 LOUIS (J-V.), DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’UE - Relations extérieures, op. cit., spéc., pp. 98100. 157 Nouvel article 207 §3 du TFUE. 158 Nouvel article 218 §6, lettre a), v du TFUE. 108 patibilité de tout accord envisagé (y compris commercial) avec les traités, conformément à l’ancien article 300 §6 du TCE devenu l’article 218 §11 du TFUE. En second lieu, la politique commerciale commune est, en principe, de la compétence exclusive de la Communauté européenne, ce qui lui permet « d’exercer la plénitude de ses compétences, sans passer par la “ médiation ” des Etats »159 . Pourtant, ceci n’empêchait pas, dans la situation antérieure à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’existence d’exceptions et de tempéraments. Concernant les marchandises, la reconnaissance de la compétence exclusive de la CE a assez vite été admise et la jurisprudence a défini les biens constituant des marchandises160. Il est vrai que l’activité de la Commission européenne en matière de politique commerciale a toujours été fortement encadrée par les Etats membres : la marge de manœuvre de la Commission face aux Etats membres de l’UE, est en réalité assez étroite, en raison du contrôle quasi-permanent du comité spécial désigné par le Conseil161, et de la présence dudit Conseil qui siège sur place, lors des conférences ministérielles de l’OMC et qui reçoit du commissaire au commerce, un compte-rendu journalier de l’évolution des négociations. A cela, il faut ajouter, le rôle important des gouvernements des Etats membres, en amont et en aval des négociations, du fait de leur participation au Conseil. Compte tenu de l’évolution du commerce international, le problème le plus épineux a porté sur l’extension de la compétence exclusive de la CE, notamment aux services162 : la compétence restait partagée entre la CE et les Etats membres, pour la conclusion d’accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d’éducation, sociaux et de santé humaine163. Cette situation a révélé toute sa complexité s’agissant de l’articulation des compétences entre la CE et les Etats membres, dans les domaines d’activité de l’OMC qui touchent aux hypothèses de compétence partagée de l’ancien article 133 §6 alinéa 2. A cet égard, le Traité de Lisbonne contribue substantiellement à l’efficacité de la politique commerciale commune en vue d’éventuelles négociations commerciales internationales, qu’elles soient multilatérales ou interrégionales. En effet, l’article 207 du TFUE étend la compétence exclusive de l’Union à la totalité des accords commerciaux. Cependant, il ap159 FLAESCH MOUGIN (C.), « Les relations avec les organisations internationales et la participation à cellesci », in LOUIS (J-V.), DONY (M.) (dir.), Le droit de la CE et de l’UE - Relations extérieures, op. cit., spéc. p. 342. 160 CJCE, du 10.12.1968, Commission c/Italie, aff.7/68, Rec., p. 617. 161 Anciennement dénommé « comité 113 » en référence à l’article 113 CEE, puis « comité 133 », en référence à la procédure de l’ex-article 133 du TCE. 162 Sur l’évolution jurisprudentielle, et l’apport du Traité de Nice, voir NEFRAMI (E.) « La politique commerciale commune selon le traité de Nice », CDE, 2001, pp. 605 et ss. 163 Voir ancien article 133 §6 alinéa 2 du Traité CE. 109 paraît que les rédacteurs du Traité de Lisbonne ont cherché à réaliser un compromis concernant le domaine du commerce des services visés par l’ex-article 133 §6 alinéa 2. Pour les conclure, le Conseil vote à l’unanimité, lorsque de tels accords sont susceptibles de porter atteinte à la diversité culturelle de l’Union ou de perturber l’organisation des services sociaux d’éducation ou de santé. En maintenant l’unanimité – et donc la mainmise des représentants des gouvernements réunis au sein du Conseil – les rédacteurs ont probablement voulu rassurer les Etats membres de l’Union, quant au risque d’une éventuelle libéralisation de ces services à l’OMC. Mais il est certain que, au plan interne, de futures controverses et différends juridiques apparaîtront, en raison de l’imprécision de la notion de « diversité culturelle »164. En troisième lieu, si, en pratique, la Communauté européenne dispose de divers instruments de la politique commerciale commune165 pour mener une action internationale, elle use beaucoup de sa capacité à conclure des accords régionaux, notamment dans ses relations extérieures avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Ces instruments conventionnels relèvent en partie du champ de la politique commerciale commune. Dans leur dimension commerciale, ils semblent destinés à compléter les négociations multilatérales à l’OMC. En effet, l’Union entend mener une politique commerciale simultanément au niveau multilatéral ainsi qu’au niveau bilatéral et régional166. Ces différents niveaux sont complémentaires167. Sans entrer pour l’instant dans le détail du contenu des accords, on peut relever que ceux conclus à partir de l’année 2000 dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes concernent des domaines qui vont au-delà des prescriptions de l’OMC168. Par ailleurs, il faut noter que les accords que l’Union conclut avec ses partenaires vont au delà des échanges commerciaux. Ils englobent notamment l’assistance financière et technique, l’appui aux réformes économiques, la coopération en matière d’éducation, de santé, de développement des infrastructures, la coopération 164 Les termes de « diversité culturelle et linguistique de l’Union » ne sont définis, ni dans l’article 3 du TUE révisé qui les garantit, ni dans la Charte des droits fondamentaux (article 22). 165 La CJCE a signalé que la liste d’instruments que comportait l’ex-article 113 TCEE (devenu ultérieurement l’article 133 TCE), n’était pas limitative : tout autre procédé destiné à régler les échanges extérieurs est recevable et, par conséquent, une multitude de mesures peuvent entrer dans le champ de l’article 133, au-delà de celles explicitement énumérées dans cette disposition. Voir CJCE, Avis 1/78 du 4.10.1979, Rec., p. 2871, point 45 ; CJCE, République Hellénique c/ Conseil, du 29.03.1990, aff. C-62/88, Rec., p. I-1527. 166 Commission européenne, « Maîtriser la mondialisation, l’Union européenne et le commerce mondial », Luxembourg, OPOCE, 2003, 22 p., spéc, pp. 7-10. 167 Monsieur le professeur Olivier CATTANEO affirme : « En fait, les deux niveaux, bilatéral et multilatéral, ne sont pas exclusifs, car la diffusion bilatérale ou régionale des règles précède souvent leur diffusion globale. Il s’agit de créer des liens de solidarité en vue des négociations multilatérales, et de renforcer la légitimité et la vocation globale de ces règles. En sens inverse, les accords bilatéraux ou régionaux permettent d’approfondir une coopération initiée au niveau multilatéral ». CATTANEO (O.), « Quelles ambitions pour la politique commerciale de l’Union européenne ? », op.cit. , spéc. , p. 42. 168 Voir Infra Deuxième Partie, Titre Second, Chapitres 1 et 2. 110 en matière de recherche scientifique et universitaire. Les accords régionaux ont aussi de nombreux aspects politiques. On y trouve les principes de la démocratie, du respect des droits de l’homme, ou l’engagement des signataires en faveur de la non-prolifération des armes de destruction massive. Cet enchevêtrement d’enjeux commerciaux et politiques, traduit la politisation croissante des relations extérieures de l’Union européenne. Il s’ensuit que les accords régionaux « sont partie intégrante d’une diplomatie plus large »169. En outre, dans la mesure où les intérêts de l’Union ne sont pas exclusivement commerciaux, ses ambitions politiques à l’échelle mondiale, réclament la mise en cohérence de la politique commerciale commune avec les autres politiques, telle que la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). La fin de la dichotomie CE/UE y contribue, de même que la fin de la dualité des procédures applicables aux accords externes : l’article 218 TFUE décrit la procédure de droit commun applicable tant pour les accords relevant autrefois de la Communauté, que pour ceux qui étaient régis par la procédure des anciens articles 38 du TUE (en matière de politique étrangère et de sécurité commune), et 24 du TUE (concernant la coopération policière et judiciaire en matière pénale). En définitive, la redéfinition des relations avec les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes, fait partie d’une stratégie économique et commerciale, mais au service d’un objectif politique : assurer la représentation et l’identité européenne sur la scène internationale. C’est pourquoi, l’Union européenne tente simultanément de projeter certaines valeurs, comme socle affiché de sa politique internationale. §2 La promotion de valeurs et principes démocratiques Sur le plan politique, l’Union européenne essaie de promouvoir un ensemble de principes et valeurs démocratiques tels que les droits de l’homme, la démocratie, l’Etat de droit, qui servent sa quête d’une meilleure représentativité internationale. Il importe donc de s’intéresser d’abord au cadre juridique de l’action de l’Union pour promouvoir et projeter ses principes (A) ; puis d’examiner quels sont les moyens utilisés au service de cet objectif politique, dans ses relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes (B). 169 PETITEVILLE (F.), « Quand l’Europe “ parle d’une seule voix ”: l’Union européenne à l’OMC », in HELLY (D.) (dir.), PETITEVILLE (F.), L’Union européenne acteur international, op. cit., p. 218. 111 A) L’Union européenne en quête de représentativité internationale Dans ses relations extérieures, la prise en compte des principes démocratiques y compris la défense des minorités170 , permet à l’Union, de se forger un « profil international » et d’ « affirmer son identité internationale »171. Cette dernière formule a expressément disparu dans la nouvelle rédaction du Traité sur l’Union européenne, consécutivement à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Néanmoins, la logique de cet objectif subsiste implicitement172 dans l’action extérieure de l’Union. On peut donc en déduire que l’objectif d’affirmation sur la scène internationale ne disparaît pas. Il se traduit par une action extérieure ciblée sur des objectifs mieux définis, et sur un noyau dur de principes et de valeurs guidant l’Union tant au plan interne qu’international. Ainsi, l’article 3 §5 du TUE révisé reconnaît expressément à l’Union l’objectif d’affirmer et de promouvoir ses valeurs et ses intérêts dans le reste du monde et il s’ensuit l’énoncé des principes en question. Ainsi, entre autres, elle doit contribuer « à la protection des droits de l’homme ». La disposition de l’article 3 §5 du TUE révisé, comporte un réel apport : elle complète et précise par un énoncé concret, l’ancien l’article 2 du TUE qui donnait à l’Union pour objectifs, « d’affirmer son identité sur la scène internationale », mais ne fournissait aucune définition de la notion d’identité. Si l’on part de l’idée que l’identité implique « (…) de se définir par rapport aux autres et de défendre un modèle propre fondé sur un socle de valeurs européennes qui émergent de façon plus ou moins nette »173, dès lors, au travers de son action extérieure en faveur des principes démocratiques, l’Union cherche à apparaître comme un acteur majeur de la scène internationale, capable d’exercer une influence politique forte, bien au-delà de ses réalisations en tant qu’Union économique et monétaire174. Ainsi, au plan politique, l’Union agit en faveur de la promotion in- 170 Dans le texte de l’article 2 du Traité sur l’UE révisé par le Traité de Lisbonne, la liste des principes est étoffée par rapport à l’ancien article 6 §1 du TUE, dans sa rédaction issue du Traité de Nice : l’égalité, le respect de la dignité humaine, pas plus que la protection des droits des minorités, ne figuraient auparavant. 171 Voir FENET (A.), op.cit., p. 305 ; en référence à l’ancien article 2 du traité UE, avant le traité de Lisbonne. 172 Cette appréciation se justifie par une lecture combinée de l’article 2 du TUE révisé et de l’article 21 §1 du TUE révisé. L’article 2 du TUE révisé, dit que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités » ; et l’article 21 précise que « l’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde ». 173 FLAESCH-MOUGIN (C.), « L’Union européenne élargie en tant qu’acteur sur la scène internationalequelques réflexions institutionnelles », in Mélanges en l’honneur de Jean -Victor LOUIS, op. cit., spéc., p. 60. 174 Articles 119 et ss du TFUE. 112 ternationale de l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’Homme175. Par ailleurs, il semble que, suivant la vision politique européenne, la promotion des principes démocratiques évite que ne soit occultée la dimension sociale et humaine dans la poursuite du profit économique, autant à l’intérieur du marché intérieur, que sur la scène internationale176. En outre, audelà de considérations éthiques, pour M. Chris PATTEN, alors commissaire européen aux relations extérieures, l’un des intérêts de la promotion des principes démocratiques est que « les sociétés démocratiques qui respectent les droits de l’homme sont aussi les meilleurs partenaires commerciaux de l’UE et les moins susceptibles de basculer dans les conflits coûteux »177. Toutefois, si l’Union européenne se reconnaît un rôle dans la promotion, la projection et la défense internationale de valeurs et principes démocratiques, les fondements juridiques de la politique internationale de la CE, puis de l’UE, en faveur desdits principes, n’ont pas toujours été posés dans les traités. Il faut rappeler que les textes fondateurs (dont le Traité de Rome de 1957) ne comportaient pas d’article pouvant servir de fondement, pour une politique internationale de défense et de promotion des principes démocratiques par la Communauté. L’affirmation et l’extension dans la sphère externe, du respect des droits de l’homme et des principes démocratiques se sont forgées progressivement. A partir du Traité de Maastricht en 1992, en même temps que l’affirmation de la dimension politique de l’Union européenne, la défense les droits de l’homme et la démocratie, sont introduits au cœur de la coopération extérieure de la Communauté. En fait, le Traité de Maastricht n’a fait que codifier une pratique antérieure178, et a circonscrit la compétence communautaire expresse en matière de promotion externe des principes démocratiques, au domaine de la coopération au développement. Ainsi, l’article 130 U alinéa 2 du Traité CE – dans sa rédaction issue du Traité de Maastricht – dispose que « la politique de la Communauté dans ce domaine contribue à l’objectif général 175 Voir à ce sujet : FLAUSS (J.-F.), « Droits de l’homme et relations extérieures de l’Union européenne », in LECLERC (S.), AKANDJI-KOMBE (J.-F.), REDOR (M.-J.), L’UE et les droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 1999, 235 p ; RIDEAU (J.), « Le rôle de l’UE en matière de protection des droits de l’Homme », R.C.A.D.I, 1994, tome 265, pp. 379-405. 176 Voir article 21§1 du TUE révisé, en liaison avec les articles 205 et 206 du TFUE. 177 Déclaration de M. Chris PATTEN, IP/01/666, Press release du 8.05.2001. Disponible sur le site http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/01/666&format=HTML&aged=1&language=FR&g uiLanguage=en 178 Bien avant le Traité de Masstricht, dans les accords externes de la CEE, on trouve par exemple trace d’un embryon de clause « droits de l’homme et démocratie » à l’article 5 de la quatrième convention ACP-CEE signée à Lomé en 1989. Cependant, cette clause ne constitue pas en l’espèce, un élément essentiel dudit accord. Voir Quatrième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15.12.1989, JOCE, n° L 229 du 17.03.1991, p. 3. 113 de développement et de consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi qu’à l’objectif du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». Par la suite, le Traité d’Amsterdam signé le 2 octobre 1997 a repris les dispositions de l’article 130 U, à l’article 177 §2 du TCE. Il consacre également l’introduction des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’Etat de droit dans les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)179, c'est-à-dire que, la promotion extérieure des principes démocratiques relève alors, du second pilier autant que du premier. Le Traité de Nice signé en 2000, a introduit pour sa part, l’article 181A au Traité CE, concernant la coopération financière et technique. Ce dernier, en complémentarité avec les actions des Etats membres et les actions communautaires dans le cadre de la politique de coopération au développement, considère que « la politique de la Communauté dans ce domaine contribue à l’objectif général de développement et de la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi qu’à l’objectif du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Par la suite, le « Traité établissant une constitution pour l’Europe » signé le 29 octobre 2004180, proposait de concentrer et de fixer l’ensemble des principes de l’action extérieure en une « plate-forme idéologique »181 unique. L’Union européenne se reconnaissait expressément, dans le cadre de son action extérieure, un rôle de promotion et défense de principes et de valeurs clairement énoncés dans l’article I-2. De plus, ce traité précisait que « l’action de l’UE sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde ». Ces principes appelés à encadrer l’ensemble de ses actions et de ses politiques, justifient qu’il y ait « de fortes homologies d’approches et de finalités entre les principes encadrant l’action communautaire à l’interne comme à l’externe »182. L’article I-3 alinéa 4 dressait expressément une liste des objectifs poursuivis par l’Union dans ses relations avec le reste du monde183. 179 Voir dans le Traité sur l’Union européenne, dans sa rédaction issue du Traité d’Amsterdam., l’article 11 §1, 5ème tiret (ex article J.1), titre V, relatif à la PESC. Il est énoncé que : « L'Union définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité (...), dont les objectifs sont : […] - le développement et le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales », Version consolidée de 1997 du traité sur l’Union européenne, JOCE, n° C 340, du 10.11.1997. 180 Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JOUE, n° C 310 du 16.12.2004, 473 p. 181 Expression de M. Pascal LAMY, ancien commissaire européen, à l’occasion de la réunion du groupe de travail VII, WGVII, WD 300 n° 10, le 15.10.2002, 11p. Disponible sur le site http://europeanconvention.eu.int/docs/wd7/4528.pdf 182 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Le droit de L’Union européenne en principes- Liber Amicorum en l’honneur 114 Dans le Traité de Lisbonne, la promotion de ses valeurs compte parmi les « principaux objectifs » de l’Union et constitue également le socle de son action extérieure. En effet, dans « les dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union », l’article 3 alinéa 5 du TUE révisé, et le nouvel article 21 du TUE révisé, en liaison avec l’article 205 du TFUE, rappellent les principes et les objectifs que l’Union respecte dans l’élaboration et la mise en œuvre de son action extérieure et qu’elle doit promouvoir sur la scène internationale. Malgré l’énoncé des objectifs de l’Union, force est de reconnaître que, le poids politique de l’Union européenne restait limité antérieurement au Traité de Lisbonne, en raisons d’obstacles juridiques importants184. Ce dernier, s’inspirant de certaines dispositions du projet de constitution européenne, semble porter remède à certains inconvénients qui entravaient l’ambition européenne. Mais il ne résout pas le problème de la fragmentation des compétences extérieures de l’Union : la politique étrangère et de sécurité commune reste à part. La première limite juridique à l’émergence de l’Union européenne comme acteur international, a sans doute été l’absence de personnalité juridique.Toutefois, l’attribution expresse de la personnalité juridique à l’UE185, à la suite des modifications introduites par le Traité de Lisbonne, n’est pas une panacée. Pour une Organisation internationale, la personnalité internationale (implicite ou explicite) reste toujours liée au principe de spécialité, de sorte que la reconnaissance formelle de la personnalité juridique à l’Union ne sert à rien, si elle ne s’accompagne pas dans les traités, de titres de compétences attribuées186. En vertu du principe classique d’attribution, « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les Etats de Jean Raux, Rennes, éditions Apogée, publication du Centre d’excellence Jean Monnet de Rennes, 2004, pp. 689-725, spéc., p. 690. 183 « Traité établissant une constitution pour l’Europe », l’article I-3 alinéa 4 énonce : « Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies », JOUE, n° C 310 du 16.12.2004, 473 p. 184 COHEN TANUGUI (L.), « L’influence normative internationale de l’UE : une ambition entravée », Paris, Notes de l’IFRI, n° 40, 2002, 54 p. ; TIZZANO (A.), « La personnalité internationale de l’UE », Revue du Marché Unique européen, n° 4/1998, pp. 13-30 ; FLAESCH-MOUGIN (C.), « L’Union européenne élargie en tant qu’acteur sur la scène internationale – quelques réflexions institutionnelles », in Mélanges en l’honneur de Jean-Victor LOUIS, Bruxelles, éd. De l’Université Libre de Bruxelles, vol. II, pp. 59-77. 185 L’article 1 et l’article 47 du traité sur l’Union européenne modifié par le traité de Lisbonne se complètent : « L’Union se substitue et succède à la Communauté européenne » et « L’Union a la personnalité juridique ». 186 Le principe d’attribution de compétences, est expressément posé à l’article 5 paragraphes 1 et 2 du TUE révisé par le Traité de Lisbonne. Il est réitéré dans la Déclaration n° 24 sur la personnalité juridique de l’Union, sans doute pour rassurer les Etats membres quant au respect de la délimitation des compétences. La déclaration s’apparente par conséquent à un simple « neutron législatif ». 115 membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent » 187. En soi, cette formulation ne paraît pas très novatrice, si ce n’est qu’elle établit, avec plus de précision, un lien de subordination entre les objectifs et les compétences de l’Union : les secondes sont au service des premières. Au demeurant, l’ancien article 5 du TCE, ne clarifiait pas le rapport entre les objectifs et les compétences. Il semblait placer les deux sur un pied d’égalité188. Suivant la nouvelle rédaction, il apparaît plus clairement que l’Union dispose de compétences attribuées (exclusives ou partagées) pour remplir ses objectifs sur la scène internationale. En pratique, l’affirmation sur la scène internationale (objectif implicite), ainsi que, la projection des valeurs de l’Union, dépendent de l’exercice d’un vaste champ de compétences, en matière de coopération au développement (articles 208 à 211 du TFUE) ; de coopération économique, financière et technique avec les pays tiers (articles 212 et 213 du TFUE) ; d’aide humanitaire (article 214 TFUE). En réalité, plusieurs titres de compétences externes sont réunis dans la cinquième partie du Traité sur le Fonctionnement de l’Union ou TFUE relatif à l’action extérieure de l’Union. Le titre V, de cette partie V met en commun l’ensemble des compétences sus évoquées, au service des objectifs de l’article 21 du TUE. En effet, l’article 205 du TFUE, renvoie aux objectifs généraux de l’Union et on peut en déduire que n’importe laquelle des aptitudes mentionnées au titre en question, peut servir à la projection des valeurs et principes démocratiques de l’Union. Néanmoins, on ne peut manquer de relever, que les compétences matérielles de l’Union sont fragmentées, car la politique étrangère et de sécurité commune fait l’objet d’un titre séparé189, donc formellement les piliers disparaissent, mais la logique des piliers demeure : l’abolition de l’architecture de l’Union en différents piliers, par le Traité de Lisbonne n’est donc qu’apparente. Or, le second obstacle à la représentativité internationale de l’Union, découle précisément – en dépit des innovations institutionnelles du Traité de Lisbonne en matière de politique étrangère et de sécurité commune telle la création du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et de sécurité commune – des particularismes de cette politique, qui relève autant de la compétence des Etats membres, que de l’Union190. En principe, l’objectif 187 Traité sur l’Union révisé, article 5 §2. 188 Le traité CE, ex-article 5 §1 disait : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignées par le présent traité ». 189 Traité sur l’Union révisé par le traité de Lisbonne, Chapitre 2 sur « Les dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune ». Il convient de noter que le titre V du TFUE envisage malgré tout, la possibilité de conclure des accords internationaux portant exlusivement sur la politique étrangère et de sécurité commune. 190 Voir Traité sur l’Union révisé par le traité de Lisbonne, aux articles 25 à 40 du TUE révisé. Pour la politique étrangère et de sécurité commune, le premier rôle revient aux institutions de l’Union européenne que sont le 116 devrait être de « développer une politique étrangère européenne qui permettrait à la construction européenne de devenir un acteur influent dans le domaine diplomatique international »191. Pourtant, en pratique, une part importante des relations extérieures de l’Union européenne avec l’Amérique latine et les Caraïbes paraît s’être réalisée dans le cadre du pilier communautaire ou premier pilier, grâce notamment à l’utilisation de la politique commerciale commune, et ce, nonobstant l’existence d’une dimension de dialogue politique192 et, sauf pour amorcer « un partenariat stratégique » au moyen d’actes de soft law. Puisque, la révision du Traité sur l’Union européenne laisse subsister des particularités de la politique étrangère et de sécurité commune, on peut en déduire que l’Union reste en quelque sorte fragilisée par l’éparpillement de son action extérieure. L’objectif politique de promotion et de projection des valeurs et principes démocratiques est sans doute plus vaste que les compétences dont dispose réellement l’Union. Les modifications introduites par le Traité de Lisbonne ne parviennent pas totalement à corriger cette lacune. En d’autres termes, la capacité juridique de l’Union en matière politique demeure dispersée, même si elle use de divers moyens pour projeter à l’extérieur ses principes et valeurs. B) les moyens de la projection de valeurs La projection des valeurs européennes, dans les relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes, fait intervenir différents types de mesures à divers niveaux (1). La plupart des pays d’Amérique latine ont opéré leur transition démocratique dans les années 1990193 ; et au plan régional, chaque organisation régionale d’Amérique latine, y compris des Caraïbes, élabore des initiatives en faveur de la promotion des principes démocratiques. Dans ce contexte, les moyens de la projection européenne de valeurs traduisent autant la quête d’influence exté- Conseil européen et le Conseil dans lesquels siègent des représentants des gouvernements. Les compétences de la Commission, du Parlement européen et de la Cour sont limitées en matière de PESC et l’unanimité est la règle générale. 191 DEHOUSSE (F.), « La politique étrangère et de sécurité commune – l’identité européenne de sécurité et de défense », in Commentaire MEGRET (J.) - Relations extérieures, op. cit., p. 446. 192 Voir Infra, Titre Second, Chapitre I sur « Le renforcement du dialogue politique en tant qu’instrument de coopération ». 193 Voir AUROI (C.), « Tentatives d’intégration économique et obstacles politiques en Amérique latine dans la seconde moitié du XXème siècle », Relations Internationales, n° 137, janvier-mars 2009, pp. 91-113, spéc.,pp. 106-111 ; VERHULST (S.), L’appui de l’UE aux processus de démocratisation : état de droit et protection des droits de l’Homme en Amérique latine, Mémoire pour le DEA de droit communautaire, Université de Rennes I- Pôle européen Jean Monnet, Octobre 2001, 103 p. 117 rieure de l’Union, qu’ils reflètent en l’espèce, l’existence d’une solidarité interrégionale axée sur le partage de valeurs démocratiques (2). 1- La diversité des mesures utilisées à différents niveaux Pour mettre en œuvre sa politique internationale en matière de droits de l’homme et projeter ses valeurs, l’Union européenne utilise la conditionnalité politique et l’insertion de clauses démocratiques dans les accords externes. La conditionnalité consiste à lier le bénéfice de certains avantages notamment en matière d’aide au développement, au respect de certaines conditions relatives à la protection des droits de l’homme et à l’avancement des principes démocratiques194, comme l’illustre l’introduction d’une clause démocratique dans l’accord conclu en 2000, avec le Mexique195. Les clauses « droits de l’Homme » et la conditionnalité sont en réalité des instruments traditionnels de la promotion et de la projection des valeurs. Ainsi, dans les relations de l’Europe avec les Caraïbes, « un tournant est pris avec les Conventions de Lomé IV et Lomé IV révisée : le respect des droits de l’homme devient une clause fondamentale de la relation Europe-ACP ; toute violation en la matière mais aussi dans le domaine des principes démocratiques et de l’Etat de droit, autres éléments essentiels de la Convention peut être sanctionnée par une suspension partielle ou totale de la coopération dont l’objectif principal demeure le développement économique durable »196. L’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000, poursuit dans cette voie : la procédure de suspension de l’article 96 s’applique en cas de violations des trois « éléments essentiels »197 de l’article 9, que sont le respect des droits de l’homme, celui des principes démocratiques et celui de l’Etat de droit. Il apparaît que la projection de valeurs par la conditionnalité politique permet de prendre des mesures au cas par cas, notamment la suspension des activités de coopération autonome ou conventionnelle (dans le cadre ACP). Toutefois, l’application de sanctions est une solution de dernière extré194 SMITH (K.E.), « The Use of Political Conditionality in the EU’s Relations with Third Countries: How effective? European Foreign Affairs Review, summer 1998, volume 3 issue 2, spéc.,p. 256. 195 Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et les Etats–Unis du Mexique, d’autre part, JOCE, n° L 276 du 28.10.2000, Articles 1 et 3. 196 DANIEL (J.), « Le cadre institutionnel et le dialogue sur les politiques : l’accord de Cotonou à l’épreuve d’une réhabilitation du politique » in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé, op. cit., pp. 261-285, spéc.,p. 276. 197 L’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, n’autorise la suspension ou la dénonciation d’un accord, qu’en cas de violation de l’une de ses dispositions essentielles. Sur la distinction entre « éléments essentiels » et « élément fondamental » notamment dans l’accord de Cotonou, voir RAUX (J.), « Les principes structurants de l’Accord de partenariat ACP/CE et Etats membres de l’Union européenne », in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé, op. cit., pp. 40-80, spéc.,pp. 47 à 50. 118 mité198. La Communication de 2001 sur « le rôle de l’Union européenne dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratisation dans les pays tiers »199 se veut rassurante sur ce point. Elle affirme que la conditionnalité est avant tout positive plutôt que coercitive ou punitive. Toutefois, en droit, là où elles sont introduites, la portée juridique des clauses « éléments essentiels » ne souffre pas d’équivoque200. L’introduction de clauses consacrées aux droits de l’homme dite « clause démocratique » se retrouve dans bon nombre d’accords externes conclus par la CE et ses Etats membres, avec des pays, – autres que ceux du groupe ACP – et des organisations régionales, y compris dans le cadre des relations avec l’Amérique latine. C’est un des moyens couramment utilisé pour assurer « la prise en compte des principes démocratiques et des droits de l’homme dans les accords conclus entre la Communauté et les pays tiers »201. Les accords cadres conclus au milieu des années 1990, avec les organisations régionales d’Amérique latine, insistent sur les principes démocratiques comme « élément essentiel » de la coopération202. En sus, les clauses démocratiques sont complétées par des clauses concernant le dialogue politique. Ces dernières sont généralement introduites dans le cadre d’accords mixtes, sur la base de la capacité contractuelle des Etats membres et non de 198 BELLAYER-ROILLE (A.), « Le partenariat stratégique au service de la paix », in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé, op. cit., pp. 287-303, spéc.,p. 293. L’auteure note que si « il apparaît légitime (...) d’engager une procédure à l’encontre de l’Etat ayant manqué à ses obligations contractuelles (...) », cependant, « il faut résister à la tentation d’actionner trop facilement cette disposition. L’application de cette clause se révèle en effet politiquement délicate et peut même aboutir à compromettre les efforts de dialogue en instaurant un climat extrêmement tendu. Il semble par conséquent impératif de veiller à un recours très prudent à ce type de sanction ». 199 La Communication de la Commission européenne intitulée « Le rôle de l’Union européenne dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratisation dans les pays tiers », COM (2001)252 final du 8.05.2001, spéc.,p. 10, spécifie que : « le fait que l’Union européenne insiste pour inclure des clauses sur les éléments essentiels ne signifie pas qu’elle entend poursuivre une approche négative ou punitive. Ces clauses ont pour but de favoriser le dialogue et les mesures positives ». 200 Voir MUSSO (C.), « Les clauses “droits de l’homme” dans la pratique communautaire », Revue Droits fondamentaux, n°1, juillet-décembre 2001, 23 p. 201 Communication de la Commission européenne, COM (95)216 final, du 23.05.1995. 202 Les accords cadres de coopération de troisième génération signés en 1993, consacrent souvent l’Article I au « fondement de la coopération » libellé comme suit : « le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme fondamentaux, tels qu’ils sont énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme, inspire les politiques intérieures et internationales des partis et constitue un élément essentiel du présent accord » ; Voir l’article premier de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et l’accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l’Equateur, la République du Pérou et la République du Venezuela, JOCE, n° L 127, du 29.04.1998, p. 10 ; et l’article premier de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, JOCE, n° L 63 du 22.02.1999, p. 38. 119 la CE. Dans l’accord-cadre de coopération signé en 1995 avec le MERCOSUR203, l’article 3 est un exemple de clause consacrée au dialogue politique. L’acceptation de tout accord externe comprenant de telles clauses démontre la volonté démocratique mutuelle des parties. En outre, il existe un degré encore plus subtil de la conditionnalité, lorsque le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques est un pré-requis avant toute relation. L’article 21 du TUE révisé dit bien que « l’Union s’efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa »204.Ceci n’est pas exprimé en termes impératifs, mais il en ressort que, le respect desdits principes est, ou du moins devrait être, un critère discriminant pour choisir les pays et organisations régionales avec lesquels sont envisagés des partenariats. Par ailleurs, l’Union fait usage des voies de dialogue politique pour projeter ses valeurs. Les principes démocratiques, et les questions politiques comme la bonne gouvernance, sont pris en compte dans le processus des sommets et du dialogue globalisé entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes205. En inscrivant dans les conclusions des sommets, le respect « des principes de la charte des Nations unies, et du droit international y compris les droits de l’homme et les dispositions du droit humanitaire », en déclarant vouloir renforcer leurs « institutions démocratiques et l’Etat de droit (…) afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme»206, les participants au partenariat stratégique affirment explicitement leur adhésion commune aux principes démocratiques et aux droits de l’homme, en marge de tout cadre contractuel. Ensuite, la promotion des valeurs s’exprime dans le cadre de la coopération conventionnelle, c'est-à-dire que les accords prévoient expressément une coopération dans le domaine des droits de l’homme. Ainsi, les accords de « dialogue politique et de coopération » signés en 2003 avec la Communauté andine, et les pays membres du Système d’intégration centre-américain (SICA) ont une dimension politique renforcée qui laisse une grande place aux thématiques des droits de l’homme, de la démocratie, de l’Etat de droit. La coopération dans le domaine des droits humains prend en compte les préoccupations spécifiques des orga- 203 « Accord-cadre de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses Etats parties, d’autre part », JOCE, n° L 175 du 22.03.1999. 204 Traité sur l’Union européenne modifié par le traité de Lisbonne, Article 21 alinéa 1 paragraphe 2. 205 Voir Infra, Titre Second, Chapitre I intitulé « Le renforcement du dialogue politique en tant qu’instrument de coopération ». 206 Deuxième Sommet UE-AL-C, « Déclaration politique de Madrid 2002 », Conclusions «Valeurs et positions communes UE-AL-C », Madrid, Espagne, mai 2002, points 2 et 4. 120 nisations régionales concernées. Elle concerne par exemple la protection des peuples indigènes et des populations autochtones207. A côté de cela, l’Union européenne participe aux organisations internationales de promotion et de protection de la démocratie et des droits de l’homme. Les interventions de l’Union, au sein de certaines enceintes internationales comme l’Assemblée Générale des Nations-Unies, constituent un moyen pour elle de promouvoir et défendre les principes et valeurs démocratiques. Par exemple, l’Union joue un rôle actif au sein de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et du Conseil des droits de l’homme (CNUDH). Dans la première, la position européenne concernant la situation des droits de l’homme dans certains pays s’est exprimée par la présidence en exercice du Conseil de l’Union208. Elle contribue également à faire adopter des résolutions sur lesdits thèmes. Plus particulièrement, elle a pu y exprimer ses préoccupations, concernant la violation des droits de l’homme au Guatemala et en Colombie notamment lors de la 57ème session de la CNUDH tenue en mars-avril 2001. A cette occasion, elle a encouragé les efforts des gouvernements péruviens et mexicains dans la direction du renforcement de l’Etat de droit et de la protection des droits des peuples indigènes209. Par ailleurs, en ce qui concerne spécialement l’Amérique latine (à l’exclusion des pays des Caraïbes), la promotion des droits de l’homme et des principes démocratiques s’effectue à travers l’instrument autonome qu’est le système de préférences généralisées. Le régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance permet l’octroi de préférences additionnelles à certains bénéficiaires latino-américains, qui s’engagent à ratifier et appliquer réellement une série de conventions internationales. Parmi elles sont concernées, celles destinées à protéger les différents aspects des droits humains210. 207 Par exemple, respectivement, les articles 45 des accords de dialogue politique et de coopération avec les pays d’Amérique centrale [COM (2003)677 final du 15.12.2003] et avec la Communauté andine [COM (2003) 695 final du 15.12.2003], prévoient une coopération avec la Communauté européenne et ses Etats membres, concernant les populations autochtones. Nous reviendrons sur ces aspects, de manière plus détaillée, en deuxième partie de l’analyse. Infra, Deuxième partie, Titre I, « Des accords de“ dialogue politique et de coopération” avec la Communauté andine et le Système d’Intégration Centre-américain ». 208 FENET (A.), Droit des relations extérieures de l’Union, op. cit., spéc., pp. 314-315. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Mme Ashton) a vocation à exprimer le point de vue de l’Union. 209 Pour un compte-rendu des interventions européennes dans le cadre de la CNUDH, voir le site : http://www.europa.eu.int/comm/external_relations/human_rights/doc/ [Consulté en 2003] 210 Voir Le règlement n°732/2008 du Conseil, du 22.07.2008 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31.12.2011, et modifiant les règlements n° 552/97 et n° 121 L’Union promeut et encourage les actions en faveur du renforcement des principes démocratiques, conçues par les partenaires d’Amérique latine et des Caraïbes. Pour ce faire, elle use d’un instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde. Il permet le financement partiel par la CE de projets et d’actions axées sur la démocratie et l’Etat de droit et les droits de l’homme au titre de la coopération au développement. Globalement, on constate que l’UE utilise tous les ressorts de sa politique internationale des droits de l’homme, pour affirmer sa singularité politique en tant qu’acteur sur la scène internationale. En prenant en compte simultanément les droits de l’homme et la libéralisation commerciale dans les relations extérieures, y compris avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, l’UE semble vouloir rappeler au reste du monde que la recherche du progrès économique, loin d’être une fin en soi, n’a de sens que si elle s’accompagne de progrès dans le respect des principes démocratiques. Dans le contexte de la mondialisation économique, et « sous les pressions d’une concurrence internationale devenue tyrannique »211, les moyens européens de la projection des valeurs, traduisent l’application du principe de solidarité dans les relations interrégionales. 2- L’approche interrégionale et la solidarité dans le partage de valeurs démocratiques La solidarité s’applique sur le plan externe dans les relations avec les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes. Elle a d’ailleurs été énoncée parmi les principes structurants d’application générale qui guident l’action extérieure européenne en 2004, dans le Traité établissant une Constitution européenne, à l’article III-292 §1 alinéa 1. Elle fait partie des objectifs de l’Union dans le monde, dans la mesure où l’article 3 §5 du TUE révisé par le Traité de Lisbonne dit que « dans ses relations avec le reste du monde », l’Union contribue notamment à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples. La formulation n’a d’autre vocation que de transcrire en droit une pratique déjà ancienne qui se traduit entre autres par la coopération en matière de développement avec les Etats-tiers. Cette notion qui est tout à la fois un objectif et une valeur, n’est pas définie juridiquement. Toutefois, selon le Professeur 1933/2006, ainsi que les règlements de la Commission n° 1100/2006 et n° 964/2007, JOUE, n° L 211 du 6.08.2011, p. 1. 211 EUZEBY (A.), « La Constitution de l’Union européenne : des valeurs à défendre », RMCUE, n° 482, octobre-novembre 2004, pp. 566-568, spéc. p.568. 122 LEBULLENGER, « La solidarité se fonde tant sur des exigences éthiques que sur les nécessités matérielles inhérentes à l’interdépendance des nations et des économies dans le contexte actuel de globalisation. Ce principe s’incarne essentiellement dans des actions de justice distributive. La solidarité est donc à la fois un principe incitatif à l’action et un principe d’encadrement de l’action »212. Dans la mesure où la plupart des pays de la région de l’Amérique latine ont opéré leur transition démocratique dans les années 1990, mais souhaitent approfondir leurs acquis, voire renforcer la stabilité démocratique213 en œuvrant au niveau régional et non plus au seul niveau national, l’appui européen aux initiatives régionales en faveur de la démocratie manifeste l’exercice d’une solidarité interrégionale. En effet, dans certains cas on constate l’émergence d’initiatives visant à renforcer le fonctionnement démocratique des mécanismes régionaux de prise de décision. Par exemple, la CARICOM a adopté une Charte de la société civile en 2000214 qui entend impliquer la société civile dans les décisions relatives à l’intégration régionale. Cette organisation régionale d’intégration économique dispose également d’une Cour Caribéenne de Justice215 qui fonctionne depuis avril 2005 mais, les arrêts sont rendus depuis 20009 seulement. En outre, en ce qui concerne la Communauté andine, on peut citer le protocole additionnel de l’accord de Carthagène du 18 octobre 1998 sur « l’Engagement de la Communauté andine pour la démocratie »216 . Il vise à renforcer l’affirmation selon laquelle les Etats membres entendent fonder 212 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et le principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », op. cit., spéc.,p. 690. 213 OSSANDON (M.), « Intérêt de l’Amérique latine pour l’Europe, face aux Etats-Unis », Cahiers CERCAL n° 29, avril 2001, p. 15 : « Toutes les avancées démocratiques en Amérique latine se tiennent sur fond de corruption et de crise politique ». Suivant l’avis du Conseil Economique et Social Européen (CESE), les efforts de consolidation démocratique ont été fragilisés en Amérique latine, depuis la crise économique qui a touché le continent asiatique en 1997, « seuls les pays des Caraïbes ne paraissent pas avoir connu une détérioration de leur situation », Avis du Comité économique et social, « Les relations entre l’Union européenne et les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes », (rapporteur M. Gafo FERNANDEZ), CES195/2002, du 27.02.2002, point 1.12. 214 Le texte de la « Charte de la société civile pour la Communauté des Caraïbes » est disponible sur le site http://www.caricom.org, 215 En avril 2005, les gouvernements ont inauguré la Cour Caribéenne de Justice (CCJ) à Trinité-et-Tobago. Elle comprend un tribunal sui generis qui a compétence exclusive pour l'interprétation des dispositions du Traité révisé de la CARICOM. Cependant, cette compétence d’interprétation n’est pas le plus marquant. Plus originale est l’aptitude de personnes privées à saisir la CCJ pour contester le manquement d’un Etat membre ou demander l’annulation d’un acte d’un organe de la CARICOM. La CCJ est également une juridiction d'appel pour les appels formés à l'échelle nationale dans les États de la CARICOM qui ont substitué à la compétence du Conseil privé de Londres celle de la Cour de justice des Caraïbes.Voir PERROT (D.), « La Cour de Justice de la Caraïbe, une nouvelle cour de justice communautaire », RTDE, n° 43, juillet-septembre 2007, pp. 445-471. 216 Protocolo Adicional al Acuerdo de Cartagena, « Compromiso de la Comunidad Andina por la Democracia », 18 de Octubre de 1998. Sur le site http://www.comunidadandina.org 123 la construction communautaire sur un idéal démocratique. Le protocole précité reprend en cela, une déclaration présidentielle du 7 août 1998 souscrite par les présidents des Etats membres à Santafé (Bogota) qui dit que la Communauté andine « a pour objectifs principaux le développement et la consolidation de la démocratie et de l’état de droit, de même que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». De surcroît, « la charte andine pour la promotion et la protection des droits humains » signée le 26 juillet 2002 affirme le respect de la Communauté andine envers les valeurs démocratiques. Par ailleurs, au sein du MERCOSUR, parmi les instruments juridiques régionaux de promotion des droits de l’homme et de la démocratie, élaborés pour renforcer le processus démocratique, on peut signaler, le protocole d’Ushuaia sur l’engagement démocratique signé le 24 juillet 1998217. Il est intégré dans le traité fondateur et fait partie du bloc de constitutionnalité communautaire du MERCOSUR. La multiplication des références aux droits de l’homme et à la démocratie, semble découler dans les exemples cités, de la prise en compte de l’importance de ces principes pour la cohésion politique des membres d’une même organisation régionale, et donc de leur importance pour le renforcement du régionalisme. La solidarité dans l’approche interrégionale trouve alors à s’exprimer, par la mise en œuvre d’actions conjointes relatives à la démocratie et aux droits de l’homme, dans le cadre de la politique européenne de coopération au développement. Par exemple, dans le document de stratégie régionale 2007-2013 pour l’Amérique centrale, l’accent est principalement mis sur le renforcement de l’intégration régionale avec en corollaire la protection de la démocratie, le renforcement des institutions démocratiques, de l’Etat de droit, la protection des populations autochtones. Il est affirmé que l’intégration régionale renforcée doit contribuer, en Amérique centrale, « à la stabilité politique et à l’intensification du dialogue et de la coopération »218. Pour financer, la CE a recours aux ressources contenues dans des lignes budgétaires destinées au financement des projets de promotion des droits de l’homme et de la démocratie. Par ailleurs, l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD) sur la base de l’article 179 du TCE (devenu article 209 TFUE) est utilisé. Ce dernier inclut un instrument financier autonome pour la promotion de la démocratie et des droits de 217 Le texte est disponible sur le site http://www.mercosur.int/innovaportal/file/655/1/1998_ProtocoloUshuaiaCompromisoDemocrático_ES.doc 218 Document de stratégie régionale 2007-2013 pour l’Amérique centrale, 38 p., spéc., p. 23. Sur le site : http://ec. europa.eu/external_relations/ca/rsp/07_13 124 l’homme dans le monde219. Il permet le financement d’actions dans le cadre de la coopération au développement, mais implique un cofinancement par les bénéficiaires. Le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit sont des pré-requis au bénéfice de la coopération au développement avec l’Union européenne. Le cadre opérationnel de cette coopération est défini par la Commission européenne dans des documents de programmation pluriannuels, indicatifs et négociés : les documents de stratégie régionale (DSR) et ceux de stratégie par pays (DSP). Instruments de planification, de gestion et de suivi, ils fournissent un cadre d’orientation aux programmes d’assistance communautaire. Ce mécanisme clé a été instauré lors de la réforme de l’aide extérieure initiée en 2000. Il permet à la CE d’adapter son approche aux particularités et aux besoins spécifiques de chaque pays et région. Ainsi la solidarité en tant que « principe d’encadrement de l’action » se traduit de manière opérationnelle dans des documents de stratégie, et dans des programmes indicatifs régionaux (PIR) basés sur les premiers. Les PIR opèrent la ventilation annuelle des ressources, à la lumière de l’évaluation et du contrôle des objectifs du document de stratégie. Les priorités ciblées dans les documents de stratégie régionale sont étroitement liés aux thèmes identifiés dans le cadre des sommets avec l’Amérique latine et les Caraïbes. A la suite de la tenue du sommet de Guadalajara (2004), l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes ont mis l’accent sur le régionalisme, en exhortant la Communauté andine et l’Amérique centrale, à approfondir leur intégration, pour être admises au bénéfice d’accords d’association avec la CE et ses Etats membres. Ce projet se traduit dans les documents de stratégie régionale 2007-2013 pour l’Amérique centrale 220 et la Communauté andine, lesquels sont axés sur l’intégration régio- nale. Le document de stratégie régionale pour l’Amérique centrale, envisage la poursuite du programme pluriannuel en faveur de la démocratie et des droits de l’homme en Amérique centrale (PPDDHAC)221. 219 Le règlement (CE) n°1889/2006 du Conseil et du Parlement européen du 20.12.2006, entré en vigueur au 30.12.2006, expirant au 31.12.2013, JOUE, n° L 386 du 29.12.2006 met en place l’ « Instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde ». Celui-ci est doté d’un budget de 1,104 milliards d’euros pour la période (2007-2013). Il remplace le précédent (IEDDH). L’aide fournie dans le cadre de cet instrument a pour objectif : « le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le renforcement et la promotion de la démocratie et des réformes démocratiques dans les pays tiers , le soutien aux défenseurs des droits de l’homme et aux victimes de la répression ou d’exactions, le renforcement de la société civile qui œuvre dans le domaine de la protection des droits de l’homme et de la démocratie ; le soutien du cadre régional qui œuvre dans ce domaine ; la promotion de la confiance dans les processus électoraux, en renforçant leur fiabilité, au moyen notamment de missions d’observation électorale et du soutien aux organisations de la société civile locale impliquées dans ces processus». Site http://europa.eu/legislation_summaries/human_rights_in_third_countries 220 Document de stratégie régionale 2007-2013 pour l’Amérique centrale, du 29.03.2007, site internet de la DG Relations extérieures, http://ec;europa.eu/external_relations/ca/rsp/07-13_fr.pdf 221 Document de stratégie régionale 2007-2013 pour l’Amérique centrale, du 29.03.2007, p. 32. 125 Le renforcement des principes démocratiques dans les intégrations d’Amérique latine et des Caraïbes obéit, semble-t-il, à deux impératifs. Premièrement, c’est une nécessité pour renforcer les dimensions politique et sociale des dites organisations. C’est un important vecteur de cohésion interne. Et, la stabilité démocratique conditionne le processus d’approfondissement de l’intégration régionale. Ainsi, le protocole d’Asunción sur l’engagement des Etats membres du MERCOSUR pour la promotion et la protection des droits de l’homme du 19 juin 2005222 reflète-t-il, le dessein des Etats membres de parvenir au « renforcement de la démocratie et des institutions dans le cadre du bloc régional, en tant que condition indispensable pour l’accomplissement des objectifs du traité d’Asunción et pour atteindre le développement économique avec la justice sociale dans la région» 223, en même temps qu’il signale la volonté des membres du MERCOSUR de coopérer ensemble à la promotion et à la protection effective des droits de l’homme dans le cadre des institutions du MERCOSUR. Deuxièmement, le renforcement des principes démocratiques doit traduire de façon effective, sur une base régionale, l’attachement aux positions communes définies avec les partenaires extérieurs comme l’Union européenne, ainsi que l’attachement aux engagements à l’échelle mondiale souscrits en matière de démocratie, de droits de l’homme, et de libertés fondamentales. Tant il est vrai qu’une attitude de respect des grands textes internationaux peut faciliter la coopération internationale et susciter la bienveillance des donneurs d’aide224. Les instruments régionaux de promotion des principes démocratiques, rendent manifestes les efforts effectués, afin de respecter les principes directeurs de la coopération mutuelle. Selon Monsieur Marcello OSSANDON, au plan extérieur, « pour les latino-américains le dilemme est clair : choisir un modèle de développement à la sauce nord-américaine ou opter pour des partenaires comme l’Union européenne qui légitime de plus en plus les nouvelles institutions démocratiques »225. 222 Voir « Protocolo de Asunción sobre Compromiso con la Promoción y Protección de los Derechos Humanos », Decisiones Consejo de Mercado Común, CMC / DEC. n°17/05 del 19 de junio de 2005, sur le site http://www.mercosur.int 223 Comunicado conjunto de los presidentes de los Estados del Mercosur y los Estados Asociados, Montevideo, Uruguay, 9 de diciembre de 2005, CMC_2005_ACTA02_COMU-CONJ_ES_PresidentesEP-MCSyEA, sur le site http://www.mercosur.int 224 Le principe de conditionnalité implique que les bonnes relations internationales dépendent généralement du respect de certaines conditions. 225 OSSANDON (M.), « Intérêt de l’Amérique latine pour l’Europe, face aux Etats-Unis », CAHIERS CERCAL n° 29, avril 2001, p. 16. 126 En définitive, « il peut être soutenu que les droits de l’homme et la démocratie participent au renforcement de la cohésion interne. D’autre part, et pour ceux qui mettent en place les éléments d’une politique étrangère commune, la reconnaissance des droits de l’homme et de la démocratie devient une référence dans les relations avec l’extérieur »226. S’il appert à l’analyse que les intérêts économiques et les intérêts politiques sont indissociables dans la stratégie mise en œuvre par la CE et ses Etats membres ; des enjeux géostratégiques entrent aussi en ligne de compte. 226 GALY (K.), Contribution à l’étude de l’imprégnation progressive du régionalisme par les droits de l’homme – l’exemple du régionalisme américain, Thèse de doctorat en droit de l’Université des Antilles et de la Guyane, 2006, Vol. 2, spéc., p. 320. 127 SECTION II : LES ENJEUX GÉOSTRATÉGIQUES ET LES IMPLICATIONS JURIDIQUES « Chaque partenariat a sa propre logique, définie en fonction des enjeux géopolitiques de la zone concernée »227. Toute la zone géographique constituée de l’Amérique latine et des Caraïbes, est au cœur d’une concurrence entre les Etats-Unis et l’Union européenne. La situation, vue dans une perspective systémique, peut être analysée comme suit : dans un contexte d’ouverture accélérée des échanges, les pays en développement de cet espace géographique réunis en diverses organisations régionales, sont tenus de garantir à leurs exportations un accès avantageux aux marchés des grandes puissances, tout en créant un environnement attractif pour l’investissement régional et étranger. En réponse à leurs besoins, ils se voient proposer deux modèles de partenariat économique : un projet de Zone de libre échange panaméricain à l’initiative des Etats-Unis et/ou un projet global de «partenariat stratégique» avec l’Union européenne. La conséquence est que la nécessité dans laquelle se trouvent les pays en développement de se rattacher à une zone industrialisée de référence, exacerbe la concurrence entre les Etats-Unis et l’Union. Une émulation se crée ainsi entre les deux grandes puissances pour la maîtrise de l’espace Amérique latine-Caraïbes. Cela ne signifie aucunement que les Etats-Unis soient les seuls concurrents de l’UE dans cette partie du monde ; ainsi, la Chine, par exemple, prend de l’ampleur dans la région228. C’est le troisième partenaire commercial du MERCOSUR, elle représente 8% de son commerce extérieur. Toutefois compte tenu de l’aire géographique analysée, l’influence états-unienne est la plus prégnante, c’est pourquoi il convient d’analyser en priorité les enjeux de cette concurrence en Amérique latine-Caraïbes. La multiplication des projets de zones de libre échange sur une base interrégionale229 (§1) est une conséquence de cette émulation, entre l’Union européenne et les Etats-Unis. La 227 BARRAU (A.), « Des alliances pour une mondialisation maîtrisée », Rapport de l’Assemblée nationale, n° 3211, 2001, 114 p. 228 NAVARO CASTANEDO (D.), « La Chine en Amérique latine : un nouveau joueur sur l’échiquier hémisphérique », Chronique du Centre d’études interaméricaines, septembre 2007, Québec, Canada, 13 p., spéc.,pp. 5-6 ; BOURASSA (H.), « L’étendue et les implications de la présence chinoise en Amérique latine », Publication du Programme Paix et sécurité internationales (PSI) de l’Université Laval, Mise au point, Québec, Canada, 31.08.2010, 6 p., En ligne : http://www.psi.ulaval.ca/publications/mise_au_point/ [consulté en décembre 2010]. 229 Pour mémoire, le terme interrégional désigne ici les relations entre au moins deux organisations régionales d’intégration économique et leurs Etats membres. 128 création de zones de libre échange suppose le respect d’un certain nombre de conditions juridiques (§2) posées dans le droit international économique. §1 La prolifération des projets de zone de libre échange Dans le cadre des relations extérieures commerciales, la Communauté européenne a entrepris, à partir des années 2000, une série de négociations d’accords devant aboutir à terme à des projets de zone de libre échange. Leur existence ne signifie pas que les relations se limitent uniquement à la libéralisation des échanges. Ils s’inscrivent dans le cadre d’accords qui ont une portée plus large que le seul domaine commercial, et qui comportent une dimension de dialogue politique et de coopération. Créés pour répondre à l’exigence de conformité aux règles multilatérales, les projets concurrentiels conçus à l’initiative de la CE (A) dans l’espace géographique Amérique latine – Caraïbes, ont concomitamment pour vocation de faire contrepoids au projet panaméricain (B). A) Des projets concurrentiels à l’initiative de la CE Les projets de zones de libre échange formulés par l’Union européenne à la fin des années 1990, et à l’aube des années 2000, dans l’espace géographique constitué de l’Amérique latine et des Caraïbes – comme le modèle d’un accord d’association interrégionale assortie de zone de libre échange entre la CE et ses Etats membres, et les pays du MERCOSUR, ou encore, la ZLE avec les pays caribéens du CARIFORUM, contenue dans l’Accord de Partenariat Economique – visent à jouer le jeu de la concurrence. Ces différents desseins présentent certaines ressemblances (1), même si on ne peut faire l’impasse sur leurs dissemblances (2). 1- Les ressemblances entre les approches interrégionales : des perspectives inédites Les diverses initiatives ont la particularité, de dessiner des perspectives inédites dans la région : ces futures zones de libre échange seraient les premières du genre, dans les rela- 129 tions de l’Union européenne avec des organisations régionales de l’espace géographique Amérique latine - Caraïbes. Dans le cas des Caraïbes, étant donné que la plupart des pays du CARIFORUM sont également membres de la CARICOM, ou liés à cette organisation régionale d’intégration économique par un accord de libre échange (la République dominicaine), l’APE et la création d’une zone de libre échange instaureront de jure une relation économique inédite entre l’Union européenne et la CARICOM, principale entité régionale d’intégration économique de la zone Caraïbes. Outre, qu’ils élaborent des modèles de zones de libre échange sui generis, les projets ont la même finalité déclarée : la libéralisation réciproque des échanges. Tous doivent être compatibles avec les règles de l’OMC, et être tournés vers le régionalisme ouvert. Ils incarnent la mutation de la stratégie commerciale de l’Union européenne, tant envers l’Amérique latine que dans les Caraïbes. En effet, dans le premier cas, ils augurent la perspective pour les pays latino-américains de voir évoluer les accords les liant à la CE et ses Etats membres, du bénéfice du système de préférences généralisées, vers des relations préférentielles réciproques230. Dans le cas des Caraïbes, ils traduisent le glissement progressif – la zone de libreéchange étant programmée aux alentours de 2020 – de relations préférentielles nonréciproques vers un accord préférentiel réciproque231. Indépendamment de leur dénomination en droit communautaire, tous ces accords relèvent, dans la nomenclature du droit international économique, de la catégorie des accords commerciaux régionaux (ACR). Ils désignent les accords conclus entre plusieurs pays pour libéraliser ou faciliter le commerce à l’échelle régionale, soit au moyen de zones de libre échange ou d’unions douanières, soit au moyen d’un accord provisoire créant une transition nécessaire vers l’établissement d’une zone de libre échange ou d’une union douanière. Or, les accords commerciaux régionaux, en constante expansion depuis le début des années 1990, sont devenus un paramètre dominant du système commercial multilatéral. En l’espèce, c’est la dimension ou la perspective inter-régionale de certains de ces accords qui est intéressante ici. Ces projets visent aussi à instaurer des relations privilégiées sur une base nouvelle, et sauvegardent les débouchés et les intérêts multiples des entreprises des pays membres de l’Union européenne dans la zone, par rapport aux Etats-Unis, et à d’autres concurrents plus récents tels que le Japon et la Chine. Le premier, par exemple, dans le cadre de la Commis- 230 Voir Infra, Titre II, Chapitre Second, Section I « La réforme du “régime spécial anti-drogues” et son impact sur la CAN et le SICA ». 231 Voir Infra, Deuxième partie, Titre II, Chapitre Premier et Chapitre Second. 130 sion Baleinière Internationale232, manifeste son influence en s’alliant les votes des petits pays des Caraïbes membres de cette organisation, tel Saint-Kitts-et-Nevis233, pour que soit autorisée à nouveau, la chasse commerciale à la baleine ainsi que, la vente des produits baleiniers, alors que plusieurs pays européens (dont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne) dits « protecteurs » s’y opposent234. D’un point de vue stratégique, il est aussi question pour l’Union européenne, de contrecarrer l’offensive diplomatique de Beijing menée depuis la fin des années 1990, visant à resserrer les liens politiques, militaires et culturels avec les principales économies latino-américaines (Brésil, Mexique, Argentine, Venezuela) et ce, d’autant que depuis peu, le Chili a signé un traité de libre échange avec la République populaire de Chine235. En outre, un pacte trilatéral de libre échange a été prévu entre le Chili, la NouvelleZélande, Singapour, originellement dénommé the « Pacific Tree », The Trans-Pacific Strategic Economic Partnership Agreement (TPP), comprend en réalité quatre membres, dont le Bruneï Darussalam. Cet accord signé en 2005, est entré en vigueur en 2006236. a) Le projet de zone de libre échange Union européenne-MERCOSUR En juin 1999, lors du premier sommet entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, les autorités de l’Union européenne et du MERCOSUR ont décidé d’engager des 232 La Commission Baleinière Internationale (CBI) a été créée par la Convention de Washington du 2.12.1946. Elle se donne pour mission « la conservation judicieuse de l’espèce baleinière et, partant, de rendre possible le développement ordonné de l’industrie baleinière ». La CBI compte 85 pays en 2009, dont 23 Etats membres de l’Union européenne. La France en fait partie depuis l’origine. La traduction française de cette Convention est publiée au Journal officiel de la République française : Décret n° 48-2044 du 31.12.1948 relatif à la « Publication de la Convention de Washington du 2 décembre 1946 de l’Acte final et du Protocole sur la règlementation de la chasse à la Baleine », JORF, du 7.01.1949, p. 312. 233 Voir à l’occasion de la 58ème réunion annuelle de la Commission Baleinière Internationale, à Saint-Kitts-EtNevis du 16 au 20 juin 2006, la Résolution de la réunion annuelle n° 2006-1, Annexe C, intitulée « Déclaration de Saint-Kitts-Et-Nevis »sur http://www.iwcoffice.org/_documents/meetings/stkitts/AnnexC.pdf . Les autres pays caribéens membres de la Commission Baleinière Internationale sont : Sainte-Lucie (membre depuis 1981), Saint-Vincent-et-les-Grenadines (1981), Antigua-et-Barbuda qui a adhéré en (1982), Saint-Kittset- Nevis (1992), la Dominique (1992), le Belize (2003) et la République dominicaine (2009). 234 Il existe actuellement deux approches au sein de la Commission Baleinière Internationale : les pays favorables à la reprise de la chasse commerciale (camp des pro-chasses), et les pays qui s’y opposent (dits protecteurs, dont la France mais aussi le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Brésil, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande...). La diplomatie active du Japon vise à élargir le camp des chasseurs et à obtenir la majorité simple, actuellement détenue par le camp des protecteurs. Site officiel : http://iwcoffice.org/ 235 « Free Trade Agreement between the Government of the People’s Republic of China and, the Government of Republic of Chile » a été signé le 18 .11.2005, et est entré en vigueur le 1.10.2006. Le texte de l’accord est disponible sur le site http://www.sice.oas.org/agreements_e.asp. Voir NAVARO CASTANEDO (D.), « La Chine en Amérique latine : un nouveau joueur sur l’échiquier hémisphérique », Chronique du Centre d’études interaméricaines, op.cit., spéc., pp. 5-6. 236 Pour des informations sur cet accord, voir par exemple le site de l’ambassade de Nouvelle Zélande http://www.nzembassy.com/chile/relationship-between-new-zealand-and-chile/new-zealand-and-chile 131 négociations en vue de la conclusion d’un accord d’association. Il vise la création d’une zone de libre échange entre les deux régions à l’horizon 2005, par la libéralisation du commerce des biens et des services. b) Le projet de zone de libre échange Union européenne - CARIFORUM Ce projet est prévu dans l’Accord de partenariat économique (APE). En effet, la Convention de Lomé IV régissant les relations entre l’Union européenne et les pays du groupe ACP a expiré en février 2000. L’Union européenne souhaitait accélérer l’adaptation des économies des pays ACP à l’économie mondiale, ce qui supposait l’abandon de la nonréciprocité des préférences commerciales237. La Commission européenne proposa de remplacer les accords préférentiels non réciproques par des zones de libre échange238, entre la Communauté et des unions douanières formées au sein du groupe ACP ; cette solution fut posée dans l’accord de Cotonou du 23 juin 2000, aux articles 34 et 35 paragraphe 2. c) Les projets d’accords d’association assortis de zones de libre échange avec les pays membres de la CAN et du SICA En 2006, la déclaration politique de Vienne à l’issue du quatrième sommet UE-AL-C affirmait : « Rappelant l'objectif stratégique commun de la déclaration de Guadalajara et ayant à l'esprit les résultats positifs de l'exercice d'évaluation conjoint sur l'intégration économique régionale réalisé avec l'Amérique centrale, nous saluons la décision qu'ont prise l'Union européenne et l'Amérique centrale de lancer des négociations en vue d'un accord d'association, y compris de la création d'une zone de libre échange (…) Les parties concernées partagent un même objectif, qui est la conclusion d'un accord global d'association, et espèrent vivement que les négociations avanceront rapidement et que le futur accord d'association fera l'objet d'une mise en œuvre effective. Les parties reconnaissent à cet égard l'importance des travaux préparatoires entrepris dans le cadre de l'évaluation conjointe pour le processus de négociation ». Les participants y déclarent également que « Rappelant l'objectif stratégique commun défini dans la déclaration de Guadalajara, nous accueillons avec satisfaction la décision prise par l'Union européenne et la Communauté andine de lancer, en 2006, un processus visant à la négociation d'un accord d'association, comportant un dialogue politique, des programmes de coopération et un accord commercial. À cette fin, la CAN et 237 Pour une analyse détaillée de cette question voir Infra Titre Second, Chapitre II, Section II. 238 Commission européenne, « Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays ACP à l’aube du 21ème siècle : défis et options pour un nouveau partenariat », Luxembourg, OPOCE, 1997, 68 p. 132 l'UE décident de tenir, avant le 20 juillet prochain, toutes les réunions nécessaires, dans le but de préciser et de définir les bases de la négociation pour que toutes les parties puissent y participer pleinement et en bénéficier ». Les négociations ont officiellement débuté en juillet et octobre 2007. Les négociations avec l’Amérique centrale associent le Panama, bien que ce dernier pays ne soit pas formellement membre du sous-système de l’organisation d’intégration économique d’Amérique centrale, « Système d’Intégration Economique Centre-Américain » ou (SIECA)239. Si ces négociations avec la Communauté andine et le Système d’Intégration CentreAméricain aboutissent à des accords, après ceux déjà conclus avec le Mexique, le Chili, signés respectivement en 2000 et 2002, et à la suite de l’ouverture des négociations avec le MERCOSUR, l’Union européenne (CE et Etats membres) sera liée à une grande partie des pays d’Amérique latine et aura consolidé son aire d’influence. Son approche est, somme toute, similaire à celle qu’expérimentent les Etats-Unis. En effet, ces derniers négocient également des accords de libre échange avec des pays ou groupements régionaux240, ce qui les place au cœur d’un vaste réseau de multiples accords ; et ce, même si la négociation à trente quatre pays, prévue dans le cadre du projet de Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA)241 semble dans une impasse. Malgré leur vocation stratégique commune, les projets de zones de libre échange conçus à l’initiative de l’Union européenne, comportent certaines différences juridiques qui doivent être signalées. 2- Les dissemblances : les contextes d’élaboration et les bases de négociation différents C’est dans un accord fondé sur l’ex-article 113 ou 133 du TCE que l’on trouve trace du projet de zone de libre échange Union européenne / MERCOSUR. « Cet article, relatif à la politique commerciale commune, sert de base juridique à des conventions qui ont souvent 239 Pour une analyse de la structure institutionnelle des organisations régionales d’intégration économique, notamment en Amérique centrale, voir TENIER (J.), Intégrations régionales et mondialisation : complémentarité ou contradiction ? Paris , la documentation française, 2003, 232 p. 240 Voir par exemple, l’accord de libre échange conclu entre les États-Unis et les pays membres du Système d’Intégration centre-américain accompagnés de la République dominicaine : « The Central-America Free Trade Agreement and Dominican Republica » (CAFTA-DR) signé le 5.08.2004. Sur le site officiel de l’OEA : http://www.sice.oas.org/Trade/CAFTA/CAFTADR_e/CAFTADRin_e.asp 241 DOIRE (V.), « La ZLEA reculer pour mieux sauter ? », Chronique du Centre d’études interaméricaines, septembre 2005, Québec, Canada, pp.1-5. 133 constitué la première phase de relations plus poussées entre la Communauté et des Etats tiers »242. Au contraire, la création de zones de libre échange avec les organisations régionales des pays du groupe ACP, est une possibilité juridique explicitement formulée dans l’accord de Cotonou dont la base juridique est l’article 310 du TCE (ex-article 238 du Traité CE). Or, M. LESOBRE rappelait « la Commission le présente comme une base juridique plus importante que les articles 113 ou 235 ». « Il signifie en effet la consécration de rapports étroits entre la Communauté européenne et les Etats ou organisations parties à un accord »243. Ceci permet de se souvenir – si besoin en est – que l’usage politique d’une base juridique est un grand classique depuis les années 1960. A terme, et parce que l’article 310 du TCE est « en toute hypothèse la base juridique qui conduit aux accords internationaux les plus poussés (…) »244 – car il ne se rapporte pas à une politique en particulier et autorise donc la conclusion d’accords divers et ambitieux – il est fort probable que les accords portant création de zone de Libre échange avec les pays membres du MERCOSUR comme avec les Caribéens, soient tous deux conclus sur la base de l’article 310 du TCE devenu l’article 217 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. Autrement dit, l’usage de la base juridique de l’article 310 TCE, pourrait être le point de départ d’une uniformisation progressive du régime juridique des uns et des autres, si les négociations des futurs accords aboutissent à la conclusion d’accords d’association fondés sur ledit article, devenu l’article 217 du TFUE. L’uniformisation serait toute relative selon que l’article en question soit combiné ou non, à d’autres bases juridiques. En l’état actuel, une grande différence subsiste quant au contexte d’élaboration des projets de zones de libre échange susmentionnés. Si les deux projets sont élaborés dans une situation générale de mondialisation des systèmes économiques et financiers et de nouvelles règles du système commercial multilatéral, la réorientation de la coopération vers des projets de ZLE avec les Caraïbes est née dans le contexte d’un contentieux commercial opposant les Etats-Unis et la Communauté européenne, à propos du traitement différencié qu’elle applique aux bananes en provenance des ACP245 depuis 1993. Les panels ayant conclu à l’illégalité des 242 LESOBRE (O.), « Diversité et enchevêtrement des bases juridiques », in CHRISTOPHE-TCHAKALOFF (M.-F.) (dir.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : essai de clarification, op. cit., spéc.,p. 38. 243 Ibidem, p. 43. 244 Idem, p. 43. 245 CASSIA (P.), SAULNIER (E.), « L’imbroglio de la banane », Revue du Marché Commun, n° 411, 1997, p. 527 ; TIOZZO (C.), MOREY (B.), « La résolution du conflit de la banane opposant les Etats-Unis à la Com- 134 pratiques communautaires et de ce traitement préférentiel246, la CE a dû concevoir un nouveau projet compatible avec le droit de l’OMC et en même temps, apte à répondre à la concurrence. En toile de fond, la concurrence entre l’Union européenne et les Etats-Unis peut donc être admise comme une des causes importantes de l’élaboration des projets européens de zones de libre échange dans l’espace Amérique latine-Caraïbes247. Pour éviter tout risque d’exclusion sur les marchés latino-américains et caribéens, la Communauté européenne et ses Etats membres tentent de conclure des accords, ayant un volet de libéralisation commerciale réciproque, conduisant à créer chacun, comme susmentionné, une zone de libre-échange. B) Des contrepoids au projet panaméricain L’évolution de la stratégie commerciale européenne est déterminée en partie par le rôle des Etats-Unis dont l’influence notamment en Amérique latine est ancienne (1), ainsi que par l’intention nord-américaine de créer une Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) qui n’est pas abandonnée, même si les négociations sont dans l’impasse. La réalisation était prévue pour 2005, mais n’a pas pour l’heure, vu le jour. Tout au plus, les difficultés de ce projet, entraînant un changement de tactique américaine, incitent dorénavant l’UE à devancer les négociations américaines d’accords commerciaux régionaux et bilatéraux dans la région. Puisque les Etats-Unis et l’Union se concurrencent dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, chacun répond aux initiatives interrégionales de l’autre, par un « régionalisme de contrepoids »248. En 2002, dans une résolution adressée au deuxième sommet Union européenne-Amérique Latine-Caraïbes ou « sommet de Madrid », le Parlement européen préconisait la création à l’horizon 2010 d’une Zone Economique Latino -Américaine (2) laquelle « ajouterait un support institutionnel et une couverture géographique complète au contenu du partenariat stratégique bi régional »249. munauté européenne par l’OMC - la guerre des bananes : suite et fin ?, Revue du Marché Commun, n° 429, 1999, spéc., p. 394. 246 OMC, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, WT/DS27/AB/R, du 9.09.1997. 247 Selon le Professeur Olivier BLIN « derrière les arguments juridiques qui vont clairement dans le sens de l’illégalité du dispositif communautaire concernant le marché de la banane, se cache à peine la volonté des Américains d’obliger les Européens à libérer leur marché intérieur mais également le marché des pays ACP où la Communauté détient une place importante », BLIN (O.), « La CE et l’OMC », op. cit., spéc.,p. 25. 248 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Le droit de l’Union européenne en principe. Liber amicorum en l’honneur de Jean RAUX, Rennes, éd. Apogée, 2006, p. 706. 249 Bulletin Quotidien Europe n° 8211 du 15 mai 2002, p. 14. 135 1- L’influence ancienne des Etats-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes Les intérêts américains se sont affirmés à partir de la seconde moitié du XIXème siècle. En effet, grâce au développement du secteur bananier en Amérique centrale et dans les grandes Antilles, notamment en Jamaïque250, de grandes compagnies américaines se sont arrogé de vastes exploitations dans l’espace géographique Caraïbes - Amérique latine. Par la suite, au début du XXème siècle, sous couvert d’idéologie et de sécurité, les dirigeants politiques américains ont voulu aussi affirmer leur puissance en Amérique latine et dans les Caraïbes, tout en protégeant les intérêts économiques de leurs firmes. Cela entraîna une marginalisation relative de la présence européenne251. Les Etats-Unis ont donc instauré des doctrines de politique étrangère252 inspirées de conceptions plus anciennes253, justifiant sous l’angle géostratégique le bien fondé de la puissance américaine dans ces régions. Dans le contexte de la guerre froide, plusieurs traités furent conclus visant officiellement à assurer la sécurité dans cet espace géographique – contre d’éventuels risques de contamination totalitaire – et officieusement à asseoir l’emprise américaine dans la région. Ainsi sous la présidence TRUMAN (1945-1953), le Traité Interaméricain d’Assistance Réciproque (TIAR) signé en 1947, lia les Etats-Unis à l’Amérique latine254. De surcroît, tout l’espace Amérique latine - Caraïbes se trouva indirectement lié aux Etats-Unis grâce à l’Organisation des Etats Américains (OEA) créée en 1948 à Bogota (Colombie)255. L’influence des Etats européens dans l’espace Amérique latine - Caraïbes est un héritage résultant du passé colonial de certaines grandes puissances. La France, l’Angleterre, 250 Voir CARRE (F.), de SEGUIN (A.), Mexique, Golfe, Caraïbes : une méditerranée américaine ? Paris, PUF, 1998, pp. 27 et ss. 251 Voir NABAJOTH (E.), Les relations internationales dans la Caraïbe, Lyon, L’HERMÈS, 1996, 304 p., spéc., p. 58. 252 Ibidem, spéc. pp. 53- 58. Par exemple, la politique du « Big Stick» ou « diplomatie du gros bâton » en (1904) de Théodore ROOSEVELT justifiait l’intervention dans les affaires intérieures d’un Etat tiers de la région dès lors que la situation politique dans le dit pays menaçait les investissements américains. 253 Exemples de théories anciennes ayant servi de base idéologique : la doctrine Monroe formulée le 2 décembre 1824 ; cette dernière professe « l’Amérique aux Américains » et visait à écarter toute tentative d’intervention extérieure dans la zone. Selon la conception de la « Méditerranée américaine », tout le sous-continent, mais aussi les îles de la Caraïbe sont inclus dans la zone d’influence américaine, les Européens n’ayant rien à y faire. Les Etats-Unis se sont donc reconnu un droit de contrôle sur cet espace, par des moyens politiques, militaires et économiques. 254 Sur le site : http://www.oas.org/juridico/spanish/firmas/b-29.html 255 L’Organisation de Etats Américains (OEA) comprend, outre les Etats-Unis, les pays d’Amérique latine, de la zone Caraïbes et le Canada. Ses objectifs sont la paix, la justice, promouvoir la solidarité continentale, défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats membres. Voir, Secrétariat général de l’Organisation des Etats Américains, Charte de l’Organisation des Etats Américains réformée par le protocole de Buenos Aires en 1967, Washington, documents officiels de l’OEA, 1972, 43 p. ; http://www.oas.org/en/member_states/authorities.asp 136 l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal ont été des puissances coloniales aux intérêts économiques et commerciaux colossaux. L’emprise passée de certains Etats européens est aujourd’hui plus sobrement évoquée sous la référence aux « liens historiques étroits » entre la CE et les pays de ces régions256. D’ailleurs, l’intérêt de la CE pour l’Amérique latine s’est accru avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté européenne en 1986. Quant aux pays de la Caraïbe, pour la plupart membres du Commonwealth britannique, ils doivent leur accès privilégié au marché de la CE, à l’entrée de la Grande Bretagne en 1973 dans la Communauté Economique Européenne. Avec l’effondrement du bloc soviétique, la rivalité Europe - Etats-Unis s’est déplacée plus ouvertement du terrain géopolitique au terrain commercial et économique. Des mécanismes de coopération verticale basés sur l’octroi de préférences spéciales par les EtatsUnis, ont perduré ou ont été créés. Les pays de la Caraïbe aussi bien que certains pays latinoaméricains257en bénéficient toujours. Par exemple pour les Caraïbes, l’initiative pour le bassin des Caraïbes (ou en langue anglaise the Caribbean Basin Initiative)258. « Il s’agit en fait d’un vaste programme dont l’appellation CBI est utilisée afin de désigner le dispositif législatif adopté par le Congrès de Etats-Unis qui comprend les lois suivantes : le “Caribbean Basin Economic Recovery Act” » créé par une loi du 5 août 1983 (CBERA I ou CBI)259 et le « “Caribbean Basin Economy Recovery Expansion Act” de 1990 (CBERA Expansion Act dit CBERA II ou CBI II) »260. Le CBI est remplacé depuis 2000 par l’Acte de Partenariat Commercial du Bassin Caraïbe CBTPA (Caribbean Basin Trade Partnership Act ). Parmi les critères d’éligibilité à 256 Voir REMION (N.), Le rôle de la Communauté Européenne dans le processus de démocratisation en Amérique latine, 1980-1990, Mémoire de DEA en histoire des relations internationales et de l’intégration européenne, IHEE- Strasbourg III, 1994, 73 p., spéc., pp. 63 et ss. 257 VANGRASSTEK (C.) International Consultant of the Permanent Secretariat of the Latin American Economic System (SELA), « The free trade Area of the Americas: Options and Perspectives for the United States and Latin America and the Caribbean », in Prospects for the processes of sub-regional integration in Central and South America, IRELA, 1992, pp. 170-223. 258 Ce programme consenti unilatéralement par les Etats-Unis est né en février 1982 lors d’un discours prononcé par R. REAGAN devant l’Organisation des Etats Américains. Il était destiné à promouvoir le développement économique du bassin Caraïbes. Il comporte des mesures de libéralisation commerciale, des mesures d’aides financières et des mesures de promotion des investissements. 259 The United States International Trade Commission, The Impact of the Caribbean Basin Economic, Recovery Act – Nineteenth Report 2007-2008,188 p. http://www.usitc.gov/publications/332/pub4102.pdf 260 BARFLEUR-LANCREROT (L.), op. cit. p. 259. 137 ce traitement préférentiel, les Etats-Unis exigent que les pays participants respectent les normes de l’OMC261. Pour l’Amérique andine, l’Accord de Préférences Commerciales Andin ATPA (Andean Trade Preferences Act)262 est valable uniquement pour la Bolivie, la Colombie, l’Equateur et le Pérou (le Venezuela en est exclu). Il est très similaire au CBI et couvre d’ailleurs les mêmes produits. Son expiration était programmée pour 2001, mais il a été reconduit et rénové en 2002 sous l’appellation nouvelle d’Accord de promotion du commerce andin et d’éradication de la drogue ATPDEA (Andean Trade Preference and Drug Eradication Act). Outre, les préférences spéciales, il existe un régime général de SPG des Etats- Unis dont bénéficient – parmi les cent dix-huit autres pays en développement bénéficiaires – les pays du MERCOSUR, plus le Chili et le Venezuela263. Enfin, on constate que la stratégie américaine, a évolué également pour s’adapter264 aux divers facteurs d’évolutions des échanges et des relations internationales. Le projet le plus ambitieux, à savoir, la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA), s’intègre dans la vision américaine du régionalisme stratégique. Ce dernier ne serait que le couronnement d’un processus, dont les bases se trouvent en amont. Il prolonge un mouvement continu d’instauration de l’hégémonie américaine dans la région. Dans la mesure où la création en 1992 du traité instituant l’Association de Libre Echange Nord Américain (ALENA) comprenant le Mexique, avait déjà considérablement modifié les courants d’échange et évincé les intérêts européens, l’Union entendait contrebalancer le dessein américain d’une Zone de Libre Echange des Amériques. 2- La Zone de Libre Echange des Amériques versus la Zone de Libre Echange UE-AL-C 261 GUERO-MARESTER (V.), « Le processus de formation de la Zone de Libre-Echange des Amériques (ZLEA) et ses répercussions dans la Caraïbe », PDLC n°13, Revue du CRPLC, 2002, pp. 33-85. 262 Andean Trade Preferences Act (ATPA) accord commercial préférentiel approuvé par le Congrès des EtatsUnis le 4 décembre 1991 en vue d’appuyer la lutte contre le narcotrafic. Il est entré en vigueur à partir de 1992 pour une période de dix ans. 263 VANGRASSTEK (C.), op. cit., p. 201; Secrétariat permanent SELA, “US, options for the Free Trade Area of the Americas”, February 1988, (SP/DRE/Di n°19-98); Secretariat permanent SELA, “Perspectives of the Latin American and Caribbean countries in the FTAA”, August 1998, (SP/DRE/Di n°27-98). 264 DEBARD (T.) et alii (sous la dir.), La régulation juridique des espaces économiques : interactions GATT/OMC, Union européenne, ALENA, Actes du colloque co-organisé par le CDRE -Université Lyon 3 et L’institut Jean MONNET, Lyon, 1996, 257 p. 138 Le président George BUSH prononçait en 1990 son discours intitulé « Enterprise for the Americas » dont l’objectif ultime était la suppression des barrières commerciales au sein des Amériques. La première étape de ce processus fut l’Accord de libre échange nordaméricain (ALENA) adopté le 17 décembre 1992265 et réunissant, depuis le 1er janvier 1994, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Puis en décembre 1994, le sommet de Miami rassemblait les chefs d’Etat et de gouvernement des trente-quatre pays du continent américain ; ils firent une déclaration commune dans laquelle ils prirent l’objectif de conclure en 2005 un accord de libre échange couvrant le hémisphère américain et les Caraïbes : la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA). Afin de supplanter le projet de ZLEA devenu moribond, lors de la dix-septième conférence parlementaire Union européenne-Amérique latine et Caraïbes tenue à Lima au Pérou les 14 et 17 juin 2005, une proposition de création d’une zone euro-latino-américaine de libre échange au plus tard en 2010, suggérée par le Parlement européen, a été par la suite présentée conjointement à Puebla (Mexique) par le Parlement européen et le Parlement latino américain (PARLATINO). Sur le plan des relations économiques et commerciales, cette zone euro-latino-américaine aurait l’avantage de permettre des échanges unifiés avec l’ensemble de cet espace géographique. a) Le projet de ZLEA et ses difficultés Le projet de Zone de Libre Echange des Amériques(ZLEA) a été lancé lors du sommet de Miami en 1994. Plus qu’un simple projet commercial, la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) s’inscrit dans une recherche de convergence politique et économique de tout l’hémisphère américain, créant un nouvel espace totalement autosuffisant économiquement. Globalement, d’après la Déclaration et le Plan d’action lancés à Miami en 1994266, on peut distinguer les thèmes principaux du projet : la préservation et le renforcement de la communauté des démocraties des Amériques ; l’élimination de la pauvreté et de la discrimination dans l’hémisphère ; la garantie d’un développement durable ; la conservation de l’environnement naturel pour les générations futures ; et la promotion de la prospérité par l’intégration économique et le libre échange. 265 Pour une traduction en langue française du texte juridique et de ses annexes, AZUELOS (M.), COSIOZAVALA (M.-E.), LACROIX (J.-M.), Intégration dans les Amériques, Texte imprimé : dix ans d’ALENA, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2004, 340 p. 266 Les textes de la Déclaration et du Plan d’action sont disponibles sur le site officiel de la Zone de Libre Echange des Amériques : http://www.ftaa-alca.org/View_f.asp. 139 Les priorités politiques indiquées dans le Plan d’action du premier sommet des Amériques, repris par la suite lors du deuxième sommet des Amériques en avril 1998 à Santiago (Chili), sont donc sensiblement les mêmes que celles de l’Union européenne. En ce qui concerne l’organisation des négociations, celles de nature commerciale doivent couvrir tous les aspects des règles régissant les échanges, sauf les normes sociales et environnementales en vue de l’établissement de la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA). Elles débutèrent officiellement au moment du second sommet des Amériques en avril 1998. A cette occasion la demande américaine formulée en mai 1997, à Bela Horizonte (Brésil), de lancer la négociation dès le second sommet à Santiago, a été entérinée par les chefs d’Etat et de gouvernement participants. La mise en place de la Zone de Libre Echange des Amériques(ZLEA), repose, sur trois organes principaux qui sont : premièrement, « les ministres du commerce » chargés de concevoir le plan de travail général ; deuxièmement , les douze « groupes de travail » chargés de procéder à la collecte de données et d’examiner les mesures connexes dans leurs domaines respectifs en vue de déterminer les approches qui devraient présider aux négociations ; troisièmement, les « sous-ministres du commerce » qui ont pour mandat de diriger, d’évaluer et de coordonner les activités des groupes de travail et de formuler des recommandations politiques destinées aux ministres du commerce. La structure des négociations fut le fruit d’un compromis. Chaque secteur de négociations a été confié à des groupes de négociation ou groupes de travail dont les présidences ont été réparties entre les différents Etats. Le principe est celui de la présidence tournante comme pour le siège du secrétariat. Sur un plan technique, des groupes de négociation et de travail sont appuyés par un comité composé de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), la Commission Economique Pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC) et l’Organisation des Etats Américains (OEA). Le comité de négociations commerciales (CNC) coordonne les groupes de travail ; chacun doit remettre un avant-projet en vue des négociations. Enfin, des « Forum business » sont organisés pour associer les administrations et les milieux d’affaires intéressés. Si le processus de négociation pour une ZLEA à ses débuts, a évolué plus vite que le projet d’association interrégionale prévu entre l’Union européenne et le MERCOSUR – dont les négociations ont commencé en 2000 – celles pour la création d’une Zone de libre échange des Amériques se sont enlisées depuis le 20 novembre 2003, date de la déclaration ministérielle adoptée à Miami, à l’issue de la huitième réunion ministérielle des ministres du commerce, des trente-quatre pays des Amériques participant à la ZLEA. 140 L’une des difficultés bloquant l’avancée du projet était que, le Congrès américain n’avait pas accordé au Président des Etats-Unis, l’autorité nécessaire pour négocier, la dénommée procédure du « fast track » 267. Ce point de procédure a été résolu. Le président américain ayant obtenu le « fast track », les Etats-Unis ont fait une nouvelle offre, en janvier 2003, proposant, outre l’élimination des droits d’importation sur la majorité des importations industrielles et agricoles en provenance d’Amérique latine, et ce dès la mise en œuvre de la zone , un accès élargi aux secteurs des services, et de l’investissement. Les pays susceptibles d’adhérer à la ZLEA ont également présenté leurs offres conjointes initiales en matière d’accès aux marchés sur les produits agricoles et non agricoles en début d’année 2003. Le processus de négociation d’offres révisées a débuté en juillet 2003 et il s’est déroulé sur une base bilatérale. Cependant, les négociations pour une zone de libre échange des Amériques semblent définitivement au point mort268, du fait d’une opposition politique des pays latino-américains et notamment des réticences brésiliennes à l’égard de la ZLEA269, sans que se dégage une solution satisfaisante au sein du Comité des négociations commerciales. Lors de la négociation ministérielle à Miami le 20 novembre 2003, une approche de compromis fut initiée : il s’agissait dorénavant de mener les négociations au niveau hémisphérique avec des ambitions limitées à un nombre restreint de domaines et selon un plancher défini par le Brésil, leader du MERCOSUR, et d’avancer par des négociations bilatérales ou sous-régionales avec les pays et groupements régionaux souhaitant s’engager plus avant dans la négociation d’une ZLEA. Finalement, les négociations hémisphériques stagnent tandis que ne subsistent que l’approche bilatérale et interrégionale. « Le projet de ZLEA semble condamné à devenir un accord-cadre aux dispositions et conditions très lâches dont le but est de doter l’hémisphère de quelques standards communs tout en laissant à ses membres la flexibilité de libéraliser ses échanges avec ses partenaires privilégiés»270. 267 Le « fast track » fait partie d’une série de dispositions spéciales qui permettent à la branche législative de déléguer à l’exécutif certaines de ses compétences en matière de politique commerciale. 268 Voir WALSH (E.), « Le Sommet de Mar del Plata a-t-il enterré la ZLEA ? », Chronique du Centre d’études Interaméricaines (CEI), janvier 2006, pp. 1-10 ; BRUNELLE (D.), « La Zone de libre échange des Amériques : Autopsie d’un échec », La Chronique des Amériques, Observatoire des Amériques, n° 42, décembre 2004, 7 p. 269 F. TURCOTTE (S.), «Le multilatéralisme brésilien et le libre échange des Amériques », Cahiers du Groupe de Recherche sur l’Intégration Continentale GRIC, Montréal, n° 01-13, novembre 2001, 25 p. 270 DOIRE (V.), « La ZLEA : Reculer pour mieux sauter ? », Chronique du CEIM, septembre 2005, 5 p., spéc., p. 3. 141 Dans un contexte marqué par les difficultés de la Zone de Libre Echange des Amériques(ZLEA), deux voies semblent s’ouvrir à l’Union européenne. Elle peut soit opter pour une approche globale réunissant l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes , soit choisir une approche différenciée basée sur la négociation de nouveaux accords avec chacune des organisations régionales présentes dans l’espace Amérique latine-Caraïbes, en tenant compte de leurs besoins spécifiques, de leurs niveaux de développement, et de l’ancienneté des liens entre l’UE et chaque groupe considéré. Il semble qu’appliquant un principe de réalisme dans ses relations extérieures, la stratégie de la Communauté européenne et de ses Etats membres combine les deux approches : une approche globale est expérimentée au niveau du dialogue politique, donnant naissance à une stratégie commune pour toute la zone de l’Amérique latine et des Caraïbes qualifiée de « partenariat stratégique ». De surcroît, une approche différenciée est mise en œuvre lorsqu’il s’agit de concrétiser, par la négociation de nouveaux accords, les orientations du « partenariat stratégique ». Néanmoins, le Parlement européen a suggéré de conserver jusqu’au bout la logique de l’approche globale, en négociant à long terme, une vaste zone de libre échange Union européenne-Amérique latine-Caraïbes. b) Le projet du Parlement européen d’une zone de libre échange euro-latinoaméricaine En vue de consolider les relations UE-AL-C dans la mouvance des sommets, mais également, en vue initialement de supplanter le projet de zone de libre échange des Amériques devenu moribond, une proposition de création d’une zone euro-latino-américaine de libre échange au plus tard en 2010, fut présentée à Puebla (Mexique) par le Parlement européen271. Selon cette institution européenne, le projet est un élément clé des relations économiques et commerciales dont l’objectif ultime serait « la libéralisation préférentielle, progressive et réciproque, des échanges de toutes sortes de biens et de services, dans les limites propres aux services d’intérêt général, entre l’ensemble des deux régions, conformément aux règles de l’OMC »272. La marche à suivre pour concrétiser cette vaste zone euro-latino-américaine est décrite, en ces termes : il s’agit dans un premier temps, de concrétiser des accords d’association interrégionaux assortis de zones de libre échange avec la Communauté Andine des Nations 271 Rapport de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, sur « une coopération renforcée entre l’Union européenne et l’Amérique latine », A6-0047/2006, du 13.03.2006, pp. 21-22. 272 Rapport de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, sur « une coopération renforcée entre l’Union européenne et l’Amérique latine », A6-0047/2006, du 13.03.2006, § 21. 142 (CAN) et le Système d’Intégration Centre- Américaine (SICA), avant même le terme des négociations multilatérales à l’OMC. Cela implique qu’à l’avenir, l’ensemble des relations commerciales se dérouleront sur le mode préférentiel réciproque, compatibles avec les règles de l’OMC et fidèles au régionalisme ouvert. Et la transformation des relations avec la CAN et le SICA – basées pour l’heure, sur des accords non préférentiels – est programmée : des négociations d’accords sont envisagées, comme une étape préparatoire vers la structuration en une zone globale de libre échange euro-latino-américaine. Chacun des accords d’association avec la CAN et le Système d’Intégration Centre-Américaine devrait être analogue mutatis mutandis à ceux conclus avec le Mexique et le Chili et en cours de négociation avec le MERCOSUR, c'est-à-dire que les accords préférentiels devraient tous prévoir un haut degré de libéralisation. Dans la phase précédant leurs conclusions, les pays andins et centraméricains devraient bénéficier du régime du Système de Préférences Généralisées 273, unilatéralement octroyé par la CE, jusqu’à l’entrée en vigueur desdits accords. Dans un deuxième temps, entre 2006 et 2010, du moins suivant les voeux du Parlement, il s’agirait d’encourager la libéralisation des échanges avec l’ensemble de l’Amérique latine, au travers notamment du processus de partenariat stratégique entre l’Union et tous les pays et groupes régionaux associés. Le but véritable étant « de progresser en outre vers la réalisation, à l’horizon 2010, de règles communes entre l’UE et l’Amérique latine dans son ensemble afin de garantir la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux, entre autres, et de constituer une zone de libre échange aussi vaste que possible, sans perdre de vue les objectifs de cohésion sociale »274. Ce mode opératoire laisse en suspens la question de savoir comment la Communauté parviendrait à négocier un schéma uniforme de libéralisation commerciale avec des partenaires aux intérêts et au niveau de développement différents, dans la perspective d’une vaste zone de libre-échange euro-latino-américaine. Si au contraire, les futurs accords préparatoires contiennent des schémas de libéralisation différenciés, comme il est plus plausible de le concevoir, quels dispositifs juridiques permettraient à terme d’harmoniser ces schémas dans la perspective d’un grand ensemble commercial ? Selon toute vraisemblance, « la zone de libreéchange euro-latino-américaine ne serait pas uniforme, mais constituerait la charpente sous 273 Il s’agirait plus précisément de l’application effective au profit des pays andins et centraméricains du nouveau SPG «plus» conformément au Règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39. 274 Rapport du député européen SALAFRANCA SANCHEZ-NEYRA (J.-I.), « XVIIème conférence interparlementaire Union européenne-Amérique latine et Caraïbes, Lima (Pérou) du 14 au 17 juin 2005- Les relations UE-AL-C : faire du Sommet de Vienne une réussite », PE 358.814, 7 p., sur www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004.../568260fr.pdf 143 laquelle seraient réunis (...) » plusieurs accords. « Après cette première phase, il serait certainement possible d’envisager une seconde consolidation des mesures de libéralisation commerciales, qui conduirait à l’uniformisation du domaine commercial à l’égard des partenaires latino-américains »275. En fait, l’essentiel de la stratégie européenne de structuration en zones de libre échange interrégionale consiste en une recherche d’efficacité vis à vis des Etats-Unis276. Les zones de libre échange, programmées par l’Union avec chaque organisation régionale, semblent être le moyen de cette nouvelle course au leadership ou encore la réponse européenne choisie face aux défis économiques et géostratégiques posés par les Etats-Unis. Quelles sont les conditions juridiques de la réalisation de ces zones de Libre- échange ? §2 Les conditions juridiques de réalisation des projets de zones de libre échange La constitution de zone(s) de libre échange (ZLE) ou d’union(s) douanière(s) est tolérée par le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce, mais c’est une entorse au jeu de la Nation la plus favorisée277. Pour éviter que l’exception ne devienne la règle, la création de telles zones est soumise à des conditions de fond (A) ainsi que de forme et de procédure (B) minutieusement vérifiées par un organe de contrôle : le Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR)278. L’avantage de la zone de libre échange est qu’elle permet de réserver les retombées commerciales aux partenaires ayant les mêmes aspirations en évitant de voir des tiers, bénéficier sans contrepartie de ces engagements. Bien que ces conditions soient connues, un rappel succinct s’impose. 275 MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union européenne avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine », op. cit., p. 359. 276 Si ce motif n’est pas l’unique enjeu des relations extérieures de la CE avec cette zone, on remarque qu’il est par ailleurs, étroitement lié aux négociations multilatérales. En effet, les négociations pour une ZLEA ont lieu parallèlement et dans le même temps que les négociations commerciales de l’OMC ouvertes par les conférences ministérielles de Doha et de Cancùn. La même date butoir avait été fixée pour leur achèvement c’est à dire 2005. 277 Article I §1 du GATT de 1994. 278 Cet organe est chargé depuis 1996 du mécanisme d’examen préalable des ACR. La décision portant création du CACR et définissant son mandat figure dans le document WT/L/127 du 7.02.1996. 144 A) Les conditions de fond « Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce relatives aux intégrations régionales constituent un cadre contraignant pour la politique européenne de libre échange »279. Pour être conformes, les zones de libre échange doivent à la fois, couvrir « l’essentiel des échanges commerciaux » selon l’article XXIV §8 du GATT, ne pas exclure un secteur majeur des échanges, et veiller à ce que, la réduction des tarifs consentie soit réciproque et symétrique. En outre, il convient d’éviter les détournements des flux d’échanges internationaux (Trade diverting). Dans leurs relations économiques et commerciales mutuelles, l’Union européenne et les organisations régionales doivent veiller à créer des « courants d’échanges commerciaux « (Trade creating) sans détourner les courants d’échange préexistants à leur seul bénéfice (Trade diverting). Au regard de l’article XXIV du GATT, l’existence d’organisations d’intégration économique, et à plus forte raison la coopération interrégionale, n’est viable que si le but central des participants est de « faciliter le commerce » ; et s’ils s’abstiennent d’opposer des obstacles au commerce avec les pays tiers (article XXIV du GATT paragraphe 5 a) et b). En l’absence de toute définition de la notion « d’essentiel des échanges », il faut constater l’existence d’une grande liberté d’interprétation laissée aux parties à un accord créant une zone de libre échange : chacun est libre de déterminer en termes qualitatif et quantitatif ce que représente l’essentiel des échanges. L’Union européenne considère pour sa part qu’il s’agit de 90% des flux commerciaux interrégionaux y compris dans le secteur sensible de l’agriculture. L’accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) contient en son article V, un dispositif de même nature que l’Article XXIV du GATT. Il requiert une « couverture sectorielle substantielle » qui est clairement définie en termes quantitatif et qualitatif, c’est à dire qu’aucun mode de fourniture de services ne devra être a priori exclu pour que la condition soit remplie. Les différents dispositifs, notamment de l’Art XXIV du GATT et de l’Article V de l’Accord Général sur le Commerce et les Services sont susceptibles d’être interprétés à la lumière les uns des autres. C’est à dire qu’il est possible de s’inspirer de la définition de l’exigence de « couverture sectorielle substantielle » donnée dans l’accord sur les services 279 BLIN (O.), « La Communauté Européenne et L’OMC : droit matériel et institutionnel », Juris-classeur Europe, fascicule 2260, mis à jour 15 juillet 2000, 28 p. 145 pour interpréter la condition équivalente en matière de commerce des marchandises, en particulier pour déterminer, ce que représente la libéralisation de l’essentiel des échanges concernant les produits agricoles. Enfin, le plan ou programme de réalisation de la zone de libre échange doit prévoir un « délai raisonnable » pour l’établissement de la ZLE suivant les termes de l’article XXIV (5) lettre c). Le Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994 précise en son paragraphe 3 que le délai raisonnable s’entend d’une durée de dix ans. Ce délai peut être dépassé dans des cas exceptionnels ; c’est à dire dans des cas où des membres de l’Organisation Mondiale du Commerce parties à un accord provisoire estimeraient que dix ans seraient insuffisants, et à condition d’expliquer en détail au Comité des accords régionaux en quoi un délai plus long serait nécessaire. A ces conditions de fond s’ajoutent des conditions de procédure. B) Les conditions de procédure Le projet de constitution d’une zone de libre échange doit être notifié suivant les termes de l’Article XXIV §7 lettre b). Le Conseil du commerce des marchandises doit être saisi « sans retard », avant l’entrée en vigueur de l’accord constituant la zone de libre échange. Ce même Conseil saisira un groupe de travail. Le projet est ensuite soumis à une phase d’examen de compatibilité. Cet examen n’est enserré dans aucun délai. Il peut durer des années. Il est prévu que le Conseil du commerce des marchandises de l’Article XXIVdu GATT de 1994, pourra adresser aux membres concernés, « les recommandations qu’il jugera appropriées »280. Les Etats doivent en principe s’abstenir de conclure ou de mettre en vigueur des accords incompatibles. La création d’un organe unique et spécifique pour l’examen de compatibilité a rendu la procédure plus efficace. C’est le Comité des accords régionaux, établi le 6 février 1996. Il procède « à l’examen des accords conformément aux procédures et aux mandats adoptés » soit par le Conseil du Commerce des marchandises, soit par le Conseil du commerce des services ou par le Comité du commerce et du développement, selon les cas. Il appert d’emblée que, les projets de zone de libre échange envisagés par l’Union européenne dépassent le cadre prévu par le système de l’Organisation Mondiale du Com- 280 Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT, paragraphes 7 à 10 et articles XXIV du GATT § 7, lettre a). 146 merce. Quel que soit le projet de zone de libre échange considéré par la Communauté européenne, tel celui avec les Caraïbes, il s’agit d’un modèle sui generis, dont on peut s’interroger sur la compatibilité juridique au regard du droit de l’OMC281. En effet, le contrôle exercé par l’Organisation Mondiale du Commerce est un simple contrôle de compatibilité et non un contrôle de validité. Il s’ensuit que, l’Organisation ne peut pas conclure à la nullité de l’accord envisagé, ni l’interdire ; mais un rapport de non compatibilité aura pour effet de modifier les droits des tiers ; ceux-ci pourront demander des compensations ou saisir l’organe de règlement des différends (ORD) de tout litige résultant de l’application de l’Article XXIV. Cette possibilité est prévue à l’article XXIV §12 du GATT de 1994. Les tiers à l’accord créant une zone de Libre échange ont intérêt à agir, dès lors qu’ils s’estiment lésés. 281 Voir Infra, Deuxième partie, Titre Second, dernier Chapitre. 147 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND Toute la complexité des rapports résulte de la volonté européenne de « faire converger vers un même modèle trois ordres de préoccupations : commerciales, stratégiques et idéologiques »282. L’analyse met en exergue que moult enjeux, fortement enchevêtrés, justifient que l’Union européenne et les organisations régionales d’intégration économique en Amérique latine et dans les Caraïbes collaborent ; par exemple, lorsque l’Union européenne décide de créer une zone de libre échange avec l’un ou l’autre de ses partenaires, elle doit tout à la fois veiller à la cohérence de son projet avec les règles de la libéralisation des échanges et éviter de léser les intérêts de ses pays membres. La plupart des zones de libre échange qui ont été programmées à moyen terme (2005-2006 pour le MERCOSUR) et à long terme (2020, en principe pour la CARICOM), ont été conçues, pour répondre simultanément à plusieurs défis dont dépendent le rayonnement économique et politique international de l’Union européenne. Au nombre des défis à relever, le respect des principes du GATT et de l’AGCS s’impose, de même qu’un progrès de la libéralisation des échanges et le renforcement du système multilatéral. S’y ajoutent la compétition vis à vis des Etats-Unis et le désir de promouvoir des valeurs démocratiques et non marchandes. Globalement, on constate que, généralement, la prise de conscience de l’interdépendance dans un contexte donné motive le partenariat. Les protagonistes latinoaméricains et caribéens sont favorables à l’idée d’un «partenariat stratégique» avec l’Union européenne, car ils espèrent ainsi affronter les enjeux découlant du contexte économique, renforcer leur processus d’intégration, et trouver dans le modèle de partenariat extérieur européen, une solution de remplacement à la vision américaine. Il semble que les relations extérieures de l’Union européenne soient minutieusement planifiées. Il existe donc une politique étrangère européenne entendue comme un ensemble de mesures prises visant à influencer de manière positive son environnement extérieur283. La Communauté européenne règle et organise le développement de ses relations extérieures sui282 COUFFIGNAL (G.), Observatoire des changements en Amérique latine, Amérique Latine 2000, Paris, La documentation française, 246 p., spéc. p. 229. 283 DEHOUSSE (F.), VAN DEN BRÛLE (P.), ZGAJEWSKI (T.), «The Union’s External Relations – What should have been done? », Studia Diplomatica, vol. LVI, 2003, n° 1-2, pp. 119-133. 148 vant un plan. En témoignent, le déploiement de sa politique commerciale extérieure joint à la proclamation du « partenariat stratégique », dans un contexte donné et en réponse à des enjeux ciblés. Tous deux illustrent la planification des relations extérieures selon des visées internationales précises. Compte tenu de l’ampleur des enjeux, il appartient à la Communauté européenne conjointement aux Etats membres, de se doter des moyens juridiques pour la réalisation d’une reconfiguration des relations. Dans un premier temps, elle semble procéder à l’adaptation de certains instruments traditionnels de la coopération. 149 TITRE SECOND : L’ADAPTATION DE CERTAINS INSTRUMENTS TRADITIONNELS DE LA COOPERATION 150 Comment est mis en œuvre le «partenariat stratégique» ? Cette première question mène à un constat : la formulation du « partenariat stratégique » intervient alors que préexiste une tradition de coopération avec des pays des régions d’Amérique latine et des Caraïbes. Autrement dit, avant la proclamation du « partenariat stratégique », des instruments et mécanismes de coopération avec l’Amérique latine et les Caraïbes, avaient vocation à tenir compte, autant des asymétries de développement entre la Communauté européenne et ces pays tiers, que des intérêts de chaque partie. Il convient d’examiner comment se sont opérées des répercussions juridiques sur l’orientation et l’utilisation de certains instruments préexistants, tels que le dialogue politique envisagé comme instrument de coopération et le système de préférences commerciales, outil traditionnel de la relation commerciale avec les Etats tiers. Il apparaît que ces instruments de coopération sont soit étoffés, soit subissent des réformes de fond. Ainsi deux grandes tendances – premiers jalons, semble-t-il, d’une préparation à de nouvelles relations – émergent : premièrement, le dialogue politique en tant qu’instrument de coopération tend à être renforcé (CHAPITRE PREMIER) ; deuxièmement, la Communauté européenne organise le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales (CHAPITRE SECOND). 151 CHAPITRE PREMIER : LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE POLITIQUE EN TANT QU’INSTRUMENT DE COOPERATION Instrument diplomatique et de concertation, le dialogue politique n’est pas un outil nouveau de rapprochement entre la Communauté européenne, ses Etats membres et les pays tiers ou groupements de pays. En Amérique latine, par exemple, les premières initiatives de dialogue bi-régional ont vu le jour dès les années 1980284 : durant cette période fut inauguré à San José les 28 et 29 septembre 1984, le premier dialogue entre, d’une part, les Etats d’Amérique centrale et ceux du Groupe de Contadora285 et, d’autre part, la Communauté et ses Etats membres, plus l’Espagne et le Portugal, alors Etats candidats. Eurent également lieu, des tentatives d’échanges entre la CEE, ses Etats membres, et ceux du Système Economique Latino-Américain (SELA)286 ou encore des conversations à contenu politique entre la CEE287 et les pays membres de l’Association latino-américaine d’Intégration (ALADI)288. Cependant, le dialogue politique avait alors une ambition officielle ciblée : contribuer aux règlements pa284 Sur ce sujet, voir la thèse de Mme BOURIN–DION (C.), Les relations entre l'Union européenne et l'Amérique latine, Thèse de doctorat en droit, Université de Rennes, 1996, 2 microfiches, 392 images. 285 Le Groupe de Contadora créé en 1983 entre la Colombie, le Mexique, le Panama et le Venezuela avait pour but de négocier une solution pacifique aux conflits centraméricains. 286 Le Système Economique Latino-américain (SELA) est un organisme intergouvernemental créé par un traité signé à Panama le 17 octobre 1975. Il comprend actuellement vingt sept pays latino-américains et caribéens. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une organisation d’intégration mais plutôt, selon l’article 2 de l’accord le créant, d’ « un organisme régional de consultation, de coordination, de coopération et de promotion économique et sociale, de caractère permanent, avec une personnalité juridique internationale ». Ses objectifs fondamentaux aux termes de l’article 3 sont de « promouvoir la coopération intra-régionale, dans le but d’accélérer le développement économique de ses membres » et de « promouvoir un système permanent de consultation et de coordination pour l’adoption de positions et de stratégies communes sur des thèmes économiques et sociaux, tant dans les organismes et forums internationaux, que devant des pays tiers et des groupes de pays ». Voir document électronique « Convenio de Panamá Constitutivo del Sistema Económico Latinoamericano » en ligne : http://www.sela.org/sela2008/estadosMiembros.asp 287 Dans les années 1980, ce sont les Etats membres plutôt que la Communauté qui dirigent les initiatives de politique extérieure, même si les instruments de la CEE appuient les actions menées conjointement. 288 L’Association Latino Américaine d’Intégration (ALADI) créée par le Traité de Montevideo de 1980, a remplacé l’association de libre échange américaine créée en 1960. Les pays membres de l’ALADI sont les pays du pacte andin auxquels s’ajoutent l’Argentine, le Brésil, le Mexique, le Paraguay, l’Uruguay. Cuba est devenu membre de plein droit le 26.08.1999 après avoir adhérer au Traité fondateur conformément aux dispositions des articles 55 et 58. ALADI/CM/Resolución 51 (X) 6.11.1998, sur le site http://www.aladi.org/nsfaladi/juridica.nsf/vtratadoweb/tm80 152 cifiques des différends en Amérique Latine et Centrale, troublée par des querelles frontalières, et par l’instabilité politique. Ce dialogue s’est poursuivi dans les années 1990289 et demeure peu ou prou d’actualité, dans le contexte politiquement instable que traversent certains pays latino-américains290; mais il ne représente plus qu’une frange du dialogue politique. En revanche, ce qui change depuis la déclaration de Rio de 1999291 annonçant le « partenariat stratégique », c’est la systématisation du recours au dialogue politique multisectoriel : l’utilisation systématique du dialogue se manifeste par la tenue régulière et à tous les niveaux possibles292, de dialogues institutionnalisés, sur une multitude de thèmes et de secteurs. Ce fait conduit à s’interroger sur le rôle du dialogue politique dans la restructuration des relations extérieures en général, et dans la réalisation de ce « partenariat stratégique » en particulier. L’hypothèse est que le dialogue politique renforcé permet d’entretenir des liens plus intenses avec des groupes d’Etats. De plus, dans les principaux accords en vigueur avec l’Amérique latine et les Caraïbes, le dialogue politique s’affirme comme un mécanisme efficace de renforcement de la coopération. Cela se traduit par l’insertion d’un chapitre voire d’un titre consacré au « dialogue politique », par exemple, dans les accords dits de « dialogue politique et de coopération » avec les pays membres de la Communauté andine et ceux du Système d’intégration économique centraméricains, et dans l’accord de partenariat économique avec les pays du CARIFORUM. Cependant, cette dernière tendance ne signifie aucunement que le dialogue politique se cantonne à l’intérieur des relations conventionnelles. En effet, symptomatique de son importance croissante, le dialogue politique renforcé avec les groupements de pays d’Amérique 289 Par exemple, le soutien de la Communauté européenne au Groupe de Rio pour apaiser les guerres intestines au Nicaragua, au Honduras et au Salvador a donné lieu à une Déclaration politique dite de Rome du 20.12.1990, Bulletin CE, déc. 1990, point 1.4.39. 290 Le 28 juillet 2009, « Au Honduras, le président Manuel ZELAYA a été renversé par les militaires », Le Monde, 30.06.2009, p.10 ; Voir également, la déclaration de la Présidence de l’Union européenne, du 21.07.2009, sur la situation du Honduras, 12255/09 et les conclusions du Conseil sur le Honduras, du 15.09.2009. 291 « Déclaration de Rio », Document d’actualité internationale, n° 17, pp. 668-695. 292 Le dialogue politique s’effectue à différents niveaux : - au plus haut niveau, le dialogue regroupe les chefs d’Etats et de gouvernement, - au niveau ministériel, se réunissent les ministres des affaires étrangères, - au niveau interparlementaire, des rencontres ont lieu entre les instances représentatives démocratiquement élus, - au niveau des hauts fonctionnaires, des réunions diplomatiques entre Ambassadeurs et hauts fonctionnaires sont organisés, - au niveau de la société civile organisée. 153 latine et des Caraïbes se réalise et se consolide aussi bien hors du cadre conventionnel (SECTION I), que dans ce dernier. A ce propos, l’on ne peut que relever l’ancrage patent du dialogue politique dans le cadre conventionnel (SECTION II). 154 SECTION I : LA CONSOLIDATION DU DIALOGUE POLITIQUE EN MARGE DU CADRE CONVENTIONNEL La plupart des instances interrégionales du dialogue politique en Amérique latine se sont développées en marge du cadre conventionnel, c'est-à-dire à la suite de déclarations politiques leur donnant naissance de façon informelle293. Antérieures à la proclamation du partenariat stratégique, ces instances, cadres du dialogue politique avec chaque groupement régional, perdurent et acquièrent avec celle-ci, une importance renouvelée. En effet, loin de tomber en désuétude, les instances du dialogue de groupe à groupe, s’insèrent dans une architecture générale enrichie, qui fait coexister plusieurs échelons de discussion. Ainsi, outre un dialogue politique mené avec l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, sont maintenus et consolidés les pourparlers politiques interrégionaux adaptés aux particularités et aux préoccupations spécifiques de chaque organisation régionale. S’y ajoute un dialogue à l’échelon bilatéral qui concerne individuellement chaque pays. Cette architecture prend en compte, semble-t-il, la diversité et l’hétérogénéité de la zone géographique latino-américaine et caribéenne. S’agissant du dialogue organisé hors d’un cadre conventionnel, deux éléments de consolidation du dialogue politique apparaissent. Premièrement, on note l’extension des thèmes abordés à l’occasion des discussions avec chaque organisation régionale. A ce propos, il faut rappeler quelles sont les instances du dialogue politique au niveau sous-régional (§1). Deuxièmement, le renforcement se traduit par des évolutions de la structure du dialogue politique qui permettent de le faire exister également au niveau continental (§2). Ces évolutions viennent compléter le dispositif sous-régional préexistant sans s’y substituer. §1 Les instances sous-régionales du dialogue politique 293 Néanmoins, dans le cas du Mercosur par exemple, la déclaration politique a été annexée à l’Accord cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du sud et ses Etats parties, d’autre part, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 83. La déclaration commune sur le dialogue politique précise les objectifs et les mécanismes du dialogue. 155 Le dialogue politique au niveau sous-régional a lieu en marge des grandes rencontres bi-régionales avec le Groupe de Rio294 et parallèlement aux sommets entre les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, de l’Amérique latine et des Caraïbes. L’Union européenne a établi des mécanismes de concertation politique et diplomatique avec tous les groupes régionaux d’Amérique latine (A). A la différence de la pratique forgée en Amérique latine, les discussions avec le CARIFORUM apparaissent relativement tardives et représentent un cas particulier de dialogue sous-régional. Il faut signaler effectivement que le CARIFORUM créé en 1993, n’est pas une instance originellement dévolue au dialogue politique. Mais cela n’a pas empêché que ce dispositif de coordination entre les Etats ACP caribéens et l’Union européenne s’oriente progressivement vers la prise en compte de questions politiques (B). A) Les dialogues avec les groupements d’Amérique latine La concertation entre l’Union européenne représentée – jusqu’au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne – par la troïka295, et les organisations régionales d’Amérique latine se déroule généralement (mais pas exclusivement) au niveau ministériel : la réunion fait intervenir, pour la partie non européenne, les ministres des affaires étrangères des pays membres de l’organisation régionale concernée296. Suivant les thèmes discutés, d’autres ministres peuvent être intéressés. Concerté, et fondé sur l’engagement politique volontaire des participants, le dialogue politique a la caractéristique d’être souple. Il permet une convergence des vues, qui exclut prima facie toute coercition telles que des sanctions économiques entre interlocuteurs. Cette propension à persuader les participants par la méthode douce, différencie le dialogue politique 294 Instance informelle de dialogue politique créée en 1986 et institutionnalisée par la déclaration de Rome du 20 décembre 1990, le groupe de Rio traite des sujets d’intérêts communs pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Les membres du groupe de Rio sont : Argentine, Bolivie, Brésil, Belize, Chili, Colombie, Costa-Rica, Salvador, Equateur, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela, République dominicaine. Depuis le 13 novembre 2008, Cuba est membre du Groupe de Rio. 295 Dans la pratique communautaire, la troïka est l’appellation donnée à l’association informelle des représentants de l’Etat assurant momentanément la présidence du Conseil, de l’Etat qui l’a précédé, et de celui qui lui succédera, en vue d’assurer une plus grande continuité de l’action communautaire. GUILLIEN (R.), VINCENT (J.) (dir.), GUINCHARD (S.), MONTAGNIER (G.), Lexique des termes juridiques 2010, Paris, Dalloz, 2009, 769 p., spéc., p. 721. 296 Par exemple, voir la tenue de la « réunion ministérielle du dialogue de San José entre la troïka de l’Union européenne et les ministres des pays d’Amérique centrale », Saint-Domingue, République dominicaine, du 19 avril 2007. Document du Conseil de l’Union européenne, Communiqué conjoint, Bruxelles, le 19.04.2007, 8669/07 (presse 85), 4 p. 156 du concept de la conditionnalité politique297. Car, celle-ci suppose l’existence d’un dispositif notamment répressif, comme l’éventuelle suspension des avantages que les parties pourraient s’octroyer, dans le cadre d’un accord, si l’une ou l’autre partie ne respectait pas les conditions politiques de leurs relations. Au contraire, sous-jacente à l’utilisation systématique du dialogue politique, apparaît surtout l’idée qu’une coopération politique peut-être efficace pour le traitement des problèmes qui présentent un caractère rémanent tels que le trafic de drogues, les problèmes de migration. En effet, tout en étant au premier chef des problèmes régionaux, ils ont un caractère transrégional voire interrégional. C’est donc davantage une méthode basée sur la reconnaissance de l’interdépendance que l’expression d’un lien de supériorité entre les protagonistes. Et dans la mesure où le dialogue politique en l’espèce se situe hors cadre conventionnel, la sanction de la violation d’éventuelles lignes de conduite posées lors des rencontres non prévues dans le champ conventionnel, ne saurait être la suspension. Les dialogues interrégionaux s’avèrent apparemment capables de structurer les relations interrégionales de telle sorte que la partie extra-européenne fasse des choix qui s’accordent avec ceux de l’entité européenne. Les enceintes du dialogue politique sousrégional en Amérique latine – à savoir, le dialogue dit de « San José » avec les pays membres de l’intégration d’Amérique centrale (1), le dialogue avec la Communauté andine (2) et le dialogue avec le MERCOSUR (3) – sont les principaux cadres de définition d’un projet politique entre l’Union européenne et les Etats membres de processus d’intégration régionale en Amérique latine. 1- Le dialogue Union européenne - pays centraméricains, dit « de San José » Il réunit les représentants de l’Union européenne et ceux d’Etats de l’Amérique centrale (Costa-Rica, Honduras, Nicaragua, Panama, et El Salvador)298, membres de l’actuel Système d’Intégration Centre Américain. Le dialogue San José existe depuis 1984299 et est institutionnalisé depuis novembre 1985. Originellement créé pour encourager la stabilisation politique et économique de l’Amérique centrale, c’est l’un des plus anciens dialogues institutionnalisés avec des partenaires extérieurs. Son renforcement a été annoncé dans la déclaration de 297 Néanmoins, on ne peut exclure totalement qu’un lien puisse exister entre dialogue politique et conditionnalité politique. Cependant, l’un n’est pas réductible à l’autre. 298 Originellement, ce dialogue concernait aussi les pays membres du groupe de Contadora : Colombie, Mexique, Venezuela. 299 La réunion du 28 septembre 1984 célébrée à San José (Costa-Rica) avait permis, d’examiner la situation politique et les difficultés du processus de démocratisation dans la région. 157 Florence de mars 1996300. Elle recentre le dialogue autour de cinq grands objectifs que sont la consolidation du processus de paix et de démocratisation, le développement socioéconomique équitable, la lutte contre l’insécurité et la délinquance, l’amélioration de l’Etat de droit et sa modernisation, et le développement des politiques sociales. De plus, un pas qualitatif a été franchi lors de la dix-septième conférence ministérielle du dialogue de San José, le 26 mars 2001 à Guatemala City, grâce à la signature d’un mémorandum d’entente301 sur la coopération régionale302. Ce dernier a expressément pour but de soutenir le processus d’intégration et l’aide à l’établissement de politiques communes harmonisées, renforcer la création d’institutions régionales, encourager la participation de la société civile dans le processus d’intégration en Amérique Centrale. Une autre étape dans le renforcement du dialogue est intervenue lors de la dix-huitième conférence de San José à Madrid le 18 mai 2002. Le dialogue avec l’Amérique centrale a été actualisé et renforcé par la création d’un « agenda »303 aux priorités renouvelées par rapport aux thèmes prioritaires définis en 1996. Les nouveaux thèmes du dialogue mutuel sous-régional sont en adéquation plus étroite avec les sujets développés dans le cadre des sommets entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. En effet, ils concernent premièrement, la démocratie, les droits de l’Homme, l’Etat de droit, la bonne gouvernance, et la société civile ; deuxièmement, l’intégration régionale ; troisièmement, les relations économiques entre les Etats membres de l’Union européenne et ceux du Marché commun d’Amérique centrale ; quatrièmement, la sécurité ; cinquièmement, l’environnement et les désastres naturels ; enfin y est prévue une consultation politique sur les questions internationales d’intérêt commun. Globalement, les résultats positifs du dialogue initié à San José ont encouragé des entretiens réguliers avec d’autres organisations régionales du sous-continent latino-américain. 2- Le dialogue Union européenne - Communauté Andine des Nations 300 Conférence ministérielle de Florence et déclaration sur le dialogue politique et la coopération économique, entre l’Union européenne et les pays d’Amérique centrale (San José XII), Bulletin UE, mars 1996, point 1.4.82. 301 Un mémorandum d’entente, traduction littérale de l’anglais « Memorandum of Understanding », désigne un texte dénué de valeur juridique contraignante, par lequel deux Parties récapitulent leurs positions, leurs points de convergence sur un sujet donné. 302 Voir la dix-septième conférence ministérielle du dialogue de San José et le Communiqué conjoint, à Guatemala, le 26.03.2001, Documents d’actualité internationale, 2001, 10, pp. 372-373. 303 Ce concept inspiré de la terminologie onusienne, rend compte d’un projet étalé sur plusieurs années, conçu sur la base des « principes fondamentaux et des valeurs partagées », et placé en tête des priorités des relations. 158 La déclaration de Rome du 16 juin 1996 a institutionnalisé le dialogue politique entre l’Union européenne et la Communauté andine. Mais, ce dernier existe de façon informelle depuis 1969, date de la constitution du Pacte andin par l’accord de Carthagène304. Ce dialogue institutionnalisé s’est longtemps déroulé en marge de l’accord-cadre de coopération signé le 23 avril 1993 à Copenhague entre la Communauté Economique Européenne et les pays signataires de l'Accord de Carthagène305 dénommé « Pacte andin ». D’une part, cet accord avec la CEE fait une référence évasive à la concertation politique en préambule, par une allusion dans le septième considérant à « la déclaration de Rome du 20 décembre 1990 et le communiqué final de Luxembourg du 27 avril 1991 entre la Communauté et ses États membres et les pays du groupe de Rio » ; d’autre part, son article 2 §2306 affirme en substance qu’il faut promouvoir le dialogue pour que la coopération soit une réussite, sans en préciser ni les modalités, ni la structure institutionnelle. Cependant, plus récemment, l’accord « de dialogue politique et de coopération » signé en décembre 2003 et en cours de ratification, a changé la donne et exprime de manière explicite l’objectif de « développer le dialogue politique »307. En plus de ce dialogue institutionnalisé Union européenne-Communauté Andine des Nations qui aborde tous les thèmes généraux d’intérêt commun, il existe également, un dialogue spécialisé sur la lutte contre la drogue et les précurseurs308. Ce dialogue peut faire intervenir des groupes de travail ad hoc au niveau des experts, comme par exemple un comité conjoint sur les précurseurs. Dans la mesure où tous ses Etats membres sont concernés, la Communauté andine est la seule organisation régionale à bénéficier d’un entretien spécialisé à haut niveau avec l’Union européenne sur le thème de la drogue et des précurseurs. Ce dialogue est en effet fondé sur une série d’accords bilatéraux sectoriels entre la CE et chacun des pays de 304 Texte de l’Accord de Carthagène disponible sur le site officiel de la Communauté andine, http://www.comunidadandina.org/normativa/tratprot/acuerdo.htm; Acuerdo de Cartagena, decisión n° 563 « Codificación del Acuerdo de Integración subregional andino (Acuerdo de Cartagena) », 35 p. 305 « Accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et l'Accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l'Équateur, la République du Pérou et la République du Venezuela », entré en vigueur le 1.05.1998, JOCE n° L 127 du 29.04.1998, p. 11. 306 « Accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et l'Accord de Carthagène et ses pays membres », Article 2 §2 : « Pour atteindre les objectifs du présent accord, les parties reconnaissent l'utilité de se consulter sur des thèmes internationaux d'intérêt mutuel ». 307 Voir Infra Section II, paragraphe 1, A « La portée juridique de l’insertion du dialogue dans les accords dits “de dialogue politique et de coopération” ». 308 Les précurseurs sont l’ensemble des produits chimiques ou réactifs qui sont susceptibles d’être utilisés pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes. 159 la CAN309. Il a lieu chaque année. La coopération sur la drogue est basée sur deux principes, celui de la « responsabilité partagée » et celui de la « lutte intégrale » 310. Le huitième dialogue spécialisé à haut niveau en matière de drogues entre l’UE et la CAN a eu lieu à Lima du 31 mai au 1er juillet 2005. Des rencontres régulières ont permis une contribution financière de la Communauté européenne au projet régional andin de lutte contre le trafic de drogues et les délits connexes311 pour éviter la diversification des précurseurs. Ainsi, un financement de 1,6 millions d’euros a été prélevé sur la ligne horizontale du budget communautaire consacrée au paiement des actions de lutte anti-drogue. 3- Le dialogue Union européenne-MERCOSUR Ce dialogue est formalisé dans « la déclaration commune sur le dialogue politique entre l’Union européenne et le MERCOSUR » 312, qui fixe les objectifs et les mécanismes du- 309 Le dialogue spécialisé sur la drogue et les précurseurs a vu le jour sur la base de plusieurs accords signés en 1995 c'est-à-dire antérieurs à l’accord-cadre de coopération interrégional entre la Communauté économique européenne et ses Etats membres d’un côté, et la Communauté andine et ses pays membres), JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 10 : - Accord entre la Communauté européenne et la République de Bolivie relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 324 du 30.12.1995, p.1, entré en vigueur le 1.01.1997 ; - Accord entre la Communauté européenne et la République de Colombie relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 324 du 30.12.1995, p.10, entré en vigueur le 1.02.1996 ; - Accord entre la Communauté européenne et la République de l’Equateur relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 324 du 30.12.1995, p.18, entré en vigueur le 1.08.1997 ; - Accord entre la Communauté européenne et la République du Pérou relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 324 du 30.12.1995, p. 26, entré en vigueur le 1.05.1996 ; - Accord entre la Communauté européenne et la République du Venezuela relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 324 du 30.12.1995, p. 34, entré en vigueur le 1.11.1996. 310 Voir Déclaration de Cochabamba (Bolivie) 16 avril 1996, Bulletin UE 4-1996, point 1.4.87. 311 « Plan Andino de Cooperación para la lucha contra las droguas illícitas y Delitos Conexos », Decisión n° 505, Gaceta Oficial del Acuerdo de Cartagena, Año XVII, 28.06.2001, pp.37- 43. La décision n° 505 est fondée sur l’accord adopté par les présidents andins à la réunion du 17 avril 2001 à « Cartagena de Indias ». Ledit accord est entré en vigueur en 2003 : http://www.comunidadandina.org/normativa/dec/d505.htm . 312 Voir « la déclaration commune concernant le dialogue politique » de l’Accord cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du sud et ses Etats parties, d’autre part, JOCE, n° L 69 du 19.03.1996, pp. 4-22 ; et JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 66. Par ailleurs, le principe de l’existence d’un dialogue politique se retrouve dans l’article 3 du même accord : JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 66. 160 dit dialogue. Elle est annexée à l’accord-cadre de coopération interrégional de 1995 entré en vigueur en 1999. La déclaration conjointe fait référence explicitement à l’Union européenne c'est-à-dire que le dialogue politique s’effectue entre elle d’un côté, et les Etats membres du MERCOSUR, de l’autre côté. Or, on aurait pu s’attendre à ce que le dialogue politique ait lieu entre la Communauté européenne et/ou ses Etats membres d’une part, et le MERCOSUR et ses Etats membres d’autre part, lesquels sont les véritables « parties » d’après l’intitulé de l’accord interrégional. Cette particularité découle sans doute de ce que la déclaration politique préexistait (sous forme d’une déclaration solennelle commune signée le 22 décembre 1994 et mentionnée dans le préambule de la déclaration) à l’accord : le dialogue politique est né de cette déclaration lui donnant naissance de façon informelle, laquelle fut annexée seulement après à l’accord. Par conséquent, antérieur à l’accord de 1995, le dialogue politique a été initié par les seuls Etats de l’Union, au titre de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune, sur la base juridique de l’article J.1 du TUE. En l’espèce,« la base juridique du dialogue politique semble a priori devoir être recherchée exclusivement dans le deuxième pilier de l’Union européenne (PESC) »313. D’ailleurs, on relève que le dialogue politique consacré dans l’accord avec le MERCOSUR se limite aux objectifs de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune tels que fixés à l’ancien article J.1 du TUE, à savoir notamment le développement et le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le dialogue avec le MERCOSUR se déroule en parallèle, à plusieurs niveaux ; aussi bien au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, qu’au niveau ministériel, ainsi qu’au niveau des hauts fonctionnaires. Malgré les difficultés des négociations commerciales pour la signature d’un accord d’association, les relations politiques ne se sont jamais interrompues et se poursuivent, comme le prouve la tenue régulière des réunions entre la troïka de l’Union européenne et le MERCOSUR au niveau ministériel314. De manière générale, les dialogues sous-régionaux – et a fortiori celui avec le MERCOSUR – sont l’occasion de discuter des ultimes développements des processus d’intégration régionale. Ils jouent donc un rôle d’information mutuelle et de surveillance du 313 MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union européenne avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine », op. cit., p. 56. 314 Communiqué conjoint de la rencontre ministérielle du 14.05.2009 entre la troïka de l’UE et le MERCOSUR représenté par le vice-ministre des affaires étrangères du Paraguay (Mr Jorge LARA CASTRO) en qualité de président pro tempore du MERCOSUR. Document du Conseil de l’Union européenne, n° 8438/09 (presse 81), Prague, 14.05.2009. 161 processus d’approfondissement de l’intégration régionale, en vue, semble-t-il de mieux cerner les perspectives de coopération et les besoins en matière de programmation de la coopération financière. Il y a par conséquent, un lien étroit entre le dialogue politique et la mise en œuvre de celle-ci. Par exemple, sur la base du dialogue et d’une procédure de consultation des Etats membres et des représentants de la société civile du MERCOSUR, des priorités et des opérations concrètes sont établies dans le document de stratégie régionale (DSR) pour le MERCOSUR315. Ces dernières constituent le socle opérationnel de la coopération régionale UE-MERCOSUR pour la période 2007-2013 et se veulent en parfaite adéquation avec les besoins de l’organisation régionale concernée. Mis à part, les instances de dialogue sous-régional avec les organisations régionales d’intégration économique en Amérique latine, un dialogue spécifique a été engagé avec les chefs d’État des Caraïbes via le CARIFORUM. B) Les spécificités du dialogue CE - CARIFORUM Le dialogue politique avec les pays caribéens a lieu principalement dans le cadre des institutions conjointes ACP-UE créées par les Conventions de Lomé, en particulier le Conseil des ministres et l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Pourtant, il existe en marge du cadre conventionnel, un dialogue régional annuel, entre le CARIFORUM (Forum des Caraïbes) et la troïka de l’Union européenne, qui offre l’opportunité de discuter des problèmes d’intérêt mutuel, et de mener des conversations régulières à contenu politique. Le CARIFORUM n’est pas une organisation régionale d’intégration économique. Mais, parmi ses membres on retrouve une grande majorité d’Etats membres de la CARICOM. En réalité, il regroupe la totalité des Etats membres de la CARICOM y compris Haïti316. Cette composition encourage de fait les passerelles et une certaine connectivité avec l’organisation régionale d’intégration économique caribéenne. S’y ajoutent des pays qui ne font pas partie de la CARICOM, telle que la République Dominicaine, membre du CARIFORUM. Enfin, des ré- 315 Voir Commission européenne, « Document de stratégie régionale 2007-2013 », (E/2007/1640), du 2.08.2007. Les opérations concrètes définies à l’occasion du dialogue et contenues dans le document de stratégie régionale sont financées à hauteur de 50 millions d’euros sur la base du nouvel « instrument de financement de la coopération au développement » établi par le règlement CE n° 1905/2006 pour la période du 28.12.2006 au 31.12.2013, JOUE n° L 378 du 27.12.2006, p. 41. 316 Pour rappel, les Etats-membres de la CARICOM sont : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Dominique, Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, SaintVincent-et-Grenadines, le Surinamee, Trinité-et-Tobago. 162 gions françaises d’Outre Mer – Guadeloupe, Guyane, Martinique – y ont un statut d’observateurs. Certes, le CARIFORUM est essentiellement une instance de gestion des fonds alloués au titre de la coopération au développement (1). Cela n’a pas empêché que, dans la pratique, y soient peu à peu abordées des questions politiques (2). 1- Le CARIFORUM : une instance originellement non dévolue au dialogue politique Le CARIFORUM fut créé en 1992, principalement pour gérer les fonds, dans le cadre de la convention de Lomé IV. Il s’agissait dans le contexte de prendre en considération l’adhésion d’Haïti et de la République dominicaine à la convention de Lomé du 15 décembre 1989317. Aucun de ces deux pays n’était à l’époque membre de la CARICOM318. Le CARIFORUM a été créé comme forum de consultation pour la coopération régionale entre les ACP caribéens et la Commission européenne, qui puisse réunir tous les récipiendaires caribéens de l’aide européenne au titre du 7ème FED, y compris ceux n’appartenant pas à la CARICOM319. Le CARIFORUM a son siège à Georgetown (Guyana), et son Secrétaire Général est également celui de la CARICOM. S’agissant de sa structure, le Conseil des ministres du CARIFORUM est l’organe décisionnel le plus élevé. Il est composé de représentants des Etats membres qui se rencontrent annuellement depuis 1993. Les représentants des Etats membres du CARIFORUM réunis au sein du « Conseil des ministres CARIFORUM » y rencontrent ceux de la Commission européenne. Cette dernière assume le mandat conféré par les conventions ACP-CE. Depuis sa création, le CARIFORUM a été le partenaire principal de la Commission européenne pour toutes les questions de coopération régionale avec les Caraïbes. Il est le dispositif de coordination entre les Etats caribéens et l’Union européenne en matière d’élaboration et de sélection des projets éligibles au Programme Indicatif Régional Caraïbe (PIRC) et financés sur les ressources du Fonds Européen de Développement (FED). 317 Haïti et la République dominicaine sont signataires de la convention CEE-ACP de Lomé IV depuis décembre 1989. PERROT (D.), « Les formes de la présence de la Communauté Economique Européenne dans le Bassin caraïbe », revue C.A.O.M., n° 3, 1990, pp.7-50, spéc., p. 7. 318 La participation d’Haïti à la CARICOM interviendra ultérieurement c'est-à-dire le 2 juillet 2002. 319 Avant 1992, et durant les précédentes conventions de Lomé, le secrétariat CARICOM était l’interlocuteur de la Commission européenne, pour les projets de coopération régionale concernant les ACP Caribéens. 163 Il semble qu’il soit aujourd’hui devenu l’organe représentant le mieux les intérêts des Etats caribéens et de leur organisation régionale d’intégration économique, auprès de l’Union européenne. En effet, l’unité géographique se reflétant dans sa composition expliquerait que le CARIFORUM se soit imposé comme cadre informel de discussions politiques sur des préoccupations plus ciblées que celles ayant cours dans le cénacle plus vaste du dialogue avec l’ensemble des Etats ACP. Car, malgré la disparité de leurs économies et de leurs niveaux de développement, ainsi que leur diversité linguistique, culturelle, les Etats caribéens rencontrent des problèmes communs liés à l’insularité320, à l’exposition climatique et aux catastrophes naturelles. La question des relations entre l’Europe et Cuba est également une problématique propre à la région. Le CARIFORUM traite des questions politiques en son sein. Cela présente un caractère évolutif par rapport à sa mission de départ. Cette pratique diplomatique s’est en effet développée en marge du cadre conventionnel ce qui justifie que cette spécificité soit examinée ici. Le CARIFORUM est devenu progressivement un organisme de consultation politique entre la CE et les pays Caraïbes. 2- L’introduction progressive des questions politiques : naissance d’un dialogue informel CARIFORUM-UE Les objectifs principaux du Forum des Caraïbes, à savoir coordonner l’allocation et le versement du Fonds Européen de Développement, ont été élargis à des questions de nature plus politique. Selon certains auteurs, une évolution dans ce sens était inévitable, compte tenu de la composition et de la genèse de ce Forum321. En outre, le contenu du Programme Indicatif Régional pour les Caraïbes (PIRC) a sans doute encouragé cette évolution, puisqu’il prévoit que le CARIFORUM a pour fonction, non seulement la mise en place d’une politique harmonisée de la coopération régionale et la prise de décisions relatives aux perspectives de régionalisation de la zone ; mais il doit de surcroît identifier les besoins en développement de la région, et ceux des Etats non membres. L’arête politique du CARIFORUM s’est manifestée notamment par des prises de position nettes des Caraïbes en tant que groupe identifiable dans l’ensemble ACP. Par exemple, en août 1998, les membres du CARIFORUM réunis en Répu- 320 321 A l’exception des Etats membres côtiers du Belize, de Guyana et du Surinamee. ANDERSON (A.), FRECKLETON (M.), KIRTON (C.), « New Regionalism in CARICOM - Prospects and Challenges » in DERNE (M.-C.), NURSE (K.), Economies de la Caraïbe et restructuration mondiale, Martinique, Ibis rouge, 2002, 202 p., spéc. pp. 119-156. 164 blique dominicaine, se sont prononcés en faveur de « l’unité et de la solidarité du groupe ACP » et ont soutenu la candidature de Cuba au groupe des pays ACP en vue de sa réinsertion dans le concert international. Cette même position politique a été réitérée lors du deuxième Sommet des ACP, les 25 et 26 novembre 1999322, organisé également dans les Caraïbes précisément dans la ville de Saint Domingue en République dominicaine, témoignant semble-t-il de l’influence politique potentielle du CARIFORUM au sein des ACP. Par ricochet, l’affirmation d’une dimension plus politique au sein du Forum des Caraïbes a encouragé la naissance d’un dialogue politique entre l’Union européenne et le CARIFORUM. Les rencontres CARIFORUM-UE ont lieu sous forme de Sommets informels. Les chefs d’Etat et de gouvernement du Forum des Caraïbes, et l’Union européenne représentée par sa troïka se réunissent depuis 2004 pour entretenir un dialogue spécifique sur les relations entre le CARIFORUM et l’UE. Conformément à la priorité politique de l’UE aux Caraïbes, déclarée dans la communication sur « le partenariat UE-Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement »323, le second Sommet s’est tenu en mai 2006 à Vienne. Le troisième Sommet entre le CARIFORUM et la troïka de l’UE a eu lieu à Lima au Pérou, en parallèle du cinquième sommet Union européenne-Amérique latine-Caraïbes (UE-AL-C)324. Il a été l’occasion de discuter entre autres de la mise en œuvre de l’accord de partenariat économique (APE) entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part. A l’avenir, les rencontres CARIFORUM-UE pourraient servir de cadre au rapprochement entre l’UE et Cuba325 lequel est membre du CARIFORUM depuis octobre 2001. Les relations de l’Union européenne avec Cuba qui pourraient à long 322 Déclaration de Santo Domingo adoptée par le deuxième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ACP, Santo Domingo, République dominicaine, document ACP/28/015/99 définitif, du 26.11.1999, préambule, point 2. 323 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen et au Comité économique et social européen, sur « le partenariat UE-Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », COM (2006)86 final, Bruxelles, le 2.03.2006, spéc. pp. 5-7. Le quatrième paragraphe intitulé « définir un partenariat politique fondé sur des valeurs communes » inclut parmi les actions : « mener un dialogue politique renforcé dans les contextes UE-CARIFORUM et UE- ALC sur un large éventail de questions d’intérêt commun ». 324 Bulletin UE 5-2009, point 1.35.47. L’intégralité du communiqué conjoint du troisième Sommet CARIFORUM-UE à Lima (Pérou), le 17 mai 2008, est disponible en ligne : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/er/100455.pdf 325 Dans les conclusions du Conseil "Affaires générales et relations extérieures" du 18 juin 2007, l’UE a déclaré « qu’elle serait disposée à reprendre un dialogue politique global et ouvert avec les autorités cubaines sur tous les sujets d’intérêt mutuel. Ce dialogue devrait concerner l’intégralité des domaines potentiels de coopération, incluant tant les questions politiques et des droits de l’homme que les sujets économiques, scientifiques et culturels. Il devrait s’engager sur une base réciproque et non discriminatoire ». Cité dans Commission européenne, « Le partenariat stratégique UE-AL-C : un engagement commun », Luxembourg, OPOCE, 2008,52 p., spéc. p. 36. 165 terme connaître de nouveaux développements sont régies par la position commune du 2 décembre 1996326 adoptée par le Conseil en vertu de l’article J.2 du Traité sur l’Union européenne. En définitive, hors champ conventionnel on peut constater que la Communauté européenne et ses Etats membres disposent d’instances et de mécanismes de concertation politique et diplomatique sensiblement développés avec tous les groupements régionaux d’Amérique latine et des Caraïbes. Néanmoins, la cohésion politique globale de l’ensemble péchait faute d’une structure couvrant tous les dialogues sous-régionaux. C’est pourquoi le renforcement du dialogue politique ne s’est pas limité à une extension des thèmes abordés dans les enceintes existantes, ni à la modification des structures anciennes. Il s’est poursuivi, grâce notamment à l’élaboration d’un dialogue mené simultanément avec l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes faisant ainsi évoluer l’organisation générale du dialogue. §2 L’évolution de l’organisation générale du dialogue politique avec l’Amérique latine et les Caraïbes L’évolution de l’organisation générale du dialogue avec l’Amérique latine et les Caraïbes est qualitative. Le changement consiste, à adjoindre une dimension complémentaire au dialogue politique préexistant par l’ajout d’un dialogue informel globalisé327 réunissant quarante-huit chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne. Ce dernier dialogue vient en quelque sorte chapeauter les structures préexistantes (A). Sur le plan institutionnel, l’évolution se traduit notamment par la création du parlement euro-latino-américain (EUROLAT). Le parlement euro-latino-américain, nouvelle instance de dialogue interparlementaire est une innovation institutionnelle au service du « partenariat stratégique » (B). L’objectif est semble-t-il d’enrichir le caractère essentiellement intergouvernemental du processus328. D’autre part, l’implication croissante des acteurs de la société civile au dialogue s’inscrit dans la même optique (C). 326 JOCE, n° L 322, du 12.12.1996, p. 1. 327 Voir KACZMARCZYK (N.), Le processus du dialogue globalisé UE-AL-C dans la perspective d’un partenariat stratégique, Mémoire pour le diplôme de Master 2, Université de Rennes I, Septembre 2006, 146 p. 328 Très significativement, le président et les délégations spécifiques pour l’Amérique latine et les Caraïbes du Parlement européen n’ont pas été invités lors du premier Sommet (UE-AL-C) à Rio au Brésil en 1999. Cette lacune de collaboration avec le Parlement européen et les Parlements régionaux en général, a été corrigée lors des Sommets suivants par l’invitation du président du Parlement européen. Mais cette précaution ne suffit pas à doter le processus d’une légitimité démocratique satisfaisante. 166 A) L’instauration d’un dialogue globalisé chapeautant les enceintes préexistantes L’évolution qualitative notable est illustrée, par l’émergence d’une instance informelle de dialogue introduite par la déclaration de Rio du 29 juin 1999. Cette dernière est l’acte de naissance des sommets de haut niveau réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, d’une part, et ceux de l’Amérique latine et des Caraïbes, d’autre part. Le dialogue UE-AL-C a apporté un cadre relationnel commun et une vision politique d’ensemble ayant le « partenariat stratégique » comme fil directeur unique, là où existaient de multiples enceintes de dialogue, sans coordination entre elles. Les Sommets UE-AL-C édifient une vaste couverture géographique pour le dialogue politique avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Ils pourraient à long terme contrebalancer l’emprise politique de l’Organisation des Etats Américains (OEA)329, bien que la nature juridique et le fonctionnement de cette organisation régionale la distingue des Sommets UE-AL-C. Par ailleurs, si les déclarations politiques, de portée générale, traduisent quelquefois des intentions généreuses mais assez vagues et sans portée pratique330, d’autres fois, leur impact sur le droit peut être déterminant. Ainsi, par exemple, la déclaration de Madrid en 2002 et celle de Vienne en 2006 ont fourni un encouragement décisif à la relance des négociations UE-MERCOSUR et ont impulsé le développement de nouveaux accords « de dialogue politique et de coopération » avec la Communauté andine et le Système d’Intégration Centre-Américain. Autrement dit, elles ont conduit à l’adoption d’actes juridiques de type conventionnel. Le mécanisme des sommets permet d’élaborer des réponses appropriées, à tous les grands défis exigeant une coopération internationale, entre les pays membres de l’Union européenne et les pays en développement ou émergents d’Amérique latine et des Caraïbes. Le contenu du dialogue n’est en aucune façon limité, et il reste conforme aux priorités définies à Rio et Tuusula. Parmi les thèmes internationaux majeurs d’intérêt mutuel, sont débattus : la question du respect des principes démocratiques ; le renforcement de l’intégration ; le développement régional ; la lutte contre la corruption et l’impunité ; la cohésion sociale. Se déve329 Comme le soulignent les professeurs DUBOUIS et BLUMANN, les partenaires latino-américains acceptent et participent d’autant mieux à ce dialogue qu’il leur permet « de desserrer quelque peu l’étroitesse des liens économiques et politiques avec les Etats-Unis », DUBOUIS (L.), BLUMANN (C.), Droit matériel de l’Union européenne , op. cit., spéc.,p. 618. 330 SANAHUJA (J.-A.), NEVES (P.), Vers un multilatéralisme dans les relations entre l’UE et l’Amérique latine, Rapport du Parlement européen, Document PE 370.622 du 27.03.2006, 28p. spéc., p. 6. Les auteurs notent à propos de la concertation politique euro-latino-américaine que « Les dynamiques propres à la "diplomatie des Sommets˝, telles que l’excès de rhétorique ou le manque de suivi des accords conclus, seraient préjudiciables à la qualité du dialogue ». 167 loppent également d’autres thèmes, relatifs notamment au développement durable et équitable ; à la lutte contre le terrorisme et la délinquance transnationale. De plus, inscrit dans le cadre des sommets entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes, un mécanisme bi-régional de dialogue sur les drogues est né. Dénommé « mécanisme de coordination et coopération en matière de drogues entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne »331, il associe des organismes comme EUROPOL, l’Observatoire Européen en matière de drogues ou encore la Commission Interaméricaine pour le contrôle de l’abus de drogues. En pratique, les sommets UE-AL-C se placent au faîte d’un dispositif de coopération politique qui fait intervenir d’autres niveaux de dialogue institutionnalisés, souvent antérieurs à la création des sommets. En effet, l’approche de coopération politique initiée avec l’Amérique latine et les Caraïbes est fondée sur la complémentarité de plusieurs niveaux de dialogue politique. Par exemple, si des rencontres bi-régionales ont lieu entre les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, d’Amérique latine et des Caraïbes, notamment sous forme de sommets informels, cela n’entrave pas la tenue en parallèle de conférences ministérielles au niveau bilatéral ou au niveau sous-régional. Elles sont maintenues sous leur forme et avec leur fréquence habituelle. Il s’ensuit qu’une synergie s’instaure entre le dialogue global et les dialogues politiques sous-régionaux et bilatéraux. Ces derniers relaient par leur mécanisme et leurs finalités plus ciblées le dialogue global. D’ailleurs, dans le cadre du dialogue avec chaque groupement régional, les thèmes discutés reprennent les priorités d’action332 fixées pour la réalisation du partenariat stratégique, et définies à l’occasion du premier Sommet UEAL-C. Un exemple illustre l’efficacité de cette synergie : lorsque, dans le prolongement du Sommet UE-AL-C de Madrid en 2002, les participants se sont déclarés favorables à la négociation de futurs accords d’association, des rencontres ministérielles eurent lieu, dans le cadre du dialogue sous-régional, avec les représentants de la Communauté andine et du Système d’Intégration Centraméricain, pour discuter des modalités de l’ouverture des négociations. Enfin, il faut signaler que dans l’intervalle des sommets, de nombreuses rencontres sont organisées sur des thèmes techniques : par exemple, la réunion de hauts fonctionnaires sur la science et la technologie à Lisbonne a eu lieu en juin 2000, une Conférence des ministres de 331 Quatrième sommet entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes, Vienne, Autriche, 12.05.2006, Déclaration de Vienne, point 21. 332 Les « priorités d’action », Document d’Actualité Internationale, du 1/09/1999, pp. 692-695. Ces priorités concernent trois grands domaines : politique, économique, de coopération culturelle, sociale et scientifique. Dans le domaine politique, les priorités reprises dans le cadre du dialogue sous-régional concernent : la coopération dans les forums internationaux, la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, la drogue et le terrorisme ; la prévention des catastrophes ; le développement durable, la promotion des échanges et de la coopération entre les acteurs des sociétés civiles des deux régions. 168 l’enseignement supérieur et de la recherche à Paris s’est tenue en novembre 2000, ou encore une sur la société de l’information s’est déroulée à Séville en avril 2002. Le dialogue politique à l’échelle de l’Amérique latine et des Caraïbes se déroule, également, dans une moindre mesure, au travers des rencontres du Groupe de Rio333. Ce dernier, au fil de son évolution, a fini par inclure des pays caribéens, dont quelques uns334 sont membres de plein droit. Ceux qui ne disposent pas de cette qualité sont représentés par un membre de plein droit. Jusqu’à la création en 1999 des sommets Union européenne- Amérique latine- Caraïbes, ces rencontres étaient le seul cadre de dialogue politique global, la seule instance de concertation bi-régionale dans les principaux domaines de coopération politique (droits de l’homme, réduction de la pauvreté, paix et sécurité, drogues...). A l’instar des sommets UE-AL-C, le Groupe de Rio ne dispose pas d’une véritable structure institutionnelle335. Les rencontres du Groupe de Rio ont lieu tous les ans en alternance avec les sommets Union européenne-Amérique latine-Caraïbes336. Pour leur part, les sommets entre l’Union européenne, l’Amérique latine, et les Caraïbes ont lieu tous les deux ans, sans que cette périodicité soit impérative. Ils apportent un niveau de dialogue pertinent pour la réalisation d’un partenariat stratégique unique. Significativement, les sommets réunissent les organes exécutifs chargés par excellence de la représentation des Etats. Les chefs d’Etat d’Amérique latine et des Caraïbes qui ont la capacité internationale de représenter l’Etat dans l’exercice des relations extérieures disposent, d’après l’expression usitée en droit international, de la compétence de représentation générale exclusive ou « jus repraesentationis omnimodae »337. Pourtant, ces derniers ne font qu’adopter un texte sans force obligatoire. De sorte qu’une apparente contradiction s’instaure entre la valeur de l’acte et la qualité des personnes désignées pour l’adopter. Il semble qu’il faille rechercher les raisons de l’attrait de ces sommets dans leurs avantages fonctionnels et pratiques par rap333 Le Groupe de Rio instance régionale et de concertation politique fut originellement créée pour trouver des solutions diplomatiques à la crise centraméricaine. Institutionnalisé par la déclaration politique de Rome du 20 décembre 1990 (cf. Conférence ministérielle de Rome du 20/12/1990, Bull. CE, décembre 1990, point 1.4.39.). En 1999, les cinq pays membres du Système d’Intégration Centre-Américain, ainsi que la République dominicaine furent admis en tant que membres permanents. Depuis lors, le Groupe de Rio compte vingt-trois pays dont plusieurs pays caribéens devenus membres pléniers. 334 Les pays caribéens membres de plein droit du Groupe de Rio sont la République dominicaine, la Jamaïque, le Belize, le Guyana et Haïti ainsi que Cuba qui a rejoint le Groupe de Rio en novembre 2008. 335 Il est administré par un secrétariat rotatif et temporaire. Sa seule institution identifiable est un secrétariat rotatif pro tempore, entre les chancelleries des Etats membres. 336 Par exemple une rencontre du Groupe de Rio a eu lieu à Prague le 14 mai 2009, tandis que le Sommet Union européenne-Amérique latine-Caraïbes a été programmé en mai 2010. 337 SALMON (J.), « Représentativité internationale et Chef d’Etat », in SFDI, Le chef d’Etat et le droit international, Colloque de Clermont-Ferrand des 7-8-9 juin 2001, Paris, Pedone, 2002, 300 p., spéc., pp. 155-171. 169 port à l’objectif de coopération politique : souple et non contraignant, ce type de dialogue sous forme de sommets aboutissant à des déclarations politiques, préserve la grande liberté des Etats. Il aménage un compromis politique entre les participants, affranchi de toute conditionnalité. Il s’ensuit que les sommets traduisent une grande habileté diplomatique de la part de leurs initiateurs européens. Cependant, il faut rappeler que le dialogue politique au moyen de réunions de chefs d’Etat et de gouvernement, ne représente qu’une des modalités dudit dialogue : des dispositions s’y rapportant sont insérées notamment dans les accords signés en 2003 avec la Communauté andine et ses Etats membres, ainsi qu’avec les pays d’Amérique centrale338. Les formes de dialogue hors et dans le cadre conventionnel339, coexistent sans se remplacer. Par conséquent, cela confirme l’importance et le renforcement du dialogue dans la stratégie extérieure de l’Union. Avec la création des sommets, la nouvelle organisation du dialogue politique se dote d’un atout indéniable, mais qui serait incomplet, sans la création du parlement euro-latinoaméricain (EUROLAT) conçu afin de mieux associer les parlements régionaux, en vue d’accentuer la démocratisation du processus de reconfiguration des relations. B) L’instauration d’« EUROLAT » : nouvelle instance interparlementaire au service de la démocratisation des relations S’inspirant de l’existence d’une Assemblée parlementaire paritaire entre l’Union européenne et les pays ACP, une proposition de créer « une Assemblée transatlantique eurolatino-américaine » devenue par la suite « Assemblée parlementaire Euro-latino- américaine (EUROLAT) » a été avancée340. Contrairement à ce que sa dénomination peut laisser penser, l’Assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine regroupe outre une délégation du Parlement européen, des représentants des Parlements d’organisations régionales latino-américaines d’intégration – à savoir, notamment, des représentants du Parlement de la 338 Pour une analyse plus détaillée de cet aspect, voir Infra, Section II, « L’ancrage patent du dialogue politique dans le cadre conventionnel ». 339 Pour M. MANGILLI, il serait dès lors plus judicieux de parler des dialogues politiques plutôt que du dialogue politique « puisqu’il en existe plusieurs types, notamment le dialogue politique sous la forme de sommets ou le dialogue politique institutionnalisé (...) » [MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union européenne avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine, op. cit., p. 55.] 340 Rapport au Parlement européen, par le député SALAFRANCA Sanchez-Neyra, au nom de la Commission Parlementaire des Affaires étrangères, droits de l’homme, sécurité commune et défense, « Vers une association globale et une stratégie commune pour les relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine », du 11.10.2001, doc. A5-0336/2001, p. 21, et Résolution non législative du Parlement européen concernant ce rapport, (T5-0612/2001) du 15.11.2001, publiée au JOUE, n° C 140 E du 13.06.2002, pp. 386. 170 Communauté andine (PARLANDINO), du Parlement de l’organisation régionale centraméricaine (PARLACEN)341, du Parlement du MERCOSUR (PARLASUR), du Parlement latinoaméricain (PARLATINO)342 – et, des Parlements nationaux des Etats des Caraïbes343. L’Assemblée parlementaire Euro-latino-américaine (EUROLAT) fut présentée aux représentants des parlements régionaux à l’occasion de la dix-septième Conférence Interparlementaire UE-AL-C à Lima, au Pérou, les 14 au 17 juin 2005. Cette proposition a d’abord été appuyée par la Commission européenne344. Puis, lors du quatrième Sommet UE- AL-C à Vienne le 12 mai 2006, les chefs d’Etat et de gouvernement soutinrent explicitement345 la proposition de création d’une Assemblée Euro-Latino-Américaine (EUROLAT). Cela conduisit à la signature le 9 novembre 2006 de l’Acte constitutif d’EUROLAT à Bruxelles346. Il convient de préciser sa composition, puis sa fonction, avant d’analyser sa portée. EUROLAT se compose d’une assemblée plénière, de trois commissions permanentes347, d’une présidence et d’un bureau exécutif dirigé par trois co-présidents (un coprésident européen, un co-président latino-américain et un co-président caribéen). Le principe est que la parité est recherchée et privilégiée dans la composition des organes. 341 Parlamento centroamericano (PARLACEN) organe du Système d’Intégration Centraméricain qui réunit les Parlementaires du Guatemala, du Honduras, d’El Salvador, du Nicaragua, du Panamá. La République dominicaine y participe également, bien qu’elle ne soit pas membre du SICA. Voir le site internet officiel http://www.PARLACEN.org.gt 342 Parlement latino-américain composé de représentants des Parlements nationaux de 23 pays latino-américains et des Caraïbes, voir le site http://www.PARLATINO.org 343 Ainsi, Cuba, la République dominicaine, Aruba, Curaçao, St. Marteen, sont représentés dans l’Assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine par le biais de leur participation au Parlement latino-américain (PARLATINO). 344 La Commission européenne déclare qu’« elle appuiera le souhait du Parlement européen de créer une assemblée transatlantique euro-latino-américaine ». Voir Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Un partenariat renforcé entre l’Union européenne et l’Amérique latine », COM (2005)636 final, du 8.12.2005, p.7. 345 Déclaration politique de Vienne (Autriche) du 12.05.06, point 8. 346 Acte constitutif de l’assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine, Bruxelles, le 9.11.2006, 2 p. Document PE380.882.http://www.europarl.europa.eu/intcoop/EUROLAT/assembly/plenary_sessions/constituent_sessio n_2006/20061109_brusselsdeclaration_fr.pdf 347 Selon l’Acte constitutif du 9 .11.2006, Document PE 380.882, les trois commissions permanentes sont : - la commission des affaires politiques, de la sécurité et des droits de l’homme, - la commission des affaires économiques, financières et commerciales, - la commission des affaires sociales, des échanges humains, de l’environnement, de l’éducation et de la culture. 171 En pratique, EUROLAT comprend cent-cinquante membres dont soixante issus du Parlement européen348 et, les quatre vingt dix places restantes sont partagées entre les délégations des parlements régionaux en Amérique latine. Sont aussi représentés parmi les quatrevingt-dix membres de la composante latino-caribéenne : des membres des congrès mexicain et chilien pour tenir compte de l’existence des commissions parlementaires mixtes UE/Mexique et UE/Chili créées par les accords en vigueur signés entre l’UE et ses Etatsmembres, d’un côté, et chacun de ces deux pays. L’assemblée se réunit deux fois par an en séance plénière. L’Assemblée parlementaire Euro-Latino-américaine (EUROLAT) est l’institution parlementaire, du partenariat stratégique bi-régional entre l’Union européenne (UE) et l’Amérique Latine et les Caraïbes (ALC). C’est un forum inter-parlementaire de discussion, de contrôle et de suivi de toutes les questions relatives au partenariat. Parallèlement aux sommets UE-AL-C regroupant les chefs d’Etat et de gouvernement, dont le rôle consiste à fixer les grandes orientations politiques et stratégiques, l’Assemblée parlementaire pour sa part assure le suivi des accords d’association envisagés à l’occasion du sommet. Elle doit exercer le « contrôle des politiques du partenariat stratégique » à travers le suivi des différents sommets349. A l’instar de l’Assemblée parlementaire paritaire dans l’accord de Cotonou, l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine adopte des résolutions et des recommandations adressées au sommet UE-AL-C ainsi qu’aux institutions, aux organes, aux groupes et aux conférences ministérielles qui se consacrent au développement du partenariat350. L’article 22 de l’Acte constitutif d’EUROLAT dispose qu’à la demande du sommet ou des conférences ministérielles, l’assemblée EUROLAT peut également présenter des rapports et des propositions pour l’adoption de mesures concrètes liées aux divers domaines abordés pour la réalisation du partenariat stratégique. L’Acte constitutif ne précise pas si les avis et propositions d’adoption de mesures lient les autres institutions. Mais le vocabulaire employé est assez éloquent sur le fait qu’elles ne sont pas tenues de les suivre. Les travaux, résolutions, recomman- 348 Décision du Parlement européen du 22 mai 2007 sur la constitution et la composition numérique de la délégation permanente à l’Assemblée Parlementaire euro-latino-américaine, JOUE, n° C 102 E, du 24.04.2010, p. 110. 349 Rapport du député européen M. SALAFRANCA Sanchez-Neyra, lors de la XVIIème conférence interparlementaire Union européenne-Amérique latine et Caraïbes à Lima, des 14-17/06/2005, intitulé « Les relations UE-AL-C : faire du Sommet de Vienne une réussite », PE 358.814, 7 p., sur www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004.../568260fr.pdf 350 Acte constitutif d’EUROLAT du 9 novembre 2006, article 5 relatif aux attributions de l’Assemblée Parlementaire euro-latino-américaine. 172 dations et rapports, sont préparés par les trois commissions permanentes qui structurent EUROLAT. Même si sa portée paraît limitée, son objectif avéré est de « contribuer au renforcement, au développement et à la visibilité du partenariat »351. Il s’agit surtout de rehausser les mécanismes de dialogue interparlementaires préexistants. En effet, les conférences interparlementaires ont été instituées dès 1974. Elles ont servi de cadre exclusif au dialogue entre les délégations du Parlement européen et les parlements sous-régionaux (le Parlement centraméricain) ; le Parlement de la Communauté andine ; et la Commission Parlementaire Conjointe (CPC du MERCOSUR devenu PARLASUR depuis avril 2009). Mais, ce type de dialogue interparlementaire est demeuré sans grande portée. Au contraire, EUROLAT, selon les termes de son acte constitutif, a pour ambition et pour mission de donner « une impulsion positive, au plus haut niveau, au renforcement de la dimension parlementaire du «partenariat stratégique» entre l’Union européenne - l’Amérique latine et les Caraïbes »352. La vraie portée est donc de doter le « partenariat stratégique » d’une légitimité démocratique forte, à la poursuite d’objectifs stratégiques communs à l’Union européenne, ainsi qu’aux latino-américains et aux caribéens. En pratique, cela implique pour EUROLAT, d’influencer les chefs d’Etat et de gouvernement pour qu’ils prennent en compte les propositions des parlementaires et de la société civile. Dans ce sens, le Comité économique et social européen (CESE), organe consultatif de l’Union européenne représentant la société civile organisée, selon l’expression qui figurait alors dans le traité CE, et l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine (EUROLAT) institution parlementaire du partenariat stratégique interrégional UE-AL-C, ont scellé leur coopération dans un protocole353 signé et entré en vigueur le 6 juillet 2009 à Bruxelles. En définitive, la création d’EUROLAT suggère que, dans la perspective de l’évolution des relations, le dialogue politique renforcé entre l’UE, l’Amérique latine et les Caraïbes doit reposer sur une double légitimité, celle découlant de l’action des Etats et des institutions régionales concernées, d’un côté, et la confiance des peuples, de l’autre. Par conséquent, l’importance de la participation de la société civile prend tout son sens, même si elle demeure limitée. 351 Acte constitutif d’EUROLAT du 9 novembre 2006, article 1. 352 Acte constitutif du 9 novembre 2006, article 5, lettre a). 353 « Protocole de coopération entre le Comité Economique et Social Européen et l’Assemblée Parlementaire euro-latino-américaine », texte disponible sur le site du Parlement européen http://www.europarl.europa.eu/intcoop/eurolat/key_documents/memorandum_htm/protocol_eecs_fr.pdf 173 C) Une implication croissante mais limitée de la société civile Malgré une utilisation pléthorique de l’expression, y compris en droit communautaire354, il n’y a pas de définition juridique de la notion de « société civile »355. Pourtant les acteurs institutionnels ont une vision des acteurs non institutionnels qui composent la société civile. Cela ressort par exemple, du « Livre blanc sur la gouvernance européenne » de 2001 dans lequel, la Commission européenne dit que « la société civile regroupe notamment les organisations syndicales et patronales (les “partenaires sociaux”),les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des églises et des communautés religieuses »356. Il s’agit en réalité de la société civile organisée c'est-à-dire, celle reconnue officiellement par les organes consultatifs de l’Union tel que le Comité Economique et Social357. L’implication des acteurs de la société civile répond à deux grandes exigences concomitantes : d’une part, renforcer la portée des sommets et autres dialogues en leur apportant une légitimité démocratique, compensatrice du processus d’élaboration essentiellement intergouvernemental du «partenariat stratégique» ; d’autre part, promouvoir une approche participative, en érigeant de facto358 les acteurs de la société civile, au rang de membres actifs du processus de reconfiguration des relations. 354 Le traité de Nice signé en 2001et entré en vigueur le 1.02.2003, JOCE, n° C 80 du 10.03.2001, p.1, mentionne la « société civile organisée » dans l’ex-article 257 du TCE sur le Comité Economique et Social Européen, devenu article 300 §2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. De plus, le Traité sur l’Union européenne révisé par le Traité de Lisbonne, cite la société civile au nouvel article 11 §2 du TUE révisé : « Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile ». 355 L’origine du concept vient du philosophe HEGEL « Les principes de la philosophie du droit » (éd. 1821) complété par Antonio GRAMSCI. Il en ressort que la société civile est « un élément dont l’Etat ne peut faire abstraction dans le cadre de sa souveraineté d’autant que cette société civile se compose des ONG, des associations, des mouvements sociaux divers et, dans une moindre mesure, des entreprises et sociétés (ces dernières étant concomitamment des opérateurs économiques impliqués dans le processus décisionnel économique) soit, au final, toute une représentation d’acteurs susceptibles de pouvoir influencer ou faire infléchir les acteurs principaux de la scène internationale ». [ROSIAK (P.), Les transformations du droit international économique : les Etats et la société civile face à la mondialisation économique, Paris, l’Harmattan, 2003. pp. 258-283, spéc, p. 258]. La notion a fait l’objet de plusieurs types d’études théoriques principalement politiques et sociologiques, voir notamment OFFERLE (M.), Dossier sur « La société civile en question », Problèmes politiques et sociaux, n° 888, Paris, la documentation française, 2003, 124 p., spéc., pp. 89-119. 356 Livre blanc sur la gouvernance européenne, du 25.07.2001, COM(2001)428 final, JOCE, n° C 287 du 12.10.2001, pp.1-29, spéc. p.11, note 9. 357 Voir l’Avis du Comité économique et social sur « le rôle et la contribution de la société civile organisée dans la construction européenne », JOCE, n° C 329 du 17.11.1999, p. 30. 358 Si les déclarations politiques issues des sommets UE-AL-C saluent les manifestations réunissant les acteurs de la société civile, ces dernières ne sont pas institutionnalisées malgré les demandes réitérées du Comité 174 La société civile prend une place de plus en plus importante dans le dialogue politique renforcé (1). Néanmoins, cette implication demeure insuffisante aux yeux de ces représentants et, sur le plan juridique, on ne peut nier qu’elle souffre de carences nuisibles à son efficacité (2). 1- Une place de plus en plus importante A priori, la participation de la société civile organisée dans le dialogue politique renforcé peut être assimilée à une application du principe de démocratie participative dans l’évolution des relations. Cependant, il faut reconnaître que, la société civile n’est pas directement impliquée dans le mécanisme des sommets entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. Malgré tout, les acteurs non institutionnels de la vie économique et sociale y prennent insidieusement une place. Leur participation prend la forme de séminaires organisés notamment par les universitaires, de réunions359 ou de fora360 se déroulant en parallèle et en amont des sommets UE-AL-C, les représentants de la société civile prenant part à des évènements préparatoires aux sommets UE-AL-C. Des réunions régulières entre représentants de la société civile organisée de l’Union européenne, d’Amérique latine et des Caraïbes ont lieu, depuis 1999361 à l’initiative du Comité Economique et Social Européen, avec le soutien financier ou logistique de la Commission européenne. La pratique des fora de la société civile euro-latino-américaine et caribéenne se poursuit depuis. Ainsi, la deuxième rencontre de la société civile a eu lieu le 19 avril 2002 à Alcobendas (Espagne) à l’occasion du sommet UE-AL-C de Madrid ; puis en 2004 à Pátzcuaro (Mexique) en marge du sommet de Guadalajara ; en 2006, à Vienne ; en 2008, à Lima (Pé- Economique et Social Européen et autres représentants de la société civile. Voir par exemple Avis du Comité Economique et Social du 21.02.2002, « Les relations entre l’Union européenne et les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes », CES 195/2002 du 27.02.2002, JOCE, n° C 94 du 18/04/2002, point 4.3. 359 Par exemple : la cinquième réunion des organisations de la société civile d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes a eu lieu les 16 -18 avril 2008 à Lima (Pérou), dans le cadre de la préparation du cinquième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE-AL-C de Lima en mai 2008. Pour un compte rendu de la réunion, voir : http://ec.europa.eu/external_relations/lac/events/civil_society/conclusions_en.pdf 360 Par exemple, le quatrième forum de la société civile euro-latino-américaine et caribéenne s’est tenue à Lima (Pérou) des 31 mars au 1er avril, peu avant la tenue du cinquième Sommet dit « de Lima » des chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne. Voir en ligne : http://ec.europa.eu/external_relations/lac/events/civil_society/cs_forum_en.pdf 361 A l’occasion de cette première rencontre de la société civile Europe - Amérique latine - Caraïbes qui se déroula à Rio de Janeiro en juin 1999, les participants affirmèrent dans les conclusions, qu’ « … il est capital que la société civile et ses représentants participent plus activement au développement futur des liens entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, et qu’ils fassent entendre leur voix ». http://ec.europa.eu/external_relations/lac/events/civil_society/cs_forum_en.pdf 175 rou) dans le sillage du cinquième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’UE. Le but de ces fora du point de vue des organisateurs, est d’influencer le processus de construction des relations bi-régionales entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes 362; en contribuant à l’approfondissement de la fonction consultative et du dialogue social, en créant le consensus à propos des perspectives et objectifs futurs des relations. En outre, ces fora permettent d’avoir l’opportunité de dialoguer avec les gouvernements des différents pays présents, de se faire entendre et d’informer l’opinion publique. Indirectement, la société civile participe à la progression du partenariat UE-AL-C, puisqu’en s’en faisant l’écho, elle relaie au niveau local, national, régional, voire international363, les orientations prises par les chefs d’Etat et de gouvernement. Elle contribue donc à renforcer l’impact du dialogue. Sa participation même indirecte au dialogue renforcé s’inscrit par conséquent dans la stratégie d’influence européenne pour l’ensemble de l’hémisphère américain364. Dans l’exemple des négociations commerciales ouvertes en 2004, en vue de la conclusion d’un accord de partenariat entre l’Union européenne et les pays caribéens, la société civile organisée fut non seulement informée, mais elle a pu jouer un rôle effectif365, en donnant son avis sur les offres avancées par les négociateurs. Dans le même ordre d’idées, en vue de la négociation de futurs accords d’association, les rapports du Comité Economique et Social préconisent que soient instaurés des comités de suivi des négociations366, composés de 362 Le Comité Economique et Social Européen, Communiqué de presse n°32/2002, Bruxelles, 19.04. 2002, affirme : « il est nécessaire que les organisations de la société civile jouent un rôle actif dans le développement des liens interrégionaux, sur la base d’une participation active aux processus de négociation et à la coopération au développement ». http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.home 363 Grâce à la présence des Organisations Non Gouvernementales (ONG) comme composantes de la société civile ; lesquelles tendent à être reconnues par la doctrine de droit international comme des acteurs de la scène internationale. Voir N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), , Droit international public, Paris, LGDJ, 7ème édition, 2002, spéc., pp. 684-686. 364 Comparativement, les Etats-Unis ont inclus également des acteurs de la société civile dans le processus de constitution d’une Zone de Libre Echange des Amériques. Voir par exemple, la Déclaration des Ministres responsables du commerce des pays participants à la ZLEA, San José (Costa Rica), 19.03.1998, point 17, et la Déclaration des Ministres responsables du commerce des pays participants à la ZLEA, Miami (Etats-Unis), 20.11.2003, points 23 à 28. Le dispositif mis en place invite la société civile à transmettre des mémoires recevables « en tout temps », au « Comité des représentants gouvernementaux sur la participation de la société civile ». Ce dernier organe transmet ensuite aux Ministres responsables du Commerce les mémoires relatifs au processus de ZLEA.Voir site de la ZLEA: http://www.ftaa-alca.org/Minis_f.asp 365 Caribbean Regional Negotiating Machinery (CRNM), “Civil society discusses Caribbean – EU Trade Pact”, Press Release 27/04, 13.11.2004. Sur le site: http://www.crnm.org . 366 Comité Economique et Social Européen, « Avis sur les relations UE-Communauté andine », REX 210-CESE 966/2006, du 5.06.2006, Bruxelles, point 7.10, 20 p. 176 membres du CESE et de la société civile organisée du Système d’Intégration centraméricain et de la Communauté andine367. En outre, la participation de la société civile s’inscrit en cohérence avec le principe de transparence : elle en garantit l’application et augmente la légitimité démocratique du dialogue. Ainsi, l’ouverture à l’influence de la société civile s’inscrit dans une démarche de bonne gouvernance et de transparence, conforme notamment, aux lignes directrices dégagées par la Commission européenne, dans son « Livre blanc sur la gouvernance européenne »368. La société civile des deux régions a joué un rôle important dans le dialogue sur des sujets comme les droits de l’homme et la démocratie. La réunion intercontinentale entre l’Union européenne l’Amérique Latine et les Caraïbes, sur la protection des droits de l’homme, à Madrid les 24-25 avril 2002 témoigne de la participation de la société civile sur ce sujet. De même, le sommet de Madrid de mai 2002 a été l’occasion d’une forte mobilisation de la société civile. L’avis des représentants du secteur privé fut requis et pris en compte dans la dimension économique du dialogue. A cette fin, l’organisation de « Business Forum » fut encouragée ; et, un des premiers Business Forum réunissant le secteur privé (UE-AL-C) s’est tenu à Mexico les 25-26 avril 2002, cofinancé par la Commission européenne. Toutefois, les représentants de la société civile organisée déplorent que les rencontres n’aient pas une dimension institutionnelle reconnue369. Ils voudraient que soit prévue leur tenue systématique, lors des sommets bi-régionaux, c’est-à-dire, à chaque fois que les dirigeants des trois régions se réunissent en sommet. Ils réclament que les rencontres ne soient pas uniquement ponctuelles. Autrement dit, les recommandations adressées aux institutions communautaires et aux divers chefs d’Etats et de gouvernements dénotent l’existence de carences juridiques de la participation de la société civile. Comité Economique et Social Européen, « Avis sur les relations UE-Amérique centrale », REX 232- CESE 1003/2007, du 12.06.2007, Bruxelles, point 6.11, 12 p. 367 L’organe consultatif de représentation de la société civile organisée au sein du Système d’Intégration Centraméricain est le Comité Consultatif du Système d’Intégration Centraméricain ou Comité Consultivo del Sistema de l’Integración Centroamericana (CC-SICA) créé conformément à l’article 12 du Protocole de Tegucigalpa signé le 13.12.1991 instituant le Système d’Intégration Centraméricain. Par ailleurs, la société civile organisée au sein de la CAN est représentée officiellement par deux organes consultatifs : l’un réunissant les milieux d’affaires (Consejo Consultativo Empreserial Andino) et l’autre composé des travailleurs Consejo Consultativo Laboral Andino). Voir site du SICA : http://www.sica.int/sica/instituciones.aspx?IdEnt=401 368 Livre blanc sur la gouvernance européenne, du 25.07.2001, COM(2001)428 final, JOCE, n° C 287 du 12.10.2001, pp. 1-29. 369 Document du Comité Economique et Social de l’Union européenne (CESE), « Deuxième rencontre de la société civile organisée d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes : déclaration de Madrid 19.04.2002 », DI CES 64/2002 final. 177 2- L’absence de garantie juridique Pour l’heure, le fait d’associer la société civile au débat n’est qu’une pratique sans garantie juridique. Les contributions des acteurs non étatiques peuvent prendre la forme de rapports, de conclusions, de déclarations. Dans le mécanisme des sommets UE-AL-C, leur participation n’a même pas valeur consultative. La participation de la société civile compte pour transformer un dialogue politique, essentiellement intergouvernemental, en un dialogue démocratique. Elle est importante aussi pour légitimer le processus de reconfiguration des relations au moyen de nouveaux accords. Il y a lieu de rappeler en ce sens, que les participants à la troisième rencontre de la société civile organisée UE-AL-C, demandaient que « les accords conclus avec l’UE comportent une forte dimension sociale et le renforcement des instances consultatives de la société civile organisée». Ils réaffirmaient également à cette occasion « leur détermination à donner un élan aux relations entre les organes consultatifs régionaux de l’Amérique latine et des Caraïbes et entre le CESE et ces organes »370. Autrement dit, les principales carences juridiques découlent d’une absence de reconnaissance institutionnelle, d’un déficit de coopération entre le Comité Economique et Social Européen et les organes consultatifs représentants la société civile organisée des organisations régionales. Ce déficit pourrait être comblé, de l’avis du CESE, par l’instauration dans le cadre de nouveaux accords, de Comités mixtes composés de représentants du CESE et des organes consultatifs des organisations régionales. Par conséquent, la principale requête concerne en réalité une demande de contractualisation du rôle de la société civile en matière de dialogue politique et de coopération. Mais, il semble que le pré-requis – peut être utopique – serait déjà de déterminer de manière objective ce qu’est la société civile et donc, de trouver une définition juridique de cette expression qui puisse englober sans parti pris toutes les composantes, au-delà de la conception qu’en ont les acteurs institutionnels. Sur le plan conventionnel, des tentatives en vue de formaliser la place de la société civile organisée sont accomplies. A l’instar de ce qui existe déjà dans l’accord de Cotonou signé en 2000, où le rôle des acteurs non étatiques est énoncé notamment à l’article 8 §7, les accords de dialogue politique et de coopération signés en décembre 2003 entre la CE et ses Etats-membres, et les pays membres de la CAN et du SICA, prévoient notamment des clauses concernant la participation de la société civile organisée, au dialogue et à la coopération dans leurs articles 42 respectifs. 370 Déclaration finale de la troisième rencontre de la société civile organisée UE-AL-C du 13 au 15.04.2004, paragraphes 4 et 5. 178 Hors cadre conventionnel, on peut imaginer que se développera, à terme, une consultation obligatoire de la société civile – dont les modalités restent à définir – soit au sein d’EUROLAT, soit à l’occasion des sommets. Car, le bénéfice d’une participation active des acteurs non institutionnels, tant aux processus de négociation, qu’au développement des liens interrégionaux est réel. De l’avis de M. Jacques TENIER371, la participation de la société civile masquerait même un enjeu caché : intégrer cette dernière – et a fortiori lui reconnaître un statut et un rôle juridique – reviendraient à noyauter les formes les plus virulentes de la contestation, contre la marche vers la libéralisation commerciale372. De surcroît, la « société civile », notion aux contours flous, peut être dominée, dans les faits, par les lobbies. Globalement, malgré un effort de renforcement du dialogue politique qui se traduit notamment par l’augmentation des acteurs concernés, y compris les organisations de la société civile tels, les entreprises, les universitaires, les syndicats, les Organisations Non Gouvernementales, médiateurs du peuple, et autres ; l’efficacité du dialogue demeure limitée faute d’un cadre juridique qui en précise les contours et évite que les différents niveaux de dialogue ne se chevauchent. La recherche d’efficacité, la rationalisation et la quête d’institutionnalisation pourraient expliquer la tendance à l’ancrage du dialogue politique dans un cadre conventionnel. 371 Voir en ce sens, TENIER (J.), commentant le rôle de la société civile dans l’APEC, Intégrations régionales et mondialisation : complémentarité ou contradiction ?op. cit., pp. 170-177. 372 Rappelons que la libéralisation commerciale et la participation à la définition des normes multilatérales sont des enjeux à peine voilés derrière le développement des liens interrégionaux rénovés. Cf. Supra, Titre I, chapitre II, « La nécessité d’une réponse européenne à des enjeux multiples ». 179 SECTION II : L’ANCRAGE PATENT DU DIALOGUE POLITIQUE DANS LE CADRE CONVENTIONNEL Qu’il s’agisse des relations de l’Union européenne avec l’Amérique latine ou avec les Caraïbes, la caractéristique commune majeure « c’est que dorénavant le Politique est projeté au cœur même de la coopération, à la fois domaine où s’exerce celle-ci et critère de son développement et de son maintien. Ceci se traduit dans les principaux accords en vigueur par l’insertion d’un chapitre relatif au “dialogue politique” »373. Ainsi, en Amérique latine, si les accords conclus à la fin des années 1990 avec les membres d’organisations régionales contenaient une clause « droits de l’homme »374, ils ne faisaient qu’ébaucher le dialogue politique et l’essentiel des dialogues politiques sous- régionaux avaient lieu en marge des accords. A l’exception du cas du MERCOSUR, la contractualisation du dialogue politique dans les rapports avec l’Amérique centrale et andine remonte à 2003 (§1) date à laquelle le dialogue politique a été inclus dans le cadre conventionnel, par les négociateurs des accords de « dialogue politique et de coopération ». Reste à savoir si cet ancrage représente un véritable apport et s’il y a ou non rupture vis-à-vis de la situation préexistante. Dans les relations Euro-ACP en revanche, l´expression " dialogue politique " ou plutôt dialogue sur les politiques375, a fait son apparition à l’occasion de la Convention de Lomé III, mais le dialogue politique en tant que tel ne sera introduit que dans la quatrième Convention de Lomé lors de sa révision, en 1995. En effet, la Convention de Lomé IV bis376 favorisa 373 FENET (A.), Droit des relations extérieures de l’Union européenne, op.cit., spéc. p. 226. 374 Voir l’article 1 de l’Accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et l’accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l’Equateur, la République du Pérou, et la République du Venezuela, JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p.10 ; l’Accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, à l’article 1, JOCE, n° L 63 du 22.02.1999, p. 38. 375 Le dialogue sur les politiques concerne l’ensemble des politiques générales et sectorielles sous-tendant les stratégies de coopération commerciale et financière définies dorénavant dans le cadre de l’accord de Cotonou de 2000. Au plan institutionnel, ce dialogue est mené au sein des institutions paritaires prévues par l’accord de Cotonou. DANIEL (J.), « Le cadre institutionnel et le dialogue sur les politiques : l’accord de Cotonou à l’épreuve d’une réhabilitation du politique », in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Bruylant, Bruxelles, 2007, pp. 261-285. 376 Accord portant modification de la quatrième convention ACP-CE, signé à Maurice, le 4.11.1995, JOCE, n° L 156 du 29.05.1998, p. 107. 180 l’émergence d’une dimension politique du partenariat. Dans ce cas, la contractualisation est, si l’on peut dire, ancienne mais la plus-value de l’accord de Cotonou résulte du fait qu’elle renforce encore cette dimension, notamment en faisant du dialogue politique une condition, et un élément du dispositif de coopération377 (§2). §1 L’apport de la contractualisation du dialogue politique avec les organisations régionales latino-américaines L’insertion du dialogue politique dans le cadre conventionnel semble constituer un apport qualitatif, car, les accords dits « de dialogue politique et de coopération » offrent un cadre juridique de référence, et identifient clairement le dialogue politique au nombre des instruments de coopération dont disposent la Communauté européenne et ses Etats membres, dans ses relations avec les Etats latino-américains et leur organisation régionale (A). Il est à signaler que l’exemple d’inclusion avait été donné par l’accord interrégional UE/MERCOSUR, accord préparatoire qui, dans la perspective de relations plus approfondies devant déboucher sur un régime d’association, prenait soin d’insérer le dialogue politique dans les accords (B). A) La portée juridique de l’insertion du dialogue dans les accords dits « de dialogue politique et de coopération » Depuis la signature des accords de « dialogue politique et de coopération » en 2003, avec la Communauté andine et les pays d’Amérique centrale, le dialogue est inséré dans le cadre conventionnel378, à l’instar de la pratique en cours, pour les associés de la Communauté européenne comme les Etats ACP, les Etats méditerranéens379, mais aussi – s’il faut s’en tenir 377 DANIEL (J.), « Le cadre institutionnel et le dialogue sur les politiques : l’accord de Cotonou à l’épreuve d’une réhabilitation du politique », op.cit.., pp. 261-285. 378 Voir les articles 3 à 5 de l’Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, COM 2003(695) final du 15.12.2003 ; et les articles 3 à 5 de l’Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’ El Salvador , du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, COM 2003 (677) final du 15.12.2003. 379 Les accords d’associations euro-méditerranéens établissent un cadre pour le dialogue politique, contrairement aux accords de coopération signés dans les années 1970. A titre d’illustration,voir le Titre I «sur le Dialogue politique » aux articles 3 à 5, de l’Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Commu- 181 à la seule zone géographique latino-américaine – le Chili380. On peut se demander si cette inclusion modifie la portée du dialogue politique ; peut-on y voir l’amorce d’une restructuration des relations de l’Union européenne avec les groupements régionaux d’Amérique latine ? L’intérêt de l’insertion du dialogue politique dans les accords est d’abord lié à la question de la finalité desdits accords. Ce n’est qu’après s’être penché sur leur finalité, que l’on peut évaluer la portée juridique d’une telle insertion. D’après leurs articles 2 respectifs consacré aux « objectifs et champ d’application », rédigé dans les mêmes termes, les accords de dialogue politique et de coopération ont été conçus pour consolider la coopération dans tous les domaines et, assurer le renforcement de l’intégration régionale des deux organisations concernées. A terme, ils doivent conduire à la conclusion d’accords d’association. De par l’intitulé même des accords, « coopération » et « dialogue politique » apparaissent comme un tandem indispensable pour réaliser cette finalité. Le lien étroit entre coopération et dialogue politique est conforté, du fait que le dialogue politique s’affirme comme un outil de renforcement de la coopération apte à « préparer la mise en place de nouvelles initiatives » de coopération. Ainsi, en corollaire de la coopération, il est prévu que le dialogue « constituera également une base pour lancer des initiatives et viendra à l'appui des efforts visant à mettre au point des initiatives, notamment de coopération, et des actions dans l'ensemble de l'Amérique latine »381. Pour ce faire, la Communauté et ses Etats membres d’une part, et les Etats membres de la CAN ou ceux d’Amérique centrale d’autre part, s’engagent à discuter de tout sujet présentant un intérêt commun pour les parties. L’insertion dans le cadre conventionnel de dispositions spécifiques au renforcement des liens politiques, revient à établir un cadre juridique pérenne pour le dialogue politique. Dans chacun des deux accords, l’ensemble du titre II (aux articles 3 à 5) est consacré au renforcement du dialogue politique, mais se réfère en même temps à la pratique antérieure des dialogues sous-régionaux et aux principes « fixés dans l’accord cadre de coopération de 1993 et dans la déclaration de Rome de 1996 entre les parties »382. Cela laisse supposer que nautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, JOCE, n° L 70 du 18.03.2000, p. 2. 380 Concernant l’exemple chilien, l’Accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la République du Chili, d’autre part, signé en 2002, entré en vigueur le 01.03.2005, comprend des dispositions relatives au dialogue politique institutionnalisé. Ces dernières placées dans la partie II de l’accord, en amont des dispositions consacrées au commerce, semble témoigner de la place primordiale de la dimension politique dans l’accord d’association, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002, p. 3. 381 Voir dans les Accords de dialogue politique et de coopération, les articles 2 §2 respectifs. 382 Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’ El Salvador , du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, Titre II , Article 3 alinéa 1, COM 2003(677)final, du 15.12.2003 ; Accord de dialogue po- 182 l’inclusion du dialogue politique a pour objectif , d’une part, de consolider l’existant en matière de dialogue et de coopération politique en créant un support juridique, mais, d’autre part, d’en augmenter l’intensité et donc la portée. En effet, pour corroborer l’introduction du dialogue dans le champ conventionnel, il est prévu aussi un renforcement du cadre institutionnel devant servir au dialogue. Par exemple, dans les accords dits de « dialogue politique et de coopération »383, les parties « encouragent » la création de « commissions interparlementaires » réunissant le Parlement de chaque organisation régionale concernée, conformément aux lois constitutionnelles en vigueur. Par comparaison, ce type d’organe composé à part égale de représentants du Parlement européen et de représentants, respectivement soit du Parlement andin [PARLANDINO], soit du Parlement régional centre-américain [PARLACEN]384, préfigure, semble-t-il, l’établissement d’organes paritaires, comme ceux que l’on trouve dans les accords d’association, à savoir : des « assemblées parlementaires » ; des « commissions parlementaires » ou des « comités d’association parlementaire »385, selon la dénomination retenue par l’accord dans chaque cas d’espèce. Ces organes interparlementaires jouent un rôle d’impulsion politique car ils doivent être informés sur le fonctionnement de l’association, et peuvent adresser des recommandations à l’organe décisionnel créé pour gérer l’association386. On peut supposer par analogie, que dans les accords de « dialogue politique et de coopération » signés en 2003, les commissions interparlementaires devraient jouir de fonctions analitique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, , d’autre part, Titre II , Article 3 COM (2003)695 final du 15.12.2003. 383 Voir l’article 52 paragraphe 4 de l’Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, COM (2003)695 final du 15.12.2003 ; et l’article 52 paragraphe 5 de l’Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’ El Salvador , du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, COM (2003)677 final du 15.12.2003. 384 Il faut rappeler que le PARLACEN avec lequel, le Parlement européen devrait créer une Commission Parlementaire mixte, selon les termes de l’article 52 §5 de l’accord de « dialogue politique et de coopération » du 15.12.2003, ne regroupe pas les Parlementaires de tous les pays centraméricains participant à l’accord de 2003. En effet, les délégués du Costa Rica ne sont pas représentés au PARLACEN, car ce pays n’est pas membre du Parlement régional centraméricain. Pour autant, ce pays est signataire de l’accord avec la Communauté européenne et ses Etats membres. Par conséquent, se posera un problème d’unité de représentation au sein de la future Commission interparlementaire entre le PARLACEN et le Parlement européen. 385 Voir par exemple, dans le cadre de l’Accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la République du Chili, d’autre part, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002, p. 3 ; on remarque la création d’un « Comité d’association parlementaire » composé de manière paritaire, de membres du Parlement européen et de représentants de l’assemblée législative de l’Etat concerné. Selon les termes de l’accord d’association euro-chilien de 2002, article 9 §1, il s’agit d’une enceinte de « rencontre et de dialogue entre les membres du Congrès chilien et ceux du Parlement européen ». 386 Dans l’exemple précité de l’Accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la République du Chili, les Parlementaires peuvent adresser des recommandations au Conseil d’association, suivant l’article 9, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002, p. 3. 183 logues, anticipant et préparant de ce fait, la négociation ultérieure d’accords d’association créant un lien « particulier et privilégié »387. Cependant, il faut relever que dans les accords d’association, de tels organes paritaires sont formellement institués par l’instrument conventionnel, ce qui n’est pas le cas dans les accords de dialogue politique et de coopération du 15 décembre 2003. Ces derniers se limitent à encourager la mise en place de commissions interparlementaires sans en préciser les modalités. Il est clair que, vu les termes employés, par l’article 52 paragraphe 4 de l’accord UE /Communauté andine et l’article 52 paragraphe 5 de l’accord avec les pays d’Amérique centrale, il ne s’agit pas d’une obligation juridique pesant sur les Parlements régionaux. Par ailleurs, il se pourrait que de telles commissions soient une perspective à long terme : elles pourraient se concrétiser uniquement au moment de la signature d’éventuels accords d’association. Dans la mesure où ces probables commissions ne sont pas instituées directement par les accords de dialogue politique et de coopération, il revient notamment du côté européen, au Parlement européen, de créer d’abord des délégations interparlementaires pour les relations avec les pays membres de la CAN et du SICA, ce qui a été fait388. En outre, les accords de « dialogue politique et de coopération » laissent en suspens la question de la coordination des futures commissions interparlementaires institutionnalisées et prévues dans un instrument conventionnel, avec l’Assemblée parlementaire euro-latinoaméricaine créée hors champ conventionnel, par l’acte constitutif du 8 novembre 2006. Il est dès lors ardu de déterminer si les évolutions du cadre institutionnel, concourent à conférer une teneur concrète au partenariat stratégique389. Plus sûrement, l’ancrage du dialogue politique dans les accords, a comme portée, de préparer la mise en place d’une coopération toujours plus poussée, intégrant la dimension politique et devant évoluer vers la négociation d’accords d’association réservés notamment aux partenaires privilégiés caribéens. Les signataires y affichent l’ambition de coordonner leurs positions sur des sujets d’intérêt commun et de prendre des initiatives dans les fora internationaux, afin de promouvoir leurs valeurs communes. La meilleure preuve de l’existence d’une 387 En référence à la manière dont la Cour de justice des Communautés européennes caractérise l’association, s’agissant par exemple, de l’accord entre la Communauté européenne et la Turquie : CJCE, Arrêt du 30.09.1987, Demirel, aff. 12/86, Rec., p. 3719, point 9. 388 Voir « Décision du Parlement européen du 14 septembre 2009 sur la composition numérique des délégations interparlementaires, des délégations aux commissions parlementaires mixtes et des délégations aux commissions de coopération parlementaire et aux assemblées parlementaires multilatérales », P7_TA(2009)0002. 389 Voir « Propositions des Parlements d’intégration visant à conférer au partenariat stratégique bi-régional UEAL-C une teneur concrète », document PE 341.275 du 19 mars 2004. Conclusions de la conférence interparlementaire UE-Amérique latine réunie à Puebla du 17 au 19 mars 2004.C’est à dire peu avant le Sommet de Guadalajara (Mexique) qui a eu lieu le 28 mai 2004. 184 visée plus large, au travers de l’insertion du dialogue, est que cet ancrage s’accompagne, de surcroît, d’une extension des thèmes du dialogue, au-delà, des références classiques à la démocratie et aux droits de l’homme390. L’exemple latino-américain montre que, fixer le dialogue dans le corps du texte d’un accord, ouvre la voie à une intensification de la coopération. Cela devient encore plus flagrant si on les compare aux accords liant la Communauté européenne aux partenaires privilégiés, tels que les Etats ACP391. Dans ce cas, le dialogue politique et la dimension politique sont toujours incorporés aux accords, et participent d’une approche intégrée du développement basée sur une interaction entre les aspects économiques, sociaux, culturels et politiques. Par conséquent et de manière générale, l’ancrage du dialogue politique dans le cadre conventionnel indique la place primordiale de la dimension politique dans les accords d’association ou dans ceux qui doivent conduire à un régime d’association. La Communauté européenne et ses Etats membres avaient déjà initié l’introduction timide du dialogue politique dans l’accord interrégional de coopération UE/MERCOSUR. B) L’exemple d’insertion du dialogue dans l’accord UE-MERCOSUR Les parties se sont engagées formellement dès l’accord-cadre interrégional entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du sud et ses Etats parties, d’autre part, signé en 1995, à mener un dialogue politique392. Cet accord a précédé chronologiquement les accords dits de « dialogue politique et de coopération ». Il est donc envisageable qu’il ait pu servir partiellement de modèle à l’introduction d’une dimension politique approfondie dans les accords interrégionaux négociés ultérieurement en Amérique latine. Dans le cadre des relations conventionnelles interrégionales en Amérique latine, ce dialogue politique est le premier à affirmer l’importance de la dimension politique et démocratique des relations. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle transcende l’importance de la dimension commerciale, qui fait d’ailleurs l’objet d’un dialogue économique et commercial 390 Voir Infra, partie II titre I de la thèse relative à l’analyse du contenu des accords de « dialogue politique et de coopération ». 391 Voir dans l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou, le 23.06.2000, l’article 8 §1 relatif au dialogue politique, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, p. 3. 392 Accord cadre interrégional de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et le Mercosur et ses Etats parties, d’autre part, du 15.12.1995, article 3, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 65. 185 distinct, dans le cadre de l’accord interrégional. En effet, un « dialogue économique et commercial » programmé et aux modalités bien définies, est prévu dans l’accord interrégional à l’article 5 du Titre II. Il est mené par les organes conjoints, à savoir : la commission mixte de coopération, dont les rencontres sont annuelles, et la sous-commission mixte commerciale dont les rencontres sont semestrielles. L’insertion du dialogue politique soutenu, de surcroît, par la clause démocratique, est en l’espèce conçue pour promouvoir « l’établissement d’une association interrégionale » et pour « une concertation plus étroite sur des questions birégionales et multilatérales, notamment par l’intermédiaire d’une coordination des positions respectives dans les enceintes pertinentes »393. Mais, contrairement au cas des accords dits de « dialogue politique et de coopération » de 2003, l’engagement en faveur du dialogue politique est surtout formalisé dans une déclaration annexée à l’accord-cadre interrégional de 1995. Ce point est spécifié par l’article 3, alinéa premier, qui prévoit que le « dialogue politique se déroule selon les termes contenus dans la Déclaration commune annexée à l’accord ». Par elle-même une telle déclaration n’a pas de force obligatoire, mais annexée à l’accord elle devient partie intégrante de ce dernier. Par conséquent, en tant que composante d’un engagement juridique conventionnel, la déclaration annexée à l’accord et les dispositions relatives au dialogue politique qu’elle contient, bénéficie de l’autorité des normes conventionnelles suivant le principe « pacta sunt servanda »394.Quoiqu’il en soit, en droit international, le devoir de coopération entre les sujets de droit international395 existe même en dehors de l’accord-cadre interrégional UE/MERCOSUR. Par ailleurs, en tant qu’instrument écrit, le caractère formel de la déclaration assure la publicité de l’existence d’une coopération politique entre la CE et ses Etats membres et le MERCOSUR et ses Etats parties, à l’égard de tous les tiers. Bien que plus ancienne, la contractualisation du dialogue politique dans les relations Euro-ACP, joue entre autres, un rôle similaire. 393 Accord cadre interrégional précité, article 3 alinéa 2, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 65. 394 Selon l’article 26 de la Convention de Vienne, du 23 mai 1969, le principe « pacta sunt servanda » signifie que « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté de bonne foi ». 395 Conformément à la charte des Nations Unies, la coopération est un devoir entre les Etats. La résolution 2625 (XXV) sur les relations amicales et la coopération entre les Etats du 24.10.1970 précise que : « les Etats ont le devoir de coopérer les uns avec les autres, quelles que soient les différences existant entre leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, dans les divers domaines des relations internationales, afin de maintenir la paix et la sécurité internationales et de favoriser le progrès et la stabilité économique internationaux, ainsi que le bien être général des nations et une coopération internationale qui soit exempte de discrimination fondée sur ces différences ». 186 §2 La contractualisation ancienne mais renforcée dans les relations EuroACP Caraïbes Progressivement, l’idée de renforcer le dialogue comme moyen d’accroître l’efficacité de la coopération, s’est imposée avec plus d’acuité lors de la troisième et de la quatrième Conventions de Lomé. Mais, outre qu’il reprend les institutions paritaires conjointes UE-ACP préservant ainsi l’acquis des conventions antérieures et faisant de celles-ci le cadre d’un dialogue politique diversifié et élargi (A), l’accord de Cotonou appréhende le dialogue politique comme un pilier du partenariat, une condition sine qua non au renforcement des relations euro-ACP. Le dialogue politique s’inscrit dans une approche intégrée du développement396. L’apport majeur de l’accord de Cotonou consiste à consolider le dialogue politique dans l’accord, en le plaçant expressément au cœur du partenariat renforcé avec les Etats ACP, et au cœur du dispositif de coopération (B). A) La pérennisation des institutions conjointes Euro-ACP comme cadre de dialogue politique Le dialogue politique inclus dans l’accord UE-ACP utilise un support institutionnel qui est sensiblement le même depuis la première convention de Lomé du 28 février 1975. L’accord de Cotonou du 23 juin 2000 a le mérite de renforcer ce dispositif institutionnel de dialogue.Toute la partie II est consacrée au cadre institutionnel. « Ce choix rédactionnel est sans doute révélateur de la volonté d’affirmer l’intérêt porté, grâce aux institutions qui en ont la charge, au dialogue politique »397. Les parties ont pris l’engagement solennel de mener, « de façon régulière un dialogue politique global, équilibré et approfondi, devant conduire à des engagements mutuels », selon les termes de l’article 8 §1 de l’accord de Cotonou. Pour ce faire, ils peuvent débattre de questions politiques au sein des institutions conjointes paritaires. Au nombre de trois, – à sa- 396 Le préambule, alinéa 5, de l’accord de Cotonou signé le 23.06.2000, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, p. 3, affirme : « Reconnaissant qu’un environnement politique garantissant la paix, la sécurité et la stabilité, le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit, et la bonne gestion des affaires publiques, fait partie intégrante du développement à long terme ; reconnaissant que la responsabilité à long terme d’un tel environnement relève des pays concernés (...) ». 397 DANIEL (J.), « Le cadre institutionnel et le dialogue sur les politiques : l’accord de Cotonou à l’épreuve d’une réhabilitation du politique », op.cit., spéc., p. 265. 187 voir le Conseil des ministres ACP-UE, le Comité des Ambassadeurs, l’Assemblée parlementaire paritaire – ils ont pour vocation première d’encadrer la coopération UE-ACP ; ils voient leur mission politique renforcée dans l’accord de Cotonou. Ainsi, le Conseil des ministres, organe exécutif et instance décisionnelle suprême de gestion de l’accord, reçoit au nombre de ses attributions la mission de « mener le dialogue politique ». Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire paritaire joue un rôle important d’impulsion politique. Entre autres missions, elle assure celle « de promouvoir les processus démocratiques par le dialogue et la concertation », l’Assemblée parlementaire paritaire, organe consultatif créé par l’accord, est appelée à se prononcer dans les domaines du respect des droits de l’homme, des principes démocratiques, de l’État de droit et de la bonne gestion des affaires publiques. Cependant, à propos des missions de l’Assemblée parlementaire paritaire, force est de constater que son rôle en matière de dialogue politique est strictement circonscrit. Pour autant, parmi les dispositions – posées aux articles 14 à 17 – qui fixent les méthodes de travail des institutions communes ACP-UE, il est prévu un dialogue permanent et régulier entre le Conseil des ministres, lequel est l’organe exécutif de l’accord, et l’Assemblée parlementaire paritaire qui représente l’organe consultatif. Le Conseil des ministres doit examiner et prendre en considération les résolutions et recommandations adoptées par l'Assemblée parlementaire paritaire selon l’article 15 §3 de l’accord de Cotonou. En outre, le dialogue constant institué par l’accord de Cotonou, doit également inclure les représentants des partenaires économiques et sociaux ACP- UE et les autres acteurs de la société civile, afin de recueillir leurs points de vue sur la réalisation des objectifs de l’accord, à savoir : la lutte contre la pauvreté, l’intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale et le développement durable398. B) La consolidation du dialogue politique dans l’accord de Cotonou L’apport de l’accord de Cotonou en matière de dialogue politique consiste à faire de celui-ci un élément clé du partenariat entre la CE et ses Etats-membres, d’un côté, et les pays du groupe ACP, de l’autre. En effet, le dialogue doit permettre la coordination entre les parties en vue d’une cohérence des stratégies de coopération et de développement envisagées dans l’optique d’une réalisation du partenariat. De plus, il concourt à stimuler voire à assurer 398 Accord de Cotonou, signé le 23.06.2000 Partie I, titre I, chapitre I « Objectifs et principes », article premier, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, p. 3. 188 un environnement pacifique, stable et démocratique, propice à l’objectif du partenariat. Ainsi l’article 2 de l’accord de Cotonou reconnaît le rôle central du dialogue et du respect des engagements mutuels, au titre des principes fondamentaux guidant la coopération. Par ailleurs, s’agissant du lien entre conditionnalité et dialogue politique, l’inclusion de la dimension politique renforcée dans l’accord de Cotonou semble compléter l’approche basée sur la conditionnalité politique. En effet, si l’accord de Cotonou conserve à la conditionnalité politique en tant qu’instrument de protection des droits de l’homme, une dimension potentiellement coercitive ; il dépasse l’idée d’approche punitive car il privilégie une approche incitative en affirmant le primat du dialogue et de la dimension politique de la relation partenariale Europe-ACP. Il s’ensuit que, pour les partenaires caribéens, l’obligation de respecter les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, découle en principe des engagements mutuels librement consentis, plutôt que d’une conditionnalité imposée par l’Union européenne399. Plusieurs pistes sont explorées, pour intensifier le dialogue politique dans le cadre de l’accord de Cotonou. Premièrement, là où, le dialogue politique antérieur était principalement axé sur les questions liées aux conditionnalités politiques, tels que les droits de l’homme, le respect des principes démocratiques, le renforcement du dialogue dans l’accord de Cotonou se traduit par l’extension des thèmes abordés. Il s’agit de débattre à la fois, de toutes questions d’intérêt mutuel et de coordonner la coopération au développement ; par conséquent, il revient au dialogue politique un vaste rôle : celui de permettre de traiter de tous domaines ayant un impact majeur sur le développement, tels que la paix, la prévention des conflits, le commerce des armes, la migration, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption. Deuxièmement, l’accord de Cotonou consolide l’importance du dialogue en étendant le nombre des acteurs impliqués dans ce dialogue. Les Etats ACP et leurs agences gouvernementales demeurent les partenaires principaux et des interlocuteurs privilégiés, mais le dialogue est ouvert à d’autres types d’acteurs notamment sociaux. Ainsi une des innovations majeures est d’associer au dialogue « les représentants de la société civile », selon l’article 8 de l’accord de Cotonou, ou plus largement tous les acteurs non étatiques : secteur privé, parte- 399 Cependant Mme BELLAYER-ROILLE relativise cette analyse en affirmant : « bien que les engagements exigés des ACP ne doivent pas être ressentis comme des conditionnalités imposées de l’extérieur, il se pourrait que finalement, dans la pratique, la frontière entre la notion de conditionnalité et les obligations mutuelles fermes découlant du partenariat stratégique, s’avère assez mince ». BELLAYER-ROILLE (A.), « Le partenariat stratégique au service de la paix », in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé, op. cit., pp. 287-303, spéc., p. 293. 189 naires économiques et sociaux, y compris les organisations syndicales et la société civile sous toutes ses formes, selon les caractéristiques nationales. Troisièmement, l’accord de Cotonou intensifie le dialogue politique en élargissant le cadre de celui-ci. Il n’est donc pas limité à un seul niveau, il peut « selon les besoins » se dérouler « sous la forme et aux niveaux les plus appropriés » d’après les termes de l’article 8, c'est-à-dire au niveau local, national, régional, y compris mondial. Cela implique une possible participation des organismes publics locaux lorsque des questions de développement à l’échelon local se posent. En outre, cette diversification du cadre du dialogue s’est avérée fort efficace lorsqu’il s’est agi par exemple, au niveau régional, de négocier des accords de partenariat économique avec les organisations régionales, comme le CARIFORUM, la CEDEAO400, le COMESA401, considérées comme des interlocutrices valables. De même, au niveau mondial, le dialogue politique s’avère utile pour la défense par la CE ou ses Etats membres, des intérêts ACP dans les enceintes internationales. Mais surtout, le dialogue révèle toute sa pertinence au regard de l’objectif global du « partenariat stratégique », pour défendre les intérêts mutuels dans les fora internationaux402. On peut donc affirmer que le dialogue politique tel que conçu dans l’accord de Cotonou s’adapte aux enjeux et aux nécessités à différents niveaux, d’une coopération qui se veut globale. Quatrièmement, la nouveauté est que l’accord de Cotonou laisse plus de place au dialogue informel. L’enjeu est semble-t-il de doter le dialogue de plus de flexibilité et de s’affranchir du formalisme qui caractérisait son organisation antérieure. L’article 8 de l’accord de Cotonou précité, précise que le « dialogue peut être formel ou informel », se dérouler « dans le cadre institutionnel ou en dehors de celui-ci ». Cela pourrait en pratique, augmenter l’importance du dialogue politique informel mené dans le cadre du CARIFORUM, en dehors de l’Assemblée parlementaire paritaire qui conserve la prééminence pour toutes questions concernant l’ensemble du groupe ACP, et ce, pour maintenir la cohésion du groupe ACP, chère aux caribéens403. La flexibilité s’illustre par le fait que l’accord de Cotonou ne prévoit pas de mécanismes formels détaillés pour structurer le dialogue, c’est pour cela que 400 Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). 401 Marché Commun d’Afrique Orientale et australe (COMESA). 402 Voir Supra Titre premier, chapitre second intitulé « La nécessité d’une réponse européenne à des enjeux multiples ». 403 Parmi les débats qui ont animé l’ouverture des négociations des Accords de partenariat économique (APE), la question s’est posée de savoir comment conserver la cohésion du groupe ACP, tout en négociant au niveau régional ; les pays ACP craignaient que les négociations au niveau régional soient une manœuvre de la Commission européenne pour diviser le groupe. Voir RAMPHAL (S.), « Pourquoi les ACP doivent rester unis », Le Courrier ACP, n° 166, novembre-décembre 1997, pp. 7-8. 190 des lignes directrices pour le dialogue ACP-UE ont été proposées à la CE, par le Conseil des ministres ACP404. L’accord pour sa part, dispose simplement que le dialogue « est mené avec toute la souplesse nécessaire » selon l’article 8 alinéa 6. Il a lieu sous la forme appropriée, tout dépend de la question traitée. Néanmoins, la première révision de l’accord conforta le formalisme du dialogue. La révision de 2005405 de l’accord de Cotonou, au Luxembourg le 25 juin 2005 et applicable depuis le 1er juillet 2008406, a été l’occasion de renforcer davantage les dispositions relatives au dialogue politique. Les modifications tendent à renforcer le caractère opérationnel du dialogue, afin de permettre une évaluation des progrès effectifs dans le respect des engagements, d’où l’introduction d’une nouvelle annexe VII qui définit en détails les modalités du dialogue structuré. Elle prévoit par exemple, l’élaboration conjointe de critères de référence et d’objectifs inspirés des normes définies dans les conventions internationales, en matière de droits de l’homme, de principes démocratiques et d’Etat de droit. Il faut se souvenir que ces trois éléments « essentiels » de l’accord sont distincts de l’« élément fondamental » d’après l’article 9 de l’accord de Cotonou. Par opposition au second, l’inobservance des éléments essentiels peut entraîner des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de la coopération407. 404 Décision n° 3/LXXV/02 de la 75ème session du Conseil ACP, tenue à Punta Cana (République dominicaine) des 26-27.06.2002, intitulée « Cadre et principes du dialogue politique intra-ACP, Lignes directrices proposées pour le dialogue politique ACP-UE (art.8), Critères d’éligibilité pour les acteurs non étatiques ». ACP/25/008/02. 405 L’accord de Cotonou contient une clause de révision (article 95) qui prévoit des adaptations de l’accord tous les cinq ans (à l’exception des dispositions sur la coopération économique et commerciale qui sont soumises à une procédure de révision spécifique). 406 Concernant la révision de l’accord de Cotonou de 2005, voir : Décision du Conseil (2005/599/CE) du 21.06.2005 concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 .06.2000, JOUE, n° L 209, du 11.08.2005, p. 26. Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27. Décision du Conseil (2008/373/CE) du 28.04.2008 concernant la conclusion de l'Accord modifiant l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, JOUE , n° L 129 du 17.05.2008, p. 44. Une seconde révision a eu lieu en 2010, voir : Accord modifiant, pour la deuxième fois, l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois, à Luxembourg le 25.06. 2005, JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, p. 3. 407 La bonne gestion des affaires publiques ou la bonne gouvernance qualifiée d’« élément fondamental », n’est pas soumise à sanctions, sauf en cas graves de corruption active et passive, tels que définis à l’article 97 de 191 Par conséquent, il est certain que dans le cadre des relations ACP-UE, dialogue politique et conditionnalité politique se rejoignent, dans la mesure où le dialogue a une fonction de surveillance politique de la réalisation des conditions essentielles de nature politique posées par l’accord de Cotonou en son article 8 alinéa 4. Mais, d’un autre côté, l’usage du dialogue politique peut contribuer à éviter le recours à des mesures de dernière extrémité, telles que la suspension de l’aide. L’accord révisé privilégie systématiquement le dialogue408. En ce sens, on remarque qu’il retarde davantage le risque d’enclenchement des mesures coercitives telles que la suspension de la coopération, en cas de violation des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’État de droit – selon l’article 96 de l’accord de Cotonou – ou dans des cas graves de corruption (article 97 de l’accord de Cotonou). En effet, préalablement à l’adoption de mesures appropriées, la révision de 2005 de l’accord de Cotonou ajoute que la tenue du dialogue politique est rendue nécessaire, avant même l’activation de la procédure de consultation, prévue à l’article 96 relatif à la suspension de l’aide de l’UE, sauf cas d’urgence particulière. Les délais prévus pour les consultations au titre des articles 96 et 97 de l’accord de Cotonou ont par ailleurs été étendus à la suite de la révision. Par conséquent, « la révision de l’accord de Cotonou traduit sans ambiguïté cette tendance à privilégier au maximum le dialogue et, à défaut de résultats et seulement en cas d’atteintes graves et répétées aux principes démocratiques, d’adopter des mesures appropriées »409. Dans le cadre de la révision de l’accord de Cotonou, la dimension politique a été adaptée aux relations extérieures et aux nouveaux challenges en matière de sécurité. En ce sens, ont été introduites par exemple, une disposition relative à la Cour pénale internationale410, une référence à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive411, une l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000. Sur la distinction entre « éléments essentiels » et « éléments fondamentaux » dans l’accord de Cotonou, voir RAUX (J.), « Les principes structurants de l’Accord de partenariat ACP/CE et Etats membres de l’Union européenne », in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé, op. cit., spéc., pp. 47 à 50. 408 L’article 96 de l’accord de Cotonou est modifié par la révision de 2005 comme suit : « §1 a). Les deux parties conviennent, sauf en cas d’urgence particulière, d’épuiser toutes les possibilités de dialogue prévues dans le cadre de l’article 8 avant de procéder aux consultations visées au paragraphe 2, point a), du présent article ». 409 FLAESCH-MOUGIN (C.), « La conditionnalité dans les relations de l’UE avec les Etats et groupements latino-américains », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op. cit., spéc.,p. 386. 410 Voir l’article 11 §6 de l’Accord de Cotonou précité : « En promouvant le renforcement de la paix et de la justice internationale, les parties réaffirment leur détermination à partager des expériences concernant l’adoption d’amendements juridiques nécessaires pour la ratification et la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (...)». 192 clause réaffirmant les efforts de coopération internationale des partenaires, dans la lutte contre le terrorisme 412et une disposition sur les activités mercenaires413. 411 Voir nouvel article 11 lettre b) de l’Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27. 412 Voir l’insertion de l’article 11 lettre a) sur la « lutte contre le terrorisme », dans Accord susmentionné. 413 Voir l’article 11 §3 a) dans Accord modifiant l’Accord précité : « Les parties s'engagent en outre à coopérer à la prévention des activités des mercenaires conformément à leurs obligations dans le cadre des conventions et instruments internationaux, ainsi qu'à leurs législations et règlements respectifs ». 193 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER Le renforcement du dialogue politique se caractérise par la multiplication des instances et canaux de dialogue, comme en témoigne, l’ajout des sommets en sus des multiples réunions ministérielles et instances interrégionales préexistantes. Il se manifeste aussi à travers l’extension des thèmes abordés, l’augmentation du nombre des acteurs, voire la création de nouvelles institutions comme EUROLAT. Au vu de la prolifération des améliorations, il est clair que le dialogue renforcé – même si son efficacité est à certains égards encore limitée414 – participe du mouvement de restructuration en cours, dans les relations de l’Union européenne avec les groupements régionaux d’Amérique latine et des Caraïbes. A la lumière du partenariat stratégique, le dialogue politique rénové, qu’il s’exerce à l’intérieur du cadre conventionnel ou en dehors de celui-ci, comporte de multiples intérêts et deux grandes finalités. D’une part, il permet de coordonner l’approche des partenaires dans les relations internationales et vise à combiner les positions sur les questions multilatérales. En ce sens, le dialogue est un instrument de convergence. La convergence s’entend ici, comme la volonté d’une position commune qui assurerait l’existence d’un consensus sur les problèmes de politique internationale. Par conséquent, la systématisation du recours au dialogue politique concourt à unifier les positions pour une meilleure participation conjointe à la définition future de règles universelles. Mais le dialogue politique renforcé porte également sur les questions politiques d’intérêt commun. Ainsi le recours au dialogue politique contribue-t-il fortement à harmoniser inter se les règlementations régionales. Ainsi, à la suite du premier sommet UE-AL-C, pour transcrire en actes juridiques la coopération politique instaurée avec l’Union européenne, les gouvernements andins adoptèrent une décision contraignante concernant la lutte contre la corruption et l’impunité415. 414 SANAHUJA (J.-A.), NEVES (P.), Vers un multilatéralisme dans les relations entre l’UE et l’Amérique latine », Rapport au Parlement européen, Document PE 370.622, op. cit, 28 p. 415 Voir Conseil Andin des Relations Extérieures, Décision n° 458, du 25.05.1999, intitulée « Lineamientos de la politica exterior » du 25.05.1999, publié dans Gaceta Oficial del Acuerdo de Carthagena, n° 444, Lima, Pérou, du 1.06.1999, p. 1. Cet instrument contraignant prévoit en matière de lutte contre la corruption de « promouvoir des actions conjointes qui permettent d’impulser l’adoption de mécanismes de coopération et de contrôle social, au niveau régional et international, en vue de la lutte et l’éradication de la corruption sous toutes ses formes et la diminution de l’impunité ». Le texte de la Décision n° 458, du 25.05.1999, est disponible en ligne http://www.comunidadandina.org/normativa.htm 194 D’autre part, le dialogue politique rénové et élargi enrichit la coopération ; car il offre l’opportunité d’aborder les modalités de coopération dans des domaines prévus par les accords. Non limité quant aux thèmes abordés, il peut même aller au-delà des domaines prévus dans les conventions et jouer un rôle d’impulsion de la coopération. De plus, la mise en synergie du dialogue politique et de la coopération, révèle une politisation croissante de la coopération car, l’élément politique dans le cadre conventionnel est présenté de plus en plus comme conditionnant la coopération. Cette finalité du dialogue renforcé est expressément reconnue dans les accords de dialogue politique et de coopération qui affirment que le dialogue politique « servira à préparer la mise en place de nouvelles initiatives pour la poursuite d’objectifs communs (…) il constituera également une base pour lancer des initiatives et viendra à l’appui des efforts visant à mettre au point des initiatives, notamment de coopération, et des actions dans l’ensemble de l’Amérique latine »416. L’intérêt majeur du dialogue réside dans sa capacité à susciter une coopération toujours plus intense, sur les plans économique, social, environnemental, mais aussi dans le domaine de la recherche ou encore dans la quête de consensus sur les préoccupations sécuritaires (lutte contre le terrorisme, l’immigration). Entre autres intérêts, le dialogue politique rénové, en ce qu’il associe de plus en plus d’acteurs y compris non étatiques sert à assurer la légitimité d’un projet relationnel qui se veut novateur : le partenariat stratégique avec les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes. De plus, le dialogue politique UE-AL-C est un lieu d’échanges d’informations sur les expériences régionales : c’est l’occasion de saluer les progrès accomplis dans le processus d’approfondissement de l’intégration régionale. En somme, le dialogue politique aboutit à la définition de nouvelles relations plus étroites car plus solidaires, favorisant ainsi une coopération plus efficace. Enfin, il faut également prendre en compte les potentialités du dialogue renforcé de dynamiser les relations économiques. Le dialogue politique n’est cependant pas le seul instrument de coopération qui témoigne d’une restructuration des relations extérieures de l’Union avec l’Amérique latine et les Caraïbes, plus éloquent est le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales ; ces derniers laissent place à de nouveaux schémas de préférences ou à d’autres dispositifs plus aptes à assurer la compatibilité du droit de l’Union européenne avec les règles de l’OMC. 416 Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela), d’autre part, signé en décembre 2003, Titre II, Article 3 alinéa 2. 195 CHAPITRE SECOND : LE DEMANTELEMENT DES SYSTEMES ANTERIEURS DE PREFERENCES COMMERCIALES La Communauté européenne s’est engagée dans un processus de réforme des systèmes de préférences commerciales autonomes et conventionnelles, pour permettre leur adaptation à la concurrence mondiale et à la contrainte multilatérale. En effet, il faut distinguer d’emblée deux situations. D’une part, celle des pays de la Caraïbe membres du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique qui bénéficient de préférences par voie de convention préférentielle et, d’autre part, celle des pays non privilégiés, tels les pays membres de la Communauté andine et du Système d’Intégration Centre-Américain qui, n’ont pas à l’orée 2008, de relations contractuelles préférentielles avec la Communauté européenne. Ils bénéficient d’un régime spécial de préférences commerciales depuis 1991 au titre de la lutte contre la drogue. Ce dernier, unilatéralement concédé et élaboré par la Communauté européenne dans sa politique de coopération au développement, modifie le schéma général instauré dès le 1er juillet 1971417. Dans les deux cas, les préférences ont fait l’objet de plaintes, surtout à la fin des années 1990, devant l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC. Attaquées sur la base de deux piliers du credo libéral de l’Organisation Mondiale du Commerce, c’est-à-dire, tantôt au motif juridique de violation du principe de non discrimination, s’agissant du régime préférentiel latino-américain, tantôt au motif de non respect du principe de réciprocité, pour celui avec les Etats ACP, les préférences commerciales ont dû être modifiées. Ces changements témoignent d’une problématique récurrente de la compatibilité des préférences européennes avec les règles de l’OMC. Et ils éclairent un problème qui se pose à la Communauté : comment préserver les spécificités de sa coopération au développement et de son schéma préférentiel tout en respectant ses engagements multilatéraux dans le domaine commercial. 417 Pour un historique du système généralisé de préférences de la Communauté européenne, voir VINCENT (P.), « Le nouveau système communautaire des préférences généralisées », Cahiers de droit européen, n° 5-6, 2005, pp. 683-704, spéc., pp. 683-685. 196 La réforme du SPG anti-drogues et la réforme du système conventionnel ACP constituent deux exemples significatifs de la reconfiguration des relations commerciales extérieures avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Premièrement, une démarche réformatrice – orientée vers une application du principe de réciprocité dans les relations commerciales avec les pays ACP – a été mise en œuvre à l’égard des pays Caribéens. Ils sont pourtant bénéficiaires depuis 1976 grâce à la Convention de Lomé418, de préférences commerciales non-réciproques, tout à fait distinctes du système de préférences de « droit commun ». Même si la nouveauté de la réforme commerciale entreprise en 2000 par l’accord de Cotonou est contestable, on ne peut celer ce retour à la réciprocité après vingt-cinq années d’application de la non-réciprocité commerciale419. Deuxièmement, le remaniement du système des préférences octroyées aux pays membres de la CAN et du SICA, peut s’illustrer par le règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil portant application des préférences communautaires généralisées pour la période 2006-2008420. Ce règlement qui conserve des avantages commerciaux aux pays bénéficiaires, membres de la CAN et du SICA421 est assorti de contraintes juridiques renforcées. Sur le plan commercial, il pourrait bien avoir incité certains pays latino-américains bénéficiaires à souhaiter une évolution de leurs relations avec la Communauté, vers la négociation d’accords préférentiels intégrant de manière pérenne les avantages commerciaux. Globalement, les modifications opérées par ce règlement vont dans le sens d’un traitement non discriminatoire des pays se trouvant dans la même situation économique. Dans les deux cas, le résultat est le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales dont bénéficiaient les pays membres de la CAN, ceux du Système d’Intégration Centre-Américain (SICA), et les pays caribéens membres du groupe ACP. Il en résulte une mise en conformité croissante de la politique européenne de coopération avec les thèses néolibérales. S’il appert que le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales résulte pour une part de l’adaptation aux contraintes juridiques multilatérales, il n’est pas certain que ces changements découlent des seules pressions de l’OMC. Se pose la 418 La première convention de Lomé fut signée le 28 février 1975 dans la capitale togolaise et entra en vigueur le 1er avril 1976, JOCE, n° L 25 du 30.01.1976. 419 Voir PERROT (D.), « Quel appui communautaire aux regroupements régionaux ? », in PERROT (D.) (dir), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ?, op.cit., spéc., pp. 222-223. 420 Règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil du 27.06.2005, portant application d’un système de préférences tarifaires généralisées, JOUE, n° L 169 du 30.06.2005, pp. 1- 43. 421 Les pays membres de la Communauté andine et du Système d’Intégration centre-américain conservent le bénéfice du régime spécial rebaptisé « Régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance » ou « SPG plus ». Mais, pour plusieurs raisons, il n’est pas certain à moyen terme que le maintien de ce régime soit avantageux. Voir Infra Section I §2, B « Les implications du nouveau SPG plus pour les bénéficiaires de la CAN et du SICA ». 197 question de savoir si les modifications opérées ne sont pas aussi l’indice d’un changement d’orientation de la politique extérieure de la Communauté, impulsé lors du lancement du « partenariat stratégique ». Le démantèlement des systèmes antérieurs de préférences commerciales ne s’inscrirait-il pas dans le projet européen de refonder la coopération avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes et, au delà, l’ensemble de sa coopération Nord-Sud422? C’est en raison des particularités de chaque régime qu’il est choisi de mener séparément d’une part, l’étude de la réforme du SPG anti-drogues et son impact pour la CAN et le SICA (SECTION I), et d’autre part, celle du régime préférentiel ACP (SECTION II). 422 ABBAS (M.), « Une reconnexion asymétrique : le cas des accords de partenariat économique entre l’UE et les ACP », Chronique des Amériques, n°1, janvier 2008, 8 p., spéc. p. 3. 198 SECTION I : LA RÉFORME DU « RÉGIME SPÉCIAL ANTI-DROGUES » ET SON IMPACT SUR LA CAN ET LE SICA La Communauté européenne accorde des réductions de droits de douane aux productions agricoles des pays de la Communauté andine (CAN) et d’Amérique centrale, depuis 1991, sans condition de réciprocité pour aider à la diversification des productions et à la lutte contre la drogue423. Bien que relevant de la politique commerciale, cet instrument s’inscrit dans le cadre plus vaste de la coopération au développement424. Il s’inspire de la logique selon laquelle le trafic et la production de drogue en Amérique Latine sont des fléaux favorisés par l’indigence des populations. Ce Système spécial de préférences est distinct des accords de coopération qui lient ces deux organisations régionales à la Communauté puisque les accords en question, sont des cadres425, éventellement complétés par des instruments unilatéraux. Aux côtés du régime général offert à l’ensemble des pays en développement éligibles au SPG, le régime spécial de préférences instauré pour lutter contre la production et le trafic de drogues accorde aux pays andins et centraméricains, un traitement préférentiel plus avantageux que le schéma communautaire de droit commun. Au moment où le règlement CE de mise en œuvre triennale du SPG anti-drogues426 parvenait à échéance et alors que la question 423 Voir notamment le Règlement CEE n° 3835/90 du Conseil, du 20.12.1990, entré en vigueur le 1er janvier 1991, « modifiant les règlements (CEE) nº 3831/90, (CEE) nº 3832/90 et (CEE) nº 3833/90 en ce qui concerne le régime de préférences tarifaires généralisées appliqué à certains produits originaires de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou », article 3, JOCE, n° L 370 du 31.12. 1990, pp. 126-132. 424 L’instrument SPG donne une priorité juridique à la dimension commerciale car la base juridique pour l’adoption des règlements relatifs au SPG communautaire était l’ancien article 113 TC(E)E et non l’ancien article 235 TC(E)E. CJCE, du 26.03.1987, Commission c/Conseil, aff. C- 45/86, Rec. 1987, pp. 1493-ss, spéc., p. 1499 . 425 Les accords cadres de coopération signés en 1992 avec les pays du groupe andin, et en 1993, avec ceux d’Amérique centrale, membres du Marché Commun Centre-Américain, prévoient une coopération en matière de lutte contre la drogue. Une clause relative à la drogue est donc insérée dans chacun de ces accords cadres: Voir l’article 25 de l’Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, signé le 22.02.1993, entré en vigueur le 1.03.1999, JOCE, n° L 63, du 12.03.1999, p. 39 ; et, l’article 25 de l’Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et l'Accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l'Équateur, la République du Pérou et la République du Venezuela, signé le 23.04.1993, entré en vigueur le 1.05.1998, JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 10.Toutefois, les moyens ne sont pas définis dans ces clauses. 426 Règlement CE n° 2820/98, JOCE n° L 357 du 31.12.1998 expiré le 31.12.2001. 199 de son renouvellement était à l’étude au sein de la Communauté et faisait débat427, le SPG anti-drogues a été dénoncé devant l’Organe de Règlement des Différends (ORD) de l’OMC. La mise en cause du régime spécial anti-drogues (§1) a entraîné une rénovation de la base réglementaire au titre de laquelle fonctionnaient les préférences accordées aux pays membres de la Communauté andine (CAN) et du Système d’Intégration Centre-américain (SICA). Il en a découlé la mise en place par la Communauté européenne d’un nouveau régime spécial dénommé SPG plus qui remplace l’ancien régime anti-drogue et dont bénéficient ces Etats de la Communauté andine (CAN), et du Système d’Intégration Centre-américain (§2). §1 La mise en cause du régime spécial anti-drogue à l’OMC Les pays membres de la Communauté Andine des Nations depuis 1991, et du Système d’Intégration Centre Américain depuis 1992, bénéficient d’un système de préférences spéciales. Mais par nature, cet instrument a toujours été révocable. Provisoire428 et condition- 427 La question du renouvellement du régime spécial anti-drogue a été soulevée en 2001-2002 dans un contexte intra-communautaire marqué par : a) L’échéance proche du plan de révision décennale du schéma général de préférences. En effet, tous les dix ans, la CE réévalue les résultats de son schéma général et fixe de nouvelles lignes directrices pour adapter ses mécanismes d’attribution de préférences et le système de préférences généralisées (SPG) à l’évolution du contexte international : peu avant le terme des orientations décennales pour la période 1995-2005, les lignes directrices pour la période 2006-2015 ont été fixées dans une Communication de la Commission européenne au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen du 7.07.2004 intitulée « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du système de préférences généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 20062015 », COM (2004)461 final. b) Dans le cadre de la fin du règlement triennal de mise en œuvre du régime spécial anti-drogue, un débat eut lieu sur le maintien et l’efficacité du régime spécial au sein des Comités conjoints UE/MCCA et UE/CAN (cf. Reunión Técnica de Evaluación Conjunta Comunidad Andina- Comisión Europea sobre el aprovechamiento del SPG Andino, Quito, 21 y 22 de noviembre de 2002, sur le site http://intranet.comunidadandina.org/IDocumentos/. A l’occasion de ce débat, il est apparu que les pays bénéficiaires latino-américains étaient favorables au maintien de ce régime alors que la Commisson européenne proposait de le remplacer par d’autres types d’actions. Cette discussion s’inscrit dans la pratique qui veut que la Communauté ouvre une discussion avec les bénéficiaires avant toute décision de reconduction, d’abrogation ou d’aménagements du régime. Cette pratique est destinée à compenser le caractère unilatéral des préférences. Voir Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Pour mieux intégrer les pays en développement dans le commerce mondial, le rôle du SPG pendant la décennie 1995-2004 », COM (1994)212 final, Bruxelles, 1.06.1994, 48 p. 428 Le régime est consenti pour une durée déterminée. Il peut être reconduit, après évaluation de son impact positif, avec les représentants de la Communauté andine et les pays bénéficiaires d’Amérique centrale. Le règlement du Conseil n° 2501/2001 du 10.12.2001, prévoyait en son article 25 § 4, la possibilité de reconduire « le 200 nel429, il est octroyé unilatéralement par la Communauté européenne et périodiquement révisé. Une contestation de ce régime par l’Inde, devant l’Organe de Règlement des Différends (ORD)430 est venue accentuer la précarité du système. Le problème de fond soulevé à l’OMC concernait surtout la contestation de la « surpréférence » 431 accordée par la CE aux pays bénéficiaires de ce régime spécial (A). La CE a dans un premier temps, tenté de défendre le régime spécial (B), avant de se résoudre à modifier l’ensemble de son schéma de préférences généralisées pour l’adapter aux recommandations de l’Organe d’appel permanent (OAP) préconisées dans le différend Inde /Communautés européennes. A) La contestation de la « sur-préférence » au bénéfice des pays membres de la CAN et du SICA/MCCA Le 5 mars 2002, l’Inde déposa une plainte devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC, contestant « les conditions dans lesquelles les Communautés européennes accordent des préférences tarifaires aux pays en développement dans le cadre de leur schéma généralisé de préférences actuel »432. Cette plainte a été vraisemblablement motivée, au moins en partie, par une rivalité commerciale avec le Pakistan433. Ce dernier bénéficiait au titre du règlement (CE) n° 2501/2001qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, du régime régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogues » pour la période 2004-2015, JOCE, n° L 346 du 31.12.2001, p. 1. 429 Le maintien du SPG anti-drogues pour la Communauté andine et le Marché Commun Centre Américain est surtout fonction des progrès accomplis dans la lutte contre le trafic de drogues et doit favoriser la production et l’exportation « des produits agricoles licites » : Règlement CE n° 3835/90 concernant « le régime de préférences tarifaires généralisées appliqué à certains produits originaires de la Bolivie, de la Colombie, de l’Equateur et du Pérou », JOCE, n° L 370 du 31.12.1990. 430 OMC, Règlement des différends, Communautés européennes-Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, Affaire DS/246, du 5.03.2002. 431 La notion de « sur-préférence » désigne la conséquence juridique du régime spécial qui instaure un traitement préférentiel plus avantageux que le SPG de droit commun. Voir LEBULLENGER (J.), « Les dispositions commerciales de l’accord de partenariat ACP/CE de Cotonou confrontés aux règles de l’OMC », RAE-LEA, 2001-2002, spéc., p. 82. 432 OMC, Affaire Inde/Communautés européennes concernant les « conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement », WT/DS246/1 du 12.03.2002. Pour une étude approfondie de ce contentieux LEBULLENGER (J.), AVRIL DE KARAGUIMSKY (C.), « Système communautaire de préférences tarifaires généralisées – Nature, Champ d’application », Juris-classeur Europe, Fascicule 2350, 2007, 34 p., spéc., pp. 8-12. 433 Ibidem, spéc, p. 8. 201 spécial incitatif de lutte contre le trafic de drogues434 dans un contexte politique marquée par la guerre en Afghanistan.Toutefois, il faut dire que précédemment, les conditions d’attribution de ce régime avaient déjà fait l’objet de contestations, de la part des pays non bénéficiaires435, mais les plaintes étaient demeurées sans suite, ne dépassant pas le stade des consultations. Le différend Inde/CE ne remettait pas en cause, le principe de l’existence d’un traitement préférentiel généralisé à l’égard des pays en développement. Le traitement préférentiel « consiste pour les Etats à accorder à certains Etats des concessions – réductions de droit de douane, par exemple – qu’ils n’accepteraient pas d’accorder à tous leurs partenaires commerciaux »436. Ce principe, bien qu’en contradiction avec celui du traitement de la Nation la Plus Favorisée énoncé à l’article I du GATT de 1947437 puis, à l’article I §1 du GATT de 1994, est cependant admis en droit international économique. Son fondement juridique se trouve dans la clause dite d’habilitation de 1979438. Cette dernière, selon les conclusions de 434 Règlement (CE) n° 2501/2001 du Conseil du 10.12.2001 portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31décembre 2004 – Déclarations concernant le règlement du Conseil portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, liste des bénéficiaires présente à l’Annexe I, titre IV dudit règlement, JOCE, n° L 346, du 31.12.2001, p. 1. 435 Par exemple, Demande de consultation introduite par le Brésil contre les Communautés européennes à propos de « Mesures affectant le Café soluble », Affaire WT/DS209/1, 12.10.2000 ; Demande de consultation introduite par la Thaïlande, Communautés européennes – Système de préférences généralisées, WT/DS 242/1, G/L/506, 12.12.2001. 436 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), Paris, LGDJ ,7ème éd., 2002, op. cit., spéc.,p. 1065 ; A propos de l’historique de la mise en place du traitement préférentiel,voir aussi M’RINI LOFTI (M.), De la Havane à Doha – Bilan juridique et commercial de l’intégration des pays en développement dans le système commercial multilatéral, Québec, Canada, Presses de l’Université LAVAL, 2005, 517 p., spéc. pp. 164-177 ; LUFF (D.), Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce – Analyse critique, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, Coll. de la faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles, 2004, 1277 p., spéc. p. 57. 437 Bien avant la création de l’OMC en 1994, le GATT de 1947 a posé l’obligation de respect de la Nation la Plus favorisée, selon laquelle conformément à l’article I, tout avantage commercial et douanier accordé à un pays membre du GATT ou de l’OMC par un autre membre doit être étendu sans condition à tous les autres pays. Le système de préférences généralisées (SPG) en faveur des pays en développement ne garantit pas le respect de la clause de la nation la plus favorisée vis-à-vis des pays industrialisés et se révèle donc incompatible avec le GATT. Toutefois, les pays en développement n’ont eu de cesse depuis les années 1960-70, de faire accepter le principe d’un traitement préférentiel. Le SPG qui n’est que l’une des modalités du traitement préférentiel, a d’abord fait l’objet d’une dérogation pour une période de dix ans, décidée le 25 juin 1971 : GATT, Régime généralisé de préférences, Décision du 25.06.1971, IBDD S/18, avril 1972. La clause d’habilitation adoptée en 1979, a ensuite remplacé la décision de 1971. 438 La Clause dite d’habilitation du GATT, décision des Parties Contractantes, sur « Le traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », L/4903 du 28.11.1979, IBDD S18/27. Elle légalise le traitement préférentiel et notamment le SPG. Cependant, la légalisation de cette exception au Traitement NPF s’accompagne de conditions strictes : les pays en développement doivent revenir aux normes de l’Accord général et doivent prendre part pleinement à l’ensemble des droits et obligations qui en découlent au fur et à mesure de l’amélioration de leur situation. Pour un historique détaillé du traitement préférentiel au GATT,voir entre autres M’RINI LOFTI (M.), De la Havane à Doha – Bilan juridique et commercial de l’intégration des pays en développement dans le système commercial multilatéral, op. cit., pp. 164-177 . 202 l’Organe de règlement des différends dans l’affaire opposant l’Inde à la Communauté, constitue bien une dérogation à l’article I §1 du GATT de 1994439. Plus précisément, était soulevée la question de la légitimité de la différenciation introduite par la CE, entre les bénéficiaires en développement, au regard de l’interprétation de la clause d’habilitation. L’Inde contestait en effet, la différence de traitement introduite entre les pays en développement ayant vocation à bénéficier de ce régime440. Le régime spécial antidrogues, ne s’appliquant qu’à l’égard des pays membres de la CAN et du Système d’Intégration Centre-Américain, ainsi qu’au Pakistan, générait – selon l’argumentaire indien – une situation illégale dans laquelle les bénéficiaires désignés par la CE se retrouvaient « surpréférés » par rapport aux autres pays en développement. Du point de vue indien441, l’obligation de non discrimination posée au paragraphe 2 lettre a) de la clause d’habilitation devait être interprétée comme imposant à la Communauté européenne d’offrir à tous les pays en développement des préférences identiques, à l’exception d’un régime différencié pour les Pays les Moins Avancés (PMA) qui peuvent être légalement « sur-préférés » au titre dudit paragraphe 2. De plus, l’Inde défendait la thèse que la lecture du paragraphe 3 lettre c)442 de la clause suggérait que les pays développés devaient répondre « aux besoins du développement, des finances et du commerce des pays en voie de développement » et interdisait aussi toute différence de traitement entre ces derniers. Par conséquent, de l’avis de l’Inde, les conditions dans lesquelles la CE accordaient des préférences tarifaires dans le cadre des régimes spé- 439 Rapport de l’Organe d’Appel de l’OMC, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, WT/DS/246/AB/R du 7.04.2004, § 80 ; Comme le soulignent Monsieur le Professeur Joël LEBULLENGER et Mme Clara AVRIL DE KARAGUIMSKY « Le contentieux Inde/Communauté européenne fut non seulement l’occasion d’examiner le caractère discriminatoire des préférences SPG, mais aussi de clarifier la nature de la Clause d’habilitation et sa relation avec l’article I paragraphe 1er, du GATT »,voir LEBULLENGER (J.), AVRIL DE KARAGUIMSKY (C.), op.cit., spéc., p. 11. 440 N’GUYEN QUOC (D.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), op. cit., spéc.., p. 1510. Ils relèvent à ce propos que dans « le cadre d’une confrontation des intérêts contradictoires des productions du Tiers-monde (…) la majorité des Etats en développement redécouvrent les avantages de la stricte égalité de traitement lorsqu’ils sont en concurrence entre eux ». 441 Les arguments de l’Inde sont présentés dans le rapport du Groupe spécial WT/DS246/R, 1.12.2003, 178 p., points 7.66 -7.69. 442 La clause d’habilitation de 1979, au paragraphe 3 lettre c) dispose : « Tout traitement différencié et plus favorable accordé au titre de la [ clause d’habilitation ] sera, s’il s’agit d’un traitement accordé aux pays en voie de développement par des parties contractantes développées, conçu et, si cela est nécessaire, modifié pour répondre de manière positive aux besoins du développement , des finances et du commerce des pays en voie de développement », Clause dite d’habilitation du GATT, décision des Parties Contractantes, sur « Le traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », L/4903 du 28.11.1979, IBDD S18/27. 203 ciaux n’étaient pas conciliables avec les prescriptions énoncées aux paragraphes 2 a), et 3 c) ainsi qu’au paragraphe 3 a) de la clause d’habilitation443. Par extension et en toile de fond, la contestation porte sur la sélection effectuée par les pays du Nord. De surcroît, ce différend révèle que la question de la définition d’un pays en développement (PED) est toujours d’actualité. En effet, l’expression « pays en voie de développement » n’a jamais été définie par le GATT/OMC. Pourtant, le problème de la définition des PED semble avoir été contourné par l’adoption non formelle du principe de l’autoproclamation par les pays de l’OCDE, et celui de l’auto-élection des candidats aspirants à bénéficier de régimes préférentiels. Mais en pratique, compte tenu de la profonde diversité de situations que recouvre la qualité de pays en développement, la désignation des pays bénéficiaires demeure à la discrétion des pays donneurs. Ceux-ci opèrent une différenciation entre pays en développement éligibles et non-éligibles – au régime général comme aux régimes spéciaux – pour tenir compte de l’hétérogénéité des pays en développement444, mais également pour répondre à leurs préoccupations stratégiques445. Cette situation, contraire à l’esprit de la clause d’habilitation de 1979, est fortement critiquée et occasionne des heurts. Ainsi, l’on peut remarquer que les contestations à l’encontre du régime anti-drogue émanent de pays émergents (Brésil, Inde, Thaïlande). Ces derniers, de par leur niveau de développement plus avancé, bénéficieraient de facto d’un avantage concurrentiel indéniable par rapport aux autres, s’ils pouvaient bénéficier de la couverture matérielle étendue du régime anti-drogue plus favorable que le régime général du schéma communautaire. Il est vrai que selon la résolution 21 (II) de la Conférence des Nations -Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de 1968, et les Conclusions concertées du Comité spécial des préférences de la CNUCED de 1970446, le Système de Préférences Généralisées, doit s’appliquer sans discrimination entre les bénéficiaires. L’argumentation de l’Inde défen443 Aux termes de la clause d’habilitation de 1979, paragraphe 3 lettre a) : « Tout traitement différencié et plus favorable accordé au titre de la présente clause sera conçu pour faciliter et promouvoir le commerce des pays en voie de développement et non pour élever des obstacles ou créer des difficultés indues au commerce de toutes autres parties contractantes ». 444 LEBULLENGER. (J.), « Quel (s) partenariat(s) entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? » in Mélanges en l’honneur de GAUTRON (J-C), Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Paris, Pedone, 2004, pp. 715-744, spéc., p. 739. 445 Voir M’RINI LOFTI (M.), De la Havane à Doha – Bilan juridique et commercial de l’intégration des pays en développement dans le système commercial multilatéral, op.cit, spéc., p. 178. 446 Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la résolution 21 (II) adoptée le 26.03.1968, à New Delhi (Inde) qui reconnaît le principe d’un mécanisme ou système de préférences tarifaires généralisées, ainsi que les Conclusions concertées, sont annexées au rapport du Groupe spécial, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, WT/DS246/R du 1.07.2003. 204 dait donc implicitement un retour à l’esprit de la résolution de la CNUCED et donc à l’existence d’un système de préférences véritablement « généralisé » c'est-à-dire profitant à tous les pays en développement. A l’inverse, la CE pragmatique, défendait la thèse de la légitimité d’une différenciation entre les bénéficiaires. B) Les arguments avancés en faveur de la différenciation et du maintien du « régime spécial anti-drogues » En réponse aux arguments de l’Inde qui estimait que le régime spécial anti-drogue était discriminatoire, la Communauté arguait que la clause d’habilitation sur le traitement différencié et plus favorable devait être interprétée comme autorisant les pays dispensateurs de préférences à introduire des éléments de différenciation en fonction de critères objectifs entre les pays bénéficiaires des SPG, d’une part, afin de pouvoir « répondre de manière positive aux besoins de développement de ceux-ci » conformément au paragraphe 3, lettre c) de la clause d’habilitation de 1979 et, d’autre part, en raison de l’existence d’importantes disparités de développement entre les bénéficiaires de préférences tarifaires généralisées. En outre, la Communauté européenne faisait valoir que les mesures instituées en vertu du schéma de lutte contre les drogues étaient nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes, et qu’à ce titre elles se fondaient légalement sur les exceptions générales visées par l’article XX du GATT de 1994447. Cet article autorise en effet, que soient adoptées des mesures contraires aux règles du GATT et de l’OMC, lorsque sont en cause la protection d’intérêts non commerciaux tels que la santé, la vie des personnes, la protection des ressources naturelles épuisables, entre autres. Le rapport du Groupe spécial a commencé par réfuter les arguments de la Communauté448. La CE a interjeté appel de cette décision. Finalement, la décision de l’Organe d’appel (OAP) de l’ORD du 7 avril 2004 sur le différend Inde /Communautés européennes449, tout en concluant au caractère discriminatoire du régime communautaire de lutte contre la production et le trafic de drogues, au motif en l’espèce, que la liste des pays en développe447 Les arguments de la Communauté sont présentés dans le rapport du Groupe spécial WT/DS246/R, 1.12.2003, 178 p, points7.70-7.76. Pour une analyse détaillée de cette affaire, voir LEBULLENGER (J.), AVRIL DE KARAGUIMSKY (C.), op.cit., spéc., pp. 8-12. 448 OMC, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, Rapport du Groupe spécial, WT/DS246/R du 1.12.2003, points 7.100 et 7.106. 449 OMC, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS246/AB/R du 7.04.2004. 205 ment bénéficiaires n’était pas fondée sur des critères objectifs, a reconnu que la différenciation entre les pays en développement était un principe acceptable, sous certaines conditions en droit international450. La CE a réaffirmé son intention de se conformer pleinement aux recommandations et décisions de l’organe de règlement des différends, conformément aux obligations qu’elle a contractées dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Par voie d’arbitrage451, la CE a pu disposer d’un délai raisonnable – jusqu’au 1er juillet 2005 – pour se conformer aux recommandations de l’Organe de Règlement des Différends (ORD). Cela a donné lieu à une réforme de l’ancien règlement CE n° 2501/2001, y compris du régime spécial anti-drogue, remplacé notamment par le régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance ou « SPG plus ». §2 Le « SPG plus » au bénéfice de tous les pays en développement ayant les mêmes besoins A la suite d’une proposition de réforme présentée par la Commission européenne en octobre 2004 – dans le cadre de la communication du 7 juillet 2004 présentant des lignes directrices pour les orientations du SPG sur la période 2006-2015452 – l’ensemble du système de préférences généralisées a été modifié. Le schéma général applicable pour la période 20062008 a été mis en place par un règlement du Conseil n° 980/2005453 adopté le 27 juin 2005. Ce règlement entré en vigueur le 1er janvier 2006 s’est appliqué jusqu’au 31 décembre 2008. 450 Sur les conditions autorisant les différenciations selon l’Organe d’Appel Permanent, voir OMC, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS246/AB/R du 7.04.2004, points 163 et 164. 451 Le 16 juillet 2004, l’Inde a demandé que le délai raisonnable pour la mise en œuvre de la décision soit déterminé par arbitrage contraignant, conformément à l’article 21 paragraphe 3 lettre c) du Mémorandum d’accord relatif aux règles et procédures régissant le règlement des différends, faute de pouvoir parvenir à un accord avec la Communauté européenne sur ce sujet. OMC, Communautés européennes – Conditions d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement – Arbitrage au titre de l’article 21 : 3 c) – Décision de l’arbitre John LOCKHART, WT/DS 246/14 du 20.09.2004. 452 Communication de la Commission « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du système de préférences généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 20062015 », COM (2004)461 final du 07.07.2004, 13 p. 453 Règlement CE n° 980/2005 du 27.06. 2005 « portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées », JOUE, n° L 169 du 30.06.2005, p. 1. Il répond aux ambitions fixées dans la Communication COM (2004)461 final. Cette dernière proposait de modifier les régimes incitatifs et de les remplacer par un seul régime dit « d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance ». 206 Il est remplacé par le Règlement CE n° 732/2008 du 22 juillet 2008 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011454. Par voie de conséquence, le régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogues prévu au titre IV du règlement antérieur CE n° 2501/2001 a été abrogé. Il est remplacé par un « régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance » dit « SPG plus ». Ce dernier fait partie du règlement du Conseil n° 980/2005 du 27 juin 2005 qui comprend en réalité trois volets, à savoir un schéma de base et deux régimes spéciaux. Le SPG plus est ouvert à tous les pays en voie de développement touchés de manière semblable par le problème de la drogue et s’applique depuis le 1er juillet 2005. L’article 30 du règlement du Conseil n° 980/2005 a en effet prévu la mise en œuvre anticipée du régime spécial « SPG plus ». Il s’agissait manifestement de tenir compte du délai posé dans les recommandations de l’Organe d’appel permanent (OAP) pour mettre le régime anti-drogue en règle vis-à-vis des conclusions dudit Organe d’appel, sans toutefois interrompre le fonctionnement des avantages préférentiels dont bénéficiaient les récipiendaires de l’ancien régime anti-drogue. Au travers l’étude des dispositions du règlement du Conseil n° 980/2005, il convient d’analyser dans un premier temps les principales caractéristiques du nouveau régime spécial dénommé « régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance » ou « SPG plus » (A) afin dans un second temps, de déterminer les incidences de l’application du « SPG plus » pour la Communauté andine et le Système d’intégration Centre-Américain (B). A) Les caractéristiques du schéma « SPG plus » Le SPG plus appliqué au 1er juillet 2005 garantit un traitement non discriminatoire aux pays en développement ayant les mêmes besoins de développement financiers, commerciaux. Il englobe les objectifs de la lutte contre la production et le trafic de drogues. En effet, il est destiné à répondre aux besoins des anciens bénéficiaires du schéma anti-drogues ; en ce sens, il continue d’offrir des concessions aux pays de la CAN et de l’Amérique centrale. Toutefois, d’un autre côté, il dépasse le seul dessein de la lutte contre les drogues : il doit corres- 454 Règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39. 207 pondre aux besoins de « développement durable et de bonne gouvernance » de tous les pays en développement qui respectent les conditions d’octroi de ce régime spécial. Le SPG plus traduit la volonté du Conseil et de la Commission européenne, d’assurer la compatibilité du régime spécial avec les règles de l’OMC, puisqu’il est conçu pour répondre sans discrimination, aux besoins de développement des « pays vulnérables ». Sur le plan juridique, cela amène aussi la Communauté à pratiquer un système de préférences plus en phase avec l’approche mondialiste du SPG, car il faut garder à l’esprit que originellement, le SPG fut créé pour généraliser l’effort de coopération au développement sur le plan mondial. Premièrement, le SPG plus apparaît avant tout comme une composante du système simplifié instauré par le règlement n° 980/2005 du Conseil du 27 juin 2005. Auparavant, composé de cinq schémas de préférences, le dispositif communautaire présentait un schéma général SPG et quatre schémas spéciaux à savoir un régime en faveur des Pays les Moins Avancés (PMA) , un autre de lutte contre la drogue, un régime spécial dit social d’« encouragement à la protection des travailleurs » et un régime spécial de « protection de l’environnement ». Depuis la réforme, le système de préférences généralisées (SPG) n’a plus que trois composantes. Il comporte un schéma de base applicable à 178 Etats et couvrant, outre des produits bruts, y compris les produits de l’agriculture et de la pêche, 70 % des produits transformés inscrits dans la nomenclature douanière. S’y ajoute un « SPG plus », régime unique de concessions supplémentaires, qui remplace les quatre schémas spéciaux antérieurs notamment celui instauré pour « la lutte contre la drogue ». Enfin, a été créé un schéma spécial intitulé « tout sauf les armes » (TSA). Ce dernier s’adresse aux quarante-neuf pays les moins avancés (PMA). Il propose l’ouverture totale des marchés, en faveur des PMA, sans aucune restriction tarifaire ou quantitative, la seule limite concerne le commerce des armes. Deuxièmement, le règlement du Conseil étend le nombre des bénéficiaires du SPG plus, mais fixe de nouveaux critères objectifs de détermination des pays admis à en bénéficier. Pour être éligible, il faut être considéré comme un pays « vulnérable » ce qui implique que le candidat ne soit pas qualifié par la Banque Mondiale comme un pays à revenu élevé. Il apparaît que l’application du critère économique, s’il se veut conforme aux prescriptions de l’OMC, a pour effet, d’exclure des pays, dont le volume d’exportations est très élevé455 et qui, disposent d’une économie diversifiée ; c'est-à-dire « ceux dont les cinq principales sections 455 Parmi les pays dont les exportations vers l’UE dans le cadre du SPG général dépassent un milliard d’euros et qui sont considérés comme de grandes économies figurent par exemple l’Inde, le Pakistan mais également le Brésil, l’Argentine, le Bangladesh, la Thaïlande, le Viêt Nam, l’Indonésie, la Malaisie, l’Arabie saoudite, l’Ukraine, la Chine, l’Argentine, la Russie et l’Afrique du Sud. 208 des importations de produits couverts par le SPG représentent plus de 75 % en valeur du total des importations couvertes par le SPG »456. Ainsi, les critères d’éligibilité écartent toutes les prétentions de pays émergents tel que l’Inde au bénéfice de ce régime spécial. Il semble que la Commission européenne, craignant les importations massives de produits en provenance de l’Inde, se soit arrangée pour empêcher toute éligibilité potentielle à ce régime spécial. Cela confirme, si besoin est, que les préférences sont conçues pour répondre à la stratégie commerciale du pays donneur. Certes, il faut noter que pour assurer le retrait des avantages préférentiels aux pays les plus compétitifs commercialement, le SPG rénové comprend par ailleurs, un mécanisme simplifié de graduation457. Ce dernier est fondé sur un critère de part de marché, clause dite de « la part du lion » qui permet de concentrer le dispositif sur les pays qui en ont le plus besoin. Cette approche est cohérente avec la politique de soutien dégressif aux pays les plus performants. Le SPG plus s’adresse uniquement à quinze pays considérés comme « vulnérables » selon les termes de l’article 9 du paragraphe 1 du règlement CE n° 980/2005. Depuis 2008, la liste nominative des pays relevant du régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance est fixée dans une décision de la Commission458 fondée sur le règlement CE n° 732/2008. Font partie de cette liste onze pays de la région andine et centre-américaine, anciennement bénéficiaires du régime de lutte contre les drogues : la Bolivie, la Colombie, le Costa-Rica, l’Equateur, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, le Salvador et le Venezuela. De plus, sont concernés par le SPG plus, deux pays d’Europe orientale (la Mongolie et la Géorgie) et en Asie, le Sri Lanka459. Il faut relever que le Pakistan n’apparaît plus dans la liste positive des bénéficiaires, son éviction est donc confirmée. En supprimant le Pakistan, et en raison de la concurrence marquée entre l’Inde et le Pakistan, il est fort probable que la CE espère priver l’Inde d’un mobile pour contester à nouveau le régime spécial devant l’Organe de Règlement des Différends. 456 Règlement CE n° 980/2005 portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées, article 9 paragraphe 1 e) et article 9 § 3. 457 Les critères de graduation sont prévus à l’article 14 du règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil. 458 Décision de la Commission n° 2008/938/CE du 9 décembre 2008 relative à la liste des pays bénéficiaires qui ont droit au régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, prévu par le règlement (CE) n° 732/2008 du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 334, du 12.12.2008, p. 90. 459 Depuis 2010, le Sri Lanka a été retiré de la liste des bénéficiaires : Voir Règlement d’exécution (UE) n° 143/2010 du Conseil du 15 février 2010 portant retrait temporaire du régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance prévu par le règlement (CE) n° 732/2008 au bénéfice de la République socialiste démocratique du Sri Lanka, JOUE, n° L 45 du 20.02.2010, p. 1-2. 209 Troisièmement, le SPG plus respecte les standards internationaux en matière de développement durable et son bénéfice est soumis à une conditionnalité renforcée : les pays bénéficiaires, doivent avoir souscrit et ratifié, toute une liste de conventions internationales, dans les domaines du droit du travail, des droits de l’Homme, et de la protection contre l’environnement. Parmi ces dernières, on compte seize conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) relatives aux droits de l’homme et des travailleurs. De surcroît, au moins sept des onze conventions relatives à l’environnement et à la bonne gouvernance sont recensées à l’annexe III du règlement du Conseil n° 980/2005. Enfin les bénéficiaires acceptent de mettre en œuvre effectivement au 31 décembre 2008, au plus tard les autres conventions, au cas où ils n’auraient pas été en mesure de le faire préalablement460 . Seul le Salvador, Etat membre du SICA et du Marché Commun d’Amérique Centrale, a disposé de mesures aménagées461 pour mettre en œuvre ces conditions. Par ailleurs, le règlement CE n° 732/2008 qui succède au règlement CE n° 980/2005 depuis le 1er janvier 2009 exige dorénavant la ratification et l’application de « toutes les conventions » mentionnées dans son annexe III462. Ces critères de type non strictement commercial, révèlent que l’Union européenne comme d’autres pays donneurs, tels les Etats-Unis soumet de plus en plus l’attribution des préférences au respect de règles, pour des secteurs peu ou non codifiés par l’OMC. La CE utilisait déjà par le passé la conditionnalité pour atteindre des fins autres que commerciales. Mais l’augmentation exponentielle du nombre des conventions à ratifier, jointe à l’obligation faite aux pays en développement de démontrer concrètement leur engagement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, prouve que cette pratique se radicalise. Il s’ensuit que si les pays bénéficiaires de ces concessions tarifaires octroyées ne sont pas tenus d’ouvrir, de manière réciproque leurs marchés, aux exportations des pays de l’Union euro- 460 Règlement CE n° 980/2005, Section II, article 9 §1 a), b), c). Et section II, Article 10. Il y est prévu que le régime peut être accordé à un pays qui : - a ratifié et effectivement mis en œuvre les conventions mentionnées à la partie A de l’annexe III, et - a ratifié et effectivement mis en œuvre au moins sept des conventions mentionnées à la partie B de l’annexe III, et - s’engage à ratifier et à effectivement mettre en œuvre, le 31 décembre 2008 au plus tard, les conventions mentionnées à la partie B de l’annexe III qu’il n’a pas encore ratifiées et effectivement mises en œuvre, et prend l’engagement de maintenir la ratification des conventions et la législation et les mesures d’application et accepte que la mise en œuvre fasse périodiquement l’objet d’une surveillance et d’un examen, conformément aux dispositions d’application des conventions qu’il a ratifiées, et est considéré comme un pays vulnérable au sens du paragraphe 3. 461 Voir LEBULLENGER (J.), AVRIL DE KARAGUIMSKY (C.), op.cit., spéc.,p. 24. 462 Règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2011, article 8 §1 a), JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39 210 péenne, celle-ci exige néanmoins d’eux, une certaine contrepartie pour des secteurs étrangers au commerce. Enfin, il faut noter l’introduction d’une clause d’exclusion qui concerne potentiellement, à moyen terme, les pays de la CAN et les pays du SICA. Le règlement prévoit d’exclure de la liste des bénéficiaires, les pays en développement ayant conclu un accord de libre échange avec la Communauté. Il s’ensuit que, si les négociations pour des accords d’association assortis de zones de libre échange entre la CE et ses Etats membres d’une part, et les pays membres de la CAN et de l’Amérique centrale, d’autre part, aboutissent, ces derniers pays seront exclus du régime SPG plus. Le SPG plus demeurerait un mécanisme applicable peut être pendant une période de transition et dans des conditions limitées ; c'est-à-dire, jusqu’à l’entrée en vigueur d’accords d’association et de libre échange et, sous réserve d’une évaluation des conditions fixées dans la communication pour le SPG durant la période 20062015463. La mise en œuvre d’un tel choix supposerait également que dans le cadre conventionnel, compte tenu du faible niveau de développement des pays concernés, les difficiles problèmes de traitement des asymétries, aient trouvé une solution acceptable pour tous, sous forme de mécanismes de compensation, contrebalançant la renonciation au SPG plus464. Cependant, le retrait du SPG plus ne devrait pas pour autant mettre en péril la coopération en matière de lutte contre la drogue465. Au vu des diverses caractéristiques précédemment exposées, il semble utile d’analyser plus en détails, les implications du SPG plus pour les bénéficiaires de la CAN et du Système d’Intégration Centraméricain en particulier. B) Les implications du SPG plus pour les bénéficiaires de la CAN et du SICA Deux grands impacts potentiels futurs peuvent être déduits du SPG plus. Premièrement, il résulte de l’organisation du nouveau régime, un risque de perte d’attractivité du SPG spécial pour les partenaires de la CAN et du SICA. Ceux-ci sont poussés à désirer un autre schéma relationnel avec l’Union européenne, basé sur la conclusion d’accords préférentiels 463 COM (2004)461 final du 07.07.2004, précité. 464 Commission européenne « Communication sur un partenariat renforcé entre l’UE et l’AL » COM (2005)636 final, Bruxelles, le 8.12.2005; Annexes SEC (2005) 1590 et SEC (2005) 1513 ; Voir aussi, la résolution non législative du Parlement européen à propos de cette communication INIK2005/2241 du 27.04.2006. 465 D’après les prévisions du document de travail SEC (2005) 1590 « stratégie UE de lutte contre la consommation, la production et le trafic de drogue » pour la période 2005-2012. 211 (1). Si la perte d’attrait du SPG plus ne se confirme pas à court terme466, elle risque de s’affirmer sans équivoque avec la signature d’accords d’association puisque ceux-ci conduisent généralement à créer des relations préférentielles réciproques, rendant ainsi inutile le recours au système unilatéral de préférences généralisées. Cette hypothèse est confirmée par l’ouverture des négociations pour des accords d’association. Toutefois, le second impact indirect est que pourrait découler de la signature de tels accords une exacerbation de la concurrence entre les pays latino-américains et les pays caribéens producteurs de bananes, pour l’accès au marché européen (2). 1- Une possible perte d’attractivité du SPG plus Sur le plan économique, l’extension du SPG plus à d’autres bénéficiaires fait passer le nombre des récipiendaires de douze à quinze, et pénalise des économies des pays membres de la Communauté Andine des Nations (CAN) et du Système d’Intégration d’Amérique centrale. Même si les cinq pays membres de la Communauté Andine des Nations ( la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou, le Venezuela ) et les six pays de l’isthme centre-américain , membres du SICA, (le Costa Rica, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Panama, le Guatemala) continuent de bénéficier d’un accès préférentiel au marché de la Communauté, l’extension de la franchise de droits à un nombre croissant de nouveaux bénéficiaires, érode quelque peu l’attrait et l’intérêt des préférences. En outre, la CE semble très satisfaite du SPG plus, et met en valeur le bénéfice que cela représente pour la CAN467 et le SICA. Cela se justifie dans la mesure où, le SPG plus comporte toujours des avantages préférentiels supplémentaires468, par rapport au régime géné- 466 Le règlement CE n° 980/2005 du Conseil du 27 juin 2005 a expiré au 31.12.2008. Etant donné que le bénéfice du régime n’est pas automatique, mais soumis à une demande de renouvellement suivant l’article 10 §3, les pays latino-américains ont reconduit leur demande d’éligibilité au SPG plus dans le cadre du nouveau règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008 « appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, et modifiant les règlements (CE) n° 552/97 et (CE) n° 1933/2006, ainsi que les règlements de la Commission (CE) n° 1100/2006 et (CE) n° 964/2007», JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39. 467 A cet égard, le rapport de la Commission européenne relatif à l’évaluation et à l’utilisation du schéma de préférences tarifaires généralisées dresse un bilan très positif de l’utilisation effective du SPG plus par les pays andins, constatant une augmentation de l’utilisation pour 2006, de l’ordre de 71% pour la Bolivie, de 84%pour la Colombie, 93% pour l’Equateur et 91 % pour le Pérou. Voir Rapport de la Commission conformément à l'article 28, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil du 27 juin 2005 portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées, JOUE, n° C 66 du 11.3.2008, 48 p., spéc., pp. 8-10 et pp. 39-41. 468 Selon l’analyse de la Commission européenne : en comparaison avec le régime général, le régime SPG plus accorde à soixante quinze lignes tarifaires supplémentaires le bénéfice d’un traitement préférentiel. Les lignes 212 ral qui se limite à accorder des réductions tarifaires partielles. De plus, l’accès en franchise de droits et de contingents au marché européen constitue un avantage concurrentiel substantiel. Toutefois, à cet égard, il faut rester conscient de la différence entre l’étendue de la couverture « produits » du régime spécial (importations éligibles) et son utilisation effective (importations effectives) calculée au moyen d’un taux d’utilisation469. Cependant, un examen plus attentif de la couverture produits met en lumière l’attractivité relative du SPG plus, par rapport à l’ancien régime spécial anti-drogue. Il accordait, outre une franchise de droits pour toutes les exportations de produits « sensibles », originaires des anciens pays éligibles, des avantages tarifaires supplémentaires pour une « liste positive spéciale » de produits non couverts par le régime général. Ainsi près de deux cent produits supplémentaires étaient couverts par rapport à ceux du régime général. Or, les produits de cette liste sont maintenant inclus dans le régime général. Ce transfert retire une part importante de la plus-value du régime spécial et corrode l’attractivité de ce dernier puisque, de l’opinion de juristes, cette liste supplémentaire de produits concentrait « l’essentiel de la discrimination positive compensatrice organisée au profit des douze pays éligibles au régime anti-drogue »470. Par ailleurs, certains désavantages du SPG plus sont inhérents à sa nature à la fois unilatérale, conditionnelle et précaire. Par exemple, l’augmentation de la conditionnalité et particulièrement des conditions normatives est de nature à rebuter les pays latino-américains. Cependant, cette observation est à nuancer, puisqu’on retrouve désormais la conditionnalité renforcée dans le contexte conventionnel : le contenu de l’accord d’association entre l’UE et les pays membres du SICA, paraphé en mars 2011, incorpore dans la partie IV, un titre VIII sur le « Commerce et le Développement durable » qui contractualise la plupart des condi- tarifaires de référence couvertes par le SPG plus étaient déjà celles du régime antérieur anti-drogue. En outre, le régime SPG plus a introduit 22 nouvelles lignes tarifaires dans le système et a appliqué la préférence tarifaire de 100 % à 188 nouvelles lignes (171 du secteur agricole et 20 du secteur industriel, 3 lignes tarifaires ayant été supprimées dans le secteur textile). 469 Taux d’utilisation: rapport entre importations préférentielles et importations éligibles. Il indique la part des importations qui ont effectivement bénéficié de préférences tarifaires pour le total des importations pouvant prétendre à ces préférences. Rapport de la Commission conformément à l'article 28, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil du 27 juin 2005 portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées, JOUE, n° C 66 du 11.3.2008, p. 4. 470 Monsieur le professeur Joël LEBULLENGER et Mme KARAGUIMSKY reconnaissent que « le remplacement de l’ancien régime anti-drogue par le “SPG plus” semble impliquer une réelle dilution des avantages précédemment conférés aux douze pays éligibles à ces sur-préférences (…) L’introduction des produits constitutifs de la couverture spéciale de l’ancien régime anti-drogue dans la couverture du régime général de l’actuel schéma communautaire, de même que la généralisation de la franchise douanière dans le cadre du “ SPG plus” tendent dès lors à éroder le traitement différencié et plus favorable dont jouissaient autrefois les bénéficiaires du régime anti-drogue ». LEBULLENGER (J.), AVRIL DE KARAGUIMSKY (C.), « Système communautaire de préférences tarifaires généralisées – Nature, Champ d’application », op. cit, p. 27. 213 tionnalités du dénommé « SPG plus » 471. Le recours à la conditionnalité reste perçu comme le cheval de Troie pour l’introduction de normes internationales dépassant les règles commerciales multilatérales. De plus, en tant qu’instrument unilatéralement concédé, le SPG plus dépend du bon vouloir de la Communauté qui n’a pas obligation d’octroyer, ni de reconduire, les préférences. L’offre de la Communauté étant par nature non-contractuelle et son engagement étant non contraignant, les préférences consenties ne bénéficient d’aucune sécurité juridique et peuvent être à tout moment retirées aux bénéficiaires, par exemple au profit de ses régions ultrapériphériques (RUP). Enfin, il n’est pas certain que le régime additionnel SPG plus ait complètement rétabli la conformité aux règles commerciales internationales, il pourrait par conséquent être contesté à nouveau472. Tous ces facteurs poussent les partenaires latino-américains à préférer la conclusion d’accords préférentiels fondés sur l’article 217 du TFUE (ancien article 310 du TCE) avec l’UE. Ceux-ci offriraient l’avantage de la pérennité des préférences concédées et d’une sécurité juridique supérieure. Autant dire que les pays andins et centraméricains ont un intérêt commercial et économique à voir contractualiser dans des accords d’association les concessions offertes par l’UE unilatéralement. Par ces accords, ils pourraient voir consolider les avantages préférentiels dont ils bénéficient déjà au titre du SPG plus. Mais ils escomptent également obtenir un accès préférentiel, pour les produits comme les bananes fraîches non admises en franchise douanière sur le marché européen, en raison de leur concurrence avec les productions ACP et RUP; et qui étaient par le passé, exclues de la « liste positive spéciale » de concessions tarifaires aménagées, pour les pays admis au bénéfice du régime anti-drogue. La Communauté européenne est en effet doublement contrainte, par l’érosion des marges préférentielles au niveau multilatéral qui érode par là même l’attractivité et donc la portée de ces incitants commerciaux ; et par les plaintes introduites à l’OMC, par les Etats tiers non bénéficiaires contestant régulièrement la compatibilité avec les règles de l’OMC, du régime communautaire. Ainsi, les nouveaux critères prétendument « objectifs » d’attribution de son régime spécial pourraient tôt ou tard ouvrir des perspectives de contestation nuisibles au fonctionnement du SPG plus. La CE peut, par conséquent, choisir de redonner les avantages dans un accord préférentiel, en contrepartie d’une réciprocité clairement établie et basée sur la négociation préalable d’offres commerciales. Mais, c’est précisément sur la négociation 471 Voir le texte de l’accord d’association entre l’UE et les pays d’Amerique centrale membres du système d’intégration économique centre-américain, surtout les articles 286 et 287. Texte disponible sur le site : http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=689 472 MANGILLI (F.), Le partenariat de l’Union avec les Etats et groupements régionaux d’Amérique latine, op. cit., spéc.,pp. 319-333. 214 de ces offres commerciales, et spécialement celles relatives aux offres européennes concernant l’accès au marché européen des bananes latino-américaines que les divergences risquent de resurgir, exacerbant d’autant la concurrence déjà existante entre bananes produites par les entreprises américaines implantées en Amérique latine dites « bananes-dollar », et les bananes caribéennes. 2- Un risque à long terme d’exacerbation de la concurrence entre pays caribéens et latino-américains En raison d’une érosion forte des préférences commerciales accordées aux pays ACP, consécutive à la multiplication des accords de libre échange signés par l’UE et dans le cadre desquels les signataires bénéficient d’un accès préférentiel au marché de l’UE, les pays caribéens ont tout à craindre de la signature de nouveaux accords d’association avec les pays andins et centraméricains473. D’ores et déjà, plus de 60 % des exportations des ACP vers l’Union européenne ne bénéficient plus d’aucun avantage par rapport notamment aux exportations latino-américaines474. Pourtant depuis 1993, le régime des contingents tarifaires appliqués par la CE, aux importations de bananes et d’une façon générale les préférences commerciales accordées aux Caribéens sont décriées par les producteurs latino-américains. Par exemple, en février 1996, certains de ces pays centraméricains (le Guatemala, le Honduras, le Panama) et andin (l’Equateur) s’étaient ralliés aux Etats-Unis contre la Communauté européenne475 qui offrait des préférences aux pays ACP sous dérogation476 à l’article premier du GATT de 1994, au motif que la CE discriminait dans l’attribution des contingents de bananes 473 DE PIZZOL (A.), « Du paraphe à la ratification : les défis de la mise en œuvre de l’APE UECARIFORUM », La Chronique des Amériques, n° 16, septembre 2008, pp. 1-8, spéc., p. 6. Voir aussi, LEBULLENGER (J.), PERRIN (S), « Les accords de partenariat économique –Un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », RMCUE, n° 522, octobre-novembre 2008, pp. 605-617, spéc., p. 607 ; LEBULLENGER (J.), « Quel(s) partenariat(s) entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains » in Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Etudes en l’honneur de Jean-Claude GAUTRON, op. cit, spéc., p. 735. 474 ABBAS (M.), « La reconnexion asymétrique : le cas des accords de partenariat économique entre l’UE et les ACP », La Chronique des Amériques, n°1, janvier 2008, pp. 1-7. 475 OMC, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, WT/DS27/AB/R, du 9.09.1997. 476 La Décision des Parties Contractantes, L/7604, du 9.12.1994, prévoit que « sous réserve des modalités et conditions énoncées dans la présente Décision, il sera dérogé aux dispositions du paragraphe 1 de l’article premier de l’Accord général, jusqu’au 29 février 2000 (…) ». Par la suite, la dernière dérogation obtenue par la Communauté pour maintenir les contingents tarifaires couvrait une période allant du 14.11.2001 au 31.12.2005 Voir Dérogation concernant le régime transitoire de contingents tarifaires autonomes appliqué par les CE aux importations de bananes, WT/L/437 du 7.12.2001. 215 au profit des pays ACP477. Le conflit juridique, systématiquement entretenu par les Etats-Unis a abouti à une condamnation de la Communauté européenne en septembre 1997478. En 1999, le panel de l’OMC dans sa décision finale a confirmé l’incompatibilité de ce système avec le principe de non-discrimination et la clause de la nation la plus favorisée de l’article I paragraphe 1 du GATT de 1994479. Mais le différend juridique ne cesse de connaître des rebondissements : depuis janvier 2006, l’UE avait abaissé à 176 euros par tonne métrique le droit de douane sur les bananes non originaires de la zone ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique)480 et supprimé les contingents (tariff only). Néanmoins, ce dernier règlement apparaissait aux latino-américains non satisfaisant et tout aussi discriminatoire, dans la mesure où, les bananes importées originaires des pays ACP étaient exonérées de taxes douanières dans une limite quantitative. Fin novembre 2008, l'Organe d'appel permanent de l'OMC, estimant que le régime d'importation de bananes de l'Union européenne "contrevient" aux règles du commerce international481, confirme une première décision 482 prononcée par le groupe spécial en avril 2008, en faveur de l'Equateur, premier exportateur de bananes vers l’Union européenne. Or, depuis le 1er janvier 2008, la préférence accordée aux pays ACP au titre du dispositif de contingents tarifaires est entre-temps devenue caduque puisque, le régime commercial entre l’UE et les pays caribéens a évolué à cette date, et les préférences accordées à ces pays sont faites dans le cadre d’un accord de partenariat économique conçu pour être conforme à l’article XXIV du GATT. 477 En réalité, le régime commercial communautaire d’importations de bananes vise tout autant à protéger les productions de bananes communautaires provenant de Grèce et des régions ultrapériphériques [Guadeloupe, Martinique, Madère (Portugal) et les îles Canaries (Espagne)]. Cependant, cet aspect ne sera pas développé car il ne concerne pas directement notre propos ici. 478 OMC, Organe d’appel, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, WT/DS27/AB/R, du 9.09.1997. 479 OMC, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes- Recours des Communautés européennes à l’arbitrage au titre de l’article 22 :6 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, WT/DS27/ABR, du 9.04.1999. 480 Le règlement du Conseil n° 1964/2005 du 29.11. 2005, concernant les taux de droit applicables aux bananes JOUE, n° L 316 du 2.12.2005, p. 1. 481 OMC, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes- Deuxième recours de l'Équateur à l'article 21:5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et ; Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes - Recours des États-Unis à l'article 21:5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends Rapports de l’Organe d’appel : WT/DS27/AB/RW/USA et WT/DS27/AB/RW2/ECU du 26.11.2008. 482 OMC, Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes- Deuxième recours de l'Équateur à l'article 21:5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, Rapport du Groupe spécial, WT/DS27/RW2/ECU, 7.04.2008, chapitre VIII « conclusions et recommandations », paragraphe 8.2, lettre a). 216 Officiellement, le différend au sujet du traitement tarifaire des bananes importées dans l’UE est résolu par la signature le 31 mai 2010 d’un accord négocié entre l’Union européenne, et plusieurs pays d’Amérique latine dont l’Equateur, la Colombie, le Honduras, dénommé « accord de Genève sur le commerce des bananes »483. Le Conseil a pris la décision d’appliquer provisoirement ce dernier484. Un deuxième accord international entre l’Union européenne et les Etats-Unis485 vise aussi à régler le conflit « Communautés européennes – Régimes applicables à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes (WT/DS27) ». En termes de perspectives, la logique de la défense de leurs intérêts amènera de toute façon, les pays latino-américains, dans le cadre de la négociation d’accords d’association, à rechercher un accès préférentiel pour leurs exportations aussi, voire plus avantageux que celui dont bénéficient les exportations caribéennes. Il s’ensuit que, de façon indirecte, la perte progressive d’attrait du SPG plus, conduira à exacerber la concurrence entre les pays latinoaméricains et caribéens exportateurs de bananes. Dans le cas de la Communauté andine, pour ses Etats membres exportateurs de bananes tels que la Colombie et l’Equateur, les exportations de ce produit représentent respectivement 10% du total des exportations de la Colombie, soit environ 558 millions d’euros et 28,6% des exportations totales de l’Equateur vers l’Union européenne. Un cycle de négociations sur un éventuel accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté andine a débuté le 20 juillet 2009. Si les négociations d’accords d’association aboutissent, la concurrence ne sera pas pour autant résorbée. Tout au plus, s’exprimera-t-elle dans un cadre juridique plus proche des normes multilatérales relatives à une concurrence libre et non discriminatoire. Mais, force est de constater qu’en offrant des accords préférentiels à l’ensemble des pays et organisations régionales, aussi bien d’Amérique latine que des Caraïbes, la stratégie commerciale de l’Union européenne équivaut à n’en privilégier aucun. Finalement, c’est l’idée même de préférences, qui est appelée à perdre de sa substance. 483 Accord de Genève sur le commerce des bananes, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010, pp. 3-5. 484 Décision du Conseil (2010/314/UE) du 10.05.2010 relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de Genève sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Guatemala, le Honduras , le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, et le Venezuela, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010, pp. 1-2. 485 Accord sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, JOUE, n° L 141, du 9.06.2010, p. 1. La note 1, à l’article premier de cet accord, dispose cependant que le règlement de ce différend ne porte pas atteinte au droit d’une partie d’engager un nouveau différend au titre du mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends. Les engagements finaux de l’UE en matière d’accès aux marchés pour les bananes négociés dans ces accords, sont présentés dans la deuxième partie de cette thèse. Voir Infra, Partie II, Chapitre I, Section II, paragraphe 2, A. 217 En synthèse, les changements qui touchent le système unilatéral de préférences traduisent le souci de mettre en place un système non discriminatoire qui préserve néanmoins, des éléments de différenciation à l’égard de certains pays en développement. Une mise en perspective systémique a permis de mettre en lumière les interactions et l’incidence potentielle de ces changements juridiques, sur les Etats caribéens. Les transformations qui s’opèrent, dans le système conventionnel de préférences aboutissent à mettre en œuvre plus pleinement en matière économique et commerciale, le principe de réciprocité. Ce retour à la réciprocité était prévisible puisqu’il apparaît en parfaite adéquation avec la « clause du retour graduel » issue du Tokyo round de 1973-1979. Mais, il repose à nouveau le problème des moyens appropriés pour assurer le développement et l’insertion des pays ACP Caribéens dans l’économie mondiale. 218 SECTION II : LA RÉFORME DU SYSTÈME CONVENTIONNEL DE PRÉFÉRENCES ET SON IMPACT SUR LES PAYS CARIBÉENS « D’une logique de coopération au développement abritée des turbulences de la compétition mondiale qui sous-tendait le système de Lomé depuis vingt-cinq ans, on passe à une logique d’exposition des ACP à la concurrence internationale comme moyen de les arrimer à la mondialisation de l’économie »486. Le changement se traduit pour les Etats Caraïbes qui sont une composante de l’ensemble des pays ACP, par la perspective de la disparition progressive de la non-réciprocité (§1). La refonte pure et simple du volet commercial de la convention de Lomé, prévue dans l’accord de Cotonou, offrait aux Etats Caribéens en question une alternative : soit la négociation de nouveaux accords préférentiels incluant une réciprocité asymétrique ; soit, le bénéfice du système de préférences généralisées de droit commun487. L’accord de Cotonou signé en 2000 précise les modalités juridiques de cette transformation. Il programme un échéancier en deux temps, pour éviter un passage trop abrupt à la libéralisation réciproque des échanges (§2). §1 La disparition programmée de la non-réciprocité des préférences La transformation du volet commercial traditionnel est prévue par l’accord de Cotonou : la CE entend remplacer le régime commercial préférentiel non-réciproque issu des con- 486 PETITEVILLE (F.), « La coopération économique de l’UE entre globalisation et politisation », Revue française de science politique, vol. 51, n° 3, juin 2001, p. 435. 487 Il faut noter cependant qu’au 1er janvier 2008, il n’y a pas d’Etats « C » concernés par ce SPG dont les concessions commerciales sont au demeurant moins attractives que celles autrefois négociées au titre des préférences commerciales non réciproques de Lomé. Le régime commercial dorénavant applicable aux Caribéens, y compris Haïti, est celui mis en place par l’Accord de Partenariat Economique UE/CARIFORUM signé en 2008.Voir Infra, Partie II, Titre II, Chapitre I. 219 ventions successives de Lomé, par des accords commerciaux préférentiels réciproques488. De tels accords, comme déjà dit, portent le projet de créer des zones de libre échange caractérisées par l’importance de la libération commerciale réciproque, et surtout plus conformes aux règles de l’OMC. Au regard de l’histoire de la coopération, les « préférences inverses » qui préexistaient à l’application du principe de non-réciprocité, semblent de retour. Il convient donc de rappeler les antécédents (A). Mais, la réintroduction progressive du principe de réciprocité intervient dans un contexte international et juridique totalement différent et nécessairement évolutif. A ce propos, le retour à la réciprocité est imputé « aux contraintes internationales pressantes »489 lesquelles ont constitué autant d’incitations externes à libéraliser (B). Pourtant, il faudrait également rechercher les déterminants de la réforme, dans le changement de perspective de la Communauté européenne elle-même, c’est à dire dans sa volonté de transformer le cadre juridique inter-régional des échanges, en vue d’accélérer le processus de conformité aux règles du libre échange (C). A) Les antécédents : l’application, puis l’abandon du principe de réciprocité des préférences Dans le cadre de l’application des accords successifs de Yaoundé I du 20 juillet 1963490, de Yaoundé II du 29 juillet 1969491 passés entre la Communauté Economique Européenne et ses Etats membres, et des Etats africains et malgache (EAMA)492, et d’Arusha du 24 488 Cela ne signifie pas que ces accords seront purement commerciaux. Toutefois, dans le cadre de cette étude portant sur l’analyse des changements affectant les préférences commerciales consenties par la CE, nous insistons en premier lieu sur l’aspect commercial. 489 RAUX (J.), « Afrique-Caraïbes-Pacifique (partenariat) », Répertoire communautaire Dalloz, septembre 2003, p. 9. 490 Yaoundé I plus précisément Convention d’association entre la Communauté économique européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° 93, 11.07.1964, p. 1431. 491 Yaoundé II ou Convention d’association entre la Communauté économique européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° L 282, du 28.12.1970, p. 2. 492 Ces Etats africains et un Etat malgache (Madagascar), ont pour la plupart, accédé à l’indépendance dans les années 1960. Nominativement, ce sont : Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Dahomey, Gabon, Haute-Volta, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Rwanda, Sénégal, Somalie, Tchad, Togo, Zaïre, île Maurice. Les Etats anglophones de la Caraïbe (au nombre de six en 1975 : Bahamas, Barbade, Grenade, Guyana, Jamaïque, Trinidad-et-Tobago) s’adjoindront, en vue d’une négociation commune avec les EAMA, au moment de la négociation de la première convention de Lomé en 1975. En effet, le protocole n° 22 annexé à l’acte d’adhésion à la CEE du Royaume-Uni [JOCE, n° L 73 du 27.03.1972], prévoit la prise en compte par la Communauté, des relations anciennes que les Etats caraïbes anglophones du Commonwealth entretiennent avec le Royaume-Uni. Or, ces derniers ont choisi de participer avec les EAMA majoritairement africains, et 220 septembre 1969 entre la CEE et trois Etats africains493, il était prévu un régime commercial respectueux du principe de réciprocité494. Les conventions précitées prévoyaient en effet un traitement préférentiel pour les produits originaires de la CEE, qualifié dans la doctrine de « préférences inverses »495. Il s’agissait en l’occurrence de contreparties exigées par la CEE en compensation des « préférences spéciales »496 qu’elle accordait à certains pays dans un cadre conventionnel. La CEE justifiait les contreparties demandées par la nécessité de satisfaire à la fois aux obligations de l’article 238 du TCEE relatif à l’association – selon l’interprétation de l’époque – , et à celles de l’article XXIV du GATT de 1947 qui fixe les conditions permettant de déroger à la clause de la nation la plus favorisée497. Fortement critiquées en leur temps498, au motif notamment, qu’elles mettaient en péril l’industrialisation des pays en développement associés, les préférences inverses furent abandonnées au moment de la signature de la convention de Lomé I signé le 28 février 1975499. Les préférences accordées dans le cadre de la première convention de Lomé depuis 1975 et celles qui ont suivi, rompent avec la tradition des préférences inverses : les Conven- des îles du Pacifique, aux négociations en vue de l’élaboration de la convention de Lomé du 28 février 1975. A cette même époque naît le Groupe ACP. Sur le contexte et l’apport de la participation des Etats Caraïbes anglophones, voir PERROT (D.), « Les formes de la présence de la CEE dans le bassin Caraïbe », C.A.O.M., n°3, 1990, pp. 7-50, spéc., pp. 33-37. 493 La Convention d’Arusha signée le 24 septembre 1969, est entrée en vigueur le 1 er janvier 1971, pour une durée de cinq ans. Son intitulé exact est : Accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la République unie de Tanzanie, la République de l’Ouganda et la République du Kenya, JOCE, n° L 282, du 28.12.1970, p. 55. 494 Voir la Convention de Yaoundé I, aux Articles 3 et 6 ; la Convention de Yaoundé II aux Articles 3 et 7 ; et la Convention d’Arusha aux Articles 3 et 6 ; Voir PERROT (D.), « La convention de Lomé », in Chronique : « Les Accords externes de la CEE », RTDE, n° 2, avril-juin 1976, pp. 315-373, spéc., pp. 321 et 352. 495 VIGNES (D.), « La clause de la nation la plus favorisée et sa pratique contemporaine. Problèmes posés par la Communauté économique européenne », RCADI, 1970, vol. II, Tome 130, pp. 209-349, spéc., p. 318. Les préférences inverses « sont celles qui sont accordées à la Communauté par ses partenaires associés ou autres, en réciprocité des préférences spéciales ». 496 «On appelle préférence spéciale celle qui est accordée par un Etat industrialisé à un Etat en voie de développement dans le cadre d’un accord préférentiel réciproque. […]Ce mot de préférence spéciales s’oppose aux préférences générales que dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les pays industrialisés envisagent d’accorder à tous les pays en voie de développement, alors que les préférences des accords d’association ou commerciaux sont spéciales parce qu’accordées à seulement certains pays ». Ibidem, p. 318. 497 Les conventions de Yaoundé et d’Arusha étaient réputées créer une série de zones de libre échange entre la CEE d’une part, et chacun des pays EAMA associés, d’autre part, en conformité avec l’article XXIV de l’Accord général sur le tarif douanier et le commerce de 1947. 498 Sur un inventaire des critiques adressées aux préférences inverses, voir VIGNES (D.), « La clause de la nation la plus favorisée et sa pratique contemporaine- Problèmes posés par la Communauté économique européenne », op.cit., pp. 326-329. L’auteur réfute la critique susmentionnée, car, il rappelle que la convention de Yaoundé II comporte des « possibilités de protection au profit de la création d’industries par les associés (Yaoundé II, art.3 et 7) »; PERROT (D.), « La Convention de Lomé », op. cit, pp. 352-353. 499 La convention de Lomé, JOCE, n° L 25 du 30.01.1976, p. 1. 221 tions de Lomé I à IV fondèrent les rapports entre les parties sur une base de non-réciprocité reléguant au second plan l’exigence de stricte réciprocité500. Il semble que le dialogue NordSud, un contexte international tourné vers les débats autour du nouvel ordre économique international (NOEI)501 et l’émergence d’un droit au développement, aient influencé les négociations qui ont abouti à l’abandon de la stricte réciprocité502. Cette renonciation fut consentie « compte tenu des nécessités actuelles de leur développement »503 pour corriger l’inégalité de développement de fait entre le Nord/le Sud. La convention de Lomé a par conséquent le mérite d’introduire dans un acte juridique, un mécanisme correcteur d’une inégalité de fait : c’est la transcription de la théorie de l’inégalité compensatrice. Les préférences non réciproques inscrites dans un cadre conventionnel les plaçant à l’abri de la précarité des actes unilatéraux apparurent alors comme un modèle « en matière de coopération entre pays développés et pays en voie de développement » comportant « des caractéristiques novatrices importantes »504. Toutefois, l’abandon de la réciprocité devait faire naître « un problème juridique nouveau au regard d’autres obligations de la Communauté dans le cadre du GATT »505, à savoir, celui de la justification des préférences accordées au regard de l’article XXIV du GATT et particulièrement la défense de leur compatibilité avec l’article I relatif à la nation la plus favorisée, du GATT de 1947. Or, la convention de Lomé n’était manifestement pas un accord du type de ceux visés par l’article XXIV506. Pour se justifier, la CEE a profité de l’adjonction en 1964 d’une partie IV au GATT comportant des exhortations relatives aux échanges entre pays industrialisés et pays en voie de développement et la protection de ceux-ci. Elle choisit de légi- 500 La rupture avec l’exigence de préférences inverses fut contrebalancée par l’introduction d’une clause de sauvegarde dès la Convention de Lomé I (article 10 §2), Convention de Lomé II (article 12 §1), Convention de Lomé III (article 139§1) Convention de Lomé IV (article 177§1). Mais la CEE (puis l’UE) n’eut jamais recours à cette clause. Mme Danielle PERROT parle de « non-réciprocité tempérée » : PERROT (D.), « La coopération régionale entre les départements d’Outre-mer et les Etats A.C.P voisins », Annuaire des Collectivités locales, C.N.R.S-G.R.A.L, pp. 33-51, spéc., pp. 37-39. 501 L’Assemblée générale de l’ONU, lors de sa sixième session extraordinaire, adopte la « Déclaration et le programme d’action concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international », le 1er mai 1974. 502 Convention de Lomé I, Préambule, alinéa 2, JOCE, n° L 25 du 30.01.1976, p. 1. 503 Convention de Lomé I, Article 7 §1. 504 GATT, Convention ACP-CEE signée à Lomé, Rapport du groupe de travail, adopté le 15.07. 1976 (l/4369), IBDD, S/23, janvier 1977, §6, p. 54. 505 PERROT (D.), « La Convention de Lomé », op. cit, spéc., p. 353. 506 « Alors que les Conventions de Yaoundé II et d’Arusha n’avaient prévu comme forme de coopération régionale que la possibilité d’établir entre les Etats associés et éventuellement avec des Etats africains à niveau de développement comparable que des unions douanières ou des zones de libre-échange, ou de conclure des accords de coopération économique , la Convention de Lomé est beaucoup plus évasive : aucun de ces termes précis n’y figure (...) ». Ibid., p. 343. 222 timer son action par l’utilisation combinée de l’article XXIV et de la partie IV 507. Or, en vertu de l’article XXXVI, paragraphe 8, de cette quatrième partie, les engagements pris par les pays industrialisés en faveur de ceux en développement ne donneraient pas lieu à réciprocité. Le retour à la réciprocité programmé dans le nouveau volet commercial de l’accord de Cotonou en 2000 inspire à Mme le professeur Danielle PERROT le commentaire suivant : « le principe de l’abandon des préférences inverses retenu par la première Convention de Lomé, alors présenté comme “ un nouveau modèle de relations…compatible avec les aspirations de la Communauté internationale vers un ordre économique plus juste et plus équilibré” n’apparaît aujourd’hui que comme une parenthèse d’un quart de siècle […], les moyens retenus au service du même objectif à réaliser [le développement et l’insertion dans l’économie mondiale] au cours de la présente décennie ne sont pas tous complètement originaux »508. Quoi qu’il en soit, le revirement de la CE en faveur d’une nouvelle application de la réciprocité a été en partie prescrit par l’OMC. Néanmoins, il faut noter qu’il y eut plus d’un facteur expliquant le retour progressif au principe de réciprocité. B) Les incitations externes à libéraliser : le cheminement vers un retour progressif à la réciprocité Le premier déterminant politico-économique du retour graduel à la réciprocité s’enracine dans un contexte international en matière de développement, caractérisé dès le début des années 1990, par la diminution de l’aide publique au développement, l’essoufflement des utopies du Nouvel Ordre Economique International, le ralliement de pays en développement aux principes du libéralisme économique et surtout, l’accentuation du processus de libéralisation économique internationale. Le second facteur est la pression juridique exercée dès 1994 à l’OMC, par les Etats tiers sur les accords préférentiels. Cela s’illustre principalement par le contentieux juridique récurrent, plus connu sous la dénomination d’« affaire des bananes ». En effet, même si ces contentieux dénoncaient surtout le caractère discriminatoire des quotas réservés aux Etats 507 Lors de l’examen de la première convention de Lomé dans le cadre du GATT, la Communauté indiqua avoir respecté l’obligation d’éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires pour l’essentiel des échanges toutefois « compte tenu des besoins de développement (…) et en fonction des principes énoncés dans la partie IV de l’Accord général, [elle] n’a pas exigé de réciprocité dans ses échanges avec les Etats ACP » : Rapport du groupe de travail du 15.07.1976, L/4369, IBDD S//23, paragraphe 4, p. 52. 508 PERROT (D.), « L’appui communautaire aux regroupements régionaux », pp. 203-226, in Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? , op. cit. , spéc., p. 222-223. 223 ACP, il faut admettre qu’ils ont contribué à créer un climat défavorable509 autour de la quatrième convention de Lomé (de 1990 à 2000)510. Cette dernière, dans la continuité des précédentes, offrait un régime de préférences commerciales non réciproques. Toutefois, la pression à l’encontre du système préférentiel communautaire se serait exercée, bien avant comme le remarque le professeur Jean RAUX : dès l’examen des trois premières conventions de Lomé, des divergences apparaissent entre les membres des groupes de travail chargés d’examiner la conformité des accords commerciaux régionaux au titre de l’article XXIV du GATT de 1947. Ainsi, certains soulèvent déjà d’une part, le problème de la non-réciprocité des préférences instillant un doute sur la conformité avec l’Accord général et d’autre part, le problème des répercussions commerciales sur les PED non signataires des conventions de Lomé511. Manifestement contraires au principe de la réciprocité commerciale512, ces accords étaient néanmoins tolérés : « la guerre froide aidant, les parties contractantes (du GATT) firent preuve malgré tout de tolérance sur la base de la IVe partie du GATT « commerce et développement ». L’article XXXVI, paragraphe 8 autorise en effet les parties contractantes les plus riches à offrir des concessions non réciproques aux pays en développement »513. Normalement, les préférences commerciales non réciproques instaurées dans les conventions de Lomé auraient dû obliger les intéressés à demander une dérogation ou « waiver » au titre de l’article XXV § 5 du GATT de l’Accord général 514. Or, force est de recon- 509 DAVENPORT (M.), HEWITT (A.), KONING (A.), «Partenaires privilégiés de l’Europe ? Les pays de Lomé et le commerce mondial », Rapport du Centre Européen de gestion des politiques de développement (ECDPM)/ODI, n° 5, London Maastricht, 1996, 100 p., spéc. pp. 63-64. « C’est le régime discriminatoire (et effectivement incohérent sur le plan interne) des préférences accordées aux fournisseurs ACP de bananes qui a poussé le GATT à se pencher en 1994 sur la légitimité de la Convention de Lomé aux termes de ses propres règles ». 510 Quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989, JOCE, n° l 229, 17.08.1991, p. 3.Cette convention se distingue des précédentes par une durée de dix ans, même si le protocole financier n’a été conclu que pour cinq ans. Il était toutefois prévu une possible révision à mi-parcours (Lomé IV bis), coïncidant avec les négociations relatives au second protocole financier. 511 GATT, Convention signée à Lomé, Rapport du Groupe de travail, adopté le 15.07.1976 (L/4369), IBDD, S/23, p. 59 ; GATT, Convention de Lomé II, Rapport du Groupe de travail, adopté le 31.03.1982 (L/5292), IBDD, S/29, p. 128, spéc., §9, p. 130 ; GATT, Convention de Lomé III, Rapport du Groupe de travail, adopté le 22.09.1988 (L/6362), IBDD, S/35, p. 365. 512 Mme le professeur Danielle PERROT rappelle que la Communauté européenne a initié dans la première convention de Lomé, l’abandon de la stricte réciprocité alors même que les règles du GATT en ce domaine n’étaient pas encore modifiées mais seulement tolérées au titre d’une dérogation (« waiver »). Ce n’est que lors du Tokyo Round que des exceptions légales à la règle de la réciprocité et à celle de la non-discrimination ont été adoptées ; Décision du 28.11.1979 de Parties Contractantes (L/4903). Voir PERROT (D.), « Les formes de la présence de la Communauté européenne dans le Bassin Caraïbe », op. cit., spéc., p. 35. 513 RAUX (J.), « Afrique- Caraïbes -Pacifique (partenariat) », Répertoire communautaire Dalloz, op. cit., p. 9. 514 L’Accord général de 1947 n’admet en effet que, une exception et une dérogation à son article premier, respectivement : l’article XXIV du GATT concernant les intégrations régionales et l’article XXV §5 qui régit les dérogations aux règles du GATT. Aucune des deux ne concerne spécialement les pays en développement. 224 naître que « jusqu'à la phase finale de l’Uruguay Round du GATT, la question d’une demande de dérogation pour les préférences commerciales de Lomé n’avait jamais été officiellement évoquée »515. Pour la Communauté, recourir à la dérogation équivaudrait à reconnaître la nonconformité des conventions de Lomé avec l’Accord général. Le débat sur la compatibilité entre la convention de Lomé IV et le GATT, se trouva ravivé à l’occasion du régime d’importation des bananes de février 1993 516 qui fit par ailleurs l’objet de plaintes517. Le problème juridique de fond a porté notamment sur la question de la compatibilité des mesures préférentielles communautaires avec l’article XXIV518, et sur la question de savoir si les dispositions de la partie IV du GATT, intitulée « Commerce et développement » pouvaient être invoquées – comme le soutenait la Communauté – pour justifier les préférences non-réciproques, dans la mesure où ces dispositions prescrivent aux pays développés de prendre des mesures propres à favoriser les importations en provenance de pays en développement. Les rapports de deux groupes spéciaux ont conclu que la Convention est en contradiction avec le GATT. Ces conclusions s’appuient notamment sur l’argument selon lequel, la Convention de Lomé est non-réciproque et ne peut donc être considérée comme une exception au titre d’une zone de libre échange519. Autrement dit, les préférences non réciproques n’étaient pas justifiées par l’article XXIV. Concernant, la partie IV, les conclusions affirment que les Parties Contractantes ne sont pas fondées à déroger aux autres dispositions du GATT, en particulier à l’article premier, sous couvert de la partie IV. De même, les dispositions de la partie IV ne modifiant pas les prescriptions de l’article XXIV, aucune justification légale pour les préférences non- réciproques ne peut être trouvée dans la partie IV. Il était cependant admis que des mesures préférentielles pouvaient être prises à partir de la procédure dérogatoire de l’article XXV §5 du GATT. Ce contentieux devait marquer la fin d’une rela- L’article XXV §5 prévoit que « dans les circonstances exceptionnelles autres que celles qui sont prévues par d’autres articles du présent Accord, les PARTIES CONTRACTANTES pourront relever une partie contractante d’une des obligations qui lui sont imposées par le présent Accord [...] » 515 DAVENPORT (M.), HEWITT (A.), KONING (A.), op. cit., p. 63. 516 Règlement n° 404/93 du Conseil, 13.02.1993, JOCE, n° L 47 du 25.02.1993, p. 1. 517 GATT, CEE – Régimes d’importation applicables aux bananes, Rapport du Groupe spécial, DS38/R du 11.02.1994. 518 La Communauté arguait que les préférences tarifaires contestées, bien que contraires à l’article Ier de l’Accord général étaient couvertes par l’article XXIV en lien avec la partie IV. 519 GATT, CEE – Régimes d’importation applicables aux bananes dans les Etats membres, Rapport du Groupe spécial, DS 32/R du 3.06.1993, §72 et § 241, p. 52. Le groupe spécial releva que l’article XXIV §8 lettre b) impose la libéralisation de l’essentiel des échanges « entre les territoires constitutifs » et non pour les importations dans l’un des territoires constitutifs ; voir également, GATT, CEE – Régimes d’importation applicables aux bananes, Rapport du Groupe spécial, DS38/R du 11.02.1994, § 155 et 164. 225 tive tolérance des pays du GATT, face au régime des préférences commerciales de Lomé nonréciproques. Aussi, bien que les rapports des groupes spéciaux n’aient pas été adoptés, la Communauté européenne souscrivant au constat d’incompatibilité, s’est résolue à solliciter avec les signataires ACP, à partir de 1994, des dérogations légales ou « waiver » sur la base de l’article XXV §5 de l’Accord général, pour maintenir pendant un laps de temps limité son régime520. Avec le recul, la demande de dérogations n’aura été qu’une étape du cheminement vers le retour progressif au principe de réciprocité dans les échanges commerciaux. Les préférences commerciales de la convention de Lomé IV, incompatibles avec les règles de l’OMC car non réciproques, et non prévues dans les cas de dérogations de l’article XXIV du GATT, ont dû être révisées, d’autant que l’Organisation Mondiale du Commerce, est moins encline à tolérer les entorses au principe de réciprocité. Il est vrai qu’en tant que sujets de droit international et engagés par l’Accord de Marrakech instituant l’OMC (1994), la CE et les pays ACP ne pouvaient se soustraire davantage aux principes fondamentaux du commerce international. Du reste, compte tenu des règles beaucoup plus strictes encadrant le régime des dérogations – l’article IX §3 et §4521, de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC et le Mémorandum d’accord de l’Uruguay Round sur l’interprétation de l’article XXIV – la Communauté a dû finalement entamer la refonte de son système conventionnel de préférences de façon à introduire la réciprocité en matière commerciale. Cependant, si le facteur juridique a fortement conditionné la réforme du système conventionnel de préférences, il faut considérer également comme autre explication du retour à la réciprocité, l’existence d’une stratégie commerciale européenne résolument tournée vers une pleine adhésion au libéralisme tel qu’exprimé, entre autres, par l’OMC. 520 Les principales dérogations temporaires demandées et octroyées à la Communauté à partir de 1994 : GATT, Décision du 9.12.1994 des Parties Contractantes portant octroi d’une dérogation concernant la Quatrième Convention ACP-CEE de Lomé, (L/7604), du 19.12.1994 ( dite « dérogation pour Lomé ») pour une période de six ans expirant le 29.02.2000 ; OMC, Décision du 14.10.1996 du Conseil général portant prorogation de la dérogation concernant la Quatrième Convention ACP-CE de Lomé, WT/L/186, 18.10.1996 ; Dérogation s’agissant de l’accord de partenariat ACP-UE dit « Accord de Cotonou »,OMC, Communautés européennesL’Accord de partenariat ACP-CE, Décision du 14.11.2001 de la Conférence ministérielle, WT/L/436, 7.12.2001, pour une période du 14.11.2001 au 31.12.2007. 521 « Les dérogations accordées doivent en effet être motivées au vu des “circonstances exceptionnelles” qui les justifient. Surtout, les dérogations antérieurement accordées pour une durée supérieure à un an, doivent être renouvelées après examen annuel par l’ensemble des membres de l’O.M.C. », voir RAUX (J.), « AfriqueCaraïbes -Pacifique (partenariat) », Répertoire communautaire Dalloz, op. cit., p. 10. 226 C) L’existence d’une stratégie commerciale extérieure européenne adhérant à l’orthodoxie néolibérale Il semble surtout que les fondements idéologiques 522 et historiques ayant servi de bases au modèle préférentiel de Lomé se sont effrités, face à l’accentuation de la libéralisation économique internationale. Désormais, le modèle de Lomé apparaît à l’Union européenne comme un archaïsme. A l’appui de cette idée, un passage du Livre vert sur l’avenir des relations Union européenne-ACP523 énonce sans ambage : « à l’approche du XXIème siècle, la relation UE-ACP devra se poursuivre sur des bases nouvelles, afin de tenir compte de l’évolution des conditions politiques et économiques du développement, mais aussi parce que les motivations européennes ont fondamentalement changé. La période coloniale et post-coloniale est révolue, et un environnement international plus ouvert permet désormais d’établir de manière moins ambiguë les responsabilités de chaque partenaire»524. Dans le même sens, Monsieur TRIMECH note « qu’en scrutant ce livre, [le Livre vert sur l’avenir des relations ACP-UE] on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que l’UE avait trouvé, après coup, dans l’irrégularité du système Lomé une belle occasion pour bousculer les pays ACP et les amener à accepter une nouvelle forme de relations capable de répondre aux défis exposés précédemment et mieux adaptée aux nouvelles réalités internationales »525. De plus, ce changement de perspective européenne, manifesté dans l’accord de Cotonou526, doit s’accomplir grâce à un nouveau régime commercial visant au libre échange, et favorisant le développement du commerce réciproque avec l’Union européenne. 522 Dans le préambule de la convention de Lomé du 28 février 1975, les parties se disent « résolu[e]s à instaurer un nouveau modèle de relations entre Etats développés et Etats en voie de développement », JOCE, n° L 25, 30.01.1976, p. 5. 523 Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’UE et les ACP à l’aube du 21 ème siècle. Défis et options pour un nouveau partenariat, OPOCE, Luxembourg, 1997, COM (96) 570 final du 20 .11.1996, 68 p. 524 Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’UE et les ACP à l’aube du 21ème siècle. Précité, spéc, note 525, p. ii. 525 TRIMECH (Z.), L’Union européenne en quête de puissance- réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux, Tunis , Centre de publication universitaire, 2004, p. 149. 526 Dans l’Accord de Cotonou, l’article 34 §2 consacré aux « objectifs et principes » de la coopération économique et commerciale exprime ce changement de perspective. Il dit que « compte tenu du niveau de développement actuel des pays ACP, la coopération économique et commerciale doit leur permettre de répondre aux défis de la mondialisation et de s’adapter progressivement aux nouvelles conditions du commerce international, facilitant ainsi leur transition vers l’économie mondiale libéralisée ». 227 Pour expliquer le revirement de sa politique en matière de préférences commerciales, la Commission européenne pour sa part, met autant en exergue le facteur juridique précédemment exposé, que le facteur commercial. Elle insiste aussi sur la faiblesse des résultats atteints au regard de l’objectif visé, à savoir le développement économique des bénéficiaires et l’amélioration de la compétitivité commerciale. A cet égard, le bilan est décevant527. Outre, la pression juridique exercée à l’encontre des préférences commerciales de Lomé, et la perte progressive des marges préférentielles, consécutives aux cycles successifs de négociations multilatérales, une partie de la doctrine reconnaît l’influence du facteur politico-stratégique comme générateur du changement. Le Professeur Joël LEBULLENGER parle d’une volonté européenne axée sur l’« accélération du processus de conformité aux règles du libre échange »528. Le Professeur BLUMANN évoque pour sa part une « mise au diapason des standards de la mondialisation »529. D’autres opinions plus radicales considèrent que le changement était de toute façon dans l’intérêt de la Communauté européenne530. Ainsi, le politiste M. Franck PETITEVILLE531 défend l’idée que les ACP et la Communauté européenne, ont accepté les clauses de l’OMC, sans réellement utiliser leur pouvoir de discussion et de négociation, alors même qu’ils représentent ensemble plus de la moitié des membres de l’Organisation Mondiale du Commerce. Cela pourrait s’expliquer par le fait que « du côté de l’Union européenne, la conviction quant aux bienfaits du libre échange pour les ACP s’est largement répandue ces dernières années (…) ». Il ajoute – se faisant l’écho du point de vue de certains représentants de la « Direction Générale du développement » (DG-DEV) – qu’il y avait « nécessité de placer les ACP dans les conditions de la concurrence internationale que doivent affronter l’ensemble des pays du monde »532. Cette opinion sous-entend que, en usant des possibilités juridiques adéquates, la CE aurait pu conserver le régime de Lomé. Même s’il 527 Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’UE et les ACP à l’aube du 21 ème siècle, précité, p. 12. La Commission constate qu’« au cours des conventions de Lomé, les pays ACP n’ont pas réussi à augmenter ni même à maintenir leur part de marché dans l’UE, alors que des exportateurs ne jouissant pas de préférences sont arrivés à augmenter leur part de marché. Le marché de l’UE est resté relativement important pour les pays ACP qui dépendent de l’UE pour environ 40 % de leurs recettes d’exportation. La dépendance commerciale varie selon les régions ACP et est plus élevée pour l’Afrique (46 %) que pour les Caraïbes et le Pacifique (respectivement 18 % et 23 %) ». 528 LEBULLENGER (J.), « Le système communautaire de préférences tarifaires généralisées ». Juris-classeur, fasc. 2350-2351. 529 BLUMANN (C.), Conclusion générale et synthèse, in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Actes des journées nationales d’étude de la CEDECE, op. cit, spéc, p. 512. 530 A ce propos, nous reviendrons sur les intérêts économico- stratégiques de l’UE, dans la Deuxième partie de la thèse. Voir Infra, titre II, chapitre I. 531 PETITEVILLE (F.), « La coopération économique de l’UE entre globalisation et politisation », op. cit., spéc., p. 436. 532 Ibidem. 228 apparaît que l’accord de Cotonou n’instaure pas le retour sans transition à la réciprocité, le maintien du régime aurait pu par exemple se fonder sur un système contractuel de préférences différenciées et non réciproques, qui serait malgré tout amendé par l’assouplissement des règles et procédures qui font obstacle à l’accès aux marchés. Cela correspond à une hypothèse de « statu quo amélioré » proposé dans le Livre vert parmi les potentialités commerciales avancées, face à la nécessité du changement. Cependant, un rapide examen des possibilités juridiques dont disposait la CE, permet de nuancer le propos et montre qu’il y avait finalement peu de choix juridiques sécurisants. La première éventualité offerte par l’Accord général est le recours à la dérogation ou « waiver » prévue par l’article XXV paragraphe 5. Cette solution a le désavantage d’être temporaire et soumise à un réexamen annuel, depuis que l’Accord instituant l’OMC est venu renforcer les conditions d’octroi533. Elle est donc inadaptée aux relations basées sur une convention de longue durée, comme celle mise en place, entre la Communauté et les Etats ACP. L’accord de Cotonou est en effet prévu pour vingt ans, avec révision possible tous les cinq ans. En outre, la Commission européenne se déclare hostile à faire usage trop souvent des dérogations au motif « qu’elles ont souvent nécessité des négociations et parfois des concessions aux autres parties prenantes »534. La seconde éventualité eût été l’utilisation de la Clause de flexibilité contenue dans l’article XXIV §10. Elle autorise, après un vote à la majorité des deux tiers des membres à, « approuver des propositions qui ne seraient pas entièrement conformes aux dispositions des paragraphes 5 à 9 inclus, à condition qu’elles conduisent à l’établissement d’une union douanière et d’une zone de libre échange au sens du présent article ». Mais, là encore, la règle du consensus applicable dans les faits, ne permet pas d’envisager avec certitude l’adoption d’une décision favorable des membres de l’OMC. Enfin, la troisième possibilité concerne l’application du Système de Préférences généralisées avec pour conséquence la sortie des dispositions commerciales du cadre contractuel. Autant dire que, ce choix est moins favorable que les préférences commerciales offertes dans les conventions de Lomé. 533 L’Accord instituant l’OMC, article IX, paragraphe 3 prévoit l’adoption de ces dérogations à la majorité des trois quart des membres mais la règle du consensus continue de s’appliquer dans les faits. Il s’ensuit un risque de paralysie décisionnelle rendant incertaine l’adoption des dérogations. La dérogation relative à l’Accord de partenariat ACP/CE ou Accord de Cotonou (G/C/W/187) a été difficilement obtenue. 534 Document de travail des services de la Commission sur « Les aspects relatifs au commerce et au développement dans les négociations sur les APE », {SEC (2005) 1459}, octobre 2005, 39 p, spéc., p. 3, note de bas de page 3. 229 « La volonté de modifier le cadre juridique des échanges (…) doit donner lieu à une réduction de la dissymétrie des obligations réciproques, par la mise en place de nouveaux accords commerciaux dits de « partenariat économique », si possible avec des groupes régionaux d’Etats ACP ; leur période d’application s’étendrait de 2008 à 2020 »535. Cela ressort de l’article 37 de l’accord de Cotonou signé en juin 2000. La stratégie européenne s’organise par conséquent suivant un nouveau paradigme536. La logique sous-jacente veut que la réciprocité commerciale devenue inéluctable, soit seule garante d’une intégration des partenaires dans l’économie mondiale. Pour amortir le choc de l’ouverture réciproque aux marchés des Etats ACP, et notamment caribéens, la CE et ses Etats membres proposent alors des solutions négociées dans le cadre de futurs Accords de partenariat économique. En sa qualité d’acteur prépondérant dans le secteur du commerce, comme dans celui de l'aide au développement, la Communauté européenne tente malgré tout de préserver une synergie entre le commerce et le développement, susceptible de favoriser l'intégration des pays en développement dans les réseaux commerciaux mondiaux. Elle veille à ce que le retour à la réciprocité des concessions se fasse d’une façon progressive qui soit également propice à ses partenaires en développement537. §2 Une démarche de progressivité L’accord de Cotonou met en place un calendrier pour la transition vers des accords commerciaux conformes aux conditions posées dans l’article XXIV du GATT de 1994, en prévoyant d’abord une période de préparation, puis une période transitoire, pour la mise en œuvre effective du libre échange avec les anciens pays ACP. 535 PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Op. cit, Avant-propos, p. XXIV. 536 PERRIN (S.), LEBULLENGER (J.), « Les accords de partenariat économique-Un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », RMCUE, n° 522, octobre-novembre 2008, p. 605-617. 537 Communication de la Commission européenne : « Commerce et Développement : comment aider les pays en développement à tirer parti du commerce », COM (2002)513, septembre 2002. La Commission y souligne l’importance de la relation entre développement, commerce et intégration des pays en voie de développement dans l’économie mondiale. Cette communication a été approuvée par le Conseil « Affaires générales et relations extérieures », voir Conclusions du Conseil « commerce et développement » n° 14184/02 du 19.11.2002. 230 A) La période préparatoire Selon les prévisions de l’accord de Cotonou, dans un premier temps, une période préparatoire de 2000 à 2007 permet le maintien d’un régime commercial proche de celui existant dans la quatrième convention de Lomé IV bis qui a expiré le 29 février 2000. L’article 36 §6 de l’accord de Cotonou signé en juin 2000 prévoit : « afin de faciliter la transition vers les nouveaux accords commerciaux, les préférences commerciales non réciproques, appliquées dans le cadre de la quatrième convention ACP-CE seront maintenues au cours de la période préparatoire pour tous les pays ACP, aux conditions définies à l’annexe V du présent accord ». Dans l’article 36 §2 « les parties conviennent que les nouveaux accords commerciaux seront introduits progressivement et reconnaissent, par conséquent, la nécessité d’une période préparatoire ». Cette période préparatoire a d’abord fait l’objet d’une demande de dérogation spéciale auprès de l’OMC, – conformément au mécanisme dérogatoire de l’article IX, §3 et 4, de l’accord instituant l’OMC. La Conférence ministérielle de l’OMC a accordé cette dérogation par une décision de 2001538. L’article 37 §7 de l’accord de Cotonou dispose que, la période préparatoire se termine en décembre 2007 au plus tard, c'est-à-dire, avant l’entrée en vigueur des nouveaux accords commerciaux (APE), dont la négociation doit intervenir durant la période préparatoire. La durée relative à la dérogation, et donc la période d’application des préférences commerciales non réciproques, aurait pu être plus longue ; mais il a fallu limiter les risques de chantage exercés par certains Etats membres de l’OMC, comme les Etats-Unis associés à certains pays latino-américains. Ces pays pourraient être tentés de demander des contreparties, en échange de leur vote favorable à une dérogation d’une durée plus étendue, au sein de la Conférence ministérielle de l’OMC. Selon les prévisions initiales, après la période préparatoire devait intervenir une période transitoire. 538 WT/MIN (01)/15) du 14.11.01. En réalité, ce sont bien deux dérogations qui ont été adoptées le 14.11.01, à l’occasion de la Conférence ministérielle de Doha, et à la demande de la Communauté européenne : - la première, pour le maintien provisoire du traitement tarifaire préférentiel prévu par l’accord de partenariat ACP-CE de Cotonou du 23 juin 2000 : WT/MIN (01/15) ; - la seconde, pour les contingents tarifaires prévus pour l’importation de bananes : WT/MIN (01/16), également le 14.11.01. 231 B) La période transitoire Dans un deuxième temps, avant le glas définitif de la non-réciprocité des préférences, une période transitoire devait durer environ dix ans, pour permettre la mise en application des dispositions des nouveaux accords commerciaux. Selon les termes de l’article 37 §7 de l’accord de Cotonou, après la conclusion des nouveaux accords dits « de partenariat économique », une période transitoire différente de la période préparatoire qui la précède, d’une durée suffisante, permettra aux Etats ACP de se familiariser avec le libre échange. L’article 37 §7 de l’accord de Cotonou prévoit des « négociations (...) aussi flexibles que possible en ce qui concerne la fixation d’une période de transition d’une durée suffisante, la couverture finale des produits, compte tenu des secteurs sensibles, et le degré d’asymétrie en termes de calendrier du démantèlement tarifaire, tout en restant conformes aux règles de l’O.M.C. à cette date ». Puisque les accords de partenariat économique (APE) sont une étape destinée à mettre en œuvre le libre échange, la prévision d’une période transitoire est conforme à l’article XXIV §5 lettre c) du GATT de 1994. En dérogation à la libéralisation immédiate entre les parties concernées, l’article XXIV §5 autorise l’accord provisoire portant établissement d’une zone de libre-échange à prévoir un « délai raisonnable » – ne pouvant en principe excéder dix ans – avant de mettre en œuvre la libéralisation des échanges entre les membres. Le délai ne peut être dépassé que dans des circonstances exceptionnelles. Dans ce cas, les parties devront justifier devant le Conseil du Commerce des Marchandises, pourquoi un délai plus long leur semble nécessaire. En cumulant, la période préparatoire et la période transitoire, on aboutit à une durée globale de mise en place du libre échange intégral avoisinant les vingt ans. Pourtant en réalité, dans le cas de l’accord de partenariat avec les Etats « C », il est clair que cela prendra davantage de temps539. 539 La constitution d’une zone de libre échange est prévue en 2033 s’agissant de l’Accord de Partenariat UE/CARIFORUM signé en 2008. Le processus de libéralisation progressive et asymétrique des échanges, le démantèlement tarifaire devraient en effet ne s’achever qu’au terme d’une période de 25 ans soit en 2033, notamment pour les produits sensibles originaires des Etats du CARIFORUM tels que certains fruits et légumes. Voir Infra Partie II, titre II. 232 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND Les préférences commerciales n’ont pas disparu, mais elles s’érodent en prenant des formes alignées sur les standards des relations commerciales internationales : principes de réciprocité, d’égalité de traitement entre pays en développement. Il s’ensuit une perte des marges préférentielles tellement significatives, que la création de zones de libre échange, par voie conventionnelle, selon les prescriptions de l’article XXIV du GATT, devient préférable au maintien des régimes unilatéraux. Ces changements sont certes imposés par l’OMC ; la Communauté européenne ne peut s’y soustraire. Mais en même temps, ils servent la stratégie extérieure de l’Union européenne sur la scène mondiale, en tant qu’acteur international ayant « un rôle crucial dans le système commercial multilatéral »540. Cela est possible dans la mesure où, les systèmes de préférences sont des incitants commerciaux traditionnels faisant partie intégrante de sa politique internationale. Certes, leur importance économique et commerciale décroît. Il se pourrait qu’il ne s’agisse que de trompe-l’œil, d’autant que les obstacles aux échanges commerciaux sont de moins en moins tarifaires mais davantage techniques et sanitaires comme l’illustre par exemple l’utilisation des normes techniques. Pourtant, paradoxalement, leur attractivité déclinante, surtout pour les partenaires latino-américains, conduit ces derniers à rechercher d’autres types de liens juridiques avec l’Union européenne. Ce faisant, comme les Etats caribéens541, mais pour d’autres raisons, ils sont entraînés dans l’« accélération du processus de conformité aux règles du libre échange »542. En résultante, l’adaptation du SPG par la CE et 540 Review meeting by WTO members, « WTO highlights the EU’s crucial role in the multilateral trading system », Geneva, 24 July 2002. Sur le site http://www.europa.eu.int/comm/trade/wto_overview/pr240702.htm 541 Pour les Etats « C » du groupe ACP non PMA, les concessions commerciales au titre du SPG n’ont que peu d’attrait, comparées aux anciennes préférences non réciproques de Lomé. D’ailleurs, le SPG ne couvre pas les bananes. Or la production bananière représente un secteur-clé pour certains pays regroupés au sein du CARIFORUM tel la Dominique. L’ancien régime commercial de Lomé ayant expiré au 31.12.2007. Ils ont opté pour la signature d’un APE avec la Communauté et les Etats membres de l’Union européenne. En outre, ce choix est peut-être guidé par la quête d’avantages sur un terrain autre que commercial. En effet, l’APE est censé renforcer la dynamique d’intégration régionale entre les Etats de la Caraïbe. Voir Infra Partie II, titre II. Voir aussi, LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Accords de partenariat économique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les Etats ACP » in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op. cit., pp. 445-446. 542 LEBULLENGER. (J.), « Le système communautaire de préférences tarifaires généralisées ». Jurisclasseur, fasc. 2350-2351. op. cit. 233 tout particulièrement du régime spécial anti-drogues, apparaît comme un choix plus tactique, c’est-à-dire à moins long terme, que stratégique. Ce pourrait être une solution d’attente préparant l’avenir en prévoyant l’ouverture de négociation d’accords plus en phase avec les intérêts commerciaux et l’ambition affichée du partenariat stratégique : celle d’un commerce mutuellement profitable. S’agissant plus spécialement des changements qui touchent le régime conventionnel de préférences commerciales avec les Etats ACP ; il ne s’agit ni d’une rupture, ni d’une continuité, mais plutôt d’une restructuration amorçant une mutation, par la création de nouveaux types d’accords qualifiés « d’Accords de Partenariat Economique ». Négociés de préférence sur une base régionale, ils auront dans la limite du respect des règles de l’OMC, vocation à préserver, en principe, les spécificités de l’approche européenne combinant commerce et développement. D’ailleurs, estimant que l’insertion dans l’économie mondiale va de pair avec une plus grande conformité multilatérale, la Commission européenne affirme, à propos des transformations juridiques de la relation Union européenne-ACP, que « la réciprocité dans le cadre d’un APE est une opportunité, si elle est employée avec discernement » ; « la libéralisation des échanges peut être avantageuse en soi pour les ACP »543. Á la lecture des faits, et puisque le « partenariat stratégique » a été formulé pour s’adapter aux modifications sur la scène internationale, il semble bien que l’ambition commerciale du « partenariat stratégique » soit de convertir les anciennes relations, de façon à permettre la libéralisation mutuelle des échanges. Mais si tel est le cas, aussi bien les accords de troisième génération conclus avec la CAN, l’Amérique Centrale et le MERCOSUR, que les conventions de Lomé, s’avèrent inadaptés à une ambition de cette envergure. Des communications de la Commission, documents d’orientation témoignent d’une aspiration au changement et étayent l’approche du partenariat avec l’Amérique latine544 et avec la zone géographique des Caraïbes545. La gageure de la Communauté européenne est par conséquent, de ré- 543 Commission européenne, APE : moyens et objectifs, OPOCE, Bruxelles, 2005, p. 5. 544 Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement sur « un partenariat renforcé entre l’Union européenne et l’Amérique latine », COM (2005) 636 final du 8.12.2005 ; Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement intitulé « The European Union and Latin America : Global Players in Partnership», COM (2009) 495 final, 10 p., du 30.09.2009 et document de travail {SEC (2009) 1227}. Cette dernière communication coïncide avec la révision à mi-parcours des objectifs posés dans les documents de stratégie par pays et les documents de stratégie régionale pour la période 2007-2013. 545 Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement sur « un partenariat UE - Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement » COM (2006)86 du 2 mars 2006 et SEC (2006) 268 final. 234 nover les instruments conventionnels de ses relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes546. La dynamique de rénovation juridique de tous ces accords, le confirme alors. 546 « L’Union a besoin de promouvoir sa propre forme de régionalisme ouvert, en concluant des accords interrégionaux, des accords commerciaux et en engageant une coopération politique avec d’autres Communautés économiques » [VASCONCELOS (A.- de), « La régionalisation du système international », in Mélanges en hommage à Jean Victor LOUIS, vol. II, éd. de l’Université Libre de Bruxelles, 2003, spéc. p. 54]. 235 DEUXIÈME PARTIE : LES SIGNES D’UNE RECONFIGURATION DES RELATIONS DE L’UNION EUROPENNE AVEC L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES AU PLAN CONVENTIONNEL « En ce qui concerne l’UE, l’énergie ne devrait-elle pas être entièrement orientée sur la scène multilatérale et l’Agenda de Doha pour le Développement, ou sur d’autres négociations régionales où nous avons un certain accès au marché, comme celles avec le MERCOSUR ? Je ne partage pas cette idée […], parce que ce que nous faisons dans le cadre de l'accord de Cotonou n’est pas fondamentalement différent des processus en cours dans d'autres parties du monde, notamment dans nos relations avec l’Amérique centrale ou latine : par nos mécanismes bilatéraux nous encourageons l’intégration régionale et la consolidation des marchés afin d'exploiter le processus de mondialisation ». Déclaration de M. Pascal LAMY, Commissaire européen chargé du commerce, lors de l’« Ouverture des négociations d’APE entre les Etats ACP du Forum des Caraïbes (CARIFORUM) et l'UE », Kingston, Jamaïque, 16 avril 2004. Traduction libre de l’anglais. 236 Consécutivement à la volonté politique de repenser les relations avec des Etats ou des organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes, la Communauté réforme les cadres juridiques547 les concernant. Elle négocie de sa propre initiative ou quelquefois à la demande de ces interlocuteurs, une série d’accords externes visant à rénover et remplacer le schéma conventionnel antérieur. Cette rénovation s’avère indispensable, pour éviter de réduire un projet politique ambitieux – le partenariat stratégique bi-régional – à une simple esquisse de vœux pieux. Il s’agit de jeter des bases pour conférer à ce projet une teneur concrète et la valeur d’un engagement juridique548 et simultanément, de transformer le cadre conventionnel en un modèle plus compatible avec les règles de l’OMC et cohérent avec le choix du régionalisme ouvert. Les accords interrégionaux négociés dans ce contexte, apparaissent comme les outils conventionnels de la réalisation du partenariat stratégique. La dynamique de concrétisation est en cours, mais est loin d’être achevée. Indépendamment de leur dénomination et en dépit de leurs différences sur lesquelles la présente partie met l’accent, les accords signés, voire conclus549, avec les Etats et organisations régionales des régions de la Caraïbe et de l’Amérique latine ont plusieurs traits communs. Tout d’abord, ils sont conçus pour être compatibles avec les règles de l’OMC. Ensuite, de préférence régionaux plutôt que bilatéraux550, ils privilégient une approche liant la Com547 TRIMECH (Z.), L’Union européenne en quête de puissance – Réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux. op. cit., spéc,, p. 132 : « L’UE désireuse de s’affirmer sur la scène internationale, de s’adapter aux bouleversements internationaux, ne pouvait que se montrer plus déterminée à trouver une nouvelle forme d’ancrage [juridique] de ses relations(…) avec les Caraïbes ». 548 PESCATORE (P.), « La politique commerciale et les accords des Communautés », RCADI, 1961, Tome 2, n°103, pp. 81-158, spéc., p. 124. L’auteur rappelle que « La nature essentielle de tout accord international est de produire un engagement juridique qui concerne, au premier chef, l’entité même qui l’a conclu, en l’occurrence, la Communauté et ses institutions. Ceci ressort du paragraphe 2 de l’article 228 du traité C.E.E. (article 300 §7 du traité CE devenu article 218 du TFUE) qui dispose que les accords conclus dans les conditions fixées ci-dessus lient les institutions de la Communauté ». 549 Le mot « conclusion » désigne en droit international « l’expression finale de la volonté des parties qui revêt normalement la forme de la ratification » ; Voir PESCATORE (P.), « La politique commerciale et les accords des Communautés », op. cit., p. 115. Cependant la « conclusion communautaire » désigne l’acte intracommunautaire qui achève la procédure décrite à l’article 300 (devenu article 218 TFUE) c’est-à-dire « l’expression de la volonté de la Communauté en vue de la conclusion (internationale) qui prend la forme d’une délibération du Conseil », voir DE WALSCHE (A.), « La procédure de conclusion des accords internationaux », in LOUIS (J.-V.), DONY (M.), Commentaire (J.) MEGRET, Le droit de la CE et de l’UE – Relations extérieures, vol.12, 2ème édition, Bruxelles, 2005, spéc., pp. 89-90. Ce n’est qu’à partir de cette ultime phase que la conclusion internationale devient possible. Voir également, LOUIS (J.-V.), BRÛCKNER (P.), Les Relations extérieures, in Commentaire (J.) MEGRET, Le droit de la Communauté économique européenne, vol.12, 1ère édition, Bruxelles, 1980, p. 35. 550 Il faut remarquer que, la démarche de négociation employée par la CE avec le Mexique en 2000 se situe en marge de celle engagée avec les organisations régionales d’Amérique latine. D’une part, car la Communauté a signé, sans étape intermédiaire c'est-à-dire sans accord préparatoire préalable, l’accord avec ce pays. D’autre part, parce que dans le cas de ces relations, l’officialisation politique d’un partenariat stratégique UEMexique intervient après la conclusion de l’accord « de partenariat économique, de coordination politique et 237 munauté et ses Etats membres, d’une part, aux entités régionales constituées, présentes en Amérique latine et dans les Caraïbes avec leurs membres, d’autre part. Cette logique de négociation pourrait par la suite s’étendre aux récents mouvements d’intégration comme l’UNASUR551 et l’ALBA552 ; mais, cela supposerait la personnalité juridique de ces dernières organisations et leur capacité à conclure553. De plus, les accords négociés en Amérique latine et dans les Caraïbes combinent le libre échange commercial et la recherche du développement. Pour ce faire, leurs auteurs affichent expressément l’ambition d’aboutir à long terme à des zones de libre échange interrégionales554. Au sens du droit de l’OMC, ce sont des accords commerciaux régionaux (ACR). En outre, s’ils n’ont pas tous d’emblée pour base juridique l’article 310 du Traité CE (devenu article 217 du TFUE), ils tendent vers l’instauration d’un régime d’association. Par ailleurs, leur contenu est calqué schématiquement sur une structure semblable contenant au moins une, voire les trois composantes suivantes : le dialogue politique y compris sur la défense des principes démocratiques, la libération accrue des échanges commerciaux, la diversification des domaines de coopération entre les parties contractantes555. de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part » entré en vigueur en 2000.Voir Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée « Cheminement vers un partenariat stratégique UE-Mexique », COM (2008)447 final, du 15.07.2008. 551 L'Union des nations sud-américaines (UNASUR) est une organisation internationale créée par le Traité constitutionnel de l’Union des Nations Sud-Américaine signé à Brasilia le 23.05.2008. Selon l’article 1 de son traité fondateur, elle dispose de la personnalité juridique internationale. L’UNASUR regroupe les Etats membres du MERCOSUR et de la CAN, auxquels s’ajoutent le Chili, le Guyana et le Suriname. Voir http://www.unasur.fr/2009/08/07/traite-unasur/ 552 Il s’agit de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques. Les premiers accords fondateurs ont été signés entre Cuba et le Venezuela, le 28 avril 2005, rejoints par la Bolivie lors de la signature entre les trois Etats d’un Traité de commerce des peuples (TCP), le 29 avril 2006 à la Havane (Cuba). Le texte intégral est disponible http://www.latinreporters.com/cubapol30042006TPCimpression.html.L’instauration de cette organisation régionale d’intégration marque le retour de Cuba sur la scène régionale et internationale. 553 Cependant lorsqu’une organisation régionale n’a pas compétence, les Etats membres l’ont. Il reste donc loisible de conclure avec ceux-ci. Toutefois, il ne s’agit plus d’une configuration de liens interrégionaux, au sens d’accords négociés et conclus par des organisations régionales accompagnées de leurs Etats membres. 554 Voir respectivement : - Le Préambule des accords de dialogue politique et de coopération signés en 2003 entre la CE et ses Etats membres d’une part, la Communauté Andine des Nations et ses Etats membres et les pays d’Amérique centrale, d’autre part ; - Le Mandat de négociation d’un APE entre les Etats du CARIFORUM et la Communauté européenne et ses Etats membres, Document du Conseil 9930/02 du 12 juin 2002, point 3.1. 555 DONY (M), Droit de la Communauté et de l’Union européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1ère édition, 2001, 338 p., spéc. pp. 274-275 ; LEBULLENGER (J.), « Quel(s) partenariat(s) entre la Communauté et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », in Mélanges en l’honneur de Jean-Claude GAUTRON, les dynamiques du droit européen en début de siècle, Paris, Pedone, 2004, pp. 715744. 238 Par conséquent, une évolution des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes se dessine : les contours d’une différenciation classique nette entre « pays privilégiés »556 et « non privilégiés » s’estompent de plus en plus, pour laisser place à une logique dans laquelle pourraient se distinguer les « associés stratégiques » et les « associés non stratégiques ». Toutefois, le changement n’évolue pas au même rythme envers l’Amérique latine ou dans les Caraïbes. Il s’est déjà concrétisé dans les Caraïbes sous la forme d’un Accord de Partenariat Economique (APE) signé le 15 octobre 2008, et mis en œuvre par une décision d’application provisoire557, en attendant son entrée en vigueur. En Amérique latine, le processus de rénovation s’avère plus laborieux. En effet, les négociations pour un accord d’association interrégionale avec le MERCOSUR semblent se déliter ; l’action extérieure de la Communauté pourrait s’orienter vers un accord bilatéral avec le Brésil558. Ainsi, un Plan d’action UE-Brésil a été élaboré lors du deuxième Sommet UE-Brésil à Rio de Janeiro, le 22 décembre 2008559; il semble témoigner de cette possible orientation. Quant aux perspectives d’accords d’association avec la Communauté andine et ses Etats parties et avec les pays membres du Système d’intégration centre-américain, elles sont tributaires d’incertitudes. C’est dire que le qualificatif de « partenaires stratégiques » recouvre des situations juridiques diverses. Néanmoins, étant donné la diversité constatée, la question se pose de savoir quels sont la validité et le contenu réel de la dénomination de « partenaires stratégiques ». Il convient d’examiner la nature, le contenu, la portée des nouveaux instruments conventionnels. Concrètement l’expression juridique de la transformation réside dans la signature d’« accords de dialogue politique et de coopération » avec la Communauté andine et les pays membres du Système d’intégration Centre Américain. Ils sont conçus comme des préalables à la conclusion d’accords interrégionaux d’association (TITRE PREMIER). En ce 556 Les pays « privilégiés » désignent l’ensemble des pays ou groupements de pays qui ont signé avec la CE des accords fondés sur l’ex-article 238 TCEE (article 310 TCE devenu article 217 du TFUE), ou qui bénéficient de régimes de préférences commerciales avantageux par voie conventionnelle. 557 Décision du Conseil (2008/805) CE du 15 juillet 2008 relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 1. 558 La Communauté a initié « un partenariat stratégique » avec le Brésil, tête de pont du MERCOSUR. Voir Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulée : «Vers l'établissement d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Brésil » , COM(2007)281 final, du 30.05.2007, 20 p. Il s’agit d’une approche essentiellement politique mais le programme commun qui accompagne cette communication parle de renforcer les relations commerciales et économiques bilatérales, ce qui peut s’interpréter comme une perspective d’accord bilatéral en tant que moyen d’intensifier les relations. 559 Voir Déclaration et Plan d’action conjoints du 22.12.2008 : Documents du Conseil de l’Union européenne, n° 17602/08 (Presse http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/er/105021.pdf 239 386), 39 p. qui concerne les Caraïbes, la conclusion de l’accord de partenariat économique (APE) sur une base régionale, n’est que le prélude à l’instauration d’une zone de libre échange interrégionale (TITRE SECOND). 240 TITRE PREMIER : DES ACCORDS « DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION » AVEC LA CAN ET LE SICA, PREALABLES A DES ACCORDS INTERREGIONAUX D’ASSOCIATION 241 Les nouveaux accords « de dialogue politique et de coopération » doivent remplacer les accords cadres de coopération de troisième génération signés en 1993. Les parties y déclarent en préambule qu’« ayant à l’esprit le partenariat stratégique établi entre l’Union européenne et l’Amérique latine et les Caraïbes dans le cadre du sommet de Rio de 1999, puis réaffirmé lors du sommet de Madrid de 2002 ; et réitérant, dans ce cadre, la nécessité d’encourager les échanges nécessaires à la création des conditions d’un renforcement des relations entre l’Union européenne et la Communauté andine, reposant sur des bases solides et mutuellement profitables, ont décidé de conclure le[les] présent[s] accord[s]» 560. Le but de ces accords est comme l’indique leur intitulé de renforcer le dialogue poli561 tique et la coopération, de soutenir l’intégration régionale et, à terme, de créer les condi- tions permettant l’instauration d’accords d’association créant des zones de libre échange avec d’une part, la Communauté andine et ses Etats membres et d’autre part, le SICA et ses Etats parties. Après un rappel de la genèse desdits accords (CHAPITRE PREMIER), il s’agira de mettre en lumière, au travers de l’étude du contenu, la portée véritable de ces nouveaux accords (CHAPITRE SECOND). 560 Les accords « de dialogue politique et de coopération » signés avec la Communauté andine et ses pays membres ainsi qu’avec les pays membres du SICA contiennent une clause expresse prévoyant une telle substitution, respectivement aux articles 54 alinéa 3 des deux accords : Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les républiques de Bolivie, de Colombie, de l’Equateur, du Pérou et la République bolivarienne du Venezuela, d’autre part, COM (2003)695 final du 15.12.2003, article 54 alinéa 3 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, COM (2003)677 final, du 15.12.2003, article 54 alinéa 3. 561 Le dialogue politique se basait jusqu’alors sur deux déclarations informelles respectivement la déclaration de Rome (1996) pour les relations UE/CAN, et la déclaration de San José pour les relations UE/Amérique centrale (1985). Voir Supra Partie I, Titre Second, Chapitre premier : « Le renforcement du dialogue politique en tant qu’instrument de coopération ». 242 CHAPITRE PREMIER : L’ELABORATION DE CES ACCORDS En 2000, dans le cadre des rencontres entre l’Union européenne et le Groupe de Rio562 et à l’initiative de la Communauté andine, la perspective de négocier de nouveaux accords est abordée. Lors de la onzième réunion ministérielle du Groupe de Rio à Vilamoura (Portugal), en février 2000, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne et de la Communauté andine chargent, pour l’un, la Commission européenne, et pour l’autre, le secrétariat de la Communauté andine, de réaliser une étude sur les relations économiques et commerciales entre les deux régions en vue de négocier un nouvel accord563. Mais le pas le plus significatif, est accompli lors du sommet de Madrid les 17-18 mai 2002. Car la volonté politique de négocier deux accords dits « de dialogue politique et de coopération » avec la Communauté andine et l’Amérique centrale est officiellement affirmée par l’Union européenne. En témoigne l’extrait suivant : « Nous accueillons avec intérêt les nouvelles initiatives visant à négocier des accords politiques et de coopération avec les pays d’Amérique Centrale et les pays andins, ainsi que la décision de renforcer la coopération dans les domaines du commerce, des investissements et des relations économiques ». A long terme, ces nouveaux accords doivent aboutir « en faisant fond sur les résultats du programme de travail de Doha, que nous nous sommes engagés à mener à bien d’ici la fin 2004, [à] des accords d’association praticables et mutuellement bénéfiques, y compris une Zone de Libre Echange entre l’UE et l’Amérique centrale et entre l’UE et la Communauté andine » 564. 562 Le mécanisme permanent de consultation et de concertation politique d’Amérique latine-Groupe de Rio a été créé en 1986 à Rio de Janeiro. Il réunit la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Les ministres des affaires étrangères des deux régions se réunissent tous les deux ans en alternance avec les années de Sommets Union européenne-Amérique latine-Caraïbes. 563 Déclaration de Vilamoura, 25 février 2000. Bulletin Quotidien Europe, n° 7664 du 26.02.2000, p. 8. 564 Sommet UE-AL-C de Madrid, mai 2002, Conclusions finales, point 43. 243 L’Union européenne accepte par cette déclaration le projet de nouveaux accords avec les pays membres de la Communauté andine565, et avec les six Etats d’Amérique Centrale impliqués dans le processus d’intégration économique centraméricain (le Costa-Rica, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Panama). La concrétisation en a été la signature en décembre 2003566 des accords dits « de dialogue politique et de coopération » (SECTION I) avec ces deux groupes. Toutefois, de jure, la signature ne marque pas la fin de la procédure de conclusion des accords externes du Traité CE567. Tout au plus signale-t-elle la fin des négociations568. Or, l’apparente facilité de ces dernières, ne doit pas faire oublier que le défi réel n’est pas de négocier des accords mais de les mettre en œuvre. Toutefois, hormis l’hypothèse d’une décision d’application provisoire, les pesanteurs liées aux conditions d’entrée en vigueur peuvent retarder sérieusement la mise en œuvre et engendrer des difficultés (SECTION II). Or, en l’espèce, ces lenteurs ne sont pas en cohérence au regard de l’urgence d’assurer une présence renouvelée de l’Union européenne en Amérique latine, face au changement de la stratégie contractuelle des Etats-Unis. 565 Il convient de signaler qu’en avril 2006, le Venezuela, pays membre de la Communauté andine s’est retiré de l’organisation régionale. Par la même occasion, le Ministre des relations extérieures du Venezuela, par une lettre du 18.12.2006, a confirmé le retrait de sa signature de l’Accord de dialogue politique et de coopération.Voir COM (2003)695 final du 15.12.2003. Ce pays n’est donc plus signataire dudit accord. Pour tenir compte de ce retrait, la Commission européenne a recommandé au Conseil, d’engager un échange de lettres entre la Communauté européenne et la Communauté andine convenant du retrait des mentions faites au Venezuela dans le texte de l’accord. Voir Recommandation de la Commission au Conseil relative à la signature et l’envoi d’une lettre à la présidence de la Communauté andine pour engager un « échange de lettres visant à modifier l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et la Communauté andine signé en 2003 », COM (2007)353 final, Bruxelles le 26.06.2007. 566 Bulletin UE, 12-2003, point I.27.74. 567 En l’espèce, les accords ont été négociés et signés par la CE et ses Etats membres suivant la procédure de l’ex-article 300 du TCE. La teneur de l’ancien article 300 du TCE (devenu article 218 du TFUE) a quelque peu changé depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, néanmoins, c’est cette dernière qui s’est appliquée et qui sera ici rappelée. 568 Il y eut un temps, une controverse doctrinale sur la question de savoir si la signature appartenait à la phase de négociations ou à la phase de conclusion des accords. Pour M. Pierre PESCATORE, la signature appartiendrait à la phase de négociations et clôturerait cette dernière, d’où la possibilité d’une habilitation de la Commission par le Conseil, à l’effet de signer l’accord qu’elle a négocié. Selon l’opinion de M. Jean-Paul PIETRI, il faut cependant distinguer selon que la signature s’effectue dans le cadre d’une procédure solennelle ou d’une procédure en forme simplifiée. Dans le premier cas, la signature s’inscrit dans la phase de clôture des négociations sous réserve d’une décision du Conseil. L’intervention du Conseil correspondrait en quelque sorte à la “ratification” au nom de la Communauté. Entre la formalité de signature et la décision du Conseil, le texte est alors transmis au Parlement pour consultation ou avis conforme (selon les cas prévus par le traité CE). Dans l’hypothèse d’une procédure simplifiée, le représentant du Conseil est autorisé à signer l’accord pour engager la Communauté. Dans ce cas, la signature effectuée par le représentant du Conseil (généralement le président du Conseil) vaut “ratification” de l’accord et par la même appartient à la phase de conclusion (dans les sens d’acte manifestant la volonté à être liée et légitimant la conclusion internationale). Voir PESCATORE (P.), « La politique commerciale et les accords des Communautés », op.cit., p. 116 ; PIETRI (J.-P.), « La valeur des accords juridiques internationaux », RTDE, 1976, p. 195, cité par DE WALSCHE (A.), in Commentaire (J.) MEGRET, op.cit.., p. 89. 244 SECTION I : LA SIGNATURE DES ACCORDS « DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION » Intervenant en fin de négociations, le paraphe569 a pour but d’authentifier et d’arrêter le texte conventionnel tel qu’il sera soumis à la délibération du Conseil. N’engageant pas encore la Communauté, la signature est effectuée par un représentant de cette dernière, sous réserve d’une décision du Conseil l’approuvant et permettant ainsi la conclusion internationale. Les textes des deux accords, d’une part, avec la Communauté andine, d’autre part, avec les Etats membres du Système d’Intégration Centre-Américain, libellés sensiblement dans les mêmes termes, furent dûment signés en décembre 2003. L’examen des étapes de la négociation à la signature (§1), pour chaque accord avec chacune des organisations régionales concernées, témoigne du respect de la procédure de droit commun posée à l’ancien article 300 du Traité CE, devenu depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’article 218 du TFUE. Cependant, en signant de tels accords, la Communauté et ses Etats membres ont choisi de facto de reporter la négociation d’accords d’association avec ces organisations régionales latino-américaines. En effet, à l’origine, le sommet Union européenne-Groupe de Rio à Vilamoura (Portugal) en 2000 abordait la possibilité d’un accord d’association immédiat avec la Communauté andine570. Cela illustre le fossé entre l’aspiration au régime d’association politiquement souhaitable et la pratique de l’association. A l’arrivée, ce sont des accords de « dialogue politique et de coopération » qui sont consentis dans un premier temps. Les articles 2 respectifs desdits accords précisent que la réalisation des objectifs posés dans ces derniers, doit créer des conditions qui pourraient permettre de s’engager vers des accords d’association praticables et mutuellement bénéfiques. Autant dire que les accords de dialogue politique et de coopération sont présentés comme des antichambres conduisant au régime d’association. 569 A ce stade de la procédure, le paraphe n’impose pas d’obligations aux parties. Il désigne une forme de signature limitée aux initiales des négociateurs. En droit international public, le paraphe « intervient pour des motifs divers, soit que les négociateurs n’aient pas encore reçu les pleins pouvoirs, soit qu’on veuille réserver la signature à des personnalités de premier plan au cours d’une cérémonie solennelle ». Voir GUILLIEN (R.), VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2001, p. 396. 570 En 2003, la Communauté andine semblait plus apte à accéder au régime d’association que l’Amérique centrale, en raison, d’un contexte économique au sein de l’organisation régionale andine plus favorable qu’en Amérique centrale. 245 Mais ils détonnent comparativement au processus linéaire de passage d’accords de coopération à des accords d’association, qui a été expérimenté envers des pays émergents de la région, comme le Mexique et le Chili571; les nouvelles conventions font plutôt figure de compromis (§2). §1 De la négociation à la signature Suivant la procédure de droit commun de conclusion communautaire des accords externes, codifiée à l’ancien article 300 du Traité CE572, deux accords ont pu être signés respectivement avec les six pays membres du SICA (A) puis avec la Communauté Andine des Nations et ses pays membres (B). A) L’Accord avec les six pays membres du SICA Selon les termes de l’ex-article 300 §1 du TCE, la Commission a adressé au Conseil peu après le sommet entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes de mai 2002, une recommandation, afin que le Conseil l’autorise à négocier. Selon toute vraisemblance, des conversations exploratoires573 ont d’abord été menées par la Commission européenne avec les cocontractants potentiels. Les recommandations intervenues ensuite, constituent une phase formelle et obligatoire de demande d’autorisation de négociation. Le Conseil contrôle étroitement – au moyen de comités spéciaux désignés par lui pour assister la Commission – les négociations en décidant en quels termes, elles doivent être menées et en modifiant, s’il le faut, la recommandation à la Commission. 571 Sur l’idée d’une volonté communautaire initiale de maintenir le statu quo relationnel à l’égard des pays andins et centraméricains, voir LEBULLENGER (J.), « Quel partenariat entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », op. cit., spéc.,pp. 736-737. 572 La procédure exposée concerne celle du TCE avant le traité de Lisbonne (2009) compte non tenu d’un éventuel autre « négociateur » suivant les termes de l’article 218 du TFUE. 573 Phase informelle préalable à l’ouverture officielle des négociations, les conversations exploratoires n’entraînent aucune conséquence juridique pour aucun des partenaires. DE WALSCHE (A.), « La procédure de conclusion des accords internationaux », op. cit., spéc.,p. 83. 246 Le 18 mars 2003, le Conseil a accepté par voie de directives574 adressées à la Commission, l’ouverture des négociations en vue d’un nouvel accord575. Les directives fixent le cadre, au sein duquel doivent s'effectuer les négociations. En conséquence, le premier cycle de négociation put avoir lieu au Panama du 13 au 15 mai 2003 ; le second cycle eut lieu à Bruxelles du 29 septembre au 1er octobre 2003576. Il s’acheva par le paraphe du projet de texte le 2 octobre 2003 entre les chefs de délégation577. La signature proprement dite eut lieu à l’occasion d’une cérémonie entre les six ministres centre-américains, les vice-ministres des relations extérieures, et le Directeur Général des relations extérieures de la Commission européenne, marquant ainsi la clôture de la négociation. Toutefois, le texte ne peut être conclu que sous réserve d’une décision du Conseil, adoptée généralement bien plus tard, relative à la conclusion de l’accord. Ceci découle des termes de l’article 300 §2578 du Traité CE. A cette fin, la Commission a adopté en novembre 2003, des propositions de décision du Conseil, l’une relative à la signature et l’autre relative à la conclusion par le Conseil de l’accord de dialogue politique et de coopération579. Avant la signature, le Parlement européen a été consulté sur le projet de texte conformément à l’article 300 §3 alinéa 1 du Traité CE580. Le texte fut donc transmis pour consultation le 10 novembre 2003. Faisant suite au rapport portant sur « la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord de dialogue politique et de coopération entre 574 Voir les directives de négociation, Bulletin UE, 3-2003 point 1.6.91. 575 Les négociations ont été dirigées par M. Francisco da CAMARA GOMES représentant de la Commission européenne et directeur chargé de l’Amérique latine au sein de la direction générale pour les relations extérieures (DG RELEX) , et d’autre part, par M. Harmonio Arias CERJACK, ministre panaméen des Affaires étrangères chargé de la présidence tournante du SICA. 576 Voir les communiqués de presse de l’UE, IP/03/1304 du 29.09.2003 et IP/03/1336 du 2.10. 2003. 577 Bulletin UE, 10-2003. 578 Voir Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne aux articles 218 §2 et 218 §6 du TFUE. 579 Proposition de décision du Conseil relative à la signature d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres d’une part, et les Républiques du Costa Rica, du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part ; COM (2003)677 final du 10.11.2003, Bulletin UE, 11-2003, point 1.6.100. 580 Aux termes de l’ancien article 300 §3 du TCE dans sa rédaction issue du Traité de Nice, le Parlement européen doit être consulté sur l’ensemble des accords à conclure par la Communauté européenne, sauf les accords conclus en matière de politique commerciale. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009, l’article 207 §2 et 3 du TFUE (relatif à l’adoption d’accords commerciaux), lus en relation avec l’article 218 §6 du TFUE (sur la procédure de négociation et de conclusion d’accords externes), supprime cette exception. 247 la CE et ses Etats membres et les six pays d’Amérique centrale »581, le Parlement a émis un avis favorable582. Dès le 8 décembre 2003, le Conseil a adopté une décision relative à la signature 583; et le nouvel accord a été officiellement signé à Rome le 15 décembre 2003. Mais l’acte portant conclusion de l’accord par le Conseil, généralement publié au Journal Officiel, engageant par la même la responsabilité internationale de la Communauté a tardé à intervenir. Par conséquent, la Communauté n’a pas encore exprimé sa volonté à être liée. Or, l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne au 1er décembre 2009, modifie la procédure. D’une part, l’accord devra être conclu « au nom de l’Union » conformément à la fusion de la CE et de l’Union en une personnalité unique. D’autre part, la procédure d’approbation de l’article 218 du TFUE est dorénavant applicable. En conséquence, l’approbation du Parlement est requise avant la décision de conclusion du Conseil584. En décembre 2003, un autre accord fut signé entre la Communauté européenne, ses Etats membres d’une part, et la Communauté Andine des Nations et ses Etats membres, d’autre part. B) L’Accord avec la Communauté Andine des Nations (CAN) Par ses directives de négociation, adoptées le 18 mars 2003, un an après le sommet de Madrid, le Conseil a accordé à la Commission, l’autorisation de négocier585 le projet d’accord liant les Communautés européennes et leurs Etats membres, à la Communauté andine et ses Etats membres, à savoir La Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela586 . Deux cycles de négociation ont débuté consécutivement : le premier cycle de négo- 581 Parlement européen, rapport A5 0120/2004 déposé le 26.02.2004, sur « la Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres et les six pays d’Amérique Centrale », rapporteur Raímon OBIOLS I GERMA, 21 p. 582 Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil portant conclusion d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, et du Panama, d’autre part, du 31.03.2004, JOUE, n° C103 E, du 29.04.2004, p. 447. 583 Décision non publiée au JOUE, Bulletin UE, 12-2003, point 1.6.133. 584 Au titre de l’article 218 §6, lettre a) point v du TFUE. 585 Bulletin UE 3-2003, point 1.6.92. 586 Il faut rappeler que le Venezuela s’est retiré depuis 2006 de la Communauté andine et de l’accord de dialogue politique et de coopération. 248 ciations eut lieu les 6 et 8 mai 2003587. Le deuxième cycle eut lieu du 13 au 15 mai 2003 à Quito (Equateur). Et le projet d’accord a été paraphé le 15 octobre 2003 à Quito588. La Commission encourageant le Conseil à signer et à conclure l’accord, émit une proposition de décision du Conseil relative à la signature d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres589. Après consultation du Parlement590, mais bien avant que celui-ci ne se prononce591, le Conseil a approuvé la signature du projet d’accord le 8 décembre 2003 lors de sa session « Affaires générales »592. Le 15 décembre 2003, eurent lieu simultanément les signatures de l’accord avec la CAN et de l’accord avec l’Amérique centrale ; il est prévu que dès leur entrée en vigueur, ces deux accords de dialogue politique et de coopération remplaceront les précédents, rendant caduques les actes du Conseil portant conclusion des précédents accords de coopération593. Au sens du droit communautaire, la conclusion « au nom de la Communauté » est effective lorsque le Conseil approuve les termes de l’accord sous forme d’un règlement ou d’une décision. Mais la véritable conclusion internationale ne peut intervenir que si les parties 587 Communiqué de presse UE, IP/03/636 du 6.05.2003. 588 Bulletin UE 10-2003, point 1.6.92. 589 Proposition de décision du Conseil relative à la signature d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses Etats membres, d’autre part ; COM (2003)695 final, 14.11.2003 ; Bulletin UE 11-2003, point 1.6.102. 590 Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les Républiques de Bolivie, de Colombie, de l'Équateur, du Pérou et la République bolivarienne du Venezuela, d'autre part, COM (2003)695, JOUE, n° C 103 E du 29.04.2004, p. 447. Voir également, Parlement européen, rapport A5 0119/2004 du 19.02.2004 sur « la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres et la CAN et ses Etats membres », rapporteur José Ignacio SALAFRANCA SANCHEZ NEYRA, 20 p. 591 S’agissant de la consultation du Parlement, aux termes de la procédure de l’ex-article 300 §3 du Traité CE, la prise de position du Parlement européen est certes une condition du respect de la procédure.Dans l’hypothèse où le Conseil a fixé un délai au Parlement européen pour émettre son avis, et que le terme a été dépassé, le Conseil peut statuer avant l’avis du Parlement. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la consultation du Parlement s’applique dans tous les cas, autres que ceux où son approbation est requise. Voir TFUE, article 218 §6, lettre b). 592 Décision du Conseil session «Affaires générales» n°2552, relative à la signature, page VI, http://www.consilium.europa.eu/App/NewsRoom/loadBook.aspx?target=2003&bid=72&lang=fr&id=1851 593 Pour mémoire, cela s’applique aux décisions concernant la conclusion des accords cadres de coopération signés en 1993: décision du Conseil du 7 avril 1998 concernant la conclusion de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et l’accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l'Equateur, la République du Pérou et la République du Venezuela. JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 10. - décision du Conseil du 22 février 1999, concernant la conclusion de l’accord cadre de coopération entre la CE et les républiques centre américaines. JOCE, n° L 63 du 12.03.1999, p. 38. 249 contractantes se sont mutuellement notifié leur volonté à être liées par l’accord. Dans le cas de la Communauté et de ses Etats membres, cela signifie que la conclusion internationale résultera de l’acte d’approbation du Conseil publié au Journal Officiel et notifié à l’autre partie contractante, accompagné du dépôt et de la notification de toutes les ratifications des Etats membres – étant donné qu’il s’agit d’un accord mixte – selon les règles en vigueur dans chacun d’eux. Or, il manque encore des ratifications. De plus, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne au 1er décembre 2009, la procédure d’approbation pour la conclusion des accords internationaux a évolué, le rôle préalable du Parlement est renforcé à ce stade : suivant l’article 218 §6 lettre a) point v du TFUE. Il est prévu que les institutions européennes appliquent la procédure de l’article 218 du TFUE pour la conclusion de l’accord de dialogue politique et de coopération594. La Communauté a longtemps maintenu le statut d’associé hors de portée des Etats latino-américains595. Malgré l’évolution escomptée lors du sommet de Madrid les 17 et 18 mai 2002596 et en dépit, de la « satisfaction » déclarée lors de la signature des accords de « dialogue politique et de coopération » par les représentants de la Communauté andine et des Etats d’Amérique centrale concernés, ces accords ne reflètent pas le vœu originel des partenaires qui eussent souhaité conclure des accords d’association avec la Communauté. Les accords de dialogue politique et de coopération incarnent un compromis entre un dépassement nécessaire des accords cadres conclus à la fin des années 1990 et la promesse d’une extension du régime d’association. §2 Des accords de compromis Par nature, les accords de dialogue politique et de coopération sont des accords de coopération fondés sur l’article 181 du TCE (devenu l’article 211 du TFUE). Il concerne la mise en œuvre de la politique européenne de coopération au moyen, notamment d’accords conclus avec des tierces parties. 594 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Conséquences de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne sur les procédures décisionnelles interinstitutionnelles en cours », COM (2009)665 final du 2.12.2009, paragraphe 1, point 2. 595 FLAMAND-LEVY (B.), « Essai d’une typologie des accords externes de la Communauté », in CHRISTOPHE-TCHAKALOFF (M.-F.) (dir.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : essai de clarification, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp.63-88, spéc., p. 78. 596 Déclaration politique de Madrid, point 17, Documents d’Actualité Internationale, n° 13, 1.07.2002, pp. 483486. 250 Cette base juridique combinée à l’article 300 paragraphes 2 et 3 du TCE, se distingue de l’article 310 du TCE devenu article 217 du TFUE, utilisé pour l’association avec les tiers. Or, la demande d’association a été clairement exprimée par les pays andins et centraméricains : Il s’agissait de négocier des accords d’association « qui tiendrai[ent] compte du niveau de développement des pays des deux régions et du maintien du système de préférences en vertu duquel les pays de la Communauté andine se voient accorder un accès préférentiel au marché européen dans le cadre de la lutte contre la drogue »597. Cela semble exprimer l’aspiration à un certain régime d’association dit « de développement » apparemment inaccessible (A). Les accords de dialogue politique et de coopération, doivent préluder au lancement des négociations pour de futurs accords d’association. Si cette transformation n’est pas assurée, ils peuvent néanmoins être analysés comme un dépassement des accords cadres de troisième génération (B). A) Un régime d’association dit « de développement » inaccessible Même si les contours de la notion d’association sont peu définis selon la rédaction de l’article 310 du Traité CE (article 217 du TFUE), le statut d’associé exerce une forte attractivité sur les tiers en raison des particularités et des avantages qui peuvent s’y attacher (1). Parce qu’il n’existe pas un mais des régimes d’association, il semble plus précisément que, les pays membres de la Communauté andine et du Système d’intégration centraméricain auraient idéalement souhaité, un modèle d’association proche de celui dit « de développement » (2). 1- L’attrait du régime d’association Les Professeurs Catherine FLAESCH-MOUGIN et Joël LEBULLENGER rappellent que les relations avec l’Amérique Centrale et la Communauté andine se caractérisaient dans les années 1990, par le triptyque : accord de coopération, système de préférences généralisées et coopération financière au développement598. Pourtant, ce modèle ne correspond plus à leurs 597 Communiqué conjoint de la réunion ministérielle Union européenne/ Communauté andine, à l’occasion de la IXème réunion ministérielle institutionnalisée entre l'Union européenne et le Groupe de Rio, déclaration de Vilamoura 24 février 2000, Press release, Conseil 00/46 du 25.02.2000. 598 FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations contractuelles de l’Union européenne avec les pays et groupements latino-américains », Actes du colloque ECSA-WORLD de Bruxelles : L’Union eu- 251 aspirations, pas plus qu’il n’est de l’intérêt de l’Union européenne de conserver ce schéma relationnel inadapté au partenariat stratégique. Tout au contraire, l’Amérique centrale et la Communauté andine voudraient voir le modèle antérieur remplacé, par des conventions d’association réunissant expressément le dialogue politique, la libéralisation commerciale et la coopération approfondie. Selon le texte de l’article 310 du TCE (devenu article 217 du TFUE) « un accord d’association est caractérisé par des droits et des obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières ». Ce type d’accords permet d’établir une coopération privilégiée et de grande ampleur avec les tiers599. La jurisprudence elle-même reconnaît le caractère privilégié et particulier des liens associatifs, impliquant un engagement large des parties600. De plus, selon le Professeur Pierre PESCATORE, l’association se caractérise par des traits distinctifs dont celui de faire participer les tiers aux objectifs de la Communauté601, même lorsque l’association n’a pas pour vocation l’adhésion. Cette caractéristique la placerait au-delà des accords uniquement commerciaux. Suivant cette définition de la nature de l’association, l’article 310 du TCE (devenu article 217 du TFUE) offrirait alors, la base légale la plus adaptée, au type de relations visé par l’UE et décrit dans les déclarations politiques sur le partenariat stratégique. Par conséquent, et dans la perspective d’édifier un partenariat stratégique bi-régional, la CE ne peut légitimement plus maintenir les pays andins et centraméricains à l’écart de l’association. La Communauté envisage de sortir de l’aire traditionnelle des associations avec les pays africains et méditerranéens. Elle prévoit des accords d’association avec des pays andins et centraméricains, pour des raisons de présence renforcée sur le continent. Toutefois, du côté andin et centraméricain, il ne faut pas se cacher que, l’attrait du régime d’association est essentiellement motivé par des appétences économiques et commerciales. En remplaçant les anciens accords de coopération, par des accords d’association fondés sur l’article 310 du TCE (devenu article 217 du TFUE), l’Union a pour objectif de pallier l’une des limites majeures des accords cadres de coopération de troisième génération : l’absence de caractère préférentiel sur le plan commercial. De même, les motifs pour lesquels ropéenne dans un monde en transformation organisé par la Commission européenne - DG-X, 19-20 septembre 1996, Luxembourg, OPOCE, 1998, spéc., pp. 581- 628. 599 GAUDISSART (M.-A.), « Réflexions sur la nature et la portée du concept d’association à la lumière de sa mise en œuvre », in CHRISTOPHE-TCHAKALOFF (M.-F.) (dir.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : essai de clarification, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 3 et ss. 600 CJCE, arrêt du 30.09.1987, Demirel, aff. 12/86, Rec., p. 3719. 601 PESCATORE (P.), « La politique commerciale et les accords des Communautés », op.cit., p. 141. 252 la CE accepte l’évolution des liens vers ce type d’accords peuvent être des considérations mercantiles602. Mais, paradoxalement ces mêmes motifs commerciaux peuvent également expliquer les atermoiements du passage à un régime d’association. En effet, la pratique de l’association telle qu’exercée en Amérique latine durant toute la décennie des années quatre vingt-dix, montre que la CE réservait jusqu’alors ce type d’accords aux pays et groupements émergents de cet espace géographique603. Or, les pays membres de la CAN et du SICA n’offrent pas a priori les critères de développement nécessaires pour des accords d’association fondés sur le libre échange du type de celui programmé avec le MERCOSUR. Un document de vulgarisation « Trade Relations between the EU and the Andean Community », publié par la direction générale du commerce (DG-Commerce)604 avoue que l’expérience a souvent prouvé que les accords fondés sur le libre échange, entre un vaste marché du type de celui de l’Union européenne et de petites économies sont difficilement viables et entraînent souvent un déficit pour le ou les partenaire(s) le(s) plus faible(s). Pourtant, d’un autre coté, le régime d’association et le libre échange avec l’Union européenne conservent un certain attrait face à l’érosion inéluctable du Système de Préférences Généralisées et du SPG plus605. En effet, l’association permettrait de remplacer les préférences commerciales unilatérales par une coopération économique et commerciale étroite et stable, offrant la perspective d’une ouverture plus vaste du marché communautaire aux produits des tiers. Mais, l’obligation juridique de réciprocité, sans être synonyme de stricte symétrie des concessions, exige un lourd tribut des aspirants. Or, la contrepartie économique potentielle ne 602 M. le Professeur LEBULLENGER admet que les accords d’association assortie de la mise en place d’une zone de libre échange qui ont été ou sont négociés avec des partenaires émergents d’Amérique latine, tels le Chili et le MERCOSUR, sont mus par des intérêts commerciaux de « nature défensive » : « Il s’agit, au premier chef, de prévenir l’apparition de blocs régionaux dont les investisseurs et entrepreneurs européens seraient progressivement exclus, au profit de concurrents bénéficiant de conditions d’accès préférentielles aux marchés mexicain, chilien et mercosurien ». [LEBULLENGER (J.), « Quel partenariat entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », op. cit., spéc.,p. 718]. 603 Le MERCOSUR par exemple a été décrit par la Commission comme « nouvelle zone de croissance à l’échelle mondiale » dans la Communication au Conseil et au Parlement européen, du 19.10.1994, « Pour un renforcement de la politique de l'Union européenne à l'égard du Mercosur », COM (1994)428 final. L’accord d’association UE-Chili signé le 18.11.2002 et entré en vigueur le 1.03.2005 comporte une partie IV relative au « Commerce et questions commerciales connexes » dans laquelle sont prévues notamment, la libéralisation progressive et réciproque du commerce des marchandises, la libéralisation réciproque des services, l’amélioration de l’environnement pour l’investissement, preuves de l’intérêt commercial de l’accord pour la partie européenne. 604 Sur le site http://www.europa.eu.int:comm/trade/issues/bilateral/regions/andean/index. 605 Supra, Partie I, Titre Second, Chapitre 2 sur « Le démantèlement de systèmes antérieurs de préférences commerciales ». 253 semble pas prise en compte dans le discours politique. Ainsi, une déclaration de M. Patricio ZUQUILANDA, alors ministre des relations extérieures de l’Equateur et président du Conseil andin des ministres des relations extérieures de la CAN606, énonce que à la différence d’un accord de coopération assorti d’un système de préférences du type SPG-anti drogues, « un accord de libre échange, en revanche, dote les relations commerciales bi-régionales de permanence et de sécurité et permet que les entrepreneurs puissent faire une planification et gestion à long terme et puissent assurer un retour adéquat du travail et des investissements réalisés. De plus, il [l’accord de libre échange] promeut, étend et diversifie le commerce entre les pays andins et européens »607. 2- Les contours de l’association dite « de développement » Avec l’assentiment du Parlement européen en ce sens608, la Communauté andine et le Système d’Intégration Centre Américain (SICA) désiraient la pérennité des concessions tarifaires consenties dans le cadre de la lutte contre la drogue, ou tout au moins le maintien, à court et à moyen terme, des avantages dont ils bénéficiaient dans le cadre du SPG communautaire. En réalité, la demande formulée visant à tenir « compte du niveau de développement des pays des deux régions et du maintien du système de préférences » reviendrait, mis à part le caractère interrégional, à négocier des concessions commerciales avec l’Union européenne non réciproques.Il s’agit d’une catégorie d’accord d’association qui favorise le développement économique et social des bénéficiaires, à travers la mise en œuvre d’un régime préférentiel fondé sur le principe de non réciprocité et l’émergence d’une coopération à forte dimension 606 C’est l’organe de direction politique de la Communauté andine. Composé des ministres des relations extérieures des pays membres, cet organe est chargé d’assurer la réalisation des objectifs d’approfondissement de l’intégration régionale, de formuler et d’exécuter la politique extérieure commune de la Communauté andine Les instruments de cet organe sont les déclarations (non obligatoires) et les décisions (normes juridiques obligatoires).Les deux types d’actes sont adoptés par consensus. Le Conseil andin des ministres des relations extérieures est présidé par le ministre des relations extérieures du pays qui est chargé de la présidence du Conseil Présidentiel Andin. 607 M. Patricio ZUQUILANDA dit: « Un tratado de libre comercio, en cambio, dota de permanencia y seguridad a las relaciones comerciales biregionales y permite que los empresarios puedan hacer una planificación y gestión de largo plazo y aseguren un retorno del trabajo e inverción realizados. También promueve, amplia y diversifica el comercio andino-europeo ». Source: « Intervención del Ministro de Relaciones Exteriores del Ecuador, Presidente del Consejo Andino de Ministros de Relaciones Exteriores, Embajador Patricio Zuquilanda, con ocasión de la suscripción del Acuerdo de diálogo Político y Cooperación entre la Comunidad andina y la Unión Europa » Roma, 15 de diciembre de 2003. sur le site http://www.comunidadandina.org/discursos/zuquilanda15-12-03.htm . 608 Bulletin Quotidien Europe, n° 8209 du 11.05. 2002, p. 7. 254 politique, proche du modèle des anciennes conventions de Lomé conclues entre l’ Union européenne et les Etats ACP. Or, l’objectif de favoriser le développement économique et social peut être poursuivi, depuis le Traité de Maastricht signé le 7 février 1992, au moyen de l’utilisation d’autres bases juridiques, tels les articles 177 à 181 du TCE qui deviennent les articles 208 à 211 du TFUE. Par conséquent, la CE peut réserver l’association à certaines catégories de tiers choisies par elle609. D’autre part, ce modèle ne peut plus être maintenu – a fortiori étendu – du fait de sa non-conformité avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Et il subit des adaptations visant à l’harmoniser davantage avec les exigences du droit du commerce international. Dorénavant, tout accord d’association suppose l’octroi de concessions réciproques et vise à terme à libéraliser les échanges, entre la Communauté et les différents associés. Compte tenu de leur niveau de développement, les pays andins et d’Amérique centrale ne peuvent répondre à l’exigence d’équilibre des concessions attendue des associés. Mais si des accords d’association assortis de libre échange venaient à être signés, on peut supposer qu’ils prévoieraient une libéralisation asymétrique au moins concernant les calendriers. Dans l’esprit de « développement durable » qui anime les nouveaux accords de dialogue politique et de coopération, et si l’on en croit la Commission européenne, le compromis trouvé consiste à prévoir d’abord la préparation économique des membres de ces deux organisations régionales – incapables de supporter la concurrence communautaire – grâce notamment à un appui au renforcement des intégration régionales610 avant d’envisager des accords d’association assortis de libre échange. Pourtant, on ne peut s’empêcher de relever que des accords d’association négociés directement eussent tout autant fourni un appui au développement économique et social des partenaires, s’ils étaient assortis de surcroît, de concours financiers inclus dans l’accord. Mais il faut quand même noter que, les accords de dialogue politique et de coopération contiennent des dispositions dépassant les accords cadres de troisième génération. 609 Il faut noter que la Cour de justice des Communautés avait déjà pour sa part, sanctionné la pratique des accords d’association dits de développement, au motif qu’ils établissent des droits et obligations non réciproques et donc déséquilibrés contraires à la lettre de l’ex-article 238 CEE (devenu article 310 TCE) selon lequel, un accord d’association est caractérisé par « des droits et obligations réciproques ». CJCE, Arrêt Bresciani, du 5.02.1976, Aff.87/75, Rec p.129, point 20 et suivants. Toutefois, dans la mesure où tous les accords d’association conclus par exemple avec les Etats ACP sont asymétriques, on peut en déduire que le critère « des droits et obligations réciproques » ne permet pas de toute façon d’identifier la spécificité de l’association. Voir HANF (D.), DENGLER (P.), « Les accords d’association », in Le droit de la CE et de l’UE- Les relations extérieures, Commentaire (J.)MEGRET, op. cit., pp. 293-323, spéc., p. 295. 610 Voir accords de dialogue politique et de coopération, respectivement les articles 11 et 12. 255 B) Un dépassement des accords cadres de troisième génération nécessaire Les accords de dialogue politique et de coopération vont au-delà des accords cadres de troisième génération, en étendant les domaines de coopération 611 : aux droits de l’homme (article 1er), à la bonne gouvernance démocratique (article 6), à la sécurité et au renforcement de l’intégration régionale, à la coopération en matière de prévention des conflits (article 9), à l’immigration (article 49)612 , à la lutte contre le terrorisme (article 50). Toutefois, il eût été possible d’utiliser la clause évolutive prévue dans les accords de troisième génération (article 39), pour étendre le champ matériel de la coopération, au-delà des domaines explicitement prévus dans les accords de 1993. Cette dernière permet : « d’accroître la coopération et de la compléter par des accords relatifs à des secteurs ou activités spécifiques ». De plus, il était envisageable d’améliorer l’accès au marché communautaire dont jouissent les pays membres de la Communauté andine au titre d’un régime préférentiel spécial, en rénovant les règlements fixant les modalités d’utilisation dudit système de préférences spéciales (SPG anti-drogue). Cela a été fait. Mais, pour de multiples raisons tenant à sa structure et à son contenu, le SPG plus présente de moins en moins d’attrait pour les pays andins et centraméricains. Bien qu’ils aient sollicité son renouvellement613, en attendant des accords d’association, les Etats membres de la CAN et du SICA sont conscients que le « SPG antidrogue » rénové n’offre ni garanties, ni sécurité juridique aux bénéficiaires, car, son octroi résulte d’une décision unilatérale de la Communauté européenne devenue l’Union. De surcroît, ce mécanisme spécial de préférences généralisées est un instrument en sursis : temporaire par nature – les préférences sont octroyées dans la mesure des besoins et graduellement retirées quand ces besoins sont estimés ne plus exister – il est devenu précaire depuis que l’Inde a attaqué en 2002 , le régime SPG anti-drogue pour incompatibilité avec le principe de la Nation la Plus Favorisée et non conformité avec la clause de l’OMC autorisant un traitement plus favorable. Remplacé depuis par un nouveau régime dit SPG plus compa- 611 Concernant le contenu des accords, voir Infra chapitre 2 intitulé : « Contenu et portée potentielle des nouveaux accords ». 612 Voir également la « Déclaration (unilatérale) de la Commission et du Conseil de l’Union européenne sur la clause concernant le retour et la réadmission des migrants illégaux » annexée aux deux accords de dialogue politique et de coopération. 613 Les pays latino-américains bénéficiaires du régime spécial anti-drogue ont reconduit en 2008 leur demande d’éligibilité au SPG plus dans le cadre du nouveau règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39. 256 tible avec les règles de l’OMC, il a en outre le désavantage de s’accompagner d’une conditionnalité normative drastique et de conditions non économiques614, reconduites voire augmentées dans le règlement triennal pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Pourtant, ces mécanismes ne pourraient pas amorcer un changement véritable, tout au plus en assureraient-ils un approfondissement dans la continuité. Aucune de ces options n’ont eu l’heur de satisfaire les attentes de la Communauté andine et des pays d’Amérique centrale, membres du SICA. Au lieu d’utiliser ces instruments, l’Union européenne et les représentants des gouvernements des pays d’Amérique Centrale et de la Communauté andine se sont déclarés favorables à la conclusion de nouveaux accords de dialogue politique et de coopération. Ces derniers ne détaillent pas les moyens financiers pour les rendre opérationnels615. En outre, ils réalisent un compromis entre d’une part, des accords cadres de coopération devenus obsolètes, et d’autre part, des accords d’association momentanément inaccessibles du fait de l’incapacité des partenaires à offrir des concessions réciproques à l’Union européenne. Si politiquement et juridiquement, les accords de dialogue politique et de coopération représentent un compromis apparemment acceptable pour les parties qui les ont signés, cependant, leur exécution nécessite de surmonter les difficultés d’entrée en vigueur propres à beaucoup d’accords mixtes. 614 Voir Supra Première partie, Titre II, chapitre second, Section I. 615 Dans les deux accords de dialogue politique et de coopération, respectivement à l’article 51 sur les « Ressources ». Le texte se borne à énoncer que « En vue de faciliter la réalisation des objectifs de coopération prévus par l’accord, les parties s’engagent à fournir les moyens adéquats à leur mise en œuvre, notamment les ressources financières, dans le cadre de leurs disponibilités et de leurs mécanismes respectifs. Á cet égard, elles adopteront, dans la mesure du possible, un programme pluriannuel et établiront des priorités (...) ». 257 SECTION II : LES DIFFICULTES D’ENTRÉE EN VIGUEUR ET DE MISE EN ŒUVRE DE CES ACCORDS MIXTES Les accords de dialogue politique et de coopération sont de nature mixte au sens où la participation de la Communauté à ces traités internationaux s’accompagne de celle des Etats membres. S’agissant de celui signé avec la CAN et ses Etats membres, il sied de parler d’accord de dialogue politique et de coopération doublement mixte : la CE et ses Etats membres ont pour cocontractants, la CAN et ses pays membres. Du côté européen, la mixité s’explique pour deux raisons principales. Tout d’abord, en matière de coopération au développement, les compétences sont partagées entre la Communauté européenne et les Etats membres. L’article 181 §1 du TCE pose le principe d’une répartition des compétences et d’une coopération entre la Communauté et ses Etats membres616 lorsque des accords sont prévus. Ensuite, certains domaines couverts par les accords de dialogue politique et de coopération excèdent la compétence de la CE. C’est le cas par exemple des dispositions relatives au dialogue politique qui – dans un contexte précédant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne – ont été introduites dans le cadre du deuxième pilier du TUE, grâce à la participation des Etats membres comme parties contractantes aux accords617. L’objectif recherché est que la Communauté et les Etats membres puissent s’engager simultanément sur l’ensemble des dispositions des accords, chacun dans leur domaine de compétences respectives618. 616 Dans le TFUE, la nouvelle rédaction de l’article 181 du TCE devenu l’article 211 dispose : « dans le cadre de leurs compétences respectives, l’Union et les Etats membres coopèrent avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes ». 617 Cet aspect, ainsi que les autres raisons de la mixité des accords étudiés, sont développés Infra au chapitre II consacré au contenu des accords de dialogue politique et de coopération. 618 « Dans le jargon communautaire, on parle traditionnellement de mixité ou d’"accord mixte ˝, "lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord ou d’une convention relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des Etats membres ˝». GARZÓN CLARIANA (G.), « La mixité : le droit et les problèmes pratiques », in BOURGEOIS (J.H.J), DEWOST (J.-L.), GAIFFE (M.-A.), La Communauté et les accords mixtes - quelles perspectives ? Actes d’une conférence de Bruges, Collège d’Europe Bruges, Presses Interuniversitaires Européennes, Bruxelles, 1997, pp. 15- 26. Cette citation reprend les termes de la délibération de la CJCE 1/78 en vertu de l’article 103 du traité CEEA, Rec., 1978, p. 2151, point 34. 258 Après avoir analysé les modalités générales d’entrée en vigueur de tout accord mixte (§1), il convient d’étudier le cas spécifique des accords de dialogue politique et de coopération, pour lesquels la méthode longue d’entrée en vigueur (§2) a été appliquée. §1 Les modalités générales d’entrée en vigueur et de mise en œuvre En règle générale, selon le doit international public et le droit communautaire, c’est l’accord qui détermine le moment de son entrée en vigueur. En l’absence de clause spécifique, il entre en vigueur le jour de la vérification ou de l’échange des instruments nécessaires. Du fait de la participation des Etats membres, l’accord mixte « se dédouble pour exister au niveau communautaire et au niveau national »619. La conséquence est que l’entrée en vigueur requiert des procédures nationales de ratification et la notification de tous les instruments s’y référant (A). En pratique, la ratification par vingt-sept Etats membres retarde d’autant la mise en application de l’accord. Au plan intra-communautaire, des moyens existent pour obvier les difficultés d’une procédure de conclusion complexe. Pour contourner cette difficulté, le Conseil peut choisir dans certains cas la mise en application provisoire de l’accord dès la signature ou tout autre palliatif du report de l’entrée en vigueur (B). A) La ratification et la notification Sous l’angle du droit communautaire, l’aspect procédural des accords mixtes, a d’abord été abordé à l’article 102 du Traité CEEA620. Il prévoit que : « Les accords et conventions conclus avec un Etat tiers, une organisation internationale (…) auxquels sont parties, outre la Communauté, un ou plusieurs Etats membres, ne peuvent entrer en vigueur qu’après notification à la Commission par tous les Etats membres intéressés que ces accords ou conventions sont devenus applicables conformément aux dispositions de leur droit interne respectif ». 619 BAILLIEZ (P.), « La procédure de conclusion des accords externes de la CE », disponible sur le site http://jurisfutur.free.fr/dossiers/accords_externes.htm 620 Traité instituant la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (CEEA) ou Euratom, article 102. Texte intégral du traité créant la CEEA sur le site http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11957K/tif/11957K.html ; DONY (M.), « Les accords-mixtes » in Commentaire Mégret, Le droit de la CE et de l’Union européenne, op. cit., pp. 167-199. 259 Le dépôt par les Etats membres des instruments de ratifications nationales doit avoir lieu concomitamment au dépôt, auprès des dépositaires désignés dans le texte d’un accord, des instruments d’acceptation de la Communauté pour l’entrée en vigueur d’un accord mixte. Dans le cas de l’accord de dialogue politique avec la Communauté Andine des Nations, le texte énonce clairement qu’il entrera en vigueur après l’accomplissement des procédures de ratification nationale prévue et la notification de l’accomplissement de ces procédures, auprès des dépositaires de l’accord qui sont respectivement le secrétariat général du Conseil de l’Union et le secrétariat général de la CAN621. Dans le cas de l’accord avec l’Amérique centrale, il n’est pas fait mention de la notification à une quelconque Institution ou Organe régional cocontractant et dépositaire, car ce sont les Etats centraméricains eux-mêmes (les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama) qui sont parties, à l’exclusion de l’organisation à laquelle ils appartiennent622. Cela est dû au fait que bien que le système d’Intégration Centraméricain (SICA) dispose en principe de la personnalité juridique selon l’article 29 du Traité de Tegucigalpa entré en vigueur le 23 juillet 1992, de la capacité juridique suivant l’article 30 dudit traité, ainsi que de la capacité à négocier et conclure des accords internationaux (article 31 au titre du Traité de Tegucigalpa), l’intégration y est peu développée. Le SICA se décline en plusieurs volets qui ne regroupent pas systématiquement l’ensemble des pays membres. Par exemple, l’intégration économique est permise par le Système d’Intégration Economique Centra Américain (SIECA) qui tend à créer à terme un marché commun, mais le Panama n’en est pas membre. Pour permettre la participation de ce dernier, c’est finalement un accord pluripartite « de dialogue politique et de coopération » qui a été signé avec la CE et ses Etats membres. On peut supposer, que le Conseil de l’Union, seul dépositaire mentionné, se chargera de notifier à chaque cocontractant les instruments 621 Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et les pays d’Amérique centrale, COM (2003) 675 final du 15.12.2003, article 54 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, d’autre part, COM (2003)695 final du 15.12.2003, article 54 alinéas 1, 2 : « 1. Le présent accord entre en vigueur le premier jour du mois suivant la date à laquelle les parties se sont notifié l’accomplissement des procédures nécessaires à cet effet. 2. La notification est adressée au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne et au secrétariat général de la Communauté andine dépositaires de l’accord ». Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, COM (2003)677 final du 15.12.2003, Article 54 al.1et 2. 622 Voir Article 53 de l’accord de dialogue politique et de coopération sur la définition des parties. 260 d’approbation de l’accord par la Communauté et ses Etats membres. L’article 54 se contente de dire : -«1. Le présent accord entre en vigueur le premier jour du mois suivant la date à laquelle les parties se sont notifié l'accomplissement des procédures nécessaires à cet effet. 2. La notification est adressée au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, dépositaire de l'accord ». Du côté européen, parce que les Etats membres de l’Union européenne participent dans leurs domaines de compétences propres, chaque Etat signataire doit accepter l’accord international, en appliquant ses propres règles constitutionnelles : c’est une expression du principe d’autonomie institutionnelle. Normalement, la procédure communautaire ne pourra s’achever que lorsque les procédures de ratification auront abouti. Il s’agit en effet « d’assurer une unité dans la conclusion de l’accord au sens international » et dans la représentation internationale de la Communauté623. Sur le plan juridique, la solution de principe qui impose le dépôt des ratifications des Etats membres, plus les instruments d’acceptation de la Communauté, est la plus sûre pour les tiers et la plus conforme à l’exercice de compétences partagées puisqu’elle assure que la Communauté et ses Etats membres sont solidairement engagés vis-àvis des autres parties . Pourtant, le corollaire d’un délai trop important induit par cette procédure est que la Communauté, devenue l’Union, peut se trouver affaiblie sur les plans diplomatique, politique ou commercial. Mais, des palliatifs existent pour remédier à cette gêne. B) Les palliatifs du report de l’entrée en vigueur Issus de la pratique, des moyens ont été trouvés pour pallier les inconvénients liés à la longueur des procédures de ratification nationale en usant tantôt de la possibilité d’application provisoire, tantôt de celle des accords intérimaires. Avant l’entrée en vigueur effective, le Conseil de l’Union peut accompagner la signature d’une décision d’application provisoire. La mise en application provisoire n’engage que la ou les partie(s) européenne(s) car il s’agit d’un acte unilatéral autonome non opposable 623 S’agissant d’un accord mixte, les Etats membres ont une « obligation de coopération étroite avec les institutions communautaires tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés ». Voir CJCE avis 2/91 du 19 mars 1993, Rec., p. I-1601, point 36.Voir aussi DONY (M.), « Les accords mixtes », in LOUIS (J.-V.), DONY (M.), Commentaire J. MEGRET- Le droit de la CE et de l’UE- Relations extérieures, op. cit, pp. 167-199, spéc., p. 185. 261 à l’autre partie. En l’espèce, elle concerne la CE et ses Etats membres. Elle signifie la volonté de cette dernière « de mettre en œuvre tout ou partie des dispositions d’un accord (…)»624. Aussi, la mise en application provisoire assure-t-elle l’exécution rapide mais partielle de l’accord, « (…) elle n’implique pas nécessairement le consentement [de la Communauté] à être liée »625. En droit de l’Union européenne, le consentement découle d’une décision de conclusion du Conseil de l’Union, laquelle intervient après signature626. En droit international, l’entrée en vigueur provisoire est prévue par l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. La mise en application provisoire offre l’opportunité d’une plus grande souplesse dans les relations extérieures de la Communauté627. C’est une pratique entérinée par le droit communautaire. Ainsi, l’article 300 §2 al.1 du TCE, devenu article 218 §5 du TFUE, dispose que « la signature [...] peut être accompagnée d’une décision d’application provisoire avant l’entrée en vigueur (...) ». Dans la rédaction du TFUE, il est dit que « Le Conseil, sur proposition du négociateur, adopte une décision autorisant la signature de l’accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l’entrée en vigueur ». La procédure intracommunautaire prévoit que, le Parlement européen est « immédiatement » et « pleinement informé » de la décision de mise en application provisoire de certaines dispositions628. Cette décision est en pratique, symptomatique de l’intérêt de la Communauté envers l’accord. Plus les enjeux sont importants, plus le Conseil aura tendance à user de cette méthode pour hâter l’application partielle de l’accord. Le consentement des cocontractants est généralement obtenu par échange de lettres. Ainsi, en Amérique latine à la fin des années 1990, l’accord-cadre interrégional de coopération entre la CE et le MERCOSUR a fait l’objet d’une décision d’application provisoire629. De même, certaines dispositions de l’accord d’association de 2002, entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et le Chili d’autre part, ont été provisoirement applicables dès sa signature630. L’accord préparatoire de 1996631 qui l’a précédé compor- 624 DE WALSCHE (A.), « La procédure de conclusion des accords internationaux », op. cit, spéc., p. 94. 625 Ibidem. 626 Voir dans le Traité sur le Fonctionnement de l’UE, article 218 §6. 627 BAILLIEZ (P.), « La procédure de conclusion des accords externes de la CE », op. cit., p. 20. 628 TFUE, article 218 §10. 629 Accord cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses Etats parties, d’autre part, l’application provisoire a été prévu par un échange de lettres entre les parties,voir, JOCE, n° L 69 du 19.03.1996, p. 2. 630 Voir Décision 2002/979/CE du Conseil du 18 novembre 2002 relative à la signature et à l’application provisoire de certaines dispositions d’un accord établissant une association entre la Communauté européenne et 262 tait déjà une telle décision. En raison des intérêts commerciaux en présence, les dispositions provisoirement applicables, étaient celles relatives au cadre institutionnel, au commerce des marchandises, au règlement des différends et à la transparence. En général, la décision d’application provisoire semble prise au cas par cas, souvent, en considération des intérêts en présence – notamment économiques et commerciaux –, de l’urgence, voire de l’intensité des liens instaurés632. Il y aurait également la possibilité de recourir à la conclusion d’un accord intérimaire. En pratique, selon les enjeux, la Communauté peut pour prévenir la lenteur de l’entrée en vigueur d’un accord A, conclure un autre accord A’ visant à mettre en œuvre les domaines de l’accord précédent qui relèvent exclusivement de la compétence communautaire. Ce dernier accord appelé « accord intérimaire » ne requiert pas l’intervention des Etats membres et peut donc entrer en vigueur plus rapidement du côté européen. Dans cette hypothèse, il est essentiel d’avoir le consentement des cocontractants. Une décision unilatérale ne suffirait pas. Par ailleurs, on peut se demander si la rédaction de l’ancien article 300 §2 al.1 du Traité CE (devenu article 218 du TFUE) ne tendrait pas à éviter, ou du moins à limiter la conclusion d’accord intérimaire. Ainsi, dès la rédaction du TCE issue de la version du Traité d’Amsterdam633, les rédacteurs introduisirent une référence explicite à la décision d’application provisoire, officialisant cette dernière dans la procédure de droit commun mais, omirent la seconde possibilité. De la même manière, l’article 218 du TFUE, résultant de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009, ne fait pas non plus mention de la possibilité de conclure des accords intérimaires. Malgré ce silence, au plan intracommunautaire, et d’un point de vue procédural, on peut supposer que lorsqu’un accord intérimaire est conclu, il relève des règles de droit commun de l’article 218 du TFUE. Par conséquent, l’accord intérimaire, en tant qu’accord distinct et autonome de l’accord principal, doit ses Etats membres, d’une part, et la république du Chili, d’autre part, JOCE, n° L 352 du 30 décembre 2002, pp.1-2. Voir aussi, article 198 §3 dudit accord. 631 Voir ancien Accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part,voir Echange de lettres relatif à l’entrée en vigueur provisoire de certaines dispositions de l’accord susmentionné, dès sa signature, JOCE, n° L 209 du 19.08.1996, p. 2. 632 Par exemple, dans le cas de l’APE UE-CARIFORUM, la décision d’application provisoire paraît motivée par l’expiration de la dérogation consentie par l’OMC au 31.12.2008. Voir la Décision du Conseil du 15.07.2008 relatif à la signature et l’application provisoire de l’Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part et la Communauté et ses Etats membres, d’autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 1. 633 Traité d’Amsterdam, JOCE, n ° C 340 du 10.11.1997, p. 1, entré en vigueur le 1er mai 1999. 263 nécessiter la consultation voire l’approbation du Parlement européen634, conformément aux dispositions de l’article 218 §6 lettres a) et b) du TFUE. Il semble cependant que, la Communauté ait eu recours à la conclusion d’accord intérimaire, de manière ciblée et limitée, concernant ses relations avec l’Amérique latine. Le cas s’est présenté notamment dans les relations Union européenne-Mexique. Le 8 décembre 1997, un accord « de partenariat économique, de concertation politique et de coopération », dit accord global, fut signé entre la Communauté européenne et ses Etats membres et le Mexique. Son entrée en vigueur date du 1er octobre 2000635. Mais, avant même de terminer le vaste processus de ratification de l’accord global, et afin de pouvoir commencer les négociations commerciales sur une zone de libre échange, et instaurer le Conseil conjoint d’association636, un accord intérimaire sur le commerce et les mesures d’accompagnement637 est entré en vigueur le 1er juillet 1998, ne requérant pas la ratification des Etats membres. Dans le cadre de l’accord intérimaire, plusieurs décisions purent être prises par le Conseil conjoint Union européenne-Mexique visant la mise en œuvre des aspects commerciaux de l’accord global 638. Au vu de la pratique, il apparaît donc que la Communauté réserve prioritairement cette option à 634 A la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009, si l’accord intérimaire est fondé (sur l’ancien article 133 du TCE devenu article 207 du TFUE relatif à la politique commerciale commune), le Parlement européen doit donner son avis, conformément à l’article 218 § 6 lettre a) point v, du TFUE, en liaison avec l’article 207 du TFUE. Voir en ce sens, MANGILLI (F.), op. cit., pp. 97-98. 635 Voir la Décision du Conseil 2000/658/CE du 28 septembre 2000 relative à la conclusion de l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis du Mexique, d’autre part, JOCE, n° L 276 du 28.10.2000, p. 44. Modifiée par la Décision du Conseil 2005/202/CE du 31 janvier 2005 relative à la conclusion d’un protocole additionnel à l’accord précité, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de dix pays d’Europe Centrale et Orientale, auxquels se sont ajoutées la Roumanie et la Bulgarie, JOUE, n° L 66 du 12.03.2005, pp. 22-23. 636 Organe paritaire décisionnel de l’accord « de partenariat économique, de concertation politique et de coopération » dont les décisions « sont contraignantes pour les parties » selon l’article 47 dudit accord. 637 Accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, d'une part, et les États-Unis mexicains, d'autre part - Acte final, JOCE, n° L 226 du 13. 8.1998, p. 24. 638 Voir par exemple, la décision du Conseil conjoint CE-Mexique 2/2000 du 23 mars 2000 et entrée en vigueur le 1er juillet 2000, JOCE, n° L 157 du 30.6.2000. Cette décision établit les modalités nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de l’accord intérimaire entre la Communauté européenne et le Mexique (modifiée depuis par la Décision 5/2004 du Conseil conjoint UE-Mexique du 15 décembre 2004, JOUE, n° L 66 du 12.3.2005). Cette décision prévoit que les deux parties se prêtent mutuellement assistance pour garantir que la législation douanière est correctement appliquée, notamment en vue de prévenir, rechercher et combattre les opérations contraires à la législation douanière. La décision 2/2000 est complétée par le règlement (CE) n° 1362/2000 du Conseil, du 29 juin 2000, mettant en œuvre pour la Communauté les dispositions tarifaires de la décision. Voir aussi, la décision du Conseil conjoint UE- Mexique 2/2001 établissant une zone de libre commerce avec le Mexique pour les biens, et les services avant l’entrée en vigueur de l’accord global, JOCE, n° L70 du 12.03.2001. 264 l’exécution des dispositions commerciales et institutionnelles des accords d’association639. L’accord intérimaire cesse d’exister aussitôt que l’accord principal entre en vigueur. Aussi, l’accord intérimaire sur le commerce avec les Etats-Unis du Mexique est arrivé à échéance le 1er octobre 2000. Ainsi, on constate la pluralité des moyens utilisables pour contourner au plan intracommunautaire, les difficultés d’une procédure de conclusion complexe. Sollicitant uniquement l’intervention des institutions communautaires, ces possibilités sont utilisées par la Communauté, dans la limite des matières relevant de sa compétence exclusive et en considération des intérêts en présence. Au plan international, l’assentiment de l’autre partie paraît nécessaire du moins dans l’hypothèse d’un accord intérimaire. Mais, contre toute attente, les accords de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine et les pays membres du SICA n’ont prévu ni l’application provisoire, ni la conclusion d’un accord intérimaire. §2 L’application de la procédure longue pour les accords de dialogue politique et de coopération Au lieu d’une mise en œuvre véloce de certaines dispositions des nouveaux accords, il a été choisi de recourir à la voie classique c'est-à-dire au processus de ratifications nationales sans aucun accélérateur d’application(A). Cette procédure qui peut être qualifiée de lente, est manifestement en contradiction avec les intérêts en jeu ; tant apparaît avec acuité dans cette zone géographique, une propension à la course aux accords de libre échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis640. Le choix de la méthode longue pour mettre en œuvre les deux accords de dialogue politique et de coopération, peut donc s’analyser comme un paradoxe au regard de la stratégie conventionnelle nord-américaine (B). 639 DONY (M.), « Les accords mixtes », op.cit., p. 186. 640 A propos de l’effet incitatif induit par les accords commerciaux conclus par les Etats-Unis, il est significatif que la signature par la CE et ses Etats membres, des accords de dialogue politique et de coopération (décembre 2003), coïncide en premier lieu, avec la ratification depuis le 17 décembre 2003 d’un accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’Amérique centrale (ALEAC) incluant la République dominicaine ou Central American Free Trade Agreement and Dominica Republica (CAFTA ou CAFTA-DR); et en second lieu, avec l’annonce par le représentant américain au commerce, M. Robert ZOELLICK d’un projet similaire avec les pays de la Communauté andine. Voir US Inside Trade - http://www.insidetrade.com, [consultation décembre 2005]. 265 A) Une utilisation du processus des ratifications nationales Induit de jure par la mixité des accords, le processus de ratifications nationales peut oblitérer l’entrée en vigueur notamment des accords de dialogue politique et de coopération. Le choix du recours à cette méthode contraste avec celle utilisée pour l’accord-cadre interrégional de 1995 avec le MERCOSUR qui prépare une association interrégionale. Par ailleurs, il détonne comparer à la pratique ci-avant relevée, envers l’Amérique latine641. Concernant, les implications potentiellement négatives de ce choix, en principe, du côté européen, ni la Communauté, ni les Etats membres n’ont de bénéfice à retarder ou à gêner l’entrée en vigueur et donc la mise en œuvre d’accords qu’ils ont eux-mêmes souhaités. Pour autant, parmi les Etats membres de l’Union européenne, tous ne tirent pas profit des accords avec les Etats membres des organisations régionales d’Amérique centrale et andine. C’est le cas par exemple, des Etats d’Europe Centrale et Orientale (PECO). Il n’est pas aisé de déterminer leurs bénéfices à ces accords qui par ailleurs ne concernent pas directement le commerce. A l’inverse, les pays membres de l’Union européenne qui se sont investis dès les années 1980 en faveur de la stabilisation politique de ces régions et pour faire avancer les relations entre la Communauté européenne et l’Amérique centrale et andine telle la France, et/ou qui ont des liens historiques comme le royaume d’Espagne, ne peuvent qu’appuyer le renforcement des liens entre l’Union européenne et l’Amérique centrale et andine. En pratique, le refus d’un seul pays peut entraîner l’impossibilité pour les accords d’entrer en vigueur642. Mais, l’obligation de coopération loyale643 qui s’impose aux Etats membres, tant dans le processus de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés, tempère les risques d’un éventuel blocage de la conclusion des accords. Ils sont censés entrer en vigueur dans un délai raisonnable, non défini. Il reste à considérer l’hypothèse de la non-ratification par un Etat membre d’une organisation régionale cocontractante, partie à l’accord. En effet, la Communauté andine est 641 Voir Infra, §1, B « Les palliatifs du report de l’entrée en vigueur ». 642 FLAESCH-MOUGIN (C.), « La procédure de conclusion des accords d’association », in TCHAKALOFF (M.-F.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : Essai de clarification, Bruxelles, Bruylant, 1999, op. cit., spéc., p. 221 ; DONY (M.), « Les accords mixtes », op.cit., spéc., p. 187 : « l’éventuelle non-ratification par un ou plusieurs Etats membres des dispositions de l’accord relevant de leurs compétences empêche l’entrée en vigueur de l’accord dans sa totalité, y compris pour les dispositions qui relèvent de la compétence communautaire ». 643 Les principes de « coopération sincère » et « de loyauté » dans le cadre des relations extérieures de l’Union européenne sont repris à l’article 4 §3 du TUE révisé par le traité de Lisbonne. De même, dans le contexte de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC), l’article 24 §3 du TUE révisé encourage « l’esprit de loyauté et de solidarité mutuelle » entre la CE devenue l’Union, et ses Etats membres. 266 partie à l’accord de dialogue politique et de coopération, aux côtés de ses Etats membres. Les conséquences de la mixité en termes de procédure de conclusion de l’accord sont les mêmes. Il est bien entendu que le Venezuela ne ratifiera pas cet accord dans la mesure où il a quitté la Communauté andine en 2006. Avec l’Amérique centrale, la difficulté est moindre puisque seuls les Etats participent, à l’exclusion de l’organisation régionale à laquelle ils appartiennent. En réalité, concernant le processus de ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama644, la France a obtenu l’autorisation du Parlement national en 2007645. Ce pays membre de l’Union a donc pu procéder, dès cette date, au dépôt de l’instrument de ratification par le chef de l’Etat auprès du dépositaire. Mais, la France a été devancée car au sein de l’Union européenne, les processus de ratification ont été accomplis dans la plupart des Etats membres, à l’exception de la Belgique, de l’Allemagne, et de la Grèce646. Parmi les Etats d’Amérique centrale, le Nicaragua, le Honduras et le Salvador avaient ratifié l’accord 647. A l’orée 2011, la Grèce et le Costa Rica n’avaient pas ratifié l’accord648. Concernant l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou), la France a également procédé au dépôt de l’instrument de ratification peu après qu’une loi l’y autorise au 1er août 2007649. Du côté andin, la décision 595 du Conseil andin des ministres des relations extérieures650 qui est un acte juridique obli- 644 COM (2003)677 final du 15 décembre 2003. 645 Loi n° 2007-1157 du 1er août 2007, autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, JORF, n° 177 du 2.08.2007, p. 12986. 646 GUERRY (M.), Rapport législatif fait au nom de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport du Sénat français, n°166, janvier 2007, session ordinaire de 2006-2007, relatif au projet de loi concernant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, 15 p. 647 GUERRY (M.), Rapport législatif, document précité. 648 http://www.consilium.europa.eu/App/accords/Default.aspx?command=details&id=297&lang=FR&aid=20031 27&doclang=EN [consulté 20 février 2011] 649 Loi autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela), d’autre part, Loi n° 2007-1159 du 1er août 2007, JORF, n° 177 du 2.08.2007, p.12987. 650 Voir sur le site http://intranet.comunidadandina.org/IDocumentos/c_Newdocs.asp?GruDoc=07 267 gatoire, avait approuvé dès le 11 juillet 2004, la signature d’un accord de dialogue politique et de coopération UE/CAN au nom de la Communauté andine et de ses Etats membres. Pour autant, à la date de février 2011, la Colombie et la Communauté andine n’avaient pas ratifié l’accord651. Du côté européen, en ratifiant les uns après les autres ces accords, les Etats membres de l’Union manifestent en définitive, à la fois leur volonté à être liés mais également leur intérêt à la consolidation de la position économique de l’Union européenne en Amérique centrale et andine, face à la stratégie conventionnelle des Etats-Unis. B) Un paradoxe au regard de la stratégie conventionnelle nord-américaine La multiplication des accords externes négociés sur une base régionale ou bilatérale est au cœur de la stratégie conventionnelle de l’Union européenne comme de celle des EtatsUnis. Il se tisse autour des Etats-Unis un réseau d’alliances de plus en plus dense. En effet, confronté à l’enlisement des négociations pour une ZLEA652, les Etats-Unis ont modifié leur stratégie conventionnelle en Amérique latine (1). Il y a tout lieu de penser que la CE, ses Etats membres et les parties aux accords de dialogue politique et de coopération, feront diligence pour les mettre en œuvre, avant que soit réactivée, sous une forme différente, l’ambition des Etats-Unis de transformer les deux Amériques en une vaste zone de libre échange de l’Alaska à la Terre de feu. L’implication diplomatique et juridique principale pour l’Union européenne est qu’elle doit élaborer son propre calendrier de négociations d’accords de libre échange (2). 1- L’évolution de la stratégie américaine de négociations L’enlisement de la ZLEA n’empêche pas que les négociations se poursuivent autrement. Les Etats-Unis expérimentent une stratégie conventionnelle de conclusion d’accords de libre échange, sur une base sous-régionale et bilatérale avec des pays ou groupements régionaux dans les Amériques. La formule initiale de négociations privilégiait l’approche hémisphérique ou « pan continentale» dans le cadre de négociations conduites grâce à des comités 651 652 http://www.consilium.europa.eu/App/accords/Default.aspx?command=details&id=297&lang=fr&aid=200312 7&doclang=EN [Consulté le 20 février 2011] DORVAL (B.), « La Zone de Libre-Echange des Amériques : autopsie d’un échec », Chronique des Amériques, Observatoire des Amériques, décembre 2004, n° 42, 11 p. 268 de suivi et des groupes de négociations. Les accords de libre échange conclus – cas de l’Amérique centrale (CAFTA-DR) 653– ou en négociation – cas des pays membres de la Communauté andine654 (Andean-Free Trade Agreement) – illustrent la nouvelle approche américaine dite de « ZLEA-à-la-carte » ou Free Trade American Agreement-light. C’est un accommodement pour faire avancer leur agenda commercial. L’approche de négociations «à la carte » présente au moins deux avantages pour les Etats-Unis. Premièrement, la méthode a le mérite d’établir des arrangements préférentiels réciproques de grande portée – que ceux-ci soient négociés bilatéralement655 ou avec les organisations régionales latino-américaines. En effet, au moyen de ces accords, les Etats-Unis pourraient parvenir à harmoniser progressivement les règles notamment en matière de droit applicable aux investissements656. Ils se révèleraient ainsi capables, à terme, d’obtenir graduellement les concessions désirées à l’échelle continentale657. Dans l’hypothèse où l’accord est conclu avec un pays phare comme le Chili658, il devient par la suite plus facile d’accéder aux marchés des pays ayant conclu des accords préférentiels avec ce dernier. Cela s’apparente à l’effet de domino dans les relations internationales. Deuxièmement, la stratégie conventionnelle américaine permet d’intégrer dans les accords tous les aspects commerciaux ou liés au commerce qui avaient été rejetés par le Bré- 653 The Central American Free Trade Agreement and Dominica Republic (CAFTA-DR) ou ALEAC selon son sigle français, implique également la République dominicaine. 654 Seuls l’Equateur, la Colombie et le Pérou participent aux négociations pour l’Accord de libre échange avec les Etats-Unis (Andean Free Trade Agreement) soit trois membres de la CAN sur les cinq. Cependant, l’Equateur s’est définitivement retiré des négociations pour un accord de libre échange, en mai 2006. 655 Par exemple suivant la stratégie de « ZLEA-à-la-carte », un Accord de libre échange a été signé le 3.09. 2003 entre les Etats-Unis et le Chili (US-CFTA), avant l’Accord de libre échange avec l’Amérique Centrale. Il est entré en vigueur le 1.01.2004. Le texte de l’accord peut être consulté en ligne sur le site officiel du commerce extérieur des Etats-Unis : http://www.ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/chile-fta. 656 Les accords de libre échange entre les Etats-Unis et le Chili (Chapitre 10) ; et entre les Etats -Unis et les pays d’Amérique centrale (également Chapitre 10), prévoient tous deux en matière d’investissement : une définition assez large de l’investissement, des règles de protection des investisseurs, la garantie du traitement national, la liberté de transfert des bénéfices. S’agissant de règlement des différends relatifs aux investissements et s’inspirant de ce que préconise l’ALENA, les accords prévoient un recours à l’arbitrage dans le cadre des règles du Centre International de Règlements des Différends relatifs à l’investissement (CIRDI) ou de la Commission des Nations -Unies de Droit Commercial International (CNUDCI). Ainsi le contenu matériel des accords traduit une nette tendance à la libéralisation et à l’harmonisation des règles en matière d’investissement. 657 DEBLOCK (C.), CADET (G.), « La politique commerciale des Etats-Unis et le régionalisme dans les Amériques », Cahier de recherche du GRIC, Montréal, Vol.1, n°7, août 2001, 43 p. 658 Sur les relations Etats-Unis/Chili, voir SOLERVICENS (V.-M.), « Impactos del tratado de libre comercio entre Chile y Estados Unidos », Chronique des Amériques, n° 5, juillet 2003, 9 p. Voir aussi, Document du Secrétariat Général de la Communauté andine, « Análisis del Tratado de Libre Comercio Chile-Estados Unidos », SG/dt 221, 19 .06. 2003 : http://www.comunidadandina.org/documentos.asp 269 sil659 au cours des négociations pour une zone de libre échange des Amériques660. Les questions relatives à l’élimination des subventions agricoles et des mesures antidumping ainsi que la protection des investissements étrangers et l’accès aux marchés publics peuvent à nouveau être abordées dans le cadre des négociations d’accords bilatéraux ou régionaux. Ainsi par exemple, le contenu de l’accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’Amérique centrale (ALEAC) concerne notamment ces matières661. Les négociations de l’Accord de libre échange des Etats-Unis avec l’Amérique Centrale (ALEAC) ont débuté le 27 janvier 2003 à San José, au Costa-Rica et se sont achevées à Washington le 16 décembre 2003. L’ALEAC a été signé le 5 août 2004 en dépit des contestations dont il a pu faire l’objet662. Son objectif est de créer une zone de libre échange entre les parties. Il est en vigueur depuis le 1er mars 2006. Quant à ses objectifs, l’ALEAC est censé garantir la stabilité régionale, la démocratie et le développement économique tout en assurant la libéralisation des échanges entre les parties663. Il prévoit que 80% des échanges doivent être libéralisés immédiatement – avec néanmoins un traitement spécial pour certains produits agricoles sensibles (viande de porc, maïs blanc, maïs jaune, riz, lait...) – tandis que les tarifs douaniers qui demeurent en vigueur, seront abaissés graduellement pendant une période de dix ans664 . L’ouverture consentie par les pays centraméricains est presque totale dans le secteur des services nonobstant une liste d’exclusions demandée par chaque pays d’Amérique 659 Sur les dissensions dans les négociations hémisphériques entre les Etats-Unis et le Brésil, voir TURCOTTE (S.- F.) DEBLOCK (C.), « Les négociations hémisphériques : un face à face Brésil- Etats-Unis », Chronique des Amériques, n° 03-17, 31 octobre 2003,5 p. 660 DUGAS (S.), « Un accord de libre échange est conclu entre quatre pays d’Amérique centrale et les EtatsUnis, excluant le Costa-Rica », Chronique des Amériques, n° 2, janvier 2004, 7 p., spéc. p.4. 661 L’Accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’Amérique centrale (ALEAC) ratifié le 17 décembre 2004 et entré en vigueur depuis le 1er mars 2006 prévoit des clauses relatives : - à l’élimination des subventions agricoles (Article 3.14) ; - à la protection des investissements étrangers (tout le Chapitre 10 y est consacré). Par exemple, l’Article 10.5 fixe un « niveau minimum de traitement » des investissements étrangers et s’accompagne de l’Annexe 10 B relatif à la « résolution des conflits et modalités d’arbitrage en cas de controverse relatives à un investissement ». L’Article 10.6 §2 prévoit en cas de réquisition ou de destruction de l’investissement étranger, la restitution ou l’indemnisation par l’Etat ; - aux marchés publics (Chapitre 9, Articles 9.1 à 9.17, et Annexe 9.1). Le texte intégral de l’Accord est disponible sur le site officiel du Ministère de l’Economie d’El Salvador : http://www.cafta.gob.sv/ 662 DUGAS (S.) « L’Accord de Libre échange entre l’Amérique Centrale, la République dominicaine et les Etats-Unis suscite l’inquiétude », Chronique des Amériques, n° 13, avril 2005, 6 p. 663 Préambule de l’Accord de Libre échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC) Le texte intégral de l’accord est disponible sur le site du représentant américain du commerce extérieur : http://www.ustr.gov/tradeagreements/free-trade-agreements/cafta-dr-dominican-republic-central-america-fta. 664 Accord de libre échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC), Chapitre 3 relatif au « Traitement national et Accès des Marchandises au Marché », Article 3.3 B concernant les réductions tarifaires. 270 centrale. Les investisseurs bénéficient d’une pleine protection touchant toutes les formes d’investissement665. En cas d’expropriation, l’accord prévoit un droit de compensation pour les investisseurs à la valeur du marché666. L’on peut remarquer que des dispositions similaires existent au chapitre 11 de l’Accord de Libre-échange Nord Américain (ALENA)667. La ressemblance concerne l’introduction dans les deux accords de clauses relatives au droit des investisseurs rédigées en des termes assez proches. En outre, l’ALEAC introduit deux clauses, l’une sur le respect des droits des travailleurs668, l’autre sur l’environnement669. L’accord met aussi en place un dispositif de règlement des différends670. Les Etats-Unis ont également entrepris des pourparlers pour un accord de libre échange pluripartite dénommé (Andean Free Trade Agreement - AFTA) avec les trois pays andins membres de la Communauté andine (Colombie, Equateur, Pérou). Tous ont été par ailleurs bénéficiaires du régime préférentiel (Andean Trade Preferential Agreement ATPA)671 , SPG spécial octroyé par les Etats-Unis au titre de la lutte contre la drogue, au début des années 1990. Cependant, des désaccords dans les négociations ont conduit finalement à signer deux accords bilatéraux de libre échange, l’un avec le Pérou672, l’autre avec la Colombie673. L’Equateur s’est retiré des négociations en mai 2006 après avoir annulé un contrat avec l’Occidental Petroleum. Les accords de libre échange conclus par les Etats-Unis instaurent « une concurrence dans la libéralisation des échanges », pour reprendre une formule utilisée par le Représentant 665 Accord précité, Chapitre 10, articles 10.1 à 10.14. 666 Accord de libre échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC), article 10.6.2. Les articles 10.7.2 à 10.7.4 fixent les modalités de l’indemnisation en cas d’expropriation. 667 Accord créant une Zone de libre échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Site officiel : http://www.ftaa-alca.org 668 Accord de libre échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC), Chapitre 16, Articles 16.1 à 16.5. L’article 16.5 instaure un « Mécanisme de coopération en matière de travail et de développement des capacités ». 669 Accord de libre échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC), en son Chapitre 17. 670 Accord précité, Chapitre 20. 671 L’ATPA a été remplacé depuis par l’Accord commercial préférentiel d’éradication de la drogue (Andean Trade Preferential Drug Eradication Act - ATPDEA). Ce dernier créé en novembre 2002 pour une durée de quatre ans, est arrivé à échéance en décembre 2006. Voir CALERO (J.-P.), « Les accords commerciaux entre les pays andins et les Etats-Unis : de la guerre contre la drogue à la libéralisation des marchés », Chronique des Amériques, n° 17, 16 mai 2005, 9 p. 672 L’Accord bilatéral de libre échange entre les Etats-Unis et le Pérou dénommé « Accord de Promotion du Commerce du Pérou » ou (Peru Trade Promotion Agreement) a été signé le 12.04.2006 et est entré en vigueur le 1.02.2009. Le texte de l’accord est disponible sur le site http://www.ustr.gov/tradeagreements/free-trade-agreements/peru-tpa 673 L’Accord bilatéral de libre échange entre les Etats-Unis et la Colombie a été signé le 22.11.2006.Voir http://www.ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/colombia-fta 271 au commerce M. Robert ZOELLICK674. Ils devraient inciter l’Union européenne à élaborer une stratégie commerciale plus offensive, passant dans un premier temps par la ratification et une prompte mise en œuvre des accords de « dialogue politique et de coopération » avec l’Amérique centrale et andine. 2- Les conséquences pour l’Union européenne Face aux stratégies de négociations commerciales concurrentes675, l’Union européenne tente d’élaborer une offensive pour conserver sa place d’acteur global dans les relations extérieures et son rôle de premier investisseur étranger en Amérique latine. L’enjeu est de prévenir l’apparition de blocs régionaux dont les investisseurs et entrepreneurs européens seraient exclus au profit de concurrents bénéficiant d’accès préférentiels par voie conventionnelle comme ce fut le cas avec le Mexique après la conclusion de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA). Pour ce faire, il semble souhaitable d’établir un calendrier de négociations par étapes, menant vers des accords de libre échange tenant compte du niveau de développement des cocontractants676. En effet, bien que son réseau d’alliances extérieures lui offre une position économique relativement forte, maintenir en l’état le régime des accords cadres antérieurs avec les contractants latino-américains lui serait préjudiciable. La réforme du cadre conventionnel entreprise vise à conduire les pays – émergents ou non – et les organisations régionales en Amérique latine, à conclure des accords d’association fondés sur le libre échange et la réciprocité des concessions. La stratégie de négociations européenne combine l’approche bilatérale et régionale, de manière complémentaire à l’approche de l’OMC. Elle s’inspire de la logique suivant laquelle, il est possible de rechercher l’ouverture des marchés au niveau bilatéral et régional 674 ZOELLICK ( R.) – US Trade Representative, Speech on “Statement before the Sub-Committee on Trade, Committee on Ways and Means, US House of representatives”, 8 mai 2001. En ligne sur : http://www.ustr.gov/ 675 COCHET (P.), Rapport législatif de l’Assemblée nationale française, fait au nom de la Commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant la ratification des accords de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine et l’Amérique centrale , n° 99 , 20 p., spéc.,p. 13 : « Bien que l’Europe soit le premier investisseur étranger en Amérique latine, les Etats-Unis et l’Asie – notamment la Chine, qui investit massivement dans les infrastructures – y jouent un rôle croissant. La visibilité de l’Union européenne en Amérique latine demeure trop faible, et vice-versa ». 676 Voir Discours de Peter MANDELSON, Commissaire européen au commerce, « Europe’s Global Trading Challenge and the Future of Free Trade Agreements », prononcé au Foreign Policy Centre Debate, Brighton, United Kingdom, 26.09.2005.Voir http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2005/september/tradoc_124783.pdf 272 tout en poursuivant la libéralisation du commerce par la voie multilatérale. L’objectif est de s’appuyer sur les accords ainsi conclus pour faire avancer les négociations au niveau de l’OMC. M. Peter MANDELSON, alors commissaire européen au commerce, résumait bien cette démarche soulignant l’intérêt des accords régionaux et l’utilité lato sensu de leur mise en œuvre pour l’Union européenne. Après avoir reconnu que l’abaissement des tarifs douaniers et la suppression des obstacles non tarifaires devaient être recherchés pour améliorer l’accès aux marchés mondiaux pour les fournisseurs de services et les exportateurs de biens de services européens x. Il affirme que « des accords régionaux ainsi que l’approche multilatérale de l’OMC, peuvent fournir des moyens différents et complémentaires pour la réalisation de buts semblables, à savoir : des améliorations progressives des conditions du commerce (mondial), basées sur des règles claires et justes, la promotion de la croissance, de l’emploi et du développement durable pour tous les pays impliqués ». Ces accords régionaux en s’appuyant sur les règles de l’OMC sont susceptibles d’«aller plus vite et plus loin dans la promotion de l’ouverture et de l’intégration, au-delà de ce qu’il est parfois possible au niveau multilatéral. Et il y a un net inconvénient à rester en retrait pendant que d’autres récoltent les marchés »xx. Selon M. MANDELSON, la stratégie préconisée consiste donc à « suivre rigoureusement notre agenda actuel concernant les négociations d’accords de libre échange avec un certain nombre de groupements régionaux, tels que le MERCOSUR et le Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Nous continuerons d’examiner la possibilité d’accords de libre échange avec l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), la Communauté andine et le Système d’Intégration Centre-Américain. Et une fois qu’ils seront dans l’OMC, nous approfondirons nos relations avec la Russie et l’Ukraine » xxx677. 677 Discours de Peter MANDELSON, « Europe’s Global Trading Challenge and the Future of Free Trade Agreements », précité, spec., p. 3, traduit de l’anglais par l’auteur : (x) « What is crucial for Europe is progress in lowering tariffs elsewhere in the world and improving market access for European providers of services. (…) My challenge as trade Commissioner is to improve market access for European exporters of goods and services. Tariffs are still a huge problem for us in some markets, especially in the advanced developping countries. But non-tariff barriers are the problem of the future” (xx)“Agreements and the multilateral WTO approach can offer different and mutually supportive means to achieve similar goals: progressive improvements of trading conditions, based on clear and fair rules, to promote growth, employment and sustainable development for all countries involved. They can build upon WTO rules and its framework by going further and faster in promoting openness and integration than is sometimes possible at the multilateral level. And there is a clear downside to standing on the sidelines while others scoop the markets. (xxx) So we will continue to pursue vigorously our current agenda of FTA negotiations with a number of regional groups, such as Mercosur and the Gulf Co-operation council (GCC). We will pursue the possibility of FTAs with ASEAN, the Andeans, and the Central Americans. And once they are in the WTO, we will deepen our relationships with Russia and the Ukraine ». 273 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER Les accords signés dans les années 1990 ont été critiqués par les bénéficiaires, Etats membres de la CAN et du SICA. Ainsi, des rapports – dont certains commandités par le Secrétariat Général de la Communauté andine (SG-CAN)678 – ont estimé que ces accords dits de troisième génération ne répondaient plus à leurs besoins, n’étaient plus en phase avec les réalités économiques et ne tenaient pas compte des évolutions de leur processus d’intégration économique. La logique des relations renforcées avec l’Union européenne semblait supposer de nouveaux accords. La décision de la Communauté européenne de négocier et signer de nouveaux « accords de dialogue politique et de coopération » avec les pays membres de la CAN et du SICA, semble aller dans le sens de l’évolution souhaitée. Ces nouveaux accords laissent miroiter la possibilité d’une évolution vers un régime d’association679. Mais ce ne sont pas encore des accords de quatrième génération, au sens d’accords d’association conclus sur la base de l’article 310 du TCE devenu article 217 du TFUE, et prévoyant l’instauration de zones de libre-échange interrégionales. D’une part, les accords ici étudiés répondent peu ou prou à la demande des cosignataires membres de la Communauté andine et du Système d’Intégration Centraméricain désireux à la fois de renforcer et diversifier leur réseau d’accords externes et de pérenniser les concessions préférentielles dont ils bénéficient au titre du SPG plus pour un accès au marché de la Communauté européenne. D’autre part, l’évolution du cadre conventionnel euro-latinoaméricain répond à la volonté de l’Union européenne (CE et Etats membres) de contrebalancer l’influence du modèle conventionnel nord-américain. En effet, la stratégie internationale des Etats-Unis a changé. Elle s’oriente davantage vers la négociation d’accords bilatéraux de libre échange avec les pays ou les principaux groupements économiques d’Amérique latine 678 LEONCINI (G.), analista peruano en tema de relaciones internacionales, « CAN- UE: hacia un acuerdo de asocialción? La evolución, el estado actual y las perspectivas de las relaciones de la Comunidad Andina con la Unión Europea », Marzo 2002, 9 p. Sur le site http://www.comunidadandina.org/documentos/actas/dec151-03.htm. VILCHEZ (P.), « Los acuerdos de asociación: un reto comùn por la Unión europea y la Comunidad andina », CELARE (ed.), 4 -8 octubre 2004. En ligne: http://www.comunidadandina.org. 679 De fait, des négociations en vue d’un accord d’association et de libre échange entre l’UE et la Communauté andine, et entre l’UE et l’Amérique centrale ont été lancées à l’occasion du troisième Sommet Union européenne-Amérique latine-Caraïbes en mai 2006 à Vienne (Autriche).Bulletin UE, 5/2004, point 1.6.86. 274 plutôt que vers la poursuite du projet global de Zone de Libre échange des Amériques (ZLEA). Cela rend nécessaire pour l’Union européenne, la rénovation de ses relations avec la CAN et le SICA jusqu’alors maintenus dans le cadre des accords de coopération de troisième génération. Certains parlent alors de « politique communautaire réactive »680. Le sursaut européen, caractérisé par la négociation d’accords d’association dits de quatrième génération, ne devra pas être trop tardif .Ce n’est pas la première fois que la CE se retrouve dans une configuration où les Etats-Unis l’ont précédée dans les négociations. Ce fut le cas dans les années 1990 pour le MERCOSUR : un accord MERCOSUR-Etats-Unis du 19 juin 1991, plus connu sous le nom de « Rose Garden Agreement » et relatif à la création d’un Conseil sur le commerce et les investissements, avait précédé la signature de l’accord UE-MERCOSUR de 1992. Cela s’est reproduit dans les négociations avec le Mexique où la décision européenne de conclure un accord de libre échange avec le Mexique n’intervint qu’après la signature de l’Accord de Libre Echange des Amériques (ALENA). En s’opposant à la négociation immédiate des accords d’association, la Commission et le Conseil ont perdu ainsi « une excellente occasion de réaliser un véritable saut qualitatif dans l'association stratégique bi-régionale, en refusant de s'engager résolument dans la négociation d'un Accord d'association avec l'Amérique centrale, même s'il a laissé la voie ouverte pour son éventuelle mise en œuvre dans le futur. Cette parenthèse a amené les pays de la région à polariser leur intérêt sur la création d'une zone de libre échange Etats-Unis - Amérique centrale (CAFTA), dans le contexte plus large de l'intensification des tentatives visant à constituer ladite zone de libre échange des Amériques (ALCA), avec les conséquences que cela comporte pour les intérêts de l'Union, à tous les niveaux » 681. Certes, la réforme du cadre conventionnel s’inscrit également dans la perspective plus large du « partenariat stratégique » et de la quête du développement durable, mais ces objectifs apparaissent complémentaires voire accessoires, par rapport à l’urgence d’une refonte des instruments conventionnels face à la concurrence internationale. 680 Instituto Complutense de Estudios Internacionales, « Etudes sur les relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine - Nouvelles stratégies et Perspectives », Madrid : Universidad complutense de Madrid, 29 juillet 2005, 96 p. Sur le site http://www.europa.eu.int/comm/europeaid/evaluation/reports/ . 681 Voir Rapport du Parlement européen A50120/2004 du 26.02.2004, sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part - Commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, 21 p., spéc. pp. 7-8. 275 La mise en œuvre des accords de dialogue politique et de coopération devrait représenter une étape pour l’avenir des relations euro-latino-américaines. Au regard des enjeux, il est important de chercher à déterminer la portée réelle de ces accords. 276 CHAPITRE SECOND : L’APPORT DE CES ACCORDS Chacun des accords de dialogue politique et de coopération signés par la CE et ses Etats membres, avec la Communauté andine et les pays centraméricains, affirme respectivement l’objectif, de « renforcer leurs relations dans tous les domaines couverts par le présent accord, par le développement du dialogue politique et l’intensification de la coopération »682. Cet aspect n’apparaît pas d’emblée comme le plus novateur et intéressant. On se souvient en effet, que les accords cadres antérieurs respectivement conclus en 1998 pour l’accord cadre de coopération CEE-Communauté andine, et en 1999 pour l’accord-cadre CEE-Républiques centraméricaines, affichaient l’ambition similaire de consolider, approfondir, diversifier les relations entre les parties, grâce au renforcement de la coopération et en affirmant le fondement démocratique comme « élément essentiel » des relations683. En outre, dans la mesure où, les accords précédents, également conclus sur une base régionale, comprenaient déjà une large coopération multisectorielle assortie d’une clause évolutive permettant aux parties d’étendre leur coopération au gré de leurs besoins, il est opportun de se demander quelle valeur ajoutée apportent les accords de dialogue politique et de coopération. L’analyse de leur contenu 682 Accords de dialogue politique et de coopération euro andins et euro-centraméricains signés en 2003, article 2 alinéa 1 respectif, consacré aux « objectifs et champ d’application ». 683 Voir BALMOND (L.), BOURRINET (J.), TORRELLI (M.), Les relations extérieures de la Communauté économique européenne, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1995, 127 p. ; FLAMAND-LEVY (B.), « Essai de typologie des accords externes de la Communauté », op. cit., spéc. , p. 35 ; Pour une analyse détaillée des accords de troisième génération en Amérique latine, voir DION-BOURIN, Les relations de la CE avec l’Amérique Latine, Thèse université de Rennes, 1996, op. cit. ; FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la CEE avec les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Asie (P.V.D.A.L.A.) », Juris-classeur Europe, fascicule 2230, 1992, op. cit., spéc.,p. 5. Dans chacun des deux accords cadres antérieurs de coopération, d’une part, entre la CE et l’accord de Carthagène (devenu Communauté andine) et ses pays membres [JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 10] , et d’autre part, entre la CE et les Républiques du Costa Rica , d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, et du Panama [JOCE, n° L 63 du 22.02.1999, p. 38], l’article 1er concerne le « Fondement démocratique de la coopération » et l’article 2 porte sur le « Renforcement de la coopération ». Signalons aussi que la coopération multisectorielle est établie dans tous les domaines d’intérêt commun ; la présence de la clause démocratique subordonne la coopération au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques. Enfin, l’existence d’une clause évolutive fait partie des traits distinctifs des accords cadres dits de troisième génération. 277 amène des éléments de réponse : malgré une certaine continuité matérielle684 voire formelle685 avec leurs prédécesseurs, les accords de dialogue politique et de coopération révèlent de réelles avancées par rapport aux précédents (SECTION I). Mais la caractéristique qui distingue radicalement les accords de 2003, est sans doute qu’ils comportent en leur sein la perspective d’atteindre à terme des associations interrégionales. Selon leurs articles 2 §3 et 13 respectifs, ils ont vocation à préparer le passage au régime d’association, au moyen de dispositions propres à créer les conditions économiques, politiques et juridiques de la transition vers ce type de lien privilégié686. Par conséquent, leur finalité va bien au-delà des accords précédents. Les accords d’association futurs comporteraient probablement une triple dimension : celles du dialogue politique, de la coopération et de la libéralisation du commerce687. Or, bien que réputés préparatoires, les accords de dialogue politique et de coopération ne contiennent pas de volet commercial688 : la question des échanges commerciaux ne sera traitée qu’au moment des négociations relatives à des accords d’association. Cela détonne par rapport à l’accord préparatoire au libre échange conclu par exemple avec les pays caribéens689. En outre, l’ouverture des négociations en vue d’accords d’association – probablement motivée par la crainte de « l’extension du système règlementaire 684 La continuité matérielle résulte de ce que les domaines antérieurs de la coopération multisectorielle sont maintenus dans les accords de dialogue politique et de coopération. Ainsi, on retrouve la coopération économique, industrielle, la coopération scientifique et technologique, celle en matière énergétique, en matière de transports. A ce titre, on peut parler d’ « acquis » prolongé voire consolidé. 685 La continuité formelle vient de ce que les accords de dialogue politique et de coopération présentent également une forte analogie de structure par rapport aux accords cadres de coopération antérieurs. 686 Il faut noter cependant que ces dispositions n’évoquent aucun calendrier, ni date de passage à l’association. 687 Conformément au type d’accords d’association assortis de ZLE, particulièrement en vogue parmi les modèles d’accords d’association proposés aux tiers non candidats à l’adhésion. Voir FLAESCH-MOUGIN, « Typologie des accords externes de la CEE-essai d’une typologie », op. cit., spéc., pp. 210-211 ; LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Liber Amicorum Jean Raux, op. cit., pp. 689-725, spéc.,pp. 705-709. 688 Commission européenne, Proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les républiques de Bolivie, de Colombie, de l’Équateur, du Pérou et la République bolivarienne du Venezuela, d’autre part, Bruxelles, 14.11.2003, COM (2003) 695 final, paragraphe 4 : « Le nouvel accord UE-Communauté andine porte uniquement sur le dialogue politique et la coopération, sans contenir de volet commercial ». La structure est composée uniquement de deux grands volets: l’un, consacré au dialogue politique, l’autre, dévolu à la coopération. En ce sens, la dénomination des accords répond à leur contenu. 689 L’APE CARIFORUM-UE signé le 15 octobre 2008 contient un volet consacré au commerce de biens et de services, complété par de nombreux domaines de coopération visant à préparer de façon asymétrique et graduelle le libre échange. Justifiées, il est vrai par la nécessité de conclure un arrangement compatible avec les règles de l’OMC, les dimensions économico-commerciales de l’APE n’en sont pas moins développées rappelant à cet égard, les accords de libre échange conclus par les pays caribéens avec le Canada et les Etats-Unis. Voir GHERARI (H.), « L’accord de partenariat économique CARIFORUM-CE : Vers une nouvelle génération d’accords de libre échange ? », RGDIP, n° 3, tome 113, 2009, pp. 523-554. 278 américain »690 – avant même l’entrée en vigueur et la mise en œuvre des accords de dialogue politique et de coopération ne manque pas d’alimenter les interrogations quant à la portée réellement préparatoire de tels accords (SECTION II). Sont-ils des tremplins vers des accords d’association ou des pis-aller imposés par la nécessité de faire correspondre les ambitions avec le niveau de développement réel des cosignataires ? 690 Selon la formule de TRIMECH (Z.), L’Union européenne en quête de puissance : réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux, Tunis, Centre de publication universitaire, 2004, 353 p ; Voir aussi, FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la Communauté européenne avec les pays d’Amérique latine et d’Asie », Juris-classeur Europe, fascicule 2231 mis à jour au 29 juin 2005, 44 p., spéc., p. 6 . 279 SECTION I : DES AVANCÉES QUALITATIVES CERTAINES DANS LE CORPUS JURE DES ACCORDS En préambule il est dit que tout « nouvel accord de dialogue politique et de coopération devrait représenter une avancée qualitative en permettant d’approfondir et d’élargir les relations (…)» avec la CE et ses Etats membres. Pourtant, force est de reconnaître que toutes les dispositions ne représentent pas en soi une innovation ou une amélioration. Schématiquement, il sied de distinguer les dispositions qui enrichissent la dimension politique des accords (§1), de celles qui approfondissent la coopération (§2). §1 L’enrichissement de la dimension politique des accords Les accords dits « de dialogue politique et de coopération » contiennent des dispositions qui enrichissent la dimension politique. Elles peuvent s’analyser comme les prémices révélatrices de l’avènement d’une coopération privilégiée de grande ampleur entre les parties. Cela se traduit, d’une part, par l’introduction d’un dialogue politique institutionnalisé, dans le corps de texte des accords (A) ; et d’autre part, par l’instauration dans ceux-ci d’un support juridique et institutionnel pour la participation de la société civile (B). A) Par l’institutionnalisation du dialogue politique dans les accords Le dialogue politique vise ici, semble-t-il, à accentuer la dimension politique des relations entre les protagonistes impliqués. Les accords de dialogue politique et de coopération affirment une importance du politique plus grande que dans les accords cadres antérieurs. Cela se manifeste de différentes manières. Tout d’abord, le dialogue politique à tous les niveaux est définitivement dans le dispositif juridique. Des mécanismes souples et flexibles de dialogue sont mis en place dans 280 les titres II, aux articles 4 respectifs desdits accords691. Comme déjà mentionné, dans ce cas, « il ne s’agit donc plus d’un processus mené en parallèle à l’accord comme précédemment, mais d’un élément de celui-ci, aux côtés de ses aspects économiques et commerciaux »692. Tout le titre II est consacré au renforcement du dialogue politique. Compte tenu de la situation particulière de Belize – membre à la fois d’une organisation régionale caribéenne (la CARICOM) et d’une organisation centraméricaine (le Système d’Intégration Centraméricain) – une déclaration annexée à l’accord de dialogue politique et de coopération UE/Amérique centrale éclaire la position de ce pays. Intitulée « Déclaration commune relative au titre II sur le dialogue politique », elle confirme que Belize malgré sa double appartenance, participe « en tant que membre à part entière » au dialogue politique interrégional entre l’UE et le SICA, témoignant de l’importance de cette dimension dans les relations. Anticipant une telle évolution générale, Madame Catherine DION-BOURIN déclarait : « (…) il est possible d’imaginer à quoi pourrait ressembler la coopération future avec les pays latino-américains. (…) le dialogue politique pourrait y trouver un support juridique et institutionnel, si étaient intégrées au cadre conventionnel des dispositions spécifiques au renforcement des relations politiques entre les deux régions »693. Dans les accords de dialogue politique et de coopération signés en 2003 avec la Communauté andine et les pays membres du SICA, le contenu du dialogue politique694est vaste : il concerne expressément la lutte contre le blanchiment des capitaux, le trafic illicite de stupéfiants, celui d’armes légères695. A cet égard, il convient de signaler que, en l’espèce, l’introduction du dialogue politique dans le corps du texte, justifie, entre autres, la mixité des 691 Dans les Accords de dialogue politique et de coopération, Titre II, article 4 §1 , lettres a, b, c, d, les parties conviennent que le dialogue sera mené « lorsqu’il y a lieu et lorsque les parties en conviennent au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement » En outre, le dialogue se tiendra aussi bien « au niveau ministériel ; au niveau des hauts fonctionnaires ; au niveau des services ; et passera autant que possible par la voie diplomatique». Cet article peut s’analyser comme incitant à la souplesse du dialogue. Le même esprit se trouve dans l’article 8 § 6 de l’Accord de Cotonou du 23.06.2000, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, p. 3 ; accord modifié en 2005 : JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27, et en 2010 : JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, pp. 1- 49. 692 FLAESCH-MOUGIN (C.), « L’articulation des compétences entre l’Union européenne et ses Etats membres à l’égard de l’Amérique latine : la question de la mixité des nouveaux accords cadres de coopération », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Le partenariat entre l’Union européenne et les Amériques. Le libre échange en question, Rennes, éd ; Apogée, 1999, pp. 153-177, spéc., p. 161. 693 DION-BOURIN (C.), Les relations de la CE avec l’Amérique Latine, Thèse de droit, Université de Rennes, 1996, op. cit., spéc., p. 407. 694 Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, COM (2003) 695 final du 15.12.2003, articles 3 à 5 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Pérou, du Honduras, du Nicaragua, et du Panama, d’autre part, COM (2003) 677 final du 15.12.2003, articles 3 à 5. 695 Article 3 de l’accord de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine ; Article 3 de l’accord de dialogue politique et de coopération avec les pays d’Amérique centrale. 281 accords analysés, en droit communautaire. En effet, précédemment à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, le dialogue politique relevait du second pilier ; à ce titre, la participation des Etats membres comme parties contractantes aux côtés de la CE était requise696. De plus, en l’espèce, la participation des Etats membres s’explique aussi parce que le dialogue politique porte notamment sur des thèmes tels que les flux migratoires ou l’immigration qui, au plan intra-communautaire, ne relèvent pas d’une compétence exclusive de la CE selon l’ancien titre IV de la Troisième partie du Traité CE. Le dialogue porte également sur la lutte contre les stupéfiants, qui relève du troisième pilier du Traité UE relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Cela suggère la mise en œuvre d’une mixité transpilier pour conclure les accords de dialogue politique et de coopération, en raison de la compétence de l’Union dans le cadre du troisième pilier. L’Union européenne ne pouvait cependant être partie à l’accord, mais semble représentée par les Etats membres. Par ailleurs, loin de se cantonner aux références classiques à la démocratie et aux droits de l’homme, les préoccupations politiques s’étendent à la bonne gouvernance qui inclut la transparence des affaires publiques et la lutte contre la corruption 697, à la prévention des conflits698, à la coopération en matière de modernisation de l’Etat et de l’administration publique699. Sans vouloir revenir sur les considérations déjà avancées sur la portée de cette insertion700, il importe de mettre en lumière que les dispositions des titres II consacrés au dialogue politique anticipent le contenu des accords d’association. Autrement exprimé, l’accentuation de la dimension politique semble une préparation à de futurs accords fondés sur l’article 217 du TFUE (ancien article 310 du TCE). En effet, ces derniers comportent traditionnellement outre une dimension économique et commerciale, une vaste dimension politique qui les distingue des accords commerciaux de libre échange. On retrouve cet aspect dans plusieurs accords d’association, même si les problèmes politiques évoqués peuvent varier en fonction des parties concernées et de l’actualité. Ainsi, dans l’accord de Cotonou, le politique conditionne 696 Cependant depuis la fusion des piliers, consécutive à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009, le dialogue politique ne relève pas d’un domaine de compétences des Etats membres, mais d’une compétence de l’Union au titre de la PESC. Il s’ensuit qu’un accord portant sur ce domaine pourra dorénavant être conclu par l’Union, suivant l’article 37 du TUE révisé. 697 Accords précités, respectivement titre II, article 8. 698 Accords précités, titre III intitulé « Coopération en matière de prévention des conflits », article 9. 699 Accords précités, titre III, article 10. 700 Voir Supra Première partie, Titre second, Chapitre I, Section 2, §1, A), « La portée juridique de l’insertion du dialogue politique dans les accords dits « de dialogue politique et de coopération ». 282 le partenariat701. Dans les accords euro-méditerranéens, les considérations d’ordre politique imprègnent fortement la coopération. Ces derniers portent une attention particulière à l'établissement d'un dialogue régulier entre les parties en matière politique702. En Amérique latine, on remarque également l’insertion d’un chapitre relatif au dialogue politique dans les accords d’association avec le Chili703 et le Mexique704. Par ailleurs, le dialogue politique acquiert une dimension internationale. Le dialogue politique semble devoir encadrer tous les domaines de coopération pour lesquels l’UE recherche une convergence de vues dans les enceintes internationales ou qui nécessitent une coopération transnationale. Ainsi l’article 5 qui établit une coopération dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité705 doit être rapproché des dispositions sur le dialogue politique. Explicitement, le dialogue sert des objectifs allant au-delà de la coopération interrégionale, puisqu’il permet l’échange d’informations et l’élaboration d’initiatives communes au niveau international706. Jusqu’alors, seul l’accord d’association euro-chilien de 2002 considéré comme le plus ambitieux des accords d’association latino-américains, comportait une disposition relative aux questions de politique étrangère et de sécurité, en son article 14. L’amélioration introduite par l’article 5 des deux accords de dialogue politique et de coopération, rend possible la recherche d’un terrain d’entente entre l’Union européenne et ses partenaires latino-américains, dans le cadre des différentes organisations et négociations internationales. Ainsi, il apparaît possible de prévoir une coordination entre « partenaires » avant une prise de position des membres siégeant par exemple au Conseil de sécurité de l’ONU, même 701 « Le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l'État de droit, sur lesquels se fonde le partenariat ACP-UE, inspirent les politiques internes et internationales des parties et constituent les éléments essentiels du présent accord », article 9 § 2 de l’accord de Cotonou. 702 Par exemple dans l’Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, entré en vigueur le 1.05.2002,voir les articles 1et 2 et le titre I, aux articles 3 à 5, JOCE, n° L 129, du 15.05.2002, p. 3 ; Dans l’Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République arabe d'Égypte, d'autre part, entré en vigueur le 1.06.2004,voir les articles 1et 2 et le titre I aux articles 3 à 5, JOUE, n° L 304, du 30.09.2004, p. 39. 703 « Accord établissant une association entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part », Partie II « Dialogue politique » articles 12 à 15, et article 43, signé le 18 novembre 2002, JOCE, n° L 352, 30.12. 2002, p. 1. Il est entré en vigueur le 1 er mars 2005, JOUE, n° L 38 du 10.02.2005. 704 « Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et les Etats-unis mexicains, d’autre part », Articles 1 et 2, et titre II article 3 « Dialogue politique », signé le 8 décembre 1997 et entré en vigueur le 1 er octobre 2000, JOCE, n° L 276, 28 .10. 2000, p. 44. 705 Le titre III de l’article 5 dispose : « les parties s’efforcent, dans la mesure du possible, de coordonner leurs positions et de prendre des initiatives communes dans les enceintes internationales appropriées ». 706 Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 3 paragraphe 3. 283 si la dimension « sécurité » n’est pas expressément présente dans l’article 5 visé. Enfin, la lutte contre le terrorisme est aussi poursuivie au moyen du dialogue politique. Les progrès accomplis ne se limitent pas à l’importance prise par le politique et aux dispositions en matière de dialogue politique. Les nouveaux accords se proposent également d’instaurer des mesures novatrices de participation de la société civile. B) Par l’établissement d’un support juridique et institutionnel pour la participation de la société civile Contrairement à leurs prédécesseurs, les accords de dialogue politique et de coopération mentionnent expressément le rôle de la société civile707 qui participe aux activités de coopération. Certes, le terme demeure juridiquement flou et il serait peut être plus judicieux d’employer la dénomination d’acteurs non-étatiques. Cette dernière appellation, selon la définition de la Commission, « sert à décrire une catégorie d’organisations qui rassemble les principales structures, existantes ou nouvelles, de la société en dehors du gouvernement et de l’administration publique » 708. Mais, dans ce cas, il faudrait écarter les collectivités territoriales qui peuvent être incluses par les rédacteurs des accords. Faute de plus amples précisions, il apparaît prudent de s’en tenir à la dénomination de « société civile » quoiqu’imprécise, telle qu’elle est utilisée dans la rédaction de ces accords. Avant les accords de dialogue politique et de coopération signés en 2003 par la CE et ses Etats membres avec la Communauté andine et ses Etats parties d’un côté, et les pays membres du SICA, de l’autre, la participation au dialogue et aux relations interrégionales était jusqu’alors informelle. C'est-à-dire que les organisations non gouvernementales, les partenaires sociaux, les associations du secteur privé et d’organisations économiques, universi707 Voir l’article 43 §1 des accords de dialogue politique et de coopération : « Les parties reconnaissent le rôle et la contribution potentielle de la société civile au processus de coopération et favoriseront un véritable dialogue avec celle-ci ». 708 Selon la définition de la Commission européenne, le terme d’acteurs non-étatiques (ANE) « sert à décrire une catégorie d’organisations qui rassemble les principales structures, existantes ou nouvelles, de la société en dehors du gouvernement et de l’administration publique. Les ANE naissent de la volonté des citoyens, leur objectif étant de promouvoir une question ou de défendre un intérêt, général ou particulier. Ils sont indépendants de l’État et peuvent prendre la forme d'organisations à but lucratif ou non lucratif. Il s'agit, par exemple, d'organisations non gouvernementales ou de base et leurs plates-formes représentatives dans différents secteurs, des partenaires sociaux (syndicats, associations d’employeurs), d'associations du secteur privé et d'organisations économiques, d'associations d’Églises et de mouvements confessionnels, d'universités, d’associations culturelles ou de médias ».Voir, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social, concernant « La participation des acteurs non-étatiques à la politique CE de développement », COM (2002)598 final du 7.11.2002, 40 p., spéc. p. 5, http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/en/com/2002/com2002_0598en01.pdf 284 taires, associations d’Eglise ou autres, se réunissaient peu avant les dialogues sous-régionaux UE-CAN et UE-SICA et en parallèle des Sommets UE-AL-C, pour débattre des thématiques les concernant709. Or, dans les accords de dialogue politique et de coopération signés en 2003, la contribution de la société civile notamment concernant les activités de coopération, trouve son assise juridique. La reconnaissance de la société civile comme acteur de la coopération est conforme à l’objectif global de consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit. C’est un aspect que l’on trouve également dans l’accord de Cotonou710. A ce propos, il semble qu’il y ait un décalque sur les relations avec les Etats ACP. En effet, dans l’accord de Cotonou signé en 2000, l’article 4 au chapitre II sur « les acteurs du partenariat » dispose : « les parties reconnaissent le rôle complémentaire et la contribution potentielle des acteurs non étatiques au processus de développement ». De même, dans les accords euro-andins et eurocentraméricains de 2003, la société civile est reconnue et intégrée comme acteur de la coopération au développement (1). De plus, un support institutionnel est instauré par la création d’un nouvel organe composé des représentants officiels de la société civile organisée (SCO)711. La participation de la société civile est donc institutionnalisée par la création d’une commission consultative conjointe (2). 1- La société civile reconnue comme acteur de la coopération au développement « Les parties reconnaissent le rôle et la contribution potentielle de la société civile organisée au processus de coopération et favoriseront un véritable dialogue avec celle-ci ainsi que sa participation effective »712. Cette disposition illustre le cas où une pratique telle la participation indirecte de la société civile via la tenue de rencontres en parallèle des Sommets 709 Voir Supra Première partie, Titre second, Chapitre I. 710 Le Chapitre II sur « Les acteurs du partenariat », article 4 de l’Accord de Cotonou dispose : « les parties reconnaissent le rôle complémentaire et la contribution potentielle des acteurs non étatiques au processus de développement ». 711 712 On entend par Société Civile Organisée (SCO), l’ensemble des organisations économiques et sociales les plus représentatives et légalement reconnues. Ainsi, la société civile qui est concernée répond à une certaine conception : celle acceptée par les institutions gouvernementales. La SCO est celle institutionnalisée au sein des organes des organisations régionales d’intégration économique. Concrètement la SCO est représentée pour l’Union européenne par le Comité Economique et Social Européen (CESE) (ex-article 257 du TCE modifié par l’article 300 §2 du TFUE dans lequel cependant, la formule SCO ne figure plus). Pour l’Amérique centrale, elle l’est par le Comité consultatif régional, et enfin pour la Communauté andine, par les deux conseils consultatifs andins, l’un regroupant les employeurs (Consejo empreserial), l’autre composé des travailleurs (Consejo social). Accords de dialogue politique et de coopération, précités, Titre III, article 43, alinéa 1 concernant la « Participation de la société civile organisée aux activités de coopération ». Ce titre décrit les modalités de participation de la société civile. 285 UE-AL-C, est codifiée. Par ce biais, la démocratie participative peut être expérimentée à l’échelon des relations interrégionales. Le dispositif juridique prévu à l’article 43 fait écho aux lignes directrices fixées par la Commission européenne dans sa communication du 7 novembre 2002 sur la participation des acteurs non étatiques à la politique communautaire de développement713. Il rappelle aussi le Livre blanc sur la gouvernance européenne714. En reconnaissant leur participation dans ses engagements internationaux, la CE affirme opportunément une dimension sociale et de développement de son approche des relations extérieures715 notamment avec la CAN et les pays participant au SICA. Les mesures introduites dans les accords de 2003 répondent aussi aux doléances exprimées dans la déclaration finale de la seconde rencontre de la société civile Union européenne-Amérique latine- Caraïbes du 19 avril 2002. Les représentants de la société civile, à l’occasion de cette rencontre, considéraient : « La réalisation de l’objectif consistant à créer une association stratégique interrégionale ayant pour ambition, en complément aux échanges économiques et commerciaux, de reposer sur une dimension sociale et sur le renforcement des liens culturels et politiques, suppose que la société civile, par le biais de ses représentants légitimes, puisse participer de manière active au développement des liens entre les deux régions, aux processus de négociation et de coopération au développement, ainsi qu’aux relations entre organisations économiques et sociales les plus représentatives ( organisations patronales, syndicales et agricoles, organisations de consommateurs, de l’économie sociale, de défense des droits de l’homme, professions libérales, artisans, etc.). La condition de base pour ce faire est le renforcement des organisations de la société civile et la création de forums leur permettant de participer de manière institutionnalisée à la vie démocratique » 716.Si dans chaque organisation régionale concernée, la société civile disposait déjà d’un statut minimal et d’une place reconnue en tant que composante des organes subsidiaires de 713 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social, concernant « la participation des acteurs non-étatiques à la politique CE de développement », COM (2002)598 final du 7.11.2002, 35 p. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/en/com/2002/com2002_0598en01.pdf 714 Le Livre blanc sur la gouvernance européenne COM (2001)428 final du 25.07.2001, 40 p., spéc. p. 6, propose dans l’optique d’une gouvernance mondiale, d’améliorer le dialogue avec des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de pays tiers lors de l’élaboration de propositions politiques revêtant une dimension internationale. 715 Ce besoin s’exprime dans un contexte fortement marqué par la fronde de la société civile et des ONG contre les accords de libre échange proposés par les Etats-Unis, et contre les APE proposés aux ACP par l’UE. 716 Document du Conseil Economique et Social de l’UE, « Deuxième rencontre de la société civile organisée d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes : déclaration de Madrid 19 avril 2002 », DI CES 64/2002 final, disponible : http://www.eesc.europa.eu/index_fr.asp . 286 l’organisation717, il n’en allait pas de même dans la sphère des relations interrégionales où leur rôle n’était pas institutionnalisé, ni reconnu dans le processus d’élaboration du partenariat stratégique interrégional. Lato sensu, l’article 43 des accords de dialogue politique et de coopération symbolise la reconnaissance de principe, une fois de plus, au sein d’accords internationaux plurilatéraux, du rôle des acteurs non étatiques dans les relations internationales. Autrement dit, l’introduction de cette disposition opère une régularisation et une sécurisation juridique de l’implication de la société civile par des engagements internationaux. Les nouveaux accords accordent en effet un ensemble de droits à la société civile organisée. L’article 43 alinéa 2 des deux accords, attribue à la société civile organisée, un droit général de participer à la coopération au développement. Dans d’autres domaines que le développement, la dite société civile peut être informée et consultée718par les organes paritaires de gestion des accords, sous réserve qu’il s’agisse de « domaines qui les concernent ». Le droit de participer s’exerce aux différents stades du processus de programmation de la coopération au développement. Tout d’abord, en amont, et au niveau national, la société civile organisée peut « participer au processus d’élaboration des politiques, au niveau national, selon des principes démocratiques »719. Pendant la phase d’élaboration des « programmes de coopération »720 entre l’Union européenne et chaque organisation régionale andine ou centraméricaine, la société civile organisée peut être informée par la commission mixte paritaire « des consultations sur les politiques sectorielles et les stratégies de développement et de coopération, et y participer, notamment dans les domaines qui les concernent, à tous les stades du processus de développement». Elle peut aussi bénéficier de ressources financières, dans la mesure où la réglementation de chacune des parties le permet, ainsi que d’ « une aide au développement des capacités dans des secteurs critiques »721. Enfin, en aval, c'est-à-dire, 717 Par exemple, dans le Système d’Intégration Centre Américain (SICA), l’article 12 du protocole de Tegucigalpa de 1991 reconnaît et institutionnalise la participation de la société civile. Les représentants de la société civile sont associés à la prise de décision politique. La consultation s’opère, tantôt au niveau du secrétariat général du SICA (SG-SICA) tantôt au niveau du conseil consultatif (CC-SICA). 718 Accords de dialogue politique et de coopération, article 43 alinéa 2, lettre b). 719 Accords de dialogue politique et de coopération, article 43 alinéa 2, lettre a). 720 Un programme de coopération peut être défini comme un instrument dans lequel sont fixés de façon ordonnée les moyens financiers et les actions précises à réaliser au cours d’une période définie, pour mettre en œuvre les lignes directrices d’un accord de coopération. Le programme est élaboré par une Commission mixte (organe principal de gestion de l’accord composé à parité de représentants de l’UE et de représentants de la partie cocontractante) à l’intention des parties à l’accord de coopération. La Commission mixte recommande l’adoption du programme aux parties. Ces dernières doivent donner leur approbation. Cela devient alors un acte juridique contraignant pour les parties. 721 Accords de dialogue politique et de coopération, article 43 alinéa 2 lettres b) et c). 287 une fois les « programmes de coopération » élaborés, la société civile organisée a le droit de « participer à la mise en œuvre des programmes de coopération dans les domaines qui les concernent »722. Néanmoins, la coopération reste en priorité l’affaire des gouvernements et des institutions régionales. La société civile organisée, en même temps que des droits, reçoit implicitement le devoir de ne pas excéder les limites et les conditions juridiques restreintes de sa participation. C’est pourquoi, l’exercice des compétences qui lui sont reconnues à l’article 43 alinéa 2, est strictement encadré par le droit national. En effet, les droits s’exercent « sous réserve des dispositions administratives et juridiques de chacune des parties », et « dans la mesure où la réglementation de chacune des parties le permet, (…) ». En définitive, l’amélioration portée par l’article 43 alinéa 2 manifeste un saut qualitatif dans les relations en offrant un cadre légal pour la contribution de la Société Civile Organisée. Cet article formalise dans un acte juridique, le dialogue, la consultation et les autres formes de participation de la société civile. Pour plus d’efficience, les dispositions de l’article 43 s’accompagnent de l’instauration d’un nouvel organe, lieu de concertation entre la dite société civile et les titulaires du pouvoir décisionnel en matière de coopération. 2- La création d’une commission consultative conjointe L’article 52 en son paragraphe 2, des accords de dialogue politique et de coopération prévoit: « Une commission consultative conjointe sera créée pour aider la commission mixte à promouvoir le dialogue avec les organisations économiques et sociales de la société civile organisée ». La disposition introduit un cadre institutionnel spécifique pour le dialogue et la participation de la société civile à la coopération. Autrefois inexistant, ce nouvel organe enrichit la structure institutionnelle des accords et mérite d’être examiné du point de vue de sa composition, de son rôle et de sa portée. S’agissant de leur composition, les commissions consultatives conjointes UE/CAN et UE/SICA associent les organes officiels représentants la société civile organisée dans chaque organisation régionale d’intégration économique. Ainsi, la commission consultative UE/SICA est « composée de représentants de la commission consultative du Système d’intégration cen- 722 Accords de dialogue politique et de coopération, article 43 alinéa 2 lettre d). 288 traméricain (CC-SICA) et du Comité économique et social européen (CESE)»723. Quant à la commission consultative UE/CAN, elle comprend les représentants des deux conseils consultatifs andins, l’un regroupant les employeurs (Consejo empreserial) et l’autre composé des travailleurs (Consejo social), ainsi que les représentants du Comité économique et social européen (CESE). Il sied de remarquer que dans ces deux cas, une structuration de la société civile existe déjà ; il est donc moins difficile d’institutionnaliser, par la création d’un organe de concertation réunissant les représentants de la société civile organisée de deux organisations régionales. A l’inverse, dans l’accord de Cotonou de 2000 dont semblent s’inspirer les accords de dialogue politique et de coopération de 2003, l’entreprise est plus difficile, car les Etats ACP ne disposent pas nécessairement d’organe officiel représentatif de la société civile. Cette dernière est quelquefois embryonnaire au plan national et régional724. Quant à leur nature et leur rôle, chacune des commissions consultatives conjointes ne peut qu’émettre des avis dont il n’est pas précisé s’ils doivent être suivis. Les commissions consultatives conjointes sont sans aucun pouvoir décisionnel. Leur rôle est de seconder « la commission mixte paritaire »725 qui est l’organe principal de gestion des accords. Leur création est malgré tout une innovation institutionnelle qui permet d’associer la société civile organisée à la mise en œuvre des objectifs de l’accord, d’exprimer un avis à propos des actions et projets prévus par la commission mixte pour réaliser les objectifs de l’accord. Du point de vue de leur portée, la création de ces organes établit un pont entre la société civile, la CE et l’autre organisation régionale partie aux accords, et avec les représentants de gouvernement des pays participants aux accords. Contrairement à la pratique en cours lors des Sommets Union européenne-Amérique latine-Caraïbes, l’existence d’un tel organe rend obligatoire la consultation des acteurs non-étatiques, même si elle n’assure pas la prise en compte de leur avis. Le fonctionnement des organes de l’accord chargés de mettre en 723 Accord de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres d’une part, et les Républiques du Costa Rica, du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part ; COM (2003)677 final du 15.12.2003, article 52 paragraphe 4 724 DANIEL (J.), « Le cadre institutionnel et le dialogue sur les politiques : l’accord de Cotonou à l’épreuve d’une réhabilitation du politique », in PERROT (D.), Les relations ACP / UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? op. cit., spéc., pp. 270-271. 725 La commission mixte paritaire coordonne les activités, projets et actions concrètes relatifs aux objectifs de l’accord et propose les moyens nécessaires à leur réalisation. Elle examine l’évolution des échanges et de la coopération entre les parties, formule toutes les recommandations nécessaires pour favoriser l’expansion des échanges et l’intensification et la diversification de la coopération et recherche, enfin, les moyens propres à prévenir les difficultés qui pourraient surgir dans les domaines couverts par l’accord. Le rôle de la commission mixte paritaire est détaillé dans les accords cadres de coopération précédents les accords de dialogue politique et de coopération. Par exemple, Accord-cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, à l’article 33 « Commission mixte », JOCE, n° L 63 du 12.03.1999, p. 48. 289 œuvre la coopération, s’enrichit en même temps de mécanismes proches de la démocratie participative. L’évolution apportée par l’article 52 paragraphe 2 était très attendue par les acteurs se réclamant de la société civile. Peu avant le deuxième sommet Union européenne Amérique Latine-Caraïbes de Madrid (17-18 mai 2002), a eu lieu l’« Euro-latino-americano and Caribbean Civil Society Forum » les 3-5 avril 2002726 à Alcobendas (Espagne). A cette occasion les participants demandaient de formaliser leur participation dans un acte juridique pour que le dialogue politique interrégional soit effectif. Cette demande fut réitérée lors de la deuxième rencontre de la société civile Union européenne -Amérique Latine -Caraïbes, le 19 avril 2002. Le leitmotiv de cette rencontre a été de « renforcer les organisations de la société civile et, de raffermir leur rôle institutionnel ». Toutefois, il faut noter que l’ajout de cet organe ne bouleverse pas fondamentalement le cadre institutionnel. Ce dernier conserve la structure des accords de troisième génération. Sont maintenus les organes paritaires, dont la mission est d’appliquer des dispositions de l’accord, telle la commission mixte qui en est l’organe principal. Disposant de compétences générales, son rôle est de veiller à la « mise en œuvre générale de l’accord »727. Elle existait déjà dans les accords cadres antérieurs728. Par ailleurs, la pratique des sous-comités chargés de gérer des secteurs particuliers subsiste également. Mais ces derniers ne devraient être constitués qu’en fonction des besoins de la commission mixte. En fin de compte, grâce à la création de la commission consultative conjointe, aux côtés des organes paritaires de gestion, la société civile organisée participe à la structuration d’un dialogue et d’une coopération, sans cesse plus étroits. Cependant le texte des articles 52 respectifs, laisse en suspens la question des modalités de désignation de la société civile représentée au sein de l’organe consultatif. L’accentuation de la dimension politique ne saurait être détachée de la coopération. Tous deux améliorent le processus d’approfondissement des relations euro-latino-américaines. 726 Conclusions of the Civil Society Forum 3-5 April 2002, “Declaración ante la II cumbre de jefes de estado y de gobierno Unión europea- América Latina y el Caribe ». Le point n°1 du texte déclare : « Para que el diálogo político interregional sea efectivo debe incorporar a las diversas organizaciones de la sociedad civil, a los partidos políticos, los representantes de los gobiernos locales, las organizaciones sindicales y empresariales, estableciendo mecanismos específicos para ello. Dicha participación ampliada debe ser de derecho y constituir un mecanismo regular de este diálogo político ampliado a todos los niveles y también en las cumbres de Jefes de estado y de Gobierno ». 727 Article 52 paragraphe 2 des deux accords de dialogue politique et de coopération. 728 Voir dans le précédent Accord cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, article 33 « Commission mixte », JOCE, n° L 63 du 12.03.1999, p. 48. Précité. 290 C’est pourquoi, les nouveaux accords ajoutent de nouveaux domaines aménageant une coopération élargie729. §2 L’approfondissement de la coopération entre les parties La coopération établie dans les accords ici étudiés se caractérise, d’abord, par la place particulière occupée par l’intégration régionale dans la coopération : le renforcement de l’intégration régionale est une clef de voûte (A) ; ensuite, l’introduction de nouveaux domaines de coopération inexistants précédemment vient compléter et renforcer l’acquis en matière de coopération. Tout le titre III des accords de dialogue politique et de coopération est consacré à cette coopération enrichie (B). A) Le renforcement des intégrations régionales La coopération poursuit quatre grands objectifs730, parmi lesquels figure celui d’approfondir le processus d’intégration régionale entre les pays d’Amérique latine cosignataires des accords de dialogue politique et de coopération, et membres de la CAN ou du SICA. Cet objectif revêt une importance particulière dans le cadre de l’étude ici menée sur les relations entre organisations régionales d’intégration économique. Dans cette optique, les nouveaux accords instaurent une « coopération dans le domaine de l’intégration régionale »731. Certes, les accords cadres de coopération de 1993 con- 729 Accords de dialogue politique et de coopération précités, Titre III, article 6 sur les « objectifs de la coopération. 730 Dans les Accords de dialogue politique et de coopération, selon le Titre III, article 6 alinéa 1, les quatre objectifs sont : a) renforcer la paix et la sécurité ; b) promouvoir la stabilité politique et sociale par le renforcement de la gouvernance démocratique et le respect des droits de l’homme ; c) approfondir le processus d’intégration régionale ; d) réduire la pauvreté, créer une plus grande cohésion sociale et régionale, et promouvoir un accès plus équitable aux services sociaux et aux fruits de la croissance économique, garantissant un juste équilibre entre les composantes économiques, sociales et environnementales dans le cadre du développement durable. 731 Accords de dialogue politique et de coopération, Titre III, Article 11 sur « La coopération dans le domaine de l’intégration régionale ». 291 tiennent chacun un article consacré à la « coopération en matière d’intégration régionale »732. Mais, tout l’intérêt du nouvel article 11 des accords de dialogue politique et de coopération est qu’il met en relief l’importance de l’intégration régionale pour l’évolution des relations. En effet, dans la perspective de réaliser de futurs accords d’association en principe régionalisés, la consolidation des processus d’intégration régionale au sein de la Communauté andine et du SICA, a été posée par la Commission européenne comme condition préalable voire sine qua non à l’ouverture des négociations733 de tels accords. C’est dans ce contexte que doit être interprété l’article 11 qui définit un ensemble plus détaillé d’actions de coopération, assorti d’une assistance technique liée au commerce, et ciblé sur les besoins de développement et d’harmonisation des législations, dans chacun des deux processus d’intégration. Par exemple pour l’Amérique centrale, l’accent est mis sur « la consolidation et la mise en œuvre d’une union douanière d’Amérique centrale, la réduction et l’élimination des entraves au développement du commerce au niveau régional, la coopération en vue de simplifier, moderniser et intégrer les régimes douaniers et de transit et l’octroi d’un soutien à la mise au point de la législation, des normes (…) »734. A moyen terme, les actions de coopération doivent conduire « à la consolidation et au fonctionnement d’un marché commun régional »735. Le marché commun représente une étape supérieure du processus d’intégration, après celle de la zone de libre échange et de l’union douanière736. Dans les ac- 732 Accord cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, article 28, JOCE, n° L 63, du 12.03.1999, p. 47 ; Accord cadre de coopération entre, d’une part, la Communauté économique européenne, et, d'autre part, l'accord de Carthagène et ses pays membres, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Venezuela , JOCE, n° L 127, du 29.04.1998, p. 11. 733 Dans l’optique d’une association assortie à terme d’une zone de libre échange, les organisations régionales d’intégration économique doivent d’abord avoir réalisé le libre échange entre-elles, c’est à dire « avoir atteint un niveau d’intégration économique suffisant » entre leurs membres. Il s’agit là d’une des conditions posées par la Commission européenne pour le passage au régime d’association et sujette à évaluation. Selon les termes de la déclaration finale de la Commission-mixte Union européenne/Communauté andine du 21 janvier 2005, il est expressément posé que « les résultats de l’évaluation mèneront en temps opportun, aux négociations sur un accord d’association, y compris un accord de libre échange, entre les deux parties » ; Voir, Infra, Section II. 734 Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, signé en décembre 2003, article 11, § 4, lettres a, b, c). 735 Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d’autre part, Titre III, Article 11 § 1 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, article 11 § 4, lettre d). 736 Au stade de marché commun, après avoir établi un tarif extérieur commun, les pays membres décident d’approfondir leur intégration par la libre circulation et la mobilité des biens, des services et des facteurs de production tels que la main d’œuvre et le capital. Cette étape permet donc d’établir une libre circulation de ce 292 cords signés en 2003, la Communauté européenne fait du renforcement de l'intégration régionale entre les pays d’Amérique latine cocontractants, l'une des priorités de sa coopération au développement. Concrètement, la Commission européenne est appelée à mener des activités dans ce domaine sur la base de documents de programmation régionale, élaborés en concertation avec les organismes régionaux concernés. Ainsi, l’intégration économique régionale a une double dimension. Elle est tout à la fois un objectif de la coopération au développement, car la coopération au développement vise notamment à renforcer l’intégration régionale ; et un instrument pour atteindre les objectifs de la coopération puisque l’intégration régionale doit permettre l’augmentation des échanges intra régionaux, gage de croissance économique. L’importance prise par l’intégration régionale au sein de la coopération est l’aboutissement d’un renouvellement progressif de l’approche communautaire. La CE est passée d’une posture d’encouragement distancié dans les années 1970-1980737, à une participation plus active au renforcement de l’intégration régionale, d’où le glissement sémantique de « l’appui en matière d’intégration régionale » à la « coopération en matière d’intégration régionale ». Le changement radical d’approche s’est amorcé dans la seconde moitié des années 1990738. Auparavant, l’appui à l’intégration régionale était surtout un moyen de promouvoir les regroupements régionaux comme levier du développement. Depuis lors, consciente de l’intérêt de la relance de l’intégration pour le dynamisme des échanges, l’amélioration de la compétitivité internationale et le gain d’influence considérable que procurent les alliances interrégionales dans les négociations multilatérales, la Communauté européenne s’est engagée, à coopérer à la consolidation de l’intégration régionale de la plupart des groupements régionaux de l’espace géographique Amérique latine-Caraïbes739 pour développer les échanges interrégionaux. Elle encourage conjointement le rapprochement et les initiatives de qui est produit et de ce qui sert à produire : voir BOUDEVILLE (J.), PAELINCK (J.), et alii, L’intégration économique régionale, Paris, Institut de science économique appliquée, 1964, 125 p. Le vaste marché unifié ainsi créé présente un fort potentiel d’attraction pour les tiers et les incite à conclure des accords commerciaux visant à pénétrer ledit marché et y acquérir des avantages économiques et commerciaux. La pléthore des partenaires commerciaux séduits par le marché européen en témoigne. 737 LEBULLENGER (J.), « La politique communautaire de coopération au développement », RTDE, 1988, pp. 145-157. 738 Voir la communication de la Commission COM (95)219 du 16 juin 1995 relative à « L’appui aux efforts d’intégration économique régionale des pays en voie de développement ». La Commission européenne y préconise, parmi les nouvelles priorités à mettre en œuvre, l’élaboration d’une stratégie commune à suivre par la Communauté européenne et ses Etats membres dans leur appui au régionalisme dans les pays en développement. 739 Voir en ce sens la communication initiant le «partenariat stratégique» COM (99)105 du 9 mars 1999. 293 coopération entre elle et les organisations régionales de ces régions, et entre ces dernières, comme en témoigne l’instauration expresse d’un domaine nouveau de « coopération régionale » à l’article 12 respectivement des deux accords de dialogue politique et de coopération ; lequel s’ajoute à la coopération en matière d’intégration régionale740. Etant donné que la coopération en matière d’intégration régionale participe à terme à la préparation de futures zones interrégionales de libre échange, elle dépasse la seule préoccupation en faveur du développement des pays tiers. Il apparaît que l’appui au renforcement de l’intégration régionale s’inscrit plus ou moins subtilement dans la stratégie commerciale de la CE devenue l’Union741. Sur le plan des avantages juridiques, la négociation d’accord avec des organisations régionales offre une couverture contractuelle et géographique plus large que celle offerte par des négociations bilatérales. L’accord interrégional ainsi obtenu peut devenir un vecteur d’extension de standards normatifs européens742, du moins si l’on admet l’hypothèse que l’un des enjeux sous-jacent du renouvellement des accords en Amérique latine, est d’ « amoindrir, voire (…) éviter, par cette initiative, l’extension à l’Amérique latine du système règlementaire des Etats-Unis »743. Concernant les avantages économiques et commerciaux, l’intérêt de la création de vaste marché unifié grâce au processus d’intégration régionale, aussi bien en termes de croissance économique inter se qu’en termes d’attractivité et de sécurisation pour les opérateurs et investisseurs étrangers y compris européens, est certain744. Enfin, dans une perspective politique ou diplomatique, l’intégration régionale en tant qu’elle comporte souvent une dimension politique expresse de recherche de la paix et de la 740 Dans les accords de dialogue politique et de coopération précités, l’article 12 consacré à la coopération régionale dit que « Les parties conviennent d'utiliser tous les instruments de coopération existants pour promouvoir des activités visant à développer une coopération active et réciproque entre l'Union européenne et l’Amérique centrale, d'une part, et, sans pour autant porter atteinte à la coopération entre les parties, entre les pays d’Amérique centrale et d'autres pays/régions d'Amérique latine et des Caraïbes d'autre part,(…) ». 741 Secrétariat de l’OMC, « Communautés européennes-Examen des politiques commerciales », WT/TPR/S214, du 2.03.2009. Le rapport révèle qu’une grande partie des négociations d’accords commerciaux préférentiels de la CE « a lieu avec des groupements régionaux ou encourage la création de tels groupements », point 7, p. VIII. En témoigne les négociations avec le MERCOSUR, la CAN, le SICA, mais aussi, avec l’ANASE, ou les groupements sous-régionaux des pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique. 742 Dans le cadre d’une coopération verticale de type Nord/Sud, les dispositions de l’accord liant les parties peuvent être l’occasion, pour la partie économiquement forte, d’introduire des clauses qui reproduisent la substance de normes internes. 743 FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la Communauté européenne avec les pays d’Amérique latine et d’Asie », op. cit., p. 6. 744 Par exemple l’analyse économique de M. Philippe HUGON montre que l’un des avantages escomptés de l’organisation régionale d’intégration économique est qu’elle crée, grâce aux transferts de souveraineté, un phénomène « d’ancrage ou de verrouillage des politiques » qui réduit « les risques de réversibilité des politiques commerciales ». Par conséquent, « les intégrations régionales peuvent jouer le rôle de signal et conduire à un transfert de crédibilité favorable à l’attractivité des capitaux ». HUGON (P.), « Intégrations régionales, normes et institutions », Revue Région et Développement, n° 22, 2005, 13 p., spéc.,p. 8. 294 sécurité entre ses membres, a selon ses promoteurs745, la vertu d’être un moyen de prévention des conflits. Au vu des multiples avantages, l’Union européenne pose l’approfondissement de l’intégration économique régionale en Amérique latine, comme nécessaire avant d’amorcer l’association et de poser les jalons d’une libéralisation équitable des échanges, entre elle et les pays membres de la CAN et du SICA. L’extension de la coopération est également censée concourir à la préparation de futurs liens d’association. B) L’extension du champ de la coopération à de nouveaux domaines Des nouveaux domaines s’ajoutent à ceux mis en œuvre au titre des accords de troisième génération. En effet, si le renforcement de la coopération a toujours été l’objectif général des accords de troisième génération746, les accords de dialogue politique et de coopération sont encore plus ambitieux car ils comportent les domaines qui font l’objet d’un intérêt soutenu au plan multilatéral depuis l’extension du cadre matériel de l’Organisation Mondiale du Commerce à des sujets autres que les marchandises747. Ainsi, les nouveaux accords initient une coopération dans le domaine des services748, notamment dans celui de l’audiovisuel749. Celui-ci est l’un des secteurs régi par l’Accord Général sur le Commerce des Services, faisant l’objet de nouvelles séries de négociations à l’OMC depuis 2001 conformément au mandat du programme de Doha pour le développe745 Cependant, les dissensions entre membres, tel le conflit frontalier entre la Colombie et le Venezuela retardent l’avancée du processus d’intégration. Voir Conseil de l’Union européenne, « Déclaration de la présidence de l’Union européenne sur les relations entre la Colombie et le Venezuela », Bruxelles, le 19.11.2009, 16351/1/09/REV1. 746 Par exemple, l’article 2 alinéa 1 de l’accord-cadre de coopération CEE-Communauté andine signé le 23.04.1993 dispose que : « Les parties s’engagent à donner un nouvel élan à leurs relations. Pour atteindre cet objectif fondamental, elles sont décidées à favoriser notamment le développement de leur coopération en matière de commerce, d’investissements, de financement et de technologie (…) ». 747 A l’issue des négociations de l’Uruguay round de décembre 1993, la CE et ses Etats membres se sont engagés à respecter tous les accords composant « le bloc unique » dont l’ accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce, les accords sur le commerce des marchandises, l’accord général sur le commerce des services (GATS), l’accord relatif aux aspects de droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPS : Trade Related Intellectual Property), accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (TRIMS : Trade Related Investment Measures) . 748 Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d’autre part, article 14 ; Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, article 14. 749 Dans les deux Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 28. 295 ment. Mais l’audiovisuel représente aussi le secteur pour lequel, selon l’OMC, le nombre des pays membres ayant pris des engagements est le plus faible et qui est peu libéralisé à cause d’exemptions élevées aux obligations découlant du principe de la nation la plus favorisée750. Est également abordée la coopération en matière de propriété intellectuelle751. La coopération dans le domaine des investissements752 se limite principalement à les promouvoir par des mécanismes d’information entre les parties. Les accords consacrés spécifiquement à la promotion et à la protection des investissements sont généralement bilatéraux. Toutefois, l’extension du domaine matériel de la politique commerciale commune, par le Traité de Lisbonne753, inclut dorénavant les investissements étrangers directs754. Cela pourrait avoir un impact quant à l’ampleur des engagements et des dispositions relatives aux investissements introduits dans de possibles accords d’association. De plus, les accords de dialogue politique et de coopération prévoient une coopération dans les domaines dits « liés au commerce » qui sont controversés. Par exemple, une coopération est prévue dans le domaine des marchés publics755 et dans celui de la concurrence756. Cette coopération n’a certes pas pour vocation de libéraliser ces secteurs, mais les inclure conforte la tendance des rédacteurs des accords régionaux externes de l’Union à s’emparer des questions qui échappent, pour l’instant, au champ matériel de l’OMC. La même tendance est à l’œuvre dans l’APE UE-CARIFORUM. L’introduction de ces domaines traduirait-elle une volonté d’élargir la négociation aux matières dites « de Singapour »757, afin, 750 OMC, Commerce des services, « Lignes directrices et procédures pour les négociations sur le commerce des services », adoptées le 28 mars 2001 par le Conseil du commerce des services réuni en session extraordinaire, S/L/93, du 29.03.2001. 751 Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 15. 752 Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 31. 753 Voir les versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE, n° C 115, du 9.05.2008, pp. 1-ss. ; Procès-verbal de rectification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, JOUE, n° C 290 du 30.11.2009, p. 1. 754 Outre, les services et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, les investissements directs étrangers font désormais partie de la politique commerciale commune selon l’article 207 §2 TFUE. Toutefois, les conséquences pratiques de cette disposition pour les politiques européennes d’investissement à l’étranger dépendront de l’interprétation du Traité de Lisbonne. Pour une étude à ce propos,voir VIS-DUNBAR (D.), « Le traité de Lisbonne : conséquences pour les Accords internationaux d’investissement de l’Europe », Eclairage sur les négociations, volume 8, n° 8, novembre 2009, 4 p. ; FALLON (M.), SIMON (A.-C.), « Le renouvellement des politiques de l’Union européenne dans le traité de Lisbonne », R.A.E.-L.E.A., 2007-2008/2, pp. 243-263 755 Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 16. 756 Accords de dialogue politique et de coopération précités, article 17. 757 Les matières dites de « Singapour » sont relatives à la politique de concurrence, l’investissement, la transparence des marchés publics, la facilité des échanges. 296 semble-t-il, d’essayer progressivement de les réglementer et d’étendre par ce biais l’influence internationale européenne dans ces domaines ? Par ailleurs, certains domaines apparemment nouveaux ne visent en réalité qu’à détailler des secteurs de coopération économique précédemment inclus dans les accords cadres de coopération antérieurs. On remarque par exemple qu’est ajoutée expressément une « coopération en matière de règlementation technique et d’évaluation de la conformité »758 pour soutenir le développement des échanges économiques et commerciaux interrégionaux. En réalité, la coopération économique, technique et industrielle759 semble avoir été refondue de façon, apparemment, à donner plus de visibilité à certaines actions. Les infrastructures, les transferts de technologie, le développement des petites et moyennes entreprises, font désormais l’objet de dispositions identifiables, au lieu de se fondre, pour certains, en sous-objectif de la coopération économique. Ainsi, une coopération pour le développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et micro-entreprises est prévue à l’article 21 de l’accord de dialogue politique et de coopération Union européenne – Amérique centrale. Auparavant, dans l’accord-cadre précédent, entre les mêmes parties, elle faisait l’objet de l’article 3 alinéa 1, lettre e), comme sous-domaine de la coopération économique. Entre autres exemple, est mise en exergue, une coopération dans le domaine de la société de l’information et des technologies nouvelles760. Globalement, le champ de la coopération se veut le plus étendu possible. Les nouveaux domaines touchent les problèmes internationaux d’intérêts mutuels. Ainsi, l’article 48 instaure une coopération contre le blanchiment de capitaux et la criminalité. Par ailleurs, est créée une coopération en matière de lutte contre le terrorisme 761 dans les accords de dialogue politique et de coopération ; tous transcrivent en termes juridiquement contraignants des sujets et préoccupations identifiés à l’occasion des Sommets successifs UE-AL-C. Mais, les domaines insérés concernent tout autant des problèmes spécifiques aux cocontractants. A titre d’illustration, l’article 45 de l’accord Union européenne-Amérique centrale, en raison de la montée des revendications pour les droits et la reconnaissance des organisations civiles indigènes comme acteurs politiques762, prévoit une coopération sur la situation des populations 758 Accords de dialogue politique et de coopération, article 19. 759 Accords de dialogue politique et de coopération, article 20. 760 Accords de dialogue politique et de coopération, article 27. 761 Accords de dialogue politique et de coopération, article 50 762 ITURRALDE (D.-A.), « Pueblos indígenas en América latina y reformas neoliberales », Nueva SociedadAnuario Social y Politico de America latina y el Caribe, año 4, 2001, pp. 54-60. 297 autochtones et autres groupes ethniques d’Amérique centrale763. De plus, l’article 39 prévoit une coopération en matière de catastrophes naturelles, en raison de la vulnérabilité de l’Amérique centrale notamment aux phénomènes climatiques. Ce dispositif corrobore les actions de coopération préalablement menées par l’Union européenne au titre de l’aide au développement comme le « programme DIPECHO (acronyme pour Disaster Preparedness ECHO)» qui est un programme financé par ECHO d’aide à l’Amérique centrale. Il a été appliqué consécutivement aux désastres de l’ouragan MITCH de 1998. Par ailleurs, les deux accords mettent l’accent sur la gestion maîtrisée de l’immigration. Les flux migratoires sont encadrés par l’instauration d’une coopération en matière d’immigration764 . Des dispositions sont prévues concernant aussi bien l’immigration légale qu’illégale. Par exemple, une clause de réadmission est introduite entre les parties en cas de migration illégale765 ; de plus, est prévue la conclusion ultérieure d’accords interrégionaux de réadmission. L’existence de l’article 49 illustre la tendance de la CE à insérer de plus en plus la question des migrations dans ses négociations avec les pays tiers, lors de la signature soit d’accords d’association soit d’accords de coopération, tel que cela a été déterminé lors du Conseil européen de Séville en 2002766. Cette disposition est d’ailleurs complétée par deux déclarations unilatérales annexées aux accords767. L’une précise que «l’article 49 ne modifie en rien la répartition interne des compétences entre la Communauté européenne et ses États membres en ce qui concerne la conclusion d’accords de réadmission ». L’autre, qui présente le caractère d’une réserve au sens du droit international768, vise à définir la position des institutions communautaires et les conditions de la participation de certains Etats membres de la CE, à certaines questions notamment en matière de visas, asile, et 763 L’article 45 §3 de l’accord de dialogue politique et de coopération UE/CAN prévoit en plus la prise en compte de la situation des populations autochtones à tous les niveaux de la coopération au développement. 764 Voir les articles 49 respectifs des accords de dialogue politique et de coopération. 765 Voir Accords de dialogue politique et de coopération, article 49 §3. 766 BARBE (E.), « Justice et affaires intérieures », in DUBOUIS (L.), L’Union européenne, Paris, Les notices de la documentation française, 2004, pp. 137-147. 767 Chacun des accords dits « de dialogue politique et de coopération » comporte au moins deux déclarations. La première est intitulée « Déclaration unilatérale de l’Union européenne au sujet de la clause relative au retour et à la réadmission d’immigrés clandestins (article 49) ». La seconde concerne la « Déclaration de la Commission et du Conseil de l’Union européenne au sujet de la clause relative à la définition des parties (article 53) ». Cependant, il faut noter que l’accord UE-Amérique Centrale de 2003 est assorti d’une troisième déclaration : « Déclaration commune relative au titre II sur le dialogue politique »,voir Supra §1 B) de la thèse : « L’institutionnalisation du dialogue politique dans les accords». 768 Dans un traité international, les réserves désignent des actes unilatéraux (en l’espèce, des déclarations unilatérales) émanant des Etats et/ou des organisations régionales, parties à l’accord, qui indiquent par là le degré et la portée de leur engagement .En l’espèce, les réserves permettent de limiter – (cas de la déclaration « au sujet de la clause relative à la définition des parties » prévue à l’article 53 des deux accords) – la portée d’une disposition inscrite dans le Traité. 298 d’immigration. Il s’agit de tenir compte de la position particulière du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark qui suivant les accords de Schengen de 1985, repris par le Traité d’Amsterdam, ne participent que partiellement à l’espace de liberté, de sécurité et de justice769. Ces trois Etats assument à titre individuel, les obligations en matière de réadmission posées dans l’article 49 et non en tant que pays membres de l’Union. Il sied également de remarquer que l’article 49 en matière d’immigration, prévu dans les deux accords, touche un domaine qui en droit communautaire n’est que partiellement communautarisé et relève du titre IV de la Troisième partie du Traité CE. Depuis 2009, le Traité de Lisbonne qualifie la politique d’immigration de politique commune. Toutefois, ceci n’a pas pour conséquence de la faire entrer dans le champ de compétences exclusives de la CE devenue l’Union : l’article 4 du TFUE révisé la range clairement parmi les compétences partagées avec les Etats membres770. Reste à savoir comment est financée la coopération en général, et partant comment est assurée la bonne exécution des accords. A ce propos et, au titre des apports les plus notables, les nouveaux accords comportent dans les dispositions générales et finales du titre IV, un article 51 sur les « Ressources ». Le cofinancement des actions est le principe cardinal de la coopération. L’article 51§1 de l’accord de dialogue politique et de coopération Union européenne – Amérique Centrale déclare qu’ : « En vue de faciliter la réalisation des objectifs de coopération prévus par l’accord, les parties s’engagent à fournir les moyens adéquats à leur mise en œuvre, notamment les ressources financières, dans le cadre de leurs disponibilités et de leurs mécanismes respectifs. A cet égard, elles adopteront, dans la mesure du possible un programme pluriannuel et établiront des priorités en tenant compte des nécessités et du niveau de développement des pays d’Amérique Centrale ». L’analyse du corpus jure montre que les accords de dialogue politique et de coopération produisent un cadre juridique enrichi et une coopération très large, censés apporter des réponses aux problèmes d’intérêt commun. En outre, ces accords donnent un rôle important au dialogue politique, dans le renforcement des liens entre l’Union européenne, d’une part, et la Communauté andine et l’Amérique Centrale, d’autre part. Dans un certain sens, ces avan769 Voir l’article 2 du protocole n° 4 de 1997 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, qui déclare « qu’aucune disposition du titre IV du traité instituant la Communauté européenne, aucune mesure adoptée en application de ce titre , aucune disposition de tout accord international conclu par la Communauté en application de ce titre et aucune décision de la Cour de justice interprétant ces dispositions ou mesures, ne lie le Royaume-Uni ou l’Irlande ou n’est applicable à leur égard » . Voir aussi le protocole n° 5 sur la position du Danemark. 770 Voir dans le TFUE, l’article 4 §2 lettre j) ; Voir aussi, PRIOLLAUD (F.-X.), SIRITZKY (D.), Le traité de Lisbonne-Texte et commentaire article par article des nouveaux traités européens (TUE-TFUE), op.cit., spéc., p. 208. 299 cées prometteuses pourraient confirmer l’hypothèse d’une préparation vers l’obtention de régimes d’association. En enrichissant le contenu des accords antérieurs, ces apports respectent l’orientation générale préalable « d’inscrire la coopération dans une optique pragmatique et évolutive »771. Globalement, l’introduction de nouveaux domaines de coopération inexistants précédemment et rencontrés uniquement dans les accords d’association de grande ampleur, présuppose une transition vers une mutation importante des relations euro-andines et eurocentraméricaines. 771 FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la CEE avec les PVDALA » op. cit., spéc. p. 17. 300 SECTION II : DES TREMPLINS VERS DES ACCORDS INTERREGIONAUX D’ASSOCIATION ? Les accords de dialogue politique et de coopération comportent l’objectif d’atteindre l’association772. Pourtant, outre qu’il est difficile d’apprécier la portée d’accords de dialogue politique et de coopération non encore appliqués, plusieurs éléments incitent à la prudence. Tout d’abord, une analyse plus attentive des termes de l’article 2 montre que les parties s’engagent dans les accords de dialogue politique et de coopération à « créer les conditions qui pourraient permettre de négocier »773 des accords d’association. L’emploi du conditionnel traduit que l’évolution conventionnelle projetée, c’est-à-dire le passage au régime d’association, n’est pas automatique mais soumise à conditions. Ensuite, l’ouverture des négociations pour des accords d’association aurait dû mettre fin à tout scepticisme quant à l’importance des accords pour préparer la transition. En effet, des négociations en vue de la conclusion d’accords d’association ont été entamées tant avec la Communauté andine, lors du sommet présidentiel de la CAN tenu à Tarija le 14 juin 2007, qu’avec l’Amérique Centrale à l’occasion d’une réunion de haut niveau organisée à Bruxelles les 28 et 29 juin 2007 entre la Commission européenne et les représentants de l’organisation régionale centraméricaine. Or, tout au contraire, elle accrédite l’idée d’une influence subsidiaire des arrangements de dialogue politique et de coopération. Car, le choix de commencer les négociations avant la mise en œuvre, même à titre provisoire, des accords de dialogue politique et de coopération, remet en cause leur portée. Etant donné que c’est dans le cadre des relations Union européenne - MERCOSUR, que fut inauguré pour la première fois en Amérique latine, la perspective de l’association entre deux unions douanières , l’analyse comparative avec l’accord-cadre interrégional de coopération Union européenne-MERCOSUR de 1995774 – lequel devait constituer un modèle 772 Les termes de l’article 2 affirment : « - Les parties confirment leur objectif commun de travailler en vue de créer les conditions qui pourraient permettre de négocier, en faisant foi sur les résultats du programme de travail de Doha qu’elles se sont engagées à mener à bien d’ici la fin de 2004, un accord d’association réaliste et mutuellement avantageux, y compris une zone de libre échange ». 773 Ibidem. 774 L’accord cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d'autre part, signé le 15.12.1995 et entré en vigueur le 301 du genre – peut être riche d’enseignements quant aux chances d’obtenir le régime conventionnel brigué par les pays membres de la CAN et du SICA (§1). Par ailleurs, les incertitudes qui entourent le passage à l’association depuis l’ouverture des négociations commerciales révèlent l’existence de difficultés (§2) notamment au sujet des exportations agricoles de bananes. §1 L’analyse comparative avec l’accord-cadre interrégional de coopération Union européenne-MERCOSUR Même si l’association interrégionale UE-MERCOSUR n’est pas certaine, l’accordcadre interrégional de coopération du 15 décembre 1995, contient les caractéristiques qui devraient permettre le changement. Antérieur aux accords de dialogue politique et de coopération, il fut le premier pour l’espace géographique d’Amérique latine, à contenir un projet d’accord interrégional d’association. Il a probablement inspiré leur élaboration775. Il s’ensuit que l’accord de 1995 pourrait renseigner quant aux critères distinctifs de tout projet visant à préparer le passage à des régimes d’association sur une base interrégionale. L’analyse révèle effectivement des caractéristiques communes suffisamment significatives pour autoriser la comparaison. Ainsi, outre une similitude de finalité consistant à préparer une association interrégionale776, la Communauté européenne opère, semble-t-il, pour les accords avec la CAN, les pays membres du SICA et le MERCOSUR, suivant la même méthode conventionnelle (A). 1.07.1999, JOCE, n° L 69 du 19.03.1996, p. 3 ; JOCE, n° L 112, du 29.04.1999, pp. 65-84. Et, Décision 1999/279/CE du Conseil, du 22 mars 1999, concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de l'accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d'autre part. 775 En effet, au commencement des négociations avec le MERCOSUR, les professeurs Catherine FLAESCHMOUGIN et Joël LEBULLENGER pronostiquaient, « que l’axe majeur de la rénovation de la politique communautaire pourrait reposer sur la conclusion “d’associations interrégionales de libre échange” avec certains partenaires y compris jusque là non privilégiés ». Le modèle conventionnel prévu et initié avec le MERCOSUR, pourrait être étendu à d’autres organisations régionales d’Amérique latine, jusqu’alors volontiers classées parmi les intégrations régionales « à la viabilité incertaine ». Voir FLAESCH MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « La CE et les intégrations économiques régionales de Pays en Voie de Développement », in DORMOY (D.) (dir.), L’UE et les Organisations Internationales, op. cit, pp. 216-217. 776 Pour sa part, l’accord-cadre interrégional de 1995 avec le MERCOSUR est destiné à préparer la création d’une association interrégionale. Ses dispositions doivent « préparer (…) » et « promouvoir la création des conditions favorables à l’établissement de l’association interrégionale, en tenant compte de la sensibilité de certains produits, en conformité avec l’OMC ». Voir, titre II, article 2 et article 4 de l’accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d'autre part, signé le 15.12. 1995, et entré en vigueur le 1.07.1999, JOCE, n° L 112, du 29.04.1999, p. 65. Un échange de lettres a prévu l’entrée en vigueur provisoire de certaines dispositions de l’accord dès sa signature : JOCE, n° L 69 du 19.03.1996, p. 3. 302 Apparemment, tous ces accords ont en commun qu’« ils sont conçus comme des instruments juridiques de transition entre les accords de troisième génération qui existaient précédemment et les accords d’association et de libéralisation des échanges » à venir777. Cependant, l’accord-cadre interrégional de coopération avec le MERCOSUR signé le 15 décembre 1995, et, les accords de dialogue politique et de coopération avec la CAN et les pays d’Amérique Centrale signés en 2003, de l’autre côté, utilisent des bases juridiques différentes (B). Il convient donc d’identifier les bases juridiques de la compétence externe CE, utilisées pour chacun de ces instruments conventionnels destinés à reconfigurer les relations avec l’Amérique latine sur une base régionale. A) Une méthode conventionnelle similaire A l’instar de la méthode suivie dans les relations avec le MERCOSUR, l’instauration des accords de dialogue politique et de coopération répond, semble-t-il, à la volonté communautaire778 de conclure des accords régionaux d’association suivant deux phases (1). Dans l’exemple des relations avec le MERCOSUR, le passage à l’association avait été également soumis à condition avant que cette dernière obligation ne soit finalement abandonnée (2). 1- La conclusion d’accords en deux étapes sur une base régionale La Communauté européenne opère en deux temps afin de préparer l’instauration des accords d’association. Cette politique de petits pas trouve probablement sa justification dans le fait que les latino-américains n’avaient pas vocation à l’origine à bénéficier d’accords conclus sur la base de l’ancien article 238 C(E)E (article 310 du TCE devenu article 217 TFUE). Le changement ne peut donc s’effectuer que graduellement. Depuis la fin des années quatre vingt-dix, et durant toute la décennie 2000, en Amérique latine, seule la conclusion d’un accord avec le Mexique779 a dérogé à ce modus operandi. En revanche, les accords avec le 777 FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), op. cit, spéc.,p. 10. 778 Tout en restant conscient qu’une convention implique au moins deux parties, l’analyse se place du côté CE (devenue l’Union) afin de démontrer l’existence d’une stratégie européenne, pour l’Amérique latine. 779 La CE a signé un accord dit « de quatrième génération » avec le Mexique sans phase préparatoire : Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération antre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Etats-Unis du Mexique, d’autre part, JOCE, n° L 276 du 28.10.2000, p. 44. 303 MERCOSUR et avec le Chili – dont l’accord intermédiaire était nommément « préparatoire »780 – ont été conduits suivant une méthode constante. La première phase est une étape généralement intermédiaire constituée par la conclusion d’un accord-cadre, en l’espèce interrégional, couvrant tous les domaines possibles de coopération y compris une préparation à la libéralisation des échanges, telle que prévue à terme par l’association. L’accord couvre, lorsqu’il s’agit de liens interrégionaux, un appui à l’intégration régionale781 assortie d’une assistance technique, industrielle et financière. Il organise l’approfondissement du dialogue et de la concertation782 entre l’Union européenne et l’aspirant au régime d’association. La deuxième phase consiste, normalement, en l’instauration d’une association interrégionale 783 qui est l’objectif recherché, par la voie d’un accord conclu sur le fondement de l’article 310 du TCE (devenu article 217 du TFUE). L’entrée en vigueur de l’accord d’association rend caduc le précédent784. D’après ce mode opératoire, bien qu’ils ne soient pas explicitement qualifiés de « préparatoires » par leurs rédacteurs, les accords de dialogue politique et de coopération constitueraient une première phase, avant celle de la négociation proprement dite en vue d’accords créant une association assortie de zone de libre échange. Dans la phase intermédiaire, la construction ultérieure d’une zone de libre échange entre la CE d’un côté, et les organisations d’intégration régionale d’Amérique latine et leurs 780 Voir Accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part, signé le 21.06.1996 et entré en vigueur intégralement le 1.02.1999, JOCE, n° L 42 du 16.02.1999. Par un échange de lettres, certaines dispositions de cet accord sont entrées en vigueur provisoirement dès sa signature le 21.06.1996 : JOCE, n° L 209 du 19.08.1996, p. 1.Cet accord préparatoire n’est plus en vigueur depuis le 1er mars 2005. 781 Par exemple, dans l’accord-cadre interrégional UE-MERCOSUR, le titre IV est consacré au « renforcement de l’intégration régionale ». L’article 18 fixe « les objectifs et domaines d’application » de coopération et en souligne le caractère horizontal. C'est-à-dire qu’il est affirmé que « la coopération entre les parties(…) englobe tous les domaines du présent traité » : article 18 §1. 782 Par exemple, l’article 3 alinéa 1 de l’accord-cadre interrégional UE-MERCOSUR concerne l’établissement d’un « dialogue politique de caractère régulier qui accompagne et consolide le rapprochement entre l’Union européenne et le Mercosur ». 783 Les difficultés des négociations avec le MERCOSUR semblent conduire l’Union à abandonner la stratégie interrégionale. La nouvelle approche pourrait impliquer la conclusion d’accords bilatéraux avec certains membres du MERCOSUR comme le Brésil. S’il se confirme, l’abandon de l’association interrégionale avec le MERCOSUR risque de compromettre la perspective d’autres accords sur le même modèle notamment avec la Communauté andine. 784 C’est ainsi que par exemple, l’accord-cadre de coopération UE/Chili ne s’applique plus depuis la décision d’application provisoire de certaines dispositions de « l’accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part », signé le 18.11.2002, JOCE , n° L 352, du 30.12.2002, p. 1 ; Décision du Conseil 2002/979/CE du 18.11.2002 relative à la signature et à l’application provisoire de certaines dispositions d'un accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part. 304 Etats membres, de l’autre côté, est également préparée par étapes : à savoir que les accords dits préparatoires n’instaurent pas d’emblée le libre échange entre les membres de deux organisations régionales. Mais, leurs dispositions sont réputées faciliter la mise en place progressive d’une libéralisation des échanges pour l’avenir. La pratique expérimentée par la CE pour conclure un accord à finalité de libre échange, consiste à instaurer dans un premier temps, une coopération commerciale centrée sur cet objectif, pour aboutir dans un second temps, à des discussions sur l’abolition des tarifs et des barrières non tarifaires. Ainsi, l’accord-cadre interrégional de coopération avec le MERCOSUR de 1995 a introduit le premier, une coopération commerciale axée sur la préparation de « la libéralisation ultérieure, progressive et réciproque des échanges »785. Il comporte tout un titre II spécifiquement consacré à la coopération commerciale à finalité de libre échange786. Dans l’accord préparatoire interrégional de décembre 1995 avec le MERCOSUR, sont mis en place, en vue de préparer la libéralisation des échanges : un dialogue économique et commercial à l’article 5, dont les travaux sont encadrés par une « sous-commission mixte commerciale » qui est un organe créé par l’accord ; et une coopération dans divers secteurs sur des questions en relation avec la libéralisation des échanges aux articles 6 à 9. De la même façon, l’article 13 des accords de dialogue politique et de coopération table sur la possibilité d’aboutir à des accords d’association, instituant des zones de libre échange787, et instaure un dispositif d’encouragement au développement des capacités commerciales : « les parties conviennent que la coopération commerciale encouragera le développement des capacités [des pays andins] pour leur permettre de devenir plus compétitifs et, par conséquent, de participer plus activement au marché européen et à l’économie mondiale ». Le dispositif de coopération commerciale est complété par une assistance liée au commerce prévue à l’article 13§2. En définitive, cette stratégie justifie que, malgré la volonté déclarée de leurs auteurs d’évoluer vers des accords d’association, les accords de dialogue politique et de coopération signés en 2003 ne contiennent pas de clause commerciale précise788 – mis à part la coopéra785 Accord cadre interrégional de coopération UE-MERCOSUR, du 15.12.1995, JOCE, n° L 112, du 29.04.1999, p. 65. L’article 4 dispose : « Les parties s'engagent à intensifier leurs relations afin d'encourager l'accroissement et la diversification de leurs échanges commerciaux, de préparer la libéralisation ultérieure progressive et réciproque de ces échanges (...)». 786 Voir Accord cadre de coopération interrégional précité, articles 4 à 9. 787 Accords de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, COM (2003)695 final du 15.12.2003, article 13 §1 ; Accords de dialogue politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et les pays d’Amérique centrale, membres du SICA, COM (2003)677 final du 15.12.2003, article 13 §1. 788 Voir Commission européenne, Proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la 305 tion commerciale à caractère programmatoire et destinée à préparer l’étape ultérieure – et encore moins de concessions préférentielles. De surcroît, pour les mêmes raisons, ils ne comportent pas de clause envisageant le passage automatique à la phase associative. 2- De la conditionnalité originelle à l’ouverture des négociations d’association La négociation d’accords d’association dépend de l’évolution des négociations commerciales au niveau multilatéral (a) et des avancées en matière d’intégration régionale (b). C’est ce qu’indique la communication de la Commission européenne du 7 avril 2004789. La conditionnalité ne résulte donc pas d’une clause des accords de dialogue politique et de coopération. Il n’empêche que ces conditions ont été confirmées lors du sommet UE-AL-C de Guadalajara de mai 2004. Une méthode d’évaluation a été prévue pour vérifier que les conditions soient effectivement remplies790. a) L’achèvement du programme de Doha pour le développement La première condition revient à subordonner la négociation de nouveaux accords d’association, à l’évolution des négociations commerciales au niveau multilatéral. Si ces négociations aboutissaient à un accord, particulièrement dans le domaine agricole, cela permettrait de bâtir les négociations interrégionales sur la base des règles et concessions déjà consenties à l’OMC. Mais, on pourrait dès lors se demander quelle serait la valeur ajoutée des accords interrégionaux ? Communauté andine et ses pays membres, à savoir les républiques de Bolivie, de Colombie, de l’Équateur, du Pérou et la République bolivarienne du Venezuela, d’autre part, Bruxelles, 14.11.2003, COM (2003)695 final. 789 Communication de la Commission du 7 avril 2004 sur « Les objectifs poursuivis dans le cadre des relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine en vue du troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, d’Amérique latine et des Caraïbes qui se tiendra à Guadalajara (Mexique) le 28 mai 2004 », COM (2004)220 du 7 avril 2004, JOCE, n° C 122, 30.04. 2004, p. 44. 790 Dans la perspective des accords d’association, furent lancés des « exercices d’évaluation conjointe sur l’intégration économique régionale » en janvier 2005. L’évaluation est confiée à un groupe de travail conjoint dit « groupe de travail commun ad hoc » composé de spécialistes des deux régions. Ce dernier s’occupe des aspects techniques de l’évaluation conjointe conformément au mandat qui lui est confié par chaque Commission-mixte. Le « groupe de travail commun ad hoc » s’est réuni à trois reprises entre 2005 et 2006. ADIWASITO (E.), DE LOMBAERDE (Ph.), PIETRANGELI (G), « On the joint assessment of Andean integration in EU-CAN relations », OBREAL/EULARO Background Paper 2006, April 2006, 28 p., Dossier special, « The Future of Andean Integration and the relations with the EU», Studia Diplomatica, vol. LVII , n° 3, 2005, spéc.,pp. 115-142. Pour un compte rendu final du groupe de travail ad hoc UE/CAN, voir, « EU-CAN Joint Assessment on Regional Economic Integration – Final Report of the Working Group », version publique autorisée du 07.12.2006, 14 p. disponible sur le site http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/august/tradoc_129825.pdf 306 Le Parlement européen, très favorable à la conclusion des accords d’association avec l’Amérique centrale et la Communauté andine791, aurait souhaité que l’on fixe une date pour ouvrir des pourparlers sans qu’il soit nécessaire de mener les négociations de l’OMC à leur terme. La résolution du Parlement européen du 15 novembre 2001 intitulée « Vers une association globale et une stratégie commune pour les relations entre l’Union et l’Amérique latine », a préconisé dès cette époque, c'est-à-dire avant la signature des accords de dialogue politique et de coopération, la « présentation dans les moindres délais de nouvelles directives de négociation en vue de conclure à moyen terme des accords d’association avec la Communauté andine et l’Amérique centrale »792. Cette première exigence renvoie au problème de la synergie possible entre régionalisme et multilatéralisme : se pose la question de savoir quelle contribution les accords entre des organisations régionales peuvent apporter à l’avancement du système multilatéral ? Quelle serait leur plus value ? Et de quelle manière ces accords interrégionaux dépendent des progrès accomplis dans les négociations au sein de l’OMC ?793 Il est notoirement reconnu que « les accords régionaux ont permis à des groupes de pays de négocier des règles et des engagements qui vont plus loin que ce qu’ils auraient pu alors convenir sur le plan multilatéral »794. Par le choix qu’elle opère de soumettre la négociation à la réussite du cycle de Doha à l’OMC, la Communauté européenne choisit une voie médiane et confirme ainsi sa politique de respecter le multilatéralisme tout en continuant à négocier et conclure des accords interrégionaux. Elle affirme qu’ « il convient de maintenir les grandes lignes de notre politique et de notre programme de négociations actuels, et que, pour éviter de freiner les progrès réalisés dans le cadre du programme de Doha pour le développement, il nous faut prendre garde à ne pas faire pencher davantage la balance en faveur du bilatéralisme. Parallèlement, nous avons aussi conclu que ce souci de conserver la même approche était compatible avec un éventuel 791 Notas de prensa, « Parlamento Europeo expresa su apoyo a la asociación CAN- UE y saluda la creación de la Ccomunidad Sud Americana », 10.12.04. http://www.comunidadandina.org/prensa/notas/np10-12-04.htm 792 Rapport au nom de la Commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécurité commune et de la politique de défense du Parlement européen, sur « Une association globale et une stratégie commune pour les relations entre l’Union et l’Amérique latine », rapporteur José Ignacio SALAFRANCA SÁNCHEZ NEYRA, Rapport déposé PE A5-0336/2001(2000/2249 INI) du 11.10.2001, point 16. 793 GORDIANO (P), « L’alliance stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique latine dans le cadre du système commercial multilatéral », Problèmes d’Amérique latine, n° 51, Hiver 2003-2004, pp. 113- 131. 794 OCDE, « Le régionalisme et le système commercial multilatéral », Paris, juillet 2003, 196 p. 307 développement de notre réseau d’accords régionaux et bilatéraux, si des raisons déterminantes, d’ordre économique ou autre, venaient à se présenter »795. Pourtant, soumettre l’ouverture de négociations à la clôture du cycle multilatéral retarde d’autant la réalisation des accords interrégionaux d’association. La condition en l’espèce, a finalement été abandonnée face aux difficultés des négociations multilatérales, et à l’avancée des négociations étasuniennes, cédant ainsi devant l’urgence de la signature des accords d’association. Le même parcours a été suivi dans les relations en vue d’un accord d’association avec le MERCOSUR : cette condition avait été posée dans la démarche adoptée vis-à-vis du MERCOSUR ; mais le Conseil et la Commission européenne n’ont pas hésité à l’abandonner, après l’échec de la conférence de Cancun en septembre 2003796. Par ailleurs, une seconde condition est requise dans la mesure où « une relation interrégionale ne peut être durable et riche de promesses pour l’organisation mondiale du commerce qu’à la condition d’être équilibrée »797 ; et l’équilibre est censé provenir de la réalisation d’un niveau d’intégration suffisant. b) La réalisation d’un « niveau d’intégration régionale suffisant » La Commission européenne a défini dans sa communication du 30 mars 2004798 trois critères à partir desquels peut être évalué le « niveau d’intégration régionale suffisant ». Ce second préalable à l’ouverture des négociations d’association paraissait suggérer que la faiblesse des processus d’intégration ne permet pas la conclusion d’accords d’association. Tout d’abord, les organisations régionales d’intégration économique aspirant à un régime d’association avec l’Union européenne doivent disposer d’un cadre institutionnel pleinement opérationnel. Deuxièmement, elles doivent avoir créé une union douanière799 compatible avec l’Article XXIV du GATT de 1994 et notifiée à l’Organisation Mondiale du Commerce. Par 795 Communication de la Commission « Redynamiser les négociations relatives au programme de Doha pour le développement – l’optique de l’UE », COM (2003) 734 final du 26.11.2003, p. 17 ; JOUE, n° C 93 du 21.04.2004, p. 40 ; Bulletin UE, novembre 2003, point 1.6.22. 796 FLAESCH -MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la Communauté européenne avec les pays d’Amérique latine et d’Asie », op. cit., spéc.,p. 11. 797 TENIER (J.), « Les relations entre l’Amérique latine et l’Union européenne après le Sommet de Guadalajara des 28 et 29 mai 2004 », Chronique des Amériques, n° 40, novembre 2004, p. 5. 798 COM (2004)220 final, du 30.03.2004, spéc., p. 16. 799 L’union douanière est une seconde étape du processus d’intégration après celle de la zone de libre échange. A ce stade, les pays membres, après avoir libéralisé l’essentiel des échanges commerciaux entre eux, décident d’adopter une politique commerciale commune qui débouche sur l’adoption d’un tarif extérieur commun visà-vis des tiers. 308 conséquent un niveau d’intégration économique implique un tarif extérieur commun et une politique commune en matière de commerce extérieur. Il ressort de ce second critère que la réalisation du projet juridique de négocier et conclure des accords d’association dépend de l’accomplissement, entre autres, d’une condition économique : la réalisation de l’union douanière intra-régionale qui est le standard minimal requis. Mais ce critère a également été abandonné dans la mesure où le processus d’intégration régionale évolue suivant un rythme propre à chaque organisation800, et compte tenu de l’urgence pour l’Union européenne d’entamer des négociations exploratoires sur la faisabilité de zones interrégionales de libre échange801. De fait, les négociations ont débuté en 2007. Enfin, le troisième critère concerne la suppression des obstacles non tarifaires au commerce intra-régional, ce qui requiert un important travail d’harmonisation normative entre les membres ou de reconnaissance mutuelle. Or, il n’est pas certain qu’existent des instances capables d’édicter les mesures d’harmonisation, ou des juridictions pouvant assurer le respect de la reconnaissance mutuelle au sein des organisations régionales concernées. Le problème est d’autant plus épineux lorsque le niveau d’engagement envers l’organisation régionale diffère d’un pays à l’autre. Ainsi, à titre d’illustration, au sein de l’organisation régionale d’intégration centraméricaine, le Panama et le Costa-Rica sont membres du Système d’intégration centraméricain (SICA) et signataires du protocole de Tegucigalpa du 13.12. 1991. Mais le premier n’est pas membre du sous-système d’intégration économique (SIECA) 800 Le problème véritable vient du fait que les qualificatifs de zone de libre échange, d’union douanière, de marché commun, ou autres, donnés aux processus d’intégration en Amérique latine, par leur traité fondateur, reflètent davantage l’objectif fixé par les pays signataires que la réalité de l’intégration. Or, suivant la logique communautaire, l’enjeu est l’existence de vastes marchés aux règles internes harmonisées comme préalable indispensable à la conclusion réussie de zones de libre échange interrégionales. En pratique, en 2004 l’organisation régionale d’intégration économique centre américaine (SIECA) par exemple, n’avait pas encore réalisé l’union douanière (entendu comme l’existence d’un tarif extérieur commun applicable à tous les membres et la réalisation d’un territoire douanier commun). Malgré, le « Plan d’action pour l’intégration économique centre américaine » qui a été approuvé en 2002 par les présidents centraméricains, et qui aurait dû aboutir à l’union douanière originellement en janvier 2004,voir, Secretaría General del Sistema de la Integracíon centroamericana (SG-SICA), « Informe de estado de avance de la integracíon centroamericana », San Salvador (Salvador) junio 2003, document DOCDAE 013/2003, sur le site http://www.sica.org. A l’inverse, au sein de la Communauté andine, l’union douanière bien qu’incomplète, est effective depuis l’adoption en 1994 et l’entrée en vigueur du tarif extérieur commun en 1995. Voir Comisión del acuerdo de Cartagena, Décisión 370 sobre Arancel externo comùn, Gaceta oficial del acuerdo de Cartagena, n°166,02.12.1994, Lima (Perù) p. 1; Le « programme de travail pour l’approfondissement de l’intégration économique andine » met en place un programme d’approfondissement de l’union douanière notamment en ce qui concerne le traitement similaire des produits en provenance des pays tiers.Voir, Secretaria general comunidad andina (SG-CAN), « Programa de trabajo para la profundización de la integración comercial andina », documento de trabajo, SG/dt 290/Rev.2, 16 de Abril de 2005, aprobado en Lima (Perù), 29.03. 2005, disponible sur le site http://www.comunidadandina.org/documentos . 801 FLAESCH -MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la Communauté européenne avec les pays d’Amérique latine et d’Asie », op. cit., spéc.,p. 15. 309 instauré par le protocole de Guatemala du 29.10.1993, et ne participe donc pas au projet d’union douanière. Le second ne participe ni au Parlement centraméricain (PARLACEN), ni à la Cour Centraméricaine de Justice, ni même à l’union douanière. Comment dans ces conditions négocier un futur accord d’association assorti de libre échange sur une base interrégionale ? En définitive, aucun des trois pré-requis ne semblent pouvoir se réaliser promptement. En outre, l’imposition de ces conditions pourrait comporter des risques de litiges entre les négociateurs : certains pays latino-américains critiquent la volonté d’une importation du modèle européen au mépris des particularismes régionaux802. Encouragée par le Parlement européen et le Conseil économique et social européen inquiets des répercussions des accords de libre échange américains sur les relations Union européenne-Amérique latine803, la Commission européenne paraît axer ses efforts de négociations sur le développement coûte que coûte de son réseau d’accords. En conséquence, les deux exigences originellement sine qua non pour l’ouverture des négociations des accords d’association804, n’ont pas été formellement abandonnées mais suspendues puisque les négociations en vue d’accords d’association ont débuté en 2007, bien avant, la réalisation effective des conditions posées. Ce glissement paraît symptomatique du réalisme politique et de l’adaptabilité européenne. Finalement, les accords de dialogue politique et de coopération se distinguent de l’accord-cadre interrégional avec le MERCOSUR, réputé préparatoire à l’association, par une différence quant aux bases juridiques utilisées. B) Des bases juridiques distinctes La base juridique et la répartition des compétences qu’elle implique doit refléter le dessein européen d’évoluer vers l’association assortie de libre échange, et témoigne du type d’approche choisie par l’Union européenne à l’égard des organisations régionales d’Amérique latine concernées. 802 Article paru sur Bilaterals.org, « Nicaragua y, Costa Rica se enfrentan por Acuerdo de Asociación », , Site http://www.bilaterals.org/ [consulté le 26.02.2009]. 803 Bulletin UE 1/2 -2004, point 1.6.164. 804 L’ouverture des négociations pour des accords d’association semble conditionnée par les résultats de l’évaluation conjointe et le constat d’avancées effectives en matière d’intégration économique, puisque « les résultats de cet exercice mèneront, en temps opportun, aux négociations sur un accord d’association, y compris un accord de libre échange, entre les deux régions », selon la Déclaration finale de la Commission mixte Union européenne-Communauté andine, Bruxelles, le 21 janvier 2005. 310 Généralement, l’article 133 du TCE (devenu article 207 du TFUE) est utilisé en matière de conclusion d’accords à finalité commerciale, notamment visant au libre échange. Mais son seul usage est trop limité pour préparer un accord d’association de grande ampleur et traduirait une régression805contraire à l’évolution de la coopération qui se cantonne de moins en moins à un domaine unique. Dans l’accord-cadre préparatoire UE/MERCOSUR, on a eu recours à une combinaison des articles 113 TCE (article 133 du TCE devenu article 207 du TFUE) et 130Y du Traité CE (article 181 du TCE devenu article 211 du TFUE). Elle a longtemps permis à la Communauté de conclure des accords à la fois de commerce et de développement. L’utilisation de ces articles 113 et 130 Y signifiait clairement que l’accord cadre interrégional avec le MERCOSUR n’avait pas uniquement une vocation commerciale. En effet, compte tenu des asymétries de développement entre elle et le MERCOSUR et, malgré le poids économique de ce dernier, et les réformes opérées au sein de cette organisation d’intégration, la Communauté européenne a recouru concomitamment à l’article 130 Y pour instaurer une coopération au développement dans l’accord préparatoire à l’association interrégionale de libre échange, signifiant implicitement que le MERCOSUR n’était pas définitivement sorti du sousdéveloppement806. Au contraire, le recours à l’article 181 du TCE (devenu article 211 du TFUE) a été privilégié comme seule base juridique des accords « de dialogue politique et de coopération » signés en 2003. Cet article s’inscrit dans la Troisième partie du TCE au titre XX consacré à « la coopération au développement ». L’utilisation de cette base juridique permet de conclure des accords au contenu plus étendu, sans recourir à l’association, fondée sur l’ancien article 310 du TCE devenu article 217 du TFUE. D’ailleurs, sans exclure la possibilité d’accords d’association, l’article 181 TCE devenu article 211 du TFUE ne le prévoit pas. En ce sens, il se distingue des termes de la deuxième phrase, de l’article 181 A du TCE §2, qui englobe expressément la possibilité de conclure des accords d’association pour mettre en œuvre une coopération économique, financière et technique avec des tiers. Or, sur le modèle de l’accord-cadre interrégional, qui est un accord préparatoire, on aurait pu s’attendre à trouver l’ex-article 133 du TCE (anciennement titre IX consacré à la politique commerciale commune) combiné à d’autres bases juridiques, comme fondement des 805 Les accords dits de première génération signés dans les années 1970 se fondaient sur le seul article 113 du TCEE devenu article 133 du traité CE. FLAESCH-MOUGIN, « Les relations de la CEE avec les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Asie (P.V.D.A.L.A.), op. cit., spéc.,pp. 4-5. 806 LEBULLENGER (J.), « Quel(s) partenariat(s)entre la Communauté européenne et les pays et groupements régionaux latino-américains ? », op.cit., spéc., p. 722. 311 accords «de dialogue politique et de coopération » visant à préparer une association de libre échange. Or, l’article 133 est occulté au profit du seul article 181 du TCE. L’absence de l’article 133 semble signifier que l’importance de la dimension commerciale est moindre dans ces accords. En guise de préparation à la conclusion d’accords d’association et de libre échange, l’Union européenne donne la priorité au renforcement de l’intégration régionale et à la coopération sous toutes ses formes807, avant d’envisager toute autre évolution dans le sens d’une libéralisation réciproque des échanges commerciaux. Aussi, paradoxalement, si les accords dits de dialogue politique et de coopération marquent une forte volonté de coopération des parties allant au-delà des intérêts commerciaux et économiques, ils s’avèrent singulièrement peu adaptés du point de vue commercial dans l’optique d’accords d’association et de libre échange. Force est de constater que les accords de dialogue politique et de coopération ne comportent aucune concession préférentielle et se contentent d’annoncer les accords d’association comme une perspective possible, sans garantie. Cela laisse penser que le passage à l’association pourrait être différé sine die. Pourtant, non sans difficultés, les parties ont entamé les négociations pour des accords d’association808. §2 Les difficultés des négociations en vue d’accords d’association La communication de la Commission européenne, du 8 décembre 2005, sur « un partenariat entre l’Union européenne et l’Amérique latine - analyse d’impact »809, met en exergue l’existence d’une stratégie européenne axée sur le développement d’un réseau d’accords d’association en Amérique latine : « dans les années à venir, la Commission va travailler pour établir un “partenariat stratégique” renforcé à travers un réseau d’accords d’association et de libre échange, impliquant tous les pays de la région, et approfondir les 807 Il faut rappeler que « Les dispositions qui mentionnent explicitement la coopération avec les tiers (…) n’ont pas (…) pour effet de limiter le champ de la coopération aux domaines couverts. En la matière, les possibilités d’action de la Communauté découlent de compétences aussi bien implicites qu’expresses ». FENET, (A.), Droit des relations extérieures de l’Union européenne, op.cit., p. 221. 808 Le 8 décembre 2006, la Commission européenne a présenté au Conseil deux recommandations visant à l’autoriser à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’accords d’association. 809 COM (2005)636 final du 8.12.2005 sur « Un partenariat entre l’Union européenne et l’Amérique latine analyse d’impact » et document de travail des services de la Commission détaillant les actions à mettre en œuvre par la Commission SEC (2005)1590 et SEC (2005)1693, JOCE n° C 2006/49, du 28.02.2006, p. 23. 312 accords existant avec le Mexique et le Chili »810. Ces accords d’association se doivent également « en filigrane, d’être le symbole politique de relations privilégiées »811. Pourtant, cette ambition s’est heurtée dans la pratique à un certain nombre d’obstacles itératifs notamment commerciaux. En effet, après les difficultés des négociations de l’accord d’association interrégionale UE-MERCOSUR fort laborieuses et suspendues un temps à cause du nœud agricole et des discussions sur les biens industriels, les négociations pour des accords d’association programmés UE-CAN et UE-SICA ont connu – mis à part les obstacles conjoncturels812– des blocages dus en grande partie à la question du traitement des exportations agricoles sur le marché européen. En particulier, le débat sur les bananes a cristallisé les divergences (A). Cela a amené l’Union à envisager un changement de méthode. Elle a fait preuve de pragmatisme en infléchissant sa tactique (B). A) La cristallisation des divergences autour du débat sur les bananes L’Union européenne désireuse de donner « un nouvel élan au partenariat »813, considère les accords d’association comme un enjeu juridique dans sa stratégie internationale, en sachant que la signature potentielle de ces accords reflétera la réussite ou l’échec des relations interrégionales entre l’Union européenne et les organisations régionales d’Amérique latine et leurs pays membres. Les négociations entre l’Union européenne et la Communauté andine pour un accord d’association interrégional ont été lancées en juin 2007 à Tarija (Bolivie). Et celles avec l’Amérique centrale814 débutèrent en octobre 2007. Bâties sur les mêmes principes et objectifs que ceux posés dans les accords de dialogue politique et de coopération signés en 810 Commission européenne, DG des relations extérieures, « Un partenariat entre l’Union européenne et l’Amérique latine », Luxembourg, OPOCE, 2006, 23 p., spéc., p. 11. 811 RUIZ FABRI (H.), « Les accords externes de la Communauté », in CHRISTOPHE-TCHAKALOFF (M.-F.) (dir.), Le concept d’association dans les accords passés par la Communauté : Essai de clarification, op.cit., pp. 255-282, spéc., p. 257. 812 Parmi les causes conjoncturelles , on peut citer la situation politique au Honduras ; l’instabilité au Salvador qui a incité l’UE a déployé une mission d’observation électorale pour les élections législatives et présidentielles, respectivement de janvier et mars 2009, cf. Europa – Press Releases, « El Salvador : l’UE déploie une mission d’observation électorale », Bruxelles, IP/08/2009 du 18.12.2009 ; les dissensions frontalières entre le Venezuela et la Colombie ou plus globalement la crise mondiale économico-commerciale débutée en 2007. 813 Communiqué de presse « Amérique latine : la Commission européenne renouvelle sa stratégie », IP/05/1555, Bruxelles, 09.12.2005. Sur l’ancien site http://www.europa.eu.int 814 Les membres du SICA concernés sont : le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, sauf le Panama qui a un statut d’observateur dans les négociations de l’accord d’association. 313 2003, les propositions de directives ont pour but de consolider et développer les relations économiques et politiques entre les groupements régionaux815. Cependant, le volet agricole des négociations commerciales pose problème. Si le différend est particulièrement aigu dans les transactions UE-CANoù l’UE paraît abandonné dès novembre 2008 la perspective d’un accord d’association interrégional euro-andin, une solution semble avoir été trouvée avec les Etats d’Amérique centrale pour la plupart producteurs de bananes. Dans le cas de l’Amérique centrale, en effet, les négociations suspendues un temps le 1er Avril 2009 à l’orée du septième cycle, ont finalement officiellement abouti au paraphe d’un accord en mars 2011. Sur le plan général, la relation reste caractérisée par une dissymétrie entre les partenaires, tant en ce qui concerne leur niveau de développement, que dans les termes de l’échange commercial. Sur le plan juridique, ce problème traduit la difficulté d’appliquer l’obligation posée à l’OMC de libéraliser « l’essentiel des échanges » dans le cas de projets d’accords visant à créer à terme des zones de libre échange. Cette condition est difficilement atteignable en ce qui concerne les produits agricoles sensibles entre des partenaires se trouvant de surcroît dans une configuration commerciale déséquilibrée. Une solution envisageable pourrait être de reporter les négociations agricoles en incluant dans le futur accord d’association une clause de rendez-vous explicite, du type de celle prévue à l’article 43 §1 de l’accord UE-Mexique entré en vigueur le 1er juillet 2000816. L’exemple de l’accord UE- Mexique est également intéressant en ce qu’il prévoit la création d’une zone de libre échange pour les biens : la période de transition s’étend jusqu’à 2007 pour les produits industriels et, sur dix ans c’est-à-dire jusqu’en 2010 pour les produits agricoles. Mais cette solution n’est probablement pas transposable à des cocontractants dont les intérêts principaux se situent justement dans le domaine agricole. En effet les négociateurs andins et centraméricains veulent obtenir davantage d’accès au marché européen que ce dont ils bénéficient au titre du régime de Système de Préférences Généralisées (SPG plus). En contrepartie, l’Union européenne escompte un libre accès à ces deux marchés régionaux pour les exporta815 Council of the European Union, Draft negotiating directives for Association agreements with the Andean Community and its member countries”, Brussels, 13 july 2007, document 8131/07EXT1 (RESTREINT UE), déclassification partielle le 19.04.2007, 2 p.; Conseil de l’Union européenne, note point "A" du Comité des représentants permanents au Conseil au sujet d'un « Projet de directives de négociation d’un accord d’association entre la CE et ses Etats membres d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, Bruxelles le 19 avril 2007, document 8388/07EXT1(RESTREINT UE), déclassification partielle en date du 19.04.2007, 3 p. 816 Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part, article 43 §1 « Clause d’évolution future », JOUE, n° L 276, du 28.10.2000, p. 53. 314 tions et investisseurs européens, notamment en matière d’industries, de services. De plus, la légalité de la solution mexicaine pourrait être remise en cause au regard du droit de l’OMC. En effet, Madame RUIZ FABRI rappelle que si la condition de l’article XXIV du GATT de 1994 exigeant la libéralisation de « l’essentiel des échanges » n’est pas précisée par l’OMC et donne lieu à de nombreuses interprétations, le degré de libéralisation requis, notamment dans le secteur agricole, afin qu’un accord d’association assorti d’une zone de libre échange, soit conforme aux règles de l’OMC, reste un point de débat aussi bien dans les négociations d’accords d’association que sur le plan multilatéral817. Par ailleurs, la question agricole n’est pas seulement importante dans les négociations commerciales avec le MERCOSUR, la CAN ou les pays centraméricains, « (…) C’est une question centrale et récurrente de tous les processus de négociations dans lesquels l’Union européenne s’est engagée (accords d’association euro-méditerranéens, négociations multilatérales…) qui s’explique dans la difficulté d’adaptation de la politique agricole commune (PAC) aux nouvelles conditions de la production et des échanges mondiaux dans ce domaine »818. Plus particulièrement, en l’espèce, l’importance pour la plupart des pays andins et centraméricains de l’exportation bananière819 pose problème. Le conflit a par conséquent une double dimension à la fois multilatérale et interrégionale au travers des négociations que l’UE essaie de mener pour les accords d’association. S’agissant de la part des échanges agricoles avec les pays de la CAN, et du SICA, concernant la Communauté andine, la structure des exportations agricoles vers l’Union européenne est dominée principalement par le café et les bananes et quelques autres fruits820 . Selon la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, à elles seules, l'Amérique du Sud et Centrale ont contribué pour près de 70% des exportations mondiales de bananes en 2006. L'Équateur, un des quatre premiers pays exportateurs de bananes au monde avec le Costa Rica, les Philippines et la Colombie, fournit à lui seul un peu moins de 30% des exportations mondiales. Pour certains pays 817 RUIZ FABRI (H.), « Les accords externes de la Communauté », op. cit., p.266. L’auteure dit : « L’enjeu essentiel se situe, on le sait, à propos de l’agriculture, la question étant de savoir si on pourra maintenir à l’avenir une interprétation admettant la condition comme satisfaite nonobstant l’exclusion de l’agriculture du champ de l’accord, comme c’est souvent le cas par exemple dans les accords préférentiels conclus par la Communauté européenne ». 818 FLAESCH-MOUGIN (C.), KASMI (J.), LEBULLENGER (J.), « Les relations de la Communauté européenne avec les pays d’Amérique latine et d’Asie », Jurisclasseur Europe, fascicule 2231, mis à jour au 29 juin 2005, 44 p., spéc. , p.11. ; ROCHDI (G.), « La politique agricole commune dans le commerce mondial des produits agro-alimentaires », RTDE, n° 41(1), mars 2005, pp. 37-59. 819 Voir BURAC (M.), « La guerre de la banane dans la grande Caraïbe», consultable en ligne :http://fig-stdie.education.fr/actes/actes_2006/burac/article.htm . 820 LIPIETZ (A.), « La dimension agricole de l’Accord d’association Europe-Communauté andine », Défis Sud, n° 82, avril 2008, 5 p. 315 latino-américains (Panama, Equateur, Costa Rica, Honduras, Guatemala), les revenus globaux d’exportation dépendent pour une grande part des exportations de bananes821. Au total, il apparaît que tous les Etats d’une même organisation qu’il s’agisse de la CAN ou du SICA, ne sont pas dans une même situation. En outre, parmi les questions relatives au commerce des produits agricoles, abordées dans les négociations des accords d’association, sont également concernés, le sucre822 et la viande. Du côté européen, le dilemme est double. Premièrement, L’UE entend protéger et ralentir le déclin des productions de bananes communautaires provenant de Chypre et des régions ultrapériphériques [Guadeloupe, Martinique, Madère et les îles Canaries]. Deuxièmement, elle souhaite conserver des avantages commerciaux dans le cadre des accords de partenariat économique (APE) proposés aux partenaires ACP. Les APE « complets » ou « intérimaires » permettent aux ACP signataires d'exporter tous leurs produits, sucre et riz exceptés, sans droit de douane vers l'UE en échange d’une ouverture progressive, de l’ordre de 80% de leur marché aux produits européens. L’un des attraits de ces APE est notamment de sécuriser les conditions d’entrée des bananes ACP sur le marché communautaire. Or, la réalisation d’accords d’association aux conditions commerciales avantageuses pour les pays membres de la CAN et du SICA réduirait d’autant l’effet de sécurisation des APE823. Le scénario possible et redouté par les ACP, est que les pays centraméricains et andins n’obtiennent, par la voie des accords d’association, une baisse graduelle des tarifs d’exportation plus avantageuse que l’offre prévue dans l’accord de principe de Genève en juillet 2008 négocié dans le cadre multilatéral824. Il en résulte que les intérêts en présence sont difficilement conciliables. 821 Ces données sont issues du Secrétariat de la CNUCED d'après les statistiques de la FAO. La CNUCED a aussi analysé les phénomènes de dépendance des revenus d’exportation par rapport aux bananes. Les résultats révèlent que « Pour les principaux pays exportateurs tels que l'Équateur ou le Costa Rica, les exportations de banane représentaient respectivement 9,3% et 7,7% de la valeur totale des exportations en 2006 ». Néanmoins, les pays qui enregistrent les plus forts taux de dépendance sont des pays caribéens soit 22,3% pour Saint-Vincent-et-les-Grenadines, 19,7% pour Sainte-Lucie et 18,1% pour la Dominique. Pour plus de détails, consulter le site internet InfoComm de la CNUCED, « Information de marché dans le secteur des produits de base », http://unctad.org/infocomm/francais/banane/marche.htm . 822 Dans ce secteur, l’Amérique centrale réclame un quota d’exportation de 1,2 millions de tonnes, ce que refuse l’Union européenne. Voir Bilaterals.org, « Progress in negotiations of trade agreement between Central America and European Union », article publié le 13.02.2009, tiré du Guatemala Times, du 12.02.2009. 823 PERRIN (S.), LEBULLENGER (J.), « Les Accords de Partenariat Economique : un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », RMCUE, n° 522, octobre-novembre 2008, op. cit., p. 607 ; Voir aussi, ANANIA (G.), « les APE, les Accords de Partenariat Economique et l’OMC », Eclairage sur les négociations, volume 8, n° 8, octobre 2009, 4 p. ; Bilaterals.org, « EU Trade Agreement with Central America may Force ACP Countries out of Banana Business », December 17, 2008. 824 L’Accord de Genève a finalement été signé le 31.05.2010 : « Accord de Genève sur le commerce des bananes », JOUE, n° L 141 du 9.06.2010. Négocié dans le cadre multilatéral, entre l’UE, les Etats-Unis et onze pays latino-américains, il propose que le tarif appliqué par la CE de 176 euros soit graduellement abaissé à 114 euros par tonne métrique entre 2009-2017. En contrepartie, les Etats-Unis et les Etats latino-américains 316 Antérieurement, la modification du régime juridique d’importation de bananes dans l’Union européenne, prévue par le règlement du Conseil n° 216/2001 du 29 janvier 2001825, et entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n’a pas satisfait les pays latino-américains. Le régime applicable met en principe un terme au système de quotas réservés. Il le remplace par un système basé principalement sur la fixation d’un droit de douane à tarif unique. Après plusieurs propositions de la Commission européenne, rejetées dans le cadre de tentatives de règlement du différend826, et conformément aux règles de l’OMC827, le règlement du Conseil n° 1964/2005 du 29 novembre 2005828 concernant les taux de droits applicables aux bananes, a finalement fixé un droit de douane unique de 176 euros la tonne métrique pour les bananes originaires des pays non ACP. Il concède néanmoins aux bananes importées des pays ACP un contingent tarifaire annuel de 775 000 tonnes exonéré de taxe douanière. Ce dernier règlement a de nouveau fait l’objet de plaintes, déposées en novembre 2006 devant l’Organe de règlement des différends par les producteurs de bananes d’Amérique latine s’estimant lésés, notamment par l’Equateur829. La décision du Groupe spécial a condamné le régime tarifaire communautaire au motif que « la préférence accordée par l’Union européenne sous la forme d’un contingent tarifaire annuel exempt de droits de 775 000 tonnes métriques de bananes importées originaires des pays ACP constitue un avantage pour cette catégorie de bananes, qui n’est pas accordé aux bananes similaires originaires des Membres de l’OMC qui ne sont devraient abandonner la procédure engagée en 2006 devant l’OMC contre le régime européen d’importation de bananes. Voir aussi OMC, « Geneva Agreement on Trade in Bananas », WT/L/784, du 15.12.2009. 825 Le règlement du Conseil n° 216/2001 du 29.01.2001, JOCE, n° L 31, du 2.02.2001, p. 2, remplace le règlement du Conseil n° 404/93 du 13.02.1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, JOCE, n° L 47 du 25.02.1993, p. 1-11. Les considérants 1 et 2 du règlement n° 216/2001 du 29 .01. 2001, indiquent que pour mettre fin aux contestations soulevées par le régime d’importation des bananes prévu par le titre IV du règlement n° 404/93, et après analyses de diverses options présentées par la Commission européenne, « l’établissement, à moyen terme, d’un droit de douane d’un taux approprié et l'application d'une préférence tarifaire pour les importations originaires des pays ACP, présente les meilleures garanties pour, d'une part, réaliser les objectifs de l'organisation commune des marchés en ce qui concerne la production communautaire et la demande des consommateurs et, d'autre part, respecter les règles du commerce international, afin de prévenir de nouvelles contestations ». 826 Voir par exemple les conclusions de la procédure d’arbitrage qui rejette la proposition de la Commission européenne de fixation du montant de droits de douane à 230 euros : OMC, WT L 616 du 1.08.2005, « Communautés européennes – L’accord de partenariat ACP-CE – Recours à l’arbitrage conformément à la décision du 14 novembre 2001 ». 827 Selon les procédures de l'OMC, en particulier de l'article XXVIII (négociations tarifaires) de l'Accord général sur les tarifs et le commerce (GATT), l’instauration d’un régime d’importation fondé sur l’application d’un droit de douane doit intervenir aux termes de négociations avec les autres membres de l’OMC. 828 Le règlement du Conseil n° 1964/2005 du 29.11. 2005, JOUE, n° L 316 du 2.12.2005, p.1-2. 829 Pour plus de détails sur cette affaire,voir l’article de GRAGNANI (M.), « Le régime communautaire d’importation des bananes examiné encore une fois par les organes de l’OMC », Actualité du Centre d’Etudes Juridiques Européennes (CEJE), n° 506, du 22 septembre 2008, 4 p., http://www.unige.ch/ceje 317 pas des pays ACP, et est donc incompatible avec l’article I :1 du GATT de 1994 »830 qui pose le principe de non-discrimination dans les échanges commerciaux. Loin de modifier le règlement incriminé, la CE a fait appel de cette décision. Finalement, le différend au sujet du traitement tarifaire des bananes importées dans l’UE est officiellement réglé831. En effet, un accord entre l’Union européenne, les Etats-Unis et plusieurs pays d’Amérique latine dont l’Equateur, la Colombie, le Honduras, dénommé « accord de Genève sur le commerce des bananes » a été signé le 31 mai 2010 ; la décision du Conseil permet son application provisoirement, du côté européen. S’y ajoute un accord bilatéral uniquement entre l’Union européenne et les Etats-Unis832. L’accord de Genève négocié dans le cadre multilatéral, entre l’UE, les Etats-Unis et onze pays latino-américains, stipule que le tarif appliqué par la CE de 176 euros soit graduellement abaissé à 114 euros par tonne métrique entre 2009 et 2017. En contrepartie, les EtatsUnis et les Etats latino-américains devraient abandonner la procédure engagée en 2006 devant l’OMC contre le régime européen d’importation de bananes833. Il apparaît que les rebondissements de ce litige, se sont répercutés dans les négociations pour un accord d’association entre la Communauté Andine des Nations et l’UE. Faute notamment d’un consensus dans les tractations commerciales agricoles, l’Equateur s’est retiré des négociations d’association en juillet 2009 rejetant l’offre européenne concernant les bananes834 . Par ailleurs, la libéralisation de la banane a certes cristallisé les divergences mais, elle n’est pas la seule pierre d’achoppement des négociations. Pour leur part, les Européens peinent à obtenir de leurs partenaires des concessions substantielles en matière 830 OMC, WT/DS27/RW2/ECU,7.04. 2008, Chapitre VIII « Conclusions et recommandations », paragraphe 8.2 a), p. 256. 831 Pour une chronologie des différends sur les bananes dans le cadre du GATT et de l’OMC : OMC, Communiqué de presse, PRESS/591 du 15.12.2009, http://www.wto.org/french/news_f/pres09_f/pr591_f.htm 832 Accord de Genève sur le commerce des bananes, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010 ; Décision du Conseil (2010/314/UE) du 10.05.2010 relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de Genève sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Guatemala, le Honduras , le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, et le Venezuela et d’un accord sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, JOUE, n° L 141, du 9.06.2010, p. 1. 833 OMC, « Geneva Agreement on Trade in Bananas », WT/L/784, du 15.12.2009. 834 Sistema Económico Latinoamericano y del Caribe (SELA), « La UE espera que Ecuador y Bolivia se sumen a las negociaciones comerciales », Servicio Informativo, 21.01.2009 ; Sistema Económico Latinoamericano y del Caribe (SELA), “Colombia y Perú retoman las negociaciones con la UE para intentar cerrar un Tratado de Libre Comercio”, Servicio Informativo, 16.11.2009. En ligne: http://www.sela.org; Site officiel de la Commission européenne –DG Commerce: http://ec.europa.eu/trade/creating-opportunities/bilateralrelations/regions/andean/index_en.htm 318 d’investissements, de régulation et de transparence des marchés publics et de définition d’une liste des secteurs à libéraliser relatifs aux services. Le manque de cohésion entre les membres de l’organisation d’intégration andine est également responsable des difficultés, en ce sens qu’il rend impossible la formulation d’une offre unifiée de la part des pays andins tiraillés entre plusieurs conceptions de l’évolution régionale835. En dépit des difficultés et en raison d’une stratégie privilégiant dorénavant la construction d’un réseau d’accords d’association, la CE semble avoir opté pour l’abandon de la méthode de négociation appliquée jusqu’alors. B) Le pragmatisme européen : l’infléchissement de la méthode de négociations Le risque encouru est que l’Union européenne perde du terrain en Amérique latine par rapport à d’autres puissances commerciales et pays émergents qui ont déjà conclu des accords avec les pays de la Communauté andine et de l’Amérique centrale ; comme en témoigne, l’entrée en vigueur depuis mars 2006 de l’accord de libre échange entre les EtatsUnis et les pays d’Amérique centrale (ALEAC)836. Mais les Etats-Unis ne sont pas les uniques concurrents comme l’illustre l’accord entre les pays andins et le Canada qui a été signé le 31 mai 1999 dénommé « Entente de coopération en matière de commerce et d’investissement »837. Ce dernier a conduit à formuler plusieurs projets d’accords de libre échange entre la CAN et le Canada dont les concrétisations officielles sont, pour le moment, la signature depuis le 7 juin 2008 d’un accord de libre échange entre le Canada et la Colombie838 et l’entrée en vigueur entre le Canada et le Pérou d’un accord de libre échange et de 835 LIPIETZ (A.), « La dimension agricole de l’Accord d’association Europe-Communauté andine », op.cit. ; COOPMAN (P.), « Les défis de l’intégration andine », Défis Sud, n° 82, avril-mai 2008, pp. 8-11 ; FAIRLIE REINOSO (A.), « The Andean Community : The Crossroads of Integration », Studia Diplomatica, vol. LVIII, n° 3, juin-août 2006, pp. 29-36. 836 Texte de l’accord entré en vigueur disponible sur http://www.ustr.gov/trade-agreements/free-tradeagreements/cafta-dr-dominican-republic-central-america-fta 837 En espagnol, l’accord est dénommé : Entendimiento de Cooperación en materia de Comercio e Inversiones entre la Comunidad Andina y el Gobierno de Canadá) http://www.comunidadandina.org/integración/entendimiento.htm). 838 Accord signé par le gouvernement canadien le 21 novembre 2008. Site officiel du ministère des Affaires étrangères et Commerce international du Canada (Foreign Affairs and International Trade Canada), http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/andean-andin/can-peruperou.aspx?lang=fra 319 collaboration dans le domaine du travail et de l’environnement839 . En outre, la CAN et la Chine ont signé, en mars 2000, un accord afin d’amorcer un mécanisme de consultation politique et de coopération dans le but de renforcer les échanges commerciaux et technologiques, les alliances d’entreprises, le dialogue et la coopération sur des thèmes d’intérêt commun sur la scène internationale840. Par ailleurs, l’Union encourt le risque d’être exclue du bénéfice du processus d’intégration Sud-Sud c'est-à-dire du rapprochement qui s’opère entre la CAN et le MCCA ainsi que celui entre la CAN et le MERCOSUR. En effet, depuis mars 2000, la CAN négocie un accord de tarifs préférentiels avec les pays dits du triangle du Nord de l’Amérique centrale (Guatemala, Honduras, Salvador). De plus, le processus pour la création d’une zone de libre échange entre la CAN et le MERCOSUR est amorcé. Son instrument conventionnel est l’accord-cadre signé le 16 avril 1998841. L’attraction exercée par d’autres pôles économiques, tel le MERCOSUR, s’est déjà traduite par la signature le 8 décembre 2004 de la Déclaration de Cuzco visant à la réunion du MERCOSUR, de la Communauté andine, ainsi que du Chili, de la Guyana et du Surinamee en une nouvelle organisation régionale dénommée « Communauté Sud Américaine des Nations » (CSN) et rebaptisée depuis 2007 « Union des Nations Sud-américaines » (UNASUR). Il semble par conséquent nécessaire pour l’Union européenne de développer son réseau d’accords privilégiés en Amérique latine. Dans le cas des négociations avec la Communauté Andine des Nations, la priorité donnée à cet objectif s’exprime clairement dans le choix de contourner les difficultés de l’accord d’association, en négociant non plus sur une base régionale comme cela avait été posé dans les directives de négociation de 2006, mais sur une base plurilatérale voire bilatérale. Ainsi, dès janvier 2009, la CE a renoncé à négocier un accord d’association avec l’ensemble des pays de la Communauté andine. Une autre méthode de négociations a conduit à la signature d’un accord pluripartite entre l’Union européenne (CE et Etats membres) et deux pays andins membres de la CAN à savoir la Colombie et le Pérou. Les parties ont paraphé l’accord lors du Sommet UE-Amérique latine-Caraïbes de 19 mai 839 Accord signé le 1er Août 2009. Site officiel précité : http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accordscommerciaux/agr-acc/andean-andin/can-peru-perou.aspx?lang=fra 840 GAUDET (L.-F.), « La Communauté Andine des Nations », Les notes d’information de l’Observatoire des Amériques, février 2003, 30 p. En ligne : http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/CAN-03.pdf 841 Voir Acuerdo Marco para la creación de una Zona de libre Comercio entre la Comunidad Andina y el MERCOSUR,16 de Abril de 1998. http://www.comunidadandina.org/documentos/actas/acu16-4-98.htm 320 2010842. Cependant, à cette même date, un accord d’association a été paraphé entre la CE et ses Etats membres d’une part et les pays d’Amérique centrale d’autre part 843. Il faut noter que les deux pays andins cocontractants de l’accord avec l’Union européenne, sont aussi signataires d’accords de libre échange avec les Etats-Unis : la Colombie a signé « The Colombia Free Trade Agreement » le 22 novembre 2006844 ; et le Pérou est partie à l’accord dénommé « Perù Trade Promotion Agreement » signé le 12 avril 2006 et entré en vigueur le 1er février 2009845. Tendanciellement, l’hypothèse se confirme d’une stratégie réactive de l’Union européenne vis-à-vis des Etats-Unis, cherchant à contrer l’extension du modèle réglementaire américain. Cet abandon de l’approche régionale, au demeurant peu cohérent avec la volonté affichée d’un renforcement de l’intégration régionale en raison du risque de dislocation qu’il comporte, rappelle ce qui s’est produit dans les négociations avec les pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP). La position avalisée par le Conseil les 19-20 novembre 2007846 a offert l’opportunité de signer des Accords de Partenariat Economique incomplets dénommés APE intérimaires, partiels, d’étapes ou APE tremplins, non pas avec les regroupements régionaux comme cela avait été envisagé initialement, mais avec vingt et un Etats s’engageant individuellement dont neuf Pays Moins Avancés (PMA)847. Par exemple, pour la région d’Afrique centrale, un accord d’étape a été signé avec le Cameroun le 15 janvier 2009848. En Afrique de l’Ouest, la Côte d’ivoire s’est désolidarisée de son groupement régional et a signé 842 Site officiel de la Commission européenne-DG Commerce : http://ec.europa.eu/trade/creatingopportunities/bilateral-relations/regions/andean/index_en.htm [consulté en septembre 2010]. 843 Site officiel de la Commission européenne-DG Commerce : http://ec.europa.eu/trade/creatingopportunities/bilateral-relations/regions/central-america /[consulté en septembre 2010]. 844 Voir site officiel du représentant américain au commerce extérieur : http://www.ustr.gov/tradeagreements/free-trade-agreements/colombia-fta 845 Voir site officiel du représentant américain au commerce extérieur : http://www.ustr.gov/tradeagreements/free-trade-agreements/peru-tpa 846 Conclusions du Conseil sur les accords de partenariat économique, 2831 ième session du Conseil-Relations extérieures, Bruxelles, les 19-20 novembre 2007. Ces conclusions avalisent les propositions de la Commission quant à la nécessité d’infléchir l’approche européenne posée dans les directives du Conseil relatives à la négociation « d’accords de partenariat économique avec les pays et régions ACP », doc. 9930/02 du 12 juin 2002. Voir Titre Second, Chapitre I, Section I, § 2, B de la thèse : « Le calendrier de négociations peu ou prou respecté : un bilan mitigé ». 847 Les PMA sont Burundi, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Comores, Madagascar, Zambie, Lesotho et Mozambique. Cités dans GHERARI (H.), « L’accord de partenariat économique CARIFORUM-CE : vers une nouvelle génération d’accords de libre échange », RGDIP, n° 3, 2009, pp. 523-554., spéc. p. 527 et note 17 et 18. 848 « Accord d’étape vers un accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la partie Afrique centrale, JOUE, n° L 57, du 28.02.2009, p. 2. Il est précisé qu’aux fins du présent accord, « l’Afrique centrale » se compose de la seule république du Cameroun. 321 un accord intérimaire avec l’Union européenne le 26 novembre 2008849.Un seul APE complet fut signé, et ratifié entre la CE et ses Etats membres et les pays Caribéens regroupés au sein du CARIFORUM850. Bien que les enjeux ne soient pas les mêmes, il ressort de ces exemples que chaque fois que les circonstances l’exigent, la Communauté européenne adapte sa tactique. 849 Accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE n° L 59 du 3.03.2009, p. 3. 850 Accord de partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, pp. 3-1955 ; Voir également décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire, JOUE, n° L 289 du 30.10. 2008, p. 1. 322 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND Si par leur contenu, les accords de dialogue politique et de coopération avec la CAN et les pays membres du SICA vont au-delà des précédents accords de troisième génération, qui comportaient une coopération multisectorielle moins étendue ; ils demeurent des accords non préférentiels. Ainsi, il y a tout à la fois continuité et rupture, entre les accords de dialogue politique et de coopération et leurs prédécesseurs. De plus, bien que la dénomination des accords externes signés par la Communauté et ses Etats membres ne soit pas toujours éclairante pour la détermination de leur portée, on ne peut manquer de relever qu’en l’espèce, leur intitulé ne mentionne ni le terme de « préparation à l’association » ni celui d’« accords préparatoires ». D’ailleurs, à l’analyse, il n’apparaît pas clairement qu’ils sont une étape indispensable de la réalisation des accords d’association fondés sur l’article 310 du Traité CE (devenu article 217 TFUE) et assortis de libre échange. Ils traduisent tout au plus, le respect d’une démarche européenne de négociations et de conclusion par étapes, vers des accords d’association. Encore que, sur ce point, les exemples d’infléchissement de cette méthode existent, notamment dans le cas du Mexique851. Les accords de dialogue politique et de coopération sont surtout des accords de transition. Ils semblent présager l’instauration d’une quatrième génération d’accords préférentiels inédits dans l’histoire de la coopération euro-latino-américaine. Et apparemment, ils préfigurent l’extension du modèle « d’association interrégionale de libre échange » qui avait été amorcé par le projet d’accord d’association interrégional UE-MERCOSUR852. 851 « Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la CE et ses Etats membres, d’une part, et les Etats- unis mexicains, d’autre part » signé le 8 décembre 1997 et entré en vigueur le 1er octobre 2000. JOCE n° L 276, 28 .10. 2000, p. 44. 852 FLAESCH MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), « La CE et les intégrations économiques régionales de Pays en voie de développement», in DORMOY (D.) (dir.), L’UE et les Organisations Internationales, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp., spéc., pp. 206, 216 et 217 : « L’émergence de ce nouveau modèle [l’association interrégionale de libre échange] évoqué lors de la définition de la future relation de la Communauté avec le MERCOSUR, pourrait ainsi devenir la clé de voûte de nouvelles relations privilégiées Nord-Sud ». p. 206. 323 En définitive, les accords de dialogue politique et de coopération apparaissent comme de véritables exemples de pragmatisme et de réalisme politique853, ils ont pour vocation d’annoncer la mutation juridique sans pour autant la matérialiser. La signature de ces accords aurait dû annoncer un profond bouleversement de la structure conventionnelle des relations euro-latino-américaine par la possible réalisation d’accords d’association interrégionaux UE-CAN et UE-SICA, chaque organisation régionale signant aux côtés de ses Etats membres. Or, les accords paraphés en mars 2011 entre l’Union européenne et certains pays de la Communauté andine d’un côté, et un accord d’association avec les pays membres d’Amérique centrale, de l’autre, contredisent en partie cette attente. Car, dans le cas andin, les accords de deuxième (dans les années 1980) et troisième générations (dans les années 1990) ont toujours été conclus sur une base interrégionale : ils liaient la C(E)E , d’un côté, à l’accord de Carthagène (devenu Communauté andine) et ses pays membres, de l’autre854. La perspective de l’extension du modèle « d’association interrégionale de libre échange » si elle se concrétisait à moyen ou long terme, laisserait malgré tout en suspens, la question de savoir jusqu’où l’Union européenne peut-elle envisager d’étendre les régimes d’association assortie de libre échange? On se souvient en effet, que dès les premières velléités de la Commission de renforcer les relations avec le MERCOSUR855, certains Etats membres de l’Union européenne, dont la France856, s’étaient inquiétés de la propension de la Commission à vouloir multiplier les initiatives d’association de libre échange accusées entre autres, de porter préjudice à des objectifs internes. D’autre part, au regard des négociations 853 La remarque du Professeur Jean-Claude GAUTRON à propos de la Realpolitik et du Traité de Lisbonne peut notamment s’appliquer à la stratégie européenne de négociations à l’égard des pays andins et centraméricains : « La realpolitik n’est-elle pas l’art du compromis et le compromis n’est-il pas une ruse incontournable de l’Europe ? » GAUTRON (J.-C.), « Le traité de Lisbonne ou le retour de la realpolitik », RAE-LAE, 2007-2008/2, pp. 163-175, spéc., p. 175. 854 Voir pour la deuxième génération, l’Accord de coopération entre, d’une part, la Communauté économique européenne et, d’autre part, l’accord de Carthagène et ses pays membres, Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela, JOCE, n° L 153 du 8.06.1984, p. 1 ; pour la troisième génération, l’Accord-cadre de coopération entre, d’une part, la Communauté économique européenne et, d’autre part, l’accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de Equateur, la République du Pérou et la République du Venezuela, JOCE, n° L 127du 29.04.1998, p. 10. 855 Communication du 19 octobre 1994 intitulée « Pour un renforcement de la politique de l’UE à l’égard du MERCOSUR », COM (94)428 final. Document précité. 856 Voir GOYBET (C.), « Les zones de libre échange : nouveaux sujets de tension entre les quinze ? », RMCUE, n° 395, février 1996, pp. 77-80, spéc., p. 78. L’auteur note que « La France qui, mettant à profit son tour de présidence au premier semestre 1995, a essayé de faire établir par le Conseil une liste des pays ou régions avec lesquels l’Union devrait rechercher le libre échange ». A contrario, la présidence espagnole de l’UE en 2002 aura donné, dans le cadre du Conseil européen et du Sommet UE-AL-C de Madrid (mai 2002), une impulsion politique à la conclusion de l’accord d’association avec le Chili, tout en exhortant au lancement d’accords de dialogue politique et de coopération avec la CAN et le MCCA susceptibles de déboucher sur des accords d’association. 324 multilatérales, il est admis que les accords régionaux ne menacent pas le système multilatéral857. Pour autant, la progression de ces derniers alors que les négociations multilatérales stagnent858, et la propension européenne à négocier des accords allant aussi loin que la Charte de l’OMC en incluant les services, l’agriculture ou la protection des droits de propriété, imposent à l’UE d’éviter l’explosion d’accords régionaux trop parcellaires qui annuleraient les effets de l’ouverture mondiale des marchés859. Enfin, il importe d’insister sur le fait que les conséquences de l’extension du régime d’association à la CAN et au Système d’Intégration Centre Américain (SICA) pourraient être en dissonance avec les intérêts des pays caribéens signataires d’un Accord de Partenariat Economique avec l’Union européenne. 857 OMC, Le régionalisme et le système commercial mondial, OMC Focus, n°3, mai - juin 1995, pp. 6-11. 858 Face à la stagnation des négociations au niveau multilatéral deux choix s’offrent à la CE : - soit développer un réseau d’accords d’association bilatéraux ou interrégionaux assortis de libre échange, parallèlement aux négociations menées à l’OMC, - soit, privilégier lesdites négociations au détriment des négociations menées à l’OMC c'est-à-dire en marge des négociations multilatérales et en palliatif à l’échec de ces dernières. 859 STOLL (P.-T.), « Le droit international économique face aux défis de la mondialisation », RGDIP, 2009-2, pp. 273-301, spéc., p. 285. 325 TITRE SECOND : LA CONCRETISATION D’UN ACCORD DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LE CARIFORUM 326 327 Le projet d’un accord de partenariat économique entre d’une part, la CE et ses Etats membres et d’autre part, les pays caribéens membres du Forum des Caraïbes (CARIFORUM), est apparu dans l’accord de Cotonou signé en juin 2000 qui opère la transformation de la dimension commerciale des relations. Il y a été convenu de réformer radicalement le régime des échanges entre les Etats ACP et l’UE. Par suite, l’Union européenne a proposé à tous les pays ACP, une série d’accords commerciaux préférentiels réciproques860. Les négociations en vue des dénommés accords de partenariat économique (APE) s’appuient en priorité sur les organisations régionales d’intégration économique861. Mais, elles n’excluent pas la possibilité de négocier bilatéralement862. Malgré une prédilection de la CE pour l’approche régionale voire interrégionale863, les discussions ont été entamées avec ceux d’entre les Etats ACP qui s’estimaient prêts à le faire, au niveau qu’ils jugeaient approprié. L’ambition prime d’opérer une mutation du partenariat par l’instauration de nouveaux rapports économiques et commerciaux (CHAPITRE PREMIER). En choisissant l’option régionale, les pays caribéens ont saisi du même coup, en principe, l’occasion de valoriser leur organisation régionale d’intégration économique : la CARICOM (Communauté et Marché commun des Caraïbes), laquelle au même moment consolide davantage son processus d’intégration grâce à la mise en œuvre du Marché et Economie Uniques des Caraïbes (MEUC) ou CSME d’après son acronyme en langue anglaise. Simultanément, ils approfondissent aussi leur processus d’intégration Sud - Sud notamment avec la République dominicaine. Les négociations d’un accord de partenariat économique 860 Conformément à l’accord de Cotonou, art. 37 §5. 861 En effet, l’article 35 §2 de l’accord de Cotonou énonce expressément que « la coopération économique et commerciale se fonde sur les initiatives d’intégration régionale des Etats ACP, considérant que l’intégration régionale est un instrument clé de leur intégration dans l’économie mondiale ». En outre, l’importance de l’intégration régionale et sous-régionale en lien avec la coopération interrégionale est rappelée à foison dans la section 3 de la partie III de l’accord intitulée « coopération et intégration régionales ». Voir accord de Cotonou du 23.06.2000, Partie III, Section 3, articles 28-30, JOCE, n° L 317 du 15.12.2000, p. 3. De plus, dans sa première rédaction avant signature, il était question de négocier des « accords de partenariat économique régionaux » (APER). Le texte définitif de l’accord de Cotonou remplace le précédent terme par celui d’ « accords de partenariat économique » (APE) notamment aux articles 37 §1 et 37 §5 de l’accord de cotonou. Ce changement terminologique n’affecte pas la nature des accords. Mais il marque la possibilité de conclure des APE individuellement avec la CE et ses Etats membres. Voir BLUMANN (C.), Conclusion générale et synthèse, in PERROT (D.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? Actes des journées nationales d’étude de la CEDECE, op. cit, spéc, p. 515 ; LEBULLENGER (J.), « Les dispositions commerciales de l’accord de Cotonou confrontées aux règles de l’O.M.C. », RAE-LEA, 2001-2002, pp. 75-91. 862 L’accord de Cotonou en son article 37 §5 énonce sans équivoque la possibilité de négocier et de conclure tantôt sur une base bilatérale tantôt sur une base régionale. 863 La Commission européenne a manifesté dès le départ, sa préférence pour la négociation au niveau interrégional plutôt que bilatéral, sans apparemment chercher à l’imposer. Elle justifie sa position par la nécessité de renforcer l’intégration régionale et de pallier l’étroitesse des marchés nationaux ACP ; Voir Explanatory Memorandum Commission Draft Mandate, 9th April 2002. 328 avec la région Caraïbes ont débuté le 16 avril 2004 à Kingston (Jamaïque) et se sont terminées, le 16 décembre 2007 à la Barbade. Excepté Cuba864, quinze Etats caribéens membres865 à la fois du Forum des Caraïbes (CARIFORUM) et pour la plupart de la CARICOM866, ont paraphé un accord de partenariat avec la Communauté européenne et ses Etats membres. La procédure de signature a connu quelques rebondissements : le Conseil l’a autorisé au nom de la Communauté européenne dès le 15 juillet 2008867 ; mais du côté du CARIFORUM, en revanche, après plusieurs reports, elle a été obtenue le 15 octobre 2008, uniquement pour treize des quinze Etats du CARIFORUM. Le Guyana et Haïti s’y sont résolus plus tard, respectivement le 20 octobre 2008 et le 15 décembre 2009868. En attendant d’achever la procédure de ratification, l’Accord de Partenariat Economique (APE) s’applique à titre provisoire, depuis le 29 décembre 2008869. Cela permet aux pays caribéens de conserver l’accès préférentiel au marché européen, mais ne suffit pas à éteindre les critiques à l’encontre de l’accord870. A terme, l’APE dans sa dimension commerciale, doit aboutir à la mise en place d’une zone de libre échange interrégionale originellement prévu pour 2018-2020. De manière générale, les accords de partenariat ont vocation à être des accords commerciaux de libre 864 Il faut rappeler que Cuba, bien que membre du groupe des Etats ACP et du CARIFORUM n’est pas signataire de l’Accord de Cotonou et n’a pas participé aux négociations de l’APE entre l’UE (CE et Etats membres) et les pays du CARIFORUM. 865 Sont concernés : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Dominique, la République dominicaine, la Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, SaintVincent-et-les-Grenadines, le Surinamee, ainsi que Trinidad-et-Tobago. 866 La République dominicaine n’est pas membre de la CARICOM. 867 Décision du Conseil 2008/805 CE du 15 juillet 2008 relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 1. 868 Voir Commission européenne - DG Commerce, « Renforcement du commerce et du développement entre les Caraïbes et l’Union européenne : Haïti signe l’accord de partenariat économique CARIFORUM-UE », Communiqué de presse, Economic Partnerships, Bruxelles, le 11.12.2009.URL : http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm ?id=498&serie=301&langld=fr ; consulté le 27.01.2010. 869 Voir « Notification concernant l’application provisoire de l’accord de partenariat économique entre les Etats du CARIFORUM et la Communauté européenne », JOUE, n° L 352 du 31.12.2008, p. 62. Originellement, il était prévu que l’APE entre en vigueur au 1er janvier 2008, selon l’article 37 §1 de l’accord de Cotonou. 870 Parmi les critiques formulées, sont dénoncées les incertitudes relatives à l’impact socio-économique de l’APE notamment quant aux effets des efforts d’ajustement importants sur l’économie de certains pays caribéens les plus vulnérables, des risques de désintégration de leur processus d’intégration économique régionale, l’introduction d’une clause de la nation la plus favorisée jugée injustifiée, des clauses de sauvegarde jugées insuffisantes…Voir GIRVAN (N.), « Implications of the CARIFORUM-EC EPA », janvier 2008, 20 p. En ligne sur http://www.normangirvan.info/wp-content/uploads/2008/01/girvanimplicationsepa10jan.pdf; ; BILAL (S.), « Les accords APE tremplin ou pierre d’achoppement ?», Eclairage sur les négociations, vol. 7, n° 1, février 2008, pp. 1-3 ; GOMES (P.), « Briser le moule : Guyana et un APE sur "les marchandises uniquement "», Eclairage sur les négociations, vol. 7 n° 8, octobre 2008, spéc., p. 4 ; GIRVAN (N.), « Quelques enseignements à tirer de l’APE CARIFORUM-CE », Eclairage sur les négociations, vol. 8, n° 8, octobre 2009, pp. 8-9. 329 échange réciproque et des instruments de développement871 adaptés à la concurrence mondiale et aux contraintes du système commercial multilatéral. Les APE ne sont donc pas de simples accords commerciaux. Mais, on ne peut manquer de relever que les nécessités d’adaptation à la mondialisation des échanges s’accompagnent de la disparition de privilèges dont jouissaient les anciens Etats ACP, au titre d’une certaine conception de la coopération au développement. C’est pourquoi, la mutation de la dimension commerciale du partenariat a pu apparaître comme l’habillage d’une exclusion872. Certes, d’un côté, en raison du déséquilibre de développement entre les parties, un traitement spécial et différencié au bénéfice des pays du CARIFORUM est prévu dans l’Accord de partenariat économique. Mais, de l’autre côté, le projet de zone de libre échange UE-CARIFORUM dont il est porteur, suppose l’application de l’article XXIV du GATT de 1994, lequel ne prend pas en compte les inégalités de développement entre parties à des organisations d’intégration économique. De sorte que, confrontées au droit de l’OMC, et spécialement à l’article XXIV du GATT de 1994 (CHAPITRE SECOND), les nouvelles relations partenariales laissent apparaître une certaine ambiguïté. 871 MICHEL (L.), commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, « Accords de partenariat économique : moteurs du développement », Bruxelles, OPOCE, 2008, 52 p. Il affirme « Les APE sont donc un nouvel outil commercial qui doit se montrer plus performant que les simples préférences tarifaires existantes pour atteindre l'objectif ultime, qui reste évidemment de favoriser le développement », spéc., p. 16. 872 FEUER (G.), OURAGA (A), « Un nouveau paradigme pour les relations entre l’Union européenne et les Etats ACP – L’Accord de Cotonou du 23 juin 2000 », RGDIP, 2002-2, Tome 106, pp. 270-293. 330 CHAPITRE PREMIER : L’AMBITION D’INSTAURER DE NOUVEAUX RAPPORTS ECONOMIQUES ET COMMERCIAUX, UNE MUTATION DU PARTENARIAT L’Union européenne a dû «sacrifier les préférences communautaires sur l’autel d’un certain libéralisme (…) » pour « continuer à développer une relation originale avec les Etats ACP qu’elle pourra cette fois-ci défendre devant l’O.M.C. »873. Par conséquent, l’accord de partenariat économique (APE) programmé et obtenu avec les Caraïbes, témoigne de cette mutation : il organise l’ouverture graduelle des marchés caribéens aux exportations européennes874. Son élaboration s’inscrit dans le cadre juridique général de la négociation des APE avec les Etats ACP (SECTION I). Sur les 79 pays que compte le groupe ACP875, les pays de la Caraïbe876 se sont distingués. Seuls les Etats caribéens de ce regroupement régional ont paraphé un « accord complet » avec l’Union Européenne à l’échéance de la période de négociation fixée au 31 décembre 2007, selon l’accord de Cotonou. L’accord dit « complet » d’une durée illimitée, signifie dans ce cadre qu’il vise au libre échange réciproque et au développement ; et qu’il couvre dans sa dimension commerciale, les échanges commerciaux de marchandises et de services, mais aussi l’ensemble des domaines liés au commerce. Avant la date butoir de dé- 873 BRACQ (S.), MEUNIER (P.) (dir.), op. cit., Juris-classeur 2241, spéc., p. 11. 874 Dans le cadre des conventions de Yaoundé I et Yaoundé II, seuls les Etats africains et Malgache associés (EAMA) ont connu le libre échange graduel avec l’ensemble de la Communauté. Ce n’était pas le cas des Caribéens qui participeront aux négociations en vue de la convention de Lomé I en 1975. Voir Supra, dans la thèse : Première partie, Titre II, Section II, § 1, A « Les antécédents : l’application puis l’abandon du principe de réciprocité des préférences » ; Voir aussi RYDBERG (E.), « EPA ou PAS, introduction critique aux accords de partenariats économiques », GRESEA, Cahiers des Alternatives, n° 6, novembre 2004, 48 p. 875 Le groupe ACP comprenait lors de l’Accord de Cotonou, quarante-huit Etats africains, dix-sept caribéens y compris Cuba, et quatorze du Pacifique, de plus le Timor oriental est devenu membre en 2003. http://www.acpsec.org/en/acp_states.htm 876 Les seize Etats caribéens ACP sont : Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Saint Christophe et Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, Suriname, Trinidad-et-Tobago. Toutefois, il faut adjoindre à cette liste, Cuba qui est membre du groupe ACP depuis le 14 décembre 2000, mais non signataire de l’Accord de Cotonou et qui ne participe pas aux négociations d’APE. 331 cembre 2007, vingt-et-un autres pays ACP877 ont signé provisoirement des accords individuels ou sous-régionaux878, limités à la libéralisation des marchandises, plus connus sous l’appellation d’accords intérimaires ou accords d’étape. Etant donné l’intention européenne de faire de ces accords provisoires la base d’APE complets879, le contenu et les caractéristiques de l’APE UE-CARIFORUM ont pu être vus comme un laboratoire pour les autres négociateurs ACP. Par conséquent, l’étude du contenu de l’accord dans sa dimension commerciale et de développement s’avère opportune (SECTION II). 877 Les vingt-et-un pays concernés sont : en Afrique centrale, le Cameroun ; dans la Communauté pour le développement de l’Afrique Australe (SADC) : le Botswana, le Lesotho, le Swaziland, le Mozambique, et la Namibie ; en Afrique de l’Est : le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi ; pour l’Afrique australe : les Comores, Madagascar, l’île Maurice, les Seychelles, la Zambie, le Zimbabwe ; dans le Pacifique : Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. 878 C’est le cas de la région de l’Afrique de l’Est (Communauté des Etats d’Afrique de l’Est) dans laquelle les pays (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda et Burundi) sont restés fidèles à l’approche régionale. 879 Voir en ce sens, conclusions du Conseil de novembre 2007 sur les accords de partenariat économique, 2831ème Session du Conseil-Relations extérieures, Bruxelles, du 19-20.11.2007, paragraphe XX ; Voir également l’avant-projet pour des solutions alternatives et des accords sur les marchandises uniquement pour permettre un accès des ACP aux marchés européens après l’échéance prévue : Commission Staff Working Paper, « EU-ACP Economic Partnership Agreements : WTO Compatible Solutions that Provide non-LDC ACP Countries Improved Access into the EU Market and Guard Against Trade Disruption », document 15968/07, Bruxelles, 7.12. 2007. 332 SECTION I : UNE ELABORATION INSCRITE DANS LE CADRE GENERAL DE LA NEGOCIATION DES APE AVEC LES ETATS ACP On se souvient que la convention de Lomé offrait depuis 1975, un cadre de préférences, en faveur des exportations des pays ACP, qui ne concernait pas tous les autres pays en développement. Il a fallu repenser ce régime pour le rendre compatible avec les règles de l’OMC880. Deux types d’arguments ont été utilisés pour justifier la rénovation : le premier est économique et le second de nature juridique. L’argumentaire économique se réfère au bilan décevant de vingt ans d’application des préférences commerciales non réciproques. Juridiquement, la légitimité des conventions de Lomé a été mise en cause aux termes du Mémorandum d’accord de l’Uruguay Round sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994. Le régime issu des conventions de Lomé est incompatible avec l’article IX §3 et 4 de l’accord de Marrakech instituant l’OMC, qui permet de déroger à une des obligations imposées par ledit accord, sous réserve d’en faire la demande devant la Conférence ministérielle de l’OMC. C’est dans l’accord de Cotonou881, troisième partie, titre II, aux articles 34 à 54 que sont fixés les objectifs de la coopération commerciale repensée ; simultanément, il est posé que les APE seront le nouvel outil de mise en œuvre d’une coopération économique et commerciale modernisée (§1). L’ouverture en septembre 2002 des négociations pour des accords de partenariat économique régionaux, a abouti à la signature de l’APE UE-CARIFORUM. Les résultats obtenus autorisent un premier bilan juridique (§2). §1 Vers une coopération économique et commerciale repensée 880 COM (96)570 final du 20 novembre 1996 « Livre vert sur les relations entre l’UE et les pays ACP à l’aube du 21ème siècle – défis et options pour un nouveau partenariat » ; et, document de travail « Orientations en vue de la négociation de nouveaux accords de coopération avec les pays ACP », COM (97)537 final du 29 octobre 1997. 881 La modification de l’Accord de Cotonou le 25 juin 2005, JOUE, n° L 209 du 11.11.2005, n’a pas eu d’incidence sur la question des APE examinée ici. 333 L’UE a souhaité que les préférences commerciales héritées des conventions de Lomé laissent place à la libéralisation réciproque des échanges, devenue clé du développement des Etats ACP et considérée comme seule capable de « renforcer leurs capacités de production, d’approvisionnement et commerciales […] ainsi que leur capacité à attirer les investissements »882. Dans cette optique, les « stratégies de coopération »883 de l’accord de Cotonou programment de réformer la dimension commerciale (A) grâce à des accords de partenariat économique négociés (B). A) Réformer la dimension commerciale, un objectif de l’accord de Cotonou La nouvelle stratégie de coopération dans les domaines économique et commercial n’abolit pas entièrement les acquis des précédentes conventions de Lomé, en ce sens que le développement des Etats ACP reste au cœur des préoccupations. Mais elle les recentre sur l’objectif de la participation pleine des Etats ACP au commerce international884. Le modèle substitué assigne plusieurs objectifs à la coopération commerciale (1). Il doit aussi permettre aux ACP de s’adapter à la situation du marché découlant de la modification des protocoles relatifs aux produits agricoles, tels le sucre et les bananes (2). Enfin, tout en conservant « l’acquis de Lomé » en ce qui concerne par exemple, la coopération au développement ou le dialogue politique, il planifie l’abandon par étapes du régime commercial non-réciproque issu des précédentes conventions (3). 1- Les objectifs globaux de la coopération commerciale La coopération commerciale a pour objectif premier, de promouvoir l’intégration harmonieuse et progressive des économies Etats ACP dans l’économie mondiale885, dans le but ultime de « […] permettre aux Etats ACP de participer pleinement au commerce interna- 882 Accord de Cotonou, article 34 §3. 883 Voir Accord de Cotonou, troisième partie, titre II portant sur les « stratégies de coopération ». L’article 18, partie 3, titre II précise que « Les stratégies de coopération se fondent sur les stratégies de développement et la coopération économique et commerciale, qui sont complémentaires. Les parties veillent à ce que les efforts entrepris dans les deux domaines mentionnés ci-dessus se renforcent mutuellement ». 884 Voir accord de Cotonou, article 34 §2. 885 Voir accord de Cotonou, article 34 §1. 334 tional »886 . Dans cette optique, l’accord de Cotonou de 2000 est réputé créer « un partenariat véritable, stratégique et renforcé »887 et accorde une importance particulière aux mesures de développement des échanges commerciaux « en tant que moyen de renforcer la compétitivité des États ACP »888. Il est également question, au titre de la coopération économique et commerciale, de renforcer les initiatives d’intégration régionale dans les pays ACP889. Elle doit conjointement consolider les capacités de production, d’offre, créer une nouvelle dynamique commerciale et stimuler l’investissement890. La voie juridique pour y parvenir est d’assurer la parfaite conformité du régime commercial avec les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en négociant des accords de partenariat économique. Enfin, la coopération commerciale telle qu’envisagée dans l’accord de Cotonou, doit permettre d’anticiper les conséquences des modifications qui interviennent, concernant les protocoles relatifs aux principaux produits agricoles exportés par les Etats ACP. 2- Le sort réservé aux protocoles relatifs à des produits agricoles L’annexe V de l’accord de Cotonou signé en 2000 concerne des protocoles relatifs aux produits tels le sucre et les bananes, pour lesquels les pays « C » caribéens ont des intérêts importants891 ; et il prévoit leur réexamen. 886 Voir accord précité, article 34 §2. 887 Voir accord de Cotonou, article 35 §1. 888 Voir accord de Cotonou, article 35 §1. 889 Voir accord de Cotonou, article 35 §2. 890 Voir accord de Cotonou, article 34 §4. 891 La question de l’avenir des protocoles dans le cadre de l’accord de Cotonou fut cruciale pour les pays caribéens qui sont entre autres exportateurs vers l’Union européenne de bananes, de sucre. Certains d’entre eux dépendent encore fortement de produits couverts par ces protocoles. C’est le cas particulièrement de la Dominique, Grenade, Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, dénommés les îles du vent «Windwards Islands » ; tous sont tributaires des exportations de bananes. Pour ces pays, le débouché que représente le marché européen est essentiel car 30% à 50% de leurs exportations vont vers l’Europe. Même si certains pays caribéens se distinguent par leurs niveaux de diversification légèrement supérieurs aux autres ACP, évitant par là une dépendance totale des exportations, il n’en demeure pas moins qu’ils consacrent une part significative de leurs échanges, aux produits couverts autrefois par les protocoles relatifs au sucre, aux bananes. C’est le cas par exemple de la Jamaïque dont les exportations se sont diversifiées depuis une dizaine d’années, mais pour qui ces deux produits conservent une importance prédominante .C’est le cas de la République dominicaine encore tributaire des exportations de bananes, mais qui a renoncé dès son adhésion à la convention de Lomé IV le 15.12.1989, au bénéfice du protocole sur le sucre : cf. Annexe au protocole n° 8 « Echange de lettres entre la République dominicaine et la Communauté concernant le protocole sur le sucre ACP » ,dans l’acte final de la convention de Lomé IV signé le 15.12.1989. Sur le contexte et les raisons de ce renoncement : Voir PERROT (D.), « Les formes de la présence de la CEE dans le Bassin Caraïbe », Revue du C.A.O.M., n°3, 1990 op. cit., spéc.,p. 39. 335 A l’origine, les quatre protocoles concernent le rhum, le sucre, les bananes, la viande bovine. Ils ont été créés en 1975 par la première convention de Lomé qui s’est inspirée du « Sugar Agreement » du Commonwealth. Les protocoles devaient assurer à ces pays de vendre un certain quota de production à un prix supérieur à celui du marché mondial dans le but de stabiliser les recettes d'exportation. Ils auraient dû en principe faire partie des acquis de Lomé à sauvegarder. Pourtant, dans les faits, ils ont connu des bouleversements induits en grande partie, outre par les choix politiques de la CE et de ses Etats membres, par des contraintes externes. Ainsi, le protocole sur le rhum a été purement supprimé dès 1996 à la suite d’un accord entre l’UE et les Etats-Unis sur les spiritueux892. Pour compenser cette perte, un programme d’assistance a été créé par un acte unilatéral de la CE, en faveur des exportateurs de rhum des pays ACP893. S’agissant du protocole de la viande bovine, les négociations sur l’agriculture à l’OMC et la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) semblent avoir pesé sur les avantages procurés par ce dernier894. En termes de contraintes externes, la sauvegarde de l’acquis qui inclut le bénéfice des protocoles sucre et bananes, semblait également très difficile en l’état, en raison de la contestation notamment par le Brésil, et la condamnation à l’OMC, de l’Organisation Commune de Marchés (OCM) du sucre895, après celle de la banane. De plus, dans un contexte marqué par la perspective de négocier une nouvelle génération d’accords appelés « APE » avec tous les Etats ACP, il est apparu improbable de faire coexister les protocoles, avec des futurs arrangements commerciaux fondés sur le libre échange réciproque, et tenus de respecter les règles de l’OMC en vertu desquelles une zone de libre échange doit couvrir l’essentiel des Voir aussi, LODGE (J.), « Négociations ACP-UE en vue d’un APE- Défis posés aux Caraïbes », Eclairage sur les négociations commerciales, vol.1, n° 3, septembre 2002, spéc., p. 4. En revanche des pays tel Trinidad-et-Tobago, dont les exportations vers l’Union européenne et le reste du monde sont dominées par le pétrole ne sont pas directement concernés par ce défi. Trinidad-et-Tobago est d’ailleurs un pays membre de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). 892 Accord sous forme de mémorandum d’entente entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d’Amérique sur les boissons spiritueuses, JOCE, n° L 155 du 12.6.1997, pp. 61- 69. 893 Programme d’assistance en faveur des exportateurs de rhum des pays ACP, (8 ACP TPS 125) a expiré en juin 2010. 894 DAVENPORT (M.), HEWITT (A.), KONING (A.), « Partenaires privilégiés de l’Europe? – Les pays de Lomé et le commerce mondial », rapport ECDPM, n° 5, 1996, 100 p, spéc., p. 66. Dans l’accord de Cotonou signé le 23.06.2000, l’Annexe V contient le protocole n° 4 sur la viande bovine. 895 Voir OMC, « Communautés Européennes – Subventions à l’exportation de sucre », WT/DS266/33. Le contentieux portait sur le régime instauré au sein de l’OCM sucre dans le règlement (CE) n° 1260/2001 du Conseil. Par ricochet, la conséquence pour les ACP a été que « les représentants de l’UE ont replacé la nécessité d’abandonner le protocole dans le contexte plus général de la réforme de sa propre politique agricole commune(PAC).L’Union n’est en effet plus en mesure de justifier les prix élevés payés aux producteurs ACP à un moment où elle diminue son soutien aux agriculteurs européens ainsi que les stocks d’intervention communautaire ». PERCIVAL (D.), « Fin du protocole sucre », Le Courrier ACP, n° 3, novembre-décembre 2007, pp. 1-5, spéc., p. 1. 336 échanges . Dans ce contexte, sur le plan conventionnel, le dispositif de l’accord de Cotonou a prévu le réexamen des protocoles restants : Les parties y « réaffirment l’importance des protocoles relatifs aux produits de base, joints à l’annexe V du présent accord. Elles conviennent de les réexaminer dans le contexte de nouveaux accords commerciaux, en particulier en ce qui concerne leur compatibilité avec les règles de l’O.M.C., en vue de sauvegarder les avantages qui en découlent, (...) »896. En pratique, l’évolution du protocole sur les bananes illustre les pressions extérieures subies. En effet, indirectement, le protocole relatif aux bananes négocié avec les Etats ACP, en tant que fondement juridique des contingents réservés aux exportateurs du groupe ACP, était par ricochet, concerné par la plainte déposée en 1996 par les Etats-Unis, et des pays d’Amérique latine producteurs de bananes à l’encontre de plusieurs dispositions du régime européen d’importation de ce produit jugés discriminatoires à leur égard. Condamnée à plusieurs reprises897 et tenue de réformer son régime d’importation bananière, la CE a néanmoins obtenu une dérogation entérinée par la Conférence ministérielle de l’OMC, pour maintenir temporairement un contingent tarifaire distinct pour les bananes originaires des Etats ACP, jusqu’au 31 décembre 2005898. En contrepartie, au plan intracommunautaire, il a fallu procéder à une réforme du régime au moyen du règlement du Conseil du 29 janvier 2001899. Il prévoit de substituer au système des quotas réservés, un régime uniquement tarifaire c'est-à-dire un tarif douanier pour l’accès au marché européen de toutes les importations au 1er janvier 2006. La conséquence globale reste que le système de contingents tarifaires étant amené à disparaître à brève échéance, le « protocole sur les bananes » issu des conventions successives de Lomé, et accordant des quotas négociés aux pays ACP sans droits de douane, a perdu sa raison d’être. Un deuxième protocole introduit à l’annexe V de l’accord de Cotonou en 2000 l’a remplacé900. Il garantit certes, le maintien provisoire d’un quota de 896 Accord de Cotonou, article 36 §4. 897 Voir par exemple, la condamnation par un panel de l’OMC en mai 1997, WT/DS27/R/ECU, 22.05.1997 confirmée en appel par l’organe de règlements des différends, WT/DS27/AB/R, le 9.09.1997. 898 Communautés européennes – Régime transitoire de contingents tarifaires autonomes appliqués par les CE aux importations de bananes, Décision du 14.11.2001 de la Conférence ministérielle, WT/MIN(01)16. 899 Règlement CE n° 216/2001 du Conseil du 29.01.2001 modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, JOCE, n° L 31 du 2.02.2001, pp. 2-4. 900 Il faut noter que la révision de l’accord de Cotonou en 2005 ne modifie pas ce protocole : Voir Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27. En revanche, la seconde révision de l’accord de Cotonou en 2010 supprime l’annexe V, ce qui a pour effet de rendre obsolète ledit protocole : Voir Accord modifiant, pour la deuxième fois, l'accord de partenariat entre 337 775.000 tonnes de bananes réparti entre les différents pays ACP bénéficiaires jusqu’en 2005.Toutefois, il prévoit surtout que la Communauté doit examiner et, le cas échéant, prendre des mesures visant à assurer la viabilité des entreprises exportatrices de bananes et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché communautaire901. La solution proposée par l’accord de Cotonou du 23 juin 2000 pour préserver les préférences dont bénéficiaient les bananes ACP consiste à les renégocier, sans droits de douane, ni contingents, pour les insérer dans des APE902. S’agissant du sucre, depuis 1975, la CE s’engageait à importer, à des prix garantis des quantités spécifiées de sucre903 à dix-huit pays ACP producteurs904. Toutefois, il a été prévu dans l’annexe V de l’accord de Cotonou de 2000 que le protocole n° 3 relatif au sucre soit maintenu jusqu’en 2009 « compte tenu du statut particulier du protocole sur le sucre »905, puis progressivement libéralisé « dans le contexte de nouveaux accords commerciaux ». Pourtant, en réalité dès 2005906, en vue de préparer la transition vers la libéralisation du secteur, dans le cadre de l’aide unilatérale, les exportateurs ACP de sucre se sont vus imposer une diminution de 36 % des prix garantis sur une période de quatre ans, à partir de la campagne 2006/2007907 ; le tout accompagné d’un plan d’aide à la restructuration908. les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois, à Luxembourg le 25.06. 2005, JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, spéc., p. 47. 901 Accord de Cotonou, Protocole n° 5 intitulé « Deuxième protocole relatif aux bananes », article 1, JOCE, n° L 317, du 15.12.2000, p.276 902 Accord de Cotonou, article 36 §1. 903 Voir dans l’ex-Convention ACP-CEE de Lomé du 28.02.1975, l’article 25 ; Accord de Cotonou, annexe V, protocole n°3, JOCE, n° L 317, du 15.12.2000. 904 Les dix-huit pays producteurs et signataires du protocole sucre sont : (six Etats Caribéens) la Barbade, le Belize, le Guyana, la Jamaïque, Trinidad-et-Tobago, Saint-Kitts-et-Nevis ; (1 Etat Pacifique) les îles Fiji ; (11 Etats Africains et Malgache) la République du Congo, la Côte-d’Ivoire, le Kenya, Madagascar, le Malawi, la Mauritanie, le Mozambique, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. 905 Du fait de la participation de l’Inde parmi les signataires du protocole sucre n°3, la modification de ce protocole nécessite l’accord de toutes les parties y compris l’Inde. 906 Cette période correspond à la remise du rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, le 28.04.2005, qui confirme l’incompatibilité avec l’Accord sur l’agriculture, du régime communautaire applicable au sucre. Le rapport recommande en conséquence, que soient mis en conformité avec l’accord sur l’agriculture, le règlement (CE) n° 1260/2001 du Conseil ainsi que « toutes les mesures portant application du régime communautaire ou s’y rapportant ».Voir, OMC, « Communautés européennes-subventions à l’exportation du sucre », WT/DS/266/AB/R, 28.04.2005, point 347. 907 PERCIVAL (D.), « Fin du protocole sucre », Le Courrier ACP, op. cit., p. 2 ; « La Commission présente son aide aux pays ACP signataires du Protocole sucre », IP/05/85, Bruxelles, le 24.06.2005. 908 Voir Commission européenne, document de travail intitulé « Plan d’action prévoyant des mesures d’accompagnement en faveur des pays signataires du protocole sur le sucre touchés par la réforme du régime de l’UE dans le secteur du sucre », SEC (2005)61, Bruxelles, 17.01.2005 [Limité]. http://register.consilium.eu.int/pdf/en/05/st05/st05611.en05.pdf. 338 En définitive, l’objectif sous-jacent des parties à l’accord de Cotonou, aura été de préparer et de garantir la viabilité future des exportations ACP dans des dispositions régies par les Accords de Partenariat Economique909. Les pays caribéens, en ce qui les concerne, se sont donc attachés à sécuriser un tant soit peu leurs exportations dans le cadre des négociations de l’APE UE-CARIFORUM. Cependant, leur véritable salut commercial résidera, à plus long terme dans la diversification des productions910. De surcroît, pour le sucre, par exemple, cela n’a pas nécessairement abouti à la sécurisation des avantages911. La transformation substantielle des protocoles – pourtant créés au moment de la convention de Lomé I en 1975 – est corrélative à l’abandon du régime commercial non-réciproque. 3- L’abandon programmé de la non-réciprocité commerciale On rappelera simplement que l’accord de Cotonou a organisé méthodiquement l’abandon du système de Lomé912. Bien que l’instauration des APE soit la règle pour ceux qui y consentent, la Communauté s’engageait néanmoins à examiner, dès 2004, des options possibles à la préparation d’un APE, pour les pays n’appartenant pas à la catégorie des pays les moins avancés (les nonPMA) qui ne s’estimeraient pas en mesure de négocier des APE. Ces pays devaient bénéficier d’un cadre commercial qui soit au moins « équivalent à leurs avantages présents et en conformité avec les règles de l’O.M.C. »913. Si nécessaire, il était envisagé d’étudier au cours de l’année 2006 l’état d’avancement des préparatifs et des négociations, et d’effectuer un examen formel et complet des accords prévus pour tous les pays, afin de s’assurer qu’aucun délai supplémentaire ne soit nécessaire pour les préparatifs ou les négociations914. En pratique, eu égard à la détermination de la Commission européenne de ne pas dépasser le terme de 2007, 909 Sur les dispositions et concessions relatives au sucre et à la banane, obtenues dans le cadre de l’APE UECARIFORUM, voir Infra section II de la thèse. 910 Voir dans l’APE CARIFORUM-UE, la «déclaration relative au secteur de la banane » annexée à l’accord, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 3. Aux termes de cette déclaration, « l'élaboration d'alternatives dans le secteur de la banane et en dehors de celui-ci », est une perspective envisagée par les parties. 911 Le sucre est précisément, avec le riz, l’un des deux produits non couverts par l’offre d’accès illimité – en franchise de droits et sans contingents – mise sur la table le 4 avril 2007 au titre de l’APE proposé au pays membre du CARIFORUM. La date de libéralisation a été fixée au 30 septembre 2009 pour le sucre. Mais, l’Union européenne entend protéger son industrie par le biais d’un mécanisme de sauvegarde spécial applicable jusqu’au 30 septembre 2015. Voir Infra section II de la thèse. 912 Accord de Cotonou, article 37 §1 ; Voir Supra Première partie de la thèse, Titre second, Chapitre II, Section II, §2. 913 Accord de Cotonou, article 37 §6. 914 Accord de Cotonou, article 37 §4. 339 et de ne pas solliciter une nouvelle dérogation à l’OMC915, aucun délai supplémentaire n’a été consenti pour la négociation des nouveaux instruments commerciaux. Au lieu de cela, la Communauté européenne a accepté d’assouplir sa position de négociations916 et, à l’échéance de 2007, des accords dits provisoires, d’étapes ou partiels, c'est-à-dire limités au commerce des marchandises, ont pu être signés avec certains pays parmi les plus soucieux de ne pas perdre leur accès en franchise de droits au marché européen. Enfin, toujours suivant les prévisions de l’accord de Cotonou, une période transitoire du 1er janvier 2008 jusqu’en 2020 devait permettre la mise en place progressive de ces nouveaux accords de partenariat économique, et par conséquent l’adaptation au nouveau système plus conforme aux exigences de libéralisation posées par l’OMC. B) Négocier des Accords de Partenariat Economique » (APE) Les Accords de Partenariat Economique sont les instruments de mise en œuvre du nouveau régime commercial. L’article 36 §1 de l’accord de Cotonou prévoit de « nouveaux accords commerciaux compatibles avec les règles de l’O.M.C., en supprimant progressivement les entraves aux échanges entre [les Parties] et en renforçant la coopération dans tous les domaines en rapport avec le commerce ». Bien que l’accord de Cotonou consacre tout un chapitre II aux « nouveaux accords commerciaux », la notion d’Accords de Partenariat Economique (APE) n’a pas été clairement définie. Ce sont les parties qui l’ont précisé au cours des négociations. Selon une définition, « Un APE est en fait un accord de libre échange étendu à la coopération dans les domaines liés au commerce et avec un volet financement pour le développement qui permettra de financer les ajustements nécessaires »917. Il est censé répondre aux besoins économiques propres de chaque région. 915 Voir en ce sens le document de travail des services de la Commission européenne {DG Commerce - DG Développement - EuropeAid}, « les aspects relatifs au commerce et au développement dans les négociations sur les A.P.E », octobre 2005, SEC (2005) 1459, 99 p., spéc., p. 3. 916 Voir Communication de la Commission européenne sur les accords de partenariat économique, COM (2007)635 du 23.10.2007. Cette approche a été acceptée dans les conclusions du Conseil de novembre 2007 sur les accords de partenariat économique, 2831ème Session du Conseil-Relations extérieures, Bruxelles, du 19-20.11.2007, paragraphe XX. 917 GRANELL (F.), La coopération au développement de la Communauté Européenne : Le droit de la CE et de l’UE, in Commentaire (J.) Mégret, volume 13, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2005, spéc., p. 393. 340 Les APE sont basés sur plusieurs principes fondamentaux918 tels le partenariat, l’importance de l’intégration régionale, le développement, la différenciation, la conformité aux règles de l’OMC. On les trouvait dans les « lignes directrices pour les négociations »919 agréées par les ministres du commerce et des finances ACP, le 21 juin 2002 et confirmées par le Conseil ACP du 27 juin 2002. Parmi ces principes, certains découlent directement des obligations des membres de l’OMC. Ainsi, le principe de conformité aux règles de l’OMC est posé à l’article 34 §4 et à l’article 36 §1 de l’accord de Cotonou. Il implique que dans l’optique d’une libération des échanges, les APE programmés devront porter sur « l’essentiel des échanges commer- ciaux » et, que les « règlementations commerciales restrictives », autres que les droits de douane devront être éliminées. Il conviendra aussi de respecter un délai raisonnable pour le démantèlement des obstacles aux échanges920. D’autres principes, présents dans le droit de la CE/UE et « maître-mot(s) de la politique extérieure de l’Union » 921, trouvent leur transcription contractuelle dans l’accord de Cotonou. Tel est le cas du principe juridique de partenariat appliqué ici au domaine du commerce. En l’espèce, il signifie selon la Commission européenne, que tout Accord de Partenariat Economique prévu implique la réciprocité des droits et des obligations922. « En particulier, alors que l’UE est disposée à ouvrir davantage son marché aux produits ACP et à aborder toutes les autres entraves aux échanges, les Etats ACP doivent être disposés à mettre en œuvre des politiques appropriées pour renforcer leur capacité de répondre à la demande et pour réduire les coûts de transaction»923. En somme, « l’enjeu principal de ce nouveau partenariat commercial réside pour les Etats ACP caribéens, dans l’ouverture de leurs marchés 918 European Commission, “Recommendation for a Council decision authorizing the Commission to negotiate Economic Partnership Agreements with the ACP countries and regions”, SEC (2002) 351 final, Brussels, 9.4.2002, point 4. 919 « ACP Guidelines for the Negotiations of Economic Partnership Agreements », document ACP/61/056/02(final),Bruxelles,5.07.2002,24p.http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/september/tradoc_ 130235.pdf 920 Accord de Cotonou, article 37 §7. 921 RAUX (J.), « Les principes structurants de l’accord de partenariat ACP/CE et Etats membres de l’Union européenne, in PERROT (D.), Les relations ACP / UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ?op. cit., spéc., pp. 41-80. 922 Cela renvoie aux termes de l’ancien article 238 du TCE (ex-article 310 TCE devenu 217 TFUE). 923 Commission européenne - DG Commerce ? « APE une nouvelle approche dans les relations entre l’Union européenne et les pays ACP », septembre 2002, sur le site http://www.europa.eu.int 341 aux importations européennes »924. Par ailleurs, le principe du développement appliqué aux accords de partenariat économique, suggère que ces derniers sont avant tout des instruments de développement. En lien avec l’ancien titre XX du TCE « Coopération au développement » (aux ex-articles 177 à 181 du TCE, devenus articles 208 à 211 du TFUE), ce principe à connotation politique peut s’analyser ici comme une volonté des parties de garder les spécificités d’une relation basée à la fois sur le commerce et le développement. Les APE ne sauraient être déconnectés des objectifs généraux de l’accord de Partenariat de Cotonou concernant le développement durable, l’intégration progressive des ACP dans l’économie mondiale, l’éradication de la pauvreté. Les APE doivent en outre tenir compte des orientations des pays et régions concernés en matière de développement. D’autre part, le principe de l’intégration régionale à forte incidence économique, en relation avec les APE, se traduit dans l’article 35 §2 de l’accord de Cotonou qui déclare : « la coopération économique et commerciale se fonde sur les initiatives d’intégration régionale des Etats ACP, considérant que l’intégration régionale est un instrument-clé de leur intégration dans l’économie mondiale ». Enfin, la différenciation s’applique en tant que « principe fondamental » dans l’accord de Cotonou925. Elle signifie que le déroulement des négociations en vue d’APE prend en considération la situation particulière de chaque pays ou régions et que l’accord de Cotonou détermine les catégories de pays appelant un traitement particulier comme les pays les moins avancés (PMA)926. L’article 35 §3 précise à ce sujet que « […] la coopération économique et commerciale tient compte des besoins et niveaux de développement des pays et régions ACP. Dans ce contexte, les parties réaffirment leur attachement à garantir un traitement spécial et différencié à tous les pays ACP, à maintenir un traitement particulier en faveur des Etats ACP - PMA (Pays Moins Avancés) et à tenir dûment compte de la vulnérabilité 924 DEVOUE (E.), JOS (E.) (dir.) , Accords commerciaux dans la Caraïbe et échanges entre Collectivités territoriales Françaises d’Amérique et pays ACP de la Caraïbe - Actes de la journée d’études du CPLRC- CNRS, UAG du 14 mai 2003, Paris, Publibook, 2004, 255 p. spéc., p. 55. 925 Accord de Cotonou, article 2. 926 Il faut constater que les Etats « C » classés dans le traité créant la CARICOM du 4.07.1973, parmi les « Etats les moins développés » (Less Devlopped Countries LDC’s : Antigue, Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines) ne figurent plus dans la liste des PMA de l’annexe VI de l’accord de Cotonou. Or, ils étaient mentionnés dans les conventions précédentes de Lomé (par exemple, à l’article 155 de la convention de Lomé II signée en 1979 ou à l’article 330 de la convention de Lomé IV signée en 1989). Il s’ensuit qu’à l’exception d’Haïti, ils ne peuvent prétendre au traitement particulier réservé aux PMA. Cependant, l’article 84 §6 de l’accord de Cotonou prévoit des mesures spécifiques en considération de la vulnérabilité des Etats « C » insulaires. Sur ce sujet, voir la communication de JOS (E.), « Les Collectivités françaises d’Amérique (CTFA) et les pays ACP de la Caraïbe dans le système commercial international : le défi de la survie des économies de petites tailles », in DEVOUE (E.), JOS (E.), Accords commerciaux dans la Caraïbes et échanges entre Collectivités Territoriales Françaises d’Amérique et pays ACP de la Caraïbe, op. cit., spéc., pp. 17-32. 342 des petits pays enclavés ou insulaires [… ] ». Les Etats « C » majoritairement insulaires sont concernés par le principe de différenciation, dans la mesure où, il est prévu de soutenir « leurs efforts visant à surmonter les difficultés naturelles et géographiques et les autres obstacles qui freinent leur développement »927. Le corollaire du principe de différenciation est la flexibilité dans l’application des règles de l’OMC : la libéralisation doit se faire d’une façon progressive. Ce principe suppose, la prise en considération d’un traitement spécial et différencié, pour tenir compte de la vulnérabilité et du niveau de développement des économies des pays ACP. En synthèse, si l’accord de Cotonou a ouvert la voie à la négociation d’accords de partenariat économique (APE), il importe de confronter les objectifs et principes posés dans l’accord de Cotonou, aux résultats obtenus. §2 Le bilan mitigé des négociations, l’aboutissement d’un APE complet UECARIFORUM Les négociations en vue de la conclusion des accords de partenariat économique ont été entamées le 27 septembre 2002. Il s’agissait de les faire aboutir avant l’expiration au 1er janvier 2008 de la dérogation obtenue de l’OMC928 pour les arrangements commerciaux non réciproques, entre les pays ACP et l’Union européenne. Le terme des négociations conformément au calendrier est l’occasion d’un premier bilan juridique, même si, ces dernières se poursuivent au-delà de la limite officielle, pour tous ceux qui ont paraphé des Accords de partenariat économique intérimaires ou provisoires. Le déroulement des négociations d’APE(s) appelle au moins deux observations. La première concerne la configuration régionale complexe des négociations : les cadres régionaux de négociations ne reflètent pas les organisations régionales existantes. A cet égard, l’exemple caribéen est particulièrement significatif (A). La seconde observation, résulte du constat que dans la mesure où des APE provisoires ou intérimaires et un APE complet ont été paraphé avant l’échéance du 31 décembre 2007, le planning de négociations a peu ou prou été respecté puisque la Commission et le Conseil ont infléchi la stratégie de négociations (B). Toutefois, cette appréciation optimiste doit être tempérée parce que pour les Etats 927 Accord de Cotonou, article 84. 928 Conférence ministérielle de l’OMC, « Communautés européennes - l’Accord de partenariat ACP-CE », WT/MIN (01)/15, décision du 14.11.2001. 343 ACP autres que caribéens, le passage d’APE(s) bilatéraux à des APE interrégionaux risque d’être jalonné de difficultés et pose des problèmes pratiques. A) La configuration régionale complexe des négociations : l’exemple caribéen A propos de la structure régionale des négociations, il semble que les pays ACP ont décidé des regroupements régionaux en vue des négociations sur les APE. Mais, à l’exemple des Caraïbes, ces regroupements ont contribué à complexifier la configuration des négociations régionales. En effet, en vertu d’une approche devant permettre le renforcement de l’intégration régionale929, la CARICOM aurait dû être désignée en tant qu’organisation régionale d’intégration économique, interlocutrice de la Commission européenne dans les pourparlers930. Car, juridiquement et stricto sensu cette organisation régionale est titulaire de la personnalité juridique et de la capacité internationale931. La CARICOM peut négocier des accords de libre échange, en tant qu’entité régionale représentant les Etats membres caribéens932. Dans la mesure où l’APE a plus qu’une dimension commerciale, il aurait pu être négocié entre la CE et ses Etats-membres, d’une part, et la CARICOM, ses Etats-membres et la République dominicaine, d’autre part. Mais, contre toute attente, la configuration régionale de négociation pour l’APE ne correspond pas à la dynamique d’intégration effective933. Au contraire, l’interlocuteur régional pour négocier avec l’UE est le CARIFORUM. Ce dernier, n’est pas une organisation régionale d’intégration économique mais un organe créé en 1992 de coordination – avec la Commission européenne – et de gestion de l’aide européenne allouée au titre du Fonds Euro- 929 Voir Accord de Cotonou, article 35§2. 930 BOCQUET (D.), Quelle efficacité économique pour Lomé ? Redonner du sens au partenariat entre l’UE et les pays ACP, Rapport au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Paris, la documentation française, 1998, spéc.., p. 33 : « La conclusion par l’Union européenne d’un Accord de Partenariat Economique (APE), débouchant sur le libre- échange comporte un préalable de taille : [celui de] pouvoir contracter avec des entités à même d’engager les pays qui les composent ». 931 Voir Supra Introduction générale de la thèse. 932 Le Traité révisé de Chaguaramas signé le 5.07.2001, « portant création de la Communauté des caraïbes, y compris le Marché et l’Economie uniques de la CARICOM (CSME) », en son article 230 affirme la capacité de l’organisation à conclure des accords en matière commerciale. Voir http://www.caricom.org/jsp/community/community_index.jsp?menu=community (texte du Traité révisé de Chaguaramas). 933 Selon Messieurs PERRIN et LEBULLENGER, cela s’explique, pour partie, par la faiblesse des intégrations régionales ACP, dont certaines étaient peu effectives. PERRIN (S.), LEBULLENGER (J.), « Les accords de partenariat économique-un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », op.cit., spéc., p. 606. 344 péen de Développement934. Par conséquent, une des critiques justifiée à l’encontre de l’Accord de Partenariat Economique UE-CARIFORUM paraphé en décembre 2007 est que la CARICOM en tant qu’organisation régionale disposant du « Treaty making power », c'est-àdire la capacité internationale de conclure des accords avec des États tiers, n’est pas partie à l’APE, « ce qui favorise la fragmentation régionale »935. Pourtant, la CARICOM poursuit son processus d’approfondissement de l’intégration économique au travers du Marché et Economie Unique Caribéens (MEUC)936, dont la première composante le Marché unique a été lancée en janvier 2006937. La réalisation du Marché unique des Caraïbes, ne serait-ce que sur le plan formel, est la principale avancée dans l’intégration régionale économique de la CARICOM. En réalité, sauf à anticiper les efforts d’intégration commerciale régionale, la CARICOM n’aurait pas pu être choisie comme interlocutrice régionale parce que le processus d’intégration n’est pas achevé. Il recouvre une multiplicité de situations juridiques intra-régionales. Par exemple, le choix de cette configuration régionale aurait posé le problème de la participation des Bahamas aux négociations commerciales de l’APE. En effet, ce pays membre de la CARICOM, n’est cependant lié par les obligations relatives ni au Marché Economique Unique de la CARICOM (CSME), ni à son tarif extérieur commun (TEC). Cela aurait engendré des difficultés supplémentaires, en termes d’offres unifiées de libéralisation commerciale, en vue d’une zone de libre échange. Les avancées de l’intégration régionale, les offres commerciales de libéralisation pour la négociation de l’APE ont été élaborées dans le cadre du Mécanisme régional de négo934 Voir Supra, Première partie de la thèse, Titre second, Chapitre I, Section I, §1, B) « Les spécificités du dialogue CE-CARIFORUM ». 935 GIRVAN (N.), « Quelques enseignements à tirer de l’APE CARIFORUM-UE », Eclairage sur les négociations, vol.8, n° 8, octobre 2009, spéc., p. 9. 936 Il s’agit d’un espace économique élargi, constitué dans le cercle intérieur de la CARICOM, afin d’assurer le retrait des restrictions affectant le libre échange. Le Marché et Economie Uniques des Caraïbes (MEUC) ou Caricom Single Market and Economy (CSME) a été prévu dans le traité révisé de Chaguaramas signé le 5.07. 2001, par voie d’adoption de neuf protocoles. Pour une étude approfondie de l’origine, du fonctionnement, et des objectifs du MEUC,voir ECLAC Publications, « Progress made in the Implementation of the Caricom Single Market and Economy », LC/CAR/G.770, du 18.12.2003, http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/1/14381/G0770.pdf 937 Le marché unique des Caraïbes est entré en vigueur le 30 janvier 2006 avec l’adhésion de six Etats de la CARICOM : La Barbade, le Belize, le Guyana, la Jamaïque, le Suriname, Trinidad-et-Tobago. Les plus petits Etats membres de la CARICOM et de l’Organisation des Etats des Caraïbes Orientales (OECO) c'est-à-dire (Antigua et Barbuda, le Commonwealth de Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Anguilla) ont dans un premier temps retardé leur participation, avant de ratifier en juin 2006 sous réserve qu’un « fonds régional de développement » soit créé sous les auspices de la Banque pour le développement des Caraïbes (CDB) en vue d’aider leur développement et leur permettre de bénéficier pleinement du marché unique. Deux Etats membres de la CARICOM ne font pas partie du marché unique, il s’agit d’Haïti et des Bahamas. Voir les sites officiels respectifs de la CARICOM et du CSME : http://www.caricom.org/jsp/single_market/single_market_index.jsp?menu=csme; http://www.csmeonline.org/ 345 ciations caribéen (CRNM) créé en 1997, (devenu Office of Trade Negociations, OTN, depuis juillet 2009). Ceci découle du fait que le CRNM est à l’origine une structure intergouvernementale spécialement dévolue pour coordonner et mener les négociations externes des pays membres de la CARICOM, tant au point de vue stratégique que sur des questions techniques. Le CRNM dispose en effet d’une structure ad hoc pour faire face aux multiples fronts de négociation : les négociations de l’APE avec l’Union européenne, aussi bien que celles hémisphériques avec la zone de libre échange des Amériques ou multilatérales concernant l’agenda de Doha pour le développement ; ou enfin celles bilatérales dans le cadre de l’Accord de libre échange avec le Canada. Le directeur général du CRNM de l’époque, M. Richard BERNAL, a été chargé des négociations de l’APE CARIFORUM/UE, en qualité de négociateur principal du CARIFORUM938. En définitive, si le choix de l’interlocuteur régional s’est porté sur le Forum des Caraïbes (CARIFORUM), c’est surtout pour permettre d’intégrer la République dominicaine à la négociation sans compromettre la mise en place de la zone de libre échange entre la CARICOM et la République dominicaine, dont l’acte de naissance, l’Accord de libre échange, signé en août 1998, est entré en vigueur provisoirement depuis décembre 2001939. Par conséquent, dans une certaine mesure, le rassemblement régional choisi par les deux parties, coïncide avec la composition du CARIFORUM, et paraît respectueux du processus d’intégration Sud-Sud. 938 Pour un aperçu de la structure de négociations du CARIFORUM, voir document : European Commission DG-TRADE, “Plan and schedule for CARIFORUM – EC negotiation of an Economic Partnership Agreement”, Brussels, 22 April 2004, p. 3. La structure de négociations pour l’APE CARIFORUM avec l’Union européenne comprend trois niveaux: le niveau ministériel, le niveau des négociateurs principaux et le niveau technique. - La représentation du niveau ministériel est assurée par Dame Billie MILLER de la Barbade. L’action du porte-parole ministériel est soutenue par la troïka des ministres de la République dominicaine, de Sainte-Lucie et de Belize. - Le CRNM qui est le dispositif régional de négociations des Caraïbes regroupe les négociateurs principaux et coordonne les autres niveaux de négociation. - Enfin, au plan technique, des experts issus, entre autres, des institutions régionales telles les Secrétariats de la CARICOM et de l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale(OECO), des organes étatiques ou du secteur privé, ont été chargés d’assister les négociateurs principaux dans le traitement de sujets et dossiers spécifiques. 939 L’Accord de libre échange CARICOM/République Dominicaine (de son acronyme anglais FTA CARICOMDR) a été signé en 1998.Un protocole pour mettre en œuvre l’accord a été décidé au cours de l’année 2000. Pour de plus amples renseignements sur cet accord, voir le site www.caricom.org Voir également, BARFLEUR-LANCREROT (L.), « L’accord de partenariat UE-CARIFORUM : un partenariat en trompe l’œil ? », Chronique des Amériques, n° 16, mai 2005, 8 p. 346 Néanmoins, la question de la pertinence économique de cette configuration des Caraïbes s’est posée dès l’ouverture des négociations. Ainsi, M. Junior LODGE, un des représentants du Mécanisme régional de négociations caribéen (CRNM), se demandait à l’époque « quelle serait la logique économique à ce que deux parties d’une zone de libre échange (la République dominicaine et la CARICOM) accordent à l’UE (bloc de pays industrialisés) un plus haut niveau d’accès au marché qu’elles ne se l’accordent l’une à l’autre ?»940. Par ailleurs, il n’en demeure pas moins que le choix du CARIFORUM a pour conséquence juridique de manifester une prédominance de l’emprise étatique dans les négociations interrégionales. En effet, du côté caribéen, les Etats sont seuls habilités à signer et à ratifier l’Accord de Partenariat Economique au détriment de l’organisation régionale à laquelle ils appartiennent941. Le discours de la Commission européenne reconnaît et accepte implicitement cette ambiguïté942. Les Etats caribéens participants ont malgré tout formulé une offre de libéralisation unifiée, en dépit de la complexité de leur configuration régionale. Or, en Afrique, l’enchevêtrement des organisations régionales, entre autres facteurs, a probablement permis à la CE de faire ses choix, en favorisant la parcellisation bilatérale des accords de partenariat économique, au risque de déstructurer les organisations régionales préexistantes943. Cependant, quelque soit la manière de procéder, globalement l’objectif de transformer le cadre juridique des relations UE-ACP n’a pas été remis en cause, et le calendrier de négociations a été relativement respecté. 940 LODGE (J.), « Négociations ACP-UE en vue d’un APE : défis posés aux Caraïbes », Eclairage sur les négociations commerciales, vol.1, n° 3, septembre 2002, pp. 3-6, spéc., p. 3. Il faut cependant noter que, le texte de l’APE CARIFORUM-CE, pour ne pas entraver la mise en œuvre de la zone de libre échange CARICOMRépublique dominicaine, prévoit une clause dite « de préférence régionale », à son article 238 §2. Suivant cette dernière, tout traitement plus favorable ou tout avantage concédé par un Etat CARIFORUM signataire de l’APE à la partie CE doit automatiquement être étendu aux autres Etats CARIFORUM signataires. 941 A propos de la prédominance des Etats dans la structuration de la CARICOM, voir, PERROT (D.), « Le schéma institutionnel de la CARICOM issu du Traité révisé de 2001 entre statocentrisme et construction communautaire », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 131-158. 942 Selon la Commission, l’approche expérimentée pour les négociations avec la région Caraïbes, vise à « créer une unité régionale aux Caraïbes, CARICOM jouant le rôle d’axe d’intégration et CARIFORUM, celui de coopération ».Voir, Annexe à la communication du 2 mars 2006 COM (2006) 86 final sur « le partenariat UE-Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », SEC (2006) 268 final, p. 2. 943 Dans le même sens, voir IBRIGA (L.-M.), « Accords de partenariat économique et dynamique intégrative en Afrique : l’efficience du choix des cadres régionaux de négociation », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op.cit., pp. 423-436. 347 B) Le calendrier de négociations peu ou prou respecté Globalement, le calendrier initial de négociation des accords de partenariat économique prévoyait que, de septembre 2002 au 31 décembre 2007, la Communauté européenne négocierait avec les pays du groupe ACP réunis en six régions. Ensuite, au 1er janvier 2008, les APE négociés, signés et ratifiés, entreraient en vigueur et seraient mis en place jusqu’en 2020. Dès 2018, on assisterait à l’amorce de la mise en place des zones de libre échange, entre l’Union européenne et les organisations régionales944. Selon le calendrier susmentionné, les parties ont adoptés d’un commun accord, une structure de négociations en deux phases : la première phase de négociations, au niveau de « tous les ACP »945, achevée en 2003, a servi surtout à définir les modalités et les principes des négociations, ainsi qu’à aborder les questions d’intérêt commun entre tous les ACP. A l’issue de cette première phase, les parties ont convenu que les zones de libre échange programmées devraient être accompagnées de mesures appropriées d’aide au développement et qu’un comité technique de suivi dit « tous ACP » serait créé afin de maintenir la transparence et l’échange des informations entre toutes les parties. Le 2 octobre 2003 une réunion ministérielle a marqué la transition entre la première et la seconde phase. La seconde phase consacrée à la négociation aux niveaux régionaux, a débuté le 4 octobre 2003. Six grandes régions ont été identifiées pour la signature d’Accords de Partenariat Economique (la région de l’Afrique centrale946, la région de l’Afrique de l’Ouest947, la région de l’Afrique de l’Est et Australe948, la Communauté de Développement de l’Afrique 944 Sur le calendrier initial, voir Annexe 2 de la thèse. 945 Voir à ce propos : - ACP/61/056/02Rev.5, « projet d’orientations ACP pour les négociations des accords de partenariat économique », Bruxelles, le 21 juin 2002. - ACP/00/118/03Rev.1, « Les négociations des accords de partenariat ACP-CE : rapport conjoint sur la phase « tous ACP » des négociations ». - Document ACP-EC/NG/NP/43, Bruxelles le 2 octobre 2003, 9 p. Ce dernier document élaboré au cours de la phase dite « Tous ACP » définit l’approche que les ACP devraient adopter tout au long des négociations des APE ainsi que les principes qui devraient les régir. 946 La région de l’Afrique centrale comprend la Communauté Economique et Monétaire en Afrique Centrale (CEMAC), plus Sao Tomé et Principe. Les négociations se sont ouvertes le 4 octobre 2003 à Brazzaville. 947 La région de l’Afrique de l’Ouest englobe en son sein la (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO et la Mauritanie). Les négociations ont commencé le 6 octobre 2003 à Cotonou. 948 Cette région regroupe les pays membres du Marché Commun d’Afrique Australe et Orientale (COMAAO). Les négociations ont été entamées le 7 février 2004 à Maurice. 348 Australe949, la région des Caraïbes950, la région Pacifique951). Dans chaque région, les Etats ACP ont élaboré une feuille de route spécifique et une structure de négociations (intrarégionale) pour négocier avec la CE. Les résultats obtenus montrent que, à l’issue de la phase préparatoire achevée à la fin 2007, seule la région des Caraïbes a accepté de parapher un accord de partenariat économique complet avec l’Union européenne, c'est-à-dire englobant, outre le commerce des marchandises, tous les aspects de la coopération et du développement économique. La signature de l’APE a été approuvée « au nom de la Communauté européenne » dès le 15 juillet 2008952, sous réserve de la ratification par les vingt-sept Etats membres. Du côté du CARIFORUM, la signature par chacun des Etats caribéens parties à l’accord, s’est étalée jusqu’au 11 décembre 2009, date à laquelle Haïti a signé l’APE. Au contraire, la Commission européenne n’a obtenu avec d’autres Etats ACP953 que des accords intérimaires, dits aussi « d’étape », limités au commerce des marchandises. Les accords intérimaires décrits comme des APE « allégés »954 ne sont cependant que provisoires et doivent conduire à des accords complets955. 949 Pour la Communauté de Développement d’Afrique Australe (CDAA) et l’Afrique du Sud en tant qu’observateur, les négociations ont débuté le 8 juillet 2004 à Windhoek. 950 Comme précédemment exposé, la région des Caraïbes, inclut les Etats membres de la CARICOM et la République dominicaine, moins Cuba, réunis au sein du Forum des Caraïbes. Les négociations ont été entreprises le 16 avril 2004 à Kingston. 951 La région Pacifique comprend les membres de l’Accord de commerce des Etats insulaires du Pacifique réunis au sein du Forum Pacifique). Le début des négociations est intervenu en septembre 2004. 952 Décision du Conseil 2008/805/CE, article 1, du 15 .07. 2008 relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE, n° L 289, du 30.10.2008, p. 1. 953 Seuls 21 pays ACP, les plus soucieux de conserver un accès au marché européen, ont paraphé des accords intérimaires quelquefois en se dissociant de leur groupe régional, c’est le cas par exemple de la Côte d’Ivoire, du Kenya, ou de la Mauritanie ; et 43 pays n’ont rien paraphé, à la date de janvier 2009. 954 Voir BILAL (S.), RAMPA (F.), ECDPM, « Réexamen des négociations sur les APE et des scénarios alternatifs », Eclairage sur les négociations, vol. 5 n°1, janvier- février 2006, pp. 1-3. Selon ces auteurs, le terme d’APE « light » ou « allégé » définit : « Un accord de libre échange réciproque qui se concentrerait, dans une première étape, sur l’ouverture des marchés ACP au niveau minimal nécessaire pour garantir la conformité avec l’OMC, tout en cherchant à limiter les effets potentiellement négatifs de toute libéralisation significative pour les ACP. Dans une seconde étape, après 2008, les négociations avec l’UE pourraient être axées sur une approche à long terme pour la prise en compte des contraintes en matière de capacités d’offre dans les ACP (notamment à travers l’investissement, la concurrence, etc.), la constitution de marchés régionaux effectifs, ainsi qu’une libéralisation accrue dans les ACP ». Le principe fondamental d’un « APE light » ou « allégé » est « d’élargir autant que possible la flexibilité en ce qui concerne les prescriptions de compatibilité avec l’OMC (notamment en ce qui concerne le niveau de réciprocité) et/ou d’adapter le cadre APE actuel pour mieux prendre en compte certaines préoccupations en matière de développement ». 955 De tels accords contiennent des clauses de « rendez-vous » permettant de poursuivre les négociations sur un certain nombre de problématiques ciblées comme les services, l’investissement, etc. Voir par exemple, 349 Depuis le début 2008, par une décision unilatérale de la Communauté européenne, un accès en franchise de droits et une absence de contingents sont accordés aux pays ayant paraphé l’accord UE-CARIFORUM ou des accords intérimaires avec l’Union européenne956. Pour les pays ACP non PMA qui ont choisi de ne pas conclure d’APE(s) provisoires957, le relais a été pris par le Système de Préférences Généralisées ouvert à tous les Pays en Développement. Pour les pays les moins avancés (PMA) des ACP, le régime « Tout sauf les armes » (TSA) s’applique. A ce propos, il convient de remarquer que la plupart des Etats « C » ne sont plus PMA, sauf Haïti qui aurait pu choisir le régime réservé aux PMA. Bien que les négociations se poursuivent au-delà du terme officiel de 2008, le bilan que l’on peut dresser à l’échéance de la phase de négociations initialement convenue est celui d’un échec partiel. D’une part, car le passage d’APE provisoires à des APE complets nécessitera des délais supplémentaires, de sorte qu’il est difficile de prévoir quand sera achevée la mutation des relations conventionnelles entre l’UE et les Etats ACP. D’autre part, la pléthore d’accords provisoires bilatéraux traduit la dislocation de la base régionale envisagée958 au début, et pose des problèmes pour la suite des pourparlers. Ainsi, à l’instar des négociations pour des accords d’association avec la Communauté Andine des Nations (CAN) et les pays du Système d’Intégration Centraméricain (SICA), le caractère interrégional des APE semble avoir été sacrifié sur l’autel du pragmatisme. En effet, le 23 octobre 2007, la Commission et le Conseil ayant admis l’impossibilité de conclure des APE complets pour la fin 2007, ont assoupli le calendrier initial de négociations, en acceptant la signature d’APE (s) en deux temps : d’abord des accords intermédiaires portant exclusivement sur les marchandises, avant le 31 décembre 2007 ; puis la poursuite des pourparlers pour la conclusion d’APE complets, idéalement avant fin 2008. Cette modification est intervenue l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, JOUE, n° L 59, du 3.03.2009 ; l’article 44 dispose : « Les parties s'engagent à prendre toutes les mesures nécessaires ou à coopérer pour favoriser la négociation et la conclusion, dans les meilleurs délais, d'un APE global, conformément aux dispositions pertinentes de l'OMC, entre la partie CE et l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest, dans les domaines suivants: le commerce des services et le commerce électronique, les investissements(…). Les parties prendront toutes les dispositions utiles en vue de favoriser la conclusion d’un APE global entre la partie CE et l’Afrique de l’Ouest avant la fin de l’année 2008 ». 956 Règlement (CE) n° 1528/2007 du Conseil du 20.12.2007 appliquant aux produits originaires de certains Etats appartenant aux groupes des Etats ACP les régimes prévus établissant ou conduisant à établir des accords de partenariat économique, JOUE, n° L 348 du 31.12.2007, pp. 1-155. 957 Parmi les non-PMA, on trouve par exemple en Afrique : le Nigéria, la République du Congo, le Gabon ; ou dans le Pacifique : les îles Cook, les Etats fédérés de Micronésie, Nauru, Niue, Palau, les îles Marshall et Tonga. 958 Le mandat de négociations pour des APE avec les Etats ACP, exprime une préférence pour l’approche régionale. Voir Directives du Conseil relatives à la négociation « d’accords de partenariat économique avec les pays et régions ACP », doc. 9930/02 du 12 juin 2002. 350 dans un contexte de vives tensions accompagnant le processus de négociations des APE, et sous un feu nourri de critiques entretenu par des courants d’opinion, véritable fronde « antiAPE », dénonçant leur nature et les méthodes utilisées par la Commission959. Or, l’acceptation de cette approche entérinée par le Conseil960, a pour effet de favoriser la parcellisation en plusieurs accords provisoires, partiels et bilatéraux. En corollaire, cela implique des discordances entre plusieurs listes de libéralisation tarifaire, au lieu de la détermination d’une liste par région. Il s’ensuit que l’harmonisation des divers calendriers de négociation au sein d’une même région risque d’être à l’avenir très difficile. En outre, le fait qu’au sein d’une même organisation régionale, certains pays aient paraphé un APE provisoire et d’autres non, entraîne l’existence de régimes commerciaux différents à l’intérieur d’un même groupe économique régional, l’absence de règles d’origine uniformes, et des différences de calendrier de libéralisation pour la mise en œuvre des accords. Tout cela est susceptible de menacer sérieusement les initiatives d’intégration économique régionale au sein des ACP ; lesquelles sont pourtant jugées cruciales pour le développement socio-économique des ACP, et sont érigées au rang de préoccupations majeures dans le cadre de la négociation des APE. Finalement, il y a une contradiction flagrante avec l’accord de Cotonou cité précédemment961. S’agissant plus particulièrement de l’APE UE-CARIFORUM, bien qu’il ne s’agisse pas d’un accord d’association – ses bases juridiques sont en effet l’article 133 §1 à 5 TCE, l’article 181 TCE et l’article 57 §2 TCE – l’avis conforme du Parlement européen a été requis962 avant tout engagement définitif, c'est-à-dire avant toute conclusion de l’accord au sens international. Le Parlement européen a donné son avis conforme le 25 mars 2009963. 959 Le Conseil ACP a eu l’occasion de dénoncer les pressions exercées par la Commission pour amener les Etats ACP à parapher des APE provisoires. Voir la Déclaration du Conseil ACP, lors de la 86 ème session, exprimant des préoccupations sérieuses sur le statut des négociations des Accords de partenariat économique, ACP/25/013/07, du 13.12.2007, http://www.acp;int/en/com/86/ACP/2501307_declaration-e.pdf . Voir dans le même sens, les exhortations du Parlement européen à cesser toutes pressions sur les ACP dans la Résolution du Parlement européen du 23 mai 2007 sur les APE (2005/2246(INI) points 6 et 8. Document cité dans GHERARI (H), « L’accord de partenariat économique CARIFORUM-CE : vers une nouvelle génération d’accords de libre échange ? », op. cit., p. 526. 960 Conclusions du Conseil sur les accords de partenariat économique, 2831 ième session du Conseil-Relations extérieures, Bruxelles, les 19-20 novembre 2007. 961 Notamment, avec les articles 35 §2 et 37 §3 de l’Accord de Cotonou. 962 Voir la demande d’avis conforme du Conseil sur « projet de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part », document C 6-0054/2009, du 26.01.2009. 963 Voir la Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, document final P6-TA(2009) 0183, Strasbourg, 25.03.2009. Le Parlement européen a donné son avis conforme par 460 voix pour, 82 voix contre et 43 abs- 351 Par ailleurs, une procédure de mise en œuvre rapide a été initiée pour l’APE UECARIFORUM, conformément à l’article 243 §3 de celui-ci, sous réserve de la ratification ultérieure par tous les Etats signataires. Concrètement, l’application provisoire a été permise par la décision 2008/805/CE publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 30 octobre 2008964. Elle implique que seuls les éléments relevant de la compétence exclusive de la Communauté sont appliqués à titre provisoire, en attendant la ratification, qui consacrera l’entrée en vigueur officielle dudit accord. Dans l’intervalle, toute décision à prendre relative aux dispositions applicables de l’accord sera adoptée au sein du Conseil conjoint CARIFORUM-CE et du Comité CARIFORUM-CE « commerce et développement ». Ces deux organes conjoints créés par l’APE sont donc immédiatement en fonction. L'accord est provisoirement appliqué depuis le 29 décembre 2008. Ce zèle à appliquer promptement la partie de l’APE CARIFORUM-UE qui relève de la compétence exclusive de la CE, répond tout autant à des raisons juridiques, qu’à des considérations économiques et stratégiques. Sur ce dernier point, il semble que tous les APE visent à « préparer le terrain pour l’intégration verticale afin de préserver la place privilégiée de l’Union européenne vis-à-vis des ACP », notamment caribéens965. En effet, la Commission européenne, et en particulier la DGCommerce, n’hésite pas à inscrire les APE dans un plan global d’action pour la compétitivité extérieure de l’Union européenne966. Dans le cas particulier de l’APE UE-CARIFORUM, il importe pour l’Union européenne d’affermir sa position dans la région caribéenne, avant que ne se concrétisent les accords de libre échange CARICOM/Canada et CARICOM/Etats-Unis. Les négociations avec le Canada sont en cours depuis le 19 juillet 2007967. Concernant les Etats-Unis, après l’accord tentions sur la conclusion de l'accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part. 964 Décision du Conseil 2008/805/CE, du 15.07.2008 relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat économique entre les États du CARIFORUM, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE, n° L 289, du 30.10.2008, p. 1. La décision est prise sur les bases juridiques combinées suivantes : article 57 §2 TCE (devenu article 64 §2 TFUE), article 71 TCE (devenu article 91 TFUE), article 1333 § 1,5 et 6 (devenu article 207 TFUE), article 181 TCE (devenu art. 211 TFUE), enfin, article 300 § 2 alinéa 1 (nouvel article 218 TFUE). 965 TRIMECH (Z.), L’Union européenne en quête de puissance – Réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux , op. cit., spéc.,p. 160. 966 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », (COM) 2006/0567 du 4.10. 2006, spéc., p.7 , et pp. 9-10. 967 L’idée d’un ALE a germé lors du Sommet Canada-CARICOM du 19 janvier 2001 à Montego Bay, en Jamaïque Communiqué et document d’information du premier ministre canadien Mr Stephen Harper, 19 juillet 2007 à Bridgetown (Barbade). Sur le site officiel du cabinet du premier ministre http://www.pm.gc.ca Selon le communiqué officiel « l’accord de libre échange (ALE) entre le Canada et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) serait un outil important qui contribuerait à resserrer les liens commerciaux du Canada 352 de libre échange avec les pays d’Amérique centrale signé en mai 2004 incluant la République dominicaine (CAFTA-DR ou ALEAC-RD), ils pourraient envisager de conclure un accord avec l’ensemble des pays membres de la CARICOM968. En attendant, ont été reconduites jusqu’en 2010, les préférences octroyées, au titre de l’« acte de partenariat commercial du bassin Caraïbe », en anglais, Caribbean Basin Trade Preferential Act (CBTPA)969. S’agissant des motifs juridiques de l’exécution rapide et partielle de l’APE, premièrement, l’article 243 §3 de l’APE invite expressément les parties à commencer l’application provisoire aussitôt que possible, mais non plus tard qu’au 31 octobre 2008. Deuxièmement, l’application provisoire fut sans doute motivée par l’échéance de l’audience publique des plaignants devant l’Organe d’appel de l’OMC, sur les différends concernant les bananes, organisée les 16-17 octobre 2008970, et par la volonté d’assurer qu’il y aurait une couverture légale pour les préférences accordées aux exportations de bananes CARIFORUM. Toutefois le pré-requis avant l’application provisoire était la notification de l’APE complet à l’OMC. Conformément à la procédure du « mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux (ACR) »971, mis en œuvre par une décision du Conseil général le 14 décembre 2006, tout Accord Commercial Régional au sens du droit de l’OMC doit être notifié préalablement à son application provisoire : avec la région et à atteindre le but commun de faciliter le développement grâce à l’intégration économique dans l’hémisphère occidental ». 968 Sur des pourparlers exploratoires voir site du Caribbean Regional Negotiating Machinery (CRNM) devenu Office of Trade Negociations : www.crnm.org/; CARICOM, Office of Trade Negociations, « CARICOMCanada Trade and Development Agreement-The Potential Benefits », Revue Trade Brief, publiée par OTN Barbade et Jamaïque, du 19.07.2010, 8 p., Référence [31000.3/1-2010-07-19], En ligne www.crnm.org/ [consulté en février 2011]. 969 Le Caribbean Basin Trade Preferential Act (CBTPA) est un instrument de coopération qui remplace l’initiative du bassin caraïbe (CBI de en langue anglaise). Il accorde aux pays du bassin caraïbe un traitement préférentiel, reconductible : le « Trade Preference Program Renewal Bill » [H.R 5264] du 7 février 2008 étend jusqu’au 30 septembre 2010 la période d’application des préférences pour le bassin des Caraïbes ainsi que les préférences accordées aux pays andins par l’acte andin de préférences commerciales (Andean Trade Preferences Act ATPA). Le CBTPA bénéficie à certains Etats « C », membres du CARIFORUM : Belize, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Trinidad-et-Tobago. Voir site du gouvernement des Etats-Unis : http://www.cbp.gov/xp/cgov/trade/trade_programs/international_agreements/special_trade_programs/caribbe an/cbtpa_beneficiary_countries.xml 970 L’ouverture au public de l’audience de l’Organe d’appel de l’OMC sur les différends concernant les bananes, a été organisée à la demande des parties (Equateur, Communautés européennes et Etats-Unis), pour permettre une issue à l’un des conflits les plus long et récurrent de l’OMC. Cette demande fait suite aux affaires WT/DS27/RW2/ECU (Deuxième recours de l’Equateur) du 07.04.2008, et WT/DS27RW/USA du 19.05.2008. 971 OMC, « Mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux », WT/L/671, du 18.12.2006 §3, B. Il est à souligner que ce nouveau Mécanisme est mis en œuvre à titre provisoire et ne préjuge pas « de la teneur ni de la date de la notification requise au titre de l'article XXIV du GATT de 1994, de l'article V de l'AGCS ou de la Clause d'habilitation ». Pour sa part, l’article XXIV §7 a) se borne à préconiser la notification « sans retard » des ACR relevant de l’article XXIV, ce qui est interprété par la Communauté comme exigeant une notification de l’accord à partir de sa signature et avant sa conclusion. 353 « La notification requise d'un ACR par les Membres qui y sont parties se fera le plus tôt possible. En règle générale, elle se fera au plus tard immédiatement après la ratification de l'ACR par les parties ou la décision d'une partie sur l'application des parties pertinentes d'un accord et avant l'application du traitement préférentiel entre les parties ». La Commission européenne a donc notifié l’Accord de Partenariat Economique avec le CARIFORUM dès le 16 octobre 2008972. La signature, la notification et l’application même provisoire de cet accord concrétisent un tournant dans les relations de la Communauté avec les Caraïbes. Elle implique autant de défis que d’opportunités pour les signataires. 972 Voir la base de données des Accords Commerciaux Régionaux (ACR), sur le site de l’OMC : http://www.wto.org ; et Système d’information sur les Accords Commerciaux Régionaux (SI-ACR) http://rtais.wto.org/UI/PublicMaintainRTAHome.aspx Cette notification a été modifiée le 22 octobre pour tenir compte de la signature par le Guyana intervenue le 20 octobre 2008, et devrait l’être, suite au ralliement postérieur d’Haïti en décembre 2009. 354 SECTION II : L’APE UE-CARIFORUM ENTRE OPPORTUNITÉS ET DEFIS 355 La signature de l’APE n’allait pas de soi. L’impact de l’accord de partenariat économique sur les économies caribéennes et sur l’intégration régionale a été fortement discuté au sein même du CARIFORUM ; les Etats ont débattu de la question de savoir s’il fallait ou non signer l’accord en l’état ou exiger sa renégociation, notamment pour accentuer sa dimension relative au développement. Pourtant, les quinze Etats du CARIFORUM ont signé le texte973 après des débats intenses au plan national, régional et international sur les opportunités et défis de l’APE974. Certes, ce n’était pas le seul choix possible et compatible avec les règles de l’OMC. Les pays du CARIFORUM pouvaient bénéficier soit du système de préférences généralisées, soit négocier un accord réciproque asymétrique réputé favorable au développement. Pourtant, il importe de signaler que si Haïti unique pays moins avancé de la région des Caraïbes aurait pu s’en tenir au bénéfice du régime « Tout Sauf les Armes » (TSA), c’était au risque cependant de se retrouver marginalisé au sein du processus d’intégration régionale CARICOM. Pour tous les autres, le régime général du SPG signifiait la perte des préférences spéciales au titre de l’accord de Cotonou. Il s’avérait également peu attractif, pour les pays caribéens dont les exportations les plus concurrentielles ne sont pas couvertes par le régime commun du SPG pour les biens975. Il est à souligner qu’en le signant, les pays caribéens s’engagent à ne pas défaire l’objet et les buts initiaux de l’accord jusqu'à son entrée en vigueur976. Cependant en l’espèce, 973 Texte de « l’Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d’autre part », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, pp. 3- 1955. 974 Concernant le débat sur les opportunités et défis de l’APE,voir par exemple : OWEN (A.), « The Economic Partnership Agreement between CARIFORUM and the European Union and the Building of a Post-colonial Economy in the Caribbean », Public lecture, 11th march 2008, Cave Hill Campus, University of West Indies, 23 p. 975 Mis à part les bananes, et selon des données de la Commission européenne, les principaux produits exportés de la CARICOM vers l’Union européenne en 2005 étaient : l’alumine 15,6% (des exportations totales), le rhum (11,3%), le pétrole (11,1%), le sucre (9,5%) et le gaz naturel (4,7%). Au contraire, les produits couverts figurent à l’annexe II du règlement (CE) n° 980/2005 du 27.06.2005, portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées, JOUE, n° L 169, 30.06.2005. Ce règlement applicable jusqu’au 31.12.2008 a été remplacé par le règlement CE n° 732/2008 du 22.07.2008 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, et modifiant les règlements (CE) n° 552/97 et (CE) n° 1933/2006, ainsi que les règlements de la Commission (CE) n° 1100/2006 et (CE) n° 964/2007, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, pp. 1-39. 976 Voir Convention de Vienne sur le droit des traités, 23.05.1969, article 18 ; BARTELS (L.), « Le statut juridique des APE paraphés », Trade Negotiations Insights, vol.7, n° 3, April 2008, pp. 4-5. 356 les parties consentent également à l’application provisoire de l’accord qui assure l’exécution rapide d’une partie des stipulations de l’accord977. Eu égard au climat politique entourant la signature, l’incertitude quant aux conséquences de différentes dispositions, les divergences relatives à la dimension de développement978 de l’accord, les Etats du CARIFORUM ont tenu à ajouter une déclaration commune annexée à l’Accord de partenariat économique visant à s’assurer d’un possible réexamen tous les cinq ans des dispositions de l’APE après sa signature, pour déterminer son incidence ainsi que les coûts et les conséquences de sa mise en œuvre979. Cette déclaration plurilatérale des Etats CARIFORUM et de la CE, annexée à l’APE vient préciser l’article 5 relatif au suivi de la coopération980. Bien qu’il soit malaisé de déceler sa valeur normative981, on peut cependant lui accorder valeur interprétative et noter qu’elle affirme une détermination à agir des déclarants. Le texte de l’accord dans sa version publiée au Journal officiel de l’Union européenne, reflète surtout les compromis de négociations auxquels sont parvenues les parties. L’évaluation du contenu de l’accord dans les principaux domaines et l’analyse de ses caractéristiques permettent d’apprécier dans quelle mesure l’APE UE-CARIFORUM reflète ce qui 977 APE CARIFORUM-UE, article 243 §3. 978 BREWSTER (H.), « The Anti-Development Dimension of the European Community’s EPA », Paper presented at the Commonwealth Secretariat High Level Technical Meeting: « EPAs: The Way Forward for the ACP », Cape Town, South Africa, 7-8 April, 2008. En ligne: http://www.acp-eu-trade.org/library/files/Brewster_EN_160508_antidevelopmentdimensionof%20the%20EPA-for-Caribbean.pdf 979 Voir en langue anglaise dans une déclaration jointe à l’APE : « The Joint Declaration on the Signing of the Economic Partnership Agreement », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, spéc., p. 1955: « Nous entendons que dans le contexte de notre suivi continu de l’accord au sein des Institutions conjointes, tel que prévu à l’article 5 de l’accord, une révision complète de celui-ci soit entreprise au plus tard cinq ans après la date de signature et à intervalles réguliers tous les cinq ans, en vue de déterminer l’incidence de l’accord, y compris les coûts et conséquences de sa mise en œuvre et nous nous engageons à amender ses dispositions et à adapter leur application comme nécessaire ». Traduction libre de l’anglais: « We understand that, in the context of our continued monitoring of the Agreement within its institutions, as provided for under article 5 of the Agreement, a comprehensive review of the Agreement shall be undertaken not later than five (5) years after the date of signature and at subsequent five-yearly intervals, in order to determine the impact of the Agreement, including the costs and consequences of implementation and we undertake to amend its provisions and adjust their application as necessary ». 980 L’APE CARIFORUM-UE en son article 5 se borne à dire que : « les parties s'engagent à suivre en continu le fonctionnement du présent accord en recourant à leurs processus participatifs et institutions respectifs, ainsi qu'à ceux qui auront été mis en place aux termes du présent accord, en vue de garantir que les objectifs du présent accord soient atteints, que celui-ci soit correctement mis en œuvre et que les avantages découlant de leur partenariat et profitant aux hommes, femmes, jeunes gens et enfants soient maximisés ». 981 L’article 250 se rapportant aux annexes de l’APE CARIFORUM-UE précise que « les annexes, les protocoles et les notes de bas de page font partie intégrante du présent accord », ce qui en principe leur confère la même valeur que le texte de l’accord ; mais il omet de mentionner les déclarations. 357 semble être sa finalité : équilibrer les dimensions du commerce (§1), et du développement (§2). §1 Les aspects relatifs au commerce La partie II de l’APE est consacrée indistinctement au « Commerce et matières liées au commerce ». Il prévoit d’éliminer tous les obstacles aux échanges de marchandises entre la CE et ses Etats-membres d’une part, et les pays caribéens, d’autre part, sur une base réciproque. Mais les dispositions sont tempérées par une asymétrie des concessions concernant l’ouverture des marchés du CARIFORUM, en matière de libéralisation des marchandises et des services. Il s’agit de permettre aux pays du CARIFORUM de s’adapter aux nouvelles conditions, et de tenir compte des disparités des niveaux de développement entre les parties. Dans sa dimension commerciale, l’APE comporte un volet dévolu au commerce des biens et des services (A) et des dispositions relatives aux domaines liés au commerce (B), y compris la politique de concurrence, l’investissement, la transparence des marchés publics, la facilité des échanges982. Ces questions dites « de Singapour » ne sont pas à l’ordre du jour des négociations multilatérales. A) Les dispositions concernant le commerce de biens et de services Les dispositions relatives au commerce de biens y compris de certains produits agricoles sont prévues aux articles 9 à 59 de l’APE (1). L’accord organise également la libéralisation progressive et asymétrique des services (2). Enfin, la clause de la Nation la Plus Favorisée de l’APE UE-CARIFORUM intéresse autant les échanges de biens que de services (3) avec les tiers. 1- La libéralisation progressive et asymétrique des biens L’APE UE-CARIFORUM organise une libéralisation résolument asymétrique. Les concessions se rapportent d’une part, à la période d’ouverture du marché qui est plus longue 982 Ces quatre matières ont été supprimées lors des discussions du cycle de Doha à l’OMC. Voir Décision du Conseil général de l’OMC, 1.08.2004, doc. WT/L/579 du 2.08.2004, § g ; et voir dans la thèse p. 329, note 757. 358 et progressive pour la partie caribéenne, et d’autre part, à la couverture des produits : certains produits sensibles pour les Etats caribéens sont exclus de la liste des secteurs à libéraliser. De plus, des éléments de flexibilité se trouvent dans le régime des exportations des Etats du CARIFORUM (a), dans celui des importations de ces derniers en provenance de l’UE(b), mais également dans l’application des mesures de sauvegarde qui concerne les deux parties (c). a) Le régime des exportations des Etats du CARIFORUM L’accord prévoit l’ouverture immédiate et quasi complète du marché européen. L’accès en franchise de droits et de quotas y est appliqué à toutes les marchandises originaires du CARIFORUM dès le 1er janvier 2008983 à l’exception de certains produits comme le sucre, le riz, qui font l’objet de dispositions spécifiques précisées en annexes984. Il faut rappeler que les Etats de la région bénéficiaient déjà d’un large droit d’entrée sur le marché européen, au titre des accords antérieurs, pour la quasi-totalité de leurs exportations. De ce point de vue, l’APE n’apporte en soi aucun avantage supplémentaire, si ce n’est une quasi-pérennisation. Cependant, il a le mérite de fournir une garantie relative aux États du CARIFORUM un accès préférentiel pour les exportations de bananes. Toutefois, la sécurité juridique attendue de l’APE pour cette filière est imparfaite. Comme le signale la « déclaration relative au secteur de la banane » annexée à l’accord, « la réduction éventuelle du tarif NPF et la mise en œuvre d’accords de libre échange entre la partie CE et certains pays tiers constitueront un problème épineux en termes de concurrence pour l'industrie de la banane dans plusieurs pays CARIFORUM ». Implicitement, il est fait référence aux négociations d’accords d’association 983 Règlement (CE) n° 1528/2007 du Conseil du 20.12.2007 appliquant aux produits originaires de certains Etats appartenant aux groupes des Etats ACP les régimes prévus établissant ou conduisant à établir des accords de partenariat économique, JOUE, n° L 348 du 31.12.2007, pp. 1-155. 984 Sur une base transitoire, le protocole sucre s’applique du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009. Pendant ce laps de temps, une quantité supplémentaire de 60 000 tonnes est accordé aux pays du CARIFORUM, dont la moitié est réservée à la République dominicaine qui n’a pas bénéficié du protocole sucre, sous l’accord de Cotonou. En outre, les parties ont convenu de procéder à d’éventuelles réallocations de droits au profit des Etats du CARIFORUM, au cas où certains d’entre-eux s’avèreraient incapables d’honorer leur quota. Voir dans l’APE, la déclaration conjointe sur « la réallocation des quantités non délivrées sous le protocole sucre », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 1954. S’agissant du riz, sa libéralisation est prévue au 31 décembre 2009. Pendant deux ans avant ce terme, les quotas de riz en provenance des pays du CARIFORUM sont augmentés passant de 187000 tonnes annuel en 2008 à 250 000 tonnes en 2009. Une augmentation substantielle par rapport à l’ancien quota du régime de Cotonou fixé à 125 000 tonnes. Le Guyana et le Surinamee bénéficient d’une hausse de leurs quotas d’exportation jusqu’en 2009. Voir Règlement (CE) de la Commission n° 1529/2007 du 21.12.2007 « portant ouverture et mode de gestion pour les années 2008 et 2009 des contingents d’importation de riz originaire des États ACP qui font partie de la région CARIFORUM et des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) », JOUE, n° L 348 du 31.12.2007, p. 155 ; Egalement dans l’APE,voir l’annexe II § 2, et la « déclaration commune relative au secteur du riz », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 90 et p. 1954. 359 avec les pays d’Amérique centrale et andine. De tels accords conclus avec les concurrents directs des Etats caribéens ne peuvent qu’éroder la valeur des préférences obtenues dans l’APE. C’est pourquoi, en sus du régime spécial d’aide aux producteurs de bananes ACP, la déclaration conjointe reconnaît l’importance de fournir des fonds complémentaires, pour assister les transformations du secteur bananier du CARIFORUM, notamment en vue de « l'élaboration d'alternatives dans le secteur de la banane et en dehors de celui-ci ». Par ailleurs, l’accès sans contingent, pourrait avoir un effet pernicieux compte tenu de l’existence d’autres APE intérimaires comprenant chacun un accès sans contingent pour leur production bananière : les pays exportateurs caribéens sont en concurrence directe avec les autres Etats ACP, pour conserver une place sur le marché européen. Ainsi, l’accès sans contingent menacerait particulièrement la survie des petits exportateurs des Caraïbes et pourrait ne favoriser que les « producteurs caribéens qui ont de faibles coûts de main d’œuvre ou des coûts environnementaux externalisés élevés – comme la République dominicaine et Belize »985. En outre, dans l’optique de la libéralisation en général, les taxes à l’exportation doivent être supprimées986 dès la signature c'est-à-dire immédiatement. Cependant, dans l’esprit d’appliquer plus de flexibilité, deux Etats du CARIFORUM en l’occurrence, le Guyana et le Surinamee disposent d’un délai de trois ans, « à compter de la signature » pour procéder à la suppression des taxes d’exportation987. Le maintien provisoire des droits sur les exportations ne concerne toutefois que quelques produits mentionnés à l’annexe 1 de l’APE, telles les pierres précieuses, la bauxite. Enfin, il faut signaler que les règles d’origine sont assouplies par rapport à celles contenues dans l’accord de Cotonou signé en 2000. L’article 10 de l’APE et le protocole n°1 en matière de règles d’origine, modifient celles antérieurement posées dans l’accord de Cotonou de 2000 en introduisant une plus grande souplesse notamment en matière de textiles et vêtements. En effet, dans le cadre de l’accord de Cotonou, les vêtements par exemple devaient être tissés et confectionnés dans un pays ACP, c'est-à-dire subir deux transformations dans un des pays concernés, pour pouvoir bénéficier d’un accès préférentiel, alors que l’APE UECARIFORUM autorise une seule transformation. 985 SMITH (A.), « Les peaux de bananes de dernière minute habituelles », Eclairage sur les négociations, vol.7, n°1, spéc., p. 11. L’auteur déclare à propos de la concurrence entre exportateurs ACP, et compte tenu de ce qui a été dit en amont, que « si la production ghanéenne [le Ghana a paraphé un APE mais n’a pas encore signé] prend réellement son essor à présent que l’accès en franchise de droits est garanti pour n’importe quel volume, ou si les compagnies fruitières choisissent de se développer en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou même en Angola, les petits exportateurs des Caraïbes se retrouveront de plus en plus exclus du marché ». 986 APE UE-CARIFORUM, article 14 §1. 987 APE UE-CARIFORUM, article 14 § 2 et annexe I. 360 b) Le régime des importations en provenance de l’UE Concernant les importations des Etats caribéens du CARIFORUM en provenance de l’Union, la libéralisation commerciale est partielle : certains secteurs sensibles pour les Etats du CARIFORUM sont exclus. La liste des exclusions comprend plusieurs produits agricoles, ainsi que des produits industriels et d’habillement. La plupart des produits agricoles ne subit aucune réduction tarifaire ou lorsqu’elle intervient, la libéralisation est soumise à de longues périodes de transition, de l’ordre de vingt à vingt-cinq ans. Ce type de dispositions visant à tenir compte de la sensibilité du secteur agricole pour les pays en développement se retrouve dans d’autres accords conclus par la Communauté et ses Etats membres, ayant pour finalité le libre échange988. Seule la République dominicaine, ayant déjà procédé à la libéralisation de son marché agricole dans l’accord de libre échange avec les États-Unis, va plus loin dans ses engagements de libéralisation que les autres signataires du CARIFORUM. L’ouverture du marché caribéen s’effectuera progressivement. Les partenaires caribéens ont la possibilité d’étaler la libéralisation en réduisant progressivement les droits de douane et les obstacles tarifaires sur une période allant de trois à vingt-cinq ans. Ainsi, les membres du CARIFORUM appliquent un moratoire989 sur leurs engagements de libéralisation tarifaire pour tous les produits au cours des trois premières années d’exécution de l’accord. Pour les produits sensibles en termes de recettes, comme les véhicules à moteur, les pièces détachées et le carburant, le moratoire est étendu à dix ans. Il s’agit donc d’une liste de libéralisation tarifaire modulée et échelonnée. Par conséquent, pour les Caribéens, les engagements de libéralisation tarifaire ne sont pas concentrés en début de période. En termes d’offres d’accès aux marchés, le CARIFORUM libéralise un total de 86,9% de la valeur de ses importations sur vingt-cinq ans, dont 82,7% dans les quinze premières années990. L’accord entraînera la libéralisation de 92% des échanges CARIFORUM-UE. Globalement, dans les listes de libéralisation pour les biens, on constate que les engagements de l’Union européenne sont 988 C’est le cas par exemple dans l’accord avec le Mexique signé en 2000 : la période de transition pour la libéralisation des produits agricoles s’étend sur dix ans au moins, alors qu’elle n’est que de 7 ans pour les biens et les produits industriels. De plus, la négociation pour certains produits agricoles dits sensibles fait l’objet d’une clause de rendez-vous : Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part, article 43 §1 « Clause d’évolution future », JOUE, n° L 276, du 28.10.2000, p. 53. 989 Un moratoire désigne un délai supplémentaire qui suspend l’obligation (ici de réciprocité) pendant un laps de temps donné. 990 Voir LODGE (J.), « Négociations APE du CARIFORUM-Une réflexion initiale », Eclairages sur les négociations, vol.7, n° 1, février 2008, pp. 6-8. 361 plus élevés que ceux des Etats de la Caraïbe, ce qui prend en compte l’écart de développement entre les parties. L’ensemble des asymétries temporelles ou modulations de la libéralisation doit faciliter l’adaptation progressive des Caribéens en préservant leur production intérieure de la concurrence brutale des importations en provenance de l’Union européenne. Au total, la durée de la période de transition nécessaire à l’achèvement de la zone de libre échange UE/CARIFORUM est de 25 ans. Cet échelonnement temporel pose le problème de la cohérence991 avec l’Accord de Cotonou – dont le terme est 2020 – qui prône le respect des règles de l’OMC. D’après celles-ci, la libéralisation des échanges doit être achevée dans un « délai raisonnable » qui « ne devrait dépasser dix ans que dans des cas exceptionnels »992. Or, l’APE dépasse largement les délais. Ce problème de cohérence juridique se résout par le recours à une flexibilité dans l’interprétation desdites règles993. D’autre part, l’article 16 de l’APE UE-CARIFORUM relative aux « droits de douane sur les importations originaires de la partie CE » a pour but de prévenir le relèvement des droits de douane. Les charges autres que les droits tarifaires y compris diverses catégories de prélèvements discriminatoires et surtaxes en plus des droits de douane habituels, seront éliminées sur une durée de dix ans, débutant sept ans après la signature de l’accord. Seuls les Etats les moins développés du CARIFORUM (Less Developed Countries) 994 , en raison de leurs besoins spéciaux de développement, peuvent modifier le niveau de leurs droits de douane dans le calendrier de libéralisation tarifaire995. Toutefois, aux termes de l’article 17 de l’APE, de telles modifications doivent rester compatibles avec la règle de l’article XXIV du GATT de 1994 et donc ne doivent pas porter atteinte à l’obligation de libéraliser « l’essentiel des échanges » entre les parties. On peut légitimement se demander si la flexibilité de l’article 17 991 Les principes de cohérence et de complémentarité avec l’accord de Cotonou sont expressément posés dans l’APE avec le CARIFORUM, aux articles 1 et 2. 992 Voir l’article XXIV §5 du GATT de 1994 et, le Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV. 993 Voir Infra dans la thèse, deuxième partie, Chapitre II. 994 Ceci s’inspire de l'Article 164 du Traité révisé de Chaguaramas (2001) qui cherche à protéger et à stimuler le développement industriel parmi les pays membres du CARIFORUM les moins développés (CARICOM LDCs). Les pays concernés sont : Antigue, le Belize, le Commonwealth de Dominique, la République de Guyana, la République d’Haïti, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines. L’article 17 de l’APE reconnaît la vulnérabilité de ces pays les moins développés (Less Developped Countries). Il apparaît par conséquent que, l’APE UE-CARIFORUM réintroduit une différenciation au profit de cette catégorie de pays, pourtant supprimée dans l’accord de Cotonou. 995 Voir l’APE UE-CARIFORUM, article 17. Cela semble s’inspirer de l’article XVIII §2 du GATT de 1947 modifié en 1964, qui assure aux pays en développement une flexibilité dans l’application des règles du GATT pour faire face aux besoins de leur développement économique et permettre le relèvement du niveau de vie de leurs populations. L’article XVII autorise à modifier ou retirer des concessions, à imposer des restrictions aux importations pour des problèmes de balance des paiements. 362 de l’APE associée à l’article XXIV du GATT, peut réellement être considérée comme l’application d’un traitement différencié en faveur de la partie économiquement vulnérable996. Il sied cependant de remarquer que l’accord de partenariat économique autorise les mesures d’urgence limitant temporairement les importations en vue de « sauvegarder » les branches de production nationales. c) L’application des mesures de sauvegarde par les deux parties Les mesures de sauvegarde997 sont applicables notamment, en cas d’augmentations brutales d’importations engendrant ou risquant de faire subir des pertes considérables aux industries locales. Les cas dans lesquelles elles sont appropriées sont énumérés à l’article 25 §2 lettres a), b), c) de l’APE UE-CARIFORUM. Elles peuvent en principe être mises en œuvre par chacune des parties. Mais certaines mesures de sauvegarde sont plus particulièrement destinées à défendre les intérêts des Etats du CARIFORUM. Ainsi, l’article 25 § 5 lettre b) est destiné à protéger une industrie naissante d’un Etat Caribéen fabriquant des produits similaires ou directement concurrents998 de produits européens. Selon certains auteurs, cette clause de sauvegarde industrielle a un objectif de protection et « vise clairement à permettre l’absorption des coûts d’ajustement liés à l’ouverture des marchés ACP »999. Elle s'applique uniquement pendant une période de dix ans à compter de la date d'entrée en vigueur de l’accord. Dans le domaine agricole, l’APE inclut des clauses relatives à la sécurité alimentaire qui permettent d’utiliser des mesures de sauvegarde appropriées lorsque se produisent « des difficultés de disponibilité ou d’accès à des produits alimentaires nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire »1000. A l’inverse de la clause de sauvegarde précédente, l’objectif de sécurité alimentaire sert plutôt à faciliter les approvisionnements extérieurs ou à éviter que ne se produisent des exportations de denrées locales en cas de pénurie. S’agissant de mesures de sauvegarde applicables par la partie européenne, la CE s’engage à ne pas appliquer aux Etats du CARIFORUM les mesures de sauvegarde multilatérales. En contrepartie, une clause spécifique est introduite dans l’accord en faveur des régions 996 Voir Infra dans la thèse, Chapitre II. 997 APE UE-CARIFORUM, article 25. 998 APE UE-CARIFORUM, article 25 §5, lettre b). 999 LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Les accords de partenariat économique : un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », op. cit., p. 614. 1000 APE UE-CARIFORUM, article 40. 363 ultrapériphériques, selon laquelle, les importations préférentielles vers ces régions seront suspendues aux moindres signes de déstabilisation conformément à l’article 25 §4 de l’APE1001. S’agissant des services, sur le plan économique, les pays membres du CARIFORUM ne sont pas uniquement des exportateurs de matières premières notamment agricoles, la région est également exportatrice de services, l’une des rares parmi les ACP1002. 2- La libéralisation progressive et asymétrique des services Les Etats du CARIFORUM, sauf le Guyana et le Suriname, ont un secteur des services qui apporte une contribution significative à leur produit intérieur brut (PIB). C’est le cas par exemple du secteur du tourisme et des services bancaires off-shore1003. L’accès préférentiel au marché des services de l’Union européenne, joint à une protection asymétrique des services locaux de proximité (tel le tourisme), pourrait représenter pour eux une opportunité de stimuler leur croissance économique plus prometteuse que ne l’est l’ouverture en franchise de droits pour les marchandises. Dans le domaine de la libéralisation des services, l’article V de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) exige que « l’essentiel des échanges » de services soit libéralisé. En l’absence de précision, l’accord de partenariat économique UECARIFORUM pose, en considération des offres d’accès au marché, que « l’essentiel des échanges » signifie que l’Europe libéralise 94% d’une liste de 120 secteurs, tandis que le CARIFORUM libéralise à 65% pour ses membres les moins développés (LDC)1004 dont Haïti, et à 75% pour ses membres les plus développés (MDC)1005. La République dominicaine libéralise environ 90% du secteur. La libéralisation ne s’applique qu’aux services clairement identifiés par les parties : il s’agit d’une liste positive au sens de l’AGCS. Sont exclus, le cabotage maritime national, certains aspects du transport aérien, les services audiovisuels ainsi que les 1001 La durée d’application des mesures de sauvegarde pour la protection des régions ultrapériphériques est portée à quatre ans, reconductible une fois ; cependant l’application de la clause de révision de l’APE pourrait conduire à augmenter cette durée. 1002 LODGE (J.), « Négociations APE du CARIFORUM-Une réflexion initiale », op.cit., spéc, p. 8. 1003 AGLAE (M.-J.) et ALBERT (J.-L.), Fiscalité et développement : régulation juridique internationale, systèmes fiscaux et développement dans l’espace Caraïbe, Paris, Cujas, 2006, 271 p. 1004 Depuis le traité de Chaguaramas révisé de 2001, la distinction More Developed Countries (MDC) / Less Developped Countries (LDC) est incluse dans le protocole VII intitulé « Disadvantaged Countries, Regions and Sectors ». 1005 Parmi les Etats les plus développés de la CARICOM : [More Developed Countries (MDC)] figurent la Barbade, le Guyana, la Jamaïque, et Trinidad-et-Tobago]. 364 services publics1006. Haïti et les Bahamas obtiennent un moratoire de six mois après la signature définitive de l’accord de partenariat économique pour inclure les services1007. Pour les services culturels, un Protocole spécifique (Protocole n° III) sur la Coopération Culturelle a été convenu dans l’APE. Néanmoins, Madame le professeur Jane KELSEY remarque que le niveau des engagements sectoriels consentis par les pays CARIFORUM excède les taux de référence proposés par la Communauté européenne dans les négociations du cycle du Millénaire, visant à préciser « l’essentiel des échanges » au sein de l’Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) ou GATS en langue anglaise1008. En revanche, d’autres auteurs notent que l’ouverture consentie par la CE dépasse ses engagements multilatéraux voire bilatéraux1009. Par exemple, concernant le mouvement temporaire des personnes physiques à des fins professionnelles, Monsieur le Professeur GHERARI reconnaît que les dispositions de l’APE applicables aux fournisseurs de services contractuels vont au-delà de ce qui existe dans d’autres accords bilatéraux et surpassent les engagements dans le cadre de l’AGCS. Finalement, concernant la libéralisation des services, on peut donc admettre, à l’instar du professeur GHERARI, que le volet de l’APE concernant les services dépasse des dispositions de l’Accord Général sur le Commerce des Services. 3- L’insertion d’une clause NPF controversée La clause de la nation la plus favorisée s’applique autant au commerce des biens (article 19), qu’à celui des services et aux investissements (articles 70 et 79). Bien que classique, l’insertion de la clause NPF1010 applicable entre les parties, semble en l’espèce particulièrement controversée. Cette clause NPF vise les accords de libre échange signés par les parties avec les tiers. Mais la notion d’accord de libre échange n’y est pas définie. Son champ d’application pourrait englober aussi bien les ALE prévus au titre de l’article XXIV du GATT, que les accords entre pays en voie de développement fondés sur la 1006 APE UE-CARIFORUM, article 75. 1007 APE UE-CARIFORUM, article 63. 1008 KELSEY (J.), « Regulatory Implications of the Services and Investment Chapter of the CARIFORUM-EU EPA », University of Auckland, March 2008. http://www.normangirvan.info/category/papers/epa-documents/ 1009 Voir GHERARI (H), « L’accord de partenariat économique CARIFORUM-CE : vers une nouvelle génération d’accords de libre échange ? », op. cit., pp. 533-536 ; CUELLO CAMILO (F.-A.), « La clause NPF de l’APE du CARIFORUM n’est pas une menace pour le commerce Sud-Sud », op.cit., spéc, p. 2. 1010 APE UE-CARIFORUM, article 19. 365 clause d’habilitation du GATT. Par conséquent, les détracteurs de la clause NPF introduite dans l’APE, craignent qu’elle ne restreigne les accords Sud-Sud, plus précisément le développement des relations commerciales avec les pays en voie de développement dits émergents1011, tels l’Inde, la Chine, le Brésil. Ce dernier a d’ailleurs contesté cette clause à l’OMC1012, au motif qu’elle serait en contradiction avec la clause d’habilitation adoptée en 1979 dans le cadre du GATT (de 1947), qui permet les accords préférentiels entre les pays en développement. La clause NPF aurait pour effet systémique d’étendre à la CE et ses Etats membres, tout avantage ou concession plus favorable obtenue entre pays en voie de développement au titre de la clause d’habilitation. Pourtant, s’agissant de l’inclusion de cette disposition dans l’APE, une certaine asymétrie s’applique, dans la mesure où la CE accorde aux pays du CARIFORUM un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à « tout pays tiers »1013. En revanche, l’obligation NPF est largement tempérée pour les Caribéens, puisqu’il est uniquement exigé des Etats du CARIFORUM, qu’ils accordent aux Européens un traitement non moins favorable que celui qu’ils offrent à des biens, services ou investisseurs « d’une économie commerciale majeure » ou d’ « un partenaire commercial majeur ». Cette appellation désigne des pays ou des blocs régionaux engrangeant 1 %, ou 1,5 % et plus, des exportations de marchandises mondiales au cours de l’année précédant l’entrée en vigueur de l’accord de libre échange1014. Il est vrai que quelques pays du Sud dont l’Inde, la Chine, ou encore l’Argentine, le Mexique et le Brésil répondent à ce critère et pourraient s’inquiéter des implications pour leurs futurs échanges avec les pays caribéens. Concrètement, cela implique que, dans le cadre de la négociation avec le Canada ou tout autre partenaire commercial développé comme les Etats-Unis, les avantages consentis supérieurs à ceux contenus dans l’APE s’appliqueront automatiquement à l’UE. On conçoit très bien l’intérêt économique de l’insertion de cette clause qui permet à l’UE de contrôler l’extension du commerce avec les pays développés et émergents. Pourtant, sur le plan juridique, l’introduction d’une clause NPF a la caractéristique paradoxale de placer l’APE en-deçà des prescriptions de l’OMC relatives 1011 A propos des critiques engendrées par la Clause NPF, voir par exemple, DIEYE (C.-T.), HANSON (V.), « Les dispositions NPF dans les APE : une menace pour le commerce Sud-Sud ? », Eclairage sur les négociations, vol. 7, n° 2, mars 2008, pp. 1-4. Ces auteurs condamnent l’inclusion d’une telle clause. A contrario, voir l’opinion de Son Excellence, M. CUELLO CAMILO (F.-A.), ancien négociateur en chef sur les services et l’investissement pour l’APE, « La clause NPF de l’APE du CARIFORUM n’est pas une menace pour le commerce Sud-Sud », International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD), News and Analysis, vol. 7, n° 4, 2 p ; LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), Idem, p. 610. 1012 Compte-rendu de la réunion du Conseil général de l’OMC des 5 et 6 février 2008, WT/GC/M/113, 31.03.2008. 1013 Au titre de l’article 19 §1 de l’APE UE-CARIFORUM. 1014 APE UE-CARIFORUM, article 19 §4. 366 aux accords commerciaux régionaux (ACR). En effet, l’APE devant aboutir à une zone de libre échange est en principe automatiquement exempté, suivant l’Article XXIV du GATT, de l’application de l’article premier du GATT1015. En plus du commerce des marchandises et des services, l’APE aborde certains points relatifs aux domaines liés au commerce. B) Les domaines liés au commerce dans l’APE Entre autres caractéristiques, l’APE UE-CARIFORUM examiné, outre les services et la propriété intellectuelle, inclut des domaines relatifs à la politique de concurrence, à l’investissement, à la transparence des marchés publics, à la facilitation des échanges. L’APE comporte également des dispositions relatives à l’environnement, aux questions sociales, qui touchent au commerce. Ces aspects ne font pas l’objet de négociations au sein de l’OMC, ni dans d’autres instances internationales. En conséquence, leur inclusion n’est pas une condition de la compatibilité globale de l’APE avec les règles de l’OMC. L’article 36 §1 de l’accord de Cotonou prescrivait d’aborder dans les APE les domaines liés au commerce. Les directives de négociations de la Commission du 12 juin 2002 pour l’APE UE-CARIFORUM, confirment cette orientation, en incluant ces matières, parmi les points à négocier en plus du commerce des marchandises et des services. Plusieurs de ces domaines n’ont pas de réglementation au niveau de la CARICOM ou ne sont pas pleinement mis en œuvre par les Etats membres dans la région des Caraïbes. Cela a pu éveiller la suspicion des détracteurs de l’accord : l’UE est soupçonnée, au travers d’une telle approche – quoiqu’acceptée par les co-signataires – de vouloir insidieusement fixer des règles avant l’issue des négociations multilatérales, d’harmoniser les pratiques commerciales et les mesures de régulation concernant par exemple la politique de concurrence, ou les politiques d’investissement, suivant les normes européennes. A terme, cela pourrait aboutir à renforcer la position politique de l’Europe sur la scène internationale en général et au sein de l’OMC plus spécifiquement. En matière d’investissement, le titre II de l’APE UE /CARIFORUM comporte des dispositions relatives à la libéralisation progressive et asymétrique des « investissements, 1015 HUBER (J.), KYRIAKOPOULOU (S.), TORRENT (R.), « L’établissement des zones de libre échange et les contraintes de l’OMC », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Le partenariat entre l’Union européenne et les Amériques, op.cit., pp. 119-130, spéc., p. 120. 367 commerce des services et commerce électronique »1016. L’APE traite ensemble des investissements et des services, parce que la fourniture de services à travers – par exemple – une « présence commerciale » est en fait une forme d’investissement. L’insertion de dispositions relatives aux investissements dans l’APE pourrait rehausser l’attrait de la région en tant que destination idéale pour de futurs investissements directs européens1017. L’APE avec le CARIFORUM traite du comportement des investisseurs en son article 72. Les parties s’engagent à prévenir les actes de corruption et s’interdisent de s’octroyer un avantage concurrentiel « indu pécuniaire ou autre ». Elles s’obligent également à refuser toutes pratiques de dumping social ou environnemental, aux seules fins d’attirer sur leur territoire des investissements directs étrangers1018. Les parties désapprouvent les investissements étrangers susceptibles d’affaiblir « la législation et les normes nationales en matière d'environnement, de travail ou de santé et sécurité au travail »1019. L’APE UE-CARIFORUM ne comporte pas de clause sur la protection des investisseurs. En ce sens, il ne va pas aussi loin que les accords de libre échange proposés par les Etats-Unis qui comportent de telles dispositions comme l’illustre l’accord de libre échange avec l’Amérique centrale et la République dominicaine (CAFTA-DR ou ALEAC-RD)1020. Il se pourrait que le système de règlement des litiges contenu dans l’APE1021 soit suffisamment performant pour sécuriser les échanges et rendre inutile l’insertion d’une telle clause1022. Pour autant, l’accord de partenariat économique UE-CARIFORUM comprend des dispositions relatives à l’objectif de la libéralisation future des investissements. Ainsi l’article 62 titre II constitue une véritable clause de rendez-vous dans laquelle il est posé que « les parties entament de nouvelles négociations sur les investissements et le commerce des services cinq ans au plus tard après la date d'entrée en vigueur du présent accord en vue de renforcer 1016 APE UE-CARIFORUM, articles 60 à 121. 1017 LODGE (J.), « Les négociations APE du CARIFORUM – Une réflexion initiale », Eclairage sur les négociations, vol.7, n°1, février 2008, pp.6-8. 1018 APE UE-CARIFORUM, article 73. 1019 Voir dans l’APE UE-CARIFORUM, article 73 précité, première phrase. 1020 Rappelons que deux des signataires de cet accord portant création d’une zone de libre échange avec les EtatsUnis (CAFTA-DR ou ALEAC-RD) sont également impliqués dans l’APE UE-CARIFORUM à savoir : le Belize et la République dominicaine. 1021 APE UE-CARIFORUM, articles 206 à 223. 1022 LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Accords de Partenariat Economique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les Etats ACP », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op. cit., spéc., p. 474 : « (...) L’instauration dans l’accord CARIFORUM d’un système sophistiqué de règlement des litiges (...) est destiné à sécuriser les accords et à rendre plus prévisible les échanges à l’échelon régional, ce qui devrait accroître l’attractivité des pays signataires d’APE auprès des investisseurs ». 368 les engagements généraux pris en vertu du présent titre ». Les engagements en matière d’investissement sont précisés en annexes de l’APE1023. La liste des engagements est cependant assortie de limitations et de conditions spéciales. Ainsi, il est précisé que les investissements effectués en Espagne par des administrations ou des organismes publics étrangers seront soumis à autorisation préalable. De leur côté, les Etats du CARIFORUM conservent le droit de maintenir des conditions spéciales pour l’installation d’investisseurs européens, par exemple, la Jamaïque exige que pour travailler dans le secteur de la fabrication des produits chimiques et de la peinture, une société de l’Union européenne doit préalablement établir une Joint-venture. Les droits de propriété intellectuelle sont également traités sous un chapitre intitulé « innovation et propriété intellectuelle »1024. Un des objectifs sans cesse réaffirmé en la matière est de « renforcer les niveaux de protection »1025, d’atteindre « un niveau adéquat et effectif de protection et de respect des droits de propriété intellectuelle »1026. Cela se traduit par exemple par une obligation claire de protéger les indications géographiques. La négociation ultérieure d’un accord sur la protection des indications géographiques est d’ailleurs programmée à partir du 1er janvier 2014. Par ailleurs, l’article 141 de l’APE envisage l’harmonisation à l’échelle du CARIFORUM du régime des droits de propriété intellectuelle. En outre, les Etats regroupés au sein du CARIFORUM, et la partie CE, s’engagent à mettre en œuvre les traités internationaux relatifs à la propriété intellectuelle auxquels ils ont adhéré notamment l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce1027 (ADPIC de l’OMC). S’agissant de la politique de concurrence, l’accord de partenariat économique y consacre le titre IV, Chapitre I, aux articles 125 à 130. En la matière, est dressée une liste des pratiques anticoncurrentielles qui « affaiblissent les avantages de la libéralisation des échanges »1028. Cela rappelle tant le droit de la CE/UE que le droit de la CARICOM. Les parties s’engagent dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’APE, à se pourvoir de législations applicables en matière de restrictions à la concurrence1029 ainsi que 1023 Voir APE UE-CARIFORUM, annexes IV et IV E, précisant la liste d’engagements des parties en matière d’investissements, ainsi que les domaines. 1024 Voir dans l’APE UE-CARIFORUM, articles 131 à 150. 1025 APE UE /CARIFORUM, article 131 §2. 1026 APE UE /CARIFORUM, article 132, lettre d). 1027 APE UE-CARIFORUM, article 139. 1028 APE UE-CARIFORUM, article 126. 1029 APE UE-CARIFORUM, article 127 §1. 369 d’autorités de contrôle opérationnelles. A ce propos, il convient de noter que la révision du Traité de Chaguaramas au 5 juillet 2001 est plus précise sur les dispositions relatives à la concurrence, que ne l’était le traité fondateur du 4 juillet 19731030. De même, il existe déjà deux autorités de contrôle créées par le Traité révisé de Chaguaramas1031. Mais, la question se pose de l’efficience de ces dispositions, dans la mesure où elles ne sont pas appliquées par tous les Etats membres de la CARICOM1032. A la lecture de l’APE, il apparaît que l’objectif recherché est une mise en cohérence des diverses législations nationales des Etats caribéens avec le Traité de Chaguaramas révisé, en vue de renforcer l’intégration1033. Une coopération est mise en place pour assurer le respect de cette obligation1034. Par conséquent, l’insertion dans l’APE de clauses concernant la concurrence paraît en cohérence avec les principes de l’accord de Cotonou en vue du renforcement de l’intégration régionale. La question de la transparence des marchés publics est une exigence posée dans l’APE avec le CARIFORUM aux articles 167 à 171. Pour autant, l’APE ne contient pas d’engagement de libéralisation concernant les marchés publics. Il faut reconnaître que l’obligation de transparence introduite ici va au-delà des engagements posés dans l’accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) entré en vigueur le 1er janvier 1996. En effet, si ce dernier reconnaît ce principe, il ne s’applique qu’à un nombre restreint de pays membres de l’OMC1035. Dans le chapitre trois de l’APE consacré aux marchés publics, l’accent est mis sur la transparence et les moyens de publication et de diffusion pour assurer celle-ci1036. Un autre principe de l’AMP transposé dans l’APE est l’application du traitement national. L’insertion 1030 Annexe au Traité « Marché commun des Caraïbes », 4 juillet 1973, article 30. 1031 S’agissant des autorités de contrôle du côté caribéen, elles ont tout au plus besoin, pour plus d’efficacité, de voir leurs pouvoirs renforcés. Ce sont nommément : la Commission de la concurrence de la CARICOM créée au titre de l’article 171 du Traité révisé de Chaguaramas, ainsi que la « Comision Nacional de Defensa de la Competencia » de la République dominicaine. L’article 125 § 1 de l’APE UE-CARIFORUM qui définit le terme « autorité de la concurrence », les mentionne. Du côté communautaire, l’autorité de contrôle est la Commission européenne et les autorités nationales (en réseau). 1032 En réalité, la Jamaïque, la Barbade, le Guyana, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinidad-et-Tobago ont des législations nationales en matière de concurrence. Toutefois, seule la Jamaïque l’applique effectivement. Les autres membres de la CARICOM ne disposent pas de législations en la matière. En ce sens, Voir GHERARI (H.), « L’Accord de partenariat economique CARIFORUM-CE : vers une nouvelle génération d’accords de libre échange ? », op. cit, p. 539, note 50. 1033 Dans le même sens, voir LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Les accords de partenariat économique : un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », op. cit., spéc.,pp. 616-617. 1034 APE UE-CARIFORUM, article 128. 1035 Sont Parties à l’accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) : le Canada, les Communautés européennes et ses 27 Etats membres, la Corée, Hong Kong, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, la Norvège, les Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba, Singapour, la Suisse, et Taïwan partie à l’AMP depuis le 15.06.2009. 1036 Voir annexe VII de l’APE UE-CARIFORUM. 370 de ce principe est fortement contestée. Ses détracteurs1037 craignent qu’il ne prépare les conditions d’accession des fournisseurs européens aux marchés publics caribéens. Pourtant aucune clause de l’APE UE-CARIFORUM ne garantit expressément aux Européens un accès aux marchés publics caribéens. S’agissant d’environnement et de dispositions en matière sociale, les parties réprouvent le dumping environnemental1038 et le dumping social1039. Les dispositions en matière sociale sont particulièrement détaillées : les parties s’engagent à se conformer aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Sont expressément mentionnées la liste des droits des travailleurs, ainsi que la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail de 1998. Finalement, à l’analyse, plusieurs aspects de la dimension commerciale de l’APE UE-CARIFORUM confirment l’idée d’un dépassement des obligations multilatérales. Dans la mesure où cet accord va effectivement bien au-delà des prescriptions de l’OMC, il s’apparente à un accord dit « OMC Plus »1040. Concernant la libéralisation des services, on peut même parler d’APE « GATS Plus ». Par ailleurs, par la probable reproduction de telles clauses dans d’autres APE, la CE/UE et ses alliés ne contribuent-ils pas à faire progresser le droit international ? Cela semble particulièrement significatif dans le domaine environnemental et dans le domaine social. En effet, dans l’APE UE-CARIFORUM, les dispositions applicables en ces matières sont rendues opérationnelles par un dispositif de concertations entre les parties en cas de différends1041. La partie qui requiert la consultation peut demander l’avis d’une organisation internationale telle l’OIT, si la consultation porte sur le domaine social (article 193 §4). Or, concernant les aspects environnementaux, ce dispositif qualifié « d’embryon de mécanisme de règlements des différends »1042 est nettement en avance eu égard à l’état du droit international ; puisque les organes de régulation internationale en matière d’environnement restent à créer. 1037 BREWSTER (H.), GIRVAN (N.), LEWIS (V.), « Renegotiate the EPA », Version révisée du Mémorandum, transmis au Conseil du commerce et de développement de la CARICOM, de en langue anglaise COTED le 27.02.2008, document du 23.03.2008, 12 p. Sur http://www.normangirvan.info/renegotiate-epa/ 1038 APE UE /CARIFORUM, article 188. 1039 APE UE /CARIFORUM, article 193. 1040 LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Accords de Partenariat Economique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les Etats ACP », op. cit., p. 470. 1041 APE UE /CARIFORUM, article 189 § 4 à 6 concernant la concertation sur les aspects environnementaux, article 193 §4 à 6 concernant la concertation sur les aspects sociaux. 1042 LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Accords de Partenariat Economique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les Etats ACP », op. cit., p. 473. 371 Après avoir mis en exergue les obligations des parties dans le domaine commercial et des aspects liés au commerce, il ne faudrait pas perdre de vue que l’APE va au-delà de ces derniers. Il est empli de références au « développement », incluses dans différents chapitres et dans les déclarations finales. §2 Le contenu de l’APE UE-CARIFORUM en matière de développement L’APE complet se fonde sur une conception économique libérale du développement en cohérence avec l’accord de Cotonou. Ainsi, dès le préambule, les parties s’affirment « convaincues que l’accord de partenariat économique créera un nouveau climat plus favorable à leurs relations dans le domaine des échanges commerciaux et des investissements et ouvrira de nouvelles perspectives de croissance et de développement ». Combinant le libre échange et le développement, l’APE doit être « à même de servir d'instrument de développement pour les États du CARIFORUM »1043. L’aspect relatif au développement est conçu notamment pour soutenir les efforts d’ajustement de la partie la moins développée et appuyer les réformes exigées par la mise en place progressive du libre échange réciproque. Pour ce faire, une coopération au développement est formellement prévue dans l’APE UE-CARIFORUM (A). Néanmoins, la question se pose de savoir si elles seront suffisantes pour soutenir les besoins d’adaptation des économies caribéennes à l’ouverture réciproque des marchés. Concernant les modalités de financement des mesures en faveur du développement, l’assistance technique et l’utilisation du Fonds européen de développement devraient notamment jouer un rôle décisif (B). A) Des dispositions favorables au développement Dans le texte de l’APE UE-CARIFORUM, tant le préambule que les premières dispositions1044 témoignent de l’attention que les parties portent au développement. Il a une dimension transversale. 1043 Préambule de l’APE UE-CARIFORUM. 1044 Voir par exemple article 1 §1 de l’APE UE /CARIFORUM. 372 Les dispositions relatives au développement, notamment sous forme d’asymétrie dans les engagements en matière d’échanges de marchandises et de services, se trouvent disséminées dans l’accord. Comme précédemment évoqué, l’asymétrie concerne tant le taux de libéralisation que des délais de mise en œuvre plus longs pour la partie caribéenne1045. Les dispositions concernant le développement transparaissent également sous forme d’éléments de flexibilité légale insérés ça et là pour prendre en compte le niveau de développement des économies caribéennes, c’est le cas par exemple, de la possibilité d’application des mesures de sauvegarde bilatérales. Elles visent à protéger les industries locales contre les importations massives et soudaines en provenance de l’UE engendrant ou risquant d’engendrer des déstabilisations de l’économie des Etats du CARIFORUM1046. Des priorités de coopération et d’assistance technique sont énoncées « en tenant compte des différents besoins et niveaux de développement des Etats du CARIFORUM » par chapitre et par secteurs1047. Il s’ensuit que l’APE conserve les objectifs de l’accord de Cotonou selon lequel « la coopération économique et commerciale tient compte des différents besoins et niveaux de développement des pays et régions ACP. Dans ce contexte, les parties réaffirment leur attachement à garantir un traitement spécial et différencié à tous les pays ACP, à maintenir un traitement particulier en faveur des Etats ACP PMA et à tenir dûment compte de la vulnérabilité des petits pays enclavés ou insulaires » 1048. De ce point de vue, les rédacteurs semblent vouloir créer des passerelles voire une complémentarité entre l’accord de Cotonou et l’APE. En ce sens, les objectifs primordiaux de l’APE consistent à alléger la pauvreté au sein du CARIFORUM, à promouvoir l’intégration régionale et la coopération économique et à encourager l’intégration graduelle des États du CARIFORUM dans l’économie mondiale en améliorant leurs capacités commerciales, en créant un environnement propice aux investissements, en augmentant les capacités d’offre, la compétitivité et la croissance économique dans 1045 Sur les éléments de flexibilité déjà mentionnés en matière de libéralisation des marchandises, des services, d’investissement, voir Supra Section I de ce chapitre. 1046 Voir dans l’APE UE-CARIFORUM, l’article 25. De plus, en matière d’instruments de défense commerciale, il est posé que s’agissant des sauvegardes « à la lumière des objectifs généraux de développement (…) et compte tenu de la taille réduite des économies des Etats du CARIFORUM, la partie CE exclut les importations de tout Etat du CARIFORUM de toutes les mesures prises (...)» article 25 §2 de l’APE CARIFORUMUE. 1047 Par exemple on trouve des clauses de coopération et d’assistance technique dans l’article 22 concernant le domaine fiscal, ou encore, aux articles 30, 35, et 36 relatifs à la « douane et administration », à l’article 43 sur l’agriculture, à l’article 130 concernant la concurrence, à l’article 182 sur les marchés publics, également à l’article 190 en matière d’environnement. 1048 Accord de Cotonou, article 35 §3. 373 la région1049. Une coopération au développement est formellement prévue dans l’APE UECARIFORUM1050. Elle énonce l’engagement de prendre « toutes les mesures nécessaires pour garantir la mobilisation, la fourniture et l’utilisation efficace des ressources visant à faciliter les activités de coopération au développement couvertes par l’accord »1051. De surcroît, une déclaration sur la coopération au développement est annexée à l’APE1052. Elle complète les dispositifs des articles 7 et 8 de l’APE consacrée à cette même question. Elle fait le lien avec la stratégie communautaire d’aide au commerce en rappelant l’intention de la Communauté européenne et des États membres de contribuer à un fonds de développement régional pour la mobilisation et le déploiement de l’aide. Pour autant, même si les rédacteurs affirment la filiation entre l’APE et l’accord de Cotonou de 20001053, la cohérence entre les deux traités, n’est pas garantie. En effet, l’APE recèle des dispositions visant à prendre en compte expressément les intérêts des pays les moins développés parmi les Etats du CARIFORUM (Less Developped Countries). Nominativement, il s’agit d’Antigua-et-Barbuda, le Belize, le Commonwealth de Dominique, la Grenade, la République d'Haïti, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-lesGrenadines. Or, dans l’accord de Cotonou de nombreux pays les moins développés (LDC) n’y figurent pas, ce qui semble exclure pour eux la possibilité de bénéficier d’une différenciation. L’accord de Cotonou distingue uniquement en son annexe VI entre les Pays les Moins Avancés (PMA), et les non-PMA. A ce titre, seul Haïti est reconnu PMA, et ce statut n’est pas permanent. Il s’ensuit que la liste des pays moins développés (LDC) dans l’APE UECARIFORUM, ne coïncide pas avec celle des PMA dans l’accord de Cotonou. Mis à part Haïti, l’accord de Cotonou ne crée pas de distinction entre les autres Etats caribéens non-PMA, si ce n’est en considération de leur insularité1054. En ce sens, l’accord de Cotonou, respecte clairement la liste des PMA désignés comme tels par l’Organisation des Nations Unies, et reprise par l’OMC. 1049 Ces objectifs de l’APE UE-CARIFORUM sont définis en son article premier, en liaison avec le préambule de l’APE susmentionné. 1050 APE UE-CARIFORUM, articles 7 et 8. 1051 APE UE-CARIFORUM, article 7 §4. 1052 Voir en annexe à l’APE, la « Déclaration commune relative à la coopération au développement », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 1953. 1053 Dans l’APE UE-CARIFORUM, l’article 2 pose le principe de la complémentarité, en déclarant expressément que l’accord « s’inspire des dispositions de l’accord de Cotonou et des accords de partenariat ACP-CE antérieurs dans le domaine de la coopération et de l’intégration régionales ainsi que de la coopération économique et commerciale ». 1054 Accord de Cotonou, article 85, JOCE, n° L317, du 15.12.2000, p. 3. 374 Pour autant, l’insertion de clauses de flexibilité dans l’APE, au bénéfice des pays les moins développés (LDC), traduit une volonté des parties d’appliquer le traitement spécial et différencié1055 qui est un principe admis à l’OMC et qui autorise les pays développés à accorder un traitement plus favorable aux pays en développement sous forme de règles commerciales modulées pour les pays les moins avancés et les pays en développement. A l’inverse, outre la liste LDC, on peut difficilement prétendre que les clauses comportant un traitement spécial et différencié en faveur d’Haïti, unique PMA, soient nombreuses dans l’APE analysé. Tout au plus, on relève cinq dispositions tenant compte clairement du niveau de développement d’Haïti. En premier lieu, si la période de mise en œuvre des mesures concernant la propriété intellectuelle est fixée à 2014 pour les autres Etats du CARIFORUM, Haïti n’est pas tenu de les appliquer avant 2021 au plus tôt. En second lieu, en matière de transparence des marchés publics, les Etats du CARIFORUM disposent de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’APE pour mettre leurs mesures en conformité avec les obligations procédurales de transparence, publications, informations sur l’adjudication des marchés publics. Toutefois cette période s’étend jusqu’à cinq ans pour l’ensemble des (LDC)1056. Par ailleurs, en matière de commerce de biens, en plus de la liste d’exclusion s’appliquant aux produits sensibles, Haïti est exempté de libéraliser l’essence. En quatrième lieu, ce PMA fait partie de la liste des pays les moins développés habilités à modifier le niveau des droits de douane applicables à une marchandise originaire de la CE, selon les conditions de l’article 17 de l’APE. Enfin, les exigences de la clause de préférence régionale sont assouplies dans le cas haïtien. Elle dispose que tout traitement plus favorable ou avantage qui pourrait être réservé par un État signataire du CARIFORUM à la partie CE, aux termes du présent accord, est également accordé à chaque État signataire du CARIFORUM. Or, suivant l’article 238 §3 de l’APE UE-CARIFORUM, Haïti est dispensé pendant cinq ans à compter de la signature, d’étendre à la République dominicaine, les concessions ou avantages plus favorables qu’il accorderait à la CE. Le soutien à l’intégration régionale fait également partie des dispositifs destinés à favoriser le développement des pays caribéens : « Les parties reconnaissent que l'intégration régionale fait partie intégrante de leur partenariat et constitue un puissant instrument pour atteindre les objectifs du présent accord ». Ils « reconnaissent et réaffirment l'importance de 1055 Pour un aperçu général des dispositions des Accords et décisions de l'OMC relatives au traitement spécial et différencié : voir OMC, Comité du Commerce et du Développement, WT/COMTD/W/77/Rev.1 et ses addenda, 25.10.2000. Et pour le traitement spécial et différencié réservé aux Pays les Moins Avancés (PMA), Comité du Commerce et du Développement, WT/COMTD/W/135 du 5.10.2004. 1056 Dans l’APE UE-CARIFORUM, article 180 §3. 375 l'intégration régionale entre les États du CARIFORUM en tant que mécanisme permettant à ces États d'améliorer leurs perspectives économiques, de renforcer leur stabilité politique et de favoriser leur bonne intégration dans l'économie mondiale »1057. Mais, cela ressemble à une déclaration de principe. Par ailleurs, dans la mesure où l’accord de Cotonou comporte sensiblement les mêmes termes, il est difficile de discerner un quelconque apport comparativement à ce dernier. En revanche, la clause de préférence régionale posée à l’article 238 §2 devrait avoir des effets plus tangibles sur le renforcement de l’intégration régionale. Cela ne résout cependant pas le problème de l’incidence réelle de l’APE sur l’intégration régionale de la CARICOM et les risques de désintégration. Au nombre des mesures favorables au développement et dans l’optique de favoriser le commerce dans la zone géographique des Caraïbes, une coopération est prévue avec les régions ultrapériphériques1058, « dans tous les domaines couverts par l’accord ». Il est également envisagé « une participation conjointe des États du CARIFORUM et des régions ultrapériphériques aux programmes-cadres et actions spécifiques de la Communauté européenne dans les domaines couverts par le présent accord »1059. Il s’agit plus clairement de promouvoir la coopération au développement entre la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, SaintBarthelemy, Saint-Martin et leurs voisins caribéens, pays « C » du groupe ACP, dans la ligne des actions prévues par l’accord de Cotonou de 20001060. Toutefois, en pratique, la mise en œuvre de cette coopération, du côté de la CE, pose le problème « des difficultés à combiner les financements en provenance du FEDER pour les RUP, et du FED pour les Etats « C »1061. Globalement, malgré les clauses prévues par l’accord en faveur du développement, une importante limite résulte du fait que lorsqu’un soutien financier est octroyé, comme c’est le cas dans le domaine de l’agriculture et de la pêche en vue de développer « des capacités de commercialisation, y compris les études de marché ainsi que l’identification des options pour 1057 APE UE-CARIFORUM, article 4 §1et 2. 1058 APE UE-CARIFORUM, article 239. 1059 APE UE-CARIFORUM, article 239 §2. 1060 Sur la coopération entre les DOM et les ACP prévue dans l’accord de Cotonou, aux articles 28 à 30, voir JOS (E.), « Coopération régionale et développement : les cas des collectivités départementales et régionales françaises d’Amérique », in Catalogue de l’exposition organisée par les Archives départementales de la Martinique en hommage à Clovis F. BEAUREGARD, Une Méditerranée Caraïbe ? Clovis F. BEAUREGARD 60 ans de coopération régionale, op. cit., pp. 15-23, spéc., pp. 18-19. Egalement JOS (E.), « L’accord de Cotonou : quelles répercussions pour les départements français d’Amérique ? » in PERROT (D.) (dir.), Les relations ACP/UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ? op. cit., pp. 143-182. 1061 Idem ; JOS (E.), « L’Accord de Partenariat Economique CE/CARIFORUM : un cadre favorable au renforcement de l’action pour le développement des Etats “ C ”» ? in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op. cit, pp. 475-489. 376 l’amélioration des infrastructures de commercialisation et de coopération pour les producteurs et les négociants »1062; les modalités concrètes du transfert de ressources ne sont pas pour autant spécifiées. B) Des moyens financiers à mettre en œuvre La déclaration relative à la coopération au développent annexée à l’APE ici étudié ne comporte pas d’obligations fermes à la charge de l’Union européenne et/ou de ses Etats membres1063 : « sauf exception, le ton est général et revêt un caractère plutôt programmatique de sorte que les obligations fermes et précises sont rares »1064. Concernant la mise en œuvre de la coopération au développement, deux aspects sont imprécis dans l’APE UECARIFORUM. Il s’agit d’une part de la question du niveau de financement (1) et celle des modalités d’allocation de l’aide, d’autre part (2). 1- La question du niveau de financement Les moyens et le volume de financement de la dimension développement de l’Accord de Partenariat Economique (APE) UE/CARIFORUM ont fait l’objet de débats houleux1065 : « la pertinence des dispositions relatives à la coopération au développement était – et reste – une question hautement contestable, et en particulier le volume de l’aide financière, qui n’a été accru que de manière négligeable »1066. De manière répétée, pendant la phase de rédaction du texte de l’accord, les négociateurs principaux du CARIFORUM ont réclamé des ressources additionnelles financées sur le budget de l’Union pour répondre aux besoins du développement et de l’intégration régionale, conditions nécessaires selon eux à la mise en œuvre de l’accord. Ils craignaient que le montant alloué dans le cadre du dixième Fond Européen de Développement (FED) ne soit insuffisant. 1062 APE UE-CARIFORUM, article 43 §2 lettre b). 1063 BREWSTER (H.-R.), « The anti-development dimension of the European Community’s Economic Partnerhttp://www.acp-euship Agreement for the Caribbean », disponible sur : trade.org/library/files/Brewster_EN_160508_antidevelopment-dimension-of%20the%20EPA-forCaribbean.pdf 1064 GHERARI (H.), op. cit, p. 546. 1065 Caribbean Ministerial Statement on the CARIFORUM, « European Union Negotiations for a Development oriented Economic Partnership Agreement », Bridgetown, Barbados, 29th April 2006. 1066 GONZALES (A.-P.), « Le CARIFORUM décide de signer l’APE », Eclairage sur les négociations, vol.7, n° 8, octobre 2008, 3 p. 377 Il faut remarquer que l’article 7 de l’APE UE-CARIFORUM ne précise pas, en termes quantifiables, les moyens financiers mis à disposition. Il se contente de rappeler le cadre juridique applicable en mentionnant « les procédures de programmation du Fonds européen de développement », ainsi que « les instruments pertinents financés par le budget général de l’Union européenne »1067. Pour plus de précisions, il faut se référer à la déclaration sur la coopération annexée à l’APE. Celle-ci indique qu’un montant de 165 millions d’euros est prévu dans le cadre du 10ème FED pour le financement du programme indicatif régional pour les Caraïbes (PIRC). Chaque FED ayant une durée limitée d’environ cinq ans, celui-ci est applicable de 2008 à 2013. Aussi, conformément à la pratique constante, des négociations périodiques auront lieu : la déclaration précitée rappelle qu’ « en vertu de l’accord révisé de Cotonou, un protocole financier sera convenu pour la période 2014-2020 ». Par ailleurs, la déclaration conjointe sur la coopération au développement, annexée à l’APE UE-CARIFORUM, reconnaît la nécessité de compléter les fonds alloués au programme indicatif régional dans le cadre du 10ème FED par des « contributions d’aide au commerce », c'est-à-dire des fonds émanant des Etats membres de l’Union. Cette affirmation s’inscrit originellement dans la stratégie européenne d’aide pour le commerce de 20071068 dans laquelle la Communauté et les Etats membres se disent favorables à fournir deux milliards d’euros par an à l’aide pour le commerce d’ici 2010 – soit un milliard d’euros pour la part communautaire et un milliard d’euros des Etats membres collectivement – afin d’appuyer l’Accord de Partenariat Economique1069. Toutefois, ce document d’orientation de la Communauté, à caractère programmatoire, sans force obligatoire, ne peut, juridiquement parlant, tenir lieu d’engagement. Une étude commanditée et transmise à l’Assemblée parlementaire UEACP met en doute cette promesse au motif que rien ne garantit que les bailleurs de fonds la respectent1070. Sur un plan strictement juridique, il est en effet malaisé de déduire le caractère contraignant de la déclaration précitée annexée à l’APE. De surcroît, le contexte de crise économique et financière mondiale qui touche l’Union européenne, ainsi que le recul mondial de 1067 Article 7 §3 de l’APE UE-CARIFORUM. 1068 Voir Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Vers une stratégie de l’UE d’aide au commerce-contribution de la Commission », COM (2007)163 final, Bruxelles, du 4.04.2007. 1069 Conseil de l’Union européenne des affaires générales et des relations extérieures des 16-17 octobre 2006, « Conclusions sur l’aide aux échanges commerciaux », document 14018/06, du 16.10.2006, disponible sur le site : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/06/st14/st14018.fr06;pdf 1070 HIGHTON (N.), KENNAN (J.), MEYN (M.), BILAL (S.) et alii, « Accord de partenariat économique (APE) CARIFORUM-UE : volet développement », Synthèse d’une étude de l’Overseas Development Institute (ODI) et du European Centre for Development Policy Management (ECDPM), transmise à l’Assemblée Parlementaire paritaire ACP-UE, Document AP 100.512, du 24.03.2009, 9 p., spéc. p. 8. 378 l’aide publique au développement font craindre que le complément de financement promis ne soit pas réellement mis en œuvre. Restent, en outre, à définir les modalités d’allocation de l’aide au développement. 2- Les modalités d’allocation de l’aide S’agissant des modalités d’allocation de l’aide, ces dernières soulèvent la question de savoir comment distribuer l’aide en faveur des Etats du CARIFORUM pour garantir qu’elle ait l’effet désiré en temps voulu. Parmi les mécanismes d’attribution de l’aide, la partie caribéenne, à l’article 8 §3 à l’APE, propose1071 la création d’un fonds de développement régional unique « pour mobiliser et transférer les ressources en faveur du développement relevant de l’accord de partenariat économique, provenant du FED et d’autres bailleurs de fonds éventuels ». Les Etats du CARIFORUM disposent de deux ans à compter de la signature de l’APE c'est-à-dire jusqu’en octobre 2010 pour établir un tel fonds. Pour la distribution, la création d’une unité de mise en œuvre entre les Etats du CARIFORUM signataires de l’APE, et notamment la création d’un « coordinateur régional », devrait contribuer à améliorer l’allocation de l’aide en fonction des besoins des pays du CARIFORUM. Les discussions pour la désignation d’un « coordinateur régional » supposent que les Etats de la CARICOM et la République dominicaine fassent d’un commun accord, un choix unique. La déclaration commune relative à la coopération propose en son paragraphe 3, une autre possibilité : le fonds de développement de la CARICOM – qui existe déjà et sert à diriger les fonds vers les pays et secteurs défavorisés de la CARICOM – pourrait être chargé de gérer et distribuer les fonds de l’APE fournis par la CE/UE et les Etats membres, sous réserve que les ressources destinées au CARIFORUM soient clairement dissociées de celles allouées aux pays et secteurs défavorisés de la CARICOM . Il ne s’agit que d’une possibilité puisqu’il est dit expressément que « la Commission des Communautés européennes et les Etats membres de l’Union examinent les dispositions à prendre (…) ». Mais cette éventualité paraît plus simple à mettre en œuvre que la création d’une nouvelle institution, il faudrait faire jouer le dédoublement fonctionnel. 1071 Les termes de l’article 8 §3 sont formulés de manière souple, ce qui semble suggérer qu’il s’agit de se donner les moyens plutôt que d’atteindre impérativement un résultat. « Les parties reconnaissent les avantages d'un fonds de développement régional, (…) À cet égard, les États du CARIFORUM s'efforcent d'établir un tel fonds » .C’est nous qui soulignons. 379 Globalement, l’examen continu de la coopération, programmé au titre de l’article 7 §2 de l’APE UE-CARIFORUM, ne fait que reprendre l’un « des principes structurants »1072 du partenariat dans l’accord de Cotonou révisé : celui de l’évaluation de l’efficacité de l’aide et du financement1073. Il en va de même de l’autre garantie selon laquelle les parties s’engagent à procéder à une révision quinquennale1074, au plus tard cinq ans après la date de sa signature, et par intervalles réguliers de cinq ans, dans le cadre du suivi du fonctionnement de l’APE1075. L’espoir placé dans les mesures de développement est d’autant plus important, que l’incidence des dispositions relatives au commerce des services, à l’investissement, à la concurrence, à la propriété intellectuelle, sur le développement des économies des Etats du CARIFORUM, n’est pas connue avec certitude. 1072 RAUX (J.), « Les principes structurants de l’accord de partenariat ACP/CE et Etats membres de l’Union européenne, in PERROT (D.), Les relations ACP / UE après le modèle de Lomé : quel partenariat ?op. cit., spéc., pp. 72-73 ; LAPORTE (G.), « L'Accord de partenariat de Cotonou : Quel rôle dans un monde en mutation ? Réflexions sur l'avenir des relations ACP-UE », Rapport ECDPM, n° 13, 2007, 128 p., disponible sur http://www.ecdpm.org:pmr13fr 1073 Accord de partenariat signé à Cotonou en 2000, Annexe I §7, JOCE, n° L 317, 15.12. 2000, p. 3, révisé en 2005 [JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27] et en 2010 [JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, pp. 3- 49]. 1074 Voir directement en anglais dans l’APE : “Joint Declaration on The Signing of the Economic Partnership Agreement” annexé au texte de l’APE UE-CARIFORUM, JOUE, n° L 289, du 30.10.2008, p. 1955. 1075 APE UE-CARIFORUM, article 5. 380 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER Les pleines implications de l’APE UE-CARIFORUM mis en œuvre provisoirement ne deviendront apparentes que sur le long terme. De même, le projet de zone de libre échange qu’il porte et le démantèlement tarifaire qu’il suppose pourraient ne voir le jour qu’après une longue période d’au moins vingt-cinq ans. Pour contrecarrer et anticiper les effets négatifs du passage à la réciprocité et permettre aux pays caribéens d’optimiser les avantages qu’ils peuvent en tirer, le texte de l’accord regorge de dispositions ayant trait au développement. Cependant, le défi réel à relever est de donner un effet opérationnel aux engagements juridiques. En effet, les avantages d’un accord sur le commerce et le développement suppose de concilier les exigences commerciales multilatérales, c'est-à-dire celles découlant de l’article XXIV du GATT et les besoins en matière de développement notamment par l’application effective d’un traitement spécial et différencié au bénéfice de la partie CARIFORUM. Toute l’ambigüité de cet accord résulte probablement, de ce qu’il tente de rapprocher des dispositions multilatérales entre lesquelles le lien juridique n’est pas clairement déterminé. Et la récurrence du débat sur le volet relatif au développement de l’APE, traduit sans doute l’impossibilité d’en faire une interprétation qui satisfasse pleinement, la partie CE/UE, la partie CARIFORUM, voire, les tiers membres de l’OMC. Par conséquent, la question reste posée de savoir si seront acceptées à l’OMC, les dispositions, notamment celles relatives au commerce et introduisant des flexibilités dans le processus de libéralisation, au bénéfice des Etats du CARIFORUM. L’examen de compatibilité effectué par le Comité des accords commerciaux régionaux devrait répondre à cette question. Mais il faut remarquer qu’en termes de stratégie commerciale mondiale, l’originalité de la position européenne ne perdurerait que dans la mesure où l’Union européenne et ses Etats membres continueraient de soutenir le développement des partenaires caribéens par des mesures appropriées tenant compte de leurs besoins et de leurs spécificités. Toutefois, confrontée à l’article XXIV du GATT, la pertinence du projet de zone de libre échange asymétrique 381 UE/CARIFORUM comme moyen d’assurer une approche combinée du commerce et du développement, semble incertaine. 382 CHAPITRE SECOND : LE PROJET D’UNE ZONE DE LIBRE ECHANGE UE – CARIFORUM ET L’ARTICLE XXIV DU GATT DE 1994 A long terme, les dispositions commerciales de l’accord de partenariat économique entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et les pays membres du CARIFORUM, d’autre part, devraient conduire à mettre en place une zone de libre échange entre les parties. La réalisation de ce projet est encadrée par la réglementation de l’Organisation Mondiale du Commerce ; les accords créant une zone de libre échange ou devant y conduire1076 sont contrôlés afin de vérifier leur compatibilité avec les prescriptions multilatérales. Les conditions d’une compatibilité globale sont fixées à l’article XXIV du GATT de 1994. Les exigences de l’article V de l’accord général sur le commerce des services (AGCS) doivent aussi être respectées. L’APE UE-CARIFORUM et le projet de zone de libre-échange qu’il porte, témoignent d’une approche intégrée du commerce et du développement. L’objectif explicite est de permettre aux pays membres du CARIFORUM, parties à l’APE, de participer pleinement au commerce international1077. Toutefois, même en admettant que « exempter les PED des disciplines et règles commerciales internationales n’est (...) pas forcément la meilleure manière de réaliser l’objectif de développement »1078, on est amené à se demander si la création d’une zone de libre-échange regroupant des pays développés et en développement est réellement la forme la plus appropriée pour soutenir les objectifs de développement définis dans l’accord de Cotonou et repris dans l’APE. En effet, on ne peut manquer de relever que contrairement à 1076 L’Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce ou General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), en son article XXIV §5 dit que : « [...] les dispositions du présent accord ne feront pas obstacle, entre les territoire des parties contractantes, à l’établissement (...) d’une zone de libre-échange ou à l’adoption d’un accord provisoire nécessaire pour l’établissement (...) d’une zone de libre-échange [...] ». Voir « l’Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d’autre part », JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 3, paragraphe 7 du préambule et l’article 1(a). Et, dans l’accord de Cotonou signé le 23.05.2000 et révisé le 25.06.2005, [JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27], ainsi qu’en 2010 [JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, pp. 1- 49], article 34 §2. 1077 1078 VADCAR (C.), « Le traitement spécial et préférentiel. Plaidoyer contre les systèmes de préférences généralisées », JDI, n° 2, avril-mai-juin 2005, pp. 315-339, spéc., p. 335. 383 l’article V de l’AGCS, le dispositif de l’article XXIV du GATT de 1994 n’est pas conçu pour tenir compte des inégalités de développement entre parties à une même zone de libre échange. Il ne contient aucune disposition expresse permettant d’aménager ses conditions pour des motifs tenant au développement. Comment dès lors concilier exigences de libre échange et de développement dans le cadre des relations asymétriques UE-CARIFORUM, sans risquer l’incompatibilité au regard du droit de l’OMC, et spécialement de l’article XXIV du GATT de 1994 ? Même si le recours à d’autres normes juridiques pertinentes est envisageable, tout l’intérêt de s’attacher à l’étude de l’article XXIV découle de ce qu’il est spécialement dévolu et applicable, en cas de création de zones de libre échange entre des membres de l’OMC1079. Certes, le débat sur la pertinence de l’application de cet article n’est pas récent 1080. Mais, il conserve toute son actualité, à l’heure où les membres de l’OMC se penchent sur les aspects relatifs au développement du cycle de négociations de Doha1081 lancé en 2000. Au plan multilatéral, avant toute création d’une zone de libre échange, il faut prévoir la défense préalable de la compatibilité de l’APE au regard de l’article XXIV (SECTION I). C’est le premier défi qui attend les signataires. Il s’agit donc, dans un premier temps de l’analyse, de confronter les dispositions commerciales de l’APE à cet article XXIV du GATT. Mais, cela ne résout point le problème de cohérence qui se pose au fond : comment atteindre un partenariat repensé, alliant « commerce et développement »1082, sur le fondement juridique de l’article XXIV du GATT dont le contenu matériel ne contient pas d’aménagements à des fins de développement ? Sauf à envisager une réforme des règles applicables, on constate une inadéquation de l’approche différenciée chère à la CE avec les obligations de l’article XXIV du GATT de 1994. A ce propos, ce chapitre se propose de mettre en lumière que l’APE pourrait contribuer à faire évoluer le droit du GATT, ne serait-ce que par une évolution de l’interprétation de l’article XXIV pour l’heure inadapté (SECTION II). 1079 Mise à part, la clause d’habilitation adoptée en 1979 dans le cadre du GATT de 1947, qui permet les accords préférentiels entre les pays en développement. 1080 Voir par exemple LUABA LUMU (N.), La Communauté Economique Européenne et les intégrations régionales des Pays en Voie de Développement, Thèse de doctorat en droit, Université Nancy II, 1988, 811 p ; et version publiée : La CEE et les intégrations régionales des Pays en Voie de Développements du Sud, Bruxelles, Bruylant, 1990, 541 p. 1081 Voir entre autres, Comité du commerce et du développement, « Aspects relatifs au développement du Cycle de négociations », Note du Secrétariat de l’OMC- Révision, WT/COMTD/W/143/Rev.1, du 22.11.2005; Comité du commerce et du développement, « Aspects relatifs au développement du Cycle de négociations », Note du Secrétariat de l’OMC-Révision, WT/COMTD/W/143/Rev.4, du 19.08.2010. 1082 Dans « l’Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part », l’article 1(a) pose que les parties au présent accord se fixent pour objectif : « l’établissement d’un partenariat commercial en cohérence avec (...) les objectifs du Millénaire pour le développement et l’accord de Cotonou » ; voir aussi l’article 7, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008. 384 SECTION I : LA DEFENSE DE LA COMPATIBILITE DE L’APE, COMME PREALABLE A LA CONSTITUTION D’UNE ZLE En droit du commerce international, l’APE entre dans la catégorie des « accords commerciaux régionaux »1083. Plus précisément, selon les termes de l’article XXIV §5, c’est un accord provisoire tendant à l’établissement d’une intégration économique régionale : la future zone de libre-échange UE-CARIFORUM. La question de la compatibilité de l’APE ainsi que de tout projet de ZLE se pose ici. En premier lieu, et sans que cela n’entache la validité de l’APE1084, le respect des contraintes multilatérales notamment la procédure multilatérale d’examen s’impose (§1) en raison des obligations souscrites au titre de l’OMC. Simultanément, parce que l’imprécision des conditions à respecter ouvre la voie à des interprétations divergentes, les signataires de l’APE devront défendre leur appréciation et justifier les flexibilités introduites dans le texte de l’accord, en vue d’atténuer l’effet de la libéralisation réciproque mise en place dans l’APE, pour les partenaires en développement (§2). §1 Le respect des contraintes multilatérales dans tout projet de ZLE L’APE UE-CARIFORUM devrait être soumis au mécanisme d’examen des Accords Commerciaux Régionaux (ACR). En effet, compte tenu de la présence des Bahamas – nonmembre de l’OMC1085 – parmi les signataires de l’APE UE-CARIFORUM, l’examen par le Comité des Accords Commerciaux Régionaux de l’OMC (CACR) pourrait être retardé sine die, car les membres de l’OMC doivent d’abord établir des procédures concernant les Accords 1083 Pour une liste complète et mise à jour des accords commerciaux régionaux notifiés, voir le site web de l’OMC : http://www.wto.org/french/tratop_fr/region_fr/region_fr.htm [consulté en févier 2011]. 1084 L’examen de compatibilité n’a pas d’effet sur la validité de l’accord : « En effet, une “déclaration de non compatibilité”, en elle-même, ne ferait pas disparaître les liens contractuels entre les parties à l’accord établissant une zone de libre-échange ».Voir HUBER (J.), KYRIAKOPOULO (S.), TORRENT (R.), « L’établissement du libre échange et les contraintes de l’OMC »,in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), l’UE et les Amériques, op. cit., spéc.,p. 128. 1085 Les Bahamas font partie des pays aspirant à devenir membres de l’OMC, mais qui ne le sont pas encore. Voir OMC rapport annuel 2009, p.7 385 Commerciaux Régionaux incluant un pays non-membre de l’OMC. Pour ce faire, la règle du consensus s’applique afin que les membres puissent se décider. Et, on ne peut prédire quand cela se produira. L’accord de partenariat économique UE-CARIFORUM a cependant bien été notifié depuis le 16 octobre 20081086. Pour autant, même s’il est hypothéqué par des questions liées au statut des Bahamas, l’examen de l’APE par le Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR), véritable épreuve de passage1087, représentera en quelque sorte un test d’approbation1088 par les autres membres de l’OMC (A). Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) est chargé depuis 1996, du mécanisme d’examen préalable des ACR1089. Une évaluation positive de sa part, c'est-àdire un rapport concluant au respect des conditions de l’article XXIV du GATT de 1994 et de l’article V de l’accord général sur le commerce et les services (AGCS), légitime en principe un régime préférentiel, non applicable aux autres membres de l’OMC. Mais, en réalité la portée de cet examen est affaiblie par l’absence de définitions claires des conditions à remplir. Il s’ensuit une indétermination persistante des obligations relatives aux accords commerciaux régionaux (B). A) L’examen de compatibilité par le CACR : un test d’approbation de l’APE UE-CARIFORUM Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) doit examiner la présence des conditions de fond permettant valablement d’établir un régime préférentiel. Son but sousjacent est de contrôler les effets des accords commerciaux régionaux sur le commerce international. En droit international économique, l’APE entre dans la catégorie des accords commerciaux régionaux ; plus précisément, il est assimilé à un accord provisoire conclu en vue de l’établissement d’une zone de libre échange, selon l’Article XXIV §7 du GATT de 1994. 1086 Voir l’inventaire des accords commerciaux notifiés sur le site web de l’OMC régulièrement mis à jour : http://rtais.wto.org/WebControl/PrintGrid.aspx , [consultation le 20.03.2009]. 1087 PERRIN (S.), L’approche communautaire de l’article XXIV du G.A.T.T.sur les intégrations économiques régionales , Mémoire pour le DEA de droit communautaire, Université de Rennes I, Session octobre 2002,174 p., spéc.,pp. 22-27. 1088 LUFF (D.), Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce - Analyse critique, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 2004, spéc., pp. 1004-1005. 1089 La décision portant création du CACR et définissant son mandat figure dans le document WT/L/127 du 7.02.1996. 386 L’APE, prévoit une libéralisation à la fois du commerce de marchandises et de services entre les parties. Il doit être soumis à la procédure d’approbation au sein du Comité des accords commerciaux régionaux de l’OMC. En principe, la procédure d’approbation appliquée à l’OMC varie selon que l’accord commercial régional porte sur le commerce des marchandises ou celui des services. Néanmoins, le CACR peut être habilité par le Conseil du commerce des services à apprécier la réunion des conditions aussi bien au titre de l’article XXIV du GATT que de l’article V de l’AGCS1090. La procédure d’examen des accords commerciaux régionaux est posée à l’article XXIV §7 du GATT et aux paragraphes 7 à 10 du Mémorandum d’accord de 1994. Il convient de rappeler les étapes de cette procédure applicable à l’APE UE-CARIFORUM. Tout accord instituant une zone de libre échange ou projetant d’établir une telle zone, doit d’abord obligatoirement être notifié à l’OMC (1), comme précédemment indiqué, l’APE UE - CARIFORUM a franchi ce stade depuis le 16 octobre 2008. Ce n’est qu’ensuite qu’il peut être examiné par l’organe de contrôle de l’OMC (2). 1- La notification avant l’examen par le CACR Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR), ne se prononce qu’à propos des ACR qui lui sont notifiés. L’article XXIV §7 du GATT indique que cette formalité doit avoir lieu « sans retard », afin de faciliter l’information des autres membres de l’OMC. En l’espèce, la notification de l’APE a eu lieu dès sa signature1091. Il est également convenu qu’elle doit être faite avant l’entrée en vigueur de l’accord au Conseil du commerce des marchandises1092. De surcroît, la notification d’un accord provisoire, conclu en vue de l’établissement d’une zone de libre échange doit inclure, dès cette étape, le plan et le programme d’établissement de cette zone ainsi que le délai « raisonnable » prévu par les parties pour y parvenir1093. 1090 LUFF (D.), op.cit.., p. 1011. 1091 L’Accord de partenariat Economique UE/CARIFORUM est notifié depuis le 16 octobre 2008. Voir l’inventaire des accords commerciaux notifiés sur le site web de l’OMC régulièrement mis à jour : http://rtais.wto.org/WebControl/PrintGrid.aspx , [consultation le 20.03.2009]. 1092 Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce de 1994, article XXIV §7 lettre a). 1093 Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce de 1994, articles XXIV §5 et XXIV §7 lettre b) du GATT et Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994, §8. 387 Depuis 2007, un « Mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux »1094est expérimenté. Il autorise une procédure provisoire de notification en vue de permettre la transparence des ACR et l’« amélioration de la surveillance des accords commerciaux régionaux ». Il a pour conséquence de hâter la notification et par ricochet l’examen de compatibilité de l’accord, préalablement à toute entrée en vigueur. L’objectif sous-jacent est de réduire les pesanteurs et les contrôles trop tardifs surtout dans les cas comme l’APE où la conclusion internationale s’effectue en réalité en deux étapes : d’abord une signature sous réserve de conclusion et, ensuite une conclusion au sens du droit international. En outre, si la procédure d’examen de compatibilité précède l’entrée en vigueur, il s’ensuit que dans l’hypothèse d’une incompatibilité déclarée, l’adaptation des dispositions de l’accord concerné aux éventuelles recommandations du CACR sera facilitée. 2- L’examen de compatibilité par le CACR La notion de « compatibilité » a été précisée au paragraphe 1 du Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994 : sont jugés compatibles, les zones de libre échange et les accords qui portent le projet d’en établir (accords provisoires), qui satisfont aux dispositions des paragraphes 5, 6, 7 et 8 de l’article XXIV du GATT de 19941095. Le CACR se prononce sous forme d’un rapport détaillé transmis au Conseil du commerce des marchandises. Ce rapport peut comporter des recommandations en vue d’une plus grande compatibilité de l’accord notifié. Les parties à un ACR ne peuvent en principe le maintenir, le mettre en vigueur que si, selon le cas, elles sont disposées à le modifier conformément aux recommandations1096. 1094 Le « Mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux » a été établi par une décision du Conseil général du 14.12.2006, WT/L/671. Il fonctionne à titre provisoire depuis 2007.Voir Supra, Titre II, Chapitre I de la thèse sur « La concrétisation d’un accord de partenariat économique Union européenneCARIFORUM ». 1095 Les exigences de l’article XXIV du GATT de 1994, en ce qui concerne les accords commerciaux régionaux ont été exposées plus haut au titre des conditions à remplir par tout projet de zone de libre échange interrégional,voir Supra Première partie de la thèse, Titre I, Chapitre second, Section II, §2, sur « Les conditions juridiques de réalisation des projets de zones de libre échange ». 1096 Article XXIV§ 7 b) du GATT de 1994. Au cas où la déclaration d’incompatibilité interviendrait après l’entrée en vigueur, les juristes relèvent au moins quatre possibilités pour « rétablir la conformité avec les règles de l’OMC » soit : - Renégocier l’accord afin d’y introduire les modifications nécessaires - Demander et obtenir une dérogation (waiver) afin de maintenir l’accord inchangé temporairement - Etendre erga omnes les avantages prévus dans l’accord en conformité avec le principe de la Nation la plus favorisée 388 La portée de l’examen de compatibilité est une question importante au regard du fait que, les quatre précédentes conventions de Lomé de (1975 - 2000) pourtant réputées créer un « faisceau de zones de libre échange entre l’Union européenne et chaque pays ACP » ont longtemps été qualifiées de Zones de libre échange boiteuses1097. Il en ressort que ces zones de libre échange n’étaient pas compatibles avec l’article XXIV, mais simplement tolérées. Il s’agit donc d’évaluer les conséquences d’une détermination de compatibilité ou de non compatibilité pour l’APE. 3- La portée du rapport du CACR L’hypothèse d’une déclaration de compatibilité avec l’article XXIV du GATT de 1994 équivaudrait à une reconnaissance expresse de l’APE. On peut imaginer qu’elle dissuaderait automatiquement les Etats non-parties de contester ultérieurement l’APE devant l’Organe de règlement des différends. Toutefois, elle ne prémunit pas les parties à l’APE contre ce risque. En effet, le résultat de l’examen de l’APE en vertu de l’article XXIV n’a pas d’incidence sur le droit des autres membres de l’OMC d’entamer des consultations, de formuler des demandes, voire d’ouvrir une procédure contentieuse1098. Juridiquement, la procédure d’examen de compatibilité et la procédure contentieuse sont indépendantes l’une de l’autre et ne s’excluent pas mutuellement. C’est ce que confirme explicitement le Mémorandum sur l’art XXIV §121099. - Maintenir l’accord en vigueur tout en offrant des compensations aux autres membres de l’OMC. Voir HUBER (J.), KYRIAKOPOULO(S.), TORRENT (R.), « L’établissement du libre échange et les contraintes de l’OMC », op. cit., p. 128. 1097 PESCATORE (P.), « Les techniques des relations extérieures de la CEE », Centre Européen Universitaire de Nancy, session 1979-1980, notes de cours. Référence citée par M’BONKA (L.), L’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et les pays en voie de développement, Thèse de doctorat en droit, Université Nancy II, 1984, p. 402. 1098 Le Secrétariat de l’OMC à l’occasion de « l’Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux » rappelle « qu'il n'y a pas, dans la situation actuelle, de lien établi entre les rapports d'examen et le règlement des différends : les Membres se montrent réticents à fournir des renseignements ou à approuver des conclusions qui pourraient ultérieurement être utilisés ou interprétés par un groupe spécial chargé du règlement d'un différend », ce qui nuit d’ailleurs à l’efficacité de l’examen de compatibilité.Voir, OMC, Groupe de négociations sur les règles, Note du Secrétariat de l’OMC, doc. TN/RL/W/8/Rev.1, 1.08.2002, paragraphe 20. 1099 Le Mémorandum sur l’article XXIV, paragraphe 12 énonce: « Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994, telles qu’elles sont précisées et mises en application par les mémorandums d’accords sur le règlement des différends, pourront être invoquées pour ce qui est de toutes questions découlant de l’application des dispositions de l’article XXIV relatives aux unions douanières, aux zones de libre échange ou aux accords provisoires conclus en vue de l’établissement d’une union douanière ou d’une zone de libre échange ». 389 Dans l’hypothèse d’une déclaration de non compatibilité, le risque de contentieux est exacerbé. Tout membre de l’OMC qui n’est pas partie à l’accord de libre-échange envisagé peut demander éventuellement, après que des consultations aient eu lieu1100, l’établissement d’un groupe spécial ou « panel »1101, dès lors qu’il considère qu’un avantage résultant pour lui directement ou indirectement du GATT/OMC, se trouve compromis par l’APE. Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1947 l’y autorisent. Elles concernent la manière dont les parties peuvent régler les conflits relatifs à la perte pour elles de concessions ou avantages résultant du GATT. Ces dispositions ont été précisées et mises en application par le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends du 15 avril 1994. Par ailleurs, la déclaration de non compatibilité implique une obligation de « mise en conformité » 1102. Cette dernière est explicitement posée à l’article XVI §41103 de l’accord instituant l’OMC. D’ailleurs, il faut rappeler que la Communauté et ses Etats membres ont fortement œuvré pour l’introduction de cette clause lors des négociations de l’Uruguay round. Finalement, quelle que soit l’hypothèse envisagée, les obstacles ne viendraient pas d’une éventuelle appréciation négative du Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) mais plutôt d’une menace paroxystique de recours au mécanisme de règlement des différends par les autres membres de l’OMC1104. En réalité, l’examen n’aboutit pas à une déclaration de compatibilité ou non d’un accord soumis. Car, en pratique, le CACR créé en 1996 par une décision du Conseil général de l’OMC1105 – pas plus que les groupes de travail ad hoc du GATT de 19471106 avant lui, qu’il remplace – ne parvient à se prononcer de manière claire quant à la compatibilité ou non des accords examinés. De surcroît, à une exception près1107, le CACR, depuis sa création, n’a pour 1100 Article 4 de l’Accord sur le Règlement des différends. 1101 Article 6 de l’Accord sur le Règlement des différends. 1102 Voir HUBER (J.), KYRIAKOPOULO(S.), TORRENT (R.), « L’établissement du libre échange et les contraintes de l’OMC », op.cit., p.123. 1103 Accord instituant l’OMC, article XVI § 4 : « chaque membre assurera la conformité de ses lois, règlementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu’elles sont énoncées dans les accords figurant en annexe ». 1104 Voir Infra §2 de ce chapitre de la thèse. 1105 Voir OMC, Comité des accords commerciaux régionaux, « Décision du Conseil général sur le Comité des accords commerciaux régionaux », WT/L127 du 7.02.1996 ; Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994, paragraphe 7. Documents précités. 1106 Le professeur RUIZ-FABRI relate que sous l’égide du GATT de 1947, alors que l’examen était confié à des « Groupes de travail », ceux-ci n’ont jamais achevé leurs travaux. RUIZ FABRI (H.), « Les accords externes de la Communauté européenne sous le contrôle de l’OMC », op. cit. , spéc., pp. 261-262. 1107 La seule exception concerne l’union douanière établie entre la République tchèque et la République slovaque en 1994. Voir Rapport du Groupe spécial «Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de 390 l’heure mené à terme l’analyse d’aucun des accords qui lui ont été confiés. Le mécanisme d'examen a donc sombré dans une quasi-paralysie par rapport à ses objectifs fondamentaux, alors que l'on enregistre une pléthore de notifications d'ACR1108. Cela est dû à l’application de la règle du consensus pour l’adoption d’une déclaration de conformité ou de non-conformité. En effet, « les Membres de l’OMC persistent à décider selon la règle du consensus, alors qu’ils sont en profond désaccord sur l’interprétation des règles systémiques de l’article XXIV du GATT »1109. Toutes ces difficultés de fonctionnement atténuent considérablement, l’obstacle éventuel que constitue l’analyse de compatibilité pour l’APE UE-CARIFORUM. Cependant, la « jurisprudence » de l’OMC a conclu que dans l’hypothèse où le CACR ne parviendrait pas à se déterminer concernant l’APE UE-CARIFORUM, la CE ne pourrait pas pour autant se prévaloir d’une reconnaissance tacite de compatibilité, en l’absence de déclaration expresse en ce sens1110. A l’inverse, selon l’opinion de la Turquie exprimée à l’occasion du différend l’opposant à l’Inde, un ACR – (en l’occurrence l’accord d’association portant création de l’union douanière CE-Turquie) – pourrait être considéré comme toléré ou compatible par l'OMC, même si des conclusions claires concernant la conformité n'étaient pas formulées dans le rapport d'examen ou lorsqu'un tel rapport d'examen n'existait pas. vêtements », WT/DS34/R, distribué le 31.05.1999 et adopté le 19.11.1999, paragraphe 2.4, note 6 et paragraphe 9.107. 1108 Un point sur « l’état d’avancement des négociations sur les accords commerciaux régionaux » en 2010 relève: « le nombre d’accords commerciaux régionaux (ACR) en vigueur qui sont notifiés continue d’augmenter : le nombre de notifications s’élève actuellement à 276, alors qu’il était de 195 en 2001, lorsque le cycle de Doha a été lancé, et de 112 lorsque le Comité des accords commerciaux régionaux (CACR) a été établi en 1996. Par conséquent la tendance vers un plus grand nombre d’ACR va en s’accentuant, avec tout ce que cela implique ».Voir OMC, Groupe de négociations sur les règles, Communication du président du Groupe des négociations sur les règles, Mr VALLES GALMẾS, concernant : « l’Etat d’avancement des négociations sur les accords commerciaux régionaux », TN/RL/25, 6.05.2010, §2. 1109 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Liber amicorun Jean Raux, op. cit., spéc.,p. 712. 1110 Voir rapport du Groupe spécial dans l’affaire « Inde -Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements », WT/DS34/R, distribué le 31.05.1999 et adopté le 19.11.1999, aux paragraphes 9.172 à 9.174. Ce différend découle de la plainte de l’Inde contre la Turquie à propos des restrictions quantitatives à l’importation de produits textiles indiens. Le rapport du Groupe spécial WT/DS34/R confirme les constatations d’un précédent rapport du Groupe spécial du GATT dans l’affaire « CE – Importations en provenance de Hong Kong » de 1983 qui réfutait un argument semblable à celui de la Turquie, avancé par les Communautés européennes. Voir, le Rapport du « Groupe spécial des restrictions quantitatives à l'importation de certains produits en provenance de Hong Kong », adopté le 12 .07.1983, L/5511 (IBDD, 30S /135), paragraphe 28 : « (...) il serait erroné aux yeux du Groupe spécial d'interpréter le fait que, pendant des années, une mesure n'a pas entraîné l'application de l'article XXIII, comme valant acceptation tacite de la part des parties contractantes ». 391 En vue de la clarification et de l’amélioration des règles de l’OMC décidées par la Conférence ministérielle du cycle de Doha en 20011111, des propositions de réformes du CACR pourraient être avancées. Néanmoins, le Professeur Joël LEBULLENGER pronostique, au nom du réalisme, que : « le CACR ne pourra sans doute jamais faire mieux qu’adopter des rapports en demi-teinte, n’établissant pas clairement la conformité ou la nonconformité des ACR avec les règles du GATT »1112. Il peut difficilement en être autrement, dans la mesure où la mission du CACR est freinée par le flou juridique qui entoure les conditions à remplir : l’organe dévolu au contrôle aurait du mal à certifier la réunion des conditions exigées par l’article XXIV de l’Accord général, alors que l’ambigüité de la terminologie qui caractérise la plupart de ces règles empêche une interprétation concordante et définitive. B) L’imprécision persistante des conditions de fond relatives aux ACR La recherche de « compatibilité » implique le respect des paragraphes 8 b), 5b) et c)1113de l’article XXIV du GATT de 1994 spécifiques aux zones de libre échange. Ces clauses prévoient les conditions de fond minimales que les parties à une zone de libre échange doivent remplir lorsqu’elles déterminent leurs relations commerciales. Elles existaient déjà dans l’article XXIV du GATT de 1947. Cependant, elles n’ont pas été précisées et l’incertitude persistante autour de certaines notions, encourage autant les évaluations opportunistes que les controverses. Des zones d’ombre concernent l’interprétation de la règle de « l’essentiel des échanges » (1), l’appréciation du « délai raisonnable » (2) et ce qu’il faut entendre par l’obligation d’éliminer « les autres règlementations restrictives » (3). 1- Le flou juridique entourant la règle de « l’essentiel des échanges » Dans une zone de libre échange (ZLE), les droits de douane et les autres réglementations commerciales doivent être éliminés pour « l’essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre 1111 Déclaration ministérielle du 14.11.2001, Conférence ministérielle de Doha, WT/MIN(01)/DEC/1. 1112 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », op. cit., spéc.,p. 713. 1113 Voir Supra Première partie de la thèse, Titre I, Chapitre second, Section II, §2, sur « Les conditions juridiques de réalisation des projets de zones de libre échange ». 392 échange»1114. Mais ici, l’interprétation de l’expression « essentiel des échanges commerciaux » reste controversée. On relève à cet égard, deux approches qui ne s’excluent pas mutuellement : les tenants de l’approche quantitative préconisent la définition d’un repère statistique en volume tel qu’un pourcentage des échanges entre parties à un accord commercial régional, de façon à indiquer que ceux visés par un accord commercial régional donné, satisfont à l’exigence susmentionnée. Les tenants de l’approche qualitative quant à eux, recommandent qu’aucun secteur important ne soit exclu de la libéralisation des échanges. Cette approche a pour vocation d’empêcher que tout secteur dans lequel des politiques restrictives étaient appliquées avant la conclusion de la zone de libre échange, ne soit exclu de la libéralisation des échanges. La Communauté européenne adopte généralement l’interprétation quantitative et détermine que « l’essentiel des échanges » signifie une libéralisation d’environ 80 à 90% des échanges. Mais officiellement aucune indication quantitative n’est donnée. Et au contraire, l’approche qualitative est préférée par d’autres pays, tels que les Etats-Unis ou l’Australie1115 qui dans le cadre de l’examen multilatéral de compatibilité pourraient contester le choix des parties à l’accord de partenariat économique UE/CARIFORUM1116. En outre, l’appréciation de la durée de la période de transition prévue dans l’APE pour réaliser la zone de libre échange pourrait également poser problème, puisque le « délai raisonnable » posé dans le droit de l’OMC, pour l’achèvement d’une telle zone, est une condition également imprécise. 2- L’évaluation du « délai raisonnable » en cas d’échelonnement de la libéralisation 1114 Article XXIV du GATT de 1994 §8, lettre b). 1115 Sur les propositions de l’Australie dans les négociations commerciales, concernant l’expression « l’essentiel des échanges » Voir en particulier deux communications présentées par l’Australie sur les Accords commerciaux régionaux, documents : TN/RL/W/15 du 9.07.2002 et TN/RL/W/173 du 01.03.2005.Selon sa proposition de définition, « l'expression "l'essentiel des échanges commerciaux" dans le contexte de l'article XXIV et l'examen des accords commerciaux régionaux ont pour objet de garantir que ces accords n'excluent ni des secteurs entiers ni des produits qui font l'objet d'"un gros volume d'échanges" », TN/RL/W/173 du 01.03.2005 § 5. 1116 Pour les détails concernant l’offre de libéralisation des parties à l’APE voir Infra §2. 393 Il est admis que l’élimination des restrictions entre parties à l’accord soit progressive, sur la base d’un calendrier « raisonnable »1117. Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce laissent une certaine marge d’interprétation quant à la période de mise en œuvre de la libéralisation car, « un grand nombre de termes employés dans ces textes [article XXIV et mémorandum d’accord sur l’interprétation de cette disposition] demeurent juridiquement imprécis. Aucune autorité n’est venue clarifier ces divergences de vue »1118. En considération du besoin d’une période d’adaptation pour libéraliser, l’article XXIV §5 c) indique simplement qu’un accord provisoire relatif à un accord commercial régional (ACR) doit inclure un programme et un calendrier visant un déploiement de l’accord commercial régional (ACR) dans un « délai raisonnable ». L’article XXIV du Mémorandum d’accord précise qu’il faut entendre par « délai raisonnable » une durée s’étalant sur dix ans. Ce délai ne doit être dépassé que dans des « cas exceptionnels ». Il s’agit d’éviter que ne s’éternise la durée de la période transitoire. Au cours des négociations pour un APE entre, d’une part, la CE et ses Etats membres et, d’autre part, les pays du CARIFORUM, le Parlement européen appuyant la requête des Etats caribéens, a estimé envisageable et opportun de présenter l’accord de partenariat économique UE-CARIFORUM tel un « cas exceptionnel » afin d’augmenter le délai de mise en œuvre de la libéralisation1119 et de donner ainsi un temps d’adaptation plus long aux Etats caribéens compte tenu de leur niveau de développement inférieur à celui de l’Union européenne. Le Parlement alléguait qu’« une période de mise en œuvre limitée à dix ans pourrait causer des troubles économiques majeurs dans certains de ces pays »1120. Finalement, c’est une période de transition de vingt-cinq ans qui est prévue dans l’APE UE-CARIFORUM, traduisant un dépassement du délai de dix ans. Mais ce faisant, l’APE ne fait que suivre la pratique qui s’est progressivement installée : pour les accords commerciaux régionaux entrés en vigueur dans la seconde moitié des années quatre vingt dix, la période transitoire de dix ans n’était que 1117 Article V §1 (b) de l’AGCS ; articles XXIV §5 et XXIV §7(b) du GATT et Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994, §8. 1118 BRACQ (S.), MEUNIER (P.) (dir.), op. cit, p. 20 ; BOUCHEZ (D.), « La spécificité à raison de la participation à une intégration économique régionale » in DAILLIER (P.), PRADELLE (G. de la), GHERARI (H.), Droit de l’économie internationale, Paris, Pedone, 2004, 1119 p., spéc., pp. 513-519. 1119 En profitant pour ce faire de l’évaluation de l’état d’avancement prévue pour fin 2006 à l’article 37§4 : « les parties examineront régulièrement l’état d’avancement des préparatifs et des négociations et, elles effectueront un examen formel et complet des accords prévus pour tous les pays afin de s’assurer qu’aucun délai supplémentaire n’est nécessaire pour les préparatifs ou les négociations ». Voir Parlement européen, « Sur l’impact sur le développement des accords de partenariat économique (APE) », rapport A6-0053/2006 final, du 1.03.2006, p. 14. 1120 Document susmentionné. 394 rarement dépassée. En revanche, la plupart des ACR notifiés depuis le début des années 2000 excédent le terme de dix ans. Autrement dit, l’exception est devenue la règle1121. Toutefois, il importe que la réunion des « conditions exceptionnelles » soit prouvée par la CE et ses cocontractants pour que la longue période de transition soit acceptée. Les parties prenantes doivent convaincre le Conseil des marchandises de l’OMC, des raisons d’un tel dépassement. Enfin, parmi les conditions de fond de l’article XXIV du GATT à remplir, une clarification des « autres règlementations restrictives » à éliminer, aiderait le CACR à se prononcer quant à la compatibilité ou non des ACR qu’il doit examiner. 3- L’indétermination « des autres réglementations restrictives » à éliminer L’article XXIV §8 (b) dispose que, à l’instar des droits de douane, il faut que les « autres règlementations commerciales restrictives » soient éliminées. Restent toutefois permises les mesures restrictives autorisées par les articles XI1122, XII1123, XIII1124, XIV1125, XV 1126 et XX1127 du GATT. Cependant, ni le texte du GATT, ni celui du Mémorandum ne four- nissent à ce jour une définition claire de l’expression « autres règlementations commerciales restrictives »1128. Le sens à donner à cette expression est dès lors sujet à interrogations. La plupart des questions à ce propos sont liées à la liste des exceptions autorisées, à l'élimination interne des « autres réglementations commerciales restrictives » dans les unions douanières et 1121 Voir Comité des accords commerciaux régionaux, « Champ d’application, Processus de libéralisation et dispositions transitoires des accords commerciaux régionaux », Etude de base du Secrétariat, WT/REG/W/46, 5.04.2002, p. 18. 1122 L’article XI du GATT autorise l’application de restrictions quantitatives sur les importations de produits alimentaires ou d’autres produits essentiels ; ou des restrictions nécessaires pour l’application de certaines normes (liées à la classification, la qualité...) et relatives à des produits destinés au commerce mondial. 1123 Restrictions destinées à protéger l’équilibre de la balance des paiements, sous réserve de conditions. 1124 L’article XIII du GATT comprend des dispositions relatives à l’application discriminatoire des restrictions quantitatives autorisées. 1125 L’article XIV du GATT comprend des dispositions relatives à l’application non-discriminatoire des restrictions quantitatives autorisées. C’est une exception à l’article XIII du GATT. 1126 L’article XV du GATT autorise certaines restrictions en matière de change. 1127 L’article XX du GATT autorise des restrictions ou exceptions générales pour protéger des intérêts noncommerciaux liés notamment à la moralité, à la préservation de la santé et de la vie des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux, du patrimoine... 1128 Au sujet de l’expression « autres règlementations restrictives »,voir OMC, Comité des accords commerciaux régionaux, « Synopsis des questions systémiques relatives aux accords commerciaux régionaux », Note du Secrétariat, WT/REG/W/37, 2.03.2000, paragraphe 62 ; OMC, Comité des accords commerciaux régionaux, « Champ d’application, Processus de libéralisation, et dispositions transitoires des accords commerciaux régionaux », Etude de base du Secrétariat WT/REG/W/45, 5.04.2002. 395 les zones de libre échange. Le contexte des négociations de Doha visant à clarifier et à améliorer les disciplines et procédures relatives aux ACR1129 a relancé le débat. Il y est demandé de déterminer si les mesures antidumping et de sauvegarde des articles VI et XIX de l’Accord général font partie de la liste des exceptions, bien qu’elles n’y soient pas expressément mentionnées1130. Autrement dit, « se trouve notamment posée la question de savoir si la liste des mesures restrictives susceptibles d’être maintenues à titre dérogatoire entre les parties à un ACR est illustrative ou exhaustive ? »1131. Alors que cette question n’est pas résolue au plan multilatéral, on peut constater que la CE et ses Etats membres ont pris le parti d’introduire des mesures de sauvegarde et des mesures antidumping dans l’APE1132, sans que ces dernières figurent expressément dans la liste des exceptions prévues dans l’article XXIV §8 (b). En l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas rare. « Dans la pratique on observe malgré tout que la plupart des ACR notifiés au GATT puis à l’OMC admettent que les parties signataires concernées puissent recourir entre elles à des mesures de défense commerciale »1133. A titre d’exemple tiré des accords externes de la CE, le recours aux mesures de sauvegarde est utilisé dans l’article 15 de la décision n° 2/2000 du conseil conjoint CE-Mexique du 23 mars 20001134. 1129 Voir la Déclaration ministérielle de Doha du 14.11.2001, paragraphe 29, document précité. 1130 Voir OMC, Note d’information du Secrétariat demandée par le Groupe de négociations sur les règles, intitulée « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux ». Ce document répertorie les questions systémiques de fond et de procédure à examiner, TN/RL/W/8/Rev.1,1.08.2002, paragraphes 73 à 79. 1131 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Liber amicorum Jean Raux, op. cit., spéc.,p. 721. 1132 Voir, Infra §2 dans ce chapitre de la thèse, section I, p. 436 et suivantes. 1133 LEBULLENGER (J.), loc. cit., p. 722.Voir également, OMC, Note d’information du Secrétariat, « Inventaire des dispositions non tarifaires des accords commerciaux régionaux », WT/REG/W/26, 5.05.1998, paragraphes 39 et 40 . Il y est noté en 1998 que : « Les accords commerciaux régionaux prévoient souvent l'utilisation de mesures de sauvegarde, soit à caractère général soit à caractère spécifique, pour faire face à des situations d'urgence et à des problèmes de balance des paiements ou d'ajustement structurel ou des problèmes agricoles. (...)Les sauvegardes d'urgence (c'est-à-dire les mesures du type prévu à l'article XIX du GATT) figurent dans pratiquement tous les accords ». De même sur soixante-neuf ACR examinés à l’époque, soixante-deux prévoyaient la possibilité d’introduire des mesures antidumping entre pays parties à une zone de libre échange, WT/REG/W/26, 5.05.1998, paragraphes 49-53. Avec la multiplication des ACR, la tendance ne s’est pas démentie. 1134 Cette décision établit les modalités nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de l’accord intérimaire entre la Communauté européenne et le Mexique : Décision n°2/2000 du conseil conjoint CE-Mexique du 23.03.2000, JOCE, n° L 157 du 30.06.2000, p. 10 ; modifiée depuis par la décision n° 5/2004 du Conseil conjoint UE-Mexique du 15.12. 2004, JOUE, n° L 66 du 12.03.2005, p. 15. 396 Par ailleurs, reste posé le problème de savoir si les règles d'origine prévues dans les ACR constituent d’« autres réglementations commerciales » au sens de l'article XXIV §5. A ce propos les interprétations divergent1135. Vis-à-vis des tiers, en vertu de l’article XXIV § 5 (b) du GATT, dans le cas d’une zone de libre échange ou d’un accord provisoire conclu en vue de l’établissement d’une zone de libre échange, les autres réglementations commerciales restrictives maintenues à titre dérogatoire ne doivent pas être plus rigoureuses qu’elles ne l’étaient antérieurement à l’établissement de la zone. Il s’agit d’éviter de créer des obstacles commerciaux nouveaux avec les pays tiers. En général, faute d’éclaircissements, l’interprétation donnée aux obligations multilatérales reflète la conception que les parties à l’accord ont de leurs engagements multilatéraux. Et il n’existe pas de « jurisprudence » de l’OMC sur l’appréciation à donner aux règles qui viennent d’être exposées. L’explication la plus plausible à cela est que selon toute vraisemblance, les Etats membres de l’OMC ne souhaitent pas qu’il y ait de définitions précises qui puissent leur être opposées par la suite dans le cadre d’un autre contentieux. En résultante, dans le cadre régional et interrégional, les parties à une zone de libre échange conservent une marge d’interprétation qui leur permet de définir un tant soit peu leur politique extérieure commerciale et de coopération. §2 L’interprétation des prescriptions multilatérales dans l’APE : la quête d’une flexibilité Jouant de l’imprécision de certains termes de l’article XXIV du GATT et de l’article V de l’AGCS, les auteurs de l’Accord de Partenariat économique optent pour une interprétation qui modère les effets des textes potentiellement préjudiciables aux intérêts de la partie la moins développée. Dans le cadre de relations entre partenaires de niveau de développement différents, tout l’intérêt est de prévoir des tempéraments susceptibles d’assouplir les règles applicables, sans affecter la compatibilité globale de la zone de libre échange. Par conséquent, l’évaluation qui est faite des conditions de l’article XXIV du GATT dans l’APE résulte d’une tentative de concilier l’application de la libéralisation réciproque des échanges et les besoins 1135 Voir OMC, Note d’information du Secrétariat demandée par le Groupe de négociations sur les règles, intitulée « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux », TN/RL/W/8/Rev.1,1.08.2002, paragraphe 78. 397 exprimés par les cocontractants pour absorber les coûts d’ajustements générés par celle-ci. Le compromis trouvé consiste en une « mise en conformité modulée dans la pratique de l’APE »1136. Evoquant une « flexibilité de facto »1137 inhérente à l’article XXIV du GATT, les parties à l’APE produisent leur propre herméneutique en cherchant à ne pas outrepasser le cadre du droit de l’OMC. Une relative souplesse semble permise par référence au concept de flexibilité de facto (A). Mais il n’est pas exempt de limites : en cas de désaccord avec les autres membres de l’OMC, le recours au système de règlement des différends pourrait en dernier lieu être sollicité, pour trancher les divergences d’interprétation entre membres de l’OMC, faute d’une flexibilité de jure (B). A) Une relative souplesse par référence au concept de flexibilité de facto La CE considère que le flou entourant l’interprétation des règles de l’article XXIV de l’Accord général autorise de fait une marge de flexibilité1138, et rend applicable une différenciation entre les parties à l’APE, pour tenir compte de leurs niveaux de développement respectifs1139. Quelques exemples de la flexibilité introduite dans l’APE1140 et choisis par référence à chacune des conditions peu définies de l’article XXIV du GATT, suffisent à illustrer la possibilité d’une marge de manœuvre (1). Si « l’article XXIV du GATT comporte une certaine flexibilité de facto qui découle de l’ambiguïté de la terminologie qui y est employée et des 1136 DICAPRIO (A.), TROMMER(S.), « Retrouver le principe du traitement spécial et différencié à travers l’APE du CARIFORUM », Eclairage sur les négociations, n° 6, vol. 8, juillet- aout 2009, pp. 6-7. 1137 L’expression apparaît dans la Communication du Groupe des Etats ACP « concernant les accords commerciaux régionaux », OMC, Groupe de négociations sur les règles, Communication du Groupe des Etats ACP, TN/RL/W/155, 28.04.2004, paragraphe 8. 1138 OCHIENG (C.), « The EU-ACP Economic Partnership Agreements and the Development Question : Constraints and Opportunities Posed by Article XXIV and SDT Provisions of the WTO », Journal of International Economic Law, n° 10 (2), 2007, pp. 363-394.Voir également parmi les propositions de négociations présentées à l’OMC et ayant trait aux questions de développement dans les ACR : Communication présentée par les Communautés européennes et leurs Etats membres au sujet des Accords commerciaux régionaux, TN/RL/W/14, 9.07.2002 ; ou Communication présentée par la Jamaïque : OMC, Conseil général , « Préparation de la conférence ministérielle de 1999 », Accords commerciaux régionaux WT/ GC/W/369, le 13.10.1983. 1139 L’APE hérite en cela des objectifs fixés dans l’accord de Cotonou signé en 2000. Celui-ci abonde de références à la flexibilité et invite à une différenciation. Ainsi, il affirme qu’il faut tenir compte « du niveau de développement et de l’incidence socio-économique des mesures commerciales sur les pays ACP, et de leur capacité à s’adapter et à ajuster leurs économies au processus de libéralisation » (article 37 §7).Voir également les articles 35 §5, 37 §7, 39 §3, ou 41 §2. 1140 Notons, qu’il ne s’agit pas ici de revenir en détail sur le contenu de l’APE. Pour une analyse détaillée, le lecteur est invité à se référer au chapitre précédent. 398 pratiques tolérantes qui ont vu le jour tout au long de l’évolution en particulier du GATT et maintenant de l’OMC »1141, en revanche, les assouplissements insérés, sont encadrés autant par le droit que par une fidélité aux standards néolibéraux. Ils doivent être relativisés (2). 1- L’évaluation flexible des conditions posées dans l’article XXIV par les parties à l’APE UE-CARIFORUM L’application d’une réciprocité asymétrique dans l’APE découle de ce que l’article XXIV du GATT de 1994 ne l’interdit pas expressément. De cette incertitude « apparaît ainsi l’émergence possible d’un concept de réciprocité modulée ou différenciée »1142. La recevabilité de la réciprocité asymétrique ne parait pas devoir poser problème, car il existe des précédents dans la plupart, sinon dans tous les Accords commerciaux régionaux, conclus par la CE notamment, à la fin des années quatre-vingt-dix et à partir des années 20001143. S’agissant de la condition relative à la durée de la période de transition, l’APE instaure une forte asymétrie en ce qui concerne les délais de libéralisation entre les parties : « ici l’asymétrie et l’importance du délai s’expliquent par les disparités des forces en présence et la nécessité pour le CARIFORUM de pouvoir gérer les ajustements nécessaires »1144 ; cela n’est pas en réelle contradiction avec les conditions de l’article XXIV du GATT et de l’article V de l’AGCS qui n’interdisent pas les modulations de la libéralisation entre parties à une même zone de libre échange. En revanche, on remarque que les délais sont largement dépassés dans l’APE. En effet, le démantèlement tarifaire ira au-delà de quinze ans pour certains produits. Les libéralisations les plus tardives interviendront au bout de vingt-cinq ans : dans ce dernier cas, sont concernés, tantôt des produits sensibles pour les Etats du CARIFORUM, à savoir certains poissons et crustacés, fruits et légumes, tantôt des produits importés en grande quantité, générateurs de recettes élevées pour les gouvernements des pays caribéens. Ce sont par exemple, les appareils électroménagers, les véhicules, ou les matériaux de construction. Selon certains auteurs « la période de 25 ans contenue dans les accords avec le CARIFORUM 1141 Communication du Groupe des Etats ACP « concernant les accords commerciaux régionaux », OMC, Groupe de négociations sur les règles, Communication du Groupe des Etats ACP, TN/RL/W/155, 28.04.2004, paragraphe 8. 1142 MORSON (S.), MEUNIER (P.) (dir.), « ACP-Accord de Cotonou : aspects historiques et généralités », Jurisclasseur Europe, fascicule 2240, mise à jour 19 avril 2005,op.cit, spéc.,p. 19. 1143 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », op. cit., spéc.,p. 719. 1144 GHERARI (H.), « L’accord de partenariat économique CARIFORUM-CE : vers une nouvelle génération d’accords de libre échange ? », op.cit., spéc., p. 532. 399 et la Communauté de l’Afrique de l’Est est pour l’instant le durée maximale proposée par la Communauté européenne »1145. Néanmoins, une période transitoire aussi longue implique en contrepartie que les parties à l’APE convainquent le Conseil des marchandises de l’OMC des raisons d’un tel dépassement, voire justifient de l’existence de « circonstances exceptionnelles » les motivant. En ce qui concerne la règle de « l’essentiel des échanges », cette dernière s’applique tant aux marchandises, qu’aux services. Concernant les marchandises, la CE applique également le concept de libéralisation asymétrique pour déterminer le régime des échanges. Ceci aboutit à une libéralisation qui n’est « ni générale, ni totale : outre l’obligation de standstill visant les droits effectivement appliqués, 61% (en valeur) des importations seront libéralisées au bout de 10 ans, 82,7% en 15 ans (soit 84,7% des lignes tarifaires) et 86,9% au bout de 25 ans (soit 90,2% des lignes tarifaires) »1146. Cette évaluation est dans la droite ligne de la pratique constante de la CE qui considère que « l’essentiel des échanges » représente environ 90% de leur volume. En l’espèce « une fois la période de transition échue, aux 100% de l’UE s’ajouteront les 87 % du CARIFORUM soit une moyenne autour de 90 % »1147. Des mesures de différenciation permettent à certains Etats du CARIFORUM, en raison de leurs besoins spéciaux de développement de modifier leurs engagements tarifaires. Or, cette disposition prévue à l’article 17 de l’APE peut en pratique aboutir à contrevenir à la règle de l’essentiel des échanges1148 et donc à l’article XXIV du GATT de 1994. Pour la libéralisation de « l’essentiel des échanges » en matière de services, les parties à l’APE procèdent également suivant une démarche asymétrique et graduelle. La CE s’est engagée pour 94% des secteurs contre 75 % en moyenne pour le CARIFORUM voire en réalité 65% pour les moins performants des pays CARIFORUM. Cette interprétation parait acceptable dans la mesure où il est admis que la libéralisation de « l’essentiel » ne signifie pas la libéralisation de la totalité des échanges commerciaux mais qu’il est « quelque chose de 1145 Voir LEBULLENGER (J.), PERRIN (S.), « Les accords de partenariat économique un nouveau modèle pour les relations commerciales avec les ACP », op.cit., spéc.,p. 613. 1146 GHERARI (H.), Ibidem, spéc., p.530 ; LODGE (J.), « Négociations APE du CARIFORUM : une réflexion initiale », Eclairages sur les négociations, vol.7, n° 1, février 2008, p. 8. 1147 GHERARI (H.), Ibidem. 1148 APE UE-CARIFORUM, article 17 : « Les parties veillent à ce qu'une telle modification n'entraîne pas une incompatibilité du présent accord avec les exigences de l'article XXIV de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 ». 400 beaucoup plus important que simplement une certaine partie des échanges »1149. Et, rien n’oblige les parties à supporter à parts égales le poids de la libéralisation. L’interprétation donnée à l’obligation d’éliminer les « autres réglementations restrictives » ou « l’élimination des mesures commerciales discriminatoires entre les parties dans un nombre substantiel de secteurs »1150 n’implique pas de renoncer aux instruments de défense commerciale dans les échanges internes. Ils sont autorisés « dans la mesure de ce qui est nécessaire » dans l’APE UE-CARIFORUM. Permis par les accords de l’OMC1151, ils ne font pas partie pour autant de la liste des exceptions explicitement autorisées par l’article XXIV du GATT de 1994. Les sauvegardes sont essentiellement des mesures protectionnistes. Par exemple, la CE se réserve le droit d’utiliser de tels mécanismes restrictifs pour la protection du marché communautaire du sucre. Il est posé que pour la période de 2009 à 2015, la Communauté appliquera les droits NPF si les quantités importées dépassent 3,5 millions de tonnes pour l’ensemble des pays ACP et 1,38 millions de tonnes pour les ACP non- PMA. Au-delà de 2015, en cas de perturbation des marchés, la CE entend se protéger en incorporant un mécanisme standard multilatéral de sauvegarde1152. Ce dernier est néanmoins aménagé pour tenir compte des économies de petite taille des Etats du CARIFORUM. En effet, la partie CE va jusqu’à exclure – pendant une période transitoire de cinq ans reconductible – les importations de tout Etat du CARIFORUM de toutes mesures prises en cas d’application du mécanisme de sauvegarde1153. Cette application discriminatoire des mesures de sauvegarde risque d’occasionner des contentieux à l’OMC. Car, au niveau multilatéral, reste à clarifier le problème de savoir si « les mesures de sauvegarde instituées par l’une des parties à un ACR peuvent ou non faire l’objet d’une application discriminatoire, en ne visant que les importations 1149 Voir Rapport de l’Organe d’appel, « Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements », WT/DS34/AB/R, 22.10.1999, paragraphe 48 ; OMC, Comité des accords commerciaux régionaux, « Synopsis des “questions systémiques” relatives aux accords commerciaux régionaux », Note du Secrétariat, WT/REG/W/37, 2.03.2000, paragraphes 54 et 55. 1150 Voir l’Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS), article V.1. 1151 Les mesures antidumping et de sauvegarde sont autorisées sous certaines conditions définies par le droit de l’OMC. Ainsi, l’article XIX du GATT et l’Accord de l’OMC sur les sauvegardes, article I, traitent des conditions et des procédures pour appliquer ces dernières à l’encontre des importations en provenance (en principe) des tiers. Concernant les règles antidumping,voir l’article VI du GATT et « l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 » dit Accord antidumping. 1152 APE UE-CARIFORUM, article 24. 1153 APE UE-CARIFORUM, article 24 §2. 401 originaires des tierces parties audit arrangement commercial »1154. L’organe d’appel refuse de se prononcer sur la question1155. Par ailleurs, dans certains cas, les sauvegardes servent également à défendre les économies et le développement de la partie la plus fragile. Ainsi, l’APE contient un mécanisme de sauvegarde spécifique au bénéfice des Etats caribéens pour « protéger une industrie naissante produisant un bien similaire ou directement concurrent » de celui provenant de la CE1156. Enfin, les procédures antidumping sont possibles d’après l’article 23 de l’APE UE/ CARIFORUM mais fortement encadrées. C’est à dire que lorsque des mesures peuvent être imposées simultanément sur une base régionale et sur une base nationale, les parties s’engagent à ce qu’il n’y ait pas une application cumulative. En général dans l’APE, l’expression « autre règlementations commerciales restrictives » semble être interprétée de manière à ne pas porter préjudice au droit des pays caribéens en développement d’appliquer des mesures de protection contingentes y compris des mesures de sauvegardes lesquelles peuvent être tarifaires ou non tarifaires1157. Toutefois, il ressort des termes et de l’esprit de l’APE que, tout comme dans le cadre multilatéral, l’utilisation de ces mesures et la situation visée doivent être de nature conjoncturelle et exceptionnelle1158. Globalement, les parties à l’APE profitent de l’absence de définitions et d’une certaine tolérance dans la pratique, pour forger des caractéristiques relatives au développement1159. Si malgré tout, il apparaissait non compatible à l’issue de la procédure du CACR, les 1154 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », op. cit., spéc.,p. 722 ; voir également «OMC, Groupe de négociations sur les règles, Note du Secrétariat, « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux »,TN/RL/W/8/Rev.1, 1.08.2002, paragraphes 76-77 . 1155 Dans l’affaire « Etats-Unis – Mesures de sauvegarde définitives à l'importation de tubes et tuyaux de qualité carbone soudés, de section circulaire, en provenance de Corée (ci-après EU - Tubes et tuyaux), l’Organe d’appel n’entend pas préjuger de la question de savoir si l’article 2 : 2 de l’Accord sur les sauvegardes permet à un Membre d’exclure du champ d’application d’une mesure de sauvegarde les importations originaires des Etats membres d’une zone de libre échange. Voir Rapport de l’Organe d’appel WT/DS202/AB/R, adopté le 8.03.2002, paragraphe 198. 1156 APE UE-CARIFORUM, article art 25§ 5, lettre b). 1157 Voir OMC, TN/W/RL/155, 28.04.2004, paragraphe 8. 1158 Rapport de l’Organe d’appel, « Argentine–mesures de sauvegarde à l’importation de chaussures », WT/DS121/AB/R, 14.12.1999, paragraphe 94. 1159 Ainsi, les juristes LEBULLENGER (J.) et PERRIN (S.) remarquent que, à l’instar de l’APE avec la Communauté de l’Afrique de l’Est, dans l’APE UE-CARIFORUM de 2008, la période de transition de vingt-cinq ans, est la durée maximale jamais posée jusqu’alors, dans les accords externes de la CE. Voir LEBULLENGER (J.) et PERRIN (S.), « Accords de partenatiat économique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les Etats ACP », in FLAESCH-MOUGIN (C.), LEBULLENGER (J.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amériques, Afrique, op. cit., pp. 455-456. 402 parties pourraient toujours solliciter une décision auprès des « Parties contractantes » du GATT comme cela est posé dans le dispositif de l’article XXIV §10 du GATT. En effet, il y est prévu que les membres de l’OMC peuvent approuver par une décision à la majorité des deux tiers une zone de libre échange dont les dispositions ne seraient pas entièrement conformes aux prescriptions de l’article XXIV du GATT. On remarque que les assouplissements insérés dans l’APE UE-CARIFORUM n’excèdent pas un certain seuil et sont encadrés tant par le droit, que par le standard néolibéral qui domine entre les membres de l’OMC. 2- Des assouplissements encadrés par le droit et l’idéologie néolibérale Globalement, la souplesse dans l’APE est relative puisqu’il s’agit avant tout de ramener – via un accord préférentiel réciproque avec la CE – les Etats ACP dans le droit chemin des prescriptions de l’OMC1160. Cela explique que l’on revienne à la réciprocité qui n’est pas à proprement parler un principe de droit1161, comme pré-requis à la libération des échanges à l’échelon mondial. Certes, la réciprocité dont il s’agit dans l’APE se veut « modulée » ; il n’en demeure pas moins qu’elle consacre un retour vers la conformité : la mise en cause de la réciprocité dans l’histoire du GATT et de l’OMC n’aura été qu’un intermède. Pourtant en réalité, il s’avère difficile de mesurer la réciprocité dans l’APE. En effet, cela renvoie à « la difficulté d’évaluation et de mise en œuvre d’une réciprocité définie comme règle d’un accord. Elle ramène au clivage entre réciprocité de droit et réciprocité de fait, ou encore réciprocité formelle et réciprocité réelle »1162. Cela renvoie également au débat récurrent de l’interprétation des obligations contractuelles. Etant donné qu’il n’existe pas dans le cadre de l’OMC de critères objectifs qui permettraient d’évaluer la réciprocité entre les parties à un accord, l’appréciation est laissée en définitive à la discrétion des signataires de l’APE ; d’autant que, rien n’impose une parfaite égalité des concessions en matière de libéralisa- 1160 Voir ABBAS (M.), « Mondialisation, Organisation du commerce et rapports Nord-Sud : Entre différenciation et espace politique pour le développement », Note de travail du Laboratoire d’Economie de la Production et de l’Intégration Internationale LEPII, n° 44/2007, juin 2007, pp. 1-25. 1161 Voir en ce sens, VADCAR (C.), « La réciprocité dans le système commercial international », JDI, n°3, 2002, pp.773-791, spéc. p. 774 ; DECAUX (E.), La réciprocité en droit international, Paris, LGDJ, 1980, spéc., p. 205. 1162 VADCAR (C.), op. cit., p. 776. 403 tion1163. Elle « peut se satisfaire de l’inégalité des concessions mutuelles que les parties contractantes ont décidé de s’accorder »1164. Par ailleurs, l’insertion de la clause de la Nation la Plus Favorisée, qui est un principe de droit énoncé à l’article Ier du GATT, ne devrait pas avoir sa place dans un accord préférentiel tel l’APE préparant les conditions d’établissement d’une zone de libre échange, puisque, par nature, la zone de libre échange constitue d’office une exception à l’article I du GATT. Certes, dans l’APE, l’application stricte de la clause NPF est cependant quelque peu atténuée en ne s’appliquant qu’aux futurs accords de libre échange conclus par les pays du CARIFORUM avec « une économie commerciale majeure »1165. Mais, la démarche européenne demeure ambigüe : sur le plan politique, la CE chercherait-elle par ce biais à compenser les flexibilités introduites dans l’APE pour ne point trahir l’esprit commercial de l’article XXIV ? En résultante, par les tempéraments à la relative rigidité des règles commerciales multilatérales, les parties à l’APE essaient de trouver des solutions aux possibles difficultés générées par l’incidence d’une libéralisation réciproque trop rapide sur les partenaires caribéens. Néanmoins la flexibilité de facto évoquée ne répond pas réellement aux attentes des pays en développement du groupe ACP qui eussent souhaité au contraire une flexibilité de jure. La flexibilité de facto connaît des limites importantes. Ces principales faiblesses résultent, en premier lieu, de ce que l’interprétation faite par les parties à l’APE UECARIFORUM, est contestable. Elle peut à tout instant, faire l’objet de demande d’éclaircissements devant les instances du système de règlements des différends. De surcroît, comme le souligne le groupe des Etats ACP « une telle flexibilité de facto ne peut pas équivaloir ni se substituer à des dispositions juridiquement contraignantes, opérationnelles et effectives relatives au traitement spécial et différencié »1166. 1163 A ce propos deux théories s’affrontent : si l’on conçoit la libéralisation réciproque des échanges dans le sens que les prestations échangées peuvent être de valeur équivalente quoique de nature différente (théorie dite de « réciprocité par équivalence des droits »), alors la réciprocité n’oblige pas à une parfaite égalité des concessions en matière de libéralisation. En revanche, si on appréhende cette notion selon théorie dite « de la réciprocité sur la base d’identité des droits », une symétrie des concessions est nécessaire pour être en conformité avec les prescriptions multilatérales. Pour appréhender les différentes conceptions de la réciprocité, voir VIRALLY (M.), « La réciprocité dans le droit international », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, vol. 122, Tome III, 1967, spéc., pp. 10- 47. 1164 CARREAU (D.), JUILLIARD (P.), Droit international économique, Paris LGDJ, 4ème édition, 1998, op. cit. spéc., p. 101. 1165 APE UE-CARIFORUM, article 19. 1166 OMC, Communication du Groupe des Etats ACP concernent les accords commerciaux régionaux, TN/RL/W/155, 28.04.2004, paragraphe 8. Document précité. 404 B) Une interprétation contestable, faute d’une flexibilité de jure De jure, ce n’est pas le but de l’article XXIV du GATT de 1994 de définir un régime de pondération pour les pays en développement dans le cadre des accords commerciaux régionaux (ACR) signés entre pays n’ayant pas le même niveau de développement. Par conséquent, on ne trouve pas dans cet article l’opportunité d’une flexibilité de droit affirmée sans ambiguïté. A défaut, deux solutions semblent s’offrir aux parties. Premièrement, les parties peuvent faire référence à la partie IV du GATT qui autorise un traitement spécial et différencié en faveur de la partie la moins développée. Mais, cela soulève des problèmes juridiques récurrents, non résolus au niveau multilatéral1167. Deuxièmement, elles peuvent invoquer la disposition de l’article XXIV §10 du GATT. Celle-ci permet d’admettre des zones de libre échange qui ne satisfont pas tout à fait aux conditions de l’article XXIV, à la majorité des deux tiers des membres de l’OMC. Le recours à une telle solution impliquerait la reconnaissance implicite par les parties de l’incompatibilité de l’APE conçu précisemment pour être conforme aux préconisations commerciales de l’article XXIV du GATT relatives aux zones de libre échange. En outre, elle soumettrait les signataires de l’APE à ce qu’ils ont voulu éviter en négociant un APE : demander une dérogation spéciale à l’OMC. En définitive, il n’y a aucune possibilité de se prémunir contre une plainte d’autres membres de l’OMC non parties à l’APE. L’interprétation extensive voire souple des dispositions de l’article XXIV du GATT ne peut pas garantir la compatibilité de l’APE UECARIFORUM : les détracteurs de l’APE pourraient invoquer l’incompatibilité de ce dernier (1). En outre, dans l’affaire Inde –Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements, l’Organe d’appel de l’OMC a pris une décision qui restreint considérablement l’applicabilité juridique et la portée de la flexibilité de facto de l’article XXIV du GATT (2). 1- La menace de litiges portés devant l’Organe de Règlement des Différends Le Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994 en son paragraphe 12, énonce que les dispositions en matière de règlement des différends – décrites respectivement aux articles XXII et XXIII – « pourront être invoquées pour ce qui est de toutes questions découlant de l’application » de celui-ci. Dès lors qu’il y a des désaccords profonds et persistants sur l’interprétation des dispositions de cet article, le risque de différend 1167 Voir Infra, Section II de ce chapitre. 405 avec d’autres pays membres de l’OMC est toujours possible. Or, la rénovation de la procédure de règlement des différends, depuis la création de l’Organe de règlement des différends de l’OMC, rend le système particulièrement efficace1168. Il assure la prééminence du droit sur les rapports de force1169 car la partie perdante n’est plus en mesure de bloquer l’adoption des rapports des groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel. Par suite, les pays membres de l’OMC ont de plus en plus tendance à y avoir recours. Il s’ensuit que la perspective d’un différend précarise le nouveau régime commercial instauré dans l’APE et visant à favoriser le développement des pays du CARIFORUM cosignataires. Car, les parties à l’APE pourraient devoir se conformer1170 à une décision de l’organe d’Appel (OAP) condamnant tout ou partie du régime de l’APE qui serait jugé incompatible avec l’une ou l’autre des dispositions commerciales multilatérales. Pourraient également être contestés, sur la base d’une interprétation divergente, l’embryon de traitement différencié et les assouplissements prévus dans l’APE. Toute décision contraire de l’OAP pourrait, pour ainsi dire, faire jurisprudence ; et ce, même si le système de règlement des différends ne fonctionne pas selon un mode juridictionnel classique1171. La remise en cause des conventions de Lomé dans le contexte de l’affaire dite des « bananes » – après près de vingt cinq ans de tolérance – est là pour rappeler le danger. En toile de fond, c’est le problème de la précarisation de l’APE UE-CARIFORUM qui se pose. Car, les flexibilités insérées dans l’APE laissent entière la question de la base juridique1172 les autorisant. Il faut se souvenir en effet que, dans le passé, la CEE avait déjà tenté de se prévaloir d’un lien entre l’article XXIV et la partie IV de l’Accord général sur le traitement spécial et différencié, pour justifier les préférences non-réciproques qu’elle accordait aux pays ACP, dans le cadre des conventions 1168 L'article 3.2 du Mémorandum d'accord sur « les règles et procédures régissant le règlement des différends » précise ainsi : " Le système de règlement des différends de l'OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral ". 1169 Voir DUPUY (P.-M.), « Conclusion générale », in Société Française pour le droit international, La réorganisation mondiale des échanges-problèmes juridiques, op. cit., note 116 de la conclusion de la première partie, p. 239. 1170 Voir Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994, en son paragraphe 14 « Lorsque l'Organe de règlement des différends aura déterminé qu'une disposition du GATT de 1994 n'a pas été observée, le Membre responsable prendra toutes mesures raisonnables en son pouvoir pour que ladite disposition soit observée ». 1171 A propos du fonctionnement de l’Organe de règlement des différends (ORD) rénové de l’OMC,voir PACE (V.), L’Organisation mondiale du commerce et le renforcement de la règlementation juridique des échanges commerciaux internationaux, Thèse de doctorat, Paris, Montréal, l’Harmattan, 2000, coll. Logiques juridiques, 480 p. 1172 DIOUF (E.H.-A.), “The ACP Advantage: Interpreting GATT Article XXIV and Market Access Implications for EPAs”, Trade Negotiations Insights, vol. 8, n° 7, September 2009, 4 p. 406 de Lomé1173. Cet argument a été rejeté, faute de lien juridique clairement établi entre les deux ; et compte tenu, de la faible portée juridique de la partie IV confirmée par un panel en 1990, dans un différend entre la CEE et le Chili1174 relatif au régime de licences aux importations et au régime contingentaire appliqué par la CEE, aux pommes importées. En extrapolant, il semble que la même obligation de se justifier, et les mêmes conséquences à savoir, le rejet de l’argumentaire européen, pourraient advenir d’un éventuel contentieux à propos de l’impact des flexibilités insérées dans l’APE UE-CARIFORUM. En pratique, même si les exemples d’accords commerciaux entre pays en développement et pays développés se sont multipliés depuis la fin des années 1990 ; et, même si la plupart – notamment ceux conclu par la CE1175– aménage des pondérations pour tenir compte de l’hétérogénéité des niveaux de développement, la menace de contentieux est omniprésente. De surcroît, les instances du système de règlement des différends, à l’occasion de différends soumis par les membres de l’OMC ont déjà été amenées à fournir des interprétations qui limitent la portée de la flexibilité de facto. 2- La réduction de la portée de la flexibilité de facto par l’Organe d’Appel de l’OMC Selon M. le Professeur LEBULLENGER, « les instances du système de règlement des différends (SRD) de l’Organisation mondiale du commerce délivrent parfois des interprétations créatrices de droit des dispositions les plus sibyllines de l’article XXIV de l’Accord général »1176. Pour les interpréter, les organes de règlement des différends de l’OMC s’appuient sur les règles d’interprétation de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 19691177 concernant les règles coutumières d’interprétation du droit public international. Ces dernières posent que, pour interpréter un traité, il faut recourir aux outils tels que la bonne foi, le sens ordinaire, la pratique, les travaux préparatoires qui donnent une indication sur le contexte, ou encore le but. Ainsi, toute disposition de l’article XXIV du GATT doit être interprétée en considération du contexte et du but recherché. L’article 3.2 du Mémorandum d'accord 1173 Voir PERROT (D.), « La convention de Lomé », RTDE, avril-juin 1976, op. cit., pp. 315-349. 1174 CEE–Restrictions à l’importation de pommes–Plainte du Chili, Rapport du Groupe spécial adopté le 22.06.1989, L/6491, IBDD, S/36, juillet 1990, pp.100-148, spéc. p. 134. 1175 PERRIN (S.), L’approche communautaire de l’article XXIV du GATT sur les intégrations économiques régionales, Mémoire pour le diplôme de DEA, op. cit., pp. 76-77. 1176 LEBBULLENGER (J.), « Accords commerciaux Euro-sud et principe de solidarité... », op. cit., p. 714. 1177 Voir les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. 407 sur les règles et procédures régissant le règlement des différends préconise une telle méthode qui semble s’inspirer de l’idée que « le droit international public reste juridiquement pertinent pour les lacunes dans le droit de l’OMC »1178. Ainsi, dans l’affaire « Inde -Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements », il s’agissait de traiter d’une plainte de l’Inde contre la Turquie concernant des restrictions quantitatives imposées aux importations de divers produits textiles indiens, conformément à la décision n° 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie créant une union douanière euro-turque. A ce propos, les conclusions du rapport final de l’Organe d’appel ont restreint l’applicabilité juridique et la portée de la flexibilité de facto de l’article XXIV du GATT de 1994. En effet, dans cette affaire, l’Organe d’appel donne une interprétation plutôt restrictive de la condition de l’« essentiel des échanges commerciaux ». Il reconnaît – confirmant en cela l’interprétation du panel – que le paragraphe 8 lettre a) point i) de l’article XXIV offre « une certaine souplesse » aux membres d’une union douanière dans la libéralisation de leur commerce interne. Néanmoins, il note que le degré de souplesse ou de flexibilité autorisé par ce paragraphe est cependant limité par l’exigence selon laquelle « les droits de douane et les autres règlementations commerciales restrictives » doivent être « éliminés pour l’essentiel » du commerce1179. On peut en déduire que toute interprétation extensive se trouve entravée par l’article XXIV du GATT lui-même, dont le but est de « faciliter le commerce » et qui pose une limite de droit, laquelle « a pour effet de contrecarrer toute velléité de conférer un surplus de flexibilités et /ou de pondérations dans les processus de libéralisation à l’intérieur des ACR »1180. L’interprétation extensive donnée dans l’APE UE-CARIFORUM de l’article XXIV du GATT encourt, quoi qu’il en soit, contestation. Elle n’est pas un correctif suffisant pour dépasser le problème de fond : l’article XXIV du GATT demeure profondément inadapté à la création d’une zone de libre échange entre partenaires développés et en développement. 1178 MAVRODIS (P.-C.), Avant propos à la thèse : David LUFF, Le droit de l’Organisation mondiale du commerce – Analyse critique, op.cit., p. X. 1179 OMC « Turquie - Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements, Rapport de l’Organe d’appel, 22.10.1999, WT /DS34/AB/R, paragraphe 48. 1180 DIOUF (EL Hadji A.), « Les Accords Commerciaux Régionaux et l’OMC : Quel Statut pour quelles préférences pour les Accords de Partenariat Economique entre l’Union Européenne et les pays ACP ? », communication au séminaire organisé par ENDA –Tiers Monde, sur le thème : Dialogue régional entre les acteurs de la société civile, les gouvernements et les négociateurs de l’Afrique de l’Ouest : quelles priorités dans les négociations avec l’Union européenne et quelles stratégies ?, Dakar, Sénégal, les 5 et 6 mars 2008, 15 p., spéc.,p.14. En ligne http://syspro2.enda.sn/seminaire/ape2/francais/communications.htm 408 SECTION II : L’INADAPTATION DE L’ARTICLE XXIV DU GATT A L’APPROCHE LIANT « COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT » La future zone de libre échange fondée sur l’article XXIV du GATT 1181 est réputée, selon ses promoteurs, avoir un impact positif sur le développement des pays des Caraïbes. Or, le premier constat que l’on peut faire, est que l’article XXIV du GATT de 1994 ne prohibe ni n’autorise spécialement la constitution de Zones de libre échange entre pays ou groupement(s) de pays de niveaux de développement différents. L’article XXIV se borne à appliquer des conditions uniformes aux parties à un tel projet d’intégration, notamment en termes d’accès aux marchés, sans tenir compte des niveaux de développement de chacun. Au contraire, l’APE et l’accord de Cotonou avant lui, admettent qu’il faille tenir compte « du niveau de développement et de l’incidence socio-économique des mesures commerciales sur les pays ACP, et de leur capacité à s’adapter et à ajuster leurs économies au processus de libéralisation »1182. Par ailleurs, il n’y est pas explicitement prévu l’hypothèse de projet de ZLE entre deux organisations régionales d’intégration économique. L’APE UE-CARIFORUM n’est pas le premier cas d’ACR notifié à l’OMC dans le cadre de l’article XXIV du GATT et regroupant des parties n’ayant pas le même niveau de développement. Des accords euro-méditerranéens portant création de zones de libre échange en fournissent une illustration1183. En outre, bien avant l’OMC, dans le cadre du GATT de 1181 La zone de libre échange se fonde également sur l’article V de l’AGCS non abordé dans cette section. 1182 Accord de Cotonou, article 37 §7 ; l’APE UE-CARIFORUM, dans le préambule dit : « Réaffirmant leur attachement à travailler ensemble à la réalisation des objectifs de l'accord de Cotonou, notamment l'éradication de la pauvreté, le développement durable et l'intégration progressive des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) dans l'économie mondiale » ; Et l’APE UE-CARIFORUM, article 2 §1 et 2, rappelle qu’il: 1. « s'inspire des dispositions de l'accord de Cotonou et des accords de partenariat ACP-CE antérieurs dans le domaine de la coopération et de l'intégration régionales ainsi que de la coopération économique et commerciale ». 2. « Les parties conviennent que l'accord de Cotonou et le présent accord sont mis en œuvre de façon complémentaire et d'une manière qui les renforce mutuellement ». 1183 Voir par exemple sur le site de l’OMC, référençant les ACR : l’Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, 409 1947, ont été notifiés notamment les premiers accords préférentiels de la CEE (telles les conventions d’association avec les ex-Pays et Territoires d’Outre Mer ayant accédé à l’indépendance, dites conventions de Yaoundé I du 20 juillet 1963 et Yaoundé II du 29 juillet 1969, ou encore, l’accord préférentiel avec l’Espagne du 29 juin 1970)1184. Ces accords ne sont plus en vigueur. La particularité de la conjoncture depuis la fin des années quatre vingtdix, est que les accords commerciaux régionaux tendent à se multiplier. Dans le cas de l’APE UE-CARIFORUM, l’affirmation selon laquelle il s’agit d’un accord de commerce et de développement suggère qu’un traitement spécial et différencié soit un des piliers de son contenu, d’autant qu’y participe un PMA : Haïti. Dans son acception large, le traitement spécial et différencié désigne l’ensemble des mesures destinées à tenir compte des intérêts des pays en voie de développement et qui se sont cumulées au cours des cycles de négociations. Appartiennent notamment au TSD, la partie IV du GATT ajoutée au GATT de 1947 par un protocole d’amendement entré en vigueur le 27 juin 1966, la déclaration du Tokyo Round de 1979 et les différentes références aux PED réparties dans les différents accords multilatéraux de l’Uruguay Round (1986-1994) sur le commerce des marchandises.Il faut également considérer les stipulations particulières figurant dans l'Accord général sur le commerce des services, ainsi que celles dans l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, celles dans le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends; et enfin, sont concernées diverses Décisions ministérielles1185. Néanmoins, le principal problème observé sur le plan juridique résulte de ce que l’article XXIV du GATT ne reconnaît pas le traitement spécial et différencié (TSD) (§1). Ce projet de zone de libre échange hétérogène tente donc de croître sur le limon d’une profonde contradiction juridique, puisque le dispositif de l’article XXIV du GATT qui participe du système commercial mondial fondé sur le libre échange et la concurrence ne contient aucune clause en faveur du développement. Le traitement spécial et différencié (TSD) pourtant présent dans divers accords de l’OMC, y est absent. Or, pendant les négociations du d'autre part, publié au JOCE n° L 70 du 18.03.2000, p. 2, et notifiée à l’OMC le 13.10.2000 ; ou l’Accord euro-méditerranéen établissant une association entreles Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République arabe d'Égypte, d'autre part, publié au JOUE n° L 304 du 30.09.2004, p. 39, et notifié à l’OMC le 3.09.2004. http://rtais.wto.org 1184 Sur l’examen de ces accords par le GATT en 1970, voir VIGNES (D.), L’association à la CEE des Etats africains et malgache, op.cit., pp. 329-338. 1185 Pour un récapitulatif des dispositions des accords de l’OMC et des décisions ministérielles admettant une application plus souple en faveur des PED,voir OMC, Comité du Commerce et du développement, « Mise en œuvre des dispositions relatives au traitement spécial et différencié figurant dans les accords et décisions de l’OMC », Note du Secrétariat, WT/COMTD/W/77/ Rev.1, du 21.09.2001. 410 Cycle d’Uruguay de 1986 à 1994, un certain nombre de dispositions énoncées dans l'article XXIV originellement rédigé en 1947, ont été clarifiées ou interprétées, comme il apparaît aux paragraphes 1 à 12 du Mémorandum d'accord de 1994. Néanmoins, cela n’a pas conduit à y insérer des mesures relatives au TSD. De plus, les négociations multilatérales lancées en 2001 pour un cycle du développement qui auraient pu éventuellement corriger cette lacune1186 s’enlisent1187. Et l’idéologie d’un partenariat rénové alliant « commerce et développement » se révèle au fond en contradiction avec l’Article XXIV du GATT de 1994, en raison de « sa lacune juridique en ce qui concerne les problèmes de développement »1188. Quelles sont par conséquent les perspectives pour une zone de libre échange asymétrique UE/CARIFORUM ? A la faveur des négociations dans le cycle de Doha à propos de l’effectivité et de l’opérationnalité du TSD, des solutions auraient pu être envisagées pour y remédier. Mais leur mise en œuvre requiert bien plus qu’une interprétation flexible des dispositions dudit article XXIV. Elle nécessite que les aspirants à la zone de libre échange coopèrent dans les négociations multilatérales, à l’entreprise réformatrice des règles applicables aux ACR. Les parties à l’APE doivent proposer des voies pour la prise en compte des besoins du développement (§2). C’est à ce prix qu’une véritable contribution de l’APE au droit du commerce international sera réalisable. §1 L’inexistence de lien juridique entre l’article XXIV du GATT et le TSD L’article XXIV et l’ensemble des règles du Traitement Spécial et Différencié (TSD) ont en commun d’être des exceptions de plein droit au principe de non-discrimination. Ce dernier est énoncé à l’article I §1 du GATT instituant « le traitement général de la nation la plus favorisée ». Toutefois, il n’y a pas de liaison explicite entre le TSD qui repose sur un besoin de corriger les inégalités économiques par des dispositions juridiques pertinentes, et 1186 Programme de travail de la déclaration ministérielle de Doha adoptée le 14 novembre 2001, paragraphe 29 sur « les règles de l’OMC » : « Nous convenons également de négociations visant à clarifier et à améliorer les disciplines et procédures prévues par les dispositions existantes de l'OMC qui s'appliquent aux accords commerciaux régionaux. Les négociations tiendront compte des aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement. » Voir : OMC, « Conférence ministérielle, quatrième session, Doha 9-14 novembre 2001 », WT/MIN (01)/DE/1, du 20.11. 2001. 1187 ABBAS (M.), « Le cycle de Doha n’aura pas lieu », La Chronique des Amériques, n° 14, septembre 2008, 8 p. 1188 M’BONKA (L.), L’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et les pays en voie de développement, Thèse de doctorat en droit, Université de Nancy II, 1984, pp. 390 et ss. 411 l’article XXIV du GATT. Pourtant, le TSD est une composante fondamentale et une partie intégrante de l’architecture juridique de l’OMC. L’explication à cette absence de lien est à rechercher dans leur contexte d’élaboration respectif (A). Force est de constater que si le TSD connaît un regain d’intérêt avec le cycle de Doha et qu’il reste invocable par les pays en développement dans leurs rapports commerciaux avec les pays développés, il est pour l’heure hors du champ de l’article XXIV du GATT de 1994. Or une révision de l’article XXIV a été envisagée en ce sens, mais tarde à se concrétiser. Il s’ensuit que les règles applicables en matière de constitution de zones de libre échange, ont tendance par nature et malgré quelques atténuations prévues dans les textes à organiser le traitement égal de tous les participants à une intégration régionale. La vocation de toute zone de libre échange selon l’article XXIV §8 est essentiellement commerciale, à l’exclusion de toute préoccupation liée au développement (B). A) Les raisons liées au contexte d’élaboration La relation entre l’article XXIV du GATT et le concept de traitement spécial et différencié reste pour l’heure indéterminée. Pour mieux cerner les raisons de cette absence de lien explicite, il faut en revenir aux origines de l’article XXIV et du concept de traitement spécial et différencié. Le TSD vise à incorporer les préoccupations des pays en développement dans les règles du commerce multilatéral. Il trouve son fondement juridique à la fois dans la Partie IV introduite en 19641189 dans l’accord général du GATT de 1947, et dans la Clause d’habilitation du GATT de 19791190. L’article I de la décision du 28 novembre 1979 dit : « Nonobstant, les dispositions de l’article premier de l’Accord général, les Parties Contractantes peuvent accorder un traitement différencié et plus favorable aux pays en développement sans l’accorder à d’autres Parties Contractantes ». Cet article a servi d’assise juridique1191 pour introduire dans les accords du GATT de 1947 et dans ceux de l’OMC des mesures accordant aux pays en développement un traitement 1189 Pour mémoire, la Partie IV intitulée « Commerce et Développement » prône une application modulée des règles commerciales multilatérales en faveur des pays en voie de développement, articles XXXVI à XXXVIII du GATT. 1190 La décision du 28.11.1979 sur le « Traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », L/4903, IBDD, S/26. 1191 CARREAU (D.), JUILLARD (P.), Droit international économique, 4ème éd., op.cit., p. 276. Les auteurs rappellent que la clause d’habilitation « a été communément interprétée comme donnant une base juridique et 412 plus favorable. On aurait donc pu s’attendre à ce que le concept de TSD trouve une expression dans l’article XXIV du GATT de 1994 qui pose les règles applicables en cas de constitution de zones de libre échange. Tel n’est pas le cas. Mais, il faut noter tout d’abord que l’article XXIV du GATT élaboré en 1947, est antérieur à l’application du Traitement Spécial et Différencié (TSD). Il n’a donc pas pour vocation originelle de considérer les aspects du développement. En outre, replacé dans son contexte historico-économique, si les dispositions existantes de l’article XXIV ne traitent pas des aspects de développement des zones de libre-échange entre pays ayant de significatives différences de développement, c’est en grande partie parce que cet article XXIV, dans sa version de 1947 a été négocié à une époque où existaient peu d’accords commerciaux régionaux (ACR) recensés au GATT impliquant des pays dits du Nord et du Sud1192, voire aucun1193. Le docteur M. M’BONKA rappelle qu’« au moment de la rédaction de l’accord général, il n’était question que des zones de libre échange entre l’Italie et la France et entre l’Argentine et le Chili » 1194. Ceci suggère que les rares pays concernés à l’origine, se coulaient dans le droit commun sans chercher à obtenir un traitement spécial ou plus favorable, d’autant que la revendication en faveur du droit au développement ne s’est immiscée que progressivement au sein du GATT, après la vague des indépendances1195, et la revendication pour un nouvel ordre économique international (NOEI)1196. Mais cela n’explique pas qu’il n’y ait pas eu par la suite de prise en compte du développement dans l’article XXIV, après l’acceptation au plan multi- permanente au statut dérogatoire du commerce des pays en voie de développement en ce qu’elle légitime les accords préférentiels qui leur sont accordés ou qu’ils s’accorderont entre eux ». 1192 A l’époque, il s’agissait surtout de relations coloniales et non de relations d’Etat à Etat. 1193 Ce point de vue est avancé dans la communication présentée par le Groupe des Etats ACP: OMC, Communication présentée par le Groupe des Etats ACP concernant les Accords Commerciaux Régionaux, TN/RL/W/155, 28.04.2004, p.1; voir aussi OCHIENG, (C.), « The EU ACP Economic Partnership Agreements and the Development Question: Contraints and Opportunities Posed by Article XXIV and SDT Provisions of the WTO », Journal of International Economic Law, n° 10, spéc., p. 369 : « The existing provisions of Article XXIV do not take into account developmental aspects of FTAs between countries with significant differences in levels of development largely because it was negotiated at a time in history when there existed very few (if not no) North-South Regional Trade Agreements RTAs ». 1194 M’BONKA (L.), op. cit, p. 393. 1195 Voir la première Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement CNUCED en 1964. Cependant, il ne faut pas omettre l’influence politique de la conférence de Bandoeng des non-alignés, les 1824 avril 1955. 1196 Sur le thème du NOEI,voir par exemple, FEUER (G.), « Les Nations-Unies et le droit au développement », Journal de droit international, 1977, pp. 606-629 ; CARREAU (D.), « le NOEI », Journal de droit international, 1977, pp. 595-605 ; Pour une mise en perspective historique des principales dispositions relatives au traitement des PED-PMA dans le système commercial multilatéral,voir ABBAS (M.) , « Les rapports NordSud à l’OMC entre différenciation et espace politique pour le développement », Cahiers de recherche du GRIC-CEIM, n° 08-01, Québec, Montréal, janvier 2008, pp.1-25, spéc.,pp.1-10. 413 latéral du concept de TSD dans l’architecture juridique du GATT de 19471197 et après l’éclosion, outre des premiers SPG, des accords commerciaux régionaux Nord-Sud . On peut constater que les caractéristiques des ACR conclus entre pays en développement et pays développés, devenus depuis monnaie courante, ne sont pas explicitement, ni intégralement couvertes par les dispositions existantes de l’OMC. On peut supposer que les pratiques et notamment l’essor du nombre des accords commerciaux Nord-Sud ont évolué plus vite que le droit multilatéral. Comme déjà mentionné, pendant les négociations du cycle d’Uruguay de 1986 à 1994, un certain nombre de dispositions énoncées dans l'article XXIV originellement rédigé en 1947, ont été clarifiées ou interprétées. Cela ressort des paragraphes 1 à 12 du Mémorandum d'accord de 1994. Pour autant, des mesures relatives au TSD n’ont pas été insérées. Les dispositions de l’article XXIV du GATT de 1994 ne sont donc pas en phase avec l’évolution factuelle. Une constatation dans le même sens figure dans le rapport du groupe spécial adopté en novembre 1999 à propos de l’affaire « Inde -Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements ». Le Groupe spécial fait l’observation suivante: « Dans l'analyse de l'article XXIV, nous tenons compte du fait que le nombre ainsi que l'importance des accords commerciaux régionaux se sont beaucoup accrus depuis la création du GATT de 1947 et que ces accords régissent aujourd'hui une proportion notable du commerce mondial. (…) Nous savons aussi que les réalités économiques et politiques qui existaient au moment où l'article XXIV était rédigé ont changé et que la portée des accords commerciaux régionaux est aujourd'hui beaucoup plus vaste qu'elle ne l'était en 1948»1198. Plus qu’une invite à considérer l’évolution du contexte, cette observation peut s’analyser comme une incitation à s’adapter, c’est-à-dire à prendre en compte les caractéristiques des accords commerciaux régionaux entre pays développés et en développement. Une évolution en ce sens, aurait pu s’amorcer à la faveur du lancement du cycle de Doha en 2001 consacré au commerce et au développement. En effet, la Conférence ministérielle de Doha a chargé le Comité du commerce et du développement (CCD) de mener à bien un programme de révision des dispositions des accords OMC relatives au traitement spécial et différencié des pays en voie de développement « en vue de les renforcer et de les rendre plus 1197 Par l’introduction en 1964 dans l'Accord du GATT d’une partie IV intitulée « Commerce et développement » - article XXXVI consacré aux « Principes et Objectifs », relatifs au développement. 1198 Rapport du Groupe spécial « Turquie-Textiles », WT/DS34/R, distribué aux membres le 31.05.1999 et adopté le 19.11.1999, paragraphes 9.97. 414 précises, plus effectives et plus opérationnelles »1199. De plus, la déclaration ministérielle de Doha recommande également de « clarifier » et d’ « améliorer les disciplines et procédures prévues par les dispositions existantes de l’O.M.C. qui s’appliquent aux accords commerciaux régionaux ». Il y est précisé que « les négociations tiendront compte des aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement »1200. En toile de fond, le défi important qui se pose au sein de l’OMC est, eu égard à l’augmentation des ACR et du nombre de membres, de gérer la diversité croissante des caractéristiques, besoins et priorités économiques. Dans ce contexte, le Groupe de négociations sur les règles a défini, sur la base de l’ « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux »1201 un ensemble de « questions systémiques » relatives aux ACR. Parmi celles-ci, la clarification notamment du rapport entre l’article XXIV et la clause d’habilitation fait partie des priorités analysées au sein du Comité des accords régionaux (CACR). De manière générale, conscients des implications potentielles pour les APE, les pays ACP dont les pays caribéens membres du CARIFORUM, voient dans les négociations multilatérales, une opportunité d’incorporer les préoccupations des pays en développement dans l’article XXIV1202. En parallèle, ils ont essayé et obtenu avec plus ou moins de succès d’optimiser le contenu de l’APE UECARIFORUM pour y introduire effectivement quelques dispositions escomptées en matière de TSD : par exemple, en termes d’allongement des délais de mise en œuvre de la libéralisation1203. Mais, l’échec réitéré des négociations du cycle de Doha compromet cette révision1204. 1199 OMC, Conférence ministérielle, Doha, Déclaration ministérielle, adoptée le 14.11.2001, WTMIN (01)/DEC/1 du 20.11.2001, point 44. 1200 Déclaration ministérielle, adoptée le 14.11.2001, WTMIN (01)/DEC/1 du 20.11.2001, paragraphe 29. 1201 OMC, WT/REG/W/37, intitulé Synopsis des "questions systémiques" relatives aux accords commerciaux régionaux, du 2.03.2000 ; Secrétariat de l’OMC, « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux », TN/RL/W/8/Rev.1, du 1.08.2002, point III.1. 1202 Communication du Groupe des Etats ACP concernant les accords commerciaux régionaux, intitulée « Les aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement et le traitement spécial et différencié dans les règles de l’OMC : l’article XXIV du GATT de 1994 et la Clause d’habilitation », TN/RL/W/155, du 28.04.2004, 5 p. 1203 Voir Supra Section I de ce chapitre. 1204 WILSON (M. A.), « Réalité en suspens : questions clés pour les ACP après le blocage à l’OMC », Eclairage sur les négociations de Doha à Cotonou. [En ligne], Vol.5 n° 5, septembre - octobre 2006, pp. 1- 4. Sur le site http://www.acp-eu-trade.org/tni_fr; ABBAS (M.), « Le cycle de Doha n’aura pas lieu », Chronique des Amériques, n° 14, sept. 2008, 8 p., op.cit. 415 En attendant que se concrétise ou non la perspective d’une modification de l’article XXIV du GATT ; on ne saurait perdre de vue, que son paragraphe 8 rappelle clairement la vocation uniquement commerciale de cet article. B) La vocation uniquement commerciale de la zone de libre échange selon l’article XXIV §8 Suivant l’article XXIV §8 b) , dans sa rédaction de 1994, « On entend par zone de libre échange un groupe de deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres règlementations commerciales restrictives (à l’exception, dans la mesure où cela serait nécessaire, des restrictions autorisées aux termes des article XI, XII, XIII, XIV, XV, et XX) sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre échange ». La liste signifie que des restrictions limitativement énumérées à la libéralisation sont permises, mais seulement dans la mesure où cela serait nécessaire, dès lors qu’il s’agit par exemple de protéger l’agriculture (article XI), la balance des paiements (article XII) ou encore pour des raisons d’ordre public (article XX). Comme auparavant, l’article XXIV du GATT de 1994 officialise les zones de libre échange à condition qu’elles contribuent à la liberté du commerce international1205. En l’examinant à « à la lumière du but » 1206 recherché, toute zone de libre échange – à l’instar de l’union douanière définie à l’article XXIV §4 – doit « faciliter le commerce » que ce soit dans les relations internes, c'est-à-dire entre les participants à une même zone de libre échange, ou dans les relations externes c'est-à-dire entre eux et les tiers. La finalité est de créer des courants d’échange (trade creating). La zone de libre échange doit s’abstenir « d’opposer des obstacles au commerce avec les pays tiers » (trade diverting)1207. 1205 Le préambule du Mémorandum d'accord concernant l'article XXIV du GATT de 1994, ajouté au GATT de 1994 à la suite du Cycle d'Uruguay, rappelle: « La contribution qu'une intégration plus étroite des économies des parties à de tels accords peut apporter à l'expansion du commerce mondial ». 1206 Par référence au raisonnement de l’Organe d’appel dans l’affaire « Inde – Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements » : le rapport de l’OAP indique que toute interprétation – (en l’espèce il s’agissait de déterminer si le texte introductif du paragraphe 5 autorisait comme le prétendait la Turquie à recourir à un moyen de défense fondé sur l’article XXIV du GATT) – donnée aux dispositions de l’article XXIV du GATT doit s’effectuer « à la lumière du but ». OMC, WT/DS34/AB/R, 22.10.1999, Rapport de l’Organe d’appel, paragraphe 57. 1207 Voir, les deuxième et troisième considérants dans le préambule du Mémorandum d'accord de 1994 concernant l'article XXIV: 416 La définition qui est faite de la zone de libre échange au paragraphe 8 corrobore l’idée d’une inadaptation de l’article XXIV du GATT aux besoins exprimés par les signataires de l’APE UE-CARIFORUM à savoir : laisser « une marge de manœuvre assez grande pour pouvoir absorber les coûts d’ajustements générés par la libéralisation des échanges et de garantir que ces accords [les ACR] contribuent de manière durable à leur développement économique »1208. On le constate, dans le cadre spécifique de l’article XXIV du GATT aucune atténuation n’est prévue en faveur des besoins de développement économique. La clause d’habilitation de 1979 n’y est pas mentionnée. En abondant dans le sens de M. Lula M’ BONKA, on peut donc dire que : « Le libre échange rigoureux de l’Article XXIV fait que les zones de libre échange ne peuvent regrouper que des partenaires de même puissance économique ou de puissance économique relativement comparables »1209. Pourtant l’introduction d’un TSD ne serait pas contraire à la vocation essentiellement commerciale de la zone de libre-échange. Dans le cadre de l’OMC, le TSD permet tout au plus de retarder mais non de supprimer l’obligation de libéralisation. Il convient en effet de rappeler que le bénéfice d’un traitement différencié est transitoire. Le pendant de la clause d’habilitation à savoir la clause dite évolutive 1210 prévoit que les bénéficiaires d’un traitement spécial et différencié doivent revenir à l’application du droit commun, à mesure que leur situation commerciale s’améliore et « prendre plus pleinement leur part dans l’ensemble des droits et obligations découlant de l’Accord général »1211. Compte tenu de sa vocation uniquement commerciale, il est à craindre qu’une application et une interprétation stricte des conditions de l’article XXIV du GATT, ne donnent « Réaffirmant que de tels accords devraient avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres Membres avec ces territoires, et que les parties qui concluent de tels accords ou en élargissent la portée doivent dans toute la mesure du possible éviter que des effets défavorables n'en résultent pour le commerce d'autres Membres »; 1208 Ces préoccupations sont reprises au plan multilatéral,voir Communication du Groupe des Etats ACP concernant les accords des commerciaux régionaux, intitulée « Les aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement et le traitement spécial et différencié dans les règles de l’OMC : l’article XXIV du GATT de 1994 et la Clause d’habilitation », document TN/RL/W/155, du 28.04.2004, paragraphe 2. Sont repris ici les termes d’une proposition présentée par la Jamaïque au cours du processus préparatoire à la troisième Conférence ministérielle de l’OMC, WT/GC/W/369 du 13.10.1999. 1209 M’BONKA (L.), op. cit, p. 395. 1210 Voir la décision sur le « Traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », L/4903, IBDD, S/26 du 28.11.1979, paragraphe 7. A propos de cette disposition, voir LOFTI M’RINI (M.), De la Havane à Doha – Bilan juridique et commercial de l’intégration des pays en développement dans le système commercial multilatéral, op. cit., spéc.,pp. 172-177. 1211 Extrait de la décision sur le « Traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », L/4903, paragraphe 7. 417 naissance in fine qu’à un accord purement commercial1212 , c'est-à-dire un accord qui, quoique conclu entre pays développés et pays en développement prévoit la libéralisation de la totalité des échanges entre ses membres, et ne limite la mise en œuvre d’un traitement spécial et différencié qu’aux seuls pays les moins avancés. On pourrait ranger dans cette catégorie les accords de libre échange (ALE) tels celui regroupant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique dénommé « Accord de Libre Echange Nord Américain» (ALENA) notifié à l’OMC le 1er mars 1995, ou encore, la zone de libre échange liant les Etats-Unis, aux pays membres du Système d’Intégration Centre Américain (SICA) et à la République dominicaine . Cet accord dénommé ALEAC-RD ou (CAFTA-DR suivant son acronyme anglais) a été notifié le 17 mars 2006 à l’OMC. Au contraire, les parties à l’accord de partenariat économique UE/CARIFORUM portant projet d’une zone de libre échange, se proposent d’incarner une liaison entre le commerce et le développement. Or, c’est bien parce que l’article XXIV du GATT de 1994 en l’état n’est pas adéquat que les parties à l’APE UE-CARIFORUM ont interprété les dispositions multilatérales de manière à modérer leurs effets potentiellement négatifs, sans pour autant risquer la déclaration d’incompatibilité1213. Autrement dit, ils tentent de contourner un obstacle juridique de taille. En allant au bout de cette logique, cela confirme que l’article XXIV n’est pas approprié aux ambitions politico-juridiques déclarées dans l’accord de Cotonou et reprise dans l’APE de mettre en œuvre une coopération économique et commerciale « (...) y compris le traitement spécial et différencié »1214. Au-delà du constat, il est vrai qu’une impossibilité de considérer le développement au regard de l’article XXIV du GATT de 1994 n’empêche pas de trouver une justification à la flexibilité en faveur du développement, dans un autre fondement juridique. Toutefois, s’agissant particulièrement de l’article XXIV du GATT ici étudié, il apparaît que seule une volonté politique de la part des membres de l’OMC d’introduire le TSD dans le corpus juridique de l’article XXIV peut porter une amélioration. Il s’agira ci-après de s’interroger sur les solutions proposées pour corriger cette omission. §2 Les voies pour la prise en compte des besoins du développement 1212 VINCENT (P.), L’évolution du traitement des pays en développement au sein du GATT et de l’Organisation Mondiale du Commerce, Thèse de doctorat en droit, Université de Paris X - Nanterre, 23.06.1998, 563 p. 1213 Voir Supra, Section I de ce chapitre. 1214 Accord de Cotonou, art.34 §4. 418 Compte tenu de l’inadéquation prouvée de l’article XXIV aux besoins du développement, on peut se demander quelles peuvent être les voies d’une meilleure prise en compte de la dimension du développement dans les dispositions multilatérales applicables aux accords commerciaux régionaux entre pays développés et pays en développement. D’autre part, quelle peut- être par extension la contribution de l’APE UE-CARIFORUM, à l’amélioration de la règlementation des échanges et du droit international économique ? Etant donné que l’article XXIV ne définit pas explicitement un régime de flexibilités pour les pays en développement ; et même si le champ d’application de la clause d’habilitation de 1979 prévoyant des mesures spécifiques en leur faveur, peut s’appliquer pour les ACR conclus entre pays développés et en développement, les voies juridiques d’avenir, les plus sûres pour une effective participation de l’APE à l’amélioration du droit du commerce international passeraient soit par une réforme de l’article XXIV du GATT (A) , soit par un amendement de la clause d’habilitation (B). L’une de ces deux voies doterait la pratique de l’interprétation flexible d’une meilleure assise juridique et donc d’une plus grande sécurité. Mais, il ne faut cependant pas sous-estimer au plan multilatéral les obstacles à de telles ambitions réformatrices. A) La réforme hypothétique de l’article XXIV La lacune avérée de l’article XXIV en matière de développement ne pourrait être corrigée que par un engagement commun des membres de l’OMC, y compris les parties à l’APE UE-CARIFORUM, à agir en vue d’une révision dudit article. Ceci implique une coopération plus large entre la Communauté européenne et les pays ACP membres de l’OMC, dans les enceintes internationales. Une telle collaboration est d’ailleurs préconisée dans l’APE UE-CARIFORUM en ces termes : « Les parties s’efforcent de coopérer dans toutes les enceintes internationales où les thèmes touchant le présent partenariat sont traités »1215. L’intérêt d’une réforme de l’article XXIV serait, premièrement de clarifier enfin les conditions sujettes à interprétations divergentes1216 comme l’obligation de libéraliser l’« essentiel des échanges ». 1215 APE UE-CARIFORUM, article 6 concernant la « Coopération dans les enceintes internationales ». 1216 Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux se penche sur ces questions. Voir par exemple à ce propos le document TN/RL/W/8. Rev.1. Document précité. 419 Deuxièmement, en réformant l’article XXIV du GATT afin d’introduire une disposition relative au traitement spécial et différencié, il serait envisageable de codifier, voire de consacrer la pratique d’une interprétation souple de l’article XXIV du GATT, légitimant ainsi les asymétries et les flexibilités introduites dans le cadre de ce type d’accords comme en témoigne l’APE UE-CARIFORUM. Le but serait de contrecarrer la tendance à l’interprétation restrictive de l’Organe d’appel (OAP)1217. Globalement, une telle solution aurait le mérite d’être en cohérence avec l’objectif de l’accord Cotonou signé en 2000 d’assurer la participation des Etats ACP dans l’économie mondiale, et de leur permettre de prendre une part effective aux flux d’échanges commerciaux internationaux1218. Concrètement, l’insertion du traitement spécial et différencié dans l’article XXIV introduirait une flexibilité appropriée permettant aux pays en développement de répondre aux conditions des paragraphes 5 et 8 de l’article XXIV. Les pays Caraïbes, entre autres, qui sont membres de l’OMC1219 militent pour que les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce évoluent vers la prise en compte effective des aspects relatifs au développement. L’engagement de longue date de la Jamaïque en ce sens est parfaitement illustratif1220. De plus, une proposition de révision de l’article XXIV a été déposée le 28 avril 20041221, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), par le groupe ACP. Celle-ci confirme leur engagement en faveur du traitement spécial et différencié. Pour sa part, la CE semble avoir modifié son approche sur la question. Tout d’abord, la CE semble considérer que les dispositifs de l’article XXIV du GATT et de la Clause d’habilitation comportent des flexibilités suffisantes. Et qu’il s’agit par conséquent « de clarifier les souplesses déjà prévues dans le cadre actuel des règles de l'OMC. Il est probable que cela consiste à examiner plus avant le rapport entre l'article XXIV du GATT et la Clause 1217 Voir Supra, Section II, §2, B). 1218 Pour rappel, un objectif central de l’accord de Cotonou est « l’insertion des pays ACP dans l’économie mondiale » posé dans l’article 34 §2 qui dit précisément : « Le but ultime de la coopération économique et commerciale est de permettre aux Etats ACP de participer pleinement au commerce international ». 1219 Liste des pays caribéens membres de l’OMC : Antigua, Barbade, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Trinité-et-Tobago. 1220 Voir notamment, les documents suivants : OMC, communication de la Jamaïque WT/GC/W/369 du 13.10.1999 ; Proposition de la Jamaïque prônant l'application du TSD aux pays en développement dans le cadre des différends dont l'OMC est saisie : OMC, TN/DS/W/21 du 10.10.2002 ; Propositions conjointes concernant des modifications du texte juridique du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends : OMC, TN/DS/W/47 du 11.02. 2003 ; participation de la Jamaïque (en tant que membre du Groupe ACP), à la communication concernant les accords commerciaux régionaux : OMC, Communication concernant « les accords commerciaux régionaux », présenté par le Groupe des Etats ACP, TN/RL/W/155, 28.04.2004, document précité. 1221 OMC, Groupe de négociations sur les règles – communication concernant les accords commerciaux régionaux – Document présenté par le Groupe des Etats ACP, TN/RL/W/155, du 28.04.2004. 420 d'habilitation ainsi qu'à étudier dans quelle mesure les règles de l'OMC tiennent déjà compte des écarts entre les niveaux de développement des parties aux ACR »1222. En revanche, dans une seconde communication datant de mai 2005, la CE reconnaît que les dispositions applicables aux ACR sont lacunaires. A partir de ce constat, elle semble appuyer la démarche réformatrice pour une prise en compte des ACR entre pays développés et en développement et de leurs incidences sur le développement. En effet, elle déclare : « La dimension développement des accords commerciaux régionaux doit aussi faire partie intégrante de la clarification et de l'amélioration des règles de l'OMC relatives aux ACR. L'intégration régionale peut jouer un rôle important s'agissant de promouvoir le développement économique dans la mesure où les accords sont suffisamment ambitieux et tiennent compte des besoins et contraintes spécifiques des pays en développement et des pays les moins avancés» 1223. Troisièmement, parmi les bénéfices d’une réforme de l’article XXIV du GATT, du point de vue de la CE/UE, le commerce extérieur est considéré comme le moyen privilégié pour atteindre des objectifs politiques et stratégiques. Par conséquent, être à l’initiative d’une proposition de réforme de l’article XXIV y insérant des correctifs, offrirait à l’Europe l’opportunité d’ « une contribution essentielle à la réforme de l’architecture économique internationale »1224, ambition politique européenne par excellence. Toutefois, cette solution demeure difficile à mettre en œuvre en raison de sa forte connotation politique. Aux dires du Professeur Jean-Claude GAUTRON, « il est douteux que l’article XXIV fasse l’objet d’une réforme tant elle ouvrirait des tensions peu supportables pour l’O.M.C. »1225. Pour étayer ce point de vue, sur le plan juridique, tous les membres de l’OMC doivent parvenir à un consensus dans le cadre des cycles de négociations, pour que les règles commerciales soient modifiées. Or, cette règle est une limite importante à la perspective de négocier des dispositions juridiquement opérationnelles et relatives au TSD. Comment parvenir à des définitions communes ? Ce consensus est en effet difficile à atteindre dès lors 1222 Communication des Communautés européennes concernant les accords commerciaux régionaux, TN/RL/W/14 du 9.07.2002, paragraphe 4 ; Voir OCHIENG (C.), « The EU ACP Economic Partnership Agreements and the Development Question: Constraints and Opportunities Posed by Article XXIV and SDT Provisions of the WTO », Journal of International Economic Law, n° 10 (2), 2007, op.cit., p. 381. 1223 Communication présentée par la Communauté européenne au sujet des Accords commerciaux régionaux, TN/RL/W/179 du 12.05.2005, paragraphes 5 à 11, spéc, paragraphe 5. 1224 Communication de la Commission européenne. « Objectifs stratégiques 2000-2005 : donner forme à la nouvelle Europe ». COM (2000)154 final du 9.02. 2000, p. 8. 1225 GAUTRON (J.- C.), « De Lomé à Cotonou », in Mélanges en hommage à J-V. LOUIS, vol.2, op. cit, spéc., p. 85. 421 que le nombre des adhésions à l’OMC augmente, que le jeu des forces en présence se neutralise au point de bloquer les négociations multilatérales, et que les intérêts divergent. En outre, selon le Professeur LEBULLENGER, « il ne faut dès lors pas exclure que la CE et la plupart des autres Membres industrialisés de l’OMC s’accommodent du maintien de la flexibilité de facto, caractérisant le fonctionnement actuel de l’article XXIV du GATT »1226. Car, un processus de réforme de l’article XXIV passant par « la clarification substantielle des règles du GATT au niveau multilatéral » et par l’insertion de dispositions en matière de TSD « entamerait en effet la marge de manœuvre juridique dont les membres de l’OMC disposent aujourd’hui dans la conduite de leur politique préférentielle à l’égard des tiers »1227. Globalement, les difficultés et blocages à surmonter pour réformer l’article XXIV sont conséquents. Cette perspective pourrait ne pas aboutir. Mais une autre solution envisageable quoique tout aussi incertaine consisterait à améliorer la clause d’habilitation pour que les ACR entre pays développés et en développement entrent dans ce cadre et échappent aux conditions strictes de l’article XXIV du GATT de 1994. B) L’extension de la portée de la clause d’habilitation La clause d’habilitation concerne les arrangements commerciaux régionaux1228. Le point c), paragraphe 2 de la décision du 28 novembre 1979 donnant naissance à la clause d’habilitation, organise un traitement préférentiel qui s’applique aux « arrangements régionaux ou mondiaux conclus entre parties contractantes peu développées en vue de la réduction ou de l’élimination de droits de douane sur une base mutuelle ». Elle est donc applicable aux ACR ; mais, a priori, les flexibilités qui y sont prévues paraissent s’appliquer prioritairement aux accords entre pays en développement. En réalité, le champ d’application de la clause d’habilitation est relativement ouvert. Ainsi, l’utilisation de la clause d’habilitation de 1979, et notamment, celle du point a), paragraphe 2, de la décision du 29 novembre 1979, a permis de justifier a posteriori la création des premiers systèmes de préférences généralisées de la CE en faveur des pays en dévelop- 1226 LEBULLENGER (J.), « Accords commerciaux régionaux Euro-Sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », in Le droit de l’Union européenne en principes - Liber amicorum en l’honneur de Jean RAUX, op. cit, p. 716. 1227 Ibidem, p. 724. 1228 Décision relative au « Traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en voie de développement », GATT L/4903, 3.12.1979. 422 pement. Il faut dire que cette hypothèse est expréssement prévue au paragraphe 2 relatif au champ d’application de la clause d’habilitation. Toutefois, la note 2 du paragraphe 2 de la décision du 29 novembre 1979, ouvre la possibilité aux parties contractantes d’examiner en dehors des quatre domaines énumérés, « toutes propositions de traitement différencié et plus favorable qui ne relèveraient pas des dipositions du précédent paragraphe ». A ce titre, étendre le champ d’application de cette clause est une voie à explorer. Les ACR conclus et notifiés à l’OMC en vertu de la clause d’habilitation n’ont pas à se conformer aux conditions imposées par l’article XXIV du GATT1229. Par conséquent, « une réforme de la Clause d’habilitation pourrait dès lors consister à faire bénéficier les ACR Nord-Sud des souplesses caractérisant ce mécanisme, entièrement dédié au TSD »1230. La tâche risque cependant d’être ardue, en raison de l’opposition d’une partie des membres de l’OMC. D’un côté, certains pays développés, dont l’Australie1231 , arguent que les ACR relevant de la clause d’habilitation devraient être soumis à l’examen de conformité devant le Comité des accords commerciaux régionaux (CACR) à la lumière des dispositions de l’article XXIV. Dans le cadre des négociations multilatérales, les tenants de cet argument seraient par conséquent non seulement hostiles à une extension du champ d’application de la clause mais souhaiteraient en outre, un durcissement des règles applicables au fonctionnement de la clause d’habilitation. Ils craignent en effet que les pays émergents tels l’Inde, la Chine membre de l’OMC depuis le 11 décembre 2001, ou encore le Brésil, le Venezuela et quelques autres « nouveaux acteurs concurrentiels » ne se prévalent de la clause d’habilitation pour multiplier les ACR Sud-Sud excluant les pays développés du bénéfice des échanges commerciaux. De l’autre côté, les pays en développement émergents, ainsi que les Etats ACP considèrent que la « Clause est un “ acquis” dans l’architecture juridique de l’OMC »1232. Par ailleurs, un pré-requis nécessaire, mais probablement utopique, serait de définir une différenciation fine entre les pays en développement pour identifier les pays membres de 1229 Etude du Secrétariat de l’OMC, « Note juridique sur les accords commerciaux régionaux relevant de la Clause d’habilitation », WT/COMTD/W/114, 13.05.2003. 1230 LEBULLENGER, « Accords commerciaux régionaux Euro-Sud et principe de solidarité dans le respect des principes du droit de l’OMC », loc. cit., p. 723. 1231 Communication de l’Australie à l’OMC, « Négociations sur les accords commerciaux régionaux relevant de la Clause d’habilitation », WT/COMTD/W/114, 13.05.2003. 1232 Communication des Etats ACP à l’OMC concernant les ACR, Document TN/RL/W/155, document précité, paragraphe 13, p.5. 423 l’OMC pouvant se prévaloir du TSD éventuellement inséré dans la clause d’habilitation. L’enjeu est de définir des critères objectifs de façon à identifier les « bénéficiaires de telles souplesses » et à exclure du bénéfice du TSD, les pays dont le niveau de développement leur permet d’appliquer le droit commun. Or, l’écueil résulte du fait que la définition des bénéficiaires de la clause d’habilitation n’est pas précisée par le GATT. En pratique, parmi les pays en voie de développement, seuls les Pays les Moins Avancés (PMA) forment une catégorie identifiée par les Nations-Unies et appliquée à l’OMC. Ils bénéficient d’un régime particulier posé au paragraphe 6 de la clause d’habilitation du 28 novembre 1979 sur le traitement spécial et différencié. De l’autre côté, tous les autres pays en développement (PED), proclamés comme tels suivant le principe de l’auto-élection, et sans distinction entre les grands pays émergents, les nouveaux pays industrialisés (NPI), les pays à faible revenu, les pays insulaires ou enclavés, peuvent prétendre au bénéfice de ladite clause. Tous les pays en développement n’ont pas intérêt à ce que soient définis des critères stricts. Il est peu probable qu’une telle perspective soit au goût des pays émergents qui savent tirer profit de l’absence de catégories identifiables dans le groupe des PED. La perspective d’une plus grande différenciation dans le cadre des travaux de Doha est étudiée par la Conférence ministérielle qui demande, dès 2001, au Conseil général de l’OMC, d’examiner les problèmes que rencontrent les petites économies, considérées comme plus vulnérables, dans le commerce international et de formuler des recommandations, notamment sur la question de savoir s’il convient de créer une nouvelle catégorie de Membres de l’OMC en ce qui les concerne 1233 . Le Conseil général a chargé le Comité du commerce et du développement, d’inscrire cette question de manière permanente à son ordre du jour et d’y consacrer plusieurs sessions spéciales1234. Cela fait suite aux attentes des pays caribéens membres de la CARICOM1235 qui souhaitaient profiter du cycle de négociations à Doha, pour tenter d’obtenir davantage de différenciation par la création d’une nouvelle catégorie de pays : celle des « pays vulnérables ». Cette proposition introduite durant le cycle de Doha est soutenue par la Commission européenne, telle que le confirme, entre autres, la communication de la Commission au Conseil et au Parlement du 12 avril 2005, intitulée : « Accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement – La contribution de 1233 OMC, Conférence ministérielle, Doha, WT/MIN(01)/DEC/1,20.11.2001, point 35. 1234 OMC, « Programme de travail sur les petites économies. Cadre et procédures », WT/L447, 5.03.2002. 1235 Voir notamment : Communication de Saint-Kitts-et-Nevis, OMC, Conférence ministérielle 3ème session, Seattle (30.11-3.12.1999), WT/MIN (99)/ST/123 du 2.12.1999 ; OMC, Organe d’examen des politiques commerciales- Rapport de Trinité-et-Tobago, WT/TPR/G/151 du 17.08.2005, p. 12 paragraphe 24 lettre e). Déclaration 424 ministérielle, adoptée le 14.11.2001, l’Union européenne »1236. Toutefois, l’éventualité de définir une nomenclature juridique applicable aux pays en développement paraît encore lointaine et incertaine. 1236 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social COM (2005)132, 12.04.2005, et {SEC(2005) 452} {SEC(2005) 456}. 425 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND L’étude des conditions applicables à la future zone de libre échange UE/CARIFORUM révèle que la problématique soulevée n’est autre que la dialectique entre compatibilité et conformité. Sur le plan sémantique, la conformité induit une totale non contradiction, tandis que, la compatibilité n’implique pas forcément une stricte conformité. Entre « compatibilité » et « conformité » aux règles multilatérales, dès l’accord de Cotonou, les rédacteurs utilisent tantôt l’une ou l’autre expression pour exhorter à l’avènement d’un nouveau régime commercial1237. En réalité, sous l’angle commercial, le droit de l’OMC laisse peu de marge de manœuvre à la CE dans l’élaboration de sa politique de coopération. Finalement, la CE et ses cocontractants font le choix de la conformité1238. En effet, recourir au concept de flexibilité de facto masque mal la tendance d’un retour aux standards de l’OMC, car en cas de contestation de l’Accord de partenariat économique UE/CARIFORUM, par d’autres membres de l’OMC, les parties pourraient en revenir à demander une dérogation ou « waiver ». En revanche, une des voies d’avenir serait que les parties œuvrent à une réforme de l’article XXIV du GATT de 1994, une révision des règles applicables, pour qu’y soient pris en compte les caractéristiques des ACR entre pays développés et pays en développement. L’UE et ses alliés pourraient travailler à ce que, d’une part, les dispositions relatives au traitement spécial et différencié, et notamment celles de la Partie IV deviennent de véritables règles plutôt que des 1237 Par exemple, dans le seul titre II de l’accord de Cotonou relatif à « la coopération économique et commerciale », il est dit dans l’article 34§4 : « la coopération économique et commerciale est mise en œuvre en parfaite conformité (…) ». Alors que, selon l’art 36§1 les parties doivent conclure de nouveaux accords commerciaux « compatibles avec les règles de l’OMC ». 1238 LEBULLENGER (J.), « Les dispositions commerciales de l’accord de partenariat ACP/CE de Cotonou confrontés aux règles de l’OMC », RAE-LEA, 2001-2002, spéc., p. 90. L’auteur reconnaît que « sur le plan commercial, on ne peut malgré tout que souscrire à l’idée suivant laquelle les spécificités européennes ne représentent que des infléchissements (par exemple, les délais relatifs à la mise en place du libre échange euro-ACP) et non des choix alternatifs à la rationalité économique véhiculée par les standards de l’O.M.C., en réponse au phénomène de la mondialisation » ; Voir aussi, TRIMECH (Z.), L’Union européenne en quête de puissance : réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux, op. cit., spéc., p. 252. Plus véhémente est son affirmation selon laquelle : « La position actuelle de la CE n’est pas propice au triomphe de sa conception des relations économiques internationales du 21 ème siècle ». 426 exhortations, comme le prône la Conférence ministérielle de Doha1239, et, d’autre part, qu’elles soient introduites dans le corps de l’article XXIV du GATT. En l’espèce, sans pour autant remettre en cause, le triomphe de l’idéologie du « développement par le commerce », il deviendrait possible d’y apporter des correctifs. En outre, par ce biais, l’ambition d’un rôle de régulateur multilatéral pour l’Union européenne pourrait peut-être se concrétiser. 1239 Dans le cadre du programme de révision des dispositions des accords de l’OMC relatives au traitement spécial et différencié des pays en voie de développement, la Conférence ministérielle a chargé le Comité du commerce et du développement , notamment d’examiner si les dispositions existantes qui ne sont pas impératives pourraient être converties en dispositions impératives. Voir OMC, Conférence ministérielle, Doha, Décision sur les questions et préoccupations liées à la mise en œuvre, adoptée le 14.11.2001, WT/MIN(01)/DEC/17, 20.11.2001, point 12.1 ; Voir aussi, les documents OMC, Comité du commerce et du développement, « Traitement spécial et différencié mise en œuvre et propositions », WT/COMTD/W/85, 14.05.2001 ; OMC, Comité du commerce et du développement , « Mise en œuvre des dispositions relatives au traitement spécial et différencié figurant dans les accords et décisions de l’OMC, Note du Secrétariat, WT/COMTD/W/77/Rev.1, 21.09.2001. 427 CONCLUSION GÉNÉRALE 428 L’existence d’une stratégie globale pour la zone géographique constituée de l’Amérique latine et des Caraïbes s’illustre par le projet d’approfondissement des relations interrégionales, sur les plans politique, juridique et économique. Ce projet révèle un objectif clairement assumé de respecter et de faire respecter les règles de l’OMC. Et, il apparaît que la proclamation du « partenariat stratégique » n’est que l’habillage de la volonté politique européenne de faire évoluer le contenu commercial des accords. L’Union européenne a tissé un réseau d’accords signés, voire conclus depuis 2000, soit avec les pays, soit avec les organisations régionales et leurs Etats membres d’Amérique latine et des Caraïbes. Seuls, le Venezuela, Cuba, la Bolivie et l’Equateur résistent à cette vague de négociations, apparemment peu séduits par les perspectives d’un partenariat avec l’Union européenne. Trois d’entre eux (le Venezuela, la Bolivie et Cuba) sont membres de l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA)1240. Cette organisation initie un processus d’intégration politique et économique qui se veut concurrent de la vision néolibérale. Son principal outil juridique est « le Traité de commerce entre les peuples » signé le 25 avril 2005 par les trois Etats membres. L’organisation et le traité auquel elle donne naissance apparaissent comme des armes « à très fort impact politique dans le débat européen et mondial sur le libre échange », car, « établissant des normes de commerce international en rupture radicale avec (...) tous les accords de libre échange existants ou en projet »1241. Il n’en demeure pas moins plausible que, pour des raisons commerciales, l’Equateur, pays exportateur de bananes, pourrait rejoindre l’accord commercial tripartite entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou, paraphé en mars 2011, après que l’achèvement des négociations ait été annoncé à l’issue du sixième sommet entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes1242. Dans le processus d’évolution des relations, si l’approche interrégionale est en principe privilégiée par l’UE, elle n’est pas pour autant exclusive. L’objectif général de renforce- 1240 Suivant l’opinion du journaliste CASSEN (B.), l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) se situe « à mille lieues des clauses de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Accord général sur le commerce des services(AGCS), et même du Mercosur. Sans parler de tous les accords de libre échange que l’Union a déjà conclus avec (…) le Chili, le Mexique, etc., des traités bilatéraux imposés par les EtatsUnis et bien entendu, des règles du marché unique européen ». [CASSEN (B.), « En marge du Sommet avec l’Union européenne, une nouvelle Amérique latine à Vienne », Monde diplomatique, n° 627, juin 2006, p. 20]. 1241 Idem. 1242 Site officiel de la Commission européenne-DG Commerce : http://ec.europa.eu/trade/creatingopportunities/bilateral-relations/regions/andean/index_en.htm [consulté en septembre 2010]. 429 ment de l’intégration régionale1243 et la participation des organisations régionales en tant que parties à un accord apparaissent finalement comme des moyens non indispensables de la reconfiguration souhaitée par l’Union, et acceptée par les Etats latino-américains et caribéens regroupés au sein d’Organisations internationales à vocation régionale. Pourtant, il a été reconnu que, les accords interrégionaux présentent un intérêt de taille : celui de maintenir une certaine unité de conception et d’application des accords avec des Etats regroupés par régions1244. En réalité, le concours des organisations régionales aux côtés de leurs Etats membres est difficile à réaliser, nonobstant la réunion des conditions juridiques telles que la personnalité juridique et la capacité internationale de conclure des accords internationaux. De plus, cette participation peut être source de complications juridiques, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des clauses de conditionnalité politique. Car il apparaît plus difficile d’envisager le recours à des sanctions à l’égard d’une organisation régionale, qu’à l’égard d’un seul Etat. Les relations interrégionales posent par conséquent, la question de la praticabilité et de la mise en œuvre de la conditionnalité. En outre, l’étude a mis en évidence, que les deux objectifs consistant à impliquer des organisations régionales et à renforcer l’intégration régionale, souffrent en pratique d’aménagements : cette réalité est prouvée, tant par l’exemple de la négociation avec les pays regroupés dans le CARIFORUM, que par celui de l’abandon des négociations régionales avec la Communauté andine et tous ses Etats membres. Au-delà, un paradoxe émerge au regard de l’analyse de l’évolution des relations entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. Le fait d’inscrire les pays et les organisations régionales d’Amérique latine et des Caraïbes dans un partenariat unique et global, s’il répond à une logique géostratégique, comporte cependant des effets pernicieux. En effet, les pays caribéens s’inscrivent dans le partenariat ACP, dans le cadre de l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000. Le dialogue politique global entre eux et l’Union européenne implique en principe tous les autres membres du Groupe ACP. Or, la conséquence du rattachement des pays caribéens au partenariat stratégique avec les pays latino-américains, consisterait à dis- 1243 Cet objectif est réitéré dans la Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement sur « un partenariat renforcé entre l’Union européenne et l’Amérique latine », COM (2005)636 final du 8.12.2005 ; et dans la Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen intitulé « Le partenariat UE - Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », COM (2006)86 final, du 2.03.2006, JOUE, n° C 2006, du 3.05.2006, p. 104. 1244 La méthode de négociation, privilégiant l’intégration régionale comme axe structurant dans les relations extérieures européennes, avait été constatée par le Professeur Dusan SIDJANSKI. Voir SIDJANSKI (D.) Préface, in AYBERK (U.), Le mécanisme de la prise de décisions communautaires en matière de relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 1978, 580 p., spéc. p. 11. 430 soudre de facto, l’unité institutionnelle du groupe ACP1245. L’application de principes tels que la « différenciation » ou la « régionalisation » pour la restructuration des relations, confirme plus qu’elle n’infirme le risque d’éclatement. Malgré tout, il n’est pas excessif de parler de « mutations » car des transformations profondes sont à l’œuvre dans les relations entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes. Elles concernent autant les instruments – négociations, signatures de nouveaux accords, adaptation des instruments autonomes de coopération – que les régimes juridiques applicables. Cela s’illustre par la possible accession de tous les latino-américains à divers régimes d’association fondés sur l’article 217 du TFUE (ex-article 310 du TCE). Cette évolution devrait avoir lieu, même si le processus est retardé par les difficultés de la négociation avec le MERCOSUR, et par l’abandon de l’approche interrégionale, dans la négociation d’un accord (originellement d’association) avec la Communauté andine et ses Etats Membres. On assiste par conséquent à la fin des « engouements régionaux sélectifs1246 ». En outre, les mutations sont démontrées par le glas du principe de non-réciprocité dans les relations commerciales avec les pays caribéens, malgré le maintien d’une coopération au développement de type classique. Mais, dans une certaine mesure, la transformation ressemble ici, à un balbutiement de l’Histoire car, on peut l’analyser comme un retour au principe de préférences inverses. Enfin, l’attractivité déclinante des instruments autonomes accordant des préférences commerciales, au profit d’avantages négociés, témoigne également de changements de fond. Par ces exemples, il apparaît que la réforme des instruments traditionnels des relations de l’Union européenne avec l’Amérique latine et les Caraïbes est en marche. Cependant, ces mutations ne sont pas suffisantes pour confirmer l’hypothèse d’une uniformisation en cours des structures conventionnelles. Il est vrai, malgré tout, que la diversité des dénominations d’accords proposés : (« APE » dans le cas des Etats caribéens rassemblés au sein du CARIFORUM, « accord d’association » avec les pays membres du SICA, ou « accord commercial tripartite » avec deux Etats membres de la CAN...), n’occulte pas l’existence de quelques similitudes de structure : les accords comprennent tous une dimension politique, une coopération économique et un volet commercial. 1245 Dès 1997, Sir Shridath RAMPHAL, ancien secrétaire général du Commonwealth et promoteur de la première Convention de Lomé au milieu des années 1970, formulait de telles craintes, dans le contexte des premières réflexions sur de nécessaires changements des conventions de Lomé. Voir, RAMPHAL (S.), « Pourquoi les ACP doivent rester unis », Le Courrier ACP, n° 166, novembre-décembre 1997, pp. 7-8. 1246 LABOUZ (M.-F.), « L’Union européenne et l’ALENA », in DORMOY (D.) (dir.), l’UE et les organisations internationales, Bruxelles, Bruylant, 1997, 460 p., spéc. pp. 151-178. 431 L’alignement du régime juridique des anciens partenaires dits « privilégiés » – les Caribéens – sur celui des partenaires non privilégiés à savoir ceux d’Amérique latine, n’est pas réalisé. La différence des régimes applicables aux uns et aux autres, reste marquée. Enfin, du côté de l’Union européenne, l’utilisation combinée ou isolée des anciens articles 300 TCE, 310 TCE, 133 TCE, et 181A TCE1247, comme bases juridiques des accords, n’est pas suffisamment probante pour démonter une uniformisation juridique. Certes, sur le plan matériel, les accords négociés en Amérique latine latine et dans les Caraïbes depuis 2000 comprennent pour la plupart une clause relative à la protection des droits de l’homme, à la démocratie, à l’Etat de droit. Qualifiés d’éléments essentiels1248, ces principes démocratiques sont donc susceptibles de sanctions en cas de violation. Pour autant, ils sont présents également dans les relations extérieures de l’Union avec d’autres parties du monde. De sorte que leur présence met surtout en évidence la volonté européenne de promouvoir ses valeurs dans d’autres pays ou régions. Il s’agit là, d’un des objectifs généraux de son action extérieure, clairement formulé depuis le Traité de Lisbonne1249. Par ailleurs, la clause de participation des acteurs non étatiques se trouve dans la majorité des accords avec l’Amérique latine et les Caraïbes, sans doute pour doter le processus de restructuration d’une certaine légitimité démocratique. Concomitamment, au plan intra-communautaire, et d’un point de vue procédural, les rédacteurs du Traité de Lisbonne augmentent les pouvoirs du Parlement européen, dans la procédure de négociation et de conclusion des accords externes. Ceci devrait contribuer à doter la restructuration des relations, notamment avec l’Amérique latine et les Caraïbes, de davantage de légitimité démocratique. En effet, avant toute décision du Conseil de conclure un accord externe, « l’approbation »1250 ou au moins la « consultation »1251 du Parlement européen, sont nécessaires. L’exception concernant les accords commerciaux est supprimée dans les nouveaux articles 207 § 3 et 218 §6 du TFUE. Les accords à conclure – à savoir autant 1247 Respectivement, devenus : article 218 du TFUE concernant la procédure de droit commun pour négocier et conclure des accords externes, article 217 TFUE relatif aux accords d’association, article 207 TFUE relatif à la conclusion d’accords commerciaux, et article 212 TFUE sur la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers. 1248 Par exemple, dans l’Accord de Cotonou, article 9 §2, alinéa 4, JOCE, n° L 137, du 15.12.200 0, p.3 ; Accord de Partenariat Economique UE/CARIFORUM, article 2 §1, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 3; dans l’accord de dialogue politique et de coopération avec la CAN et ses pays membres, article 1 §1, COM (2003) 695 final signé le 15.12.2003; dans l’accord de dialogue politique et de coopération avec les Etats d’Amérique centrale, article 1 §1, COM (2003) 677 final signé le 15.12.2003 . 1249 Traité sur l’Union européenne révisé par le traité de Lisbonne, article 21 §2 lettre b). 1250 Le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, l’article 218 §6 a) tend à consacrer l’extension du champ de l’avis conforme, au-delà, des accords d’association et des trois autres catégories d’accords prévus dans l’ex-article 300 §3 TCE. 1251 Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, article 218 §6 b). 432 l’accord d’association avec les pays d’Amérique centrale, que l’accord commercial avec quelques pays membres de la Communauté andine, tous deux négociés en mai 20101252 – sont concernés par les changements de la procédure de conclusion des accords externes. Pour autant, la prégnance de la dimension commerciale des relations est flagrante. Au niveau commercial, l’analyse met en exergue que l’on s’achemine vers la multiplication de zones de libre-échange avec l’ensemble des pays voire avec des organisations régionales de l’aire constituée de l’Amérique latine et des Caraïbes et ce, en dépit des divergences d’intérêts économiques des régions concernées. Mis en perspective, chaque accord interrégional prévoit ou devrait prévoir, au nom de l’adaptation à la mondialisation, la création de futures zones de libre échange. Ces dernières représentent une des voies – avec le multilatéralisme – de la libéralisation des échanges, reconnue compatible, et tolérée par l’Organisation mondiale du commerce. Ainsi, paradoxalement, c’est sur le terrain commercial que se concrétise le mieux, la tendance à l’harmonisation, malgré la concurrence commerciale qui oppose les protagonistes. Finalement, on constate que la volonté affichée de dépasser les préoccupations commerciales – nécessairement réformées, eu égard à des contraintes juridiques acceptées et à des choix politiques – n’exclut pas une attention soutenue à ce domaine. Il apparaît par conséquent que la mutation des relations antérieures, notamment par la voie juridique y compris conventionnelle, est une façon de faire accepter, sous couleur de partenariat stratégique, grâce à des aspects non strictement commerciaux, une remise en cause des relations commerciales antérieures. Somme toute, la stratégie de l’Union européenne apparaît de plus en plus tributaire des objectifs de l’OMC. Certes, le cadre multilatéral définit les règles applicables en cas de constitution d’une zone de libre échange, ce qui limite la marge de manœuvre de l’Union. Pourtant, l’Union européenne et ses alliés n’entendent pas faire de la coopération au développement prévue dans les accords euro-caribéen et euro-sud américains, un moyen subsidiaire de l’intégration dans l’économie mondiale. Néanmoins, les nouveaux instruments conventionnels pourraient conduire à des zones de libre échange interrégionales, dont les effets en pratique contredisent la vocation du « partenariat stratégique » d’aboutir à une libéralisation 1252 Voir la clôture attestée des négociations relatives aux accords d’association entre l’Union européenne et les pays membres d’Amérique centrale , et la fin des négociations relatives à un accord commercial multipartite entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou, lors du sixième Sommet UE-AL-C, Madrid, le 18 mai 2010. Sur le bilan de ce Sommet, Sur le site http://www.latinreporters.com/amlatpol19052010.html, [consulté en juin 2010] ; voir également, Site officiel de la Commission européenne-DG Commerce : http://ec.europa.eu/trade/creating-opportunities/bilateral-relations/regions/andean/index_en.htm http://ec.europa.eu/trade/creating-opportunities/bilateral-relations/regions/central-america/index_en.htm [consultés en septembre 2010] 433 « mutuellement profitable ». Cette perspective fortifie l’idée « d’une Europe qui ne pense que commerce, en regardant fixement la montre OMC (…) »1253. A ce propos, l’un des facteurs de complexité de l’analyse, est que l’approche systémique met en lumière les interactions entre les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce et le projet stratégique européen. Il devient dès lors, difficile de désenchevêtrer totalement les mutations juridiques qui découlent directement du projet stratégique, de celles qui sont des adaptations induites par le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce. Globalement, les accords de la décennie 2000-2010, doivent servir en principe à augmenter tant le poids économique de l’Union européenne, que sa crédibilité internationale1254. Car, la stratégie européenne, au-delà d’une compétition avec les Etats-Unis pour la maîtrise de l’espace géographique constitué de l’Amérique latine et des Caraïbes, au-delà de la satisfaction d’appétits mercantiles, devrait en principe viser à influencer la construction des règles multilatérales à l’Organisation Mondiale du Commerce, dans le sens des principes et des valeurs de l’Union notamment, celle de la solidarité et du respect mutuel entre les peuples posée à l’article 3 §5 du TUE révisé. Or, cette finalité éminemment politique ne pourra être atteinte sans une originalité marquée de l’approche européenne. Dans la mesure où l’Union doit « dans ses relations avec le reste du monde » promouvoir autant « ses valeurs » que « ses intérêts »1255, la véritable équation d’un partenariat externe efficace et réussi, pourrait être la solidarité et le respect mutuel dans la recherche du commerce libre et équitable. C’est en combinant les deux, et non en privilégiant l’un au détriment de l’autre, que l’action extérieure et le rayonnement international de l’Union européenne peuvent croître. 1253 LEFORT (J. - C.), Les négociations commerciales Europe- Afrique, Caraïbes et Pacifique : tendre la main ou bien le poing ? Rapport d’information de l’Assemblée nationale française- délégation pour l’Union européenne, n° 3251, juillet 2006, 344 p., spéc.,p. 120. 1254 BLIN (O.), « La stratégie communautaire dans l’Organisation mondiale du commerce », JDI, n° 1, 2006, pp. 89-125. 1255 TUE révisé, article 3 §5. 434 ANNEXES 435 TABLE DES ANNEXES 436 Annexe 1 : Pays et organisations régionales participant aux Sommets UE/ALC .................. 438 Annexe 2 : Calendrier initial relatif aux différentes étapes devant mener à terme à l'abandon des préférences commerciales prévues par les conventions de Lomé .................................................................................................................. 439 Annexe 3 : Les membres du CARIFORUM signataires de l’APE avec l’Union européenne ......................................................................................................... 440 Annexe 4 : Données économiques du CARIFORUM ........................................................... 441 Annexe 5 : Commerce de marchandises des ACP Caraïbes avec le reste du monde............. 442 Annexe 6 : Evolution du cadre conventionnel des relations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes. ......................................................................................... 443 437 Annexe 1 : Pays et organisations régionales participant aux Sommets UE/ALC Amérique latine (géographie) Caraïbes (géographie) Groupe de RIO* Pays membres du CARIFORUM -Mexique -Chili Pays d’Amérique Centrale -Guatemala -El Salvador -Honduras -Nicaragua -Costa-Rica -Panama Pays membres de la CAN -Venezuela** -Colombie - Equateur -Pérou -Bolivie Pays membres du MERCOSUR -Brésil -Paraguay -Uruguay -Argentine -Cuba -Haïti -Bahamas -Jamaïque -Saint Christophe-et-Nevis -Saint Vincent et les Grenadines -Antigua-et-Barbuda -Belize -Guyana -Rép. Dominicaine -Dominique -Sainte-Lucie -Barbade -Grenada -Trinidad-et -Tobago -Suriname Source: Commission européenne, « La Unión Europea, América Latina y el Caribe: una asociación estratégica », Luxembourg, OPOCE, 2004, 62 p., spéc., p. 4. *Le groupe de RIO, né en 1986, est une enceinte de consultation politique qui traite les sujets d’intérêt commun pour l’Amérique latine et les Caraïbes. **Le Venezuela a quitté la Communauté andine en Avril 2006. 438 Annexe 2 : Calendrier initial relatif aux différentes étapes devant mener à terme à l'abandon des préférences commerciales prévues par les conventions de Lomé Périodes Jusqu'en sept. 2002 Négociations L’UE demande aux autres membres de l’O.M.C. une dérogation lui permettant de maintenir les préférences commerciales jusqu'en 2008*. Régime commercial Préparation des négociations De sept. 2002 au 31 déc. 2007 - L’UE négocie des accords de partenariat Economique (accords de libre échange) avec les pays ACP, par groupes régionaux, ou pays par pays. - L’UE et les pays ACP étudient les possibilités d'accords alternatifs pour les pays non-PMA qui décident que leur situation ne leur permet pas de signer des accords de libre échange. 2004 Maintien avec les pays ACP (sans l'Afrique du sud) des préférences tarifaires non réciproques en vigueur c'est-à-dire le régime de Lomé pour tous les pays ACP – (après l'obtention d'une dérogation de la part de l’OMC). - L’UE et les pays ACP analysent les accords prévus pour s'assurer que le calendrier prévu permet une bonne préparation des négociations 2006 - Fin du régime global "tous ACP" antérieur. - Les pays ACP signataires d’APE ouvrent progressivement leurs marchés aux produits de l’Union européenne. Du 1er janv. 2008 jusqu’en 2018-2020 Mise en oeuvre des nouveaux accords de partenariat économique (APE). - Les PMA qui ont choisi de ne pas conclure d'APE conservent leurs préférences tarifaires nonréciproques au titre du régime « Tout Sauf les Armes »TSA**. - Les non-PMA qui ont choisi de ne pas conclure d'APE relèvent du régime SPG Standard. Mise en place des accords de libre échange*** entre l’Union européenne et les pays ACP signataires d’APE. A partir de 2018-2020 Source : TRIMECH (Z.), « L’Union européenne en quête de puissance-réflexions sur les relations commerciales avec les groupements régionaux », Centre de publication universitaire, Tunis, 2004, spéc. p. 153. *Dérogation obtenue le 14 nov. 2001 lors de la Conférence de Doha (9-14 nov. 2001). **Initiative « Tout Sauf les Armes », Règlement (CE) du Conseil n° 416/2001, du 28.02.2001 modifiant le règlement (CE) n° 2820/98 portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin d'étendre aux produits originaires des pays les moins développés la franchise des droits de douane sans aucune limitation quantitative , JOCE, n° L 60 du 01.03.2001, pp. 43-50. ***Référence aux zones de libre échange prévues dans les accords de partenariat economique (APE). 439 Annexe 3 : Les membres du CARIFORUM signataires de l’APE avec l’Union européenne Membres du CARIFORUM signataires de l’APE Non-PMA PMA Antigua-et-Barbuda**, les Bahamas, la Barbade, le Belize**, la Dominique**, la République dominicaine*, la Grenade**, le Guyana, la JaHaïti** maïque, Saint-Christophe-et-Nevis**, SainteLucie**, Saint-Vincent-et-les-Grenadines**, le Suriname, ainsi que Trinidad-et-Tobago. Source : par l’auteure * Non membre de la CARICOM ** Less Developped Countries (LDC) de la CARICOM 440 Annexe 4 : Données économiques du CARIFORUM Pays Antigua et Barbuda Superficie km² Population PIB hab. en PPA* Premier secteur générateur de gains en devises 443 698 442 12 500 nd 13 940 307 451 18 380 431 281 968 17 297 Sucre, rhum, pétrole 22 966 301 270 709 Tourisme Dominique 754 72 514 6 393 Tourisme Grenade 344 90 343 7 843 Tourisme Guyana 214 970 770 784 Haïti 27 750 8 924 553 1 663 Vêtements Jamaïque 10 991 2 804 332 4 291 616 172 884 6 707 389 118 432 6 568 Banane 261 39 619 163 270 475 996 Bahamas Barbade Belize Sainte-Lucie Saint-Vincent-et-lesGrenadines Saint-Kitts-et-Nevis Surinamee Produits pharmaceutiques, ciment 4 508 Sucre et bauxite Sucre brut (non raffiné) Tourisme et service bancaire off-shore 13 307 nd 7 722 Bauxite, or, pétrole Pétrole, gaz (et pro- Trinité-et-Tobago 5 128 1 046 366 14 603 duits dérivés de ces matières) Sous-total CARICOM Cuba** République Dominicaine Total CARIFORUM 462 253 16 104 954 9 207 110 860 11 423 952 6 000 Tourisme 48 730 9 507 133 8 217 Tourisme 621 843 37 036 039 8 944 Source : extrait de TAUBIRA (Ch.), Les APE entre l’UE et les pays ACP. Et si la politique se mêlait enfin des affaires du monde ?, Rapport à M. le président de la République, 16.06.2008, 204 p., spéc., p.180. * PPA : Parité de Pouvoir d’Achat ** non signataire de l’APE UE-CARIFORUM 441 Annexe 5 : Commerce de marchandises des ACP Caraïbes avec le reste du monde Autres 28% Etats-Unis 53% Union européenne 19% Principaux partenaires de la Caraïbe pour les exportations Trinidad et Vénézuela Tobago 5% Japon 5% 5% Etats-Unis 37% Brésil 7% Union européenne 13% Autres 28% Principaux partenaires de la Caraïbe pour les importations Source : Commission européenne - DG Commerce - http://ec.europa.eu/trade/index_en.htm 442 Annexe 6 : Evolution du cadre conventionnel des relations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Source : par l’auteure de cette thèse Accords initiaux (période 1990-2000) Accord interrégional de coopération UE MERCOSUR signé le 15.12.1995 et entré en vigueur le 1er.07.1999 MERCOSUR Réf. : JOCE, n° L69, 19.03.1996, p.1 ; JOCE, n° L112, 23.04.1999, p. 65 ; JOCE, n° L112, 29.04.1999, p. 62 CAN Accord-cadre de coopération signé le 23.04.1993 et entré en vigueur le 1.05.1998 Réf. : JOCE, n° L127, 29.04.1998, p. 10 Amérique Centrale (SICA) Accord-cadre de coopération signé le 22.02.1993, et entré en vigueur le 01.03.1999 Réf. : JOCE, n° L63, 12.03.1999, p. 38 Base(s) juridique(s) Ex-articles 113 et 130Y TCE Ex-articles 113 et 130 Y et 228 §2§3 al.1 TCE Exarticles 113 et 130 Y et 228 §2- §3 al.1 TCE Accord de Cotonou signé le 15.12.2000 CARAÏBES Réf. : JOCE, n° L317, 15.12.2000, p. 1 ; (et modifications) : JOUE, n° L287, 11.08.2005, p. 27 ; JOUE, n° L287, 4.11.2010, p. 1. (article 310 TCE) Mutations conventionnelles à partir de 2000 Ouverture des négociations pour accord d’association UE MERCOSUR (1er septembre 2000) Commentaire : 1er calendrier → cf. directives de négoc. approuvées par le Conseil le 13/09/99. 2ème calendrier → élaboré le 12/11/03 lors de la réunion ministérielle UEMERCOSUR Accord de dialogue politique et de coopération UE - CAN, signé le 15.12.2003 Réf. : COM (2003) 695 final Commentaire : en cours de ratification Accord de dialogue politique et de coopération UE - SICA, signé le 15.12.2003 Réf. : COM (2003) 677 final Commentaire : en cours de ratification Ouverture des négociations d’Accords de Partenariat Economique (APE) → négociations APE CARIFORUM-UE débutées le 16.04.2004 à Kingston (Jamaïque) Commentaire : - mandat de négociations par le Conseil le 12 juin 2002 (point 3.1)* 443 Base(s) juridique(s) Accords de « quatrième génération » Articles 181 TCE (devenu 211 TFUE) et 300 §2 al. 1 (devenu 218 TFUE) Accord commercial tripartite UE, Colombie, Pérou Paraphé en mars 2011 Commentaire : non publié au JOUE Accord d’association UE-AC, Paraphé en mars 2011 Commentaire : non publié au JOUE Articles 181 TCE (devenu 211 TFUE) et 300 §2 al. 1(devenu 218 TFUE) Articles 133 §1-§5 TCE (devenu 207 TFUE), 181 TCE, et 57 §2 TCE (devenu 64 §2 TFUE) Accord de Partenariat Economique entre la CE et ses Etats membres, et les pays du CARIFORUM -signature « au nom de la CE », le 15.07.2008, JOUE, n° L289, 30.10.2008, p.1. -décision d’application provisoire de l’APE, JOUE, n° L352, 31.12.2008, p.62. Perspective dans l’optique d’un « partenariat stratégique » RESEAU D’ACCORDS DE ZONES DE LIBREECHANGE (ZLE) INTERREGIONALES : AMERIQUE LATINE CARAÏBES BIBLIOGRAPHIE 444 TABLE DES MATIERES DE LA BIBLIOGRAPHIE 445 I. MANUELS ET OUVRAGES GENERAUX _________________________________________ 448 A. Sciences juridiques ............................................................................................................................................ 448 B. Recueils de textes et de jurisprudence ............................................................................................................... 450 C. Autres disciplines .............................................................................................................................................. 451 D. Dictionnaires et lexiques ................................................................................................................................... 452 II. OUVRAGES SPECIALISES _____________________________________________________ 453 III. ACTES DE COLLOQUES ET DE JOURNEES D’ETUDE ____________________________ 455 IV. THESES ET MEMOIRES _______________________________________________________ 457 A. Thèses de doctorat ............................................................................................................................................. 457 B. Mémoires de troisième cycle ............................................................................................................................. 458 V. CONTRIBUTIONS A DES OUVRAGES COLLECTIFS ET A DES MELANGES ________ 460 A. Ouvrages collectifs ............................................................................................................................................ 460 B. Mélanges ........................................................................................................................................................... 461 VI. ARTICLES DE REVUES ET PERIODIQUES ______________________________________ 462 A. En langue française ........................................................................................................................................... 462 B. En langue étrangère ........................................................................................................................................... 467 C. Dossiers spéciaux .............................................................................................................................................. 469 VII. ARTICLES SUR INTERNET ____________________________________________________ 470 VIII. RAPPORTS ___________________________________________________________________ 474 IX. DOCUMENTS OFFICIELS DU GATT ET DE L’OMC ______________________________ 476 A. Document des Parties Contractantes du GATT de 1947 ................................................................................... 476 B. Documents issus des organes de l’Organisation Mondiale du Commerce ........................................................ 476 1. Conférence ministérielle............................................................................................................................... 476 2. Conseil général ............................................................................................................................................. 476 3. Secrétariat général ........................................................................................................................................ 476 4. Groupe de négociations sur les règles .......................................................................................................... 476 5. Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) .............................................................................. 477 C. Documents relatifs au règlement des différends GATT/OMC .......................................................................... 477 X. DOCUMENTS OFFICIELS DE L’UNION EUROPEENNE ET DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE _____________________________________________________________________ 478 A. Traités constitutifs et modificatifs ..................................................................................................................... 478 B. Accords externes de la CE et ses Etats membres .............................................................................................. 479 1. Avec des pays ou organisations régionales en Amérique latine ................................................................... 479 2. Avec les Etats d’Afrique (avant convention de Lomé I) ............................................................................. 480 3. Avec les Etats ACP et avec les pays membres du CARIFORUM ................................................................ 480 4. Accords sur le commerce des bananes ......................................................................................................... 481 5. Actes d’organes mixtes de coopération ACP/CE ......................................................................................... 481 C. Droit dérivé ....................................................................................................................................................... 482 1. Actes du Parlement européen et du Conseil ................................................................................................. 482 2. Actes du Conseil........................................................................................................................................... 482 3. Actes de la Commission européenne ............................................................................................................ 486 4. Actes du Parlement européen (Décision, Résolutions, Avis, Rapports) ....................................................... 487 D. Travaux préparatoires........................................................................................................................................ 488 446 E. Publications de la Commission européenne ...................................................................................................... 491 XI. JURISPRUDENCE _____________________________________________________________ 493 XII. DOCUMENTS OFFICIELS D’AUTRES ORGANISATIONS REGIONALES D’INTEGRATION ECONOMIQUE ____________________________________________________ 494 A. Marché Commun du Sud ou MERCOSUR ....................................................................................................... 494 1. Traités institutif et modificatif ...................................................................................................................... 494 2. Acte relatif à l’adhésion de nouveaux membres ........................................................................................... 494 3. Accord externe ............................................................................................................................................. 494 4. Droit dérivé .................................................................................................................................................. 494 B. Système d’Intégration Centre-Américain ou SICA ........................................................................................... 494 C. Communauté Andine des Nations ou CAN ....................................................................................................... 495 1. Traités institutif et modificatif ...................................................................................................................... 495 2. Droit dérivé .................................................................................................................................................. 495 D. Communauté et Marché commun des Caraïbes ou CARICOM ........................................................................ 495 1. Traités institutif et modificatif ...................................................................................................................... 495 2. Rapport (s).................................................................................................................................................... 495 XIII. DOCUMENTS OFFICIELS DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE _____________________ 497 A. Lois et Décret(s) ................................................................................................................................................ 497 B. Rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat ................................................................................................. 497 C. Autres Rapports................................................................................................................................................. 498 XIV. DOCUMENTS D’ONG __________________________________________________________ 499 XV. SITES INTERNET _____________________________________________________________ 500 XVI. PRESSE ______________________________________________________________________ 502 447 I. MANUELS ET OUVRAGES GENERAUX A. Sciences juridiques ATTAR (F.), Le droit international entre ordre et chaos, Paris, Hachette, 1994, 583 p. BLUMANN (C.), DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Litec, 2004, 494 p. 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Document des Parties Contractantes du GATT de 1947 Accord Général sur les Traifs Douaniers et le Commerce, (GATT de 1947 issu du chapitre sur la politique commerciale de la Charte de la Havane, articles I à XXXVIII), signé le 30.10.1947, entré en vigueur le 30.06.1948 par Protocole d’application provisoire. Texte intégral : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47_01_f.htm Décision des Parties Contractantes du GATT du 28.11.1979, Traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des pays en développement, L 4903, 3.12.1979, IBDD, S/26, mars 1980, pp. 223-225. M. Documents issus des organes de l’Organisation Mondiale du Commerce 1. Conférence ministérielle Décision de la Conférence ministérielle de l’OMC, « Communautés européennes – L’accord de partenariat ACP-CE », WT/MIN (01)/15 du 14.11.2001, accordant à la Communauté européenne une dérogation. Décision de la Conférence ministérielle, quatrième session, Doha 9-14 novembre 2001, WT/MIN (01)/DE/1, du 20 novembre 2001. Déclaration ministérielle, Programme de travail de Doha, adopté le 18.12.2005, WT/MIN(05)/DEC, 22.12.2005. 2. Conseil général Décision du Conseil général, créant le Comité des accords commerciaux régionaux (CACR), WT/L/127 du 6.02.1996. Décision du Conseil général, « Mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux », WT/L/671, 14.12.2006. OMC, Conseil général, « Accord de Genève sur le commerce des bananes », Communication présentée par le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, la République bolivarienne du Venezuela et l’Union eropéenne, WT/L/784, du 15.12.2009. 3. Secrétariat général Secrétariat général, « Le régionalisme et le système commercial mondial », Etude, Genève, OMC, 1996, 107 p. 4. Groupe de négociations sur les règles 476 Groupe de négociations sur les règles, « Inventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux », Note d’information établie par le Secrétariat – Révision, TN/RL/W/8/Rev.1,1.08.2002. Groupe de négociations sur les règles, Communication du président du Groupe des négociations sur les règles, M. VALLES GALMẾS, concernant : « l’Etat d’avancement des négociations sur les accords commerciaux régionaux », TN/RL/25, 6.05.2010. 5. Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) Comité des accords commerciaux régionaux, « Synopsis des questions systémiques relatives aux accords commerciaux régionaux », Note du Secrétariat, WT/REG/W/37, 2.03.2000. Comité des accords commerciaux régionaux, « Champ d’application, Processus de libéralisation, et dispositions transitoires des accords commerciaux régionaux », Etude de base du Secrétariat, WT/REG/W/45, 5.04.2002. Comité des accords commerciaux régionaux, « Champ d’application, Processus de libéralisation et dispositions transitoires des accords commerciaux régionaux », Etude de base du Secrétariat, WT/REG/W/46, 5.04.2002. N. Documents relatifs au règlement des différends GATT/OMC Rapport du Groupe spécial du GATT, « Groupe spécial des restrictions quantitatives à l'importation de certains produits en provenance de Hong Kong », adopté le 12 .07.1983, L/5511 (IBDD, 30S /135382). Rapport du Groupe spécial, « CEE – Régime d’importation applicables aux bananes dans les Etats membres », WT/DS32/R, du 3.06.1993. Rapport du Groupe spécial, « Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements », WT/DS34/R, distribué le 31.05.1999 et adopté le 19.11.1999. Rapport de l’Organe d’appel, « Turquie – Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements », WT/DS34/AB/R, distribué le 22.10.1999et adopté le 19.11.1999. Rapport de l’Organe d’appel, « Argentine – Mesures de sauvegarde à l’importation de chaussures », WT/DS121/AB/R, 14.12.1999. Rapport de l’Organe d’appel, « États-Unis – Mesures de sauvegarde définitives à l'importation de tubes et tuyaux de qualité carbone soudés, de section circulaire, en provenance de Corée », WT/DS202/AB/R, le 15.02.2002, adopté le 8.03.2002. Rapport du Groupe spécial, « Communautés européennes – Conditions d'octroi de préférences tarifaires aux pays en développement », WT/DS246/R, 1.12.2003. Rapport de l’organe d’appel, « Communautés européennes – Conditions d'octroi de préférences tarifaires aux pays en développement », WT/DS246/AB/ R, du 7.04.2004. Décision de l'arbitre, « Communautés européennes – Conditions d'octroi de préférences tarifaires aux pays en développement », Arbitrage au titre de l'article 21:3 c), WT/DS246/14, 20.09.2004. 477 X. DOCUMENTS OFFICIELS DE L’UNION EUROPEENNE ET DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE O. Traités constitutifs et modificatifs Traités constitutifs Traité instituant la Communauté Economique Européenne, dans Mémorial du Grand-Duché de Luxembourg, 3.12.1957, n° 69, pp. 1416-1477. Traité instituant la Communauté Européenne de l’Energie Atomique, dans Mémorial du Grand-Duché de Luxembourg, 3.12.1957, n° 69, pp. 1546-1595. Traité sur l’Union européenne du 7.02.1992, JOCE, n° C 191 du 29.07.1992, p. 1. (Voir les versions consolidées suivantes : JOCE, n° C 340 du 10.11.1997, p.1 les modifications apportées par le Traité d’Amsterdam ; JOCE, n° C 325 du 24.12.2002, p. 5 contenant les modifications apportées par le Traité de Nice du 26.02.2001, entré en vigueur le 1.02.2003 ; version contenant les modifications introduites par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1.12.2009, JOUE, n° C 83 du 30.03.2010, p. 13). Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, JOUE, n° C 303 du 14.12.2007, p. 1. Traités modificatifs Acte unique européen (1986), signé les 17 et 28.02.1986, entré en vigueur le 1.07.1987, JOCE, n° L 169 du 29.06.1987, p. 1. Traité d’Amsterdam, signé le 2.10.1997, entré en vigueur 1.05.1999, JOCE, n° C 340 du 10.11.1997, p. 1. Traité de Nice, signé le 26.02.2001, entré en vigueur 1.02.2003, JOCE, n° C 80 du 10.03.2001, p. 1. Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13.12.2007, JOUE, n° C 306 du 17.12. 2007, p. 1. (Versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, JOUE, n° C 83 du 30.03.2010, p. 1.). Autre Traité Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JOUE, n° C 310 du 16.12.2004, p. 1. Actes relatifs aux adhésions de dix nouveaux membres Actes relatifs à l’adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, JOUE, n° L 236, du 23.09.2003, p. 3. Actes relatifs à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, JOUE, n° L 157, du 21.06.2005, p. 3. 478 P. Accords externes de la CE et ses Etats membres 6. Avec des pays ou organisations régionales en Amérique latine Accords bilatéraux Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République argentine, JOCE, n° L 249 du 10.11.1971, p. 19. Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République orientale de l’Uruguay, JOCE, n° L 333 du 4.12.1973, p. 2. Accord commercial entre la Communauté Economique Européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 102 du 11.04.1974, p. 24. Accord entre la Communauté Economique Européenne et les Etats-Unis du Mexique, JOCE, n° L 247 du 23.09.1975, p. 11. Accord-cadre de coopération commerciale et économique entre la Communauté Economique Européenne et la République argentine, JOCE, n° L 295, 26.10.1990, p. 67. Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République orientale de l'Uruguay, JOCE n° L 94, 8.04.1992, p. 2. Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République du Paraguay, JOCE, n° L 313 du 30.10.1992, p. 72. Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 262 du 1.11.1995, p. 54. Accord-cadre de coopération devant conduire à l’établissement d’une association économique et politique entre la Communauté Européenne et ses Etats-membres d’une part, et la République du Chili, d’autre part, JOCE, n° L 209 du 19.08.1996, p. 5. Accord sectoriel entre la Communauté Européenne et la République du Chili relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, JOCE, n° L 336 du 11.12.1998, p. 46. Accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, JOCE, n° L 42 du 16.02.1999, p. 47. Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Etats-Unis mexicains, d’autre part, JOCE, n° L 276, 28.10.2000, p. 45. Accord établissant une association entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre part, JOCE, n° L 352, 30.12. 2002, p. 3. Accords interrégionaux Accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Européenne et, d'autre part, l'accord de Carthagène et ses pays membres, Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela », JOCE, n° L 153 du 8.06.1984, p. 2. 479 Accord de coopération entre, d'une part, la Communauté Economique Européenne et, d'autre part, les pays parties au traité général d'intégration économique centre-américaine (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua) ainsi que Panama, JOCE, n° L 172 du 30.06.1986, p. 2. Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, JOCE, n° L 63, du 12.03.1999, p. 39. Accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et l'Accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l'Équateur, la République du Pérou et la République du Venezuela, JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 11. Accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché Commun du Sud et ses Etats parties, d’autre part, JOCE, n° L 112, du 29.04.1999, p. 66. Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les Républiques de Bolivie, de Colombie, de l’Equateur, du Pérou et la République bolivarienne du Venezuela, d’autre part, COM (2003) 695 final, du 14.11.2003, 36 p. Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, du Panama, d’autre part, COM (2003) 677 final, du 14.11.2003, 36 p. 7. Avec les Etats d’Afrique (avant convention de Lomé I) Convention d’association entre la Communauté Economique Européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° 93, 11.07.1964, p. 1431. (Yaoundé I). Convention d’association entre la Communauté Economique Européenne et les Etats Africains et Malgache Associés à cette Communauté, JOCE, n° L 282, du 28.12.1970, p. 2. (Yaoundé II). Accord créant une association entre la Communauté Economique Européenne et la République unie de Tanzanie, la République de l’Ouganda et la République du Kenya, JOCE, n° L 282, du 28.12.1970, p. 55. (Convention d’Arusha). 8. Avec les Etats ACP et avec les pays membres du CARIFORUM Conventions et accord ACP-CE Convention ACP-CEE de Lomé, signée à Lomé le 25.02.1975, JOCE, n° L 25 du 30.01.1976, p. 2. Deuxième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 31.10.1979, JOCE, n° L 347 du 22.12.1980, p. 2. 480 Troisième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 8.12.1984, JOCE, n° L 86 du 31.03.1986, p. 3. Quatrième Convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15.12.1989, JOCE, n° L 229 du 17.03.1991, p. 3. Accord portant modification de la quatrième Convention ACP-CE de Lomé, signé à Maurice le 4.11.1995, JOCE, n° L 156 du 29.05.1998, p. 3. Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou, le 23.06.2000, JOCE, n° L 317, 15.12.2000, p. 3. Accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209 du 11.08.2005, p. 27. Accord modifiant, pour la deuxième fois, l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois, à Luxembourg le 25.06.2005, JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, p. 3. Accord(s) de Partenariat Economique et Accords d’étape Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10.2008, p. 3. Accord d’étape vers un accord de Partenariat Economique entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et la partie Afrique centrale, JOUE, n° L 57, du 28.02.2009, p. 2. Accord de Partenariat Economique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE n° L 59 du 3.03.2009, p. 3. 9. Accords sur le commerce des bananes Accord de Genève sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou et le Venezuela, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010, pp. 3-5. Accord sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010, pp. 6-7. 10.Actes d’organes mixtes de coopération ACP/CE Décision n° 5/2005du Conseil des ministres ACP-CE du 25.06.2005, concernant des mesures transitoires applicables de la date de la signature, à la date d’entrée en vigueur de l’Accord de partenariat ACP-CE révisé (2005/750/CE), JOUE, n° L 287 du 28.10.2005, p.1. Décision n° 1/2006 du Conseil des ministres ACP-CE du 2.06.2006, précisant le cadre financier pluriannuel pour la période 2008-2013 et modifiant l’accord de partenariat ACP-CE révisé, JOUE, n° L 247 du 9.09.2006, p. 22. 481 Q. Droit dérivé 11.Actes du Parlement européen et du Conseil Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil, n°2130/2001, du 29.10.2001, relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Amérique latine et d'Asie, JOCE, n° L 287 du 31.10.2001, p. 3. Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil, n° 107/2005 du 12.01.2005, JOUE, n° L 23 du 26.01.05, p. 1, modifiant le règlement (CE) n ° 2130/2001 relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Asie et d'Amérique latine. Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1638/2006, du 24.10.2006 arrêtant des dispositions générales instituant un instrument financier européen de voisinage et de partenariat, JOUE, n° L 310 du 9.11.2006, p. 1. Règlement (CE) n° 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18.12.2006, portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement, JOUE, n° L 378 du 27.12.2006, p. 41. Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1889/2006 du 20.12.2006, portant création d’un instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde, entré en vigueur le 30.12.2006 expirant le 30.12.2013, JOUE, n° L 386 du 29.12.2006, p. 1. Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1905/2006 instaurant un nouvel instrument de financement de coopération au développement pour la période du 28.12.2006 au 31.12.2013, JOUE, n° L 378, du 27.12.2006, p. 41. 12.Actes du Conseil Règlements du Conseil concernant les bananes, le riz, le sucre Règlement (CEE) du Conseil n° 404/93 du 13.02.1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, JOCE, n° L 47 du 25.02.1993, pp. 1-11. Règlement (CE) du Conseil n° 216/2001 du 29.01.2001, JOCE, n° L 31, du 2.02.2001, p. 2, modifiant le règlement du Conseil n° 404/93 du 13.02.1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. Règlement (CE) du Conseil n° 1260/2001, du 19.06.2001, portant organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur du sucre, JOCE, n° L 178 du 30.06.2001, p. 1. Règlement (CE) n° 1785/2003 du Conseil du 29.09.2003, portant organisation commune du marché du riz, JOUE, n° L 270 du 21.10.2003, p. 96-113 ; modifié par le règlement (CE) n° 797/2006, JOUE, n° L 144 du 31.05.2006, p. 1. Règlement (CE) du Conseil n° 1964/2005 du 29.11.2005, concernant les taux de droit applicables aux bananes, JOUE, n° L 316 du 2.12.2005, p. 1. Règlement (CE) du Conseil n° 318/2006 du 20.02.2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, JOUE, n° L 58, du 28.02.2006, p. 1. 482 Règlement (CE) du Conseil n° 2013/2006 du 19.12.2006 modifiant les règlements (CEE) n° 404/93, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 247/2006 en ce qui concerne le secteur de la banane, JOUE, n° L 384 du 29.12.2006, p. 13. Règlements du Conseil sur la mise en œuvre de certaines dispositions de l’APE UE-CARIFORUM Règlement (CE) du Conseil n° 1528/2007 du 20.12.2007, appliquant aux produits originaires de certains Etats appartenant au groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariat économique, JOUE, n° L 348 du 31.12.2007, pp. 1-154. Règlement créant une OCM unique Règlement (CE) du Conseil n°1234/2007 du 22.10.2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique»), JOUE, n° L 299 du 16.11.2007, pp. 1-149. (Voir également le rectificatif au règlement OCM unique n° 1234/2007, JOUE, n° L 144 du 9.6.2009, p. 27.) Règlements relatifs à certains instruments financiers d’aide au développement Règlement (CEE) du Conseil n° 443/92 du 25.02.1992 relatif à l’aide financière et technique et à la coopération économique avec les pays en développement d’Amérique latine et d’Asie, JOCE, n° L 52 du 27.02.1992, p. 1. Règlement financier du 27.03.2003 applicable au 9ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 83, du 1.04.2003, p. 1. Règlement (CE) n° 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18.12.2006, portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement, entré en vigueur le 1er janvier 2007, JOUE, n° L 378, du 27.12.2006, p. 41. Règlement (CE) n° 309/2007 du Conseil du 19.03.2007 modifiant le règlement financier du 27 mars 2003applicable au 9ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 82 du 23.03.2007, p. 1. Règlement (CE) n° 215/2008 du Conseil du 18.02.2008 portant règlement financier applicable au 10ème Fonds européen de développement, JOUE, n° L 78 du 19.03.2008, p. 1. Règlements sur les schémas de préférences généralisées/SPG+ Règlement CEE du Conseil n° 3835/90, du 20.12.1990, modifiant les règlements (CEE) nº 3831/90, (CEE) nº 3832/90 et (CEE) nº 3833/90 en ce qui concerne le régime de préférences tarifaires généralisées appliqué à certains produits originaires de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou, JOCE, n° L 370 du 31.12.1990, p. 126. Règlement (CE) du Conseil n° 416/2001, du 28.02.2001 modifiant le règlement (CE) n° 2820/98 portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin d'étendre aux produits originaires des pays les moins développés la franchise des droits de douane sans aucune limitation quantitative , JOCE, n° L 60 du 01.03.2001, p. 43. 483 Règlement (CE) du Conseil n° 2501/2001 du 10.12.2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, JOCE, n° L 346 du 31.12.2001 p.1. Règlement (CE) n° 980/2005 du 27.06.2005, portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées, JOUE, n° L 169 du 30.06.2005, p. 1. Règlement (CE) du Conseil n° 55/2008 du 21.01.2008, introduisant des préférences commerciales autonomes pour la République de Moldova et modifiant le règlement (CE) n° 980/2005, JOUE, n° L 20 du 24.1.2008, pp. 1. Règlement (CE) du Conseil n° 732/2008 du 22.07.2008, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1.01.2009 au 31.12.2011, et modifiant les règlements (CE) n° 552/97 et (CE) n° 1933/2006, ainsi que les règlements de la Commission (CE) n° 1100/2006 et (CE) n° 964/2007, JOUE, n° L 211 du 6.08.2008, p. 1. Autres règlements Règlement (CE) du Conseil n° 1362/2000, du 29.06.2000, mettant en œuvre pour la Communauté les dispositions tarifaires de la décision n° 2/2000 arrêtée par le Conseil conjoint dans le cadre de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne et les États-Unis du Mexique, JOCE, n° L 157 du 30.06.2000, pp. 1-5. Règlement (CE) n° 461/2004 du Conseil du 8.03.2004 modifiant le règlement (CE) n° 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne et le règlement (CE) n° 2026/97 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne, JOUE, n° L 77 du 13.03.2004, p. 12. Décisions du Conseil Décision du Conseil n° 90/530/CEE du 8.10.1990 concernant la conclusion de l’accord-cadre de coopération commerciale et économique entre la Communauté Economique Européenne et la République argentine, JOCE, n° L 295, 26.10.1990, p. 66. Décision du Conseil n° 92/205/CEE du 16.03.1992 concernant la conclusion de l’accordcadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République orientale de l'Uruguay, JOCE, n° 94, 8.04.1992, p. 1. Décision du Conseil n° 92/509/CEE du 19.10.1992 concernant la conclusion de l’accordcadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République du Paraguay, JOCE, n° L 313 du 30.10.1992, p. 71. Décision du Conseil n° 95/445/CE du 30.10.1995 concernant la conclusion de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et la République fédérative du Brésil, JOCE, n° L 262 du 1.11.1995, p. 53. Décision du Conseil n° 96/205/CE du 20.11.1995, concernant l’application provisoire de certaines dispositions de l’accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses Etats parties, d’autre part, JOCE, n° L 69 du 19.03.1996, p. 1. 484 Décision du Conseil n° 98/278/CE du 7.04.1998, concernant la conclusion de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et l’Accord de Carthagène et ses pays membres, la République de Bolivie, la République de Colombie, la République de l’Equateur, la République du Pérou et la République du Venezuela, JOCE, n° L 127 du 29.04.1998, p. 10. Décision du Conseil n° 1999/127/CE du 25.01.1999 relative à la conclusion de l’accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté Européenne et ses Etats-membres d’une part, et la République du Chili, d’autre part, JOCE, n° L 42 du 16.02.1999, p. 46. Décision du Conseil n° 99/194/CE du 22.02.1999, concernant la conclusion de l’accord-cadre de coopération entre la Communauté Economique Européenne et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, JOCE, n° L 63 du 12.03.1999, p. 38. Décision du Conseil n° 1999/279/CE du 22.03.1999, concernant la conclusion au nom de la Communauté Européenne, de l’accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses Etats parties, d’autre part, JOCE, n° L 112 du 29.04.1999, p. 65. Décision du Conseil n° 2000/658/CE du 28.09.2000, relative à la conclusion de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Etats-Unis du Mexique, d’autre part, JOCE, n° L 276 du 28.10.2000, p. 44. Décision du Conseil n° 2002/979/CE du 18.11.2002 relative à la signature et à l’application provisoire de certaines dispositions d'un accord établissant une association entre la Communauté Européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, JOCE, n° L 352 du 30.12.2002, p. 1. Décision du Conseil n° 2003/159/CE du 19.12.2002, concernant la conclusion de l’accord de partenariat entre les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, JOCE, n° L 65 du 8.03.2003, p. 27. Décision du Conseil n° 2005/106/CE du 22.11.2004, relative à la signature et à l’application d’un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté Européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats membres, JOUE, n° L 38 du 10.02.2005, p. 1. Décision du Conseil n° 2005/599/CE du 21.06.2005 concernant la signature, au nom de la Communauté Européenne, de l’accord modifiant l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23.06.2000, JOUE, n° L 209, du 11.08.2005, p. 26. Décision du Conseil n° 2008/373/CE du 28.04.2008 concernant la conclusion de l'accord modifiant l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, JOUE, n° L 129 du 17.05.2008, p. 44. 485 Décision du Conseil n° 2008/805/CE du 15.07.2008 relative à la signature et l’application provisoire de l’Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etas membres, d’autre part, JOUE, n° L 289 du 30.10. 2008, p. 1. Décision du Conseil n° 2009/152/CE du 20.11.2008 relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord d’étape vers un accord de Partenariat Economique entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’une part, et la partie Afrique centrale, JOUE, n° L 57, du 28.02.2009, p. 1. Décision du Conseil n° 2009/156/CE du 21.11.2008 relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de Partenariat Economique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d'autre part, JOUE, n° L 59 du 3.03.2009, p. 1. Décision du Conseil n° 2010/314/UE du 10.05.2010 relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de Genève sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Pérou et le Venezuela, et d’un accord sur le commerce des bananes entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, JOUE, n° L 141 du 9.06.2010, p. 1. Décision du Conseil n° 2010/648/UE du 14.05.2010, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de l’accord modifiant, pour la deuxième fois, l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté Européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005, JOUE, n° L 287 du 4.11.2010, p. 1. 13.Actes de la Commission européenne Règlement (CE) de la Commission Règlement (CE) de la Commission n° 1529/2007 du 21.12.2007, portant ouverture et mode de gestion pour les années 2008 et 2009 des contingents d’importation de riz originaire des États ACP qui font partie de la région CARIFORUM et des pays et territoires d’outre-mer (PTOM), JOUE, n° L 348 du 31.12.2007, p. 155. Décisions de la Commission Décision de la Commission 2008/938/CE du 9.12.2008 relative à la liste des pays bénéficiaires qui ont droit au régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, prévu par le règlement (CE) n° 732/2008 du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 334 du 12.12.2008, p. 90. Décision de la Commission 2009/454/CE du 11.06.2009, modifiant la décision 2008/938/CE relative à la liste des pays bénéficiaires qui ont droit au régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, prévu par le règlement (CE) n° 732/2008 du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, JOUE, n° L 149 du 12.06.2009, p. 78. 486 14.Actes du Parlement européen (Décision, Résolutions, Avis, Rapports) Décision sur la composition numérique du Parlement européen à EUROLAT Décision du Parlement européen du 22 mai 2007 sur la constitution et la composition numérique de la délégation permanente à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, JOUE, n° C 102 E, du 24.04.2010, p. 110. Résolutions concernant les APE Résolution du Parlement européen, contenant ses recommandations à la Commission concernant les négociations d'accords de partenariat économique avec les régions et États ACP, du 26.09. 2002, JOUE, n° C 273 E du 14.11.2003, p. 305. Résolution du Parlement européen sur l’impact sur le développement des accords de partenariat économique, du 23.03.2006 (2005/2162 (INI)), JOUE, n° C 292 E, du 1.12.2006, p. 121. Résolution du Parlement européen sur les APE du 23.05.2007, document (2005/2246 INI) A6-0084/2007, JOUE, n° C 102 E du 24.4.2008, p. 301. Résolutions concernant les relations avec les PVD Résolution du Parlement européen sur les relations commerciales multilatérales : Union européenne et pays en développement partenaires, 22.04.1999, A4-0221/99, JOCE, n° C 279 du 1.10.1999, p. 34. Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission intitulée « Comment aider les pays en développement à tirer parti du commerce », COM (2002) 513 du 18.09.2002, JOUE, n° C 76 E du 25.03.2004, p. 435. Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission relative à « la participation des acteurs non étatiques à la politique communautaire de développement » COM (2002) 598 du 4.09.2003, JOUE, n° C 76 E du 25.03.2004, p. 447. Autres résolutions Résolution du Parlement européen, sur « le renforcement de la politique de l'Union européenne à l'égard du MERCOSUR », JOCE, n° C 151 du 19.06.1995, p. 28. Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission sur les orientations en vue de la négociation de nouveaux accords de coopération avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), COM (97) 537, JOCE, n° C 138 du 04.05.1998, p. 108. Résolution du Parlement européen sur « les zones régionales de libre-échange et la stratégie commerciale de l’Union européenne », rapporteur MANN (E.), doc A5-0115/2003, du 3.04.2003. Résolution du Parlement européen sur la révision de l’accord de Cotonou et la fixation du 10ème FED du 23.03.2006, document P6_TA (2006) 112, JOUE, n° C 292 E, du 1.12.2006, p. 119. 487 R. Travaux préparatoires Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil Commission européenne, « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil appliquant un schéma de préferences tarifaires généralisées», COM (2011) 241 final du 10.05.2011. Propositions de décision et Recommandation de la Commission relatives aux accords de dialogue politique et de coopération Commission européenne, Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part, COM (2003) 677 final du 10.11. 2003, JOUE, n° C 96 du 21.04.2004, p. 26. Commission européenne, Proposition de décision du Conseil relative à la signature d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres, d’autre part, COM (2003) 695 final du 14.11.2003, JOUE, n° C 96 du 21.04. 2004, p. 27. Commission européenne, Recommandation de la Commission au Conseil relative à la signature et à l’envoi d’une lettre à la Présidence de la Communauté andine pour engager un « échange de lettres visant à modifier l’Accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et la Communauté andine, signé en 2003 », COM (2007)353 final, du 26.06.2007. Communications de la Commission et propositions relatives au « partenariat stratégique » : Communication de la Commission sur « Un nouveau partenariat UE-Amérique latine à l’aube du 21ème siècle », COM (99) 105 final du 9.03.1999. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement sur le « Suivi du premier sommet organisé entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne », COM (2000) 670 final du 31.10. 2000. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant « Les objectifs poursuivis dans le cadre des relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine en vue du troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, d’Amérique latine et des Caraïbes qui se tiendra à Guadalajara (Mexique) le 28 mai 2004 », COM (2004) 220 du 7.04.2004, JOUE, n° C 122 du 30.04.2004, p. 44. Communication de la Commission sur « Un partenariat entre l’Union européenne et l’Amérique latine – analyse d’impact », COM (2005) 636 final, du 8.12. 2005. [Et, documents de travail des services de la Commission détaillant les actions à mettre en œuvre par celle-ci, SEC (2005)1590 et SEC (2005) 1693], JOUE, n° C 49 du 28.02.2006, p. 23. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement concernant « Un partenariat UE - Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », COM (2006) 86 du 2.03. 2006. [Et annexe à la communication SEC (2006) 268 final], JOUE, n° C 104 du 3.05.2006, p. 19. 488 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Vers l'établissement d’un partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Brésil », COM (2007) 281 final du 30.05.2007. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée « Cheminement vers un partenariat stratégique UE-Mexique », COM (2008) 447 final du 15.07.2008. Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement intitulé « L’Union européenne et l’Amérique latine : un partenariat entre acteurs mondiaux », COM (2009) 495 final du 30.09.2009. [Et document de travail SEC (2009) 1227]. Autres communications de la Commission Communication de la Commission européenne : « Pour un renforcement de la politique de l’UE à l’égard du MERCOSUR » COM (94) 428 final du 19.10.1994. Communication de la Commission européenne : « La prise en compte du respect des principes démocratiques et de droits de l’homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers », COM (95) 216 final, du 23.05.1995. Communication de la Commission européenne : « Appui de la Communauté européenne aux efforts d’intégration économique régionale des pays en développement », COM (1995) 219 final, du 16.06.1995. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur « L’Union européenne et l‘Amérique latine : situation actuelle et perspectives pour un partenariat resserré 1996-2000 », COM (95) 495 du 23.10.1995. Communication de la Commission : « Livre vert sur les relations entre l’UE et les pays ACP à l’aube du 21ème siècle – défis et options pour un nouveau partenariat», COM (96) 570 final du 20.11.1996. Communication de la Commission : « Orientations en vue de la négociation de nouveaux accords de coopération avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique » COM (97) 537 final du 29.10.1997. Communication de la Commission européenne : « Objectifs stratégiques 2000-2005 : donner forme à la nouvelle Europe », COM (2000) 154 final du 9.02.2000. Communication de la Commission européenne : « La politique de développement de la Communauté », COM (2000) 212 final du 26.04.2000. Communication de la Commission : « Le rôle de l’Union européenne dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratisation des pays tiers », COM (2001) 252 final du 8.05.2001. Communication de la Commission : « Commerce et développement : comment aider les pays en développement à tirer parti du commerce ouvert», COM (2002) 513 du 18.09. 2002. Communication de la Commission : « La participation des acteurs non étatiques à la politique communautaire de développement », COM (2002) 598 final, du 7.11. 2002. 489 Communication de la Commission : « Redynamiser les négociations relatives au programme de Doha pour le développement – l’optique de l’UE », COM (2003) 734 final, du 26.11.2003, JOUE n° C 93 du 21.04.2004, p. 30. Communication de la Commission : « Vers une pleine intégration de la coopération avec les pays ACP dans le budget de l'UE », COM (2003) 590 du 8.10.2003, JOUE, n° C 96, du 21.04.2004, p. 20. Communication de la Commission sur « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du système de préférences généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 2006-2015 », COM (2004) 461 final du 7.07.2004, JOUE n° C 242 du 29.09.2004, p. 8. Communication de la Commission sur « Proposition de déclaration conjointe du Conseil, du Parlement européen et de la Commission - La Politique de Développement de l’Union européenne : “le Consensus européen” », COM(2005) 311 final du 13.07.2005, JOUE n° C 236 du 24.09.2005, p. 10. Propositions de communications de la Commission européenne approuvées le 2.03.2006 pour améliore l’efficacité de l’aide au développement : [COM (2006) 87] « Faire plus, mieux et plus vite » [COM (2006) 88] « Programmation pluriannuelle commune » [COM (2006) 85] « Financement du développement et efficacité de l’aide » Communication de la Commission : « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », COM (2006) 567 du 4.10.2006. Communication de la Commission : « Intégration régionale pour le développement des pays ACP », COM (2008) 604 final/2 du 6.10.2008. Livre vert, Livre blanc Commission européenne, « Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays ACP à l’aube du 21ème siècle : défis et options pour un nouveau partenariat », Luxembourg, OPOCE, 1997, 68 p. Commission européenne, «Livre blanc sur la gouvernance dans l’Union européenne », COM (2001) 428 final du 25.07.2001, JOCE n° C287 du 12.10.2001, pp. 1-29. Résolutions législatives du Parlement européen Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil portant conclusion d’un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et les républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, et du Panama, d’autre part, du 31.03.2004, JOUE, n° C103 E, du 29.04.2004, p. 447. Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres, à savoir les Républiques de Bolivie, de Colombie, de l'Équateur, du Pérou et la République bo- 490 livarienne du Venezuela, d'autre part, COM (2003) 695, JOUE, n° C 103 E du 29.04.2004, p. 447. Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un Accord de Partenariat Economique entre les Etats du CARIFORUM, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres, d’autre part, (Procédure d’avis conforme) du 25.03.2009, document P6_TA(2009)0183. Avis du Comité Economique et Social Européen Avis du Comité économique et social sur « Le rôle et la contribution de la société civile organisée dans la construction européenne », JOCE, n° C 329 du 17.11.1999, p. 30. Avis du Comité économique et social, « Les relations entre l’Union européenne et les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes », (rapporteur Mr Gafo FERNANDEZ), CES 195/2002, du 27.02.2002. Avis du Comité économique et social, « Proposition de règlement du Conseil (CE) portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1 er janvier 2002 au 31 décembre 2004 », JOCE, n° C 311du 7.11.2001, p. 47. Avis du Comité économique et social européen sur « Les relations entre l'UE et la Communauté Andine des Nations », JOUE, n ° C 309 du 16.12.2006, pp. 81-90. Avis du Comité économique et social européen sur « Les relations UE-Amérique centrale », JOUE, n° C 256 du 27.10.2007, pp. 138-143. Avis du Comité économique et social européen sur « Les relations Union européenne- Brésil », JOUE, n° C 100 du 30.4.2009, pp. 93-99. S. Publications de la Commission européenne Commission européenne, DG Relations extérieures, « L’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes », Luxembourg, OPOCE, 2002, 16 p. Commission européenne, DG Développement, « Les Caraïbes et l’Union européenne », Bruxelles, OPOCE, mai 2002, 48 p. Commission européenne, DG Commerce, « APE(s) une nouvelle approche dans les relations entre l’Union européenne et les pays ACP », septembre 2002, http://www.europa.eu.int/comm/trade/bilateral/regions/acp/epas/htm. Commission européenne, DG Relations extérieures, « L’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes : un partenariat stratégique », Luxembourg, OPOCE, 2004, 68 p. Commission européenne, « Document de travail des services de la Commission : les aspects relatifs au commerce et au développement dans les négociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE) », Bruxelles, OPOCE, octobre 2005, 39 p. Commission européenne, DG Relations extérieures, « L’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes : un partenariat stratégique », Luxembourg, OPOCE, 2006, 70 p. 491 Commission européenne, DG Relations extérieures, « Un partenariat renforcé entre l’Union européenne et l’Amérique latine : communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen {COM (2005) 636final} », Luxembourg, OPOCE, 2006, 25 p. Commission européenne, DG Développement, « Le commerce pour le développement Union européenne-Caraïbes, Accord de partenariat économique », Luxembourg, OPOCE, mars 2006, 24 p. Commission européenne, DG Communication, « L’Union européenne et le monde : la politique extérieure de l’Union européenne », Luxembourg, OPOCE, juin 2007, 28 p. MICHEL (L.), MANDELSON (P.), « Accords de partenariat économique : moteurs du développement », Bruxelles, OPOCE, 2008, 52 p. Commission européenne, DG Relations extérieures, « Le partenariat stratégique entre l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes : un engagement commun », Luxembourg, OPOCE, 2008, 52 p. Commission européenne, DG Relations extérieures, « UE-Brazil-Building Our Future Together », Bruxelles, OPOCE, 2009, 2 p. KENNETH (K.), « De Georgetown à Cotonou, le groupe ACP face aux nouveaux défis», Le courrier ACP, septembre 2000, édition spéciale Accord de Cotonou, pp. 20-23. Conclusions des Sommets Union européenne-Amérique latine-Caraïbes Premier Sommet UE-AL-C de Rio de Janeiro, Brésil, 28-29 juin 1999, Bulletin UE, 6-1999, point 1.3.112. Deuxième Sommet UE-AL-C de Madrid, Espagne, 17-18 mai 2002, Bulletin UE, 5-2002, point 1.6.118. Troisième Sommet UE-AL-Cde Guadalajara, Mexique, 28-29 mai 2004, Bulletin UE, 5-2004, point 1.6.86. Quatrième Sommet UE-AL-C de Vienne, Hongrie, 11-12 mai 2006, Bulletin UE, 5-2006, point 1.33.26. Cinquième Sommet UE-AL-C de Lima, Pérou, 16-17 mai 2008, Bulletin UE, 5-2008, point 1.35.40. Sixième Sommet UE-AL-C de Madrid, Espagne, mai 2010, Document du Conseil de l’Union européenne, 9931/2/10 REV 2, Presse 131, du 15.11.2010. http://www.consilium.europa.eu/ 492 XI. JURISPRUDENCE De la Cour Internationale de Justice Cour Internationale de Justice, Avis du 11.04.1949, « Réparation des dommages subis au service de l’ONU », Rec. CIJ, 1949, pp. 174-179. Cour Internationale de Justice, Avis du 8.07.1996, « La licéité de l’utilisation des armes nucléaires », Rec. CIJ, 1996, p. 79. De la Cour de Justice des Communautés européennes et du Tribunal de Première Instance des Communautés européennes CJCE, arrêt du 5.02.1963, Van Gend and Loos, aff. 26/62, Rec., p. 3. CJCE, arrêt du 15.07. 1964, Costa c/ ENEL, aff. 6/64, Rec., p. 1158. CJCE, arrêt du 10.12.1968, Commission c/Italie, aff.7/68, Rec., p. 617 CJCE, arrêt du 31.03.1971, Commission c/Conseil, aff. 22/70, Rec., p. 263. CJCE, arrêt du 12.12. 1972, International Fruit Company, aff. C-21/72, Rec., p. 1219. CJCE, arrêt du 5.02.1976, Bresciani, aff. 87/75, Rec., p. 129. CJCE, arrêt du 14.07.1976, Kramer, aff. jointes 3/76, 4/76, 6/76, Rec., p. 1279. CJCE, délibération 1/78 du 4.11.1978, Projet de Convention internationale sur la protection physique des matières, installations et transports nucléaires, Rec., p. 2151. CJCE, avis 1/75 du 11.11.1975, Arrangement concernant une norme pour les dépenses locales élaboré dans le cadre de l’OCDE, Rec.1975, p. 1355. CJCE, avis 1/78 du 4.10.1979, Accord international sur le caoutchouc naturel, Rec.1979, p. 2871. CJCE, arrêt du 26.03.1987, Commission c/Conseil, aff. C- 45/86, Rec.1987, p. 1493. CJCE, arrêt du 30.09.1987, Demirel, aff. 12/86, Rec., p. 3719. CJCE, arrêt du 29.03.1990, République Hellénique c/Conseil, aff. C-62/88, Rec., p. I-1527. CJCE, arrêt du 24.11. 1992, Poulsen, aff. C-286/90, Rec., p. I -6048. CJCE, avis 2/91 du 19.03.1993, OIT, Rec., p. I-1601. CJCE, avis 1/94 du 15.11.1994, OMC, Rec., p. I-5267. CJCE, arrêt du 16.06. 1998, A. Racke, aff. C-162/96, Rec., p. I-3655. CJCE, arrêt du 23.03.2004, République française c/Commission, aff. C-233/02, Rec., p. I2759. TPI, ordonnance du 12.01.2007, Société des plantations de Mbanga (SA) c/ Commission des Communautés européennes, aff. T- 447/05, Rec., p. II-1. 493 XII. DOCUMENTS OFFICIELS D’AUTRES ORGANISATIONS REGIONALES D’INTEGRATION ECONOMIQUE T. Marché Commun du Sud ou MERCOSUR 15.Traités institutif et modificatif Traité d’Asunción du 26.03.1991 portant création d’un Marché Commun entre la République Argentine, la République Fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République Orientale de l’Uruguay, in en langue française, BAPTISTA (L.-O.), TEANOR (C.), L’intégration économique régionale en Amérique latine, op.cit., pp. 111-121. Protocole d’Ouro Preto du 17.12.1994 additionnel au Traité d’Asunción, relatif à la structure institutionnelle du MERCOSUR, in en langue française, BAPTISTA (L.-O.), TEANOR (C.), L’intégration économique régionale en Amérique latine, op.cit., pp. 129-140. 16.Acte relatif à l’adhésion de nouveaux membres Protocole d’adhésion de la République bolivarienne du Venezuela au MERCOSUR, http://www.MERCOSUR.org.uy/p_searchresult.jsp?query=protocolo de adhesion Venezuela. 17.Accord externe Accord-cadre du 16.04.1998 relatif à la création d’une zone de libre échange entre la Communauté andine et le MERCOSUR, in en langue française, BAPTISTA (L.-O.), TEANOR (C.), L’intégration économique régionale en Amérique latine, op. cit., pp. 207-210. 18.Droit dérivé Décision du Conseil du Marché Commun n° 13/93 – Tarif Extérieur Commun – Approbation du document relatif à la « Consolidation de l’Union douanière et du passage au Marché Commun, in en langue française, BAPTISTA (L.-O.), TEANOR (C.), op. cit., pp. 167-169. Décision du Conseil du Marché Commun n° 49/04 du 16.12.2004 – Approbation du document relatif à la création du Parlement du MERCOSUR, http://www.MERCOSUR.org.uy U. Système d’Intégration Centre-Américain ou SICA Protocole de Tegucigalpa signé le 13.12.1991 instituant le Système d’Intégration Centraméricain, entré en vigueur le 23.07.1992, http://www.sica.int/sica/marco_j.aspx?IdEnt=401 494 Protocole au Traité général d’Intégration Economique Centraméricaine (protocole de Guatemala) signé le 29.10.1993 créant le Système d’Intégration Economique Centraméricain, http://www.sica.int/sica/marco_j. V. Communauté Andine des Nations ou CAN 19.Traités institutif et modificatif Accord de Carthagène (Pacte Andin) du 26.05.1969, in en langue française, BAPTISTA (L.O.), TEANOR (C.), op. cit., pp. 63-90. Acte de Trujillo du 10.03.1996 – Protocole modifiant l’Accord de Carthagène et créant la Communauté andine, in en langue française, BAPTISTA (L.-O.), TEANOR (C.), op. cit., pp. 99-104. 20.Droit dérivé Comisión del acuerdo de Cartagena, « Decisión 370 sobre arancel externo común», Gaceta oficial del acuerdo de Cartagena, n° 166, du 02.12.1994, Lima (Perú), p. 1. Secrétariat Général de la Communauté andine (SG-CAN). « Análisis del Tratado de Libre Comercio Chile –Estados Unidos », documento de trabajo, [SG/dt. 221] ,19 de junio de 2003, 115 p., http://intranet.comunidadandina.org/IDocumentos/ Secrétariat Général de la Communauté andine (SG-CAN). « Análisis del Tratado de Libre Comercio Centroamérica- Estados Unidos», documento informativo, [SG/di 620/REV.1], 7 de mayo de 2004, 131 p., http://intranet.comunidadandina.org/IDocumentos/ Secretaria General Comunidad Andina (SG-CAN). « Programa de trabajo para la profundización de la integración comercial andina », documento de trabajo, [SG/dt 290/Rev.2], 16 de Abril de 2005, aprobado en Lima (Perú), 29 de marzo de 2005, 6 p., http://www.comunidadandina.org/IDocumentos. W.Communauté et Marché commun des Caraïbes ou CARICOM 21.Traités institutif et modificatif Traité de Chaguaramas du 4.07.1973 instituant la Communauté et le Marché Commun des Caraïbes CARICOM, in en langue française, JOS (E.), BARFLEUR (L.), Coopération et intégration économique régionale dans la Caraïbe, op. cit., pp. 91-122. Traité révisé de Chaguaramas, du 5.06.2001 portant création de la Communauté des Caraïbes, y compris le Marché et l’Economie Uniques de la CARICOM Texte du traité sur le site officiel http://www.caricomlaw.org/docs/revisedtreaty.pdf 22.Rapport (s) 495 Caribbean Community secretariat (CARICOM Secretariat), « Caribbean Trade and Investment Report 2000: Dynamic Interface of Regionalism and Globalisation », Kingston, Jamaica, Ian Randle Publishers, 2000, 325 p. 496 XIII. DOCUMENTS OFFICIELS DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE X. Lois et Décret(s) Décret n° 48-2044 du 31.12.1948 relatif à la « Publication de la Convention de Washington du 2 décembre 1946 de l’Acte final et du Protocole sur la règlementation de la chasse à la Baleine », JORF, du 7.01.1949, p. 312. Loi n° 2007-1157 du 1er août 2007, autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part , JORF , n° 177 du 2.08.2007, p. 12986. Loi n° 2007-1159 du 1er août 2007, autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela), d’autre part, JORF, n° 177 du 2.08.2007, p. 12987. Y. Rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat BARRAU (A.), Union européenne et MERCOSUR, mariage ou union libre ? Rio, 28-29 juin 1999, Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 1721, 1999, 92 p. BARRAU (A.), Pour un dialogue fructueux entre l'Union européenne et le MERCOSUR, Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 2269, 2000, 66 p. BARRAU (A.), Des alliances pour une mondialisation maîtrisée, Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 3211, 2001, 114 p. BIZET (J.), L’OMC à la veille de Cancún, Rapport du Sénat, Délégation pour l’Union européenne, n° 397, 2002-2003, 62 p. BRISEPIERRE (P.), Accord de partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne, Rapport du Sénat, Commission des affaires étrangères, n° 202, 2002, 45 p. DAUGE (Y.), Le nouveau partenariat pour le développement des Etats d’Afrique-CaraïbesPacifique (ACP), Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 1776, 1999, 161 p. FRANCOIS-PONCET (J.), Traité de Lisbonne, Rapport du Sénat, Commission des affaires étrangères, n° 188, 2007-2008, 86 p. GATEAUD (J.-Y.), Accord de partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne, Documents d'information de l'Assemblée nationale, Commission des affaires étrangères, n° 3601, 2002, 32 p. GUILLAUME (F.), L’agriculture, levier de développement du Sud, Rapport d’information de l’Assemblée nationale, n° 1371, 2004, 95 p. LEFORT (J.-C.), L’OMC a-t-elle perdu le Sud ? Pour une économie internationale équitable assurant le développement des pays pauvres, Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2750, 2000, 299 p. 497 LEFORT (J.- C.), Les négociations commerciales Europe-Afrique, Caraïbes et Pacifique : tendre la main ou bien le poing ? Rapport d’information de l’Assemblée nationale, Délégation pour l’Union européenne, n° 3251, 2006, 344 p. 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Site de la Cour de justice de l’Union européenne www.curia.europa.eu Site du Conseil de l’Union www.consilium.europa.eu Site du Conseil européen www.european-council.europa.eu Site de la Commission européenne www.ec.europa.eu Site du Parlement européen www.europarl.europa.eu Site du Comité économique et social européen www.eesc.europa.eu Site de droit de l’Union européenne www.eurlex.eu 500 République Française: Site de l’Assemblée nationale www.assemblee-nationale.fr Site du Sénat www.senat.fr Site Légifrance http://www.legifrance.gouv.fr/ Site Agence Europe Site de l’Agence Europe www.agenceurope.com 501 XVI. PRESSE ALTERNATIVES ECONOMIQUES, « Commerce international : partenariat biaisé ? », Alternatives économiques, Dossier, n° 256, mars 2007, pp. 100-ss. CAROIT (J.-M.), « Au Honduras, le président Manuel ZELAYA a été renversé par les militaires », Le Monde, 30.06.2009, p. 10. 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382, 387, 390, 392, 393, 394, 395, 396, 397, 401, 404, 405, 420, 432, 442, 443, 449, 453, 490, 515 Communauté et Marché Commun Caraïbes (CARICOM) 4, 10, 11, 12, 41, 42, 43, 50, 51, 52, 103, 105, 109, 127, 134, 153, 168, 169, 170, 296, 345, 346, 359, 361, 362, 363, 364, 365, 367, 371, 375, 382, 384, 387, 389, 390, 391, 396, 400, 406, 448, 464, 465, 480, 523, 524, 528 Conflit de la Banane108, 139, 222, 224, 225, 226, 227, 234, 235, 236, 242, 244, 318, 330, 331, 333, 334, 335, 336, 351, 352, 353, 354, 355, 372, 375, 379, 452, 493, 497, 503, 508, 509, 510, 513 Accord de Libre-échange avec l’Amérique Centrale (ALEAC)9, 279, 283, 284, 285, 286, 336, 371, 388, 441 Coopération au développement23, 28, 47, 49, 77, 117, 119, 125, 128, 167, 168, 182, 197, 205, 206, 208, 217, 229, 272, 300, 301, 302, 303, 309, 314, 328, 347, 351, 358, 392, 394, 397, 398, 399, 403, 449, 454, 457, 475, 498, 509, 510 Accord de Libre-Echange Nord Américain (ALENA)285, 441 Accord de Partenariat Economique (A.P.E.)6, 9, 48, 50, 52, 133, 229, 251, 277, 342, 346, 357, 358, 361, 362, 365, 370, 372, 375, 397, 398, 399, 404, 405, 469, 508 CSME12, Voir MEUC (Marché et Economie Uniques des Caraïbes) Accord(s) d’association et de libre-échange ________ 289 Cycle de Doha324, 377, 405, 413, 414, 434, 435, 438, 439, 448 Accord(s) de dialogue politique et de coopération75, 203, 256, 260, 261, 262, 263, 272, 274, 281, 282, 290, 293, 295, 296, 297, 313, 314, 316, 317, 322, 515, 518, 525 D Accords mixtes23, 25, 26, 29, 123, 271, 272, 273, 275, 279, 280, 484, 486 Développement durable50, 75, 89, 105, 118, 125, 144, 174, 196, 206, 209, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 269, 288, 291, 307, 359, 432, 513, 514, 517, 527 Accords-cadres interrégionaux __________________ 453 Dialogue politique17, 18, 31, 46, 57, 73, 75, 76, 78, 81, 83, 84, 90, 120, 123, 124, 133, 137, 147, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 166, 167, 168, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 180, 181, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 202, 203, 250, 251, 252, 254, 255, 256, 258, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 279, 280, 281, 282, 286, 287, 289, 290, 291, 292, 293, 295, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 327, 328, 329, 331, 340, 341, 351, 453, 468, 507, 515, 518, 525 Asymétrie ______ 109, 242, 331, 377, 386, 393, 405, 421 C Caricom Single Market and Economy (CSME)11, 12, 42, 346, 362, 363 Comité des Accords Commerciaux Régionaux (CACR) ____________ 10, 149, 407, 408, 409, 412, 443, 503 Communauté Andine des Nations (CAN)6, 9, 13, 36, 37, 40, 52, 111, 134, 136, 137, 147, 165, 183, 185, 189, 503 MERCOSUR6, 7, 8, 12, 40, 45, 52, 83, 86, 103, 132, 136, 143, 166, 167, 173, 250, 251, 266, 276, 280, 310, 317, 318, 319, 320, 321, 324, 327, 328, 332, 337, 340, 341, 462, 468, 479, 483, 485, 494, 497, 500, 522, 525 E Etats-Unis14, 19, 50, 95, 96, 97, 99, 100, 103, 108, 109, 127, 130, 132, 133, 135, 137, 139, 140, 141, 142, 143, 145, 149, 153, 173, 183, 220, 225, 227, 242, 257, 279, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 290, 293, 301, 310, 320, 334, 335, 336, 338, 353, 354, 371, 372, 386, 388, 415, 424, 441, 452, 457, 477, 489, 492, 493, 497, 508 MEUC (Marché et Economie Uniques des Caraïbes) _ 11, 12, 42, 346, 362, 363 Mondialisation38, 41, 43, 48, 51, 55, 57, 92, 96, 104, 106, 107, 114, 126, 132, 137, 139, 180, 186, 229, 238, 247, 342, 347, 449, 456, 474, 477, 478, 480, 481, 482, 484, 486, 488, 491, 492, 493, 494, 495, 525, 530 F Fonds Européen de Développement (FED) ____ 169, 170 Multilatéralisme57, 97, 98, 99, 146, 173, 202, 324, 456, 493 Forum des Caraïbes (CARIFORUM)6, 7, 8, 10, 41, 42, 48, 77, 101, 133, 134, 136, 159, 161, 167, 168, 169, 170, 171, 198, 225, 229, 243, 244, 248, 250, 251, 277, 293, 313, 339, 343, 345, 346, 347, 349, 350, 356, 360, 362, 364, 365, 367, 368, 369, 370, 371, 372, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 397, 398, 399, 400, 401, 402, 404, 405, 407, 408, 409, 410, 413, 415, 416, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426, 427, 428, 431, 432, 433, 434, 438, 440, 441, 442, 443, 449, 453, 454, 462, 464, 465, 469, 490, 496, 507, 508, 510, 513, 518 N Non réciprocité136, 206, 229, 230, 232, 234, 242, 356, 454 O Organe de Règlement des différends (ORD)209, 215, 219, 428 210, G Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) __________ 23, 34, 58, 213, 324 Groupe de Cairns ____________________________ 103 Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO) _________________________________43, 364, 528 Groupe de Rio __________ 158, 161, 175, 255, 258, 264 I Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.)12, 49, 60, 97, 101, 102, 108, 149, 150, 151, 152, 205, 211, 215, 239, 268, 311, 325, 408, 416, 441, 444, 457, 476, 484, 488, 493, 502, 526, 528 Initiative pour les Amériques ________________ 50, 143 Intégration économique6, 16, 17, 18, 19, 20, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 46, 49, 51, 52, 54, 60, 61, 82, 102, 103, 106, 109, 121, 127, 133, 134, 137, 144, 150, 153, 158, 167, 168, 169, 256, 274, 289, 301, 304, 307, 308, 309, 311, 322, 325, 326, 327, 345, 347, 361, 362, 369, 371, 407, 416, 432, 477, 484, 485, 486, 488, 496, 507, 522, 523 Organisations régionales d’intégration économique6, 16, 17, 19, 22, 38, 45, 46, 47, 50, 59, 60, 99, 132, 133, 137, 146, 149, 153, 166, 167, 172, 176, 189, 202, 213, 224, 225, 238, 249, 251, 259, 266, 283, 288, 294, 301, 307, 308, 309, 310, 325, 328, 331, 345, 371, 432, 449, 463, 484 Intérêt mutuel ____________ 58, 164, 168, 171, 174, 197 P Interrégionalisme _____________________________ 56 Parlement Euro-latino-américain (Eurolat) __76, 177, 178 M Partenariat stratégique6, 17, 18, 19, 32, 34, 49, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 60, 68, 71, 72, 74, 76, 77, 79, 81, 82, 83, 84, 88, 89, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 105, 107, 115, 120, 122, 124, 128, 129, 131, 132, 134, 140, 143, 147, 148, 149, 153, 154, 156, 158, 160, 167, 171, 172, 173, 174, 175, 177, 178, 179, 181, 183, 186, 192, 197, 198, 202, 203, 207, 218, 221, 228, Marché Commun Centre Américain (MCCA)16, 41, 51, 210 504 Stratégie ________________ Voir Partenariat stratégique 237, 240, 244, 245, 249, 250, 251, 254, 257, 265, 279, 282, 283, 284, 286, 287, 288, 290, 291, 302, 309, 310, 319, 320, 322, 323, 329, 330, 336, 338, 339, 341, 351, 361, 394, 399, 402, 452, 453, 456, 457, 468, 485, 488, 515, 516, 519 Système d’Intégration Centre Américain (SICA)6, 8, 13, 18, 40, 41, 51, 111, 124, 134, 136, 147, 177, 183, 185, 206, 207, 208, 209, 210, 219, 220, 221, 222, 254, 259, 260, 266, 268, 270, 274, 279, 289, 290, 296, 300, 302, 304, 307, 308, 310, 311, 318, 319, 322, 326, 330, 331, 333, 334, 341, 342, 369,฀441, 454, 468, 522 Programme Indicatif Régional Caraïbe (PIRC) _____ 169 Protocoles sucre et bananes (réforme des) _____ 352, 353 Système de préférences généralisées (réforme de)14, 148, 205, 214, 267, 332, 368 R T Réciprocité (principe de)136, 205, 206, 208, 212, 213, 224, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 236, 237, 239, 240, 241, 242, 244, 245, 267, 268, 287, 348, 356, 359, 368, 381, 402, 421, 425, 426, 435, 441, 446, 454, 474, 493, 502 Traitement spécial et différencié104, 347, 360, 393, 395, 402, 420, 427, 433, 435, 438, 440, 441, 443, 444, 448, 449, 450 Régionalisme19, 23, 25, 37, 40, 57, 128, 129, 130, 134, 140, 143, 147, 246, 249, 250, 284, 309, 324, 342, 477, 480, 483, 484, 489, 493, 502 Traitement Spécial et Différencié (TSD)14, 101, 435, 436 U Relations asymétriques ______________ Voir Asymétrie Uniformisation des conventions ______ 59, 149, 454, 455 Relations interrégionales31, 36, 98, 126, 162, 300, 301, 302, 330 Union douanière35, 43, 134, 240, 308, 325, 326, 412, 413, 414, 430, 440, 484 S W Société civile75, 127, 128, 145, 158, 163, 167, 173, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 196, 197, 295, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 369, 431, 455, 484, 492, 496, 518 Waiver ____________________ 234, 235, 236, 239, 411 Z Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement Union européenne, Amérique latine, Caraïbes Zone de libre échange132, 133, 138, 151, 152, 153, 325, 411, 432 Sommet de Guadalajara 129, 182, 192, 322, 325, 498 Sommet de Madrid 57, 85, 88, 93, 140, 184, 254, 255, 261, 263, 341 Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA)140, 142, 143, 144, 282, 290 Sommet de Rio ___________________ 6, 53, 83, 254 Zones de libre-échange interrégionales (projets de) _ 289 SPG +110, 206, 209, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 227, 267, 270, 289, 332 505 TABLE DES MATIERES 506 SOMMAIRE _______________________________________________________________ 5 RÉSUMÉ _________________________________________________________________ 6 SUMMARY ________________________________________________________________ 7 RESUMEN ________________________________________________________________ 8 TABLE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES ________________________________ 9 INTRODUCTION GENERALE ______________________________________________ 15 SECTION I - L’UNION EUROPEENNE ET LES ORGANISATIONS REGIONALES D’INTEGRATION ECONOMIQUE EN AMERIQUE LATINE ET DANS LES CARAÏBES, SUJETS DE DROIT INTERNATIONAL .................................................................................................................................................. 19 §1 L’évolution vers l’attribution expresse de la personnalité juridique à l’Union ............................................... 20 §2 Des organisations d’intégration économique régionale en Amérique latine et Caraïbes dotées du « Treaty Making Power » ............................................................................................................................................. 31 SECTION II - DES CADRES JURIDIQUES DISTINCTS DE RELATIONS AVEC L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES, REALITES EN MUTATION ............................................................................................... 43 §1 Des dissemblances de régimes juridiques....................................................................................................... 43 §2 Des facteurs de convergence .......................................................................................................................... 48 PREMIÈRE PARTIE : LA QUESTION D’UNE RECONFIGURATION EFFECTIVE DES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPEENNE, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES ___________________________________________________________ 60 TITRE PREMIER : LE RÔLE DES SOMMETS SUCCESSIFS SUR LE « PARTENARIAT STRATEGIQUE » ENTRE L’UNION, L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES ___________ 62 CHAPITRE PREMIER : L’UTILISATION D’ACTES DE SOFT LAW COMME LEVIERS DE CHANGEMENT JURIDIQUE ................................................................................................................... 64 SECTION I : LE PLAN D’ACTION DE RIO : INSTRUMENT PROGRAMMATOIRE ...................................... 66 §1 Une portée juridique incertaine ...................................................................................................................... 67 §2 Une portée juridique minimale ....................................................................................................................... 72 SECTION II : LES EFFETS JURIDICO-POLITIQUES DES DECLARATIONS ISSUES DES SOMMETS ....... 78 §1 Des effets indirects de droit ............................................................................................................................ 78 §2 Un apport à la politique extérieure européenne .............................................................................................. 84 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER ........................................................................................................... 89 CHAPITRE SECOND : LA NECESSITE D’UNE REPONSE EUROPEENNE A DES ENJEUX MULTIPLES ............................................................................................................................................... 91 SECTION I : L’UNION EUROPEENNE, PUISSANCE ECONOMIQUE EN QUÊTE D’INFLUENCE POLITIQUE ET NORMATIVE............................................................................................................................... 93 §1 L’ambition européenne d’un rôle de régulateur multilatéral à l’OMC ........................................................... 94 §2 La promotion de valeurs et principes démocratiques ................................................................................... 111 SECTION II : LES ENJEUX GÉOSTRATÉGIQUES ET LES IMPLICATIONS JURIDIQUES ........................ 128 §1 La prolifération des projets de zone de libre échange ................................................................................... 129 §2 Les conditions juridiques de réalisation des projets de zones de libre échange ............................................ 144 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND .......................................................................................................... 148 TITRE SECOND : L’ADAPTATION DE CERTAINS INSTRUMENTS TRADITIONNELS DE LA COOPERATION _________________________________________________________________ 150 507 CHAPITRE PREMIER : LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE POLITIQUE EN TANT QU’INSTRUMENT DE COOPERATION ............................................................................................... 152 SECTION I : LA CONSOLIDATION DU DIALOGUE POLITIQUE EN MARGE DU CADRE CONVENTIONNEL .............................................................................................................................................. 155 §1 Les instances sous-régionales du dialogue politique .................................................................................... 155 §2 L’évolution de l’organisation générale du dialogue politique avec l’Amérique latine et les Caraïbes ......... 166 SECTION II : L’ANCRAGE PATENT DU DIALOGUE POLITIQUE DANS LE CADRE CONVENTIONNEL .............................................................................................................................................. 180 §1 L’apport de la contractualisation du dialogue politique avec les organisations régionales latinoaméricaines ................................................................................................................................................... 181 §2 La contractualisation ancienne mais renforcée dans les relations Euro-ACP Caraïbes ................................ 187 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER ......................................................................................................... 194 CHAPITRE SECOND : LE DEMANTELEMENT DES SYSTEMES ANTERIEURS DE PREFERENCES COMMERCIALES ....................................................................................................... 196 SECTION I : LA RÉFORME DU « RÉGIME SPÉCIAL ANTI-DROGUES » ET SON IMPACT SUR LA CAN ET LE SICA .................................................................................................................................................. 199 §1 La mise en cause du régime spécial anti-drogue à l’OMC ........................................................................... 200 §2 Le « SPG plus » au bénéfice de tous les pays en développement ayant les mêmes besoins ......................... 206 SECTION II : LA RÉFORME DU SYSTÈME CONVENTIONNEL DE PRÉFÉRENCES ET SON IMPACT SUR LES PAYS CARIBÉENS .............................................................................................................................. 219 §1 La disparition programmée de la non-réciprocité des préférences ............................................................... 219 §2 Une démarche de progressivité .................................................................................................................... 230 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND .......................................................................................................... 233 DEUXIÈME PARTIE : LES SIGNES D’UNE RECONFIGURATION DES RELATIONS DE L’UNION EUROPENNE AVEC L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES AU PLAN CONVENTIONNEL ___________________________________ 236 TITRE PREMIER : DES ACCORDS « DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION » AVEC LA CAN ET LE SICA, PREALABLES A DES ACCORDS INTERREGIONAUX D’ASSOCIATION ___________________________________________________________________ 241 CHAPITRE PREMIER : L’ELABORATION DE CES ACCORDS ....................................................... 243 SECTION I : LA SIGNATURE DES ACCORDS « DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION » . 245 §1 De la négociation à la signature.................................................................................................................... 246 §2 Des accords de compromis ........................................................................................................................... 250 SECTION II : LES DIFFICULTES D’ENTRÉE EN VIGUEUR ET DE MISE EN ŒUVRE DE CES ACCORDS MIXTES ............................................................................................................................................. 258 §1 Les modalités générales d’entrée en vigueur et de mise en œuvre ............................................................... 259 §2 L’application de la procédure longue pour les accords de dialogue politique et de coopération .................. 265 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER ......................................................................................................... 274 CHAPITRE SECOND : L’APPORT DE CES ACCORDS ..................................................................... 277 SECTION I : DES AVANCÉES QUALITATIVES CERTAINES DANS LE CORPUS JURE DES ACCORDS 280 §1 L’enrichissement de la dimension politique des accords .............................................................................. 280 §2 L’approfondissement de la coopération entre les parties .............................................................................. 291 SECTION II : DES TREMPLINS VERS DES ACCORDS INTERREGIONAUX D’ASSOCIATION ? ............ 301 §1 L’analyse comparative avec l’accord-cadre interrégional de coopération Union européenne-MERCOSUR 302 §2 Les difficultés des négociations en vue d’accords d’association .................................................................. 312 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND .......................................................................................................... 323 508 TITRE SECOND : LA CONCRETISATION D’UN ACCORD DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LE CARIFORUM ___________________ 326 CHAPITRE PREMIER : L’AMBITION D’INSTAURER DE NOUVEAUX RAPPORTS ECONOMIQUES ET COMMERCIAUX, UNE MUTATION DU PARTENARIAT ............................. 331 SECTION I : UNE ELABORATION INSCRITE DANS LE CADRE GENERAL DE LA NEGOCIATION DES APE AVEC LES ETATS ACP ...................................................................................................................... 333 §1 Vers une coopération économique et commerciale repensée ....................................................................... 333 §2 Le bilan mitigé des négociations, l’aboutissement d’un APE complet UE-CARIFORUM .......................... 343 SECTION II : L’APE UE-CARIFORUM ENTRE OPPORTUNITÉS ET DEFIS ................................................ 355 §1 Les aspects relatifs au commerce ................................................................................................................. 358 §2 Le contenu de l’APE UE-CARIFORUM en matière de développement ...................................................... 372 CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER ......................................................................................................... 381 CHAPITRE SECOND : LE PROJET D’UNE ZONE DE LIBRE ECHANGE UE – CARIFORUM ET L’ARTICLE XXIV DU GATT DE 1994 .................................................................................................. 383 SECTION I : LA DEFENSE DE LA COMPATIBILITE DE L’APE, COMME PREALABLE A LA CONSTITUTION D’UNE ZLE ............................................................................................................................. 385 §1 Le respect des contraintes multilatérales dans tout projet de ZLE ................................................................ 385 §2 L’interprétation des prescriptions multilatérales dans l’APE : la quête d’une flexibilité.............................. 397 SECTION II : L’INADAPTATION DE L’ARTICLE XXIV DU GATT A L’APPROCHE LIANT « COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT »........................................................................................................... 409 §1 L’inexistence de lien juridique entre l’article XXIV du GATT et le TSD .................................................... 411 §2 Les voies pour la prise en compte des besoins du développement ............................................................... 418 CONCLUSION DU CHAPITRE SECOND .......................................................................................................... 426 CONCLUSION GÉNÉRALE _______________________________________________ 428 ANNEXES ______________________________________________________________ 435 TABLE DES ANNEXES ___________________________________________________ 436 BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________ 444 TABLE DES MATIERES DE LA BIBLIOGRAPHIE ___________________________ 445 TABLE DES MATIERES __________________________________________________ 506 509