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La maladie d’Alzheimer est-elle héréditaire ?

Publié le par Manon Duran

En collaboration avec Dre Maï Panchal (directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer)

Plusieurs personnes de votre famille sont ou ont été concernées par la maladie d’Alzheimer ? Il est tout à fait normal de vous demander si vous risquez vous aussi de développer cette maladie neurodégénérative. Dans quelle mesure cette pathologie est-elle héréditaire ? On fait le point avec la Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer.

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante de démence chez les personnes âgées : elle concerne aujourd’hui plus d’un million de Français et de Françaises. Cette maladie neurodégénérative se caractérise par une perte progressive des capacités cognitives et de la mémoire. Les personnes concernées présentent une confusion, une désorientation dans le temps et dans l’espace, des troubles du langage, mais aussi parfois des changements de personnalité.

D’un point de vue médical, on sait aujourd’hui que la maladie d’Alzheimer est caractérisée par l’accumulation anormale de deux protéines dans le cerveau : la protéine amyloïde (ou peptide bêta-amyloïde) et la protéine Tau. Mais bien que les chercheurs aient fait d’énormes progrès dans la compréhension de cette maladie, le rôle précis de la génétique et de l’environnement dans son développement reste difficile à saisir.

Les mécanismes génétiques inquiètent notamment de nombreux proches (aidants ou non) … À quel point cette maladie est-elle héréditaire ? Risque-t-on forcément de la développer si l’un de nos parents est malade ? Peut-on se faire dépister en amont pour pouvoir prévenir au mieux son apparition ? On fait le point avec la Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer.

Quelles sont les chances d’avoir la maladie d’Alzheimer ?

Il est malheureusement très difficile - voire impossible - de savoir si vous développerez un jour une démence. Plusieurs facteurs de risques peuvent augmenter les chances d’avoir la maladie d’Alzheimer. Comme le rappelle notre experte, le principal facteur de risque n'est autre que l’âge : l’incidence de la maladie augmente après 65 ans et explose après 80 ans.

Le mode de vie et l’environnement jouent également un rôle important : l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, le tabagisme peuvent contribuer à augmenter les chances de développer la maladie. Sans oublier la sédentarité (le manque d’activité physique) et les microtraumatismes crâniens répétés qui concernent notamment certains sportifs.

Le fait d’avoir stimulé régulièrement son cerveau au cours de sa vie personnelle ou professionnelle et le fait d’avoir une vie sociale active semble aussi retarder l’apparition des premiers symptômes de la maladie. Notre cerveau bénéficierait en quelque sorte d’une « réserve cognitive » qui lui permettrait de compenser, au moins pour un temps, la fonction des neurones perdus (plasticité cérébrale).

Quid des prédispositions génétiques ?

Il existe bel et bien des facteurs de risques génétiques, aussi appelés facteurs de prédisposition génétique, indique la Dre Panchal. Et de développer : « À ce jour, on a identifié plus de 70 facteurs de risques génétiques présents dès la naissance et contre lesquels on ne peut pas lutter. Le principal facteur de prédisposition génétique est le gène ApoE, qui peut prendre différentes formes.

On distingue la forme ApoE2, plutôt protectrice, la forme ApoE3, plutôt neutre, et la forme ApoE4, qui augmente le risque de maladie d’Alzheimer, puisque 50 % à 60 % des personnes qui en sont porteuses et atteignent l'âge de 85 ans la développeront. Ça ne signifie pas que toutes les personnes porteuses de cette forme ApoE4 vont tomber malades, mais cela reste un facteur de risque important ». 

Bon à savoir : contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce facteur de risque n’est pas utilisé dans une démarche diagnostique pour prédire le risque individuel de développer ou non la maladie d’Alzheimer. Autrement dit, pas question de faire un génotypage pour vous annoncer que vous êtes porteur du gène à 30 ans et que vous avez 50 % de chance de tomber malade en vieillissant ! Pour cause ? Les facteurs de risque n’entraînent pas nécessairement le développement de la maladie, mais peuvent augmenter la probabilité de tomber malade : c'est pourquoi on parle parfois de gènes de susceptibilité.

De nombreuses personnes âgées ne développent jamais la maladie d'Alzheimer alors même qu'elles présentent des facteurs de risque environnementaux et génétiques. À l'inverse, certaines personnes peuvent avoir la maladie d'Alzheimer relativement tôt, alors qu'elles ont mené la vie la plus saine possible et qu'elles n'ont pas de facteurs de risques génétiques. Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer. 

Qui sont donc les personnes les plus touchées par la maladie d’Alzheimer en France ?

Étant donné les facteurs de risques cités ci-dessus, plusieurs populations peuvent être particulièrement concernées par la maladie d’Alzheimer :

  • Les personnes âgées de plus de 65 ans, dans la mesure où le risque de développer la maladie augmente avec l’âge.
  • Les personnes ayant des antécédents familiaux de la maladie d’Alzheimer, en particulier si un parent au premier degré est affecté (mère, père, frère ou sœur).
  • Les femmes ont un risque légèrement plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer que les hommes, surtout après 80 ans.
  • Les personnes ayant des facteurs de risque cardiovasculaire, soit les personnes hypertendues, diabétiques, en obésité ou souffrant d’hypercholestérolémie.
  • Les personnes ayant un faible niveau d’activité cognitive, dans la mesure où l’éducation et l’engagement dans des activités cognitives stimulantes tout au long de la vie peuvent aider à réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

La maladie d’Alzheimer est-elle héréditaire ou non ?

Dans près de 99 % des cas, la maladie d’Alzheimer n’est pas héréditaire, assure la Dre Panchal. Autrement dit, si l’un de vos parents est concerné par cette pathologie neurodégénérative, cela ne signifie pas que vous développerez forcément la maladie en vieillissant. On parle de forme sporadique de la maladie d’Alzheimer. Cela dit, il existe aussi une forme héréditaire de la maladie, qui représente moins de 1 % des cas de maladie d’Alzheimer

Ce que l’on sait de la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer

La forme sporadique de la maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante et représente près de 99 % des cas. Elle est multifactorielle et relève donc d’une combinaison complexe entre la génétique, l’environnement et le style de vie, précise la Dre Panchal. On distingue les malades jeunes et les malades tardifs, ajoute-t-elle : « 5 % des personnes souffrant de forme sporadique de la maladie sont considérées comme jeunes, car elles déclarent la maladie avant 65 ans ».

Ce que l’on sait de la forme héréditaire (ou familiale) de la maladie d’Alzheimer

La forme héréditaire, aussi dite forme familiale, de la maladie est très rare, puisqu’elle représente moins de 1 % des cas. « On parle de forme autosomique dominante », indique l’experte. Elle est associée à des mutations spécifiques sur le gène de l’APP (qui code la protéine dont est issu le peptide amyloïde) et sur les gènes PSEN1 et PSEN2 (qui codent les enzymes nécessaires à la production de peptide amyloïde). Malheureusement, cette forme héréditaire peut se déclencher bien avant 65 ans. Les personnes porteuses des mutations ont aussi 50 % de risque de transmettre leurs mutations à chacun de leurs enfants… C’est pourquoi la maladie peut être présente de génération en génération dans certaines familles, note la Dre Panchal.

À quel âge peut se déclarer la forme héréditaire de la maladie ? Est-elle plus agressive ou plus rapide ?

La forme autosomique dominante de la maladie d’Alzheimer est caractérisée par un début précoce : dans la grande majorité de cas, les personnes concernées déclarent la maladie avant 65 ans, voire avant 50 ans. Comme le rappelle la Fondation Vaincre Alzheimer, à l’heure actuelle, les cas les plus jeunes ont été détectés à partir de 30 ans. Quoi qu’il en soit, il est impossible de prédire exactement à quel âge se déclareront les premiers symptômes et à quelle vitesse ils évolueront !

Les personnes en proie à une forme héréditaire perdent leurs capacités cognitives et leur autonomie plus jeunes, mais cela ne veut pas dire que leurs symptômes sont plus agressifs ou évoluent plus rapidement. La sévérité et la progression de la maladie peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre, qu'il s'agisse d'une forme sporadique ou héréditaire. Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer. 

Hérédité : est-ce que la forme familiale d’Alzheimer peut sauter une génération ?

Un parent porteur de mutations sur les gènes APP, PSEN1 et / ou PSEN2 a 50 % de chances de transmettre la maladie à chacun de ses enfants. En fonction des arbres généalogiques, et étant donné le grand nombre de combinaisons chromosomiques possibles, il se peut toutefois qu’un enfant échappe aux gènes qui contiennent les mutations problématiques. Dans ce cas, il ne risque pas de développer la forme héréditaire de la maladie et ne peut pas la transmettre à ses enfants. En revanche, rien ne l’empêche de développer une forme sporadique de la maladie. « Toutefois, au sein d’une même fratrie, il est rare que tous les enfants échappent à cette maladie génétique, relève l’experte. D’où l’importance du diagnostic pour savoir si votre famille véhicule, oui ou non, une forme héréditaire de la maladie d’Alzheimer. »

Dépistage et test sanguin : comment savoir si on a hérité des gènes mutants responsables de la maladie d’Alzheimer ?

Le dépistage de la forme familiale de la maladie d’Alzheimer est un processus complexe et délicat… Comme nous l’explique la Dre Maï Panchal, si vous êtes préoccupé(e) par certains symptômes et par le risque de développer la maladie d’Alzheimer en raison de vos antécédents familiaux, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant. Si besoin, il vous redirigera vers un neurologue qui peut être alerté par plusieurs cas de figure :

  • Vous avez moins de 65 ans, présentez des symptômes évocateurs de la maladie d’Alzheimer et ne savez pas si vous avez des antécédents familiaux.
  • Vous avez moins de 65 ans, présentez des symptômes évocateurs de la maladie d’Alzheimer et une personne de votre famille a déjà déclenché la maladie d’Alzheimer aussi jeune, sans que vous sachiez si une anomalie génétique a été identifiée.
  • Une anomalie génétique a déjà été identifiée chez une personne de votre famille, mais vous n’avez jamais été testé(e) et souhaitez savoir si vous risquez de développer une forme héréditaire de la maladie, ou non.

Si la situation est préoccupante, votre médecin vous proposera de fournir un arbre généalogique et de réaliser un prélèvement sanguin qui sera envoyé au Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes (CNRMAJ) du CHU de Rouen. Si une anomalie est belle et bien identifiée sur les gènes APP, PSEN1 et / ou PSEN2, vous serez pris(e) en charge par un conseil génétique composé de généticiens, de neurologues et de psychologues. Son objectif ? Affiner le diagnostic, vous conseiller pour retarder au maximum l'évolution de la maladie, vous accompagner dans un éventuel projet de famille en proposant par exemple un diagnostic prénatal, aider les membres de votre famille à savoir s’il vaut mieux se faire tester ou rester dans l’expectative, vous diriger vers des essais cliniques spécifiques, etc. « Les implications émotionnelles, sociales et financières sont importantes, prévient la Dre Panchal. Mieux vaut être bien accompagné(e) et entouré(e) ! »

À noter : il n’existe aucun test génétique fiable pour dépister la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer. Le Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes est uniquement chargé de savoir si une personne présente les mutations caractéristiques de la forme héréditaire de la maladie. Il ne vérifie pas la présence de facteurs de risques génétiques !

Quelle est la durée de vie d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ?

L’espérance de vie des malades d’Alzheimer est difficilement prévisible et dépend de très nombreux facteurs, comme l’âge au moment du diagnostic, la gravité de la maladie, les autres conditions de santé, le soutien social et la qualité des soins prodigués. Rappelons que la maladie d’Alzheimer ne peut pas être la cause directe de la mort. En réalité, ce sont les complications (les chutes, les infections respiratoires, les problèmes de déglutition, etc.) qui réduisent l’espérance de vie des personnes concernées ! Certaines peuvent vivre beaucoup plus longtemps que d’autres, dont la maladie progresse beaucoup plus rapidement en dépit des soins et du soutien approprié.

En vidéo : le témoignage de Lise, 81 ans, ambassadrice de la Fondation Vaincre Alzheimer