BULLETIN DE PSYCHOLOGIE Tome XXXVIII, n° 368

Apport des systèmes experts à l’étude de l’acquisition des connaissances (>

Le développement de la psychologie cognitive n’est orienté que depuis peu vers les appren¬ tissages complexes, considérés du point de vue du fonctionnement opératoire du sujet. On entend par apprentissages complexes l'acquisi¬ tion d'un ensemble de connaissances qui inter¬ viennent dans des tâches cognitives complexes. Il peut s'agir par exemple de connaissances relevant d’un domaine conceptuel donné, com¬ me le concept de chaleur (Tiberghien, 1984), de l'acquisition d’invariants, tels les invariants relationnels en jeu dans les structures additives (Vergnaud, 1982).

L’étude de tels domaines de connaissances, sémantiquement riches (comme les mathéma¬ tiques, la physique...) se heurte d’abord à une première difficulté : la grande diversité des connaissances individuelles et des processus qui contrôlent l'utilisation de ces connaissances. Par ailleurs, l’analyse des processus d'acquisi¬ tion doit intégrer différentes conceptions de l’apprentissage : l’apprentissage par l’action (Anzai et Simon, 1979, George, 1984), les appren¬ tissages significatifs de concepts (Anderson et al, 1981)... Chacun de ces apprentissages s’adres¬ se à un type de connaissances particulier, mais tous deux interviennent dans les apprentissages complexes.

Nous 'nous proposons de donner ici quelques éléments prospectifs sur les problèmes posés par la formatisation du fonctionnement cognitif et des processus d’acquisition, à propos de connaissances complexes. La formalisation nous semble en effet un outil précieux pour préciser les .hypothèses faites sur l’organisation des connaissances de l’élève, sur les métaconnais¬ sances qui gèrent l’accès à ces connaissances, et sur les processus d’apprentissage. L'idée sous-jacente est qu’aider aux apprentissages cognitifs passe par une meilleure compréhen¬ sion de la structuration cognitive de l’élève.

Une méthodologie appropriée pour simuler le fonctionnement cognitif de l'élève nous sem¬ ble être celle des Systèmes Experts.

Que sont les Systèmes Experts ?

Conçus par les spécialistes de l’Intelligence artificielle, les systèmes experts ont pour but de résoudre des problèmes extrêmement com¬ plexes, dont la solution n'est généralement pas algorithmique. Ces systèmes sont capables de résoudre ces problèmes aussi bien, voire mieux, que les meilleurs spécialistes du domaine. De tels systèmes sont opérationnels dans des domaines très divers : diagnostic médical (Shortliff, 1976), géologie, prospection minière (Konolidge, 1979)...

Fondamentalement, l'architecture d’un systè¬ me expert (Laurière, 1982) comprend :

— une base de connaissances : elle est donnée «en vrac » par le spécialiste du domaine ; elle peut être formalisée de diverses façons, règles de production, réseaux, cadres ou «fra¬ mes »...

— un moteur d'inférences qui assure la ges¬ tion dynamique des connaissances lors de la résolution des problèmes ; il inclut les proces¬ sus élémentaires, et généraux, de raisonnement.

— une base de faits qui constitue la mémoire de travail du système ; la base de faits contient les nouvelles données résultant des traitements réalisés, les hypothèses courantes, le plan cou¬ rant...

Les systèmes experts ont par ailleurs pour caractéristique d’être aisément adaptatifs. Ils peuvent facilement évoluer, et ceci est lié à l'indépendance des blocs de connaissances de la base de connaissances. Il est facile d'enlever, d'ajouter ou de modifier certaines connaissan-