LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

Quand Laurent Wauquiez recevait Paris Match sur ses terres

Laurent Wauquiez au Chambon-sur-Lignon, le 8 octobre.
Laurent Wauquiez au Chambon-sur-Lignon, le 8 octobre. © Alvaro Canovas
De notre envoyé spécial au Puy-en-Velay Bruno Jeudy , Mis à jour le

Laurent Wauquiez, élu président des Républicains dimanche, se veut un provincial assumé. En octobre, il avait reçu Paris Match au Chambon-sur-Lignon, où il a grandi, et au Puy-en-Velay, où il vit. Voici l'intégralité de notre reportage.

«Je vais vous présenter un vieux monsieur de 31 ans… mon cheval Assad –“Lion” en arabe. Tous les deux, on se connaît bien et depuis si longtemps», murmure-t-il à l’oreille de son alezan.

Publicité

Pour connaître le favori de l’élection à la future présidence des Républicains – décrit en «bad boy», voire en représentant de la «droite extrême» –, il faut faire la route jusqu’à la terre de Justes, aux confins de la Haute-Loire et de l’Ardèche. Le Chambon-sur-Lignon, entre Velay et Vivarais, est un haut lieu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Cinq mille Juifs y furent cachés par les villageois, essentiellement protestants. C’est là que Laurent Wauquiez a passé les étés de son enfance. Sa mère, Eliane Wauquiez-Motte, y possédait une résidence secondaire. Par un curieux hasard, elle est devenue, en 2008, la maire d’une commune de la circonscription dont son fils était encore député en juin dernier. «Le Chambon, c’est mes racines. J’y ai appris à monter à cheval, à pêcher la truite. J’y ai dragué ma femme [Charlotte, rencontrée au lycée à Paris]. C’est là, enfin, que j’ai révisé mes concours» –Normale sup, l’agrégation d’histoire, Sciences po, Ena. Tous décrochés avec les meilleures notes ! «Mais ici, ton allure, tes diplômes, tes signes extérieurs de réussite n’ont aucune importance. Ce qui compte, c’est qui tu es.» Lui, le catholique «pas ultra-pratiquant» de son propre aveu, admire la rigueur protestante de ces habitants pour qui il a une réelle affection.

La suite après cette publicité

Laurent Wauquiez est un paradoxe. Fils de la bonne bourgeoisie, il a vécu dans les plus beaux quartiers de Paris, a étudié dans les meilleurs lycées (Victor-Duruy, Louis-le-Grand, Henri-IV), a obtenu les diplômes les plus difficiles. Puis, conseiller d’Etat, il a décidé de s’installer au Puy-en-Velay. L’ambitieux visait la succession de l’homme fort de la Haute-Loire, le centriste Jacques Barrot, qui lui cède en 2004 son siège de député. Laurent et Charlotte Wauquiez ont emménagé à l’ombre de la cathédrale. Leurs deux enfants, Baptiste (14 ans) et Louise (11 ans), naissent au Puy, où ils sont scolarisés. Un choix de vie assumé. «Je n’ai pas voulu, comme Macron, faire du cabinet ou, comme bon nombre d’énarques, accepter un parachutage.» «Le Puy m’a ancré dans la vie des Français. J’y ai observé, depuis quinze ans, le déclassement de la France qui travaille et les ravages de la désindustrialisation. Ma liberté de parole vient de là.» La Haute-Loire a transformé la bête à concours.

La suite après cette publicité

"Il a l'énergie de Chirac... les avions privés en moins !"

Il passe désormais une partie de sa semaine à Lyon, d’où il dirige la région Auvergne-Rhône-Alpes, un territoire grand comme l’Autriche, avec 12 départements et quelque 8 millions d’habitants. Et ne compte pas les heures de transport. «Dans notre univers d’immédiateté, revenir au Puy m’offre le luxe du temps long. Dans la voiture, soit je dors, comme Chirac, soit je lis.» «Sapiens», le best-seller de Yuval Noah Harari, le rend encore intarissable.

A lire : Le message de soutien de Wauquiez à Valls

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

«Laurent n’arrête pas. Il est capable de rentrer à 2h15, après un dîner dans les Hautes-Pyrénées avec des cadres du parti, et de t’envoyer un SMS à 7h02 du matin. Il a l’énergie de Chirac… les avions privés en moins ! Lui, c’est le genre de type à dormir en chien de fusil dans la bagnole», s’amuse le sarkozyste Brice Hortefeux, devenu son complice auvergnat. Car Laurent Wauquiez s’est lancé dans un tour de France des fédérations. Il compte en visiter 70 d’ici au 10 décembre, date du premier tour. Sa victoire ne fait guère de doute, mais il continue à faire campagne. En réalité, il veut démontrer sa capacité à rassembler. «Mon job, c’est de faire monter tout le monde à bord. Et j’annonce un avis de gros temps pour les girouettes.» Les cibles : Edouard Philippe, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Thierry Solère. Tous devraient être exclus dans les prochains jours.

"Je me suis débarrassé de mon bagage politiquement correct acquis à Sciences po"

Surmotivé, ambitieux, Wauquiez a toujours fait carrière en solo. Il compte peu d’amis dans le parti, où son parcours sinueux est vilipendé. Biberonné au centrisme de Jacques Barrot, il colle ensuite aux chiraquiens avant de soutenir Nicolas Sarkozy, avec lequel il se fâchera. En 2012, pendant la terrible campagne pour la présidence de l’UMP, il soutient François Fillon. Puis se rabiboche avec Sarkozy, dont il fait son modèle aujourd’hui. «J’ai suivi un parcours d’émancipation progressive», résume-t-il. Pour expliquer son durcissement, sa sortie musclée contre l’assistanat social qu’il décrivait, en 2011, comme le «cancer de la France», son hostilité à l’Europe fédérale, son intransigeance sur la laïcité, il dit : «Je me suis débarrassé de mon bagage politiquement correct acquis à Sciences po.» Mais sa fréquentation de Patrick Buisson, ancien patron de «Minute» et ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, l’a rendu quasi infréquentable aux yeux, notamment, des juppéistes.

A lire : Pour la justice, Wauquiez n'aurait pas du installer une crèche de Noël

Laurent Wauquiez concède : «J’ai un travers. J’ai tendance à entrer dans le magasin de porcelaine et à discuter après. Mais je préfère être le réveilleur que l’endormisseur.» Héraut de l’opposition au Mariage pour tous, il regrette certaines «paroles trop fortes» et admet qu’«on ne reviendra pas, après deux quinquennats, sur le mariage pour tous». «Mais on a le droit, s’exclame-t-il, de dire que la marchandisation du corps des femmes n’est pas un progrès !»

"Le FN, c'est trop de violence, trop de haine, trop d'incompétence"

Son style, mélange de sarkozysme (pour le parler cash) et de chiraquisme (pour le serrage de mains et les tapes dans le dos), lui a permis jusqu’à présent de se mettre dans la poche la base militante LR. Au point de décourager ses principaux concurrents. Xavier Bertrand et Valérie Pécresse n’ont-ils pas renoncé à le défier ? Et de bénéficier du soutien de la juppéiste Virginie Calmels et de quelques proches de Xavier Bertrand et de Bruno Le Maire. Encore faut-il que le parti n’explose pas au lendemain de sa probable élection. Son choix, entre les deux tours de la présidentielle, de ne pas appeler clairement à voter pour Emmanuel Macron a accentué un peu plus l’hypothèse de le voir se rapprocher du FN. «Faux, s’insurge-t-il. J’ai dit : “Il ne faut pas voter Marine Le Pen” et j’ai laissé le choix entre voter Macron ou blanc. […] Tant que je m’occuperai du parti, il n’y aura jamais d’alliance avec le Front national, ni discussion d’arrière-boutique avec les apparatchiks de Marine Le Pen. Le FN, c’est trop de violence, trop de haine, trop d’incompétence.» Restent les électeurs partis au Front et qu’il veut faire revenir. «Je leur demande : “Prenez votre temps et jugez-nous sur la durée.”»

Lors d’un récent déjeuner, Nicolas Sarkozy lui a rappelé : «Laurent, il faut t’élargir. Regarde ce que j’ai fait avec toi. Tu n’as pas toujours dit du bien de moi.» Bon élève, il applique le conseil. «J’aime l’énergie et la pugnacité de Sarkozy. J’aime chez Chirac son empathie. J’ai apprécié la solidité de François Fillon, sa force pendant la campagne pour tenir sur cette ligne libérale et conservatrice. Je fais partie de ceux qui pensent que, sans les affaires, François aurait gagné.»

Mais il ne sera le clone de personne. Son diagnostic sur l’état de l’opposition est implacable. «La droite s’est technoïsée dans les années 1990. A part la parenthèse de la campagne présidentielle de 2007, elle a perdu ses valeurs. Il faut donc tout réinventer, faire monter une nouvelle génération, revivifier la pensée de droite, savoir qui nous sommes.» Face à Macron, «ce président parisien et jupitérien», la droite doit, déclare-t-il, incarner «les territoires et une France enracinée». Pour relever ce «défi génial», Wauquiez ne transigera pas. Il s’opposera sans relâche, indique-t-il, à la «vision multiculturelle» du chef de l’Etat. S’il n’a aucun problème à soutenir certaines de ses réformes économiques, il n’est pas inquiet : ce président ne lui piquera pas ses électeurs. «Macron n’est pas de droite. Au-delà de quelques formules audacieusement ordurières, il y a plus de hollandisme que de sarkozysme chez lui. Son discours, c’est une pincée de libéralisme pour séduire la droite, une pincée de communautarisme pour faire plaisir à la gauche. Le tout noyé dans un gigantesque marigot. Il ne tiendra pas longtemps les deux bouts de l’omelette. Macron, c’est de la com’, du marketing. Pas une vision du monde.»

"Toutes ces critiques contre moi montrent que je dérange"

Cette tactique sera-t-elle payante à court terme ? Pour l’instant, c’est plutôt Wauquiez qui paie au prix fort son durcissement et sa mauvaise réputation. Il est devenu l’homme qu’on adore détester à Paris, le représentant de la «droite dure» ou de la «droite radicale» pour les médias. L’intéressé hausse les épaules : «C’est le prix à payer quand on résiste au politiquement correct.» Et de rappeler que, avant lui, le général de Gaulle fut traité de «dictateur», Chirac de «facho» et Sarkozy d’«extrémiste». «En France, dès que la droite relève la tête, on l’insulte. Toutes ces critiques contre moi montrent que je dérange. Il y a une telle rage que tous les coups sont permis. Y compris s’en prendre à mon physique. Ils ne me feront pas taire», prévient-il, confortablement installé sur la terrasse de sa maison. Ironique, il confie même être prêt à faire des «tests» pour prouver qu’il n’a jamais teint ses cheveux en gris… comme l’a raconté «Le Monde».

A 42 ans, Laurent Wauquiez est en passe de devenir le plus jeune dirigeant du principal parti de droite. Jacques Chirac avait 44 ans quand il a lancé le RPR, en 1976. Nicolas Sarkozy a attendu d’avoir 50 ans pour mettre la main sur l’UMP, en 2005. En 2022, Wauquiez aura 47 ans. Un an de moins que l’Auvergnat Valéry Giscard d’Estaing à son entrée à l’Elysée. L’homme pressé du Puy-en-Velay est dans les temps.

Edito vidéo : Wauquiez, un pitbull contre Macron

Contenus sponsorisés

Publicité