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High-Tech

"Les jeux vidéo sont devenus un art contemporain"

INTERVIEW -  A l'occasion de la sortie de GTA V, Emmanuel Martin, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, revient sur l' histoire des plus grands succès des jeux vidéos et explique leur contribution à l'art contemporain.
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Le jeu "GTA V"
Le jeu "GTA V"
Rockstar Games

La sortie de GTA V va-t-elle chambouler le classement des jeux vidéo les plus vendus de l'histoire ? Au vu des premiers chiffres de vente, c'est tout à fait possible… (pour en savoir plus, lire : GTA V : plus d'un milliard de dollars !). Avant le chambardement annoncé en tête du classement, nous vous proposons de faire le point sur les 15 jeux qui se sont le mieux vendus dans le monde. Emmanuel Martin, délégué général du SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs), revient sur leur histoire et explique quelles sont les recettes du succès des plus grands jeux vidéo.

Quels sont selon vous les jeux qui ont marqué l'histoire ?

Le premier, bien sûr a marqué son temps et les esprits : il s'agit de: Space Wars, sorti en en 1962. Il a été suivi de Pong en 1972, et de Pac Man en 1980. Le premier Donkey Kong est sorti en 1981 avec Super Mario, et c'est en 1983 que Tetris a fait son apparition. Cocorico en 1995, avec la sortie de Rayman, un jeu français qui connut un grand succès (la licence a dépassé les 16 millions d'exemplaires dans le monde depuis sa sortie, NDLR). Personne n'a oublié l'apparition de Lara Croft en 1996, avec le jeu Tomb Raider. 2001 marque une rupture avec le lancement de la XBox et du jeu Halo, et 2004 constitue une étape importante également, avec la naissance de World of Warcraft, le premier jeu en ligne massivement multi-joueurs à connaître un succès grand public. On note une nouvelle étape importante avec le lancement de la Wii, qui met le jeu vidéo à la portée du grand public avec son interface ultra-simple. N’oublions pas non plus les jeux de football, très populaires, PES et Fifa.

Le classement présente quelques surprises : les jeux dont tout le monde parle, GTA, Call of Duty, Granturismo, ne figurent pas en tête…

Cela s'explique notamment par le fait que le jeu Wii Sports a été vendu conjointement avec la console Wii, d'où des ventes astronomiques "mécaniques".

Quels sont les facteurs de succès d'un bon jeu ?

D'abord, ce qu'on appelle le "gameplay", qui est en quelque sorte sa "jouabilité" : il faut que le joueur soit tout de suite plongé dans l'action, et que l'interface se fasse oublier. Ensuite, le fun, tout simplement, c'est-à-dire le plaisir de jouer, et enfin l'innovation, que ce soit l'innovation technique (la Wii et ses manettes intuitives, ou la Kinect, qui a supprimé les manettes), ou l'innovation dans le gameplay, la narration et la façon de jouer, sans parler de la beauté des décors, et des surprises visuelles ou narratives qui s'offrent au joueur.

Quel est l'impact  culturel des jeux vidéo ?

Leur impact culturel se caractérise par la forte dissémination du code des jeux vidéo dans les médias grand public : quand un hebdo politique met en Une la photo d'un homme politique (Nicolas Sarkozy au lendemain de l'élection présidentielle de 2012)  en inscrivant les termes "Game over", il est clair que ce titre dénote une influence certaine.

Autre exemple : prenez le cinéma. On voit de plus en plus de mouvements "caméra à l'épaule", ce qui est une façon de reproduire la vision subjective des jeux "first person shooter" (jeu de tir à la première personne, dans lesquels la vision est celle du joueur, NDLR). Même la publicité adopte les codes des jeux vidéo, notamment sur Youtube, un média qui offre à l'internaute la possibilité de faire des choix narratifs, en respectant la codification des interactions propres aux  jeux vidéo. Même le monde de l'entreprise est concerné, avec l'apparition des "serious games", qui s'appuient sur les vertus pédagogiques de ces jeux pour former les salariés. Ces jeux sont aussi un bon moyen de vendre aux consommateurs, qui peuvent créer leur propre histoire dans le cadre de leur relation avec une marque, comme le montrent les jeux sur les pages des marques sur Facebook. Toutes ces logiques, que ce soient celles des "serious games" ou celles des jeux avec les consommateurs, reprennent la grammaire propre aux jeux vidéo. Enfin, sur le plan culturel, comment ne pas rappeler la place que les plus grandes institutions commencent à accorder à ces jeux : on peut citer par exemple l'exposition Game Story qui a été organisée au Grand palais fin 2011, et je constate que je reçois de plus en plus de doctorants qui veulent rencontrer des interlocuteurs au SELL dans le cadre de mémoires ou de thèses sur les jeux vidéo.

On compare souvent l'industrie du cinéma et celle des jeux vidéo, pour dire que la deuxième prend le pas sur la première, qu'en pensez-vous ?

Je ne pense pas qu'on puisse dire que cette industrie prend le pas sur celle du cinéma : en fait, les deux se fécondent mutuellement. Avant, par exemple, beaucoup de jeux vidéo étaient inspirés par des films, dont ils étaient des "sous-produits". Aujourd'hui, c'est le contraire : des jeux vidéo vont inspirer des films, comme Lara Croft avec Angelina Jolie, l'adaptation cinématographique du jeu Assassin's Creed, celle de Prince of Persia ou encore de Hitman. Il est vrai ceci dit que l'industrie des jeux devient aussi importante que celle du cinéma : un jeu comme GTA peut coûter autant qu'un blockbuster américain -comptez plusieurs centaines de millions de dollars pour la production d'un jeu de ce niveau, plus 30 % de ce montant pour les dépenses marketing. Quant à l'interpénétration et à la fécondation croisée dont je parlais tout à l'heure, elle se traduit par le fait que le scénariste du film Traffic, Stephen Gaghan, a collaboré au scénario du prochain Call of Duty. Dans le prochain jeu de David Cage, Beyond  Two Souls, la production a fait appel à Ellen Page et Willem Dafoe, qui ont joué les doublures numériques pour le jeu grâce au mécanisme du "motion capture".

Quels jeux français se sont bien vendus ?

On peut tout de suite citer Rayman, bien sûr, ou encore Alone in the Dark, de Frédérick Raynal, on peut citer aussi les Lapins Crétins, produits par Ubisoft : même si cette société a beaucoup investi à Montréal, elle reste un porte étendard du génie français ! D'ailleurs Barack Obama a indiqué un jour qu’il avait acheté pour sa fille le jeu Raving Rabbids (version américaine du jeu Les lapins crétins, NDLR). Je voudrais aussi ajouter, pour faire écho à votre question sur le rayonnement culturel, que le jeu du Français Eric Chahi fait partie des collections permanentes du Moma (Musée d'art moderne de New York, NDLR).

 

 

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