Jusqu’à récemment encore, l’Union européenne pouvait se targuer de mener les programmes d’aide au développement les plus généreux du monde, plusieurs de ses membres y consacrant jusqu’à 0,7 % de leur PIB. Mais la pression de l’immigration extra-européenne a sensiblement infléchi la politique extérieure de l’Europe. Depuis la vague migratoire de 2015-2016 et l’augmentation récente des entrées illégales, l’Union a décidé que « stopper les bateaux » était plus important que la préservation de son image d’un continent solidaire avec les pays pauvres.
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Aussi, sa politique extérieure est-elle de plus en plus confiée aux ministères de l’Intérieur chargés de tarir les flux migratoires. Et le pacte sur la migration et l’asile, qui vient tout juste d’être voté par le Parlement européen, vise principalement à mieux contrôler ses frontières.
Des aides sous conditions
Comme cela se fait depuis quelques années, l’Union européenne va chercher à encourager – avec récompense financière à la clé – les gouvernements des pays de départ proches de l’Europe comme l’Egypte, la Tunisie et la Turquie à mieux contrôler leurs frontières. En 2022, l’Union européenne a consacré 1,2 milliard d’euros à l’accueil des réfugiés à ses frontières avec la Turquie et, depuis 2015, ce soutien atteint pas moins de 9,5 milliards. Au-delà, d’autres moyens plus sévères seront employés.
Chaque année, environ 400 000 étrangers en situation irrégulière sont sommés de quitter le territoire de l’Union. Moins d’un quart sont reconduits chez eux, notamment parce que leurs pays d’origine (par exemple, le Bangladesh, l’Algérie ou le Nigeria) refusent de les reprendre sur leur sol. Avec les nouvelles lois européennes, les gouvernements refusant d’accueillir leurs ressortissants expulsés s’exposeront à des sanctions.
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Désormais, la délivrance à leurs citoyens de visas de séjour en Europe pourrait être rendue plus difficile, et les aides au développement dont ils bénéficient pourraient être suspendues. La quasi-exemption de droits de douane sur les marchandises en provenance de dizaines de pays pauvres serait même conditionnée à leurs efforts pour restreindre l’émigration de leurs citoyens.
L’immigration, une priorité politique
Des voix s’élèvent pour dénoncer ces conditions imposées à l’aide, au commerce et aux visas : « L’Europe place ses priorités migratoires à court terme avant les besoins de développement de certains des pays les plus pauvres du monde », déplore ainsi Nadine Biehler du German Institute for International and Security Affairs. D’autres soulignent que les arrangements financiers du genre de ceux conclus avec l’Egypte ou la Tunisie pour contrôler l’émigration contribuent à renforcer le pouvoir d’hommes forts qui freinent le développement de leurs pays.
Mais les tenants de la ligne dure ont pris la main dans une Europe où, sur fond de montée du populisme de droite, l’immigration est une priorité politique alors que l’aide au développement ne l’est pas. Les plus pragmatiques au sein des organismes distribuant l’aide au développement savent très bien que présenter leur action comme contribuant à réduire l’immigration est un bon moyen pour préserver un financement en voie d’assèchement.
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Ils évoquent désormais, entre l’Europe et les pays pauvres, un « partenariat » dont les flux migratoires sont devenus une facette. Bref, on continuera à vous aider – à condition que vous satisfassiez d’abord nos demandes sur le contrôle de l’immigration.