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2000<br />
PERSPECTIVES<br />
CUMENTAIRES<br />
EN É UCATION<br />
N° 49 - 2000<br />
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Institut National de Recherche Pédagogique<br />
<strong>INRP</strong>
PERSPECTIVES<br />
DOCUMENTAIRES<br />
EN ÉDUCATION
CONSEILLERS A LA REDACTION<br />
PERSPECTIVES<br />
DOCUMENTAIRES<br />
EN ÉDUCATION<br />
est publié troisfois par an par l'unité Communication-<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation-<br />
Synthèse de l'Institut national de recherche pédagogique<br />
JEAN-MARIE BARBIER, professeur au Conservatoire national des arts et métiers<br />
JACKY BEILLEROT, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à l'université de Paris X<br />
MlCHEL BERNARD, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à l'université de Paris II<br />
ALAIN COULON, professeur à l'université de Paris VIII<br />
FRANÇOISE CROS, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à l'<strong>INRP</strong><br />
JEAN-CLAUDE FORQUIN, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à l'<strong>INRP</strong><br />
JEAN GUGLIELMI, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation<br />
JEAN HASSENFORDER, professeur émérite à l'<strong>INRP</strong> et à l'université de Paris V<br />
GENEVIÈVE LEFORT, responsable de docum<strong>en</strong>tation<br />
ANDRÉE TiberGHIEN, maître de recherche au CNRS de Lyon<br />
GEORGES VIGARELLO, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à l'université de Paris V<br />
RÉDACTION<br />
Christiane Étévé, rédacteur <strong>en</strong> chef<br />
Marie-Françoise Caplot, secrétaire de rédaction<br />
Équipe de rédaction : LE PERSONNEL DE DOCUMENTATION DE LA BIBLIOTHÈQUE-CDR<br />
et de l'unité "Communication-<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation-Synthèse"<br />
Directeur de la publication : ANNE-MARIE PerRIN-Naffakh, directrice de l'<strong>INRP</strong><br />
Les opinions exprimées dans les articles n'<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t que la responsabilité des auteurs<br />
La partie bibliographique Ouvrages et Rapports est extraite de la banque<br />
de données Emile 1 (<strong>INRP</strong>-CDR) et du catalogue de la Bibliothèque<br />
Photo de couverture : Jean SUQUET / CNDP et photos des pages 36 et 82 : J. M. BEAUMONT / CNDP<br />
Abonnem<strong>en</strong>ts : Service des Publications de l'<strong>INRP</strong><br />
29, rue d'Ulm 75230 Paris Cedex 05 - Tél. 01 46 34 90 04
SOMMAIRE<br />
ÉTUDES<br />
Itinéraire de recherche<br />
Véronique Leclercq / Les sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation "au service" de la formation<br />
des adultes de faible niveau de scolarisation 9<br />
Chemins de pratici<strong>en</strong>s<br />
MlCHhLh Babilloi / Fille, femme, <strong>en</strong>seignante : sur les chemins de l'égalité 23<br />
I-RANCK Chignier-Riboulon / De l'<strong>en</strong>fant de la République au hussard de la République 29<br />
ChaN'IAL Costa / Un nouveau regard sur l'échec scolaire 37<br />
Frédéric Haeuw / Construction id<strong>en</strong>titaire et rapport aux savoirs 41<br />
Marie-Chris i ine Presse / Entre le rêve et la réalité : trouver le chemin 57<br />
Chemins de doctorants<br />
Nathalie Bélanger / Les contradictions de l'histoire :<br />
l'expéri<strong>en</strong>ce des pionniers de la psychologie scolaire et ['"<strong>en</strong>fance inadaptée" 65<br />
Monique Landesmann / Id<strong>en</strong>tités académiques et génération : itinéraire de thèse 75<br />
Brigi i I h Lemius / Du sujet opératoire au sujet exist<strong>en</strong>tiel : faire une thèse, se dégager<br />
des schémas de p<strong>en</strong>sée pré-établis ou appr<strong>en</strong>dre à construire la liberté de poser les questions 83<br />
LAURENCE Loee'EEL / La question du fondem<strong>en</strong>t de la morale laïque<br />
sous la Troisième République : une quête des origines à la frontière des g<strong>en</strong>res 93
Communication docum<strong>en</strong>taire<br />
Jean-Michel DROUET / Les déterminants des diverses pratiques de lecture<br />
<strong>en</strong> Éducation des <strong>en</strong>seignants 101<br />
"Souv<strong>en</strong>irs dufutur"<br />
JEAN-FRANÇOIS GARCIA / Joseph Jacotot. Extrait du Nouveau Dictionnaire de pédagogie<br />
et d'Instruction Primaire de Ferdinand Buisson 115<br />
Innovations et recherches à l'étranger<br />
Nelly Rome 121<br />
Observatoire des thèses concernant l'éducation<br />
Marie-Françoise Caplot 137<br />
BIBLIOGRAPHIE COURANTE<br />
Ouvrages et rapports 159<br />
Adresses d'éditeurs 201<br />
Summaries 205<br />
<strong>INRP</strong> - Paris<br />
29, rue d'Ulm<br />
75230 Paris Cedex 05<br />
Perspectives docum<strong>en</strong>taires <strong>en</strong> éducation<br />
est une publication de l'Institut national de recherche pédagogique<br />
<strong>INRP</strong> - Lyon<br />
C<strong>en</strong>tre Léon Blum<br />
Place du P<strong>en</strong>tacle - BP 17<br />
69195 Saint-Fons Cedex<br />
www.inrp.fr<br />
<strong>INRP</strong> - Rou<strong>en</strong><br />
39, rue de la Croix-Vaubois<br />
76130 Mont-Saint-Aignan
ÉTUDES
ITINÉRAIRE<br />
DE RECHERCHE
LES SCIENCES DE L'ÉDUCATION<br />
"AU SERVICE" DE LA FORMATION<br />
DES ADULTES DE FAIBLE<br />
NIVEAU DE SCOLARISATION<br />
VÉRONIQUE LECLERCQ<br />
1972. Je devi<strong>en</strong>s formatrice <strong>en</strong> "alpha" dans un<br />
groupe d'immigrés, algéri<strong>en</strong>s et marocains, salariés<br />
d'une <strong>en</strong>treprise lilloise. Jamais scolarisés, ils ne maî¬<br />
tris<strong>en</strong>t aucun code écrit, mais ils parl<strong>en</strong>t plus ou<br />
moins le français. On me demande de les am<strong>en</strong>er à se<br />
débrouiller dans les actes de la vie courante nécessi¬<br />
tant l'écrit et de mettre <strong>en</strong> place, ce que certains<br />
appell<strong>en</strong>t à l'époque, une "alphabétisation de survie".<br />
Quelles méthodes privilégier ? Quelles sont les prio¬<br />
rités ? Comm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>er une séance de trois heures ?<br />
Quels supports utiliser ? J'ai recours à mes connaissan¬<br />
ces <strong>en</strong> linguistique acquises au cours de quatre années<br />
d'études supérieures <strong>en</strong> Lettres Modernes, je me<br />
plonge dans les quelques ouvrages de référ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong><br />
alphabétisation', j'échange avec les autres vacataires<br />
du CUEEP2 qui a mis <strong>en</strong> place ces actions dans certai¬<br />
nes <strong>en</strong>treprises et dans quelques quartiers de la métro¬<br />
pole lilloise et du bassin minier du Pas-de-Calais. Bref,<br />
"je tâtonne" comme le font beaucoup de formateurs<br />
ou de militants bénévoles d'associations. Voilà résumé<br />
le point de départ d'un parcours professionnel et intel¬<br />
lectuel <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t consacré à la formation continue<br />
de publics étrangers et français, non ou peu scolarisés,<br />
<strong>en</strong> difficulté face à l'écrit.<br />
Ce parcours est marqué par l'unicité d'un domaine<br />
d'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, mais les formes de cet <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />
sont multiples. Au départ <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t situées sur le<br />
pôle des pratiques de terrain, elles évolueront peu à<br />
peu vers le pôle des recherches, recherches pédagogi¬<br />
ques et didactiques. Les étapes du cheminem<strong>en</strong>t sont<br />
marquées par des dynamiques personnelles et des<br />
évolutions du contexte professionnel.<br />
UN PARCOURS PROFESSIONNEL<br />
_£fcL_QUATR£_ ÉTAPES<br />
L'"avant recherche" couvre les années 72-80, au cours<br />
desquelles je suis successivem<strong>en</strong>t formatrice, puis res¬<br />
ponsable pédagogique dans le Départem<strong>en</strong>t Alphabé¬<br />
tisation du CUEEP sur un poste de conseillère <strong>en</strong><br />
formation continue. Ce Départem<strong>en</strong>t gère des actions<br />
de formation <strong>en</strong> direction des travailleurs immigrés et<br />
de leurs familles. Mes activités sont ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t des<br />
activités d'ingénierie de formation, de suivi institution¬<br />
nel et financier des dispositifs, d'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t d'équi¬<br />
pes de formateurs, de conception pédagogique.<br />
La phase d'initiation à la recherche se situe de 1980 à<br />
1985. Je m'<strong>en</strong>gage dans un DEA, puis dans une thèse<br />
1 Maunzio Catani, Médiation pour/dam la liberté : essan d'alphabétisation, Pans, Sci<strong>en</strong>ces et Service, 1970 ; CLAP, Guide du<br />
moniteur, Pans, 1972 ; Collectif d'alphabétisation, Parler, lire, éirire, lutter, vivre, Pans, Maspero, 1973, etc.<br />
2 C<strong>en</strong>tre Université-Économie d'Éducation Perman<strong>en</strong>te, Université des Sci<strong>en</strong>ces et Technologies de Lille, Lille I.<br />
ITINÉRAIRE DE RECHERCHE
de troisième cycle de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation,<br />
consacrée à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du français aux immi¬<br />
grés . Je produis quelques articles et un ouvrage<br />
méthodologique s'adressant aux formateurs4. Je suis<br />
toujours responsable pédagogique <strong>en</strong>gagée sur le<br />
terrain.<br />
La consolidation et l'élargissem<strong>en</strong>t des activités de<br />
recherche est une période plus longue, de 1985 à 1993.<br />
Elle correspond à un changem<strong>en</strong>t de statut profession¬<br />
nel. De "hors statut" de la Formation Continue Uni¬<br />
versitaire, je devi<strong>en</strong>s assistante <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'Éducation, puis maître de confér<strong>en</strong>ces. Certaines<br />
activités de terrain perdur<strong>en</strong>t, mais l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans<br />
les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation à Lille I<br />
devi<strong>en</strong>t important : Diplôme Universitaire de Forma¬<br />
tion d'Adultes, DESS Ingénierie de l'Éducation, DEA,<br />
Lic<strong>en</strong>ce et Maîtrise de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation. Ces<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts me pouss<strong>en</strong>t à élargir mes domaines de<br />
compét<strong>en</strong>ces : pédagogie des adultes (andragogie),<br />
ingénierie de formation et ingénierie pédagogique,<br />
analyse des pratiques de formation d'adultes, didac¬<br />
tique du français écrit. . . Parallèlem<strong>en</strong>t, la publication<br />
d'articles, la participation à des colloques, la réalisa¬<br />
tion de recherches, seule ou <strong>en</strong> équipe, constitu<strong>en</strong>t un<br />
axe de plus <strong>en</strong> plus important. Les investigations<br />
s'élargiss<strong>en</strong>t à ce qu'on appelle la formation de base,<br />
incluant la formation de publics français scolarisés,<br />
maîtrisant mal l'écrit. L'illettrisme, dans cette période,<br />
devi<strong>en</strong>t un problème social, un <strong>en</strong>jeu important de la<br />
politique d'insertion sociale et professionnelle et. . . un<br />
objet de recherche.<br />
L'insertion dans les réseaux sci<strong>en</strong>tifiques marque la<br />
dernière phase, de 1993 à 2000. Je quitte définitive¬<br />
m<strong>en</strong>t le Départem<strong>en</strong>t Formations de Base et Mise à<br />
Niveau (ex-Départem<strong>en</strong>t Alphabétisation) pour tra¬<br />
vailler dans le Départem<strong>en</strong>t Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation,<br />
créé <strong>en</strong> 1994 au CUEEP. L'Habilitation à Diriger des<br />
Recherches m'oblige à analyser mes travaux et<br />
m'incite à <strong>en</strong> r<strong>en</strong>forcer les aspects méthodologiques<br />
et conceptuels. Ma participation aux activités du<br />
laboratoire Trigone de Lille I5, l'insertion dans cer¬<br />
tains réseaux français et internationaux travaillant<br />
sur la formation de base, les contacts avec d'autres<br />
chercheurs <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation <strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t et<br />
nourriss<strong>en</strong>t mes activités d'<strong>en</strong>seignant et de<br />
chercheur.<br />
Au sein de ce parcours, l'évolution vers la recherche<br />
au début des années 80 est un mom<strong>en</strong>t clé. Quel <strong>en</strong><br />
est le levier initial ?<br />
LE LEVIER INITIAL DE L'ÉVOLUTION<br />
VERS LA RECHERCHE :<br />
ANALYSER LA PRATIQUE<br />
Les fonctions de responsable pédagogique au sein du<br />
Départem<strong>en</strong>t Alphabétisation du CUEEP m'ont<br />
am<strong>en</strong>ée à animer des actions de formation de forma¬<br />
teurs et à concevoir des outils pédagogiques : sup¬<br />
ports divers, scénarios de séqu<strong>en</strong>ces. . . Pour m<strong>en</strong>er à<br />
bi<strong>en</strong> ces activités, il a été nécessaire de consolider mes<br />
connaissances <strong>en</strong> didactique et <strong>en</strong> pédagogie. La<br />
didactique du Français Langue Étrangère est à<br />
l'époque <strong>en</strong> plein r<strong>en</strong>ouveau et va donc constituer<br />
une référ<strong>en</strong>ce théorique importante. Le courant<br />
communicatif et fonctionnel représ<strong>en</strong>te une des<br />
composantes de cette dynamique6.<br />
Travailleurs migrants <strong>en</strong> formation : <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et appr<strong>en</strong>tissage d'une connaissance explicite du système du français, dir.<br />
Michel Glatigny, Université de Lille III, 1984, 383 pages + annexes.<br />
Marie-Thérèse Janot, Véronique Leclercq, Bernard Obled, "Fatima ne lave plus la salade", Guide pratique pour la formation des<br />
migrants, Bruxelles, Contradictions, 1985, p. 1-326.<br />
Laboratoire Trigone, Formation, Technologies, Développem<strong>en</strong>t, UPRES A, Directeurs Paul Demunter et Alain Derycke.<br />
3 équipes : Nouveaux Outils pour la Coopération et l'Éducation (NOCE), Ingénierie des formations ouvertes (OPEN),<br />
MÉthodologie Générale, Analyse des Dispositifs et des Pratiques Éducatives (MEGADIPE).<br />
Voir H<strong>en</strong>ri Besse et Robert Galisson, Polémique <strong>en</strong> didactique, Paris, CLE International 1980 ; Daniel Coste et alii, Un niveau<br />
seuil, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1976 ; Daniel Coste, Communicatif fonctionnel, notionnel et quelques autres, Français<br />
dans le monde n° 153, Paris, Hachette Larousse 1980 ; Robert Galisson, D'hier à aujourd'hui, la didactique générale du français,<br />
Paris, CLE International, 1980 ; Sophie Moirand, Situations d'écrit, Paris, CLE International, 1979, etc.<br />
10 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
Quelques chercheurs, notamm<strong>en</strong>t au CREDIF<br />
(C<strong>en</strong>tre de Recherche et de Diffusion du Français,<br />
St Cloud...), appliqu<strong>en</strong>t les ori<strong>en</strong>tations communicatives<br />
et fonctionnelles à la formation des travail¬<br />
leurs étrangers. La lecture de certains ouvrages,<br />
articles ou essais méthodologiques7 m'ouvre des<br />
perspectives pour formaliser des démarches "d'alpha"<br />
rompant avec le modèle structuro-global d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t du français oral ou le modèle scolaire syllabique<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des rudim<strong>en</strong>ts de la<br />
lecture-écriture8. De nouveaux concepts et objets de<br />
recherche émerg<strong>en</strong>t de ces travaux : l'analyse des<br />
besoins langagiers, la compét<strong>en</strong>ce de communi¬<br />
cation, les activités langagières, les actes de parole,<br />
les dim<strong>en</strong>sions extra-linguistiques de la compét<strong>en</strong>ce<br />
de communication, les démarches didactiques<br />
fonctionnelles.<br />
L'autre champ théorique mobilisé pour les activités<br />
de formation de formateurs ou de conception péda¬<br />
gogique a été celui de la linguistique. A la fin des<br />
années 70 et au cours des années 80, quelques équi¬<br />
pes s'intéress<strong>en</strong>t aux processus d'acquisition de la<br />
langue du pays d'accueil mis <strong>en</strong> place par des<br />
migrants. Des revues de linguistique sont consa¬<br />
crées à cette problématique .<br />
Les recherches de Colette Noyau, Rémy Porquier,<br />
Daniel Véronique, Daniel Faïta... trait<strong>en</strong>t d'un cer¬<br />
tain nombre de problèmes qui intéress<strong>en</strong>t le didacti¬<br />
ci<strong>en</strong> confronté à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t d'une langue<br />
étrangère, dans le contexte langagier tout à fait particu¬<br />
lier qu'est celui des travailleurs immigrés et de leurs<br />
familles. Quelles stratégies utilis<strong>en</strong>t les sujets pour<br />
développer une compét<strong>en</strong>ce orale au sein du pays<br />
d'accueil ? Quels rôles jou<strong>en</strong>t leurs acquis <strong>en</strong> langue<br />
maternelle ? Pourquoi tant de différ<strong>en</strong>ces dans les<br />
compét<strong>en</strong>ces linguistiques de personnes ayant le même<br />
profil ? De quelle nature est le "français approché", oral<br />
ou écrit, pratiqué par les migrants ? etc.<br />
Les deux champs, linguistique et didactique du Fran¬<br />
çais Langue Étrangère, ont donc été explorés initiale¬<br />
m<strong>en</strong>t pour armer théoriquem<strong>en</strong>t des interv<strong>en</strong>tions<br />
relevant de la formation de formateurs et asseoir des<br />
travaux de conception pédagogique. Et c'est <strong>en</strong> croi¬<br />
sant leurs concepts et démarches qu'ont pu émerger,<br />
dans un deuxième temps, des questions de recherche<br />
et notamm<strong>en</strong>t des questions de thèse.<br />
Cette évolution a été favorisée par un contexte profes¬<br />
sionnel particulier. La discipline Sci<strong>en</strong>ces de l'Éduca¬<br />
tion comm<strong>en</strong>ce à se structurer dans les universités de<br />
Lille10. Le DEA se met <strong>en</strong> place <strong>en</strong> 1978. C'est l'occa¬<br />
sion pour quelques conseillers <strong>en</strong> formation continue<br />
du CUEEP d'initier un retour aux études universitai¬<br />
res. Après un DEA consacré à l'analyse des discours<br />
institutionnels et pédagogiques portant sur la préfor¬<br />
mation professionnelle des migrants (dir. Michel<br />
Glatigny, 1980), j'<strong>en</strong>tame sous la direction de Michel<br />
Glatigny une thèse sur l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et l'appr<strong>en</strong>tis¬<br />
sage d'une connaissance explicite du système de la<br />
7 Voir par exemple, Pierre Colombier et Jean Poilroux, Pour un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t lonctionnel aux migrant;., Le l rutilais dam le monde<br />
n° 133, Pans, Hachette Larousse, 1977 ; CREDIF, La reJierdic d'un emploi, niveau avaiue, Pans, École Normale Supérieure de<br />
St Cloud, multigraphié, 1976 ; B. Blot, François Mariet, Louis Porcher, Pour la formation des travailleurs migrants, Pans, CREDIF<br />
Didier, 1978 ; Jupp T.C., Hodhn S., Claude Heddesheimer, Jean-Pierre Lagarde, Appr<strong>en</strong>tissage linguistique et lommunuation,<br />
Pans, CLE International, 1978 ; Jean-Pierre Lagarde, Claude Heddesheimer, Claude Piéron, Ùude comparative de Tefjiuuite des<br />
méthodes d'alpha des travailleurs immigres <strong>en</strong> trame, ATP CNRS, Multigraphié, 1978 ; Louis Porcher (dir.), Id<strong>en</strong>tification tlv><br />
besoms langagiers des travailleurs migrants <strong>en</strong> i-ratue, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1982.<br />
8 Modèles qu'illustr<strong>en</strong>t la méthode du C<strong>en</strong>tre de Linguistique Appliquée de Besançon, CLAB Alpha, méthode défrayais oral pour<br />
travailleurs étrangers, Besançon, 1975, ou les ouvrages tels que Lire <strong>en</strong> français, ALL, 1969 ou Collectif d'alphabétisation,<br />
Alphabétisation, pédagogie, expéri<strong>en</strong>ces, réflexion, Pans, Maspero, 1979.<br />
9 Langue l-ran
langue dans le cadre de la formation d'immigrés sco¬<br />
larisés au pays, itali<strong>en</strong>s et portugais <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce.<br />
Il me faut donc approfondir la connaissance des refe¬<br />
r<strong>en</strong>ts théoriques linguistiques et didactiques néces¬<br />
saires à mon investigation : opposition connaissance<br />
implicite/connaissance explicite, interlangue, com¬<br />
pét<strong>en</strong>ce métaîinguistique... Je m'approprie des tex¬<br />
tes sur l'acquisition d'une langue étrangère <strong>en</strong><br />
effectuant les transferts nécessaires à mon projet<br />
spécifique11.<br />
Parallèlem<strong>en</strong>t, je mobilise les travaux propres à la<br />
didactique du français, notamm<strong>en</strong>t ceux consacrés à<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t grammatical, ainsi que les recherches<br />
portant sur les analyses de pratiques <strong>en</strong> formation<br />
d'adultes. L'ouvrage de Marcel Lesne12 constituera<br />
pour moi une référ<strong>en</strong>ce clé, puisque j'exploiterai cer¬<br />
tains aspects de son analyse pour établir trois types<br />
d'approche grammaticale à partir de l'observation de<br />
108 heures de séances "d'alpha", m<strong>en</strong>ée dans le cadre<br />
de la thèse.<br />
Il me faut aussi construire une méthodologie de<br />
recueil de données cohér<strong>en</strong>te, susceptible de<br />
répondre aux questions concernant à la fois le ver¬<br />
sant <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t (observation de situations de for¬<br />
mation, analyse de comptes r<strong>en</strong>dus d'actions,<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec les formateurs...) et le versant<br />
appr<strong>en</strong>tissage (recueil de données textuelles et intuitionnelles13<br />
auprès de 40 stagiaires, <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s...).<br />
La thèse constituera un mom<strong>en</strong>t fort du parcours :<br />
lectures théoriques, efforts méthodologiques, pos¬<br />
ture nouvelle consistant à sout<strong>en</strong>ir une thèse fondée<br />
et argum<strong>en</strong>tée, activité d'écriture longue. . .<br />
Au terme de ce rappel d'une étape déjà anci<strong>en</strong>ne,<br />
soulignons que c'est bi<strong>en</strong> la mobilisation de ressour¬<br />
ces théoriques au service de questions initiales de<br />
pratici<strong>en</strong>s qui a constitué le moteur de la démarche<br />
vers la recherche : comm<strong>en</strong>t améliorer les pratiques<br />
de formation de base, quels modèles didactiques<br />
ret<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avec les connaissances <strong>en</strong>gran<br />
gées <strong>en</strong> linguistique, comm<strong>en</strong>t faire pour que les<br />
stagiaires développ<strong>en</strong>t une compét<strong>en</strong>ce de commu¬<br />
nication orale et écrite durable, comm<strong>en</strong>t répondre à<br />
leurs besoins langagiers... ?<br />
À partir de cette étape initiale, dont la thèse constitue<br />
un point fort, comm<strong>en</strong>ce réellem<strong>en</strong>t l'itinéraire de<br />
recherche, recherche dont je rappellerai brièvem<strong>en</strong>t<br />
les objets.<br />
THÈMES DE RECHERCHE :<br />
PERMANFNrF ET ÉVOLUTION<br />
Les recherches m<strong>en</strong>ées depuis bi<strong>en</strong>tôt 20 ans concer¬<br />
n<strong>en</strong>t les dim<strong>en</strong>sions pédagogiques et didactiques de<br />
la formation de base d'adultes étrangers et français,<br />
faiblem<strong>en</strong>t scolarisés ou non scolarisés.<br />
Dim<strong>en</strong>sions pédagogiques ou plutôt andragogiques<br />
puisque les travaux vis<strong>en</strong>t l'analyse, la formalisation,<br />
la modélisation, l'évaluation voire l'explication des<br />
pratiques de formation développées dans certains<br />
dispositifs d'appr<strong>en</strong>tissage ou de réappr<strong>en</strong>tissage des<br />
connaissances de base. Sont interrogés les modèles<br />
éducationnels généraux de référ<strong>en</strong>ce, les théories<br />
implicites et valeurs des formateurs, leurs concep¬<br />
tions de ce qu'est <strong>en</strong>seigner et appr<strong>en</strong>dre, de ce qu'est<br />
l'analphabétisme et l'illettrisme, leurs représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tions des difficultés des publics, etc.<br />
Dim<strong>en</strong>sions didactiques aussi, puisque certaines<br />
recherches sont focalisées sur les conduites d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t et les modalités d'appr<strong>en</strong>tissage d'un savoir<br />
particulier : celui de la communication écrite.<br />
Les recherches s'organis<strong>en</strong>t autour de trois axes.<br />
1er axe. Analyse compreh<strong>en</strong>sive des pratiques de<br />
formation de base. Cette analyse peut se décliner <strong>en</strong><br />
plusieurs points :<br />
- Formalisation et modélisation des pratiques<br />
didactiques et pédagogiques des formateurs. Ces<br />
recherches sont effectuées à partir de données diver-<br />
1 1 Voir les contributions de Pit Corder, Steph<strong>en</strong> Krash<strong>en</strong>, de Ell<strong>en</strong> Bialystok, de Francine Cicurel, de Michaël Sharwood Smith, de<br />
Clive Pordue, Rémy Porquier. . .<br />
12 Marcel Lesne, Travail pédagogique etformation d'adultes, Paris, PUF, L'éducateur, 1977.<br />
13 Les données intuitionnelles s'appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à ce que les linguistes appell<strong>en</strong>t les procédés d'élicitation, c'est-à-dire les procédés de<br />
sollicitation chez les appr<strong>en</strong>ants de jugem<strong>en</strong>ts et de réflexions sur des faits de langage : acceptabilité d'énoncés, comm<strong>en</strong>taires sur<br />
les productions écrites, appel à l'intuition des appr<strong>en</strong>ants.<br />
12 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
sifiées : <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec les formateurs, avec les sta¬<br />
giaires, analyse des supports de formation utilisés,<br />
observation in situ de séqu<strong>en</strong>ces de cours ;<br />
- Mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce et t<strong>en</strong>tatives d'explication<br />
concernant les conceptions et systèmes de valeurs<br />
des formateurs. Cet objectif de recherche est très lié<br />
au précéd<strong>en</strong>t et nécessite un recueil de données<br />
id<strong>en</strong>tique. A travers l'analyse des pratiques, il est pos¬<br />
sible de dégager des régularités dans les représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tions des formateurs à propos de ce que représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
l'analphabétisme et la non-maîtrise des savoirs de<br />
base, de ce qu'est une situation de formation, de ce<br />
qu'est <strong>en</strong>seigner et appr<strong>en</strong>dre la lecture et l'écriture,<br />
de ce qu'est évaluer le lire-écrire, etc. ;<br />
- Évaluation de dispositifs de formation et de dis¬<br />
positifs pédagogiques spécifiques basés sur les Nou-<br />
^velles^fechnologies éducatives^Cette évaluation se<br />
mène par <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec les acteurs concernés, par<br />
observation, pa^analyse^docum<strong>en</strong>taire, par analyse<br />
des supports de formation...<br />
Mise <strong>en</strong> perspective historique des évolutions péda¬<br />
gogiques et didactiques de la formation de base. Cette<br />
investigation plus réc<strong>en</strong>te s'appuie sur plus de vingt<br />
ans d'expéri<strong>en</strong>ce dans le domaine, sur la participation<br />
à des réseaux nationaux ou internationaux de la for¬<br />
mation de base. L'analyse est avant tout docum<strong>en</strong>taire.<br />
2e axe. Formalisation et théorisation d'approches<br />
didactiques et pédagogiques expérim<strong>en</strong>tées, s'ap¬<br />
puyant sur les résultats des travaux du premier axe.<br />
Les travaux consist<strong>en</strong>t à concevoir et expérim<strong>en</strong>ter<br />
des approches spécifiques, notamm<strong>en</strong>t dans l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t de la lecture-écriture à des adultes. Ils<br />
s'appui<strong>en</strong>t sur des formations-actions, des recher¬<br />
ches-actions mêlant pratici<strong>en</strong>s et chercheurs. Cet<br />
axe s'opérationnalise dans la conception d'outils de<br />
formation mais aussi dans la production d'ouvrages<br />
et de docum<strong>en</strong>ts à destination des formateurs.<br />
3e axe. Analyse compreh<strong>en</strong>sive des spécificités<br />
des publics faiblem<strong>en</strong>t scolarisés, faiblem<strong>en</strong>t quali¬<br />
fiés dans leurs rapports à l'écrit et à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
de l'écrit. Il s'agit ici de connaître davantage les sta¬<br />
giaires dans leurs fonctionnem<strong>en</strong>ts face à l'écrit,<br />
dans leurs pratiques scripturales, dans leurs repré¬<br />
s<strong>en</strong>tations de l'écrit, mais aussi dans leurs stratégies<br />
1 4 Véronique Leclercq, late à l'illettrisme . <strong>en</strong>seigner / Vi rit à des adultes, Pan.s, ESF, 1999.<br />
d'appropriation des savoirs "transmis" dans la forma¬<br />
tion. Les méthodologies de recherche sont de nature<br />
qualitative : <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec les stagiaires, confronta¬<br />
tion à des tâches et analyse des fonctionnem<strong>en</strong>ts face à<br />
ces tâches, analyse de productions écrites, observation<br />
de situations de formation...<br />
Des évolutions au niveau des objets et thèmes de<br />
recherche ont marqué le parcours ; elles sont liées à<br />
des transformations touchant la formation de base et,<br />
plus généralem<strong>en</strong>t, la formation des adultes et corres¬<br />
pond<strong>en</strong>t à des opportunités. Trois exemples illustr<strong>en</strong>t<br />
ces changem<strong>en</strong>ts de cap.<br />
- Au cours d'une première période, je me suis intéressée<br />
à la formation des populations issues de l'immigration,<br />
puis les recherches ont évolué vers la formation des<br />
publics^n^ituation d'iUettrisme, e^est-à-dire des publics<br />
ayant le français comme langue maternelle, scolarisés <strong>en</strong><br />
Zlangue-françaisejnais_nejnaîtfisant pas suffisamm<strong>en</strong>r<br />
l'écrit pour faire face aux exig<strong>en</strong>ces de la vie sociale, pro-<br />
fessionnelle ou culturelle. Cet infléchissem<strong>en</strong>t est direc¬<br />
ITINÉRAIRE DE RECHERCHE<br />
tem<strong>en</strong>t lié à l'évolution de la formation de base <strong>en</strong><br />
France. Au début des années 80, de nouveaux dispositifs<br />
de formation voi<strong>en</strong>t le jour : stages d'insertion sociale et<br />
professionnelle pour les jeunes, stages de "remise à<br />
niveau" pour des chômeurs de longue durée, actions de<br />
requalification d'ouvriers, etc. La constitution de l'illet¬<br />
trisme <strong>en</strong> tant que problème social, la focalisation sur les<br />
problèmes de ce qu'on a appelé les "Bas Niveaux de<br />
Qualification" ont créé une dynamique nouvelle de<br />
formation nécessitant un accompagnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termes<br />
d'ingénierie, d'innovation pédagogique et de recherche.<br />
Je me suis ainsi trouvée comme "portée" par des deman¬<br />
des sociales relatives à ce qui apparaissait comme un<br />
<strong>en</strong>jeu social et économique important : l'illettrisme.<br />
Engagée d'abord dans des travaux de conception péda¬<br />
gogique au titre de mon expéri<strong>en</strong>ce de formation de base<br />
avec un public étranger, je me suis <strong>en</strong>suite impliquée<br />
dans des travaux de recherche sur les publics illettrés et<br />
leur formation. A l'heure actuelle, même si mon dernier<br />
ouvrage s'intitule Pace à l'illelirisme : <strong>en</strong>seigner l'écrit à<br />
des adultes^, je rev<strong>en</strong>dique un domaine général<br />
d'investigation, celui de la formation de base, incluant<br />
donc la formation des populations immigrées.<br />
13
- Certains travaux m<strong>en</strong>és dans les années 85-90 sont<br />
directem<strong>en</strong>t liés à des préoccupations éducatives et<br />
sociétales générales concernant l'émerg<strong>en</strong>ce de nou¬<br />
veaux outils de communication et d'information.<br />
C'est l'époque au cours de laquelle se développ<strong>en</strong>t<br />
dans la formation d'adultes des expérim<strong>en</strong>tations,<br />
des innovations basées sur des outils multimédia<br />
(<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t assisté par ordinateur, puis exploita¬<br />
tion de CD ROM, d'outils de communication à dis¬<br />
tance, etc.). L'idée que ces supports peuv<strong>en</strong>t<br />
augm<strong>en</strong>ter l'efficacité des formations, notamm<strong>en</strong>t<br />
pour les publics les plus éloignés des modèles scolai¬<br />
res, fait son chemin. Mais la production d'outils<br />
(ELMO, ELMO ZERO, LUCIL...)15, l'expérim<strong>en</strong>ta¬<br />
tion d'usages différ<strong>en</strong>ciés d'outils multimédia doit<br />
s'accompagner d'une analyse précise de leurs condi¬<br />
tions d'utilisation, de leurs fonctions, de leurs<br />
impacts, de leurs limites afin de ne pas tomber dans<br />
une mode aussi illusoire qu'éphémère. Ce sera l'objet<br />
de quelques recherches et publications qui sont à<br />
situer dans un contexte précis d'interrogation sur des<br />
modalités pédagogiques <strong>en</strong> émerg<strong>en</strong>ce16.<br />
- Enfin, troisième type d'évolution des thèmes de<br />
recherche, articulée à des transformations plus géné¬<br />
rales de la formation d'adultes : l'ouverture vers<br />
l'international. La formation de base dans les pays<br />
industrialisés s'est structurée au cours de la dernière<br />
déc<strong>en</strong>nie et est dev<strong>en</strong>ue un domaine d'actions à part<br />
<strong>en</strong>tière : "l'alpha" <strong>en</strong> Belgique et au Québec, "basic<br />
education" <strong>en</strong> Angleterre ou <strong>en</strong> Irlande. Notre parti¬<br />
cipation à certains réseaux a permis d'<strong>en</strong>richir nos<br />
investigations de problématiques nouvelles et de<br />
situer la formation de base dans un <strong>en</strong>semble plus<br />
large. Ainsi les travaux de notre collègue Jean-Paul<br />
Hautecur17, r<strong>en</strong>contré lors d'un voyage d'études au<br />
Québec <strong>en</strong> 1987, m'ont montré l'intérêt d'une<br />
approche plus contextualisée, plus écologique des pra¬<br />
tiques pédagogiques et didactiques. Ignorer les<br />
contextes socio-économique, socio-politique, idéolo¬<br />
gique dans lesquels pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t place les dispositifs et<br />
les interv<strong>en</strong>tions éducatives conduit à ne pas com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre ce qui se joue réellem<strong>en</strong>t dans les situations<br />
de formation.<br />
L'évolution des thèmes de recherche, des éclairages,<br />
se reflète clairem<strong>en</strong>t dans les publications. Mais,<br />
au-delà de cette diversité, le parcours est marqué par<br />
une certaine stabilité due à l'unicité du domaine de<br />
recherche, à la focalisation sur un type de probléma¬<br />
tiques, pédagogiques et didactiques, à la perman<strong>en</strong>ce<br />
d'interrogations de base. Une fois rappelé ce chemi¬<br />
nem<strong>en</strong>t personnel, il me semble nécessaire mainte¬<br />
nant de dégager des lignes de force qui permett<strong>en</strong>t de<br />
lui donner une signification plus large. Je voudrais <strong>en</strong><br />
effet expliciter quelques caractéristiques de ma<br />
démarche, qui r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t à des interrogations plus<br />
générales sur les conditions et les fonctions des<br />
recherches <strong>en</strong> éducation et <strong>en</strong> même temps illustr<strong>en</strong>t<br />
assez bi<strong>en</strong> ce que peut être "le pari des Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation", quand celles-ci sont appliquées à un<br />
domaine particulier de la formation d'adultes18.<br />
FORMATION DE BASE DES ADULTES<br />
ET SCIENCES DE L'ÉDUCATION :<br />
TENSIONS ET RICHESSES<br />
15 ELMO, Entraînem<strong>en</strong>t à la Lecture par Micro Ordinateur, Association Française pour la Lecture, 1983.<br />
LUCIL, Lutte Contre l'Illettrisme, V<strong>en</strong>dôme Formation et CUEEP, 1985.<br />
Au cours de ces années, j'ai essayé de décrire des phé¬<br />
nomènes éducatifs, de compr<strong>en</strong>dre le réel, d'établir<br />
des cohér<strong>en</strong>ces, de dégager des régularités, des li<strong>en</strong>s,<br />
1 6 Véronique Leclercq, L'ordinateur dans les stages de formation pour migrants : un outil pédagogique ou davantage, Migrants Formation n° 59, Pans,<br />
CNDP, 1984, p. 23-28 ; V. Leclercq, EAO et illettrisme, Cahiers d'études du CUEEP n° 6, Lille, Cahiers d'Études, p. 64-75 ; V. Leclercq et M.T. Janot,<br />
La carte de visite du bon didacticiel, Cahiers d'études du CUEEP n° 7, Lille, Cahiers d'Études, 1 986, p. 1 2 1 - 142 ; V. Leclercq, Le point sur Lucil. . . deux<br />
ans après, Innovations n° 9-10, Lille, CRDP, 1988, p. 105-112 ; V. Leclercq, Le câble média de groupe : des formateurs face à un dispositif de<br />
communication à distance, Actualité de la formation Perman<strong>en</strong>te n° 123, Paris, C<strong>en</strong>tre Inffo, 1993, p. 25-32 ; V. Leclercq, Canal 6, Rapport<br />
d'évaluation, Laboratoire Trigone, Cahiers d'études du CUEEP n° 21, Lille, 1992, p. 1-118.<br />
1 7 Jean-Paul Hautec dirige les publications ALPHA au Québec, Ministère de l'Éducation du gouvernem<strong>en</strong>t du Québec et Institut de l'Unesco pour<br />
l'Éducation.<br />
18 Pour repr<strong>en</strong>dre le titre de la publication coordonnée par Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly, Bruxelles, De Boeck Université, 1 998.<br />
14 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
de faire émerger des élém<strong>en</strong>ts signifiants au niveau<br />
des pratiques des ag<strong>en</strong>ts éducatifs, au niveau des<br />
publics et de leurs rapports à la formation. En même<br />
temps, il s'est agi de produire des savoirs suscepti¬<br />
bles de structurer de nouvelles pratiques, de solu¬<br />
tionner des problèmes, de transformer l'existant.<br />
L'importance de la visée praxéologique constitue<br />
sans doute une des premières spécificités du<br />
parcours.<br />
De plus, le champ de pratiques sur lequel je travaille<br />
est particulier : la formation de base des adultes <strong>en</strong><br />
difficultés. Les interv<strong>en</strong>tions éducatives vis<strong>en</strong>t la<br />
transformation de sujets appr<strong>en</strong>ants précis (les<br />
publics de faible niveau) ; elles concern<strong>en</strong>t le déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t de compét<strong>en</strong>ces particulières (les savoirs<br />
de base, notamm<strong>en</strong>t la communication écrite) ; elles<br />
se situ<strong>en</strong>t dans un contexte social, économique,<br />
culturel donné. Enfin, elles r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t à des problè¬<br />
mes généraux d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'appr<strong>en</strong>tissage.<br />
De l'<strong>en</strong>semble de ces facteurs découl<strong>en</strong>t trois aspects<br />
fondam<strong>en</strong>taux de la démarche de recherche déve¬<br />
loppée au cours de ces années :<br />
- les recherches pédagogiques et didactiques sur la<br />
formation de base nécessit<strong>en</strong>t la mobilisation de<br />
concepts, de cadres théoriques multiples issus de diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes disciplines, mais elles ont <strong>en</strong>suite à s'autonomiser<br />
et à se constituer <strong>en</strong> champ sci<strong>en</strong>tifique spécifique.<br />
- ces recherches infèr<strong>en</strong>t une posture parfois incon¬<br />
fortable consistant autant à séparer qu'à associer ce<br />
qui relève de la recherche et ce qui relève de l'action.<br />
- <strong>en</strong>fin, elles impliqu<strong>en</strong>t l'appart<strong>en</strong>ance à des<br />
réseaux divers, s'ignorant ou fonctionnant sur des<br />
logiques différ<strong>en</strong>tes.<br />
LA MULTIPLICITÉ DES CADRES<br />
DE REFERENCE<br />
J'ai rappelé précédemm<strong>en</strong>t que la didactique du<br />
Français Langue Étrangère et la linguistique pou¬<br />
vai<strong>en</strong>t être considérées comme premiers champs dis¬<br />
ciplinaires mobilisés pour répondre à des questions<br />
de pratici<strong>en</strong>, puis de chercheur, à propos de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t du français à des travailleurs immigrés.<br />
Au fur et à mesure de l'avancée dans la recherche,<br />
d'autres référ<strong>en</strong>ces ont été intégrées.<br />
- Puisqu'il s'agit de m<strong>en</strong>er des recherches sur la lormation<br />
d'adultes, il est nécessaire de se référer aux<br />
recherches qui lui sont consacrées <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'Éducation, <strong>en</strong> sociologie, etc. Ainsi, les analyses de-<br />
Marcel Lesne ont contribué à mettre de l'intelligibilité<br />
ITINÉRAIRE DE RECHERCHE<br />
dans la masse d'informations puisées lors des heures<br />
d'observation de cours, m<strong>en</strong>ées pour la thèse. Il fau¬<br />
drait aussi citer Jean- Marie Barbier, Gérard Malglaive,<br />
Roger Mucchielli, André De Peretti, etc. D'autres<br />
recherches plus réc<strong>en</strong>tes m'ont aidée à clarifier la ques¬<br />
tion de la spécificité de l'adulte appr<strong>en</strong>ant (Bernadette<br />
Aumont et Pierre-Marie Mesnier, Eti<strong>en</strong>ne Bourgeois,<br />
Philippe Carré...). Enfin, le fait d'être intégrée au sein<br />
du laboratoire Trigone, dans l'équipe Megadipe, qui<br />
travaille sur les dispositifs et les pratiques de formation<br />
d'adultes avec des éclairages aussi différ<strong>en</strong>ts que l'éco¬<br />
nomie, le droit, la sociologie, a permis une ouverture à<br />
d'autres problématiques que les problématiques stric¬<br />
tem<strong>en</strong>t pédagogiques et didactiques.<br />
- Puisqu'il s'agit d'analyser, de compr<strong>en</strong>dre, d'expli¬<br />
quer des pratiques de formation, il est pertin<strong>en</strong>t d'uti¬<br />
liser différ<strong>en</strong>ts travaux portant sur les situations<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t/appr<strong>en</strong>tissage. On quitte alors la for¬<br />
mation d'adultes pour s'approprier des approches uti¬<br />
lisées dans l'analyse des situations de classe relevant<br />
de la formation initiale. Les travaux de Marguerite<br />
Altet et de son équipe de Nantes, mais aussi ceux de<br />
Marcel Postic, ceux de Marc Bru ou de chercheurs bel¬<br />
ges comme Marcel Crahay, Jean Donnay ou Evelyne<br />
Charlier ont proposé un cadre pour décrypter des<br />
situations de cours observées in situ, pour pr<strong>en</strong>dre<br />
consci<strong>en</strong>ce des paramètres de l'action sur lesquels le<br />
formateur peut jouer, pour compr<strong>en</strong>dre les <strong>en</strong>jeux des<br />
interactions <strong>en</strong>seignant/stagiaires, pour situer les sys¬<br />
tèmes <strong>en</strong>seigner/appr<strong>en</strong>dre dans un contexte, mais<br />
aussi pour pr<strong>en</strong>dre un recul critique par rapport à des<br />
méthodes de recherche pédagogique de type expéri¬<br />
m<strong>en</strong>tal qui mèn<strong>en</strong>t le plus souv<strong>en</strong>t à des impasses.<br />
- Puisqu'il s'agit d'effectuer des recherches sur les<br />
pratiques de formation visant le développem<strong>en</strong>t de<br />
compét<strong>en</strong>ces de base, notamm<strong>en</strong>t ceux de la commu¬<br />
nication écrite <strong>en</strong> français, la didactique du Français à<br />
la fois Langue Étrangère et Langue Maternelle, la lin¬<br />
guistique, la psycholinguistique constitu<strong>en</strong>t un autre<br />
type d'apports. La DFLM s'est peu intéressée à la lutte<br />
contre l'illettrisme et l'analphabétisme des adultes et<br />
inversem<strong>en</strong>t les pratici<strong>en</strong>s connaiss<strong>en</strong>t peu les travaux<br />
produits dans ce secteur. Pourtant la didactique du<br />
français, comme le souligne Yves Reuter, peut propo¬<br />
ser "des modes de construction des problèmes et des<br />
15
outils théoriques susceptibles de les aider dans leur<br />
action" . Pour ce qui me concerne, la lecture des<br />
écrits didactiques de Michel Dabène, Yves Reuter,<br />
Claudine Garcia Debanc, Hélène Romian... a fourni<br />
des repères pour l'analyse des situations d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t et d'appr<strong>en</strong>tissage du français écrit <strong>en</strong><br />
formation de base d'adultes. Les travaux plus spécifi¬<br />
quem<strong>en</strong>t consacrés au développem<strong>en</strong>t de la lec¬<br />
ture/écriture ont bi<strong>en</strong> sûr été nécessaires pour fonder<br />
une approche sci<strong>en</strong>tifique des interv<strong>en</strong>tions didacti¬<br />
ques, mais aussi pour produire des connaissances à<br />
propos des appr<strong>en</strong>ants, de leurs fonctionnem<strong>en</strong>ts<br />
face à l'écrit, de leurs modes d'appropriation des<br />
savoirs de la lecture/écriture. Le domaine est vaste,<br />
pour ce qui concerne la didactique de l'écrit <strong>en</strong> for¬<br />
mation initiale ; il a fallu se l'approprier <strong>en</strong> partie, afin<br />
de construire des problématiques nouvelles pour ce<br />
qui concerne les adultes. Je ne peux ici énumérer<br />
l'<strong>en</strong>semble de ces recherches, qui concern<strong>en</strong>t aussi<br />
bi<strong>en</strong> la psycholinguistique que la didactique20.<br />
- Enfin, puisqu'il s'agit d'interroger les pratiques de<br />
formation d'un public spécifique, différ<strong>en</strong>tes recher¬<br />
ches produisant des savoirs à propos de ces publics<br />
sont à exploiter : travaux sur les travailleurs immigrés<br />
et la langue française, travaux sur les sujets faibles ou<br />
non lecteurs, travaux sur les personnes <strong>en</strong> situation<br />
d'illettrisme, etc. Nous avons porté un intérêt parti¬<br />
culier aux investigations qui am<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t des réponses<br />
à des questions concernant les pratiques langagières,<br />
les difficultés spécifiques, les explications de ces diffi¬<br />
cultés. . . La deuxième partie de l'ouvrage Face à l'illet¬<br />
trisme : <strong>en</strong>seigner l'écrit à des adultes propose un état<br />
de l'art sur la connaissance des publics illettrés et<br />
montre bi<strong>en</strong> que l'approche globale et multidim<strong>en</strong>sionnelle<br />
du sujet exige le recours à la sociolinguis¬<br />
tique, la sociologie de la lecture, la psychologie<br />
cognitive, la psychologie clinique aussi...<br />
Ainsi j'ai dû m'approprier des domaines disciplinaires<br />
variés et puiser des connaissances stabilisées, des<br />
démarches et méthodes de recherche, des concepts<br />
théoriques. Mais on ne peut fonder une démarche<br />
sci<strong>en</strong>tifique <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation <strong>en</strong> se cont<strong>en</strong>tant<br />
de mettre bout à bout des savoirs issus de disciplines<br />
diverses. Il a fallu interpréter, transformer les apports<br />
pour formaliser de nouvelles problématiques spécifi¬<br />
ques à la formation de base des adultes et pour mettre<br />
<strong>en</strong> place des recueils de données adaptées à ce domaine.<br />
La difficulté est donc d'articuler les référ<strong>en</strong>ces<br />
variées, souv<strong>en</strong>t non spécifiques à la formation<br />
continue, pour construire un projet sci<strong>en</strong>tifique<br />
cohér<strong>en</strong>t, qui permet de déboucher sur la constitu¬<br />
tion de savoirs nouveaux, propres aux Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation. Les caractéristiques de la didactique du<br />
français décrites par Yves Reuter me sembl<strong>en</strong>t appli¬<br />
cables à ma démarche de recherche. Pour lui, la<br />
didactique du français est une "discipline d'interac¬<br />
tion". Elle refaçonne les acquis de multiples discipli¬<br />
nes, elle les articule à ses fins propres, mais <strong>en</strong> même<br />
temps elle développe des recherches spécifiques qui<br />
<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t à leur tour une dynamique et des effets<br />
dans les disciplines dont elle se nourrit21.<br />
Un exemple illustrera mon propos. Afin d'améliorer<br />
la connaissance des stagiaires "illettrés" dans leurs<br />
fonctionnem<strong>en</strong>ts face à l'écriture, j'ai m<strong>en</strong>é <strong>en</strong> 1993<br />
une recherche sur les procédures et les fonctions des<br />
relectures-révisions effectuées par des appr<strong>en</strong>ants à<br />
partir de leurs propres productions spontanées. Mon<br />
travail s'est inscrit dans une problématique linguis¬<br />
tique et psychologique précise, celle de la mise <strong>en</strong> évi¬<br />
d<strong>en</strong>ce chez certains sujets des stratégies de<br />
production écrite à différ<strong>en</strong>tes étapes du processus,<br />
l'étape du "retour sur le texte" constituant un objet de<br />
recherche spécifique. La plupart du temps les recher¬<br />
ches portai<strong>en</strong>t sur les <strong>en</strong>fants, <strong>en</strong> distinguant "novi¬<br />
ces" et "experts". Je voulais répondre à un certain<br />
nombre de questions concernant les adultes novices.<br />
Les savoirs acquis à propos des <strong>en</strong>fants novices m'ont<br />
aidée dans la constitution de la problématique,<br />
notamm<strong>en</strong>t dans la formulation de l'hypothèse de la<br />
19 Yves Reuter, Didactique du français et illettrisme, in V. Leclercq et J. Vogler (coord.), Maîtrise de l'écrit : quels <strong>en</strong>jeux et quelles<br />
réponses aujourd'hui, Paris ; Bruxelles, L'Harmattan ; Contradictions, 2000, p. 249.<br />
20 Citons cep<strong>en</strong>dant quelques noms de chercheurs qui se sont intéressés à l'<strong>en</strong>trée dans l'écrit d'<strong>en</strong>fants et d'adultes ou de jeunes<br />
adultes : Jean-Marie Besse, Jacques Fijalkow, Jean-Emile Gombert, Emilia Ferreiro, Gérard et Éliane Chauveau, etc.<br />
2 1 op. cit. note 19, p. 252.<br />
16 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
polarisation des novices sur les opérations locales de<br />
scription, mais mon questionnem<strong>en</strong>t a été différ<strong>en</strong>t<br />
puisqu'il a dû t<strong>en</strong>ir compte de la spécificité "adulte".<br />
Les concepts théoriques linguistiques ont donc été<br />
intégrés, mais aussi transformés et interprétés. En<br />
retour, les résultats, auxquels ma recherche a permis<br />
d'aboutir, ont pu constituer un apport sur le thème<br />
de la relecture-révision de productions écrites, utili¬<br />
sable dans une perspective linguistique, même si au<br />
départ mon objectif était bi<strong>en</strong> d'améliorer la<br />
connaissance des publics pour construire une inter¬<br />
v<strong>en</strong>tion didactique, plus adaptée et plus fondée<br />
sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t22.<br />
ENTRE ACTION ET RECHERCHE,<br />
UNE POSTURE PARFOIS<br />
INCONFORTABLE<br />
Toute recherche <strong>en</strong> pédagogie et <strong>en</strong> didactique<br />
s'effectue sur des pratiques humaines, produit des<br />
savoirs sur celles-ci, savoirs qui sont réutilisés pour<br />
leur amélioration. Les espaces théorie et pratique sont<br />
liés, complém<strong>en</strong>taires, mais doiv<strong>en</strong>t être distincts.<br />
Ma situation professionnelle a inféré une conjonc¬<br />
tion forte des deux versants. Je suis passée peu à<br />
peu d'une fonction de responsable de formation à<br />
une fonction de chercheur. Cela s'est effectué l<strong>en</strong>¬<br />
tem<strong>en</strong>t, avec des mom<strong>en</strong>ts où j'occupais les deux<br />
fonctions <strong>en</strong> même temps. Il a donc fallu être parti¬<br />
culièrem<strong>en</strong>t vigilant, pour distinguer les deux<br />
ordres d'interv<strong>en</strong>tion.<br />
De plus, la formation de base est avant tout <strong>en</strong><br />
France un domaine d'actions et très peu un domaine<br />
de recherche. Les pratici<strong>en</strong>s se méfi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t des<br />
chercheurs. Ils survaloris<strong>en</strong>t "le terrain" au motif<br />
qu'il constitue la seule source de vérité. Ils refus<strong>en</strong>t<br />
parfois ce qu'ils considèr<strong>en</strong>t comme des "donneurs<br />
de leçon" porteurs d'un jargon inutile. Certes les<br />
choses évolu<strong>en</strong>t depuis quelques années. Des uni¬<br />
versités d'été, des séminaires, des colloques permet¬<br />
t<strong>en</strong>t aux deux types d'acteurs de se côtoyer et<br />
d'échanger, mais ri<strong>en</strong> n'est acquis. De l'autre côté, le<br />
monde sci<strong>en</strong>tifique connaît peu la formation de base,<br />
peu de chercheurs s'y intéress<strong>en</strong>t. Il suffit de jeter un<br />
oeil sur l'annuaire des chercheurs <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Édu¬<br />
cation, qui répertorie les thèmes de recherche de collè¬<br />
gues, pour effectuer ce constat... Les travaux sur la<br />
formation de base, qui plus est dans le domaine péda¬<br />
gogique et didactique, apparaiss<strong>en</strong>t aux yeux de cer¬<br />
tains comme trop proches de l'ingénierie, pas assez<br />
sci<strong>en</strong>tifiques... Bref, tiraillé <strong>en</strong>tre deux mondes, le<br />
chercheur plaît souv<strong>en</strong>t aux uns quand il déçoit les<br />
autres... !!<br />
Comm<strong>en</strong>t donc t<strong>en</strong>ir une posture équilibrée permet¬<br />
tant de gérer confortablem<strong>en</strong>t action et recherche ?<br />
Une première précaution consiste à distinguer les<br />
mom<strong>en</strong>ts et les formes des deux types de travaux, ceux<br />
qui relèv<strong>en</strong>t de la recherche, ceux qui relèv<strong>en</strong>t de<br />
l'ingénierie. Je citerai un exemple montrant comm<strong>en</strong>t<br />
il est possible d'associer étroitem<strong>en</strong>t deux types<br />
d'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, tout <strong>en</strong> les distinguant.<br />
En 1989, le FAS (Fonds d'Action Sociale) a financé<br />
une recherche visant l'évaluation d'un dispositif m<strong>en</strong>é<br />
dans le Nord-Pas de Calais, à destination des popula¬<br />
tions issues de l'immigration, appelé la Formation à<br />
Dominante Linguistique (FDL). C'est notamm<strong>en</strong>t<br />
l'évaluation des démarches de rénovation pédago¬<br />
gique voulues par cette institution qui était <strong>en</strong> jeu. J'ai<br />
m<strong>en</strong>é cette étude avec trois autres collègues. Nous<br />
avons proposé des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s à 63 formateurs du<br />
Nord-Pas de Calais et avons apporté un certain<br />
nombre de connaissances tant sur le plan des modes<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t / appr<strong>en</strong>tissage et de la planification<br />
des cont<strong>en</strong>us, que de l'organisation institutionnelle de<br />
la formation. L'étude s'est située à deux niveaux :<br />
- Confrontation du réel à des normes et représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tions posées initialem<strong>en</strong>t par les commanditaires des<br />
actions,<br />
- Propositions à partir de l'analyse de l'existant' .<br />
A la suite de cette étude, le FAS et le Conseil Régional<br />
du Nord-Pas de Calais ont financé une forma¬<br />
tion-action visant la conception d'un Référ<strong>en</strong>tiel de<br />
Formation Linguistique de Base. En effet, un des<br />
22 Véronique Leclercq, Procédures et fonctions de relectures-révisions de textes produits par des appr<strong>en</strong>ants de l'éducation de base,<br />
in Yves Reuter (dir.), Les interactions lecture-écriture, Berne, P. Lang, 1994, p. 283-317.<br />
23 Latifa Kechemir, Latiia Labbas, Véronique Leclercq, Vivi<strong>en</strong> Koperski, Le r<strong>en</strong>ouveau de la l-ormation a Dominante Linguistique<br />
dans le Nord-Pas de Calais, Lille, FAS, 1989, p. 1-145.<br />
ITINÉRAIRE DE RECHERCHE 17
constats de la recherche précéd<strong>en</strong>te concernait les<br />
difficultés des pratici<strong>en</strong>s à formuler clairem<strong>en</strong>t des<br />
objectifs de formation <strong>en</strong> termes de compét<strong>en</strong>ces<br />
précises att<strong>en</strong>dues <strong>en</strong> lecture et <strong>en</strong> écriture.<br />
Le Référ<strong>en</strong>tiel a donc donné lieu à une production<br />
collective que j'ai <strong>en</strong>cadrée avec deux autres collè¬<br />
gues (les mêmes que ceux qui avai<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>é la<br />
recherche initiale). Cette collaboration chercheursformateurs<br />
(au total 12 personnes) a duré plusieurs<br />
mois et a débouché sur un support maint<strong>en</strong>ant large¬<br />
m<strong>en</strong>t diffusé <strong>en</strong> France24.<br />
Mon implication dans les deux projets, qui ont été<br />
juxtaposés dans le temps, a nécessité de passer d'une<br />
posture de chercheur à celle de concepteur, de for¬<br />
mateur de formateurs et d'<strong>en</strong>cadreur d'équipe. Dans<br />
la première étape, il a fallu analyser la commande des<br />
prescripteurs, construire des hypothèses, recueillir<br />
des données importantes, aller sur le terrain tout <strong>en</strong><br />
gardant une objectivité par rapport aux pratiques<br />
observées, et formaliser les résultats par écrit. Dans la<br />
seconde étape, j'ai animé un collectif de conception<br />
pédagogique, <strong>en</strong> m'impliquant directem<strong>en</strong>t dans la<br />
production. Au même titre que les formateurs, j'ai<br />
conçu et expérim<strong>en</strong>té des méthodologies de formula¬<br />
tion d'objectifs, j'ai effectué des choix sans doute sub¬<br />
jectifs. J'ai aidé certains à formaliser des démarches,<br />
j'ai poussé d'autres à améliorer la production, j'ai tra¬<br />
vaillé à l'homogénéisation du produit final, etc. On le<br />
voit aisém<strong>en</strong>t, la place dans cette formation-action a<br />
été radicalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te de celle que j'occupais<br />
dans la phase initiale de recherche.<br />
Une seconde précaution consiste à id<strong>en</strong>tifier claire¬<br />
m<strong>en</strong>t la fonction des travaux. Là <strong>en</strong>core il s'agit à la<br />
fois d'associer et de distinguer les types de produc¬<br />
tions. Deux dérives m<strong>en</strong>ac<strong>en</strong>t. Le pur prescriptif, non<br />
fondé sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t ou fondé sur des conceptions<br />
subjectives, guette tout créateur "de méthode". Cer¬<br />
tains ouvrages, proposant aux pratici<strong>en</strong>s des ori<strong>en</strong>ta<br />
tions, des démarches et parfois ce qui s'appar<strong>en</strong>te à<br />
des recettes, sont concernés par la première dérive. A<br />
l'opposé, dans le domaine pédagogique et didac¬<br />
tique, l'interprétation et la recherche de s<strong>en</strong>s décon¬<br />
nectées d'une visée praxéologique tourn<strong>en</strong>t à vide.<br />
J'ai essayé d'éviter les deux dérives <strong>en</strong> articulant les<br />
deux types de travaux, tout <strong>en</strong> les dissociant. Ainsi<br />
dans la thèse de troisième cycle, j'analyse et je for¬<br />
malise des types d'approche grammaticale, à partir<br />
d'observations. J'essaie égalem<strong>en</strong>t de compr<strong>en</strong>dre la<br />
nature des effets de ces approches sur les appr<strong>en</strong>tis¬<br />
sages linguistiques d'une communauté de stagiaires<br />
étrangers. Les savoirs accumulés dans ce travail ont<br />
été récupérés pour promouvoir un type d'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t grammatical adapté. Mais ceci s'est effectué<br />
dans un second temps et dans le cadre de travaux de<br />
nature différ<strong>en</strong>te : conception d'outils de formation,<br />
ouvrage méthodologique s'adressant ess<strong>en</strong>tielle¬<br />
m<strong>en</strong>t aux formateurs25. De la même façon, les<br />
recherches m<strong>en</strong>ées sur les pratiques de diagnostic<br />
initial des compét<strong>en</strong>ces de lecture-écriture de<br />
publics illettrés26, sur les pratiques d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
de savoirs linguistiques27, sur les stratégies des<br />
appr<strong>en</strong>ants face à des tâches d'écriture, ont servi de<br />
soubassem<strong>en</strong>t à des propositions didactiques. Mais<br />
celles-ci ont été formalisées dans un second temps et<br />
ont donné lieu à un ouvrage alliant une visée de<br />
compréh<strong>en</strong>sion à une visée de prescription28. Mais<br />
cette t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre la fonction herméneutique et la<br />
fonction praxéologique n'est pas toujours facile à<br />
gérer. Elle peut être à la source d'un certain incon¬<br />
fort épistémologique.<br />
La troisième précaution r<strong>en</strong>voie aux questions de<br />
méthodologie. Faire de la recherche nécessite le<br />
recours à un recueil de données explicite et cohér<strong>en</strong>t<br />
par rapport à une problématique. Mais là <strong>en</strong>core, il<br />
s'agit d'être clair sur le rôle qu'on fait jouer à ces<br />
recueils et t<strong>en</strong>ir une position moy<strong>en</strong>ne.<br />
24 Le Référ<strong>en</strong>tiel de Formation Linguistique de Base, Lille, FAS et Conseil Régional Nord-Pas de Calais, 1990, p. 1-148.<br />
25 Voir notamm<strong>en</strong>t "Fatuna ne lave plus la salade", Guide pratique pour la formation des migrants, note 4.<br />
26 Véronique Leclercq et Fanny Dufour, Le diagnostic des compét<strong>en</strong>ces a l 'écrit de publics adultes <strong>en</strong> situation d'illettrisme, Paris, Ministère de l'Emploi et<br />
de la Solidarité, GPLI, 1997, p. 1-21 1+ annexes.<br />
27 Véronique Leclercq, Comm<strong>en</strong>t transmettre des savoirs sur la langue dans des actions de formation de base pour adultes in C. Barré-de Miniac et<br />
B. Lété (eds), L'illettrisme . de la prev<strong>en</strong>tion chez l'<strong>en</strong>fant aux strategies deformation chez l'adulte, Pans ; Bruxelles, <strong>INRP</strong> ; De Boeck, 1997, p. 279-296.<br />
28 Cf. Face a l'illettrisme, <strong>en</strong>seigner l'écrit a des adultes, Pans, ESF, 1999.<br />
18 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
Une méthodologie de collecte de données est néces¬<br />
saire pour m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> une recherche : c'est ce qui<br />
la distingue d'une monographie, d'un compte r<strong>en</strong>du<br />
d'expéri<strong>en</strong>ce ou d'une description. Mais cette<br />
méthodologie ne résout pas tous les problèmes. Le<br />
respect de protocoles précis, le sérieux dans la prise<br />
d'informations ne pourront jamais nous permettre<br />
de faire le tour des faits éducatifs, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t trop<br />
complexes pour se laisser saisir par <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s,<br />
observations ou autre... T<strong>en</strong>dre vers des méthodo¬<br />
logies qualitatives sérieuses, oui... p<strong>en</strong>ser qu'elles<br />
nous donn<strong>en</strong>t accès à tous les élém<strong>en</strong>ts signifiants<br />
des situations, certes non...<br />
Tous les étudiants ayant m<strong>en</strong>é des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec<br />
des personnes <strong>en</strong> situation d'illettrisme sav<strong>en</strong>t<br />
combi<strong>en</strong> il est difficile de dégager avec certitude le<br />
s<strong>en</strong>s de tel ou tel discours (ne répond-il pas ainsi<br />
pour faire plaisir à l'<strong>en</strong>quêteur ? Que cache son<br />
sil<strong>en</strong>ce ou des réponses par monosyllabes...). De<br />
même, la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce de régularités, de faits<br />
saillants à partir de l'observation de cours pose<br />
problème. Peut-on réduire les pratiques d'un for¬<br />
mateur aux séances observées ? N'y a-t-il pas de<br />
nombreuses interprétations subjectives de la part<br />
des chercheurs ?<br />
La prés<strong>en</strong>ce d'une méthodologie affichée et explicite<br />
ne constitue donc pas la garantie unique d'un travail<br />
sci<strong>en</strong>tifique. Pour moi, gérer confortablem<strong>en</strong>t les<br />
t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre recherche et action, consiste aussi à<br />
être critique par rapport aux canons habituels de la<br />
recherche. Parfois, ne vaut-il pas mieux un compte<br />
r<strong>en</strong>du d'expéri<strong>en</strong>ce de qualité qu'une recherche<br />
basée sur un recueil de données faussé dès le<br />
départ !! (N'a-t-on pas parfois proposé des explica¬<br />
tions des difficultés des publics illettrés à partir<br />
d'une étude sur 4 ou 5 personnes !).<br />
La distinction/association des deux versants théorie<br />
et pratique a été au cAur de notre parcours. Certai¬<br />
nes publications permett<strong>en</strong>t d'ailleurs un détour<br />
réflexif sur ce délicat mélange2''. Cette bi-polarisation<br />
se vit parfois dans le doute, mais le plus souv<strong>en</strong>t elle<br />
constitue un facteur de dynamisme, de richesse,<br />
notamm<strong>en</strong>t parce qu'elle <strong>en</strong>traîne une appart<strong>en</strong>ance à<br />
des réseaux d'acteurs différ<strong>en</strong>ts.<br />
LA DIVERSITÉ DES RÉSEAUX<br />
D'APPARTENANCE<br />
Ces diverses communautés de part<strong>en</strong>aires ne ionctionn<strong>en</strong>t<br />
pas sur les mêmes logiques et même s'igno¬<br />
r<strong>en</strong>t. Il faut alors jouer sur une palette variée de<br />
registres et savoir s'adapter !<br />
En tant que chercheur, j'apparti<strong>en</strong>s à un laboratoire<br />
qui a ses règles de fonctionnem<strong>en</strong>t, ses indicateurs de<br />
qualité, ses procédures de reconnaissance. En tant que<br />
responsable de l'équipe MLGADIPE du laboratoire<br />
TRIGONE, je suis am<strong>en</strong>ée à toucher de très près ce<br />
fonctionnem<strong>en</strong>t. Je participe à des commissions de<br />
spécialistes <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation, à des jurys de<br />
thèse, à des colloques, à des séminaires... Je me<br />
retrouve alors dans une communauté sci<strong>en</strong>tifique qui<br />
a ses rites et son langage. Cette confrontation me per¬<br />
met d'élargir mon domaine d'expertise, de la forma¬<br />
tion de base à la formation d'adultes, mais aussi à<br />
l'éducation et à la formation de façon générale.<br />
Par ailleurs, je fais partie de réseaux plus ou moins for¬<br />
malisés d'ag<strong>en</strong>ts éducatifs travaillant dans la forma¬<br />
tion de base à l'échelon régional, national et<br />
international. Nous avons <strong>en</strong> commun des c<strong>en</strong>tres<br />
d'intérêt, des concepts, un vocabulaire. . . mais les rites<br />
sont tout à fait différ<strong>en</strong>ts de ceux de la communauté<br />
sci<strong>en</strong>tifique stricto s<strong>en</strong>su .<br />
Cet éclatem<strong>en</strong>t des communautés, des réseaux<br />
d'appart<strong>en</strong>ance s'illustre parfaitem<strong>en</strong>t dans les lieux<br />
des publications de mes écrits. Pour qui j'écris ? des<br />
collègues <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation ? des formateurs ?<br />
des étudiants ? Où j'écris ? dans une revue spécialisée<br />
dans la formation d'adultes ? dans un ouvrage collectif<br />
s'adressant aux pratici<strong>en</strong>s ? dans une revue de<br />
29 Véronique Leclercq, les interactions <strong>en</strong>tre recherche, création pédagogique et pratiques des formateurs, in J.M. Besse (coord.),<br />
L'illettrisme <strong>en</strong> questions, Lyon, PUL, 1992, p. 256-264 ; Véronique Leclercq, Les rapports théorie/pratique, recherche/action dans<br />
une démarche de recherche <strong>en</strong> éducation de base des adultes, Contradictions n" 76, Pans ; Bruxelles, L'Harmattan ;<br />
Contradictions, 1994, p. 105-120.<br />
30 Un colège étranger, participant a un jury d'habilitation a diriger des recherches <strong>en</strong> tant que personnalité extérieure, a pu être ainsi<br />
surpris de l'aspect formel de la sout<strong>en</strong>ance !<br />
ITINÉRAIRE DE RECHERCHE 19
didactique du français ? Toutes les réponses sont<br />
possibles...<br />
Comm<strong>en</strong>t conclure au terme de ce retour <strong>en</strong> arrière ?<br />
Peut-être <strong>en</strong> rappelant combi<strong>en</strong> cet exercice de l'iti¬<br />
néraire de recherche à retracer n'est pas aisé. Ni his¬<br />
toire de vie, ni analyse critique du type "travail pour<br />
l'habilitation à diriger des recherches", ni tour<br />
d'horizon des lectures et des sources... mais métis¬<br />
sage de tout cela à la fois.<br />
En soulignant aussi combi<strong>en</strong> ce rappel me permet de<br />
pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce d'une grande cohér<strong>en</strong>ce dans le<br />
cheminem<strong>en</strong>t. Cette cohér<strong>en</strong>ce a été favorisée par<br />
une stabilité professionnelle au sein d'une même ins¬<br />
titution, le CUEEP de l'Université de Lille L Mais<br />
cette stabilité n'a pas signifié routine. Le CUEEP a<br />
suivi les évolutions de la formation continue de ces<br />
25 dernières années et a, <strong>en</strong> même temps, été partie<br />
pr<strong>en</strong>ante des transformations du secteur des Sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'Éducation. J'ai été à la fois spectateur et acteur de<br />
ces dynamiques, au même titre que d'autres collègues<br />
ayant suivi un parcours analogue. Mon histoire, c'est<br />
donc aussi celle d'un organisme universitaire qui a,<br />
dès 1970, considéré que la lutte contre la sous-scola¬<br />
risation et l'exclusion culturelle faisait partie de ses<br />
missions et a mis au nombre de ses axes de dévelop¬<br />
pem<strong>en</strong>t la recherche dans ce domaine et in fine<br />
l'amélioration des dispositifs.<br />
20 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000<br />
Véronique LECLERCQ<br />
Professeur <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation<br />
CUEEP, Université de Lille I<br />
Laboratoire TRIGONE
CHEMINS<br />
DE PRATICIENS
FILLE, FEMME,<br />
ENSEIGNANTE :<br />
SUR LES CHEMINS<br />
DE L'ÉGALITÉ<br />
MICHÈLE BABILLOT<br />
a ujourd'hui, je suis conseillère pédagogique et<br />
i a mon travail consiste principalem<strong>en</strong>t à aider<br />
_ _*_ les <strong>en</strong>seignants de la circonscription à travers<br />
des animations pédagogiques, des stages d'école ou<br />
des interv<strong>en</strong>tions auprès de collègues d'écoles mater¬<br />
nelles ou élém<strong>en</strong>taires.<br />
Parallèlem<strong>en</strong>t, je suis depuis très longtemps s<strong>en</strong>sibi¬<br />
lisée/att<strong>en</strong>tive aux inégalités qui exist<strong>en</strong>t au niveau<br />
scolaire et surtout à celles que l'école elle-même<br />
génère. Certaines d'<strong>en</strong>tre elles reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t particuliè¬<br />
rem<strong>en</strong>t mon att<strong>en</strong>tion : ce sont les inégalités qui exis¬<br />
t<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre filles et garçons à l'école. Il m'est d'ailleurs<br />
difficile de parler uniquem<strong>en</strong>t de mon travail, ces<br />
réflexions étant égalem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tes dans ma vie de<br />
tous les jours. (Je suis extrêmem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tive aux iné¬<br />
galités qui exist<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre hommes et femmes dans<br />
notre société). Et mon parcours personnel est parti¬<br />
culièrem<strong>en</strong>t important dans les choix et les ori<strong>en</strong>ta¬<br />
tions de mon cursus professionnel. Sans <strong>en</strong>trer dans<br />
le détail "d'un récit de vie", je ferai part de quelques<br />
élém<strong>en</strong>ts qui éclaireront ces cheminem<strong>en</strong>ts.<br />
Tout d'abord, c'est une somme d'élém<strong>en</strong>ts, de situa¬<br />
tions, de faits vécus de manière tout à fait implicites<br />
qui, petit à petit, sont vécus de façon consci<strong>en</strong>te.<br />
Naître fille est certainem<strong>en</strong>t le premier élém<strong>en</strong>t de ce<br />
puzzle, r<strong>en</strong>forcé par le fait d'être l'aînée d'une fratrie<br />
et le désir d'un père d'avoir de préfér<strong>en</strong>ce des gar¬<br />
çons. Mon prénom reflète ces désirs. Le choix du pré<br />
nom, surtout à cette époque, permettait d'attribuer<br />
des prénoms mixtes. Et il y eut une quantité de Domi¬<br />
nique, Claude, Danièle, Michèle, etc., permettant à<br />
quelques par<strong>en</strong>ts de se consoler de ne pas avoir eu de<br />
garçons !<br />
Autre détail de la vie familiale mais qui a son impor¬<br />
tance : je n'ai pas vécu dans une famille où les tâches<br />
domestiques étai<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t dévolues à la mère<br />
(comme c'était le cas dans de nombreux foyers de<br />
l'époque). En raison de circonstances particulières,<br />
j'ai eu des images "non traditionnelles" de père faisant<br />
les courses, la cuisine, s'occupant des lessives et du<br />
repassage. Une famille nombreuse <strong>en</strong>traînait, par ail¬<br />
leurs, que chaque <strong>en</strong>fant, fille ou garçon, assurait sa<br />
participation aux tâches ménagères.<br />
Mon cursus scolaire a certainem<strong>en</strong>t aussi influ<strong>en</strong>cé<br />
mes choix et mes idées d'adulte. Une école maternelle<br />
mixte, une école élém<strong>en</strong>taire non mixte, un collège<br />
non mixte jusqu'à la classe de 5°, un lycée de "jeunes<br />
filles", une École Normale avec, pour la première fois,<br />
une classe mixte pour ceux admis après le baccalau¬<br />
réat. Cette scolarité où altern<strong>en</strong>t des périodes avec ou<br />
sans mixité m'a déjà permis de ress<strong>en</strong>tir certaines<br />
situations comme injustes.<br />
J'ai des souv<strong>en</strong>irs trop lointains et trop flous pour<br />
l'école maternelle. Je n'ai pas de remarques particu¬<br />
lières pour l'élém<strong>en</strong>taire. Par contre, la mixité ins¬<br />
taurée p<strong>en</strong>dant ma période collège a été vécue<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 23
comme une véritable "petite révolution". Ce qui nous<br />
paraît aujourd'hui comme une évid<strong>en</strong>ce était, à<br />
l'époque, une totale nouveauté. La généralisation de<br />
la mixité date des années 1960 pour les écoles primai¬<br />
res et des années 1970 pour les lycées. Elle s'est faite<br />
sur la question explicite de l'égalité des sexes : même<br />
lieu et mêmes activités pour les filles et pour les gar¬<br />
çons. Mais cette mixité, obligatoire dans les textes,<br />
n'a pas été, d'une part, mise <strong>en</strong> application au même<br />
mom<strong>en</strong>t dans tous les établissem<strong>en</strong>ts et, d'autre part,<br />
était complètem<strong>en</strong>t déséquilibrée par les proportions<br />
de filles et de garçons dans certaines branches. Au<br />
cours de la 3e, les résultats aux tests d'ori<strong>en</strong>tation et<br />
mes goûts me prédisposai<strong>en</strong>t à m'ori<strong>en</strong>ter vers un<br />
lycée technique professionnel avec un certain<br />
nombre d'heures de cours à effectuer <strong>en</strong> atelier. Les<br />
conseillers d'ori<strong>en</strong>tation m'avai<strong>en</strong>t, à l'époque, forte¬<br />
m<strong>en</strong>t déconseillé de choisir ce cursus car j'aurais été<br />
la seule fille dans une classe de garçons et seule égale¬<br />
m<strong>en</strong>t dans ces ateliers où les activités proposées<br />
étai<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t "connotées masculines". Difficile à<br />
cette époque et quand on a 15 ans de faire sa place<br />
dans un territoire qui est un bastion masculin, de<br />
faire face aux quolibets, de résister aux sarcasmes,<br />
etc. Comme quoi, la mixité, dans certaines condi¬<br />
tions (ici de déséquilibre total), n'est pas toujours<br />
possible à vivre ou à assumer.<br />
J'ai été ainsi ori<strong>en</strong>tée vers un des derniers lycées de<br />
"jeunes filles" qui n'avait même pas <strong>en</strong>core eu les<br />
retombées des avancées de mai 68 dans la libéralisa¬<br />
tion de certaines pratiques. Ce lycée veillait <strong>en</strong>core à<br />
l'éducation de ses jeunes filles et interdisait, par<br />
exemple, le port du pantalon. J'ai aussi vécu cela<br />
comme une injustice. Pour mémoire, mes premiers<br />
pantalons ont été portés sous des jupes !<br />
Au cours des années 1975-1980, des amies de longue<br />
date étai<strong>en</strong>t très s<strong>en</strong>sibilisées au féminisme. J'ai vécu<br />
cette période de manière un peu distante. À l'époque,<br />
je trouvais les attitudes des féministes un peu obtuses<br />
et, sans savoir l'exprimer clairem<strong>en</strong>t, je ne trouvais<br />
pas sain l'abs<strong>en</strong>ce totale d'hommes dans ces mouve¬<br />
m<strong>en</strong>ts. Je compr<strong>en</strong>ds maint<strong>en</strong>ant qu'il était néces¬<br />
saire de préserver un espace de parole uniquem<strong>en</strong>t<br />
féminin, je compr<strong>en</strong>ds aussi qu'il y ait des périodes<br />
"extrémistes" ou excessives pour gagner quelques<br />
batailles. J'explique aujourd'hui ma rétic<strong>en</strong>ce par la<br />
forte conviction que l'on ne peut changer l'attitude<br />
des femmes sans que cela ait de conséqu<strong>en</strong>ces sur<br />
l'attitude des hommes. C'est vrai, qu'autour de moi,<br />
très peu d'hommes mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> pratique leurs<br />
soi-disant idées égalitaires.<br />
Quelques autres situations m'ont fait apparaître ce<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'injustice :<br />
- J'ai vécu le changem<strong>en</strong>t de nom à mon mariage<br />
comme une frustration, comme une atteinte à mon<br />
id<strong>en</strong>tité. Je ne savais pas à cette époque que, même<br />
mariée, Ton pouvait conserver l'usage de son nom<br />
patronymique.<br />
- Malgré les acquis importants du droit à la contra¬<br />
ception, celle-ci ne reposait que sur la prise de ce<br />
problème par les femmes. La contraception était uni¬<br />
quem<strong>en</strong>t une affaire de femmes et non pas un souci<br />
partagé par le couple.<br />
- J'ai vécu le temps de mes congés de maternité (un<br />
acquis social important) comme des mom<strong>en</strong>ts où les<br />
écarts se creus<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre hommes et femmes dans<br />
l'éducation des <strong>en</strong>fants.<br />
- Les premiers congés pour garde d'<strong>en</strong>fant malade ne<br />
pouvai<strong>en</strong>t être pris que par la mère, ce qui n'est plus<br />
le cas aujourd'hui.<br />
- Nous avons vécu, mon mari et moi, des situations<br />
un peu particulières au mom<strong>en</strong>t où nous <strong>en</strong>cadrions<br />
des colonies de vacances et des séjours d'adolesc<strong>en</strong>ts.<br />
J'étais directrice et lui économe, situation inverse de<br />
celles r<strong>en</strong>contrées traditionnellem<strong>en</strong>t. Nous avons<br />
observé les perturbations, les changem<strong>en</strong>ts de repè¬<br />
res que cela <strong>en</strong>traînait chez les <strong>en</strong>fants, chez les ado¬<br />
lesc<strong>en</strong>ts comme chez les adultes.<br />
Pour rev<strong>en</strong>ir maint<strong>en</strong>ant à mon parcours profession¬<br />
nel et à la problématique des inégalités <strong>en</strong>tre hommes<br />
et femmes, <strong>en</strong>tre filles et garçons, l'inscription à un<br />
exam<strong>en</strong>, le CAFIMF (Certificat d'Aptitude à la Fonc¬<br />
tion de Maître-Formateur), pour dev<strong>en</strong>ir "maîtresse<br />
d'application" m'a montré que ce sujet pouvait déran¬<br />
ger. En 1986, quand j'ai proposé de travailler sur ce<br />
sujet, le jury de l'époque (principalem<strong>en</strong>t masculin) a<br />
refusé. C'est grâce à l'aide d'une professeur qui <strong>en</strong> a<br />
reformulé l'intitulé que mon sujet a été accepté sous<br />
le titre de "La reconnaissance de l'égalité des sexes dans<br />
l'éducation civique et la pratique quotidi<strong>en</strong>ne de la<br />
classe : observations etpropositions concrètes". Dans ce<br />
travail, j'avais à la fois la volonté de faire pr<strong>en</strong>dre<br />
consci<strong>en</strong>ce des injustices existantes au niveau sco¬<br />
laire et égalem<strong>en</strong>t de rechercher les points positifs<br />
24 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
dans ce qui existait. Par exemple, au lieu de m'<strong>en</strong><br />
t<strong>en</strong>ir à ce qui avait été pratiqué dans les années<br />
1970-1980 à analyser les manuels sexistes, j'ai recher¬<br />
ché les manuels de l'époque qui offrai<strong>en</strong>t des "images<br />
nouvelles". Ce travail m'a aussi donné l'occasion de<br />
lire une abondante littérature pour <strong>en</strong>richir et étayer<br />
ma réflexion. Mon regret était de travailler <strong>en</strong> soli¬<br />
taire. Toutes ces lectures me permettai<strong>en</strong>t de croiser<br />
mes impressions, mes réflexions sur les rapports<br />
sociaux de sexe avec des recherches sur ce sujet. Elles<br />
m'ont permis d'affiner ma p<strong>en</strong>sée et ont été pour une<br />
grande part dans le cheminem<strong>en</strong>t de ma réflexion.<br />
Quelques années plus tard, <strong>en</strong> 1991-1992, le Plan<br />
national de formation proposait un stage de deux<br />
lois une semaine sur "Filles et garçons à l'école. L'éga¬<br />
lité des chances. Rêve ou réalité ?". Ce stage a réuni des<br />
instituteurs/trices, des professeurs d'IUFM, des<br />
conseillères d'ori<strong>en</strong>tation et m'a permis de travailler<br />
et d'approfondir ce travail avec d'autres personnes. À<br />
travers ce stage, nous avons réalisé que, d'une part,<br />
bi<strong>en</strong> peu de personnes dans l'éducation étai<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>si¬<br />
bilisées à ces inégalités <strong>en</strong>tre filles et garçons et que,<br />
d'autre part, peu de personnes p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t que l'école<br />
avait sa part de responsabilité dans le mainti<strong>en</strong> de ces<br />
inégalités. De plus, nous avons égalem<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ti<br />
que ce problème, pour beaucoup, ne semblait plus<br />
d'actualité, la grande majorité de nos collègues consi¬<br />
dérant que la période rev<strong>en</strong>dicatrice féministe avait<br />
pratiquem<strong>en</strong>t résolu tous les problèmes.<br />
Ayant toujours un regard particulier sur ces problè¬<br />
mes, j'ai profité de quelques séjours à l'étranger (dans<br />
le cadre de stages portant sur la comparaison de sys¬<br />
tèmes éducatifs europé<strong>en</strong>s) pour observer ou recueil¬<br />
lir des informations sur la façon dont était perçus<br />
et/ou traités ces problèmes. L'Angleterre et l'Espagne<br />
mèn<strong>en</strong>t ou ont m<strong>en</strong>é des actions spécifiques pour<br />
réduire les inégalités <strong>en</strong>tre filles et garçons au niveau<br />
scolaire. La France, mis à part un texte de 1982-1983<br />
méconnu des <strong>en</strong>seignants et inappliqué, ne mène<br />
aucune action. Si ce n'est au travers de quelques<br />
ouvrages un peu médiatisés comme "Allez les filles!"<br />
de Christian Baudelot et Roger Establet, la grande<br />
majorité des <strong>en</strong>seignants n'a aucune connaissance<br />
de ces inégalités.<br />
J'ai continué à rechercher des lectures sur ce sujet.<br />
Mais celui-ci n'étant plus d'actualité, les ouvrages se<br />
faisai<strong>en</strong>t rares. Malgré tout, ces quelques lectures<br />
informatives m'ont permis de r<strong>en</strong>dre explicite ce que<br />
j'avais précédemm<strong>en</strong>t vécu ou s<strong>en</strong>ti et ont éclairé mes<br />
réactions passées. Parallèlem<strong>en</strong>t, des observations<br />
quasi quotidi<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> tant que titulaire-mobile, donc<br />
circulant dans de nombreuses écoles, me permet¬<br />
tai<strong>en</strong>t de relever des incohér<strong>en</strong>ces dans la pratique de<br />
l'EPS, dans la gestion de la mixité, dans la répartition<br />
des <strong>en</strong>seignants, etc.<br />
J'ai ress<strong>en</strong>ti le besoin d'approfondir ces observations.<br />
J'ai demandé un congé formation de huit mois pour<br />
m'inscrire <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>ce à l'Université de R<strong>en</strong>nes II qui<br />
offrait, dans le cadre des Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation, une<br />
option "Éducation desfilles et des garçons". J'ai pu tra¬<br />
vailler et échanger sur ce sujet avec d'autres collègues<br />
et des professeurs. J'ai réalisé <strong>en</strong> 1994-95 mon<br />
mémoire de lic<strong>en</strong>ce sur "L'éducation des filles ci des<br />
garçons datis la littérature dejeunesse". J'ai pu, à cette<br />
occasion, réinvestir les découvertes effectuées dans<br />
mes nombreuses lectures. Il m'a semblé important et<br />
intéressant de "croiser" différ<strong>en</strong>ts champs discipli¬<br />
naires comme celui par exemple de l'anthropologie<br />
avec l'ouvrage de Françoise HÉRITIER et celui de la<br />
sociologue Marie DURU-BELLAT. J'ai vécu mon<br />
année universitaire comme un passage très stimulant,<br />
très riche et j'ai eu <strong>en</strong>vie de continuer. Tout <strong>en</strong> repre¬<br />
nant mon travail de conseillère pédagogique, j'ai pré¬<br />
paré la maîtrise sur deux ans. En 1996-97, j'ai sout<strong>en</strong>u<br />
mon mémoire sur "Les représ<strong>en</strong>tations des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants sur l'égalité des chances des filles et des gar¬<br />
çons d'après 100 <strong>en</strong>seignants d'écoles maternelles et<br />
élém<strong>en</strong>taires". Celui-ci m'a permis d'approfondir ma<br />
réflexion et de m'apercevoir que ce sujet redev<strong>en</strong>ait<br />
d'actualité. En effet, à partir de ces années, des ouvra¬<br />
ges sont sortis et aujourd'hui ce processus s'accélère.<br />
Mes lectures ont eu de l'importance dans mes<br />
réflexions sur les rapports sociaux de sexe et m'ont<br />
aidée à faire le li<strong>en</strong> avec mon parcours personnel.<br />
1 Action éducative contre les préjugés sexistes, Arrêté du 12 juillet 1982, HO n" 29 et Lutte contre toute discrimination a l'égard des<br />
femmes dans les communautés éducatives, Note de service n° 83-454 du HO n" 45, novembre 1983. Depuis l'écriture de cet article<br />
est parue au HO n"10 du 9 mars 2000 une "Conv<strong>en</strong>tion pour la promotion de l'égalité des chances <strong>en</strong>tre les filles et les gardons, les<br />
femmes et les hommes dans le système éducatif, (p. 533-539).<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
25
J'ai eu l'impression que l'on comm<strong>en</strong>çait à vivre le<br />
début d'un second souffle, d'un nouveau féminisme.<br />
Le problème des inégalités <strong>en</strong>tre hommes et femmes<br />
était de nouveau d'actualité.<br />
J'aurais souhaité poursuivre ces recherches <strong>en</strong> DEA<br />
mais l'Université de R<strong>en</strong>nes II n'offre pas cette possi¬<br />
bilité. J'avais aussi <strong>en</strong>vie de concrétiser, de mettre <strong>en</strong><br />
application ce travail et j'ai proposé à l'IUFM de Ca<strong>en</strong><br />
des modules aux étudiants de 2e année. Ils ont été<br />
acceptés par l'IUFM mais n'ont pu avoir lieu, faute de<br />
candidats. En effet, ces modules s'adress<strong>en</strong>t à des<br />
volontaires et ceux-ci ont à choisir parmi plusieurs<br />
propositions. Je p<strong>en</strong>se que ces étudiants ont des prio¬<br />
rités dans leur formation et ori<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leur choix de<br />
modules plutôt vers des modules à dominante disci¬<br />
plinaire. Par contre, ces propositions m'ont permis<br />
d'être contactée comme directrice de mémoire profes¬<br />
sionnel par deux étudiantes qui ont réalisé un excell<strong>en</strong>t<br />
travail sur "La mixité dans les lycées professionnels".<br />
Dans le cadre de mon travail de conseillère pédago¬<br />
gique, j'ai pu proposer deux animations pédagogi¬<br />
ques avec, pour support, le travail que j'avais réalisé<br />
<strong>en</strong> maîtrise. Au cours de ces animations, je me suis<br />
aperçu qu'il n'était pas toujours évid<strong>en</strong>t d'assumer<br />
ses idées et de les déf<strong>en</strong>dre face à des réactions sou¬<br />
v<strong>en</strong>t hostiles ou tournées <strong>en</strong> dérision. Il était impor¬<br />
tant à ces mom<strong>en</strong>ts de m'appuyer sur des recherches<br />
reconnues.<br />
Pour essayer de médiatiser ce sujet, j'ai profité d'un<br />
numéro spécial des Cahiers Pédagogiques sur "Filles et<br />
femmes à l'école" (n° 372, mars 1999) pour écrire un<br />
article sur "Comm<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>seignants perçoiv<strong>en</strong>t-ils<br />
l'égalité desfilles et des garçons à l'école maternelle et à<br />
l'école élém<strong>en</strong>taire ?". Sur ma lancée, j'ai étoffé cet<br />
article pour une brochure "Se formera" éditée par<br />
l'Association "Voies Livres" de Lyon et intitulée<br />
"Existe-t-il des inégalités <strong>en</strong>tre filles et garçons à<br />
l'école ?".<br />
En faisant le bilan de mon chemin de pratici<strong>en</strong>ne, je<br />
mesure l'importance des différ<strong>en</strong>tes r<strong>en</strong>contres, des<br />
différ<strong>en</strong>tes situations vécues, des différ<strong>en</strong>tes lectures<br />
qui ont <strong>en</strong>richi le cheminem<strong>en</strong>t de ma réflexion sur la<br />
vie <strong>en</strong> général et plus particulièrem<strong>en</strong>t sur un sujet<br />
qui me ti<strong>en</strong>t à coeur, celui des rapports <strong>en</strong>tre hommes<br />
et femmes dans notre société et dans le cadre scolaire.<br />
Il est indéniable que le cont<strong>en</strong>u de mes lectures, mes<br />
différ<strong>en</strong>ts mom<strong>en</strong>ts de formation professionnelle et<br />
universitaire ont modifié mon regard sur la vie <strong>en</strong><br />
général, sur les relations hommes/femmes, sur les<br />
relations garçons/filles. Cela m'a permis d'avoir une<br />
sorte de "troisième il", de p<strong>en</strong>ser très fortem<strong>en</strong>t que<br />
l'école prépare les hommes et les femmes de demain et<br />
que c'est à ce niveau que nous pouvons espérer faire<br />
évoluer les comportem<strong>en</strong>ts et les idées.<br />
Nous sommes à une période où l'actualité nous oblige<br />
à rep<strong>en</strong>ser les rapports <strong>en</strong>tre hommes et femmes : les<br />
questions sur le port du foulard, sur la parité au niveau<br />
électoral, sur les conditions des femmes <strong>en</strong> Algérie et<br />
dans de nombreux pays. Tout ceci fait que, depuis 3-4<br />
ans, de nombreux ouvrages voi<strong>en</strong>t le jour, principale¬<br />
m<strong>en</strong>t écrits par des femmes, très peu par des hommes<br />
et dans de nombreuses disciplines comme l'anthropo¬<br />
logie, la sociologie, le droit, l'histoire, etc. Nous som¬<br />
mes dans une société <strong>en</strong> mutation et il n'y aura pas de<br />
véritable changem<strong>en</strong>t, de véritable évolution s'il n'y a<br />
pas de politique volontariste.<br />
Pour l'instant, je regrette toujours l'isolem<strong>en</strong>t géo¬<br />
graphique qui ne me permet pas de r<strong>en</strong>contrer<br />
d'autres personnes pour un échange d'idées, mais je<br />
conserve l'<strong>en</strong>vie d'approfondir ces réflexions. La lit¬<br />
térature publiée sur cette problématique me permet<br />
de me maint<strong>en</strong>ir au fait des dernières recherches et de<br />
continuer à approfondir ma réflexion.<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
Michèle BABILLOT<br />
Conseillère pédagogique<br />
Granville (50)<br />
BABILLOT, Michèle. Existe-t-il des inégalités <strong>en</strong>tre filles<br />
et garçons à l'école ? Seformera S76, Lyon : Voies Livres,<br />
déc. 1998. (13, quai Jayr 69009 Lyon).<br />
BABILLOT, Michèle. Une prise de consci<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong><br />
faible. Cahiers pédagogiques ("Filles et femmes à l'école (II)"),<br />
n° 372, mars 1999, p. 20-21.<br />
BAUDELOT, Christian et ESTABLET, Roger. Allez lesfilles !<br />
Paris : Seuil, 1992. (L'épreuve des faits).<br />
BIHR, Alain et PFEFFERKORN, Roland. Hommes/Femmes<br />
l'introuvable inégalité. École, travail, couple, espace public.<br />
Paris : Éditions de l'Atelier, 1996.<br />
DURU-BELLAT, Marie. L'école desfilles. Quelleformation<br />
pour quels rôles sociaux ? Paris : L'Harmattan, 1990.<br />
26 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
DURU-BELLAT, Mane. Filles et garçons à l'école, approches<br />
sociologiques et psychosociales. 1. Des scolarités sexuées,<br />
reflet de différ<strong>en</strong>ces d'aptitudes ou d'attitudes ? Revue<br />
Française de Pédagogie, n° 109, oct.-nov.-déc. 1994, p. 111-141.<br />
DURU-BELLAT Marie. Filles et garçons à l'école, approches<br />
sociologiques et psychosociales. 2. La construction scolaire<br />
des différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les sexes. Revue i-rançaise de Pédagogie,<br />
n° 110, janv.-fév.-mars 1995, p. 75-109.<br />
HÉRITIER, Françoise. Masculin/Féminin . la p<strong>en</strong>sée de lu<br />
différ<strong>en</strong>ce. Paris : Odile Jacob, 1996.<br />
LESCARRET, Odette et DE LEONARDIS, Myriam.<br />
Separation des sexes et compét<strong>en</strong>ces. Paris : L'Harmattan, 1996.<br />
MANASSEIN, Michel de. dir. De Tcgalite des sexes. Pans :<br />
CNDP, 1995.<br />
MOSCONI, Nicole, hemmes et savoir : la société, l'école et la<br />
division sexuelle des savoirs. Paris : L'Harmattan, 1994.<br />
MOSCONI, Nicole, dir. Egalité des ii'-U'i <strong>en</strong> education et<br />
formation. Pans : PUF, 1998. (Éducation et formation.<br />
Bi<strong>en</strong>nales de l'éducation).<br />
ZAÏDMAN, Claude. La mixité a l'école primaire. Paris :<br />
L'Harmattan, 1996. (Bibliothèque du féminisme).<br />
ZAZZO, Bianka. Féminin-masculin a l'école et ailleurs.<br />
Pans : PUF, 1993. (Croissance de l'<strong>en</strong>fant, g<strong>en</strong>èse de<br />
l'homme ; 23).<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 27
DE L'ENFANT<br />
DE LA RÉPUBLIQUE<br />
AU HUSSARD<br />
DE LA RÉPUBLIQUE<br />
FRANCK CHIGNIER-RIBOULON<br />
Parler de son parcours c'est effectuer une mise<br />
à nu, une sorte de l<strong>en</strong>t effeuillage interrogatif.<br />
-JL- Cette démarche est d'autant plus inhabituelle<br />
qu'elle est à l'inverse de l'attitude quotidi<strong>en</strong>ne de<br />
l'<strong>en</strong>seignant face à ses élèves ; celui-ci est plutôt à la<br />
fois un comédi<strong>en</strong> et un metteur <strong>en</strong> scène. Cela lui<br />
permet de transmettre du savoir, de l'intérêt... Ce<br />
rôle est d'ailleurs indissociable de la personnalité<br />
de l'<strong>en</strong>seignant puisqu'il me semble que l'on<br />
<strong>en</strong>seigne moins avec ce que l'on sait qu'avec ce<br />
qu'on est. Ce travail de transmission n'est ni asep¬<br />
tisé, ni déshumanisé.<br />
La rubrique "chemin de pratici<strong>en</strong>" permet de dessi¬<br />
ner des parcours qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> valeur les r<strong>en</strong>con¬<br />
tres, les choix, le vécu, les influ<strong>en</strong>ces... autant<br />
d'élém<strong>en</strong>ts qui ont pu être déterminants dans une<br />
pratique d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Nombre de pratici<strong>en</strong>s,<br />
les nouveaux hussards de la République, sont<br />
porteurs d'une flamme qu'ils ont pour devoir de<br />
transmettre dans cette période de doute : l'inquié¬<br />
tude, la lassitude, la solitude, le ras-le-bol, le s<strong>en</strong>ti¬<br />
m<strong>en</strong>t d'impuissance à satisfaire tout le monde,<br />
c'est-à-dire les att<strong>en</strong>tes de la société, de l'institu¬<br />
tion, des par<strong>en</strong>ts, des élèves..., fragilis<strong>en</strong>t et quel¬<br />
quefois éteign<strong>en</strong>t ce désir d'éducation au savoir et<br />
d'échange. En ce s<strong>en</strong>s, les établissem<strong>en</strong>ts dits "s<strong>en</strong>¬<br />
sibles" sont des lieux où cette foi est mise à mal<br />
...ou consolidée.<br />
DE L'ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE<br />
Je suis un <strong>en</strong>fant de l'école de la République. Cela<br />
n'est pas exceptionnel mais cela n'est pas ri<strong>en</strong> de le<br />
dire aujourd'hui où le doute inspire trop souv<strong>en</strong>t les<br />
<strong>en</strong>seignants, mais aussi les par<strong>en</strong>ts... Pourtant, il faut<br />
croire dans cette école qui permet toujours de réus¬<br />
sir, tant <strong>en</strong> termes de promotion sociale que de satis¬<br />
faction personnelle.<br />
Le contexte de l'école de la République des années<br />
soixante et soixante-dix, mon école, était différ<strong>en</strong>t<br />
puisque l'économie n'excluait pas, et même si les bas<br />
salaires et la précarité étai<strong>en</strong>t des réalités, ils s'accom¬<br />
pagnai<strong>en</strong>t d'une possibilité de promotion sociale<br />
beaucoup plus aisée et d'une forte demande du mar¬<br />
ché de l'emploi.<br />
J'ai été marqué par des <strong>en</strong>seignants. Ils aimai<strong>en</strong>t (au<br />
s<strong>en</strong>s de l'écoute et de l'att<strong>en</strong>tion) leurs élèves, si j'<strong>en</strong><br />
juge par leur attitude, et ils avai<strong>en</strong>t plaisir à v<strong>en</strong>ir<br />
<strong>en</strong>seigner. Par leur savoir-être dans l'échange avec<br />
leur public, ils m'ont transmis un savoir-aimer.<br />
Ainsi, comm<strong>en</strong>t ne pas se rappeler de cet instituteur<br />
du petit village de Saint-Clém<strong>en</strong>t-sous-Valsonne<br />
qui m'a appris, après l'école, à jouer aux échecs et au<br />
bridge ? Comm<strong>en</strong>t ne pas évoquer Monsieur Bon,<br />
<strong>en</strong>seignant de Lettres aujourd'hui à la retraite, par la<br />
passion qui émanait de lui sous des dehors de dilet¬<br />
tante ? Comm<strong>en</strong>t ne pas faire référ<strong>en</strong>ce à ces <strong>en</strong>sei-<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 29
gnants, géographes ou non, qui vous transportai<strong>en</strong>t<br />
à travers leurs descriptions ; c'étai<strong>en</strong>t des vacances<br />
virtuelles. Ces hommes n'<strong>en</strong>seignai<strong>en</strong>t pas unique¬<br />
m<strong>en</strong>t, ils transmettai<strong>en</strong>t du vivant, de la réalité pal¬<br />
pable, du plaisir...<br />
Le savoir-aimer ses élèves et sa discipline est une<br />
condition du savoir-transmettre. Et cette attitude est<br />
bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core prés<strong>en</strong>te chez nombre de collè¬<br />
gues. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, remonter à la surface quelques<br />
faits peut apparaître comme dénué d'intérêt, voire<br />
mièvre. Mais l'<strong>en</strong>fant de condition modeste que<br />
j'étais y trouvait valorisation et intérêt. C'était une<br />
ouverture sur le monde, un rêve sans fin raconté par<br />
des g<strong>en</strong>s différ<strong>en</strong>ts. Cela me sortait de mon quotidi<strong>en</strong><br />
même si je ne l'exprimais pas ainsi à ce mom<strong>en</strong>t-là.<br />
L'école, c'était la liberté, l'"oubli" des problèmes<br />
financiers de mes par<strong>en</strong>ts, l'"oubli" de leurs scènes de<br />
ménage trop souv<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>tes, l'"oubli" de ce temps<br />
volé que je consacrais aux tâches ménagères car ma<br />
mère ne les faisait pas.<br />
Si l'école m'a ouvert l'esprit, m'a donné <strong>en</strong>vie de<br />
connaître d'autres choses, je n'étais pas un très bon<br />
élève ; j'étais un élève moy<strong>en</strong>. J'ai même redoublé<br />
mon CP à une époque où cela équivalait à ne jamais,<br />
statistiquem<strong>en</strong>t parlant, réussir le bac. Quand je me<br />
suis retrouvé <strong>en</strong> ville, à l'internat, j'ai aimé les biblio¬<br />
thèques, lieux de calme, lieux de livres. Sans arg<strong>en</strong>t<br />
pour d'év<strong>en</strong>tuels loisirs, je passais, <strong>en</strong> classe de<br />
seconde, mes mercredis après-midi à la bibliothèque<br />
municipale de Brou à Bourg-<strong>en</strong>-Bresse. Tout était <strong>en</strong><br />
bois et le parquet craquait, à ma grande gêne, sous<br />
chacun de mes pas. Lire, c'était partir, c'était voyager<br />
dans le temps et l'espace ; c'était égalem<strong>en</strong>t se perdre,<br />
<strong>en</strong> oubliant le lieu, la bibliothèque, et les hommes<br />
pour n'être plus qu'un dans cette ruche du savoir.<br />
Cela m'a fait aimer la géographie. Cette sci<strong>en</strong>ce du<br />
tout, car le territoire est partout prés<strong>en</strong>t.<br />
J'ai connu mes premiers élèves "difficiles" alors que<br />
j'étais surveillant d'externat dans un lycée profes¬<br />
sionnel métallurgique. Les élèves n'étai<strong>en</strong>t évidem¬<br />
m<strong>en</strong>t pas tous "<strong>en</strong> difficulté" : il y avait de bonnes<br />
sections (électrotechnique...) et d'autres où les élèves<br />
avai<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t été volontaires (4e technologique...), et<br />
puis <strong>en</strong> dehors de ce classem<strong>en</strong>t il y avait comme tou¬<br />
jours la diversité des hommes. Les élèves étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
grande partie ceux de la ligne 36 qui relie deux (ex)<br />
ZUP, celle de la Duchère à celle des Minguettes. Les<br />
élèves, surtout les plus jeunes, étai<strong>en</strong>t très durs <strong>en</strong>tre<br />
eux ; il n'était pas rare de les voir se battre pour une<br />
tranche de pain à la cantine... Pour exister, il fallait<br />
s'imposer et écouter.<br />
1 Ce géographe est dev<strong>en</strong>u une référ<strong>en</strong>ce dans les années quatre-vingt avec la revue Hérodote.<br />
2 Lacoste, Y. 1976, La géographie, ça sert, d'abord, àfaire la guerre, Paris, Maspero.<br />
3 Lacoste, Y. 1998, Vive la nation, Paris, Fayard, p. 31.<br />
LA RECHERCHE, UNE OUVERTURE<br />
SUR LE MÉTIER<br />
Après l'agrégation, j'ai souhaité continuer mes étu¬<br />
des <strong>en</strong> préparant un DEA. L'objectif n'était plus<br />
d'obt<strong>en</strong>ir un rev<strong>en</strong>u mais de me faire plaisir. J'ai donc<br />
pris contact avec Yves Lacoste1, professeur de géo¬<br />
graphie à Paris 8-Saint-D<strong>en</strong>is et directeur du C<strong>en</strong>tre<br />
de Recherche et d'Analyse Géopolitique. Ce géo¬<br />
graphe a révolutionné la géographie, tout particuliè¬<br />
rem<strong>en</strong>t avec son ouvrage La géographie, ça sert, d'abord,<br />
à faire la guerre2. Pour Y. Lacoste, la géographie n'est<br />
pas uniquem<strong>en</strong>t une description de paysages, un li<strong>en</strong><br />
hommes/histoire/nature mais c'est égalem<strong>en</strong>t une<br />
dynamique de territoires, où les échelles jou<strong>en</strong>t un<br />
grand rôle, sur lesquels les hommes sont <strong>en</strong> rivalité<br />
voire <strong>en</strong> conflit et us<strong>en</strong>t de représ<strong>en</strong>tations, de dis¬<br />
cours... Ces géographes ont, selon le mot de Pierre<br />
Georges, une conception très "active3" de la<br />
géographie.<br />
Lors de notre première r<strong>en</strong>contre, Yves Lacoste<br />
m'avait proposé de travailler sur Vaulx-<strong>en</strong>-Velin,<br />
commune sur laquelle j'<strong>en</strong>seignais à ce mom<strong>en</strong>t-là.<br />
J'avoue que je n'étais guère <strong>en</strong>thousiaste ; j'aurais<br />
voulu travailler sur les zones rurales ou sur<br />
l'outre-mer. Les banlieues, les quartiers difficiles<br />
c'était déjà mon quotidi<strong>en</strong> depuis plusieurs années,<br />
cela n'avait ri<strong>en</strong> d'exotique, de dépaysant. C'est vrai,<br />
ces <strong>en</strong>fants connaissai<strong>en</strong>t des situations difficiles<br />
30 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
mais elles ne me semblai<strong>en</strong>t pas plus rudes que celles<br />
de certains ruraux. De surcroît, j'estimais qu'ils<br />
étai<strong>en</strong>t mieux traités qu'à la campagne grâce aux<br />
multiples équipem<strong>en</strong>ts et services publics dont ils<br />
bénéfici<strong>en</strong>t.<br />
Je savais v<strong>en</strong>ir au collège et cela me suffisait. Je p<strong>en</strong>¬<br />
sais faire au mieux p<strong>en</strong>dant mon temps de prés<strong>en</strong>ce<br />
mais de là à passer mes loisirs dans cette ville. En défi¬<br />
nitive, ce travail de DEA, puis de thèse, m'a ouvert<br />
sur la vie, sur l'espace. J'ai vraim<strong>en</strong>t vu la ville, j'ai<br />
r<strong>en</strong>contré ses habitants, j'ai regardé l'imbrication des<br />
espaces, les <strong>en</strong>jeux de pouvoirs et de territoires ... où<br />
la République peut être "m<strong>en</strong>acée", selon Pierre-<br />
André Taguieff4, si on n'y pr<strong>en</strong>d garde. En effet, mon<br />
travail de thèse, "géopolitique de l'Est lyonnais", se<br />
voulait non seulem<strong>en</strong>t une étude sociale, géogra¬<br />
phique... à différ<strong>en</strong>tes échelles de ce territoire fort<br />
connu, mais il se veut égalem<strong>en</strong>t un travail de<br />
citoy<strong>en</strong> qui met <strong>en</strong> valeur un <strong>en</strong>jeu national majeur,<br />
celui de l'intégration de la population maghrébine,<br />
tout particulièrem<strong>en</strong>t de la jeunesse, et le développe¬<br />
m<strong>en</strong>t d'un nationalisme puissant incarné par le Front<br />
national. C'est pourquoi, le citoy<strong>en</strong>/<strong>en</strong>seignant que je<br />
suis a pour tâche d'oeuvrer à un défi national <strong>en</strong><br />
réhabilitant notamm<strong>en</strong>t le discours sur la réussite à<br />
l'école par la responsabilisation, par le retour de la<br />
confiance, par l'espoir d'un av<strong>en</strong>ir meilleur et<br />
commun.<br />
Et je n'ai plus vu mes élèves de la même façon,<br />
d'autant plus que j'étais dev<strong>en</strong>u assesseur auprès du<br />
tribunal pour <strong>en</strong>fants. Auparavant, je les aimais bi<strong>en</strong>,<br />
même si parfois certains me décourageai<strong>en</strong>t ou me<br />
lassai<strong>en</strong>t, et je t<strong>en</strong>tais de faire de mon mieux pour les<br />
aider à réussir, à émerger... Mais par la suite, je les ai<br />
davantage compris, je les ai mieux situés dans un<br />
contexte, dans un espace, dans le quartier. Et cela m'a<br />
aidé dans mes relations professeur/élèves.<br />
Mon vécu, la modestie de mes origines, mes expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ces, ma s<strong>en</strong>sibilité ont bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du marqué ma<br />
façon d'<strong>en</strong>seigner, ma façon d'être avec les autres.<br />
Comme on <strong>en</strong>seigne ce qu'on sait avec ce qu'on est, je<br />
t<strong>en</strong>te de mettre <strong>en</strong> place des relations basées sur le<br />
faire-aimer une discipline ou tout simplem<strong>en</strong>t faire<br />
aimer être à l'école. Pour ce faire, il faut au préalable<br />
cadrer le cours, c'est-à-dire imposer son autorité.<br />
PLANTER LE DÉCOR, CADRER<br />
LE GROUPE CLASSE<br />
Le cadrage du groupe classe, <strong>en</strong> début d'année, est un<br />
travail difficile, voire ardu mais c'est une nécessité<br />
pour mettre <strong>en</strong> place, par la suite, un climat de<br />
confiance et de travail. 11 s'agit de faire preuve d'auto¬<br />
rité, et non d'autoritarisme, comme un père ou une<br />
mère avec ses <strong>en</strong>fants. En effet, la prise <strong>en</strong> compte des<br />
réalités socio-économiques, culturelles... de nos<br />
élèves/<strong>en</strong>fants, et le mal-être qui <strong>en</strong> découle, ne doi¬<br />
v<strong>en</strong>t pas nous conduire à faire du misérabilisme,<br />
comme le souligne Maurice Charrier, maire de<br />
Vaulx-<strong>en</strong>-Velin, lorsqu'il précise qu'"il faut <strong>en</strong> finir<br />
avec l'approche caritative des banlieues" . C'est<br />
pourquoi aider à aimer, au moins le cours si ce n'est<br />
l'école, est un défi important. Pour ce faire, il faut<br />
t<strong>en</strong>dre à restructurer ces élèves. Il est préférable, à<br />
mon s<strong>en</strong>s, de parler de restructuration plutôt que de<br />
structuration puisque ces <strong>en</strong>fants sont effectivem<strong>en</strong>t<br />
structurés : ils ont des règles de vie, des codes de<br />
conduite... mais ceux-ci sont fréquemm<strong>en</strong>t basés sur<br />
le rapport de force et non pas sur le respect d'autrui et<br />
<strong>en</strong>core moins d'une hiérarchie, d'un savoir ou d'une<br />
fonction. En effet, l'égalitarisme est, de prime abord,<br />
un fait. Et nos élèves, qu'ils soi<strong>en</strong>t de jeunes <strong>en</strong>fants<br />
ou des adolesc<strong>en</strong>ts, appliqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t les règles qui<br />
ont cours dans le quartier. Pour exister, et donc pour<br />
faire cours, il faut s'imposer et montrer sa valeur.<br />
Cette valeur c'est le savoir, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, mais c'est<br />
surtout la capacité à se faire respecter par une attitude<br />
ferme, qui doit t<strong>en</strong>dre à être juste et constante. Le res¬<br />
pect n'est pas un droit mais un état à conquérir. Bi<strong>en</strong><br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, dans ces quartiers, tous les établissem<strong>en</strong>ts,<br />
4 Politologue, spécialiste du Front national, de l'histoire du racisme et de l'intégration républicaine. Le terme "m<strong>en</strong>acée" est repris<br />
du titre d'un de ses derniers livres, La République m<strong>en</strong>acée, Pans, Textuel, 1996.<br />
5 Par les événem<strong>en</strong>t des Minguettes <strong>en</strong> 81/83, par ceux de Vaulx-<strong>en</strong>-Velin <strong>en</strong> 1990, par T'affaire Kelkal" <strong>en</strong> 1995.<br />
6 Libération, 19/1/1996.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
31
toutes les classes ne sont pas interchangeables. Cer¬<br />
tes, tous les élèves ne sont pas id<strong>en</strong>tiques et ne fonc¬<br />
tionn<strong>en</strong>t pas tous avec un tel schéma. A cela<br />
s'ajout<strong>en</strong>t les représ<strong>en</strong>tations négatives sur l'école,<br />
sur le collège, parfois surnommé "la prison". Ces<br />
représ<strong>en</strong>tations traduis<strong>en</strong>t non seulem<strong>en</strong>t que l'éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t scolaire est un lieu d'oppression mais que<br />
c'est égalem<strong>en</strong>t un mal inutile, qui n'apporte ri<strong>en</strong> ou<br />
que trop peu de choses. L'école comme lieu de pro¬<br />
motion sociale n'est pas toujours crédible.<br />
Si ces élèves sont "durs" c'est aussi <strong>en</strong> raison de l'édu¬<br />
cation de quartier qu'ils ont reçue ; ils n'<strong>en</strong> demeu¬<br />
r<strong>en</strong>t pas moins des <strong>en</strong>fants et des adolesc<strong>en</strong>ts plus<br />
fragiles, <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne, que les autres <strong>en</strong>fants et adoles¬<br />
c<strong>en</strong>ts. De par leur situation, ils recherch<strong>en</strong>t davantage<br />
d'att<strong>en</strong>tion et d'affection. Cette att<strong>en</strong>tion/valorisation<br />
peut être une condition de réussite.<br />
Les objectifs sont à la fois cognitifs et éducatifs. Il faut<br />
appr<strong>en</strong>dre pour progresser, et surtout appr<strong>en</strong>dre un<br />
savoir-faire. Il est égalem<strong>en</strong>t nécessaire d'appr<strong>en</strong>dre,<br />
ou tout simplem<strong>en</strong>t de mettre <strong>en</strong> application, un<br />
savoir-être qui corresponde aux normes sociales éta¬<br />
blies et reconnues. Cet appr<strong>en</strong>tissage ou cette mise <strong>en</strong><br />
application comportem<strong>en</strong>tale p<strong>en</strong>dant le cours<br />
n'implique pas forcém<strong>en</strong>t que ce savoir-être sera<br />
appliqué <strong>en</strong> dehors du cours. Néanmoins, ce travail<br />
éducatif et civique peut l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t porter ses fruits s'il<br />
permet un mieux-être, une valorisation de soi.<br />
ASSURER LA MAÎTRISE<br />
DE LA CLASSE<br />
Si l'on a des certitudes, on n'échappe pas, fort heu¬<br />
reusem<strong>en</strong>t, au doute, et le terme "maîtrise" peut avoir<br />
une connotation autoritaire. Il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong> mais<br />
ponctuellem<strong>en</strong>t il est bon de se ressourcer, voire de se<br />
rassurer ou de se remobiliser, grâce aux écrits prati¬<br />
ques de chercheurs : <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce j'utilise les fiches<br />
de travail de Jean Berbaum7 ou un des 34 chapitres<br />
du Choix d'éduquer de Meirieu8.<br />
La classe et l'<strong>en</strong>seignant form<strong>en</strong>t une micro-société et<br />
la salle de classe est le lieu d'expression de cette<br />
micro-société. Les règles de vie permett<strong>en</strong>t à la classe<br />
de rester un lieu d'échange, de savoir et de respect<br />
d'autrui. Elles ne vis<strong>en</strong>t pas à opprimer l'élève mais à<br />
lui permettre de travailler dans des conditions<br />
normales car <strong>en</strong> banlieue "la réussite est un devoir"9.<br />
Les règles de vie organis<strong>en</strong>t les relations <strong>en</strong>tre les<br />
élèves et le professeur p<strong>en</strong>dant les heures de cours<br />
qu'ils pass<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble.<br />
Tout d'abord, les règles sont contractualisées. Elles<br />
sont écrites dans le carnet de correspondance puis<br />
signées par les par<strong>en</strong>ts. Cette contractualisation leur<br />
donne plus de force et, surtout, les élèves peuv<strong>en</strong>t<br />
ainsi aisém<strong>en</strong>t s'y référer.<br />
Ensuite, les règles sont simples, donc compréh<strong>en</strong>si¬<br />
bles par tous. Enfin, elles sont précises, c'est-à-dire<br />
qu'elles pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte tous les mouvem<strong>en</strong>ts de<br />
la vie du groupe : "les élèves rest<strong>en</strong>t debout à côté de<br />
leur table et att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t l'autorisation du professeur<br />
pour s'asseoir", "les élèves ne peuv<strong>en</strong>t pas circuler<br />
dans la salle, seuls les objets circul<strong>en</strong>t (poubelle,<br />
photocopies...)"...<br />
Ces règles cadr<strong>en</strong>t chaque mom<strong>en</strong>t du cours. Elles<br />
structur<strong>en</strong>t les droits et devoirs de chacun. Certes, ces<br />
mesures sembl<strong>en</strong>t très contraignantes. Elles permet¬<br />
t<strong>en</strong>t néanmoins de structurer des élèves qui le sont<br />
peu <strong>en</strong> donnant un cadre, rigoureux il est vrai,<br />
mais où chacun se retrouve, voire se s<strong>en</strong>t rassuré.<br />
Ce système permet <strong>en</strong> outre de protéger les plus fai¬<br />
bles contre des rapports de force qui leur sont<br />
défavorables.<br />
La mise <strong>en</strong> uvre de ces règles réclame, au début, une<br />
grande rigueur et la mise <strong>en</strong> place de sanctions.<br />
La sanction n'est pas une fin <strong>en</strong> soi, elle répond à un<br />
manquem<strong>en</strong>t aux règles, comme le dit P. Meirieu : "la<br />
sanction sanctionne toujours l'écart à la norme<br />
7 Berbaum, J. Développer la capacité d'appr<strong>en</strong>dre. Paris : ESF, 1991, collection Pédagogies, notamm<strong>en</strong>t les pages 120 et sq. sur les<br />
fiches de travail.<br />
8 Meirieu, P. Le choix d'éduquer, éthique et pédagogie. Paris : ESF, 1991, collection Pédagogie, 193 p., particulièrem<strong>en</strong>t la p. 12<br />
sur la définition du pédagogue ou les p. 23-25 sur "ceux qui s'adonn<strong>en</strong>t à la pédagogie".<br />
9 Docteur Mokkedem, Le Progrès, 27/10/95. Le docteur Mokkedem, exemple de promotion sociale par l'école, est présid<strong>en</strong>t d'une<br />
association de Saint-Fons qui milite pour le développem<strong>en</strong>t de la citoy<strong>en</strong>neté.<br />
32 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
admise, l'infraction à la règle du jeu imposée"10 ; il<br />
s'agit "d'attribuer à l'autre la responsabilité de ses<br />
actes"11. De plus, oublier son cahier n'a ri<strong>en</strong> de com¬<br />
parable avec des propos outrageants t<strong>en</strong>us <strong>en</strong>vers un<br />
camarade.<br />
Dans la première situation, la règle est rappelée la ou<br />
les premières fois et le cahier est vérifié. Au pire,<br />
l'élève vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> classe pour le mettre à jour, <strong>en</strong> sus de<br />
ses heures de cours. Dans le second cas, l'élève est<br />
repris la première fois, puis sanctionné. Et <strong>en</strong>core,<br />
tout n'est pas perçu comme grossier : le mot "putain"<br />
sert souv<strong>en</strong>t à introduire une phrase12 ; là, il suffit de<br />
souligner, avec humour, que cet usage n'est pas<br />
reconnu. Dans l'év<strong>en</strong>tualité d'une sanction plus<br />
grave, l'investissem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>seignant est important.<br />
Dans une conception d'échange professeur/élèves<br />
les sanctions demeur<strong>en</strong>t, si possible, <strong>en</strong> dehors de<br />
l'administration du collège pour que le professeur<br />
ne se déresponsabilise pas. De surcroît, la multipli¬<br />
cation des heures de ret<strong>en</strong>ue est souv<strong>en</strong>t<br />
contre-productive : l'élève n'y va plus, les heures<br />
non faites devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ingérables. D'aucuns p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t<br />
qu'il est préférable d'opter pour un système plus<br />
contraignant pour l'<strong>en</strong>seignant mais plus efficace à<br />
terme. Il faut égalem<strong>en</strong>t que les sanctions soi<strong>en</strong>t per¬<br />
çues par l'élève comme supérieures à la faute. Par<br />
exemple, il est durem<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ti par l'élève de sortir<br />
du cours <strong>en</strong> retard. Pour lui, cela veut dire ne plus<br />
être avec les autres, manquer la récréation, arriver<br />
après les autres au repas... Ces quelques minutes de<br />
garde val<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> des heures de ret<strong>en</strong>ue. Contraire¬<br />
m<strong>en</strong>t à ce qui est souv<strong>en</strong>t dit, les jeunes ne recher¬<br />
ch<strong>en</strong>t pas l'autorité (qui la recherche d'ailleurs ?). Ils<br />
s'y soumett<strong>en</strong>t après avoir testé le professeur. Tou¬<br />
tefois, ce système ne serait pas humainem<strong>en</strong>t viable<br />
s'il n'allait pas de pair avec une attitude de respect et<br />
d'intérêt pour les élèves. De même, la mise <strong>en</strong> uvre<br />
10 Meirieu, P., op. cit., p. 65.<br />
1 1 Ibid, p. 66.<br />
d'un tel système implique un fort investissem<strong>en</strong>t ini¬<br />
tial de l'<strong>en</strong>seignant.<br />
La mise <strong>en</strong> uvre des règles de vie n'est pas aisée.<br />
Nous sommes dans un rapport de force où l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant doit s'imposer. Ce travail de prise de pouvoir<br />
dure généralem<strong>en</strong>t plusieurs semaines, quinze jours<br />
dans la majeure partie des classes mais parfois<br />
davantage pour certaines classes (il m'est arrivé une<br />
fois d'y passer près de deux mois). C'est par le rap¬<br />
pel quotidi<strong>en</strong>, mais c'est égalem<strong>en</strong>t par la mise <strong>en</strong><br />
pratique personnelle que cela <strong>en</strong>tre, peu à peu, dans<br />
les murs. De surcroît, la mise <strong>en</strong> uvre du cadre<br />
de travail (règles, sanctions...) ne se fait pas toujours<br />
sans opposition. Un élève refusant d'obéir, la<br />
demande est répétée, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t plusieurs fois,<br />
jusqu'à ce que l'adolesc<strong>en</strong>t obtempère. Quelle que<br />
soit la valeur des argum<strong>en</strong>ts avancés par l'élève <strong>en</strong><br />
cause, il n'est pas souhaitable de céder. Par la suite,<br />
quand le rapport de force est favorable à l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant, des aménagem<strong>en</strong>ts peuv<strong>en</strong>t être cons<strong>en</strong>tis<br />
(accepter un changem<strong>en</strong>t de place...). Mais au<br />
début, force doit rester à la parole, aux choix de<br />
l'<strong>en</strong>seignant.<br />
Cette mise <strong>en</strong> route du groupe classe est un travail<br />
opiniâtre, difficile et ingrat au début. Il faut donc se<br />
remobiliser de temps à autre par la lecture ou la relec¬<br />
ture d'un article, comme celui d'Estève11, de passages<br />
d'un ouvrage collectif14 ou du dernier Meirieuls. Je<br />
n'approuve pas forcém<strong>en</strong>t tout ce qui y est dit mais<br />
cela interroge et libère quelque peu. De plus, ce sont<br />
des lectures simples et pratiques pour un non-spécia¬<br />
liste <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation.<br />
Céder, c'est laisser le champ libre, c'est perdre la<br />
considération des élèves et, surtout, c'est risquer<br />
d'<strong>en</strong>durer un rapport de force défavorable. Concrè¬<br />
tem<strong>en</strong>t, abandonner face à l'opposition <strong>en</strong> acceptant<br />
bavardages, grossièretés, retards... ou quitter la scène<br />
1 2 C'est le fameux "Putain" suivi d'une virgule qui correspond, ici et ailleurs, aux phrases comm<strong>en</strong>çant par "Toutefois", "Néanmoins"...<br />
13 Estève, J.-M., Le malaise des <strong>en</strong>seignants, Revuefrançaise de pédagogie, n° 84, juillet-août-septembre 1984, p. 45-56.<br />
14 Notamm<strong>en</strong>t Ainsi change l'école, Autrem<strong>en</strong>t, 1993, série Mutations, particulièrem<strong>en</strong>t l'article de E. Rogovas-Chauveau et<br />
G. Chauveau, et Construire ses savoirs, construire sa citoy<strong>en</strong>neté, Lyon : Chronique sociale, 1996, 315 p.<br />
15 Meirieu, P., L'école ou la guerre civile, Paris : Pion, 1997, 21 1 p.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
33
grâce à un congé maladie, c'est perdre du pouvoir,<br />
voire le pouvoir, et se voir imposer d'autres règles de<br />
fonctionnem<strong>en</strong>t.<br />
Toute cette mise <strong>en</strong> scène vise à installer les acteurs<br />
pour qu'ils puiss<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>suite, vivre la classe.<br />
L'ambiance est primordiale pour la qualité du travail<br />
ou des relations.<br />
L'ENSEIGNEMENT,<br />
UN ACILDE RESPECT<br />
Le cadre de travail implique aussi une att<strong>en</strong>tion de<br />
l'<strong>en</strong>seignant vis-à-vis de ses élèves. Cela n'est pas tou¬<br />
jours aisé alors je relis quelques lignes du petit livre<br />
de J.-M. Petitclerc16 ou je p<strong>en</strong>se à mes <strong>en</strong>fants17.<br />
Ainsi, peu à peu se crée une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te, et même bi<strong>en</strong><br />
souv<strong>en</strong>t un climat de confiance.<br />
L'<strong>en</strong>seignant respecte l'élève et ne doit donc pas<br />
crier. Un de ses objectifs est de marquer sa diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ce avec la vie sociale telle qu'elle existe dans le<br />
quartier. Cela dans le but de montrer qu'il existe des<br />
comportem<strong>en</strong>ts autres et que la réussite passe aussi<br />
par l'adoption d'un savoir-vivre accepté ailleurs. La<br />
normalité locale n'est donc pas la normalité de la<br />
nation dont ils font partie. Ainsi, élever la voix ou<br />
crier, c'est agir comme les élèves dans les multiples<br />
lieux de leur vie quotidi<strong>en</strong>ne (couloir, cour, quar¬<br />
tier, foyer...). Élever la voix c'est égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer<br />
dans le mode de fonctionnem<strong>en</strong>t social de nombre<br />
de ces adolesc<strong>en</strong>ts. Cela peut s'avérer être une erreur<br />
<strong>en</strong> cas de t<strong>en</strong>sion ou même de conflit puisque<br />
l'adulte risque d'utiliser un code habituellem<strong>en</strong>t<br />
usité par ces jeunes g<strong>en</strong>s lors de polémiques ou<br />
d'affrontem<strong>en</strong>ts. Pour ne pas <strong>en</strong>trer dans un rapport<br />
de force que l'adolesc<strong>en</strong>t maîtrise trop bi<strong>en</strong>, il est<br />
préférable de ne pas hausser le ton, tout <strong>en</strong> restant<br />
ferme. Exceptionnellem<strong>en</strong>t, élever soudainem<strong>en</strong>t la<br />
voix, <strong>en</strong> interpellant un bavard par son nom ou <strong>en</strong><br />
réveillant un <strong>en</strong>fant assoupi, cela a un effet immé¬<br />
diat de par la rareté de l'action. Il est vrai que cela<br />
n'est pas toujours aisé et que plus d'une fois on t<strong>en</strong>te<br />
de se convaincre, de pr<strong>en</strong>dre sur soi, pour garder<br />
son calme... <strong>en</strong> espérant que le succès de l'opération<br />
est au bout du litige.<br />
Enfin, parler sur un ton modéré c'est aussi leur<br />
appr<strong>en</strong>dre à être citoy<strong>en</strong> <strong>en</strong> leur montrant que l'on<br />
peut s'exprimer et se faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dans le calme. Et,<br />
surtout, cela permet de montrer qu'on les écoute,<br />
qu'on les respecte, nombre de ces adolesc<strong>en</strong>ts esti¬<br />
mant qu'on ne leur accorde pas assez d'att<strong>en</strong>tion.<br />
Enseigner le civisme, c'est <strong>en</strong> faire la démonstration<br />
par son attitude quotidi<strong>en</strong>ne. Faire adopter des règles<br />
par autrui, car on les estime bonnes, ne peut que<br />
s'accompagner d'une application stricte des mêmes<br />
règles par l'<strong>en</strong>seignant lui-même. Ainsi, chaque ins¬<br />
tant de la vie de la classe s'accompagne d'une formule<br />
de politesse : accueillir les élèves par un "bonjour" et<br />
les quitter par un "au revoir", s'adresser à eux par un<br />
"s'il te plaît" puis les remercier... Cette courtoisie, si<br />
elle n'est pas uniquem<strong>en</strong>t formelle, est un élém<strong>en</strong>t de<br />
valorisation et d'att<strong>en</strong>tion. Ici, ce type de pratiques<br />
est même beaucoup plus important qu'ailleurs car il<br />
fait souv<strong>en</strong>t défaut et, de surcroît, ce besoin de res¬<br />
pect est <strong>en</strong>core plus fort qu'<strong>en</strong> d'autres lieux. Il<br />
n'empêche que les difficultés inhér<strong>en</strong>tes à l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t dans cette catégorie d'établissem<strong>en</strong>ts scolaires<br />
conduis<strong>en</strong>t quelquefois à oublier ces pratiques socia¬<br />
les ou à les juger inutiles face à un tel public. Mais la<br />
persévérance, par la répétition de telles actions,<br />
marque les adolesc<strong>en</strong>ts...<br />
Ce travail d'accompagnem<strong>en</strong>t au savoir et au civisme<br />
intègre d'autres actions. Ces élèves ont besoin d'être<br />
certains qu'ils sont traités comme tous les élèves. Ils<br />
reçoiv<strong>en</strong>t même davantage d'att<strong>en</strong>tion et ont besoin<br />
de ce supplém<strong>en</strong>t car ils ne vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas uniquem<strong>en</strong>t<br />
chercher du savoir, du savoir-faire mais de la consi¬<br />
dération, de l'intérêt pour s<strong>en</strong>tir qu'ils exist<strong>en</strong>t ici<br />
aussi1 ... C'est pourquoi, le cadre scolaire, le cadre du<br />
programme sont périodiquem<strong>en</strong>t rappelés : "le pro¬<br />
gramme doit être achevé", "le cursus du collège pré¬<br />
pare à passer le brevet ; chaque année est donc<br />
16 Petitclerc, J.-M., Respecter l'<strong>en</strong>fant, réflexion sur les droits de l'<strong>en</strong>fant. Mulhouse : Salvator, 1989. 127 p.<br />
1 7 Et inversem<strong>en</strong>t quand je suis chez moi.<br />
1 8 C'est-à-dire tout autant que dans leur quartier.<br />
34<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
importante dans cette préparation à long terme", "les<br />
notes se mérit<strong>en</strong>t"...<br />
L'<strong>en</strong>seignant est comédi<strong>en</strong> ou plutôt metteur <strong>en</strong><br />
scène. Or, si le spectacle est <strong>en</strong>nuyeux ou inintéres¬<br />
sant l'application des règles sera malaisée ou res¬<br />
s<strong>en</strong>tie comme une contrainte insupportable.<br />
Les consignes préconisées par l'Inspection suffis<strong>en</strong>t :<br />
une leçon correspondant à un chapitre par heure,<br />
deux à quatre docum<strong>en</strong>ts par heure au maximum,<br />
établissem<strong>en</strong>t d'un résumé (pour les 6° et 5e) à la fin<br />
du cours ou après chaque docum<strong>en</strong>t. Pour l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant, la préparation ti<strong>en</strong>t <strong>en</strong> quelques lignes mais<br />
aura nécessité de longs mom<strong>en</strong>ts de réflexion. Les<br />
élèves sont mobilisés par le professeur qui obti<strong>en</strong>t<br />
ainsi une participation orale. Chaque idée, chaque<br />
phrase proposée par un élève est reprise et complétée<br />
par les autres. Chacun intervi<strong>en</strong>t après y avoir été<br />
autorisé. Les élèves de sixième et cinquième élabo¬<br />
r<strong>en</strong>t le résumé à la fin de l'étude du docum<strong>en</strong>t ou à la<br />
fin de l'heure <strong>en</strong> proposant des phrases, parfois corri¬<br />
gées par leurs camarades. Ces phrases sont écrites au<br />
tableau pour les classes très faibles, mais la plupart du<br />
temps elles sont répétées par l'élève à l'origine de la<br />
phrase pour ses camarades. Il répète sa phrase dans le<br />
calme et les élèves qui ont mal compris ou qui n'ont<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
pas eu le temps de copier la phrase lui demand<strong>en</strong>t,<br />
polim<strong>en</strong>t, de réénoncer sa phrase. Ce fonctionne¬<br />
m<strong>en</strong>t permet d'habituer les élèves à participer, à utili¬<br />
ser des formules de politesse, à s'écouter... Dans<br />
l'idéal, l'heure de cours passe rapidem<strong>en</strong>t pour le plus<br />
grand étonnem<strong>en</strong>t des élèves.<br />
La réussite scolaire, au s<strong>en</strong>s de promotion sociale,<br />
n'est pas forcém<strong>en</strong>t au bout. Mais la réussite c'est<br />
égalem<strong>en</strong>t l'intégration sociale, trouver un emploi ou<br />
tout simplem<strong>en</strong>t se s<strong>en</strong>tir bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> cours. Être un hus¬<br />
sard de la République, c'est croire <strong>en</strong> soi et dans la<br />
République pour pouvoir croire dans les capacités<br />
des élèves.<br />
Le plaisir de l'élève passe d'abord par le plaisir de<br />
l'<strong>en</strong>seignant ; il est donc fondam<strong>en</strong>tal qu'il se s<strong>en</strong>te<br />
bi<strong>en</strong> dans son travail et qu'il vi<strong>en</strong>ne au travail sinon<br />
heureux du moins sans rétic<strong>en</strong>ce. Et il n'est pas rare<br />
d'avoir du plaisir à retrouver des élèves souriants,<br />
heureux de vous voir.<br />
Franck CHIGNIER-RIBOULON<br />
Enseignant associé<br />
Chargé de Recherches<br />
C<strong>en</strong>tre National de la Recherche Sci<strong>en</strong>tifique<br />
Lyon - U.M.R. 5600<br />
F.nvironnem<strong>en</strong>t-Ville-Société<br />
35
-=* «"î \<br />
r,..**-<br />
" . 'i
UN NOUVEAU<br />
REGARD SUR L'ÉCHEC<br />
SCOLAIRE<br />
CHANTAL COSTA<br />
([a f~^\ ue chacun exerce ses tal<strong>en</strong>ts" conseillait<br />
i<br />
V^'<br />
I Candide ! Quels sont ceux, <strong>en</strong> toute<br />
modestie, que j'ai pu mettre <strong>en</strong> uvre<br />
afin d'accompagner l'adolesc<strong>en</strong>t accueilli <strong>en</strong> lycée<br />
professionnel à se libérer d'un prés<strong>en</strong>t instantanéiste<br />
et à se mettre <strong>en</strong> projet dans une mobilisation de tout<br />
son être face au monde ?<br />
De mes carnets de voyage au c<strong>en</strong>tre de moi-même, il<br />
ressort que mes cheminem<strong>en</strong>ts personnels et profes¬<br />
sionnels sont étroitem<strong>en</strong>t liés. Ils se crois<strong>en</strong>t, s'<strong>en</strong>tre¬<br />
crois<strong>en</strong>t, et même lorsqu'ils sembl<strong>en</strong>t s'éloigner l'un<br />
de l'autre, la distanciation que permet le temps les<br />
rapproche afin de faire émerger de nouveaux possi¬<br />
bles. Lorsque je plonge dans mon univers personnel,<br />
j'id<strong>en</strong>tifie que le chemin de vie est fait de passages, ces<br />
passages symboliques qui contribu<strong>en</strong>t à la construc¬<br />
tion de l'édifice humain ; si j'<strong>en</strong>tre dans mon univers<br />
professionnel et que j'observe ce qui pr<strong>en</strong>d s<strong>en</strong>s der¬<br />
rière les vocables -<strong>en</strong>seigner-, -transmettre-, -édu¬<br />
quer-, -accompagner-, je reconnais un processus mis<br />
<strong>en</strong> au quotidi<strong>en</strong> dans sa multidim<strong>en</strong>tionnalité.<br />
Il porte à avancer, à se porter plus loin, à se transférer,<br />
à se r<strong>en</strong>voyer à d'autres, à r<strong>en</strong>contrer l'Autre.<br />
Sur mon chemin de pratici<strong>en</strong>, l'Autre c'est le sujet<br />
appr<strong>en</strong>ant accueilli au lycée professionnel. Souv<strong>en</strong>t, il<br />
n'a acquis qu'une vérité : le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de son incompé¬<br />
t<strong>en</strong>ce. Il a sombré dans ce que Ferdinand ALQUIE dans<br />
son uvre Le désir d'éternité appelle "l'habitude" . Tou¬<br />
ché par le syndrome de l'échec scolaire, c'est ce "nou¬<br />
veau lycé<strong>en</strong>" qu'évoque F. DUBET, c'est "cet exclu de<br />
l'intérieur" dont nous parle P. BOURDIEU, c'est un<br />
jeune <strong>en</strong> galère que reconnaît D. LAPEYRONNIE.<br />
Dans les années 80, mes premières années de pra<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
tique s'exerc<strong>en</strong>t dans la sérénité du rapport à la Loi<br />
reconnue, dans le confort de la transmission des<br />
savoirs. Mais, au fur et à mesure du temps, j'id<strong>en</strong>tifie<br />
l'émerg<strong>en</strong>ce de difficultés afin de mettre <strong>en</strong> uvre les<br />
savoirs, savoir-faire et savoir-être.<br />
Le sujet <strong>en</strong>raciné dans une société <strong>en</strong> mutation est un<br />
être humain déraciné, aux portes de l'exclusion. La<br />
situation des jeunes issus des catégories les moins<br />
favorisées est préoccupante et se répercute directe¬<br />
m<strong>en</strong>t dans les appr<strong>en</strong>tissages. Leur viol<strong>en</strong>ce est une<br />
réponse à la situation socio-économique de la plu¬<br />
part des familles, à la déstructuration du milieu fami¬<br />
lial. Le lieu classe est alors désinvesti par des gestes<br />
lourds de conséqu<strong>en</strong>ce ; le jeune consomme l'école<br />
comme un "marché éducatif. J'id<strong>en</strong>tifie alors, à tra¬<br />
vers l'observation éthologique pratiquée sur le<br />
groupe-classe et les propos énoncés dans la salle des<br />
professeurs, que c'est la problématique de la norme<br />
scolaire qui s'inscrit : elle réside dans le fait que les<br />
élèves s'<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t dans rappr<strong>en</strong>dre et que l'<strong>en</strong>seignant<br />
doit faire appr<strong>en</strong>dre. Du côté de l'appr<strong>en</strong>ant, c'est la<br />
face <strong>en</strong>nui/viol<strong>en</strong>ce qui apparaît. Du côté de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant, c'est la face mise à l'équerre du professeur qui<br />
se prés<strong>en</strong>te. C'est l'école dev<strong>en</strong>ue lieu de fuite qui<br />
émerge, décrite comme un lieu où l'on a peur dia¬<br />
gnostique B. CHARLOT2. C'est la classe dev<strong>en</strong>ue lieu<br />
d'affrontem<strong>en</strong>t qui se dégage, champ de guerre où<br />
tout est possible. Ces jeunes apparaiss<strong>en</strong>t installés<br />
dans une sorte de no man's land social.<br />
FUIR ou COMBATTRE... et pourquoi pas plutôt<br />
TENTER ? T<strong>en</strong>ter pour ne "pas oublier que l'individu<br />
<strong>en</strong> tant qu'être humain est toujours éducable et ne<br />
peut être réduit à ce qu'il a été ou à ce qu'il a fait" .<br />
37
Alors, je pr<strong>en</strong>ds l'habitude, à la manière d'un appr<strong>en</strong>ti<br />
ethnologue, de relater sur mes carnets de route péda¬<br />
gogiques les incid<strong>en</strong>ts, les situations porteuses de<br />
mal-être, les propos porteurs de s<strong>en</strong>s énoncés par les<br />
élèves. Il est vrai que j'ai toujours eu la passion des<br />
mots : le mot d'appar<strong>en</strong>ce anodin dans l'énonciation<br />
mais qui va donner s<strong>en</strong>s aux actions m<strong>en</strong>ées, surtout<br />
peut-être la passion du s<strong>en</strong>s caché des mots qui per¬<br />
met d'<strong>en</strong>trevoir, d'appréh<strong>en</strong>der qui est l'Autre.<br />
MONTAIGNE ne disait-il pas "la parole est moitié à<br />
celui qui parle, moitié à celui qui écoute"?<br />
A la fin des années 80, je suis immergée pédagogiquem<strong>en</strong>t<br />
dans la section de niveau V des Professions<br />
Immobilières dont je suis responsable. J'<strong>en</strong>seigne à la<br />
même classe 10 heures par semaine et j'id<strong>en</strong>tifie chez la<br />
majorité des sujets une blessure narcissique profonde,<br />
une dévalorisation de leur Moi ; ils sont porteurs du<br />
syndrome d'échec scolaire et il m'apparaît primordial<br />
de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les conséqu<strong>en</strong>ces psychologi¬<br />
ques de la situation d'échec vécue et intériorisée.<br />
Parallèlem<strong>en</strong>t, je décide d'effectuer p<strong>en</strong>dant mes<br />
vacances scolaires deux mois de stage <strong>en</strong> Cabinet<br />
Immobilier. Le monde professionnel dans sa réalité<br />
au quotidi<strong>en</strong> m'oblige à m<strong>en</strong>er une vraie réflexion<br />
quant au rôle de l'axe professionnel dans l'école.<br />
Émerge alors <strong>en</strong> moi la primauté des concepts du<br />
FAIRE pour faire vivre le ÊTRE. J'avais définitive¬<br />
m<strong>en</strong>t intégré que transmettre uniquem<strong>en</strong>t des savoirs<br />
ne pouvait qu'<strong>en</strong>traîner l'échec. Je ne connaissais pas à<br />
l'époque les travaux de C. FREINET, F. OURY et<br />
J. PAIN, mais mes observations sur le terrain péda¬<br />
gogique me conduis<strong>en</strong>t alors à mettre <strong>en</strong> uvre le<br />
"désir" suscité par la situation qui décl<strong>en</strong>che l'action<br />
et qui <strong>en</strong>traîne l'acquisition de connaissances pour<br />
conduire, créer l'émulation. Je mets alors <strong>en</strong> uvre<br />
des pratiques qui vont "embrayer sur la vie", créer<br />
des situations génératrices d'action où le FAIRE, dans<br />
la place privilégiée qu'il occupe, permet la construc¬<br />
tion d'un rapport empathique au sein de la classe et<br />
génère un processus de "réparation"des sujets appre¬<br />
nants. Me revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mémoire la conception et la<br />
réalisation du livret d'accueil du lycée, les expositions,<br />
"V<strong>en</strong>ise patrimoine mondial", "du haut du Mont<br />
Saint-Michel le Moy<strong>en</strong> Âge vous contemple". Le<br />
film-vidéo "Mission possible à De Prony" voit le jour,<br />
la classe "monte" des visites guidées des grands parcs<br />
et jardins d'Ile-de-France. Enfin, le projet "Agissons<br />
pour le Bénin" s'inscrit dans l'axe de l'humanitaire et<br />
met <strong>en</strong> uvre des actions destinées à la collecte de<br />
fonds. Les sommes recueillies ont servi à l'achat du<br />
matériel scolaire nécessaire aux <strong>en</strong>fants de l'école pri¬<br />
maire de Tori-Cada. La place que j'occupe dans la<br />
classe évolue : de moins <strong>en</strong> moins <strong>en</strong> situation<br />
d'omnipot<strong>en</strong>ce derrière mon bureau, je travaille à<br />
côté et avec les élèves <strong>en</strong> collaboration directe avec les<br />
tuteurs du groupe (ce sont des élèves volontaires qui<br />
aid<strong>en</strong>t les plus <strong>en</strong> difficulté).<br />
L'Institution scolaire reconnaît chez ces jeunes un<br />
mieux-être dans le rapport à l'appr<strong>en</strong>dre, dans le rap¬<br />
port à eux-mêmes et aux autres. Cep<strong>en</strong>dant, je suis<br />
toujours dans l'empirisme ; j'évolue dans un parcours<br />
de p<strong>en</strong>sée <strong>en</strong>tre induction et déduction et des ques¬<br />
tions m'obsèd<strong>en</strong>t : comm<strong>en</strong>t les accompagner dans un<br />
nouveau rapport au monde ? Comm<strong>en</strong>t remédier chez<br />
la plupart d'<strong>en</strong>tre eux aux dysfonctionnem<strong>en</strong>ts rela¬<br />
tionnels et méthodologiques id<strong>en</strong>tifiés ? Comm<strong>en</strong>t<br />
permettre la réconciliation du jeune avec l'Institution<br />
scolaire et ses règles ? Comm<strong>en</strong>t éviter les dangers des<br />
relations duelles maîtres-élèves, le face-à-face qui<br />
risque toujours de dégénérer ? Comm<strong>en</strong>t prév<strong>en</strong>ir les<br />
pièges d'une relation captatrice et imaginaire ?<br />
Parallèlem<strong>en</strong>t, sur mon chemin personnel, le sport<br />
ti<strong>en</strong>t une place majeure : je pratique assidûm<strong>en</strong>t la<br />
danse et l'alpinisme. En outre, plusieurs fois par<br />
semaine, j'observe avec une att<strong>en</strong>tion toute particu¬<br />
lière les cours de judo où j'accompagne mon fils.<br />
J'ouvre un nouveau carnet de voyage "judo"...<br />
L'atmosphère sur le tatami est sereine, le sil<strong>en</strong>ce pro¬<br />
ducteur de savoir. Chacun écoute la parole du Maître<br />
et malgré la jeunesse de ce dernier, elle est reconnue.<br />
En filigrane tout au long des séances les rappels à la<br />
règle, au respect des autres... résonn<strong>en</strong>t dans le lieu.<br />
Pas d'incid<strong>en</strong>ts, pas de viol<strong>en</strong>ce... ils sont nombreux<br />
cep<strong>en</strong>dant, beaucoup plus que dans une classe de<br />
LP... J'id<strong>en</strong>tifie que chacune de ces trois disciplines<br />
port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> elles les mêmes concepts <strong>en</strong> étroite corré¬<br />
lation : le rapport à l'effort, au dépassem<strong>en</strong>t de soi, le<br />
rapport à la Loi, à la règle, le rapport à l'Autre.<br />
À la barre parallèle, sur le tatami, face aux séracs,<br />
mais aussi dans la classe les propos du Maître<br />
SOCRATE sont imprimés dans chacun de ces lieux...<br />
Dans les recherches que je mène sur le judo moderne<br />
et les travaux de Jigoro KANO, j'y reconnais l'empreinte<br />
de la glorification du travail, l'<strong>en</strong>semble des valeurs<br />
38 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
fondam<strong>en</strong>tales de l'humain. Je ne connaissais pas à<br />
l'époque le concept des ceintures de comportem<strong>en</strong>t-<br />
Septembre 1994 : Et si les hasards n'étai<strong>en</strong>t pas<br />
que des hasards ?<br />
Sur mon chemin personnel j'apprivoise la quaran¬<br />
taine porteuse des premiers bilans de vie, c'est<br />
l'émerg<strong>en</strong>ce de nouvelles questions ! Au cours d'un<br />
déjeuner <strong>en</strong> compagnie de deux amies, je ne sais pas<br />
que je vais m'<strong>en</strong>gager sur un chemin qui, depuis, illu¬<br />
mine à la fois voie personnelle et professionnelle et où<br />
le passé contribue à construire l'av<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> synergie. En<br />
quelques minutes, à la manière d'un véritable défi<br />
<strong>en</strong>tre deux propos anodins, nous décidons : "On s'ins¬<br />
crit à la Fac à Nanterre <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces Humaines !"<br />
En quelques jours nous sommes inscrites <strong>en</strong> Lic<strong>en</strong>ce<br />
de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation. Le hasard des horaires<br />
nous amène à nous ori<strong>en</strong>ter dans les champs de la<br />
philosophie, de la sociologie, de la pédagogie et choi¬<br />
sissons presque naturellem<strong>en</strong>t de suivre l'U.E. de<br />
Pédagogie Institutionnelle disp<strong>en</strong>sée par Jacques<br />
PAIN, Professeur d'université ; ses travaux port<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> particulier sur la viol<strong>en</strong>ce, la société <strong>en</strong> crise, <strong>en</strong><br />
mutation.<br />
En quelques semaines il apparaît, à la lumière des<br />
concepts théoriques de la Pédagogie Institutionnelle<br />
(P.L), que j'ai toujours pratiqué la P.I. - à la manière<br />
de Monsieur Jourdain... qui faisait de la prose sans le<br />
savoir...<br />
Jacques PAIN', dans une mise <strong>en</strong> cadre particulièrem<strong>en</strong>t<br />
précise, énonce : "la Pédagogie Institutionnelle est cons¬<br />
truite sur un trépied, est un trépied à trois instances :<br />
Technique (les techniques Freinet), Psychanalytique<br />
(l'inconsci<strong>en</strong>t est dans la classe et il parle), Microso¬<br />
ciologique (la classe-groupe). Ce sont aussi trois<br />
grands refer<strong>en</strong>ts : Célestin FREINET, Sigmund FREUD<br />
(et l'école Freudi<strong>en</strong>ne de Paris), Kurt LEWIN (dont<br />
la psychodynamique a marqué ce discours ubiquiste<br />
que développe la psychologie sociale)". Elle peut être<br />
définie comme un <strong>en</strong>semble de techniques, d'organi¬<br />
sations, de méthodes de travail, d'institutions inter¬<br />
nes nées de la praxis des classes actives, qui plac<strong>en</strong>t<br />
les <strong>en</strong>fants et les adultes dans des situations nouvelles<br />
et variées qui requièr<strong>en</strong>t de chacun <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t per¬<br />
sonnel, initiative, action, etc. Les changem<strong>en</strong>ts tech¬<br />
niques, les relations interindividuelles et de groupes à<br />
des niveaux consci<strong>en</strong>ts et inconsci<strong>en</strong>ts, la structura<br />
tion du milieu, cré<strong>en</strong>t des situations qui, grâce à des<br />
institutions variées et variables, favoris<strong>en</strong>t la commu¬<br />
nication et les échanges.<br />
Parole, Responsabilité et Pouvoir... Trois <strong>en</strong>tités inscri¬<br />
tes au sein de la classe par la mise <strong>en</strong> uvre de disposi¬<br />
tifs de médiations (au s<strong>en</strong>s lacani<strong>en</strong> du concept, cf.<br />
J. DORs). Ce n'est pas une technique UNE mais un<br />
réseau de techniques : le conseil <strong>en</strong> est la clé de voûte, les<br />
sorties-<strong>en</strong>quêtes, les métiers, les actions ori<strong>en</strong>tées vers<br />
le FAIRE et les ceintures de comportem<strong>en</strong>t occup<strong>en</strong>t<br />
une place privilégiée dans "l'atomium". Chaque savoir,<br />
chaque faire s'allie à d'autres, passe de l'un à l'autre.<br />
Le conseil est une réunion de régulation dans le s<strong>en</strong>s<br />
où elle génère l'ajustem<strong>en</strong>t dans la classe. C'est un<br />
lieu du collectif où se font les lois du collectif. C'est<br />
aussi le lieu où l'on fait à la fois de la structure et de la<br />
parole. Les sorties-<strong>en</strong>quêtes vis<strong>en</strong>t une rupture avec<br />
les apports immédiats de l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t du<br />
sujet-appr<strong>en</strong>ant. De plus, l'après-sortie permet de<br />
réintroduire de ce dehors dans la classe. Quant au<br />
métier, il délimite une aire, espace social dans lequel<br />
on ne peut <strong>en</strong>trer sans respecter certaines lois et où le<br />
responsable exerce liberté, responsabilité et pouvoir,<br />
utilisant son statut particulier, respecté de tous. Il<br />
s'agit de bi<strong>en</strong> autre chose que du simple partage des<br />
tâches ; ce sont des responsabilités que la classe se<br />
partage et qui permett<strong>en</strong>t à chacun autonomie et<br />
revalorisation. Le jeune a le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'être directe¬<br />
m<strong>en</strong>t utile, responsable de quelque chose vis-à-vis de<br />
tous. Il existe immédiatem<strong>en</strong>t dans le groupe, existe<br />
pour autrui. J'y retrouve mes valeurs fondam<strong>en</strong>tales,<br />
la dialectique du Moi et de l'Autre, ce couple à l'état<br />
pur a comme la valeur d'une catégorie dont les conte¬<br />
nus successifs répond<strong>en</strong>t à la croissance et à l'histoire<br />
de l'Homme. Les actions qui "embray<strong>en</strong>t sur la vie"<br />
(C. FREINET), cré<strong>en</strong>t dans le quotidi<strong>en</strong> de la classe<br />
des situations dynamiques, <strong>en</strong>semble de forces qui<br />
conduis<strong>en</strong>t chacun à se dépasser pour réaliser un<br />
projet commun. Enfin, parmi les outils et techniques<br />
mis <strong>en</strong> suvre, le concept de ceinture a nécessité une<br />
réflexion transfér<strong>en</strong>tielle importante, afin qu'il puisse<br />
exister à la fois par rapport à l'âge des appr<strong>en</strong>ants et<br />
<strong>en</strong> corrélation avec l'id<strong>en</strong>tification des dysfonction¬<br />
nem<strong>en</strong>ts méthodologiques et comportem<strong>en</strong>taux. Les<br />
ceintures sont issues des arts martiaux. Elles sont la<br />
preuve de compét<strong>en</strong>ces, plus, des valeurs reconnues.<br />
C'est la reconnaissance d'une construction, d'une<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 39
évolution. Elles permett<strong>en</strong>t un repérage d'acquis. On<br />
assiste manifestem<strong>en</strong>t à une forme de socialisation.<br />
De la ceinture blanche à la ceinture marron, elles cor¬<br />
respond<strong>en</strong>t à des périodes d'appr<strong>en</strong>tissage : c'est une<br />
qualification affichée dans le s<strong>en</strong>s où la ceinture jaune<br />
pourra demander conseil et <strong>en</strong>traide à une ceinture<br />
marron. Avoir pris consci<strong>en</strong>ce des difficultés, les<br />
avoir acceptées et intégrées, satisfaire un passage de<br />
grade, c'est vérifier les avoir dépassées. L'<strong>en</strong>semble<br />
du processus puise ses fondem<strong>en</strong>ts dans le respect de<br />
la Loi et des règles que la classe s'est donné.<br />
Innovation pédagogique ? Lorsque le processus a été<br />
id<strong>en</strong>tifié innovant, j'ai apprécié la reconnaissance de<br />
mes travaux par l'Institution mais je reste plus<br />
attachée au bon qualitatifque j'observe chez les jeunes.<br />
La Lic<strong>en</strong>ce nous l'avons fêtée à trois, la Maîtrise nous<br />
l'avons fêtée à deux, le DEA, recherche reconnue par<br />
mes pairs, je l'ai vécu seule. Inscrite <strong>en</strong> Doctorat depuis la<br />
r<strong>en</strong>trée 1999, mon parcours a été jalonné de difficultés à<br />
dépasser, de régulations à mettre <strong>en</strong> uvre, d'adapta¬<br />
tions à accepter afin de pouvoir <strong>en</strong> retirer les fruits, mais<br />
il est surtout porteur de richesses exceptionnelles.<br />
Les Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation m'ont ouvert les portes<br />
de la connaissance : compr<strong>en</strong>dre, id<strong>en</strong>tifier, savoir...<br />
intériorité, extériorité... Six années à pénétrer les<br />
champs de la philosophie, de la psychologie, de la<br />
sociologie, de la psychanalyse ont creusé un chemi¬<br />
nem<strong>en</strong>t de p<strong>en</strong>sée, véritable levier d'avancée et de<br />
distanciation. Ce parcours atypique qui aurait pu tra¬<br />
vailler à une certaine forme d'<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t s'est<br />
passé sur une axiométrie d'ouverture tant au niveau<br />
personnel que professionnel. Sur ce long chemin uni¬<br />
versitaire, je suis allée assurém<strong>en</strong>t à la r<strong>en</strong>contre de<br />
moi-même. Par la mise <strong>en</strong> exergue de ma capacité<br />
d'introspection, grâce aux savoirs que j'ai investis<br />
avec une frénésie non dissimulée, j'ai assurém<strong>en</strong>t<br />
construit mon temple intérieur, pierre par pierre.<br />
À la question, ai-je modifié mes pratiques ? je peux<br />
répondre par la négation. En effet, il semblerait que<br />
j'ai toujours pu ou su m<strong>en</strong>er une réflexion <strong>en</strong> amont<br />
de la "norme pédagogique institutionnalisée".<br />
Cep<strong>en</strong>dant, si je ne peux évoquer de modifications<br />
fondam<strong>en</strong>tales, je peux <strong>en</strong> reconnaître les évolutions.<br />
Je constate que je garde <strong>en</strong> moi l'<strong>en</strong>thousiasme intact<br />
de mes débuts de carrière, libérée de plus, de mes<br />
excès, de mes travers, de mes angoisses de débutante ;<br />
mon parcours intellectuel m'a r<strong>en</strong>due plus forte, plus<br />
solide dans une approche pédagogique médiatisée,<br />
moins viciée par les affects qui nuis<strong>en</strong>t à l'objectivité des<br />
évaluations et des argum<strong>en</strong>ts avancés. La didactique est<br />
un outil précieux dès qu'il est transposé de l'état de<br />
concepts à l'état d'outils exploités dans le quotidi<strong>en</strong> de<br />
la classe. Je constate par ailleurs que je semble protégée<br />
de l'usure de la fonction, de la critique trop souv<strong>en</strong>t<br />
portée à l'Institution par le corps <strong>en</strong>seignant, protégée<br />
du désir, pas toujours inconsci<strong>en</strong>t chez certains, de la<br />
retraite libératrice du "barbare". Au contraire, mon tra¬<br />
vail fondam<strong>en</strong>tal je l'ai m<strong>en</strong>é sur l'appr<strong>en</strong>ant : att<strong>en</strong>tive<br />
à éviter les rejets primaires, à gommer les préjugés...<br />
simplem<strong>en</strong>t le reconnaître comme sujet à part <strong>en</strong>tière et<br />
riche de son histoire singulière.<br />
Il faut passer au constat que la situation est fondam<strong>en</strong>¬<br />
talem<strong>en</strong>t préoccupante puisque de l'ordre de l'humain<br />
et qu'il est possible de modifier les facteurs id<strong>en</strong>tifiés,<br />
que les problèmes devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t solubles non seulem<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> les pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> considération mais <strong>en</strong> passant par<br />
"1:AGIR". Sans sombrer dans un militantisme effréné,<br />
je continue à croire que chaque <strong>en</strong>seignant est un<br />
maillon de la chaîne universelle et ces quelques années<br />
de pratique de la Pédagogie Institutionnelle me per¬<br />
mett<strong>en</strong>t d'énoncer que j'ai r<strong>en</strong>contré une pédagogie<br />
génératrice du li<strong>en</strong> social et tournée vers les compé¬<br />
t<strong>en</strong>ces, c'est-à-dire c<strong>en</strong>trée sur des appr<strong>en</strong>tissages qui<br />
facilit<strong>en</strong>t la compréh<strong>en</strong>sion du monde.<br />
Dans cette perspective de pratique pédagogique auprès<br />
déjeunes adultes <strong>en</strong> difficulté, je continuerai à chercher<br />
comm<strong>en</strong>t les accompagner dans la dim<strong>en</strong>sion du<br />
bi<strong>en</strong>-"Être" d'appr<strong>en</strong>dre pour qu'ils puiss<strong>en</strong>t peut-être,<br />
un jour... accéder à la dim<strong>en</strong>sion du ÊTRE.<br />
Chantai COSTA<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
Enseignante,<br />
Lycée de Prony - Asnières (92)<br />
1. ALQUIE, F. Le désir d'éternité. lr¤ éd. Paris : PUF, 1990.<br />
2. CHARLOT, B., BAUTIER, E. et ROCHEX, J.-Y. École<br />
et savoir dans les banlieues... et ailleurs. Paris : A. Colin, 1993.<br />
3. CHARLOT, B. Les nouveaux <strong>en</strong>jeux. Sci<strong>en</strong>ces Humaines,<br />
n° 76, oct. 1997.<br />
4. PAIN, J. Laformation par la pratique : la pédagogie institu¬<br />
tionnelle des Groupes d'Éducation Thérapeutique de Fernand<br />
Oury et Aida Vasquez. Vigneux : Matrice, 1998. (Collection PI).<br />
5. DOR, J. Introduction à la lecture de Lacan. Paris : D<strong>en</strong>oël, 1985.<br />
PORGE, E.facques Lacan, un psychanalyste : parcours<br />
d'un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Paris : Érès, 2000. (Point Hors Ligne).<br />
40 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
CONSTRUCTION<br />
IDENTITAIRE ET RAPPORT<br />
AUX SAVOIRS<br />
FRÉDÉRIC HAEUW<br />
g "~\ omm<strong>en</strong>t expliquer le formateur que je suis<br />
à aujourd'hui dev<strong>en</strong>u ? Quelle est la part qui<br />
^^^rf» me revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> propre dans ma construction<br />
id<strong>en</strong>titaire et quelle est la part qui revi<strong>en</strong>t aux autres,<br />
à tous ces représ<strong>en</strong>tants de l'altérité universelle, qui<br />
particip<strong>en</strong>t à cette construction pourtant individuelle<br />
et unique ? La famille tout d'abord, à qui revi<strong>en</strong>t les<br />
premières étapes de votre éducation ; aux <strong>en</strong>seignants<br />
professionnels <strong>en</strong>suite, qui vous mett<strong>en</strong>t le grappin<br />
dessus dès la plus t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>fance pour ne vous lâcher<br />
qu'au sortir de l'adolesc<strong>en</strong>ce ; puis à ces formateurs de<br />
hasard, compagnons de vie, de travail, de loisirs qui<br />
vous éduqu<strong>en</strong>t et que vous éduquez sans même le<br />
savoir ; aux auteurs égalem<strong>en</strong>t, à tous ceux qui us<strong>en</strong>t<br />
de l'écrit comme d'une passerelle <strong>en</strong>tre leur cerveau et<br />
le vôtre ; et puis <strong>en</strong>fin à tous ceux que votre travail de<br />
formateur professionnel vous confie aux fins d'éduca¬<br />
tion, et qui vous appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t autant sur vous-même<br />
que l'inverse. Il est évid<strong>en</strong>t que toute r<strong>en</strong>contre éduca¬<br />
tive est "au moins" duale, <strong>en</strong>tre un <strong>en</strong>seignant et un<br />
<strong>en</strong>seigné, et que chacune de ces r<strong>en</strong>contres est unique<br />
car elle confronte deux id<strong>en</strong>tités qui <strong>en</strong> ressortiront<br />
toutes deux transformées.<br />
"appr<strong>en</strong>dre, c'est <strong>en</strong>trer dans un <strong>en</strong>semble de rapports<br />
et de processus qui constitu<strong>en</strong>t un système de s<strong>en</strong>s -<br />
ou se dit qui je suis, qui est le monde, qui sont les<br />
autres. Ce système s'élabore dans le mouvem<strong>en</strong>t<br />
même par lequel je me construis et suis construit par<br />
les autres - ce mouvem<strong>en</strong>t long, complexe, jamais<br />
complètem<strong>en</strong>t achevé qu'on appelle éducation."<br />
C'est ainsi que dans son ouvrage sur le rapport au<br />
savoir, Bernard Chariot représ<strong>en</strong>te l'éducation,<br />
comme un "long processus vital et jamais achevé." En y<br />
définissant le rapport au savoir comme rapport au<br />
monde, rapport aux autres, mais aussi rapport à<br />
soi-même, il élabore autant de pistes possibles pour<br />
analyser les rapports d'une personne, tour à tour<br />
<strong>en</strong>seignante et <strong>en</strong>seignée, avec le savoir. On ne peut<br />
qu'être frappé par la dim<strong>en</strong>sion id<strong>en</strong>titaire indéniable<br />
à tout rapport au savoir :<br />
1 B. Chariot, Du rapport au savoir, élém<strong>en</strong>ts pour une théorie, Pans, Anthropos, 1997.<br />
2 ibidem.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
"appr<strong>en</strong>dre fait s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> refer<strong>en</strong>ce à l'histoire du sujet, à<br />
ses att<strong>en</strong>tes, à ses repères, a sa conception de la vie, à ses<br />
rapports aux autres, à l'image qu'il a de lui-même et a<br />
celle qu'il veut donner aux autres.""<br />
En retournant l'assertion, nous pouvons dire aussi<br />
que l'appr<strong>en</strong>tissage et le rapport que l'on a <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>u<br />
jusqu'à prés<strong>en</strong>t avec le savoir ont construit notre<br />
id<strong>en</strong>tité et induis<strong>en</strong>t notre relation actuelle, et future,<br />
avec le savoir. Nous devons donc compr<strong>en</strong>dre le<br />
passé pour expliquer le prés<strong>en</strong>t : mon rapport actuel<br />
41
avec le savoir s'explique par les rapports <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>us<br />
avec lui dans le passé. C'est par une introspection,<br />
dégagé de la "gangue de la subjectivité", que je pour¬<br />
rais donner s<strong>en</strong>s à ces rapports, ce qui, d'un point de<br />
vue sci<strong>en</strong>tifique, légitime l'usage des "histoires de<br />
vie" comme mode de recueil de données et modèle<br />
explicatif.<br />
Le savoir étant avant tout rapport au monde, aux<br />
autres et à soi-même, nous devons aller explorer suc¬<br />
cessivem<strong>en</strong>t ces trois dim<strong>en</strong>sions. Tout d'abord,<br />
quels sont mes rapports au monde, aux choses, aux<br />
objets et lieux de savoirs et quels modes d'appréh<strong>en</strong>¬<br />
sion ai-je privilégié avec mon <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
culturel, familial, social, scolaire, professionnel ?<br />
Deuxièmem<strong>en</strong>t, quels ont été mes rapports aux<br />
autres (les <strong>en</strong>seignants, les pairs, les membres de la<br />
famille...) et quelle(s) place(s) ai-je effectivem<strong>en</strong>t<br />
occupé vis-à-vis d'eux ? Troisièmem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin, quel<br />
rapport ai-je <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>u avec moi-même, quelle repré¬<br />
s<strong>en</strong>tation ai-je construit des places occupées, quelles<br />
relations ai-je noué avec "cefantôme d'autrui que cha¬<br />
cun porte <strong>en</strong> soi" comme l'écrit Wallon3 ?<br />
Je vous convie donc à revisiter avec moi ce "chemin de<br />
pratici<strong>en</strong>", qui démarre <strong>en</strong> juillet 1982, dans un c<strong>en</strong>tre<br />
d'aide par le travail de la région de Lille. . .<br />
AUTONOMIE, NIVEAU ZÉRO<br />
S'il devait me rester une seule image de ma première<br />
r<strong>en</strong>contre significative avec le monde du travail, ce<br />
serait celle des couronnes mortuaires <strong>en</strong> plastique qui<br />
décorai<strong>en</strong>t les murs de la salle qui allait durant quel¬<br />
ques années dev<strong>en</strong>ir ma salle. Ces couronnes étai<strong>en</strong>t<br />
le vestige d'une précéd<strong>en</strong>te tâche confiée au service<br />
d'handicapés profonds du CAT4 du Roitelet où je<br />
v<strong>en</strong>ais, <strong>en</strong> ce mois de juillet 1982, d'être embauché <strong>en</strong><br />
qualité de pré-stagiaire, fort d'une toute petite expé<br />
Cité par Chariot, op. cit.<br />
ri<strong>en</strong>ce avec ce milieu lors d'une colonie de vacances<br />
quelques mois auparavant. Je n'ai jamais su si l'<strong>en</strong>tre¬<br />
pr<strong>en</strong>eur de pompes funèbres avant fait faillite <strong>en</strong>tre<br />
temps, s'il était mort ou si les délais de réalisation<br />
avai<strong>en</strong>t été si longs qu'il avait r<strong>en</strong>oncé à voir le pro¬<br />
duit fini, toujours est-il que quelqu'un avait cru bon<br />
d'accrocher là cette preuve incontestable d'employabilité<br />
de la petite "équipe de travail" que l'on v<strong>en</strong>ait<br />
de me confier.<br />
Parmi ces travailleurs de l'extrême, je me souvi<strong>en</strong>s<br />
avant tout de Guy, qu'il fallait chaque matin asseoir<br />
sur une table, d'où il ne pouvait desc<strong>en</strong>dre seul, faute<br />
de quoi il se mettait invariablem<strong>en</strong>t à avancer, droit<br />
devant lui, à la manière d'un culbutos, jusqu'au pro¬<br />
chain obstacle. Il fallait bi<strong>en</strong> sûr p<strong>en</strong>ser à l'<strong>en</strong> des¬<br />
c<strong>en</strong>dre toutes les deux heures <strong>en</strong>viron pour le<br />
conduire soulager ses besoins naturels, faute de quoi<br />
il fallait éponger sitôt passé ce laps de temps. Je me<br />
souvi<strong>en</strong>s aussi de Franck, qui égr<strong>en</strong>ait à longueur de<br />
journée la même scie publicitaire, chopée à la radio<br />
un jour inédit où la porte de sa consci<strong>en</strong>ce avait dû<br />
s'ouvrir, peut-être par mégarde. Plus fortem<strong>en</strong>t que<br />
par n'importe quel matraquage organisé, c'est de<br />
9 heures à 17 heures sans interruption qu'il vous inci¬<br />
tait à vous r<strong>en</strong>dre "dans ce pays où la vie est moins<br />
chère". Les fils de pub les plus raffinés n'aurai<strong>en</strong>t<br />
trouvé meilleur support...<br />
Je me souvi<strong>en</strong>s aussi d'Éric, fort comme un taureau et<br />
qui fonçait sur vous à la manière de cet animal à la<br />
moindre contrariété, et elles étai<strong>en</strong>t nombreuses. Je<br />
ne pourrais jamais oublier Nadine, qui me prit très<br />
vite d'affection mais qui prés<strong>en</strong>tait tout de même<br />
deux fâcheuses manies : la première de se prom<strong>en</strong>er<br />
nue sous son manteau de fourrure, été comme hiver,<br />
la deuxième de torturer les animaux de compagnie,<br />
oiseau ou poisson, qui v<strong>en</strong>ait à passer sous ses mains.<br />
Mais à part cela une intellig<strong>en</strong>ce remarquable et une<br />
finesse de raisonnem<strong>en</strong>t qui vous laissai<strong>en</strong>t sans voix.<br />
Un c<strong>en</strong>tre d'aide par le travail est une sorte d'<strong>en</strong>treprise, où des personnes handicapées reçoiv<strong>en</strong>t un salaire <strong>en</strong> échange d'un<br />
travail. On n'y soigne pas les handicapés, mais on t<strong>en</strong>te de leur permettre d'acquérir le mode de reconnaissance sociale le plus<br />
répandu, celui de l'activité salariée. Il est étonnant pour un néophyte de voir à quel point certains handicapés, dits "LÉGERS",<br />
peuv<strong>en</strong>t atteindre un degré de maîtrise d'une tâche, même complexe, mais qui ne s'acquiert que très difficilem<strong>en</strong>t, souv<strong>en</strong>t au prix<br />
d'un <strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t int<strong>en</strong>sif qui s'appar<strong>en</strong>te souv<strong>en</strong>t à du conditionnem<strong>en</strong>t. Il est un travailleur que j'ai pris pour un <strong>en</strong>cadrant<br />
plusieurs mois durant tant il m'avait bluffé par ses aptitudes professionnelles et le bagout avec lequel il parlait de son métier. Je<br />
dois aussi avouer que l'inverse s'est produit aussi.<br />
42 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
Pour attirer votre att<strong>en</strong>tion, son plaisir était de se<br />
décl<strong>en</strong>cher des crises d'épilepsie juste pour que vous<br />
vous occupiez d'elle.<br />
Le Roitelet était décomposé <strong>en</strong> quatre sous-<strong>en</strong>sem¬<br />
bles de production (la m<strong>en</strong>uiserie, l'imprimerie,<br />
l'électronique et l'échantillonnage), <strong>en</strong>cadrés par des<br />
moniteurs, tous professionnels dans un domaine<br />
technique. Mais au fin lond de l'atelier se trouvait le<br />
"groupe profonds", qui lorsque j'arrive regroupait les<br />
handicapés les plus lourds, ceux pour qui le travail<br />
n'a aucun s<strong>en</strong>s et qui sont les exclus de ce mode<br />
d'exclus, rejetés autant par les autres travailleurs,<br />
qualifiés de "moy<strong>en</strong>" ou "LÉGER" sur cette échelle de<br />
Richter d'un g<strong>en</strong>re particulier, et surtout par la majo¬<br />
rité des autres <strong>en</strong>cadrants.<br />
De mes collègues de travail, je ne pus presque ri<strong>en</strong><br />
dire durant quelques semaines. Je suis arrivé <strong>en</strong> juil¬<br />
let, période de vacances pour beaucoup. D'autres<br />
étai<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>ts pour maladie ; j'ai mesuré à la r<strong>en</strong>trée<br />
de septembre l'état d'usure d'une équipe éducative<br />
essoufflée et <strong>en</strong> déliquesc<strong>en</strong>ce. Largué presque seul<br />
avec mes travailleurs, j'ai dû improviser des activités<br />
pour passer le temps, imaginant des répétitions de<br />
gestes simples (<strong>en</strong>filer des perles par exemple) pour<br />
t<strong>en</strong>ter de préfigurer un geste professionnel de base.<br />
J'ai souhaité aussi r<strong>en</strong>dre le cadre plus agréable <strong>en</strong><br />
peignant avec eux des fresques sur les murs, ce dont<br />
je p<strong>en</strong>se qu'ils se moquai<strong>en</strong>t éperdum<strong>en</strong>t ; cela n'a<br />
d'ailleurs pas été du goût de tout le monde : dans cet<br />
univers où le travail et l'<strong>en</strong>treprise sont mis <strong>en</strong><br />
exergue, tout ce qui touche au ludique et à l'artistique<br />
est proscrit. Le travail donne ici l'illusion de la nor¬<br />
malité pour oublier le handicap, les crises d'épilepsie,<br />
les accès de folie, la dém<strong>en</strong>ce. C'est un monde où l'on<br />
peut très vite tomber soi-même dans la névrose. Du<br />
point de vue de l'autonomie, hormis le fait que ces<br />
personnes peuv<strong>en</strong>t se déplacer seules (sauf Guy et<br />
quelques autres), manger et boire, on a presque<br />
atteint le niveau zéro.<br />
Mais aussi curieux que cela puisse paraître, j'étais<br />
heureux d'être là, et pas seulem<strong>en</strong>t parce que j'avais<br />
décroché un travail après quelques années d'errance<br />
universitaire et que je réalisais ma propre autonomie<br />
financière, mais parce que j'avais choisi d'être avec<br />
ces personnes. Pourquoi ? Je ne saurais le dire préci¬<br />
sém<strong>en</strong>t. Peut-être parce que la folie me fascinait ou<br />
que j'étais attiré par l'anormalité, pour des raisons<br />
philanthropiques et humanistes. Peut-être aussi<br />
parce que j'<strong>en</strong> avais assez du monde normal que l'on<br />
m'a prés<strong>en</strong>té lorsque j'étais <strong>en</strong>fant. La vie n'était pas<br />
ce que l'on m'a fait croire et je me délectais de<br />
m'<strong>en</strong>foncer au plus profond de l'humanité.<br />
OÙ L'ON COMMENCE A PARLER<br />
FORMATION<br />
Embauché comme pré-stagiaire, avec le projet de<br />
passer le concours d'éducateur, je suis resté huit ans<br />
au CAT. Le baccalauréat était d<strong>en</strong>rée suffisamm<strong>en</strong>t<br />
rare dans ce milieu pour me permettre une titularisa¬<br />
tion, dans un premier temps comme moniteur, puis<br />
comme animateur de formation. Que serais-je<br />
dev<strong>en</strong>u s'il n'y avait pas eu cette opportunité ?<br />
Serais-je néanmoins dev<strong>en</strong>u formateur (plus tard) ou<br />
éducateur ? Les bifurcations de carrière sembl<strong>en</strong>t<br />
parfois le prix du hasard et pourtant...<br />
Ma période avec les "profonds" dura deux années,<br />
durant lesquelles je ne me lassais pas de t<strong>en</strong>ter des<br />
expéri<strong>en</strong>ces diverses et variées de prise d'autonomie,<br />
que je définissais alors comme "la capacité à exprimer<br />
des choix personnels". Je les emm<strong>en</strong>ais au restaurant<br />
une fois par mois, et il fallait choisir son repas ; j'ani¬<br />
mais des ateliers de peinture, d'expression corpo¬<br />
relle, de musique ; je t<strong>en</strong>tais de leur faire découvrir les<br />
plaisirs de la douche, de la propreté, de la marche<br />
dans la nature. Mon ambition était de réinsérer les<br />
meilleurs d'<strong>en</strong>tre eux dans les ateliers de productions<br />
normaux et je n'eus qu'une ou deux réussites de ce<br />
point de vue, tant la stigmatisation et le rejet étai<strong>en</strong>t<br />
grands.<br />
C'est alors que je fus happé par le service formation<br />
du CAT. Légalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet, les c<strong>en</strong>tres d'aide par le<br />
travail se doiv<strong>en</strong>t d'offrir à toute personne deux types<br />
de souti<strong>en</strong> : l'un concerne la mise au travail, l'autre les<br />
activités extra-professionnelles (loisirs, ouverture<br />
vers l'extérieur, initiation à la vie quotidi<strong>en</strong>ne), qui<br />
doiv<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>ter au minimum quatre heures par<br />
semaine.<br />
Laissant à d'autres la charge de mes chers profonds<br />
(Nadine ne s'<strong>en</strong> remit jamais tout à fait), je rejoins le<br />
service formation du Roitelet, qui proposait ces deux<br />
catégories d'action pour l'<strong>en</strong>semble de la population<br />
du CAT, plus hétérogène <strong>en</strong> terme de QI et d'aptitude<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 43
au travail. J'appris sur le tas les modalités de décom¬<br />
position extrême des tâches professionnelles, pour<br />
aboutir à des "micro-tâches" à faible degré d'initia¬<br />
tive et à marge d'erreur limitée. Chaque opération<br />
complexe était décomposée <strong>en</strong> sept ou huit opéra¬<br />
tions élém<strong>en</strong>taires réalisées chacune par un travail¬<br />
leur (poser un point de colle par exemple). Taylor<br />
n'avait qu'à bi<strong>en</strong> se t<strong>en</strong>ir ! Il fallait parfois aussi sup¬<br />
pléer à l'abs<strong>en</strong>ce d'un geste technique par la pose<br />
d'un substitut matériel ou d'un "gabarit".<br />
Considéré comme intellectuel par la plupart de mes<br />
collègues, j'ai plus d'une fois souffert de mes inaptitu¬<br />
des manuelles, notamm<strong>en</strong>t dans des métiers comme<br />
la m<strong>en</strong>uiserie. Dans ce milieu manuel, je me s<strong>en</strong>tais<br />
parfois exclu ; je trouvais donc plus sage de me can¬<br />
tonner prudemm<strong>en</strong>t à l'atelier d'imprimerie, plus<br />
conforme à mes aptitudes, d'autant que l'arrivée de<br />
l'informatique v<strong>en</strong>ait bouleverser le monde tradi¬<br />
tionnel de l'imprimerie au plomb.<br />
Mais je m'investis aussi et surtout dans l'acquisition<br />
des connaissances scolaires, et notamm<strong>en</strong>t de la<br />
lecture/écriture et du calcul. Là <strong>en</strong>core, il fallait<br />
décomposer chaque appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> micro-objectif,<br />
rev<strong>en</strong>ant sans cesse sur les mêmes notions, les mêmes<br />
mots. Basé sur la méthode globale, le système<br />
informatique ELMO 0 vint à point nommé nous<br />
donner la latitude de créer des textes adaptés à notre<br />
public, textes issus de la vie courante (les m<strong>en</strong>us, les<br />
affiches, les notes de service, la fiche de paie) ou<br />
professionnelle. Tandis qu'ailleurs on appr<strong>en</strong>ait<br />
que "Fatima ne lave plus la salade"5 nous appr<strong>en</strong>ions<br />
quant à nous "qu'on ne doitjamais taper sur le bois avec<br />
un marteau".<br />
Je me r<strong>en</strong>dais bi<strong>en</strong> compte toutefois que je manquais<br />
moi-même de formation, et je cherchais ce qui aurait<br />
pu m'aider dans l'accomplissem<strong>en</strong>t de ces nouvelles<br />
tâches. La première formation sollicitée et acceptée<br />
fut un stage de quatre jours animé par M. Camusat,<br />
auteur de la "méthode Camusat". Avec le recul, je<br />
dirais que c'était l'ancêtre des outils de remédiation<br />
cognitive. Inspiré de l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t sportif, il s'agis¬<br />
sait d'un <strong>en</strong>semble d'une vingtaine d'exercices de<br />
dextérité manuelle et "intellectuelle" qu'il fallait faire<br />
et refaire chaque jour, afin d'améliorer sa perfor<br />
Titre d'un ouvrage du CUEEP sur la remédiation à l'illettrisme.<br />
mance. Le premier exercice, par exemple, consistait à<br />
t<strong>en</strong>ir un lacet de chaussures dans chaque main, et à<br />
réaliser <strong>en</strong> un temps limité le plus grand nombre de<br />
n uds possible sur chaque lacet. Les performances<br />
étai<strong>en</strong>t soigneusem<strong>en</strong>t mesurées et consignées, et au<br />
fur et à mesure de l'avancée du stage, vous constatiez,<br />
médusé, que votre-aptitude-à-réaliser-des-n<br />
augm<strong>en</strong>tait considérablem<strong>en</strong>t. Ainsi, même les per¬<br />
sonnes les plus éloignées de l'appr<strong>en</strong>tissage ou les<br />
plus dévalorisées à leurs propres yeux pouvai<strong>en</strong>t<br />
retrouver un semblant d'estime pour elles-mêmes,<br />
tout <strong>en</strong> augm<strong>en</strong>tant leurs aptitudes.<br />
Ce qui faisait défaut à la méthode était bi<strong>en</strong> sûr la<br />
question du transfert : à quoi pouvait bi<strong>en</strong> me servir<br />
cette nouvelle capacité, hormis à briller lors de soi¬<br />
rées <strong>en</strong>tre amis, si je ne pouvais la transférer à<br />
d'autres situations professionnelles ? Comme beau¬<br />
coup d'outils de remédiation qui suivront, ce point<br />
sera la pierre d'achoppem<strong>en</strong>t qui <strong>en</strong> limitera les<br />
effets, l'abs<strong>en</strong>ce de li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les exercices de struc¬<br />
turation et les situations réelles et concrètes. Ce que<br />
l'on évalue, c'est l'augm<strong>en</strong>tation de la capacité des<br />
appr<strong>en</strong>ants à réaliser des exercices similaires à ceux<br />
sur lesquels ils ont travaillé <strong>en</strong> séances et non l'aug¬<br />
m<strong>en</strong>tation de leurs compét<strong>en</strong>ces à traiter d'autres<br />
situations.<br />
Certains exercices toutefois attirèr<strong>en</strong>t mon att<strong>en</strong>tion,<br />
sur le fait d'utiliser à bon esci<strong>en</strong>t ses cinq s<strong>en</strong>s ; des<br />
jeux <strong>en</strong> aveugle, notamm<strong>en</strong>t où il fallait trier des<br />
fils électriques de taille différ<strong>en</strong>te, permettai<strong>en</strong>t<br />
de mettre l'acc<strong>en</strong>t sur le s<strong>en</strong>s du toucher, ce qui pou¬<br />
vait s'avérer utile notamm<strong>en</strong>t dans l'atelier<br />
d'échantillonnage.<br />
De retour au CAT après ces quatre jours, je conviais<br />
donc les travailleurs <strong>en</strong> formation à réitérer à l'<strong>en</strong>vi<br />
l'exercice des neuds, ce qui fut parfois complexe, vu<br />
que certains ne savai<strong>en</strong>t même pas lacer normale¬<br />
m<strong>en</strong>t leurs chaussures. Mais je fus surpris de voir<br />
qu'ils adhérai<strong>en</strong>t à la démarche et que l'esprit de<br />
compétition et de dépassem<strong>en</strong>t pouvait être un<br />
moteur. Je préfère par contre passer sous sil<strong>en</strong>ce les<br />
réactions de mes collègues moniteurs...<br />
Cette première formation avait toutefois aiguisé<br />
mon appétit et je profitais de l'opportunité qui se<br />
44 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
prés<strong>en</strong>ta peu après. Afin de qualifier leurs person¬<br />
nels, les CAT de la région avai<strong>en</strong>t fait appel au<br />
C<strong>en</strong>tre Pédagogique et Technique d'Appui (CPTA)<br />
de l'AFPA afin de leur donner un socle pédagogique<br />
de base, au cours d'une formation <strong>en</strong> alternance de<br />
quatre mois. Je me suis donc inscrit à cette forma¬<br />
tion où je découvris, <strong>en</strong>tre autres choses, le concept<br />
de l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal.<br />
ÉNUMÉRER, DÉCRIRE. COMPARER...<br />
Distinguer, classer, définir ; elles y sont toutes, ces six<br />
opérations m<strong>en</strong>tales, véritables check-lists du résolveur<br />
d'énigmes, de dépatouilleur de situations com¬<br />
plexes, de débrouilleur d'écheveaux sociaux. Six<br />
opérations que je découvris lors des premières séan¬<br />
ces de formation à l'AFPA où l'on nous donnait à<br />
résoudre des problèmes comme "la femme d'Hector",<br />
"les anges et les diables", "les illets" on "les mots à clas¬<br />
ser selon leur caractère de généralité."<br />
Nous nous définirons plus tard nous-même avec<br />
humour comme des formateurs "fra-méto", capables<br />
tout au plus d'empêcher la rouille de s'installer dans<br />
les cerveaux de nos appr<strong>en</strong>ants ; mais, pour l'instant,<br />
c'est nous qui avions besoin d'un bon décrassage.<br />
Certains d'<strong>en</strong>tre nous étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> CAT depuis plus de<br />
dix ans, souv<strong>en</strong>t employés à contre-emploi (tel cet<br />
électrici<strong>en</strong> qui se retrouve <strong>en</strong> mécanique), fatigués et<br />
usés par le contact avec ce public aux progrès aléatoi¬<br />
res. Avant de reconstruire de nouveaux concepts,<br />
d'imaginer de nouvelles dynamiques d'action, de se<br />
remettre <strong>en</strong> situation de projet, il était indisp<strong>en</strong>sable<br />
de nous (re)donner les outils intellectuels propres à<br />
décoder la réalité.<br />
La méthode de l'Entraînem<strong>en</strong>t M<strong>en</strong>tal était à même de<br />
remplir cet office. Apparue lors de la Seconde Guerre<br />
mondiale, dans l'école des cadres d'Uriage et dans les<br />
maquis, lorsqu'il s'agissait de former des combattants<br />
de la Résistance, mais aussi les citoy<strong>en</strong>s de<br />
l'après-guerre, aptes à reconstruire la société sur de<br />
nouvelles bases, son objectif est, selon son créateur<br />
Joffre Dumazedier, de simplifier le travail intellec¬<br />
tuel et de "réduire l'inégalité <strong>en</strong>tre le mode de p<strong>en</strong>sée<br />
des travailleurs manuels et celui des travailleurs<br />
intellectuels'*.<br />
Comme pour la méthode Camusat, un parallèle est fait<br />
ici aussi avec la pratique sportive, l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t régu¬<br />
lier devant permettre la croissance et l'augm<strong>en</strong>tation<br />
des compét<strong>en</strong>ces. Mais plus que la performance <strong>en</strong><br />
elle-même, on privilégie ici l'alternance <strong>en</strong>tre le jeu et<br />
l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t systématique, les exercices globaux et<br />
analytiques, l'imitation et la création. Les six opéra¬<br />
tions de base citées sont les points de passages obligés<br />
pour traiter les informations du problème ; elles<br />
accompagn<strong>en</strong>t un processus de p<strong>en</strong>sée <strong>en</strong> quatre éta¬<br />
pes, inspiré de la démarche sci<strong>en</strong>tifique, qui doit<br />
conduire des faits aux actions <strong>en</strong> passant par les idées.<br />
Plus tard7, lorsque l'on t<strong>en</strong>tera de repérer les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts courants de "l'autoformation", Joffre Dumaze¬<br />
dier devi<strong>en</strong>dra tout naturellem<strong>en</strong>t la figure<br />
emblématique du courant "socio-pédagogique",<br />
dans lequel l'autoformation est considérée comme<br />
"la gestion autonome des objectifs, des méthodes et des<br />
moy<strong>en</strong>s, dans l'acquisition de savoirs définis."<br />
Durant le premier mois, chaque journée de travail<br />
débutait par une heure d'exercice systématique.<br />
Comme nos formateurs avai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> perçu que<br />
l'<strong>en</strong>jeu d'une telle démarche était de dépasser les<br />
exercices systématiques pour l'utiliser au quotidi<strong>en</strong>,<br />
ils nous aidai<strong>en</strong>t à <strong>en</strong> faire une grille de lecture et de<br />
compréh<strong>en</strong>sion des autres temps de la journée, plus<br />
directem<strong>en</strong>t ori<strong>en</strong>tés vers la pédagogie générale,<br />
l'étude des postes de travail et l'étude du handicap.<br />
Je plongeais avec délectation dans ce cheminem<strong>en</strong>t<br />
intellectuel d'un g<strong>en</strong>re nouveau. J'ose dire que c'est<br />
avec ces formateurs-là que je compris, pour la pre¬<br />
mière fois, ce qu'était une démarche sci<strong>en</strong>tifique<br />
construite, bi<strong>en</strong> mieux qu'avec les <strong>en</strong>seignants r<strong>en</strong>¬<br />
contrés lors de mon premier cycle universitaire,<br />
pourtant "sci<strong>en</strong>tifique". Mais ceux-ci l'avai<strong>en</strong>t-ils<br />
seulem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>tée ? Je retrouvais le goût des énigmes<br />
intellectuelles, des résolutions collectives de pro¬<br />
blème ; je découvrais de nouveaux outils d'organisa-<br />
]. Dumazedier, La méthode d'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal, Lyon, Voies Livres, 1994 et M. Giry, Appr<strong>en</strong>dre a raisonner, appr<strong>en</strong>dre a<br />
p<strong>en</strong>ser, Paris, Hachette éducation, 1994.<br />
Voir <strong>en</strong> particulier P. Calvani, Autoformation et fondions de formateurs : le cas des APP, Lyon, Chroniques sociales, 1991, qui<br />
propose une typologie de l'autoformation <strong>en</strong> trois courants : "bio-épistémologique", "socio-pédagogique" et "technico-pédagogique".<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
45
tion pour redistribuer les données d'un problème : le<br />
tableau à double <strong>en</strong>trée, l'arboresc<strong>en</strong>ce, l'algorithme.<br />
Je mettais des noms derrière des processus intellec¬<br />
tuels : le raisonnem<strong>en</strong>t inductif, déductif, hypo-<br />
thético-déductif, et appr<strong>en</strong>ait à les manier avec<br />
dextérité. J'y réappris aussi à m'exprimer <strong>en</strong> public, à<br />
déf<strong>en</strong>dre mes idées et convictions <strong>en</strong> les argum<strong>en</strong>¬<br />
tant8. Plus tard, lorsque je comm<strong>en</strong>cerai à réfléchir au<br />
concept d'aide méthodologique et d'aide au travail<br />
personnel, les outils de l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal feront<br />
toujours partie de mon outillage de base.<br />
Lors des séances sur la pédagogie, je découvris<br />
Mager et la pédagogie par objectifs. Accessoirem<strong>en</strong>t,<br />
j'y appris à faire un n de cravate, à l'occasion<br />
d'un exercice époustouflant où notre formateur<br />
décomposa devant nous toutes les étapes nécessaires<br />
à la réalisation d'un nud de cravate, pour les tra¬<br />
duire <strong>en</strong>suite <strong>en</strong> séqu<strong>en</strong>ces d'appr<strong>en</strong>tissage. Je<br />
découvris les ficelles d'un métier de bateleur, à<br />
mi-chemin <strong>en</strong>tre la mise <strong>en</strong> scène stricte et l'improvi¬<br />
sation. Je visitai les coulisses de ce métier de forma¬<br />
teur : les préparations des cours, la construction des<br />
progressions, les techniques d'animation, les modes<br />
d'évaluation des résultats. Je pris plaisir à voir qu'il<br />
existait d'autres manières d'appr<strong>en</strong>dre que la trans¬<br />
mission des connaissances.<br />
Délaissant le billard, qui était la distraction favorite<br />
de mes collègues, je passais mes temps libres au<br />
c<strong>en</strong>tre de docum<strong>en</strong>tation, m'attirant une fois de plus<br />
la réputation d'intello. Ouvert <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce, ce<br />
c<strong>en</strong>tre de docum<strong>en</strong>tation était animé par une per¬<br />
sonne très compét<strong>en</strong>te qui savait ori<strong>en</strong>ter mes lectu¬<br />
res <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte de l'avancée du travail du<br />
groupe. Je repris goût à lire, moi qui ne lisais plus<br />
beaucoup, tant j'avais soifd'appr<strong>en</strong>dre. Je passais des<br />
heures à t<strong>en</strong>ter de compr<strong>en</strong>dre le béhaviorisme, la<br />
Gelstat, et Piaget, déjà. Je m'émerveillais des ouvra¬<br />
ges si pragmatiques de la collection "Éditions d'orga¬<br />
nisation", reliés par des réglettes plastiques et<br />
imprimés dans les deux s<strong>en</strong>s : d'un côté la théorie, de<br />
l'autre les exercices pratiques, à alterner au fur et à<br />
mesure de la lecture.<br />
Enfin, c'est à l'occasion de cette formation que je pro¬<br />
duisis mon premier écrit. M'étant procuré une<br />
machine à écrire d'occasion, je m'autoformais le soir<br />
à la dactylographie, avec deux doigts. Déjà, à cette<br />
époque, j'étais fasciné par la forme de l'écrit autant<br />
que par le fond et la magie du texte imprimé. J'abou¬<br />
tis à un rapport de vingt-six pages (interligne<br />
double), conçues dans un mélange de douleur et de<br />
plaisir : "Formateur, <strong>en</strong>cadrant, un même projet pour<br />
l'handicapé". Cette première production "intellec¬<br />
tuelle", à des lieues des dissertations scolaires vides de<br />
s<strong>en</strong>s et des quelques poèmes commis à l'adolesc<strong>en</strong>ce<br />
m'a réconcilié pour toujours avec l'acte d'écrire et m'a<br />
fait découvrir une source de plaisir inégalée.<br />
Au-delà des nombreux acquis, théoriques et pratiques<br />
qui ont étayé mes premiers pas de formateur d'adul¬<br />
tes, cette formation a été le décl<strong>en</strong>cheur d'un "mouve¬<br />
m<strong>en</strong>t épistémique" qui ne s'est plus arrêté jusqu'à<br />
prés<strong>en</strong>t. Ce long passage dans un lieu d'appr<strong>en</strong>tissage<br />
m'a donné le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de r<strong>en</strong>ouer ainsi avec un<br />
amour perdu, après une longue, longue dispute et m'a<br />
donné à voir sous un jour nouveau mes capacités à<br />
appr<strong>en</strong>dre, à me former et à me qualifier. Il m'a <strong>en</strong><br />
quelque sorte réconcilié avec moi-même. Mon expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t "traditionnel" avait <strong>en</strong> effet<br />
été jusqu'à prés<strong>en</strong>t marquée par une relation doulou¬<br />
reuse et ambiguë dont il me faut bi<strong>en</strong> parler à prés<strong>en</strong>t.<br />
PARCE QUE PAPA NE L'ÉTAIT PAS<br />
Je suis le frère du plus jeune agrégé de France. Du<br />
moins je l'ai cru longtemps, jusqu'à ce qu'un jour, lors<br />
d'un cours d'histoire <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>ce des sci<strong>en</strong>ces de l'édu¬<br />
cation, j'appris avec un réel plaisir que "le plus jeune<br />
ceci ou cela" était un mythe bi<strong>en</strong> français, issu de<br />
l'obsession d'être à l'heure (ou <strong>en</strong> avance) qui marque<br />
notre système éducatif. Chaque élève doit faire les<br />
8 Ce n'est que plus tard que je ferai le parallèle avec le "Voir-Juger-Agir" des séances de révision de vie de la JOC (Jeunesse Ouvrière<br />
Chréti<strong>en</strong>ne) dont j'avais été un membre très actif, et où là aussi il fallait compr<strong>en</strong>dre le monde pour être <strong>en</strong> mesure d'agir pour le<br />
changer, le tout à la lumière de la parole du Christ. Le parallèle ti<strong>en</strong>t dans ce que l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans l'action nécessite de<br />
compr<strong>en</strong>dre tous les élém<strong>en</strong>ts du problème, y compris la diversité des opinions <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce, et qu'il est nécessaire de réfléchir<br />
avant d'agir, plus que l'idéologie chréti<strong>en</strong>ne.<br />
9 Robert F. Mager, Comm<strong>en</strong>t définir les objectifs pédagogiques, 2e éd. revue et augm. Paris, Dunod, 1994.<br />
46 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
mêmes exercices, réaliser les mêmes appr<strong>en</strong>tissages <strong>en</strong><br />
même temps que tous les autres, faute de quoi il est<br />
rapidem<strong>en</strong>t exclu. On sait par exemple qu'un élève qui<br />
redouble son CP n'a que très peu de chances d'arriver<br />
un jour <strong>en</strong> terminale. Ce système nie la notion de<br />
rythme individuel et impose à chacun une vitesse<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage qui est absurde pour la majorité<br />
d'<strong>en</strong>tre eux. Il ne ti<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t aucun compte de<br />
la motivation d'appr<strong>en</strong>dre, dont on sait pourtant<br />
qu'elle est la clé de tout appr<strong>en</strong>tissage réussi.<br />
Toujours est-il que j'ai vécu avec cette idée d'être "le<br />
frère de..." parce que je l'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire un nombre<br />
incalculable de fois par mes par<strong>en</strong>ts, très fiers de cette<br />
réussite et bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du beaucoup moins fiers de la<br />
mi<strong>en</strong>ne, qui de toute évid<strong>en</strong>ce ne serait jamais le plus<br />
jeune quoi-que-ce-soit de France. C'est très dur d'être<br />
le cadet d'un génie des mathématiques (ou de toute<br />
autre chose d'ailleurs) quand soi-même on a bi<strong>en</strong> du<br />
mal à savoir dans quoi on excelle. J'ai donc "fait des<br />
maths" parce que mon frère <strong>en</strong> avait fait, et je fus un<br />
élève moy<strong>en</strong> car c'est la place que l'on m'avait allouée<br />
dans la famille. Je me traînais ainsi jusqu'au bac, sans<br />
qu'à aucun mom<strong>en</strong>t quelque <strong>en</strong>seignant que ce soit ne<br />
remette <strong>en</strong> cause ce choix que je n'avais fait que par<br />
conformisme à un modèle familial. Jamais mon désir<br />
et mon <strong>en</strong>vie intimes n'ont été sollicités par l'institu¬<br />
tion scolaire, ce dont je lui garde le griel. Jamais non<br />
plus, il faut dire, mon milieu familial n'a porté grand<br />
intérêt à ce que je pouvais vivre <strong>en</strong> dehors de l'école.<br />
Hors des résultats scolaires (et dans les temps, s'il vous<br />
plaît !), point de salut. Le modèle et les valeurs scolai¬<br />
res avai<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t imprégné l'ambiance familiale,<br />
au point que les souv<strong>en</strong>irs les plus saillants de mon<br />
<strong>en</strong>fance ne sont pas ceux des jours heureux mais les<br />
relations difficiles avec mon père du point de vue des<br />
études. Cette situation perdure d'ailleurs <strong>en</strong>core<br />
aujourd'hui, même après l'obt<strong>en</strong>tion d'un DEA, mais<br />
il est vrai <strong>en</strong> tant qu'adulte et donc trop tard au regard<br />
de la tyrannie de l'horloge scolaire. Je ne guérirai<br />
peut-être jamais de ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'avoir déçu les<br />
espoirs et les ambitions d'un père qui s'est peu préoc¬<br />
cupé de mes propres désirs et aspirations. J'ai été<br />
l'objet du désir d'un autre et ai passé un temps et une<br />
énergie considérables à redev<strong>en</strong>ir sujet de mes pro¬<br />
pres désirs et de ma propre vie.<br />
C'est dans cette difficile histoire et dans le travail sur<br />
moi-même que j'<strong>en</strong>trepris au cours de ma reprise<br />
d'études, (dont l'AFPA ne fut que la première étape)<br />
que s'est r<strong>en</strong>forcé mon intérêt pour l'autoformation,<br />
que ce soit cette fois-ci aussi bi<strong>en</strong> dans le s<strong>en</strong>s "bioépistémologique"<br />
que dans le s<strong>en</strong>s de "l'autoformation<br />
éducative"" '. La première acception du terme auto¬<br />
formation (se former, se créer, se donner une forme)<br />
pr<strong>en</strong>d s<strong>en</strong>s pour moi dans la mesure où elle permet<br />
l'émancipation du sujet par la prise de consci<strong>en</strong>ce et<br />
la rétroaction sur les élém<strong>en</strong>ts hétéroformatifs qui<br />
l'ont conduit à être ce qu'il est aujourd'hui.<br />
"l'individu est le produit d'une histoire dont d cherche à<br />
dev<strong>en</strong>ir sujet" ,<br />
nous dit Vinc<strong>en</strong>t de Gaulejac. Cette définition<br />
impose à l'homme de sortir de son ethnoc<strong>en</strong>trisme et<br />
de se considérer comme un des élém<strong>en</strong>ts d'un pro¬<br />
cessus comm<strong>en</strong>cé avant lui et qui continuera après<br />
lui. Cela l'oblige à faire un travail sur lui-même, à être<br />
capable d'historicité, c'est-à-dire de mettre <strong>en</strong> jeu sa<br />
capacité à analyser et maîtriser les élém<strong>en</strong>ts qui le<br />
constitu<strong>en</strong>t comme sujet historique, de compr<strong>en</strong>dre<br />
<strong>en</strong> quoi son histoire personnelle n'est pas une <strong>en</strong>tité<br />
<strong>en</strong> soi mais s'inscrit dans une histoire familiale, qui<br />
elle-même s'inscrit dans une histoire sociale. Ayant<br />
ainsi reconnu la façon dont l'histoire agit sur lui, il<br />
sera plus à même de mettre <strong>en</strong> place des stratégies<br />
sociales pertin<strong>en</strong>tes afin de s'adapter au changem<strong>en</strong>t<br />
de société.<br />
Quant à la dernière acception (augm<strong>en</strong>tation du degré<br />
de maîtrise par l'appr<strong>en</strong>ant des ressources pédagogiques<br />
mises à sa disposition), il s'agit de redonner au sujet<br />
épistémique la place c<strong>en</strong>trale dans le processus édu¬<br />
catif, celle de l'acteur principal de la construction<br />
des savoirs. On découvre (ou redécouvre) <strong>en</strong>fin que<br />
les savoirs se construis<strong>en</strong>t (et ne se transmett<strong>en</strong>t<br />
pas) et qu'appr<strong>en</strong>dre est un processus de transfor¬<br />
mation de ses représ<strong>en</strong>tations antérieures des objets<br />
de savoir. Mais il ne s'agit <strong>en</strong> aucun cas d'appr<strong>en</strong>dre<br />
seul, mais d'appr<strong>en</strong>dre avec les autres (co-formation),<br />
à l'aide des ressources du milieu social et culturel<br />
10 Nous nous référons ici <strong>en</strong>core à la typologie de l'autoformation proposée par P. Galvam, op. i it.<br />
11 V. de Gaulejac, La névrose de classe, Paris, H et G éditeurs, 1987.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
47
(éco-formation) et surtout à l'aide de "médiations<br />
éducatives" plus ou moins organisées. Enfin, le fait<br />
qu'il s'agisse ici de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte "l'homme<br />
dans sa globalité de citoy<strong>en</strong>, de travailleur, de consom¬<br />
mateur, d'acteur impliqué dans une société"12 <strong>en</strong>richit<br />
les possibilités de l'acte éducatif <strong>en</strong> sortant du cadre<br />
limité de la classe et <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte tous les<br />
aspects de la vie sociale. Cela rejoint tout à fait ce<br />
que disait quelques années auparavant Joffre Duma¬<br />
zedier à propos de l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal :<br />
"l'homme cultivé doit savoir analyser les différ<strong>en</strong>ts<br />
milieux où il vit (professionnel, familial, social) pour<br />
mieux se situer"13.<br />
On aura compris ici tout l'intérêt que je porte à cette<br />
notion d'autoformation, dont, de mon point de vue,<br />
les trois aspects s'<strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t plutôt que de s'exclure,<br />
comme le montre <strong>en</strong>core une fois le parallélisme des<br />
deux citations précéd<strong>en</strong>tes. Mais ceci est déjà anti¬<br />
cipé sur les étapes à v<strong>en</strong>ir de mon propre parcours,<br />
sur lequel je revi<strong>en</strong>s maint<strong>en</strong>ant. A l'issue de cette<br />
formation à l'AFPA, la première conclusion fut que je<br />
pouvais appr<strong>en</strong>dre, que j'aimais cela, et que je pou¬<br />
vais briser la chaîne de l'échec ; la deuxième fut la<br />
prise de consci<strong>en</strong>ce que je pouvais m'adresser à un<br />
autre type de public que celui du handicap, et que<br />
mes connaissances <strong>en</strong> mathématiques, liées à une<br />
aptitude pédagogique certaine, révélée au cours du<br />
stage, pouvai<strong>en</strong>t faire de moi un formateur de mathé¬<br />
matiques fort conv<strong>en</strong>able.<br />
J'ai donc <strong>en</strong>trepris une double démarche parallèle :<br />
d'une part de postuler au CUEEP14 pour un poste de<br />
formateur vacataire, et d'autre part de retourner à<br />
l'Université pour le DUFA "Diplôme Universitaire<br />
de Formateur d'Adultes". On compr<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong> sûr<br />
qu'il y avait dans cette double démarche l'esprit de<br />
revanche et aussi celui de me réhabiliter aux yeux de<br />
mon père et aux mi<strong>en</strong>s. Le sujet et le titre de mon<br />
mémoire de fin de cycle "Comptes à r<strong>en</strong>dre - l'analyse<br />
des blocages socio-affectifs dans l'appr<strong>en</strong>tissage des<br />
mathématiques" <strong>en</strong> dit long sur ce point.<br />
RAPPORT AUX MATHS,<br />
RAPPORTS À L'ÉCRIT<br />
La période professionnelle qui suivra (1987-1990)<br />
sera une période charnière durant laquelle je peaufi¬<br />
nerai ma qualification de formateurs d'adultes, dans<br />
une alternance auto-déterminée <strong>en</strong>tre la réalisation<br />
d'une nouvelle activité professionnelle (l'animation<br />
de groupe de maths <strong>en</strong> soirée) et une reprise d'études<br />
universitaires (le DUFA), tout <strong>en</strong> poursuivant mon<br />
emploi principal au CAT.<br />
Je fis mes premiers pas de formateur <strong>en</strong> mathémati¬<br />
ques <strong>en</strong> observant la totalité d'un cycle de soixante<br />
heures animé par Jean-Michel Dechaume. Ensei¬<br />
gnant de collège et vacataire au CUEEP, Jean-Michel<br />
m'apprit comm<strong>en</strong>t alterner, au sein d'une séance, les<br />
travaux individuels et les travaux collectifs. Je décou¬<br />
vrais comm<strong>en</strong>t passer avec chacun le temps néces¬<br />
saire, tout <strong>en</strong> permettant une progression commune<br />
au groupe ; plus tard, cela me convaincra de l'idée<br />
que l'individualisation ne passe pas forcém<strong>en</strong>t par<br />
une architecture de formation complètem<strong>en</strong>t<br />
modifiée, mais que l'on peut aussi individualiser dans<br />
le style d'animation, dans le cadre pourtant contrai¬<br />
gnant d'une séqu<strong>en</strong>ce collective.<br />
L'une des premières difficultés que je r<strong>en</strong>contrais<br />
était de me mettre à la portée des stagiaires et de res¬<br />
pecter leur niveau de connaissance. En effet, habitué<br />
(ou conditionné ?) à résoudre les problèmes <strong>en</strong> utili¬<br />
sant l'algèbre, je peinais à imaginer des résolutions<br />
basées sur d'autres stratégies ; il fallait donc bi<strong>en</strong> lais¬<br />
ser les appr<strong>en</strong>ants se débrouiller, et c'est d'eux que<br />
j'appris de nouvelles stratégies de résolution, plus<br />
intuitives ou pragmatiques, mais tout aussi efficaces.<br />
12 D. Poisson, "Ingénierie et autoformation éducative", in Carré, P., Moisan, A., Poisson, D., L'autoformation, psychologie,<br />
ingénierie, sociologie, Paris, PUF, 1997, p. 103-169.<br />
13 J. Dumazedier, op. cit.<br />
14 Le CUEEP (C<strong>en</strong>tre Université-Économie d'Éducation Perman<strong>en</strong>te) est un institut de l'université de Lille 1, qui intervi<strong>en</strong>t<br />
simultaném<strong>en</strong>t sur trois niveaux : la formation pour adultes (de l'illettrisme à bac+5), la formation de formateurs et la recherche<br />
<strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation.<br />
48 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
Comm<strong>en</strong>t résoudre par exemple sans algèbre<br />
le problème suivant :<br />
"soit un rectangle ayant un périmètre égal a 42 mètres ;<br />
sachant que la longueur dépasse la largeur de 9 mètres,<br />
calculez les deux dim<strong>en</strong>sions de ce rectangle".<br />
Sans algèbre, voici la stratégie de Didier,<br />
appr<strong>en</strong>ant de mon groupe de maths 2 :<br />
"il suffit de retirer 9 mètres a chaque longueur, et on<br />
obti<strong>en</strong>t un carré de périmètre égal à 42 - 18, c'est-à-dire<br />
24 mètres. En divisant 24 par 4, on trouve la largueur,<br />
c'est-a-dire 6 mètres, et <strong>en</strong> rajoutant 9 mètres on obti<strong>en</strong>t<br />
la longueur, c'est-à-dire 15 mètres."<br />
Tout aussi efficace qu'un système de deux équations<br />
à deux inconnues, qui aurait eu ici la même efficacité<br />
qu'un bulldozer pour écraser une mouche ! Cela<br />
conforte l'idée, développée dans la méthode de<br />
l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal, de l'exist<strong>en</strong>ce d'une intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ce intuitive, issue de la pratique, qui peut conduire<br />
à de nouveaux rapports à la connaissance.<br />
Il est probable que mes premières séances de forma¬<br />
tion réalisées seul fur<strong>en</strong>t très transmissives, bi<strong>en</strong> que<br />
je m'<strong>en</strong> déf<strong>en</strong>de. C'est tellem<strong>en</strong>t rassurant de prépa¬<br />
rer un cours et de ne pas s'<strong>en</strong> laisser distraire ! Je pré¬<br />
parais d'ailleurs dix fois plus qu'il n'était nécessaire,<br />
de peur d'être pris de court. Mais assez rapidem<strong>en</strong>t,<br />
la parole fut partagée et l'ambiance de travail devint<br />
plus participative ; la pédagogie proposée par le<br />
départem<strong>en</strong>t maths du CUEEP, basée sur la réalisa¬<br />
tion de fiches d'activités, ne se prêtait guère à un<br />
mode transmissif, mais suggérait plutôt un travail<br />
individuel ou <strong>en</strong> petits groupes1 \ Je pris rapidem<strong>en</strong>t<br />
consci<strong>en</strong>ce de l'hétérogénéité d'un groupe d'adultes<br />
<strong>en</strong> formation, tant dans les objectifs que dans les pro¬<br />
fils d'appr<strong>en</strong>tissage, et de la nécessité de considérer<br />
chaque cas individuellem<strong>en</strong>t, tout <strong>en</strong> gardant le<br />
groupe comme élém<strong>en</strong>t de socialisation du savoir.<br />
Très vite, je pris le risque de me mettre <strong>en</strong> danger, <strong>en</strong><br />
situation de ne pas savoir répondre immédiatem<strong>en</strong>t aux<br />
questions. Ce fut pour moi une avancée fondam<strong>en</strong>tale.<br />
"un bon professeur apportera ses brouillons <strong>en</strong> classe<br />
pour partager avec ses élèves le processus d'essais<br />
infructueux qui l'a conduit à la solution",<br />
nous dit Stéphane Tobias16. Je mis <strong>en</strong> application ce<br />
précepte, <strong>en</strong> lançant aux stagiaires des défis, et <strong>en</strong><br />
recherchant avec eux toutes les façons possibles<br />
d'arriver à un résultat correct, <strong>en</strong> refusant d'être<br />
"celui qui sait" face à "ceux qui ne sav<strong>en</strong>t pas". En<br />
quelque sorte, je tuais, avec délectation, le mythe de<br />
l'<strong>en</strong>seignant tout-puissant qui m'avait fait souffrir au<br />
cours de ma propre scolarité. En donnant la parole<br />
aux appr<strong>en</strong>ants, <strong>en</strong> leur donnant toute la liberté pour<br />
appr<strong>en</strong>dre, <strong>en</strong> leur faisant part de mes doutes et de<br />
ma propre expéri<strong>en</strong>ce, c'est de mes <strong>en</strong>seignants pas¬<br />
sés dont je me libérais. Peut-être ne suis-je dev<strong>en</strong>u<br />
formateur que pour tuer le maître...<br />
Mais l'algèbre étant, <strong>en</strong>core et toujours, la méthode<br />
reine <strong>en</strong> mathématiques, il fallait bi<strong>en</strong> aider les appre¬<br />
nants à passer de la méthode empirique à la méthode<br />
algébrique et je m'attachais à repérer les blocages<br />
"sociologiques et psychologiques" qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t insur¬<br />
montable pour beaucoup ce passage.<br />
Je fus évidemm<strong>en</strong>t aidé <strong>en</strong> cela par les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />
des Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation, qui m'apportèr<strong>en</strong>t diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes grilles de lectures de la réalité. Dans mon<br />
mémoire de DUFA, je t<strong>en</strong>tais tout d'abord de<br />
démonter les mécanismes sociaux ayant conduit les<br />
mathématiques à t<strong>en</strong>ir le rôle d'outil de sélection<br />
sociale. Puis, je montrais l'inégalité des chances face<br />
aux mathématiques <strong>en</strong> fonction de la position sociale<br />
occupée dans la société. Je fis (déjà) un petit tour du<br />
côté des histoires de vie <strong>en</strong> repérant les influ<strong>en</strong>ces de<br />
l'histoire familiale sur les résultats <strong>en</strong> mathémati¬<br />
ques. En passant, je savourais la lecture des travaux<br />
de Lysiane Weyl-Kailey, de Jacques Minier17, qui étu¬<br />
di<strong>en</strong>t l'importance des phénomènes affectifs dans<br />
l'appr<strong>en</strong>tissage des maths et surtout de Stella Baruk,<br />
qui montre à l'<strong>en</strong>vi la prédestination inéluctable (sauf<br />
à <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce, ce qui peut être du rôle de<br />
l'<strong>en</strong>seignant) de bon nombre de "nuls <strong>en</strong> maths"<br />
désignés d'office, de<br />
1 5 L'autre idée géniale de ce départem<strong>en</strong>t étant par ailleurs de proposer des formations de formateurs basées sur le même modèle<br />
pédagogique qu'il souhaitait préconiser, selon ce que Bertrand Schwartz appelait la " double piste " - voir égalem<strong>en</strong>t intra note 23.<br />
16 S. Tobias, Le mythe des mathématiques, Paris, Études vivantes, 1980.<br />
17 L. Weyl-Kailey, Victoire sur les maths, Pans, Laffond, 1963 et J.<br />
Méridi<strong>en</strong>s Klincksiek, 1988.<br />
Nimier, Les modes de relations aux mathématiques, Pans,<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 49
"tous ceux, qui, arbre généalogique à l'appui, sur<strong>en</strong>ché¬<br />
riss<strong>en</strong>t "vous inquiétez pas, c'est de famille". Il suffit<br />
pour cela de dénicher un cousin, un oncle, une tante, qui<br />
n'ontjamais ri<strong>en</strong> pigé. Quand c'est papa ou maman, ce<br />
n'est même pas la peine d'insister, puisque c'est<br />
héréditaire"1*.<br />
Ce premier travail de recherche lourd, alternant pra¬<br />
tique et retour réflexif et théorique sur cette pratique,<br />
trouvera son aboutissem<strong>en</strong>t dans la production d'un<br />
rapport d'une soixantaine de pages, dont la rédaction<br />
me coûta bon nombre d'heures prises sur le sommeil,<br />
généralem<strong>en</strong>t de deux heures à cinq heures du matin.<br />
Gaston Pineau parle à ce propos du régime nocturne<br />
de l'autoformation <strong>en</strong> opposition au régime diurne de<br />
l'hétéroformation, et propose de :<br />
"considérer le régime nocturne comme régime bio-cognitif<br />
autonome à part <strong>en</strong>tière (...) se confronter à ce régime<br />
nocturne est donc ess<strong>en</strong>tielpour approcher les conditions<br />
de naissance de l'exercice de l'autoformation"19.<br />
Je fus largem<strong>en</strong>t récomp<strong>en</strong>sé de mes efforts et de mes<br />
nuits blanches, puisque outre l'obt<strong>en</strong>tion du DUFA, je<br />
reçus la gratification de voir ce mémoire publié <strong>en</strong><br />
grand nombre et proposé à titre d'exemple aux futures<br />
promotions de Dufistes. Être lu par d'autres était pour<br />
moi la meilleure des récomp<strong>en</strong>ses. C'est ainsi qu'<strong>en</strong> tra¬<br />
vaillant sur le rapport aux mathématiques, je nouais des<br />
rapports <strong>en</strong>core un peu plus intimes avec l'écriture.<br />
L'obt<strong>en</strong>tion du DUFA marquera <strong>en</strong>fin le début d'une<br />
autre étape, puisque deux mois après la sout<strong>en</strong>ance,<br />
je décrochais un poste de coordinateur dans un Ate¬<br />
lier de Pédagogie Personnalisée.<br />
UN SI JOLI BÉBÉ<br />
En septembre 1990, me fut <strong>en</strong> effet confiée la respon¬<br />
sabilité d'un tout jeune bébé de quelques mois à<br />
peine, l'Atelier de Pédagogie Personnalisée20 de Mar¬<br />
quette lez Lille, porté par un organisme de formation<br />
para-municipal. Les APP <strong>en</strong> étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à leur<br />
1 8 S. Baruk, Échec et Maths, Paris, Points, 1 973.<br />
début, et celui-ci v<strong>en</strong>ait d'être créé. Je m'aperçus très<br />
vite qu'il devait être né avant terme, car tout n'était<br />
pas <strong>en</strong>core opérationnel, loin s'<strong>en</strong> faut, alors que les<br />
premiers stagiaires, quoique rares, étai<strong>en</strong>t déjà à<br />
l'ouvrage. Dans une grande salle, coquette et<br />
agréable, quelques DAFA (dossiers d'autoformation)<br />
empruntés au grand frère de l'APP de Lille, quelques<br />
ouvrages, pas <strong>en</strong>core d'ordinateurs (ils n'arriveront<br />
que plus tard) et une équipe pédagogique réduite à<br />
une secrétaire à mi-temps, un formateur <strong>en</strong> français<br />
quelques heures par semaine et moi-même pour<br />
pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge les mathématiques et coordonner<br />
l'<strong>en</strong>semble.<br />
L'ambiance y était calme et studieuse, et invitait à<br />
l'étude. Toutes les personnes qui fréqu<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t alors<br />
l'APP étai<strong>en</strong>t motivées pour appr<strong>en</strong>dre, chacune<br />
pour des raisons différ<strong>en</strong>tes. La configuration des<br />
lieux et sa taille modeste (le maximum de personnes<br />
accueillies sur une semaine ne dépassait pas la tr<strong>en</strong>¬<br />
taine) permettait à chacun de se connaître, ce qui<br />
incitait à l'<strong>en</strong>traide. Des amitiés se créai<strong>en</strong>t, des li<strong>en</strong>s<br />
se nouai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre les appr<strong>en</strong>ants et avec les forma¬<br />
teurs. Je dois bi<strong>en</strong> reconnaître que mes lieux d'exer¬<br />
cice professionnel s'ét<strong>en</strong>dir<strong>en</strong>t plus d'une fois au<br />
restaurant du coin.<br />
Mais au-delà du côté volontariste de leurs reprises<br />
d'études, tantôt à des âges où l'on <strong>en</strong>tre dans la vie<br />
active, tantôt à des âges où l'on comm<strong>en</strong>ce habituel¬<br />
lem<strong>en</strong>t à <strong>en</strong>visager sa retraite, certains appr<strong>en</strong>ants<br />
étai<strong>en</strong>t aussi porteurs d'une histoire singulière, sou¬<br />
v<strong>en</strong>t difficile, et confrontés à de réelles difficultés<br />
d'insertion socioprofessionnelle, qu'ils v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t me<br />
confier, simplem<strong>en</strong>t pour se soulager et poser un peu<br />
leurs valises. Fardeau lourd à porter pour qui le<br />
reçoit, et qui requiert de solides épaules, d'autant que<br />
les outils dont il dispose pour changer la situation<br />
sembl<strong>en</strong>t inadaptés et peu efficaces. J'ai le souv<strong>en</strong>ir<br />
de r<strong>en</strong>contres riches, passionnantes, qui me marquè¬<br />
r<strong>en</strong>t, et aussi le souv<strong>en</strong>ir d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s pénibles et dou¬<br />
loureux, du fait de la détresse lâchée tout à trac, qui<br />
19 G. Pineau, Recherches sur l'autoformation exist<strong>en</strong>tielle : des boucles étranges <strong>en</strong>tre auto et exoréfér<strong>en</strong>ces, in L'autoformation <strong>en</strong><br />
chantiers, Éducation Perman<strong>en</strong>te, n° 122, 1995, p. 165-178.<br />
20 Les APP sont des dispositifs de formation pour adultes, proposant des remises à niveau <strong>en</strong> formation générale ; leur pédagogie est<br />
basée sur l'individualisation et l'autoformation accompagnée.<br />
50 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
me donnait le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'être face à "la misère du<br />
monde". On fait souv<strong>en</strong>t jouer à la formation le rôle<br />
de dernier rempart contre l'exclusion sociale, sans<br />
que les acteurs ne soi<strong>en</strong>t réellem<strong>en</strong>t préparés et for¬<br />
més à t<strong>en</strong>ir ce rôle. Drôle de drame, <strong>en</strong> vérité...<br />
Le premier chantier que j'ouvris fut artisanal, et je ne<br />
mets aucune connotation péjorative à ce terme. Il<br />
consista à mettre <strong>en</strong> place les outils mathématiques<br />
pour compléter la banque de données pré-existante.<br />
Je me souvi<strong>en</strong>s d'avoir passé des heures à peaufiner<br />
de nouveaux dossiers d'autoformation, autant sur la<br />
forme que sur le cont<strong>en</strong>u, ravi de voir mon ionds<br />
docum<strong>en</strong>taire augm<strong>en</strong>ter des fruits de mon labeur.<br />
Le découpage des notions <strong>en</strong> thèmes génériques,<br />
leurs classem<strong>en</strong>ts dans une progression pédagogique<br />
cohér<strong>en</strong>te, l'architecture de chaque dossier, le mode<br />
de prés<strong>en</strong>tation de chaque élém<strong>en</strong>t, l'inv<strong>en</strong>tion de<br />
mathématisation de situation de la vie courante, tout<br />
cela exigeait que je me mette chaque fois à la place de<br />
l'appr<strong>en</strong>ant, afin d'anticiper ses réactions et per¬<br />
mettre ainsi l'usage autonome des docum<strong>en</strong>ts pro¬<br />
duits. Ce qui caractérise <strong>en</strong> effet les systèmes basés<br />
sur l'autoformation assistée, c'est ce décalage tempo¬<br />
rel <strong>en</strong>tre le travail du formateur et de celui de l'appre¬<br />
nant. L'une des premières critiques opposées aux<br />
APP sera d'ailleurs d'être des lieux où l'appr<strong>en</strong>ant<br />
travaille seul "dans un système pré-organisé par le<br />
formateur", mais qui reste fortem<strong>en</strong>t hétéro-directif.<br />
Cette critique peut parfois être fondée, mais <strong>en</strong> dépit<br />
d'un même cahier des charges, le degré d'autonomie<br />
et d'autodirection laissé aux appr<strong>en</strong>ants diffère <strong>en</strong><br />
fonction du contexte et de la finalité de chaque APP.<br />
Pour constituer ces dossiers, je devais bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t<br />
me replonger moi-même dans les ouvrages scolaires<br />
pour revisiter des chapitres oubliés depuis long¬<br />
temps ; c'est <strong>en</strong> réalisant ces exercices que je compris<br />
réellem<strong>en</strong>t certaines notions mathématiques et que je<br />
r<strong>en</strong>ouai <strong>en</strong>tre eux bon nombre d'élém<strong>en</strong>ts épars,<br />
appris ailleurs sans que j'<strong>en</strong> aie perçu le s<strong>en</strong>s.<br />
La mise <strong>en</strong> place d'un c<strong>en</strong>tre de ressources doit évi¬<br />
demm<strong>en</strong>t être un préalable à la mise <strong>en</strong> place d'une<br />
pédagogie basée sur l'autoformation. C'est, selon<br />
Philippe Carré'1, l'un des sept piliers, ou "circonstan¬<br />
ces facilitatrices" de l'autoformation. Ici, par contre,<br />
il fallait construire <strong>en</strong> avançant et devancer la<br />
demande du public. Ce n'était toutefois pas toujours<br />
possible et je devais souv<strong>en</strong>t faire face à des question¬<br />
nem<strong>en</strong>ts qui m'obligeai<strong>en</strong>t à jouer à l'équilibriste,<br />
afin de rechercher <strong>en</strong> temps réel, avec les personnes,<br />
la ressource nécessaire à la résolution du problème<br />
posé. Je me souvi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> particulier d'avoir compris<br />
les arcanes de la TVA <strong>en</strong> aidant de longues heures<br />
durant une stagiaire particulièrem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ace, avec<br />
qui j'eus de forts jolis "conflits socio-cognitifs". C'est<br />
d'ailleurs juste après cet échange fructueux, que je<br />
conçus le dossier sur la TVA, <strong>en</strong> repr<strong>en</strong>ant étape par<br />
étape notre cheminem<strong>en</strong>t commun.<br />
C'est une chose <strong>en</strong> effet de contractualiser avec les<br />
appr<strong>en</strong>ants des objectifs déterminés et choisis au sein<br />
d'un corpus clos, c'<strong>en</strong> est une autre de leur donner la<br />
possibilité d'apporter eux-mêmes leurs propres docu¬<br />
m<strong>en</strong>ts et de les aider à les appréh<strong>en</strong>der. C'est autre¬<br />
m<strong>en</strong>t déstabilisateur pour l'<strong>en</strong>seignant, mais<br />
incontestablem<strong>en</strong>t plus riche et plus formateur pour<br />
l'appr<strong>en</strong>ant. L'autre versant de mon travail consistait<br />
<strong>en</strong> effet à aider les personnes dans leur appr<strong>en</strong>tissage,<br />
autant <strong>en</strong> maths qu'<strong>en</strong> français, et à la demande. Cela<br />
me conduisait à passer du temps avec chacun. L'aide<br />
apportée pouvait être parfois l'explication d'une<br />
notion, par un exposé didactique, une sorte de<br />
mini-cours particulier, parfois la mise <strong>en</strong> place de<br />
petits groupes de travail, style atelier de production.<br />
Mais mon aide consistait le plus souv<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t à<br />
écouter, att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> posant quelques questions<br />
lorsque je ne compr<strong>en</strong>ais pas, ce qui attestait de mon<br />
intérêt. J'invitais ainsi l'appr<strong>en</strong>ant à repr<strong>en</strong>dre ses<br />
explications, à les simplifier ou à les formaliser <strong>en</strong>core<br />
davantage, et la plupart du temps, ce dialogue était<br />
suffisant pour que l'appr<strong>en</strong>ant vi<strong>en</strong>ne à bout lui-même<br />
du problème posé. Beaucoup d'<strong>en</strong>tre eux m'ont<br />
remercié après coup de les avoir bi<strong>en</strong> aidés alors que je<br />
n'avais apporté directem<strong>en</strong>t aucune réponse.<br />
Au fur et à mesure de cette expéri<strong>en</strong>ce, j'appr<strong>en</strong>ais la<br />
manière de poser les bonnes questions pour faire<br />
avancer la réflexion. Il ne faut pas toutefois se<br />
mépr<strong>en</strong>dre, <strong>en</strong> assimilant cette manière de faire à la<br />
maïeutique socratique, quoi que puisse suggérer le<br />
titre de ce chapitre. Socrate, <strong>en</strong> effet, connaît toujours<br />
21 P. Carré, L'autoformation dans la formation professionnelle, Pans, La <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française, 1992.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
51
la réponse au problème posé et c'est d'ailleurs lui qui<br />
le pose et non l'élève. Ses questions n'ont pas pour<br />
objectif d'aider le maître à compr<strong>en</strong>dre son élève,<br />
mais de conduire l'élève à accoucher de la bonne<br />
réponse. On est loin de l'émancipation de l'élève,<br />
mais au contraire, comme le dit très bi<strong>en</strong> Jacques<br />
Rancière dans "Le maître ignorant"22 :<br />
"le socratisme est une forme perfectionnée de l'abru¬<br />
tissem<strong>en</strong>t (...) Socrate doit pr<strong>en</strong>dre l'esclave par la<br />
main pour que celui-ci puisse trouver ce qui est <strong>en</strong><br />
lui-même. La démonstration de son savoir est tout<br />
autant celui de son impuissance : il ne marchera<br />
jamais seul. Socrate, <strong>en</strong> lui, interroge un esclave qui est<br />
destiné à le rester."<br />
Pour être réellem<strong>en</strong>t autonomisant, le questionne¬<br />
m<strong>en</strong>t ne doit donc pas être <strong>en</strong>tre celui qui sait et celui<br />
qui ne sait pas, mais être un vrai dialogue <strong>en</strong>tre deux<br />
intellig<strong>en</strong>ces égales et déterminées à s'<strong>en</strong>richir<br />
mutuellem<strong>en</strong>t. Les questions que je pose à l'appre¬<br />
nant me sont nécessaires pour compr<strong>en</strong>dre ce que<br />
Ton m'explique. Autrem<strong>en</strong>t, le jeu est faussé et<br />
l'appr<strong>en</strong>ant, de toute façon, n'est pas dupe très long¬<br />
temps. Rancière pousse même son raisonnem<strong>en</strong>t<br />
jusqu'à affirmer qu'on ne peut <strong>en</strong>seigner que ce<br />
qu'on ignore, ce qui revi<strong>en</strong>t à questionner, non pas <strong>en</strong><br />
savant mais <strong>en</strong> homme, sur tout ce qu'on ignore. De<br />
cette manière,<br />
"les questions de l'ignorant sont, pour le voyageur au<br />
pays des signes, de vraies questions contraignant l'exer¬<br />
cice autonome de son intellig<strong>en</strong>ce."<br />
Vous aurez deviné qu'<strong>en</strong> cette période précise de mon<br />
exist<strong>en</strong>ce professionnelle, cet auteur fut un agréable<br />
compagnon de voyage qui me conforta dans la<br />
conception émancipatrice de mon métier de<br />
formateur.<br />
L'autre chantier auquel je dus très vite m'atteler dès<br />
mon arrivée fut celui du raisonnem<strong>en</strong>t logique ; nous<br />
étions alors à la glorieuse époque des outils de remé¬<br />
diation cognitive durant laquelle tout organisme de<br />
formation digne de ce nom devait proposer un ser¬<br />
vice ori<strong>en</strong>té vers cette problématique.<br />
Pour être reconnu apte à proposer un tel service, je<br />
me formais aux Ateliers de Raisonnem<strong>en</strong>ts<br />
Logique (ARL) afin d'être homologué <strong>en</strong> tant que<br />
22 J. Rancière, Le maître ignorant, cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987.<br />
pratici<strong>en</strong>, ajoutant ainsi une corde à mon arc. Dans<br />
les premiers temps, j'appliquais à la lettre le modèle<br />
proposé, mais cela ne me satisfaisait qu'à moitié,<br />
car les appr<strong>en</strong>ants considérai<strong>en</strong>t les ARL comme<br />
une matière <strong>en</strong> plus, à côté des maths et du français,<br />
et non <strong>en</strong> articulation avec ces autres domaines de<br />
connaissance, ce qui est le principal défaut de ce<br />
type de méthode "clé <strong>en</strong> main". Loin de moi l'idée<br />
de remettre <strong>en</strong> cause l'intérêt de ces outils, pour<br />
peu qu'ils soi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> utilisés ; je constate simple¬<br />
m<strong>en</strong>t que, dans bon nombre de cas, la démarche<br />
intellectuelle et théorique qui a prévalu à la mise <strong>en</strong><br />
uvre de telle ou telle méthode s'efface derrière les<br />
exercices eux-mêmes, qui ne sont que des supports<br />
d'activité et non une fin <strong>en</strong> soi. Il n'était pas rare<br />
que les jeunes stagiaires, notamm<strong>en</strong>t, considèr<strong>en</strong>t<br />
"le prof de logique" au même titre que "le prof de<br />
maths" et que l'on n'évalue, comme avec les n!uds<br />
sur les lacets de chaussure, que l'augm<strong>en</strong>tation de la<br />
compét<strong>en</strong>ce à faire les exercices, et non le transfert<br />
des capacités développées dans les autres domaines.<br />
Pour pallier cette question du transfert, je me déta¬<br />
chais donc des exercices <strong>en</strong> eux-mêmes pour me<br />
baser davantage sur les principes théoriques, <strong>en</strong> pro¬<br />
posant une forme d'atelier, toujours basée sur les<br />
concepts de base des ARL, mais davantage axée sur<br />
l'utilisation ultérieure des capacités mises <strong>en</strong> puvre.<br />
Fort de mes expéri<strong>en</strong>ces précéd<strong>en</strong>tes, j'y ajoutais <strong>en</strong><br />
outre un travail sur les outils d'organisation (tableau<br />
double <strong>en</strong>trée, diagramme, etc.) et sur les opérations<br />
m<strong>en</strong>tales. J'allais même, comble de la vanité, à nom¬<br />
mer cette méthode d'un nom inédit, ajoutant à la liste<br />
déjà longue des outils de remédiation cognitive celui<br />
d'ORLEM "Organisation, Raisonnem<strong>en</strong>t Logique et<br />
Entraînem<strong>en</strong>t M<strong>en</strong>tal" (excusez du peu !), mais dont<br />
la r<strong>en</strong>ommée, fort heureusem<strong>en</strong>t, ne dépassa pas les<br />
frontières de Marquette.<br />
Et puisque je parle des frontières, je ne tardai pas<br />
moi-même à les franchir, pour passer dans un autre<br />
univers, celui de l'université. Après lui avoir fait des<br />
yeux doux durant quelques années, le CUEEP me<br />
proposait <strong>en</strong> effet de rejoindre le rang de ses perma¬<br />
n<strong>en</strong>ts, ce que je vécus alors comme l'asc<strong>en</strong>sion<br />
suprême.<br />
52 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
XE QUE L'ON IGNORE ...<br />
En arrivant au CUEEP, je ne quittai toutefois pas les<br />
APP, puisque je fus affecté, pour un mi-temps, sur un<br />
poste de formateur de mathématiques à l'APP de Vill<strong>en</strong>euve-d'Ascq.<br />
Cela ne me causa pas trop de diffi¬<br />
cultés car le mode de fonctionnem<strong>en</strong>t était proche de<br />
celui d'où je v<strong>en</strong>ais. La nouveauté v<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> revanche<br />
de mon autre mi-temps, que je devais accomplir au<br />
C<strong>en</strong>tre Universitaire de Ressources Éducati¬<br />
ves (CURE) de Vill<strong>en</strong>euve-d'Ascq. Les CURES ont<br />
été créés <strong>en</strong> 1987, à l'époque où le CUEEP cherchait à<br />
<strong>en</strong>richir et à ouvrir son offre de formation prés<strong>en</strong>tielle,<br />
pour faire face à l'hétérogénéité des publics et<br />
au caractère morcelé des parcours de formation.<br />
Implantés dans chaque c<strong>en</strong>tre CUEEP, ils sont l'un<br />
des élém<strong>en</strong>ts du dispositif, et jou<strong>en</strong>t le rôle de com¬<br />
plém<strong>en</strong>t ou de substitution aux autres modes de for¬<br />
mation (le prés<strong>en</strong>tiel classique, l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à<br />
distance, la formation matière individualisée).<br />
Les concepteurs avai<strong>en</strong>t prévu que ces c<strong>en</strong>tres de<br />
ressources soi<strong>en</strong>t animés par un interv<strong>en</strong>ant d'un<br />
type nouveau, dont le rôle, au mom<strong>en</strong>t où je pris<br />
mes fonctions, était loin d'être défini avec précision.<br />
Tout au plus savait-on qu'il compr<strong>en</strong>ait la mise <strong>en</strong><br />
uvre globale du c<strong>en</strong>tre de ressources (choisir les<br />
docum<strong>en</strong>ts, les disposer de façon à les r<strong>en</strong>dre acces¬<br />
sibles, veiller à l'ambiance de travail. . . ), l'accueil du<br />
public (écouter les demandes, mettre à l'aise, pré¬<br />
s<strong>en</strong>ter les ressources...) et <strong>en</strong>fin l'assistance aux<br />
appr<strong>en</strong>ants dans leur appr<strong>en</strong>tissage, sur le plan<br />
méthodologique.<br />
Ce projet m'intéressait car il me permettait de pous¬<br />
ser plus avant l'hypothèse qu'un autre mode de rela¬<br />
tion aux savoirs était possible, <strong>en</strong> dehors de la<br />
prés<strong>en</strong>ce du formateur disciplinaire, mais avec<br />
l'appui d'un médiateur, d'un facilitateur, qui ne se<br />
préoccuperait que de la méthode de travail. Ce qui<br />
rev<strong>en</strong>ait pour celui-ci, <strong>en</strong> quelque sorte, à <strong>en</strong>seigner<br />
sans connaître lui-même l'objet du savoir. On<br />
mesure à quel point la lecture de Jacques Rancière<br />
m'avait influ<strong>en</strong>cé et combi<strong>en</strong> mon désir était grand<br />
de tester de nouvelles méthodes pédagogiques, éloi¬<br />
gnées de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t traditionnel.<br />
Je devins donc l'un de ces "tuteurs méthodologues",<br />
terme barbare inv<strong>en</strong>té par Daniel Poisson (merci<br />
Daniel !) et relativem<strong>en</strong>t difficile à porter. La pro¬<br />
chaine fois que l'on vous demande ce que vous faites<br />
dans la vie, essayez donc de répondre "tuteur métho-<br />
dologue", pour voir . . . Bref, mon id<strong>en</strong>tité profession¬<br />
nelle était <strong>en</strong> bonne voie !<br />
Au-delà de la lourdeur du titre, le flou qui régnait sur<br />
la définition des rôles et fonctions exactes qui leur<br />
étai<strong>en</strong>t assignés conduis<strong>en</strong>t les quatre tuteurs <strong>en</strong> titre,<br />
dont trois v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t d'être embauchés, à émettre<br />
l'impérieux besoin de travailler <strong>en</strong>semble pour<br />
mettre un peu de clarté dans leur mission. Nous<br />
avons donc, logiquem<strong>en</strong>t, fait remonter nos besoins<br />
de formation à la direction, qui nous les a r<strong>en</strong>voyés<br />
illico, avec la mission de trouver <strong>en</strong> nous-même, mais<br />
avec le recours aux experts si besoin, les réponses à<br />
nos questions. C'est un peu plus tard que nous avons<br />
soupçonné Daniel et quelques autres de ne pas être<br />
dupes de la difficulté de cette tâche, mais de nous<br />
avoir consciemm<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> face de ces difficultés,<br />
espérant bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong> sortirait de la réflexion. Notre<br />
situation s'appar<strong>en</strong>tait trop bi<strong>en</strong> au principe de la<br />
double piste21, qui consiste à<br />
"placer le formateur <strong>en</strong> situation réelle de formé <strong>en</strong><br />
utilisant les moy<strong>en</strong>s pédagogiques que Ton souhaite<br />
analyser (...) si la formation vise à compr<strong>en</strong>dre ce que<br />
sont la personnalisation, l'autoformation, l'apport des<br />
différ<strong>en</strong>ts supports, il faut que la formation de<br />
formateurs intègre toutes ces dim<strong>en</strong>sions."<br />
Nous avons alors mis <strong>en</strong> place une forme inédite<br />
d'autoformation collective, inspirée de la "recher¬<br />
che action de type stratégique" proposée par Paul<br />
Demunter et Marie-R<strong>en</strong>ée Verspier<strong>en</strong> 4. Ce mode<br />
d'interv<strong>en</strong>tion nous paraissait <strong>en</strong> effet particulière¬<br />
m<strong>en</strong>t adéquat à notre mode de travail, car il dialectise<br />
recherche et action, théorie et pratique, et<br />
propose aux pratici<strong>en</strong>s d'adopter une démarche de<br />
23 C. D'Halluin et D. Poisson, Formations de formateurs et nouvelles technologies éducatives, in Actes du colloque :<br />
"Les formateurs d'adultes el leurs qualifications : réponses des universités", Les (.Miners d'études du (.UhhP, n° spécial, US'l L,<br />
Lille, juin 1990, p. 279-282.<br />
24 M.-R. Verspier<strong>en</strong>, Recherche-action de<br />
L'Harmattan, 1990.<br />
type stratégique et saeme(s) de l'éducation, Bruxelles ; Paris, Contradictions/<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 53
chercheur pour répondre à leur problème d'action.<br />
Selon Jacques Hédoux, la recherche action offre la<br />
meilleure chance d'utilisation et d'appropriation réelle<br />
des résultats des sci<strong>en</strong>ces humaines, car elle se situe<br />
"dans une logique collective, appropriative et<br />
critique, soit dans le rapport le plus satisfaisant,<br />
mais aussi le plus rare, <strong>en</strong>tre pratici<strong>en</strong>s et sci<strong>en</strong>ces<br />
humaines."25<br />
Je dois reconnaître que deux faits ont guidé notre<br />
choix : tout d'abord mon inscription <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>cemaîtrise<br />
des sci<strong>en</strong>ces de l'éducation, où<br />
Marie-R<strong>en</strong>ée Verspier<strong>en</strong> <strong>en</strong>seignait, et le fait que<br />
Paul Demunter ait longtemps été directeur et cher¬<br />
cheur au CUEEP de Sallaumines, où l'un des CURES<br />
était implanté.<br />
Initialem<strong>en</strong>t composé de quatre personnes, ce col¬<br />
lectif s'est ét<strong>en</strong>du à neuf au fil du temps et s'est<br />
donné pour objet de préciser les contours de la<br />
mission de tuteur, et d'<strong>en</strong> outiller les différ<strong>en</strong>tes<br />
facettes, sur le plan des outils et sur le plan théo¬<br />
rique ; l'adage de Philippe Meirieu, qui veut que<br />
"tout apport théorique doit être une réponse à une<br />
question que l'on se pose" a pris ici tout son s<strong>en</strong>s.<br />
L'un après l'autre, nous avons exploré tous les<br />
aspects de ce métier <strong>en</strong> émerg<strong>en</strong>ce, allant rechercher<br />
de l'information autant dans les livres et publica¬<br />
tions qu'auprès des experts de tel ou tel domaine.<br />
D'une séance à l'autre, nous émettions des hypothè¬<br />
ses d'actions, que nous testions durant le mois sui¬<br />
vant, consignant par écrit nos avancées.<br />
En trois années, nous avions produit suffisamm<strong>en</strong>t<br />
de réflexions et d'écrits pour affirmer qu'il existe<br />
une vraie place pour l'aide méthodologique au<br />
cours des appr<strong>en</strong>tissages, et que cette aide peut<br />
être apportée par un interv<strong>en</strong>ant dédié à cette<br />
tâche. Nous étions <strong>en</strong> mesure, non seulem<strong>en</strong>t de<br />
décrire le rôle exact du tuteur méthodologue <strong>en</strong><br />
CURE, mais égalem<strong>en</strong>t de caractériser les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts types d'aides à apporter <strong>en</strong> fonction de la<br />
nature de la demande, du contexte, et du profil de<br />
l'appr<strong>en</strong>ant, et de préciser les interactions à mettre<br />
<strong>en</strong> place <strong>en</strong>tre l'appr<strong>en</strong>ant, le tuteur et le formateur<br />
disciplinaire.<br />
Au-delà de la compét<strong>en</strong>ce individuelle, notons au<br />
passage que c'est une réelle compét<strong>en</strong>ce collective<br />
que nous avons acquise, qui nous a conduit, <strong>en</strong>tre<br />
autres, à communiquer <strong>en</strong>semble sur la notion<br />
"d'aide méthodologique" lors du 2e colloque sur<br />
l'autoformation.26<br />
Il est évid<strong>en</strong>t que ce travail de réflexion sur les<br />
CURES influ<strong>en</strong>çait aussi mon travail <strong>en</strong> parallèle à<br />
l'APP. Là aussi, je plaidais pour la mise <strong>en</strong> place<br />
d'un véritable tutorat méthodologique, et mon<br />
mémoire de maîtrise portera sur la mise <strong>en</strong> place<br />
d'une autre recherche action, portant sur le thème<br />
"autonomie de l'appr<strong>en</strong>tissage ou appr<strong>en</strong>tissage de<br />
Vautonomie ?". Plus tard, j'aurais égalem<strong>en</strong>t l'occa¬<br />
sion de participer, avec Elisabeth Milot, à la rédac¬<br />
tion d'un cahier du CUEEP sur les APP27, dans<br />
lequel nous repr<strong>en</strong>drons une bonne partie de ces<br />
réflexions.<br />
Mon activité professionnelle était alors très diver¬<br />
sifiée, comme vous pouvez le constater, d'autant<br />
que j'allais participer à d'autres chantiers. En parti¬<br />
culier, Daniel m'<strong>en</strong>traîna dans une autre "av<strong>en</strong>ture<br />
professionnelle", la formation de formateurs. C'est<br />
ainsi que je fus am<strong>en</strong>é à travailler avec le réseau de<br />
c<strong>en</strong>tres de ressources AGRIMEDIA, avec la tâche<br />
de transférer auprès des nouveaux animateurs de<br />
c<strong>en</strong>tres de ressources ce qui nous avions mis <strong>en</strong><br />
place dans les CURES. De nouvelles r<strong>en</strong>contres,<br />
d'autres façons d'aborder les connaissances, et<br />
pour moi une autre facette de mon id<strong>en</strong>tité profes¬<br />
sionnelle dont je m'emparais avec appétit. Mais <strong>en</strong><br />
formation de formateurs comme ailleurs, je ne<br />
r<strong>en</strong>ierai pas pour autant mes principes pédagogi¬<br />
ques, restant toujours plus un "accompagnateur"<br />
qu'un transmetteur de savoirs.<br />
25 J. Hédoux, Sci<strong>en</strong>ces humaines, pratiques de formation et pratici<strong>en</strong>s, in Recherches-actions : méthodes et pratiques de formation -<br />
tome 1, Les Cahiers d'études du CUEEP, n° 25, Lille, USTL, juin 1994.<br />
26 F. Haeuw, D. Réhouma, L. Thierry, C<strong>en</strong>tres de ressources et tutorat, le cas des CURES, in Pratiques d'autoformation et d'aide à<br />
l'autoformation ; deuxième colloque europé<strong>en</strong> sur l'autoformation, Les Cahiers d'études du CUEEP, n° 32-33, Lille, USTL,<br />
fév. 1996.<br />
27 F. Haeuw et E. Milot (éd.), Ateliers de Pédagogie Personnalisée : un exemple <strong>en</strong> région Nord-Pas de Calais, Les Cahiers d'études du<br />
CUEEP, n° 31, Lille, USTL, sept. 1995.<br />
54 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
D'AUTRES CHANTIERS ENCORE...<br />
POUR UNE CONSTRUCTION<br />
INACHEVÉE<br />
Au gré des événem<strong>en</strong>ts et de la vie du CUEEP, je tus<br />
impliqué dans d'autres chantiers : l'organisation<br />
d'une université d'été sur le thème des "formations<br />
ouvertes multiressources"1* , puis du "deuxième col¬<br />
loque europé<strong>en</strong> sur l'autoformation <strong>en</strong> France"" , qui<br />
seront deux occasions de r<strong>en</strong>contrer des grands<br />
noms de la pédagogie et de l'autoformation : Georges<br />
Lerbet, Philippe Carré, Gaston Pineau, Joffre Duma¬<br />
zedier, Bertrand Schwartz ; un atelier d'écriture prati¬<br />
ci<strong>en</strong>ne, qui aboutira, après deux années d'un travail<br />
d'accompagnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compagnie de Gérard Mlékuz,<br />
à la publication un ouvrage collectif, qui reste<br />
l'une des réalisations dont je suis le plus fier ; la<br />
rédaction, solitaire cette fois, de plusieurs articles<br />
publiés ici ou là ; un DEA de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation,<br />
<strong>en</strong>fin, qui vi<strong>en</strong>dra compléter ma panoplie de diplô¬<br />
mes et m'ouvrir les portes du laboratoire de<br />
recherche TRIGONE.<br />
Puis, <strong>en</strong> janvier 1996, je pris la responsabilité des APP<br />
du CUEEP, tout <strong>en</strong> gardant par ailleurs une part<br />
d'activité <strong>en</strong> formation de formateur et <strong>en</strong> ingénierie<br />
de formation. La fonction de coordinateur donnant la<br />
possibilité d'influer fortem<strong>en</strong>t sur l'organisation péda¬<br />
gogique du dispositif, j'<strong>en</strong> profitai pour pousser un<br />
peu plus loin les limites de l'autodirection et r<strong>en</strong>forcer<br />
le pouvoir de l'appr<strong>en</strong>ant, au grand dam de quelques<br />
formateurs. Depuis 1998, les équipes pédagogiques<br />
que je dirige contribu<strong>en</strong>t au développem<strong>en</strong>t du réseau<br />
régional des APP, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> participant active¬<br />
m<strong>en</strong>t à l'animation qui réunit l'<strong>en</strong>semble des acteurs<br />
de ce réseau. Sout<strong>en</strong>ues par un effort de formalisation,<br />
les actions que nous m<strong>en</strong>ons sur le terrain alim<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
plusieurs pistes de développem<strong>en</strong>t : l'ouverture de la<br />
formation <strong>en</strong> direction du monde culturel ; l'analyse et<br />
la reconnaissance des compét<strong>en</strong>ces transversales<br />
développées <strong>en</strong> autoformation ; l'outillage pédago<br />
gique et technologique du formateur ; l'analyse de ses<br />
nouveaux rôles, <strong>en</strong> formation ouverte et à distance ;<br />
l'usage pédagogique des Nouvelles Technologies de<br />
l'Information et de la Communication.<br />
On peut bi<strong>en</strong> sûr considérer que ce poste s'inscrivait<br />
dans la logique de mon parcours professionnel ; le<br />
travail spécifique de coordinateur requiert toutefois<br />
d'autres savoirs et savoir-faire auxquels je n'étais pas<br />
<strong>en</strong>core préparé, et pour lesquels il n'existe, à ma<br />
connaissance, aucune formation "formelle". Je pour¬<br />
suis donc mon chemin d'autoformation, <strong>en</strong> retrou¬<br />
vant les réflexes qui m'ont si bi<strong>en</strong> servi jusqu'à<br />
prés<strong>en</strong>t : l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal, le compagnonnage,<br />
l'alternance <strong>en</strong>tre théorie et pratique, le recours aux<br />
ouvrages et aux experts et <strong>en</strong>fin l'écriture, qui reste,<br />
pour moi, le moy<strong>en</strong> de formation par excell<strong>en</strong>ce.<br />
En définitive, me voilà donc aujourd'hui :<br />
- ingénieur d'études (sur ma fiche de paie) ;<br />
- coordinateur d'APP (sur ma carte de visite) ou<br />
directeur, ou responsable (c'est selon) ;<br />
- chef de l'APP (sur les fiches que remplit ma petite<br />
fille à l'école - je n'ose imaginer ce que compr<strong>en</strong>¬<br />
n<strong>en</strong>t les instit.) ;<br />
- formateur d'adultes (pour simplifier) voire forma¬<br />
teur de maths (pour ceux qui n'ont pas tout suivi) ;<br />
- formateur de formateur, voire même formateur de<br />
formateur de formateur (ou cela va-t-il s'arrêter ?) ;<br />
- animateur (au sein du réseau) ;<br />
- doctorant (un peu trop longtemps à mon goût ...);<br />
- écrivant (terme barbare là aussi, mais qui reste plus<br />
modeste qu'écrivain, ce que je ne suis pas).<br />
Cela montre bi<strong>en</strong> à quel point les id<strong>en</strong>tités profes¬<br />
sionnelles, dans le milieu de la formation continue,<br />
rest<strong>en</strong>t difficiles à définir avec précision, <strong>en</strong> dépit des<br />
mots savants dont on t<strong>en</strong>te de les parer.<br />
Dans les mom<strong>en</strong>ts de pessimisme, je m'interroge<br />
<strong>en</strong>core sur la valeur des savoirs acquis au fil de mon<br />
parcours, ainsi que sur la légitimité et la pér<strong>en</strong>nisa¬<br />
tion de mes compét<strong>en</strong>ces. Dans ce milieu profession-<br />
28 F. Haeuw et C. D'Halluin (éd.), I-ormations ouvertes multiressources, Actes de l'université d'été de Lille, Les Cahiers d'études du<br />
CUEEP, n° 28, Lille, USTL, fév. 1995.<br />
29 op. cit. note 26.<br />
30 F. Haeuw et C. Mlékuz (éd.), Agnmédia Nord-Pas de Calais, un réseau de c<strong>en</strong>tres de ressources pour la formation agricole,<br />
Les Cahiers d'études du CUEEP, n° 35-36, Lille, USTL, oct. 1998.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
55
nel, <strong>en</strong> évolution perman<strong>en</strong>te, la somme de travail<br />
qui me reste à accomplir pour <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir mon savoir<br />
et acquérir les compét<strong>en</strong>ces nouvelles dont j'aurais<br />
besoin pour progresser (voire même seulem<strong>en</strong>t pour<br />
me maint<strong>en</strong>ir à niveau), me semble infinie.<br />
Dans les mom<strong>en</strong>ts d'optimisme, qui sont heureuse¬<br />
m<strong>en</strong>t plus nombreux, je suis cont<strong>en</strong>t d'avoir pro¬<br />
gressé dans ce métier <strong>en</strong> ne r<strong>en</strong>iant pas les valeurs<br />
fondam<strong>en</strong>tales qui m'ont conduit à m'y <strong>en</strong>gager : un<br />
regard humaniste sur la société ; la conviction que<br />
chaque membre de cette société est unique et mérite<br />
un profond respect ; la confiance <strong>en</strong> la perfectibilité<br />
de chaque individu ; la certitude, <strong>en</strong>fin, que l'<strong>en</strong>gage¬<br />
m<strong>en</strong>t dans l'action, individuel et collectif, peut<br />
conduire à une société meilleure.<br />
56 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000<br />
Frédéric HAEUW<br />
CUEEP de Lille
ENTRE LE RÊVE<br />
ET LA RÉALITÉ :<br />
TROUVER LE CHEMIN<br />
MARIE-CHRISTINE PRESSE<br />
* >* econstruire sa trajectoire professionnelle, le<br />
i~^ chemin emprunté n'est pas chose aisée,<br />
JL x. lorsqu'il n'y a pas eu de projet préalable,<br />
mais une constante, celle d'avancer, d'aller toujours<br />
un peu plus loin au rythme d'un coureur de fond ou<br />
même plutôt celui d'un coureur de cross, avec des<br />
embûches, des sauts de biches, du soleil et de la<br />
boue.<br />
Ce chemin m'a conduite de la maternelle à l'univer¬<br />
sité, cette écriture me fait emprunter le chemin<br />
inverse. Comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> suis-je arrivée-là ? A quels évé¬<br />
nem<strong>en</strong>ts vais-je donner de l'importance pour m'expliquer<br />
à moi-même et simultaném<strong>en</strong>t aux autres, sans<br />
narcissisme ni fausse modestie, comm<strong>en</strong>t de 34e sur 34<br />
à la fin du CP, je suis dev<strong>en</strong>ue docteur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation, qualifiée pour être chercheur, comm<strong>en</strong>t<br />
ai-je effectué tout un parcours, toujours partagée <strong>en</strong>tre<br />
la formation des <strong>en</strong>fants et celle des adultes ? Une clé<br />
me semble ouvrir toutes les portes : mon rapport aux<br />
livres et à la lecture.<br />
MES DÉBUTS DANS LA BANLIEUE :<br />
SAfiJROUYlUE 1960<br />
Des éclats de rires fus<strong>en</strong>t dans la cour de récré, on<br />
partage les jeux ; les maisons vides autour de l'école<br />
se sont remplies et je découvre simultaném<strong>en</strong>t le<br />
h<strong>en</strong>né et les vertus du classem<strong>en</strong>t : dernière. Premiè¬<br />
res embûches, premier défi : je ne sais pas lire à la fin<br />
du Cours préparatoire.<br />
Première r<strong>en</strong>contre ess<strong>en</strong>tielle sans doute, l'<strong>en</strong>sei<br />
gnante du CEI m'accueille malgré mes résultats :<br />
effets Pygmalion, effets d'att<strong>en</strong>tes, attributions, rela¬<br />
tions de confiance ? Les résultats sont là et la roue<br />
tourne dans le bon s<strong>en</strong>s.<br />
La ville s'agrandit. Patrice Chéreau fait ses débuts, je<br />
découvre Shakespeare, la bibliothèque vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>or¬<br />
gueillir la ville. "Il faut lire pour réussir" est dev<strong>en</strong>u le<br />
leitmotiv familial, je récite l'histoire des peintres à ma<br />
mère qui vérifie ma compréh<strong>en</strong>sion des textes. Les<br />
droits du lecteur, dont celui de ne ri<strong>en</strong> dire de ses lec¬<br />
tures, de Daniel P<strong>en</strong>nac n'avai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core été<br />
écrits, mais "la bonne volonté culturelle" de mes<br />
par<strong>en</strong>ts, se cultiver <strong>en</strong> lisant, est bi<strong>en</strong> là, P. Bourdieu<br />
le disait déjà, moi, je le vis.<br />
Heureusem<strong>en</strong>t, le soir au fond de mon lit, je découvre<br />
tout le plaisir de la lecture, je rigole, je pleure,<br />
j'appr<strong>en</strong>ds le braille, et me révolte contre les histoires<br />
injustes. Toute une partie de ma vie s'écoule avec la<br />
complicité des auteurs qui me parl<strong>en</strong>t. Parce que c'est<br />
certain, c'est à moi qu'ils parl<strong>en</strong>t, ces auteurs ou ces<br />
personnages qui arriv<strong>en</strong>t à me transporter si vite<br />
dans un autre monde.<br />
Plaisir insatiable ...décalage avec la réalité... Des<br />
bidonvilles se construis<strong>en</strong>t tout autour de la ville, mes<br />
copains y habit<strong>en</strong>t ; j'<strong>en</strong>tre <strong>en</strong> seconde au lycée<br />
professionnel avec eux, section économique et<br />
j'appr<strong>en</strong>ds Marx, la politique, l'exploitation de<br />
l'homme par l'homme et le droit de grève. Je crois<br />
compr<strong>en</strong>dre dans quelle ornière je suis <strong>en</strong>gagée.<br />
Le socle est construit. La révolte gronde <strong>en</strong> sourdine<br />
et il suffira de quelques gouttes d'eau pour que les<br />
premiers germes de l'action naiss<strong>en</strong>t.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 57
Je fais mes débuts professionnels dans la vie associa¬<br />
tive : alphabétisation et aide aux devoirs le soir après<br />
le lycée. J'<strong>en</strong>chaîne avec le concours à l'École nor¬<br />
male, sans bi<strong>en</strong> savoir ce que ça représ<strong>en</strong>te si ce n'est,<br />
à ce mom<strong>en</strong>t-là, un intérêt financier réel mais aussi<br />
un premier choix professionnel par la négative : je ne<br />
veux pas être secrétaire.<br />
DE MANTES-LA-JOLIE<br />
À CHANTELOUP-LES-VIGNES<br />
BANLIEUE CHOIS1F<br />
Après quelques années <strong>en</strong> université et une formation<br />
à l'École normale, je fais mes premiers vux d'institu¬<br />
trice. Terme étrange pour nommer "l'école choisie"<br />
parmi celles que nous ont laissées les plus anci<strong>en</strong>s,<br />
c'est-à-dire parmi celles dont ils ne veul<strong>en</strong>t pas.<br />
Je choisis la ZUP de Mantes-la-Jolie, grande banlieue<br />
de Paris, "c'est ce qui reste" me dit-on mais je l'aurais<br />
choisie, de toutes façons, parce qu'il y a banlieue et<br />
banlieue et que la mi<strong>en</strong>ne c'est celle-là. Je vais y vivre :<br />
1 lème étage d'une imm<strong>en</strong>se tour.<br />
Les dimanches sont <strong>en</strong>vahis de sonorités vrombissan¬<br />
tes : motos et perceuses se sont donné le mot pour faire<br />
un concert. C'est mon premier poste. Des idées, des<br />
<strong>en</strong>vies, des rêves sur l'école, sur le métierj'<strong>en</strong> ai plein la<br />
tête, j'ai lu Neill, Illich, Freinet, Oury et Vasquez, Bau¬<br />
delot-Establet, Paolo Freire et Montessori. Tous par¬<br />
l<strong>en</strong>t de l'école, ce qu'elle pourrait être, ce qu'elle est, ce<br />
qu'elle ne devrait pas être, et tous se situ<strong>en</strong>t par rap¬<br />
port à "l'échec scolaire" : aucun ne parle du terrain au<br />
quotidi<strong>en</strong>. J'affronte de plein fouet les pratiques<br />
<strong>en</strong>seignantes versus "handicap socioculturel".<br />
La r<strong>en</strong>contre avec le terrain fut brutale. Faire mettre<br />
<strong>en</strong> rang, obt<strong>en</strong>ir le sil<strong>en</strong>ce, faire lever la main : "Vous<br />
avez besoin d'aide, quand l'inspecteur vi<strong>en</strong>dra je les<br />
ferai mettre <strong>en</strong> rang" "... C'était donc cela la pra¬<br />
tique ?" "Faire obéir, être vigilant, c'est un milieu<br />
difficile."<br />
La théorie de la reproduction et celle du handicap<br />
socioculturel ont fait leur place. Tout semble déjà<br />
joué dans le discours des <strong>en</strong>seignantes, il fallait sur¬<br />
veiller la démarche, le vocabulaire de ces <strong>en</strong>fants-là.<br />
Donner <strong>en</strong>vie de v<strong>en</strong>ir à l'école, pour appr<strong>en</strong>dre, est-il<br />
compatible avec le sil<strong>en</strong>ce dans les rangs par deux, les<br />
mains sur la tête, les tours de cour, et la position assise<br />
tout au long de la journée ? Comm<strong>en</strong>t au milieu de<br />
ces contraintes leur donner <strong>en</strong>vie de savoir ? J'ai très<br />
vite besoin de pr<strong>en</strong>dre du recul par rapport à une pra¬<br />
tique quotidi<strong>en</strong>ne dont je découvre les rituels, le code<br />
de bonne conduite pour les élèves mais aussi pour les<br />
<strong>en</strong>seignants. L'image de l'inspecteur plane, imprègne<br />
faits et gestes, inspecteur réel ou inspecteur fictif,<br />
refuge pour justifier ses propres pratiques ? Les<br />
échanges <strong>en</strong>tre collègues ne permett<strong>en</strong>t pas de<br />
s'interroger sur ce que l'on fait.<br />
Une étrange impression de ne pas être à la bonne<br />
place m'oblige à pr<strong>en</strong>dre de la distance. Qu'est-ce qui<br />
nous oblige à r<strong>en</strong>dre l'école désagréable ? L'échec<br />
serait-il, <strong>en</strong> partie, produit par les professionnels au<br />
quotidi<strong>en</strong> ? Avec qui peut-on <strong>en</strong> parler ?<br />
J'ai la conviction qu'on peut faire l'école autrem<strong>en</strong>t et<br />
particulièrem<strong>en</strong>t pour ces publics qui sont les plus<br />
éloignés du monde scolaire. Tout est-il à inv<strong>en</strong>ter ?<br />
Est-ce que je rêve debout ?<br />
Compr<strong>en</strong>dre le rapport <strong>en</strong>tre l'échec scolaire, qui<br />
touche massivem<strong>en</strong>t les publics avec qui je veux tra¬<br />
vailler et les pratiques professionnelles, compr<strong>en</strong>dre<br />
les inégalités d'accès au savoir constitu<strong>en</strong>t dès lors le<br />
fil directeur de mes préoccupations professionnelles,<br />
compr<strong>en</strong>dre pour m'expliquer mais compr<strong>en</strong>dre<br />
pour agir.<br />
Après deux pas <strong>en</strong> avant dans l'exercice de la fonc¬<br />
tion, je fais trois pas sur le côté et me plonge dans les<br />
lectures : que sait-on de cet échec qui semble fatal<br />
dans la pratique ? Je cherche et je trouve : Hélène<br />
Romian, "Le Plan de rénovation du français", "Le<br />
Plan Langevin-Wallon", "Le Handicap socioculturel<br />
<strong>en</strong> question," "La Dyslexie <strong>en</strong> question", "L'Échec<br />
scolaire n'est pas une fatalité". Les recherches du<br />
CRESAS sont dev<strong>en</strong>ues depuis lors une référ<strong>en</strong>ce.<br />
Pourquoi alors, puisque des recherches l'expli¬<br />
qu<strong>en</strong>t, ne ti<strong>en</strong>t-on pas compte de ces résultats sur le<br />
terrain ? Pourquoi <strong>en</strong> rester à la théorie du handicap<br />
qui accompagne celle du don ? Quelle est notre fonc¬<br />
tion : celle de confirmer une fatalité contre laquelle<br />
on ne peut ri<strong>en</strong> ? Certes il y a les pratiques Freinet,<br />
leur publication et leur réseau, lueur d'espoir, où<br />
sont ces écoles ? Celles que j'ai r<strong>en</strong>contrées sont à la<br />
campagne. Y <strong>en</strong> a-t-il dans les banlieues "difficiles" ?<br />
C'est à ce mom<strong>en</strong>t-là que je découvre les Cahiers<br />
pédagogiques, dont je ne ferai pas l'éloge puisque je<br />
suis maint<strong>en</strong>ant correspondante académique. Je<br />
58 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
<strong>en</strong>contre Pierre Boutan, spécialisé dans la langue<br />
que nous avons apprise à l'école, "la langue des Mes¬<br />
sieurs", comme il dit. Il <strong>en</strong>seigne à l'École Normale,<br />
on discute, on échange, <strong>en</strong> toile de fond... la démo¬<br />
cratisation du savoir pour tous et pas seulem<strong>en</strong>t pour<br />
ceux qui sav<strong>en</strong>t déjà. Le dialogue verbal est actuelle¬<br />
m<strong>en</strong>t rompu ... distance géographique oblige mais le<br />
contact est resté par les livres. Ses écrits m'ont<br />
accompagnée jusqu'à ma thèse.<br />
Augusto Boal, deuxième r<strong>en</strong>contre p<strong>en</strong>dant ces<br />
quelques pas que je crois de côté, me fait découvrir<br />
le théâtre sans spectateurs passifs, ou plutôt le<br />
théâtre sans spectacle achevé : la parole est aux spec¬<br />
tateurs, part de pouvoir qui leur est accordée, inter¬<br />
rompre le spectacle, remplacer un acteur pour que<br />
la scène se déroule autrem<strong>en</strong>t. Une règle : on ne<br />
remplace pas les oppresseurs, c'est le théâtre de<br />
l'opprimé. En une soirée on crée le spectacle que<br />
l'on produit, je "m'<strong>en</strong>gage, je me forme, devi<strong>en</strong>s for¬<br />
matrice, écris des spectacles, fais de la mise <strong>en</strong> scène,<br />
échanges nationaux et internationaux, donner la<br />
parole à ceux qui ne vont jamais au théâtre, tout un<br />
programme...".<br />
La tête tourne mais le doute s'installe : on donne la<br />
parole et après que se passe-t-il dans la réalité de ces<br />
publics ? Certes ma réalité change, les réseaux se<br />
construis<strong>en</strong>t, je voyage, je fais des r<strong>en</strong>contres, je<br />
forme des adultes aux pratiques théâtrales.<br />
Passionnant, je suis toujours institutrice <strong>en</strong> titre mais<br />
par compagnonnage, j'appr<strong>en</strong>ds et exerce les fonc¬<br />
tions liées à la docum<strong>en</strong>tation, et j'anime <strong>en</strong> forma¬<br />
tion initiale et continue des stages de théâtre.<br />
On fait appel à moi dans la cité de transit voisine pour<br />
"travailler" sur les problèmes de communication<br />
inter-ethnique. Je retrouve les associations de travail¬<br />
leurs migrants. C'est la naissance des ZEP (Zone<br />
d'Education Prioritaire), innovation nationale, rêve<br />
d'équité, je m'<strong>en</strong>gage tête baissée et par cooptation,<br />
nouvelle forme de recrutem<strong>en</strong>t sur profil, pour une<br />
nouvelle manière d'<strong>en</strong>seigner qui prône la discrimi¬<br />
nation positive. Je plonge dans le projet, forte de mes<br />
compét<strong>en</strong>ces acquises récemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> matière de<br />
théâtre et de création et animation de bibliothèque. Je<br />
crois avoir trouvé ce que je cherche : une autre orga¬<br />
nisation du travail qui interroge simultaném<strong>en</strong>t ce<br />
qu'on fait, pourquoi on le fait et comm<strong>en</strong>t on le fait.<br />
On est <strong>en</strong> 1981.<br />
CHANTELOUP-LES-VIGNES :<br />
LES LIMITES DE L'INNOVATION<br />
Cité de transit accrochée à un petit village maraîcher,<br />
belle réalisation... vue d'avion. Au sol, la réalité est<br />
tout autre : transit définitif? 11 n'y a pas de flèche pour<br />
la sortie. Les appartem<strong>en</strong>ts s'<strong>en</strong>fonc<strong>en</strong>t dans le sol<br />
meuble, le chauffage n'est pas installé partout, les<br />
parpaings vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t murer les appartem<strong>en</strong>ts à risque,<br />
l'école Ronsard s'est installée dans un bâtim<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
préfabriqué initialem<strong>en</strong>t destiné à être un gymnase.<br />
Comm<strong>en</strong>t travailler autrem<strong>en</strong>t avec ces <strong>en</strong>fants-là ?<br />
Tous les ingrédi<strong>en</strong>ts sont là : une équipe volontaire,<br />
un directeur, Jean-Claude, qui a l'énergie pour porter<br />
le projet, stimuler, dynamiser le groupe, un projet<br />
ZEP, un investissem<strong>en</strong>t de tous les part<strong>en</strong>aires : ceux<br />
de l'école mais égalem<strong>en</strong>t les associations locales,<br />
l'inspecteur, version Freinet. On s'appuie sur les<br />
écrits de B. Chariot.<br />
La vie de l'école se mélange à la vie de quartier. Certes<br />
il y a le problème de la langue et de la culture, telle¬<br />
m<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes de celles de l'école, mais aussi telle¬<br />
m<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes <strong>en</strong>tre elles. Quinze nationalités sont<br />
prés<strong>en</strong>tes, bi<strong>en</strong> que la cité soit sectorisée : on accueille<br />
l'Afrique Noire et l'Asie.<br />
La lecture est l'axe c<strong>en</strong>tral de notre réflexion et de nos<br />
pratiques. Tout tourne autour de la Bibliothèque<br />
C<strong>en</strong>tre <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>aire que j'anime avec une autre col¬<br />
lègue. Les élèves vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t quand ils veul<strong>en</strong>t tout au<br />
long de la journée : lecture <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>fants, <strong>en</strong>tre par<strong>en</strong>ts<br />
et <strong>en</strong>fants, lecture aux adultes dans le quartier, dans les<br />
associations, réflexion avec l'Association Française<br />
pour la Lecture (AFL), lecture desc<strong>en</strong>dante/asc<strong>en</strong>¬<br />
dante. Au fait comm<strong>en</strong>t ai-je appris à lire ?<br />
On se fait pr<strong>en</strong>dre au piège du tout fonctionnel. Tout<br />
est sur étiquettes, on <strong>en</strong> oublie de parler. Pour aller à<br />
la bibliothèque : pr<strong>en</strong>dre l'étiquette, pour aller aux<br />
jeux : pr<strong>en</strong>dre l'étiquette, pour aller aux toilettes :<br />
pr<strong>en</strong>dre l'étiquette jusqu'au jour où un élève fait pipi<br />
sur l'étiquette toilettes. On était tombé dans l'excès.<br />
Et l'oral alors, comm<strong>en</strong>t ne pas s'être aperçu que la<br />
langue orale était au moins aussi importante que la<br />
lecture. Je revi<strong>en</strong>s ainsi à mes préoccupations pre¬<br />
mières : la parole. Impossible, pourtant, d'avancer<br />
sur le plan des pratiques.<br />
La réalité institutionnelle et politique nous fait<br />
remettre trop rapidem<strong>en</strong>t les pieds "sur terre". La<br />
CHEMINS DE PRATICIENS 59
municipalité change d'ori<strong>en</strong>tation politique. On<br />
s'accordait avec la précéd<strong>en</strong>te, mais les projets de<br />
cette municipalité de droite se superpos<strong>en</strong>t mal avec<br />
les nôtres faits pour ces populations qui ne peuv<strong>en</strong>t<br />
pas voter. Assainir la cité, ne garder que les person¬<br />
nes solvables, <strong>en</strong> finir avec la cité de transit. Alors<br />
bi<strong>en</strong> que très local, notre projet, sans ambition<br />
démesurée, circonscrit à une extrémité de la cité,<br />
dérange. De l'innovation ! "dans les banlieues diffici¬<br />
les" ! N'est-ce pas contradictoire ? II faut des repères,<br />
des structures bi<strong>en</strong> établies, un cadre rigoureux.<br />
Les ZEP n'étai<strong>en</strong>t-elles pas <strong>en</strong>gagées dans la logique<br />
de la discrimination positive ? Fallait-il donner du<br />
plus, toujours le même ?<br />
L'école dérange. Le problème s'est déplacé, ce n'est plus<br />
une personne dans un groupe qui n'est pas à sa place,<br />
c'est une école dans une cité. Dans cette école on joue,<br />
ce n'est pas sérieux, il n'y a pas de devoirs le soir, per¬<br />
sonne ne redouble. Notre inspecteur est parti à la<br />
retraite, plus de souti<strong>en</strong> institutionnel. Le nouvel ins¬<br />
pecteur demande des comptes : expliquez-nous vos<br />
cycles, comm<strong>en</strong>t évaluez-vous les élèves, car si les résul¬<br />
tats, au collège, des élèves issus de notre école sont com¬<br />
parables à ceux des autres écoles, et que, de plus, tous<br />
les élèves sont à l'heure à leur <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> sixième cela ne<br />
suffit pas il faut des notes, des évaluations/contrôles.<br />
C'est toute notre façon de p<strong>en</strong>ser l'école qui est mise <strong>en</strong><br />
cause .... l'école va fermer ... le maire repr<strong>en</strong>d les<br />
locaux ... initialem<strong>en</strong>t c'était prévu pour un gymnase.<br />
J'ai l'impression d'avoir fait un tour. Situation r<strong>en</strong>ou¬<br />
velée à une autre échelle, la première fois je me s<strong>en</strong>¬<br />
tais seule dans l'école, cette fois c'est l'école qui est<br />
toute seule au milieu des autres écoles. Pr<strong>en</strong>dre de la<br />
distance et du recul. Je r<strong>en</strong>contre Jacques Hédoux,<br />
maître de confér<strong>en</strong>ces à l'université de Lille III <strong>en</strong><br />
sci<strong>en</strong>ces de l'éducation, dans le cadre des études que<br />
j'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>ds. Il m'ouvre des pistes de réflexion à<br />
travers les lectures qu'il me propose : "Suffit-il d'inno¬<br />
ver ? " (G. Langouet) et "Fuir ou construire l'école<br />
populaire" de Tripier et Léger me permett<strong>en</strong>t de<br />
franchir le cap de cette fermeture à travers deux<br />
questions ess<strong>en</strong>tielles qui interrog<strong>en</strong>t ma pratique<br />
d'<strong>en</strong>seignante-militante. C'est dans ce contexte que<br />
la vie me fait découvrir le Nord-Pas-de-Calais, région<br />
historiquem<strong>en</strong>t militante. "Si vous partez là-bas,<br />
vous ne pourrez jamais <strong>en</strong> rev<strong>en</strong>ir". "D'accord" ai-je<br />
dit et maint<strong>en</strong>ant que j'y suis, j'y reste.<br />
1989 ; DES ENFANTS AUX ADULTES<br />
J'arrive dans le Nord, terre d'accueil, dit-on de l'inté¬<br />
rieur, et je découvre la réalité professionnelle, un<br />
bond <strong>en</strong> arrière. Ida berger le disait bi<strong>en</strong> "nous som¬<br />
mes persuadés que les comportem<strong>en</strong>ts et les attitudes<br />
des habitants de Paris et de sa banlieue ont un carac¬<br />
tère précurseur". Cela ne fait que six années que je<br />
suis institutrice titulaire et pourtant je n'imagine pas<br />
tout recomm<strong>en</strong>cer. J'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>ds un parcours décou¬<br />
verte, sous le statut de remplaçante, et découvre ce plat<br />
pays, et les langues locales. Simultaném<strong>en</strong>t, je suis<br />
<strong>en</strong>gagée dans le cursus universitaire <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation, <strong>en</strong>trée par validation d'acquis profession¬<br />
nels. Et autour de Jacques Hédoux, je fais connais¬<br />
sance avec d'autres <strong>en</strong>seignants, une autre manière<br />
d'<strong>en</strong>seigner à l'université, des <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts qui<br />
interrog<strong>en</strong>t les conditions professionnelles d'exercice<br />
et d'autres <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, ceux que je n'ai pas eus<br />
quand j'étais <strong>en</strong> formation à l'École Normale, dont la<br />
sociologie de l'éducation et de la formation. Com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre, analyser les <strong>en</strong>jeux ... <strong>en</strong>fin une formation<br />
qui parle vrai... et me conforte dans l'idée que c'est<br />
l'équipe tout <strong>en</strong>tière d'un établissem<strong>en</strong>t qui peut<br />
conduire à un effet établissem<strong>en</strong>t positif ou négatif,<br />
dans des limites socio-historiques déterminées, effet<br />
établissem<strong>en</strong>t qui comm<strong>en</strong>ce à faire son apparition<br />
dans le champ de la recherche, ou plutôt dans le<br />
champ de mes lectures.<br />
J'appr<strong>en</strong>ds, alors, l'exist<strong>en</strong>ce des Actions Collectives<br />
de Formation : des formations organisées, structurées<br />
par l'université, disp<strong>en</strong>sées par des <strong>en</strong>seignants cher¬<br />
cheurs, pour des publics les plus éloignés, a priori, de<br />
la formation. C'était donc possible ! Tous les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants qui <strong>en</strong> parl<strong>en</strong>t travaill<strong>en</strong>t ou sont proches du<br />
CUEEP (C<strong>en</strong>tre Universitaire Economie Education<br />
Perman<strong>en</strong>te), étrange sigle dont je ne connais pas la<br />
signification à cette époque-là. J'appr<strong>en</strong>ds qu'il existe<br />
le Diplôme Universitaire de Formateurs d'Adultes.<br />
J'appr<strong>en</strong>ds que je ne sais ri<strong>en</strong>. La formation pour les<br />
adultes est <strong>en</strong>gagée, militante. Je découvre Bertrand<br />
Schwartz, Claude Dubar et les autres. Concilier vie<br />
professionnelle et valeurs, n'est-ce pas ce que je<br />
cherche depuis le début ? Ne pas m'affronter quoti¬<br />
di<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t aux limites de l'individualisme pédago¬<br />
gique ? Pourquoi n'ai-je pas découvert cela avant, mais<br />
ce n'est pas trop tard. Jacques m'accompagne dans ma<br />
60 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
démarche de formation, me souti<strong>en</strong>t, pourquoi moi ?<br />
Tout va très vite à ce mom<strong>en</strong>t-là : Loi d'ori<strong>en</strong>tation de<br />
1989, travailler autrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> équipe, par cycles, ne<br />
pas faire redoubler : institutionnalisation d'une pra¬<br />
tique qui nous a valu à Chanteloup la fermeture de<br />
l'école. Situation paradoxale que je n'ai pas <strong>en</strong>vie de<br />
vivre. La loi d'ori<strong>en</strong>tation bouscule, c'est la tempête<br />
dans les pratiques bi<strong>en</strong> installées : autre organisation<br />
du travail "ma classe, mes élèves, mes crayons, vont<br />
dev<strong>en</strong>ir une classe, les élèves, nos crayons". C'est un<br />
signe, signe que je ne veux pas rev<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> arrière,<br />
signe qu'il faut que je parte, que mes activités avec les<br />
adultes doiv<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir la dominante, qu'il faut que<br />
je me professionnalise dans le domaine. La région est<br />
appropriée, les structures exist<strong>en</strong>t.<br />
Je r<strong>en</strong>contre l'inspecteur local : il me propose<br />
d'accompagner l'<strong>en</strong>trée, <strong>en</strong> France, d'<strong>en</strong>fants de<br />
migrants placés à la Maison de l'Enfance. Situation<br />
professionnelle difficile vécue par les autres comme<br />
un privilège qui m'est accordé ... soupçon, méfiance à<br />
mon égard. Qui suis-je ? se demand<strong>en</strong>t-ils. L'inspec¬<br />
teur me propose de travailler dans une école pour<br />
reconstruire l'équipe, impulser une dynamique, tra¬<br />
vailler autrem<strong>en</strong>t avec des <strong>en</strong>seignants qui ne sont<br />
pas demandeurs. Sur la même période je suis<br />
recrutée, par l'intermédiaire de Jacques Hédoux,<br />
comme vacataire à l'université de Lille.<br />
Simultaném<strong>en</strong>t, le CAPES Sci<strong>en</strong>ces et techniques<br />
docum<strong>en</strong>taires est né. Autre innovation institution¬<br />
nelle, c'est peut-être la saison. Je franchis ce pas qui<br />
relie, dans mes représ<strong>en</strong>tations, plusieurs aspects de<br />
mes intérêts professionnels : associer le livre à l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gné, le livre à l'<strong>en</strong>seignant, travailler autrem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong><br />
équipe. C'est <strong>en</strong>core Jacques qui me donne des noms,<br />
des contacts à pr<strong>en</strong>dre : Christiane Étévé que je r<strong>en</strong>¬<br />
contre plus tard et à qui j'ai promis cet article depuis<br />
longtemps déjà.<br />
Mais c'est aussi le mom<strong>en</strong>t du DEA, j'explore une<br />
grande question, celle de l'oral, de la prise de parole. Je<br />
n'échappe pas à l'effet de mode. Toutes les difficultés<br />
du monde ne sont-elles pas des problèmes de commu¬<br />
nication ? Suffit-il de donner la parole pour pouvoir la<br />
pr<strong>en</strong>dre ? Pourquoi ceux qui ont le plus de difficultés à<br />
pr<strong>en</strong>dre la parole <strong>en</strong> public sont-ils toujours les<br />
mêmes : ceux de Sartrouville, d'Arg<strong>en</strong>teuil, de Man¬<br />
tes et de Chanteloup, de Sallaumines et de Lille Sud ?<br />
Toutes ces questions seront le point de départ de mes<br />
recherches pour écrire une thèse, sout<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> 1999 .<br />
C'est Paul Demunter, professeur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation à Lille I, qui m'accompagne : l'échange<br />
lors de notre première r<strong>en</strong>contre sur le sujet est dés¬<br />
tabilisant. "Dire que les situations d'échec scolaire et<br />
peut-être social <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des li<strong>en</strong>s directs avec la<br />
maîtrise de la langue, et son évaluation" frise la tauto¬<br />
logie. Tout ce parcours pour <strong>en</strong> arriver là ! Je m'étais<br />
mal fait compr<strong>en</strong>dre. Depuis nous sommes amis.<br />
Depuis lors, je travaille au CUEEP, attachée de<br />
recherche dans un premier temps, au c<strong>en</strong>tre de docu¬<br />
m<strong>en</strong>tation dans un second, y <strong>en</strong>seigne la sociologie<br />
du travail et de la formation à des publics qui ont<br />
connu des difficultés de parcours scolaire et vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
se qualifier pour être formateur d'adultes. Mes fonc¬<br />
tions, à la docum<strong>en</strong>tation, comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à ressembler<br />
à ce que j'imaginais : travailler sur la méthodologie du<br />
travail intellectuel avec les étudiants.<br />
Lors de la parution du numéro des Cahiers pédagogi¬<br />
ques sur la communication et, inquiète de la dispari¬<br />
tion de cette publication des rayons, j'ai fait plus<br />
amplem<strong>en</strong>t connaissance avec le mouvem<strong>en</strong>t et me<br />
suis fait propulser volontairem<strong>en</strong>t sur la marche des<br />
correspondants académiques.<br />
De livres <strong>en</strong> revues, des dialogues intérieurs à la r<strong>en</strong>¬<br />
contre d'auteurs-chercheurs, j'ai franchi un autre cap,<br />
celui des r<strong>en</strong>contres, des réseaux, des échanges, des<br />
réflexions collectives, de l'écriture sur ses pratiques,<br />
chemin ô combi<strong>en</strong> difficile. Suis-je capable d'écrire<br />
seule, moi qui suis sortie de ma petite banlieue ?<br />
Passionnée, passionnant, écriture de la thèse et<br />
confiance <strong>en</strong> soi se développ<strong>en</strong>t simultaném<strong>en</strong>t. Les<br />
degrés de légitimité gagnés par cette démarche ont<br />
donné une place à ma parole : je participe aux collo¬<br />
ques. Place acquise, volée, reconnue, donnée <strong>en</strong> tous<br />
les cas par ceux que j'ai r<strong>en</strong>contrés sur ma route. Alors<br />
maint<strong>en</strong>ant trouver le chemin pour la donner aux<br />
autres, à tous ceux qui, comme moi, cherch<strong>en</strong>t leur<br />
chemin, un nouveau pas à franchir qui me conduira<br />
peut-être à écrire mon itinéraire de lecture indisso¬<br />
ciable de mon parcours.<br />
1 Presse, Marie-Christine. Non verbal et communication . pédagogie différ<strong>en</strong>ciée ou différ<strong>en</strong>ciation sociale. Thèse de doctorat<br />
Université de Lille 1 : janvier 1999.<br />
CHEMINS DE PRATICIENS<br />
61
Car, des auteurs, je les ai cités, pas tous, ceux qui<br />
m'ont marquée me sont peut-être rev<strong>en</strong>us à la<br />
mémoire, des ouvrages, il y <strong>en</strong> a eu des quantités.<br />
Faire une bibliographie est t<strong>en</strong>tant, mais l'exhausti¬<br />
vité s'imposerait, car si des titres revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus faci¬<br />
lem<strong>en</strong>t que d'autres c'est peut-être parce qu'ils ont<br />
été ou sont source d'échanges avec d'autres lecteurs.<br />
Des auteurs qui m'ont marquée, dont je lis tout ce<br />
qu'ils écriv<strong>en</strong>t, il y <strong>en</strong> a. Il m'ont fait découvrir<br />
d'autres auteurs. Parmi tous ceux-là, lesquels m'ont<br />
le plus imprégnée, je ne sais pas. La liste qui va suivre<br />
n'a donc ri<strong>en</strong> d'exhaustif, de rationnel, ni même<br />
peut-être de significatif. On pourrait préférer citer<br />
ceux avec lesquels la communication semble plus<br />
facile, par proximité de parcours ou proximité de<br />
p<strong>en</strong>sée mais les autres sont importants pour ébranler<br />
les convictions, trouver les argum<strong>en</strong>ts pour déf<strong>en</strong>dre<br />
ses valeurs. J'aurais égalem<strong>en</strong>t pu classer par thème :<br />
innovations pédagogiques, sociologie, etc. Dilemme<br />
réglé par le nombre de pages et l'objectif de l'article,<br />
je ne vais citer que quelques-uns de ceux que j'ai lus<br />
avec beaucoup de plaisir.<br />
Marie-Christine PRESSE<br />
Professeur certifié <strong>en</strong> docum<strong>en</strong>tation<br />
Docteur <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation<br />
CUEEP/ Université de LILLE 1<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
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Paris : PUF, 1979.<br />
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dufrançais à l'écoleprimaire. Paris : Armand Colin, 1996.<br />
CHARLOT, B. De "La mystification pédagogique"<br />
à "Le rapport au savoir <strong>en</strong> milieu populaire ". Paris :<br />
Petite Bibliothèque Payot, 1976. (Traces ; 385) ; Paris :<br />
Anthropos, 1999.<br />
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Seuil, 1992.<br />
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Berne : Peter Lang, 1984.<br />
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Éditions Delval, 1984.<br />
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Paris : ESF, 1976.<br />
ZIMMERMAN, D. La sélection non-verbale à l'école. Paris :<br />
ESF, 1982. (Sci<strong>en</strong>ce de l'éducation).<br />
Et tous les autres<br />
62 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
CHEMINS<br />
DE DOCTORANT
LES CONTRADICTIONS<br />
DE L'HISTOIRE : L'EXPÉRIENCE<br />
DES PIONNIERS DE LA<br />
PSYCHOLOGIE SCOLAIRE<br />
ET LTNFAN INADAPTÉE"<br />
NATHALIE BÉLANGER<br />
C*^ et article traite du secteur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
spécialisé destiné aux élèves id<strong>en</strong>tifiés<br />
J comme étant, selon les catégories utilisées au<br />
sortir de la Deuxième Guerre mondiale, "inadaptés"<br />
et du rôle des psychologues scolaires au sein de ce<br />
secteur. Au début de mes études doctorales, je sou¬<br />
haitais id<strong>en</strong>tifier les événem<strong>en</strong>ts ayant permis à cette<br />
forme d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t d'apparaître, afin d'éviter de<br />
pr<strong>en</strong>dre pour acquis que cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé<br />
ait été p<strong>en</strong>sé et mis <strong>en</strong> place suite à la découverte<br />
d'<strong>en</strong>fants "irréguliers" ou "anormaux", pour<br />
repr<strong>en</strong>dre les termes du début du siècle. Mon but,<br />
ambitieux au départ, était d'examiner les composan¬<br />
tes sociales, professionnelles et structurelles ayant<br />
permis l'émerg<strong>en</strong>ce de cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé.<br />
La seule analyse de ces filières spécialisées, changean¬<br />
tes au regard des époques et des milieux, ne permet¬<br />
tait pas <strong>en</strong> soi une approche très précise de ce<br />
phénomène. En examinant plutôt le développem<strong>en</strong>t<br />
de la psychologie scolaire, un accès plus précis au<br />
secteur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé et de "l'<strong>en</strong>fance<br />
inadaptée" m'était offert pour compr<strong>en</strong>dre, du<br />
moins <strong>en</strong> partie, les conditions d'émerg<strong>en</strong>ce de ce<br />
secteur. À la fin des années 1950 et au début des<br />
années 1960, des psychologues scolaires, ayant été<br />
formés à partir de la Seconde Guerre mondiale, ont<br />
été associés à ce secteur d'activité très florissant à<br />
cette époque qu'était "l'<strong>en</strong>fance inadaptée". Le but<br />
poursuivi par les psychologues scolaires était alors de<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> aide aux <strong>en</strong>fants éprouvés par la guerre et<br />
ayant accusé un retard scolaire. Or, la psychologie<br />
scolaire avait plutôt pour tâche, du moins à l'origine,<br />
tel qu'il est précisé théoriquem<strong>en</strong>t dans le plan Lan¬<br />
gevin-Wallon, de favoriser l'adaptation de l'élève à<br />
l'école et de veiller à la meilleure appropriation de<br />
l'école par l'<strong>en</strong>fant et non d'interv<strong>en</strong>ir uniquem<strong>en</strong>t<br />
auprès des élèves "inadaptés". Il faut toutefois préci¬<br />
ser que la préoccupation de certains psychologues<br />
scolaires concernant les <strong>en</strong>fants "<strong>en</strong> retard" ou ayant<br />
des problèmes n'était pas, à cette époque, tout à fait<br />
nouvelle. Le "cadeau de la Direction de l'<strong>en</strong>fance ina¬<br />
daptée", comme le rappelle R. Zazzo, un des fonda¬<br />
teurs de la psychologie scolaire, qui permit de<br />
"mettre officieusem<strong>en</strong>t, chaque année, une vingtaine<br />
de postes à la disposition de la psychologie scolaire<br />
[et qui] devait se révéler par la suite un cadeau<br />
empoisonné" (1987, p. 7), marque <strong>en</strong> fait l'aboutisse¬<br />
m<strong>en</strong>t d'un processus déjà comm<strong>en</strong>cé depuis un bon<br />
mom<strong>en</strong>t.<br />
La volonté de déterminer les "aptitudes réelles" des<br />
<strong>en</strong>fants afin d'éviter de les exclure sur la base de<br />
déterminismes sociaux était déjà, pour A. Binet, ce<br />
"psychologue scolaire avant la lettre" (Ducoing,<br />
1990, p. 2), de première importance. Dans cette<br />
optique, il se proposait d'inv<strong>en</strong>ter une échelle de<br />
mesure de l'intellig<strong>en</strong>ce destinée à mettre <strong>en</strong> évi¬<br />
d<strong>en</strong>ce les "aptitudes réelles" des <strong>en</strong>fants (Binet, 1973,<br />
p. 225). Cette conception était sous-t<strong>en</strong>due par une<br />
65
volonté d'adapter l'homme à sa tâche précise, d'éva¬<br />
luer "le r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t de l'individu, son utilité sociale, sa<br />
valeur marchande" (p. 104). A. Binet a donc inauguré<br />
une pratique de détection des aptitudes des <strong>en</strong>fants,<br />
selon une conception qui sera reprise, <strong>en</strong> partie, par<br />
H. Wallon, autre personnalité c<strong>en</strong>trale dans l'histoire<br />
de la psychologie scolaire. Ce dernier préconisait une<br />
réforme de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t passant par une démocra¬<br />
tisation. L'objectif était que les <strong>en</strong>fants "ne trouv<strong>en</strong>t<br />
d'autre limitation que celle de leurs aptitudes" (plan<br />
Langevin-Wallon, 1964, p. 181). Il semble donc que le<br />
projet de la psychologie scolaire puisse être compris à<br />
travers cet idéal d'"id<strong>en</strong>tification des aptitudes réel¬<br />
les des sujets" que chérissai<strong>en</strong>t H. Wallon et, avant lui,<br />
A. Binet. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, ce "mot d'ordre égalitaire", la<br />
sélection par les aptitudes, a montré ses faiblesses<br />
puisqu'on "<strong>en</strong> a dégagé les composantes sociales"<br />
(V. Isambert-Jamati, 1985, p. 157). L'héritage théo¬<br />
rique de Binet et de ses successeurs a sans doute con¬<br />
tribué à induire cette image d'un psychologue<br />
scolaire qui ressemble à cet "homme à la valise [de<br />
tests] qui continue de nous coller à la peau malgré les<br />
t<strong>en</strong>tatives faites pour nous <strong>en</strong> débarrasser" (Guillemard,<br />
1995, p. 19). Par ailleurs, il semble que dès la<br />
mise <strong>en</strong> place de la psychologie scolaire <strong>en</strong> 1945, les<br />
psychologues scolaires aurai<strong>en</strong>t eu pour tâche<br />
d'assurer le recrutem<strong>en</strong>t des classes de perfectionne¬<br />
m<strong>en</strong>t. En 1948, aux journées de l'UNESCO, les psy¬<br />
chologues scolaires ont été officiellem<strong>en</strong>t invités à<br />
"dépister les arriérés et les mieux doués1". Une<br />
<strong>en</strong>quête de J. Piacère (1988) auprès des premiers psy¬<br />
chologues scolaires <strong>en</strong> exercice révèle la représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tion qu'avai<strong>en</strong>t ceux-là au sujet de leurs fonctions :<br />
sur une tr<strong>en</strong>taine de réponses recueillies <strong>en</strong> ce qui<br />
concerne la motivation au choix de carrière, 12<br />
d'<strong>en</strong>tre elles révèl<strong>en</strong>t une motivation c<strong>en</strong>trée sur les<br />
élèves afin d'aboutir à une meilleure connaissance de<br />
ces derniers et "assurer un recrutem<strong>en</strong>t plus judi¬<br />
cieux des classes spéciales" (p. 60). En outre, <strong>en</strong> 1952,<br />
un comm<strong>en</strong>taire de L. Lefèvre dans la revue des psy<br />
1 Archives n° 10-43 du collectif "Histoire de la psychologie scolaire".<br />
2 Bulletin de l'Association des Psychologues Scolaires (BAPS), juin 1952, #5.<br />
chologues scolaires précisait qu'"isolée, la psycho¬<br />
logie scolaire est réduite à piétiner", c'est pourquoi, il<br />
faut qu'elle "<strong>en</strong>tre dans le milieu scolaire par ses<br />
recherches sur le retard2" (p. 62). En fait, dès que<br />
"l'amicale des psychologues scolaires" est créée, une<br />
préoccupation ayant trait à la question des retards<br />
scolaires et de l'adaptation comm<strong>en</strong>ce à se former3.<br />
Cette préoccupation rejoignait celle du ministère de<br />
l'Instruction publique qui se souciait, à la même<br />
époque, de mettre <strong>en</strong> place des structures publiques<br />
pour "l'<strong>en</strong>fance inadaptée". R. Zazzo attribue la<br />
confusion <strong>en</strong>tre le secteur de 1' "<strong>en</strong>fance inadaptée" et<br />
la psychologie scolaire à une "certaine facilité" qui<br />
ti<strong>en</strong>t à : 1) "des raisons d'opportunités incitant le psy¬<br />
chologue scolaire, pour mieux se faire accepter, à aller<br />
au "plus urg<strong>en</strong>t", là où sa justification d'exister est la<br />
plus claire" et 2) une "illusion générale", c'est-à-dire<br />
cette idée qui "t<strong>en</strong>d à réduire les problèmes pratiques de<br />
psychologie à ceux qui sont formulables <strong>en</strong> termes de<br />
pathologie ou de défectologie" (1968, p. 258). Cette<br />
confusion a ret<strong>en</strong>u mon att<strong>en</strong>tion car elle permet de<br />
saisir comm<strong>en</strong>t le secteur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécia¬<br />
lisé s'est <strong>en</strong> partie constitué et institutionnalisé au tra¬<br />
vers d'une organisation singulière comme la<br />
psychologie scolaire. Le thème de mes recherches<br />
doctorales s'est donc peu à peu précisé et a donné lieu<br />
à la constitution d'une problématique de recherche.<br />
Les différ<strong>en</strong>ts contours que prit ma problématique de<br />
recherche, avant de pr<strong>en</strong>dre sa forme définitive -<br />
mais toujours provisoire - seront abordés. Il faut pré¬<br />
ciser ici que dans la chronologie de la recherche, la<br />
définition de la problématique et la délimitation des<br />
contours d'un objet subiss<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> cours de route, de<br />
nombreux remaniem<strong>en</strong>ts et des rectifications succes¬<br />
sives. Ainsi, il est difficile, voire artificiel, de prés<strong>en</strong>ter<br />
de façon linéaire le processus ayant conduit à l'élabo¬<br />
ration définitive d'une problématique. La construc¬<br />
tion d'un objet sociologique ou historique procède<br />
d'un va-et-vi<strong>en</strong>t continuel et de retours fréqu<strong>en</strong>ts aux<br />
sources docum<strong>en</strong>taires. Les étapes de cette construe-<br />
3 Voir à ce sujet le premier bulletin public publié par l'amicale des psychologues scolaires <strong>en</strong> 1953-54, #1. D'autres se destineront à<br />
des recherches portant sur la fatigue intellectuelle ou les didactiques des matières.<br />
66 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
tion et les différ<strong>en</strong>ts auteurs qui m'ont inspirée seront<br />
résumés et les résultats les plus significatifs seront<br />
rapportés. Enfin, <strong>en</strong> guise de conclusion, les difficul¬<br />
tés auxquelles j'ai dû faire face au cours de la<br />
recherche seront abordées.<br />
LES CONTOURS<br />
DURE PROBLÉMATIQUE<br />
Les travaux de F. Muel-Dreyfus (1975, 1983) et de P.<br />
Pinell et de M. Zafiropoulos (1983) se rapportant à la<br />
question de l'émerg<strong>en</strong>ce de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé<br />
ont nourri mes premières réflexions. Ces travaux<br />
r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux théories de la reproduction. Ceux-ci<br />
permett<strong>en</strong>t de critiquer les approches médicales et<br />
psychologiques <strong>en</strong> vigueur à la fin du XIXe siècle et au<br />
début du XXe siècle. Ces approches pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour<br />
acquis que l'individu est "porteur" de ses lacunes, de<br />
ses difficultés. À l'opposé, les auteurs cités plus haut<br />
propos<strong>en</strong>t une approche sociohistorique et souti<strong>en</strong>¬<br />
n<strong>en</strong>t que l'émerg<strong>en</strong>ce de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé<br />
correspond aux vux d'une bourgeoisie qui cherche<br />
à "normaliser" ou "moraliser" des classes sociales<br />
considérées comme déviantes. Leurs analyses ayant<br />
certes contribué à l'approfondissem<strong>en</strong>t de problèmes<br />
peu questionnés jusqu'aux années 1960, se révèl<strong>en</strong>t<br />
néanmoins limitées quand on t<strong>en</strong>te de compr<strong>en</strong>dre<br />
certains événem<strong>en</strong>ts précis ou points de vue<br />
d'acteurs qui ne se laiss<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>fermer dans les<br />
schémas de la moralisation ou de la normalisation de<br />
classes sociales (E. Plaisance, 1988). Les travaux du<br />
CRESAS, notamm<strong>en</strong>t ceux de M. Stambak et de M.<br />
Vial, publiés dès le début des années 1970, et <strong>en</strong> parti¬<br />
culier ceux de M. Vial dont on trouve une synthèse<br />
dans une publication datée de 1990, redonn<strong>en</strong>t aux<br />
acteurs sociaux la place qui leur revi<strong>en</strong>t dans le pro¬<br />
cessus de création des filières de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spé¬<br />
cialisé. En m'inspirant de ces travaux ainsi que de<br />
ceux de la sociologie de la médecine (E. Freidson,<br />
1984 ; P. Adam et C. Herzlich, 1994) et de la socio¬<br />
logie de la construction sociale (P. Berger et T. Luck-<br />
mann, 1989), j'ai t<strong>en</strong>té de compr<strong>en</strong>dre les fonde¬<br />
m<strong>en</strong>ts et les significations théoriques d'un schéma<br />
courant voulant que la psychologie scolaire soit une<br />
réponse à une école "<strong>en</strong> transformation" où l'accès de<br />
tous se généralise et où "le nombre d'inadaptés allant<br />
<strong>en</strong> s'accroissant, avec la loi de l'instruction publique,<br />
exigerait du psychologue scolaire une détection<br />
sci<strong>en</strong>tifique" (B. Andrey, J. Le M<strong>en</strong>, 1968, p. 22).<br />
À l'instar du travail de M. Vial cité précédemm<strong>en</strong>t,<br />
des contradictions ont ret<strong>en</strong>u mon att<strong>en</strong>tion : dans<br />
un cas, on prés<strong>en</strong>te ce schéma qui veut donc que la<br />
psychologie scolaire soit une réponse à une demande<br />
prov<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> quelque sorte de l'école et, dans l'autre,<br />
on trouve parmi des témoignages de psychologues et<br />
d'instituteurs, des révélations montrant que l'exer¬<br />
cice de la psychologie scolaire n'allait pas de soi et<br />
était même, quelques fois, difficilem<strong>en</strong>t accepté<br />
durant les années 1940 et 1950, du moins dans cer¬<br />
tains établissem<strong>en</strong>ts où l'on trouvait des psycholo¬<br />
gues scolaires <strong>en</strong> exercice. Il semble donc que la<br />
collaboration <strong>en</strong>tre les divers part<strong>en</strong>aires de l'école,<br />
c'est-à-dire les maîtres, les par<strong>en</strong>ts et les élèves, ne va<br />
pas de soi à la lumière de témoignages de psycholo¬<br />
gues scolaires (le plus souv<strong>en</strong>t d'anci<strong>en</strong>s instituteurs)<br />
qui affirm<strong>en</strong>t avoir beaucoup de difficulté à se faire<br />
accepter dans un premier temps :<br />
"En approchant de cette école où j'avais <strong>en</strong>seigné<br />
p<strong>en</strong>dant tant d'années, j'éprouvai soudain une cer¬<br />
taine inquiétude. Comm<strong>en</strong>t aborder avec un nou¬<br />
veau visage toutes celles avec lesquelles j'avais<br />
travaillé si longtemps <strong>en</strong> équipe sur les seuls problè¬<br />
mes pédagogiques ? Peut-être p<strong>en</strong>serai<strong>en</strong>t-elles que<br />
j'avais déserté mon poste par intérêt personnel, ou<br />
par désir d'indép<strong>en</strong>dance ? Ne craindrai<strong>en</strong>t-elles pas<br />
un certain contrôle de leurs méthodes ou de leurs<br />
résultats ? Il fallait donc ménager des susceptibilités<br />
légitimes ; vaincre des rétic<strong>en</strong>ces justifiées, <strong>en</strong> leur<br />
prouvant que je v<strong>en</strong>ais dans l'unique but de les aider<br />
par une meilleure connaissance de leurs élèves, par<br />
des méthodes d'investigation approfondie, leur per¬<br />
mettant de mieux compr<strong>en</strong>dre les causes de certains<br />
échecs scolaires4".<br />
4 Selon un témoignage de Marguerite Bourdier publié dans la revue Psychologie scolaire, 1988, "Accueil d'un psychologue scolaire<br />
<strong>en</strong> 1947 dans un établissem<strong>en</strong>t parisi<strong>en</strong>", #65, p. 72-73.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 67
En outre, J.L. Ducoing se surpr<strong>en</strong>d du manque de<br />
collaboration <strong>en</strong>tre les protagonistes :<br />
"Mais alors, si les psychologues et les rééducateurs à<br />
l'école répondai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> à une véritable att<strong>en</strong>te, ils<br />
devrai<strong>en</strong>t toujours fonctionner <strong>en</strong> harmonie avec<br />
tous leurs part<strong>en</strong>aires, or, d'évid<strong>en</strong>ce, ce n'est mal¬<br />
heureusem<strong>en</strong>t pas vrai dans tous les cas, tant s'<strong>en</strong> faut<br />
et nous constatons surtout qu'un cons<strong>en</strong>sus n'a<br />
jamais été totalem<strong>en</strong>t trouvé (1990, p. 2)".<br />
Cette idée d'une psychologie demandée ou réclamée<br />
par l'institution scolaire est quelque peu remise <strong>en</strong><br />
cause par les extraits précéd<strong>en</strong>ts. Soulignons par ail¬<br />
leurs que cette idée r<strong>en</strong>voie à la thèse de M. Vial au<br />
sujet de l'obligation scolaire et de la découverte de ces<br />
prét<strong>en</strong>dus "nouveaux anormaux de l'école". Selon<br />
cet auteur, les classes de perfectionnem<strong>en</strong>t créées <strong>en</strong><br />
1909 pour l'<strong>en</strong>fance "anormale" ne sont pas un abou¬<br />
tissem<strong>en</strong>t allant de soi mais bi<strong>en</strong> le produit d'une<br />
importation à l'école d'un savoir médico-psycholo¬<br />
gique dans lequel figur<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre autres, les recher¬<br />
ches <strong>en</strong> psychométrie d'Alfred Binet. Ce discours<br />
savant n'émanerait pas de l'Instruction Publique ; il<br />
aurait été t<strong>en</strong>u <strong>en</strong> dehors de la Ligue de l'Enseigne¬<br />
m<strong>en</strong>t (ligue à t<strong>en</strong>dance républicaine qui avait à cur<br />
la cause de "l'école pour tous") par des aliénistes et<br />
des sci<strong>en</strong>tifiques.<br />
Par là, cet auteur pr<strong>en</strong>d le contre-pied des thèses<br />
jusqu'alors admises <strong>en</strong> ce qui concerne l'émerg<strong>en</strong>ce<br />
et le développem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé (F.<br />
Muel-Dreyfus, 1975 ; P. Pinell et M. Zafiropoulos,<br />
1978, 1983). Avec celles-là, on considère que le sys¬<br />
tème scolaire pris dans son <strong>en</strong>semble et vu comme un<br />
organe de l'État qui divise, pratique une élimination<br />
systématique et délibérée des <strong>en</strong>fants de la classe<br />
défavorisée auxquels on attribue d'emblée la caracté¬<br />
ristique d'"arriéré m<strong>en</strong>tal" ou d'"anormal d'école",<br />
notion forgée afin de permettre la création des classes<br />
spécialisées. La loi de l'instruction obligatoire per¬<br />
mettrait ainsi la reconnaissance de nouveaux "anor¬<br />
maux de l'école". Or, cette idée selon laquelle la loi de<br />
l'instruction obligatoire prélude aux premières clas¬<br />
ses spécialisées destinées aux élèves "anormaux" des<br />
classes modestes est sérieusem<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> cause si<br />
5 op. cit. lettre inédite de R. Zazzo.<br />
l'on rappelle, grâce à V. Isambert-Jamati (1985), que<br />
"ce réseau spécialisé n'a jamais coïncidé avec la popu¬<br />
lation scolaire issue des couches populaires" (p. 156).<br />
En se prés<strong>en</strong>tant comme une réponse à un "besoin"<br />
face au nombre d'"inadaptés" allant <strong>en</strong> s'accroissant<br />
dans l'école, la psychologie scolaire porte le flanc à la<br />
critique de la même façon que les thèses décrites au<br />
paragraphe précéd<strong>en</strong>t. De façon similaire à la thèse<br />
de M. Vial qui ébranle ces certitudes voulant que la<br />
prés<strong>en</strong>ce d'un nombre plus important d'<strong>en</strong>fants à<br />
l'école - argum<strong>en</strong>t d'ailleurs plus ou moins fondé<br />
puisque A. Prost a montré que la loi de 1882 <strong>en</strong>térine<br />
une pratique déjà adoptée <strong>en</strong> partie - ait suscité une<br />
"demande" d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé, l'analyse des<br />
archives consultées dans le cadre de ce programme de<br />
recherche et des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s conduits auprès des psy¬<br />
chologues <strong>en</strong> exercice dans les années 40 et 50 nuance<br />
le fait que la psychologie scolaire ait répondu à la<br />
demande d'instituteurs soucieux d'adapter l'école aux<br />
nouveaux "inadaptés" grâce à l'introduction à l'école<br />
de la psychologie scolaire. Selon ce schéma qui veut<br />
que l'organisation de la psychologie scolaire <strong>en</strong> France<br />
ait correspondu à un besoin face à l'accroissem<strong>en</strong>t des<br />
"inadaptés" dans les classes des établissem<strong>en</strong>ts scolai¬<br />
res, on se trouve à définir cette dernière par les termes<br />
mêmes qu'elle t<strong>en</strong>d à récuser. R. Zazzo, le maître<br />
d'éuvre de l'expéri<strong>en</strong>ce française de la psychologie<br />
scolaire, n'a-t-il pas répété maintes fois l'importance<br />
de "connaître l'écolier normal avec ses problèmes nor¬<br />
maux" et non pas uniquem<strong>en</strong>t l'écolier "inadapté"5<br />
(1983) ? Même s'il est vrai que cette référ<strong>en</strong>ce à l'éco¬<br />
lier "normal" pose problème, n'<strong>en</strong> demeure pas moins<br />
le fait que le psychologue scolaire tel que le décrivai<strong>en</strong>t<br />
les pionniers de l'après-guerre devait se consacrer à<br />
tous les écoliers et non aux seuls "inadaptés".<br />
Le travail de recherche a permis d'approfondir cette<br />
contradiction et d'id<strong>en</strong>tifier les composantes sociales<br />
et structurelles ayant conduit à ces expéri<strong>en</strong>ces de<br />
psychologie scolaire, à examiner les raisons qui ont<br />
motivé sa mise <strong>en</strong> place, son ancrage théorique, son<br />
évolution, voire ses dérives, dans l'espoir, chemin fai¬<br />
sant, de saisir certains aspects de ce que l'on nomme<br />
le secteur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé. Il va sans dire<br />
68 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
que je n'ai pas cherché à faire l'histoire de la psycho¬<br />
logie scolaire pour elle-même mais accéder ainsi à<br />
des données pouvant informer l'histoire de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t spécialisé. J'ai voulu me défaire et délaisser<br />
les explications trop séduisantes, trop commodes qui<br />
vis<strong>en</strong>t à montrer, par exemple, que la mise <strong>en</strong> place<br />
de la psychologie à l'école correspond à un besoin<br />
profondém<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ti par l'<strong>en</strong>semble des acteurs<br />
scolaires. Bref des explications données après coup.<br />
Et puisque la sociologie de la connaissance se préoc¬<br />
cupe justem<strong>en</strong>t de la construction <strong>en</strong> tant que telle<br />
d'une demande sociale, des processus par lesquels des<br />
connaissances <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à être admises et reçues ou,<br />
pour le dire autrem<strong>en</strong>t, selon les termes de P. Berger et<br />
T. Luckmann (1989), aux relations <strong>en</strong>tre la p<strong>en</strong>sée<br />
humaine et le contexte dans lequel elle surgit, il deve¬<br />
nait pertin<strong>en</strong>t de questionner la réception de la psy¬<br />
chologie scolaire et ses li<strong>en</strong>s plus ou moins explicites,<br />
au début des années 1960, avec la sous-direction de<br />
l'<strong>en</strong>fance inadaptée. J'ai voulu, pour mieux r<strong>en</strong>dre<br />
compte de ces li<strong>en</strong>s qui uniss<strong>en</strong>t la psychologie sco¬<br />
laire à "l'<strong>en</strong>fance inadaptée", expression qui variera au<br />
cours des années, retrouver, petit à petit, les discours<br />
des acteurs sociaux, c'est-à-dire des principaux prota¬<br />
gonistes ayant souhaité la mise <strong>en</strong> place des services de<br />
psychologie scolaire, retrouver leurs visions du<br />
monde, leurs idéaux, leurs <strong>en</strong>treprises et expéri<strong>en</strong>ces<br />
plus ou moins assurées de succès, selon les cas. Ces<br />
données représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la matière brute de mon travail.<br />
Elles provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s m<strong>en</strong>és auprès de psy¬<br />
chologues scolaires ayant pris part à la mise <strong>en</strong> place<br />
de leur profession après la Seconde Guerre mondiale<br />
et d'un fonds d'archives du collectif "Histoire de la psy¬<br />
chologie scolaire", cité précédemm<strong>en</strong>t (voir note 1),<br />
qui n'avait jamais été exploité auparavant. L'analyse<br />
de ces données permet de r<strong>en</strong>dre compte de ces "réali¬<br />
tés", de ces "objets sociaux", pour repr<strong>en</strong>dre la termi¬<br />
nologie de P. Berger et T. Luckmann, que sont la<br />
psychologie scolaire et "l'<strong>en</strong>fance inadaptée" <strong>en</strong> utili¬<br />
sant les mots, les notions propres à l'époque, évitant<br />
ainsi toute rétroprojection.<br />
Grâce à ce travail où, continuellem<strong>en</strong>t, les docu¬<br />
m<strong>en</strong>ts, les témoignages sont mis <strong>en</strong> relation, j'ai pu<br />
discerner les personnalités ayant considérablem<strong>en</strong>t<br />
influ<strong>en</strong>cé le dev<strong>en</strong>ir de la psychologie scolaire. J'ai<br />
compris l'importance des pionniers de la psycho¬<br />
logie, au premier rang H. Wallon et R. Zazzo, mais<br />
aussi, pour une période plus éloignée, celles de<br />
A. Binet et de A. Gessell. Il est intéressant de noter<br />
que ces deux auteurs, bi<strong>en</strong> qu'éloignés l'un de l'autre<br />
dans l'espace (contextes français et américain), pré¬<br />
s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t néanmoins des similitudes dans leurs appro¬<br />
ches de la psychologie appliquée à l'éducation. Sans<br />
verser dans une histoire des idées qui demeure artifi¬<br />
cielle au regard du contexte respectif des auteurs, je<br />
reti<strong>en</strong>drai ici cinq aspects communs aux auteurs cités<br />
précédemm<strong>en</strong>t :<br />
1. Ils souhait<strong>en</strong>t introduire des procédés "sci<strong>en</strong>tifi¬<br />
ques" <strong>en</strong> pédagogie. Ils sont motivés par une certaine<br />
idée de la modernité ;<br />
2. Ils imagin<strong>en</strong>t des interv<strong>en</strong>tions, des solutions qui<br />
profiterai<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants, qui les protégerai<strong>en</strong>t tout<br />
<strong>en</strong> leur donnant, <strong>en</strong> leur offrant leur place dans la<br />
société ;<br />
3. La société est souv<strong>en</strong>t posée <strong>en</strong> dualité par rapport<br />
aux individus qui la compos<strong>en</strong>t, d'où la pertin<strong>en</strong>ce de<br />
la notion d'adaptation, notion c<strong>en</strong>trale dans la<br />
théorie propre à la psychologie scolaire, même pour<br />
H. Wallon qui t<strong>en</strong>ait pourtant à ne pas séparer, théo¬<br />
riquem<strong>en</strong>t, l'individu de la société dans laquelle il vit ;<br />
4. D'un point de vue politique, la mise <strong>en</strong> place et<br />
l'accroissem<strong>en</strong>t des classes et écoles spécialisées<br />
sont considérées comme des mesures sociales et<br />
démocratiques dont doiv<strong>en</strong>t s'acquitter les États<br />
modernes et les instances d'éducation publique.<br />
Cep<strong>en</strong>dant, comme le précisait Binet, ces mesures<br />
ne devai<strong>en</strong>t pas être appliquées sans discernem<strong>en</strong>t,<br />
car elles risquai<strong>en</strong>t alors de desservir l'<strong>en</strong>fant ;<br />
5. L'idée de connaître l'<strong>en</strong>fant est récurr<strong>en</strong>te. Il faut<br />
connaître "sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t" les <strong>en</strong>fants dits "nor¬<br />
maux" et, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t, les "anormaux" ou, plus<br />
tard, les "inadaptés" qui peuv<strong>en</strong>t, selon eux, r<strong>en</strong>sei¬<br />
gner, tel l'<strong>en</strong>vers de quelque chose, au sujet de la nor¬<br />
malité ou de l'intellig<strong>en</strong>ce.<br />
Les différ<strong>en</strong>tes mesures d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé<br />
<strong>en</strong>visagées, par exemple par A. Binet ou H. Wallon,<br />
comme des filières démocratiques nécessaires à une<br />
école pour tous, nouvelle et plus ouverte, se sont avé¬<br />
rées, suite à la création de catégories toujours plus<br />
pointues, des filières ségrégatives et souv<strong>en</strong>t définiti¬<br />
ves, même si elles avai<strong>en</strong>t initialem<strong>en</strong>t pour but, et<br />
toujours d'après ces auteurs, de correspondre à des<br />
mesures temporaires pour des <strong>en</strong>fants "inadaptés" à<br />
l'école.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 69
Outre une meilleure compréh<strong>en</strong>sion du rôle de ces<br />
personnages c<strong>en</strong>traux, les <strong>en</strong>quêtes m<strong>en</strong>ées auprès de<br />
psychologues scolaires <strong>en</strong>gagés dès la fin de la guerre,<br />
la consultation des archives et l'analyse approfondie<br />
de la revue des psychologues scolaires, véritable<br />
mémoire de leur organisation, m'ont permis d'id<strong>en</strong>¬<br />
tifier les acteurs et porte-parole. Retracer leur rôle au<br />
sein de cette histoire revi<strong>en</strong>t à considérer les incerti¬<br />
tudes, les incompréh<strong>en</strong>sions, les aller et retour, les<br />
hasards, bref les différ<strong>en</strong>tes interactions <strong>en</strong>tre les<br />
acteurs sociaux, comme autant d'élém<strong>en</strong>ts informant<br />
l'histoire de la psychologie scolaire et de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t spécialisé. La suppression de la psychologie<br />
scolaire <strong>en</strong> 1954 et le redémarrage au début des<br />
années 1960 représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des mom<strong>en</strong>ts forts de cette<br />
histoire mouvem<strong>en</strong>tée.<br />
En 1954, le développem<strong>en</strong>t du corps des psycholo¬<br />
gues scolaires, jusqu'alors <strong>en</strong> progression, se com¬<br />
plique. Passé le climat favorable de la Libération et<br />
du plan Langevin-Wallon, les "idées perd<strong>en</strong>t de<br />
leur force motrice" (Ducoing, 1990, p. 2). La psy¬<br />
chologie scolaire française, pourtant florissante à<br />
<strong>en</strong> juger par les colloques organisés6, est donc<br />
ébranlée. En effet, cette même année, <strong>en</strong> raison<br />
d'une pénurie de maîtres, le nouveau directeur de<br />
l'Enseignem<strong>en</strong>t de la Seine, M. Piobetta, met un<br />
terme à l'expéri<strong>en</strong>ce parisi<strong>en</strong>ne. Les papiers per¬<br />
sonnels7 du directeur <strong>en</strong>tre 1947 et 1953 montr<strong>en</strong>t<br />
bi<strong>en</strong> cette demande de réintégration et de reclasse¬<br />
m<strong>en</strong>t pour les professeurs "détachés". Pour pou¬<br />
voir exercer la psychologie scolaire, il fallait, à<br />
l'époque, <strong>en</strong> tant qu'<strong>en</strong>seignant, obt<strong>en</strong>ir un déta¬<br />
chem<strong>en</strong>t dont la valeur n'était que provisoire. Pio¬<br />
betta dénoncera "l'alourdissem<strong>en</strong>t nocif du<br />
système éducatif et la trop "grande dispersion des<br />
responsabilités". Dans un même esprit, A. Boul-<br />
loche, ministre de l'Éducation nationale, s'exprime<br />
ainsi :<br />
"Il y aurait plus de 2 000 instituteurs "détachés", cer¬<br />
tains dis<strong>en</strong>t plus de 3 000 détachem<strong>en</strong>ts officiels ou<br />
clandestins. Beaucoup trop de ces détachem<strong>en</strong>ts sont<br />
abusifs, surtout lorsque sur le budget du Premier<br />
Degré, on paie des g<strong>en</strong>s qui sont à la disposition<br />
d'organismes n'ayant souv<strong>en</strong>t pas grand chose à voir<br />
avec l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Ne pourrait-on faire la chasse à<br />
ces "embusqués" de la pédagogie et les r<strong>en</strong>voyer dans<br />
nos classes qui manqu<strong>en</strong>t de maîtres, tandis que là où<br />
ils sont, des employés de bureau, des auxiliaires ou<br />
des retraités ferai<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t aussi bi<strong>en</strong><br />
l'affaire8".<br />
Les anci<strong>en</strong>s instituteurs dev<strong>en</strong>us psychologues sco¬<br />
laires devront, pour la plupart d'<strong>en</strong>tre eux,<br />
rejoindre les classes, certains iront vers les c<strong>en</strong>tres<br />
psychopédagogiques (CPP). Le ministère de l'Édu¬<br />
cation nationale supprime la formation de psycho¬<br />
logie scolaire. Il semble qu'elle ait été, avec Wallon,<br />
trop subversive. Le contexte, à tout le moins la<br />
guerre froide et le rejet du communisme, finit<br />
d'éclairer cette situation. À ce sujet, J. Simon dira<br />
que :<br />
"La brusque disparition de la première équipe <strong>en</strong><br />
1954 ne signa pas un constat d'échec. Elle relève des<br />
péripéties que peut <strong>en</strong>traîner une politique qui, par le<br />
truchem<strong>en</strong>t des institutions et sous le couvert de<br />
leurs besoins réels ou prét<strong>en</strong>dus, vise les hommes<br />
(1987, p. 776)".<br />
Timidem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1958 et surtout <strong>en</strong> 1960 et 1962, la<br />
psychologie scolaire refait surface sans la conno¬<br />
tation walloni<strong>en</strong>ne grâce à M. Lebettre de la direc¬<br />
tion ministérielle, dont l'épouse est elle-même<br />
psychologue scolaire9. C'est par l'intermédiaire de<br />
M. Lebettre qui associe d'emblée la psychologie<br />
6 Deux journées d'études, l'une à Sèvres <strong>en</strong> 1949 et l'autre à Gr<strong>en</strong>oble <strong>en</strong> 1950, avai<strong>en</strong>t été pourtant prometteuses pour l'av<strong>en</strong>ir.<br />
7 Voir les papiers personnels de M. Piobetta dans le versem<strong>en</strong>t 770526 des archives nationales, <strong>en</strong> particulier le projet de loi du<br />
6 août 1953, article 16 au sujet des demandes de réintégration et le docum<strong>en</strong>t au sujet de l'épuration administrative du 2 décembre<br />
1953. Cet administrateur voulait sans conteste rev<strong>en</strong>ir à une "anci<strong>en</strong>ne formule plus souple et simple" <strong>en</strong> ce qui concerne le<br />
reclassem<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>seignants.<br />
8 <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong> # 790802 des archives de Fontainebleau. Il s'agit d'un discours intitulé "Crise du recrutem<strong>en</strong>t" prononcé au déjeuner<br />
de la Presse régionale le 8 avril 1959 par A. Boulloche, ministre de l'Éducation nationale.<br />
9 Selon une information que nous a transmise un psychologue scolaire lors d'un <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> m<strong>en</strong>é le 14 décembre 1994.<br />
70 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
scolaire à la cause de l'<strong>en</strong>fance inadaptée que cette<br />
première refait surface10. On observe donc avec ce<br />
directeur, alors <strong>en</strong> charge de l'Enseignem<strong>en</strong>t pri¬<br />
maire, une relance de la psychologie scolaire .<br />
M. Petit, Inspecteur général de l'<strong>en</strong>fance inadaptée, et<br />
M. V<strong>en</strong>turini, Directeur de l'<strong>en</strong>fance inadaptée, asso¬<br />
cieront, <strong>en</strong> toute bonne foi, la formation de la<br />
psychologie scolaire à leur administration, à la suite<br />
de la circulaire interne émise par M. Lebettre<br />
(Andrey, 1976). C'était pour eux "une décision de<br />
circonstance1"".<br />
"Si les psychologues scolaires ont reçu un jour<br />
l'appellation de psychologues de l'<strong>en</strong>fance ina¬<br />
daptée, il s'agissait d'une décision de circonstance<br />
dont il était bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du qu'elle ne modifierait <strong>en</strong><br />
ri<strong>en</strong> les conditions d'exercice de la profession. Si,<br />
pour des raisons d'urg<strong>en</strong>ce, l'acc<strong>en</strong>t a été mis sur le<br />
dépistage des inadaptés <strong>en</strong> vue de l'ouverture de<br />
classes spéciales dont la nécessité est évid<strong>en</strong>te, nul<br />
n'a eu l'idée de faire de cette activité la fonction<br />
ess<strong>en</strong>tielle du psychologue. Il faut, au contraire, affir¬<br />
mer que deux tâches complém<strong>en</strong>taires doiv<strong>en</strong>t être<br />
m<strong>en</strong>ées de Iront : 1) la prév<strong>en</strong>tion des inadaptations<br />
qui est ess<strong>en</strong>tielle et 2) le placem<strong>en</strong>t spécialisé des<br />
inadaptés qui ne peuv<strong>en</strong>t tirer profit de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t normal".<br />
Il faut noter que le contexte et les leitmotivs de<br />
l'époque sont propices à cette relance : 1960, c'est la<br />
démocratisation de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et l'accès à<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t secondaire, la pression démogra¬<br />
phique, le souci d'une meilleure "adaptation sco¬<br />
laire" par la prév<strong>en</strong>tion des difficultés, et surtout<br />
l'aide mieux ajustée à l'<strong>en</strong>fance "inadaptée ". En<br />
pratique, les psychologues sortant de l'Institut vers<br />
1963 seront am<strong>en</strong>és, malgré eux, à faire de la "défecto¬<br />
logie". Considérons ce témoignage écrit de R. Mariel :<br />
"M. Valet, l'inspecteur adjoint que je r<strong>en</strong>contre assez<br />
régulièrem<strong>en</strong>t à Corbeil, me demande de m'occuper<br />
du fichier départem<strong>en</strong>tal de l'<strong>en</strong>fance inadaptée, ins¬<br />
trum<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>quête récemm<strong>en</strong>t créé par le ministère.<br />
Je me r<strong>en</strong>ds à Paris dans une annexe du ministère où<br />
l'on me remet un lot de fiches roses pour les filles et<br />
bleues pour les garçons - c'est original ! -, fiches que<br />
l'on doit perforer, suivant chaque cas, avec une pince<br />
à tiercé - que je garde <strong>en</strong> souv<strong>en</strong>ir ! - et que l'on<br />
consulte <strong>en</strong> utilisant des aiguilles à tricoter - c'est<br />
beau le progrès -. À temps perdu, je m'attelle à ce tra¬<br />
vail <strong>en</strong> utilisant mes propres données. M. Valet paraît<br />
10 La circulaire du 22 avril 1958 dit ceci : "La commission (<strong>en</strong> parlant des CMP) peut s'adjoindre, a titre consultatif, toutes personnes<br />
qui, par leurs titres, leur pratique ou leur compet<strong>en</strong>ce, sont susceptibles de l'éclairer : médecins spécialistes, maîtres titulaires du<br />
certificat d'aptitude a l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t special, psychologues scolaires, conseillers d'ori<strong>en</strong>tation professionnelle, etc.<br />
(p. 1 505- 1 506). 1 andis que la circulaire du 8- 1 1 -60 communém<strong>en</strong>t appelée "circulaire Lebettre", plus spécifique a la psychologie<br />
scolaire, réitère la formation des psychologues scolaires et leur donne comme mission temporaire le mandat de l'éducation<br />
spéciale. Bi<strong>en</strong> que ce r<strong>en</strong>voi aux classes spécialisées ne soit pas exclusil : "l'observation continue" de tous les élèves y est<br />
m<strong>en</strong>tionnée. Celles du 15-12-60 et du 6-09-62 respectivem<strong>en</strong>t, précis<strong>en</strong>t leurs fonctions : "Les psychologues scolaires de la<br />
Direction des <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>taires et complém<strong>en</strong>taires, <strong>en</strong> particulier, ont à remplir une importante mission où le<br />
dépistage et la surveillance de l'<strong>en</strong>lance inadaptée ti<strong>en</strong>dront une grande place. Mais, dans la mesure où cette mission leur <strong>en</strong><br />
laissera la possibilité, ils seront associés a l'tuvre générale d'ori<strong>en</strong>tation scolaire <strong>en</strong> collaboration avec les psychologues de la<br />
Direction des <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts classiques et modernes, les conseillers psychologues du li.U.S. et les conseillers d'ori<strong>en</strong>tation<br />
scolaire et professionnelle" (p. 53-54). "Les psychologues scolaires assur<strong>en</strong>t <strong>en</strong> propre le dépistage, et <strong>en</strong> certains cas, le traitem<strong>en</strong>t<br />
de l'<strong>en</strong>lance défici<strong>en</strong>te" (p. 54). Ces extraits sont tirés de : Ori<strong>en</strong>tation scolaire et professionnelle, Rec ueil méthodologique des lois et<br />
règlem<strong>en</strong>ts, 1965, Institut Pédagogique National.<br />
1 1 Des 1957, B. Andrey, psychologue scolaire de l'Isère, t<strong>en</strong>te de provoquer un redémarrage. S'étant assuré l'appui de P. Fraisse, le<br />
nouveau directeur de l'Institut de Pans, il adresse dès janvier 1957 une lettre a M. Lebettre, alors directeur-adjoint de<br />
l'Enseignem<strong>en</strong>t du premier degré au Ministère, dans l'espoir d'une reprise de la formation à Paris. Et, <strong>en</strong> 1958, une t<strong>en</strong>tative de<br />
redémarrage est <strong>en</strong>treprise a Ami<strong>en</strong>s sous l'insistance de R<strong>en</strong>é Zazzo, grâce au souti<strong>en</strong> de Jean Petit (inspecteur d'académie qui<br />
devi<strong>en</strong>dra <strong>en</strong> 1960 inspecteur général).<br />
12 Archive #36 du collectif "Histoire de la Psychologie Scolaire" (10#42), discussions autour de R. Zazzo. Croupe de travail sur la<br />
psychologie scolaire, réunion du 28 oct. 1968. Commission.<br />
13 Selon des informations recueillies lors d'un <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> m<strong>en</strong>é avec un psychologue scolaire le 7 mars 1995.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
71
très satisfait de ce début de fichier et me demande de<br />
le conserver <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant des instructions. En défini¬<br />
tive, il est toujours resté <strong>en</strong> ma possession14".<br />
Ces données montr<strong>en</strong>t que la psychologie scolaire,<br />
loin d'apparaître comme un "besoin" qu'aurai<strong>en</strong>t<br />
ress<strong>en</strong>ti les instituteurs, s'est progressivem<strong>en</strong>t intro¬<br />
duite, et non sans heurts, dans les écoles suite à de<br />
véritables luttes qu'ont dû m<strong>en</strong>er, notamm<strong>en</strong>t, les<br />
porte-parole de la profession.<br />
CONCLUSION :<br />
LIMITES FT FCUHIS<br />
Les théories de la sociologie de la médecine et des<br />
professions définies, <strong>en</strong>tre autres, par E. Freidson ont<br />
permis d'éclairer l'émerg<strong>en</strong>ce et le développem<strong>en</strong>t de<br />
la psychologie scolaire face à la question de l'inadap¬<br />
tation. Cep<strong>en</strong>dant, et étant donnée que la psycho¬<br />
logie scolaire ne représ<strong>en</strong>te pas une profession aussi<br />
établie que la médecine, les comparaisons étai<strong>en</strong>t<br />
limitées. Les psychologues sont d'abord et avant tout<br />
des instituteurs et le statut de psychologue à l'école<br />
demeure effectivem<strong>en</strong>t précaire contrairem<strong>en</strong>t, par<br />
exemple, à celui du médecin. C'est pourquoi la<br />
théorie de E. Freidson sert davantage ici à éclairer la<br />
problématique générale qu'à fournir les outils précis<br />
conduisant à l'élaboration d'une véritable grille<br />
d'analyse. Par ailleurs, la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce des li<strong>en</strong>s<br />
qui uniss<strong>en</strong>t la psychologie scolaire et le secteur de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé et de "l'<strong>en</strong>fance inadaptée",<br />
ne prét<strong>en</strong>d pas, de toute évid<strong>en</strong>ce, à l'exhaustivité.<br />
Considérant que ce secteur est multidim<strong>en</strong>sionnel, je<br />
n'ai privilégié qu'une perspective, qu'une coupe,<br />
sachant fort bi<strong>en</strong> qu'il vaudrait mieux regarder cet<br />
objet de recherche avec, pour repr<strong>en</strong>dre l'idée de P.<br />
Veyne (1978), un kaléidoscope afin de mieux le com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre. De toute évid<strong>en</strong>ce, d'autres aspects<br />
devrai<strong>en</strong>t aussi être pris <strong>en</strong> compte, qu'il s'agisse du<br />
14 Témoignage écrit de R. Mariel, juin 1996.<br />
rôle des par<strong>en</strong>ts et des associations pour les <strong>en</strong>fants<br />
handicapés, les pratiques pédagogiques et les percep¬<br />
tions des professeurs et des <strong>en</strong>fants, le rôle des instan¬<br />
ces gouvernem<strong>en</strong>tales, etc. Il serait par ailleurs<br />
intéressant de mieux compr<strong>en</strong>dre, grâce à des <strong>en</strong>quê¬<br />
tes de terrain dans différ<strong>en</strong>ts milieux, comm<strong>en</strong>t sont<br />
signalés et désignés, par les spécialistes et les profes¬<br />
seurs, les <strong>en</strong>fants "à problème", év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t<br />
"intégrés" aux classes ordinaires. Or, cela représ<strong>en</strong>te<br />
de nouveaux objets de recherche.<br />
Nathalie BÉLANGER15<br />
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE<br />
Professeur adjoint<br />
Institut d'Études Pédagogiques de l'Ontario<br />
Université de Toronto<br />
ANDREY, B. et LE MEN, J. (1968). La psychologie à l'école.<br />
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Traité de psychologie appliquée, 65-142, Paris : PUF.<br />
15 Professeur adjoint à l'Institut d'Études Pédagogiques de l'Ontario de l'Université de Toronto. Adresse : Institut d'Études<br />
Pédagogiques de l'Ontario de l'Université de Toronto, C<strong>en</strong>tre de recherche <strong>en</strong> éducation franco-ontari<strong>en</strong>ne,<br />
252 rue Bloor Ouest, Toronto, Ontario, Canada, M5S 1 V6. Courriel : nbelanger@oise.utoronto.ca.<br />
72 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
GUILLEMARD, J.C. (1995). A propos du cinquantième<br />
anniversaire de la psychologie scolaire française : passé,<br />
prés<strong>en</strong>t et perspectives pour le XXF siècle.<br />
Psychologie & Éducation, 22, 17-35.<br />
GUILLEMARD, J.C. (1976). Le psychologue scolaire peut-il<br />
faire autre chose que des QI ? Petite Enfance, 23, avril-mai.<br />
HERVÉ, J. (1995). Re-naissance de la psychologie scolaire ?<br />
Psychologie & Éducation, 22, 7-15.<br />
ISAMBERT-JAMATI, V. (1985). Quelques rappels de<br />
l'émerg<strong>en</strong>ce de l'échec scolaire comme "problème social"<br />
dans les milieux pédagogiques français, in Plaisance, E. ed.<br />
'L'échec scolaire" : nouveaux débats, nouvelles approches<br />
sociologiques, 155-163 Paris : Éditions du CNRS.<br />
JAVEAU, C. (1986). Leçons de sociologie. Pans : Méridi<strong>en</strong>s<br />
Klincksieck.<br />
MUEL-DREYFUS, F. (1975). L'école obligatoire et<br />
l'inv<strong>en</strong>Uon de l'<strong>en</strong>fance anormale. Actes de la recherche <strong>en</strong><br />
sci<strong>en</strong>ces sociales, 1,60-74.<br />
MUEL-DREYFUS, F. (1983). Le métier d'éducateur.<br />
Paris : Les Éditions de Minuit.<br />
PA1CHELER, G. (1992). L'inv<strong>en</strong>tion de la psychologie<br />
moderne. Paris : L'Harmattan.<br />
PIACÈRE, J. (1988). L'av<strong>en</strong>ture professionnelle des premiers<br />
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PINELL, P. et ZAFIROPOULOS, M. (1983). Un siècle<br />
d'échecs scolaires (1882-1982). Paris : Les Éditions ouvrières.<br />
PLAISANCE, E. (1988). Éducation spéciale. L'Année<br />
sociologique, 38, 449-457.<br />
PLAISANCE, E. (1993). Échec et réussite à l'école.<br />
L'intellig<strong>en</strong>ce et l'évolution des problématiques <strong>en</strong> sociologie<br />
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Plan Langevin-Wallon de réforme de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t (Le).<br />
(1964). Paris: PUF.<br />
SIMON, J. (1987). R<strong>en</strong>é Zazzo et la première expéri<strong>en</strong>ce de<br />
psychologie-scolaire : intérêts sci<strong>en</strong>tifiques, intérêts humains.<br />
Bulletin de Psychologie, XL, 381, 775-783.<br />
STAMBAK, M. et VIAL, M. ( 1974). Problèmes posés par<br />
la déviance à l'école maternelle. La psychiatrie de l'<strong>en</strong>fant,<br />
XVII( 0,241-336.<br />
VIAL, M. (1990). Les <strong>en</strong>fants anormaux à l'école. Aux origines<br />
de l'éducation spécialisée 1882-1909. Paris : Armand Colin.<br />
VEYNE. P. (1978). Comm<strong>en</strong>t on écrit l'histoire.<br />
Paris : Seuil.<br />
WALLON, H. (1952). Pourquoi des psychologues scolaires ?<br />
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WEBER, M. (1986). Sociologie du droit. Pans : PUF.<br />
[traduction].<br />
ZAZZO, R. (1942). Psychologues et psychologies d'Amérique.<br />
Paris : PUF.<br />
ZAZZO. R. et REUCHLIN, M. (1966). Dépistage et on<strong>en</strong>tation :<br />
-ée\3x-RQh0ns-â-reo¤nseirLÉducation-nationaleT-22-(78S)y^-l-U<br />
ZAZZO, R. ( 1968). Conduites et consci<strong>en</strong>ce, tome II.<br />
Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.<br />
ZAZZO, R. (1987). Entreti<strong>en</strong> avec R<strong>en</strong>é Zazzo.<br />
Psychologie Scolaire, 61, 5-20.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 73
IDENTITÉS ACADÉMIQUES<br />
ET GÉNÉRATION<br />
ITINÉRAIRE DE THÈSE<br />
MONIQUE LANDESMANN1<br />
|- a thèse constitue une étape fondam<strong>en</strong>tale dans<br />
I l'initiation d'un chercheur, qui probablem<strong>en</strong>t<br />
-jo u. aura des effets sur sa trajectoire intellectuelle et<br />
académique. On y confronte des difficultés diverses<br />
de toute nature, quelques-unes très sérieuses que<br />
même des chercheurs confirmés n'ont pu résoudre.<br />
Le désir de m<strong>en</strong>er à bon port cette <strong>en</strong>treprise est sou¬<br />
v<strong>en</strong>t imprégné de l'angoisse de ne pas y parv<strong>en</strong>ir à<br />
temps. À tout mom<strong>en</strong>t des décisions sont prises dans<br />
la recherche, parfois sous le signe de l'urg<strong>en</strong>ce, par¬<br />
fois pour s'évader de la paralysie. Une fois la thèse<br />
conclue, il est parfois difficile de reconstruire les<br />
rationalités et aussi les motifs parfois inconsci<strong>en</strong>ts<br />
qui ont "ordonné" l'itinéraire de la recherche. C'est<br />
souv<strong>en</strong>t au cours des nouvelles difficultés que l'on<br />
confronte a posteriori que l'on repr<strong>en</strong>d consci<strong>en</strong>ce<br />
des carrefours r<strong>en</strong>contrés préalablem<strong>en</strong>t et des choix<br />
que l'on avait opérés. Refaire cet itinéraire est un défi<br />
très salutaire, sous bi<strong>en</strong> des points de vue. La diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ce avec l'itinéraire original c'est qu'il n'y a plus<br />
d'haca'^ et que la seule chose qui compte dans ce che¬<br />
min à rebours c'est le voyage et les richesses du<br />
parcours.<br />
J'ai mis presque sept ans à faire ma thèse. Je sais que la<br />
réflexion que je peux faire sur mon travail est très<br />
partielle et trop insuffisante ; je la p<strong>en</strong>se à long terme.<br />
J'évoquerai dans ce travail surtout les écueils que j'ai<br />
r<strong>en</strong>contrés, dont certains sont mieux délimités<br />
aujourd'hui, une fois la thèse conclue. J'espère que ce<br />
premier bilan sera de quelque utilité aux lecteurs qui,<br />
d'une manière ou d'une autre, se trouv<strong>en</strong>t eux aussi<br />
<strong>en</strong>gagés dans un itinéraire de doctorant.<br />
LA DOL!£LE_j\PPARTENANCE<br />
Enseignant-chercheur à l'Université Autonome du<br />
Mexique (la UNAM), j'ai fait mon DEA <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'Éducation à Nanterre et c'est à Mexico que j'ai<br />
conduit ma thèse. Elle s'est donc réalisée dans des<br />
conditions peut-être différ<strong>en</strong>tes de celles qui caracté¬<br />
ris<strong>en</strong>t le travail de recherche des étudiants français.<br />
D'un côté je crois avoir bénéficié de certains avanta¬<br />
ges par rapport à la situation bi<strong>en</strong> difficile de certains<br />
<strong>en</strong>seignants qui ont de fortes obligations d'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t. Étant <strong>en</strong>seignant-chercheur, j'ai disposé d'un<br />
temps commode de travail pour réaliser la recherche.<br />
J'ai même pu avoir un financem<strong>en</strong>t pour payer les<br />
1 Le titre de ma thèse est le suivant : Id<strong>en</strong>tités académiques et génération. Le cas des <strong>en</strong>seignants de biochimie de l'Université Nationale<br />
Autonome du Mexique (UNAM). Thèse de doctorat de l'Université de Paris X-Nanterre, (1997). Je remercie Nelly Leselbaum de<br />
ses indications précieuses pour la réalisation de cet article.<br />
2 Poème de Constantin Cavafis. Poemas completos. Mexico : Juan Pablos ed.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 75
frais de transcription des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s que j'avais réali¬<br />
sés, ce qui m'économisa un certain nombre d'heures<br />
de travail 3.<br />
Par contre, le fait d'élaborer la thèse hors du contexte<br />
académique français a prés<strong>en</strong>té bi<strong>en</strong> des désavanta¬<br />
ges que j'ai dû essayer de pallier plus ou moins bi<strong>en</strong>.<br />
La direction de thèse a dû se faire dans des conditions<br />
singulières. Le choix du directeur constitue une déci¬<br />
sion presque aussi importante que le sujet de la thèse.<br />
Malheureusem<strong>en</strong>t, aucun des <strong>en</strong>seignants de<br />
Nanterre habilités alors à diriger des recherches tra¬<br />
vaillai<strong>en</strong>t le thème qui m'intéressait alors : l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t supérieur et l'étude des ag<strong>en</strong>ts universitaires.<br />
J'ai donc p<strong>en</strong>sé que deux critères pouvai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer <strong>en</strong><br />
jeu : le rapport personnel déjà établi avec l'un des<br />
<strong>en</strong>seignants de Nanterre d'un côté, et de l'autre une<br />
grande ouverture d'esprit de la part de cet <strong>en</strong>seignant :<br />
avoir la certitude que mon travail et mes approches<br />
allai<strong>en</strong>t être respectés. Jean-Claude Filloux a large¬<br />
m<strong>en</strong>t répondu à mes att<strong>en</strong>tes à ce sujet et je lui <strong>en</strong> suis<br />
reconnaissante. Par ailleurs, j'ai bénéficié aussi du fait<br />
qu'il a réalisé deux voyages au Mexique durant mon<br />
parcours. Il est évid<strong>en</strong>t que cette condition n'est pas<br />
idéale et que j'aurais aimé avoir eu des échanges<br />
beaucoup plus fréqu<strong>en</strong>ts. Cep<strong>en</strong>dant, le travail avec<br />
mon directeur et ses apports ont été très importants.<br />
Un des grands obstacles de la thèse est, à mon avis,<br />
l'imaginaire que l'on se fait sur les exig<strong>en</strong>ces concer¬<br />
nant le travail, une situation qui est beaucoup plus<br />
complexe lorsque l'on n'apparti<strong>en</strong>t pas à la tradition<br />
académique de l'université française, - ce qui est le<br />
cas de tout étudiant étranger -. L'autorisation du tra¬<br />
vail devi<strong>en</strong>t un facteur fondam<strong>en</strong>tal lorsque l'on tra¬<br />
vaille seul et loin de l'université. J'ai cherché ici au<br />
Mexique un interlocuteur qui lui-même avait fait un<br />
doctorat <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de Téducation à Paris V et qui<br />
m'accompagna dans mon trajet, jouant à son tour un<br />
rôle clé dans mon parcours4.<br />
Faisant une thèse <strong>en</strong> France mais sur un problème qui<br />
concerne l'université mexicaine, j'ai s<strong>en</strong>ti que je<br />
devais conquérir une légitimité dans les deux com¬<br />
munautés académiques, ce qui multiplia les exig<strong>en</strong>¬<br />
ces sur le travail de thèse, exig<strong>en</strong>ces parfois difficiles à<br />
rassembler. Comme tous les thésards, j'ai souffert de<br />
solitude dans mon travail. Il n'est pas toujours facile<br />
de trouver des écoutes disposées à tolérer les inquié¬<br />
tudes, les obsessions et les angoisses d'un étudiant de<br />
doctorat. J'ai quand même eu la chance de partager<br />
mes incertitudes et réjouissances avec une autre étu¬<br />
diante de doctorat qui travaillait un thème proche du<br />
mi<strong>en</strong>. Mais le fameux refrain : "peine partagée moitié<br />
peine, joie partagée joie double" ne trouvait pas tou¬<br />
jours sa vérification dans la "comptabilité" d'un thé¬<br />
sard. Étant sans attache pratique à un programme de<br />
doctorat, je ne pus bénéficier d'un séminaire où je<br />
pouvais prés<strong>en</strong>ter régulièrem<strong>en</strong>t les progrès de ma<br />
recherche. Ce dernier dispositif me semble ess<strong>en</strong>tiel<br />
pour la formation du chercheur. Plus que les congrès,<br />
ce sont les contacts informels qui m'ont parfois per¬<br />
mis des échanges <strong>en</strong>richissants5. En général, il est rare<br />
qu'un chercheur refuse une aide. Il s'agit d'avoir de<br />
l'initiative, de créer des groupes de recherche et des<br />
espaces pour échanger des points de vue avec des col¬<br />
lègues. La solitude du thésard n'est pas à mon avis<br />
une fatalité.<br />
Ma situation particulière activa le conflit de ma<br />
double appart<strong>en</strong>ance id<strong>en</strong>titaire et linguistique6.<br />
Dans chacun de mes voyages <strong>en</strong> France, j'essayais de<br />
remettre à jour mes lectures7. En même temps, pour<br />
me replonger dans ma langue maternelle je décidai,<br />
les trois dernières années, de choisir mes livres de<br />
chevet dans la littérature française. J'écrivais mon<br />
Je suis reconnaissante au "Programa Interinstitucional de Investigaciôn sobre la Ens<strong>en</strong>anza Superior" de l'Umversidad<br />
Autônoma de Aguascali<strong>en</strong>tes" de m'avoir donné cet appui financier.<br />
Toute ma reconnaissance va à Alfredo Furlân.<br />
Je me rappelle par exemple de l'accueil bi<strong>en</strong>veillant que je reçus de la part des chercheurs du C<strong>en</strong>tre de Sociologie de l'Éducation<br />
et de la Culture à la Maison des Sci<strong>en</strong>ces de l'Homme. De l'assistance de Michel Pinçon et de Marie-Françoise Fave-Bonnet, des<br />
conversations informelles avec Jacques Ardoino, <strong>en</strong>tre autres.<br />
Je vis au Mexique depuis 33 ans.<br />
Dans ce s<strong>en</strong>s-là, j'ai eu aussi la chance de compter sur la solidarité de Français et Mexicains qui faisai<strong>en</strong>t le voyage <strong>en</strong>tre les deux<br />
contin<strong>en</strong>ts et m'apportai<strong>en</strong>t mon matériel de lecture. Je voudrais remercier tout particulièrem<strong>en</strong>t à ce sujet Antoinette et Bertrand<br />
Schwartz.<br />
76 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
texte directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> français. Je dus traduire de<br />
l'espagnol une grande partie des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s que<br />
j'avais <strong>en</strong>registrés et je fis réviser la dernière version<br />
de mon travail par un professeur de français de<br />
Mexico. J'ai conservé avec un tout petit peu d'orgueil<br />
l'unique page de toute la thèse (423 p.), sans correc¬<br />
tions du français.<br />
DEVENIR CHERCHEUR<br />
Ce sont surtout des raisons personnelles plus que<br />
professionnelles qui m'ont am<strong>en</strong>ée à faire des études<br />
de doctorat <strong>en</strong> France. Voulant profiter des avanta¬<br />
ges de ma première année sabbatique, j'avais décidé<br />
d'aller faire un stage de quelques mois pour faire de la<br />
recherche <strong>en</strong> France. Mon motif le plus profond était<br />
<strong>en</strong> fait de repr<strong>en</strong>dre contact avec la France que j'avais<br />
quittée de nombreuses années auparavant. J'y étais<br />
restée liée d'un point de vue affectif, culturel et pro¬<br />
fessionnel. L'influ<strong>en</strong>ce française - celle des cher¬<br />
cheurs <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales et humaines, que ce soit<br />
dans le domaine de la philosophie, de la sociologie,<br />
de l'anthropologie, de la littérature ou de l'éducation<br />
- est très forte dans ma formation, comme dans celle<br />
de nombreux <strong>en</strong>seignants mexicains. J'avais donc<br />
beaucoup à appr<strong>en</strong>dre d'un retour aux origines. C'est<br />
Jean-Claude Filloux, de passage au Mexique, qui<br />
donna de la viabilité à mon projet <strong>en</strong> me suggérant<br />
d'aller faire un Doctorat <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation à<br />
Nanterre. Je suivis heureusem<strong>en</strong>t ses conseils et fis<br />
mon DEA. Une fois sur le chemin, il semblait plus<br />
que naturel de faire la thèse. J'avais reçu une bourse<br />
pour faire le DEA et je ress<strong>en</strong>tais l'obligation morale<br />
de terminer mon doctorat8. Ayant eu auparavant une<br />
10<br />
expéri<strong>en</strong>ce collective de recherche, j'étais dev<strong>en</strong>ue<br />
désireuse de m<strong>en</strong>er seule, dès lors, un projet sur un<br />
thème qui m'intéressait.<br />
lA_GlMiSE_DU SUJET<br />
Discontinuités et ruptures caractéris<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> des tra¬<br />
jectoires académiques des universitaires mexicains.<br />
Comm<strong>en</strong>t les expliquer ? Existait-il une "logique"<br />
occulte qui puisse r<strong>en</strong>dre compte d'un "ordre" appa¬<br />
remm<strong>en</strong>t arbitraire des parcours des <strong>en</strong>seignants<br />
mexicains ? Quelle était l'influ<strong>en</strong>ce des trajectoires<br />
sociofamiliales et scolaires sur ces trajectoires acadé¬<br />
miques ? Celles-ci fur<strong>en</strong>t les premières questions qui<br />
décl<strong>en</strong>chèr<strong>en</strong>t le début de la recherche épistémique.<br />
Elles ont eu plusieurs "lieux de naissance". En pre¬<br />
mier, ma propre trajectoire. Il serait trop long d'<strong>en</strong><br />
décrire ici les cheminem<strong>en</strong>ts hasardeux, mais à titre<br />
d'exemple je pourrais signaler que j'ai suivi à la Sor¬<br />
bonne une lic<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces puis un 3e cycle <strong>en</strong><br />
génétique. Au Mexique, je suis dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>seignante<br />
de biochimie à la Faculté de Médecine. Puis je donnai<br />
des cours de planification éducative dans les sci<strong>en</strong>ces<br />
de la santé9. Par la suite, je fis une maîtrise de Méde¬<br />
cine sociale10 et je comm<strong>en</strong>çai à m'intéresser à la<br />
pédagogie. Après une courte expéri<strong>en</strong>ce de recherche<br />
<strong>en</strong> éducation, j'abordai mon doctorat <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation à Nanterre.<br />
Mes interrogations trouvèr<strong>en</strong>t leurs origines aussi au<br />
cours de mes pratiques de formation auprès des<br />
<strong>en</strong>seignants de la UNAM. Je m'étais r<strong>en</strong>du compte,<br />
avec des collègues, que ces ruptures étai<strong>en</strong>t le lot de<br />
bi<strong>en</strong> des <strong>en</strong>seignants mexicains, surtout à partir des<br />
années 70, date où l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur mexi¬<br />
cain connut la plus grande croissance de ses effectifs<br />
La question n'est peut-être pas autant pourquoi on comm<strong>en</strong>ce une these, mais comm<strong>en</strong>t fait-on pour la terminer. J'ai souv<strong>en</strong>t eu<br />
<strong>en</strong>vie de l'abandonner. Cep<strong>en</strong>dant les exig<strong>en</strong>ces chaque fois plus pressantes du diplôme au Mexique ne m'ont pas permis de me<br />
laisser séduire par cette idée.<br />
Dans les années 70, il y a eu au Mexique d'importants mouvem<strong>en</strong>ts de réforme éducative, tout particulièrem<strong>en</strong>t dans les<br />
facultés des sci<strong>en</strong>ces de la santé. Ces rélormes ont demandé le développem<strong>en</strong>t de nouvelles stratégies dans la planification<br />
éducative (au niveau du curriculum, de l'élaboration des programmes scolaires et de matériaux didactiques) et dans la formation<br />
des <strong>en</strong>seignants.<br />
Il s'agissait d'un programme d'ori<strong>en</strong>tation marxiste <strong>en</strong>gagé dans une nouvelle représ<strong>en</strong>tation de l'origine sociale de la maladie,<br />
l'épidémiologie sociale et aussi a la recherche de nouveaux modèles d'att<strong>en</strong>tion médicale davantage concernés par les problèmes<br />
de santé des majorités les plus défavorisées socialem<strong>en</strong>t.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
77
et lorsque les universités souffrir<strong>en</strong>t de profondes<br />
transformations éducatives, politiques et administra¬<br />
tives. Cette situation se trouva confirmée par une<br />
recherche sur les id<strong>en</strong>tités des <strong>en</strong>seignants de la<br />
UNAM que nous fîmes <strong>en</strong> équipe à partir d'<strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>s approfondis avec des professeurs. Divers fac¬<br />
teurs semblai<strong>en</strong>t alors être mis <strong>en</strong> cause : l'histoire de<br />
l'institution, les caractéristiques de la discipline et<br />
l'histoire de la personne du professeur. Je décidai<br />
donc de pr<strong>en</strong>dre comme thème de thèse ce phéno¬<br />
mène. J'<strong>en</strong>trevoyais la nécessité de reconstruire les<br />
trajectoires d'<strong>en</strong>seignants chercheurs, dans le<br />
domaine de la biochimie, <strong>en</strong> élaborant un <strong>en</strong>semble<br />
de dispositifs ori<strong>en</strong>tés à la connaissance des transfor¬<br />
mations institutionnelles, de la discipline et des tra¬<br />
jectoires sociofamiliales, scolaires et professionnelles<br />
des <strong>en</strong>seignants.<br />
LES ÉTAPFS DF LA RECHERCHE<br />
LE TRAVAIL EMPIRIQUE<br />
Homo Academicus fut mon principal ouvrage de réfé¬<br />
r<strong>en</strong>ce pour comm<strong>en</strong>cer la recherche. C'est celui qui<br />
m'a permis de comm<strong>en</strong>cer à structurer le guide<br />
d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>. Je démarrai assez vite le travail empirique.<br />
Trop vite il me semble maint<strong>en</strong>ant. J'avais décidé de<br />
faire des histoires de vie sans faire une recherche<br />
approfondie sur la méthode et avec un état de la ques¬<br />
tion trop peu élaboré. J'aurais aussi dû comm<strong>en</strong>cer<br />
mon travail d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s après avoir mieux pris<br />
connaissance du terrain, faire une revue de la littéra¬<br />
ture et une recherche docum<strong>en</strong>taire préalables. Ceci<br />
est une des recommandations de Pierre Bourdieu qui<br />
me semble des plus justes. Cela m'aurait évité des<br />
maladresses dans les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s et m'aurait permis une<br />
compréh<strong>en</strong>sion plus rapide de mes interviewés.<br />
C'est <strong>en</strong> fait tout au long d'un travail empirique que<br />
j'ai progressivem<strong>en</strong>t construit mes outils méthodolo¬<br />
giques et conceptuels11. Je pus ainsi adapter ces outils<br />
aux découvertes faites sur le terrain, au lieu d'impo¬<br />
ser des concepts rigides et des techniques peu s<strong>en</strong>si¬<br />
bles à la réalité que je me proposais d'étudier. Le<br />
travail <strong>en</strong> fut plus riche, mais plus chaotique aussi et<br />
certainem<strong>en</strong>t plus long. Je travaillais sur un champ de<br />
recherche - l'étude des universitaires - peu déve¬<br />
loppé à cette époque, <strong>en</strong> particulier pour le Mexique.<br />
Un travail de terrain poussé était donc nécessaire.<br />
J'acquis aussi la conviction que c'est dans le travail<br />
empirique que la pulsion de savoir est la plus vigou¬<br />
reuse et qu'elle est susceptible de produire des étin¬<br />
celles. Cela exige un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t total, psychique,<br />
intellectuel, éthique, épistémologique. À ce jeu, le<br />
chercheur se donne tout <strong>en</strong>tier. C'est, à mon avis, la<br />
phase la plus passionnante de la recherche.<br />
Peu à peu j'ai construit mes propres critères de travail<br />
pour la réalisation des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s approfondis : faire un<br />
journal de bord ; ne pas faire simultaném<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>s à différ<strong>en</strong>tes personnes, étudier, avant l'<strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>, la plus grande docum<strong>en</strong>tation possible sur la<br />
personne que l'on va interviewer, faire des observa¬<br />
tions ethnographiques sur le lieu de l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, se<br />
donner du temps <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes sessions pour<br />
réfléchir et assimiler le travail des sessions précéd<strong>en</strong>tes<br />
et analyser sa propre implication, adapter le guide<br />
d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> à chaque personne, assurer une conduite<br />
flexible de l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, etc. Ceux-ci sont quelques-uns<br />
des conseils que je pourrais donner à ceux qui se lan¬<br />
c<strong>en</strong>t dans l'av<strong>en</strong>ture des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s approfondis.<br />
Il va sans dire que de nombreuses difficultés ont été<br />
r<strong>en</strong>contrées <strong>en</strong> cours de route. Je signalerai deux pro¬<br />
blèmes fondam<strong>en</strong>taux que je p<strong>en</strong>se n'avoir pas bi<strong>en</strong><br />
résolus, dus peut-être à mon manque de préparation,<br />
mais aussi parce qu'ils sont insuffisamm<strong>en</strong>t traités<br />
dans la littérature :<br />
Une ambiguïté de postures<br />
Le premier problème a à voir avec la place qui est<br />
occupée par l'autre dans l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> : comme objet ou<br />
comme sujet. Sur ce thème, il y a au moins deux posi¬<br />
tions selon les disciplines de recherche. Dans certaines<br />
approches, la t<strong>en</strong>dance dominante est de considérer<br />
l'autre comme une source d'informations qui <strong>en</strong>richit<br />
la connaissance d'un problème particulier. Dans<br />
l'approche clinique, il s'agit plutôt de favoriser un tra¬<br />
vail sur soi chez la personne interviewée. Dès le début,<br />
ma demande fut ambiguë : je désirais à la fois recons¬<br />
truire l'histoire institutionnelle et les itinéraires bio-<br />
11 À ce sujet, je suivis plusieurs séminaires. Particulièrem<strong>en</strong>t un séminaire sur l'histoire orale et un autre avec Vinc<strong>en</strong>t de Gaulejac<br />
sur "Histoire de vie et roman familial".<br />
78 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
graphiques. Il me fut parfois très difficile d'obt<strong>en</strong>ir<br />
chez certains des <strong>en</strong>seignants une posture plus auto¬<br />
nome et un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de leur soi dans la recherche.<br />
J'att<strong>en</strong>dais d'eux qu'ils s'appropri<strong>en</strong>t la recherche et<br />
qu'ils <strong>en</strong> assum<strong>en</strong>t le sujet et ne le viv<strong>en</strong>t pas comme<br />
objet extérieur à eux. Je me suis r<strong>en</strong>du compte a pos¬<br />
teriori que l'ambiguïté de ma demande t<strong>en</strong>ait <strong>en</strong><br />
partie au fait que je travaillais dans une perspective<br />
ethnosociologique, c'est-à-dire à cheval sur deux tra¬<br />
ditions épistémologiques différ<strong>en</strong>tes1'.<br />
Un problème d'ordre éthique<br />
Probablem<strong>en</strong>t plus grave et délicat que le précéd<strong>en</strong>t,<br />
mais sans lui être étranger, c'est le problème de<br />
nature éthique qui traverse ce type de recherche. Une<br />
des difficultés du traitem<strong>en</strong>t de ce problème, c'est<br />
qu'il est intimem<strong>en</strong>t lié au problème épistémologique<br />
et qu'il se pose de manière spécifique dans chacune<br />
des étapes et des mom<strong>en</strong>ts de la recherche. Je ne<br />
repr<strong>en</strong>drai pour le mom<strong>en</strong>t que ce qui concerne l'éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t du contrat de recherche avec les intervie¬<br />
wés. Dès le début des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s un double contrat, à<br />
la fois formel et informel, s'est établi pour leur réali¬<br />
sation. Le premier est explicite et verbal. Il s'est<br />
donné principalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rapport à l'anonymat et les<br />
conditions de publications, sur lequel je revi<strong>en</strong>drai<br />
plus tard. Un des buts de ce contrat formel est de<br />
convaincre l'autre, d'être partie pr<strong>en</strong>ante de la<br />
recherche et de créer ainsi un climat de confiance. Je<br />
p<strong>en</strong>se que ce contrat, dans mes recherches, a été<br />
insuffisamm<strong>en</strong>t explicité <strong>en</strong> raison de mon inexpé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce et de mon manque de prévision. Quant au<br />
"contrat" informel implicite, il est <strong>en</strong> partie le résultat<br />
des att<strong>en</strong>tes inavouées et souv<strong>en</strong>t inconsci<strong>en</strong>tes chez<br />
chacun des acteurs11 (Geertz, 1968). Bourdieu (1993)<br />
signale à ce sujet : "Mais jamais contrat n'est aussi<br />
charge d'exig<strong>en</strong>ces tacites qu'un contrat de confiance".<br />
Une recherche continue sur les att<strong>en</strong>tes qui étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
jeu aurait dû être poursuivie tout au long des<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s.<br />
L'INTERPRÉTATION<br />
J'avais reconstruit l'histoire de vie de dix <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants de biochimie ; cela représ<strong>en</strong>tait un corpus<br />
d'<strong>en</strong>viron 1 000 pages à analyser. De même, j'avais<br />
fait des recherches sur le contexte institutionnel et<br />
disciplinaire des trajectoires académiques des bio¬<br />
chimistes. Je dus confronter alors le plus grand<br />
problème de la thèse : celui de l'analyse et de<br />
l'interprétation des données empiriques. En fait,<br />
comme le signale bi<strong>en</strong> Daniel Bertaux (1997),<br />
l'interprétation comm<strong>en</strong>ce dès le début des <strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>s et j'ajouterai, dans mon cas, dès l'élaboration<br />
du guide d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, dans la mesure où j'étais partie<br />
de certaines "hypothèses" et catégories issues de<br />
l'Auvre Homo Academicus. Comme le signale aussi<br />
Bertaux (1997) : "Les récits de vie ne livr<strong>en</strong>t pas<br />
d'emblée tous leurs secrets" et un travail d'interpré¬<br />
tation est nécessaire. Par ailleurs, les récits de vie<br />
recueillis révélai<strong>en</strong>t un nud complexe de phénomè¬<br />
nes que je n'avais pas <strong>en</strong>visagés dans mes hypothèses<br />
au départ. Je ne savais pas non plus comm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre<br />
compte de dix récits singuliers. Je m'interrogeais<br />
aussi sur le type de connaissance auquel je pouvais<br />
prét<strong>en</strong>dre : une connaissance de caractère général, la<br />
production de nouvelles hypothèses et év<strong>en</strong>tuelle¬<br />
m<strong>en</strong>t de nouveaux concepts. Ou était-ce une des¬<br />
cription profonde tel que Geertz le propose.<br />
Malheureusem<strong>en</strong>t je n'ai pas eu consci<strong>en</strong>ce, alors,<br />
que certaines de mes difficultés pour l'interprétation<br />
prov<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t d'une inscription de ma recherche dans<br />
deux traditions épistémologiques différ<strong>en</strong>tes, l'eth¬<br />
nographie et la sociologie, comme je l'ai déjà signalé.<br />
Solutions au problème de l'interprétation<br />
Intuitivem<strong>en</strong>t j'adoptais une combinaison d'éclaira¬<br />
ges pour produire une nouvelle intelligibilité de la<br />
réalité étudiée et sortir de l'ombre certains phéno¬<br />
mènes qui avai<strong>en</strong>t été peu abordés jusqu'alors par les<br />
recherches sur les universités.<br />
D'un point de vue éthique, cette diversité d'éclairages<br />
12 Maint<strong>en</strong>ant que la these est terminée, j'ai pu lire le livre Les reals de vie de Daniel Bertaux (1997) et constater que, comme lui, mon<br />
travail se situait dans une perspective ethnosociologique, ou plus exactem<strong>en</strong>t ethnosouohistonque. Par perspective<br />
ethnosociologique, Daniel Bertaux désigne une recherche dont le travail empirique s'inspire de la tradition ethnographique mais<br />
qui construit ses objets par référ<strong>en</strong>ce à des problématiques sociologiques.<br />
13 A ce sujet, Clifford Ceertz (1968) signale : "Le rapport <strong>en</strong>tre un anthropologue et son informateur repose sur un <strong>en</strong>semble de<br />
fictions partielles qui ne sont qu'à moitié reconnues".<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 79
prét<strong>en</strong>dait éviter un détournem<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s des pro¬<br />
pos des biochimistes et, comme le propose Bourdieu<br />
(1993) dans La Misère du monde, atteindre la "conver¬<br />
sion du regard", la compréh<strong>en</strong>sion de l'autre "dans sa<br />
raison d'être, dans sa nécessité".<br />
Une première source d'intelligibilité est l'horizon<br />
théorique employé. Je dus élargir celui-ci, car les<br />
concepts de Bourdieu ne r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t pas à mon avis<br />
suffisamm<strong>en</strong>t compte, <strong>en</strong>tre autres, de l'importance<br />
des processus relationnels dans la constitution des<br />
trajectoires et des id<strong>en</strong>tités académiques. Les<br />
concepts de Claude Dubar (1991), processus biogra¬<br />
phiques et relationnels, ont complém<strong>en</strong>té ma grille<br />
de lecture théorique14.<br />
J'utilisais un des principes méthodologiques de la<br />
sociologie : l'usage de la comparaison et la recherche<br />
de récurr<strong>en</strong>ces pour id<strong>en</strong>tifier des phénomènes<br />
sociaux communs aux différ<strong>en</strong>tes trajectoires. J'accé¬<br />
dais à une typologie des parcours et j'établissais des<br />
comparaisons <strong>en</strong>tre ces parcours. Ceci me permit de<br />
compr<strong>en</strong>dre que l'unité première d'analyse n'était<br />
pas les trajectoires ou parcours individuels, mais r<strong>en</strong>¬<br />
voyait à la notion de génération.<br />
En m'inspirant de l'ethnographie et pour r<strong>en</strong>dre<br />
compte "du social <strong>en</strong> train de se faire", j'ai pu aussi<br />
reconstruire, à l'intérieur de chaque génération, les<br />
itinéraires singuliers, ce qui m'a permis d'expliquer<br />
les différ<strong>en</strong>ces de parcours <strong>en</strong>tre générations et aussi<br />
les différ<strong>en</strong>ces d'itinéraires <strong>en</strong>tre les membres d'une<br />
même génération.<br />
Ce travail ethnographique avait pour principe de<br />
me conduire à la reconstruction de la dim<strong>en</strong>sion<br />
diachronique des narrations. Cette dim<strong>en</strong>sion histo¬<br />
rique se voyait aussi réalisée <strong>en</strong> contextualisant les iti¬<br />
néraires par rapport aux principales conjonctures<br />
universitaires vécues par les individus.<br />
POUR QUI ÉCRIT-ON UNE THÈSE ?<br />
L'ouvrage que je me proposais d'écrire était une<br />
thèse, qui, p<strong>en</strong>sais-je, allait trouver refuge dans une<br />
bibliothèque <strong>en</strong> France. Mon travail semblait être à<br />
l'abri de certaines lectures que je craignais : celles de<br />
mes collègues les plus critiques du Mexique. Mais<br />
aussi de l'év<strong>en</strong>tuelle "susceptibilité" de la commu¬<br />
nauté des biochimistes. Pourtant, le travail semblait<br />
avoir suivi scrupuleusem<strong>en</strong>t la déontologie établie<br />
traditionnellem<strong>en</strong>t. J'avais, au mom<strong>en</strong>t de l'interpré¬<br />
tation, soigneusem<strong>en</strong>t éliminé les données et les<br />
confessions qui aurai<strong>en</strong>t pu être mal interprétées par<br />
les lecteurs. J'avais aussi évidemm<strong>en</strong>t respecté l'ano¬<br />
nymat de mes biochimistes.<br />
Pourtant, aujourd'hui, lorsque je relis ce travail, je<br />
comm<strong>en</strong>ce à avoir des doutes sur ce qui pourrait faire<br />
l'objet d'une publication. Et, par là, je remets <strong>en</strong> cause<br />
mon propre regard et de nouveau j'<strong>en</strong> revi<strong>en</strong>s au pro¬<br />
blème de l'éthique. Comm<strong>en</strong>t savoir ce qui peut<br />
gêner l'autre ou non ? Ce qui fait partie de son inti¬<br />
mité et ce qui n'<strong>en</strong> fait pas partie ? Ce qui peut être<br />
public et ce qui ne peut l'être ? Dans quelle mesure<br />
n'ai-je pas projeté moi-même ma propre vision du<br />
monde et mes valeurs, lorsque j'ai éliminé certains<br />
matériaux et délibérém<strong>en</strong>t choisi d'autres ?<br />
Par ailleurs, le respect de l'anonymat ne résout qu'<strong>en</strong><br />
partie ces problèmes. En effet je peux supposer,<br />
qu'au-delà de l'id<strong>en</strong>tité individuelle, ce qui est aussi<br />
<strong>en</strong> jeu c'est l'id<strong>en</strong>tité de toute une communauté, celle<br />
des biochimistes de la Faculté de Médecine, voire<br />
celle des biochimistes universitaires.<br />
En me rassurant par le fait que la thèse ne serait pas<br />
lue par "les membres de la tribu" sur laquelle j'avais<br />
travaillé, j'ai fait malheureusem<strong>en</strong>t l'économie d'un<br />
travail éthique plus profond qui, à mon avis, devrait<br />
faire partie de tout travail de thèse. Il me semble que<br />
lorsqu'on écrit une thèse, comme lorsqu'on écrit un<br />
livre, on doit se poser et répondre à la question : pour<br />
qui et pourquoi écrit-on ? Aujourd'hui, je suis con¬<br />
frontée au défi de la publication, car je ne peux pas<br />
p<strong>en</strong>ser que cinq ou six ans de ma vie, au-delà de la<br />
certification que j'ai obt<strong>en</strong>ue, dorm<strong>en</strong>t dans un coin<br />
commode d'une bibliothèque française.<br />
Il existe un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de ma part de communiquer<br />
14 Les processus biographiques, selon Dubar, ont à voir avec la construction, dans le temps, des id<strong>en</strong>tités sociales et professionnelles<br />
à partir des catégories offertes par les institutions. Il s'agit d'un processus actif d'id<strong>en</strong>tités pour soi, appelées id<strong>en</strong>tités sociales<br />
réelles qui trouv<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>s dans les trajectoires sociales des individus. Les processus relationnels mett<strong>en</strong>t l'acc<strong>en</strong>t sur le mécanisme<br />
de constitution des id<strong>en</strong>tités, à partir du phénomène d'attribution d'id<strong>en</strong>tités par les institutions ou bi<strong>en</strong> des ag<strong>en</strong>ts qui sont <strong>en</strong><br />
rapport avec l'individu produisant des id<strong>en</strong>tités sociales virtuelles.<br />
80 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
aux biochimistes les résultats de la recherche. Cela<br />
me demande une révision de la thèse afin d'ori<strong>en</strong>ter<br />
la communication vers les conclusions qui peuv<strong>en</strong>t<br />
avoir un s<strong>en</strong>s pour l'<strong>en</strong>semble de cette communauté.<br />
Ceci m'obligera à rep<strong>en</strong>ser et à préciser les termes de<br />
la publication et à rétablir, dans la mesure du pos¬<br />
sible, un nouveau contrat avec les professeurs.<br />
LA SOUTENANCE<br />
J'ai eu la chance d'avoir un Jury exceptionnel grâce<br />
à la participation de Jean-Claude Filloux, Paul<br />
Durning, Jacques Ardoino et Vinc<strong>en</strong>t de Gaulejac .<br />
Il ne me semble pas inutile d'insister sur l'importance<br />
qu'a eue pour moi la sout<strong>en</strong>ance. Il est vrai que c'est<br />
un rituel. Mais cela peut être vécu comme un acte qui<br />
a un s<strong>en</strong>s et une valeur pour le thésard. Il représ<strong>en</strong>te<br />
la possibilité de discuter et d'analyser le travail avec<br />
des interlocuteurs de choix. Il fut pour moi une expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce de grande richesse qui, de plus, a servi de pont<br />
15 Qu'ils reçoiv<strong>en</strong>t ici le témoignage de ma reconnaissance.<br />
au travail postérieur de recherche. Il constitue, à mon<br />
avis, une étape fondam<strong>en</strong>tale de la thèse.<br />
Monique LANDESMANN<br />
Enseignant-chercheur<br />
Université Nationale Autonome du Mexique<br />
(UNAM)<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
BERTAUX, D. Les récits de vie. Paris : Nathan, 1997.<br />
BOURDIEU, P. La misère du monde. Paris : Seuil, 1993.<br />
DUBAR, C. La socialisation. Construction des<br />
id<strong>en</strong>tités sociales et professionnelles. Pans : Armand Colin,<br />
1991.<br />
GEERTZ, C. Thinking as a moral act. AntioJi Review,<br />
28, 1968.<br />
KAUFMANN, J.-C. L'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> compréh<strong>en</strong>sif.<br />
Paris : Nathan, 1996. ("128").<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS
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DU SUJET OPÉRATOIRE AU SUJET<br />
EXISTENTIEL : FAIRE UNE THÈSE,<br />
SE DÉGAGER DES SCHÉMAS<br />
DE PENSÉE PRÉ-ÉTABLIS<br />
OU APPRENDRE À CONSTRUIRE<br />
LA LIBERTÉ DE POSER LES QUESTIONS<br />
BRIGITTE LEMIUS<br />
ITINÉRAIRE DE FORMATION<br />
C'est peut-être ce qui a dérangé ma vie d'institutrice<br />
spécialisée pour <strong>en</strong>fants défici<strong>en</strong>ts physiques, m'obligeant<br />
à l'évolution d'une pratique professionnelle<br />
trop bi<strong>en</strong> établie1, qui est à l'origine de mon travail<br />
universitaire, avec aussi ce qui, <strong>en</strong> amont d'une pro¬<br />
fession, constituait les ancrages d'une formation :<br />
une <strong>en</strong>fance, une éducation, la découverte du monde,<br />
des autres, de soi.<br />
L'<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>ce de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation, <strong>en</strong><br />
septembre 1992, a constitué pour moi une véritable<br />
ouverture, un souffle nouveau <strong>en</strong>traînant vers la<br />
recherche. À ce mom<strong>en</strong>t, j'étouffais sans recul intel¬<br />
lectuel dans un conflit institutionnel, alors que<br />
l'implacable processus de suppression de poste d'ins<br />
tituteur spécialisé cachait mal la crise d'id<strong>en</strong>tité<br />
-professionnelle^évélée-par4'évolution des politiques<br />
d'éducation à destination des élèves malades ou han¬<br />
dicapés. Refusant le changem<strong>en</strong>t imposé par la hié¬<br />
rarchie, je choisissais alors d'occuper, pour trois<br />
années, un poste d'instituteur-éducateur <strong>en</strong> internat<br />
dans un EREA^ pour handicapés moteurs4. Après<br />
vingt années de travail au "rythme scolaire" avec <strong>en</strong><br />
parallèle mon "régime nocturne de l'autoformation",<br />
pour repr<strong>en</strong>dre les termes de Gaston PINEAU ,<br />
j'effectuais pour trois ans, à l'inverse, une tâche offi¬<br />
cielle le soir, la nuit ou le week-<strong>en</strong>d. Ce nouveau<br />
rythme me permettait à la fois de dégager des heures<br />
libres de jour pour fréqu<strong>en</strong>ter l'université et de<br />
découvrir les élèves dans leurs activités, leur vie, <strong>en</strong><br />
dehors des cours.<br />
1 J'ai exercé p<strong>en</strong>dant quatorze années la profession d'institutrice spécialisée, dans une école pour <strong>en</strong>fants et adolesc<strong>en</strong>ts<br />
hospitalisés, dans des services de cancérologie puis de chirurgie orthopédique et de brûlés.<br />
2 Cette expéri<strong>en</strong>ce universitaire surgit dans ma vie d'institutrice spécialisée au mom<strong>en</strong>t ou je subis brutalem<strong>en</strong>t les restructurations<br />
imposées par une hiérarchie qui ne procède a l'évaluation d'une école que pour justifier une suppression de poste préalablem<strong>en</strong>t<br />
programmée, tout <strong>en</strong> se garantissant de rapports de spécialistes éloignés des pratiques de terrain.<br />
3 EREA : Établissem<strong>en</strong>t Régional d'Enseignem<strong>en</strong>t Adapté.<br />
_4 Sj4e-mj3dèJe^^a^^^<br />
m'insupporte au point de r<strong>en</strong>oncer à pratiquer mon métier, si je me réfugie à la fois hors des heures scolaires<br />
et^a Puniversitéx^esCaussi parce que je eompr<strong>en</strong>ds^dans cet affrontem<strong>en</strong>t hiérarchique <strong>en</strong> fonne^de dialogue de sourds, que ce<br />
sonries=mots=lesoutils"d-analysefqui=me=manqu<strong>en</strong>t=le^)lus. =<br />
5 PINEAU [83].<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
83
À partir de cette <strong>en</strong>trée provid<strong>en</strong>tielle dans des<br />
univers auxquels je n'imaginais pas pouvoir accéder<br />
(l'université, la vie personnelle des élèves <strong>en</strong> amont<br />
et <strong>en</strong> aval des cours), tout s'<strong>en</strong>chaîne dans la<br />
reconstitution d'une globalité, avec le travail sur le<br />
terrain scolaire relayé par le travail d'étudiante. Au<br />
fil de toutes ces années de formation et de recherche,<br />
une perman<strong>en</strong>ce se dégage par delà les ruptures qui<br />
m'ont permis de progresser6. La reprise d'études<br />
tardive m'a <strong>en</strong>traînée à la fois vers le CAPES de<br />
<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation et la thèse de Sci<strong>en</strong>ces de l'Éduca¬<br />
tion : je devi<strong>en</strong>s professeur- docum<strong>en</strong>taliste l'année<br />
de mon DEA.<br />
RECOURS À L'ÉCRITURE<br />
ET L'HYPERTFXTF<br />
Je peux p<strong>en</strong>ser à ce petit texte écrit sur mon carnet de<br />
bord à ce mom<strong>en</strong>t initial de mon itinéraire universi¬<br />
taire et le donner à lire ici.<br />
Bouffée d'air<br />
"...Lejour où je reçois mon certificat d'admission péda¬<br />
gogique pour la lic<strong>en</strong>ce "Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation".<br />
Trois mois d'incertitudes ; ouf! ma bouée de sauvetage<br />
intellectuelle est accrochée à un remorqueur !<br />
Pati<strong>en</strong>ce, (Absurdité ?)<br />
Faire la queue tr<strong>en</strong>te minutes pour obt<strong>en</strong>ir un r<strong>en</strong>dezvous<br />
d'inscription administrative, ...donnant droit<br />
d'att<strong>en</strong>dre quarante-cinq minutes ...sur r<strong>en</strong>dez-vous.<br />
Petit plaisir<br />
Déambuler d'un bâtim<strong>en</strong>t à un autre,fouler aux pieds<br />
l'herbe humide du campus, me mêler à la foule des<br />
étudiants ; plaisir nouveau que d'être "étudiante<br />
d'une université <strong>en</strong> dur", moi qui n'ai goûté qu'aux<br />
cours par correspondance... Personne ne semble<br />
étonné de la prés<strong>en</strong>ce d'une quadragénaire dans les<br />
bureaux et couloirs <strong>en</strong> quête d'inscription.<br />
Je passe inaperçue, anonymat confortable, me laissant<br />
la totalité de mon "petit bonheur", l'augm<strong>en</strong>tant même<br />
<strong>en</strong> autorisant un excès de vanité : après tout, je ne fais<br />
peut-être pas mon âge !"<br />
Je mainti<strong>en</strong>s mes petits textes intermédiaires (extraits<br />
de journal de bord de chercheur, analyses théoriques<br />
référ<strong>en</strong>cées, descriptions de pratiques de terrain,...)<br />
toujours <strong>disponible</strong>s pour alim<strong>en</strong>ter ma démarche<br />
intellectuelle : c'est le concept d'hypertexte que j'utilise<br />
ainsi. Il s'inscrit égalem<strong>en</strong>t comme un des élém<strong>en</strong>ts de<br />
mon objet de recherche (atelier d'écriture hypertexte<br />
au CDI ), mais je l'utilise dans les écrits que je pratique<br />
pour sout<strong>en</strong>ir ma démarche intellectuelle et la resti¬<br />
tuer. Si le mot "hypertexte" est réc<strong>en</strong>t8 (l'hypertexte<br />
est une technique informatique), sa réalité intellec¬<br />
tuelle est anci<strong>en</strong>ne9 (association d'idées, métaphore<br />
de la p<strong>en</strong>sée ou forme non linéaire d'écriture).<br />
J'écris le quotidi<strong>en</strong>10. L'écriture apparemm<strong>en</strong>t banale<br />
est c<strong>en</strong>trale dans ma recherche et ce de plusieurs<br />
manières : dans l'objet lui-même, puisque ma métho¬<br />
dologie se développe à partir d'un atelier d'écriture<br />
avec des élèves handicapés moteurs de faible niveau<br />
scolaire, dans l'évolution de mon travail intellectuel<br />
(histoire de ruptures et de leur dépassem<strong>en</strong>t) et dans<br />
la restitution écrite du rapport de thèse.<br />
Jeanne FAVRET-SAADA nous avertit11 : "L'ethno¬<br />
logue s'<strong>en</strong>gage et doit savoir qu'il s'<strong>en</strong>gage dans<br />
l'énonciation". Les notes de terrain, le carnet de bord<br />
de recherche constitu<strong>en</strong>t le premier recueil de cet<br />
<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, d'autant plus que le terrain est spéci¬<br />
fique. Pierre SANSOT accrédite l'écriture du détail (il<br />
6 II n'y a pas d'initiation sans rupture. C'est égalem<strong>en</strong>t le cas pour mon travail de thèse, appr<strong>en</strong>tissage du travail de chercheur.<br />
7 L'élém<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral de la méthodologie développée sur le terrain est un dispositifparticulier d'atelier d'écriture : une dizaine de séances,<br />
proposées à partir du CDI à des classes d'élèves (CPPN dans un premier temps puis seconde BEP secrétariat et seconde BEP<br />
comptabilité) p<strong>en</strong>dant certaines heures de cours (petits groupes d'élèves issus des cours defrançais ou modules).<br />
8 II a été créé <strong>en</strong> 1965 par Ted Nelson.<br />
9 Glose, note de bas de page, index, sommaires,...<br />
10 Je p<strong>en</strong>se ici à l'article de Mireille CIFALI [95]. Écrire le quotidi<strong>en</strong>, l'anodin peut ainsi sout<strong>en</strong>ir la p<strong>en</strong>sée <strong>en</strong> action. Mais je p<strong>en</strong>se<br />
déjà à certains textes d'élèves dans lesquels apparemm<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> ne se passe...<br />
1 1 Dans un <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t vidéo : "Profession chercheur".<br />
84 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
dit un tout), les métaphores, la description, le récit<br />
comme formes éprouvées dans l'écriture des sci<strong>en</strong>ces<br />
sociales aujourd'hui. "11 nous paraît judicieux de<br />
multiplier les images pour qu'elles ouvr<strong>en</strong>t un espace :<br />
celui de la vie sociale et de l'imaginaire"12, nous dit-il,<br />
et j'utilise cette liberté d'agir, constitutive de l'écri¬<br />
ture, aussi bi<strong>en</strong> pour restituer ce qui advi<strong>en</strong>t du<br />
terrain que pour réfléchir sur mon propre travail.<br />
J'avais écrit ce texte dans mon carnet de bord de DEA,<br />
au mom<strong>en</strong>t du travail de délimitation de l'objet.<br />
"Qu'<strong>en</strong> est-il de ce pro-jet ? De cet objet que je pro-jette<br />
devant moi ? Il me faut le définir, réaliser l'énoncé de ses<br />
caractéristiques, le préciser, le fixer sans le figer. Il déter¬<br />
mine la recherche. Qu'est-ce qui est présupposé perdu et<br />
donc existant ?<br />
Atteindre l'objet :je l'<strong>en</strong>trevois, il est là, les éclairages queje<br />
comm<strong>en</strong>ce a installer me permett<strong>en</strong>t progressivem<strong>en</strong>t sa<br />
perception plusfine ; il sort de l'ombre, leflou s'atténue, les<br />
facettes se dessin<strong>en</strong>t, j'avance pour le cerner, mais alors il<br />
se délite, disparaissant pour me perdre ! Objet mirage, effet<br />
d'optique... je poursuis, je le suis pour qui, pour quoi ?<br />
Pour quelle suite '( Il m'oblige au voyage initiatique sur le<br />
chemin de la connaissance, ll cristallise mon rapport au<br />
savoir qui se construit <strong>en</strong> cours de route ; Voyage sans<br />
retour, voyage a risques, a transformations réciproques<br />
obfet-sujet : je le modèle et il me révèle ses ancrages dans<br />
l'histoire de mon id<strong>en</strong>tité. L'éclairage que je lui applique<br />
m'éclabousse.<br />
L'objet est-il mythique ? La quête est-elle sans fin ? Mes<br />
doutes sont ceux de l'incertitude de sa pertin<strong>en</strong>ce, du<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de l'ingérabdité de la chose, de son manque de<br />
consistance ou de sa trop grande rigidité...<br />
La formalisation m'oblige a l'exposer aux yeux des habi¬<br />
tants de l'institution : aux cruels (mais nécessaire)<br />
porteurs de miroirs a réfléchir les défauts, aux virtuoses<br />
des rhétoriques attestées (écrasante elocution) dans les<br />
12 SANSOT[94]p.64.<br />
affrontem<strong>en</strong>ts des savoirs supérieurs, aux gardi<strong>en</strong>s des<br />
forteresses théoriques validées par l'histoire, résistantes<br />
aux changem<strong>en</strong>ts, et aussi aux maîtres qui accept<strong>en</strong>t de<br />
disposer des balises, jalonnem<strong>en</strong>ts indisp<strong>en</strong>sables, utiles<br />
appuis impulsant la liberté des interrogations du novice et<br />
leurs évolutions... Formaliser c'est alors pr<strong>en</strong>dre le risque<br />
de décevoir, mais c'est aussi p<strong>en</strong>ser, condition nécessaire de<br />
la progression vers la création de savoirs nouveaux."<br />
.TERRAIN DE RECHERCHE<br />
Le terrain de ma recherche-action11, l'établissem<strong>en</strong>t<br />
scolaire d'exercice, est EREA accueillant des élèves<br />
handicapés moteurs de niveau collège, SEGPA \<br />
lycée professionnel (avec des filières électrotech¬<br />
nique, comptabilité et secrétariat) et lycée classique<br />
(avec des filières L, ES, S).<br />
Le visiteur qui franchit la porte est mal à l'aise, pris<br />
dans le tourbillon d'une hallucinante cour des mira¬<br />
cles où la population des corps déformés n'est pour¬<br />
tant qu'adolesc<strong>en</strong>te, arborant comme ailleurs les<br />
tee-shirts et maquillages à la mode du mom<strong>en</strong>t. Les<br />
gestes y sont pour beaucoup maladroits ou approxi¬<br />
matifs jusque dans l'articulation des mots les plus<br />
simples pour se faire compr<strong>en</strong>dre. Mais derrière cette<br />
image saisissante d'une conc<strong>en</strong>tration de ce qui est<br />
considéré, dans notre société, comme le malheur<br />
s'abattant sur des familles, exist<strong>en</strong>t et se construis<strong>en</strong>t<br />
des échecs et des réussites scolaires dans des histoires<br />
de vie où le rapport au monde, les s<strong>en</strong>sibilités, les<br />
intellig<strong>en</strong>ces variées, ont à nous appr<strong>en</strong>dre. Qui<br />
sont-ils pour nous sembler si différ<strong>en</strong>ts ? Je p<strong>en</strong>se<br />
déjà à Jean BAUDRILLARD1' définissant "les handi¬<br />
capés, figures de mutants parce que mutilés, et donc<br />
plus proches de la commutation, plus proches de cet<br />
13 Le terme "recherche-action", dont Rémi HESS [83] attribue la paternité au psychologue Kurt LEWIN lorsque, dans les années<br />
1930, il quitte son laboratoire pour interv<strong>en</strong>ir auprès des hommes sur le terrain, se réfère le plus souv<strong>en</strong>t à des collectifs de<br />
recherche, groupes hiérarchisés de chercheurs et de pratici<strong>en</strong>s qui collabor<strong>en</strong>t dans un but d'action (éducative, politique,<br />
économique, militante,...). En ce s<strong>en</strong>s, il n'est pas approprié a mon travail ici (on aurait peut-être pu utiliser plus justem<strong>en</strong>t le<br />
terme "recherche-formation"). Mais "Recherche-action" indique aussi, avec le tiret qui sépare les deux mots, la question <strong>en</strong><br />
t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre théorie et pratique. En ce s<strong>en</strong>s, il est approprié au travail de l'implication et de l'émerg<strong>en</strong>ce des savoirs cachés dans la<br />
pratique de terrain, travail qui est le nôtre.<br />
1 4 SEGPA : Section d'Enseignem<strong>en</strong>t Général et Professionnel Adapté.<br />
15 BAUDRILLARD 192] p. 47.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 85
univers télépathique, télécommunicationnel, que<br />
nous autres, humains trop humains, condamnés par<br />
notre abs<strong>en</strong>ce d'anomalie à des formes de travail<br />
conv<strong>en</strong>tionnelles".<br />
Les handicapés m'apparaiss<strong>en</strong>t alors comme analy¬<br />
seurs et avant-garde de déréalisation. Le handicapé<br />
est "autre" mais l'"élém<strong>en</strong>t autre introduit dans<br />
l'<strong>en</strong>semble déjà là les chances - et les risques ! - d'une<br />
lisibilité et d'une transformation des articulations<br />
signifiantes"16. Il devi<strong>en</strong>t de ce fait "analyseur",<br />
c'est-à-dire qu'il "libère un aspect inatt<strong>en</strong>du de la<br />
réalité, ouvre la brèche dans la trame serrée du s<strong>en</strong>s et<br />
des captations imaginaires."17<br />
ÉMERCFNCF DF L'OBJET<br />
Depuis le début de mon travail <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>ce, les<br />
contours de l'objet se révèl<strong>en</strong>t et se précis<strong>en</strong>t progres¬<br />
sivem<strong>en</strong>t.18 Il y a une continuité et une cohér<strong>en</strong>ce<br />
interne, personnelle et professionnelle, liée à cette<br />
recherche. La chance, avec la pédagogie des Sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'Éducation développée par les <strong>en</strong>seignants de<br />
l'Université Nancy II19, c'est de pouvoir travailler un<br />
objet choisi, mûri, reconnu <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec l'expéri<strong>en</strong>ce<br />
d'une pratique de terrain. C'est une difficulté aussi<br />
car elle oblige à clarifier l'implication forte, à démêler<br />
le narcissisme de la construction théorique, à recon¬<br />
naître la g<strong>en</strong>èse de l'objet dans l'itinéraire personnel<br />
où surgiss<strong>en</strong>t aussi les ruptures constitutives de l'évo¬<br />
lution d'une recherche.<br />
En effet, la double position, professeur-docum<strong>en</strong>ta¬<br />
liste et thésarde20, prés<strong>en</strong>te certainem<strong>en</strong>t le risque de<br />
difficultés particulières liées à la charge de travail ou<br />
16 IMBERT [86] p. 57.<br />
17 IMBERT [86] p. 59.<br />
au regard des autres21, mais offre aussi, avec le travail<br />
théorique, l'opportunité d'un dynamisme, voire une<br />
forme de solidité et de souplesse intellectuelle, un<br />
recul devant l'emprise des situations trop fortes qui,<br />
<strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce de toute analyse, fragilis<strong>en</strong>t. L'implica¬<br />
tion n'est pas une faiblesse lorsqu'elle sert à la cons¬<br />
truction théorique et si, définie comme un travail, elle<br />
s'insère comme mode de construction de la connais¬<br />
sance, se constituant <strong>en</strong> l'une des classes de données<br />
que l'explication de la complexité se doit de dé-lier<br />
des autres classes de données. Elle permet au final<br />
une analyse des possibilités professionnelles de la<br />
docum<strong>en</strong>taliste. À défaut d'une telle démarche, la<br />
réalité que la recherche t<strong>en</strong>te de restituer perdrait <strong>en</strong><br />
"s<strong>en</strong>s", à vouloir gagner <strong>en</strong> "cohér<strong>en</strong>ce". Il s'agit dans<br />
cette perspective d'assumer les effets <strong>en</strong> retour de<br />
certaines situations de travail, ce qui a pour consé¬<br />
qu<strong>en</strong>ce, et nous l'avons éprouvé, de faire évoluer<br />
l'objet de recherche. Ainsi, faire une rechercheimpliquée<br />
sur le terrain de l'action, c'est saisir la pos¬<br />
sibilité d'agir dans le mouvem<strong>en</strong>t d'une pratique,<br />
reconnue dans ce cas comme jamais achevée, c'est<br />
contribuer à l'avancée de la connaissance toujours<br />
remise <strong>en</strong> chantier, c'est faire de l'incertitude, créée<br />
par la recherche, un moteur de la p<strong>en</strong>sée et de<br />
l'action.<br />
Les différ<strong>en</strong>tes postures que je suis am<strong>en</strong>ée à occu¬<br />
per (chercheur, professeur-docum<strong>en</strong>taliste) se<br />
constitu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> "lieux" de travail de la recherche,<br />
essai de formalisation, de théorisation de la pra¬<br />
tique. C'est donc à partir de la réalité impliquée,<br />
"site de l'action, de la praxis (du s<strong>en</strong>s)" où l'objet<br />
complexe de la recherche existe et se transforme,<br />
selon les termes de Michel BATAILLE, que vont se<br />
18 Le choix de mon sujet de travail <strong>en</strong> module d'initiation à la recherche était déjà c<strong>en</strong>tré sur l'informatique et les pratiques des<br />
<strong>en</strong>seignants : difficultés à utiliser le traitem<strong>en</strong>t de texte et compét<strong>en</strong>ces nouvelles développées.<br />
19 Je p<strong>en</strong>se <strong>en</strong> particulier à Monsieur le Professeur Gérard FATH. Dans les ateliers d'écriture (module "Analyse de pratique et<br />
<strong>en</strong>onciation", de lic<strong>en</strong>ce) j'ai appris à écrire pour compr<strong>en</strong>dre ce qui se joue dans l'instant d'une pratique professionnelle.<br />
20 En fait, la position est triple : professeur, docum<strong>en</strong>taliste, chercheur, l'<strong>en</strong>semble nécessitant une circulation <strong>en</strong>tre les postures<br />
dans une démarche d'Analyse de Pratique.<br />
21 "Ça te mène à quoiV est une question qui revi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t de la part des collègues. "Faire une thèse ne vous donne aucune<br />
prérogative" est le mot de l'Inspecteur de la vie scolaire au mom<strong>en</strong>t de mes premiers v de mainti<strong>en</strong> dans l'établissem<strong>en</strong>t...<br />
22 Sur la question de l'implication, cf. la revue Pour, n° 88, mars-avril 1983.<br />
86 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
dégager les deux autres sites d'observation de la<br />
complexité : celui de la recherche proprem<strong>en</strong>t dite<br />
qualifié de site de la cohér<strong>en</strong>ce, où va se réaliser<br />
l'explication de cet objet complexe et celui de la "cir¬<br />
culation <strong>en</strong>tre recherche et action", où il devi<strong>en</strong>t pos¬<br />
sible de saisir "comm<strong>en</strong>t la connaissance produit de<br />
l'action et l'action produit de la connaissance"" .<br />
COMPLEXITÉ, OBJET PARLÉ,<br />
J2Bi£T PARLANT<br />
La situation impliquée préserve de la séduction des<br />
approches classiques issues des sci<strong>en</strong>ces dures et du<br />
positivisme qui attribu<strong>en</strong>t à la recherche une puissance<br />
démesurée, s'illusionnant du pouvoir de résoudre les<br />
problèmes de l'humanité tout <strong>en</strong> cherchant à dénier les<br />
relations <strong>en</strong>tre le chercheur (sujet) et son objet.<br />
La complexité du terrain, si elle n'est pas niée, bous¬<br />
cule les hypothèses de départ et modifie, dans le mou¬<br />
vem<strong>en</strong>t du travail théorique, la construction initiale de<br />
l'objet. Suzanne MOLLO explicite ce processus : la<br />
délimitation d'un sujet de recherche est le résultat d'un<br />
"itinéraire réflexif'21 dans lequel l'auteur réintroduit,<br />
dans la construction de ses hypothèses initiales, les<br />
pratiques de terrain, l'imprévisible, refusant de se<br />
limiter à l'application de mécanismes préétablis.<br />
L'imbrication du sujet chercheur comporte cep<strong>en</strong>¬<br />
dant le risque d'un double mal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du avec le<br />
risque de perte du côté de la théorie universalisante<br />
ou à l'inverse celui de la perte de l'objet. La proposi¬<br />
tion théorique de Marilia AMORIM permet de<br />
dépasser cette difficulté <strong>en</strong> introduisant la manière<br />
dont "la question du s<strong>en</strong>s suppose celles de l'altérité<br />
23 BATAILLE [83] p. 36.<br />
24 MOLLO [87] p. 65.<br />
25 AMORIM [96] p. 36.<br />
et de l'énonciation"2\ Au mom<strong>en</strong>t du passage de la<br />
situation de terrain (situation de dialogue avec les<br />
acteurs et des rapportsje/tu) à la situation d'écriture<br />
(dialogisme du texte26), une "double inversion" se<br />
réalise : une première "par rapport au dialogue et au<br />
discours" dans laquelle l'énoncé sci<strong>en</strong>tifique<br />
s'adresse à un "il" (le destinataire dev<strong>en</strong>u abs<strong>en</strong>t et<br />
le surdestinataire représ<strong>en</strong>té par l'<strong>en</strong>semble des exi¬<br />
g<strong>en</strong>ces du monde intellectuel) et une deuxième par<br />
rapport à l'objet qui n'est pas seulem<strong>en</strong>t "objet parlé<br />
(par d'autres auteurs que par lui-même)" mais aussi<br />
"objet parlant". L'altérité est à l'uvre quand "à la<br />
place de l'objet, celui dont on parle, il y a un tu."~'<br />
L'objet qui nous intéresse ici est alors résolum<strong>en</strong>t<br />
polyphonique, selon la définition de Marilia<br />
AMORIM, il est "la question de l'objet de connais¬<br />
sances traitée du point de vue du dialogisme et de<br />
la théorie de l'énonciation."28<br />
LES ANNÉES THÈSE OU L'HISTOIRE<br />
jniN_BA5CLLLEMENT DE PENSÉE<br />
APPROCHE TECHN1CISTE<br />
Ma maîtrise des Sci<strong>en</strong>ces de l'Information et de la<br />
<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation ambitionnait la construction d'une<br />
base de données docum<strong>en</strong>taire, "HYPERDOCS 1",<br />
logiciel dans lequel les écrits des acteurs de la com¬<br />
munauté éducative pouvai<strong>en</strong>t s'organiser <strong>en</strong> li<strong>en</strong>s<br />
évolutifs sur les pages où les images numériques, les<br />
référ<strong>en</strong>ces des textes, et des comm<strong>en</strong>taires à usage<br />
collectif ou personnel pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t place au fur et à<br />
mesure des apports des élèves. Le produit informa¬<br />
tique2'' dans sa structure et les usages prévus avec une<br />
26 Le concept de dialogisme (ou polyphonie) habituellem<strong>en</strong>t appliqué aux textes est issu du travail de Mikhail BAKHTINE qui a<br />
montré comm<strong>en</strong>t "un même "mot" se révèle être porté par plusieurs "voix", v<strong>en</strong>ir au croisem<strong>en</strong>t de plusieurs cultures."<br />
(cf. DUCROT-TODOROV [79] p. 443).<br />
27 AMORIM [96] p. 37.<br />
28 AMORIM [96] p. 33.<br />
29 Les logiciels construits pour les besoins de ma recherche ont été réalisés de 1994 à 1997, au C.F.l.A.P. (C<strong>en</strong>tre de Formation à<br />
l'Informatique et à ses Applications Pédagogiques), dont le responsable, Monsieur jean-Louis Cl I ARPILLL, avait accepté d'offrir<br />
aux idées que j'avançais, les moy<strong>en</strong>s humains et matériels nécessaires. L'écriture informatique d'HYI'LRDOCS (versions 1 et 2)<br />
est celle de Monsieur Bernard S1RANTOINE, ingénieur au C.F.l.A.P.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
87
vision "a priori" de l'utilisateur écrivant, constituait<br />
l'objet <strong>en</strong> soi. Il s'agissait de concevoir un logiciel, de<br />
le tester auprès d'utilisateurs <strong>en</strong> vue de prouver son<br />
intérêt et son efficacité. Mais derrière la technique<br />
trop puissante, l'évid<strong>en</strong>ce de l'acteur aux prises avec<br />
l'écriture comm<strong>en</strong>çait déjà à émerger. Cet acteur<br />
hésitant, maladroit, déconcertant par rapport à<br />
l'outil et ce qu'on att<strong>en</strong>dait, apparaissait progressive¬<br />
m<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus intéressant à étudier et ce<br />
d'autant plus qu'il est "handicapé".<br />
DE L'OUTIL MOBILISATEUR À L'OUTIL<br />
ANALYSEUR<br />
Mon DEA se proposait, dans cette suite directe, une<br />
recherche "... qui porte sur le rapport à l'écrit..." <strong>en</strong><br />
t<strong>en</strong>tant d'observer comm<strong>en</strong>t l'outil hypertexte créé<br />
pour intégrer les textes construits dans une logique<br />
scolaire classique mais aussi les textes plus<br />
personnels, "anodins", pouvait permettre la<br />
mobilisation sur l'écriture et le changem<strong>en</strong>t des<br />
rapports à l'écriture. La perspective est donc<br />
radicalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te : si, avec la maîtrise, l'objet<br />
était directem<strong>en</strong>t lié à l'outil informatique (le logi¬<br />
ciel HYPERDOCS 1 à tester), avec le DEA l'objet est<br />
d'abord lié à l'acteur, l'élève aux prises avec l'écriture<br />
et le logiciel informatique qui est reconstruit,<br />
simplifié ("HYPERDOCS 230"), devi<strong>en</strong>t analyseur<br />
des rapports à l'écrit et non plus thème d'étude <strong>en</strong><br />
soi. Je postule aussi que l'outil va révéler les modes<br />
de p<strong>en</strong>sée et transformer les rapports à l'écrit et je<br />
me propose de démontrer les difficultés et l'intérêt<br />
de l'hypertexte dans une approche formative.<br />
DU SUJET OPÉRATOIRE AU SUJET<br />
EXISTENTIEL<br />
Ma thèse aujourd'hui, sans abandonner les technolo¬<br />
gies informatiques, accepte de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte<br />
égalem<strong>en</strong>t les possibilités d'un simple stylo pour<br />
créer des écrits capables d'<strong>en</strong> <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer d'autres,<br />
dans une perspective de formation. C'est l'élève ado<br />
lesc<strong>en</strong>t aux prises avec l'écriture dans le rapport à<br />
l'outil et au monde qui devi<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral.<br />
L'outil reste prés<strong>en</strong>t, il est constitutif de l'acte d'écri¬<br />
ture sur lequel il agit aussi, mais il pr<strong>en</strong>d place désor¬<br />
mais <strong>en</strong> arrière-plan de ce qui constitue l'ess<strong>en</strong>tiel de<br />
l'atelier d'écriture : la manière dont les élèves vont<br />
s'emparer (ou refuser de s'emparer) de l'offre d'écri¬<br />
ture, l'investissem<strong>en</strong>t qui se réalise, l'inscription<br />
d'eux-mêmes surgissant dans leurs productions. Un<br />
passage s'est opéré pour libérer le sujet exist<strong>en</strong>tiel du<br />
sujet opératoire et introduire la question de l'écriture,<br />
qui n'est pas réductible à une circulation sur écran.<br />
Ce sont les textes obt<strong>en</strong>us, apparemm<strong>en</strong>t maladroits,<br />
simples, faibles mais dans lesquels les auteurs-élèves<br />
se ménag<strong>en</strong>t pourtant une place que l'énonciation<br />
nous permet d'observer, qui m'ont conduite, avec la<br />
question de leur analyse possible (ou impossible), au<br />
basculem<strong>en</strong>t de la place de l'outil informatique dans<br />
la recherche. En effet, le choc du corpus obt<strong>en</strong>u dans<br />
les ateliers d'écriture réactive les questions méthodo¬<br />
logiques. Les outils linguistiques (GREIMAS, les<br />
approches sémantiques,...) s'avèr<strong>en</strong>t trop puissants<br />
pour être appliqués tels quels aux productions des<br />
élèves faibles alors même que si les matériaux sem¬<br />
bl<strong>en</strong>t "pauvres", l'analyse ne les épuisera pas. Avec<br />
l'étude de l'agir professionnel (ce que je demande et<br />
organise, ce qui pr<strong>en</strong>d forme, comm<strong>en</strong>t je le com¬<br />
pr<strong>en</strong>ds,...), c'est la question de la formation qui pr<strong>en</strong>d<br />
forme.<br />
Au final, l'histoire de l'approche théorique est<br />
peut-être celle d'une modestie qui, au-delà de<br />
l'euphorie narcissique du chercheur projetant son<br />
objet, apparti<strong>en</strong>t à l'accommodation du réel : passage<br />
d'une ambition démesurée dans la vision transpa¬<br />
r<strong>en</strong>te de l'outil efficace à une prise <strong>en</strong> compte de la<br />
réalité complexe31 des acteurs aux prises avec leur vie<br />
biologique, affective, scolaire,... dans la constante<br />
fragilité des équilibres humains, toujours précaires,<br />
toujours <strong>en</strong> (trans)formation que l'écriture révèle. Il<br />
ne s'agit donc pas d'une quelconque disparition de<br />
30 HYPERDOCS2 est <strong>en</strong> fait un traitem<strong>en</strong>t de texte simplifié, dans lequel une fonction hypertexte est introduite. La création d'une<br />
"macro" (programmation d'une nouvelle fonction ) permet à l'utilisateur néophyte de générer facilem<strong>en</strong>t des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre des mots<br />
d'un texte (hypermot) et de nouveaux textes (li<strong>en</strong>s hypertextes <strong>en</strong>tre fichiers).<br />
31 Cette réalité, l'épreuve du terrain, a déplacé l'objet de recherche me poussant <strong>en</strong> dehors de l'outil informatique trop puissant et<br />
trop fermé à la fois. La démultiplication de certains effets, la prise <strong>en</strong> compte des élèves comme partie pr<strong>en</strong>ante de la<br />
reconstruction de l'objet ont alors pour effet <strong>en</strong>richissant d'éviter le risque d'émiettem<strong>en</strong>t de cet objet.<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
l'exig<strong>en</strong>ce de recherche mais, bi<strong>en</strong> au contraire,<br />
d'une ambition intellectuelle.<br />
RAPPORT AUX THÉORIES<br />
Un basculem<strong>en</strong>t s'effectue, celui de la place de<br />
l'outil informatique face à l'homme, et c'est le bas¬<br />
culem<strong>en</strong>t théorique qui s'opère. Il dénoue mon<br />
rapport aux théories. En effet, j'ai <strong>en</strong>core<br />
aujourd'hui le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'avoir tout t<strong>en</strong>té pour<br />
maint<strong>en</strong>ir l'outil informatique au c<strong>en</strong>tre de la<br />
recherche, au c<strong>en</strong>tre des espoirs qu'il laissait à<br />
p<strong>en</strong>ser. Et je me vois <strong>en</strong>core prisonnière intellec¬<br />
tuelle du "cercle vicieux" décrit par Donald A.<br />
SCHÔN, dans lequel la réflexion du pratici<strong>en</strong><br />
"s'autolimite <strong>en</strong> se mettant au service du cadre<br />
qu'il se donne pour jouer son rôle, au service éga¬<br />
lem<strong>en</strong>t de sa théorie <strong>en</strong> usage personnelle ou du<br />
système d'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel au sein<br />
duquel il travaille",;î. Qu'il s'agisse ici du pratici<strong>en</strong><br />
docum<strong>en</strong>taliste, pris dans la mouvance d'une<br />
profession qui se cherche et dans la vague défer¬<br />
lante et béate des TICEU, ou du pratici<strong>en</strong> cher¬<br />
cheur, avide de méthodes efficaces pour surmonter<br />
les angoisses de la confrontation à la complexité<br />
(DEVEREUX [80]) du terrain toujours subversif, la<br />
voie est toute tracée par le désir de faire progresser<br />
les élèves et trouver les preuves de l'efficacité de<br />
l'outil. L'<strong>en</strong>vie de compr<strong>en</strong>dre la p<strong>en</strong>sée cognitive<br />
trop vite assimilée à un mécanisme s'épanouit dans<br />
les incantations du discours officiel qui pèse avec le<br />
déferlem<strong>en</strong>t des T1CE, dans la profession trop nou¬<br />
velle. Mais lorsque je compr<strong>en</strong>ds que cette voie<br />
royale n'était <strong>en</strong> fait qu'un chemin d'application<br />
sans issue, s'opère alors la rupture épistémologique<br />
dans laquelle je peux exister, <strong>en</strong> tant que chercheur,<br />
avec ma capacité éprouvée à me dégager des sché¬<br />
mas de p<strong>en</strong>sée préétablis, dominant les discours<br />
32 SCHÛN[94]p.336.<br />
33 TICE : Technologies de l'Information Communication à l'École.<br />
ambiants. Ainsi se prés<strong>en</strong>te une possibilité<br />
nouvelle : celle de construire la liberté de poser les<br />
questions différemm<strong>en</strong>t.<br />
Mon travail de recherche m'a am<strong>en</strong>ée à circuler <strong>en</strong>tre<br />
un terrain riche <strong>en</strong> informations cachées et les possi¬<br />
bilités théoriques de leur émerg<strong>en</strong>ce, de leur prise <strong>en</strong><br />
compte. Il se situe dans le courant actuel d'Analyse de<br />
Pratique (SCHÔN, PERRENOUD) qui reconnaît les<br />
savoirs cachés dans la pratique. Le concept de "pra¬<br />
tique interagie" (POURTOIS, DESMET, LAHAYE<br />
[93]), comme activité de production d'information<br />
dans un projet partagé ouvre une piste pour dépasser<br />
les antagonismes classiques <strong>en</strong>tre pratici<strong>en</strong> et<br />
chercheur14.<br />
LA NÉCESSAIRE ENVIE<br />
D'ABANDONNER<br />
Si je relate ainsi mon itinéraire de mèse il peut paraître<br />
relativem<strong>en</strong>t linéaire, au s<strong>en</strong>s où il s'inscrit dans une<br />
progression, même si elle se déploie de rupture <strong>en</strong><br />
rupture. Au final que puis-je indiquer de plus ?<br />
Peut-être une dernière chose que j'ai apprise aussi.<br />
Les passages d'état <strong>en</strong> état, d'étapes <strong>en</strong> étapes succes¬<br />
sives se constitu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> autant de mom<strong>en</strong>ts propices à<br />
la t<strong>en</strong>tation d'abandonner. L'<strong>en</strong>vie d'abandonner<br />
surgit brutalem<strong>en</strong>t ou s'infiltre insidieusem<strong>en</strong>t. Elle<br />
s'épanouit dans de multiples faux prétextes : le<br />
manque de temps, les amis, la vie familiale... Je<br />
pourrais citer beaucoup d'extraits de mon carnet de<br />
bord à ce sujet.<br />
Septembre 98 :<br />
Cet été, j'ai cru que j'abandonnais... je me suis twuvée<br />
sans me reconnaître dans un étal d'arrêt, sans possibilité<br />
de me mettre a lire m écrire. De jour <strong>en</strong> jour, d'heure <strong>en</strong><br />
heure, je me suis vue abandonnée au temps fuyant,<br />
occupée a cuisiner trop longuem<strong>en</strong>t des salades ordinaires,<br />
34 L'histoire du li<strong>en</strong> pratici<strong>en</strong>/chercheur est celle des critères de validité d'une recherche. Elle est déterminée par les philosophies<br />
(positivisme/phénoménologie) qui produis<strong>en</strong>t des théories et les questions de leurs dominations (approches expérim<strong>en</strong>tales/<br />
approches qualitatives). La recherche-action, constitutive de l'histoire des Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation, propose des articulations <strong>en</strong>tre<br />
pratici<strong>en</strong>s et chercheurs. En fait elle éclaire le conflit théorie/pratique, sans pouvoir le réduire maint<strong>en</strong>ant a une hiérarchieimplicite<br />
(inopérante) <strong>en</strong>tre chercheurs et pratici<strong>en</strong>s.<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 89
à arroser de pauvres légumes déjà condamnés par la<br />
sécheresse, dormir... Cette thèse <strong>en</strong> gestation qui me<br />
passionne habituellem<strong>en</strong>t semble dev<strong>en</strong>ue indiffér<strong>en</strong>te...<br />
J'avais organisé confortablem<strong>en</strong>t mon bureau d'été...<br />
mai 1999 :<br />
...Ne pas avoir le temps de faire. Avec la chaleur du mois<br />
de mai et l'effervesc<strong>en</strong>ce de mon grand jardin, les amis<br />
perdus de vue depuis trop longtemps s'offr<strong>en</strong>t volontiers<br />
comme échappatoires nécessaires. Mais dès lors que je me<br />
surpr<strong>en</strong>ds au petitplaisir défaire trop longuem<strong>en</strong>t la vais¬<br />
selle, je devi<strong>en</strong>s suspecte à mes propres yeux : à ce stade de<br />
difficulté toutpeut être prétexte ou excuse pour retarder le<br />
mom<strong>en</strong>t d'affronter l'épreuve de rédaction du plan !... et<br />
là, je me dis que l'étudiante <strong>en</strong> thèse queje suis ne saitpas<br />
<strong>en</strong>core quelle est peut-être <strong>en</strong> train de s'inscrire pour une<br />
année supplém<strong>en</strong>taire...<br />
On peut p<strong>en</strong>ser d'abord à du découragem<strong>en</strong>t (je l'ai<br />
cru), mais il s'agit <strong>en</strong> fait d'une forme de "passibilité"<br />
(LYOTARD35), possibilité d'éprouver sans<br />
calcul ce qui se donne à vivre. L'<strong>en</strong>jeu consiste<br />
moins à trouver des explications ou des excuses que<br />
de compr<strong>en</strong>dre.<br />
Lorsque le travail de compréh<strong>en</strong>sion de ce qui se joue<br />
(sur le terrain ou dans la démarche de chercheur)<br />
s'accompagne d'un mom<strong>en</strong>t de flottem<strong>en</strong>t intellec¬<br />
tuel (appar<strong>en</strong>t), c'est parce que ce que je mets <strong>en</strong><br />
uvre ne fonctionne pas comme prévu. Il se produit<br />
une déstabilisation. Il me faut lâcher prise et recons¬<br />
truire autrem<strong>en</strong>t. La compréh<strong>en</strong>sion nouvelle n'est<br />
pas immédiatem<strong>en</strong>t <strong>disponible</strong> aux mots. Il devi<strong>en</strong>t<br />
nécessaire de poser autrem<strong>en</strong>t les questions et leurs<br />
cadres théoriques au lieu de rechercher trop directe¬<br />
m<strong>en</strong>t l'explication supposée efficace pour produire<br />
des solutions immédiatem<strong>en</strong>t conformes à l'att<strong>en</strong>te<br />
pré-établie.<br />
Mon rapport à la recherche se construit ainsi dans le<br />
dépassem<strong>en</strong>t des difficultés. J'ai progressivem<strong>en</strong>t<br />
appris, dans le travail avec mon directeur de thèse,<br />
à reconnaître ces résistances de la recherche (l'inci¬<br />
d<strong>en</strong>t sur le terrain, l'inatt<strong>en</strong>du, les déstabilisations,...)<br />
comme des aubaines pour p<strong>en</strong>ser autrem<strong>en</strong>t.<br />
Aujourd'hui, je sais que l'<strong>en</strong>vie d'abandonner est un<br />
35 LYOTARD [93] p. 84.<br />
indicateur : celui d'une impasse de p<strong>en</strong>sée qu'il faut<br />
dépasser, après l'avoir id<strong>en</strong>tifiée et acceptée.<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />
Brigitte LEMIUS<br />
Professeur-docum<strong>en</strong>taliste<br />
Membre de l'ERAEF36<br />
AMORIM [96]<br />
AMORIM, Marilia .- La construction de l'objet <strong>en</strong> éducation<br />
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BERTHIER, Philippe, DUFOUR, Dany-Robert (coord.) .-<br />
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BATAILLE [83]<br />
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BAUDRILLARD [92]<br />
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CIFALI [95]<br />
CIFALI, Mireille .- "J'écris le quotidi<strong>en</strong>" .- Cahiers<br />
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DEVEREUX [80]<br />
DEVEREUX, Georges .- De l'angoisse à la méthode dans les<br />
sci<strong>en</strong>ces du comportem<strong>en</strong>t .- Paris : Flammarion, 1980 .<br />
- 474 p.- (Nouvelle bibliothèque sci<strong>en</strong>tifique).<br />
DUCROT-TODOROV [79]<br />
DUCROT, Oswald, TODOROV, Tzvetan .<br />
- Dictionnaire <strong>en</strong>cyclopédique des sci<strong>en</strong>ces du langage.- Paris :<br />
Seuil, 1979. - 450 p.- (Points/Antropologie Sci<strong>en</strong>ces<br />
humaines; 110).<br />
FATH [92]<br />
FATH, Gérard .- L'implication dans le métier <strong>en</strong>seignant.-<br />
Chaumont : CDDP, 1992 .- 36 p.- (Espace de formation).<br />
FAVRET-SAADA [82]<br />
FAVRET-SAADA, Jeanne, CONTRERAS, Josée .<br />
- Corps pour corps. Enquête sur la sorcellerie dans le bocage.-<br />
(réimpr.). - Paris : Gallimard, 1982 .- 368 p.<br />
- (Témoins).<br />
GOODY [93]<br />
GOODY, Jack .- La raison graphique : la domestication de la<br />
p<strong>en</strong>sée sauvage.- Paris : Ed. de Minuit, 1993 .- 274 p.-<br />
(Le s<strong>en</strong>s commun).<br />
GREIMAS, COURTES [79]<br />
GREIMAS, A.J., COURTES, J .- Sémiotique. Dictionnaire<br />
raisonné de la théorie du langage. - Paris : Hachette-Université,<br />
1979.<br />
36 ERAEF : Équipe de Recherche sur les Acteurs de l'Éducation et de la Formation (Université de Nancy 2).<br />
90 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
GROUPE D'ENTREVERNES [88]<br />
Groupe d'Entrevernes .- Analyse sémiotique des textes.<br />
Introduction. Théorie-Pratique .- 6'ed. - Lyon : PUL, 1988.<br />
- 207 p.- (linguistique et sémiologie).<br />
HESS [83]<br />
HESS, Rémi .- Histoire et typologie de la recherche-action. -<br />
Pour, n° 90, juin-juillet 1983, p. 9-16.<br />
HOUSSAYE [92]<br />
HOUSSAYE, Jean .- Les valeurs à l'école : l'éducation aux<br />
temps de la sécularisation .- Pans : PUF, 1992 .- 339 p.-<br />
( Pédagogie d'aujourd'hui).<br />
IMBERT [86]<br />
IMBERT, Francis - Innovation et temporalité .- Revue<br />
française de pédagogie n° 75, avnl-mai-juin 1986 - p. 53-59.<br />
LYOTARD [93]<br />
LYOTARD, Jean-François .- L'inhumain. Causeries sur le<br />
temps .- (réédition) .- Pans : Galilée, 1993 .- 217 p.- (Débats).<br />
MOLLO [87]<br />
MOLLO-BOU VIER, Suzanne .- De la sociologie à la psychosociologie<br />
de l'éducation ou la délimitation d'un sujet de<br />
recherche .- Revue française de pédagogie, n° 78, janvierfévner-mars<br />
1987, p. 65-71.<br />
PERRENOUD [94]<br />
PERRENOUD, Philippe .- La formation des <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong>tre<br />
théorie et pratique .- Paris : L'harmattan, 1994 .<br />
- 254 p.- (Savoir et Formation).<br />
PINEAU [83]<br />
PINEAU, Gaston, Marie-Michèle .- Produire sa vie :<br />
auto-formation et autobiographie .- Paris : Edilig ; Montréal :<br />
Les Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1983.<br />
POURTOIS, DESMET, LAHAYE [93]<br />
POURTOIS, Jean-Pierre, DESMET, Huguette,<br />
LAHAYE, Willy .- La pratique interagie de la recherche et de<br />
l'action <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces humaines .- Revuefrançaise de pédagogie,<br />
n° 105, octobre-novembre-décembre 1993, p. 71-81.<br />
RICCEUR [98]<br />
RICCEUR, Paul .- Du texte à l'ai tion. Essai d'herméneutique II .<br />
- Paris : Seuil, 1998 .- 245 p.- (Points ; 377).<br />
SANSOT [94]<br />
SANSOT, Pierre .- Le goût de l'écriture .- In L'écriture des<br />
sci<strong>en</strong>ces de l'homme .- Communications, n° 58, mai 1994,<br />
p. 61-67.<br />
SCHÛN [94]<br />
SCHÛN, Donald A. .- Le pratici<strong>en</strong> réflexif<br />
À la recherche du savoir cache dans l'agir professionnel .-<br />
Montréal : Les Éditions Logiques, 1994 .- 418 p.- (Formation<br />
des maîtres).<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 91
LA QUESTION<br />
DU FONDEMENT<br />
DE LA MORALE LAÏQUE<br />
SOUS LA TROISIÈME<br />
RÉPUBLIQUE : UNE QUÊTE<br />
DES ORIGINES À LA<br />
FRONTIÈRE DES GENRES<br />
LAURENCE LOEFFEL<br />
Y" orsque je me suis inscrite <strong>en</strong> thèse de Sci<strong>en</strong>ces de<br />
| l'éducation à la fin de l'année 1992, je crois que<br />
L ,Jje faisais partie de ces personnes dont le chemi¬<br />
nem<strong>en</strong>t paraissait, dès le départ, fortem<strong>en</strong>t compro¬<br />
mis. Divorcée, mère de deux <strong>en</strong>fants, vivant à Paris,<br />
exerçant à plein temps le métier de professeur de phi¬<br />
losophie au c<strong>en</strong>tre IUFM de Beauvais, tout dans ma<br />
vie personnelle et professionnelle semblait contrarier<br />
mon projet. J'ai réussi à le m<strong>en</strong>er à son terme, pour¬<br />
tant, et près de deux ans plus tard, je ne peux pas dire<br />
que ce fut au prix d'une grande souffrance, ni d'un<br />
sacrifice. 11 est vrai que mon sujet de thèse ("La ques¬<br />
tion du fondem<strong>en</strong>t de la morale laïque sous la Troi¬<br />
sième République"), me situant aux origines de l'école<br />
primaire, était <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avec l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t que<br />
je disp<strong>en</strong>sais aux professeurs des écoles ; ma recherche<br />
personnelle nourrissait mes <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts. Je me r<strong>en</strong>¬<br />
dais compte, et de plus <strong>en</strong> plus au fil du temps, de la<br />
pertin<strong>en</strong>ce de l'approche de l'histoire de l'éducation<br />
pour compr<strong>en</strong>dre l'école primaire d'aujourd'hui,<br />
j'avais aussi la chance de travailler avec le professeur<br />
Claude Lelièvre. La confiance qu'il me témoignait<br />
ainsi que sa disponibilité ont indéniablem<strong>en</strong>t été le<br />
moteur qui m'a permis d'achever ce Doctorat.<br />
Ri<strong>en</strong>, pourtant, dans ma formation, ne me prédis¬<br />
posait à m'<strong>en</strong>gager dans une recherche <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'éducation.<br />
.LES ^RAISONS D'UN CHOIX<br />
Après une formation on ne peut plus classique (clas¬<br />
ses préparatoires, université, concours), j'ai <strong>en</strong>seigné<br />
quelques années la philosophie dans le secondaire.<br />
En 1990, j'ai été, sans l'avoir demandé, affectée sur un<br />
poste de professeur de philosophie et de psy¬<br />
cho-pédagogie à l'École normale de Beauvais. Je ne<br />
savais ri<strong>en</strong> de la formation des <strong>en</strong>seignants du pri¬<br />
maire. Un bref stage <strong>en</strong> École normale, p<strong>en</strong>dant mon<br />
année de CPR, avait été plutôt dissuasif quant à mon<br />
<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t pot<strong>en</strong>tiel dans ce type de formation.<br />
C'est pourtant ma prise de fonction à l'École normale<br />
qui a motivé presqu'aussitôt un désir de m'<strong>en</strong>gager<br />
dans une recherche <strong>en</strong> rapport avec l'éducation et<br />
l'école primaire. Est-ce parce que je suis fille d'insti¬<br />
tutrice ? Est-ce le souv<strong>en</strong>ir de ces petites écoles de<br />
campagne du Val-d'Oise où j'ai vécu ? Ou est-ce un<br />
intérêt prononcé pour l'<strong>en</strong>fance et l'éducation ? Je ne<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 93
sais. En tout état de cause, c'est bi<strong>en</strong> l'<strong>en</strong>trée à l'École<br />
normale qui a profondém<strong>en</strong>t modifié mon id<strong>en</strong>tité<br />
intellectuelle et professionnelle transformant mon<br />
intérêt <strong>en</strong> un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t personnel. Un mois après<br />
la r<strong>en</strong>trée, j'avais choisi mon domaine de recherche,<br />
la laïcité, et quasim<strong>en</strong>t délimité mon sujet de DEA1.<br />
Un professeur de l'Université de Picardie Jules<br />
Verne, Jean-William Wallet, m'a conseillé de le pro¬<br />
poser à Claude Lelièvre, professeur à l'Université de<br />
Paris V. Mon sujet lui a plu et c'est ainsi que notre<br />
collaboration a comm<strong>en</strong>cé. À ce mom<strong>en</strong>t-là, j'étais<br />
complètem<strong>en</strong>t ignorante de ce qui se faisait dans les<br />
départem<strong>en</strong>ts de Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation. J'ai décou¬<br />
vert tout un champ du savoir qui m'était, je dois bi<strong>en</strong><br />
l'avouer, tout à fait étranger.<br />
J'ai achevé le DEA <strong>en</strong> deux ans puis je me suis ins¬<br />
crite <strong>en</strong> thèse. Le sujet que j'avais choisi, <strong>en</strong> accord<br />
avec Claude Lelièvre, était original et motivant : per¬<br />
sonne n'avait jamais approfondi la question. C'était<br />
un sujet neuf, dont mon Directeur de thèse, clair¬<br />
voyant, me prédisait qu'il redevi<strong>en</strong>drait, sous peu,<br />
une préoccupation de première importance pour<br />
l'École. C'était aussi une investigation qui me situait<br />
au plus près de l'école primaire, de son histoire, de<br />
sa vocation originelle à moraliser et socialiser les<br />
jeunes <strong>en</strong>fants.<br />
Le caractère inédit de ma recherche, toutefois, a été<br />
aussi à l'origine de mes premières inquiétudes.<br />
L'ÈRE DU SOUPÇON<br />
Mon objet de recherche mêlait des perspectives phi¬<br />
losophiques et historiques. Philosophe de formation,<br />
la question du fondem<strong>en</strong>t de la morale était pour moi<br />
presque une question d'école. La question du fonde¬<br />
m<strong>en</strong>t de la morale laïque, toutefois, avait cette parti¬<br />
cularité qu'elle semblait indissociable de celle de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t moral, de l'éducation morale, bref, de<br />
toute une partie de l'histoire de Téducation et de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Fortem<strong>en</strong>t liée à la construction de la<br />
laïcité scolaire sous la Troisième République, elle<br />
concernait aussi, de manière ess<strong>en</strong>tielle, l'histoire<br />
politique. Mon directeur de thèse, histori<strong>en</strong> de l'édu¬<br />
cation, att<strong>en</strong>dait de moi que je porte mes recherches<br />
systématiquem<strong>en</strong>t sur les aspects purem<strong>en</strong>t spécula¬<br />
tifs du problème, et non sur ses aspects pédagogi¬<br />
ques, mieux connus. D'où, un certain nombre de<br />
difficultés et d'incertitudes la première année : com¬<br />
m<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> effet, au plan méthodologique, faire la part<br />
de la spéculation pure, au sein d'une question tissée<br />
de perspectives aussi diverses qu'inextricables. Plus<br />
précisém<strong>en</strong>t, je me demandais s'il était possible de<br />
m<strong>en</strong>er une investigation proprem<strong>en</strong>t philosophique<br />
sur des auteurs, des textes, des discours qui tous, ou<br />
presque, étai<strong>en</strong>t pris dans l'histoire. Comm<strong>en</strong>t appré¬<br />
cier la t<strong>en</strong>eur philosophique des écrits que je<br />
m'apprêtais à exhumer ? N'étais-je pas condamnée à<br />
ne r<strong>en</strong>contrer, au mieux que des témoignages histori¬<br />
ques, au pire, que des écrits idéologiques ? Mon<br />
inquiétude était confortée par le fait qu'au cours de<br />
ma formation de "philosophe de métier", la philo¬<br />
sophie française de la deuxième moitié du XIXe siècle<br />
n'avait jamais été abordée. Dans l'histoire de la philo¬<br />
sophie telle qu'on me l'avait <strong>en</strong>seignée, il y avait un<br />
vide <strong>en</strong>tre Maine de Biran et Bergson. Paul Janet,<br />
H<strong>en</strong>ri Marion, Jean-Marie Guyau, Alfred Fouillée,<br />
Dominique Parodi, Gustave Belot, Alphonse Darlu,<br />
tous étai<strong>en</strong>t tombés aux oubliettes de l'histoire de la<br />
philosophie institutionnelle, à l'exception notable<br />
d'Auguste Comte, mais pas de Victor Cousin qui est<br />
pourtant le père fondateur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la<br />
philosophie. L'épaisseur du sil<strong>en</strong>ce fait sur la période<br />
laissait supposer que l'activité spéculative avait été<br />
susp<strong>en</strong>due au profit d'un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t politique et<br />
pédagogique, donc idéologique. Comm<strong>en</strong>t, dès lors,<br />
traiter philosophiquem<strong>en</strong>t la question que je<br />
m'apprêtais à explorer ? À quelle légitimité pou¬<br />
vait-elle prét<strong>en</strong>dre ?<br />
Cette difficulté constituait une véritable impasse. Il<br />
fallait ou abandonner ou <strong>en</strong> sortir car je ne pouvais<br />
<strong>en</strong>trer dans cette recherche ayant à l'esprit toujours<br />
un soupçon sur le bi<strong>en</strong>-fondé de mon <strong>en</strong>treprise.<br />
J'ai trouvé une issue principalem<strong>en</strong>t dans la lecture<br />
des travaux des histori<strong>en</strong>s et des sociologues et ce<br />
n'est pas un hasard : les philosophes ayant dédaigné<br />
1 Les fonctions de professeur de psycho-pédagogie <strong>en</strong> École normale donnai<strong>en</strong>t, à ce mom<strong>en</strong>t-là, l'équival<strong>en</strong>ce d'une maîtrise de<br />
Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation. J'ai donc pu m'inscrire directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> DEA.<br />
94 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
la période2, c'est dans les travaux des spécialistes de la<br />
République, de la laïcité ou de l'école que j'ai décou¬<br />
vert les premières approches de la question qui me<br />
concernait. Claude Nicolet, Pierre Ognier,<br />
Jean-Marie Mayeur, Jean Baubérot illustrai<strong>en</strong>t cette<br />
capacité à pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte la d<strong>en</strong>sité philoso¬<br />
phique des textes, sans pour autant perdre de vue le<br />
point de vue de l'histoire, c'est-à-dire tout <strong>en</strong> se<br />
situant dans le cadre sci<strong>en</strong>tifique qui était le leur. Ces<br />
lectures, auxquelles se sont ajoutées celles de<br />
Jean-Louis Fabiani ou Marcel Gauchet m'ont am<strong>en</strong>ée<br />
à un constat : la période de la Troisième République<br />
était, au plan intellectuel, un mom<strong>en</strong>t tout à fait spé¬<br />
cifique, comme une par<strong>en</strong>thèse philosophique, mais<br />
une par<strong>en</strong>thèse paradoxalem<strong>en</strong>t fondatrice. Son¬<br />
geant à ce que Bergson décrit comme une illusion de<br />
la p<strong>en</strong>sée, le mouvem<strong>en</strong>t rétrospectif du vrai, j'ai p<strong>en</strong>sé<br />
que ce n'était finalem<strong>en</strong>t que par un jugem<strong>en</strong>t<br />
"d'après-coup" que l'histoire de la philosophie avait<br />
invalidé la période. L'Histoire de la philosophie<br />
d'Emile Bréhier me semblait, à cet égard, tout à fait<br />
emblématique. Afin de r<strong>en</strong>dre compte de la nature<br />
philosophique de la question du fondem<strong>en</strong>t de la<br />
morale laïque dans les termes où elle s'est posée à ce<br />
mom<strong>en</strong>t-là, j'ai donc décidé de m'<strong>en</strong>fermer dans la<br />
période. En quête de postures rationnelles plutôt que<br />
de systèmes, j'ai dû moi-même adopter une posture<br />
de lecture très empathique ; elle m'a permis de suivre<br />
sans arrière-p<strong>en</strong>sée et sans préjugé les linéam<strong>en</strong>ts<br />
sinueux de l'élan philosophique qui caractérise la<br />
deuxième moitié du XIXe siècle.<br />
Sortie de l'impasse initiale, je n'<strong>en</strong> étais pas quitte<br />
pour autant avec les difficultés méthodologiques.<br />
HISTOIRE, PHILOSOPHIE,<br />
ARCHÉQLQGJE<br />
Ayant pris acte de la spécificité philosophique de la<br />
période, je ne pouvais pas m<strong>en</strong>er une exégèse des<br />
auteurs et des textes à la manière de l'histoire de la<br />
philosophie traditionnelle. Mon projet n'était de<br />
toute façon pas un projet d'histoire de la philosophie,<br />
<strong>en</strong>core moins d'histoire des idées. J'avais à r<strong>en</strong>dre<br />
compte de l'<strong>en</strong>jeu philosophique d'une question à un<br />
mom<strong>en</strong>t donné de l'histoire. Cet <strong>en</strong>jeu était donc<br />
aussi et nécessairem<strong>en</strong>t historico-politique. L'archi¬<br />
tecture de la thèse ainsi que le corpus devai<strong>en</strong>t éclai¬<br />
rer cette ambiguïté intime. Mais plus <strong>en</strong>core, je<br />
s<strong>en</strong>tais que cette ambiguïté devait être prise dans<br />
mon discours lui-même, dans mon langage, <strong>en</strong> un<br />
mot dans mon style. Mon <strong>en</strong>treprise n'étant ni pure¬<br />
m<strong>en</strong>t philosophique, ni purem<strong>en</strong>t historique, mais<br />
plutôt archéologique ou généalogique, je p<strong>en</strong>sais que<br />
mon travail se situait nécessairem<strong>en</strong>t à lafrontière des<br />
g<strong>en</strong>res et que mon style devait r<strong>en</strong>dre compte d'une<br />
démarche intellectuelle et d'un objet de recherche qui<br />
se situai<strong>en</strong>t à la marge.<br />
Cette difficulté a été à l'origine d'un inconfort très<br />
grand, d'un doute que j'ai conservé, de manière<br />
récurr<strong>en</strong>te, jusqu'à la sout<strong>en</strong>ance. À maintes reprises,<br />
j'ai remis <strong>en</strong> question la qualité sci<strong>en</strong>tifique de mon<br />
travail. Mon seul repère dans ces incertitudes était<br />
Claude Lelièvre. Je lui soumettais régulièrem<strong>en</strong>t ce<br />
que j'écrivais ; comme il était satisfait, je poursuivais<br />
mes recherches. Je ne saurais d'ailleurs que trop<br />
conseiller aux futurs impétrants, non seulem<strong>en</strong>t de<br />
comm<strong>en</strong>cer à écrire le plus rapidem<strong>en</strong>t possible,<br />
mais aussi de rester <strong>en</strong> relation régulière avec leur<br />
Directeur de recherche. J'ai regretté aussi, après<br />
coup, de ne pas être allée plus souv<strong>en</strong>t aux séminaires<br />
de thèse organisés par Claude Lelièvre. J'aurais sans<br />
doute pu y évoquer mes difficultés, ou <strong>en</strong> tout cas<br />
avoir des échanges avec des Doctorants et j'aurais<br />
gagné du temps.<br />
Car, il faut bi<strong>en</strong> le dire, j'ai manqué de temps et ce<br />
n'est pas seulem<strong>en</strong>t ma vie personnelle et profession¬<br />
nelle qui <strong>en</strong> est la cause. Je travaillais seule, et je p<strong>en</strong>se<br />
que c'était une erreur. D'autant que la "littérature"<br />
que je sortais de l'ombre était paradoxalem<strong>en</strong>t diffi¬<br />
cile d'accès. Il y aurait beaucoup à dire sur cette ques¬<br />
tion qui laisse perplexe. La période de la Troisième<br />
République est une période réc<strong>en</strong>te de notre histoire.<br />
On pourrait s'att<strong>en</strong>dre, notamm<strong>en</strong>t à la bibliothèque<br />
Depuis, des recherches de plus <strong>en</strong> plus nombreuses t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à faire sortir la période de son purgatoire : outre les travaux de Patrice<br />
Vermer<strong>en</strong> sur Victor Cousin (L'Harmattan, 1995), citons égalem<strong>en</strong>t la thèse du philosophe espagnol Jordi Riba sur Jean-Marie<br />
Cuyau (L'Harmattan, 1999), celle de Laur<strong>en</strong>t Fédi sur la théorie de la connaissance de R<strong>en</strong>ouvier (L'Harmattan, 1998) el celle de<br />
Marie-Claude Figeat-Blais sur R<strong>en</strong>ouvier philosophe de la République (E.H.E.S.S., 1998, à paraître aux éditions Gallimard).<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS 95
de l'<strong>INRP</strong>, à trouver facilem<strong>en</strong>t les ouvrages des phi¬<br />
losophes, pédagogues, doctrinaires, hommes politi¬<br />
ques de la fin du XIXe siècle. Or, il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. J'ai<br />
connu des déconv<strong>en</strong>ues dans toutes les bibliothèques<br />
parisi<strong>en</strong>nes où j'étais inscrite, et la Bibliothèque<br />
nationale ne fait pas exception. Entre les ouvrages<br />
attribués à tort, ceux qui, bi<strong>en</strong> que figurant dans le<br />
fichier, sont pilonnés depuis quarante ans, ou <strong>en</strong>core,<br />
ceux qui ont probablem<strong>en</strong>t été tellem<strong>en</strong>t lus (ou pas<br />
assez !) qu'ils ne sont consultables que sur microfi¬<br />
ches ou micro-films, je ne pouvais m'empêcher de<br />
p<strong>en</strong>ser que c'est aussi l'histoire de la République qui<br />
se fait et se défait à travers ces difficultés à <strong>en</strong> conser¬<br />
ver la mémoire. Ma démarche s'appar<strong>en</strong>tait à celle<br />
d'un archéologue : je faisais des fouilles, je remontais<br />
aux origines. Cette dynamique m'a rapprochée de<br />
l'école primaire et m'a indéniablem<strong>en</strong>t beaucoup<br />
apporté dans mon activité professionnelle. L'école<br />
primaire, <strong>en</strong> effet, me semble par excell<strong>en</strong>ce un lieu<br />
que Ton peut approcher à la manière d'un archéo¬<br />
logue. La mémoire et l'histoire y ont laissé des traces<br />
qui se superpos<strong>en</strong>t, loin de s'effacer. Pour la<br />
connaître et surtout la compr<strong>en</strong>dre, il convi<strong>en</strong>t d'être<br />
s<strong>en</strong>sible à l'épaisseur du temps.<br />
Cette remontée aux origines et cette immersion dans<br />
un champ philosophique <strong>en</strong> grande partie méconnu<br />
ont bouleversé mon id<strong>en</strong>tité de philosophe. Loin de<br />
pr<strong>en</strong>dre appui sur ce que je savais, j'avais plutôt le<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que j'avais à me défaire de ce que je croyais<br />
savoir, que je ne pouvais avancer qu'au prix d'une<br />
catharsis intellectuelle qui faisait vaciller peu à peu<br />
toutes les certitudes que j'avais acquises dans ma for¬<br />
mation. J'avais été formée dans une sorte de "kan¬<br />
tisme orthodoxe" dont je retrouvais les traces dans le<br />
Kant soigneusem<strong>en</strong>t "débarbouillé"3 par les philoso¬<br />
phes de la Troisième République. Autant dire que je<br />
m'apercevais que j'avais été formée dans l'esprit<br />
même de cette philosophie républicaine dont l'insti¬<br />
tution philosophique n'avait ri<strong>en</strong> voulu conserver. Je<br />
devais beaucoup, toutefois, à mon passage <strong>en</strong><br />
Khâgne : méthode, rigueur, culture mais aussi capa¬<br />
cité de travail.<br />
C'est <strong>en</strong> partie à cela que je dois d'avoir pu terminer<br />
ce Doctorat. L'achèvem<strong>en</strong>t matériel, toutefois, ne<br />
3 L'expression est de Victor Cousin.<br />
m'a pas apporté la satisfaction, ni même le<br />
soulagem<strong>en</strong>t espéré. J'avais un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t profond<br />
d'insatisfaction : je ne parv<strong>en</strong>ais pas à considérer la<br />
clôture matérielle de ma thèse comme un aboutisse¬<br />
m<strong>en</strong>t. Ce fut le rôle de la sout<strong>en</strong>ance que de me pous¬<br />
ser à l'achèvem<strong>en</strong>t intellectuel de mon travail.<br />
LA SOUTENANCE COMME ANAMNESE<br />
Après le dépôt de mon Doctorat, je vivais dans<br />
l'att<strong>en</strong>te anxieuse des pré-rapports. Dans mon<br />
<strong>en</strong>tourage, personne ne compr<strong>en</strong>ait cette inquiétude.<br />
Il est d'usage, <strong>en</strong> effet, de ne considérer la sout<strong>en</strong>ance<br />
que comme une "formalité". C'est ce que me disai<strong>en</strong>t<br />
ceux à qui je faisais part de mes appréh<strong>en</strong>sions ; que<br />
la sout<strong>en</strong>ance se passe bi<strong>en</strong> ou mal, prét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t-ils,<br />
cela n'a pas d'importance, ma thèse était bonne, le<br />
résultat était att<strong>en</strong>du. Mais je ne voyais pas les choses<br />
de cette manière. J'appréh<strong>en</strong>dais la sout<strong>en</strong>ance<br />
comme une véritable épreuve, au s<strong>en</strong>s physique et<br />
intellectuel du terme. Je p<strong>en</strong>se, <strong>en</strong> effet, que la soute¬<br />
nance fait partie intégrante de la thèse et qu'il faut la<br />
préparer. C'est pourquoi, j'ai pris extrêmem<strong>en</strong>t au<br />
sérieux les rapports des deux membres de mon jury,<br />
Jean Baubérot et Jean-Claude Forquin : l'un voyait<br />
une cohér<strong>en</strong>ce dans l'architecture de ma thèse, le<br />
second la mettait <strong>en</strong> question ; l'un me reprochait<br />
d'avoir trop restreint le champ de mon investigation,<br />
le second mettait <strong>en</strong> cause la pertin<strong>en</strong>ce même de<br />
mon corpus. Les deux appréciations critiques se<br />
combinai<strong>en</strong>t pour faire craquer les fragiles coutures<br />
de mon travail. Le rapport de Jean-Claude Forquin,<br />
<strong>en</strong> particulier, m'a procuré un véritable choc. Il avait<br />
lu mon Doctorat avec un scalpel et avait minutieuse¬<br />
m<strong>en</strong>t défait les sutures, là où elles étai<strong>en</strong>t les moins<br />
solides. C'était un rapport qui me poussait dans mes<br />
derniers retranchem<strong>en</strong>ts, qui m'obligeait à retravail¬<br />
ler <strong>en</strong> profondeur les raisons de mes choix. Je lisais<br />
dans ce rapport une difficulté majeure de ma thèse :<br />
elle semblait manquer d'une clef de voûte et ne t<strong>en</strong>ait<br />
pas vraim<strong>en</strong>t debout.<br />
J'ai donc cherché cette clef et, chemin faisant, j'ai tout<br />
déconstruit. J'avais à peine quinze jours pour recons-<br />
96 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
truire. Je me suis donc immergée, à nouveau, dans<br />
ma recherche, nuit et jour, jusqu'au jour de la soute¬<br />
nance ; j'ai vécu les pires mom<strong>en</strong>ts intellectuels de<br />
toute mon exist<strong>en</strong>ce. Jamais je n'ai atteint ce point de<br />
fatigue, de saturation, de surm<strong>en</strong>age. J'ai retravaillé,<br />
relu, repris, remué cinq ans de travail <strong>en</strong> deux semai¬<br />
nes. À la recherche d'une cohér<strong>en</strong>ce ultime, c'est au<br />
plus profond de moi-même que j'ai dû puiser et trou¬<br />
ver les réponses aux questions que je me posais. Cet<br />
énorme effort intellectuel a été comme l'expéri<strong>en</strong>ce<br />
d'une anamnèse. C'est un peu comme si j'avais<br />
"accouché" d'une vérité qui était <strong>en</strong> moi à mon insu.<br />
CtTfut un mom<strong>en</strong>rdouloureux mais^jui m'a bel et<br />
-bi<strong>en</strong>rpous^ée^^<br />
Dans le même temps, je me consacrais à l'élaboration<br />
du discours de sout<strong>en</strong>ance. Cela m'a pris beaucoup<br />
de temps. J'ai dû recomm<strong>en</strong>cer plusieurs fois. Sou¬<br />
cieuse de t<strong>en</strong>ir les vingt-cinq minutes requises, je me<br />
suis minutée à l'aide d'un dictaphone.<br />
Le jour même de la sout<strong>en</strong>ance, je craignais par-des¬<br />
sus tout les effets de la fatigue. Mais dans ces<br />
mom<strong>en</strong>ts-là, le corps est comme <strong>en</strong>tre par<strong>en</strong>thèses.<br />
Et tout s'est passé comme je l'espérais : les deux<br />
semaines de préparation et de réflexion int<strong>en</strong>se ont<br />
trouvé là leur justification : j'étais prête. Cela ne<br />
signifie pas que j'étais prête à déf<strong>en</strong>dre mon travail <strong>en</strong><br />
dépit de tout ; cela signifie que j'étais capable de<br />
CHEMINS DE DOCTORANTS<br />
l'assumer <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte de toutes les remarques<br />
critiques qui m'avai<strong>en</strong>t été faites. J'ai pu nouer ainsi<br />
avec les membres du jury un véritable dialogue et ma<br />
sout<strong>en</strong>ance a été ce qu'à mon avis devrait être toute<br />
sout<strong>en</strong>ance de Doctorat, non pas une "cérémonie<br />
d'adoubem<strong>en</strong>t", comme on me l'avait dit, mais un<br />
mom<strong>en</strong>t intellectuel privilégié, int<strong>en</strong>se et riche.<br />
Je ne peux pas conseiller aux futurs candidats d'aller,<br />
comme je l'ai fait, jusqu'à la limite de leurs forces.<br />
Mais je les <strong>en</strong>courage vivem<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre très au<br />
sérieux la sout<strong>en</strong>ance de leur thèse. Être à même<br />
d'assumer les limites de son travail fait partie inté¬<br />
grante déboute démarche deTecherche.<br />
-^ule-r^cheiche^j^^ctor^<br />
lectuelle ; c'est aussi une expéri<strong>en</strong>ce intime. Aucun<br />
itinéraire n'est exemplaire ou tous le sont. Moins<br />
d'un an après la sout<strong>en</strong>ance, j'ai eu la chance d'être<br />
recrutée comme Maître de confér<strong>en</strong>ces. Et je dois<br />
avouer que c'est seulem<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant que<br />
j'éprouve une satisfaction et un soulagem<strong>en</strong>t pro¬<br />
fonds <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sant que le temps de la thèse est der¬<br />
rière moi.<br />
Laur<strong>en</strong>ce LOEFFEL<br />
Maître de Confér<strong>en</strong>ces<br />
Université de Picardie Iules Verne<br />
97
COMMUNICATION<br />
DOCUMENTAIRE
LES DÉTERMINANTS<br />
DES DIVERSES PRATIQUES<br />
DE LECTURE EN ÉDUCATION<br />
DES ENSEIGNANTS<br />
JEAN-MICHEL DROUET<br />
y \ ette étude empirique a pour idée de départ la<br />
1 question de l'opportunité de la création<br />
%ta»«^ d'une nouvelle revue <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éduca¬<br />
tion, dont l'objectif serait de permettre aux <strong>en</strong>seignants<br />
de suivre l'actualité de la recherche <strong>en</strong> éducation.<br />
Pour évoluer dans le champ de la recherche <strong>en</strong> éducation<br />
et dans celui de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, l'auteur de ces lignes<br />
n'a pu constater que très peu de li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre les deux.<br />
Pourtant, au cours d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s effectués auprès de<br />
chercheurs comme auprès d'<strong>en</strong>seignants, s'est<br />
dégagé un cons<strong>en</strong>sus sur la légitimité de cette idée.<br />
De plus, une telle revue est préconisée par ceux qui<br />
ont réfléchi sur cette discipline que constitu<strong>en</strong>t les<br />
Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation. Pour ne citer que le rapport<br />
CORESE (Comité de Réflexion sur les Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'Éducation, 93), Chariot y propose de favoriser la<br />
création d'un "bulletin permettant de diffuser les<br />
résultats de la recherche". Et l'on se souvi<strong>en</strong>t de<br />
l'<strong>en</strong>quête de Bourdoncle et Lumbroso (86) sur la for¬<br />
mation continue des <strong>en</strong>seignants du secondaire,<br />
concluant sur le fait que "la lecture est le moy<strong>en</strong> le plus<br />
souv<strong>en</strong>t déclaré par les <strong>en</strong>seignants qui se sont donné<br />
eux-mêmes uneformation continue".<br />
On ne peut donc qu'établir le constat des bonnes<br />
volontés concernant un tel projet. Est-il viable pour<br />
autant, si l'on considère les caractéristiques de la<br />
revue rêvée ? Outre qu'elle fasse le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre la<br />
Recherche et l'École, on souhaiterait qu'elle suive<br />
l'actualité de la recherche <strong>en</strong> éducation tout <strong>en</strong> étant<br />
généraliste (tous les courants et tous les thèmes<br />
devront y être abordés).<br />
On ne peut t<strong>en</strong>ter de répondre à cette question sans<br />
avoir pris connaissance des études précéd<strong>en</strong>tes<br />
autour de la diffusion des savoirs <strong>en</strong> éducation.<br />
1. QUELLES LECTURES<br />
2QLLR_:QU£L_ MÉTIER ?<br />
L'ILLETTRISME PÉDAGOGIQUE<br />
Il est difficile de ne pas parler des travaux de l'<strong>INRP</strong><br />
concernant les pratiques de lectures <strong>en</strong> éducation des<br />
professionnels de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. À partir de 1982,<br />
c'est dans Perpectives docum<strong>en</strong>taires <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'Éducation que vont être relatées plusieurs recher¬<br />
ches. Celles-ci ont abouti la plupart du temps à la<br />
double conclusion suivante : la circulation des infor¬<br />
mations dans les établissem<strong>en</strong>ts scolaires se fait plu¬<br />
tôt oralem<strong>en</strong>t, et l'utilisation des informations écrites<br />
se limite à celle des manuels (HASSENFORDER, 83,<br />
OUZOULIAS, 85, ALAVA, 91, ÉTÉVÉ et ai, 92, et<br />
GAMBART, 88).<br />
Et c'est GAMBART qui, dès 1985, emploie pour la<br />
première fois l'expression "illettrisme pédagogique"<br />
pour décrire les pratiques docum<strong>en</strong>taires des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants du secondaire. Cette expression symbolique-<br />
1 Ce travail se situe dans le cadre du DEA " Évaluation et comparaison internationale <strong>en</strong> éducation " - 1RLDU - Université de Bourgogne.<br />
COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 101
m<strong>en</strong>t forte sera souv<strong>en</strong>t réutilisée par plusieurs<br />
chercheurs de l'<strong>INRP</strong> (CHESNOT-LAMBERT,<br />
ÉTÉVÉ, HASSENFORDER, 85 ; ALAVA, 89), ce qui<br />
aura pour effet de la diffuser largem<strong>en</strong>t. Dans sa thèse,<br />
GAMBART (88) illustrera cette expression par<br />
l'abs<strong>en</strong>ce quasi générale de référ<strong>en</strong>ce pédagogique, la<br />
faible utilisation de l'information écrite, la préémin<strong>en</strong>ce<br />
du didactique au détrim<strong>en</strong>t du pédagogique, et l'utilisa¬<br />
tion souv<strong>en</strong>t unique du manuel.<br />
Cep<strong>en</strong>dant, lui aussi constate le "vecteur d'autoforma¬<br />
tion" que constitue la lecture, moy<strong>en</strong> plébiscité par les<br />
<strong>en</strong>seignants qui se projett<strong>en</strong>t dans l'av<strong>en</strong>ir ou sont à<br />
la recherche d'une promotion.<br />
L'EXISTENCE D'UNE MINORITÉ ACTIVE<br />
D'ENSEIGNANTS-LECTEURS<br />
L'exist<strong>en</strong>ce d'une minorité d'<strong>en</strong>seignants-lecteurs a<br />
été cep<strong>en</strong>dant révélée par ÉTÉVÉ (92 et 93).<br />
Dans la thèse qu'elle leur consacre, elle remarque que<br />
ces <strong>en</strong>seignants-lecteurs ont certaines caractéristi¬<br />
ques qui les distingu<strong>en</strong>t, mais surtout que toujours<br />
"le rôle de l'information est lié à un projet, d'innovation,<br />
deformation, de changem<strong>en</strong>t ou de recherche ; et celui-ci<br />
s'élabore et se développe grâce à des formes variées de<br />
socialisation professionnelle" .<br />
En se référant aux travaux <strong>en</strong> psychologie-sociale de<br />
KATZ et LAZARSFELD (55), sur la communication<br />
de masse, ÉTÉVÉ note égalem<strong>en</strong>t l'exist<strong>en</strong>ce de<br />
leaders d'opinion parmi les <strong>en</strong>seignants-lecteurs,<br />
c'est-à-dire d'<strong>en</strong>seignants qui jou<strong>en</strong>t un rôle impor¬<br />
tant dans la diffusion des informations pédagogiques<br />
auprès de leurs collègues. Elle propose que cette acti¬<br />
vité docum<strong>en</strong>taire pourrait être utilisée pour créer<br />
des réseaux de liaisons au sein desquels les leaders<br />
d'opinion serai<strong>en</strong>t les "portiers" du savoir pédago¬<br />
gique, <strong>en</strong> équipe avec les docum<strong>en</strong>talistes.<br />
Cette étude a aussi mis <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce l'émerg<strong>en</strong>ce<br />
d'une "nouvelle culture pédagogique" à l'@uvre chez<br />
ces <strong>en</strong>seignants-lecteurs, culture qui semble passer<br />
par certaines référ<strong>en</strong>ces d'auteurs cités. Avec<br />
VASSEUR, ÉTÉVÉ (92) s'est plus spécialem<strong>en</strong>t<br />
attardée sur les lecteurs de la revue les Cahiers pédago¬<br />
giques. Elle y confirme ses propositions quand elle note<br />
que les <strong>en</strong>seignants déclar<strong>en</strong>t qu'ils lirai<strong>en</strong>t sans doute<br />
davantage si ils pouvai<strong>en</strong>t s'appuyer sur des personnes<br />
ressources et bénéficier de lieux de concertation.<br />
En dépit de cette possibilité de voir se diffuser une<br />
nouvelle culture pédagogique <strong>en</strong> s'appuyant sur cette<br />
minorité active d'<strong>en</strong>seignants-lecteurs, les cher¬<br />
cheurs n'ont fait que constater, depuis 15 ans, la<br />
faible prop<strong>en</strong>sion de l'<strong>en</strong>seignant moy<strong>en</strong> à lire des<br />
publications sur l'éducation.<br />
UN MODÈLE POUR LE<br />
DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL<br />
BASÉ SUR LES RESSOURCES<br />
Travailler sur la question de la formation des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants a conduit certains chercheurs de l'Université<br />
de G<strong>en</strong>ève à réfléchir sur celle de la diffusion des<br />
savoirs <strong>en</strong> éducation.<br />
Dès 1983, puis <strong>en</strong> 1986, HUBERMAN a proposé un<br />
"nouveau modèle pour le développem<strong>en</strong>t professionnel<br />
des <strong>en</strong>seignants". Ce modèle repose sur les "ressour¬<br />
ces" et sur leur utilisation. Il met schématiquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
scène un utilisateur et un diffuseur de ces ressources,<br />
<strong>en</strong>tre lesquels s'opère un transfert de connaissances. Un<br />
modèle de la sorte serait institutionnellem<strong>en</strong>t appli¬<br />
cable, peu coûteux, par une réorganisation des champs<br />
de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, de la formation des <strong>en</strong>seignants, et<br />
de la production des connaissances (Universités plus<br />
particulièrem<strong>en</strong>t). De plus, serait instauré un sys¬<br />
tème de formation continue "au choix" au sein<br />
duquel le caractère prescriptif, piège dans lequel les<br />
Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation s'efforc<strong>en</strong>t de ne pas tomber,<br />
serait réduit. Cela faciliterait, toujours selon<br />
HUBERMAN, "l'ess<strong>en</strong>tiel du développem<strong>en</strong>t profes¬<br />
sionnel : l'utilisation régulière des ressources intellec¬<br />
tuelles de qualité et que l'on incorpore quasi<br />
automatiquem<strong>en</strong>t dans son répertoire pédagogique" .<br />
Comme ne manque pas de le noter ÉTÉVÉ dans sa<br />
thèse (93), force est de constater que le modèle théo¬<br />
rique de HUBERMAN n'a pas été suivi.<br />
Un autre auteur, PERRENOUD, a plus particulière¬<br />
m<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tré ses réflexions sur la nature même de la<br />
pratique pédagogique. Le fruit de ses recherches peut<br />
nous éclairer sur le fait paradoxal, de la part des<br />
<strong>en</strong>seignants, de ne pas lire tout <strong>en</strong> plébiscitant la lec¬<br />
ture comme moy<strong>en</strong> de s'autoformer.<br />
LA PRATIQUE PÉDAGOGIQUE N'EST<br />
PAS UNE PRATIQUE RATIONNELLE<br />
POUVANT ÊTRE PRESCRITE<br />
Déjà <strong>en</strong> 83, PERRENOUD répondait à ceux qui s'éton¬<br />
nai<strong>en</strong>t du manque de lecture des <strong>en</strong>seignants qu'"à<br />
102 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
considérer la pratique comme expression de l'habitus<br />
plus que comme mise <strong>en</strong> pratique de recettes, on est<br />
conduit à s'interroger sur les conditions de transfor¬<br />
mation de l'habitus, sur le rôle des contraintes et pos¬<br />
sibilités structurelles par opposition à la diffusion<br />
d'idées".<br />
Pour lui, on ne peut pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce des incid<strong>en</strong>¬<br />
ces de la recherche <strong>en</strong> éducation sur les pratiques des<br />
<strong>en</strong>seignants qu'<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>ant ces pratiques.<br />
PERRENOUD considère que le modèle d'HUBER-<br />
MAN ne pèche que parce qu'il fait fi de la t<strong>en</strong>dance<br />
des <strong>en</strong>seignants à n'appliquer que ce qu'ils ont<br />
eux-mêmes inv<strong>en</strong>té, et non ce qui leur a été prescrit.<br />
"L'improvisation" dont fait preuve l'<strong>en</strong>seignant dans<br />
sa classe est réglée par son habitus qui fonctionne <strong>en</strong><br />
mettant <strong>en</strong> relation les données particulières et varia¬<br />
bles de la situation <strong>en</strong> classe avec ses propres repré-<br />
s<strong>en</strong>tations. Quant à la part de "bricolage", elle ne doit<br />
pas être comprise comme une mise <strong>en</strong> pratique de<br />
théories ou de recettes qui serai<strong>en</strong>t immuables d'une<br />
situation à l'autre.<br />
LES CONDITIONS DU CHANGEMENT<br />
DE PRATIQUES PÉDAGOGIQUES<br />
Dans un texte plus réc<strong>en</strong>t (96), PERRENOUD étudie<br />
les conditions de changem<strong>en</strong>t de pratiques des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants glace à l'analyse de leurs propres pratiques :<br />
seuls peuv<strong>en</strong>t changer ceux qui sont assez lucides pour<br />
reconnaître ce qui est le plus difficilem<strong>en</strong>t reconnaissable.<br />
Quand il appelle les <strong>en</strong>seignants à faire le deuil<br />
de ce qui lait le "confort" de la profession, il insiste<br />
sur la difficulté à le faire tant ces satisfactions sont<br />
liées à la nature du métier d'<strong>en</strong>seignant, et l'on pour¬<br />
rait même dire à leur habitus professionnel.<br />
Enfin, et précision d'importance, PERRENOUD<br />
atteste qu'il est plus lacile de changer quand on le lait<br />
à plusieurs que seul, car l'abandon de pratiques<br />
anci<strong>en</strong>nes peut <strong>en</strong>traîner l'isolem<strong>en</strong>t au sein d'un éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t. Seulem<strong>en</strong>t, cela peut aussi et surtout<br />
ouvrir un "espace de paroles et de changem<strong>en</strong>t" .<br />
S'il laisse la question suivante <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s : "Quels sont<br />
les ag<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>ts institutionnels qui, <strong>en</strong> dehors des bon¬<br />
nes résolutions et des exhortations, modifierai<strong>en</strong>t les<br />
pratiques de communication des chercheurs ?" (83),<br />
l'apport des thèses d'un auteur tel que PERRENOUD<br />
nous oblige à t<strong>en</strong>ir compte de la nature de ce "métier<br />
impossible" qu'est l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Plus précisém<strong>en</strong>t,<br />
il faudra nous attacher à discerner plus précisém<strong>en</strong>t<br />
les conditions structurelles dans lesquelles les prati¬<br />
ques <strong>en</strong>seignantes se déroul<strong>en</strong>t, et aussi à réfléchir sur<br />
la question de savoir comm<strong>en</strong>t la recherche peut<br />
aider le terrain de la manière la plus efficace.<br />
Et les questions qui ori<strong>en</strong>teront notre recherche, et qui<br />
vont maint<strong>en</strong>ant être posées, ont la prét<strong>en</strong>tion de res¬<br />
pecter cela, car elles cherch<strong>en</strong>t à r<strong>en</strong>dre compte de pra¬<br />
tiques <strong>en</strong> apportant des élém<strong>en</strong>ts de connaissances sur<br />
la sociologie des <strong>en</strong>seignants, et, par les réponses qu'on<br />
leur donnera, cherch<strong>en</strong>t à motiver des propositions.<br />
CERTAINES REPRÉSENTATIONS<br />
SONT- ELLES UN PRÉALABLE<br />
NÉCESSAIRE À LA LECTURE<br />
DE PUBLICATIONS CONCERNANT<br />
L'ÉDUCATION ?<br />
Un des objectifs de cette étude sera de déceler Ies~<br />
représ<strong>en</strong>tations communes à tous les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants-lecteurs (ce qu'on pourra considérer comme<br />
la base de la "nouvelle culture pédagogique" décrite<br />
par ÉTÉVÉ), et celles spécifiques aux différ<strong>en</strong>ts types.<br />
Précisons que cet objectif risque d'être difficile à<br />
atteindre, tant ces <strong>en</strong>seignants-lecteurs paraiss<strong>en</strong>t<br />
différ<strong>en</strong>ts les uns des autres. Ainsi, quand ÉTÉVÉ<br />
t<strong>en</strong>te une typologie de ceux-ci à partir de 33 <strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>s, elle <strong>en</strong> souligne l'hétérogénéité <strong>en</strong> distinguant 6<br />
catégories.<br />
De plus, effectuer un tel travail conduira forcém<strong>en</strong>t à<br />
une description, certes partielle, du métier d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant, et devra se référer à un certain nombre de<br />
connaissances sur cette profession déjà mises <strong>en</strong><br />
valeur (LÉGER, 83, DEMAILLY, 91, DUTERCQ, 91,<br />
PÉRIER, 94, MARESCA, 95).<br />
DANS QUELLE MESURE LES ENSEIGNANTS<br />
QUI LISENT DES PUBLICATIONS<br />
CONCERNANT L'ÉDUCATION LE FONT-<br />
ILS EN LIAISON AVEC UN PROJET ?<br />
GAMBART (92) a estimé que près de 70 % des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants qu'il a interrogés et qui ont réalisé une expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce ou une innovation n'ont "<strong>en</strong>trepris aucune<br />
lecture <strong>en</strong> liaison avec cette expéri<strong>en</strong>ce", même s'il<br />
distingue "une minorité ayant lu au moins un livre <strong>en</strong><br />
liaison avec l'expéri<strong>en</strong>ce réalisée".<br />
Dans son étude sur le fonctionnem<strong>en</strong>t des collèges,<br />
DUTERCQ (9 1 ) constate qu'il n'est pas rare que projets<br />
COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 103
et autres innovations collectifs ne soit jamais réalisés, et<br />
voit dans ces "travaux <strong>en</strong> commun (...) que prétexte à<br />
former groupe et à se rassembler pour se rassembler".<br />
Rappelons ici que pour ÉTÉVÉ (91), les <strong>en</strong>seignants<br />
cherch<strong>en</strong>t à s'informer quand ils ont un projet, et que<br />
celui-ci est sout<strong>en</strong>u par une socialisation <strong>en</strong>tre pairs.<br />
Si l'on suit PERRENOUD, on peut faire l'hypothèse<br />
selon laquelle les <strong>en</strong>seignants non seulem<strong>en</strong>t ne<br />
lirai<strong>en</strong>t pas dans le but de chercher des recettes à appli¬<br />
quer, mais aussi que la création de leurs propres prati¬<br />
ques se passe de toute recherche docum<strong>en</strong>taire préa¬<br />
lable. En d'autres termes, ils n'aurai<strong>en</strong>t que peu de<br />
raisons dans l'état actuel de leurs pratiques et des<br />
savoirs produits parla recherche <strong>en</strong> éducation pour lire<br />
des publications sur l'éducation. La lecture <strong>en</strong> éduca¬<br />
tion ne serait donc pas forcém<strong>en</strong>t liée à un projet.<br />
L'APPARTENANCE À UN RÉSEAU<br />
EST-ELLE LE PRINCIPAL DÉTERMINANT<br />
DE LA LECTURE DE PUBLICATIONS<br />
CONCERNANT L'ÉDUCATION ?<br />
DUTERCQ (91) désigne par réseau "un <strong>en</strong>semble de<br />
cercles sociaux dans lequel les individus ont des rela¬<br />
tions nombreuses et diversifiées attestées par la richesse<br />
des ressources requises et activées". Sa constitution<br />
paraît liée au besoin des <strong>en</strong>seignants de "faire groupé"<br />
face à la hiérarchisation due à l'organisation de l'éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t. En outre, ce qui r<strong>en</strong>d attractif ces réseaux<br />
est plus leur "vitalité que la nature de leurs ressources".<br />
DEMAILLY (91) note "la création de réseaux à l'inté¬<br />
rieur même du système scolaire", situés autour de la<br />
formation continue, et au sein desquels les <strong>en</strong>seignants<br />
peuv<strong>en</strong>t s'exprimer <strong>en</strong> dehors de toute contrainte,<br />
notamm<strong>en</strong>t hiérarchique.<br />
Il faut citer BOURDIEU (82) quand il énonce "on lit<br />
quand on a un marché sur lequel on peut placer des<br />
discours concernant la lecture". Si l'on définit les<br />
réseaux décrits par DUTERCQ d'une part, et par<br />
DEMAILLY d'autre part, comme étant des "mar¬<br />
chés" dont les usagers ont certaines représ<strong>en</strong>tations<br />
<strong>en</strong> commun, on peut faire l'hypothèse suivante : les<br />
<strong>en</strong>seignants qui lis<strong>en</strong>t des publications concernant<br />
l'éducation le font dès lors qu'ils font partie d'un<br />
réseau.<br />
L'exploration de ces réseaux sera nécessaire pour le<br />
vérifier.<br />
LE POIDS VÉRITABLE DES CARACTÉRISTIQUES<br />
PERSONNELLES DES ENSEIGNANTS<br />
SUR LEUR PROBABILITÉ DE LIRE<br />
DES PUBLICATIONS SUR L'ÉDUCATION<br />
Si l'on <strong>en</strong> croit ÉTÉVÉ (92), les caractéristiques person¬<br />
nelles des <strong>en</strong>seignants ne sembl<strong>en</strong>t que très peujouer sur<br />
les pratiques de lecture des <strong>en</strong>seignants, si ce n'est que<br />
faiblem<strong>en</strong>t par leur statut, leur insertion sociale, leur<br />
<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t professionnel ou la discipline <strong>en</strong>seignée.<br />
Pourtant, il est permis de p<strong>en</strong>ser avec PERRENOUD<br />
que "les contraintes et les conditions objectives de<br />
l'<strong>en</strong>seignant" influ<strong>en</strong>t significativem<strong>en</strong>t sur les prati¬<br />
ques des <strong>en</strong>seignants, bref, que celles-ci port<strong>en</strong>t la<br />
marque de leur habitus. Et, si l'on repr<strong>en</strong>d très schématiquem<strong>en</strong>t<br />
les théories de BOURDIEU, l'habitus,<br />
le "social incorporé", dép<strong>en</strong>d ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t des<br />
caractéristiques personnelles des individus, comme<br />
le milieu social d'origine ou le sexe. Rappelons<br />
<strong>en</strong>core que l'habitus peut se transformer, mais tou¬<br />
jours compte t<strong>en</strong>u des contraintes structurelles.<br />
Ainsi, celui d'un <strong>en</strong>seignant peut se transformer<br />
selon le type d'établissem<strong>en</strong>t où il exerce, les stages<br />
de formation continue qu'il a suivis ou son anci<strong>en</strong>¬<br />
neté et promotions év<strong>en</strong>tuelles.<br />
Avant toute chose, ce travail vérifiera si le poids des<br />
caractéristiques individuelles des personnels éduca¬<br />
tifs joue aussi peu que cela a été montré par les études<br />
précéd<strong>en</strong>tes.<br />
On peut formuler à prés<strong>en</strong>t l'hypothèse générale de<br />
ce travail : les <strong>en</strong>seignants qui lis<strong>en</strong>t des publications<br />
concernant l'éducation le font moins parce qu'ils ont<br />
un projet que parce qu'ils font partie d'un réseau.<br />
En d'autres termes, ce qui détermine le plus la lecture<br />
de publications sur l'éducation n'est pas la<br />
recherche de recettes directem<strong>en</strong>t applicables <strong>en</strong><br />
classe, mais le besoin de faire groupe, de faire partie<br />
d'un réseau au sein duquel les <strong>en</strong>seignants partag<strong>en</strong>t<br />
les mêmes représ<strong>en</strong>tations, base d'une nouvelle<br />
culture pédagogique.<br />
Cela paraît d'ailleurs être une des conditions princi¬<br />
pales du changem<strong>en</strong>t des pratiques éducatives, le<br />
"faire collectivem<strong>en</strong>t".<br />
Mais outre cette problématique particulière de la dif¬<br />
fusion des différ<strong>en</strong>ts types de savoirs auprès des pra¬<br />
tici<strong>en</strong>s, ce travail s'est découvert une ambition plus<br />
large. Au cours du cheminem<strong>en</strong>t théorique qui vi<strong>en</strong>t<br />
d'être prés<strong>en</strong>té, on a vu que l'on se référait à un cer-<br />
104 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
tain nombre de connaissances établies sur la profes¬<br />
sion <strong>en</strong>seignante. Cette recherche aura donc cet<br />
intérêt supplém<strong>en</strong>taire de mettre un peu plus à jour<br />
ce qui constitue ce "métier impossible".<br />
MÉTHODOLOGIE<br />
Le questionnaire<br />
L'<strong>en</strong>quête a été m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong>tre les mois de mai et<br />
juin 1998.<br />
Le choix arbitraire des établissem<strong>en</strong>ts où il a été<br />
diffusé a été fait <strong>en</strong> fonction du critère principal de<br />
la diversité (éloignem<strong>en</strong>t de Dijon, classem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
ZEP, taille, etc.).<br />
Le taux de réponse général est de 20,6 %2.<br />
Dans le questionnaire, 14 thèmes de lecture<br />
étai<strong>en</strong>t proposés aux <strong>en</strong>seignants, pour chacun<br />
desquels ils devai<strong>en</strong>t déclarer s'ils lisai<strong>en</strong>t ou non<br />
des publications y ayant trait. Ces thèmes ont été<br />
classés <strong>en</strong> 3 catégories : lectures pédagogiques<br />
d'abord, lectures spécialisées <strong>en</strong>suite, et lectures<br />
innovantes, les plus éloignées du champ de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>fin.<br />
Le traitem<strong>en</strong>t des données3<br />
Les données ont été traitées avec le logiciel SAS,<br />
logiciel qui permet d'effectuer des analyses de<br />
régression (ou modélisation multivariée).<br />
L'intérêt majeur de la modélisation multivariée,<br />
estimation statistique de l'effet de plusieurs varia¬<br />
bles sur une variable à expliquer, est qu'elle per¬<br />
met de séparer l'effet net de chaque variable<br />
explicative. Ainsi, on espère pouvoir mesurer le<br />
poids d'une variable dans la probabilité de lire des<br />
publications sur l'éducation, alors que l'effet de<br />
toutes les autres sur cette même probabilité est<br />
neutralisé. Ce raisonnem<strong>en</strong>t "toutes choses égales<br />
par ailleurs" pourra être t<strong>en</strong>u pour chacune des<br />
variables, et l'on quantifiera ainsi l'importance<br />
relative de leur poids.<br />
Il faut insister sur le fait que les observations qui vont<br />
être maint<strong>en</strong>ant effectuées ne val<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t que<br />
pour les <strong>en</strong>seignants qui ont bi<strong>en</strong> voulu répondre à<br />
notre <strong>en</strong>quête. Les descriptions et autres comm<strong>en</strong>tai¬<br />
res qui vont suivre n'ambitionn<strong>en</strong>t pas de viser à<br />
l'universalité, cela d'autant plus que l'on n'a aucun<br />
moy<strong>en</strong> de savoir si les <strong>en</strong>seignants qui n'ont pas<br />
répondu lis<strong>en</strong>t davantage ou moins que ceux qui ont<br />
répondu, ou de vérifier un év<strong>en</strong>tuel li<strong>en</strong> de causalité<br />
<strong>en</strong>tre le fait de répondre à une telle <strong>en</strong>quête et celui de<br />
lire des publications sur l'éducation.<br />
2^ LES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE<br />
77,9 % des répondants déclar<strong>en</strong>t avoir lu <strong>en</strong>tre sep¬<br />
tembre 1997 et mai 1998 au moins un ouvrage ou un<br />
article d'une revue consacré à l'éducation.<br />
Mais on ne peut que relativiser ce résultat tant les<br />
<strong>en</strong>seignants qui se déclar<strong>en</strong>t être de grands lecteurs<br />
sont rares (on peut <strong>en</strong> effet p<strong>en</strong>ser que ceux qui n'ont<br />
pas répondu ici ne sont pas les plus grands lecteurs) :<br />
sur les 103 <strong>en</strong>seignants ayant répondu à cette ques¬<br />
tion, 41,7 % déclar<strong>en</strong>t avoir lu au moins 5 publica¬<br />
tions sur l'éducation, et 25,2 % au moins 10 (soit<br />
1 1,2 % sur les 231 questionnaires exploités).<br />
Les raisons de lire (ou de ne pas lire)<br />
108 questionnaires (sur 180 lecteurs déclarés)<br />
expliqu<strong>en</strong>t leur pratique de lecture : 7,4 % d'<strong>en</strong>tre<br />
eux considèr<strong>en</strong>t que cela fait partie de leur travail,<br />
35,2 % évoqu<strong>en</strong>t l'amélioration de leur pratique,<br />
l'autoformation, et 57,4 % n'y voit qu'une source<br />
d'informations pouvant nourrir leur intérêt pour les<br />
phénomènes éducatifs.<br />
Quant aux 23 questionnaires (sur 51 non-lecteurs)<br />
donnant des raisons au fait qu'ils ne lis<strong>en</strong>t pas, 21,7 %<br />
exprim<strong>en</strong>t des critiques vis-à-vis de la recherche <strong>en</strong><br />
éducation ("jargon", "idéologie", "éloignem<strong>en</strong>t du<br />
terrain", ou "non stabilisation des savoirs"), 52,2 %<br />
invoqu<strong>en</strong>t le "manque de temps", et 26,1 % donn<strong>en</strong>t<br />
diverses autres raisons.<br />
On sait que la population <strong>en</strong>seignante est généralem<strong>en</strong>t peu <strong>en</strong>cline à dévoiler ses pratiques (c'est ce que PLRRENOUD (95)<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d, parmi les "dix non-dits" du métier d'<strong>en</strong>seignant, par "la liberté sans la responsabilité").<br />
Pour plus de précisions sur la méthode employée pour analyser nos données, se reporter à l'ouvrage de DURU-BELLAT, M.<br />
et M1NCAT, A., 1993, Pour une approche analytique dufonctionnem<strong>en</strong>t du système éducatif, Paris, PUF.<br />
COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 105
LES THÈMES DE LECTURE<br />
Lectures<br />
pédagogiques<br />
Lectures<br />
spécialisées<br />
Lectures<br />
innovantes<br />
Méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation<br />
Moy<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et technologies<br />
éducatives<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des disciplines<br />
Psychologie, psychosociologie et éducation<br />
Philosophie, Histoire et éducation<br />
Sémiologie, communication, linguistique<br />
et éducation<br />
Biologie, corps humain, santé et sexualité<br />
Sociologie, économie, politique et éducation<br />
Éducation spéciale<br />
Vie et milieu scolaires<br />
Personnel de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
Politique, structure et niveaux<br />
de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
Ori<strong>en</strong>tation et emploi<br />
Éducation extra-scolaire<br />
Tableau 1 : Pourc<strong>en</strong>tages de lectures des publications selon les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts thèmes, parmi tous les répondants etparmi les seuls lecteurs.<br />
Les moy<strong>en</strong>s utilisés de s'informer des publications<br />
sur l'éducation<br />
À la question leur demandant comm<strong>en</strong>t ils ont été<br />
informés de l'exist<strong>en</strong>ce des publications qu'ils ont<br />
lues, les 180 <strong>en</strong>seignants-lecteurs répond<strong>en</strong>t à 40,6 %<br />
"par mes collègues" et égalem<strong>en</strong>t à 40,6 % "par la fré¬<br />
qu<strong>en</strong>tation de c<strong>en</strong>tres docum<strong>en</strong>taires (CRDP, biblio¬<br />
thèques...)". "La lecture de revues spécialisées" est<br />
<strong>en</strong>suite citée par 32,8 %, suivie par "la lecture de la<br />
presse non-spécialisée", par 23 %.<br />
Les autres canaux d'information rest<strong>en</strong>t très<br />
minoritaires.<br />
Les échanges des lecteurs à propos de leurs lectures<br />
Les échanges oraux les plus courants des lecteurs à pro<br />
Parmi<br />
l'<strong>en</strong>semble<br />
des interrogés<br />
34,6 %<br />
16%<br />
30,7 %<br />
24,2 %<br />
17,3 %<br />
8,2 %<br />
11,7%<br />
16,9 %<br />
6,5 %<br />
29%<br />
22,1 %<br />
15,6 %<br />
17,7 %<br />
7,4 %<br />
Parmi<br />
les lecteurs<br />
44,4 %<br />
20,6 %<br />
39,4 %<br />
31,1 %<br />
22,2 %<br />
10,6 %<br />
15%<br />
21,7 %<br />
8,3 %<br />
37,2 %<br />
28,3 %<br />
20%<br />
22,8 %<br />
9,4 %<br />
pos de leurs lectures se font de manière occasionnelle<br />
avec leurs collègues, soit de leur établissem<strong>en</strong>t (69,4 %<br />
des 180 lecteurs) soit d'autres établissem<strong>en</strong>ts (31,1 %).<br />
Ils exist<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t, mais dans une moindre<br />
mesure, au cours de réunions de travail <strong>en</strong>tre collègues<br />
du même établissem<strong>en</strong>t (17,2 %), mais presque jamais<br />
avec des collègues d'autres établissem<strong>en</strong>ts (4,4 %).<br />
Quant aux échanges dans leur vie privée, cela ne<br />
concerne que 10,6 % des lecteurs, et ceux dans le<br />
cadre de la formation professionnelle continue ou<br />
dans celui d'autres activités extérieures à l'Éducation<br />
nationale, respectivem<strong>en</strong>t que 5,6 % et 1,7 %.<br />
LES CARACTÉRISTIQUES INDIVIDUELLES<br />
Le poids des caractéristiques individuelles des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants parmi les déterminants de leurs pratiques de<br />
lectures <strong>en</strong> éducation sont tout à fait notables.<br />
Par exemple, on s'aperçoit qu'il existe certaines<br />
106 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
lectures qui ont un public plus masculin, et dont les<br />
thèmes sont liés à l'organisation et l'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t de<br />
l'institution école (une "affaire d'homme", ou seule¬<br />
m<strong>en</strong>t les conséqu<strong>en</strong>ces du fait que les fonctions<br />
d'organisation et d'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t soi<strong>en</strong>t plus souv<strong>en</strong>t<br />
occupées par des hommes, ce qui pourrait expliquer<br />
leur attrait pour ces problématiques, ayant plus de<br />
chances d'y être confronté au cours de leur carrière).<br />
Ces thèmes sont la politique, les structures et les<br />
niveaux d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, les personnels de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t, l'ori<strong>en</strong>tation et l'emploi.<br />
L'origine sociale semble jouer selon un phénomène<br />
de proximité culturelle par rapport au champ sco¬<br />
laire. Quand l'<strong>en</strong>seignant est originaire d'un milieu<br />
proche culturellem<strong>en</strong>t de l'institution "école", il<br />
paraît rejeter certaines publications ; ainsi, celles por¬<br />
tant sur les méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation<br />
pour les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong>fants d'<strong>en</strong>seignants ou, dans<br />
une moindre mesure, de cadres - estimerai<strong>en</strong>t-ils<br />
n'<strong>en</strong> avoir pas besoin, "baignant" depuis toujours<br />
dans ce milieu ? - ou celles les plus éloignées des ques¬<br />
tions pédagogiques telles que l'éducation extrasco¬<br />
laire - cette fois trop étrangère à leur habitus social.<br />
En revanche, les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong>fants d'ouvriersemployés,<br />
et surtout ceux d'agriculteurs, se compor¬<br />
t<strong>en</strong>t comme si, ress<strong>en</strong>tant leur éloignem<strong>en</strong>t culturel<br />
et désirant le combler, ils étai<strong>en</strong>t plus demandeurs de<br />
publications et innovantes (comme l'éducation<br />
extrascolaire) et pédagogiques (comme les méthodes<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation).<br />
Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de lire<br />
des publications sur les méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et<br />
d'évaluation peut être de 79,4 % pour les <strong>en</strong>fants<br />
d'agriculteurs, 62,9 % pour les <strong>en</strong>fants d'ouvriersemployés,<br />
52,9 % pour les <strong>en</strong>fants de cadres, 38,5 %<br />
pour les <strong>en</strong>fants des professions intermédiaires,<br />
33.8 % pour les <strong>en</strong>fants d'artisans-commerçants, et<br />
28.9 % pour les <strong>en</strong>fants d'<strong>en</strong>seignants.<br />
Celle de lire des publications sur l'éducation extra¬<br />
scolaire peut varier de, toutes choses égales par ailleurs,<br />
24,6 % pour les <strong>en</strong>fants d'agriculteurs à 0,8 % pour les<br />
<strong>en</strong>fants d'<strong>en</strong>seignants, <strong>en</strong> passant par 10,4 % pour les<br />
<strong>en</strong>fants de cadres, 10,1 % pour les <strong>en</strong>fants d'arti¬<br />
sans-commerçants, 6,7 % pour les <strong>en</strong>fants d'ouviersemployés,<br />
et 2,6 % pour les <strong>en</strong>fants des professions<br />
intermédiaires.<br />
Les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong>fants d'agriculteurs sont <strong>en</strong> outre<br />
ceux qui sont le moins informés de leurs lectures par<br />
leurs collègues, et, avec les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong>fants<br />
d'ouvriers-employés, ceux qui discut<strong>en</strong>t le moins de<br />
leurs lectures au cours de réunions de travail dans<br />
leur établissem<strong>en</strong>t. Cet éloignem<strong>en</strong>t culturel qui les<br />
inciterait à lire contribuerait-il paradoxalem<strong>en</strong>t à les<br />
isoler au sein de l'établissem<strong>en</strong>t ?<br />
Il faut <strong>en</strong>core souligner les résultats portant sur la for¬<br />
mation et initiale, et continue. Ils montr<strong>en</strong>t que les<br />
<strong>en</strong>seignants qui déclar<strong>en</strong>t s'être "formés sur le tas"<br />
sont ceux qui lis<strong>en</strong>t significativem<strong>en</strong>t davantage. De<br />
plus, quand on détaille thème par thème chaque type<br />
de publication, on ne constate que très peu de varia¬<br />
tion dans la probabilité de les lire <strong>en</strong> fonction de sa<br />
formation initiale. La lecture <strong>en</strong> éducation est-elle à<br />
ce point si peu valorisée au sein d'institutions telles<br />
que l'IUFM ou anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t l'école normale ? Une<br />
telle question mérite d'autant plus d'être posée<br />
lorsque l'on constate que les <strong>en</strong>seignants qui ont le<br />
plus de chances de lire des revues spécialisées <strong>en</strong> édu¬<br />
cation sont ceux qui ont suivi d'autres "formations"<br />
(de professeur d'EPS, spécialisée, etc.).<br />
En revanche, le fait de suivre une formation profes¬<br />
sionnelle continue plus ou moins sout<strong>en</strong>ue peut faire<br />
significativem<strong>en</strong>t varier les chances de lire des publi¬<br />
cations, si ce n'est pour tous les thèmes proposés<br />
dans le questionnaire, pour huit thèmes de publica¬<br />
tions sur les quatorze proposés (tous les thèmes les<br />
plus éloignés de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t).<br />
Peut-on alors légitimem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>ser qu'il serait pos¬<br />
sible de valoriser davantage la lecture <strong>en</strong> éducation<br />
par le biais d'une formation initiale différ<strong>en</strong>te de ce<br />
quelle est actuellem<strong>en</strong>t, plus proche de la formation<br />
professionnelle continue ?<br />
LES REPRÉSENTATIONS<br />
La "nouvelle culture pédagogique" décrite par<br />
ÉTÉVÉ n'apparaît pas ici plus particulièrem<strong>en</strong>t<br />
parmi les lecteurs ou parmi les non-lecteurs. Au con¬<br />
traire, et contre toute att<strong>en</strong>te, le seul résultat notable<br />
qu'on puisse rappeler est que le fait de citer plus sou¬<br />
v<strong>en</strong>t comme cause de l'échec scolaire des causes indi¬<br />
viduelles ("manque de motivation", "manque de<br />
travail" ou "problèmes intellectuels, de compré¬<br />
h<strong>en</strong>sion") augm<strong>en</strong>te la probabilité de lire des publi¬<br />
cations parmi les plus éloignées des préoccupations<br />
disciplinaires et pédagogiques.<br />
COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 107
L'impression d'<strong>en</strong>semble que l'on ress<strong>en</strong>t à la lecture<br />
de ces résultats est le constat d'une culture <strong>en</strong>sei¬<br />
gnante unique tant les réponses obt<strong>en</strong>ues conver¬<br />
g<strong>en</strong>t, notamm<strong>en</strong>t sur les thèmes dont il est le plus<br />
souv<strong>en</strong>t question dans le champ <strong>en</strong>seignant (ainsi,<br />
96,1% des répondants sont d'accord pour saluer les<br />
vertus du travail <strong>en</strong> équipe).<br />
Cela pose le problème purem<strong>en</strong>t méthodologique<br />
de r<strong>en</strong>dre compte de représ<strong>en</strong>tations à partir de<br />
réponses à un questionnaire écrit. En effet, il n'est<br />
dans ce cas question que d'opinions déclarées par<br />
les sujets de l'<strong>en</strong>quête. Ainsi pouvait-on s'att<strong>en</strong>dre à<br />
ce que les plus grands lecteurs des publications por¬<br />
tant sur l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des disciplines cit<strong>en</strong>t plus<br />
souv<strong>en</strong>t des objectifs disciplinaires comme objectifs<br />
correspondant le mieux à la définition de la fonction<br />
<strong>en</strong>seignante. Or, ce n'est pas ce que l'on observe.<br />
Ce travail ne peut dans ces conditions <strong>en</strong> aucun cas se<br />
permettre de décrire plus <strong>en</strong> avant les opinions des<br />
<strong>en</strong>seignants sur l'éducation, mais peut saisir l'occa¬<br />
sion de poser, après d'autres, la question des limites<br />
de ce mode d'<strong>en</strong>quête.<br />
LES PROJETS<br />
Projets et lectures <strong>en</strong> éducation ne sembl<strong>en</strong>t pas faire<br />
l'objet de li<strong>en</strong> particulier, sauf peut-être <strong>en</strong> ce qui<br />
concerne les <strong>en</strong>seignants ayant participé à un projet<br />
d'action innovante et qui lis<strong>en</strong>t plus que les autres<br />
certaines publications. Cela paraît induire des échan¬<br />
ges quant à ces lectures au cours de réunions de tra¬<br />
vail : c'est surtout vrai <strong>en</strong> ce qui concerne les<br />
publications sur l'éducation spéciale.<br />
On peut aussi remarquer que les <strong>en</strong>seignants qui ont<br />
un projet de changem<strong>en</strong>t de leur situation profes¬<br />
sionnelle sont moins cli<strong>en</strong>ts de publications pédago¬<br />
giques et sembl<strong>en</strong>t leur préférer celles qui sont les plus<br />
éloignées de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t (sur la vie et le milieu sco¬<br />
laires, et sur le personnel de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t).<br />
Quant à ceux qui ont un projet de formation profes¬<br />
sionnelle continue, il semblerait qu'ils s'inform<strong>en</strong>t<br />
davantage par le canal des revues spécialisées <strong>en</strong> éduca¬<br />
tion. Mais est-ce la lecture de ces revues qui les incite à<br />
se former ou cette volonté de se former qui les fait lire ?<br />
LES RÉSEAUX<br />
Force est de constater que les <strong>en</strong>seignants citant dans<br />
leur <strong>en</strong>tourage un ou plusieurs leaders d'opinion sont<br />
très nettem<strong>en</strong>t minoritaires. En outre, si ceux qui<br />
cit<strong>en</strong>t comme leader d'opinion un collègue <strong>en</strong>sei¬<br />
gnant ont plus de chances de lire des publications sur<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t tous thèmes confondus, on constate<br />
égalem<strong>en</strong>t que les thèmes de lectures peuv<strong>en</strong>t être<br />
s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts selon la fonction du leader<br />
d'opinion cité : si le fait d'<strong>en</strong> citer un parmi les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants syndiqués a pour effet d'augm<strong>en</strong>ter la proba¬<br />
bilité de lire des publications sur les méthodes<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation, cela réduit celle de<br />
lire des publications sur la vie et le milieu scolaires,<br />
mais augm<strong>en</strong>te celle d'être informé de ses lectures<br />
par publicité ou par des collègues. En revanche, et<br />
concernant le thème de la vie et du milieu scolaires,<br />
les <strong>en</strong>seignants lis<strong>en</strong>t plus de publications qui y ont<br />
trait quand ils cit<strong>en</strong>t un leader d'opinion parmi les<br />
docum<strong>en</strong>talistes, ce qui est aussi le cas pour les publi¬<br />
cations sur l'ori<strong>en</strong>tation et l'emploi (deux thèmes<br />
éloignés de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la pédagogie), et<br />
sont plus souv<strong>en</strong>t informés de leurs lectures par des<br />
revues spécialisées.<br />
On peut constater un phénomène id<strong>en</strong>tique si l'on<br />
regarde la vie sociale des <strong>en</strong>seignants. Ceux qui<br />
côtoi<strong>en</strong>t des professionnels de l'éducation ne tra¬<br />
vaillant pas pour l'Éducation nationale ont une plus<br />
grande probabilité de lire des publications dont le<br />
thème est éloigné de la pédagogie ou spécialisé, et<br />
discut<strong>en</strong>t davantage de leurs lectures <strong>en</strong> privé ou<br />
occasionnellem<strong>en</strong>t avec des collègues d'autres<br />
établissem<strong>en</strong>ts. Ceux qui côtoi<strong>en</strong>t des personnes tra¬<br />
vaillant pour l'Éducation nationale sans être <strong>en</strong>sei¬<br />
gnantes, qui lis<strong>en</strong>t globalem<strong>en</strong>t davantage toutes les<br />
publications sur Téducation, ont une probabilité<br />
cette fois plus faible de lire des publications éloignées<br />
des préoccupations pédagogiques, mais discut<strong>en</strong>t<br />
égalem<strong>en</strong>t davantage de leurs lectures <strong>en</strong> privé.<br />
Occuper une fonction supplém<strong>en</strong>taire ou avoir une<br />
activité autre que celle d'<strong>en</strong>seignant n'a <strong>en</strong> revanche<br />
que peu d'effet sur les pratiques de lectures <strong>en</strong> éduca¬<br />
tion, sauf <strong>en</strong> ce qui concerne les activités associatives<br />
qui paraiss<strong>en</strong>t faire augm<strong>en</strong>ter les chances de lire tou¬<br />
tes publications confondues.<br />
De même, les <strong>en</strong>seignants n'ont pas de pratiques diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes de lectures selon la profession de leur conjoint,<br />
si ce n'est qu'ils lis<strong>en</strong>t globalem<strong>en</strong>t moins quand<br />
celui-ci travaille au sein de l'Éducation nationale.<br />
Tout se passe comme si ceux qui, dans leur vie<br />
108 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
sociale, côtoi<strong>en</strong>t des personnes liées à l'institution<br />
Éducation nationale lis<strong>en</strong>t moins de publications<br />
éloignées des thèmes disciplinaires et pédagogiques<br />
(voire lis<strong>en</strong>t globalem<strong>en</strong>t moins, comme c'est le cas<br />
pour les <strong>en</strong>seignants dont le conjoint travaille pour<br />
l'Éducation nationale), mais que ceux qui ont une vie<br />
sociale au sein de laquelle les questions d'éducation<br />
<strong>en</strong> dehors de l'institution Éducation nationale sont<br />
prés<strong>en</strong>tes (activités associatives notamm<strong>en</strong>t) <strong>en</strong><br />
lis<strong>en</strong>t davantage.<br />
Le fait que les <strong>en</strong>seignants-formateurs lis<strong>en</strong>t moins<br />
de publications sur la vie et le milieu scolaires ne peut<br />
que confirmer notre avis sur le point suivant : plus on<br />
est intégré au sein de l'institution Éducation natio¬<br />
nale, moins on a de chances de lire des publications<br />
qui s'éloign<strong>en</strong>t des thèmes pédagogiques.<br />
Il faudrait peut-être alors explorer plus spécifique¬<br />
m<strong>en</strong>t ce réseau associant <strong>en</strong>seignants et éducateurs<br />
hors Éducation nationale pour voir émerger une<br />
"nouvelle culture pédagogique", selon les termes<br />
d'ÉTÉVÉ, culture qui s'exprimerait pleinem<strong>en</strong>t dès<br />
lors qu'elle se situe <strong>en</strong> marge de l'Éducation nationale.<br />
3. PROLONGEMENTS<br />
_EI CONCLUSIONS<br />
QUELLES INCITATIONS POSSIBLES<br />
POUR QUE LES ENSEIGNANTS LISENT<br />
DES PUBLICATIONS SUR L'EDUCATION ?<br />
On peut poursuivre la simulation de probabilité de<br />
lire certaines publications, cette fois <strong>en</strong> fonction de la<br />
formation initiale reçue. Toutes choses égales par ail¬<br />
leurs, la probabilité de lire des publications sur les<br />
méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation peut varier<br />
de 69,8 % pour ceux qui se sont formés "sur le tas" à<br />
33,4 % pour ceux qui ont suivi d'"autres formations",<br />
<strong>en</strong> passant par 62,9 %, 62 %, et 51 %, pour, respecti¬<br />
vem<strong>en</strong>t, les sortants de l'IUFM, les sortants de l'école<br />
normale, et ceux qui déclar<strong>en</strong>t n'avoir fait que passer<br />
le concours d'<strong>en</strong>trée à l'Éducation nationale.<br />
La probabilité de lire des publications sur l'éducation<br />
extrascolaire est de 48,5 % pour les sortants de l'école<br />
normale quand elle est de 9,4 % pour ceux n'ayant<br />
fait que passer le concours, 6,7 % pour les sortants de<br />
l'IUFM, 2,8 % pour ceux ayant suivi d'"autres forma¬<br />
tions", et 2,4 % pour ceux s'étant formés "sur le tas".<br />
Ces exemples ont été choisis car la probabilité de lire<br />
de ces types de publication varie significativem<strong>en</strong>t.<br />
On pouvait légitimem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>ser qu'une telle variété<br />
allait être constatée pour un grand nombre de thèmes<br />
de lectures, et au profit de ceux qui ont suivi les for¬<br />
mations les plus courantes (IUFM, école normale).<br />
Or, cela n'est significatif que pour deux thèmes sur les<br />
quatorze proposés par le questionnaire. La probabi¬<br />
lité générale de lire des publications sur l'éducation,<br />
tous thèmes confondus, ne varie pratiquem<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong><br />
fonction de la formation initiale. On trouve même<br />
une plus grande proportion de lecteurs parmi les<br />
<strong>en</strong>seignants déclarant s'être formés "sur le tas" (et<br />
pour tous les thèmes confondus, et spécifiquem<strong>en</strong>t<br />
pour les méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et d'évaluation).<br />
Qu'<strong>en</strong> est-il de la formation professionnelle continue ?<br />
On pourrait ici donner de plus nombreux exemples<br />
pour montrer que, plus les <strong>en</strong>seignants sont <strong>en</strong> for¬<br />
mation continue, plus ils lis<strong>en</strong>t, sinon globalem<strong>en</strong>t,<br />
certains types de publications, notamm<strong>en</strong>t les plus<br />
éloignés des questions pédagogiques. Donnons seu¬<br />
lem<strong>en</strong>t la possible probabilité de lire des publications<br />
sur la vie et le milieu scolaires, toutes choses égales<br />
par ailleurs quand on n'est jamais <strong>en</strong> formation pro¬<br />
fessionnelle continue, occasionnellem<strong>en</strong>t, assez et<br />
<strong>en</strong>fin très souv<strong>en</strong>t : 48,5 %, 62 %, 64,8 % et 92,2 %.<br />
Formation initiale et formation professionnelle<br />
continue sembl<strong>en</strong>t avoir des effets différ<strong>en</strong>ts sinon<br />
opposés sur les chances d'être lecteur, et cela <strong>en</strong>core<br />
différemm<strong>en</strong>t selon les thèmes des publications.<br />
ÉTÉVÉ a constaté l'émerg<strong>en</strong>ce d'une nouvelle cul¬<br />
ture pédagogique parmi certains <strong>en</strong>seignants lec¬<br />
teurs. De notre côté, nous n'avons seulem<strong>en</strong>t pu<br />
qu'évoquer la piste d'un réseau qui associerait des<br />
<strong>en</strong>seignants et des professionnels de l'éducation tra¬<br />
vaillant hors Éducation nationale qui, par son exis¬<br />
t<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> marge de l'institution scolaire, pourrait<br />
favoriser une nouvelle culture pédagogique de la<br />
sorte. En effet, l'idée que celle-ci ne puisse se déve¬<br />
lopper qu'<strong>en</strong> refusant son intégration à la culture<br />
pédagogique "traditionnelle", celle du plus grand<br />
nombre (et on serait t<strong>en</strong>té de dire de celle de ceux qui<br />
n'ont pas répondu au questionnaire), paraît attestée<br />
par la plupart des résultats prés<strong>en</strong>tés ici. Les forma¬<br />
tions disp<strong>en</strong>sées par l'IUFM ou par l'école normale<br />
intègr<strong>en</strong>t le futur <strong>en</strong>seignant dans l'institution, mais<br />
les formations de la MAFPEN permett<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong> sortir<br />
COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 109
le temps qu'elle dure, et favoris<strong>en</strong>t ainsi les idées et<br />
courants innovants. Les <strong>en</strong>seignants lis<strong>en</strong>t globale¬<br />
m<strong>en</strong>t moins quand leur conjoint fait égalem<strong>en</strong>t partie<br />
de l'Éducation nationale. En revanche, les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants ayant des activités bénévoles associatives,<br />
davantage confrontés à différ<strong>en</strong>ts points de vue, sont<br />
de plus grands lecteurs. Concernant la vie sociale,<br />
rappelons le fait égalem<strong>en</strong>t très parlant que ceux qui<br />
déclar<strong>en</strong>t côtoyer des personnes non <strong>en</strong>seignantes<br />
mais travaillant, et donc intégrées, au sein de l'Éduca¬<br />
tion nationale lis<strong>en</strong>t moins de lectures innovantes, au<br />
contraire de ceux déclarant côtoyer des profession¬<br />
nels de l'éducation qui ne travaill<strong>en</strong>t pas pour l'Édu¬<br />
cation nationale. On a aussi constaté que ceux qui<br />
désignai<strong>en</strong>t comme leaders d'opinion des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants syndiqués et intégrés lisai<strong>en</strong>t davantage de<br />
publications pédagogiques et moins de lectures inno¬<br />
vantes, mais que la nouvelle culture pédagogique<br />
semble davantage t<strong>en</strong>ter ceux qui désign<strong>en</strong>t comme<br />
leaders d'opinion des docum<strong>en</strong>talistes.<br />
Les <strong>en</strong>seignants les plus susceptibles de se tourner<br />
vers une nouvelle culture pédagogique le feront<br />
d'autant plus si elle se développe <strong>en</strong> marge de l'insti¬<br />
tution scolaire. Et inciter les <strong>en</strong>seignants à lire des<br />
publications sur l'éducation ne peut-il se faire qu'<strong>en</strong><br />
dehors de l'Éducation nationale ?<br />
UNE NOUVELLE REVUE EN ÉDUCATION<br />
TROUVERAIT-ELLE DES LECTEURS ?<br />
Avant même de débuter cette étude, nous avions<br />
consci<strong>en</strong>ce qu'il serait difficile de répondre à cette<br />
question.<br />
Et si nous restons d'accord avec l'intuition de<br />
BOURDIEU, "on lit quand on a un marché sur lequel on<br />
peut placer des discours concernant la lecture", il ne<br />
nous est pas permis d'affirmer simplem<strong>en</strong>t qu'il suffi¬<br />
rait de créer un marché pour r<strong>en</strong>contrer des lecteurs.<br />
Nous avons vu que les mécanismes qui font qu'un<br />
<strong>en</strong>seignant est ou non lecteur de certains types de<br />
publications et non d'autres sont aussi multiples que<br />
variés, où r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte ses caractéristiques<br />
personnelles, certains de ses projets, certaines de ses<br />
représ<strong>en</strong>tations, ainsi que son appart<strong>en</strong>ance à des<br />
réseaux dont la qualité qui paraît jouer de façon pré¬<br />
pondérante est son degré d'intégration dans l'institu¬<br />
tion scolaire.<br />
On a constaté que les stages MAFPEN r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t<br />
un certain succès auprès des <strong>en</strong>seignants, et peuv<strong>en</strong>t<br />
servir de base à la diffusion d'une "nouvelle culture<br />
pédagogique". Or, la MAFPEN fait partie de l'insti¬<br />
tution de l'Éducation nationale. Son exemple nous<br />
amène à songer qu'il serait alors possible d'inciter<br />
les <strong>en</strong>seignants à lire <strong>en</strong> restant au sein de l'institu¬<br />
tion sans <strong>en</strong> ayant l'air...<br />
Les propositions apportées par les études précéd<strong>en</strong>tes<br />
sur les lectures pédagogiques des <strong>en</strong>seignants sont des<br />
pistes intéressantes, à condition toutefois de ne pas<br />
paraître intégré dans l'institution. Les travaux du<br />
groupe de recherche de l'IUFM du Nord-Pas de Calais<br />
parl<strong>en</strong>t d'une transformation de l'image du docum<strong>en</strong>¬<br />
taliste, et ÉTÉVÉ plaide pour la formation autour de ce<br />
dernier d'une équipe d'<strong>en</strong>seignants innovants (de lea¬<br />
ders d'opinion) équipe qui serait responsable de<br />
l'information pédagogique et de sa diffusion dans<br />
l'établissem<strong>en</strong>t. Non explicitem<strong>en</strong>t dictée par le minis¬<br />
tère de l'Éducation nationale, la création de telles équi¬<br />
pes pourrait "élargir le cercle des initiés", selon les<br />
termes d'ÉTÉVÉ, à condition qu'elle garde un carac¬<br />
tère spontané et innovant. En revanche, on ne peut<br />
que douter de l'efficacité des propositions faisant la<br />
part belle à la modification de la formation des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants, à moins de la changer radicalem<strong>en</strong>t.<br />
Au regard de la multiplication des études universitai¬<br />
res ou de groupes de recherche d'IUFM portant sur le<br />
li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre la recherche et la pratique de terrain, des<br />
travaux de l'<strong>INRP</strong> sur des problématiques autour de<br />
la diffusion des savoirs <strong>en</strong> éducation, parions sur des<br />
développem<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>ir.<br />
Cep<strong>en</strong>dant, nul doute qu'une nouvelle revue <strong>en</strong> édu¬<br />
cation aurait beaucoup de mal à trouver des lecteurs<br />
parmi les <strong>en</strong>seignants : les demandes actuelles sont<br />
trop diversifiées pour qu'une publication généraliste<br />
<strong>en</strong> éducation soit viable.<br />
Mais la mobilisation des <strong>en</strong>seignants-lecteurs avec le<br />
souti<strong>en</strong> des docum<strong>en</strong>talistes pour créer des équipesrelais<br />
responsables de l'information pédagogique, et<br />
l'aval du Ministère de l'Éducation nationale sans<br />
mainmise de sa part constituerai<strong>en</strong>t de bonnes<br />
conditions pour la diffusion d'une véritable nouvelle<br />
culture pédagogique.<br />
110 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000<br />
Jean-Michel DROUET<br />
IREDU<br />
Université de Bourgogne
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COMMUNICATION DOCUMENTAIRE 111
"SOUVENIRS DU FUTUR"<br />
Cette nouvelle rubrique est destinée à valoriser le fonds patrimonial de l'<strong>en</strong>semble<br />
Bibliothèque-CDR de T<strong>INRP</strong>, pour découvrir ou redécouvrir certains classiques de la<br />
p<strong>en</strong>sée pédagogique. Les courants contemporains <strong>en</strong> éducation sont inscrits dans une<br />
filiation théorique qu'il est utile de rappeler, <strong>en</strong> même temps que de situer leurs<br />
sources docum<strong>en</strong>taires.<br />
On se propose, ici, de comm<strong>en</strong>ter un extrait du Dictionnaire BUISSON, "lieu de<br />
mémoire" de la réflexion éducative.<br />
Jean-François GARCIA s'est prêté à cette expéri<strong>en</strong>ce pour l'article "JACOTOT" de<br />
Bernard Perez dans le Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d'Instruction<br />
Primaire que Ferdinand BUISSON publia chez Hachette <strong>en</strong> 191 1.<br />
Nous n'avons pu reproduire in ext<strong>en</strong>so l'article ici comm<strong>en</strong>té. En effet, le<br />
Dictionnaire BUISSON n'est pas <strong>en</strong>core tombé dans le domaine public. Nous nous<br />
sommes limités au fac-similé du début d'article pour vous inciter à vous y reporter.<br />
Pour Jacotot, l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t n'est pas la transmission d'un savoir mais le souti<strong>en</strong> et le<br />
développem<strong>en</strong>t d'une volonté disposée à appr<strong>en</strong>dre.<br />
Pour appr<strong>en</strong>dre le français aux élèves hollandais, Jacotot les <strong>en</strong>ferme dans le cercle<br />
d'un livre unique, Télémaque, édition franco-hollandaise, pour qu'ils trouv<strong>en</strong>t, par<br />
leur intellig<strong>en</strong>ce, les moy<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong> sortir. Ils apprir<strong>en</strong>t d'abord la traduction française<br />
et la répétèr<strong>en</strong>t pour communiquer ce qu'ils avai<strong>en</strong>t appris puis lur<strong>en</strong>t le reste pour<br />
appr<strong>en</strong>dre a le raconter et écrire, <strong>en</strong>suite, ce qu'ils p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t de ce qu'ils avai<strong>en</strong>t lu.<br />
Ainsi le livre est "l'égalité des intellig<strong>en</strong>ces" comme le dit Rancière.<br />
Il accomplit le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre le déchiffrem<strong>en</strong>t et l'affranchissem<strong>en</strong>t.<br />
"SOUVENIRS DU FUTUR" 113
PUBLIE SOUS LA DIRECTION DE<br />
F. BUISSON<br />
Directeur honoraire de l'Enseignem<strong>en</strong>t primaiie<br />
Professeur honoraire à la Soi bonne<br />
Député de Paris.<br />
JACOTOT. Joseph Jacoiot, né à Dijon <strong>en</strong> 1770,<br />
fit ses etudes au collège de sa ville natale, et à dix-<br />
neuf ans il y fut nommé professeur d'humanités. 11<br />
NOUVEAU DICTIONNAIRE<br />
PÉDAGOGIE<br />
D'INSTRUCTION PRIMAIRE<br />
LIBRAIRIE<br />
PARIS<br />
HACHETTE ET G<br />
79, BOILhïABD S41NT-GIRMA1N , 79<br />
1911<br />
Droits de traduction et «le reproduction ié»ein.<br />
rature française à l'université de Louvain. C'est là que<br />
les circonstances particulières dans lesquelles il se<br />
trouvait placé l'am<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t à la découverte de son<br />
fameux système d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Nous emprunterons<br />
avait uae aptitude singulière pour tous les g<strong>en</strong>res<br />
d'études, et il n'était pas moins propre aux mathéma¬ ici le récit de M. Dezos de la Roqtiflle
JOSEPH JACOTOT<br />
EXTRAIT DU "NOUVEAU<br />
DICTIONNAIRE<br />
DE PÉDAGOGIE ET<br />
D'INSTRUCTION PRIMAIRE"<br />
DE FERDINAND BUISSON<br />
JEAN-FRANÇOIS GARCIA<br />
g a postérité a surtout ret<strong>en</strong>u de Joseph Jacotot<br />
. les fameux axiomes qui fondai<strong>en</strong>t sa péda-<br />
.-w. .- gogie, le principe de l'égalité des intellig<strong>en</strong>ces<br />
et celui de l'analogie universelle : "Tout est dans<br />
tout". Dans sa méthode d'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture<br />
qui accorde une priorité à la compréh<strong>en</strong>sion, on ne<br />
peut cep<strong>en</strong>dant pas le considérer comme un nova¬<br />
teur. D'autres l'ont précédé ou accompagné dans<br />
cette voie aux XVIIIe et XIXe siècles1.<br />
Dans notre comm<strong>en</strong>taire, nous avons donc choisi de<br />
privilégier la lecture qu'a faite Bernard Perez des<br />
axiomes de Jacotot.<br />
LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ<br />
DES INTELLIGENCES<br />
C'est sans doute l'axiome jacoti<strong>en</strong> qui fut et qui reste<br />
le plus controversé. Un contemporain de Jacotot, le<br />
duc de Lévis, <strong>en</strong>gagea avec lui une ret<strong>en</strong>tissante polé¬<br />
mique publique à ce sujet. En date du 22 avril 1829, le<br />
duc écrivit' à Jacotot pour lui dire à quel point cette<br />
thèse lui semblait, non seulem<strong>en</strong>t erronée, mais mal¬<br />
faisante. Selon M. de Lévis, la "doctrine" de Jacotot<br />
est dém<strong>en</strong>tie par des faits évid<strong>en</strong>ts et à la portée des<br />
observations les plus courantes. Ainsi chacun peut-il<br />
aisém<strong>en</strong>t constater que les facultés intellectuelles dif¬<br />
fèr<strong>en</strong>t autant <strong>en</strong>tre les individus que les forces physi¬<br />
ques : "De l'idiot au génie transc<strong>en</strong>dant, l'espace est<br />
grand, et dans cette imm<strong>en</strong>se échelle, l'échelon qu'il<br />
ne dépassera pas est réglé pour chacun dès le premier<br />
mom<strong>en</strong>t de son organisation". Aux yeux du duc, ce<br />
dogme de l'égalité pourrait avoir des conséqu<strong>en</strong>ces<br />
graves sur toute l'organisation de la société.<br />
De plus, si le principe de l'égalité des intellig<strong>en</strong>ces<br />
était vrai, il devrait s'ét<strong>en</strong>dre à toutes les races de<br />
l'espèce humaine. Or quel esprit de bon s<strong>en</strong>s pourrait<br />
1 Cl. a ce sujet la remarquable étude de Christiane Juanéda-Albarede, "C<strong>en</strong>t ans de méthodes de lecture", Bibliothèque<br />
Richardeau/Albin Michel Education, Pans, 1998.<br />
2 Lévis Gaston Pierre, "Lettres sur la méthode Jacotot dite Enseignem<strong>en</strong>t universel", 1-rom<strong>en</strong>t, Paris, 1830.<br />
"SOUVENIRS DU FUTUR" 115
assimiler "l'Anglais judicieux", "le Français avisé",<br />
"l'Itali<strong>en</strong> spirituel", aux "Esquimaux au front<br />
déprimé", "aux sauvages qui ne compt<strong>en</strong>t que jusqu'à<br />
trois", "aux stupides anthropophages de l'Australasie"<br />
ou à toutes ces "hordes de nègres dont les passions<br />
sont aussi vives que leur intellig<strong>en</strong>ce est bornée" ?<br />
Enfin, et c'est ce qui semble indigner le plus M. de<br />
Lévis, membre de l'Académie française, comm<strong>en</strong>t<br />
admettre l'égalité des intellig<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les sexes ?<br />
Un mari ne peut espérer une soumission de quelque<br />
durée d'une épouse qui serait "imbue dès l'<strong>en</strong>fance<br />
de la doctrine de l'égalité intellectuelle".<br />
Remise <strong>en</strong> cause de l'ordre social, du dogme des races<br />
supérieures, et de ce qu'il appelle lui-même "la paix<br />
des ménages" : c'<strong>en</strong> est trop pour le duc de Lévis. Il<br />
adjure Jacotot de laisser au rebut cette "doctrine<br />
fausse et dangereuse" dont, affirme-t-il, "l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t universel peut très bi<strong>en</strong> se passer".<br />
Si nous avons choisi de rappeler ici les critiques de M.<br />
de Lévis, c'est parce qu'elles nous sembl<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> repré¬<br />
s<strong>en</strong>ter le point de vue des adversaires contemporains<br />
de Jacotot. Affirmer, ainsi que le fait celui qui veut<br />
apporter T'Émancipation intellectuelle" aux hommes,<br />
qu'<strong>en</strong> vertu même du principe de l'égalité des intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ces, des maîtres explicateurs ne leur sont pas<br />
nécessaires, voilà qui est proprem<strong>en</strong>t irrecevable.<br />
Ces thèses serai<strong>en</strong>t-elles mieux reçues par un lecteur<br />
d'aujourd'hui, à travers le prisme de l'<strong>en</strong>trée<br />
"JACOTOT" sous la signature de Bernard Perez,<br />
dans le Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et<br />
d'Instruction Primaire publié <strong>en</strong> 1911 sous la direc¬<br />
tion de Ferdinand Buisson chez Hachette ?<br />
Avant d'essayer de répondre à cette question, il est<br />
nécessaire d'analyser la façon dont Bernard Perez pré¬<br />
s<strong>en</strong>te les théories de Jacotot dans le contexte de son<br />
époque et dans le cadre du Dictionnaire de Pédagogie.<br />
La première édition de ce dictionnaire se composait<br />
de deux parties <strong>en</strong> deux volumes chacune, sa paru¬<br />
tion s'est échelonnée de 1882 à 1887, elle comportait<br />
cinq mille cinq c<strong>en</strong>ts pages. La première partie était<br />
réservée aux doctrines pédagogiques, à la législation<br />
scolaire et à l'histoire de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire3.<br />
C'est dans le tome 2 de cette première partie, achevée<br />
<strong>en</strong> 1887, que paraît pour la première fois l'article de<br />
Bernard Perez.<br />
Vingt-quatre ans plus tard, une deuxième édition<br />
remaniée et réduite à 2 070 pages est publiée avec le<br />
titre de Nouveau Dictionnaire de Pédagogie.<br />
En 1911, lorsque cette édition paraît, les travaux<br />
d'Alfred Binet4 sont largem<strong>en</strong>t connus et ont acquis<br />
une audi<strong>en</strong>ce internationale. Les théories de Binet<br />
ont évolué d'un associationnisme classique (Psycho¬<br />
logie du raisonnem<strong>en</strong>t, 1886) à une conception fonc¬<br />
tionnaliste de l'intellig<strong>en</strong>ce (Étude expérim<strong>en</strong>tale de<br />
l'intellig<strong>en</strong>ce, 1903). Dans son credo pédagogique, Les<br />
idées modernes sur les <strong>en</strong>fants, paru <strong>en</strong> 1909, deux ans<br />
avant sa mort, Binet rappelle avec force que : ". . .tout<br />
ce qu'il y a de p<strong>en</strong>sée et de fonction <strong>en</strong> nous est sus¬<br />
ceptible de développem<strong>en</strong>t".<br />
Bernard Perez, qui n'est plus guère connu<br />
aujourd'hui que par les histori<strong>en</strong>s de l'Éducation, est<br />
à l'époque un auteur prolifique. Il a publié, <strong>en</strong>tre<br />
autres, chez Alcan, L'<strong>en</strong>fant de trois à sept ans <strong>en</strong> 1886<br />
puis, <strong>en</strong> 1893, une Éducation intellectuelle dès le ber¬<br />
ceau, et l'<strong>en</strong>semble de son uvre concerne le déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t cognitif et moral de l'<strong>en</strong>fant. Nous<br />
pouvons donc considérer que nous avons affaire,<br />
avec lui, à un connaisseur averti des travaux de son<br />
époque concernant l'intellig<strong>en</strong>ce.<br />
La prés<strong>en</strong>tation que Perez fait de l'axiome jacoti<strong>en</strong><br />
relève ainsi d'un fonctionnalisme tempéré, Perez s'y<br />
montre prud<strong>en</strong>t vis-à-vis de la notion d'êducabilité<br />
de l'intellig<strong>en</strong>ce et reste <strong>en</strong> retrait par rapport aux<br />
théories de Binet.<br />
En fait, Perez, dans son comm<strong>en</strong>taire, introduit<br />
d'abord l'idée d'un sujet naturel dont les fonctions<br />
sont soumises à ce qu'il appelle "les influ<strong>en</strong>ces<br />
prépondérantes de la constitution originelle et du<br />
tempéram<strong>en</strong>t héréditaire". Cette opinion de péda¬<br />
gogue naturaliste est de peu d'intérêt pour nous<br />
aujourd'hui, sinon d'un point de vue généalogique :<br />
on aurait là un maillon de la longue chaîne qui<br />
conduit jusqu'aux partisans contemporains d'une<br />
conception biologique de l'intellig<strong>en</strong>ce. Au début du<br />
siècle, ces théories étai<strong>en</strong>t contraintes à une expres¬<br />
sion modeste. Perez reconnaît <strong>en</strong> effet que "quelle<br />
3 Nous nous référons ici au chapitre que Pierre Nora a consacré au Dictionnaire de pédagogie de F. Buisson dans le tome 1 des Lieux<br />
de Mémoire "la République", Gallimard, Paris, 1984.<br />
4 Ferdinand Buisson est présid<strong>en</strong>t de la Société Alfred Binet-Théodore Simon fondée <strong>en</strong> 1899 par eux-mêmes.<br />
116 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
que soit la mesure <strong>en</strong>core inconnue dans laquelle<br />
l'éducation peut développer une intellig<strong>en</strong>ce donnée,<br />
on ne peut pas, <strong>en</strong> l'état actuel de la psychologie et de<br />
la physiologie, comme de la pédagogie, déterminer a<br />
priori le développem<strong>en</strong>t possible de cette intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ce". Aujourd'hui, ces théories biologiques de<br />
l'intellig<strong>en</strong>ce peuv<strong>en</strong>t se prévaloir des fausses vérités<br />
établies notamm<strong>en</strong>t par le psychologue américain<br />
A.R J<strong>en</strong>s<strong>en</strong> dans son célèbre article de 1969 : "De<br />
combi<strong>en</strong> pouvons-nous accroître le Q.I. et la perfor¬<br />
mance scolaire ?"\ J<strong>en</strong>s<strong>en</strong> y estimait la part d'hérita-<br />
bilité du Q.I. à 81 %. Nous ne pouvons que r<strong>en</strong>voyer<br />
ici pour ce débat à la lecture de l'ouvrage de Michel<br />
Schiff (1982) L'intellig<strong>en</strong>ce gaspillée : inégalité sociale,<br />
injustice scolaire. Cet auteur, <strong>en</strong> conclusion d'une<br />
étude sans précéd<strong>en</strong>t et très convaincante sur les<br />
<strong>en</strong>fants d'ouvriers adoptés par des cadres, répondait<br />
ainsi à la question de J<strong>en</strong>s<strong>en</strong> : "Assez pour faire dispa¬<br />
raître le gros des échecs scolaires, et <strong>en</strong> particulier les<br />
plus graves".<br />
Jacotot considérait le principe de l'égalité des intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ces, non comme une thèse démontrable, mais<br />
comme le postulat de départ de son projet d'Émanci¬<br />
pation intellectuelle. Comme l'a si bi<strong>en</strong> montré Jac¬<br />
ques Rancière dans Le mâitre ignorant, c'est un projet<br />
porté par la passion de l'Égalité. Sa finalité ne consiste<br />
pas à faire de l'Instruction publique l'instrum<strong>en</strong>t de<br />
correction des inégalités mais bi<strong>en</strong> à détourner les<br />
hommes des maîtres explicateurs, c'est-à-dire des<br />
"serruriers" gardi<strong>en</strong>s du temple du savoir. Or, quand<br />
l'article de Perez sur Jacotot paraît, l'Enseignem<strong>en</strong>t<br />
primaire vi<strong>en</strong>t à peine d'être organisé par la loi R<strong>en</strong>é<br />
Goblet de 1886, à la suite des initiatives de Paul Bert<br />
<strong>en</strong> 1 88 1 et de Jules Ferry l'année suivante. Le Nouveau<br />
Dictionnaire fut une éditoriale semi-officielle<br />
sans précéd<strong>en</strong>t et d'une ampleur sans postérité à ce<br />
jour. Elle accompagnait l'‰uvre législative des fon¬<br />
dateurs de l'École publique. On peut compr<strong>en</strong>dre<br />
que Perez, qui participe à cette <strong>en</strong>treprise, assigne au<br />
postulat de Jacotot des fins moins libertaires que cel¬<br />
les qui aboutirai<strong>en</strong>t à la disparition des <strong>en</strong>seignants !<br />
Dans son comm<strong>en</strong>taire, Perez ne s'est pas attardé sur<br />
le terrain d'une explication naturaliste de l'égalité ou<br />
de l'inégalité des intellig<strong>en</strong>ces. Il passe, dans son<br />
texte, par un glissem<strong>en</strong>t sémantique rapide, d'un<br />
sujet biologique à un sujet de droit : "Tous les hom¬<br />
mes ont les mêmes facultés, les mêmes moy<strong>en</strong>s<br />
d'appr<strong>en</strong>dre : tous peuv<strong>en</strong>t et doiv<strong>en</strong>t atteindre aux<br />
bi<strong>en</strong>faits de l'instruction". A une distribution égali¬<br />
taire du droit (et donc du devoir faire des sujets) se<br />
superpose ainsi une distribution non différ<strong>en</strong>ciée des<br />
pouvoir faire. Perez fait du postulat jacoti<strong>en</strong> revisité<br />
la justification de l'instruction publique nationale :<br />
"L'égalité ainsi comprise est la base de l'éducation<br />
moderne et l'égalité politique serait un non-s<strong>en</strong>s s'il<br />
<strong>en</strong> était autrem<strong>en</strong>t".<br />
Perez pose un problème qui est resté inscrit jusqu'à<br />
nos jours dans le débat sur les finalités de l'école et les<br />
formes que l'action publique doit lui donner. Dans<br />
une société non démocratique, un paradigme inégalitaire,<br />
celui de la hiérarchie sociale, se fonde sur le<br />
paradigme des différ<strong>en</strong>ces naturelles pour <strong>en</strong> tirer sa<br />
légitimation. Au contraire dans une société démocra¬<br />
tique, l'égalité politique replace les hommes dans un<br />
ordre où ces différ<strong>en</strong>ces se comp<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t. Dans ce der¬<br />
nier type de société, deux logiques de distribution se<br />
superpos<strong>en</strong>t, la première est celle de la classe des<br />
citoy<strong>en</strong>s égaux, elle est coext<strong>en</strong>sive à l'univers des<br />
sujets, la seconde répartit plusieurs classes à l'inté¬<br />
rieur de la première. Dans son Homo hierarchicus<br />
(1978)6, Louis Dumont fait remarquer qu'il s'établit<br />
ainsi deux niveaux : le supérieur, caractérisé par<br />
l'unité, et l'inférieur, qui est celui de la distinction.<br />
Comm<strong>en</strong>t traduire concrètem<strong>en</strong>t la volonté politique<br />
égalitaire ? Faut-il organiser le système éducatif <strong>en</strong><br />
l'adaptant à la diversité sociale et t<strong>en</strong>ter de dépasser<br />
l'aporie des deux logiques de distribution ? Ou bi<strong>en</strong><br />
faut-il organiser une "École unique" qui apporterait,<br />
à tous les <strong>en</strong>fants de la nation, la même instruction,<br />
sur les bancs de la même école ? Jusqu'à la fin du XIXe<br />
siècle, c'est la première solution qui a prévalu. Au<br />
début du XXe siècle, la nécessité d'une unification du<br />
système va s'imposer aux bâtisseurs de l'école<br />
publique, par souci de justice sociale et d'union<br />
nationale républicaine. Ferdinand Buisson, au<br />
congrès du Parti Radical <strong>en</strong> 1909, puis dans un projet<br />
5 J<strong>en</strong>s<strong>en</strong> A.R.,"How much can we boost l.Q. and scholastic achievem<strong>en</strong>t ?", Harvard Educational Revue, 39, 1969, p. 1-123.<br />
6 Dumont Louis, "Homo Hierarchicus" , Pans, Gallimard, 1966.<br />
"SOUVENIRS DU FUTUR" 117
de loi <strong>en</strong> 1910, fut l'un des premiers à réclamer cette<br />
école unique, dont la mise <strong>en</strong> place progressive et<br />
conflictuelle trouvera son terme <strong>en</strong> 1975 avec la réali¬<br />
sation du "Collège unique" de R<strong>en</strong>é Haby.<br />
En 1887, Bernard Perez ti<strong>en</strong>t un discours qui préfi¬<br />
gure celui des partisans de l'École unique : "Cet<br />
axiome de l'égalité, sous la réserve des restrictions<br />
qu'il comporte, aplanit les barrières <strong>en</strong>tre les esprits,<br />
supprime l'orgueil de caste, l'esprit de corps et l'iné¬<br />
galité de sexe ; il consacre l'universelle aptitude de<br />
tous à toute instruction...".<br />
Cette lecture de l'axiome jacoti<strong>en</strong> par Perez interroge<br />
le lecteur contemporain. Qu'<strong>en</strong> est-il aujourd'hui <strong>en</strong><br />
2000, alors que le principe politique d'unification de<br />
l'école se trouve confronté depuis 25 ans à l'hétérogé¬<br />
néité des populations scolaires (le paradigme de la<br />
distinction dont nous avons parlé plus haut) ?<br />
Cette confrontation est généralem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tée<br />
comme un échec. Dans un ouvrage réc<strong>en</strong>t, Louis<br />
Legrand <strong>en</strong> a analysé les raisons. La conclusion de<br />
celui qui a été, <strong>en</strong> France, l'un des principaux acteurs<br />
de l'École unique et le promoteur opiniâtre de la<br />
pédagogie différ<strong>en</strong>ciée, est quelque peu dés<strong>en</strong>¬<br />
chantée : "A la limite, on pourrait sout<strong>en</strong>ir que l'École<br />
unique est <strong>en</strong> train de mourir <strong>en</strong> même temps que<br />
l'idéologie républicaine et laïque qui <strong>en</strong> était le prin¬<br />
cipal moteur"7.<br />
Le lecteur contemporain chercherait pourtant <strong>en</strong><br />
vain une remise <strong>en</strong> cause officielle de l'École unique,<br />
la forme politique du projet républicain de l'égalité<br />
devant l'éducation p<strong>en</strong>dant près d'un siècle. Depuis<br />
la réforme dite du "Collège unique" de R<strong>en</strong>é Haby et<br />
les efforts déployés par Alain Savary et Louis Legrand<br />
pour la viabiliser, le débat a constamm<strong>en</strong>t été<br />
esquivé. La droite, rev<strong>en</strong>ue au pouvoir à l'occasion<br />
des alternances politiques, s'<strong>en</strong> est t<strong>en</strong>ue à un att<strong>en</strong>¬<br />
tisme prud<strong>en</strong>t, malgré des déclararations tonitruan¬<br />
tes. La gauche, tout <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant paradoxalem<strong>en</strong>t le<br />
risque, auprès des acteurs du terrain, de mesures pal¬<br />
liatives et impopulaires, fait preuve de la même pusil¬<br />
lanimité. L'agonie de l'École unique fait ainsi l'objet<br />
d'un cons<strong>en</strong>sus tacite, alors qu'il est grand temps<br />
d'interrompre la vacance du débat idéologique à son<br />
sujet. La déf<strong>en</strong>se de l'École unique républicaine<br />
implique une redéfinition de ses fonctions et des<br />
conditions de sa nécessaire viabilité. Il faut souhaiter<br />
que la lecture de l'<strong>en</strong>trée "JACOTOT" par B. Perez<br />
dans le Nouveau Dictionnaire de Pédagogie y contribue.<br />
"TOUT EST DANS TOUT"<br />
Les contemporains de Jacotot ne se sont pas privés de<br />
brocarder cet axiome que lui-même attribuait à Aris¬<br />
tote et qui nous vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait d'Anaxagore. Ce philo¬<br />
sophe présocratique <strong>en</strong>seignait qu'il n'existe qu'un<br />
monde <strong>en</strong> perpétuel développem<strong>en</strong>t et non une suc¬<br />
cession de mondes disparaissant et r<strong>en</strong>aissant. Tout<br />
est emboîté dans tout, à l'infini. Les objets du monde<br />
ne sont point coupés comme avec une hache, disait<br />
Anaxagore, jamais par conséqu<strong>en</strong>t on ne peut com¬<br />
plètem<strong>en</strong>t séparer une chose des autres. La valeur<br />
heuristique de ce principe n'a pas échappé à Bernard<br />
Perez qui <strong>en</strong> fait un comm<strong>en</strong>taire favorable. Jacotot a<br />
compris que l'intellig<strong>en</strong>ce humaine avait ainsi à sa<br />
disposition un puissant "moteur de recherche" pour<br />
explorer et appr<strong>en</strong>dre le monde.<br />
Pour Jacotot, la méthode didactique la plus com¬<br />
mode et la plus simple, pour appliquer ce principe,<br />
consiste à appr<strong>en</strong>dre un livre d'une certaine ampleur<br />
et à y rapporter tout le reste. Il ne faut pas y voir un<br />
simple "parcturisme" abrutissant les élèves, même<br />
si Jacotot dans la Xe leçon de Langue maternelle<br />
déclare que "Tout est dans tout est la mnémonique de<br />
l'Enseignem<strong>en</strong>t universel". Pour Jacotot, se servir de<br />
sa mémoire, ce n'est pas la faire fonctionner comme<br />
un muscle qui, à force d'exercice, s'hypertrophie et<br />
finit par s'asphyxier. Jacotot, avant les théorici<strong>en</strong>s<br />
modernes des modèles de mémoire sémantique, fai¬<br />
sait fonctionner la mémoire comme un organiseur.<br />
Ces modèles prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des analogies formelles évi¬<br />
d<strong>en</strong>tes avec les processus de stockage de la<br />
"mémoire" informatique. Or, ce qui permet à une<br />
machine de "retrouver" l'information, ce sont des<br />
systèmes d'"adresses". Les élém<strong>en</strong>ts constituant le<br />
matériel mémorisé serai<strong>en</strong>t situés aux points de<br />
connexion d'un réseau qui assurerait leur liaison. La<br />
nature de ce li<strong>en</strong> varie selon l'hypothèse ret<strong>en</strong>ue pour<br />
expliquer les liaisons existant <strong>en</strong>tre les élém<strong>en</strong>ts.<br />
7 Barreau Jean-Michel, Garcia Jean-François, Legrand Louis, L'école unique (de 1914 à nos jours), collection "Pédagogues et<br />
pédagogies", Presses Universitaires de France, Paris, 1998.<br />
118 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
C'est avec beaucoup de pertin<strong>en</strong>ce que Bernard Perez<br />
cite le passage où Jacotot développe la superbe<br />
métaphore du "cercle imm<strong>en</strong>se de la p<strong>en</strong>sée". "Il se<br />
forme ainsi des liaisons intimes <strong>en</strong>tre vos idées",<br />
"quoiqu'elles se touch<strong>en</strong>t par tous les points, elles ne<br />
se mêl<strong>en</strong>t pas", "tout se retrouve quand on le veut".<br />
Ce sont là autant de formules qui nous montr<strong>en</strong>t que<br />
l'application didactique de ce principe du "tout est<br />
dans tout" était, chez Jacotot, informée et justifiée. Ce<br />
n'était pas l'expression d'une incantation sectaire<br />
qu'un maître adresserait à ses disciples, comme cer¬<br />
tains critiques contemporains ont pu l'<strong>en</strong> accuser.<br />
Certains laudateurs commerciaux d'Internet à l'école<br />
trouverai<strong>en</strong>t sans doute aussi, chez Jacotot, de quoi<br />
r<strong>en</strong>ouveler leur argum<strong>en</strong>taire <strong>en</strong> faveur de l'usage<br />
pédagogique de la Toile, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t réduit à "ça sti¬<br />
mule l'intérêt de l'<strong>en</strong>fant...".<br />
Un précurseur de l'Éducation nouvelle, le Pasteur<br />
Oberlin, inspiré parles pédagogues des Lumières, cons¬<br />
tituait des collections avec les échantillons naturels<br />
récoltés par ses élèves au cours des prom<strong>en</strong>ades qu'il<br />
organisait pour eux. Ce contemporain de Linné avait<br />
ainsi la volonté de transposer "l'Ordre divin du monde"<br />
<strong>en</strong> une systématique scolaire sous la forme de métony¬<br />
mies diverses <strong>en</strong>globées comme élém<strong>en</strong>ts dans des<br />
classes, elles-mêmes incluses dans des <strong>en</strong>sembles plus<br />
grands. La Création, au-delà de son appar<strong>en</strong>t désordre,<br />
dev<strong>en</strong>ait ainsi lisible dans un ordre didactique.<br />
Cette solution que le Pasteur du Ban-de-la-Roche<br />
avait trouvé pour résoudre le problème de l'unité de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t - collectionner et ordonner des<br />
métonymies du monde - Jacotot l'appliquait dans le<br />
même but aux objets m<strong>en</strong>taux. Ces objets présuppo¬<br />
s<strong>en</strong>t des objets du monde ; dès lors, si dans un cercle<br />
étroit, conting<strong>en</strong>t, didactique, celui d'un livre par<br />
exemple, on dispose d'une bonne sélection de ces<br />
objets anthropologiquem<strong>en</strong>t seconds, on pourra<br />
déborder ce territoire par le jeu des libres associa¬<br />
tions. Le hasard avait bi<strong>en</strong> servi Jacotot à Louvain,<br />
quand il lui avait mis <strong>en</strong>tre les mains une édition<br />
bilingue du Télémaque de Fénelon.<br />
Pédagogues d'aujourd'hui, faites surfer vos élèves sur<br />
Internet si vous voulez, mais glissez-leur sous les<br />
pieds une bonne planche, c'est-à-dire un bon livre.<br />
"Ayez un livre commun <strong>en</strong>tre vos élèves et vous"<br />
répétait Jacotot dans ses ouvrages, et Bernard Perez le<br />
rappelle à propos : un bon livre conti<strong>en</strong>t un grand<br />
nombre d'idées-mères. A ce noyau primordial, on peut,<br />
grâce aux modalités de la connexion, telles que Hume<br />
les avait analysées dans son Enquête sur l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t<br />
humain (1748), "agréger toutes les autres". Ressem¬<br />
blance, contiguïté, causalité, ce sont ces modalités qui<br />
permett<strong>en</strong>t, selon Jacotot, de "rapporter les choses<br />
que l'on ignore à celles que l'on sait". "Savoir une<br />
chose et y rapporter tout le reste" se révèle ainsi le<br />
corollaire opérant du "Tout est dans tout". Jacotot,<br />
comme Rousseau et plus tard Dewey, cherchait à éta¬<br />
blir une continuité <strong>en</strong>tre l'expéri<strong>en</strong>ce de l'<strong>en</strong>fant et<br />
l'appr<strong>en</strong>tissage du monde. L'incompatibilité <strong>en</strong>tre la<br />
structuration de la vie m<strong>en</strong>tale de l'<strong>en</strong>fant et les<br />
découpages scolaires du monde sera ainsi dépassée.<br />
L'instrum<strong>en</strong>t favori de Jacotot, pour réaliser cette<br />
continuité, c'est l'analogie : que ce soit "le poète qui<br />
regarde l'aurore ou l'anatomiste qui dissèque un<br />
cadavre, c'est la même intellig<strong>en</strong>ce qui fait les mêmes<br />
rapports". Là où "Monsieur du Public" ne voit que la<br />
vigne vierge tapissant la grotte de Calypso que lui<br />
décrit Fénelon, Jacotot, lui, appr<strong>en</strong>d à voir un réseau<br />
anatomique plaqué sur des organes. Le pédagogue de<br />
Louvain invite à connaître le monde par les vieux<br />
chemins de l'analogie universelle. Au XXe siècle,<br />
André Breton célébrera à son tour le "déclic analo¬<br />
gique". "C'est seulem<strong>en</strong>t par lui - écrit-il dans La Clef<br />
du Temps (1953) - que nous pouvons agir sur le<br />
moteur du monde". L'ordre du monde sera ainsi unifié<br />
par les rapports que l'intellection y découvre.<br />
Jacotot avait compris que l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ne saurait<br />
restituer à l'élève une vision totalisante, <strong>en</strong>cyclopé¬<br />
dique du monde, irreprés<strong>en</strong>table pour l'homme.<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t doit au contraire offrir à l'<strong>en</strong>fant les<br />
conditions d'une représ<strong>en</strong>tation possible du monde,<br />
grâce à l'articulation des différ<strong>en</strong>tes branches de la<br />
connaissance. A l'heure où les réseaux mondiaux du<br />
savoir informatisé font reculer les limites de l'image<br />
du monde à l'infini, les leçons de la pédagogie de<br />
Jacotot rest<strong>en</strong>t précieuses pour une bonne transposi¬<br />
tion didactique des objets de ce monde.<br />
Jean-François GARCIA<br />
Maître de (.kmfer<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation<br />
Docteur d'État<br />
Université de Nice<br />
Auteur de Jacotot,<br />
Collection "Pédagogues el Pédagogies"<br />
PUI, 1997<br />
'SOUVENIRS DU FUTUR" 119
INNOVATIONS<br />
ET RECHERCHES<br />
A L'ÉTRANGER<br />
IL S'AGIT DE PRÉSENTER DANS CETTE RUBRIQUE<br />
DES COMPTES-RENDUS D'ARTICLES ÉTRANGERS<br />
JUGÉS SIGNIFICATIFS<br />
Enseignem<strong>en</strong>t spécial : une nécessaire synergie<br />
<strong>en</strong>tre l'organisation structurelle et la pratique individuelle<br />
Le risque d'abandon scolaire :<br />
facteurs discriminants<br />
Approche critique ou approche cons<strong>en</strong>suelle<br />
de la sci<strong>en</strong>ce<br />
Réflexion critique et réflexion constructive<br />
Formation des maîtres : l'inspection est-elle fiable ?<br />
La "professionnalisation" du collégi<strong>en</strong> débutant<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER 121
ENSEIGNEMENT SPÉCIAL :<br />
UNE NÉCESSAIRE SYNERGIE<br />
ENTRE L'ORGANISATION<br />
STRUCTURELLE ET LA PRATIQUE<br />
INDIVIDUELLE<br />
^ .£ ans cet article, trois chercheurs <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces<br />
g js, de l'éducation de l'Université de Louvain<br />
étudi<strong>en</strong>t les relations <strong>en</strong>tre les politiques<br />
innovantes initiées au niveau de l'établissem<strong>en</strong>t sco¬<br />
laire et les innovations pratiquées par les professeurs<br />
au niveau de la classe, soulignant qu'une commu¬<br />
nauté de pratiques à l'intérieur d'une école a une<br />
influ<strong>en</strong>ce (stimulante ou au contraire inhibitrice) sur<br />
l'aptitude des <strong>en</strong>seignants à transformer leurs<br />
conceptions et leur savoir-faire au quotidi<strong>en</strong>.<br />
Jusqu'à prés<strong>en</strong>t les innovations organisationnelles -<br />
telles que le partage du pouvoir de décision, la ges¬<br />
tion scolaire à partir de la base - n'ont pas eu un<br />
impact évid<strong>en</strong>t sur l'expertise professionnelle des<br />
<strong>en</strong>seignants ou sur les performances scolaires des élè¬<br />
ves. La formation individuelle, le perfectionnem<strong>en</strong>t<br />
professionnel indisp<strong>en</strong>sables doiv<strong>en</strong>t s'appuyer sur<br />
des structures qui favoris<strong>en</strong>t les relations <strong>en</strong> tête à<br />
tête, non bureaucratiques, les interactions régulières<br />
sur des problèmes de pratique éducative, des organi¬<br />
sations qui donn<strong>en</strong>t du temps et des ressources parti¬<br />
culières aux <strong>en</strong>seignants supposés changer leurs<br />
comportem<strong>en</strong>ts avec les élèves et les collègues.<br />
La relation <strong>en</strong>tre les changem<strong>en</strong>ts au niveau de l'éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t et les applications <strong>en</strong> classe est étudiée<br />
selon deux perspectives. Dans la première perspec¬<br />
tive - structurelle et fonctionnelle - les élém<strong>en</strong>ts<br />
structurels de l'organisation sont mis <strong>en</strong> relief et leurs<br />
effets examinés, afin de montrer l'importance d'une<br />
systématisation de l'innovation inspirée par le "para¬<br />
digme de l'efficacité de l'école". L'instrum<strong>en</strong>tation de<br />
ces mécanismes étant fort complexe, il faut étudier<br />
comm<strong>en</strong>t ces variables "march<strong>en</strong>t" dans une seconde<br />
perspective - culturelle - liée aux procédures<br />
individuelles des professeurs, à leurs expéri<strong>en</strong>ces, à<br />
l'évolution subjective de leurs théories sur l'éduca¬<br />
tion, à leur perception du perfectionnem<strong>en</strong>t profes¬<br />
sionnel. Le partage de ces expéri<strong>en</strong>ces, leur mise <strong>en</strong><br />
discussion permettant de vérifier si oui ou non les<br />
organisations au niveau de l'école - réunions réguliè¬<br />
res de professeurs, constitution d'équipes multidisciplinaires,<br />
r<strong>en</strong>fort d'un professeur spécialisé - influ<strong>en</strong>t<br />
sur la classe <strong>en</strong> reflétant une certaine culture<br />
professionnelle.<br />
Au cours des dix dernières années, les gouverne¬<br />
m<strong>en</strong>ts belges et néerlandais ont pris consci<strong>en</strong>ce du<br />
taux croissant de redoublem<strong>en</strong>t et de placem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
classes spéciales dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire et<br />
secondaire et, <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce, ont voulu développer<br />
la capacité d'aide spécialisée et de dépistage des han¬<br />
dicaps dans les écoles ordinaires. Cet article relate<br />
une étude qualitative réalisée <strong>en</strong> 1997 dans quatre<br />
écoles primaires belges de langue flamande, sur les<br />
services d'aide spécialisée offerts aux élèves <strong>en</strong> diffi¬<br />
culté. On a choisi quatre écoles de niveau inégal<br />
(d'après un classem<strong>en</strong>t fondé sur les réponses à un<br />
questionnaire comportant 123 énoncés, évaluées<br />
selon une échelle de Likert à six degrés). Deux écoles<br />
étai<strong>en</strong>t classées peu performantes, une avait des<br />
résultats moy<strong>en</strong>s, une était très performante <strong>en</strong><br />
matière d'aide spécialisée. Dans ces quatre écoles<br />
(participantes volontaires) le directeur, l'<strong>en</strong>seignant<br />
spécialisé, d'une part, et un professeur de lre, de 4e, de<br />
5e et de 6e année, d'autre part, ont été interrogés :<br />
deux versions de l'interview avai<strong>en</strong>t été élaborées<br />
pour ces deux groupes, et les professeurs "ordinai-<br />
122 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
es" étai<strong>en</strong>t interrogés au niveau de l'école et au<br />
niveau de leur classe tandis que le directeur et le pro¬<br />
fesseur spécialisé n'étai<strong>en</strong>t interrogés qu'au niveau de<br />
l'école.<br />
Les données recueillies ont été regroupées selon<br />
neuf thèmes concernant le niveau de l'école (par<br />
exemple l'action du directeur dans le domaine des<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts spéciaux, la coopération avec le<br />
c<strong>en</strong>tre d'aide psychosociale et médicale, les modes<br />
de groupem<strong>en</strong>t des élèves) <strong>en</strong> relation avec les<br />
diverses grilles de questions. Au niveau de la classe,<br />
les données étai<strong>en</strong>t regroupées selon quatre thèmes.<br />
Des schémas d'analyse des informations pertin<strong>en</strong>tes<br />
par thème ont ainsi pu être tracés et la recherche<br />
s'est focalisée non sur les prestations individuelles<br />
des interviewés ("unités d'observation"), mais sur la<br />
capacité^è^l'ëcolén("urrité^'ànalyse") à^liagnostî^<br />
quer et^ satisfaireTes besoins-éducatifs spéciaux;<br />
Ces informations ont été analysées dans le cadre d'un<br />
site - chaque école - considéré comme une <strong>en</strong>tité : les<br />
réponses, groupées par thèmes, ont abouti à une<br />
image cohér<strong>en</strong>te de chaque école, décrivant des actions<br />
concrètes <strong>en</strong> matière d'éducation spéciale. Puis une<br />
analyse comparative "multisite" a été élaborée.<br />
Dans l'école A, on a constaté qu'il n'y a pas de<br />
cons<strong>en</strong>sus véritable sur les objectifs de l'aide com¬<br />
p<strong>en</strong>satoire, chaque classe gérant les problèmes tant<br />
bi<strong>en</strong> que mal. La continuité des stratégies et de la pro¬<br />
gression des cont<strong>en</strong>us était minimale. Le directeur ne<br />
semblait pas très expérim<strong>en</strong>té <strong>en</strong> pédagogie et c<strong>en</strong>¬<br />
trait ses efforts sur le mainti<strong>en</strong> des effectifs et la<br />
réduction du pourc<strong>en</strong>tage d'élèves d'origine étran¬<br />
gère. Les r<strong>en</strong>contres avec les par<strong>en</strong>ts se limitai<strong>en</strong>t à<br />
quatre réunions annuelles peu fréqu<strong>en</strong>tées par les<br />
par<strong>en</strong>ts des <strong>en</strong>fants les plus <strong>en</strong> difficulté. De plus, les<br />
par<strong>en</strong>ts n'étai<strong>en</strong>t pas toujours informés du placem<strong>en</strong>t<br />
de leur <strong>en</strong>fant <strong>en</strong> classe spéciale. Les efforts du pro¬<br />
fesseur spécialisé restai<strong>en</strong>t isolés. La coopération<br />
avec le c<strong>en</strong>tre médico-pédagogique était faible. Les<br />
professeurs, faute de moy<strong>en</strong>s de diagnostic ou de<br />
remédiation, se cont<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t de suivre plus att<strong>en</strong>tive¬<br />
m<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> difficulté. 11 ne bénéficiai<strong>en</strong>t pas<br />
de stages de perfectionnem<strong>en</strong>t pour <strong>en</strong>seigner aux<br />
_<strong>en</strong>fants_djmmigris,_Ljs.ol<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t_pxofe.ssiojnieljiejs_<br />
<strong>en</strong>seignants ne permettait pas une ext<strong>en</strong>sion de<br />
l'offre d'aide spécialisée, qui exigerait un partage des<br />
responsabilités.<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
Dans l'école B, des efforts sont <strong>en</strong>trepris pour traiter<br />
les problèmes scolaires spéciaux : un système de<br />
"monitoring" des élèves vi<strong>en</strong>t d'être inauguré, des<br />
réunions multidisciplinaires se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, une colla¬<br />
boration avec le c<strong>en</strong>tre médico- pédagogique existe,<br />
mais seulem<strong>en</strong>t pour les classes de première année.<br />
Les <strong>en</strong>seignants se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t peu sout<strong>en</strong>us, l'abs<strong>en</strong>ce de<br />
continuité est signalée. Les réunions de délibération<br />
et les réunions multidisciplinaires sont d'une régula¬<br />
rité et d'une fonctionnalité incertaines et, bi<strong>en</strong> que<br />
des classes parallèles exist<strong>en</strong>t, il n'y a pas d'activités<br />
inter-classe. Malgré une prise de consci<strong>en</strong>ce des<br />
besoins croissants d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécial et une ini¬<br />
tiative au niveau de la première année, les structures<br />
existantes ne permett<strong>en</strong>t pas un vrai partage d'une<br />
culture professionnelle de l'école.<br />
Dans fëcoleGrl^directeur^très^ioncerné paries<br />
problèmes d-éducation spéciale - r<strong>en</strong>contre les<br />
par<strong>en</strong>ts, des réunions multidisciplinaires se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
régulièrem<strong>en</strong>t pour harmoniser les méthodes et les<br />
programmes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, coopérer avec les c<strong>en</strong>¬<br />
tres d'ori<strong>en</strong>tation et d'aide sociale. Un professeur<br />
spécialisé compét<strong>en</strong>t dépiste les problèmes scolaires<br />
des <strong>en</strong>fants à l'aide de tests et s'efforce d'y remédier.<br />
Néanmoins, au niveau de la classe, les professeurs<br />
compt<strong>en</strong>t sur l'apport extérieur pour l'aide spécia¬<br />
lisée. Et au niveau de l'école, il n'y a pas <strong>en</strong>core de sys¬<br />
tème de monitoring ni de rapport d'activités<br />
standardisé de chaque élève. Les groupes d'aptitude<br />
inter-classe ne sont pas <strong>en</strong>core organisés. La coopé¬<br />
ration avec le c<strong>en</strong>tre médico -pédagogique reste som¬<br />
maire. Des progrès s'impos<strong>en</strong>t au niveau de la classe<br />
pour la concrétisation des aides particulières. La<br />
complém<strong>en</strong>tarité <strong>en</strong>tre le niveau de l'école très sou¬<br />
cieux de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécial et le niveau de la<br />
classe est <strong>en</strong>core trop unilatérale structurellem<strong>en</strong>t et<br />
trop limitée culturellem<strong>en</strong>t. Les diverses initiatives de<br />
souti<strong>en</strong> et d'harmonisation ont un impact insuffisant<br />
sur les pratiques individuelles des professeurs.<br />
Dans l'école D, le directeur est un leader <strong>en</strong> matière<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécial, bi<strong>en</strong> sout<strong>en</strong>u par toute<br />
l'équipe <strong>en</strong>seignante : depuis longtemps, cet aspect y<br />
est prioritaire. L'information, l'administration de<br />
tests, la progression dans les programmes, la collaboration<br />
<strong>en</strong>tre les <strong>en</strong>seignants et avec le c<strong>en</strong>tre<br />
médico-pédagogique, avec les par<strong>en</strong>ts, sont conti¬<br />
nues. La vision de l'école <strong>en</strong> matière d'éducation et<br />
123
d'appr<strong>en</strong>tissage est une et cohér<strong>en</strong>te. Ainsi, le profes¬<br />
seur spécialisé intervi<strong>en</strong>t dans n'importe quelle classe<br />
pour améliorer ponctuellem<strong>en</strong>t la pratique pédago¬<br />
gique régulière et les élèves <strong>en</strong> difficulté rest<strong>en</strong>t dans<br />
leur classe. Tous les <strong>en</strong>seignants ont bénéficié de sta¬<br />
ges de formation à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>cié.<br />
L'ouverture d'esprit de l'équipe <strong>en</strong>seignante permet<br />
de tester et de répercuter les innovations. Les problè¬<br />
mes s<strong>en</strong>sibles tels que la viol<strong>en</strong>ce, les brimades, sont<br />
franchem<strong>en</strong>t reconnus et discutés. Cette école est un<br />
bon exemple de cohér<strong>en</strong>ce au plan structurel/fonc¬<br />
tionnel et au plan individuel/culturel. La prise <strong>en</strong><br />
charge des <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> difficulté est réellem<strong>en</strong>t<br />
intégrée dans la culture de l'école. Le directeur<br />
souti<strong>en</strong>t et incite les collègues, qui eux-mêmes le<br />
souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t. Le travail au niveau de la classe est aidé<br />
efficacem<strong>en</strong>t par les actions au niveau de l'école. Les<br />
collègues analys<strong>en</strong>t et partag<strong>en</strong>t leurs expéri<strong>en</strong>ces.<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécial est un élém<strong>en</strong>t du cons<strong>en</strong>sus<br />
sur les objectifs éducatifs. Le perfectionnem<strong>en</strong>t<br />
professionnel, dans les domaines choisis comme<br />
prioritaires, est accessible régulièrem<strong>en</strong>t dans cet éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t, contrairem<strong>en</strong>t aux trois autres écoles.<br />
Pour que la capacité des écoles belges à dépister et<br />
réduire les difficultés scolaires spéciales soit à la hau¬<br />
teur des ambitions de la politique éducative du gou¬<br />
vernem<strong>en</strong>t, il faut atteindre une complém<strong>en</strong>tarité et<br />
une simultanéité des opérations au niveau de l'éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t et au niveau de la classe. Les conditions de<br />
travail créées par l'école doiv<strong>en</strong>t permettre de réaliser<br />
les innovations <strong>en</strong> classe. Inversem<strong>en</strong>t, une approche<br />
culturelle (une reconnaissance des perceptions des<br />
pratici<strong>en</strong>s) est égalem<strong>en</strong>t nécessaire pour com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre les processus instrum<strong>en</strong>taux des innovations<br />
et leurs effets sur l'appr<strong>en</strong>tissage.<br />
D'après : MAES, Frederik, VANDENBERGHE, Roland<br />
and GHESQUIERE, Paul. The imperative of comple¬<br />
m<strong>en</strong>tarity betwe<strong>en</strong> the school level and the<br />
classroom level in educational innovation. Journal<br />
of Curriculum Studies, Nov.-Dec. 1999, vol. 31, n° 6,<br />
p. 661- 677.<br />
124 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
LE RISQUE DABANDON SCOLAIRE :<br />
FACTEURS DISCRIMINANTS<br />
L'article de L. Fortin et Y. Picard traite du pro¬<br />
blème, jugé alarmant, de l'abandon de la sco¬<br />
larité au Québec (taux de 27,4 %), plus<br />
fréqu<strong>en</strong>t que dans la plupart des provinces canadi<strong>en</strong>¬<br />
nes. Cet abandon peut être associé à la consomma¬<br />
tion de drogue et à la non-insertion dans le monde du<br />
travail ; il se produit souv<strong>en</strong>t l'année de la prépara¬<br />
tion du diplôme d'études secondaires.<br />
De précéd<strong>en</strong>tes études ont permis de tracer un profil<br />
des élèves risquant d'abandonner l'école : le manque<br />
de conc<strong>en</strong>tration, de participation aux exercices <strong>en</strong><br />
classe et à la maison, l'abs<strong>en</strong>téisme <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t des dif¬<br />
ficultés d'appr<strong>en</strong>tissage ; s'y ajout<strong>en</strong>t des problèmes<br />
de conduite - insol<strong>en</strong>ce, agressivité qui peuv<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>traîner (plus souv<strong>en</strong>t chez les garçons), le r<strong>en</strong>voi<br />
de l'école. Au Québec, 60,5 % des jeunes quitt<strong>en</strong>t<br />
l'école <strong>en</strong>tre 16 et 17 ans et l'année précéd<strong>en</strong>te (vers<br />
14-15 ans) est la plus cruciale pour le dev<strong>en</strong>ir éducatif<br />
de ces élèves.<br />
Le fait que l'appr<strong>en</strong>tissage est fortem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dant<br />
des troubles du comportem<strong>en</strong>t est illustré par des<br />
études de Fortin (1992, 1996) : sur 102 élèves au com¬<br />
portem<strong>en</strong>t perturbé, 78 % éprouvai<strong>en</strong>t des difficultés<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage ; 32 élèves à problèmes sont compa¬<br />
rés à 30 élèves ordinaires de 12 à 16 ans : les relations<br />
<strong>en</strong>tre leurs performances scolaires et des variables<br />
personnelles ainsi que des variables familiales<br />
indique que les variables "troubles du comporte¬<br />
m<strong>en</strong>t" expliqu<strong>en</strong>t 60 % de la variance. Une étude de<br />
Waldice et Rutter (1993) sur la relation <strong>en</strong>tre difficul¬<br />
tés scolaires et personnalité chez 65 jeunes délin¬<br />
quants montre l'influ<strong>en</strong>ce dominante de deux traits<br />
de caractère - non-maîtrise des pulsions et manque<br />
de jugem<strong>en</strong>t - dans la dérive délinquante. D'autres<br />
études confirm<strong>en</strong>t la concomitance de l'abandon de<br />
l'école et des conduites perturbatrices.<br />
La plupart des recherches sont rétrospectives et ont<br />
porté sur un nombre réduit de sujets. Cette étude de<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
L. Fortin et Y. Picard se veut plus large et prospective.<br />
Elle concerne 225 élèves inscrits de 1993 à 1996 <strong>en</strong><br />
première année d'un programme scolaire d'insertion<br />
sociale et professionnelle ("ISPMT") <strong>en</strong> établisse¬<br />
m<strong>en</strong>t secondaire et vise à bi<strong>en</strong> cerner les élèves à<br />
risque et à compr<strong>en</strong>dre les facteurs qui motiv<strong>en</strong>t<br />
l'abandon ou la poursuite des études. Ces élèves sont,<br />
selon les critères du ministère de l'Éducation québé¬<br />
cois, <strong>en</strong> "difficultés graves d'appr<strong>en</strong>tissage". Le pro¬<br />
gramme d'une durée de trois ans a pour objectif de<br />
consolider les connaissances de base, d'<strong>en</strong>seigner les<br />
méthodes de recherche d'emploi et de développer les<br />
aptitudes à l'intégration sociale.<br />
Ces élèves sont répartis <strong>en</strong> trois cohortes : - la cohorte<br />
1 (1993-94) compr<strong>en</strong>d 84 élèves avec 34,9% d'aban¬<br />
don d'études ; - la cohorte 2 (1994-95) compr<strong>en</strong>d 60<br />
élèves avec 58,3 % d'abandon ; - la cohorte 3<br />
(1996-97) compr<strong>en</strong>d 81 élèves avec 35, 8 % d'aban¬<br />
dons. Le taux moy<strong>en</strong> d'abandon des filles était de 37,8<br />
%, celui des garçons de 43,2 %. On a utilisé trois tests<br />
d'évaluation. Un premier questionnaire portait sur<br />
les désordres comportem<strong>en</strong>taux <strong>en</strong> milieu scolaire,<br />
les réponses étant évaluées selon une échelle de type<br />
Likert <strong>en</strong> trois points. La validité du test a été vérifiée<br />
auprès d'un groupe témoin de 566 élèves et d'un<br />
groupe clinique de 99 élèves : des différ<strong>en</strong>ces signifi¬<br />
catives ont été relevées <strong>en</strong>tre les deux groupes et <strong>en</strong>tre<br />
les garçons et les filles. L'investigation portait sur six<br />
élém<strong>en</strong>ts : les désordres comportem<strong>en</strong>taux, la délin¬<br />
quance, l'inatt<strong>en</strong>tion, l'anxiété, les comportem<strong>en</strong>ts<br />
psychotiques, l'activité motrice. Le second question¬<br />
naire portait sur les aptitudes à la socialisation. Les<br />
réponses classées égalem<strong>en</strong>t sur une échelle de Likert<br />
<strong>en</strong> trois points inform<strong>en</strong>t sur les capacités de coopé¬<br />
ration des élèves, leur affirmation de soi, leur maîtrise<br />
de soi. Les aptitudes scolaires sont égalem<strong>en</strong>t éva¬<br />
luées par une série de questions. Un troisième test,<br />
passé par les élèves <strong>en</strong> groupe et <strong>en</strong> temps limité,<br />
125
évalue le QI verbal, non verbal et total. La fiabilité de<br />
ce test avait été expérim<strong>en</strong>tée sur un échantillonnage<br />
de garçons et filles de 10 à 18 ans. Chaque professeur<br />
responsable de groupes d'élèves avait eu des <strong>en</strong>tre¬<br />
ti<strong>en</strong>s avec les chercheurs, puis avait évalué ses élèves<br />
<strong>en</strong> début d'année. Le nombre d'abandons a été<br />
décompté pour chaque cohorte (élèves abs<strong>en</strong>ts et<br />
non réinscrits pour la deuxième année du pro¬<br />
gramme). Une analyse de variance <strong>en</strong>tre les cohortes<br />
et <strong>en</strong>tre les types d'élèves ("décrocheurs" et "persévé¬<br />
rants") a été faite du point de vue des troubles du<br />
comportem<strong>en</strong>t et du quoti<strong>en</strong>t intellectuel. Au niveau<br />
de la délinquance, une différ<strong>en</strong>ce significative <strong>en</strong>tre<br />
les élèves décrocheurs et persévérants existe pour les<br />
cohortes 2 et 3 : cette délinquance y est plus impor¬<br />
tante parmi les décrocheurs. Il n'y a pas de différ<strong>en</strong>ce<br />
significative dans la cohorte 1. Les élèves des cohortes<br />
2 et 3 ont plus de difficultés d'att<strong>en</strong>tion que dans la<br />
cohorte 1. Les élèves des cohortes 2 et 3 ont égale¬<br />
m<strong>en</strong>t un moins bon contrôle de soi que ceux de la<br />
cohorte 1 tandis qu'ils ont plus d'assurance. On cons¬<br />
tate donc un effet cohorte significatif au niveau des<br />
comportem<strong>en</strong>ts. Au niveau des compét<strong>en</strong>ces scolai¬<br />
res, l'effet cohorte est égalem<strong>en</strong>t significatif mais la<br />
distribution est différ<strong>en</strong>te : les élèves de la cohorte 3<br />
ont de meilleurs résultats que ceux des cohortes 1 et<br />
2. La moy<strong>en</strong>ne des QI des élèves des cohortes 1 et 3<br />
est supérieure à celle de la cohorte 2. Au niveau indi¬<br />
viduel, il existe de très grandes variations de QI <strong>en</strong>tre<br />
les élèves. Globalem<strong>en</strong>t, la capacité intellectuelle des<br />
élèves est faible. Le deuxième volet de la comparaison<br />
portait sur l'"effet décrocheur" au niveau des caracté¬<br />
ristiques individuelles : à l'échelle globale du ques¬<br />
tionnaire, cet effet est significatif. Les élèves qui<br />
abandonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fin d'année avai<strong>en</strong>t au début de la<br />
première année une plus mauvaise conduite et un<br />
plus fort degré de délinquance. Par contre, les élèves<br />
persévérants souffr<strong>en</strong>t plus d'anxiété, de manque de<br />
confiance <strong>en</strong> soi et sur le plan des aptitudes sociales,<br />
bi<strong>en</strong> qu'ils soi<strong>en</strong>t légèrem<strong>en</strong>t plus coopératifs <strong>en</strong><br />
classe, ils ont moins d'aptitude à demander des infor¬<br />
mations, à s'intégrer dans un groupe, à réagir aux<br />
pressions. Enfin, une analyse des facteurs les plus dis¬<br />
criminants pour l'abandon ou la poursuite des études<br />
a montré que les variables les plus pertin<strong>en</strong>tes sont la<br />
délinquance, l'affirmation de soi et l'inconduite, qui<br />
permett<strong>en</strong>t un classem<strong>en</strong>t exact de 65,58 % des élèves<br />
(dans le groupe des décrocheurs ou des<br />
persévérants).<br />
Cette étude montre que des comportem<strong>en</strong>ts intério¬<br />
risés, qui ne gên<strong>en</strong>t pas la vie de la classe, peuv<strong>en</strong>t<br />
avoir des effets négatifs pour l'<strong>en</strong>fant lui-même :<br />
l'anxiété, le comportem<strong>en</strong>t de retrait aboutiss<strong>en</strong>t à de<br />
moins bonnes performances scolaires malgré une<br />
meilleure coopération avec le milieu scolaire et plus<br />
de persévérance dans le travail.<br />
Par contre, les auteurs constat<strong>en</strong>t un fait positif non<br />
signalé dans les précéd<strong>en</strong>tes recherches : les élèves<br />
plus perturbateurs, qui abandonn<strong>en</strong>t plus souv<strong>en</strong>t<br />
l'école, font preuve de certaines compét<strong>en</strong>ces, grâce à<br />
leur assurance : ils peuv<strong>en</strong>t initier des interactions<br />
sociales adéquates, participer à des débats, aider leurs<br />
pairs, interv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> cas d'injustice ; ils peuv<strong>en</strong>t égale¬<br />
m<strong>en</strong>t trouver des opportunités, se prés<strong>en</strong>ter sous un<br />
jour favorable ; d'ailleurs, une partie des élèves qui<br />
avai<strong>en</strong>t abandonné le programme avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait<br />
trouvé un emploi. Mais on peut craindre que, faute<br />
de compét<strong>en</strong>ces techniques, ces emplois soi<strong>en</strong>t pré¬<br />
caires ou de très bas niveau.<br />
Les auteurs constat<strong>en</strong>t que le programme ISPMT,<br />
malgré son effort d'adaptation aux besoins d'élèves<br />
peu réceptifs à l'appr<strong>en</strong>tissage classique, arrive trop<br />
tard, quand les jeunes sont dégoûtés de l'école. Ils<br />
préconis<strong>en</strong>t le système proposé par Bullis et Walker<br />
(1995) d'un "continuum de services pour les élèves<br />
fortem<strong>en</strong>t à risque". Dès l'apparition des problèmes,<br />
au début du primaire, une aide prév<strong>en</strong>tive est<br />
appliquée, puis cette aide est adaptée au stade de<br />
développem<strong>en</strong>t du jeune. Enfin, à l'adolesc<strong>en</strong>ce, des<br />
programmes ori<strong>en</strong>tés vers la "survie scolaire" et des<br />
savoir-faire professionnels préparant à la vie active<br />
sont offerts. Un tel système pourrait limiter le phéno¬<br />
mène de dés<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t scolaire.<br />
D'après : FORTIN, LAURIER and PICARD, Yvon. Les<br />
élèves à risque de décrochage scolaire : facteurs<br />
discriminants <strong>en</strong>tre décrocheurs et persévérants.<br />
Revue des sci<strong>en</strong>ces de l'éducation, 1999, vol. XXV, n° 2,<br />
p. 359-374.<br />
126 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
APPROCHE CRITIQUE<br />
OU APPROCHE CONSENSUELLE<br />
DE LA SCIENCE<br />
1 "% .J. Hand, Professeur de physique à l'univer-<br />
f-* site de Sheffield, rappelle qu'habituellem<strong>en</strong>t<br />
JL V l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur se caractérise par<br />
une formation à la p<strong>en</strong>sée et au débat critiques. Mais<br />
<strong>en</strong> ce qui concerne les sci<strong>en</strong>ces dures, la critique n'est<br />
guère de mise et l'auteur a lui-même expérim<strong>en</strong>té,<br />
lors de ses études sci<strong>en</strong>tifiques de second cycle et <strong>en</strong><br />
tant qu'assistant à l'université, que les cont<strong>en</strong>us des<br />
programmes sci<strong>en</strong>tifiques ne comportai<strong>en</strong>t pas de<br />
discours critique bi<strong>en</strong> que les étudiants soi<strong>en</strong>t exhor¬<br />
tés à ne pas recevoir passivem<strong>en</strong>t un savoir. L'auteur<br />
t<strong>en</strong>te d'expliquer cette appar<strong>en</strong>te contradiction.<br />
Selon lui, la réponse ti<strong>en</strong>t <strong>en</strong> partie à la philosophie de<br />
la sci<strong>en</strong>ce, généralem<strong>en</strong>t pratiquée par les sci<strong>en</strong>tifi¬<br />
ques sur le mode implicite tout <strong>en</strong> dégageant<br />
certaines idées "méta-physiques" qui affect<strong>en</strong>t pro¬<br />
fondém<strong>en</strong>t l'approche universitaire de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t des sci<strong>en</strong>ces.<br />
La plupart des sci<strong>en</strong>tifiques sont, d'après R.J. Hand,<br />
persuadés que le monde est ordonné, rationnelle¬<br />
m<strong>en</strong>t analysable et donc prévisible. Le but de la<br />
sci<strong>en</strong>ce est donc de r<strong>en</strong>dre compte systématiquem<strong>en</strong>t<br />
des phénomènes pour tirer des expéri<strong>en</strong>ces passées<br />
une prévision de circonstances nouvelles. Ainsi notre<br />
vision/observation du monde est t<strong>en</strong>ue pour vraie.<br />
Même si les sci<strong>en</strong>tifiques reconnaiss<strong>en</strong>t que des théo¬<br />
ries peuv<strong>en</strong>t être réfutées ou des résultats "arrangés",<br />
ils ont t<strong>en</strong>dance à croire qu'<strong>en</strong> avançant dans la<br />
recherche on atteindra une description exacte du<br />
monde. Ainsi, bi<strong>en</strong> que l'âge de l'univers soit matière<br />
à controverse, tous admett<strong>en</strong>t qu'il est de plusieurs<br />
milliards d'années (les rares "dissid<strong>en</strong>ts" sont discré¬<br />
dités) ; pourtant il ne s'agit pas là d'une observation<br />
sci<strong>en</strong>tifique indubitable mais d'une interprétation<br />
d'observations à la lumière de diverses théories. On ne<br />
s'att<strong>en</strong>d pas non plus à ce que la recherche sci<strong>en</strong>tifique<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
aboutisse à des théories incompatibles mais égale¬<br />
m<strong>en</strong>t valides (une seule de ces théories triomphe au<br />
final).<br />
Un cons<strong>en</strong>sus existe pour un très large corpus de<br />
savoirs sci<strong>en</strong>tifiques, qui compr<strong>en</strong>d les élém<strong>en</strong>ts fon¬<br />
dam<strong>en</strong>taux d'un domaine (par exemple, la notion de<br />
matière composée d'atomes). Ce sont les secteurs où<br />
le cons<strong>en</strong>sus n'est pas atteint qui constitu<strong>en</strong>t le fonds<br />
des programmes de recherche sci<strong>en</strong>tifique. Et la<br />
résistance aux idées qui contredis<strong>en</strong>t les vérités<br />
acquises est illustrée par la viol<strong>en</strong>te attaque de la<br />
théorie de la mémoire de l'eau du chercheur B<strong>en</strong>v<strong>en</strong>iste<br />
(1988) qui justifie l'homéopathie. Cep<strong>en</strong>dant les<br />
idées combattues devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, une fois acceptées,<br />
aussi incontestables que celles qu'elles ont rempla¬<br />
cées : ainsi la théorie de la dérive des contin<strong>en</strong>ts,<br />
d'abord ridiculisée, est aujourd'hui universelle.<br />
L'utilisation majoritaire d'une approche pragma¬<br />
tique explique le peu de cas fait du discours critique :<br />
ce qui importe pour les sci<strong>en</strong>tifiques c'est que leurs<br />
théories et modèles "march<strong>en</strong>t" <strong>en</strong> application pra¬<br />
tique. Un tel succès leur donne l'illusion de contrôler<br />
le monde, bi<strong>en</strong> que les problèmes actuels d'<strong>en</strong>viron¬<br />
nem<strong>en</strong>t prouv<strong>en</strong>t le contraire.<br />
Cette approche pragmatique n'<strong>en</strong>courage pas non<br />
plus la prise <strong>en</strong> considération des problèmes éthiques<br />
qui sont généralem<strong>en</strong>t soulevés a posteriori et par des<br />
non-spécialistes de la sci<strong>en</strong>ce mise <strong>en</strong> cause.<br />
S'il <strong>en</strong> est ainsi, dans quelle mesure les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong><br />
sci<strong>en</strong>ces peuv<strong>en</strong>t-ils inciter leurs étudiants à une<br />
réflexion critique ? Les théories et les modèles établis<br />
étant donnés pour vrais, si un étudiant fournit des<br />
données nouvelles qui n'<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t pas dans le cadre de<br />
ces théories, c'est leur propre méthode expérim<strong>en</strong>tale<br />
qui est supposée erronée et l'analyse critique sera<br />
limitée à la recherche des raisons pour lesquelles leur<br />
127
expéri<strong>en</strong>ce n'a pas abouti aux résultats att<strong>en</strong>dus. En<br />
fait les sci<strong>en</strong>ces expérim<strong>en</strong>tales n'obti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas que<br />
des résultats parfaitem<strong>en</strong>t satisfaisants, mais dans les<br />
milieux sci<strong>en</strong>tifiques une t<strong>en</strong>dance à exclure les don¬<br />
nées déconcertantes dans les publications conduit à<br />
sélectionner les résultats désirés. Et cette habitude est<br />
inculquée dès les études pratiques <strong>en</strong> lic<strong>en</strong>ce.<br />
Au niveau des projets de recherche de troisième<br />
cycle, les étudiants sont supposés adopter une<br />
approche critique <strong>en</strong> concevant leur expérim<strong>en</strong>ta¬<br />
tion, mais si des problèmes de recherche se pos<strong>en</strong>t,<br />
leur résolution s'appuie sur des théories non discu¬<br />
tées (par exemple dans une recherche sur la résis¬<br />
tance d'un matériau, une cassure induit l'hypothèse<br />
d'un défaut que l'on cherche à éliminer : ce point de<br />
départ n'est pas discuté). Le rayon d'action de la<br />
p<strong>en</strong>sée critique est donc limité. Ainsi, bi<strong>en</strong> que l'uni¬<br />
versité soit ori<strong>en</strong>tée vers la recherche donc vers la dis¬<br />
cussion, les interprétations nouvelles, une frange<br />
infime des données est mise <strong>en</strong> question, car les<br />
futurs employeurs des étudiants att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t des ingé¬<br />
nieurs qu'ils résolv<strong>en</strong>t des problèmes ciblés, non<br />
qu'ils remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause les fondem<strong>en</strong>ts sci<strong>en</strong>tifi¬<br />
ques.<br />
Dans le cadre de cette faible opportunité d'approche<br />
critique, les étudiants ne mett<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> question le<br />
rôle de la sci<strong>en</strong>ce, notamm<strong>en</strong>t ses implications éthi¬<br />
ques. Seuls quelques programmes optionnels (et peu<br />
prestigieux) au niveau du second cycle abord<strong>en</strong>t la<br />
dim<strong>en</strong>sion morale des sci<strong>en</strong>ces ; peu d'étudiants y<br />
consacr<strong>en</strong>t du temps.<br />
Selon R.J. Hand, il est temps de valoriser à l'univer¬<br />
sité une approche critique de la nature du savoir<br />
sci<strong>en</strong>tifique, des méthodologies et des aspects<br />
humains de la sci<strong>en</strong>ce qui ne peut être traitée comme<br />
moralem<strong>en</strong>t neutre.<br />
D'après : HAND, Russel J. Sci<strong>en</strong>ce education : cons<strong>en</strong>¬<br />
sus versus critique. Teaching in Higher Education, oct.<br />
1999, vol. 4, n° 8, p. 501-510.<br />
128 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
RÉFLEXION CRITIQUE<br />
ET RÉFLEXION CONSTRUCTIVE<br />
"1 * " ""v ans la même revue, une seconde mise <strong>en</strong><br />
I Jf perspective de l'activité critique dans les<br />
a. ^ études sci<strong>en</strong>tifiques est proposée par R.<br />
Lundquist, spécialiste de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des statisti¬<br />
ques. L'auteur y développe l'idée que les pratiques<br />
pédagogiques courantes dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supé¬<br />
rieur, c<strong>en</strong>sées stimuler la réflexion critique et la cons¬<br />
truction de compét<strong>en</strong>ces, ont souv<strong>en</strong>t l'effet inverse.<br />
11 décrit une expéri<strong>en</strong>ce d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des statisti¬<br />
ques qui semble favoriser chez les étudiants une<br />
approche critique et constructive.<br />
Le processus de passage d'un stade de connaissance à<br />
un nouveau stade n'est pas une simple addition<br />
d'expéri<strong>en</strong>ces. 11 comporte nécessairem<strong>en</strong>t une<br />
réflexion, une construction m<strong>en</strong>tale. Mais les perfor¬<br />
mances des étudiants sont mesurées d'après un<br />
<strong>en</strong>semble de critères déterminés qui ont pour consé¬<br />
qu<strong>en</strong>ce l'attribution d'un grade, et la Faculté s'inté¬<br />
resse plus aux résultats qu'à la façon dont les élèves<br />
ont obt<strong>en</strong>u ces résultats. Le thème débattu dans cet<br />
article est celui de l'appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> tant que proces¬<br />
sus dans un dispositiféducatifc<strong>en</strong>tré sur les résultats.<br />
Beaucoup de professeurs d'université se plaign<strong>en</strong>t<br />
d'une certaine superficialité de leurs étudiants qui<br />
cherch<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t à satisfaire aux critères per¬<br />
mettant de passer au cours suivant. Ces étudiants<br />
essai<strong>en</strong>t d'équilibrer l'investissem<strong>en</strong>t (<strong>en</strong> travail et <strong>en</strong><br />
temps) et les bi<strong>en</strong>s intellectuellem<strong>en</strong>t obt<strong>en</strong>us. Pour<br />
le spécialiste d'un secteur donné, cette attitude est<br />
frustrante mais on doit compr<strong>en</strong>dre la logique de<br />
l'étudiant pour qui les ressources, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
temps, sont limitées et qui répond rationnellem<strong>en</strong>t<br />
aux exig<strong>en</strong>ces du système. Plutôt que blâmer les étu¬<br />
diants, mieux vaudrait revoir le système lui-même<br />
car la situation actuelle n'<strong>en</strong>courage pas ceux-ci à<br />
t<strong>en</strong>ter des approches hasardeuses, à tirer des leçons<br />
"d'erreurs salutaires" qui serai<strong>en</strong>t trop risquées <strong>en</strong><br />
termes de diplômes.<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
Si la p<strong>en</strong>sée critique permet de discerner les incohé¬<br />
r<strong>en</strong>ces dans le raisonnem<strong>en</strong>t personnel ou dans des<br />
raisonnem<strong>en</strong>ts exposés par d'autres, cette forme de<br />
"déconstruction" n'est qu'un élém<strong>en</strong>t de la construc¬<br />
tion du savoir : l'aptitude à établir des connexions<br />
<strong>en</strong>tre divers élém<strong>en</strong>ts est égalem<strong>en</strong>t une dim<strong>en</strong>sion<br />
importante. Dans le cours de statistiques de base<br />
(destiné aux étudiants <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales et com¬<br />
merce), décrit par Lundquist, on a cherché à dévelop¬<br />
per l'expéri<strong>en</strong>ce des étudiants à partir de leurs<br />
difficultés. Les cours magistraux ont été réduits au<br />
profit de tâches initiées par les élèves. Les étudiants<br />
travaill<strong>en</strong>t <strong>en</strong> groupe de quatre sur des notes de cours<br />
et des exercices donnés pour préparer la session sui¬<br />
vante, avec l'aide ponctuelle du professeur. Des<br />
comptes r<strong>en</strong>dus d'expéri<strong>en</strong>ces et des devoirs d'élèves<br />
sont passés <strong>en</strong> revue et analysés par les pairs. Durant<br />
les activités, les professeurs observ<strong>en</strong>t quelles sont les<br />
difficultés les plus couramm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>contrées par les<br />
étudiants. Dans les salles d'informatique, les élèves<br />
travaill<strong>en</strong>t à deux sur une série de questions, élabo¬<br />
r<strong>en</strong>t une solution écrite. Leur solution est discutée<br />
dès la session suivante par un autre groupe, et réci¬<br />
proquem<strong>en</strong>t. Lors de séminaires, des tâches plus<br />
complexes, aboutissant par exemple à l'élaboration<br />
d'un questionnaire sur un thème, sont élaborées <strong>en</strong><br />
groupe de quatre étudiants, les propositions sont affi¬<br />
chées sur des feuilles murales que les étudiants com¬<br />
m<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong> circulant d'un tableau à l'autre, avec<br />
l'aide du professeur. Ce travail n'étant pas officielle¬<br />
m<strong>en</strong>t évalué, les étudiants sont <strong>en</strong>couragés à t<strong>en</strong>ter<br />
des approches différ<strong>en</strong>tes même si les solutions ne<br />
sont pas parfaitem<strong>en</strong>t satisfaisantes. Plusieurs<br />
niveaux d'appr<strong>en</strong>tissage sont ainsi sollicités :<br />
au premier niveau, les étudiants s'efforc<strong>en</strong>t de<br />
proposer une solution ;<br />
au deuxième niveau, les pairs discut<strong>en</strong>t la solution<br />
proposée, apportant ainsi un feedback à l'étudiant<br />
129
esponsable de la tâche et améliorant du même coup<br />
leur propre perception du problème ;<br />
au troisième niveau, les étudiants compar<strong>en</strong>t leurs<br />
solutions à celle du professeur.<br />
La discussion avec l'<strong>en</strong>semble des étudiants permet<br />
d'aborder des points d'ordre plus général comme<br />
l'id<strong>en</strong>tification des stratégies les mieux adaptées et<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à tirer de ces confrontations.<br />
Les étudiants d'abord déconcertés par la pluralité des<br />
solutions proposées et plutôt "critiques" devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>suite plus "constructifs". Ils ont plus d'occasions<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage que lors d'un cours magistral : les<br />
explications du professeur arriv<strong>en</strong>t après leur propre<br />
travail de résolution de problème.<br />
Tous les étudiants ne tir<strong>en</strong>t pas parti de cette stra¬<br />
tégie : ils n'ont pas choisi ce cours de statistiques<br />
qui est un sujet obligatoire et ils sont habitués à<br />
c<strong>en</strong>trer leur effort sur l'obt<strong>en</strong>tion de bonnes notes.<br />
Or le type d'activité collective prés<strong>en</strong>té ici ne peut<br />
être noté individuellem<strong>en</strong>t. Ces sessions d'analyse<br />
critique sont cep<strong>en</strong>dant obligatoires et font partie<br />
de l'<strong>en</strong>semble des travaux pratiques donnant lieu à<br />
des crédits qui complèt<strong>en</strong>t l'exam<strong>en</strong> écrit final.<br />
En conclusion, l'auteur reconnaît que la réflexion cri¬<br />
tique est le fondem<strong>en</strong>t d'une capacité à établir des<br />
jugem<strong>en</strong>ts sains. Mais il p<strong>en</strong>se que c'est l'apprécia¬<br />
tion de l'élève d'après ses résultats plutôt que d'après<br />
ses processus de recherche qui incite les étudiants à<br />
éviter l'attitude critique. D'autre part, la dim<strong>en</strong>sion<br />
"déconstructive" de la critique doit être comp<strong>en</strong>sée<br />
par des élém<strong>en</strong>ts qui stimul<strong>en</strong>t une p<strong>en</strong>sée construc¬<br />
tive. Dans l'exemple de cours décrit ici, les étudiants,<br />
libérés de la crainte d'une mauvaise note, ont pu<br />
appr<strong>en</strong>dre à partir de leurs erreurs et de celles de<br />
leurs pairs, dans un climat constructif de collabora¬<br />
tion. Bi<strong>en</strong> que cette approche prés<strong>en</strong>te des difficultés<br />
de gestion du travail des participants, elle a permis<br />
d'améliorer s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t leur appr<strong>en</strong>tissage des<br />
statistiques.<br />
D'après : LUNDQUIST, Robert. Critical thinking and<br />
the art of making "good mistakes". Teaching in<br />
Higher Education, 1999, vol. 4, n° 4, p. 523-530.<br />
130 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
FORMATION DES MAÎTRES :<br />
L'INSPECTION EST-ELLE FIABLE ?<br />
«* partir des années 90, caractérisées par une<br />
» , ,* "culture de l'évaluation", le gouvernem<strong>en</strong>t<br />
-à. j**. britannique a r<strong>en</strong>forcé son contrôle de la<br />
qualité des services publics <strong>en</strong> inspectant plus fré¬<br />
quemm<strong>en</strong>t ces services et <strong>en</strong> publiant les résultats de<br />
ces inspections. Ces systèmes de contrôle externes ou<br />
pratiquem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dants s'appui<strong>en</strong>t sur des indi¬<br />
cateurs de performances pour évaluer la gestion des<br />
Autorités locales, dans le but d'éclairer les décisions<br />
d'allocation de fonds et d'améliorer le service public.<br />
Ce contrôle externe constitue, <strong>en</strong> plus d'un acte de<br />
mesure de performance, un mécanisme par lequel<br />
l'État peut influer sur la nature et le cont<strong>en</strong>u des ser¬<br />
vices r<strong>en</strong>dus.<br />
Les auteurs de l'article rappell<strong>en</strong>t que, dans les écoles<br />
britanniques, les inspections sont plus fréqu<strong>en</strong>tes et<br />
plus approfondies que dans la plupart des autres pays.<br />
Cette évaluation de la qualité de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t a été<br />
ét<strong>en</strong>due au niveau universitaire et complétée par un<br />
plan quinqu<strong>en</strong>nal d'évaluation de la recherche.<br />
Dans ce cadre, la formation des futurs <strong>en</strong>seignants a<br />
égalem<strong>en</strong>t été soumise à des périodes d'inspection<br />
par l'OFSTED (Office of Standards m Education). Ces<br />
procédures soulèv<strong>en</strong>t d'importants problèmes de fia¬<br />
bilité des techniques de mesure qualitative parce<br />
qu'elles conditionn<strong>en</strong>t les répartitions de subsides<br />
ultérieures et la réputation des établissem<strong>en</strong>ts inspec¬<br />
tés. J. Campbell et C. Husbands examin<strong>en</strong>t donc dans<br />
cet article le travail de l'OFSTED au niveau de l'ins¬<br />
pection de la formation initiale des <strong>en</strong>seignants dans<br />
le cadre de l'Institut d'Education de l'Université de<br />
Warwick.<br />
Contrairem<strong>en</strong>t aux inspections des écoles par le HMI<br />
(Her Majesty'lnspectorate), celles des Instituts de for¬<br />
mation des maîtres ont une influ<strong>en</strong>ce directe sur le<br />
financem<strong>en</strong>t et même sur le droit d'exercer de ces<br />
établissem<strong>en</strong>ts (<strong>en</strong> accordant ou <strong>en</strong> refusant l'accré¬<br />
ditation). Leur fiabilité peut être définie comme la<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
capacité de "retrouver les mêmes résultats lorsque les<br />
mêmes choses sont mesurées par d'autres personnes<br />
au moy<strong>en</strong> d'une autre instrum<strong>en</strong>tation".<br />
Trois points sont associés à la notion de fiabilité des<br />
résultats : la converg<strong>en</strong>ce de vue de plusieurs obser¬<br />
vateurs, la représ<strong>en</strong>tativité des échantillonnages de<br />
comportem<strong>en</strong>t de classes et l'influ<strong>en</strong>ce des observa¬<br />
teurs sur ce qu'ils observ<strong>en</strong>t. Or l'OFSTED n'a pas<br />
r<strong>en</strong>du publiques ses stratégies <strong>en</strong> la matière.<br />
Actuellem<strong>en</strong>t l'inspection de la formation initiale des<br />
<strong>en</strong>seignants s'effectue dans le cadre d'une série de<br />
normes d'évaluation cont<strong>en</strong>ant 160 élém<strong>en</strong>ts<br />
d'appréciation. Le principal indicateur de qualité de<br />
cette formation est la qualité de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t que le<br />
stagiaire délivre à la fin de son programme de forma¬<br />
tion. Mais les critères manqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t de préci¬<br />
sion : par exemple, les inspecteurs doiv<strong>en</strong>t vérifier si<br />
l'élève-maître "a compris combi<strong>en</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage de<br />
l'<strong>en</strong>fant dép<strong>en</strong>d de son développem<strong>en</strong>t physique,<br />
m<strong>en</strong>tal, social". Et même des critères plus objectifs,<br />
comme celui de la connaissance d'un sujet précis,<br />
mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> valeur certains aspects subjectivem<strong>en</strong>t<br />
valorisés dans la perspective d'un modèle d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant "traditionaliste et expert".<br />
Une première <strong>en</strong>quête longitudinale de deux années<br />
sur la fiabilité des méthodologies de l'inspection a été<br />
lancée auprès d'élèves-maîtres de l'Université de<br />
Warwick <strong>en</strong> ce qui concerne la formation à l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t du calcul et du langage de base. La modéli¬<br />
sation statistique a permis d'estimer à 25 % la<br />
probabilité qu'un bon cours soit classé mauvais lors<br />
des inspections, dans le cas de cette étude de deux<br />
ans, qui n'est pas forcém<strong>en</strong>t généralisable. L'étude<br />
était c<strong>en</strong>trée sur deux aspects très significatifs : les cri¬<br />
tères de jugem<strong>en</strong>t de la frontière <strong>en</strong>tre passage et<br />
échec et l'interprétation des critères d'inspection par<br />
les différ<strong>en</strong>ts inspecteurs. Le premier aspect est déci¬<br />
sif puisqu'un service de formation des maîtres serait<br />
131
jugé non conforme à la réglem<strong>en</strong>tation s'il accordait<br />
le certificat d'aptitude à des élèves-maîtres ne satis¬<br />
faisant pas aux conditions exigées par le Ministère de<br />
l'éducation.<br />
Les élèves-maîtres ont donc été classés par leur éta¬<br />
blissem<strong>en</strong>t pour diverses performances, selon quatre<br />
catégories :<br />
grade 1 : très bon ;<br />
grade 2 : bon ;<br />
grade 3 : passable :<br />
grade 3 (sous-catégorie) : parmi les plus faibles,<br />
mais <strong>en</strong>core passable ;<br />
grade 4 : mauvais, échec probable.<br />
Si un inspecteur donnait à un élève-professeur le<br />
grade 4 dans le cadre d'un cours et le formateur un<br />
grade supérieur, le grade 4, marque d'échec, était<br />
ret<strong>en</strong>u pour ce cours. Lors de la deuxième année de<br />
l'<strong>en</strong>quête (1997-98), la définition de la catégorie 3 a<br />
été modulée, on a distingué les étudiants "capables de<br />
passer sans interv<strong>en</strong>tion particulière" et les élèves<br />
"<strong>en</strong> situation limite" qu'il était préférable, <strong>en</strong> cas de<br />
doute, de reclasser <strong>en</strong> catégorie 4. La conséqu<strong>en</strong>ce de<br />
ces nuances d'interprétation fut que, durant la pre¬<br />
mière année, un élève sur 56 (soit <strong>en</strong>viron 2 % des<br />
élèves), a été classé <strong>en</strong> catégorie 4 et l'année suivante<br />
13 élèves sur 50, soit <strong>en</strong>viron 26 % l'ont été : une telle<br />
différ<strong>en</strong>ce montre que les évaluations ne sont pas sta¬<br />
bles puisque les critères d'admission des étudiants<br />
dans ce programme de formation pédagogique<br />
étai<strong>en</strong>t les mêmes pour la première et la deuxième<br />
année.<br />
Par ailleurs, deux élém<strong>en</strong>ts amoindriss<strong>en</strong>t la fiabilité<br />
des inspections. Le premier élém<strong>en</strong>t est l'époque de<br />
l'évaluation des performances de l'élève-maître :<br />
elle est faite par les inspecteurs six semaines avant la<br />
fin des cours, ce qui prive les stagiaires <strong>en</strong> situation<br />
limite d'une chance d'amélioration reconnue,<br />
d'autant plus que les jugem<strong>en</strong>ts de l'OFSTED ne<br />
sont pas soumis à une pondération comme ceux des<br />
formateurs et des examinateurs. Le second inconvé¬<br />
ni<strong>en</strong>t est la prise <strong>en</strong> compte incomplète du contexte<br />
scolaire dans lequel travaill<strong>en</strong>t les élèves-maîtres :<br />
dans certaines classes et non dans d'autres, les<br />
<strong>en</strong>fants doiv<strong>en</strong>t passer des tests nationaux qui per¬<br />
turb<strong>en</strong>t l'emploi du temps et parfois le comporte¬<br />
m<strong>en</strong>t de ces élèves.<br />
Les inspecteurs p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t pouvoir établir la compé<br />
t<strong>en</strong>ce des étudiants <strong>en</strong> jaugeant ces perturbations,<br />
ce qui n'est pas assuré. L'inspectorat objecte qu'il<br />
utilise deux méthodes de régulation : des assem¬<br />
blées nationales de discussion après les inspections<br />
et l'illustration des critères d'évaluation, lors de la<br />
formation des inspecteurs ; mais ces méthodes de<br />
travail ne peuv<strong>en</strong>t être examinées car elles ne sont<br />
pas publiées. De plus l'attribution de grades, de<br />
notes, à l'établissem<strong>en</strong>t formateur et à l'étudiant<br />
individuel ne correspond pas à des descriptions de<br />
niveau détaillées mais à des formules vagues. La<br />
durée et la nature de la formation spéciale des ins¬<br />
pecteurs n'est pas précisée et, durant cette <strong>en</strong>quête<br />
de deux ans, de nombreux inspecteurs supplém<strong>en</strong>¬<br />
taires ont dû être recrutés et formés de façon<br />
hâtive. Cette pratique n'est pas un gage de fiabilité<br />
des inspections.<br />
Dans la culture d'évaluation <strong>en</strong>visagée ici, du point<br />
de vue de l'État, l'inspection joue le rôle d'ag<strong>en</strong>t de<br />
gestion du marché (<strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce, celui des four¬<br />
nisseurs de formation d'<strong>en</strong>seignants). Pour être<br />
efficace, cette gestion doit s'appuyer sur une ins¬<br />
trum<strong>en</strong>tation aussi rationnelle que possible et<br />
inspirant confiance aux diverses parties impli¬<br />
quées. Le cas de l'Institut d'Education de l'Univer¬<br />
sité de Warwick étudié ici fait partie d'une minorité<br />
non négligeable d'établissem<strong>en</strong>ts de formation<br />
dont la réputation et l'av<strong>en</strong>ir professionnel ont été<br />
compromis par des évaluations discutables.<br />
L'employabilité des élèves-maîtres a égalem<strong>en</strong>t été<br />
mise <strong>en</strong> danger.<br />
Il semble que l'on soit passé, au cours des années 90,<br />
d'un modèle d'inspection caractérisé par une<br />
"connaissance éclairée" permettant d'aider à la déci¬<br />
sion et d'améliorer la qualité de la formation à un<br />
modèle "techniciste" ori<strong>en</strong>té vers le contrôle des<br />
prestataires de formation pédagogique et vers l'appli¬<br />
cation de décisions sans dialogue critique. Les t<strong>en</strong>¬<br />
sions <strong>en</strong>tre une aspiration à l'amélioration du service<br />
grâce à l'évaluation et la réalité d'une inspection<br />
contraignante, imposant des normes, ne sont pas<br />
résolues.<br />
D'après : CAMPBELL, Jill and HUSBANDS, Chris. On<br />
the reliability of OFSTED inspection of initial trai¬<br />
ning : a case study. British Education Research Journal,<br />
Jan. 2000, vol. 26, n° 1, p. 39-48.<br />
132 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
LA "PROFESSIONNALISATION"<br />
DU COLLÉGIEN DÉBUTANT<br />
f \e\ article d'universitaires finlandais, fondé<br />
sur les données ethnographiques d'une<br />
V^ étude intitulée "Citiz<strong>en</strong>ship, differ<strong>en</strong>ce and<br />
marginalization in school : with special refer<strong>en</strong>ce to g<strong>en</strong>¬<br />
der", étudie particulièrem<strong>en</strong>t la façon dont les jeunes,<br />
<strong>en</strong>trant au collège (7e année), sont mis <strong>en</strong> situation et<br />
se positionn<strong>en</strong>t eux-mêmes <strong>en</strong> tant qu'"élèves profes¬<br />
sionnels", capables d'adopter la conduite adéquate,<br />
d'éviter d'être pris dans un conflit (à moins qu'ils ne<br />
s'y <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t volontairem<strong>en</strong>t). Les auteurs explor<strong>en</strong>t<br />
le processus, à la fois banal et complexe, qui aboutit à<br />
un ordre social de l'école, généralem<strong>en</strong>t considéré<br />
comme allant de soi.<br />
Les att<strong>en</strong>tes de la société vis-à-vis de l'école sont con¬<br />
tradictoires : d'une part celle-ci est c<strong>en</strong>sée éduquer les<br />
citoy<strong>en</strong>s conformém<strong>en</strong>t à des règles établies, donc<br />
elle doit contrôler les élèves, d'autre part elle doit<br />
aussi être un lieu de changem<strong>en</strong>t social et d'émanci¬<br />
pation des individus. Bi<strong>en</strong> que l'autonomie et l'initia¬<br />
tive des élèves soi<strong>en</strong>t un objectif déclaré, une routine<br />
scolaire se met <strong>en</strong> place dès le début de la scolarité.<br />
Les auteurs analys<strong>en</strong>t ici les micro-pratiques de la vie<br />
quotidi<strong>en</strong>ne à l'école au cours des deux premières<br />
semaines de scolarité secondaire, correspondant à la<br />
T année (âge 12-13 ans), dans deux écoles secondai¬<br />
res d'Helsinki.<br />
L'une de ces écoles, au c<strong>en</strong>tre ville, a une population<br />
scolaire issue des classes moy<strong>en</strong>nes, l'autre <strong>en</strong><br />
banlieue très urbanisée, a une population de milieu<br />
ouvrier. Les observations et les interviews ont été<br />
m<strong>en</strong>ées p<strong>en</strong>dant les leçons, les pauses, les événe¬<br />
m<strong>en</strong>ts particuliers. C<strong>en</strong>t leçons ont été observées,<br />
dont 30 premiers contacts <strong>en</strong>tre un professeur et ses<br />
nouveaux élèves. Parfois, plusieurs chercheurs sui¬<br />
vai<strong>en</strong>t la même leçon, pouvant ainsi confronter leur<br />
vision de la vie d'une classe, à partir d'une approche<br />
léministe, constructionniste, post-structuraliste ou<br />
matérialiste. L'attribution et l'appropriation d'une<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
place dans l'école, qui met <strong>en</strong> cause l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t/appr<strong>en</strong>tissage,<br />
la discipline, les cultures des<br />
jeunes, les dim<strong>en</strong>sions spatiale et physique ont été<br />
examinées. Les multiples facettes de la professionna¬<br />
lisation sont développées dans trois contextes : le<br />
contexte formel (les programmes, la hiérarchie, la<br />
discipline), le contexte informel (l'interprétation des<br />
règlem<strong>en</strong>ts, le développem<strong>en</strong>t d'une hiérarchie non<br />
officielle, les interactions sociales), le contexte phy¬<br />
sique (le mouvem<strong>en</strong>t, l'incarnation de l'élève "pro¬<br />
fessionnel").<br />
Au niveau de l'école officielle, les règlem<strong>en</strong>ts de<br />
l'établissem<strong>en</strong>t sont communiqués aux élèves, dès le<br />
premier jour. Les professeurs insist<strong>en</strong>t plus sur la<br />
mise <strong>en</strong> place d'une organisation, d'un ordre que sur<br />
les processus pédagogiques. La façon d'évaluer la<br />
conduite et les performances est clarifiée car elle<br />
influe sur l'émotivité des élèves. Les règles sont justi¬<br />
fiées rationnellem<strong>en</strong>t par les professeurs (par<br />
exemple <strong>en</strong> laboratoire, l'interdiction de courir, de<br />
jeter quelque chose, l'obligation de porter des blouses<br />
pour des raisons de sécurité ; l'obligation de lever la<br />
main pour répondre afin de laisser à chacun l'occa¬<br />
sion de s'exprimer...). Les interdits sont nuancés<br />
pour ne pas créer de t<strong>en</strong>sion, au premier abord. Des<br />
instructions très précises sont données sur la prés<strong>en</strong>¬<br />
tation du travail. L'autorité, le savoir sont du côté du<br />
maître et du manuel scolaire (ce dernier revêt une<br />
grande importance <strong>en</strong> Finlande). Le principe de la<br />
répétition est appliqué aux conseils banals. Il reste<br />
peu de place pour l'initiative des élèves <strong>en</strong> ce qui<br />
concerne les cont<strong>en</strong>us et les méthodes d'appr<strong>en</strong>tis¬<br />
sage, malgré l'objectif officiel de "donner un rôle actif<br />
à l'élève". Ce deuxième objectif est remis à plus tard,<br />
"après l'installation du quotidi<strong>en</strong> scolaire" explique<br />
un professeur <strong>en</strong> manière d'excuse.<br />
L'établissem<strong>en</strong>t d'un ordre hiérarchique est égale¬<br />
m<strong>en</strong>t une priorité pour le professeur qui ne doit pas<br />
133
laisser s'instaurer une autre loi que la si<strong>en</strong>ne. Le pro¬<br />
cessus, non explicite, est interactif. Les professeurs<br />
appliqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t "une fausse démocratie" pour<br />
contrôler la parole. Bi<strong>en</strong> qu'il n'y ait pas de différ<strong>en</strong>ce<br />
systématique <strong>en</strong>tre les femmes et les hommes profes¬<br />
seurs, ces derniers ont plus t<strong>en</strong>dance à établir leur<br />
autorité <strong>en</strong> faisant montre de leur force, ce qui suscite<br />
l'admiration des élèves masculins. Les <strong>en</strong>seignantes<br />
sont moins facilem<strong>en</strong>t admirées, sauf si elles sont<br />
brillantes <strong>en</strong> informatique.<br />
Si, durant les deux premières semaines, les différ<strong>en</strong>¬<br />
ces de milieu social ou d'origine ethnique ne sont pas<br />
soulignées, les professeurs insist<strong>en</strong>t sur la différ<strong>en</strong>ce<br />
<strong>en</strong>tre les écoles et la leur, <strong>en</strong>tre les classes, <strong>en</strong>tre les<br />
groupes à l'intérieur des classes et <strong>en</strong>tre les perfor¬<br />
mances scolaires (lors des tests d'<strong>en</strong>trée qui, bi<strong>en</strong> que<br />
purem<strong>en</strong>t informatifs et n'influant pas sur la notation<br />
ultérieure, class<strong>en</strong>t l'élève dans une hiérarchie de<br />
capacité scolaire). Une différ<strong>en</strong>ciation par le sexe<br />
s'instaure discrètem<strong>en</strong>t.<br />
Au niveau informel (culture de l'école, cultures des<br />
élèves, interactions, discussions spontanées...) des<br />
rapprochem<strong>en</strong>ts et des différ<strong>en</strong>ces se construis<strong>en</strong>t<br />
égalem<strong>en</strong>t. Au mom<strong>en</strong>t de la formation des classes,<br />
les élèves sont préoccupés d'être placés dans la même<br />
classe que d'anci<strong>en</strong>s camarades de leur école pri¬<br />
maire d'origine et constitu<strong>en</strong>t des groupes de même<br />
sexe : des relations sociales, d'appart<strong>en</strong>ance et<br />
d'exclusion se construis<strong>en</strong>t. Les échanges <strong>en</strong>tre les<br />
deux sexes s'établiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite, non sans risque de<br />
moqueries. A ce mom<strong>en</strong>t les élèves "vedettes" de la<br />
classe se distingu<strong>en</strong>t, plus ou moins consciemm<strong>en</strong>t,<br />
par leur style vestim<strong>en</strong>taire, leur prise de parole,<br />
voire leur insol<strong>en</strong>ce. Parfois, cette domination a un<br />
fondem<strong>en</strong>t de supériorité socio-économique. Dans<br />
l'école de milieu ouvrier, un élève de style un peu<br />
voyou est considéré par ses pairs plutôt comme un<br />
boute-<strong>en</strong>-train que comme un "anti-scolaire", ce qui<br />
r<strong>en</strong>d sa conduite égalem<strong>en</strong>t plus acceptable pour les<br />
professeurs. Ces négociations concernant le posi¬<br />
tionnem<strong>en</strong>t des élèves sont parfois âpres, certains<br />
garçons t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de dominer, <strong>en</strong> gagnant le souti<strong>en</strong> du<br />
professeur par de nombreuses interv<strong>en</strong>tions <strong>en</strong><br />
classe, <strong>en</strong> intimidant les autres élèves par la raillerie.<br />
Les filles sont beaucoup plus rarem<strong>en</strong>t admises parmi<br />
les "fortes personnalités" de la classe. Les élèves soli¬<br />
taires se discern<strong>en</strong>t dès les premières semaines :<br />
privés de l'aide du groupe aux mom<strong>en</strong>ts de t<strong>en</strong>sion,<br />
ils sont vulnérables ; "invisibles", s'ils se gliss<strong>en</strong>t à<br />
la marge d'un groupe, ils risqu<strong>en</strong>t d'être la cible de<br />
moqueries. Les filles sont plus souv<strong>en</strong>t dans ce cas,<br />
ce qui explique leurs grands efforts pour se faire<br />
des amies. Lorsque les schémas sociaux se déstabi¬<br />
lis<strong>en</strong>t (<strong>en</strong> raison d'incid<strong>en</strong>ts divers), les élèves<br />
dominants parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> général à maint<strong>en</strong>ir leur<br />
position, les élèves solitaires risqu<strong>en</strong>t de dev<strong>en</strong>ir<br />
<strong>en</strong>core plus isolés. L'âge est aussi un élém<strong>en</strong>t de dif¬<br />
fér<strong>en</strong>ciation : les bizuts, pour être admis comme<br />
membres de l'école, pass<strong>en</strong>t par un certain rituel<br />
d'humiliation.<br />
Dans cette culture informelle, les professeurs cons¬<br />
ci<strong>en</strong>ts des t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre élèves nouveaux et anci<strong>en</strong>s<br />
acc<strong>en</strong>tu<strong>en</strong>t leur surveillance et font un effort de<br />
médiation. Les élèves brimés évit<strong>en</strong>t cette médiation,<br />
pour ne pas être exclus de la culture étudiante. Tandis<br />
que dans l'école officielle, les professeurs se différ<strong>en</strong>¬<br />
ci<strong>en</strong>t hiérarchiquem<strong>en</strong>t des élèves, au niveau infor¬<br />
mel, ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de se rapprocher des élèves, par<br />
exemple <strong>en</strong> créant une certaine conniv<strong>en</strong>ce avec les<br />
élèves de leur sexe (par de m<strong>en</strong>us passe-droits, par<br />
des plaisanteries spécifiques...). La part laissée aux<br />
schémas informels est variable selon les écoles. Le<br />
bizutage, les brimades sont plus ou moins fortem<strong>en</strong>t<br />
réprimés. Tandis que l'école officielle différ<strong>en</strong>cie les<br />
élèves <strong>en</strong> termes de grades, de performances, dans la<br />
sphère informelle, ceux-ci doiv<strong>en</strong>t marquer leur<br />
position grâce à des dons verbaux ou physiques, à des<br />
aptitudes sociales, des souti<strong>en</strong>s amicaux.<br />
L'école, <strong>en</strong> tant que lieu physique, façonne d'autre<br />
part l'usage du temps et de l'espace. Les élèves nou¬<br />
vellem<strong>en</strong>t arrivés dans l'école sont canalisés vers les<br />
lieux appropriés au mom<strong>en</strong>t approprié. L'<strong>en</strong>trée<br />
dans la salle de classe, dans le bureau des professeurs<br />
ou du directeur est codifiée, ainsi que le placem<strong>en</strong>t<br />
des élèves dans la salle de classe. En début d'année,<br />
professeurs ou élèves peuv<strong>en</strong>t se tromper de classe,<br />
les élèves peuv<strong>en</strong>t tester la capacité du professeur à<br />
reconnaître et situer "ses" élèves, "sa" classe. Les jeu¬<br />
nes timides compt<strong>en</strong>t sur les plus assurés pour se<br />
diriger "au bon <strong>en</strong>droit".<br />
Dans les cours de récréation, les <strong>en</strong>fants solitaires<br />
long<strong>en</strong>t les murs, les plus assurés se plac<strong>en</strong>t au milieu<br />
et <strong>en</strong> groupes ; les garçons accapar<strong>en</strong>t l'espace, au<br />
détrim<strong>en</strong>t des filles et des garçons placés bas dans la<br />
134 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
hiérarchie masculine : la différ<strong>en</strong>ciation sexuelle est<br />
visible. L'influ<strong>en</strong>ce de la classe sociale sur l'appro¬<br />
priation de l'espace, plus subtile, n'est pas observable<br />
au cours des deux premières semaines. L'utilisation<br />
de l'espace est à la fois contrôlée et objet d'initiative<br />
individuelle de la part des jeunes.<br />
La planification de l'emploi du temps - durée des<br />
cours, mom<strong>en</strong>ts de pause, ponctualité - fait égale¬<br />
m<strong>en</strong>t partie de l'intégration dans la culture de l'école.<br />
L'objectif de continuité des activités est <strong>en</strong> contradic¬<br />
tion avec le système d'interruption brutale, par une<br />
sonnerie. La notion de durée d'une leçon est subjec¬<br />
tive (il reste "<strong>en</strong>core" cinq minutes ou "seulem<strong>en</strong>t"<br />
cinq minutes). Les élèves peuv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ter de contrô¬<br />
ler ce temps, de trouver des prétextes pour sortir,<br />
mais on n'observe pas de résistance durant ces deux<br />
premières semaines. La différ<strong>en</strong>ciation par le sexe<br />
est visible dans les initiatives individuelles pour<br />
gérer le temps : davantage de garçons négoci<strong>en</strong>t un<br />
délai pour terminer une tâche et, parmi eux, les élè¬<br />
ves "vedettes" se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> valeur lors de ces<br />
négociations.<br />
Le contrôle du mouvem<strong>en</strong>t et de la voix, du bruit des<br />
élèves, fait égalem<strong>en</strong>t partie de la dim<strong>en</strong>sion phy¬<br />
sique de l'école. Le professeur limite les déplace¬<br />
m<strong>en</strong>ts des élèves dans les classes, la quasi-immobilité<br />
est imposée durant certains mom<strong>en</strong>ts. La sonnerie<br />
signale la rupture d'un certain ordre social (la récréa<br />
tion). Certains élèves rest<strong>en</strong>t près de l'<strong>en</strong>trée du bâti¬<br />
m<strong>en</strong>t, sous la protection de l'école officielle (les<br />
professeurs). La voix, le bruit sont égalem<strong>en</strong>t un élé¬<br />
m<strong>en</strong>t permettant aux élèves d'exercer leur action<br />
individuelle. Le sil<strong>en</strong>ce (la non-réponse) et le bruit (la<br />
réponse criée, le bruit répétitif) sont une action ou<br />
une réaction <strong>en</strong> relation avec l'école officielle. Cer¬<br />
tains élèves masculins caricatur<strong>en</strong>t la voix des profes¬<br />
seurs féminins. Le comportem<strong>en</strong>t du corps, le style<br />
vestim<strong>en</strong>taire (par exemple, le retrait des casquettes)<br />
sont égalem<strong>en</strong>t symboliques du passage du milieu<br />
informel au milieu officiel scolaires.<br />
La première r<strong>en</strong>trée à l'école secondaire est une<br />
période s<strong>en</strong>sible, génératrice d'anxiété et d'incerti¬<br />
tude pour certains élèves qui doiv<strong>en</strong>t trouver leur<br />
place, s'adapter aux professeurs. C'est une période où<br />
les hiérarchies informelles, les li<strong>en</strong>s amicaux se font,<br />
se défont ou se r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t, où les pratiques éducati¬<br />
ves sont c<strong>en</strong>trées sur le contrôle préalable aux politi¬<br />
ques favorisant l'autonomie, l'initiative de l'élève,<br />
futur citoy<strong>en</strong>.<br />
D'après : GORDON, Tuula, LAHELMA, Elina, HYNNI-<br />
NEN, Pirkko, METSO, Tuija, PALMU, Tarja and TOLO-<br />
NEN, Tarja. Learning the routines : "professionalization"<br />
of newcomers in secondary school. Qualitative<br />
Studies in Education, Nov.-Dec. 1999, vol. 12, n° 6,<br />
p. 689-705.<br />
INNOVATIONS ET RECHERCHES À L'ÉTRANGER<br />
135
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Titres communiqués par<br />
Véronique Leclercq<br />
OBSERVATOIRE<br />
DES THÈSES CONCERNANT<br />
L'ÉDUCATION<br />
NompQMSuivQml-effortdevalQri^<br />
lesjiumérDs^ï£céâ<strong>en</strong>tsSlâ,dfi,A9^2.2,2S.J,S,31^3â,37^A0,A3MAB),JiousJaisons^<br />
Mppffluiimâxll&jéLoMtJ^^<br />
Nous remercions vivem<strong>en</strong>t tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce travail.<br />
M.-F. CAPLOT<br />
Professeur à l'Université de Lille I (CUEEP)<br />
LAISNE, Michel. L'informatique dans laformation ini¬<br />
tiale des <strong>en</strong>seignants : cas de la formation des profes¬<br />
seurs d'école stagiaires à l'IUFM Nord- Pas-de-Calais.<br />
458 pages (3 tomes)+ annexes.<br />
Thèse de doctorat : Lille I : juillet 1999.<br />
Dirigée par Daniel Poisson.<br />
Avec la banalisation du multimédia et des réseaux, le<br />
développem<strong>en</strong>t de l'informatique à l'école, au collège<br />
et au lycée connaît un nouvel essor. Parallèlem<strong>en</strong>t on<br />
s'interroge sur la formation des maîtres : comm<strong>en</strong>t<br />
former les <strong>en</strong>seignants pour qu'ils intègr<strong>en</strong>t mieux les<br />
Technologies d'Information et de Communication<br />
dans leur pratique professionnelle ?<br />
Notre recherche considère la formation des profes¬<br />
seurs d'école stagiaires à l'IUFM Nord/Pas-de-Calais<br />
qui prévoit spécifiquem<strong>en</strong>t un module pédago¬<br />
gique pour préparer les étudiants à mettre <strong>en</strong> uvre<br />
<strong>en</strong> classe les textes officiels relatifs à l'informatique à<br />
l'école. Elle est empirique et c<strong>en</strong>trée sur les acteurs.<br />
L'analyse des données obt<strong>en</strong>ues par questionnaires et<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s auprès des professeurs d'école stagiaires <strong>en</strong><br />
formation au C<strong>en</strong>tre de Douai amène à caractériser et<br />
à articuler : att<strong>en</strong>tes et équipem<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>trée de la for¬<br />
mation, rapport à l'informatique, conceptions de la<br />
formation et du métier, modèles de l'activité scolaire<br />
et de l'informatique à l'école, aspirations pour une for¬<br />
mation continue accompagnant la prise de fonction.<br />
Des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s ont égalem<strong>en</strong>t été réalisés avec des for¬<br />
mateurs du module "informatique pédagogique"<br />
(EMF, PRCE, MCF) interv<strong>en</strong>ant dans différ<strong>en</strong>ts C<strong>en</strong>¬<br />
tres de l'IUFM. L'étude des données ainsi recueillies<br />
permet de préciser les cont<strong>en</strong>us et les modalités de la<br />
formation selon les C<strong>en</strong>tres, les difficultés que les for¬<br />
mateurs r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t et les satisfactions qu'ils éprou¬<br />
v<strong>en</strong>t, les évolutions qu'ils préconis<strong>en</strong>t. Elle conduit à<br />
spécifier l'image que les formateurs se font des étu-<br />
Quand la discipline n'est pas m<strong>en</strong>tionnée, les theses sont, par délaut, <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation.<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES 137
diants et leurs souhaits sur l'informatique à l'école.<br />
Elle r<strong>en</strong>seigne sur l'origine des formateurs <strong>en</strong> infor¬<br />
matique pédagogique.<br />
Les différ<strong>en</strong>tes sources apport<strong>en</strong>t aussi des informa¬<br />
tions sur la place de l'informatique dans la formation,<br />
et sa situation à l'école dans la région (équipem<strong>en</strong>t et<br />
usages).<br />
Prolongeant ce travail d'<strong>en</strong>quête, nous <strong>en</strong>visageons<br />
une recherche coopérative avec les formateurs impli¬<br />
qués visant à concevoir, réaliser et observer des dis¬<br />
positifs permettant une formation des étudiants<br />
professeurs d'école et des professeurs d'école stagiai¬<br />
res mieux adaptée, et/ou incitant les étudiants à inté¬<br />
grer les TIC dans leur pratique <strong>en</strong>seignante future.<br />
NZEMO, Olga. Enseignem<strong>en</strong>t et appr<strong>en</strong>tissage de la<br />
lecture dans le système scolaire public au Gabon.<br />
355 pages.<br />
Thèse de doctorat : Lille I : novembre 1998.<br />
Dirigée par Véronique Leclercq.<br />
En abordant l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et l'appr<strong>en</strong>tissage de la<br />
lecture <strong>en</strong> CP au Gabon, l'objectif a été de mettre <strong>en</strong><br />
évid<strong>en</strong>ce l'efficacité des instituteurs des écoles publi¬<br />
ques qui utilis<strong>en</strong>t le manuel "Je vais à l'école". Une<br />
<strong>en</strong>quête s'est déroulée auprès des élèves des cours pré¬<br />
paratoires lre et 2e année de la commune de Libreville,<br />
soit 8 classes pour 459 élèves. Elle a été m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> trois<br />
périodes réparties comme suit : de 1994-1995 ; de<br />
1995-1996 et de 1996-1997. Pour des raisons<br />
conjoncturelles, seules les données de la deuxième<br />
période ont été ret<strong>en</strong>ues. Cela a réduit l'ét<strong>en</strong>due de<br />
l'échantillon. En dépit de ces difficultés, l'observation<br />
d'un même instituteur, p<strong>en</strong>dant une période d'une<br />
semaine, a montré des variations dans les pratiques<br />
pédagogiques. Mais, ces variations se développ<strong>en</strong>t à<br />
partir d'un même schéma de leçon axé sur les<br />
rapports graphie/son à étudier. Nous invoquons, ici,<br />
le modèle asc<strong>en</strong>dant caractérisé par le décodage.<br />
Quatre types d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ont été repérés et rap¬<br />
pelés comme suit : le type Prés<strong>en</strong>tation-Répétition-<br />
Systématique (PRS) ; le type Prés<strong>en</strong>tation-Sollicita¬<br />
tion-Systématique (PSS) ; le type Prés<strong>en</strong>tation-Sollicitation-Moy<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t<br />
Systématique (PSMS) et le<br />
type Prés<strong>en</strong>tation-Brève-Non Systématique (PBNS).<br />
Les élèves ont été évalués sur la base des performan¬<br />
ces aux pré et post-tests de lecture. Les résultats ainsi<br />
obt<strong>en</strong>us ont été mis <strong>en</strong> relation avec les conduites<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. De cette relation, il est ressorti deux<br />
"effets surprises". Le premier a concerné l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t de type PSMS. En effet, qui s'att<strong>en</strong>drait à ce que<br />
le mode de prés<strong>en</strong>tation PSMS où les élèves sont<br />
moins sollicités et où la prés<strong>en</strong>tation de la leçon a été<br />
inachevée, soit performant <strong>en</strong> termes de progression<br />
individuelle par rapport à une organisation systéma¬<br />
tique du type PSS où les sollicitations sont régulières et<br />
où la prés<strong>en</strong>tation de la leçon a été intégrale ? Le<br />
deuxième "effet surprise" a concerné le type PBNS.<br />
En effet, qui s'att<strong>en</strong>drait à ce que la progression existe<br />
aussi pour certains élèves <strong>en</strong>seignés avec le type<br />
PBNS, marqué par la brièveté des prés<strong>en</strong>tations et un<br />
certain désordre ? Ces "deux effets surprises" étant<br />
m<strong>en</strong>tionnés, il reste que l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de type PSS<br />
reste globalem<strong>en</strong>t efficace <strong>en</strong> termes d'écarts moy<strong>en</strong>s<br />
post/pré-testl.<br />
OUDART, Anne-Catherine. Formation "sur et par" la<br />
situation de travail et professionnalisation. Le cas d'une<br />
formation-action accompagnant un service cli<strong>en</strong>tèle<br />
dans la transformation qualitative d'une "écriturefonc¬<br />
tionnelle".<br />
432 pages.<br />
Thèse de doctorat : Lille I : décembre 1999.<br />
Dirigée par Daniel Poisson.<br />
Comm<strong>en</strong>t aider un professionnel à "améliorer" ses com¬<br />
pét<strong>en</strong>ces communicationnelles ? C'est à cette question<br />
très pragmatique que les Organismes de Formation,<br />
sollicités de plus <strong>en</strong> plus par des demandes de profes¬<br />
sionnalisation des objectifs de formation, sont ame¬<br />
nés à réfléchir.<br />
En effet, les <strong>en</strong>treprises privilégi<strong>en</strong>t, depuis ces der¬<br />
nières déc<strong>en</strong>nies, le critère qualité et subordonn<strong>en</strong>t à<br />
cet impératifl'<strong>en</strong>semble de leurs stratégies, et notam¬<br />
m<strong>en</strong>t leurs stratégies éducatives : la référ<strong>en</strong>ce au pro¬<br />
fessionnalisme et au professionnel t<strong>en</strong>d à pr<strong>en</strong>dre le<br />
devant de la scène.<br />
Les Services de Relation Cli<strong>en</strong>tèle sont directem<strong>en</strong>t<br />
concernés par ces objectifs d'amélioration qualita¬<br />
tive. On demande aux personnes, confrontées à la<br />
relation de service, de faire preuve, tant à l'oral qu'à<br />
l'écrit, de plus de compét<strong>en</strong>ces communicationnelles<br />
et d'efficacité commerciale. Ce sont donc des compé-<br />
138 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
t<strong>en</strong>ces communicatees professionnelles qu'il est<br />
demandé de développer.<br />
C'est dans le champ des Sci<strong>en</strong>ces de l'Éducation et plus<br />
particulièrem<strong>en</strong>t dans celui de la Formation d'adultes<br />
que notre travail de recherche s'inscrit.<br />
Par une approche constructiviste, nous analysons le cas<br />
d'une Formation-Action effectuée p<strong>en</strong>dant six années,<br />
<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec le Service Cli<strong>en</strong>tèle d'une impor¬<br />
tante Entreprise de V<strong>en</strong>te par Correspondance, chargé<br />
de répondre aux lettres de réclamation des cli<strong>en</strong>ts.<br />
Nous montrons pourquoi nous p<strong>en</strong>sons que le déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t des compét<strong>en</strong>ces communicatees profes¬<br />
sionnelles exige la connaissance précise de la situation<br />
de travail et du rapport que les acteurs <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avec<br />
leur activité professionnelle. Ces savoirs de référ<strong>en</strong>ce<br />
sont à la source de l'approche didactique.<br />
Former a la professionnalisation, c'est compr<strong>en</strong>dre et<br />
faire émerger ce qui participe de l'activité profession¬<br />
nelle et ce qui lui donne s<strong>en</strong>s. A l'origine de cette<br />
hypothèse, notre conviction que le li<strong>en</strong> forma¬<br />
tion-analyse du travail est la condition de l'accompa¬<br />
gnem<strong>en</strong>t : ce li<strong>en</strong> ne pr<strong>en</strong>d s<strong>en</strong>s que "sur et par" la<br />
situation de travail.<br />
Notre travail de recherche nous amènera à proposer<br />
les grands axes didactiques d'une formation à une<br />
"écriture fonctionnelle" et une modélisation du<br />
concept d'accompagnem<strong>en</strong>t dans ce type de forma¬<br />
tion visant la transformation individuelle et collec¬<br />
tive de pratiques rédactionnelles.<br />
Titres communiqués par<br />
Yves Reuter<br />
Professeur à l'Université Charles de Gaulle-Lille III<br />
DAUNAY, Bertrand. La Paraphrase dans l'approche<br />
scolaire des textes littéraires (étude didactique).<br />
537 pages+328 pages d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Lille 3 : octobre 1999.<br />
Dirigée par Yves Reuter.<br />
L'interdit de la paraphrase dans l'explication de texte<br />
littéraire repose sur des principes théoriquem<strong>en</strong>t fra¬<br />
giles el une définition instable de la paraphrase : il ne<br />
porte pas sur un discours métatextuel id<strong>en</strong>tifiable<br />
mais sur un effet discursif. Telle est la thèse de ce tra<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES<br />
vail qui aborde le phénomène de la paraphrase dans<br />
l'approche scolaire des textes littéraires <strong>en</strong> diachronie<br />
comme <strong>en</strong> synchronie. Une telle approche aboutit à<br />
une réhabilitation de la paraphrase, qui passe notam¬<br />
m<strong>en</strong>t par une réévaluation de son rôle effectif dans<br />
l'appr<strong>en</strong>tissage de l'écriture comme de la lecture.<br />
Une première partie <strong>en</strong>visage historiquem<strong>en</strong>t la pra¬<br />
tique de la paraphrase dans le rapport (scolaire ou non)<br />
au texte littéraire de l'Antiquité à nos jours. Une<br />
deuxième partie décrit les conditions et les formes de la<br />
disqualification de la paraphrase dans l'explication de<br />
texte depuis le XIXe siècle, pour faire ressortir l'impos¬<br />
sibilité d'une définition objective de la paraphrase dans<br />
ce contexte. D'où la nécessité d'établir, dans une troi¬<br />
sième partie, ce qui amène un évaluateur à considérer<br />
qu'un énoncé est ou non paraphrastique, autrem<strong>en</strong>t dit<br />
à émettre un jugem<strong>en</strong>t métatextuel d'id<strong>en</strong>tification -<br />
qui n'est <strong>en</strong> fait qu'un jugem<strong>en</strong>t d'acceptabilité de la<br />
paraphrase ; les conditions de ce jugem<strong>en</strong>t se ramèn<strong>en</strong>t<br />
ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t à la prés<strong>en</strong>ce dans le métatexte de mar¬<br />
ques discursives d'une distance avec le texte-source. La<br />
paraphrase est <strong>en</strong>suite (quatrième partie) définie<br />
comme formulation de la compréh<strong>en</strong>sion - donc<br />
comme activité à la fois cognitive et discursive inhé¬<br />
r<strong>en</strong>te à tout discours métatextuel : c'est sur ces bases<br />
que peuv<strong>en</strong>t être proposées (dans une cinquième<br />
partie) des démarches d'appr<strong>en</strong>tissage visant au déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t métatextuel des élèves par l'évaluation et la<br />
discussion des frontières <strong>en</strong>tre diverses réalisations dis¬<br />
cursives et des effets de réception de leurs propres pro¬<br />
ductions métatextuelles.<br />
RUELLAN, Francis. Un mode de travail didactique<br />
pour l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t-appr<strong>en</strong>tissage de l'écriture au<br />
cycle 3 de l'école primaire.<br />
892 pages+619 pages d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Lille 3 : janvier 2000.<br />
Dirigée par Yves Reuter.<br />
L'axe c<strong>en</strong>tral de cette recherche consiste à formaliser<br />
une organisation pédagogico-didactique susceptible<br />
d'accompagner la construction de compét<strong>en</strong>ces<br />
scripturales au cycle trois de l'école primaire. Fondé<br />
sur des situations alternées de production et d'ana¬<br />
lyse dans le cadre du travail <strong>en</strong> projet, le mode de tra¬<br />
vail didactique vise à favoriser une autorégulalion<br />
139
métacognitive de l'action grâce, notamm<strong>en</strong>t, à la<br />
co-élaboration d'outils critériés.<br />
La première partie empirique prés<strong>en</strong>te l'analyse d'un<br />
recueil de données s'appuyant sur l'étude compara¬<br />
tive de cinq types d'organisations contrastées, <strong>en</strong><br />
CM1. Il s'agit d'éprouver les intérêts et limites du<br />
mode de travail didactique (dispositif de la classe A)<br />
qui s'appuie sur toutes les composantes de l'hypo¬<br />
thèse globale construite.<br />
Une deuxième partie empirique permet d'éclairer les<br />
aspects du fonctionnem<strong>en</strong>t du mode de travail didac¬<br />
tique par une description précise du contexte de pro¬<br />
duction et d'appr<strong>en</strong>tissage vécu par les élèves durant<br />
huit semaines d'un module de travail <strong>en</strong> projet.<br />
L'analyse des parcours de réécriture permet d'appré¬<br />
h<strong>en</strong>der comm<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> fonction des interactions et des<br />
outils construits, se sont constituées progressivem<strong>en</strong>t<br />
les conduites autorégulées pour la prise <strong>en</strong> charge du<br />
contrôle de l'activité scripturale.<br />
Titre communiqué par<br />
Dominique Guy Brassart<br />
Professeur à l'Université Charles de Gaulle-Lille 3<br />
CHATELAIN-CRUNELLE, Dominique. Langage, lecture<br />
et prématurité. Prév<strong>en</strong>tion des troubles d'appr<strong>en</strong>tissages<br />
chez les <strong>en</strong>fants defaible poids de naissance.<br />
302 pages dont 76 pages d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Lille 3 : septembre 1999.<br />
Dirigée par : Dominique Guy Brassart.<br />
Notre étude longitudinale auprès de 50 <strong>en</strong>fants pré¬<br />
maturés indemnes de séquelles majeures visait à<br />
comparer le développem<strong>en</strong>t de leur langage de 2 ans<br />
à 6 ans à celui d'<strong>en</strong>fants nés à terme, et à analyser les<br />
liaisons existant <strong>en</strong>tre le langage oral et l'appr<strong>en</strong>tis¬<br />
sage de la lecture à 7 ans 1/2.<br />
Ces <strong>en</strong>fants avai<strong>en</strong>t un niveau intellectuel normal et<br />
aucun trouble s<strong>en</strong>soriel.<br />
Nos résultats indiqu<strong>en</strong>t que 28 % d'<strong>en</strong>tre eux ont un<br />
retard <strong>en</strong> vocabulaire à 5 ans et sur le plan morpho¬<br />
syntaxique à tout âge étudié. La compréh<strong>en</strong>sion orale<br />
et la consci<strong>en</strong>ce métaphonologique sont dans les nor¬<br />
mes. A 7 ans 1/2, 17 <strong>en</strong>fants ont des difficultés <strong>en</strong> lec¬<br />
ture, tant sur le plan des capacités de décodage que de<br />
la compréh<strong>en</strong>sion d'énoncés. Les résultats <strong>en</strong> lecture<br />
sont très liés aux différ<strong>en</strong>ts indices langagiers.<br />
Nous avons cherché à repérer les variables qui, asso¬<br />
ciées à la prématurité, <strong>en</strong> acc<strong>en</strong>tu<strong>en</strong>t le facteur de ris¬<br />
ques. Ni les variables physiologiques analysées (âge<br />
gestationnel, poids de naissance, retard de croissance<br />
intra-utérin) ni le niveau neuro-moteur ne sont liés<br />
significativem<strong>en</strong>t aux performances langagières et<br />
lexiques des <strong>en</strong>fants prématurés. Par contre, les<br />
variables <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales (niveau socioculturel,<br />
qualité des stimulations familiales) le sont fortem<strong>en</strong>t.<br />
De même, l'âge de scolarisation est lié avec le niveau<br />
socioculturel et certaines performances langagières,<br />
et les <strong>en</strong>fants de milieu défavorisé scolarisés précoce¬<br />
m<strong>en</strong>t ont de meilleures performances que ceux de<br />
même milieu scolarisés après 3 ans.<br />
Ce constat permet d'avancer que les <strong>en</strong>fants préma¬<br />
turés appart<strong>en</strong>ant à un milieu défavorisé et scolarisés<br />
après 3 ans, sont les plus à risque de troubles<br />
d'appr<strong>en</strong>tissages. Cep<strong>en</strong>dant, les <strong>en</strong>fants prématurés<br />
comparés aux <strong>en</strong>fants nés à terme de même milieu<br />
ont des performances morphosyntaxiques inférieu¬<br />
res de 2 à 5 ans. L'interaction prématurité/niveau<br />
socioculturel constitue donc un facteur de risques<br />
important pour les <strong>en</strong>fants prématurés.<br />
Titre communiqué par<br />
Raymond Bourdoncle<br />
Professeur à l'Université Charles de Gaulle-Lille 3<br />
LEGRAND, D<strong>en</strong>ise. Instituteurs et Professeurs d'école<br />
aujourd'hui : continuités et discontinuités dans les<br />
représ<strong>en</strong>tations et les images d'un métier.<br />
333 pages.<br />
Thèse de doctorat : Lille 3, 1999.<br />
Dirigée par : Raymond Bourdoncle.<br />
Depuis 1990, la création des IUFM et par là même la<br />
transformation de la formation des <strong>en</strong>seignants du<br />
premier degré sont à l'origine d'une redéfinition du<br />
métier d'<strong>en</strong>seignant. Ce processus de transformation<br />
de l'activité par l'amélioration de son statut et de sa<br />
formation a conduit à une fonction r<strong>en</strong>ouvelée allant<br />
dans le s<strong>en</strong>s d'une professionnalisation. De cette<br />
réforme résulte la coexist<strong>en</strong>ce de deux corps : celui<br />
140 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
des instituteurs et celui des professeurs des écoles.<br />
Cette profession à "tête double" nous a paru être à<br />
l'origine d'un problème id<strong>en</strong>titaire aigu.<br />
A travers les images et plus précisém<strong>en</strong>t les représ<strong>en</strong>¬<br />
tations que chacun des groupes construit, nous avons<br />
pu mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce certains points communs, mais<br />
égalem<strong>en</strong>t certains points de diverg<strong>en</strong>ce. Ainsi, si<br />
l'id<strong>en</strong>tité est bi<strong>en</strong> un réseau d'élém<strong>en</strong>ts des représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tions professionnelles, alors on peut dire que cette<br />
id<strong>en</strong>tité n'est pas homogène. Notre recherche permet<br />
de montrer combi<strong>en</strong> cette nouvelle réforme est à l'ori¬<br />
gine d'une revalorisation certaine de la profession<br />
mais <strong>en</strong> même temps d'un éclatem<strong>en</strong>t du noyau id<strong>en</strong>¬<br />
titaire. De cet état de fait nous avons pu dégager, pour<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du premier degré, plusieurs modèles<br />
d'id<strong>en</strong>tité professionnelle. Si l'id<strong>en</strong>tité est bi<strong>en</strong> un<br />
réseau d'élém<strong>en</strong>ts des représ<strong>en</strong>tations professionnelles<br />
activé pour répondre à une visée d'id<strong>en</strong>tification-diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ciation avec des groupes sociétaux ou professionnels,<br />
alors on peut dire que cette id<strong>en</strong>tité n'est pas homogène.<br />
Si on constate une hétérogénéité <strong>en</strong>tre id<strong>en</strong>tité profes¬<br />
sionnelle des instituteurs et celle des professeurs des<br />
écoles, on constate égalem<strong>en</strong>t une id<strong>en</strong>tité différ<strong>en</strong>te<br />
intra-groupe. En effet, sont prés<strong>en</strong>tes au sein du<br />
groupe instituteurs à la fois une id<strong>en</strong>tité que nous<br />
avons appelée stable et égalem<strong>en</strong>t une id<strong>en</strong>tité<br />
m<strong>en</strong>acée. On retrouve cette hétérogénéité pour le<br />
groupe PE. Nous avons vu que l'image du métier et la<br />
revalorisation, effets directs de la nouvelle réforme,<br />
étai<strong>en</strong>t parmi les principaux facteurs de discorde.<br />
Notre recherche montre l'émerg<strong>en</strong>ce d'id<strong>en</strong>tités pro¬<br />
fessionnelles composites.<br />
Titres communiqués par<br />
Michel Develay<br />
Professeur à l'Université Lumière-Lyon 2<br />
OJtm>»&.kMJl\ V ni- itilVi ir li<br />
BERGER, Dominique. Pour une réévaluation du<br />
concept de défici<strong>en</strong>ce intellectuelle : essai de typologie<br />
pédagogique et psychologique.<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : janvier 1999.<br />
Dirigée par Charles Gardou.<br />
Le flou nosographique du concept de défici<strong>en</strong>ce<br />
intellectuelle légère a <strong>en</strong>traîné, depuis 1909, une<br />
abs<strong>en</strong>ce de définition notionnelle dans la prise <strong>en</strong><br />
compte institutionnelle, tant sur le plan du cont<strong>en</strong>u<br />
des textes officiels que de l'organisation du système<br />
scolaire. Les pratiques pédagogiques qui <strong>en</strong> décou¬<br />
l<strong>en</strong>t ne réduis<strong>en</strong>t que peu les difficultés des <strong>en</strong>fants,<br />
les amplifi<strong>en</strong>t parfois, voire <strong>en</strong> cré<strong>en</strong>t de nouvelles.<br />
D'un côté, nous trouvons la psychométrie et la psy¬<br />
chopathologie non analytique qui balis<strong>en</strong>t le champ<br />
de la défici<strong>en</strong>ce avec les bornes statistiquem<strong>en</strong>t défi¬<br />
nies de l'intellig<strong>en</strong>ce et de la normalité ; de l'autre, la<br />
pédagogie spécialisée, la psychanalyse nous <strong>en</strong> libè¬<br />
r<strong>en</strong>t pour mettre <strong>en</strong> avant la part d'histoire du sujet.<br />
Une nouvelle approche de ce concept est donc sus¬<br />
ceptible de permettre une meilleure compréh<strong>en</strong>sion<br />
et un traitem<strong>en</strong>t éducatif plus adapté. L'étude du<br />
développem<strong>en</strong>t du concept de défici<strong>en</strong>ce intellec¬<br />
tuelle légère dans les textes officiels, celle du disposi¬<br />
tif de sa prise <strong>en</strong> charge <strong>en</strong> Haute-Loire et la<br />
description du fonctionnem<strong>en</strong>t de la Commission de<br />
circonscription du second degré nous permett<strong>en</strong>t<br />
d'<strong>en</strong> esquisser les contours. L'analyse de cont<strong>en</strong>u des<br />
dossiers pédagogiques et psychologiques des <strong>en</strong>fants<br />
ori<strong>en</strong>tés <strong>en</strong> SES affine cette représ<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> déga¬<br />
geant les principales lignes de force que nous véri¬<br />
fions à l'aide de trois études de cas. Elles r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
compte du développem<strong>en</strong>t d'une structuration défi¬<br />
citaire et mett<strong>en</strong>t l'acc<strong>en</strong>t sur un fonctionnem<strong>en</strong>t<br />
psychologique qui s'inscrit fortem<strong>en</strong>t dans une rela¬<br />
tion de dép<strong>en</strong>dance. Le modèle de la communication<br />
nous autorise à dépasser la dialectique du normal et<br />
du pathologique. La défici<strong>en</strong>ce intellectuelle légère<br />
devi<strong>en</strong>t alors différ<strong>en</strong>ce et l'approche de l'autre ne<br />
peut plus être l'objectivation d'une catégorie ou d'une<br />
pathologie simple, mais se situe maint<strong>en</strong>ant au niveau<br />
de l'investigation des significations des altérités et de<br />
leur ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t global et interrelationnel.<br />
BISKRI, Messaouda. Une justice éducative : la délin¬<br />
quance des mineurs à Viilefranche/Saône.<br />
Thèse doctorat : Lyon 2 : novembre 1999.<br />
Dirigée par Guy Avanzini.<br />
Le problème de la délinquance juvénile n'est pas<br />
actuel seulem<strong>en</strong>t par son importance numérique ou<br />
par la récurr<strong>en</strong>ce de ses délits. Il l'est aussi par la<br />
nature des questions qu'il soulève et des réponses qui<br />
lui sont proposées. La préoccupation des hommes de<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES 141
loi face au traitem<strong>en</strong>t des comportem<strong>en</strong>ts des délin¬<br />
quants mineurs est anci<strong>en</strong>ne. Avant 1945, l'Éduca¬<br />
tion Surveillée avait une double fonction très claire :<br />
surveiller et punir les délinquants mineurs. Il faudra<br />
att<strong>en</strong>dre l'Ordonnance de 1945 pour que soit érigée<br />
<strong>en</strong> principe la priorité de l'éducatif sur le répressif.<br />
L'Éducation Surveillée devi<strong>en</strong>dra la Protection Judi¬<br />
ciaire de la Jeunesse qui symbolisera la volonté d'un<br />
changem<strong>en</strong>t politique et éducatif dans le cadre judi¬<br />
ciaire. Pourtant, cette Ordonnance, toujours <strong>en</strong><br />
vigueur, liste les mesures éducatives applicables sans<br />
préciser les moy<strong>en</strong>s de les exercer. Aussi, comm<strong>en</strong>t,<br />
aujourd'hui, une justice-éducative t<strong>en</strong>te-t-elle de<br />
s'exercer ? Dans le cadre de stages effectués dans<br />
divers services sociaux, j'ai été confronté à une réalité<br />
souv<strong>en</strong>t douloureuse de situations de prise <strong>en</strong> charge<br />
des jeunes <strong>en</strong> difficultés. De quelles manières et avec<br />
quels moy<strong>en</strong>s les institutions judiciaires et éducatives<br />
ont-elles essayé de remédier à chaque situation ? Et<br />
comm<strong>en</strong>t les mineurs ont-ils perçu ces interv<strong>en</strong>tions ?<br />
Ce sont quelques-unes des questions auxquelles ce<br />
travail espère apporter des élém<strong>en</strong>ts de réponses.<br />
FONDRAS épouse DOLY, Anne-Marie. Métacogni¬<br />
tion et pédagogie. Enjeux et propositions pour l'intro¬<br />
duction de la métacognition à l'école.<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : novembre 1998.<br />
Dirigée par Michel Develay.<br />
Il s'agit d'élucider le concept de métacognition pour<br />
<strong>en</strong> explorer les usages pédagogiques et montrer que :<br />
ce concept psychologique pr<strong>en</strong>d tout son s<strong>en</strong>s<br />
dans la pédagogie <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ant une finalité éducative<br />
et un outil d'appropriation de savoirs par les élèves<br />
avec la médiation du maître qui, <strong>en</strong> organisant les<br />
appr<strong>en</strong>tissages (situation, tutelle) et les savoirs <strong>en</strong><br />
disciplines scolaires, leur appr<strong>en</strong>d des savoirs et leurs<br />
modes de construction, des stratégies d'"autonomie<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage" dont l'autorégulation, et une moti¬<br />
vation à appr<strong>en</strong>dre ;<br />
qu'une telle recherche doit s'inscrire dans une<br />
rationalité capable de compr<strong>en</strong>dre les pratiques<br />
pédagogiques dans leur réalité complexe et pluridi¬<br />
m<strong>en</strong>sionnelle. Ce concept est alors étudié dans diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts champs conceptuels, <strong>en</strong> relation avec des<br />
notions qui <strong>en</strong> compos<strong>en</strong>t et <strong>en</strong> <strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t le s<strong>en</strong>s :<br />
Dans la pédagogie d'éveil, qui <strong>en</strong> révèle un rôle<br />
pédagogique ;<br />
Dans la psychologie des fondateurs(Flavell & co) qui<br />
le définit avec les notions de contrôle et de métaconnaissances<br />
et de prise de consci<strong>en</strong>ce et de régulation<br />
(Piaget) qui <strong>en</strong> construit le rôle dans les appr<strong>en</strong>tissa¬<br />
ges stratégiques, <strong>en</strong> relation avec les questions de<br />
motivation, d'attribution, de concept de soi et le pro¬<br />
blème des élèves <strong>en</strong> échec ; et dans la psychologie de<br />
Vygotsky et Bruner qui permet de le compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />
relation avec l'idée de médiation sociale et culturelle ;<br />
Dans la philosophie et l'épistémologie qui permet¬<br />
t<strong>en</strong>t de le compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> rapport avec ce qui définit<br />
une culture du côté de ce qui r<strong>en</strong>d les hommes cons¬<br />
tructeurs, et non consommateurs, de savoirs, <strong>en</strong> par¬<br />
ticulier la consci<strong>en</strong>ce de soi et le langage, mais aussi la<br />
loi, et autres finalités éducatives humanisantes.<br />
Il peut ainsi dev<strong>en</strong>ir, avec la médiation sociale et cul¬<br />
turelle, épistémologique et pédagogique des maîtres,<br />
le moy<strong>en</strong> d'id<strong>en</strong>tifier les élèves dans leur culture, c'est<br />
ce qu'illustr<strong>en</strong>t des exemples de mise <strong>en</strong> pratiques<br />
dans des classes.<br />
PAVIET-SALOMON, Odile et BERNET-BIENAIME,<br />
Dominique. Enjeux et ext<strong>en</strong>sions possibles des forma¬<br />
tions d'insertion pour les chômeurs de longue durée.<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : octobre 1998.<br />
Dirigée par Michel Develay.<br />
Le développem<strong>en</strong>t du nombre de demandeurs<br />
d'emploi et l'accroissem<strong>en</strong>t de la durée du chômage<br />
sont des indicateurs de la mutation que subiss<strong>en</strong>t<br />
actuellem<strong>en</strong>t l'emploi et le travail. Ceux-ci ont tou¬<br />
jours une place c<strong>en</strong>trale dans la société et sont deve¬<br />
nus un <strong>en</strong>jeu tant politique qu'économique. Les<br />
besoins de visibilité sociale ont donné lieu à la mise<br />
<strong>en</strong> place de mesures qui vis<strong>en</strong>t, non pas à l'intégra¬<br />
tion des personnes, mais à une insertion incertaine.<br />
Ainsi assiste-t-on à la mise <strong>en</strong> uvre de mesures ina¬<br />
daptées tant aux mutations économiques qu'à la<br />
(non) demande des formés. Formation pansem<strong>en</strong>t,<br />
garantissant une certaine paix sociale auprès de<br />
publics dont les politiques craign<strong>en</strong>t les éclats. Or, les<br />
demandeurs d'emploi ne sont pas à proprem<strong>en</strong>t par¬<br />
ler un groupe socialem<strong>en</strong>t construit. Ils veul<strong>en</strong>t<br />
retrouver un emploi, souv<strong>en</strong>t sans passer par une for¬<br />
mation. La mise <strong>en</strong> Áuvre d'actions nécessite donc<br />
142 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
un dispositif adapté reposant sur quatre élém<strong>en</strong>ts<br />
clés : le groupe, les pratiques langagières, la prise <strong>en</strong><br />
compte de la dim<strong>en</strong>sion temporelle et une aide à la<br />
diversification des représ<strong>en</strong>tations, notamm<strong>en</strong>t des<br />
représ<strong>en</strong>tations de soi <strong>en</strong> situation professionnelle.<br />
L'optimisation de ces formations passe par une<br />
orchestration autour de quatre phases : l'expertise, la<br />
conception, la mise <strong>en</strong> actes, l'évaluation et le suivi,<br />
dans le souci de répondre non plus à une logique<br />
d'insertion mais à une logique d'intégration où le<br />
demandeur d'emploi recherche, par le travail, un<br />
moy<strong>en</strong> de se réaliser.<br />
VALENTIN, Christiane. Formation continue et profes¬<br />
sionnalité des <strong>en</strong>seignants. La mise <strong>en</strong> place de la for¬<br />
mation continue des <strong>en</strong>seignants du second degré au<br />
debut des années 80. (Le cas de la MAFPEN de Lyon).<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : janvier 1999.<br />
Dirigée par Philippe Meirieu.<br />
À partir de 1 982, les MAFPEN (Mission Académique à<br />
la Formation des Personnels de l'Éducation Natio¬<br />
nale) nouvellem<strong>en</strong>t créées, ont eu à mettre <strong>en</strong> place la<br />
formation continue des <strong>en</strong>seignants du second degré,<br />
notamm<strong>en</strong>t dans le cadre de l'accompagnem<strong>en</strong>t de la<br />
rénovation des collèges. L'étude de dispositifs ayant<br />
alors fonctionné à la MAFPEN de Lyon révèle une<br />
diversification des conceptions de la formation des<br />
<strong>en</strong>seignants. Cette évolution a contribué à faire émer¬<br />
ger une nouvelle définition de la professionnalité des<br />
<strong>en</strong>seignants du second degré. Celle-ci a été institution¬<br />
nalisée par la loi d'ori<strong>en</strong>tation sur l'éducation de 1989.<br />
Titre communiqué par<br />
Gérard Fath<br />
Professeur à l'Université de Nancy 2<br />
LEMIUS, Brigitte. Écrire au CDI. Analyse d'une pra¬<br />
tique <strong>en</strong> EREA. Enjeux id<strong>en</strong>titaires et pédagogiques.<br />
299 pages+200 pages d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Nancy 2 : janvier 2000<br />
Dirigée par Gérard Fath.<br />
Les TICE (Nouvelles Technologies de l'Information<br />
et de la Communication à l'École) et <strong>en</strong> particulier<br />
l'hypertexte, offr<strong>en</strong>t, selon le discours officiel, un<br />
espoir de réussite pour les élèves <strong>en</strong> difficulté. La<br />
méthodologie développée ici repose sur un dispositif<br />
d'atelier d'écriture au CDI (C<strong>en</strong>tre de <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>a¬<br />
tion et d'Information) d'un EREA (Établissem<strong>en</strong>t<br />
Régional d'Enseignem<strong>en</strong>t Adapté) pour handicapés<br />
moteurs (élèves de CPPN, seconde BEP secrétariat et<br />
comptabilité). Le lieu CDI, le public handicapé et<br />
l'hypertexte sont des analyseurs. Un logiciel est créé,<br />
sa mise <strong>en</strong> uvre produit des effets retours qui modi¬<br />
fi<strong>en</strong>t la recherche. Elle se c<strong>en</strong>tre moins sur l'outil que<br />
sur l'homme aux prises avec l'écriture, libérant le<br />
sujet exist<strong>en</strong>tiel du sujet opératoire. La démarche, qui<br />
pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> compte la complexité du terrain où se<br />
déploie l'acte éducatif, s'insère dans une approche<br />
plurielle. Le regard porté sur les textes produits par<br />
les élèves de faible niveau est structuré par l'Analyse<br />
de Pratique de docum<strong>en</strong>taliste. Celle-ci est constitu¬<br />
tive du cadre théorique qui reconnaît les savoirs<br />
cachés dans l'agir professionnel, autorisant le dépas¬<br />
sem<strong>en</strong>t des antagonismes chercheur/pratici<strong>en</strong>.<br />
La dim<strong>en</strong>sion hypertexte, qu'elle soit issue d'une uti¬<br />
lisation de l'ordinateur ou du stylo, est une piste qui,<br />
développant l'écriture de l'expéri<strong>en</strong>ce de vie, devi<strong>en</strong>t<br />
une offre de passage possible de l'hétéroformation à<br />
l'autoformation. Le texte faible n'apparaît plus dans<br />
ses seules caractéristiques immédiates, disqualifian¬<br />
tes. Il appelle une théorie qui reste à établir mais<br />
s'avère valide du point de vue de la formation.<br />
L'hypermot est un marquage qui ouvre vers d'autres<br />
espaces et s'inscrit, pour chacun des élèves, dans un<br />
univers personnel qu'il révèle aussi. Le rôle des docu¬<br />
m<strong>en</strong>talistes peut se trouver redéfini, dans une forme<br />
de médiation à dim<strong>en</strong>sion heuristique, <strong>en</strong>tre les<br />
métiers d'élève et d'adolesc<strong>en</strong>t, proche de l'aléatoire,<br />
<strong>disponible</strong> à la découverte.<br />
nimrriTiTiiim' ir ii-imiTinrtrritiTnTir*-- r- - - - -"- '---" «~.-.~<br />
Titre communiqué par<br />
Michel Soëtard<br />
Professeur a l'Université catholique de l'Ouest<br />
SERADIN, Jean-Yves. La politique de lecturisation au<br />
collège : de l'habitus lectoral à la culture du désir de lire.<br />
420 pages+annexes.<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : juin 1999.<br />
Dirigée par Michel Soëtard.<br />
143
M. Seradin prés<strong>en</strong>te un texte de 420 pages et un<br />
volume d'annexés. Il s'agit d'un travail pédagogique<br />
qui interroge une expéri<strong>en</strong>ce de "lecturisation" au col¬<br />
lège, dans le souci d'évaluer sa pertin<strong>en</strong>ce et son effica¬<br />
cité et surtout d'<strong>en</strong> tirer des ori<strong>en</strong>tations pour un<br />
r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t de la pédagogie du français visant la<br />
constitution d'un "habitus lectoral" chez les élèves les<br />
moins socio-culturellem<strong>en</strong>t favorisés.<br />
Dans une première partie (3 chapitres), M. Seradin<br />
questionne les idées reçues concernant la "crise de la<br />
lecture". Il t<strong>en</strong>te d'abord l'élucidation de notre rapport<br />
au lire, rapport historiquem<strong>en</strong>t situé et marqué par plu¬<br />
sieurs révolutions fondam<strong>en</strong>tales : de l'oralisation à la<br />
lecture visuelle, de la lecture int<strong>en</strong>sive à l'ext<strong>en</strong>sive, de la<br />
lecture "pieuse" au rapport réflexif et critique aux<br />
uvres. La thèse de M. Seradin est que l'école n'a pas<br />
pris la mesure de ces changem<strong>en</strong>ts, qu'elle <strong>en</strong> reste à un<br />
"anci<strong>en</strong> régime" de la lecture. Cette analyse historique<br />
occupe une place fondam<strong>en</strong>tale dans le travail de M.<br />
Seradin, car elle sert de cadre à toute sa réflexion cri¬<br />
tique. Elle permet <strong>en</strong> particulier de mettre <strong>en</strong> perspec¬<br />
tive les <strong>en</strong>quêtes sur la lecture, de cerner les concepts<br />
avancés (illettrisme, analphabétisme), de discerner des<br />
niveaux de compét<strong>en</strong>ces (déchiffrage, lecture, liseur et<br />
lecteur) et de discuter la réalité et les causes supposées<br />
d'une soi-disant dévalorisation du livre. Pour<br />
l'auteur, si crise de la lecture il y a, il s'agit d'une crise<br />
de croissance obligeant le pédagogue à une déscolari¬<br />
sation de la lecture qui - par delà même toute solution<br />
technique - puisse redonner du s<strong>en</strong>s à l'acte de lire.<br />
La deuxième partie (2 chapitres) interroge les modèles<br />
sous-jac<strong>en</strong>ts de la pédagogie de la lecture au collège<br />
dans les cours de français : pratiques pédagogiques<br />
figées et ignorantes des outils modernes d'appr<strong>en</strong>tis¬<br />
sage de la lecture, prégnance d'un corpus de textes clas¬<br />
siques, rétroaction des exig<strong>en</strong>ces du lycée sur le collège,<br />
pratiques de lecture et d'écriture trop scolaires. Bref, la<br />
pédagogie du collège est définie <strong>en</strong> fonction des "héri¬<br />
tiers". On veut faire mieux lire alors que beaucoup<br />
d'élèves ne sav<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core lire. Le professeur de fran¬<br />
çais n'est pas un professeur de lecture. L'auteur<br />
s'attache <strong>en</strong>suite à définir ce que pourrait être une poli¬<br />
tique de "lecturisation" (literacy) comportant les deux<br />
dim<strong>en</strong>sions d'acquisition de techniques et de capitalisa¬<br />
tion culturelle et jouant sur le processus d'id<strong>en</strong>tifica¬<br />
tion (dynamique du plaisir de lire) tout <strong>en</strong> visant un<br />
élargissem<strong>en</strong>t du "pacte de lecture" des adolesc<strong>en</strong>ts.<br />
Dans une troisième partie, M. Seradin conduit une<br />
<strong>en</strong>quête visant à comparer deux populations d'élèves<br />
de lycée selon qu'ils ont ou non bénéficié d'une poli¬<br />
tique de lecturisation au collège. Le concept clé est ici<br />
celui d'habitus, repris de la sociologie de<br />
BOURDIEU, spécifié <strong>en</strong> "habitus lectoral". Après<br />
avoir décrit l'expéri<strong>en</strong>ce de lecturisation m<strong>en</strong>ée dans<br />
son collège (expéri<strong>en</strong>ce dont il a été lui-même un<br />
acteur), M. Seradin effectue une série de comparai¬<br />
sons sur ses populations (El= 14 élèves ; E2= 14 élè¬<br />
ves). La question est de savoir si la politique de<br />
lecturisation a pu contribuer à mettre <strong>en</strong> place chez<br />
les élèves concernés un véritable "habitus lectoral".<br />
L'auteur utilise trois instrum<strong>en</strong>ts : un récit des prati¬<br />
ques lectorales, un questionnaire, un test de lecture.<br />
L'analyse qualitative des résultats amène à des con¬<br />
clusions <strong>en</strong> demi-teintes. Si la politique de lecturisa¬<br />
tion m<strong>en</strong>ée paraît insuffisante, des différ<strong>en</strong>ces<br />
intéressantes sont, semble-t-il, repérées <strong>en</strong>tre les<br />
deux populations et pos<strong>en</strong>t question. C'est à une<br />
réflexion sur la politique m<strong>en</strong>ée, à la lumière de l'éva¬<br />
luation de ses effets, qu'est consacré le dernier cha¬<br />
pitre. Comm<strong>en</strong>t faudrait-il concevoir une véritable<br />
politique de lecturisation qui puisse constituer une<br />
réelle praxis pédagogique et non pas simplem<strong>en</strong>t une<br />
"fabrication du lecteur" ? Comm<strong>en</strong>t le professeur de<br />
français pourrait-il dev<strong>en</strong>ir un véritable professeur<br />
de lecture ? Comm<strong>en</strong>t - au-delà de toute visée techni-<br />
ciste - l'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture pourrait-il dev<strong>en</strong>ir<br />
un auth<strong>en</strong>tique moy<strong>en</strong> d'autonomie ?(...)<br />
é^&w^Sj!^s^tea>«ssiM^ss»KS^-^^^îV&>«Bte»siSA'a^ m&h ukWiiAem /i*Ba*ï<br />
Titres communiqués par<br />
Jean-Louis Derouet<br />
<strong>INRP</strong> - Départem<strong>en</strong>t "Politiques, pratiques et acteurs de Tédu¬<br />
cation"<br />
PITZALIS, Marco. La Révolution Copernici<strong>en</strong>ne de<br />
l'Université. Une étude sociologique sur lesformes de la<br />
vie de l'organisation et du travail universitaire <strong>en</strong> Italie.<br />
624 pages (2 volumes).<br />
Thèse de doctorat : Sociologie : EHESS : décembre 1999.<br />
Dirigée par Jean-Claude Combessie.<br />
Cette recherche a pour objet les transformations qui<br />
ont affecté l'université itali<strong>en</strong>ne contemporaine. Une<br />
démarche comparative internationale (surtout <strong>en</strong>tre<br />
144 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
la France et les États-Unis) nous a permis d'élaborer<br />
le cadre théorique général d'une critique du change¬<br />
m<strong>en</strong>t universitaire.<br />
Néanmoins, le choix fondam<strong>en</strong>tal est celui d'une<br />
dim<strong>en</strong>sion locale de l'<strong>en</strong>quête, c<strong>en</strong>trée sur les interac¬<br />
tions <strong>en</strong>tre les individus et <strong>en</strong>tre les groupes, sur leurs<br />
systèmes de valeurs et sur leurs univers de discours.<br />
Le changem<strong>en</strong>t institutionnel est donc analysé dans<br />
une perspective "microsociologique" att<strong>en</strong>tive au<br />
contexte et à son histoire ainsi qu'à la trajectoire et au<br />
vécu de plusieurs groupes d'universitaires.<br />
La démarche qualitative est fondée sur l'exploitation et<br />
la confrontation de différ<strong>en</strong>tes sources de données<br />
(<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s, observation, analyse docum<strong>en</strong>taire, archi¬<br />
ves) et l'usage d'une méthode comparative continue.<br />
La population concernée est formée de personnels<br />
administratifs et de plusieurs groupes d'<strong>en</strong>seignants<br />
appart<strong>en</strong>ant à deux universités itali<strong>en</strong>nes et à deux<br />
domaines disciplinaires : l'histoire et la physique.<br />
Ainsi, notre démarche se différ<strong>en</strong>cie de celle, plus fré¬<br />
qu<strong>en</strong>te, des sociologues qui adopt<strong>en</strong>t un point de vue<br />
externe (de l'administration de l'État, des réforma¬<br />
teurs, des acteurs économiques) et produis<strong>en</strong>t une<br />
analyse du changem<strong>en</strong>t fondée sur l'interprétation de<br />
"faits institutionnels".<br />
Dans notre travail, les problèmes institutionnels et<br />
organisationnels sont pris <strong>en</strong> compte, mais ils consti¬<br />
tu<strong>en</strong>t le cadre général des interactions. Ce cadre est<br />
celui où s'exerc<strong>en</strong>t les pressions extérieures (gouver¬<br />
nem<strong>en</strong>t, institutions nationales et internationales de<br />
financem<strong>en</strong>t de la recherche) qui pouss<strong>en</strong>t au pas¬<br />
sage d'une dim<strong>en</strong>sion foncièrem<strong>en</strong>t auto-référ<strong>en</strong>tielle<br />
de la vie, de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la recherche<br />
universitaire, à une dim<strong>en</strong>sion hétéro-référ<strong>en</strong>tielle,<br />
dans laquelle non seulem<strong>en</strong>t les finalités de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t et de la recherche sont élaborées à l'exté¬<br />
rieur, mais aussi les normes et les critères<br />
d'évaluation. Nous avons défini ce processus comme<br />
la révolution copernici<strong>en</strong>ne de l'université.<br />
Dans ce cadre, une place c<strong>en</strong>trale est t<strong>en</strong>ue par l'ana¬<br />
lyse des phénomènes de "résistance au changem<strong>en</strong>t"<br />
qui se réfèr<strong>en</strong>t à des intérêts, à des positions et à des<br />
conceptions particulières et qui sont l'expression de<br />
la continuité des formes de vie, de travail, de repro¬<br />
duction et de production, spécifiques à chaque seg¬<br />
m<strong>en</strong>t du monde universitaire.<br />
SANSELME, Franck. La construction sociale d'une<br />
id<strong>en</strong>tité institutionnelle ou l'ordre symbolique d'un col¬<br />
lectif scolaire. Le cas d'un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t agricole : les<br />
Maisons Familiales Rurales.<br />
371 pages.<br />
«SCRViOT04KErt3Ë5FTfWÈSESf<br />
Thèse de doctorat : Sociologie : R<strong>en</strong>nes 2 : juin 1999.<br />
Dirigée par Jean-Manuel De Queiroz.<br />
Au-delà de leur affiliation à l'appellation générique et<br />
administrative d'"<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t agricole", les Maisons<br />
familiales rurales peuv<strong>en</strong>t théoriquem<strong>en</strong>t s'appréh<strong>en</strong>¬<br />
der comme une institution scolaire parmi d'autres,<br />
voire comme une institution tout court. Une institution<br />
qui travaille à la construction de son id<strong>en</strong>tité et à la légi¬<br />
timation de son ordre interne <strong>en</strong> intégrant, et ceci de<br />
manière réfléchie, des altérités ou des univers sociaux<br />
objectifs qui ne sont pas exclusivem<strong>en</strong>t agricoles. Il<br />
s'agit dès lors de saisir les différ<strong>en</strong>ts mécanismes et<br />
principes de légitimation qui présid<strong>en</strong>t à cette construc¬<br />
tion id<strong>en</strong>titaire : comm<strong>en</strong>t une institution scolaire réus¬<br />
sit-elle à élaborer son id<strong>en</strong>tité, à la fois à destination<br />
interne et externe, dans un rapport dialectique et empreint<br />
de t<strong>en</strong>sions multiples avec ses différ<strong>en</strong>tes altérités ?<br />
Pour ce faire, les Maisons familiales ont d'abord su<br />
mettre <strong>en</strong> place un véritable système conceptuel tout<br />
<strong>en</strong>tier cont<strong>en</strong>u dans leur appellation complète de "Mai¬<br />
son familiale rurale d'éducation et d'ori<strong>en</strong>tation". Par la<br />
propriété de discrimination inhér<strong>en</strong>te à tout concept,<br />
les élém<strong>en</strong>ts de ce système sont à même d'intégrer sym¬<br />
boliquem<strong>en</strong>t - dans un rapport de s<strong>en</strong>s - et sociologiquem<strong>en</strong>t<br />
- dans un rapport de différ<strong>en</strong>ciation et de<br />
hiérarchisation sociales - l'"altérité éducative" (élèves<br />
et par<strong>en</strong>ts) des Maisons familiales à une division insti¬<br />
tutionnelle légitimée des rôles et des pouvoirs <strong>en</strong><br />
matière d'éducation (Partie I). Mais c'est avant tout de<br />
leur substrat idéologique - catholicisme social, ruralisme,<br />
familialisme et pédagogie de l'École nouvelle -<br />
que ces concepts tir<strong>en</strong>t leur pouvoir de légitimation<br />
d'un ordre éducatif. Le monde des idéologies se pré¬<br />
s<strong>en</strong>te ainsi comme un second univers objectif dialectiquem<strong>en</strong>t<br />
constitutif de l'id<strong>en</strong>tité Maison familiale saisie<br />
à travers ces "catégories doctrinales de l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t<br />
institutionnel" (Partie II). Des idéologies qui partici¬<br />
p<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t et historiquem<strong>en</strong>t à cette médiation<br />
symbolique <strong>en</strong>tre l'institution scolaire et ses concur¬<br />
r<strong>en</strong>ts public et catholique pris comme une altérité négative.<br />
Des idéologies qui ori<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les Maisons familiales
vers la critique de leurs adversaires dont la liquidation<br />
symbolique est au principe même d'une légitimation<br />
[par la négative] d'un ordre institutionnel (Partie III).<br />
Enfin, le marché scolaire et ses impératifs notamm<strong>en</strong>t<br />
financiers, dernier univers ayant partie liée avec les<br />
Maisons familiales, induit pour celles-ci ce passage rela¬<br />
tivem<strong>en</strong>t problématique du "communautaire" au<br />
"sociétaire". Face à ce qui pourrait être une infirmation<br />
du premier par le second, les Maisons familiales ont à<br />
effectuer un certain travail de comp<strong>en</strong>sation qui vise à<br />
restaurer une réalité subjective primaire communau¬<br />
taire tout <strong>en</strong> jouant, stratégiquem<strong>en</strong>t, le jeu incontour¬<br />
nable du marché (Partie IV).<br />
Telle qu'élaborée symboliquem<strong>en</strong>t dans la confron¬<br />
tation r<strong>en</strong>ouvelée avec différ<strong>en</strong>tes altérités ou diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts ordres de contraintes intégrées, cette<br />
problématique de l'id<strong>en</strong>tité institutionnelle se veut<br />
donc explicitem<strong>en</strong>t transversale. Sa portée théorique<br />
est générale tant elle dépasse le seul cas des Maisons<br />
familiales rurales. Elle peut, nous semble-t-il, inté¬<br />
grer tout questionnem<strong>en</strong>t qui cherche à explorer les<br />
mécanismes de construction id<strong>en</strong>titaire d'un groupe<br />
social institutionnalisé. Elle doit, par ailleurs et selon<br />
son att<strong>en</strong>tion portée à la dim<strong>en</strong>sion symbolique du<br />
social, rappeler son affiliation à une (très classique)<br />
théorie sociologique du signe et de la symbolisation<br />
inaugurée par le dernier Durkheim des Formes élé¬<br />
m<strong>en</strong>taires... C'est dire, au total, qu'il y a bi<strong>en</strong> moins ici<br />
une ethnographie ou une monographie des Maisons<br />
familiales, qu'une thèse constructiviste qui se situe au<br />
carrefour d'une sociologie qualitative de l'école, de<br />
l'id<strong>en</strong>tité institutionnelle et de la connaissance ordi¬<br />
naire qu'ont les acteurs sociaux de leur institution.<br />
SÉNORE, Dominique. L'inspecteur, le maître et les élè¬<br />
ves. Du pacte à l'alliance :pour une construction id<strong>en</strong>ti¬<br />
taire et une éthique de l'acte d'inspection.<br />
325 pages.<br />
Thèse de doctorat : Lyon 2 : juin 1999.<br />
Dirigée par Philippe Meirieu.<br />
Enseigner n'est pas une profession libérale. L'école<br />
n'est pas une <strong>en</strong>treprise. Les par<strong>en</strong>ts et les élèves sont<br />
<strong>en</strong> droit d'att<strong>en</strong>dre que l'État exerce sur les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants un contrôle minimal qui garantisse la qualité<br />
du service public d'éducation et le mette à l'abri des<br />
pressions de toutes sortes.<br />
Pourtant l'inspection n'a pas très bonne presse et<br />
son s<strong>en</strong>s est souv<strong>en</strong>t mal compris. Certains, dans<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, la considèr<strong>en</strong>t comme un couperet<br />
insupportable, d'autres comme une formule com¬<br />
plètem<strong>en</strong>t artificielle et inefficace. Que peut-elle<br />
donc être aujourd'hui ? Comm<strong>en</strong>t peut-elle accom¬<br />
pagner l'évolution du système éducatif pour garan¬<br />
tir une meilleure démocratisation de l'accès aux<br />
savoirs ? Comm<strong>en</strong>t peut-elle contribuer à redonner<br />
confiance aux par<strong>en</strong>ts dans l'École de la République<br />
sans inquiéter les <strong>en</strong>seignants ni apparaître, à leurs<br />
yeux, comme une forme de sujétion ?<br />
Dominique Sénore traite de ces questions de manière<br />
particulièrem<strong>en</strong>t vivante et sans esquiver les problè¬<br />
mes difficiles qui sont posés. Il s'interroge d'abord sur<br />
les modèles qui ont dominé dans cette profession,<br />
depuis sa création par Guizot <strong>en</strong> 1835. Il id<strong>en</strong>tifie alors<br />
une évolution d'un modèle qu'il qualifie de "charisma¬<br />
tique" où l'inspecteur apparaît comme le porte-parole<br />
de l'intérêt général, où il s'agit avant tout de contrôler<br />
et surveiller et de conseiller et diriger, vers un modèle<br />
"techniciste", où l'inspection, s'appuyant sur la néces¬<br />
sité de mesurer l'efficacité de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et la<br />
compét<strong>en</strong>ce des maîtres, se dote d'outils de contrôle<br />
de toutes sortes, de grilles et de "référ<strong>en</strong>tiels".<br />
Mais cette évolution n'a pas véritablem<strong>en</strong>t changé les<br />
choses : à travers plusieurs <strong>en</strong>quêtes de terrain, l'auteur<br />
montre qu'il existe bel et bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core, <strong>en</strong>tre les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants et leurs inspecteurs, une barrière invisible et que,<br />
alors que les inspecteurs croi<strong>en</strong>t, par exemple, faciliter<br />
le travail de l'<strong>en</strong>seignant, un <strong>en</strong>seignant sur deux le<br />
conteste. Cela, de toute évid<strong>en</strong>ce, invite à rep<strong>en</strong>ser les<br />
principes mêmes de la fonction d'inspection.<br />
Pour cela, l'auteur plaide pour une véritable "éthique de<br />
l'inspection", qui pourrait et devrait se traduire par un<br />
code de déontologie spécifique à la profession d'inspec¬<br />
teur et à sa formation. Ce code de déontologie devrait<br />
s'appuyer sur des principes philosophiques, éducatifs<br />
et politiques, tout à la fois, sa mise <strong>en</strong> n'étant<br />
pas une "réforme" supplém<strong>en</strong>taire ni un <strong>en</strong>semble de<br />
nouvelles techniques. Il s'agit <strong>en</strong> fait de se doter d'un<br />
véritable réfèr<strong>en</strong>t qui garantisse que les procédures<br />
de contrôles au sein du service public d'éducation<br />
sont conformes aux finalités de celui-ci : promouvoir<br />
une confrontation exigeante et solidaire, un accom¬<br />
pagnem<strong>en</strong>t sans complaisance, une évaluation qui<br />
soit réellem<strong>en</strong>t une aide à la progression de tous.<br />
146 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
TRÉMEL, Laur<strong>en</strong>t. Les faiseurs de mondes. Essai<br />
socio-anthropologique sur la pratique des jeux de<br />
simulation.<br />
379 pages.<br />
Thèse de doctorat : Sociologie : EHESS : mai 1999.<br />
Dirigée par Jean-Louis Derouet.<br />
A l'intersection de la sociologie de l'éducation, de la<br />
sociologie de la jeunesse et de la sociologie des loisirs, le<br />
propos de cette thèse est d'étudier le s<strong>en</strong>s que peut avoir<br />
la pratique des jeux de simulation (jeux de plateau, jeux<br />
de rôles, "wargames") <strong>en</strong> France dans les années<br />
quatre-vingt-dix, <strong>en</strong> s'intéressant plus particulièrem<strong>en</strong>t<br />
aux jeux de rôles et à leurs pratiquants. Nous montrons<br />
comm<strong>en</strong>t il s'avère nécessaire d'étudier cette activité<br />
ludique <strong>en</strong> la replaçant dans son contexte social. Res¬<br />
tant tributaire des clivages sociaux, elle révèle <strong>en</strong> fait les<br />
problèmes que se pos<strong>en</strong>t aujourd'hui des jeunes des<br />
classes moy<strong>en</strong>nes scolarisés, notamm<strong>en</strong>t face à leur<br />
dev<strong>en</strong>ir. Plongeant leurs pratiquants dans un imagi¬<br />
naire accueillant, qui ouvre l'espace des possibles, ces<br />
jeux permett<strong>en</strong>t de développer des savoirs, de<br />
construire des scénarios et des mondes où une "critique<br />
sociale ordinaire" peut pr<strong>en</strong>dre place, voire de réaliser<br />
virtuellem<strong>en</strong>t ses aspirations profondes. A partir d'étu¬<br />
des ethnographiques m<strong>en</strong>ées dans des clubs de jeu,<br />
nous étudions égalem<strong>en</strong>t les formes de socialisation<br />
spécifiques développées dans les communautés de<br />
rôlistes, donnant lieu à la constitution de micro-sociétés<br />
juvéniles où des sortes de "carrières de joueur" se<br />
déroul<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> parallèle à l'exist<strong>en</strong>ce quotidi<strong>en</strong>ne.<br />
Titres communiqués par<br />
Gabriel Langouet<br />
Professeur a l'Université R<strong>en</strong>e Descartes-Paris V<br />
COMBAZ-POGGI, Marie-Paule. Quelles pratiques<br />
corporelles au collège ? L'EPS sous l'angle de la socio¬<br />
logie des parcours scolaires.<br />
594 pages dont 175 d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Paris 5 : janvier 2000.<br />
Dirigée par P. Parlebas et co-dirigée par G. Langouet.<br />
L'<strong>en</strong>semble du travail part du constat de disparités<br />
importantes dans la façon de concevoir et mettre <strong>en</strong><br />
les cont<strong>en</strong>us d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> éducation<br />
physique et sportive (EPS) au collège. Nous faisons<br />
l'hypothèse que ces différ<strong>en</strong>ces s'expliqu<strong>en</strong>t par les<br />
variations liées aux caractéristiques sociales des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants et des publics scolaires. La façon dont les <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants définiss<strong>en</strong>t les cont<strong>en</strong>us de ce qu'il est légitime<br />
d'<strong>en</strong>seigner ainsi que les types de justifications qu'ils<br />
avanc<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t étroitem<strong>en</strong>t des types de publics<br />
scolaires auxquels ils s'adress<strong>en</strong>t. Ces choix, sociale¬<br />
m<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ciés, conduis<strong>en</strong>t à une distribution iné¬<br />
gale des savoirs et des compét<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> EPS <strong>en</strong>tre les<br />
différ<strong>en</strong>ts types d'établissem<strong>en</strong>ts scolaires et alim<strong>en</strong>¬<br />
t<strong>en</strong>t donc un processus d'inégalité <strong>en</strong>tre les élèves.<br />
Alors qu'<strong>en</strong> établissem<strong>en</strong>ts favorisés on vise l'acquisi¬<br />
tion d'une culture corporelle plurielle et diversifiée, <strong>en</strong><br />
établissem<strong>en</strong>ts défavorisés le choix se restreint à une<br />
éducation physique à dominante sportive. Les résul¬<br />
tats de la recherche nous invit<strong>en</strong>t à nous interroger sur<br />
les fondem<strong>en</strong>ts de cette distribution qui, selon le type<br />
d'établissem<strong>en</strong>t, sépare pratiques corporelles diversi¬<br />
fiées, plurielles et pratiques à dominante ess<strong>en</strong>tielle¬<br />
m<strong>en</strong>t sportive, qui sépare appr<strong>en</strong>tissage lié au<br />
développem<strong>en</strong>t individuel des élèves et appr<strong>en</strong>tissage<br />
de valeurs sociales, qui sépare pratique d'activités<br />
physiques et sportives (APS) <strong>en</strong> milieu incertain et<br />
pratique d'APS <strong>en</strong> milieu standardisé, et par consé¬<br />
qu<strong>en</strong>t, finalem<strong>en</strong>t, qui t<strong>en</strong>d à élargir, voire à <strong>en</strong>richir,<br />
ou au contraire à restreindre, voire à appauvrir, le<br />
champ des pratiques corporelles proposées.<br />
Cette réflexion autour des critères de sélection des<br />
cont<strong>en</strong>us de la culture scolaire est directem<strong>en</strong>t ins¬<br />
pirée des travaux <strong>en</strong>trepris dans le champ de la socio¬<br />
logie des curricula qui a servi de cadre théorique à<br />
cette recherche. En définissant le savoir véhiculé par<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t non plus comme une <strong>en</strong>tité absolue et<br />
douée d'une valeur intrinsèque mais comme une<br />
construction sociale, les sociologues de ce courant<br />
nous ont permis d'interroger, sous un angle nouveau,<br />
les pratiques corporelles proposées <strong>en</strong> cours d'EPS.<br />
JABOIN, Yveline. Enseignants des secondaires privé et<br />
public : une même conception des fonctions professo¬<br />
rales ? Analyse sociologique des déterminants de l'accès<br />
au professorat et des caractéristiques professionnelles<br />
des <strong>en</strong>seignants des secondaires privé et public.<br />
1 248 pages.<br />
Thèse de doctorat : Paris 5 : janvier 2000.<br />
Dirigée par Gabriel Langouet.<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES 147
En France, les mêmes règles régiss<strong>en</strong>t le professorat<br />
dans les secondaires privé et public. La loi DEBRÉ du<br />
31 décembre 1959 a instauré la parité des titres requis<br />
pour <strong>en</strong>seigner, la loi GUERMEUR du 25 novembre<br />
1977 celle des carrières <strong>en</strong>tre les professeurs du privé<br />
et du public. Depuis les accords LANG-CLOUPET du<br />
13 juin 1992 et du 11 janvier 1993, les <strong>en</strong>seignants du<br />
secondaire privé sont formés au sein des IUFM<br />
comme leurs homologues du public. Cep<strong>en</strong>dant, les<br />
professeurs du privé et du public n'ont ni la même his¬<br />
toire, ni le même statut par rapport à l'État. Les établis¬<br />
sem<strong>en</strong>ts privés ne sont associés à la mission de service<br />
public que depuis la loi DEBRÉ du 31 décembre 1959.<br />
Les <strong>en</strong>seignants du privé sont contractuels, ceux du<br />
public fonctionnaires. L'organisation de leur travail<br />
dép<strong>en</strong>d de l'autorité privée dans le secteur privé, de<br />
l'État dans le secteur public.<br />
Dans les années quatre-vingt-dix, les <strong>en</strong>seignants des<br />
deux secteurs partag<strong>en</strong>t-ils une même conception des<br />
fonctions professorales ? Pour répondre à cette ques¬<br />
tion, les trajectoires socioculturelles et les positions<br />
sociales, les dispositions et les prédispositions pour<br />
s'ori<strong>en</strong>ter vers le professorat, les parcours profession¬<br />
nels depuis l'<strong>en</strong>trée dans le métier, l'ét<strong>en</strong>due des fonc¬<br />
tions professorales et l'intériorisation des "normes<br />
d'emploi" ont été cernés à partir d'une <strong>en</strong>quête par<br />
questionnaire auprès de 2 479 <strong>en</strong>seignants des secon¬<br />
daires général, professionnel ou technologique exer¬<br />
çant pour moitié dans le privé et dans le public. Les<br />
trois départem<strong>en</strong>ts d'exercice des professeurs ont <strong>en</strong><br />
commun une implantation significative du privé par<br />
rapport au public. De l'analyse des déterminants de<br />
l'accès au métier et des caractéristiques professionnel¬<br />
les des <strong>en</strong>seignants, il ressort une conception des fonc¬<br />
tions professorales dans laquelle la compét<strong>en</strong>ce<br />
professionnelle se définit d'abord à partir de sa dim<strong>en</strong>¬<br />
sion pédagogique dans le privé, de sa composante dis¬<br />
ciplinaire dans le public.<br />
Titre communiqué par<br />
Bernard Chariot<br />
Professeur à l'Université de Paris 8-Saint-D<strong>en</strong>is<br />
GAUTHIER, Catherine. L'utilitarisme et l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t spécialisé (approche analytique des institutions).<br />
148<br />
424 pages.<br />
Thèse de doctorat : Paris 8 : novembre 1999.<br />
Dirigée par Bernard Chariot.<br />
La recherche est organisée <strong>en</strong> deux parties :<br />
1- L'utilitarisme et l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé.<br />
2- L'ordre gestionnaire et l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé.<br />
L'objet de cette recherche est le fonctionnem<strong>en</strong>t utilitariste<br />
de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé, qu'il s'agit d'ana¬<br />
lyser à travers des exemples précis. La thèse met <strong>en</strong><br />
évid<strong>en</strong>ce l'influ<strong>en</strong>ce de la p<strong>en</strong>sée utilitaire sur les pra¬<br />
tiques d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qui sont liées à l'éducation ou<br />
au soin. Elle montre que cette p<strong>en</strong>sée utilitaire orga¬<br />
nise le travail des institutions étudiées.<br />
Cette recherche démontre que les pratiques institu¬<br />
tionnelles de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spécialisé sont organi¬<br />
sées à partir de la notion "d'utile". Les sujets (prati¬<br />
ci<strong>en</strong>s ou <strong>en</strong>fants) sont pris dans l'organisation utili¬<br />
taire, de telle sorte que leur travail est r<strong>en</strong>du<br />
impossible, tant dans le domaine de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
que de l'éducation ou du soin.<br />
Du fait d'une p<strong>en</strong>sée utilitaire profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>ra¬<br />
cinée dans la culture qui souti<strong>en</strong>t et organise ces insti¬<br />
tutions spécialisées, l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ne se définit pas<br />
comme une transmission des savoirs mais une "ges¬<br />
tion" des populations dites <strong>en</strong> échec scolaire. L'insti¬<br />
tution spécialisée répète ainsi les mêmes difficultés<br />
que les institutions non spécialisées et manque ses<br />
objectifs. Des conséqu<strong>en</strong>ces apparaiss<strong>en</strong>t liées à cette<br />
hégémonie du paradigme utilitaire : les pratiques et<br />
les savoirs qui sont <strong>en</strong> puvre dans l'institution spé¬<br />
cialisée sont maint<strong>en</strong>us dans la méconnaissance de<br />
leurs spécificités, l'organisation gestionnaire<br />
détourne les disciplines et les pratiques, les sujets<br />
(pratici<strong>en</strong>s ou <strong>en</strong>fants) sont objectivés et confrontés<br />
au non-s<strong>en</strong>s des espaces, des temps et des actions de<br />
l'institution. La recherche met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce le li<strong>en</strong><br />
<strong>en</strong>tre le paradigme utilitaire et la notion d'"ordre"<br />
gestionnaire. Elle évoque le glissem<strong>en</strong>t actuel de<br />
l'idée de "gestion", et des pratiques dérivées des<br />
méthodes gestionnaires qui apparaiss<strong>en</strong>t tant dans<br />
les institutions que dans la vie quotidi<strong>en</strong>ne. La thèse<br />
fait apparaître les conséqu<strong>en</strong>ces de l'organisation<br />
gestionnaire du travail institutionnel, <strong>en</strong> particulier le<br />
détournem<strong>en</strong>t que la gestion fait subir aux autres<br />
pratiques, comme la médecine par exemple.<br />
Le paradigme utilitaire apparaît de sa forme contem-<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
poraine et institutionnelle : la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce de<br />
son importance permet de lire les termes d'inser¬<br />
tion", de "spécialisation ", de "rescolarisation" ou de<br />
"gestion" à partir de la pluralité de s<strong>en</strong>s que pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
ces notions sur le terrain. Les effets de l'organisation<br />
utilitaire s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t comme autant d'avatars : <strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t et appr<strong>en</strong>tissage difficiles ou impossibles,<br />
répétition de l'échec scolaire, illettrisme, éducation<br />
judiciaire illusoire, logique institutionnelle non-dite,<br />
détournem<strong>en</strong>t et captation des savoirs, déni de la<br />
subjectivité des sujets (pratici<strong>en</strong>s ou <strong>en</strong>fants). Il s'agit<br />
à partir de cette analyse de mettre à jour les possibili¬<br />
tés de travail qui s'organis<strong>en</strong>t malgré tout sur le ter¬<br />
rain institutionnel : résistance des pratici<strong>en</strong>s,<br />
différ<strong>en</strong>ces importantes <strong>en</strong>tre le projet politique et le<br />
travail de terrain, cheminem<strong>en</strong>ts des <strong>en</strong>fants dans le<br />
travail intellectuel ou les projets de vie, chemine¬<br />
m<strong>en</strong>ts des pratici<strong>en</strong>s dans l'analyse des fonctionne¬<br />
m<strong>en</strong>ts de l'institution, dévoilem<strong>en</strong>t des paradigmes à<br />
l'uvre dans l'organisation gestionnaire.<br />
tin il lin i -' r iwuttlÉ iwiifim m* miliar n inammin iinmm i»ihi<br />
Titres communiqué par<br />
G<strong>en</strong>eviève Jacquinot<br />
Professeur à l'Université de Parts 8<br />
CARDOSO-DALLA COSTA, Rosa Maria. Le rôle des<br />
journaux télévisés : étude de la réception chez les<br />
ouvriers de la ville de Curitiba, au Brésil.<br />
Thèse de doctorat : Paris 8 : décembre 1999.<br />
Dirigée par G<strong>en</strong>eviève Jacquinot.<br />
Ce travail de thèse est une étude de réception du jour¬<br />
nal télévisé brésili<strong>en</strong> auprès d'habitants du quartier<br />
Faz<strong>en</strong>dinha, à la périphérie de la ville de Curitiba,<br />
dans la région Sud du Brésil, réalisée d'août 1997 à<br />
février 1998. On y analyse le rôle des moy<strong>en</strong>s de com¬<br />
munication de masse dans une société économique¬<br />
m<strong>en</strong>t et culturellem<strong>en</strong>t déterminée, afin de prouver le<br />
statut de la télévision <strong>en</strong> tant que "terminal cognitif<br />
et ses modalités <strong>en</strong> tant qu'outil de transmission de<br />
connaissances.<br />
Pour ce faire, nous insérons le sujet réception dans<br />
l'analyse de la complexité des moy<strong>en</strong>s de communica¬<br />
tion de masse <strong>en</strong> cette fin du XX* siècle. Une com¬<br />
plexité qui compr<strong>en</strong>d avant tout la façon dont la<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES<br />
société est organisée, comm<strong>en</strong>t elle produit et partage<br />
ses richesses et comm<strong>en</strong>t elle reproduit ses formes de<br />
communication et ses expressions culturelles. Ensuite,<br />
elle compr<strong>en</strong>d la façon dont les moy<strong>en</strong>s de communi¬<br />
cation sont structurés dans ce système et comm<strong>en</strong>t y<br />
sont structurés les messages qu'ils transmett<strong>en</strong>t. Enfin,<br />
cette analyse cherche à expliquer le rôle du récepteur<br />
dans ce contexte macro social et les déterminants sub¬<br />
jectifs qui interfèr<strong>en</strong>t dans sa façon de recevoir,<br />
d'interpréter et de réélaborer ces messages.<br />
En accord avec cette ori<strong>en</strong>tation théorico-méthodologique,<br />
cette thèse a été structurée <strong>en</strong> trois parties, <strong>en</strong><br />
considérant trois aspects fondam<strong>en</strong>taux de la récep¬<br />
tion : le contexte social dans lequel elle se produit, la<br />
structure du message transmis et le contexte micro<br />
social d'un public déterminé. (...)<br />
MORDUCHOWICZ, Roxana. L'éducation aux<br />
médias <strong>en</strong> milieu défavorisé <strong>en</strong> Arg<strong>en</strong>tine. Vers la prise<br />
<strong>en</strong> compte de l'id<strong>en</strong>tité culturelle.<br />
Thèse de doctorat : Paris 8 : octobre 1999.<br />
Dirigée par G<strong>en</strong>eviève Jacquinot.<br />
Cette thèse <strong>en</strong>visage ce que pourrait être l'éducation<br />
aux médias dans des écoles de secteurs populaires. Elle<br />
s'attache à définir tout d'abord quelle est notre<br />
conception de l'éducation aux médias, pour analyser<br />
<strong>en</strong>suite le développem<strong>en</strong>t de cette proposition dans<br />
un milieu particulier : les écoles des secteurs défavori¬<br />
sés, notamm<strong>en</strong>t dans la ville de Bu<strong>en</strong>os Aires.<br />
L'école, qui prét<strong>en</strong>d être uniforme et homogène, finit<br />
par dépouiller de s<strong>en</strong>s toute l'expéri<strong>en</strong>ce et le contexte<br />
de la vie de l'<strong>en</strong>fant des secteurs sociaux démunis. Cet<br />
élève est obligé de s'ori<strong>en</strong>ter vers un contexte scolaire<br />
où prédomine une structure de signification diffé¬<br />
r<strong>en</strong>te, qu'il s'agisse des livres, des savoirs, de l'espace<br />
physique, de l'ordre, des relations sociales, du langage,<br />
de l'emploi de son corps... L'école établit ainsi une<br />
grande distance <strong>en</strong>tre l'<strong>en</strong>fant comme membre d'une<br />
famille et d'un groupe social et l'<strong>en</strong>fant comme élève,<br />
comme sujet de l'appr<strong>en</strong>tissage scolaire.<br />
La perspective de cette recherche s'inscrit dans la<br />
volonté d'explorer dans quelle mesure un pro¬<br />
gramme d'éducation aux médias pourrait "resigni¬<br />
fier" les expéri<strong>en</strong>ces quotidi<strong>en</strong>nes de ces élèves (où<br />
les médias occup<strong>en</strong>t une place importante) et, <strong>en</strong><br />
149
conséqu<strong>en</strong>ce, à ce qu'ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à l'école par<br />
rapport à ce qu'ils viv<strong>en</strong>t dans leur quotidi<strong>en</strong>neté.<br />
Notre étude cherche à définir une formation aux<br />
médias pour ces élèves qui puisse pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte et<br />
revaloriser l'id<strong>en</strong>tité culturelle de ces <strong>en</strong>fants. Il s'agit de<br />
contribuer (à partir d'un programme d'éducation aux<br />
médias) à "resignifier" le savoir scolaire, à générer des<br />
transformations dans la relation de ces <strong>en</strong>fants avec<br />
l'école, avec la connaissance et avec les médias.<br />
Nous avons t<strong>en</strong>té de mettre <strong>en</strong> une formation<br />
aux médias destinée aux <strong>en</strong>seignants qui travaill<strong>en</strong>t<br />
dans des écoles de secteurs populaires, pour qu'ils<br />
accept<strong>en</strong>t de légitimer les médias comme objet d'étude<br />
dans la classe, intègr<strong>en</strong>t et "resignifï<strong>en</strong>t" la quotidi<strong>en</strong>¬<br />
neté de ces <strong>en</strong>fants, reconnaiss<strong>en</strong>t ce qui les <strong>en</strong>thou¬<br />
siasme et les préoccupe afin qu'ils redécouvr<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
eux, leur motivation et leur capacité à appr<strong>en</strong>dre.<br />
La partie empirique de cette recherche porte sur le cas<br />
concret de huit classes dans quatre écoles primaires<br />
publiques de la ville de Bu<strong>en</strong>os Aires, situées dans<br />
deux quartiers différ<strong>en</strong>ts, qui partag<strong>en</strong>t des caractéris¬<br />
tiques similaires par rapport à la population qu'ils<br />
reçoiv<strong>en</strong>t. Les écoles ont été qualifiées comme "à grave<br />
risque pédagogique". La caractérisation de "grave<br />
risque pédagogique" se rapporte à l'échec scolaire et à<br />
certaines conditions qui, d'après les auteurs de ce<br />
rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t, accompagn<strong>en</strong>t cet échec (abs<strong>en</strong>téisme,<br />
"surâge", redoublem<strong>en</strong>t, profession des par<strong>en</strong>ts, com¬<br />
position des familles et g<strong>en</strong>re de logem<strong>en</strong>t). (...)<br />
SARMIENTO, Sergio. Les conceptions de l'éducation et des<br />
médias sous-jac<strong>en</strong>tes aux actions d'éducation aux médias :<br />
les "Classes Image et médias" de l'Académie de Paris.<br />
Thèse de doctorat : Paris 8 : mai 1999.<br />
Dirigée par G<strong>en</strong>eviève Jacquinot.<br />
Cette thèse porte sur les fondem<strong>en</strong>ts théoriques de<br />
l'éducation aux médias. Elle s'attache tout particuliè¬<br />
rem<strong>en</strong>t à cerner quelles sont les conceptions de l'édu¬<br />
cation et des médias sous-jac<strong>en</strong>tes aux pratiques qui se<br />
font dans ce champ. Éducation aux médias est<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>due ici comme les pratiques éducatives dans les¬<br />
quelles les médias sont considérés <strong>en</strong> tant qu'objet<br />
d'étude et non <strong>en</strong> tant que support mis au service des<br />
disciplines traditionnelles. Elle nous intéresse dans la<br />
mesure où elle s'inscrit dans un projet pédagogique,<br />
voire politique, d'éducation à la citoy<strong>en</strong>neté.<br />
Nous portons une att<strong>en</strong>tion particulière à la télévi¬<br />
sion, car <strong>en</strong> tant qu'objet d'étude, elle demeure l'un<br />
des médias les plus controversés quant à son intégra¬<br />
tion dans le système éducatif. Sa consommation mas¬<br />
sive - d'où sa fonction de li<strong>en</strong> social - et l'influ<strong>en</strong>ce<br />
qu'elle peut avoir sur le public, notamm<strong>en</strong>t auprès<br />
des jeunes, l'impliqu<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t dans la forma¬<br />
tion du futur citoy<strong>en</strong>.<br />
Toute action dans le champ de l'éducation aux<br />
médias est le résultat d'une conception particulière<br />
de l'éducation et d'une conception particulière des<br />
médias, même si ces conceptions sont implicites,<br />
partielles ou inconsci<strong>en</strong>tes. Pour l'éducation aux<br />
médias, la situation semble <strong>en</strong>core plus compliquée<br />
que pour le reste des pratiques éducatives : personne<br />
(ou presque) n'ayant de théorie claire, les acteurs de<br />
terrain ne peuv<strong>en</strong>t s'appuyer sur un cadre "théo¬<br />
rique" de référ<strong>en</strong>ce. S'interroger sur les conceptions<br />
sous-jac<strong>en</strong>tes conduit à s'interroger sur la question<br />
du s<strong>en</strong>s de ces actions. Cette problématique est issue<br />
de l'expéri<strong>en</strong>ce que nous avons cumulée dans le<br />
champ de l'éducation aux médias, aussi bi<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />
Arg<strong>en</strong>tine qu'<strong>en</strong> France. Elle a <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré l'intuition<br />
que, par le biais de la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce des concep¬<br />
tions implicites des <strong>en</strong>seignants, on pouvait mieux<br />
cerner la question du s<strong>en</strong>s des pratiques.<br />
La perspective de cette recherche s'inscrit dans la<br />
volonté d'explorer les présupposés théoriques à partir<br />
de l'analyse des pratiques concrètes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
dans le cadre d'une opération d'éducation aux médias.<br />
La partie empirique porte sur un cas concret : l'expéri¬<br />
m<strong>en</strong>tation Classes Image et médias de l'Académie de<br />
Paris. Dans cette opération, 15 collèges, 49 <strong>en</strong>seignants<br />
et 25 classes de 6e et de 5e ont été impliqués. Elle s'est<br />
déroulée p<strong>en</strong>dant deux années, et nous y avons été<br />
associé pour observer les classes p<strong>en</strong>dant la deuxième<br />
année de cette innovation (1996-1997).<br />
Il s'agit d'une recherche praxéologique - dans la<br />
mesure où l'objectif est d'avoir un impact sur les pra¬<br />
tiques - et d'inspiration herméneutique, puisque son<br />
but est d'approfondir le s<strong>en</strong>s des situations privilé¬<br />
giant l'int<strong>en</strong>tionnalité. Il s'agit bi<strong>en</strong> ici d'une<br />
recherche pédagogique (pour l'éducation), dont<br />
l'approche théorique et méthodologique est la multi¬<br />
référ<strong>en</strong>tialité. Même si cette recherche reste avant<br />
tout une recherche pédagogique, elle se trouve au<br />
150 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
carrefour des sci<strong>en</strong>ces de l'éducation et des sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'information et de la communication.<br />
Quant à la position du chercheur, méthodologiquem<strong>en</strong>t<br />
celle-ci se situe dans une zone de t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre<br />
deux démarches : l'une à visée objectivante et l'autre<br />
à référ<strong>en</strong>ce implicative. En effet, le projet de départ a<br />
été conçu comme une démarche d'observation exté¬<br />
rieure. Progressivem<strong>en</strong>t nous nous sommes situé<br />
davantage dans un processus d'observation partici¬<br />
pante, sans pour autant l'avoir érigé comme un prin¬<br />
cipe de notre action de recherche. (...)<br />
Titre communiqué par<br />
-Gilfes-Br-eugère-<br />
miMiiMM>iriiHiWiii*n * -*"-- .-..>. -.~~»..~<br />
=Professcur=à=PymvePsité^de=Pans=i4=<br />
MUNIZ, Cristiano Alberto. Jeux de société et activité<br />
mathématique chez l'<strong>en</strong>fant.<br />
Thèse de doctorat : Paris 13 : juillet 1999.<br />
Dirigée par Gilles Brougère.<br />
Notre recherche est c<strong>en</strong>trée sur l'analyse de la nature<br />
de l'activité mathématique mise <strong>en</strong> uvre par<br />
l'<strong>en</strong>fant dans le jeu de société. L'objectif ess<strong>en</strong>tiel est<br />
de mieux connaître les possibilités et les limites de ces<br />
jeux pour favoriser des activités mathématiques chez<br />
l'<strong>en</strong>fant sans une participation directe de l'adulte.<br />
Ainsi, cette recherche se place à un carrefour théo¬<br />
rique <strong>en</strong>tre la psychologie cognitive, les sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation et les didactiques des mathématiques.<br />
Le travail sur le terrain s'est déroulé dans une ludo¬<br />
thèque avec 21 <strong>en</strong>fants de 6 à 12 ans. L'analyse des<br />
données nous conduit à une vision plus critique sur<br />
les rapports <strong>en</strong>tre jeux et activités mathématiques.<br />
L'activité mathématique subordonnée à une culture<br />
ludique et réalisée spontaném<strong>en</strong>t par l'<strong>en</strong>fant<br />
<strong>en</strong>globe des questions comme la véracité et la valida¬<br />
tion du savoir mathématique dans le jeu.<br />
L'étude ethnologique des jeux de société montre la<br />
grande richesse des activités mathématiques des<br />
n<strong>en</strong>ikiïtsreriejrrré^u^^<br />
=ditéd^avoir-=un^apprHertissage^malliématique^dans-<br />
^eirsitualioiisr^e^<br />
-dlum slrueturreTfudiqjUe^fferte-par le monde^duKfe<br />
à une culture peut poser des problèmes à<br />
l'introduction du jeu dans l'éducation mathéma¬<br />
tique <strong>en</strong> raison de la distance observée <strong>en</strong>tre l'acti¬<br />
vité mathématique que les sujets réalis<strong>en</strong>t dans le jeu<br />
et celle att<strong>en</strong>due dans le contexte de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
scolaire des mathématiques.<br />
Titre communiqué par<br />
Paul Durning<br />
Professeur à l'Université de Paris X-Nanterre<br />
d'aide et représ<strong>en</strong>tations sociales dans le champ de la<br />
=pmtec-iWMÂiXmfame,<br />
=34iS^)ages^F=63 pages d'annexés.<br />
Thèse de doctorat : Paris 10 : juin 1999.<br />
Dirigée par Paul Durning.<br />
En se fondant sur une analyse critique du regard<br />
sociologique sur le travail social puis un essai de<br />
définition de ce dernier <strong>en</strong> tant qu'institution de<br />
nomination et de prise <strong>en</strong> charge de la déviance ; <strong>en</strong><br />
pr<strong>en</strong>ant appui sur la théorie des représ<strong>en</strong>tations<br />
sociales, il fut question d'appréh<strong>en</strong>der au niveau des<br />
acteurs que sont les travailleurs sociaux, la manière<br />
dont se construit une représ<strong>en</strong>tation d'autrui dans le<br />
cadre d'une relation d'aide. Les résultats permett<strong>en</strong>t<br />
de montrer combi<strong>en</strong> cette représ<strong>en</strong>tation apparaît<br />
marquée par la question du possible, <strong>en</strong> particulier<br />
le possible de l'exercice du métier, et comm<strong>en</strong>t le<br />
s<strong>en</strong>s donné à l'action par les travailleurs sociaux<br />
participe du s<strong>en</strong>s de l'institution qui les précède et<br />
les contraint.<br />
Se situant dans une perspective comparative, la<br />
recherche a porté sur le secteur de la protection de<br />
l'<strong>en</strong>fance et concerné deux professions (assistante<br />
sociale et éducateur spécialisé) et cinq terrains d'exer¬<br />
cice professionnel, dont trois terrains spécifiques à<br />
l'une ou l'autre des professions et deux autres communs.<br />
Dans un premier temps, par le recours à la tech-<br />
^liquer-dejîr-as^ocja^<br />
Til^tWiasObt^i^^ I^j^n&T^acli^^<br />
HâtiônT^onco^<br />
^^uirui^représ<strong>en</strong>tation du^néIier^du^ojiiexie,^dè<br />
imS^KV^TOJREripsrraÈSESr =tst=
v<strong>en</strong>tion - ici l'adolesc<strong>en</strong>ce -), ont été repérés. Ce repé¬<br />
rage a <strong>en</strong>suite servi de guide pour effectuer une analyse<br />
de récits d'accompagnem<strong>en</strong>ts d'adolesc<strong>en</strong>ts recueillis<br />
au cours d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s non-directifs, chaque profes¬<br />
sionnel r<strong>en</strong>contré étant am<strong>en</strong>é à évoquer deux situa¬<br />
tions, l'une ayant évolué favorablem<strong>en</strong>t, l'autre de<br />
manière problématique. Si l'<strong>en</strong>semble des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s<br />
ont été soumis à une analyse thématique et un traite¬<br />
m<strong>en</strong>t factoriel, cinq d'<strong>en</strong>tre eux ont fait l'objet d'une<br />
approche plus clinique.<br />
Titres communiqués par<br />
Michel Bataille<br />
Professeur à l'Université de Toulouse-Le Mirail<br />
BONANGE, Jean-Bernard. Le clown, interv<strong>en</strong>ant<br />
social. Le miroir du clown dans les réunions institution¬<br />
nelles. Contribution à une praxéologie de l'interv<strong>en</strong>tion<br />
par cond<strong>en</strong>sation symbolique.<br />
353 pages.<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : février 1999.<br />
Dirigée par Jean Ferrasse.<br />
A partir des années quatre-vingt, une pratique<br />
d'interv<strong>en</strong>tion sociale par le clown s'est développée<br />
<strong>en</strong> France et <strong>en</strong> Europe francophone sous l'appella¬<br />
tion "clownanalyse". Elle consiste à donner le point de<br />
vue des clowns sur ce qui se passe et se dit dans les<br />
réunions de travail d'organisations professionnelles,<br />
économiques, associatives, syndicales ou de forma¬<br />
tion. La thèse propose un modèle d'intelligibilité de<br />
"l'interv<strong>en</strong>tion clown" définie comme l'introduction<br />
d'un dispositif théâtral impromptu et comique au<br />
sein d'une réunion sérieuse. Dans la lignée des<br />
"clowns sacrés" et des "fous du roi", le clown devi<strong>en</strong>t un<br />
interv<strong>en</strong>ant institutionnel proposant un détour par le<br />
jeu symbolique et la représ<strong>en</strong>tation.<br />
L'étude des processus mis <strong>en</strong> jeu s'appuie sur une<br />
analyse des représ<strong>en</strong>tations des "utilisateurs"<br />
(<strong>en</strong>quêtes) et des improvisations produites par les<br />
clowns (observations). M<strong>en</strong>ée dans une perspective<br />
dialectique, elle met <strong>en</strong> valeur que toute réunion est<br />
confrontée à une contradiction interne de type inté¬<br />
gration/différ<strong>en</strong>ciation. L'interv<strong>en</strong>tion du clown<br />
ouvre alors un espace de mobilité susceptible de<br />
répondre au déséquilibre ou au manque énergé¬<br />
tique et symbolique du micro-système par un<br />
"réaménagem<strong>en</strong>t du jeu interactifglobal" (Ferrasse).<br />
Le clown, par sa contribution spécifique <strong>en</strong> tant que per¬<br />
turbateur, passeur et médiateur/révélateur, fait fonc¬<br />
tion de miroir cond<strong>en</strong>sateur symbolique <strong>en</strong> r<strong>en</strong>voyant<br />
à l'assemblée un cond<strong>en</strong>sé d'images de la réalité et du<br />
mythe de son id<strong>en</strong>tité dont le s<strong>en</strong>s est interprété par les<br />
participants.<br />
La thèse confirme sa visée praxéologique <strong>en</strong> étudiant<br />
les opérations m<strong>en</strong>ées <strong>en</strong> amont et au cours du jeu<br />
improvisé et <strong>en</strong> proposant un modèle praxique de<br />
l'interv<strong>en</strong>tion des clowns dans les micro-systèmes<br />
sociaux laquelle exige des compét<strong>en</strong>ces institutionnel¬<br />
les et artistiques. Elle prolonge sa portée heuristique <strong>en</strong><br />
examinant les ouvertures que la connaissance de<br />
l'interv<strong>en</strong>tion clown peut apporter aux autres praxis<br />
de l'interv<strong>en</strong>tion et de la formation.<br />
CHARRAT, Françoise. Un dispositif innovant defor¬<br />
mation continue. Une expéri<strong>en</strong>ce d'un groupe d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnantes : le premier degré.<br />
501 pages.<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : juillet 1999.<br />
Dirigée par Jacques Fijalkow.<br />
Malgré le foisonnem<strong>en</strong>t de connaissances sci<strong>en</strong>tifi¬<br />
ques produites par les chercheurs et les dispositifs de<br />
formation continue offerts par l'institution, la trans¬<br />
formation des pratiques <strong>en</strong>seignantes demeure l<strong>en</strong>te.<br />
La problématique de cette recherche est celle de la<br />
formation continue de l'<strong>en</strong>seignant basée sur une<br />
transformation continue et contextualisée de la pra¬<br />
tique quotidi<strong>en</strong>ne.<br />
La question posée est de savoir si un dispositif de<br />
recherche-action-formation, dans lequel une équipe<br />
de chercheurs propose à un groupe d'<strong>en</strong>seignants<br />
une démarche innovante d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, conduit à<br />
une transformation des pratiques individuelles. Il<br />
s'agit de savoir dans ce dispositif dit "zone proximale<br />
de transformation", quels facteurs favoris<strong>en</strong>t une<br />
transformation de la pratique individuelle. Les résul¬<br />
tats de l'expéri<strong>en</strong>ce, mise <strong>en</strong> place durant trois ans,<br />
montr<strong>en</strong>t que la grande majorité des <strong>en</strong>seignantes<br />
concernées s'<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t dans une démarche innovante<br />
et s'autoris<strong>en</strong>t une transformation de leur pratique<br />
personnelle. Le dispositif, <strong>en</strong> tant que système res-<br />
152 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
source, offre un étayage cognitif et affectif au sein<br />
d'un espace de parole, de conflits et prise de décision<br />
cons<strong>en</strong>suelle. 11 favorise l'analyse des pratiques indi¬<br />
viduelles, <strong>en</strong> contribuant au développem<strong>en</strong>t de<br />
méta-compét<strong>en</strong>ces nécessaires à la formation<br />
continue ; il permet un contrôle régulatoire de la mise<br />
<strong>en</strong> uvre de l'innovation. L'exist<strong>en</strong>ce du groupe limite<br />
le risque de rupture sociale qu'appréh<strong>en</strong>de un <strong>en</strong>sei¬<br />
gnant s'<strong>en</strong>gageant dans une innovation. Ce groupe a<br />
été un contexte de co-formation et de co-évaluation au<br />
fil d'une démarche d'essais et erreurs dynamisée par<br />
une co-analyse. Dans un tel contexte, l'<strong>en</strong>seignant a<br />
été auteur réfléchi de sa pratique.<br />
DUPRAT, Christel. L'influ<strong>en</strong>ce de la littérature dejeu-<br />
^esse^ur iïmiigiMÙrejjeJj<strong>en</strong>fiwL<br />
~274~pagë~s;<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : décembre<br />
1999.<br />
Dirigée par Claude Bernard.<br />
Les deux premiers volets de cette thèse sont d'ordre<br />
théorique. De l'ébauche à l'élaboration de l'hypothèse<br />
de départ, le premier nous permet de parcourir les<br />
domaines propres à chacune des notions, et d'établir<br />
leur mise <strong>en</strong> relation. Ainsi, de leur source à leur spécifi¬<br />
cité, la littérature de jeunesse et l'imaginaire de l'<strong>en</strong>fant<br />
sont <strong>en</strong>visagés dans une perspective psychopédago¬<br />
gique commune. Nous explorerons l'univers esthétique<br />
de l'écriture et le langage propre à la psyché. Cet itiné¬<br />
raire de la psychanalyse appliquée nous conduira à<br />
l'hypothèse proprem<strong>en</strong>t dite relative à la littérature de<br />
jeunesse et à l'imaginaire de l'<strong>en</strong>fant. Le deuxième volet<br />
développe plus précisém<strong>en</strong>t l'hypothèse de recherche<br />
au regard de son contexte psychopédagogique. Nous<br />
apporterons des informations sur la fonction psy¬<br />
chologique des livres pour <strong>en</strong>fants (organisation et<br />
structuration psychiques), et sur leur fonction péda¬<br />
gogique (stimulation et motivation cognitives).<br />
Les deux derniers volets, d'ordre empirique, consti¬<br />
tu<strong>en</strong>t la vérification de l'hypothèse théorique. Dans le<br />
-^rroisi^m^r-nous few<br />
dïâ1bum^g<strong>en</strong>re=littéraire^^<br />
rain. L'historique de celui-ci nous amènera à considé¬<br />
rer sxjn intérêt psy^ologique^et son intérêt<br />
pédagogique. Pour terminer, nous prés<strong>en</strong>terons, dans<br />
^<strong>en</strong>quiU^ième^J^<br />
prétations qualitatives des deux <strong>en</strong>quêtes complém<strong>en</strong>¬<br />
taires, qui nous permettront de confirmer l'influ<strong>en</strong>ce<br />
du livre de jeunesse sur l'imaginaire de l'<strong>en</strong>fant, sur les<br />
plans clinique et scolaire.<br />
PIASER, Alain. Représ<strong>en</strong>tations professionnelles à<br />
l'école. Particularités selon le statut : <strong>en</strong>seignant,<br />
inspecteur.<br />
589 pages.<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : janvier 1 999.<br />
Dirigée par Michel Bataille.<br />
Ce travail soumet à validation la notion de Représ<strong>en</strong>¬<br />
tations Professionnelles.<br />
Dans le cadre plus général de la théorie des Représ<strong>en</strong>¬<br />
tations Sociales, les Représ<strong>en</strong>tations Professionnelles<br />
sonrspèeifique^<br />
elles circul<strong>en</strong>t auprès des membres de la profession et<br />
concern<strong>en</strong>t les objets professionnels habituels.<br />
L'opérationnalisation de la notion s'effectue ici sur le<br />
terrain de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t élém<strong>en</strong>taire public. Des<br />
<strong>en</strong>seignants de l'école élém<strong>en</strong>taire et des inspecteurs<br />
de l'éducation nationale sont interrogés sur un<br />
<strong>en</strong>semble d'objets professionnels : leur profession,<br />
l'école primaire, les élèves accueillis, l'évaluation, la<br />
formation continue, l'information professionnelle.<br />
L'analyse des élém<strong>en</strong>ts de ces corpus permet de véri¬<br />
fier trois hypothèses :<br />
Le statut professionnel est le premier critère différ<strong>en</strong>ciateur<br />
des représ<strong>en</strong>tations professionnelles.<br />
En cas d'objets communs aux deux professions,<br />
chacune d'<strong>en</strong>tre elles structure de façon spécifique<br />
ses prises de position.<br />
==Il=e"s^p^Dysibte"dt"m=o=ntref1Jexiste^lce^de^iaisons=<br />
<strong>en</strong>tre les diverses représ<strong>en</strong>tations professionnelles de<br />
chacune des professions.<br />
C'est à la suite de la vérification de ces trois hypothè¬<br />
ses que nous proposons de parler de système de repré¬<br />
s<strong>en</strong>tations professionnelles.<br />
RAGANO, Serge. L'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture : étude<br />
de quelques stratégies.<br />
708 pages.<br />
4^ME^RVA,TOJJiE=aESJaiÈ\SiiS=<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : janvier 1999.<br />
Dirigée par Jacques Fijalkow.<br />
TTobjeUle cette recherche est d'étudier comm<strong>en</strong>t les<br />
-ejifaiils^eXkMr^JrU^<br />
J53_
deux premières études se propos<strong>en</strong>t, à travers un<br />
protocole d'observation des erreurs <strong>en</strong> lecture orale,<br />
de tester la validité des hypothèses développem<strong>en</strong>ta¬<br />
les de l'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture dans des situations<br />
de lecture de phrases. Les résultats montr<strong>en</strong>t des stra¬<br />
tégies d'id<strong>en</strong>tification reposant d'abord sur des voies<br />
grapho-sémantique puis grapho-phonétique, mais la<br />
relative concomitance des deux phénomènes inva¬<br />
lide une conception <strong>en</strong> stade. De plus, l'importance<br />
des réponses impliquant le contexte suggèr<strong>en</strong>t une<br />
conceptualisation de l'acquisition à la fois plus<br />
souple et plus large. La troisième recherche, longitu¬<br />
dinale, étudie la co-évolution et l'interaction des<br />
sources d'indices formels, phonétiques et syntaxico-sémantiques<br />
dans des tâches de signalem<strong>en</strong>t,<br />
d'id<strong>en</strong>tification de mots et de pseudo-mots dans des<br />
contextes linguistiques contrastés (abs<strong>en</strong>t, neutre,<br />
prédictif). Les résultats t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à tracer une recons¬<br />
truction de l'acte lexique plurielle dans le s<strong>en</strong>s où elle<br />
intègre des phases de co-évolution, d'exclusion, de<br />
dominance et d'interaction des sources d'indices, <strong>en</strong><br />
fonction du niveau de maîtrise de la langue des<br />
<strong>en</strong>fants et de la nature du matériau linguistique.<br />
Mais, <strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce de schéma développem<strong>en</strong>tal<br />
directeur, la quatrième expéri<strong>en</strong>ce explore, dans une<br />
vision socio-constructiviste, l'influ<strong>en</strong>ce de facteurs<br />
didactiques contrastés (emphase sur le code, le s<strong>en</strong>s<br />
ou les deux) sur l'évolution des stratégies <strong>en</strong> lecture<br />
orale des <strong>en</strong>fants. Les résultats, modestes mais évocateurs,<br />
suggèr<strong>en</strong>t la nécessité d'un modèle de l'acquisi¬<br />
tion de la langue qui puisse pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte la<br />
variabilité du matériau linguistique, de l'<strong>en</strong>fant dans<br />
sa manière de découvrir la langue, et des pratiques<br />
didactiques qui structur<strong>en</strong>t (positivem<strong>en</strong>t ou négati¬<br />
vem<strong>en</strong>t) cette découverte.<br />
RIVANO, Pierre. L'<strong>en</strong>seignant et son rapport aux<br />
conduites motivationnelles des élèves. Le cas des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants de collège.<br />
657 pages.<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : juin 1999.<br />
Dirigée par Marc Bru.<br />
Il s'agit de mieux connaître un aspect de l'action<br />
<strong>en</strong>seignante dans son rapport avec les conduites<br />
motivationnelles des élèves. Nous avons élaboré un<br />
référ<strong>en</strong>tiel du concept de conduites motivationnelles<br />
des élèves qui permet d'<strong>en</strong> étudier les différ<strong>en</strong>tes<br />
dim<strong>en</strong>sions.<br />
C'est <strong>en</strong> rapport avec ces dim<strong>en</strong>sions que nous avons<br />
étudié les déclarations des <strong>en</strong>seignants à qui nous<br />
avons posé la question : "comm<strong>en</strong>t faites-vous pour<br />
motiver vos élèves ?". L'analyse des discours recueil¬<br />
lis nous a conduit à définir des profils d'<strong>en</strong>seignants<br />
qui, par leur action, recherch<strong>en</strong>t à faire émerger des<br />
conduites motivationnelles chez les élèves. L'exam<strong>en</strong><br />
de l'influ<strong>en</strong>ce de variables de contexte sur ces profils<br />
montre l'exist<strong>en</strong>ce de différ<strong>en</strong>tes relations ou effets<br />
(établissem<strong>en</strong>t, matière,... ) dans l'action didactique.<br />
L'analyse des discours des <strong>en</strong>seignants nous a égale¬<br />
m<strong>en</strong>t permis de construire une grille d'observation des<br />
séqu<strong>en</strong>ces d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, afin de mieux connaître<br />
les profils de l'action <strong>en</strong>seignante <strong>en</strong> rapport avec<br />
l'émerg<strong>en</strong>ce de conduites motivationnelles chez les<br />
élèves. Comme pour les actions déclarées, nous avons<br />
pu mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce différ<strong>en</strong>tes relations ou effets<br />
(matière, âge,...) dans les profils décrits.<br />
La mise <strong>en</strong> regard des analyses des discours et des<br />
observations réalisées <strong>en</strong> situation de classe nous<br />
conduit à deux conclusions :<br />
Les <strong>en</strong>seignants qui, dans leur action, recherch<strong>en</strong>t<br />
l'émerg<strong>en</strong>ce de conduites motivationnelles, déve¬<br />
lopp<strong>en</strong>t des profils différ<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> fonction des dim<strong>en</strong>¬<br />
sions considérées de ces conduites ;<br />
Ces profils de l'action didactique <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
des relations avec des variables de contexte.<br />
Nous avons <strong>en</strong>fin constaté que les <strong>en</strong>seignants<br />
avai<strong>en</strong>t une vision plus négative du point de vue que<br />
pouvai<strong>en</strong>t avoir les élèves sur l'école que les résultats<br />
de notre étude auprès des collégi<strong>en</strong>s ne le laissai<strong>en</strong>t<br />
paraître. Cet écart peut constituer un obstacle à<br />
l'action des <strong>en</strong>seignants qui recherch<strong>en</strong>t l'émerg<strong>en</strong>ce<br />
de conduites motivationnelles.<br />
SAALITI, El Mostapha. Représ<strong>en</strong>tations de l'av<strong>en</strong>ir et<br />
projets de lycé<strong>en</strong>s issus de l'immigration maghrébine <strong>en</strong><br />
France (niveau terminale).<br />
270 pages.<br />
Thèse de doctorat : Toulouse-Le Mirail : mars 1999.<br />
Dirigée par Michel Bataille.<br />
Cette recherche porte sur l'étude des représ<strong>en</strong>tations<br />
d'av<strong>en</strong>ir et des projets de lycé<strong>en</strong>s d'origine maghré¬<br />
bine <strong>en</strong> France scolarisés au niveau terminale. Pour<br />
154 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
dépasser certaines lacunes inhér<strong>en</strong>tes aux modèles<br />
théoriques qui ont traité la question de l'av<strong>en</strong>ir pro¬<br />
fessionnel (sa g<strong>en</strong>èse, les facteurs déterminants... ),<br />
notamm<strong>en</strong>t la théorie du développem<strong>en</strong>t vocationnel<br />
qui met l'acc<strong>en</strong>t sur les lois et les mécanismes psycho¬<br />
logiques généraux tout <strong>en</strong> occultant les différ<strong>en</strong>ces<br />
individuelles, et la théorie de l'habitus qui définit les<br />
individus comme des ag<strong>en</strong>ts agis, condamnés, par<br />
l'intériorisation des stratégies inconsci<strong>en</strong>tes, à repro¬<br />
duire le passé et le réactualiser dans l'av<strong>en</strong>ir, nous<br />
avons adopté un regard psycho-social qui considère<br />
les lycé<strong>en</strong>s d'origine maghrébine comme des acteurs<br />
insérés dans un système scolaire hiérarchisé. C'est<br />
bi<strong>en</strong> le li<strong>en</strong> significatif <strong>en</strong>tre les insertions scolaires et<br />
les représ<strong>en</strong>tations d'av<strong>en</strong>ir qui constituait l'hypothèse<br />
générale de cette recherche. Pour vérifier notre hypo¬<br />
thèse, nous avons interrogé les lycé<strong>en</strong>s sur les études<br />
qu'ils veul<strong>en</strong>t poursuivre après le baccalauréat, les<br />
métiers qu'ils veul<strong>en</strong>t exercer plus tard et les motifs de<br />
leurs choix. Les résultats des analyses bidim<strong>en</strong>tionnelles<br />
et multidim<strong>en</strong>tionnelles montr<strong>en</strong>t que les réponses des<br />
sujets de notre échantillon sont diverg<strong>en</strong>tes. La mise <strong>en</strong><br />
relation <strong>en</strong>tre ces réponses et les variables indép<strong>en</strong>dan¬<br />
tes montre que la "section scolaire" est la variable la<br />
plus déterminante des projets et des représ<strong>en</strong>tations<br />
d'av<strong>en</strong>ir. Ceci témoigne de l'influ<strong>en</strong>ce de l'ori<strong>en</strong>tation<br />
scolaire sur la manière dont les jeunes lycé<strong>en</strong>s se repré¬<br />
s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leur av<strong>en</strong>ir. L'ori<strong>en</strong>tation n'est pas strictem<strong>en</strong>t<br />
scolaire et les baccalauréats préparés ne procur<strong>en</strong>t pas<br />
le même bonheur selon qu'on se prépare à dev<strong>en</strong>ir<br />
employé ou ingénieur.<br />
Titre communiqué par<br />
Gaston Pineau<br />
Professeur à l'Université Francois Rabelais de Tours<br />
FRADET-THIBAULT, Marie-Christine. Profession¬<br />
nalisation et formation expéri<strong>en</strong>tielle des métiers de la<br />
formation : contribution a la construction d'un modèle<br />
alternant, au croisem<strong>en</strong>t des savoirs formels, expéri<strong>en</strong>¬<br />
tiels et exist<strong>en</strong>tiels.<br />
Formation<br />
724 pages.<br />
OBSERVATOIRE DES THÈSES<br />
Thèse de doctorat : Sci<strong>en</strong>ces de l'éducation et de la<br />
formation : Tours : janvier 2000.<br />
Dirigée par Gaston Pineau.<br />
Depuis la loi de 1971, et pour répondre aux besoins<br />
<strong>en</strong> évolution de la société, la formation continue a<br />
connu un accroissem<strong>en</strong>t lui conférant, <strong>en</strong> France, le<br />
statut de secteur économique. Ses ag<strong>en</strong>ts ont déve¬<br />
loppé des compét<strong>en</strong>ces diversifiées, leur profession¬<br />
nalisme est reconnu mais ils évolu<strong>en</strong>t toujours aux<br />
frontières de la profession. S'ils ont acquis une part<br />
des attributs de la profession type, ils ne peuv<strong>en</strong>t tou¬<br />
tefois démontrer la possession d'un savoir préalable¬<br />
m<strong>en</strong>t délimité. Le processus ainsi défini adopte une<br />
perspective exclusive d'accès au savoir selon le<br />
modèle de la sci<strong>en</strong>ce appliquée quand les métiers de<br />
la formation comme toute néo-profession ont pro¬<br />
duit, diffusé et utilisé leurs propres savoirs.<br />
Il conv<strong>en</strong>ait ainsi d'observer la production du savoir<br />
(sci<strong>en</strong>ce et compét<strong>en</strong>ce) de formateur, <strong>en</strong> posant<br />
l'hypothèse d'un mouvem<strong>en</strong>t de "professionnalisa¬<br />
tion expéri<strong>en</strong>tielle" se caractérisant par une dyna¬<br />
mique <strong>en</strong>tre expérim<strong>en</strong>tation et conceptualisation,<br />
selon le modèle nord-américain de la formation<br />
expéri<strong>en</strong>tielle. Cette problématique a conduit à pos¬<br />
tuler la mise <strong>en</strong> interactions de savoirs formels, expé¬<br />
ri<strong>en</strong>tiels et exist<strong>en</strong>tiels, <strong>en</strong> s'ouvrant alors au courant<br />
germanique de la Bildung'. Afin de vérifier la posses¬<br />
sion des attributs de la profession et d'explorer les<br />
voies de constitution du savoir à soumettre nécessai¬<br />
rem<strong>en</strong>t à la validation sociale, cette recherche a ques¬<br />
tionné, selon deux méthodologies, une population<br />
représ<strong>en</strong>tative des métiers de la formation : les sta¬<br />
giaires ou titulaires d'un DESS.<br />
Une <strong>en</strong>quête établit l'état de possession des attributs<br />
types <strong>en</strong> examinant systématiquem<strong>en</strong>t les facteurs<br />
influ<strong>en</strong>çant la réussite au diplôme, passeport pour<br />
l'accès au statut de profession. L'analyse anthopoformative<br />
de récits de vie démontre les li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les<br />
trois dim<strong>en</strong>sions du savoir de formateur et particu¬<br />
lièrem<strong>en</strong>t les fondem<strong>en</strong>ts expéri<strong>en</strong>tiels et exist<strong>en</strong>tiels<br />
du savoir formel.<br />
155
BIBLIOGRAPHIE<br />
COURANTE
PLAN DE CLASSEMENT<br />
A. Sci<strong>en</strong>ces humaines et sci<strong>en</strong>ces de l'éducation<br />
B. Philosophie, histoire et éducation<br />
C. Sociologie et éducation<br />
D. Économie, politique,<br />
démographie et éducation<br />
E. Psychologie et éducation<br />
F. Psychosociologie et éducation<br />
G. Sémiologie, communication, linguistique<br />
et éducation<br />
H. Biologie, corps humain, santé, sexualité<br />
K. Organisation et politique de l'éducation<br />
L. Niveaux d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
M. Personnels de l'éducation et de la formation<br />
N. Ori<strong>en</strong>tation, emploi<br />
O. Environnem<strong>en</strong>t éducatif<br />
P. Méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et évaluation<br />
R. Moy<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et technologie<br />
éducative<br />
S. Enseignem<strong>en</strong>t des disciplines (1)<br />
Langues et littérature, Sci<strong>en</strong>ces humaines et<br />
sociales, Education artistique,<br />
Education physique et sportive, etc.<br />
T. Enseignem<strong>en</strong>t des disciplines (2)<br />
Sci<strong>en</strong>ces et techniques<br />
U. Éducation spéciale<br />
X. Éducation extra-scolaire<br />
Z. Instrum<strong>en</strong>ts généraux d'information<br />
TYPOLOGIE DE CONTENU<br />
1. COMPTE RENDU DE RECHERCHE<br />
"^ 11. Recherche empirique :<br />
descriptive, expérim<strong>en</strong>tale, clinique.<br />
(A partir de données méthodiquem<strong>en</strong>t collectées<br />
et traitées).<br />
^ 12. Recherche théorique<br />
(Portant sur des concepts, des modèles, etc.)<br />
"^ 13. Recherche historique ou d'éducation<br />
comparée<br />
(A partir de docum<strong>en</strong>ts méthodiquem<strong>en</strong>t traités)<br />
2. BILAN DE RECHERCHES<br />
"^ 21. Bilan à l'int<strong>en</strong>tion des chercheurs<br />
®" 22. Bilan à l'int<strong>en</strong>tion des pratici<strong>en</strong>s<br />
"& 23. Bilan ori<strong>en</strong>té dégageant<br />
des propositions<br />
3. OUTIL DE RECHERCHE<br />
^ 31. Méthodologie<br />
«s" 32. Bibliographie<br />
"^ 33. Encyclopédie ou dictionnaire<br />
4. ÉTUDE, MONOGRAPHIE<br />
ET DOCUMENT D'INFORMATION<br />
5. ESSAI ET POINT DE VUE<br />
6. VÉCU ET TÉMOIGNAGE<br />
"S" 61. Relation de vécus ou d'innovation<br />
"^ 62. Autobiographie<br />
7. TEXTES LÉGISLATIFS<br />
ET RÉGLEMENTAIRES<br />
8. STATISTIQUES<br />
9. DOCUMENT À CARACTÈRE PRATIQUE<br />
OU TECHNIQUE<br />
0. VULGARISATION
A - SCIENCES HUMAINES,<br />
SCIENCES DE L'ÉDUCATION<br />
Recherche sci<strong>en</strong>tifique<br />
Méthodologie de la recherche<br />
FOX, William.<br />
Statistiques sociales.<br />
Buxelles : De Boeck Université, 1999. 374 p., bibliogr.<br />
p. 368-374. (Méthodes <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces Humaines.) «* 31<br />
Ce livre, qui n'exige aucune connaissance mathématique<br />
particulière, si ce n'est les opérations arithmétiques de<br />
base, et quelques données concernant les racines, les<br />
équations, les exposants, s'adresse à tous les étudiants de<br />
1" et 2l cycle <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales. C'est la troisième édi¬<br />
tion de ce manuel dans lequel l'auteur, William Fox, a in¬<br />
corporé les remarques et suggestions faites par<br />
professeurs et étudiants sur les deux précéd<strong>en</strong>tes édi¬<br />
tions. Trois parties compos<strong>en</strong>t cet ouvrage : les analyses<br />
univariées, les analyses binaires et les analyses multivariées.<br />
Ces méthodes quantitatives, l'auteur les prés<strong>en</strong>te de<br />
manière didactique, <strong>en</strong> insistant sur la signification des<br />
concepts, et <strong>en</strong> donnant les notions importantes du raisonnemm<strong>en</strong>t<br />
statistique dans son application à la re¬<br />
cherche <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales. (Prix : 190,00 FF).<br />
JONES, Russel A.<br />
Méthodes de recherche <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces humaines.<br />
Bruxelles : De Boeck Université, 2000. 332 p., ill.,<br />
notes bibliogr. (Méthodes <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces Humaines.)<br />
u* 31<br />
Cet ouvrage, traduction du livre de Russel A. Jones, psy¬<br />
chologue anglo-saxon, nous prés<strong>en</strong>te les méthodes de re¬<br />
cherche originales, différ<strong>en</strong>tes, <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces humaines.<br />
S'appuyant sur des exemples concrets de recherches me¬<br />
nées aux États-Unis, il nous permet égalem<strong>en</strong>t<br />
d'apprécier l'état de la littérature <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales<br />
outre-Atlantique. N'ayant connu lui-même p<strong>en</strong>dant ces<br />
études que « l'expérim<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> laboratoire », il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />
montrer que la diversité des perspectives et des appro<br />
OUVRAGES<br />
& RAPPORTS<br />
ches méthodologiques peut être utilisée dans l'étude des<br />
comportem<strong>en</strong>ts sociaux. Ce livre a pour but de nous in¬<br />
troduire dans cette diversité <strong>en</strong> cherchant quelle réponse<br />
donner <strong>en</strong> fonction des hypothèses et des questions inhé¬<br />
r<strong>en</strong>tes à la recherche poursuivie. Le chapitre 1 est fonda¬<br />
m<strong>en</strong>tal, car il prés<strong>en</strong>te les déterminants culturels,<br />
situationnels et personnels du comportem<strong>en</strong>t. L'objectif<br />
de ce chapitre est de montrer que les méthodes et les pro¬<br />
cessus peuv<strong>en</strong>t être combinés pour expliquer des phéno¬<br />
mènes et confirmer ou infirmer certaines hypothèses. La<br />
série de chapitres qui constitue le cur de l'ouvrage est<br />
consacrée à différ<strong>en</strong>tes méthodes dont il fait une prés<strong>en</strong>¬<br />
tation, suivie d'une application, puis, de nombreux<br />
exemples pris dans la recherche américaine. Ces propos<br />
permett<strong>en</strong>t d'évaluer les avantages et les inconvéni<strong>en</strong>ts de<br />
chacune de ces méthodes. Les chapitres individuels sont<br />
donc consacrés aux méthodes suivantes : l'observation<br />
non-participante, l'analyse de cont<strong>en</strong>u et la recherche sur<br />
docum<strong>en</strong>ts d'archives, l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, la quasi-expérim<strong>en</strong>tation,<br />
l'expérim<strong>en</strong>tation, la recherche<br />
d'évaluation et la simulation. (Prix : 160,00 FF).<br />
Méthodologie de la recherche <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces<br />
de Véducation<br />
BASSEY, Michael.<br />
Case study research in educational settings.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1999. XII- 178 p.,<br />
ill., bibliogr. p. 174-176. Index. (Doing qualitative<br />
research in educational settings.) ** 31<br />
Michael Bassey t<strong>en</strong>te de montrer, dans cet ouvrage, com¬<br />
m<strong>en</strong>t faire des études de cas des outils de recherche per¬<br />
formants <strong>en</strong> matière d'éducation, susceptibles d'inspirer<br />
des stratégies efficaces et d'améliorer la pratique. Pour ce<br />
faire, il id<strong>en</strong>tifie différ<strong>en</strong>ts types d'études de cas qu'il<br />
nomme successivem<strong>en</strong>t « études heuristiques », « tests »,<br />
« narrations », « illustrations », « évaluations » et donne<br />
des exemples précis pour chacun d'eux. Cette collection<br />
de données et les méthodes d'analyse de celles-ci permet¬<br />
t<strong>en</strong>t à l'auteur de dénoncer les excès liés aux généralisa¬<br />
tions abusives. L'ouvrage, qui pose par ailleurs la question<br />
de la valeur des audits, se veut didactique, aussi bi<strong>en</strong> pour<br />
les étudiants de troisième cycle que pour les professeurs<br />
m<strong>en</strong>ant des recherches à petite échelle. (Prix : 40 £).<br />
BIBLIOGRAPHIE COURANTE 159
VERMA, Gaj<strong>en</strong>dra K. ; MALLICK, Kanka.<br />
Researching education : perspectives and techniques.<br />
London : Falmer press, 1999. X-214 p., ill. «a- 33<br />
Pour la plupart des étudiants, la recherche dans le do¬<br />
maine de l'éducation soulève deux problèmes corrélés.<br />
En effet, une compréh<strong>en</strong>sion suffisante des concepts et<br />
méthodes employés est nécessaire pour, d'une part, être<br />
capable de lire un article de recherche, un texte spécialisé<br />
ou un rapport et, d'autre part, pouvoir définir et exécuter<br />
un plan de recherche approprié pour une dissertation,<br />
une thèse ou un projet préparatoire. L'ouvrage a donc<br />
pour but de familiariser le lecteur, qu'il soit étudiant,<br />
chercheur ou professeur, avec les concepts, perspectives<br />
et méthodes les plus fréquemm<strong>en</strong>t utilisés dans le champ<br />
multidisciplinaire de la recherche pédagogique. Il<br />
conti<strong>en</strong>t un important glossaire offrant une explication<br />
sommaire des termes et concepts récurr<strong>en</strong>ts. (Prix : 43.00 £).<br />
B - PHILOSOPHIE, HISTOIRE<br />
ET ÉDUCATION<br />
Philosophie<br />
HONG, Sung-Min.<br />
Habitus, corps, domination : sur certainsprésupposés de<br />
la sociologie de Pierre Bourdieu.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 262 p., notes bibliogr.<br />
(Logiques sociales ; 1999.) "^12<br />
Cet ouvrage porte un éclairage critique sur l'uvre de<br />
Pierre Bourdieu, dépassant le champ de la sociologie, vers<br />
le politique et ses fondem<strong>en</strong>ts philosophiques. Du<br />
concept aristotélici<strong>en</strong> d'habitus, Pierre Bourdieu tire ce¬<br />
lui d'habitus social, impliquant un déterminisme tant in¬<br />
dividuel que collectif. Sur les pas de Bergson, Sartre,<br />
Merleau-Ponty et Foucault, la réflexion sur le corps<br />
comme instrum<strong>en</strong>t de domination le conduit, au-delà de<br />
la sociologie, à travers l'étude du « sujet », de la subjecti¬<br />
vité dans le champ social. Toutefois, à la différ<strong>en</strong>ce du<br />
concept marxiste d'aliénation, si l'idée d'habitus chez<br />
Bourdieu recèle une source d'exploitation via la viol<strong>en</strong>ce<br />
symbolique, elle n'offre guère d'échappatoire. Face à ce<br />
constat pessimiste, on s'attachera plutôt à ce qui structure<br />
son raisonnem<strong>en</strong>t démystificateur et critique de l'actua¬<br />
lité, et aux courants philosophiques qui le sous-t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t.<br />
Le statut de l'intellectuel est finalem<strong>en</strong>t remis <strong>en</strong> cause<br />
par le refus d'une vérité transc<strong>en</strong>dante et universelle : am¬<br />
bival<strong>en</strong>t, il oscille <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et autonomie, bi<strong>en</strong><br />
que cette dernière chancelle aujourd'hui sous la m<strong>en</strong>ace<br />
de la médiatisation du débat et ses dérives. A la fois<br />
« dans » et « contre » l'institution sociale, l'intellectuel ne<br />
saurait préserver cette nécessaire autonomie et déjouer<br />
les rapports de pouvoir <strong>en</strong>tre intellectuels dominants et<br />
dominés, sans une véritable mobilisation, pour l'avène¬<br />
m<strong>en</strong>t d'un « intellectuel collectif», un collège interdisci¬<br />
plinaire et international permettant des critiques croisées<br />
de la production intellectuelle. (Prix : 130,00 FF).<br />
Disciplinesphilosophiques<br />
Philosophie de Véducation<br />
BARTHELMÉ, Bruno.<br />
Unephilosophie de Véducation pour l'école<br />
d'aujourd'hui.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 152 p., bibliogr.<br />
p. 143-146. (Education et philosophie.) «^ 5<br />
A-t-on besoin aujourd'hui d'une philosophie de l'éduca¬<br />
tion ? Cette dernière a-t-elle un rôle à jouer dans la forma¬<br />
tion des <strong>en</strong>seignants ? Bruno Barthelmé met la<br />
philosophie de l'éducation à l'épreuve des critiques qui<br />
lui sont adressées, puis interroge les discours t<strong>en</strong>us<br />
jusqu'ici par les sci<strong>en</strong>ces de l'éducation à son propos, la<br />
cantonnant dans une interrogation sur les fins et les va¬<br />
leurs de l'éducation. Enfin et surtout, il expose les défis<br />
auxquels une philosophie de l'éducation doit répondre<br />
selon lui. Il dessine les contours d'une philosophie <strong>en</strong><br />
prise avec le réel, qui s'intéresse à ce qui se passe dans les<br />
classes, qui cherche à élucider, éclairer les pratiques des<br />
<strong>en</strong>seignants, faire surgir des questionnem<strong>en</strong>ts qui soi<strong>en</strong>t<br />
philosophiques. Loin de se réfugier dans les « idéaux et<br />
les généralités », cette philosophie-là a pour point de dé¬<br />
part la pratique des maîtres ; elle provoque, interpelle,<br />
analyse les significations, les int<strong>en</strong>tions implicites, les<br />
partis pris éducatifs. Cette conception de la philosophie<br />
de l'éducation s'adresse aux <strong>en</strong>seignants, éducateurs, for¬<br />
mateurs, philosophes qui, confrontés à la riche mais diffi¬<br />
cile réalité de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dans l'école d'aujourd'hui,<br />
cherch<strong>en</strong>t à construire le s<strong>en</strong>s de leur métier <strong>en</strong> toute in¬<br />
dép<strong>en</strong>dance. (Prix : 85,00 FF).<br />
Philosophie morale<br />
DESCOULEURS, Bernard ; COQ, Guy. collab.<br />
Repèrespour vivre : le livre-ressources des 1 7-25 ans.<br />
Paris : Desclée de Brouwer, 1999. Index. «* 9<br />
« Repères pour vivre » a pour but d'aider les 17-25 ans qui<br />
cherch<strong>en</strong>t à réfléchir sur la question du s<strong>en</strong>s de leur exis¬<br />
t<strong>en</strong>ce et à élaborer leurs propres repères. L'ouvrage, qui se<br />
situe dans la perspective de l'humanisme chréti<strong>en</strong>, com¬<br />
porte de nombreuses référ<strong>en</strong>ces aux textes bibliques. Il<br />
est organisé autour de cinq grands thèmes : amour ; mal<br />
et souffrance ; viol<strong>en</strong>ce, guerre et paix ; solidarité, so¬<br />
ciété ; spiritualité, Dieu, religion. Pour chaque thème, un<br />
dossier est proposé, composé : - d'un texte courant po¬<br />
sant les problématiques ; - d'un <strong>en</strong>semble d'écrits éma¬<br />
nant de philosophes, de poètes, de théologici<strong>en</strong>s qui<br />
<strong>en</strong>richit le débat <strong>en</strong> apportant des éclairages issus de cul-<br />
160 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
tures différ<strong>en</strong>tes et d'autres époques ; - de rappels bibli¬<br />
ques qui soulign<strong>en</strong>t certains apports spécifiques de la<br />
p<strong>en</strong>sée biblique dans les faits de culture ; - d'un tour<br />
d'horizon du point de vue de chacune des six religions<br />
principales prés<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> France. L'auteur s'adresse<br />
d'abord aux jeunes, il apporte des élém<strong>en</strong>ts de réponse à<br />
leur questionnem<strong>en</strong>t. Les dossiers peuv<strong>en</strong>t être utiles éga¬<br />
lem<strong>en</strong>t à ceux qui les accompagn<strong>en</strong>t pour la préparation<br />
de débats de groupe. (Prix : 148,00 FF).<br />
Histoire<br />
Études historiques<br />
MAURY, Liliane.<br />
L '<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la morale.<br />
Pans : PUF, 1999. 127 p. (Que sais-je ? ; 3497.) «« 4<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la morale donne à l'école primaire une<br />
grande vitalité. Quelles <strong>en</strong> sont les causes ? L'ouvrage<br />
comm<strong>en</strong>ce par interroger la philosophie à ce sujet, celle<br />
qui régna <strong>en</strong> France <strong>en</strong>tre 1 848 et 1 870. Ensuite, l'étude de<br />
divers docum<strong>en</strong>ts montre comm<strong>en</strong>t l'école <strong>en</strong>seigne cette<br />
morale ; elle se termine par son approche dans la Répu¬<br />
blique qui pr<strong>en</strong>d sa source dans la philosophie du 18e<br />
siècle et amène avec elle un thème loin d'être épuisé, celui<br />
de « l'égalité de l'éducation ». (Prix : 42,00 FF).<br />
VIGARELLO, Georges.<br />
Histoire des pratiques de santé : le sain et le malsain<br />
depuis le Moy<strong>en</strong> Âge.<br />
Paris : Editions du Seuil, 1999. 2° ed. 390 p., bibliogr.<br />
p. 333-382. Index. (Points : Histoire ; 259.) *« 13<br />
Cette histoire du sain et du malsain met <strong>en</strong> sc<strong>en</strong>e l'histoire<br />
des habitudes de soin dans le monde occid<strong>en</strong>tal. Elle re¬<br />
trace chronologiquem<strong>en</strong>t la succession des représ<strong>en</strong>ta¬<br />
tions du corps qui montre l'asc<strong>en</strong>dance progressive de<br />
l'autonomie corporelle : d'abord la très l<strong>en</strong>te indép<strong>en</strong>¬<br />
dance par rapport aux mouvem<strong>en</strong>ts cosmiques, puis le<br />
recours a des ressources toutes individuelles jusqu'à la<br />
demarche très actuelle recourant au capital génétique<br />
pour individualiser la santé. L'ouvrage porte égalem<strong>en</strong>t<br />
sur les changem<strong>en</strong>ts du s<strong>en</strong>s donné au projet d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> :<br />
de la vision traditionnelle de la santé qui conduit à<br />
conserver un bi<strong>en</strong> que le mal m<strong>en</strong>ace jusqu'à une vision<br />
moderne qui incite à perfectionner un bi<strong>en</strong> dont les limi¬<br />
tes sont plus ouvertes. Enfin, la vision très contemporaine<br />
d'un corps transformable à l'infini. Aujourd'hui, la multi¬<br />
plicité des domaines affér<strong>en</strong>ts a la santé r<strong>en</strong>d difficile une<br />
appréh<strong>en</strong>sion cohér<strong>en</strong>te de l'éducation a la santé, comme<br />
<strong>en</strong> témoigne la diversité des themes d'actions abordés<br />
dans les établissem<strong>en</strong>ts scolaires. Cette histoire, ancrée<br />
dans la vie quotidi<strong>en</strong>ne des hommes du Moy<strong>en</strong> Age a nos<br />
jours, s'adresse à tous. (Prix : 48,00 FF).<br />
Histoire de Véducation<br />
CANAC, Roger.<br />
Ces demoiselles au tableau noir : souv<strong>en</strong>irs d'institutrices<br />
<strong>en</strong> Oisons, 1921-1961.<br />
Saint-Martin-d'Hères (Isère) : PUG, 1999. 286 p., ill.<br />
(L'Empreinte du Temps.) * 61<br />
Cet ouvrage est une collection de souv<strong>en</strong>irs d'institutrices<br />
de l'Oisans. Il est divisé chronologiquem<strong>en</strong>t : 1921-1931,<br />
de la guerre à 1947, l'année 50 et de 1951 à 1961. De<br />
grands thèmes travers<strong>en</strong>t ces récits, qui <strong>en</strong> form<strong>en</strong>t la<br />
trame et l'unité : la montagne, la lutte contre le froid, l'iso¬<br />
lem<strong>en</strong>t « maîtresses du bout du monde », les voisins et la<br />
confraternité et bi<strong>en</strong> sûr l'école, la pédagogie qui est au<br />
cur de l'exist<strong>en</strong>ce de la maîtresse, <strong>en</strong>fin les destins indi¬<br />
viduels. (Prix : 110,00 FF).<br />
CHERVEL, André.<br />
La compositionfrançaise au XIX* siècle :<br />
dans les principaux concours et exam<strong>en</strong>s de l'agrégation<br />
au baccalauréat.<br />
Paris : Vuibert ; <strong>INRP</strong>, 1999. 592 p., bibliogr.<br />
p. 565-570. Index. *« 13<br />
La composition française est un exercice de type scolaire<br />
où, sur un thème déterminé par le maître ou par le jury<br />
d'exam<strong>en</strong>, l'élève ou le candidat est invité à rédiger un<br />
texte français avec une liberté relative dans l'inv<strong>en</strong>tion,<br />
dans la disposition et dans l'élocution. C'est ess<strong>en</strong>tielle¬<br />
m<strong>en</strong>t grâce aux exam<strong>en</strong>s et aux concours que nous<br />
connaissons dans ses formes concrètes la composition<br />
française du 19f siècle ; aussi André Chervel s'attache-t-il<br />
à prés<strong>en</strong>ter un catalogue représ<strong>en</strong>tatif de plus de six mille<br />
sept c<strong>en</strong>ts sujets permettant d'élaborer des périodisa-<br />
tions. On trouvera successivem<strong>en</strong>t : les sujets proposés<br />
dans les concours de recrutem<strong>en</strong>t des maîtres, des diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes agrégations, de la lic<strong>en</strong>ce es lettres et des certificats<br />
d'aptitude ; les épreuves de composition française des<br />
concours d'admission aux grandes écoles, écoles norma¬<br />
les supérieures ou grandes écoles militaires ; les épreuves<br />
littéraires des concours généraux et des concours acadé¬<br />
miques ; et, pour terminer, les sujets des baccalauréats et<br />
exam<strong>en</strong>s de fin d'études secondaires. Chaque groupe¬<br />
m<strong>en</strong>t est précédé d'une analyse de la nature de l'épreuve<br />
et de son évolution. (Prix : 249,00 FF).<br />
FIOUX, Paule.<br />
L'école à l'île de La Réunion <strong>en</strong>tre les deux guerres.<br />
Paris : Karthala, 1999. 364 p., bibliogr. p. 359-361.<br />
(Ecole, éducation et formations.) «« 1 1<br />
Ce livre est le résultat d'une <strong>en</strong>quête orale, auprès de 129<br />
personnes, sur leurs souv<strong>en</strong>irs sur l'école primaire <strong>en</strong>tre<br />
les deux guerres. La mémoire vivante des expéri<strong>en</strong>ces de<br />
l'école prov<strong>en</strong>ant de milieux divers n'est pas évoquée de<br />
façon négative, même si la grande pauvreté des équipe¬<br />
m<strong>en</strong>ts scolaires, des classes surchargées, l'abs<strong>en</strong>téisme<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANIE !61
important des élèves <strong>en</strong> milieu rural, et surtout le fait que<br />
tous les <strong>en</strong>fants ne soi<strong>en</strong>t pas scolarisés, caractéris<strong>en</strong>t<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t élém<strong>en</strong>taire à la Réunion. « L'école-longtemps<br />
», c'est-à-dire autrefois dans la langue créole, a eu<br />
la spécificité d'ouvrir un autre espace social, interne à<br />
l'île, d'utilisation du français, intermédiaire <strong>en</strong>tre le<br />
monde des nantis et celui des déshérités. (Prix :<br />
160,00 FF).<br />
GAGNON, Serge.<br />
De l'oralité à l'écriture : le manuel defrançais à l'école<br />
primaire (1830-1900).<br />
Sainte-Foy (Québec, Canada) : Presses de<br />
l'Université Laval, 1999. 236 p., ill., bibliogr.<br />
p. 208-221. «s? 13<br />
La vaste <strong>en</strong>treprise de scolarisation <strong>en</strong>treprise au Québec<br />
au 19e siècle et la place prépondérante de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
du français dans les programmes autoris<strong>en</strong>t à voir dans<br />
les manuels de français (abécédaires, syllabaires et livres<br />
de lecture) des docum<strong>en</strong>ts représ<strong>en</strong>tatifs des cont<strong>en</strong>us<br />
culturels offerts au peuple québécois. Au-delà de l'objec¬<br />
tif de formation morale ou religieuse habituellem<strong>en</strong>t re¬<br />
connu à la littérature scolaire, cette étude vise, par<br />
l'analyse d'un corpus de manuels approuvés, à partir de<br />
1860 par l'organisme public d'agrém<strong>en</strong>t québécois, à<br />
mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce d'autres fonctions comme la forma¬<br />
tion littéraire et sci<strong>en</strong>tifique, l'éducation du savoir-vivre,<br />
et à repérer les cont<strong>en</strong>us historico-géographiques desti¬<br />
nés à l'éducation nationale. Peu à peu égalem<strong>en</strong>t, les mé¬<br />
tamorphoses de ces outils permett<strong>en</strong>t de reconnaître,<br />
outre l'évolution économique, sociale et culturelle, la<br />
prise <strong>en</strong> compte grandissante d'une psychologie spéci¬<br />
fique de l'<strong>en</strong>fance. (Prix : 150,00 FF).<br />
GILLI, Patrick, ed.<br />
Former, <strong>en</strong>seigner, éduquer dans l'Occid<strong>en</strong>t médiéval<br />
(1100-1450). Tomelettome2.<br />
Paris : Sedes, 1999. 287 p., ill., notes bibliogr.<br />
(Regards sur l'histoire : Histoire médiévale ; 132.) «3s 33<br />
Les huit contributeurs de cet ouvrage ont voulu donner<br />
aux étudiants un accès facile aux sources. Les très nom¬<br />
breux textes ont été traduits <strong>en</strong> français et comport<strong>en</strong>t<br />
une introduction ou un comm<strong>en</strong>taire pour <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre la<br />
portée plus s<strong>en</strong>sible. Une rapide bibliographie est donnée<br />
à la fin de chaque texte. Dans le tome 1, treize chapitres<br />
r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t compte de cette éducation de 1100 à 1450, avec<br />
une surreprés<strong>en</strong>tation de l'éducation des litterati : nou¬<br />
veaux savoirs, nouvelles structures éducatives, créations<br />
universitaires du XIIIe siècle, appr<strong>en</strong>dre à exprimer ses<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts et ses idées, former le jeune aristocrate<br />
(XII-XIir siècles), une pédagogie <strong>en</strong>tre prescriptions<br />
normatives et conseils par<strong>en</strong>taux (XIII-XIVe siècles), ap¬<br />
pr<strong>en</strong>dre à appr<strong>en</strong>dre, l'Église et la culture : normes et pra¬<br />
tiques, la vie universitaire, médecine savante et médecine<br />
populaire, formation et culture du marchand, vers une ci<br />
vilisation des murs, savoirs extra-universitaires et sa¬<br />
voirs illicites. Dans le tome 2, douze chapitres r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
compte de cette éducation de 1 100 à 1450, avec une surre¬<br />
prés<strong>en</strong>tation de l'éducation des litterati : l'éducation élé¬<br />
m<strong>en</strong>taire (XIII-XVe siècles) ; livres et bibliothèques<br />
(XIV-XVe siècles) ; langues vivantes et traductions ; nais¬<br />
sance et développem<strong>en</strong>t des collèges universitaires<br />
(XIII-XVe siècles) ; l'Université aux XIV-XVe siècles ;<br />
nouvelles figures du savoir (XIV-XVe siècles) ;<br />
l'éducation humaniste ; rituels et éducations civiques<br />
(XIII-XVe siècles) ; la culture nobiliaire à la fin du Moy<strong>en</strong><br />
Age ; éduquer les filles ; acculturation chréti<strong>en</strong>ne et <strong>en</strong>ca¬<br />
drem<strong>en</strong>t religieux des laïcs ; former les dirigeants. (Prix :<br />
130,00 FF + 130,00 FF).<br />
LELIÈVRE, Claude.<br />
Jules Ferry : la République éducatrice.<br />
Paris : Hachette Education, 1999. 120 p., bibliogr.<br />
p. 119-120. (Portraits d'éducateurs.) «®" 4<br />
Suite à une très courte biographie, l'auteur, dans une pre¬<br />
mière partie, s'attache au rôle socio-politique de Jules<br />
Ferry. Deux idées ess<strong>en</strong>tielles sont dégagées : l'éducation<br />
scolaire est mise au c.ur même d'un projet politique du<br />
li<strong>en</strong> social et l'école ne doit pas être matière d'industrie<br />
mais matière d'État. Pour Jules Ferry, cette maîtrise des<br />
questions sociales ne peut être <strong>en</strong>visagée qu'au travers du<br />
positivisme comme méthode de p<strong>en</strong>sée. Il faut, p<strong>en</strong>se-t-il,<br />
mettre à jour la nécessité économique et sociale, faire pré¬<br />
valoir l'intérêt de l'<strong>en</strong>semble sur les rev<strong>en</strong>dications indi¬<br />
vidualistes et faire accepter à chacun sa fonction sociale<br />
et, du coup, sa dignité et ses devoirs. C'est pourquoi l'éga¬<br />
lité d'éducation est requise <strong>en</strong> tant qu'égalité de dignité,<br />
l'ess<strong>en</strong>tiel étant de mettre de l'ordre dans les esprits. La<br />
deuxième partie de l'ouvrage est composée de textes<br />
choisis qui sont des extraits des principaux discours de<br />
Jules Ferry et qui illustr<strong>en</strong>t toute sa p<strong>en</strong>sée : « positivisme<br />
et franc-maçonnerie, l'État éducateur, l'éducation contre<br />
la guerre des classes ». (Prix : 64,00 FF).<br />
LOEFFEL, Laur<strong>en</strong>ce.<br />
Ferdinand Buisson : apôtre de l'école laïque.<br />
Paris : Hachette Education, 1999. 142 p., bibliogr.<br />
p. 141-142. (Portraits d'éducateurs.) «^ 4<br />
Ferdinand Buisson, protestant libéral, se veut, <strong>en</strong> tant que<br />
directeur de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire de 1879 à 1896,<br />
l'apôtre de la laïcité. C'est désormais l'État qui fixe les<br />
principes et les objectifs de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire par<br />
des lois, des règlem<strong>en</strong>ts. Cette rénovation met égalem<strong>en</strong>t<br />
l'acc<strong>en</strong>t sur la formation et le rôle des maîtres dans l'<strong>en</strong>¬<br />
seignem<strong>en</strong>t. C'est à cette tâche que Ferdinand Buisson<br />
consacre tout son tal<strong>en</strong>t de philosophe. De même, il sou¬<br />
haite une éducation libérale. A la différ<strong>en</strong>ce de Jules Ferry<br />
positiviste et athée, F. Buisson est animé d'un idéal moral<br />
et religieux, très articulé à l'exig<strong>en</strong>ce de liberté et son<br />
souci est d'<strong>en</strong>gager l'<strong>en</strong>fant dans une dynamique d'ap¬<br />
propriation de soi, r<strong>en</strong>due possible par une pédagogie fa-<br />
162 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
vonsant l'éveil et le développem<strong>en</strong>t de ses facultés.<br />
Associer la République française et l'élaboration d'une<br />
nouvelle culture humaniste, tel a été le projet de F. Buis¬<br />
son à partir des années 1870. L'élaboration du « Diction¬<br />
naire de pédagogie et d'instruction primaire » <strong>en</strong>trepris à<br />
partir de 1876 <strong>en</strong> constitue le témoignage. F. Buisson<br />
considère l'idéal laïc libre p<strong>en</strong>seur comme l'expression de<br />
la seule vraie religion : la religion du bi<strong>en</strong>. L'évolution de<br />
cet idéal laïc vers la libre p<strong>en</strong>sée accompagne son itiné¬<br />
raire politique car, pour lui, l'éducation laïque est le<br />
moy<strong>en</strong> d'éduquer à la démocratie. L'exig<strong>en</strong>ce de liberté<br />
est donc associée à celle de l'égalité. Les textes cités dans<br />
la deuxième partie mett<strong>en</strong>t l'acc<strong>en</strong>t sur les notions de li¬<br />
berté, de rénovation de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et resitu<strong>en</strong>t l'ac¬<br />
tion de F. Buisson <strong>en</strong> tant que fondateur de la laïcité<br />
scolaire. (Prix : 64,00 FF).<br />
MULLER, Philippe, ed.<br />
Vive l'école républicaine ! : textes et discoursfondateurs.<br />
Paris : EJL, 1999. 123 p. (Librio ; n° 310.) « 4<br />
Le docum<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>te un choix de textes sur l'instruction<br />
publique <strong>en</strong> France, issus de discours et de rapports dus<br />
aux concepteurs des principes de laïcité, de gratuité et<br />
d'obligation, qui ont présidé à la mise <strong>en</strong> place de l'école<br />
républicaine. Ces textes mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> perspective le li<strong>en</strong> de<br />
ces principes fondateurs avec les principes républicains<br />
de liberté, égalité, fraternité et laiss<strong>en</strong>t une large place au<br />
débat sur la place de l'Église dans l'école. Les extraits de<br />
discours, tous prononcés devant les assemblées du pays,<br />
de Talleyrand, Condorcet, Michel Le Peletier, Antoine de<br />
Fourcroy, François Guizot, Frédéric de Falloux, Victor<br />
Duruy, Jules Ferry et Paul Bert sont prés<strong>en</strong>tés chronologi¬<br />
quem<strong>en</strong>t de 1791 à 1880 et sont accompagnés de notices<br />
biographiques. Une chronologie récapitule les dates mar¬<br />
quantes de cette fondation du système éducatif <strong>en</strong>tre 1 789<br />
et 1885. (Prix: 10,00 FF).<br />
TERRAL, Hervé, ed.<br />
L 'école de la République : une anthologie, 1878-1 940.<br />
Paris : C<strong>en</strong>tre national de docum<strong>en</strong>tation<br />
pédagogique, 1999. 229 p. (<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>s, actes et<br />
rapports pour l'éducation ; 1999.) *' 4<br />
Cette anthologie, c<strong>en</strong>trée sur le thème de l'école de la Ré¬<br />
publique, rassemble une sélection de textes fondateurs de<br />
la doctrine scolaire. Le travail m<strong>en</strong>é sur le terrain par les<br />
« hussards noirs » nous permet de resituer avec justesse<br />
certains concepts évoqués aujourd'hui dans le système<br />
éducatif, tels que la laïcité, les savoirs de référ<strong>en</strong>ces, le mé¬<br />
tier d'<strong>en</strong>seignant. On y trouvera <strong>en</strong>tre autres des lettres et<br />
circulaires de Guizot, Ferry, Jaurès, ainsi que des écrits<br />
sur la pédagogie de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire, les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ts types d'écoles, les valeurs républicaines, l'exercice<br />
du métier, la carrière, etc. Les textes sont précédés d'un<br />
développem<strong>en</strong>t biographique sur l'auteur et d'une pré¬<br />
s<strong>en</strong>tation du contexte scolaire, social et politique dans le¬<br />
quel ils s'inscriv<strong>en</strong>t. (Prix : 120,00 FF).<br />
THERMES, Julie ; KASPI, André.<br />
Essor et déclin de l'affirmative action : les étudiants noirs<br />
à Havard, Yale et Princeton.<br />
Paris : CNRS Editions, 1999. 426 p., bibliogr.<br />
p. 395-409. Index. (CNRS-Histoire.) « 13<br />
Cette thèse a pour sujet « l'affirmative action » qui a fait<br />
partie de l'ars<strong>en</strong>al pour mettre fin à la discrimination ra¬<br />
ciale aux États-Unis dans les années soixante. Pour que<br />
les Noirs jouiss<strong>en</strong>t eux aussi de l'égalité des chances, ils<br />
bénéficieront d'un traitem<strong>en</strong>t préfér<strong>en</strong>tiel dans l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t, dans l'embauche, dans l'accès au logem<strong>en</strong>t.<br />
Cette histoire est donc capitale pour les États-Unis. L'au¬<br />
teur a limité son investigation à un seul domaine, l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t supérieur. Elle analyse l'attitude des universités<br />
les plus prestigieuses, comme Harvard, Yale et Princeton,<br />
dans lesquelles l'élite est formée. Cette thèse éclaire le<br />
fonctionnem<strong>en</strong>t du système universitaire, les métamor¬<br />
phoses de la société, l'influ<strong>en</strong>ce des décisions politiques.<br />
Surtout elle met <strong>en</strong> lumière que, plus que « l'affirmative<br />
action », c'est l'évolution de la société qui a guidé la poli¬<br />
tique d'admission, tout comme elle l'avait fait dans les<br />
époques antérieures. (Prix : 160,00 FF).<br />
VASSEUR, Paul.<br />
Protection de l'<strong>en</strong>fance et cohésion sociale<br />
du IV au XXe siècle.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 318 p., bibliogr.<br />
p. 308-318. (Technologie de l'action sociale.) «* 13<br />
De l'Antiquité tardive jusqu'à notre république, <strong>en</strong> pas¬<br />
sant par la chnstianisation de notre société, l'<strong>en</strong>fant a tou¬<br />
jours été un <strong>en</strong>jeu. De l'héritage de Rome jusqu'à nous, il<br />
s'agit de compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t a été organisée la protec¬<br />
tion des <strong>en</strong>fants abandonnés, cette expression étant prise<br />
dans l'acception la plus large. En quoi les dispositifs mis<br />
<strong>en</strong> place assurai<strong>en</strong>t-ils la cohésion sociale ? Car cette co¬<br />
hésion dép<strong>en</strong>d <strong>en</strong> grande partie de la place qui lui est ac¬<br />
cordée, jusqu'à ce 20' siècle où l'<strong>en</strong>fant devi<strong>en</strong>t une<br />
personne. Cet <strong>en</strong>fant permet de légitimer l'action « so¬<br />
ciale » d'un régime politique quel qu'il soit, et à cette di¬<br />
m<strong>en</strong>sion sociale vi<strong>en</strong>t s'ajouter aujourd'hui une<br />
dim<strong>en</strong>sion culturelle. (Prix : 160,00 FF).<br />
Perspectives de Véducation<br />
ARDOINO, Jacques.<br />
Les avatars de l'éducation : problématiques et notions<br />
<strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir.<br />
Paris : PUF, 2000. 270 p. Index. (Education<br />
et formation : Pédagogie théorique et critique.) ** 23<br />
Constitué d'un <strong>en</strong>semble d'articles, dont certains ont déjà<br />
été publiés dans le « Dictionnaire de la Philosophie », cet<br />
ouvrage propose un panorama de la philosophie de l'édu-<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 163
cation sous forme de notions originaires des sci<strong>en</strong>ces hu¬<br />
maines. Ces textes s'articul<strong>en</strong>t autour du thème de<br />
l'éducation <strong>en</strong> tant que problématique, <strong>en</strong>visagée dans<br />
une perspective de « multiréfér<strong>en</strong>tialité » recouvrant de<br />
nombreux champs tels que les sci<strong>en</strong>ces de l'éducation,<br />
l'ethnologie, la philosophie, etc., dans leurs aspects théo¬<br />
riques et pratiques. L'auteur s'attache à montrer com¬<br />
m<strong>en</strong>t le langage est emblématique, par sa diversité<br />
lexicale, d'une multiciplicité de s<strong>en</strong>s inhér<strong>en</strong>te aux situa¬<br />
tions, aux pratiques, aux phénomènes éducatifs, nécessi¬<br />
tant par là même une lecture plurielle convoquant des<br />
systèmes de référ<strong>en</strong>ces distincts. La première partie traite<br />
de la gestion des organisations et de la formation<br />
continue. Dans la deuxième partie sont développés une<br />
tr<strong>en</strong>taine de concepts relatifs à l'éducation tels que : le<br />
contrat pédagogique, les pédagogies, le projet. (Prix :<br />
149,00 FF).<br />
COQ, Guy.<br />
La démocratie r<strong>en</strong>d-elle l'éducation impossible ?<br />
Paris : Parole et Sil<strong>en</strong>ce, 1999. 208 p. «sr 5<br />
Pour l'auteur, il n'y a pas de transmission de savoir sans<br />
autorité. Comm<strong>en</strong>t concilier cette exig<strong>en</strong>ce avec<br />
l'exig<strong>en</strong>ce démocratique ? L'ouvrage analyse les causes de<br />
la crise actuelle, dénonçant l'abus du mot « réforme », et<br />
souligne l'accumulation des car<strong>en</strong>ces éducatives de tou¬<br />
tes sortes depuis plusieurs déc<strong>en</strong>nies, que celles-ci ai<strong>en</strong>t<br />
trait à la morale ou à l'éducation du citoy<strong>en</strong>. C'est princi¬<br />
palem<strong>en</strong>t du côté des exig<strong>en</strong>ces culturelles que pourra<br />
être revitalisée la laïcité, et que se réalisera la construction<br />
d'une humanité possible <strong>en</strong> relégitimant l'éducation <strong>en</strong><br />
démocratie. (Prix : 120,00 FF).<br />
Réflexions critiques sur Véducation<br />
COUTEL, Charles.<br />
Que vive l'école républicaine !<br />
Paris : Textuel, 1999. 117 p., bibliogr. p. 115-117.<br />
(Conversations pour demain Textuel ; 14.) «^ 5<br />
Dans ce livre polémique, les auteurs, t<strong>en</strong>ants des valeurs<br />
de l'école républicaine, les « archaïques », s'oppos<strong>en</strong>t aux<br />
nouveaux pédagogues qui veul<strong>en</strong>t réformer l'école dans<br />
une optique anglo-saxonne. Ils lanc<strong>en</strong>t un appel à la « ré¬<br />
sistance », consci<strong>en</strong>ts de réfléchir à contre-courant. Ils se<br />
refus<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre les effets pour les causes et à confondre<br />
l'observation sociologique avec la mission de l'école. Ils<br />
parl<strong>en</strong>t de l'immigration, de la viol<strong>en</strong>ce dans les lycées, de<br />
la sélection scolaire, des inégalités culturelles. Ils propo¬<br />
s<strong>en</strong>t une nouvelle méthode pour préserver et améliorer<br />
l'école républicaine, afin de sortir de la crise de l'école.<br />
(Prix : 79,00 FF).<br />
DESJARDINS, Thierry.<br />
Le scandale de l'Éducation nationale ou pourquoi<br />
(et comm<strong>en</strong>t) l'école est dev<strong>en</strong>ue une usine à chômeurs<br />
et à illettrés.<br />
Paris : R. Laffont, 1999. 254 p., bibliogr. p. 253-254. « 5<br />
A partir de l'<strong>en</strong>quête de l'OCDE qui affirme que 40 % des<br />
Français sont illettrés, l'auteur ti<strong>en</strong>t des propos virul<strong>en</strong>ts<br />
et pessimistes contre l'école, qu'il ti<strong>en</strong>t pour responsable<br />
de tous les maux : illettrisme, chômage, viol<strong>en</strong>ce, délin¬<br />
quance, drogue, racisme. Derrière l'école, il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />
l'Éducation nationale, c'est-à-dire les politiques scolaires<br />
m<strong>en</strong>ées des années durant et l'auteur va même jusqu'à se<br />
demander si l'Education nationale d'aujourd'hui n'a pas<br />
pour objectifd'éliminer sans pitié les <strong>en</strong>fants des classes dé¬<br />
favorisées. L'auteur s'oppose radicalem<strong>en</strong>t aux « pédagogis¬<br />
tes » et au « pédagogisme », sans oublier les syndicats qui<br />
ont, selon lui, « cassé » l'école française. (Prix : 109,00 FF).<br />
DUBET, François ; PETIT, Philippe.<br />
Pourquoi changer l'école ? : <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> avec Philippe Petit.<br />
Paris : Textuel, 1999. 140 p., bibliogr. p. 139-140.<br />
(Conversations pour demain : textuel ; 15.) «^ 5<br />
L'école de masse aujourd'hui ne remplit plus sa fonction<br />
émancipatrice, elle doit changer pour rester fidèle aux<br />
principes de la République. Que ce soit la formation des<br />
professeurs, les nouveaux programmes, les problèmes<br />
avec les par<strong>en</strong>ts, la viol<strong>en</strong>ce... L'auteur explore les terrains<br />
possibles d'une vraie réforme pour une école plus juste.<br />
Cette problématique est au c<strong>en</strong>tre de cet ouvrage qui r<strong>en</strong>d<br />
compte du dialogue <strong>en</strong>tre un sociologue de l'expéri<strong>en</strong>ce<br />
scolaire, plutôt que du système et de ses rouages, et un<br />
journaliste. (Prix : 79,00 FF).<br />
JOHSUA, Samuel.<br />
L'école, <strong>en</strong>tre crise et refondation.<br />
Paris : La Dispute, 1999. 217 p., bibliogr. p. 207-214. « 5<br />
Quelle est la véritable nature de la crise scolaire ? L'auteur<br />
pr<strong>en</strong>d parti : l'École ne crée ni les inégalités sociales, ni le<br />
chômage, causes de viol<strong>en</strong>ce. Elle est bi<strong>en</strong> plus malade de<br />
l'état dans lequel le libéralisme a conduit la société. Elle se<br />
trouve confrontée à des défis colossaux, notamm<strong>en</strong>t celui<br />
de la poursuite de la massification de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Sa¬<br />
muel Johsua pose les bases d'une réflexion originale pour<br />
bâtir l'école de demain au-delà des oppositions conve¬<br />
nues (éducation-instruction, ouverture sur la ci-<br />
té-sanctuarisation, national-local) : définir un socle de<br />
culture commune, r<strong>en</strong>forcer des aspects collectifs des ap¬<br />
pr<strong>en</strong>tissages et des évaluations, affirmer le recours à des<br />
conditions de l'étude reposant sur la mise à distance des<br />
pratiques sociales telles qu'elles se manifest<strong>en</strong>t dans leur<br />
contexte propre, cerner les conditions de construction du<br />
s<strong>en</strong>s de leur activité par les élèves. Cette analyse des coor¬<br />
données principales de la crise scolaire, suivie d'une pré¬<br />
s<strong>en</strong>tation des pistes pour y faire face, s'adresse aux<br />
<strong>en</strong>seignants, aux par<strong>en</strong>ts d'élèves, aux citoy<strong>en</strong>s qui<br />
164 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
s'interrog<strong>en</strong>t sur les changem<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux à opérer<br />
pour parv<strong>en</strong>ir à réaliser le projet séculaire et ambitieux<br />
d'une École pour tous. (Prix : 1 10,00 FF).<br />
LE GOFF, Jean-Pierre.<br />
La barbarie douce : la modernisation aveugle<br />
des <strong>en</strong>treprises et de l'école.<br />
Paris : La Découverte ; Syros, 1999. 125 p., notes<br />
bibliogr. (Sur le vif.) »* 5<br />
L'auteur a divisé son ouvrage <strong>en</strong> deux parties : la première<br />
démonte les outils et les mécanismes « moderniser à tout<br />
prix », la deuxième est un rappel historique « comm<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> est-on arrivé-là ? ». La « barbarie douce » est une forme<br />
d'oppression inconnue dans le passé. Jusqu'à prés<strong>en</strong>t la<br />
barbarie signifiait viol<strong>en</strong>ce et cruauté, utilisées par les régi¬<br />
mes totalitaires et dictatoriaux. La « barbarie douce »<br />
n'agit pas par la contrainte externe et la domination, ses<br />
thèmes de prédilection sont l'« autonomie », la « transpa¬<br />
r<strong>en</strong>ce » et la « convivialité ». Elle s'adresse à chacun <strong>en</strong><br />
n'ayant de cesse de rechercher sa participation et ceux qui la<br />
pratiqu<strong>en</strong>t affich<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t une bonne volonté et un sou¬<br />
rire désarmants. La barbarie douce procède de l'insigni¬<br />
fiance et de la manipulation. Ce sont dans les <strong>en</strong>treprises et<br />
dans l'école qu'elle se pratique le plus. L'auteur ne croit pas<br />
suffisante l'explication néolibérale et p<strong>en</strong>se qu'elle est<br />
symptomatique de la décomposition des repères qui<br />
structurai<strong>en</strong>t avant le vivre-<strong>en</strong>semble. (Prix : 42,00 FF).<br />
LEMIÈRE, Vinc<strong>en</strong>t.<br />
La conception sartri<strong>en</strong>ne de l'<strong>en</strong>fant ou « L 'idiot de la<br />
famille ».<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 1 10 p., notes bibliogr.<br />
(Education et sociétés.) «* 5<br />
La famille choisit le destin de l'<strong>en</strong>fant, comm<strong>en</strong>t pourrait-il<br />
y échapper ? Est-on l'idiot de la famille parce que celle-ci<br />
l'a décidé ? Sartre, pour qui l'homme est éducable à l'infini,<br />
a t<strong>en</strong>té de répondre. 11 n'accepte aucun déterminisme et re-<br />
luse la théorie freudi<strong>en</strong>ne parce qu'elle réifie l'homme.<br />
L'auteur, à travers l'étude de plusieurs ouvrages sartri<strong>en</strong>s,<br />
pose la question des choix éducatifs <strong>en</strong> regard de la liberté<br />
que la société laisse à l'<strong>en</strong>fance, et se demande comm<strong>en</strong>t<br />
concilier les différ<strong>en</strong>ts actes éducatifs et la liberté de choisir<br />
qui doit lui être laissée car c'est l'<strong>en</strong>fance, pour une part<br />
certaine, qui détermine notre vécu. (Prix : 70,00 FF).<br />
MOLINIER, Gilbert.<br />
La gestion des stocks lycé<strong>en</strong>s : idéologies, pratiques<br />
scolaires et interdit dép<strong>en</strong>ser.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 227 p., bibliogr.<br />
p. 225-226. «* 5<br />
Pourquoi, ce qui était possible, il y a quarante ans, ap¬<br />
pr<strong>en</strong>dre à rester assis, appr<strong>en</strong>dre à écouter, appr<strong>en</strong>dre à<br />
lire et à écrire à un <strong>en</strong>fant de pauvre, appr<strong>en</strong>dre à voir,<br />
comm<strong>en</strong>cer l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t à appr<strong>en</strong>dre à p<strong>en</strong>ser par les dé¬<br />
tours de l'étude de la grammaire, semble aujourd'hui re<br />
lever de l'exploit impossible ? Pourquoi ? C'est « avec la<br />
rage au v<strong>en</strong>tre » que l'auteur a écrit ce livre. Il appelle<br />
idéologie scolaire, l'<strong>en</strong>semble des fausses questions po¬<br />
sées, faux problèmes traités, fausses réponses apportées<br />
aux problèmes réels et actuels de l'éducation qui met l'<strong>en</strong>¬<br />
seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> péril. 11 appelle pratiques scolaires, l'<strong>en</strong>¬<br />
semble désarticulé des <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts disp<strong>en</strong>sés aux<br />
élèves, par des modes de gestion manageridles. 11 appelle<br />
interdit de p<strong>en</strong>ser, l'<strong>en</strong>semble des mesures mises <strong>en</strong> place<br />
par les technocrates de la rénovation pédagogique. Si les<br />
élèves emploi<strong>en</strong>t toutes leurs forces pour ne pas ap¬<br />
pr<strong>en</strong>dre, est-ce leur faute ? (Prix : 120,00 FF).<br />
PENA-RUIZ, H<strong>en</strong>ri.<br />
L'école: un exposépour compr<strong>en</strong>dre, un essaipour réfléchir.<br />
Paris : Flammarion, 1999. (Dominos ; 195.) «* 5<br />
Notre société est caractérisée par une crise qui touche les<br />
fondem<strong>en</strong>ts mêmes de l'intégration républicaine. L'école<br />
publique est directem<strong>en</strong>t touchée par cette crise et la<br />
question est de savoir comm<strong>en</strong>t elle peut y faire face tout<br />
<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant sa fonction de promotion sociale et<br />
d'émancipation intellectuelle. Dans le but d'éclairer les<br />
débats qui ne cess<strong>en</strong>t de r<strong>en</strong>aître sur les ori<strong>en</strong>tations de la<br />
politique scolaire, l'auteur se place d'abord du point de<br />
vue des fondem<strong>en</strong>ts de l'école ; il explore le s<strong>en</strong>s et la rai¬<br />
son d'être de l'institution. Il prolonge <strong>en</strong>suite cet exposé<br />
par un essai sur les controverses les plus courantes et sur<br />
les t<strong>en</strong>dances qui peuv<strong>en</strong>t contrarier la réalisation de<br />
l'idéal fondateur de l'école. (Prix : 41,00 FF).<br />
WILLIAMS, J<strong>en</strong>ny, ed.<br />
Negotiating access to higher education : the discourse of<br />
selectivity and equity.<br />
Buckingham ; Bristol : Op<strong>en</strong> university press, 1997.<br />
XIX- 194 p., bibliogr. p. 174-186. Index. " 11<br />
Cet ouvrage choisit une approche discursive pour donner<br />
s<strong>en</strong>s aux changem<strong>en</strong>ts réc<strong>en</strong>ts qui ont modifié les modes<br />
d'accès à l'éducation supérieure. A travers ses huit chapi¬<br />
tres (« Accès a l'éducation supérieure <strong>en</strong> cette fin de<br />
siècle : politique, pouvoir et discours », « La Sélection<br />
comme forme de discours légitimant la restriction de cet<br />
accès », « Quand les chiffres écras<strong>en</strong>t les étudiants : le dis¬<br />
cours des statistici<strong>en</strong>s », « Les étudiants hors-norme :<br />
conceptualiser leurs différ<strong>en</strong>ces », « Le discours institu¬<br />
tionnel confronté à la réalité », « Contrôle d'accès : les<br />
discours qui intègr<strong>en</strong>t et ceux qui exclu<strong>en</strong>t », « Ce qu'<strong>en</strong><br />
p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t les étudiants : voies et id<strong>en</strong>tités hors du courant<br />
dominant », etc.), il analyse ces changem<strong>en</strong>ts et les débats<br />
qui les <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t <strong>en</strong> donnant la parole aux différ<strong>en</strong>ts pro¬<br />
tagonistes : l'État, les institutions d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supé¬<br />
rieur et de recherche, les personnels chargés du<br />
recrutem<strong>en</strong>t et les étudiants eux-mêmes. Leurs discours,<br />
<strong>en</strong> opposition, font valoir des élém<strong>en</strong>ts tels que les titres<br />
requis, la sélection et une certaine forme d'équité pour<br />
déterminer finalem<strong>en</strong>t qui peut être admis parmi les étu-<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 165
diants. Des visions aussi différ<strong>en</strong>tes aboutiss<strong>en</strong>t à des po¬<br />
litiques et des pratiques de recrutem<strong>en</strong>t qui ont plus ou<br />
moins de rapport avec les besoins des étudiants. (Prix : 45 £).<br />
Prospectives <strong>en</strong> matière d'éducation<br />
MORIN, Edgar, coord.<br />
Relier les connaissances : le défi du 21e siècle. Journées<br />
thématiques conçues et animéespar EdgarMorin. Paris,<br />
du 16 mars au 24 mars 1998.<br />
Paris : Editions du Seuil, 1999. 471 p., bibliogr.<br />
p. 461-471.» 5<br />
Ces journées thématiques ont été organisées afin de four¬<br />
nir des élém<strong>en</strong>ts d'information et de réflexion pour ré¬<br />
pondre aux grands défis que la connaissance devra<br />
affronter au troisième millénaire. Enseigner la condition<br />
humaine : elle est totalem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>te de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
qui la désintègre <strong>en</strong> fragm<strong>en</strong>ts disjoints. Or, les dévelop¬<br />
pem<strong>en</strong>ts réc<strong>en</strong>ts des sci<strong>en</strong>ces de la nature et la tradition<br />
majeure de la culture humaniste permettrai<strong>en</strong>t de disp<strong>en</strong>¬<br />
ser un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t faisant converger toutes les discipli¬<br />
nes pour faire pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce à chaque jeune esprit<br />
de ce que signifie l'humain. Appr<strong>en</strong>dre à vivre, signifie<br />
préparer les esprits à affronter les incertitudes et les pro¬<br />
blèmes de l'exist<strong>en</strong>ce humaine. Relier les connaissances<br />
se situe dans la finalité de la « tête bi<strong>en</strong> faite », c'est-à-dire<br />
organiser sa p<strong>en</strong>sée, relier et distinguer à la fois, pour fa¬<br />
voriser l'aptitude naturelle de l'esprit humain à contex-<br />
tualiser et à globaliser. (Prix : 145,00 FF).<br />
C - SOCIOLOGIE ET ÉDUCATION<br />
Sociologie générale<br />
Reflexionssur lemondecontemporam,prospective<br />
GÉNISSON, Catherine.<br />
Femmes-hommes, quelle égalitéprofessionnelle ?:<br />
la mixitéprofessionnellepourplus d'égalité <strong>en</strong>tre<br />
femmes et hommes.<br />
Paris : la <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française, 1999. 94 p.<br />
(Collection des rapports officiels ; 1999.) "S" 4<br />
Ce livre est un rapport fait au Premier ministre, Lionel<br />
Jospin, sur sa demande. L'auteur l'a divisé <strong>en</strong> deux par¬<br />
ties : Diagnostic et propositions. Dans la première partie,<br />
Catherine Génisson montre que les progrès liés notam¬<br />
m<strong>en</strong>t à la « loi Roudy » de 1983 n'ont pas suffi à vaincre<br />
l'inégalité professionnelle. Dans la deuxième partie, l'au¬<br />
teur fait des propositions par thèmes : améliorer la situa¬<br />
tion des femmes au travail, élargir les choix professionnels<br />
des femmes par une évolution de l'ori<strong>en</strong>tation scolaire,<br />
favoriser une meilleure conciliation <strong>en</strong>tre vie familiale et<br />
vie professionnelle. (Prix : 78,00 FF : 12 EUR).<br />
Sociologie de Véducation<br />
BALUTEAU, François.<br />
Les savoirs au collège : discours officiels et discours<br />
critiques sur lapédagogie du secondaire.<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. XI-317 p.,<br />
bibliogr. p. 303-317. (Éducation et formation :<br />
Pédagogie théorique et critique.) «^ 13<br />
Cet ouvrage, consacré aux savoirs et aux pratiques de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t secondaire, confronte les dispositions of¬<br />
ficielles (instructions, programmes, horaires) au contexte<br />
intellectuel et politique du vingtième siècle. A la lecture<br />
des ordonnances qui se succèd<strong>en</strong>t, c'est bi<strong>en</strong> la défaite de<br />
l'humanisme dans sa version républicaine qui est <strong>en</strong> jeu et<br />
qu'il faut dépasser. Mais comm<strong>en</strong>t introduire la moder¬<br />
nité, la pluralité, sans r<strong>en</strong>oncer à l'universalité ? Com¬<br />
m<strong>en</strong>t répondre à l'évolution économique marquée par la<br />
sci<strong>en</strong>ce et la technologie sans r<strong>en</strong>oncer à l'humanisme ?<br />
L'ordonnance culturelle d'aujourd'hui n'est plus celle<br />
d'hier quand les exig<strong>en</strong>ces de l'économie bouscul<strong>en</strong>t les<br />
principes humanistes sur lesquels se fonde notre culture.<br />
(Prix : 168,00 FF).<br />
ROBERT, André D.<br />
Actions et décisions dans l'Éducation nationale : un<br />
itinéraire de recherche.<br />
Paris ; Montréal : L'Harmattan, 1999. 173 p., bibliogr.<br />
p. 157-173. (Éducation & formation.) *& 12<br />
Prés<strong>en</strong>té pour l'habilitation à diriger les recherches, ce<br />
texte prés<strong>en</strong>te le parcours de recherche de l'auteur et la<br />
synthèse de ses travaux de sociologie de l'éducation.<br />
Abordé ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t, mais non exclusivem<strong>en</strong>t, par<br />
l'analyse de cont<strong>en</strong>u des actes de langage, c'est le change¬<br />
m<strong>en</strong>t dans l'éducation qui a ret<strong>en</strong>u l'att<strong>en</strong>tion du cher¬<br />
cheur. Deux grands axes structur<strong>en</strong>t son parcours.<br />
Interrogeant le changem<strong>en</strong>t dans l'éducation nationale<br />
comme un aspect du changem<strong>en</strong>t social, c'est l'analyse<br />
des politiques éducatives, illustrée dans le prés<strong>en</strong>t texte<br />
par l'exemple de l'évolution des cartes scolaires, qui le re¬<br />
ti<strong>en</strong>t. Cet axe est am<strong>en</strong>é à s'<strong>en</strong>richir de nouveaux déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>ts sur le concept de décision dans les politiques<br />
scolaires. Le second axe se conc<strong>en</strong>tre sur les interactions à<br />
l'uvre dans le changem<strong>en</strong>t à travers l'analyse des rap¬<br />
ports <strong>en</strong>tre pouvoirs publics et syndicats, notamm<strong>en</strong>t sur<br />
le rôle du syndicalisme dans la professionnalisation du<br />
métier d'<strong>en</strong>seignant. Un projet de recherche <strong>en</strong> cours dé¬<br />
ploiera ces questions dans la dim<strong>en</strong>sion europé<strong>en</strong>ne.<br />
(Prix: 110,00 FF).<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
Inégalités d'éducation et structure sociale<br />
Ségrégation urbaine, ségrégation scolaire : actes de la<br />
journée d'études dull janvier 1 999.<br />
Paris : Hachette éducation, 1999. 1 19 p. «* 4<br />
Ces journées d'études sur le thème « Ségrégation urbaine,<br />
ségrégation scolaire » auxquelles ont participé des repré¬<br />
s<strong>en</strong>tants des associations de par<strong>en</strong>ts, le Ministre de la ville,<br />
la Ligue de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, le sociologue François Dubet,<br />
ont pour objectif de nous éclairer et de nous interroger sur<br />
le rôle de l'école dans le processus de ségrégation sociale.<br />
Comm<strong>en</strong>t l'école peut-elle, dans le respect des principes<br />
républicains, être le heu de construction d'une culture<br />
commune à tous, <strong>en</strong> restant le lieu où s'exprim<strong>en</strong>t les indi¬<br />
vidualités ? Comm<strong>en</strong>t réaliser l'objectif de l'égalité des<br />
chances ? L'école participe-t-elle au développem<strong>en</strong>t de<br />
l'exclusion et de la ségrégation ? Trois pistes de réflexion<br />
ont guidé les échanges de ces journées : Crise territoriale<br />
ou crise sociale ? Cette problématique s'inscrit dans l'ana¬<br />
lyse de la crise sociale que traverse notre pays dont les ef-<br />
~7ets sur certains territoires t<strong>en</strong>dè7ffTg<strong>en</strong>érer des politiques<br />
contradictoires. Accid<strong>en</strong>t social ou volonté politique ? Les<br />
forces ségrégatives qui travaill<strong>en</strong>t le corps social ont-elles<br />
été r<strong>en</strong>forcées par les politiques publiques, et <strong>en</strong> particulier<br />
scolaires ? L'école : victime, acteur et auteur des ségréga¬<br />
tions ? L'école ne produit-elle pas « Pethnicité » comme<br />
l'inspire la sociologie anglo-saxonne ? (Prix : 59,00 FF).<br />
DUBREUIL, Bertrand.<br />
Collèges <strong>en</strong> milieux populaires : « ces mots qui veul<strong>en</strong>t<br />
nous changer ».<br />
Ami<strong>en</strong>s ; Paris : Licorne ; L'Harmattan, 1999. 223 p.,<br />
bibliogr. p. 217-219. (Villes plurielles.) « 1 1<br />
Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre d'un rapport de re¬<br />
cherche sur le thème de la motivation scolaire <strong>en</strong> milieu<br />
défavorisé et <strong>en</strong> zone ZEP à partir d'une <strong>en</strong>quête conduite<br />
dans deux collèges de Creil. L'objectif était d'analyser quel<br />
est le rapport <strong>en</strong>tre le s<strong>en</strong>s que l'élève donne à sa scolarité et<br />
"son"origine"sociale"à"traversun-certain-nombrede-détermi=<br />
nants comme le sexe, le projet migratoire, l'histoire par<strong>en</strong>¬<br />
tale, le projet personnel, le désir de promotion sociale et<br />
professionnelle, l'intérêt des par<strong>en</strong>ts pour la scolarité de<br />
ieurs^<strong>en</strong>iantsTTaide apportéeirla-maisonrll <strong>en</strong> ressort quece<br />
n'est pas la condition sociale des élèves qui est à l'origine<br />
de l'échec, mais la relation <strong>en</strong>tre cette condition et les pro¬<br />
cédures d'accès au savoir <strong>en</strong> vigueur à l'école. 11 convi<strong>en</strong>t<br />
alors de s'interroger sur les pratiques pédagogiques et de<br />
ne pas considérer qu'il n'y a qu'un seul mode d'accès au sa¬<br />
voir afin de ne pas justifier la thèse du handicap sociocultu¬<br />
rel. (Prix: 110,00 FF).<br />
Éducation, socialisation et cultures<br />
ABDALLAH-PRETCEILLE, Martine.<br />
L'éducation interculturelle.<br />
Paris : PUF, 1999. 126 p., bibliogr. p. 123-126. (Que<br />
sais-je ?; 3487.) «* 21<br />
La diversité culturelle est omniprés<strong>en</strong>te dans l'école et<br />
s'impose dans les faits. Or, il na pas été jusqu'ici <strong>en</strong>visagé<br />
une véritable politique éducative à l'interculturalité <strong>en</strong><br />
France. Les problèmes qui ponctuellem<strong>en</strong>t surgiss<strong>en</strong>t dans<br />
l'école, du fait de la confrontation de cultures différ<strong>en</strong>tes,<br />
sont traités dans l'urg<strong>en</strong>ce et localisés à certains secteurs. 11<br />
existe <strong>en</strong>core « un sil<strong>en</strong>ce lourd et coupable » sur la ques¬<br />
tion de la pluralité culturelle. Elle se définit <strong>en</strong>tre deux atti¬<br />
tudes : être niée au nom de l'universalité et être valorisée au<br />
nom de la différ<strong>en</strong>ce. L'école ne peut toutefois pas rester<br />
neutre et une réflexion sur la question devi<strong>en</strong>t indisp<strong>en</strong>¬<br />
sable pour sa mission éducative des citoy<strong>en</strong>s de demain.<br />
L^auteur analyse les concepts liés à la problématique inter^<br />
culturelle et fait le point sur les différ<strong>en</strong>tes théories <strong>en</strong><br />
cours. Une étude comparative <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ces m<strong>en</strong>ées dans les pays anglo-saxons et des pays eu¬<br />
ropé<strong>en</strong>s montre que le phénomène pluriculturel ne peut<br />
être éludé, quelles que soi<strong>en</strong>t les ori<strong>en</strong>tations prises dans<br />
chaque pays. (Prix : 42,00 FF).<br />
Sociologie des programmes etprocessus<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
BOURGEOIS, Eti<strong>en</strong>ne ; DUKE, Chris ; GUYOT,<br />
Jean-Luc et al.<br />
The adult university.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1999. 194 p.,<br />
^ibliQgr^p^8^-l-85andex.J*=4<br />
Dans la plupart des universités, il y a maint<strong>en</strong>ant plus<br />
d'étudiants adultes que de jeunes g<strong>en</strong>s directem<strong>en</strong>t issus<br />
du lycée et, pourtant, celles-ci continu<strong>en</strong>t d'agir comme si<br />
^e^hangem<strong>en</strong>t-n^vait-pas-euJie^Un<br />
nale de professeurs, issus de facultés europé<strong>en</strong>nes, pose<br />
donc une série de questions susceptibles d'<strong>en</strong>gager une ré¬<br />
flexion qui r<strong>en</strong>de compte du phénomène : Quelles sont les<br />
stratégies de recrutem<strong>en</strong>t des facultés ; Quelle place don¬<br />
n<strong>en</strong>t-elles à l'expéri<strong>en</strong>ce ; Encourag<strong>en</strong>t-elles ou dissua¬<br />
d<strong>en</strong>t-elles un recrutem<strong>en</strong>t plus large ? Comm<strong>en</strong>t les<br />
adultes viv<strong>en</strong>t-ils l'université ; Dans quelle mesure<br />
l'université s'adapte-t-elle aux besoins spécifiques de<br />
ceux-ci ? Quelles mesures réalistes les universités peu¬<br />
v<strong>en</strong>t-elles pr<strong>en</strong>dre pour améliorer ces points ? Pour ré¬<br />
pondre à ces questions, les auteurs se plac<strong>en</strong>t à la fois dans<br />
l'optique des systèmes nationaux et des interactions loca¬<br />
les, des politiques élaborées globalem<strong>en</strong>t et du point de vue<br />
des étudiants eux-mêmes. (Prix : 55 £).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 167
FEINBERG, Walter ; SOLTIS, Jonas F.<br />
School and society.<br />
New York ; London : Teachers college press, 1998.<br />
155 p., bibliogr. p. 151-155. « 22<br />
Ce livre expose les courants de p<strong>en</strong>sée marquants qui per¬<br />
mett<strong>en</strong>t d'interpréter la relation école-société dans les so¬<br />
ciétés post-modernes. L'analyse marxiste et l'approche<br />
fonctionnaliste sont plus particulièrem<strong>en</strong>t développées.<br />
Les <strong>en</strong>seignants transmett<strong>en</strong>t-ils toujours les valeurs cul¬<br />
turelles dominantes ? Quelles sont les missions de<br />
l'école ? Dans quelle mesure l'école reproduit-elle les iné¬<br />
galités raciales et sociales ? L'intégration fonctionne-t-elle<br />
pour toutes les minorités ? Plusieurs études<br />
de cas traitant de ces questions sont <strong>en</strong>visagées, adoptant<br />
tour à tour les approches marxistes et fonctionnalistes,<br />
dans un langage délibérém<strong>en</strong>t simple et précis. En effet,<br />
l'objet de cet ouvrage est de jeter un pont <strong>en</strong>tre théorie et<br />
pratique, de fournir au futur <strong>en</strong>seignant comme à l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant expérim<strong>en</strong>té, les bases théoriques qui r<strong>en</strong>dront<br />
possible une démarche de questionnem<strong>en</strong>t par rapport<br />
au cont<strong>en</strong>u de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, aux missions de l'école et<br />
au rôle effectivem<strong>en</strong>t joué par l'école dans la société.<br />
(Prix : 16 $).<br />
Sociologie du milieu scolaire<br />
YONEYAMA, Shoko.<br />
TheJapanese high school : sil<strong>en</strong>ce and resistance.<br />
London ; New York : Roudedge, 1999. XX-287 p.,<br />
bibliogr. p. 264-276. Index. (The Nissan institute -<br />
Routledge Japanese studies series.) fc§° 1 1<br />
Le système éducatifjaponais, tout comme son économie,<br />
a longtemps été perçu comme un modèle d'efficacité et de<br />
discipline bénéficiant d'un niveau élevé. Ces dernières<br />
années, pourtant, de nouveaux phénomènes sont appa¬<br />
rus : des « ijime », viol<strong>en</strong>tes bandes qui sèm<strong>en</strong>t la terreur,<br />
ont transformé l'école, déjà naturellem<strong>en</strong>t perçue comme<br />
extrêmem<strong>en</strong>t contraignante, <strong>en</strong> champ de bataille et créé<br />
une phobie de l'école (« tokokyohi »). Le livre décrit le<br />
lycée japonais tel que les lycé<strong>en</strong>s eux-mêmes le viv<strong>en</strong>t ;<br />
utilisant des données comparatives issues du Japon et de<br />
l'Australie, il étudie plus particulièrem<strong>en</strong>t les relations<br />
étudiants/professeurs, la discipline et les punitions, les rè¬<br />
gles qui régiss<strong>en</strong>t l'école et les études. Plus globalem<strong>en</strong>t, il<br />
replace la crise de l'éducation dans le contexte plus large<br />
du système politique japonais et de son économie<br />
troublée. (Prix : 50 £).<br />
Sociologies connexes à la sociologie<br />
de Véducation<br />
Sociologie de V<strong>en</strong>fance et de lajeunesse<br />
MANIER, Bénédicte.<br />
Le travail des <strong>en</strong>fants dans le monde.<br />
Paris : La Découverte, 1999. 120 p., bibliogr.<br />
p. 1 13-116. (Repères ; 265.) « 4<br />
Bénédicte Manier, journaliste à l'Ag<strong>en</strong>ce France Presse,<br />
dresse un état des lieux très détaillé d'une situation qui<br />
n'est pas réc<strong>en</strong>te, puisque de tout temps l'<strong>en</strong>fant a parti¬<br />
cipé à l'économie, qu'elle soit familiale ou hors du cercle<br />
familial (domestiques, appr<strong>en</strong>tis...), et qui s'est amplifiée<br />
au XIXe siècle, puisque l'industrie naissante a eu recours<br />
très tôt à cette main-d'uvre toute trouvée. C'est un phé¬<br />
nomène planétaire, particulièrem<strong>en</strong>t important dans les<br />
pays les plus pauvres (<strong>en</strong> Afrique, <strong>en</strong> Asie, au Brésil, <strong>en</strong><br />
Amérique latine, <strong>en</strong> Chine auprès d'<strong>en</strong>fants privés d'exis¬<br />
t<strong>en</strong>ce légale...) et qui est égalem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t dans les pays<br />
industrialisés (Europe, États-Unis...). Les statistiques of¬<br />
ficielles avancées ne cadr<strong>en</strong>t jamais avec la réalité du ter¬<br />
rain. L'activité des <strong>en</strong>fants est importante dans les<br />
secteurs à forte activité de main-d'uvre : - l'agriculture,<br />
l'élevage, la pêche et la subsistance familiale ; - les indus¬<br />
tries manufacturières et les services et la liste <strong>en</strong> est ex¬<br />
haustive : mines, fabrique de tapis, chantiers, petits<br />
métiers, domestiques... Le travail des <strong>en</strong>fants joue donc<br />
un rôle considérable dans l'économie de certains pays.<br />
Récemm<strong>en</strong>t, le développem<strong>en</strong>t de la prostitution et du<br />
tourisme sexuel ont pris des proportions alarmantes. Que<br />
faire face à cette situation dont l'impact psychologique à<br />
court et long terme auprès des <strong>en</strong>fants qui <strong>en</strong> sont les vic¬<br />
times ainsi que les conséqu<strong>en</strong>ces sur leur santé n'ont pas<br />
<strong>en</strong>core pu être évalués ? L'auteur m<strong>en</strong>tionne le rôle de<br />
l'ONU, du Code de travail international, des ONG, des<br />
lois nationales, de la mobilisation réc<strong>en</strong>te de l'opinion<br />
publique, de l'ouverture d'un débat sur ce qui est « tole¬<br />
rable » et « intolérable ». (Prix : 49,00 FF).<br />
VUILLE, Michel ; GROS, Dominique.<br />
Viol<strong>en</strong>ce ordinaire.<br />
G<strong>en</strong>ève : Service de la recherche <strong>en</strong> éducation de<br />
l'Etat de G<strong>en</strong>ève, 1999. 227 p., notes bibliogr.<br />
(N° spécial : Cahier ; 5.) «s* 4<br />
Cet ouvrage est la version remaniée de la 2e partie du rap¬<br />
port sur « La viol<strong>en</strong>ce des jeunes <strong>en</strong> milieu urbain »,<br />
r<strong>en</strong>du au Conseil d'État de G<strong>en</strong>ève par un Collège d'ex¬<br />
perts. Après un rappel de l'historique de la viol<strong>en</strong>ce de¬<br />
puis la naissance de la société industrielle jusqu'à nos<br />
jours, ils étudi<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t la manière dont se<br />
met <strong>en</strong> place le contexte dans lequel opèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>seignants<br />
et établissem<strong>en</strong>ts scolaires. De la situation sociale des jeu¬<br />
nes à la viol<strong>en</strong>ce des images, <strong>en</strong> passant par le déroule¬<br />
m<strong>en</strong>t des manifestations de rue et leurs débordem<strong>en</strong>ts<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
ainsi que le développem<strong>en</strong>t des incivilités, ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de<br />
compr<strong>en</strong>dre cette métamorphose de la viol<strong>en</strong>ce. L'ou¬<br />
vrage conti<strong>en</strong>t quelques pistes de réflexion sur les rap¬<br />
ports <strong>en</strong>tre jeunes, viol<strong>en</strong>ces et société des adultes, dans<br />
une perspective de prév<strong>en</strong>tion. (Prix : 25,00 FFS).<br />
Sociologie de l'action sociale<br />
DONATI, P. ; NOLLO, S. ; NORVEZ, A. et al.<br />
Les c<strong>en</strong>tres maternels : réalités et <strong>en</strong>jeux éducatifs.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 314 p., bibliogr.<br />
p. 309-314. (Logiques sociales.) «*" 14<br />
100 ans après la création des c<strong>en</strong>tres maternels, 50 ans<br />
après l'octroi de leur statut obligatoire, une équipe de<br />
chercheurs s'est interrogée sur la place de ces établisse¬<br />
m<strong>en</strong>ts dans le système d'aide sociale à l'<strong>en</strong>fance et ses <strong>en</strong>¬<br />
jeux éducatifs. Trois problématiques sont développées : le<br />
problème des savoirs autour de la maternité, la sociologie<br />
des populations concernées et les réponses données <strong>en</strong><br />
matière de formation et de réinsertion, la question de la<br />
finalité des actions m<strong>en</strong>ées. Deux approches, macroso¬<br />
ciologique et microsociologique, permett<strong>en</strong>t de com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre, premièrem<strong>en</strong>t, la part prise par ce dispositif à<br />
travers la lecture des textes officiels, deuxièmem<strong>en</strong>t, les<br />
processus éducatifs mis <strong>en</strong> @uvre à travers la réalisation<br />
d'une <strong>en</strong>quête de terrain. Travaillant sur un échantillon<br />
de c<strong>en</strong>tres <strong>en</strong> région parisi<strong>en</strong>ne, les modes d'analyse choi¬<br />
sis ont fait apparaître l'organisation humaine et spatiale<br />
des c<strong>en</strong>tres maternels, les <strong>en</strong>jeux éducatifs à travers le dis¬<br />
cours des professionnels, le point de vue des femmes à<br />
travers quelques r<strong>en</strong>contres. L'acc<strong>en</strong>t mis sur les concepts<br />
d'éducation dans cette recherche s'est élargi aux problè¬<br />
mes des processus de socialisation et d'appr<strong>en</strong>tissage du<br />
comportem<strong>en</strong>t maternel.<br />
Sociologie du travail<br />
KOUAMÉ, Aka.<br />
Education et emploi desfemmes à Abidjan.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 287 p., bibliogr.<br />
p. 259-273. (Sociétés africaines et diaspora.) ** 1 1<br />
Il existe des inégalités <strong>en</strong>tre les hommes et les femmes sur<br />
le marché du travail dans les Pays <strong>en</strong> développem<strong>en</strong>t. Du<br />
point de vue de la croissance économique, l'exist<strong>en</strong>ce de<br />
ces inégalités représ<strong>en</strong>te une perte de pot<strong>en</strong>tiel de déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t pour ces pays, <strong>en</strong> raison de la part importante<br />
de femmes dans la main-d'uvre possible, le travail étant<br />
considéré comme le facteur de production dont les pays<br />
africains disposerai<strong>en</strong>t le plus <strong>en</strong> abondance. Dans une<br />
première partie, l'auteur passe <strong>en</strong> revue les différ<strong>en</strong>tes<br />
théories explicatives de la position des femmes sur le<br />
marché du travail. En vue de déterminer si la ville d'Abid¬<br />
jan se prête effectivem<strong>en</strong>t à l'application des théories rela¬<br />
tives au sujet, il a été procédé a des analyses préliminaires<br />
visant à décrire le contexte général de l'emploi des fem¬<br />
mes. Cette deuxième partie comporte quatre chapitres<br />
qui trait<strong>en</strong>t de la politique de l'emploi, de la politique de<br />
promotion de la femme, des pratiques des employeurs à<br />
l'égard des femmes sur le marché du travail et des inégali¬<br />
tés <strong>en</strong>tre hommes et femmes <strong>en</strong> matière d'éducation. La<br />
troisième partie prés<strong>en</strong>te les résultats de toutes ces analy¬<br />
ses sur la position des femmes sur le marché du travail de<br />
la ville d'Abidjan, et les mécanismes qui y conduis<strong>en</strong>t. Ce<br />
travail devra être poursuivi par des études ultérieures,<br />
pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte d'autres données telles que celles rela¬<br />
tives aux employeurs, et des tailles d'échantillon plus<br />
grandes. (Prix : 150,00 FF).<br />
Anthropologie, ethnologie<br />
Anthropologie, ethnologie et éducation<br />
LANGE, Marie-France.<br />
L'école et lesfilles <strong>en</strong> Afrique : scolarisation sous<br />
conditions.<br />
Paris : Karthala, 1998. 254 p., notes bibliogr. (Ecole,<br />
éducation, formation.) «* 1 1<br />
Cet ouvrage rassemble huit études de cas portant sur les<br />
conditions de scolarisation des filles <strong>en</strong> Afrique, les réali¬<br />
tés de leurs scolarités et les transformations sociales qui<br />
<strong>en</strong> découl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction des milieux sociaux, culturels,<br />
ruraux et urbains. L'ordre scolaire illustre l'idéologie<br />
sexiste basée sur un rapport de domination masculine<br />
transparaissant dans les cont<strong>en</strong>us des manuels et dans les<br />
pratiques scolaires. Il est aussi le reflet d'un ordre écono¬<br />
mique utilitaire où le choix de la scolarisation des filles<br />
s'effectue à partir des besoins éducatifs des garçons de la<br />
fratrie et de la nécessité d'une main-d'uvre féminine <strong>en</strong>¬<br />
fantine. Dans cette perspective, la scolarisation des filles<br />
met <strong>en</strong> danger le modèle societal dominant et si, toute¬<br />
fois, une prise de consci<strong>en</strong>ce sur la nécessité de<br />
l'éducation se fait jour, le rôle émancipateur de l'école ap¬<br />
paraît limité. (Prix : 140,00 FF).<br />
MOKADDEM, Hamid.<br />
L'échec scolaire calédoni<strong>en</strong>.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 136 p., bibliogr.<br />
p. 157-161. (Mondes océani<strong>en</strong>s.) «* 12<br />
Quelles sont les causes de l'échec scolaire calédoni<strong>en</strong>,<br />
quelle est la part imputable à la multiplicité des langues, à<br />
la diversité de la culture, aux conditions matérielles, à la<br />
coutume ? Peut-on y voir le résultat de la dép<strong>en</strong>dance<br />
économique, favorisant la reproduction inégalitaire du<br />
savoir à travers les structures sociales <strong>en</strong>tre Kanaks, mi¬<br />
grants polynési<strong>en</strong>s et Europé<strong>en</strong>s ? Quel rôle joue le poli¬<br />
tique à la suite des Accords de Nouméa ? L'une des<br />
réponses proposées par l'auteur serait de reconstituer un<br />
li<strong>en</strong> social id<strong>en</strong>titaire afin de lutter contre l'échec scolaire,<br />
BIBLIOGRAPHIE COURANTE 169
inégal selon les différ<strong>en</strong>tes communautés. Cet essai, réa¬<br />
lisé à partir d'<strong>en</strong>quêtes, d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s et d'observations,<br />
s'inscrit dans le cadre d'une thèse d'anthropologie cultu¬<br />
relle sur le li<strong>en</strong> societal <strong>en</strong> Nouvelle-Calédonie. Il prés<strong>en</strong>te<br />
<strong>en</strong> annexe les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s les plus représ<strong>en</strong>tatifs. (Prix :<br />
90,00 FF).<br />
SINGLETON, John. ed.<br />
Learning in likelyplaces : varieties ofappr<strong>en</strong>ticeship in<br />
Japan.<br />
Cambridge : Cambridge University Press, 1998. 376 p.,<br />
notes bibliogr. Index. (Learning in doing : social,<br />
cognitive, and computational perspectives.) «^11<br />
A partir de la similarité de modèles d'appr<strong>en</strong>tissage ob¬<br />
servés dans des métiers manuels, artistiques et intellec¬<br />
tuels, les auteurs des différ<strong>en</strong>tes contributions étudi<strong>en</strong>t le<br />
rôle du contexte societal spécifique à la tradition japo¬<br />
naise, lors de l'appr<strong>en</strong>tissage de savoir-faire et<br />
l'acquisition de connaissances. La première partie qui<br />
traite de l'appr<strong>en</strong>tissage des arts traditionnels dans le do¬<br />
maine artistique révèle l'importance de la pratique de<br />
l'art jusqu'à la parfaite maîtrise par la répétition continue<br />
d'exercices précis. La deuxième partie décrit<br />
l'appr<strong>en</strong>tissage chez les potiers, tisserands, mécanici<strong>en</strong>s,<br />
docteurs et violonistes. On y découvre l'allégeance au<br />
maître et l'adhésion aux valeurs de la communauté pro¬<br />
fessionnelle reflétant l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et la motivation pour<br />
le métier. La troisième partie prés<strong>en</strong>te la diversité des<br />
procédures d'appr<strong>en</strong>tissage situationnel, auto-didactique<br />
et par les pairs. La dernière partie analyse l'adaptation des<br />
pratiques d'appr<strong>en</strong>tissage japonaises transposée à<br />
d'autres domaines (sport, managem<strong>en</strong>t) au Japon et aux<br />
États-Unis. (Prix : 480,00 FF : 64.85 $).<br />
WULF, Christoph.<br />
Anthropologie de l'éducation.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 239 p., bibliogr.<br />
p. 223-238. (Savoir et formation.) «®" 12<br />
L'anthropologie de l'éducation constitue un domaine ca¬<br />
pital du savoir pédagogique aujourd'hui, caractérisé par<br />
le pluralisme et la diversité. Le savoir anthropologique<br />
joue un rôle important, aussi bi<strong>en</strong> dans le savoir des<br />
sci<strong>en</strong>ces de l'éducation que dans le savoir de la pédagogie<br />
pratique. Ce savoir fonctionne dans une double contextualité<br />
historique et culturelle. Dans cet ouvrage, l'auteur<br />
ouvre les champs de la perfectibilité et de la non-perfecti¬<br />
bilité dans l'éducation, la mimesis sociale, l'éducation in¬<br />
terculturelle. (Prix : 130,00 FF).<br />
D - ÉCONOMIE, POLITIQUE,<br />
DÉMOGRAPHIE ET ÉDUCATION<br />
Politique<br />
Sci<strong>en</strong>cespolitiques <strong>en</strong> éducation<br />
Projets éducatifs des partis politiques<br />
et des syndicats<br />
HODESON, Ann ; SPOURS, K<strong>en</strong>.<br />
New labour's educational ag<strong>en</strong>da : issues andpoliciesfor<br />
education and trainingfrom 14+.<br />
London : Kogan page, 1999. VII- 165 p., bibliogr.<br />
p. 149-159. Index. (The future of education from<br />
14+.) « 4<br />
Tony Blair avait fait de l'éducation son cheval de bataille<br />
pour les élections générales de 1997 ; deux ans plus tard,<br />
qu'<strong>en</strong> est-il de ses objectifs ? A partir d'interviews avec<br />
des ministres, des conseillers et des employés de l'Etat, les<br />
auteurs, chercheurs de l'Institut Pédagogique de Londres<br />
(Institute of Education's Lifelong Learning Group) po¬<br />
s<strong>en</strong>t la question de la « troisième voie » et de la formation<br />
continue ; ils montr<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t le New Labour a dû gé¬<br />
rer les conséqu<strong>en</strong>ces de la politique m<strong>en</strong>ée préalablem<strong>en</strong>t<br />
par les Conservateurs, ce qui a grandem<strong>en</strong>t ori<strong>en</strong>té ses<br />
propres priorités dans le domaine de l'éducation. Le livre<br />
élabore alors des recommandations précises pour une<br />
politique future réussie, <strong>en</strong> particulier au sujet de la for¬<br />
mation des « quatorze ans et plus ». (Prix : 35 £).<br />
E - PSYCHOLOGIE ET ÉDUCATION<br />
Psychologie<br />
Méthodes de la psychologie<br />
Psychométrie, tests<br />
HUTEAU, Michel ; LAUTREY, Jacques.<br />
Évaluer l'intellig<strong>en</strong>ce :psychométrie cognitive.<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. 310 p.,<br />
graph., bibliogr. p. 295-306. (Psychologie et sci<strong>en</strong>ces<br />
de la p<strong>en</strong>sée ; 1999.) "3° 31<br />
La mesure de l'intellig<strong>en</strong>ce est une opération technique<br />
dont cet ouvrage examine les fondem<strong>en</strong>ts. La première<br />
partie prés<strong>en</strong>te un historique des tests avec, pour chacune<br />
des quatre périodes id<strong>en</strong>tifiées, le champ d'application<br />
170 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
des tests, les concepts et méthodes qui ont présidé à leur<br />
construction et les débats qu'ils ont suscités. La seconde<br />
partie est méthodologique. Elle traite des problèmes po¬<br />
sés par la mesure. La troisième partie prés<strong>en</strong>te, à partir<br />
d'exemples prototypiques, les trois principales catégories<br />
de tests d'intellig<strong>en</strong>ce : les échelles d'intellig<strong>en</strong>ce, les tests<br />
factoriels et les tests piagéti<strong>en</strong>s. L'auteur évoque, pour<br />
terminer, les perspectives de r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t des tests à la<br />
lueur des développem<strong>en</strong>ts de la psychologie cognitive<br />
puis de la démarche qui consiste à caractériser les sujets<br />
par leur capacité à appr<strong>en</strong>dre plutôt que par leur perfor¬<br />
mance. L'ouvrage s'adresse aux étudiants, <strong>en</strong>seignants et<br />
chercheurs dans le domaine des sci<strong>en</strong>ces cognitives mais<br />
aussi aux pratici<strong>en</strong>s. (Prix : 168,00 FF).<br />
Psychologie du développem<strong>en</strong>t<br />
VAYERrPierre ; RONeiNrCharles.<br />
Laface cachée de la classe : et si nous écoutions les<br />
<strong>en</strong>fants ?<br />
Sherbrooke (Québec) ; Paris : GGC ; Buchet-Chastel,<br />
1999. 163 p., ill., bibliogr. p. 161-163. (Pratiques<br />
nouvelles <strong>en</strong> éducation.) B* 1 1<br />
Derrière l'image appar<strong>en</strong>te de la classe, un <strong>en</strong>semble<br />
d'<strong>en</strong>fants alignés face à un adulte, se cache une réalité plus<br />
complexe. C'est d'abord une structure sociale composée<br />
d'individus différ<strong>en</strong>ts par leur statut, leur personnalité,<br />
leurs désirs, <strong>en</strong> relations et interrelations. Les auteurs, <strong>en</strong><br />
se référant à la psychologie du développem<strong>en</strong>t, ont voulu<br />
observer les comportem<strong>en</strong>ts des élèves dans la classe et ce<br />
qu'ils révélai<strong>en</strong>t sur les besoins fondam<strong>en</strong>taux de tout <strong>en</strong>¬<br />
fant. On part du constat qu'il existe trois niveaux de re¬<br />
prés<strong>en</strong>tation chez les interlocuteurs <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce dans la<br />
classe : ce qui est visible et qui <strong>en</strong>globe les comportem<strong>en</strong>ts<br />
conformes et non conformes des élèves ; ce que l'on ne<br />
voit pas et qui sont les besoins de communiquer, de s'af¬<br />
firmer, d'être reconnu, de s'opposer ; ce qu'on ne veut<br />
pas voir regroupe les stratégies utilisées pour éviter l'<strong>en</strong>¬<br />
nui, la saturation, l'abs<strong>en</strong>ce d'autonomie. Ces phénomè¬<br />
nes non perçus ou non reconnus sont l'expression de la<br />
vie profonde de la classe, et les reconnaître aiderait à une<br />
meilleure organisation et à une meilleure intégration<br />
dans la vie scolaire et ainsi à r<strong>en</strong>dre efficace le travail des<br />
élèves (écoute, att<strong>en</strong>tion, conc<strong>en</strong>tration). Le rôle joué par<br />
l'inconsci<strong>en</strong>t dans la classe est fondam<strong>en</strong>tal, celui de<br />
l'adulte qui conditionne les attitudes des <strong>en</strong>fants et celui<br />
des <strong>en</strong>fants, qui <strong>en</strong>tre alors <strong>en</strong> résonance et on peut ainsi<br />
^xpliqueTJlatmaspJièrie_pjasitiyje_o.u_négatiy_e_dJune_classe._<br />
Les auteurs ont réalisé cette étude à partir d'observations<br />
de classe de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire et secondaire (col^<br />
lège) au Québec, et dans trois pays europé<strong>en</strong>s (France,<br />
Italie, Portugal) et de questionnaires sur la perception de<br />
l'<strong>en</strong>seignant par les élèves. Ils plaid<strong>en</strong>t pour une école qui<br />
pr<strong>en</strong>drait de plus <strong>en</strong> plus <strong>en</strong> compte les relations humai¬<br />
nes dans la situation-classe et le développem<strong>en</strong>t person¬<br />
nel de l'<strong>en</strong>fant-élève. (Prix : 148,00 FF).<br />
Psychologie de l'<strong>en</strong>fant<br />
CARTRON, Annick ; WINNYKAMEN, Fayda.<br />
Les relations sociales chez l'<strong>en</strong>fant : g<strong>en</strong>èse,<br />
développem<strong>en</strong>t,fonctions.<br />
Paris : Armand Colin, 1999. 192 p., bibliogr.<br />
p. 185-188. (Cursus : Psychologie.) «« 22<br />
Cet ouvrage étudie les modes de relations qui se mett<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> place <strong>en</strong>tre l'<strong>en</strong>fant et sa famille, ainsi que les modes<br />
relationnels, les communications que celui-ci <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t<br />
avec ses pairs, et analyse les savoirs et savoir-faire qu'il<br />
doit acquérir et développer. C'est l'approche sociorela-<br />
tionnelle qui a été privilégiée, sans négliger les appels à<br />
d'autres sous-disciplines de la psychologie différ<strong>en</strong>tielle<br />
par exemple. Les positions de Piaget, Wallon, Vygotski et<br />
Bruner sont données. Le livre se termine par une étude in¬<br />
titulée « Adolesc<strong>en</strong>ts^ Adolesc<strong>en</strong>ce^ ^bibliographie<br />
est importante et complétée par de très nombreux <strong>en</strong>ca<br />
drés et docum<strong>en</strong>ts. (Prix : 73,00 FF).<br />
WILDE ASTINGTON, Janet.<br />
Comm<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants découvr<strong>en</strong>t la p<strong>en</strong>sée : la théorie de<br />
l'esprit chez l'<strong>en</strong>fant.<br />
Paris : Retz, 1999. 192 p., bibliogr. p. 191.<br />
(Psychologie.) * 22<br />
Janet Wilde Astington nous prés<strong>en</strong>te dans cet ouvrage le<br />
développem<strong>en</strong>t de la découverte de l'esprit chez<br />
l'<strong>en</strong>fant. Tout au long de ce livre, elle montre les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes étapes qui permett<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>fant de connaître pro¬<br />
gressivem<strong>en</strong>t ses propres états m<strong>en</strong>taux puis ceux des<br />
autres, et de l'usage qu'ils <strong>en</strong> font pour expliquer et pré¬<br />
dire le comportem<strong>en</strong>t des g<strong>en</strong>s. Trois thèmes ont guidé<br />
l'organisation de ce livre : le premier concerne les sujets<br />
et les domaines ayant un rapport avec la théorie de<br />
l'esprit chez l'<strong>en</strong>fant, leur compréh<strong>en</strong>sion (faire sem¬<br />
blant, désirer, l'int<strong>en</strong>tion, etc.) qui constitue le sujet des<br />
différ<strong>en</strong>ts chapitres traités grâce au vocabulaire de la psy¬<br />
chologie. Le deuxième thème a un caractère chronolo¬<br />
gique et étudie pour la tranche d'âge située, dix^huit mois<br />
et cinq ans, les changem<strong>en</strong>ts développem<strong>en</strong>taux de capa¬<br />
cité et de compréh<strong>en</strong>sion des <strong>en</strong>fants. Le troisième thème<br />
est de nature théorique. 11 prés<strong>en</strong>te l'état actuel des débats<br />
et de la recherche sur la « théorie de l'esprit » chez<br />
l'<strong>en</strong>fant et met <strong>en</strong> jeu des interprétations parfois contra¬<br />
dictoires. (Prix : 139,00 FF).<br />
BIBLIOGRAPHIE COURANTE 171
Processus dyacquisition, activités<br />
cognitives<br />
Activités cognitives<br />
DORTIER, Jean-François.<br />
Le cerveau et lap<strong>en</strong>sée : la révolution des sci<strong>en</strong>ces cognitives.<br />
Auxerre : Ed. Sci<strong>en</strong>ces humaines, 1999. 384 p., ill.,<br />
bibliogr. p. 367-375. Index, «s- 22<br />
Au fur et à mesure qu'elles agrèg<strong>en</strong>t de nouvelles discipli¬<br />
nes, les sci<strong>en</strong>ces de la p<strong>en</strong>sée se sont diversifiées. Elles ne<br />
form<strong>en</strong>t pas aujourd'hui un bloc monolithique mais plu¬<br />
tôt un univers de recherches foisonnant. De nombreux<br />
spécialistes français et étrangers font ici le point sur les<br />
principales découvertes issues de la psychologie cogni¬<br />
tive, de l'intellig<strong>en</strong>ce artificielle, des neurosci<strong>en</strong>ces et de la<br />
réflexion philosophique sur l'esprit. Les théories et les<br />
modèles prés<strong>en</strong>tés r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t la façon de concevoir la<br />
perception, la mémoire, l'intellig<strong>en</strong>ce, le raisonnem<strong>en</strong>t, le<br />
langage, la consci<strong>en</strong>ce et contribu<strong>en</strong>t à réintroduire la<br />
p<strong>en</strong>sée dans le vivant. Les diverses contributions appor¬<br />
t<strong>en</strong>t des réponses aux nombreuses questions que nous<br />
nous posons sur les opérations m<strong>en</strong>tales. (Prix :<br />
145,00 FF).<br />
Compréh<strong>en</strong>sion, activités intellectuelles<br />
FOURNIER, Jean-Yves.<br />
A l'école de l'intellig<strong>en</strong>ce : compr<strong>en</strong>drepour appr<strong>en</strong>dre.<br />
Paris : ESF, 1999. 231 p., bibliogr. p. 223-225.<br />
(Pédagogies outils.) «s- 22<br />
L'intellig<strong>en</strong>ce n'est pas une « chose » que l'on possède<br />
une bonne fois pour toutes. C'est un <strong>en</strong>semble d'activités<br />
m<strong>en</strong>tales qui se form<strong>en</strong>t, s'exerc<strong>en</strong>t, se déploi<strong>en</strong>t dans des<br />
conditions bi<strong>en</strong> précises. Après avoir fait le tour des mul¬<br />
tiples définitions qu'on a cherché à donner de l'intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ce, l'auteur décrit les processus opératoires <strong>en</strong> jeu lors<br />
d'une intellection. Il distingue quatre opérations intellec¬<br />
tuelles qui se succèd<strong>en</strong>t toujours dans le même ordre :<br />
analyse, synthèse, généralisation et application. L'objectif<br />
de l'ouvrage est aussi de mesurer les implications pédago¬<br />
giques de ce mécanisme, aussi formule-t-il des proposi¬<br />
tions directem<strong>en</strong>t opérationnelles qui permett<strong>en</strong>t aux<br />
<strong>en</strong>seignants de mettre <strong>en</strong> route et de stimuler l'intelli¬<br />
g<strong>en</strong>ce des élèves. (Prix : 148,00 FF).<br />
Personnalité, affectivité<br />
Motivation<br />
GLASSER, William.<br />
Choisir d'appr<strong>en</strong>dre : la psychologie du choix <strong>en</strong> classe.<br />
Outremont (Quebec) : Logiques, 1999. 160 p.<br />
(Réalisation.) «s* 5<br />
Ce livre préconise de changer radicalem<strong>en</strong>t notre façon<br />
d'<strong>en</strong>seigner et définit le rôle de l'<strong>en</strong>seignant au sein de la<br />
nouvelle structure proposée. Ce changem<strong>en</strong>t, qui se tra¬<br />
duit par la mise sur pied d'équipes d'appr<strong>en</strong>tissage, devrait<br />
permettre d'am<strong>en</strong>er davantage d'élèves à travailler à<br />
l'école. William Glasser, consultant auprès des <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants, suggère de recourir à la psychologie des choix et au<br />
travail <strong>en</strong> équipe. La psychologie des choix repose sur<br />
l'idée que notre comportem<strong>en</strong>t traduit notre quête cons¬<br />
tante de satisfaire un ou plusieurs des cinq besoins fonda¬<br />
m<strong>en</strong>taux inscrits dans notre patrimoine génétique : besoin<br />
de survie et de reproduction, besoin d'appart<strong>en</strong>ance et<br />
d'amour, de pouvoir, de liberté et de plaisir. Elle permet à<br />
l'<strong>en</strong>seignant d'interroger son comportem<strong>en</strong>t et celui de ses<br />
élèves et favorise l'adoption par les jeunes de nouvelles at¬<br />
titudes <strong>en</strong>vers leurs responsabilités. La mise <strong>en</strong> place d'un<br />
appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> équipe basé sur la coopération <strong>en</strong>tre les<br />
élèves complète utilem<strong>en</strong>t le dispositif. (Prix : 125,00 FF).<br />
Psychologie appliquée<br />
Psychologie scolaire<br />
COLPIN, Marie Thérèse, ed.<br />
Lespsy et l'école.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 268 p., notes bibliogr. «s- 22<br />
Ces contributions rassemblées par l'Association des Psy¬<br />
chologues Scolaires de l'Isère (APSI) explor<strong>en</strong>t les do¬<br />
maines de la recherche, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> neuropsychiatrie<br />
cognitive et <strong>en</strong> psychologie sociale. Elles t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, dans un<br />
premier temps, de cerner le rôle et les apports de la psy¬<br />
chologie à l'école. Dans un deuxième temps, des psycho¬<br />
logues scolaires et des pychologues extérieurs prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
des interv<strong>en</strong>tions auprès des élèves puis expos<strong>en</strong>t leur ni¬<br />
veau de réflexion, permettant ainsi au lecteur de préciser<br />
et de confronter ses propres pratiques. Enfin, l'ouvrage<br />
traite de la place des <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> grande difficulté psy¬<br />
chique au sein de l'école : CLIS, hôpital de jour ou solu¬<br />
tion alternative ? Des équipes du secteur de psychiatrie<br />
infanto-juvénile débatt<strong>en</strong>t des fondem<strong>en</strong>ts théoriques<br />
qui présid<strong>en</strong>t à leurs choix. L'<strong>en</strong>semble, qui témoigne du<br />
travail commun des professionnels appart<strong>en</strong>ant à deux<br />
institutions : l'Éducation nationale pour les psychologues<br />
et la Santé pour les thérapeutes, est conçu comme outil de<br />
travail et base de réflexion pour tous les psychologues qui<br />
travaill<strong>en</strong>t avec des <strong>en</strong>fants. (Prix : 140,00 FF).<br />
172 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
Psychopathologie et thérapeutique<br />
DUMAS, Jean E.<br />
Psychopathologie de l'<strong>en</strong>fant et de l'adolesc<strong>en</strong>t.<br />
Bruxelles : De Boeck Université, 1999. 519 p., ill.,<br />
bibliogr. p. 461-500. Index. (Ouvertures<br />
psychologiques.) ** 22<br />
Sur le thème de la psychopathologie de l'<strong>en</strong>fant et de<br />
l'adolesc<strong>en</strong>t, le prés<strong>en</strong>t ouvrage a pour mission de servir<br />
d'outil de référ<strong>en</strong>ces à tous ceux qui s'intéress<strong>en</strong>t aux<br />
troubles psychologiques de l'<strong>en</strong>fance et de l'adolesc<strong>en</strong>ce.<br />
A partir d'un travail qui a pour mission la découverte de<br />
l'<strong>en</strong>fant, le contexte dans lequel il vit, les conflits théori¬<br />
ques et méthodologiques au cur des débats sur l'<strong>en</strong>fant,<br />
les considérations sociales, politiques et philosophiques<br />
qui l'<strong>en</strong>vironn<strong>en</strong>t, le premier chapitre définit les ori<strong>en</strong>ta¬<br />
tions de cette étude. Dans les chapitres suivants, sont ana¬<br />
lysés les troubles chez l'<strong>en</strong>fant selon leurs différ<strong>en</strong>ts<br />
aspects : <strong>en</strong> premier lieu, le retard m<strong>en</strong>tal, puis l'autisme,<br />
la schizophrénie infantile, les troubles de l'appr<strong>en</strong>tissage,<br />
les troubles de l'att<strong>en</strong>tion et de l'hyperactivité (hyperkinétique),<br />
les troubles du comportem<strong>en</strong>t, ceux de l'hu¬<br />
meur (dépression et trouble dysthymique), les troubles<br />
anxieux, les troubles de l'alim<strong>en</strong>tation, ceux du contrôle<br />
sphinctén<strong>en</strong> (l'énurésie), <strong>en</strong>fin les tics. Pour chaque<br />
trouble, est posé d'abord un diagnostic accompagné<br />
d'une étude sur ses origines, puis sont prés<strong>en</strong>tées les ma¬<br />
nifestations, des pronostics sont proposés ainsi que des<br />
trajectoires développem<strong>en</strong>tales. Une bibliographie com¬<br />
plète et un glossaire comportant les définitions des<br />
mots-clés et des concepts fondam<strong>en</strong>taux clôtur<strong>en</strong>t cet<br />
ouvrage. (Prix : 260,00 FF).<br />
Psychanalyse<br />
CHÉBAUX, Françoise, ed.<br />
Françoise Dolto et l'éducation.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 139 p., notes bibliogr.<br />
(Educations et sociétés.) «* 21<br />
Ce livre est né d'un colloque, organisé par le CERSE,<br />
l'Université de Ca<strong>en</strong>. Cinq chapitres correspondant aux<br />
principaux interv<strong>en</strong>ants ont été retranscrits avec les dé¬<br />
bats dans la salle. F. Chébaux part de la théorisation de la<br />
clinique de F. Dolto : l'image inconsci<strong>en</strong>te du corps. Puis,<br />
J. Challemel du Rozier, attire l'att<strong>en</strong>tion sur la reconnais¬<br />
sance du Sujet déjà-là, la reconnaissance et le respect du<br />
nourrisson, la fonction symboligène de la castration. B.<br />
This, lui, pr<strong>en</strong>d un cas clinique d'un <strong>en</strong>fant qui sera<br />
adopté et que F. Dolto avait suivi à Trousseau. M. Ange-<br />
hno, parle de son expéri<strong>en</strong>ce du toucher : s<strong>en</strong>tir et ress<strong>en</strong>¬<br />
tir dans une séance de psychanalytique. M. Pion, raconte<br />
une expéri<strong>en</strong>ce pédagogique de F. Dolto : l'École de la<br />
Neuville. (Prix : 80,00 FF).<br />
HÉTIER, R<strong>en</strong>aud.<br />
Contes et viol<strong>en</strong>ce : <strong>en</strong>fants et adultesface aux valeurs<br />
sous-jac<strong>en</strong>tes du conte.<br />
Paris : Presses Universitaires de France, 1999. 223 p.,<br />
tabl., bibliogr. p. 199-200. (Education et Formation :<br />
L'Éducateur.) « 12<br />
La thèse de l'auteur est qu'il serait possible d'intégrer la<br />
prés<strong>en</strong>ce de la viol<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong> la sublimant pour <strong>en</strong> faire<br />
quelque chose de positif. Le problème qui se pose est de<br />
savoir comm<strong>en</strong>t bâtir une éducation visant à son dépas¬<br />
sem<strong>en</strong>t, et sur quelle culture se fonder. Le conte ne pour¬<br />
rait-il pas être justem<strong>en</strong>t cet objet culturel approprié pour<br />
l'intégration symbolique à la viol<strong>en</strong>ce dans un contexte<br />
éducatif? L'auteur va développer dans une première<br />
partie l'approche historique des contes et démontrer ce<br />
qu'une lecture psychanalytique peut apporter dans la<br />
compréh<strong>en</strong>sion de la portée symbolique des contes.<br />
Ensuite, à partir d'une approche axiologique, seront étu¬<br />
diées les relations <strong>en</strong>tre les valeurs morales du conte et de<br />
la viol<strong>en</strong>ce, traduites sous forme d'un outil d'analyse éla¬<br />
boré à partir du conte « Jean le Fidèle » des frères Grimm<br />
et testé auprès d'<strong>en</strong>fants et d'adultes. (Prix : 168,00 FF).<br />
F - PSYCHOSOCIOLOGIE<br />
ET ÉDUCATION<br />
Psychosociologie<br />
Psychologie sociale<br />
Comportem<strong>en</strong>t, attitude<br />
OLWEUS, Dan.<br />
Viol<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre élèves, harcèlem<strong>en</strong>ts et brutalités :<br />
lesfaits, les solutions.<br />
Paris : ESF, 1999. 108 p. (Pédagogies ; 1999.) «* 4<br />
Vaste recherche qui s'ét<strong>en</strong>d à tout ce qui a trait aux pro¬<br />
blèmes de viol<strong>en</strong>ce dans et hors de l'Institution scolaire.<br />
Elle comm<strong>en</strong>ce par l'étude des problèmes agresseur/vic¬<br />
time <strong>en</strong> apportant différ<strong>en</strong>tes solutions, que ce soit au ni¬<br />
veau de la classe, de l'établissem<strong>en</strong>t, ou au niveau<br />
individuel. L'ouvrage, riche de conseils pratiques,<br />
conti<strong>en</strong>t un « guide de l'id<strong>en</strong>tification de victimes ou<br />
agresseurs pot<strong>en</strong>tiels ». Sa démarche implique par<strong>en</strong>ts et<br />
<strong>en</strong>seignants, agresseurs et victimes, dont les relations<br />
sont étudiées à partir de débats el d'un questionnaire.<br />
(Prix : 1 19,00 FF).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANIE 173
Psychosociologie de la famille,<br />
relations par<strong>en</strong>ts-<strong>en</strong>fants<br />
ETCHEGOYEN, Alain ; GOLDMAN, Jean-Jacques.<br />
Lespères ont des <strong>en</strong>fants : dialogue <strong>en</strong>tre deuxpères sur<br />
l'éducation.<br />
Paris : Seuil, 1999. 287 p. «s- 5<br />
Quelle place occupe la paternité dans la famille contempo¬<br />
raine ? Quelles valeurs transmettre aux <strong>en</strong>fants qu'on<br />
élève ? Comm<strong>en</strong>t aider le jeune à trouver des repères dans<br />
une structure familiale instable ? Alain Etchegoy<strong>en</strong> et<br />
Jean-Jacques Goldman livr<strong>en</strong>t leurs réflexions sur<br />
l'éducation et la société mêlant philosophie, politique, mo¬<br />
rale. Les thèmes abordés sont ceux du choix, de la liberté,<br />
de l'autorité, du pouvoir, de l'amour, de la légitimité, de la<br />
relation par<strong>en</strong>ts-<strong>en</strong>fant et par<strong>en</strong>t-<strong>en</strong>fant pour les familles<br />
monopar<strong>en</strong>tales. Les auteurs s'appui<strong>en</strong>t sur leur expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce de musici<strong>en</strong> pour l'un, de professeur de philosophie<br />
pour l'autre, et sur leur vécu de pères de famille pour déga¬<br />
ger des priorités éducatives ; ils s'attach<strong>en</strong>t <strong>en</strong> particulier à<br />
mettre <strong>en</strong> lumière l'importance de la notion de responsabi¬<br />
lisation pour les jeunes comme pour ceux qui éduqu<strong>en</strong>t.<br />
Ce tour d'horizon qui précise ce que peut être une pater¬<br />
nité constructive dans le contexte de la société<br />
d'aujourd'hui s'adresse aux par<strong>en</strong>ts, aux professeurs, aux<br />
éducateurs. (Prix : 89,00 FF).<br />
Psychosociologie et éducation<br />
Relation maître-élève<br />
GAUTHIER, Clermont, dir. ; JEFFREY, D<strong>en</strong>is, dir.<br />
Enseigner etséduire.<br />
Sainte-Foy (Québec, Canada) : Presses de<br />
l'Université Laval, 1999. 223 p., notes bibliogr.<br />
(Formation et profession.) "^ 14<br />
La séduction <strong>en</strong> pédagogie ? L'expression scandalise, car<br />
la séduction a mauvaise réputation. Elle est associée aux<br />
séducteurs pervers qui utilis<strong>en</strong>t la tromperie, le m<strong>en</strong>¬<br />
songe, la manipulation pour mystifier une innoc<strong>en</strong>te vic¬<br />
time. Comm<strong>en</strong>t peut-on croire que, dans les classes, les<br />
<strong>en</strong>seignants puiss<strong>en</strong>t user d'un jeu aussi pervers ? Il y a de<br />
la séduction dans la classe, car la séduction est un phéno¬<br />
mène humain et elle fait partie des relations humaines.<br />
Quatorze auteurs examin<strong>en</strong>t diverses facettes de la séduc¬<br />
tion dans la relation pédagogique selon leur discipline :<br />
linguistique, philosophique, poétique, psychologique.<br />
Les auteurs veul<strong>en</strong>t montrer qu'il est possible de p<strong>en</strong>ser la<br />
séduction de manière positive, comme un espace de jeu<br />
dans la classe, que le fait de plaire aux élèves et aux <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants est un moy<strong>en</strong> de bi<strong>en</strong> faire. Si certains dérapages<br />
peuv<strong>en</strong>t exister, ils sont minoritaires. Dans une perspec¬<br />
tive futuriste, un auteur essaie d'imaginer la disparition<br />
du corps dans la relation pédagogique avec<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t par l'internet. (Prix : 140,00 FF).<br />
Relation par<strong>en</strong>ts-école<br />
GAYET, Daniel.<br />
C'est lafaute auxpar<strong>en</strong>ts : lesfamilles et l'école.<br />
Paris : Syros, 1999. 214 p. (École et société.) «s" 4<br />
L'ouvrage analyse les relations <strong>en</strong>tre l'école et les familles<br />
et fait le point sur les querelles qui les oppos<strong>en</strong>t. Le parte¬<br />
nariat école-famille mis <strong>en</strong> place par les instructions offi¬<br />
cielles depuis une dizaine d'années, n'existe pas <strong>en</strong> réalité.<br />
L'immixtion des familles dans l'école est vécue avec mé¬<br />
fiance par l'institution scolaire. Les par<strong>en</strong>ts ont une atti¬<br />
tude ouvertem<strong>en</strong>t consumériste face à l'école et veul<strong>en</strong>t<br />
de plus <strong>en</strong> plus un droit de regard sur l'éducation donnée<br />
à leurs <strong>en</strong>fants. L'école, institutionnellem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> ins¬<br />
tallée, n'admet pas d'être jugée par les par<strong>en</strong>ts et se re¬<br />
tourne contre eux, <strong>en</strong> les désignant comme les véritables<br />
coupables de l'échec éducatif de leurs <strong>en</strong>fants. L'auteur<br />
t<strong>en</strong>te de prouver que dans cette lutte <strong>en</strong>tre l'école et les<br />
par<strong>en</strong>ts, la partie est inégale. La relative unité du corps <strong>en</strong>¬<br />
seignant facilite l'analyse de ses croyances et de ses<br />
conduites. La très grande diversité des familles n'a pas<br />
permis de tirer des conclusions de portée générale. Les<br />
deux part<strong>en</strong>aires ont pourtant un objectif commun qui<br />
est de lutter contre l'échec scolaire et de favoriser l'inser¬<br />
tion sociale des <strong>en</strong>fants. Cep<strong>en</strong>dant, les perspectives éli¬<br />
tistes de chacun domin<strong>en</strong>t le débat et leur collaboration,<br />
laissant de côté les <strong>en</strong>fants socialem<strong>en</strong>t défavorisés dont<br />
les par<strong>en</strong>ts n'os<strong>en</strong>t pas mettre le pied dans l'école. Une vé¬<br />
ritable réflexion sur la délégation de pouvoir que famille<br />
et <strong>en</strong>seignant peuv<strong>en</strong>t s'accorder l'un à l'autre reste à me¬<br />
ner, ainsi que sur les modalités d'un véritable contrat<br />
éducatifpour le bi<strong>en</strong> général des élèves. (Prix : 95,00 FF).<br />
G - SÉMIOLOGIE, COMMUNICATION,<br />
LINGUISTIQUE ET ÉDUCATION<br />
Sémiologie et communication<br />
Théories de l'information<br />
et de la communication<br />
GIBBONS, Michael ; LIMOGES, Camille ;<br />
NOWOTNY, Helga et al.<br />
The newproduction ofknowledge : the dynamics of<br />
sci<strong>en</strong>ce and research in contemporary societies.<br />
London ; Thousand Oaks ; New Delhi : Sage<br />
Publications, 1997. 179 p., notes bibliogr. Index. «®- 23<br />
Cette étude internationale explore les changem<strong>en</strong>ts ma¬<br />
jeurs qui ont bouleversé les modes de production des sa¬<br />
voirs dans la société contemporaine. Elle concerne<br />
174 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t les sci<strong>en</strong>ces pures, la technologie, dans<br />
une moindre mesure les sci<strong>en</strong>ces sociales. L'observation<br />
d'un <strong>en</strong>semble de pratiques sociales et cognitives cons¬<br />
titue le point de départ de cette recherche. La méthode<br />
<strong>en</strong>visagée consiste à comparer les modes traditionnels de<br />
production des savoirs et les modes réc<strong>en</strong>ts, de façon à<br />
id<strong>en</strong>tifier un certain nombre de caractéristiques propres<br />
aux modes de production réc<strong>en</strong>ts (transdisciplinarité, hé¬<br />
térogénéité, réflexivité). Les contextes économiques et<br />
sociaux dans lesquels ces transformations intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t,<br />
leurs incid<strong>en</strong>ces sur le plan de la diffusion des savoirs, <strong>en</strong><br />
particulier dans les domaines de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la<br />
recherche, l'organisation du travail <strong>en</strong>tre les acteurs par¬<br />
ticipant à la production de savoirs, le contrôle et la valida¬<br />
tion des savoirs produits sont <strong>en</strong>visagés. Ce texte<br />
commun, élaboré à partir de différ<strong>en</strong>tes contributions,<br />
questionne la place et le rôle dans le futur d'institutions<br />
=traditionneHem<strong>en</strong>t=vouées=à=la=production=de=eonnais<br />
sances (universités, organismes de recherche officiels) du<br />
fait de l'évolution des modes de production des savoirs et<br />
partant de la nature des savoirs. (Prix : 22,95 $).<br />
Psycholinguistique et pathologie<br />
du langage<br />
Production etperception de la parole<br />
Compr<strong>en</strong>dre l'oral n 'est pas sifacile ! : représ<strong>en</strong>tations de<br />
l'oral et compréh<strong>en</strong>sion de quelques g<strong>en</strong>res publics oraux<br />
<strong>en</strong> sixième.<br />
Neuchâtel ; Lausanne : IRDP ; LEP, 1998. 233 p., ill.,<br />
bibliogr. p. 199-201.**' 11<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t repose <strong>en</strong> grande partie sur la transmis¬<br />
sion orale des savoirs et sur l'idée que les élèves compr<strong>en</strong>¬<br />
n<strong>en</strong>t tout ce qui leur est dit à l'oral, aussi bi<strong>en</strong> ce qu'on<br />
leur <strong>en</strong>seigne que les consignes qui leur sont données. Le<br />
discours de l'<strong>en</strong>seignant ne ti<strong>en</strong>t pas toujours compte des<br />
différ<strong>en</strong>ces de compréh<strong>en</strong>sion des élèves. Or, com¬<br />
pr<strong>en</strong>dre les messages oraux est indisp<strong>en</strong>sable pour la<br />
communication <strong>en</strong>tre l'élève et l'<strong>en</strong>seignant. Si de nom¬<br />
breux travaux de recherche se sont intéressés a la com¬<br />
préh<strong>en</strong>sion de l'écrit, on <strong>en</strong> trouve relativem<strong>en</strong>t peu qui<br />
ont étudié les compét<strong>en</strong>ces spécifiques et complexes mi¬<br />
ses <strong>en</strong> uvre pour la compréh<strong>en</strong>sion à l'oral. Cette re¬<br />
cherche de l'IRDP de Suisse sur l'évaluation de la<br />
compréh<strong>en</strong>sion de l'oral cherche à faire un état de la si¬<br />
tuation des compét<strong>en</strong>ces des élèves de 1 i- 12 ans observés<br />
lace à certains g<strong>en</strong>res publics oraux, une émission télé¬<br />
visée et un mém<strong>en</strong>to radiophonique. On a pu constater<br />
que l'oral pouvait jouer un rôle de sélection et de discri¬<br />
mination et contribuait aussi à la construction des savoirs<br />
"chez l'appr<strong>en</strong>ant. Un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t delà compréh<strong>en</strong>sion<br />
^tUIoraLpourraiUétre=néce-ssaireI=Une=réfle-xion.sur=le.dé^=<br />
veloppem<strong>en</strong>t d'une didactique de l'oral est amorcée <strong>en</strong><br />
-xojidrusiorjndeH^ouvrageî<br />
Processus deproduction et de compréh<strong>en</strong>sion<br />
des textes<br />
ARTAUX, Marie-Flor<strong>en</strong>ce.<br />
Entre l'<strong>en</strong>fant et l'élève : l'écriture de soi. Produire,<br />
cheminer, p<strong>en</strong>ser, exister dans un atelier d'écriture.<br />
Nancy : Presses universitaires de Nancy, 1999. 198 p.,<br />
bibliogr. p. 186-194. (Questions d'éducation et de<br />
formation.) »*" 11<br />
L'auteur anime un atelier d'écriture pour adolesc<strong>en</strong>ts à<br />
l'I.M.E.R. (Institut Médico-Educatif et de Rééducation).<br />
Sa recherche s'articule autour de l'idée que l'activité<br />
d'écriture se situe <strong>en</strong>tre deux pôles, création et formation<br />
de la personne : comm<strong>en</strong>t l'écriture, <strong>en</strong> produisant du<br />
s<strong>en</strong>s pour ces jeunes <strong>en</strong> souffrance et <strong>en</strong> échec dans<br />
Jjnstitution-SColaire,peut_les_aider_à_slinscrire_dans_unjes^<br />
pace id<strong>en</strong>titaire propre, et par là, à donner du s<strong>en</strong>s à leur<br />
méfier d"èlève. Le cadre d'étude théorique proposé est<br />
une approche phénoménologique, psychanalytique et so¬<br />
cio-anthropologique du processus d'écriture. Le travail<br />
de création et de production d'écrit est analysé <strong>en</strong> détail<br />
pour mieux reproduire les tâtonnem<strong>en</strong>ts, les ratages, les<br />
doutes, l'échec ou la réussite de ces <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> proie à leur<br />
histoire personnelle et saisis par le processus de créativité<br />
du « chercheur d'écriture ». En filigrane, il y a aussi le<br />
questionnem<strong>en</strong>t de l'animateur sur le bi<strong>en</strong>-fondé d'un<br />
atelier d'écriture dans l'institution scolaire, sur sa redéfi¬<br />
nition par rapport au rôle qu'il peut jouer dans la forma¬<br />
tion individuelle des adolesc<strong>en</strong>ts. (Prix : 130,00 FF).<br />
Institut Pédagogique d'Enseignem<strong>en</strong>t Rééducatif<br />
Spécialisé (IPERS).<br />
L'échec <strong>en</strong> écriture : comm<strong>en</strong>ty répondre. Alliance d'une<br />
technique et d'une pédagogie rationnelle : méthode<br />
Chassagny.<br />
Paris ; Montréal : L'Harmattan, 1999. 280 p., ill.,<br />
bibliogr. p. 279-280. «*" 15<br />
Cette série de contributions, écrites par des éducateurs is¬<br />
sus de l'école Chassagny, s'attache à montrer combi<strong>en</strong> les<br />
troubles du langage écrit sont liés à la sphère de la com¬<br />
munication, au travers des échanges, de la r<strong>en</strong>contre et de<br />
l'accès au symbolique qu'ils dégag<strong>en</strong>t. Comm<strong>en</strong>t réédu¬<br />
quer le sujet, <strong>en</strong>fant, adolesc<strong>en</strong>t ou adulte, atteint de trou¬<br />
bles de l'écriture ? Puisant dans les champs de la<br />
psychothérapie et de la pédagogie relationnelle du lan¬<br />
gage, l'accompagnem<strong>en</strong>t, l'att<strong>en</strong>tion portée à l'autre, les<br />
interactions <strong>en</strong>tre sujets et rééducateurs sont autant de<br />
pistes qui t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à prouver que rééduquer n'est pas ré¬<br />
parer, mais vise bi<strong>en</strong> à « faire naître un désir d'échange ».<br />
Michel Audouard prés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> guise d'introduction « la<br />
technique des associations : son passé et son prés<strong>en</strong>t »<br />
pour brosser l'historique de cette technique des séries.<br />
Dans « Corps et graphie », Christine Comin <strong>en</strong>visage<br />
=Ue-nfant^dans=son=e-ntier=<strong>en</strong>=considérdnt^sona:onps=eUses=<br />
interactions aux autres. Simone Rignault et Christine Du-<br />
-bois^'pericJîeji ^<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 175
sociations » sur la construction de l'arrière-plan du sujet<br />
qui s'exprime, tout comme Cécile Kerouanton qui décrit<br />
« Le Discours parallèle » comme un discours de nature<br />
différ<strong>en</strong>te s'élaborant <strong>en</strong> même temps que le discours vi¬<br />
sible : révélateurs, ils peuv<strong>en</strong>t servir de point d'appui à la<br />
rééducation. Michel Seron montre dans « L'Autocorrec¬<br />
tion » qu'écrire est un acte de création, dans toutes ses di¬<br />
m<strong>en</strong>sions et même celles de l'erreur. Il souligne <strong>en</strong>suite<br />
dans « Et la grammaire ? » le li<strong>en</strong> fort qui existe <strong>en</strong>tre<br />
grammaire et appropriation du langage, puis explore les<br />
moy<strong>en</strong>s mis <strong>en</strong> uvre par les séries associative et d'inves¬<br />
tigation. Marie-Thérèse Douteau-Peteul prés<strong>en</strong>te « La<br />
Série éclatée », qui se fonde sur l'imaginaire pour dev<strong>en</strong>ir<br />
libératrice de blocages. Lorsque les mots sont associés à<br />
un vécu angoissant qui les empêche d'être formulés, « La<br />
Série de construction » (Marie-Yvonne Pouliqu<strong>en</strong>) per¬<br />
met de les réinvestir par l'écrit grâce au cheminem<strong>en</strong>t pa¬<br />
ti<strong>en</strong>t avec un éducateur. R<strong>en</strong>ée-Marie Giner expose dans<br />
« L'Enfant, le langage, le rééducateur » la converg<strong>en</strong>ce<br />
des démarches de la technique des associations et de la<br />
pédagogie relationnelle du langage. Jacques Dupressy<br />
donne dans « L'Acte d'écrire » une analyse détaillée des<br />
t<strong>en</strong>ants et aboutissants de la technique des associations<br />
pour l'ancrer dans la pédagogie. (Prix : 140,00 FF).<br />
LECARME, Philippe ; MAS, Marie ; SWIATLY,<br />
Fabi<strong>en</strong>ne.<br />
Écrire au collège : l'apport des ateliers d'écriture et de<br />
leurspratiques.<br />
Lyon : C<strong>en</strong>tre régional de docum<strong>en</strong>tation<br />
pédagogique (CRDP), 1999. 121 p., notes bibliogr.<br />
(Champ de réflexion, champ d'actions.) «s- 4<br />
Les instructions officielles de 1996 <strong>en</strong>térin<strong>en</strong>t la pratique<br />
de l'écriture au collège, <strong>en</strong> soulignant le rôle important du<br />
décloisonnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> la matière. Comm<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>seignants<br />
peuv<strong>en</strong>t-ils aborder efficacem<strong>en</strong>t le rapport à l'écriture<br />
dans leurs cours, faciliter l'accès à une écriture littéraire<br />
personnelle et élaborer des consignes d'écriture ? L'ou¬<br />
vrage propose d'axer cette réflexion sur la mise <strong>en</strong> place<br />
d'ateliers d'écriture, propres à constituer la colonne ver¬<br />
tébrale d'une rénovation de l'écriture littéraire au collège.<br />
Les auteurs dress<strong>en</strong>t le panorama des richesses et des<br />
écueils inhér<strong>en</strong>ts aux ateliers d'écriture, <strong>en</strong> insistant sur<br />
les rapports instaurés au sein du groupe, sur l'objectif de<br />
socialisation poursuivi par la pratique d'écriture et sur le<br />
fait que « la contrainte peut être libératrice et la technique<br />
aide à progresser ». Ils list<strong>en</strong>t la panoplie de moy<strong>en</strong>s qui<br />
peuv<strong>en</strong>t être mis <strong>en</strong> place par le biais des ateliers, que ce<br />
soit par les professeurs eux-mêmes ou par des interve¬<br />
nants extérieurs, pour que ces nouvelles approches et<br />
pratiques contribu<strong>en</strong>t à placer l'écriture au c<strong>en</strong>tre du<br />
cours. (Prix : 90,00 FF).<br />
Lecture<br />
COHEN, Rachel. ; SÔDERBERGH, Ragnhild.<br />
Appr<strong>en</strong>dre à lire avant de savoirparler : une nouvelle<br />
conception de l'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture.<br />
s. 1 ; [Paris] : Richaudeau-Concept ; Albin Michel<br />
éducation, 1999. 199 p., ill., bibliogr. p. 192-199.<br />
(Bibliothèque Richaudeau.) «®" 22<br />
À partir de quel âge un <strong>en</strong>fant peut-il appr<strong>en</strong>dre à lire, et<br />
pour quelles raisons ? L'ouvrage, destiné aux théorici<strong>en</strong>s,<br />
pratici<strong>en</strong>s et prescripteurs de la lecture propose de recon¬<br />
sidérer l'âge classique admis par les institutions pour ini¬<br />
tier cet appr<strong>en</strong>tissage. Considérant qu'il existe une<br />
corrélation étroite <strong>en</strong>tre le langage écrit et le langage oral,<br />
et qu'ils procèd<strong>en</strong>t tous deux d'une démarche naturelle,<br />
les auteurs pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le contre-pied du courant cognitiviste<br />
<strong>en</strong> préconisant de ne pas att<strong>en</strong>dre la maturation de<br />
l'<strong>en</strong>fant pour lui appr<strong>en</strong>dre à lire. Partant de l'assertion<br />
selon laquelle la lecture consiste <strong>en</strong> « une pratique d'un<br />
langage autonome ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t visuel », les auteurs<br />
déf<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t la pratique précoce de la lecture, antérieure ou<br />
simultanée à l'acquisition du langage oral, <strong>en</strong> éliminant<br />
les méthodes de lecture pour ret<strong>en</strong>ir les processus d'ap¬<br />
pr<strong>en</strong>tissage naturels du très jeune <strong>en</strong>fant. Leur propos<br />
s'appui<strong>en</strong>t sur des comptes r<strong>en</strong>dus d'expéri<strong>en</strong>ces m<strong>en</strong>ées<br />
<strong>en</strong> France et <strong>en</strong> Suède ainsi que sur des argum<strong>en</strong>ts issus<br />
d'analyses linguistiques et neurologiques, notamm<strong>en</strong>t<br />
pour ces dernières sur la base d'un <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> avec H.P.<br />
Epstein. L'objectif de la démarche exposée vise à dévelop¬<br />
per les pot<strong>en</strong>tialités de tous les <strong>en</strong>fants, afin de prév<strong>en</strong>ir<br />
l'échec scolaire <strong>en</strong> particulier.<br />
JORRO, Anne.<br />
Le lecteur interprète.<br />
Paris : PUF, 1999. 136 p., bibliogr. p. 127-133. Index.<br />
(Éducation et formation : L'Éducateur.) «^ 23<br />
Il existe un écart <strong>en</strong>tre la façon subjective dont le lecteur<br />
r<strong>en</strong>contre le texte à travers le filtre de ses expéri<strong>en</strong>ces et<br />
connaissances et la méthode didactique de compréh<strong>en</strong>¬<br />
sion du texte imposée par l'école pour maîtriser l'écrit et<br />
acquérir un savoir. La thèse de l'auteur est de démontrer<br />
que le lecteur est impliqué dans une lecture int<strong>en</strong>tionnelle<br />
interprétative. Pour ce faire, elle propose un modèle d'ap¬<br />
pr<strong>en</strong>tissage de la compréh<strong>en</strong>sion du texte docum<strong>en</strong>taire.<br />
Elle sollicite la reconnaissance d'une approche interpré¬<br />
tative et dialogique des textes docum<strong>en</strong>taires, comme<br />
cela se fait pour les textes littéraires. Elle plaide pour la<br />
prise <strong>en</strong> compte de la singularité du lecteur et de son ima¬<br />
ginaire, <strong>en</strong> complém<strong>en</strong>t du seul modèle didactique basé<br />
sur la logique discursive. (Prix : 128,00 FF).<br />
176 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
H - BIOLOGIE, CORPS HUMAIN,<br />
SANTÉ, SEXUALITÉ<br />
Sexualité, éducation sexuelle<br />
Sexualité<br />
BENGHOZI, Pierre.<br />
Adolesc<strong>en</strong>ce et sexualité, li<strong>en</strong>s et maillage-réseau.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 262 p., notes bibliogr.<br />
(Sexualité humaine.) «* 23<br />
De nombreux spécialistes, particulièrem<strong>en</strong>t des clinici<strong>en</strong>s<br />
de spécialités différ<strong>en</strong>tes, parl<strong>en</strong>t de l'adolesc<strong>en</strong>ce. Leur<br />
activité quotidi<strong>en</strong>ne permet de livrer ces études et ré¬<br />
flexions sur le passage d'une sexualité infantile à une<br />
sexualité adulte, que les adolesc<strong>en</strong>ts viv<strong>en</strong>t parfois très<br />
mal. L'<strong>en</strong>semble des acteurs relationnels est concerné et<br />
une place c<strong>en</strong>trale est réservée à ceux qui exerc<strong>en</strong>t une ac¬<br />
tivité clinique <strong>en</strong> relation avec les problèmes de toxico¬<br />
manie, de viol<strong>en</strong>ce et d'agressivité qui concern<strong>en</strong>t<br />
certains adolesc<strong>en</strong>ts. L'interrogation c<strong>en</strong>trale de cet ou¬<br />
vrage est celle-ci : comm<strong>en</strong>t accueillir, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre et p<strong>en</strong>ser<br />
une pédagogie clinique de la sexualité ? (Prix : 140,00 FF).<br />
K - ORGANISATION<br />
ET POLITIQUE DE L'ÉDUCATION<br />
Rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale.<br />
Paris : la <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française, 1999. 494 p. «* 4<br />
Cette neuvième livraison du rapport public de l'Inspection<br />
Générale de l'Éducation Nationale aborde les thèmes les<br />
plus divers : Les modules au lycée, à propos desquels les<br />
inspecteurs insist<strong>en</strong>t à nouveau sur l'écart <strong>en</strong>tre la réalité<br />
des pratiques et les objectifs fixés par les textes ; les ma¬<br />
nuels scolaires, à l'occasion des conclusions d'un groupe<br />
de pilotage ayant travaillé sur leur usage et leur qualité ; la<br />
contribution (nature, niveau, volume) des <strong>en</strong>treprises et<br />
des administrations à la formation professionnelle dans les<br />
sections de technici<strong>en</strong>s supérieurs ; la formation initiale et<br />
continue des personnels de direction ; le cycle<br />
d'adaptation au collège : réalité de la souplesse horaire,<br />
analyse des dispositifs de consolidation et des études diri¬<br />
gées <strong>en</strong> sixième, liaison CM2/collège et articulation avec le<br />
cycle c<strong>en</strong>tral ; une évaluation de la mise <strong>en</strong> uvre de<br />
l'alternance <strong>en</strong> lycée professionnel ; l'analyse des outils<br />
(cahiers, classeurs, affichages, ordinateur et logiciels, ar¬<br />
doise, tableau) utilisés <strong>en</strong> classe à l'école primaire et des<br />
stratégies pédagogiques qu'ils induis<strong>en</strong>t ; la place et<br />
l'utilisation des problématiques actuelles et/ou locales<br />
dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l'histoire, de la géographie et de<br />
l'éducation civique dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t secondaire ;<br />
l'utilisation de la vidéo dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des langues vi¬<br />
vantes : quelle est la réalité des pratiques, comm<strong>en</strong>t assurer<br />
une meilleure diffusion de l'outil ? ; le sort de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie dans les séries technolo¬<br />
giques ; l'état des lieux de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des nouveaux<br />
programmes de physique et de chimie <strong>en</strong> classe de termi¬<br />
nale S ; la proposition d'un « Plan qualité pour<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t professionnel » mobilisant tous les acteurs<br />
du système (régions, administration scolaire à tous les ni¬<br />
veaux, par<strong>en</strong>ts) ; les sci<strong>en</strong>ces de la vie et de la terre et leur<br />
place dans les parcours pédagogiques diversifiés. La der¬<br />
nière partie de ce rapport est consacrée aux missions à<br />
l'étranger. (Prix : 196,00 FF).<br />
Description des systèmes éducatifs<br />
Systèmefrançais<br />
VASCONCELLOS, Maria.<br />
Le système éducatif.<br />
Paris : La Découverte, 1999. nellc ed.121 p., bibliogr.<br />
p. 113-114. (Repères; 131.)»*- 4<br />
Ce panorama répond à un double objectif: d'une part don¬<br />
ner une description précise et complète du système éduca¬<br />
tif, d'autre part analyser le fonctionnem<strong>en</strong>t de ce système<br />
pour chacun des trois niveaux d'études. Les questions es¬<br />
s<strong>en</strong>tielles suivantes, au c du débat sur l'école, sont<br />
abordées : - l'échec scolaire ; - l'ori<strong>en</strong>tation ; - la relation<br />
école-monde du travail ; - les politiques éducatives locales<br />
et, de façon plus générale, les capacités dont l'école fait<br />
preuve pour s'ajuster aux nouvelles demandes de la société<br />
et de l'économie. En s'appuyant sur les derniers <strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>ts des bilans statistiques et des recherches sociologi¬<br />
ques, cette analyse descriptive contribue à la remise <strong>en</strong><br />
cause d'un certain nombre d'idées reçues sur l'école. Elle<br />
s'adresse à ceux qui veul<strong>en</strong>t avoir une vue d'<strong>en</strong>semble du<br />
système éducatif d'aujourd'hui, saisir les <strong>en</strong>jeux des inter¬<br />
rogations qui le travers<strong>en</strong>t et compr<strong>en</strong>dre les réponses ap¬<br />
portées par l'Institution. (Prix : 49,00 FF).<br />
Systèmes étrangers<br />
MESSICK, Samuel J. ed.<br />
Assessm<strong>en</strong>t in higher education : issues ofaccess, quality,<br />
stud<strong>en</strong>t developm<strong>en</strong>t andpublicpolicy.<br />
London : Lawr<strong>en</strong>ce Erlbaum, 1998. 261 p., ill.,<br />
bibliogr. p. XV-XXIV. Index. »*" 23<br />
Cet ouvrage conti<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>semble des interv<strong>en</strong>tions de la<br />
Confér<strong>en</strong>ce de l'« Educational Testing Service » sur les<br />
grandes questions qui ont fait débat dans l'éducation su¬<br />
périeure au cours des cinquante dernières années. Six<br />
sections abord<strong>en</strong>t des thèmes aussi variés que l'améliora¬<br />
tion de l'accès des étudiants à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur et<br />
l'augm<strong>en</strong>tation de leurs taux de réussite ; la transforma-<br />
BIBLIOGRAPH1E GOURANTE 177
tion des formes d'exam<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong>trée dans l'optique de<br />
mieux mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les pot<strong>en</strong>tiels du candidat et de<br />
mieux répondre aux besoins croissants <strong>en</strong> matière de for¬<br />
mation ; l'évaluation de la qualité des services offerts par<br />
la faculté ; les stratégies et la politique publique : promes¬<br />
ses et réalité, corrélation <strong>en</strong>tre les politiques m<strong>en</strong>ées et<br />
l'accès des étudiants à l'université ; question de l'équité et<br />
de l'impartialité des modes de recrutem<strong>en</strong>t face à la diver¬<br />
sité des candidats ; perspectives futures : exploitation de<br />
l'informatique et des techniques audiovisuelles pour pré¬<br />
parer les étudiants à un av<strong>en</strong>ir dominé par la technologie.<br />
(Prix : 47.95 £).<br />
PADILLA, Raymond V. ; MONTIEL, Miguel.<br />
Debatable diversity : critical dialogues on change in<br />
American universities.<br />
London ; Oxford : Rowman ; Littlefield, 1998. 276 p.,<br />
bibliogr. p. 259-264. Index. (Critical perspectives.) «^11<br />
Tr<strong>en</strong>te ans après le mouvem<strong>en</strong>t des droits civiques des<br />
années 70, les universités américaines sont-elles parve¬<br />
nues à intégrer les minorités ethniques ou peut-on au<br />
contraire parler d'exclusion institutionnelle ? Raymond<br />
Padilla et Miguel Montiel, universitaires américains, tous<br />
deux issus de l'immigration sud-américaine, analys<strong>en</strong>t le<br />
fonctionnem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur par rapport<br />
aux problèmes d'intégration. Ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d'expliquer sur<br />
les plans sociologique et idéologique pourquoi les trans¬<br />
formations annoncées ont rarem<strong>en</strong>t donné lieu à de véri¬<br />
tables modifications des politiques universitaires <strong>en</strong>vers<br />
les minorités ethniques, malgré des changem<strong>en</strong>ts démo¬<br />
graphiques importants et une diversité culturelle accrue<br />
au sein de la nation. Au-delà du débat sur les difficultés<br />
r<strong>en</strong>contrées par la communauté de langue espagnole à<br />
l'université, les auteurs pos<strong>en</strong>t le problème de la recon¬<br />
naissance et de la réussite de toute minorité. Ils remett<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> question les finalités de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur dans<br />
un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t post-moderne et propos<strong>en</strong>t de nou¬<br />
velles approches à l'égard des questions d'intégration. Cet<br />
ouvrage s'adresse aux acteurs de la communauté universi¬<br />
taire : étudiants, professeurs et administrateurs. (Prix : 55 $).<br />
RYAN, Yoni. ed. ; ZUBER-SKERRITT, Ortrun. ed.<br />
Supervisingpostgraduatesfrom non-English speaking<br />
backgrounds.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1999. VI- 193<br />
p., ill., bibliogr. p. 175-184. Index, «sr 61<br />
De nombreuses universités britanniques, américaines,<br />
canadi<strong>en</strong>nes, australi<strong>en</strong>nes et néo-zélandaises compt<strong>en</strong>t<br />
grandem<strong>en</strong>t sur les droits d'inscription payés par des étu¬<br />
diants issus de milieux non anglophones. Or ceux-ci doi¬<br />
v<strong>en</strong>t faire d'importants efforts d'adaptation <strong>en</strong>vers des<br />
normes culturelles nouvelles pour eux et leurs études<br />
peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> souffrir. Si les universités veul<strong>en</strong>t garder ces<br />
étudiants, elles doiv<strong>en</strong>t donc compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> premier lieu<br />
les difficultés qu'ils r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t puis concevoir des pro¬<br />
grammes susceptibles d'y remédier. Cet ouvrage, <strong>en</strong> don¬<br />
nant la parole aux étudiants concernés et à leur directeur<br />
de thèse, propose des stratégies aussi bi<strong>en</strong> pour les insti¬<br />
tutions (bureaux internationaux, c<strong>en</strong>tres de recherche,<br />
ministères) que pour les professeurs. (Prix : 55 £).<br />
Politique de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
BOURDON, Jean. ed. ; THÉLOT, Claude, ed.<br />
Éducation etformation : l'apport de la recherche aux<br />
politiques éducatives.<br />
Paris : CNRS éd., 1999. 318 p. « 4<br />
Cet ouvrage est le résultat du séminaire DEP-IREDU<br />
(Institut de Recherche sur l'Économie de l'Éducation) qui<br />
a rassemblé <strong>en</strong> 1995-1996 des didactici<strong>en</strong>s, des adminis¬<br />
trateurs de l'éducation, des chercheurs <strong>en</strong> sociologie et<br />
sci<strong>en</strong>ces de l'éducation autour de thèmes reliant re¬<br />
cherche et politique éducative, dans une visée d'analyse<br />
prospective. De cette réflexion interdisciplinaire ayant<br />
pour objet la formation, vecteur d'intégration sociale,<br />
mais aussi de transmissions disciplinaires et d'efficacité<br />
économique, sont issus des textes organisés autour de<br />
quatre axes. 1) L'école et la société : le rapport au savoir<br />
(B. Chariot), le processus de démocratisation du système<br />
éducatif, l'intégration et la citoy<strong>en</strong>neté (F. Dubet), la poli¬<br />
tique des ZEP, le recrutem<strong>en</strong>t de l'élite scolaire. 2) Le<br />
maître, la classe et leurs évaluations : les carrières <strong>en</strong>sei¬<br />
gnantes dans les collèges difficiles, la formation <strong>en</strong> IUFM,<br />
la validation des diplômes, l'effet maître, l'effet classe. 3)<br />
Le financem<strong>en</strong>t et le r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t : formation et accumula¬<br />
tion du capital humain, éducation et développem<strong>en</strong>t. 4)<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur : le financem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t supérieur <strong>en</strong> Europe, caractéristiques et financem<strong>en</strong>t<br />
public de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de masse. (Prix : 195,00 FF).<br />
DUFOURG, Bernard.<br />
La compétitivité éducative internationale de la France :<br />
rapport.<br />
Paris : Chambre de Commerce et d'Industrie de<br />
Paris, 1999. 89 p. *r 4<br />
A l'heure où l'attractivité éducative d'un pays joue de plus<br />
<strong>en</strong> plus fortem<strong>en</strong>t sur son rayonnem<strong>en</strong>t culturel et sa<br />
compétitivité économique, ce docum<strong>en</strong>t, rédigé pour la<br />
Chambre de commerce et d'industrie de Paris, « milite »<br />
pour une politique volontariste visant à faire de la France<br />
un des principaux acteurs du marché international de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur. Analysant l'éducation dans le<br />
monde <strong>en</strong> termes d'offre (chiffres sur les dép<strong>en</strong>ses d'édu¬<br />
cation dans le monde, sur le nombre de diplômés, les frais<br />
d'études...) et de demande d'éducation (nombre d'étu¬<br />
diants, proportion par rapport à la population totale...), il<br />
préconise deux axes d'action : d'une part, chercher à ac¬<br />
cueillir les bons étudiants étrangers, notamm<strong>en</strong>t issus des<br />
pays pour lesquels la France souhaite <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir des rela¬<br />
tions économiques fortes (Union Europé<strong>en</strong>ne, Europe de<br />
l'Est, Amérique latine, Asie) et, d'autre part, <strong>en</strong>courager<br />
l'expatriation des jeunes Français. De nombreuses com-<br />
178 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
paraisons internationales (Australie, États-Unis,<br />
Royaume-Uni, Allemagne, Asie) vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> illustrer le<br />
propos. (Prix : gratuit).<br />
Administration et gestion<br />
de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
BOSSARD, Thierry ; MALAN, Thierry.<br />
Rapport général 1999.<br />
Paris : La <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française, 1999. 239 p. "* 4<br />
Quelle est l'ampleur du phénomène de la viol<strong>en</strong>ce à<br />
l'école ? Comm<strong>en</strong>t est assuré le remplacem<strong>en</strong>t des profes¬<br />
seurs mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>ts ? Pourquoi le troisième<br />
trimestre de l'année scolaire est à ce point raccourci ?<br />
Comm<strong>en</strong>t est appliquée la réc<strong>en</strong>te réforme des études<br />
universitaires ? Comm<strong>en</strong>t les universités s'organis<strong>en</strong>t-el¬<br />
les pour améliorer l'ori<strong>en</strong>tation et l'insertion des étu¬<br />
diants ? La formation professionnelle et la formation<br />
continue dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur sont des domai¬<br />
nes insuffisamm<strong>en</strong>t connus. Quelle est leur place réelle<br />
dans les universités et comm<strong>en</strong>t les développer ? Com¬<br />
m<strong>en</strong>t mieux assurer l'imbrication de la recherche univer¬<br />
sitaire et de la recherche dans les grands organismes ? Le<br />
quatorzième rapport de l'IGAEN propose des réponses<br />
utiles à tous ceux qui s'intéress<strong>en</strong>t au fonctionnem<strong>en</strong>t et à<br />
l'adaptation du système éducatif, (texte figurant sur la 4*<br />
de couverture). (Prix : 104,00 FF).<br />
L - NIVEAUX ET FILIÈRES<br />
D'ENSEIGNEMENT<br />
Élém<strong>en</strong>taire et préscolaire<br />
FERRIER, Jean.<br />
Améliorer l'efficacité de l'écoleprimaire.<br />
Paris : Hachette éducation, 1999. 255 p. (Questions<br />
d'éducation.) «a- 4<br />
Ce rapport, commandé par Ségolène Royal <strong>en</strong> novembre<br />
1 997, insiste dans un premier temps sur la nécessité d'une<br />
évaluation fiable (notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> matière de résultats sco¬<br />
laires) de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire, élém<strong>en</strong>taire et mater¬<br />
nel. Dans la perspective de promouvoir le cadre de la loi<br />
d'ori<strong>en</strong>tation du 10 juillet 1989, replacer l'élève au c<strong>en</strong>tre<br />
du système éducatif, l'auteur fait un certain nombre de<br />
propositions c<strong>en</strong>trées sur le céur de l'action pédagogique<br />
(le travail scolaire, ses outils, les sorties scolaires, mais<br />
aussi l'aménagem<strong>en</strong>t des rythmes de l'<strong>en</strong>fant, une meil¬<br />
leure prise <strong>en</strong> compte de l'échec et du retard scolaire,<br />
etc.). Soucieux de s'appuyer sur les réalisations existan¬<br />
tes, l'auteur exprime égalem<strong>en</strong>t la nécessité de ne pas<br />
multiplier les instructions officielles au risque de provo¬<br />
quer l'indiffér<strong>en</strong>ce par l'abs<strong>en</strong>ce d'objectifs prioritaires<br />
clairem<strong>en</strong>t affichés. C'est dans ce s<strong>en</strong>s que vont égale¬<br />
m<strong>en</strong>t les propositions d'amélioration des processus de pi¬<br />
lotage à tous les niveaux de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t primaire, de<br />
l'école à la circonscription, du départem<strong>en</strong>t à l'État,<br />
(Prix: 135,00 FF).<br />
École maternelle<br />
SPODEK, Bernard, ed. ; SARACHO, Olivia N. ed. ;<br />
PELLEGRINI, Anthony D. ed.<br />
Issues in early childhood educational research : yearbook<br />
in early childhood education.<br />
New York ; London : Teachers college press, 1998.<br />
198 p., notes bibliogr. Index. (Yearbook in early<br />
childhood education ; 8.) **' 31<br />
Cet ouvrage traite de la recherche dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de<br />
la petite <strong>en</strong>fance. Un rapide historique des méthodes de<br />
recherches pratiquées dans les années 1960-1970 permet<br />
de compr<strong>en</strong>dre que ce domaine est fort réc<strong>en</strong>t. Plusieurs<br />
contributions expos<strong>en</strong>t les apports des méthodes de re¬<br />
cherche qualitative qui se sont imposées par rapport à<br />
d'autres méthodes de recherche qui ne ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas<br />
compte des différ<strong>en</strong>ts rythmes d'appr<strong>en</strong>tissage ni des dif¬<br />
fér<strong>en</strong>tes étapes du développem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>fant. Les métho¬<br />
des de recherche qualitatives, nécessitant un grand<br />
nombre d'observations sur une période de temps longue,<br />
sembl<strong>en</strong>t désigner le pratici<strong>en</strong> comme le part<strong>en</strong>aire idéal<br />
pour le chercheur. La relation chercheur-pratici<strong>en</strong>, <strong>en</strong><br />
particulier la complém<strong>en</strong>tarité des fonctions de chacun,<br />
est analysée. Une réflexion est m<strong>en</strong>ée sur la nécessité d'in¬<br />
clure dans la formation initiale des <strong>en</strong>seignants une initia¬<br />
tion à la méthodologie de la recherche afin d'<strong>en</strong>richir la<br />
pratique au quotidi<strong>en</strong>, de nourrir un questionnem<strong>en</strong>t<br />
perman<strong>en</strong>t et de contribuer ainsi à la recherche pédago¬<br />
gique. (Prix : 45 $).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t secondaire<br />
Premier cycle<br />
PRING, Richard ; WALFORD, Geoffrey.<br />
Affirming the compreh<strong>en</strong>sive ideal.<br />
London : Falmer Press, 1997. VII1-620 p., notes<br />
bibliogr. Index. «*' 22<br />
Publié à l'initiative de deux professeurs <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de<br />
l'éducation d'Oxford, cet ouvrage conti<strong>en</strong>t quatorze<br />
confér<strong>en</strong>ces t<strong>en</strong>ues par des pédagogues qui, <strong>en</strong> réponse<br />
aux nombreuses attaques lancées contre le système des<br />
écoles secondaires polyval<strong>en</strong>tes, pass<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revue ses fon¬<br />
dem<strong>en</strong>ts historiques et sociaux, ses bases philosophiques<br />
et éthiques (<strong>en</strong> opposition avec l'actuelle acceptation de<br />
la loi de marché) et, ce faisant, mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lumière les<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 179
atouts de l'éducation intégrée pour la démocratisation de<br />
la formation des jeunes de 14 à 19 ans. Par ailleurs, les<br />
derniers résultats de la recherche dans ce domaine sont<br />
examinés, une comparaison avec les établissem<strong>en</strong>ts clas¬<br />
siques d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t est effectuée et les nouveaux types<br />
de pédagogie sont passés <strong>en</strong> revue. (Prix : 15,95 £).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t technique et agricole<br />
Enseignem<strong>en</strong>t technique long<br />
FORESTIER, Christian.<br />
Propositionspour une rénovation de la voie<br />
technologique au lycée.<br />
Versailles : Académie de Versailles, 1999. 64 p. «s" 23<br />
Après avoir analysé la place de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t technolo¬<br />
gique au lycée, notamm<strong>en</strong>t à travers l'exam<strong>en</strong> de la<br />
montée <strong>en</strong> puissance des lycées polyval<strong>en</strong>ts au détrim<strong>en</strong>t<br />
des lycées technologiques, et de l'histoire de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t des sci<strong>en</strong>ces de l'ingénieur dans le secondaire <strong>en</strong><br />
France, l'auteur <strong>en</strong> étudie l'organisation, y compris dans<br />
son articulation avec l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur. Ses ana¬<br />
lyses le conduis<strong>en</strong>t à 16 propositions tournant autour de<br />
quatre thèmes majeurs : la réaffirmation de l'ancrage<br />
sci<strong>en</strong>tifique des baccalauréats technologiques et la néces¬<br />
sité de freiner le développem<strong>en</strong>t des formations tertiaires,<br />
préserver et r<strong>en</strong>forcer le palier d'ori<strong>en</strong>tation de fin de se¬<br />
conde, réorganiser les diplômes pour aboutir à un<br />
nombre limité de baccalauréats technologiques ouvrant<br />
réellem<strong>en</strong>t la porte à des formations supérieures et bascu¬<br />
ler vers la voie professionnelle les spécialités professionnalisantes.<br />
Enfin, l'auteur insiste sur la nécessité d'une<br />
démarche pédagogique originale fondée sur la pédagogie<br />
inductive et la pédagogie de projet. (Prix : h. c).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t supérieur<br />
BARNETT, Ronald.<br />
Higher education : a critical business.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1997.<br />
XII- 191 p., ill., bibliogr. p. 179-185. Index. *§= 5<br />
Ronald Barnett, professeur d'université et doy<strong>en</strong> du dé¬<br />
partem<strong>en</strong>t chargé du Développem<strong>en</strong>t Professionnel de<br />
l'Institut Pédagogique de Londres (Professional Developemnt,<br />
Institute ofEducation, University ofLondon), fait<br />
ici le constat, tout à fait polémique, du fait qu'<strong>en</strong> dépit de<br />
leur formation, les jeunes diplômés ne sont absolum<strong>en</strong>t<br />
pas préparés aux mutations imprévisibles du monde mo¬<br />
derne. Il propose donc de remplacer le concept de<br />
« p<strong>en</strong>sée critique », disp<strong>en</strong>sé traditionnellem<strong>en</strong>t par les<br />
universités occid<strong>en</strong>tales, par celui, beaucoup plus large,<br />
de « comportem<strong>en</strong>t critique » : les étudiants ne doiv<strong>en</strong>t<br />
pas se cont<strong>en</strong>ter d'avoir une approche critique de l'<strong>en</strong>sei<br />
gnem<strong>en</strong>t qui leur est disp<strong>en</strong>sé, ils doiv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t avoir<br />
une p<strong>en</strong>sée et des actions auto-critiques. Une telle ap¬<br />
proche exige nécessairem<strong>en</strong>t une remise <strong>en</strong> question de<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur concernant l'organisation et la<br />
direction des universités, mais aussi leurs relations avec le<br />
monde du travail, des professions et de la vie intellec¬<br />
tuelle. (Prix : 55 £).<br />
ZETLAOUI, Jodelle.<br />
L'universitaire et ses métiers : contribution à l'analyse<br />
des espaces de travail.<br />
Paris ; Montréal (Québec) : L'Harmattan, 1999. 336 p.,<br />
ill., bibliogr. p. 303-309, glossaire. (Villes et<br />
<strong>en</strong>treprises ; 1999.) "S" 11<br />
Faisant suite à une thèse intitulée « Le métier d'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant du supérieur : spatialisations et spatialités. Le cas<br />
d'une université de la banlieue parisi<strong>en</strong>ne », cet ouvrage<br />
s'appuie sur une <strong>en</strong>quête m<strong>en</strong>ée auprès d'<strong>en</strong>seignants de<br />
Paris XII-Val-de-Marne pour t<strong>en</strong>ter une approche de<br />
l'exercice du ou plutôt des métiers d'universitaire <strong>en</strong> don¬<br />
nant toute sa place à une démarche spatiale et géogra¬<br />
phique au sein de l'université. Les grandes étapes de<br />
l'histoire du système universitaire français vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
étayer cette démarche ; une typologie des <strong>en</strong>seignants du<br />
supérieur est t<strong>en</strong>tée sur la base de leur système de repré¬<br />
s<strong>en</strong>tations socio-spatiales ; <strong>en</strong>fin est abordée la question<br />
de l'appropriation des espaces de travail et de la cohabita¬<br />
tion dans l'université. (Prix : 190,00 FF).<br />
Education des adultes, formation<br />
continue<br />
FOLEY, Griff.<br />
Learning in social action : a contribution to<br />
understanding informal education.<br />
Bonn ; Leicester ; London ; New York : IIZ-DVV ;<br />
Niace ; Zed books, 1999. X-163 p., bibliogr.<br />
p. 145-158. Index. (Global perspectives on adult<br />
education and training ; 1999.) «s* 4<br />
A la lumière d'études de cas variant les types d'activités et<br />
les lieux, voici une analyse des modes d'appr<strong>en</strong>tissage<br />
chez des adultes <strong>en</strong> contexte d'action sociale. Hors insti¬<br />
tution de formation, l'appr<strong>en</strong>tissage semble <strong>en</strong> effet favo¬<br />
risé lorsque l'<strong>en</strong>jeu est de compr<strong>en</strong>dre et résoudre un<br />
problème concret, lors d'incid<strong>en</strong>ts modifiant le cours de<br />
la vie quotidi<strong>en</strong>ne, ou de luttes d'émancipation. Des éco¬<br />
logistes australi<strong>en</strong>s aux guérilleros zimbabwé<strong>en</strong>s, <strong>en</strong> pas¬<br />
sant par divers groupes de femmes, Brésili<strong>en</strong>nes,<br />
Américaines et Australi<strong>en</strong>nes, l'éducation non formelle<br />
des adultes via l'expéri<strong>en</strong>ce vécue, sur le lieu de travail, <strong>en</strong><br />
famille, ou par le biais de l'activisme, ne saurait être<br />
ignorée. Certes ce principe éducatif recouvre une réalité<br />
parfois ambiguë, puisqu'il s'exerce d'abord dans le cadre<br />
même de l'oppression que l'on cherche à dépasser, et né-<br />
180 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
cessite au préalable un « désappr<strong>en</strong>tissage » des postures<br />
et des actes aliénants. L'analyse pr<strong>en</strong>dra donc <strong>en</strong> compte<br />
toute la complexité du phénomène, d'autant plus que<br />
cette dernière produit elle-même de la valeur : la décom¬<br />
position d'un processus à l'origine implicite démontre<br />
l'intérêt et la profondeur du travail effectué par les appre¬<br />
nants. Au-delà du descriptif, l'étude de cas suggère <strong>en</strong><br />
outre des pistes de stratégie pour éducateurs et activistes.<br />
Dans son prolongem<strong>en</strong>t, des ateliers ont permis de parta¬<br />
ger des expéri<strong>en</strong>ces, de les analyser, afin d'<strong>en</strong> tirer des élé¬<br />
m<strong>en</strong>ts de théorie. Une conception plus large de<br />
l'éducation des adultes est ainsi proposée, s'appuyant à<br />
travers le contexte social, économique et politique, sur le<br />
matérialisme historique. (Prix : 36,95 £).<br />
LEES, John. ed. ; VASPE, Alison, ed.<br />
Clinical counselling infurther and higher education.<br />
London ; New York : Routledge, 1999. XIV-159 p.,<br />
notes bibliogr. Index. »* 23<br />
Dans le cadre de l'éducation supérieure et de la formation<br />
continue, toute tâche thérapeutique est secondaire <strong>en</strong><br />
comparaison de ce qui reste la vocation première :<br />
l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ; une assistance psychologique aurait, dans<br />
ce contexte, plutôt pour but d'aider l'institution dans sa<br />
formation des élèves que de promouvoir la seule bonne<br />
santé physique et morale des pati<strong>en</strong>ts qu'elle aurait <strong>en</strong><br />
charge. Cep<strong>en</strong>dant les conflits pot<strong>en</strong>tiels <strong>en</strong>tre ces objectifs<br />
peuv<strong>en</strong>t être utilisés d'une manière avantageuse du point<br />
de vue thérapeutique : <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte des exig<strong>en</strong>ces de<br />
l'institution, soumettant l'étudiant à un stress particulier<br />
(rythme des exam<strong>en</strong>s, durée limitée des <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts et<br />
nécessité de s'adapter à de nouvelles matières) et <strong>en</strong> pro¬<br />
posant plusieurs types d'interv<strong>en</strong>tion (Modèle d'Egan,<br />
techniques cognitivo-comportem<strong>en</strong>tales, psychothérapies<br />
de groupe), le psychothérapeute peut répondre avec une<br />
plus grande efficacité aux problèmes spécifiques de ses pa¬<br />
ti<strong>en</strong>ts. Deux autres séries d'articles s'attach<strong>en</strong>t par ailleurs<br />
à montrer <strong>en</strong> quoi l'élargissem<strong>en</strong>t du recrutem<strong>en</strong>t à des<br />
étudiants issus de nouveaux groupes culturels et sociaux<br />
pose de nouveaux problèmes et dans quelle mesure il est<br />
possible d'évaluer le travail de ces thérapeutes à la lumière<br />
de toutes ces données. (Prix : 40 £).<br />
SMITH, Jim. ; SPURLING, Andrea.<br />
Lifelong learning: riding the tiger.<br />
London ; New York : Cassell, 1999. X-242p., ill.,<br />
bibliogr. p. 229-235. Index. * 23<br />
Souhaiter que la formation continue devi<strong>en</strong>ne accessible<br />
à tous est un but louable, mais qui suppose des change¬<br />
m<strong>en</strong>ts d'attitude très importants. Les auteurs, se basant<br />
sur les recherches réc<strong>en</strong>tes effectuées par la Fondation<br />
Pour la Formation Continue (« Lifelong Learning foun¬<br />
dation ») étudi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> trois sections les problèmes spécifi¬<br />
ques posés par la formation continuerles aménagem<strong>en</strong>ts<br />
qu'elle implique (du point de vue du temps, de l'espace,<br />
jduJînancem<strong>en</strong>t,jdeJl<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t),jetJesjchangem<strong>en</strong>ts^<br />
ofe_cttmpiidjemejij_qu^dljêJi£c^^<br />
gies, développem<strong>en</strong>t d'infrastructures adaptées). Ils of¬<br />
fr<strong>en</strong>t une évaluation qui se veut pertin<strong>en</strong>te et des conseils<br />
effectivem<strong>en</strong>t applicables pour les vingt-cinq ans à v<strong>en</strong>ir.<br />
(Prix: 18.99 £).<br />
STEELE, Tom.<br />
The emerg<strong>en</strong>ce ofcultural studies : adult education,<br />
cultural politics and the « English » question.<br />
London : Lawr<strong>en</strong>ce 8c Wishart, 1997. 217p., bibliogr.<br />
p. 211-217. Index. «*- 13<br />
L'auteur recherche les racines des études culturelles <strong>en</strong><br />
Grande-Bretagne, dans le développem<strong>en</strong>t de la formation<br />
des adultes <strong>en</strong>tre 1930 et 1960 (cf. les tavaux de R. Wil¬<br />
liams, E.P. Thompson et R. Hoggart). Steele p<strong>en</strong>se que<br />
c'est à partir de ces recherches que le terme de culture est<br />
dev<strong>en</strong>u c<strong>en</strong>tral, <strong>en</strong> particulier dans le s<strong>en</strong>s de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />
d'appart<strong>en</strong>ance à une nation, et que le « C<strong>en</strong>tre de Bir¬<br />
mingham pour les Etudes Culturelles Contemporaines »<br />
fut fondé. L'ouvrage fonde ses argum<strong>en</strong>ts sur d'impor¬<br />
tantes recherches d'archives, des articles pédagogiques et<br />
politiques, des publications d'associations institutionnel¬<br />
les et professionnelles et des interviews de professeurs et<br />
d'étudiants adultes ayant bénéficié d'une formation<br />
continue durant cette époque. (Prix : 1 1.31 £).<br />
Structure de laformation continue<br />
LINDEPERG, Gérard, ed.<br />
Les acteurs de laformation professionnelle : pour une<br />
nouvelle donne. Rapport au Premier Ministre.<br />
[s. 1.] :(s.n.], 1999.230 p. «* 23<br />
Après avoir dressé un état des lieux circonstancié de la<br />
formation professionnelle <strong>en</strong> France, le rapport prés<strong>en</strong>te<br />
tr<strong>en</strong>te-cinq propositions t<strong>en</strong>dant à <strong>en</strong> améliorer<br />
l'organisation. Ses conclusions le pouss<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>t à<br />
insister sur la nécessité de la clarification des compét<strong>en</strong>¬<br />
ces respectives de l'État, des régions et des part<strong>en</strong>aires so¬<br />
ciaux par le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de la politique contractuelle et<br />
la rénovation des instances nationales et régionales de<br />
concertation. Il propose égalem<strong>en</strong>t la construction d'un<br />
véritable service de proximité d'information et<br />
d'ori<strong>en</strong>tation professionnelle ouvert aussi bi<strong>en</strong> aux <strong>en</strong>tre¬<br />
prises qu'aux personnes. (Prix : h. c).<br />
Towards lifelong learning in Hungary.<br />
Paris : OECD, 1999. 89 p., bibliogr. p. 87-89. ** 4<br />
Ces actes du congrès qui a réuni plusieurs ministres et ex¬<br />
perts europé<strong>en</strong>s, dans le cadre du programme PHARE de<br />
la Commission europé<strong>en</strong>ne, et qui port<strong>en</strong>t sur le dévelop-<br />
pem<strong>en</strong>t de la formation continue <strong>en</strong> Hongrie témoign<strong>en</strong>t<br />
de la volonté des responsables europé<strong>en</strong>s de voir émerger<br />
une politique^ohér<strong>en</strong>te <strong>en</strong> matière^de^formation. Us ana^<br />
lys<strong>en</strong>t les obstacles qui ont freiné ces dix dernières années<br />
la mise <strong>en</strong> place djune telle politique et dessin<strong>en</strong>t les<br />
contours de réformes de grande <strong>en</strong>vergure qui ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
BIBLIOGRAPHIE COJJRANTE J_8JL
compte des acquis <strong>en</strong> matière de formation continue et<br />
des contraintes budgétaires du pays, tout <strong>en</strong> répondant<br />
aux besoins <strong>en</strong> formation d'un pays <strong>en</strong> pleine mutation<br />
structurelle tant sur les plans industriels qu'économiques.<br />
Des recommandations, plans de travail, propositions de<br />
mise <strong>en</strong> place de dispositifs spécifiques sont prés<strong>en</strong>tés, <strong>en</strong><br />
particulier pour les aspects suivants de la question : le dé¬<br />
veloppem<strong>en</strong>t régional (trop grande disparité <strong>en</strong>tre les ré¬<br />
gions), l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à distance et l'utilisation des<br />
nouvelles technologies, la liaison formation pour<br />
adulte/marché de l'emploi, les populations défavorisées,<br />
l'ouverture de l'université sur le monde du travail, les<br />
sources de financem<strong>en</strong>t. (Prix : 23£).<br />
TROGER, Vinc<strong>en</strong>t ; TANGUY, Lucie ; BRUCY,<br />
Guy et al.<br />
Les Chantiers de laformation perman<strong>en</strong>te (1945-1971).<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 166 p., notes bibliogr.<br />
(Sociétés contemporaines ; 35.) «^ 22<br />
Toutes les contributions de ce numéro thématique de la<br />
revue « Sociétés contemporaines » pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t comme point<br />
de référ<strong>en</strong>ce la production de la loi de 1971 sur la forma¬<br />
tion professionnelle continue. Les différ<strong>en</strong>ts auteurs exa¬<br />
min<strong>en</strong>t les conditions économiques et politiques et t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
de brosser un tableau des forces sociales <strong>en</strong> jeu. Vinc<strong>en</strong>t<br />
Troger s'intéresse à l'action du mouvem<strong>en</strong>t d'éducation<br />
populaire « Peuple et Culture » et cherche à montrer le rôle<br />
de ce mouvem<strong>en</strong>t dans la formation des adultes <strong>en</strong> tant<br />
qu'activité sociale majeure et cons<strong>en</strong>suelle dans la France<br />
contemporaine. Dans le deuxième article, Lucie Tanguy<br />
prés<strong>en</strong>te une expéri<strong>en</strong>ce de reconversion industrielle<br />
m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> Lorraine à l'occasion de la fermeture des mines<br />
de fer. Cette expéri<strong>en</strong>ce sociale a servi de creuset à<br />
l'élaboration d'une doctrine de l'éducation perman<strong>en</strong>te<br />
soucieuse de faire de tout individu « un ag<strong>en</strong>t de change¬<br />
m<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>t de sa qualité d'acteur social » et à ce titre<br />
est dev<strong>en</strong>ue une référ<strong>en</strong>ce commune au monde de la for¬<br />
mation. Guy Brucy a, lui, axé sa contribution sur une orga¬<br />
nisation syndicale de salariés, la CFTC de la Chimie (CFDT<br />
à partir de 1964) et son article cherche à id<strong>en</strong>tifier les diffé¬<br />
r<strong>en</strong>tes conceptions de la formation qui se sont affirmées au<br />
sein de cette fédération <strong>en</strong>tre la fin de la deuxième guerre<br />
mondiale et le milieu des années 1960. Quant à Philippe<br />
Casella, il s'intéresse au développem<strong>en</strong>t de la formation<br />
des adultes dans l'administration publique au cours des<br />
années soixante. Ce retour de la formation permet donc de<br />
compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t ce domaine d'activité sociale s'est<br />
constitué et comm<strong>en</strong>t la formation est dev<strong>en</strong>ue ce lieu<br />
d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te sociale qu'il est aujourd'hui. (Prix : 90,00 FF).<br />
Pédagogie de laformation continue<br />
La logique de la compét<strong>en</strong>ce:premièrepartie.<br />
Paris : La <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française, 1999. 161 p.,<br />
notes bibliogr. (Education perman<strong>en</strong>te ; 140.) « 14<br />
Ce numéro d'Éducation perman<strong>en</strong>te traite de la compé¬<br />
t<strong>en</strong>ce dans une approche critique pluridisciplinaire.<br />
L'intérêt pour la compét<strong>en</strong>ce marqué par de nombreux<br />
acteurs du marché du travail, mais aussi par les cher¬<br />
cheurs (sociologues, psychologues, etc.) montre combi<strong>en</strong><br />
cette notion et les pratiques qu'elles inspir<strong>en</strong>t modifi<strong>en</strong>t le<br />
rapport des sujets à leur travail, et les relations sociales au<br />
travail. En constante évolution, une réflexion s'impose<br />
pour préciser les concepts, percevoir les changem<strong>en</strong>ts et<br />
les réalités concrètes de l'activité et de la gestion du per¬<br />
sonnel. Huit contributions compos<strong>en</strong>t ce numéro. Elisa¬<br />
beth Dugué rappelle les principaux effets de la<br />
substitution du terme de qualification par celui de com¬<br />
pét<strong>en</strong>ce, sur l'<strong>en</strong>treprise et la société <strong>en</strong> terme de pratique<br />
de formation et de gestion des ressources humaines.<br />
Anne Dietrich rappelle l'importance et l'effet de langue<br />
dans l'<strong>en</strong>treprise <strong>en</strong> s'intéressant à l'émerg<strong>en</strong>ce des<br />
concepts de compét<strong>en</strong>ce et de performances. Janine<br />
Roche passe <strong>en</strong> revue les différ<strong>en</strong>tes acceptions du mot<br />
professionnalisation et éclaire la définition <strong>en</strong> opérant un<br />
rapprochem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre volume du travail et concept de<br />
compét<strong>en</strong>ce. Emmanuel Sulzer s'interroge sur la notion<br />
de savoir-être, notion qui apparaît comme justiciable<br />
d'une critique sci<strong>en</strong>tifique et d'une critique sociale. Pierre<br />
Koch étudie les concepts et les théories sous-jac<strong>en</strong>tes à la<br />
notion de compét<strong>en</strong>ces dans les <strong>en</strong>treprises qualifiantes<br />
et les <strong>en</strong>treprises appr<strong>en</strong>antes. François Beaujolin déve¬<br />
loppe le thème des formations ouvertes <strong>en</strong> situation de<br />
travail et définit un certain nombre de règles propres à<br />
« former et transformer ». Nicole Roel<strong>en</strong>s nous prés<strong>en</strong>te<br />
l'analyse d'une pratique d'interv<strong>en</strong>tion avec la création<br />
de cercles de qualité. Elle étudie les rôles, les places, les es¬<br />
paces de parole de chacun et les situations de travail. Phi¬<br />
lippe Perr<strong>en</strong>oud analyse les problèmes liés à la gestion de<br />
l'imprévu et aux compét<strong>en</strong>ces mises <strong>en</strong> uvre pour y ré¬<br />
pondre. (Prix : 110,00 FF).<br />
M - PERSONNELS DE L'ÉDUCATION<br />
ET DE LA FORMATION<br />
Enseignants<br />
Profession <strong>en</strong>seignante<br />
CAGLAR, Huguette. dir.<br />
Être <strong>en</strong>seignant un métier impossible ?: hommage à Ada<br />
Abraham.<br />
Paris ; Montréal (Qc) : L'Harmattan, 1999. 397 p.,<br />
bibliogr. p. 387-393. (Défi-formation.) «* 14<br />
Ada Abraham a consacré une partie de sa carrière à dé¬<br />
f<strong>en</strong>dre la cause de l'<strong>en</strong>seignant. En lui r<strong>en</strong>dant hommage,<br />
chercheurs et pratici<strong>en</strong>s issus de disciplines différ<strong>en</strong>tes se<br />
182 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
p<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t sur le malaise <strong>en</strong>seignant. Cette profession est<br />
aujourd'hui particulièrem<strong>en</strong>t exposée aux « chocs »<br />
d'une société, non seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> crise, mais égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
pleine mutation. Les faits de société n'y sont pas sans ré¬<br />
percussions et il semble que le conflit est irrémédiable à la<br />
condition <strong>en</strong>seignante. Un monde est toujours à décou¬<br />
vrir : la recherche sur la personnalité de l'<strong>en</strong>seignant.<br />
L'ouvrage conti<strong>en</strong>t de nombreuses interv<strong>en</strong>tions ainsi<br />
que la prés<strong>en</strong>tation de recherches-action qui vis<strong>en</strong>t à<br />
améliorer le déroulem<strong>en</strong>t quotidi<strong>en</strong> de la classe et il<br />
conti<strong>en</strong>t une importante bibliographie. (Prix : 220,00 FF).<br />
PERRENOUD, Philippe.<br />
Enseigner, agir dans l'urg<strong>en</strong>ce, décider dans<br />
l'incertitude.<br />
Paris : ESF, 1999. 198 p., bibliogr. p. 185-198.<br />
(Pédagogies.) **- 22<br />
Une partie des <strong>en</strong>seignants ont des compét<strong>en</strong>ces qui leur<br />
permett<strong>en</strong>t d'agir sans savoir, sans tout raisonner et cal¬<br />
culer et pourtant avec une certaine efficacité dans la ges¬<br />
tion des situations complexes. Quelles sont ces<br />
compét<strong>en</strong>ces qui traduis<strong>en</strong>t la réalité du métier ? Quelles<br />
sont les représ<strong>en</strong>tations qui se jou<strong>en</strong>t dans la construction<br />
et dans la mise <strong>en</strong> des compét<strong>en</strong>ces ? Les premiers<br />
chapitres mett<strong>en</strong>t l'acc<strong>en</strong>t sur des pratiques pédagogi¬<br />
ques : analyse de la complexité à laquelle l'<strong>en</strong>seignant doit<br />
faire face, réflexion sur les non-dits du métier, approche<br />
de la capacité du pratici<strong>en</strong> à réinv<strong>en</strong>ter au jour le jour des<br />
stratégies et à travailler <strong>en</strong> équipe. Les derniers chapitres<br />
t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t une étude plus théorique des rapports <strong>en</strong>tre habi¬<br />
tus, savoirs et compét<strong>en</strong>ces et propos<strong>en</strong>t des axes de tra¬<br />
vail pour la formation des maîtres. (Prix : 142,00 FF).<br />
RICHARDS, Colin, ed. ; SIMCO, Neil. ed. ;<br />
TWISELTON, Sam. ed.<br />
Primary teacher education : high status ?<br />
high standards ?<br />
London : Falmer press, 1998. VIII-232 p., notes<br />
bibliogr. Index. **" 5<br />
Ce livre polémique aborde la question des changem<strong>en</strong>ts<br />
réc<strong>en</strong>ts, liés à la parution des circulaires du 10/97 et du<br />
4/98, par lesquels les professeurs des écoles sont mainte¬<br />
nant préparés à aborder leur premier poste et à dévelop¬<br />
per leur pratique lorsqu'ils sont déjà <strong>en</strong> activité.<br />
Contestant le cont<strong>en</strong>u des circulaires, Colin Richards,<br />
Professeur des Écoles, Inspecteur d'Académie <strong>en</strong><br />
Grande-Bretagne, puis Professeur des Universités, ana¬<br />
lyse les évolutions réc<strong>en</strong>tes, id<strong>en</strong>tifie les problèmes qui<br />
s'<strong>en</strong> dégag<strong>en</strong>t et t<strong>en</strong>te d'y apporter des solutions. En cinq<br />
chapitres, il traite ainsi des nouvelles données de l'éduca¬<br />
tion primaire et de la formation des Professeurs des Eco¬<br />
les ; il élabore une critique du projet national de<br />
lormation initiale et examine les caractéristiques propres<br />
de la pédagogie appliquée à cette formation ; <strong>en</strong>fin, il pose<br />
la question des li<strong>en</strong>s existant <strong>en</strong>tre la formation des pro¬<br />
fesseurs, leur installation et la formation professionnelle<br />
continue. (Prix : 16.95 £).<br />
Formation des <strong>en</strong>seignants<br />
et des formateurs<br />
MEIRIEU, Philippe.<br />
Des <strong>en</strong>fants et des hommes : littérature etpédagogie.<br />
Paris : ESF, 1999. 133 p., notes bibliogr. (Pédagogies.) «* 5<br />
Les métiers de l'éducation ne sont pas réductibles à<br />
l'<strong>en</strong>semble des compét<strong>en</strong>ces qui permett<strong>en</strong>t de les exer¬<br />
cer. Eduquer suppose, <strong>en</strong> effet, des connaissances théori¬<br />
ques mais égalem<strong>en</strong>t une consci<strong>en</strong>ce des <strong>en</strong>jeux de l'acte<br />
éducatif et l'exercice du discernem<strong>en</strong>t. La littérature,<br />
comme le cinéma ou le théâtre, nous offre à cet égard des<br />
« objets à p<strong>en</strong>ser » où s'articul<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> des histoires singu¬<br />
lières, les interrogations fondatrices de l'éducation. De<br />
« Perceval » de Chréti<strong>en</strong> de Troyes à « 1 984 » d'Orwell, de<br />
Giraudoux ou Montherlant à Primo Levi ou Russell<br />
Banks, Philippe Meirieu explore dix !uvres où l'<strong>en</strong>jeu<br />
éducatif est suffisamm<strong>en</strong>t fort pour structurer la réflexion<br />
de chacun autour d'un thème : grandir. Cet ouvrage peut<br />
guider utilem<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>seignants dans le choix de textes<br />
littéraires susceptibles de constituer des outils de forma¬<br />
tion pour les élèves et de leur donner le goût et l'<strong>en</strong>vie de<br />
grandir. L'étude pédagogique des textes littéraires appa¬<br />
raît ici comme un exercice ess<strong>en</strong>tiel dans la formation des<br />
éducateurs. (Prix : 134,00 FF).<br />
Formation initiale des <strong>en</strong>seignants<br />
et desformateurs<br />
CAMPBELL, Anne ; KANE, Ian.<br />
School-based teacher education : telling talesfrom a<br />
fictional primary school.<br />
London : David Fulton, 1998. 154 p., bibliogr.<br />
p. 143-149. Index. (The Manchester métropolitain<br />
university education series.) »*" 4<br />
Se basant sur la recherche actuelle, l'ouvrage utilise le<br />
cadre d'une école de fiction et de personnages inv<strong>en</strong>tés,<br />
pour illustrer quelques-uns des problèmes qui se pos<strong>en</strong>t<br />
dans la prise <strong>en</strong> charge quotidi<strong>en</strong>ne des élèves-maîtres. Il<br />
raconte l'histoire des principaux protagonistes impliqués<br />
(étudiants, tuteurs, m<strong>en</strong>tors et autres professeurs) et leurs<br />
succès et échecs personnels. Les problèmes soulevés sont<br />
comm<strong>en</strong>tés par les auteurs dont le but est de fournir au<br />
lecteur des solutions pratiques et de le guider dans ses fu¬<br />
tures lectures professionnelles. Le livre a pour ambition<br />
de permettre l'élaboration et la gestion des stages effec¬<br />
tués par les élèves-professeurs à l'école. (Prix : 13.99 £).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 183
GRENFELL, Michael.<br />
Training teachers in practice.<br />
London : Multilingual matters, 1998. 187 p., ill.,<br />
bibliogr. p. 181-185. Index. (Modern languages in<br />
practice; 9.) «s- 11<br />
Cet ouvrage traite des problèmes affér<strong>en</strong>ts aux questions<br />
théoriques et pratiques posées par la formation des pro¬<br />
fesseurs de langue moderne. Ses sept chapitres sont divi¬<br />
sés <strong>en</strong> trois sections. La première étudie la théorie et la<br />
pratique, le choix des programmes et le processus de for¬<br />
mation initiale. La deuxième partie r<strong>en</strong>d compte de l'ex¬<br />
péri<strong>en</strong>ce vécue par cinq stagiaires : la façon dont ils<br />
s'organisèr<strong>en</strong>t pour faire leurs premières leçons, ce qu'ils<br />
ress<strong>en</strong>tir<strong>en</strong>t à ce mom<strong>en</strong>t-là et ce qu'il advint d'eux par la<br />
suite est raconté, souv<strong>en</strong>t par les stagiaires eux-mêmes.<br />
Enfin la troisième partie examine les points communs de<br />
ces expéri<strong>en</strong>ces, ce qui permet de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce une<br />
problématique générale de la formation des professeurs :<br />
la professionnalisation initiale est décrite comme le mo¬<br />
m<strong>en</strong>t où de vraies relations se nou<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre élèves, tuteurs<br />
et stagiaires, mais le stage précédant l'<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> fonction<br />
est perçu comme déroutant et épuisant. Le livre montre<br />
que ces caractéristiques concour<strong>en</strong>t à la transformation<br />
par laquelle un stagiaire devi<strong>en</strong>t professeur. Les implica¬<br />
tions d'une telle conclusion sont alors reprises pour éva¬<br />
luer la formation initiale et continue des professeurs de<br />
langues modernes dans un monde moderne de plus <strong>en</strong><br />
plus axé sur la communication. (Prix : 75£).<br />
JAWORSKI, Barbara ; WOOD, Terry ; DAWSON,<br />
Sandy.<br />
Mathematics teacher education : critical international<br />
perspectives.<br />
London : Falmer press, 1999. X-220 p., ill., notes<br />
bibliogr. Index. (Studies in mathematics education ;<br />
12.) «s- 14<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des mathématiques est un sujet d'étude<br />
majeur dans le monde <strong>en</strong>tier : des disciplines aussi variées<br />
que la psychologie, la philosophie, la logique, la socio¬<br />
logie, etc., s'y intéress<strong>en</strong>t et cette effervesc<strong>en</strong>ce de théories<br />
aide à compr<strong>en</strong>dre et à changer les méthodes d'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t, d'appr<strong>en</strong>tissage et de formation des professeurs de<br />
mathématiques, pose et résout des problèmes et stimule<br />
le débat. L'augm<strong>en</strong>tation du nombre de recherches por¬<br />
tant sur ces questions, ces dix dernières années, suggère<br />
qu'il est temps de faire l'inv<strong>en</strong>taire des progrès effectués<br />
jusqu'à prés<strong>en</strong>t. L'ouvrage s'y emploie <strong>en</strong> trois temps :<br />
d'abord <strong>en</strong> offrant un panorama international de ce qui se<br />
fait <strong>en</strong> matière de formation continue des professeurs ;<br />
<strong>en</strong>suite, <strong>en</strong> suggérant des clés permettant de compr<strong>en</strong>dre<br />
les positions théoriques qui guid<strong>en</strong>t la recherche <strong>en</strong> ce<br />
mom<strong>en</strong>t ; <strong>en</strong>fin, <strong>en</strong> proposant une évaluation critique de<br />
la recherche dans le champ des mathématiques qui<br />
montre comm<strong>en</strong>t la formation des professeurs est inti¬<br />
m<strong>en</strong>t liée à leur pratique future. (Prix : 45 £).<br />
NICHOLLS, Gill.<br />
Learning to teach : a handbookfor primary and<br />
secondary school teachers.<br />
London : Kogan page, 1999. VI-224 p., ill, notes<br />
bibliogr. Index, «s" 9<br />
Ce livre s'adresse aux élèves-professeurs qui prépar<strong>en</strong>t<br />
l'exam<strong>en</strong> pour dev<strong>en</strong>ir professeur qualifié (Qualified<br />
Teacher Status). Basé sur les recommandations et qualifi¬<br />
cations exigées par la TTA (Teacher Training Ag<strong>en</strong>cy), il<br />
prés<strong>en</strong>te successivem<strong>en</strong>t : une introduction aux bonnes<br />
méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ; les conditions requises pour<br />
obt<strong>en</strong>ir le QTS ; le Programme National, son rôle et les<br />
problèmes qu'il pose ; la nature de tout appr<strong>en</strong>tissage ;<br />
l'information et la communication dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ;<br />
comm<strong>en</strong>t préparer et planifier ses cours, gérer sa classe ;<br />
l'élaboration des contrôles, dissertations et bulletins sco¬<br />
laires ; la liaison avec les par<strong>en</strong>ts ; l'évolution profession¬<br />
nelle et le développem<strong>en</strong>t de sa future carrière. (Prix :<br />
17.99 £).<br />
SUGGATE, J<strong>en</strong>nifer ; DAVIS, Andrew ;<br />
GOULDING, Maria.<br />
Mathematical knowledgefor primary teachers.<br />
London : David Fulton publishers, 1998. XII-277 p.,<br />
ill., bibliogr. p. 224. Index. "S" 4<br />
Le livre prés<strong>en</strong>te les concepts-clés et les techniques stan¬<br />
dard des mathématiques modernes (analyse, algèbre,<br />
géométrie et calcul des probabilités) dans de nouvelles<br />
perspectives et des contextes variés susceptibles d'élargir<br />
les connaissances du lecteur. Il prés<strong>en</strong>te, par ailleurs, des<br />
techniques non traditionnelles, des exemples et des exer¬<br />
cices destinés aux élèves, dans le cadre du programme de<br />
formation pédagogique (« National Curriculum for Ini¬<br />
tial Training »), pour aider les futurs professeurs (et, corollairem<strong>en</strong>t,<br />
les professeurs <strong>en</strong> exercice) à acquérir un<br />
savoir aux bases solides leur permettant de moduler leur<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction des besoins de leurs élèves.<br />
(Prix : 14.99 £).<br />
Formation continue des <strong>en</strong>seignants<br />
et desformateurs<br />
CAUTERMAN, Marie-Michèle ; DEMAILLY,<br />
Line ; SUFFYS, Séverine et al.<br />
Laformation continue des <strong>en</strong>seignants est-elle utile ?<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. 224 p.,<br />
bibliogr. p. 217-219. (Éducation et formation :<br />
Recherches sci<strong>en</strong>tifiques.) «! 23<br />
A quoi sert la formation continue des <strong>en</strong>seignants du se¬<br />
condaire, née il y a quinze ans et c<strong>en</strong>sée favoriser les mu¬<br />
tations du système éducatif ? Quelles sont les conditions,<br />
les types d'action, les dispositifs (stages individuels, sta¬<br />
ges d'établissem<strong>en</strong>t) et les méthodes contribuant à l'effi¬<br />
cacité ? Quels sont les effets des stages sur les <strong>en</strong>seignants<br />
et sur les établissem<strong>en</strong>ts ? La formation continue pro-<br />
184 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
voque-t-elle des changem<strong>en</strong>ts de conduites et de postures<br />
professionnelles vers une plus grande implication dans le<br />
travail et une plus grande reconnaissance de l'éducabilité<br />
de l'appr<strong>en</strong>ant ? Quels outils d'investigation permet¬<br />
trai<strong>en</strong>t aux formateurs d'évaluer leurs actions ? C'est à ces<br />
questionnem<strong>en</strong>ts qu'a t<strong>en</strong>té de répondre cette recherche,<br />
réalisée à partir d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s et d'observations de stages,<br />
et m<strong>en</strong>ée par une équipe réunissant un sociologue et des<br />
<strong>en</strong>seignants<br />
148,00 FF).<br />
formateurs MAFPEN, IUFM. (Prix :<br />
DAY, Christopher.<br />
Developing teachers : the chall<strong>en</strong>ges oflifelong learning.<br />
London : Falmer press, 1999. XII-240 p., ill., bibliogr.<br />
p. 210-230. Index. (Educational change and<br />
developm<strong>en</strong>t series.) «* 6<br />
Se basant sur une expéri<strong>en</strong>ce couvrant une vingtaine<br />
d'années et lui ayant permis de collecter des informations<br />
sur les histoires de vie des professeurs et la façon dont ils<br />
exerc<strong>en</strong>t leur métier au quotidi<strong>en</strong>, l'auteur se demande de<br />
quelle façon et dans quelles conditions les professeurs<br />
sont formés. 11 montre que leur motivation chancelle, que<br />
les défections se multipli<strong>en</strong>t et que le recrutem<strong>en</strong>t devi<strong>en</strong>t<br />
difficile. Celle-ci est <strong>en</strong> effet constamm<strong>en</strong>t remise <strong>en</strong><br />
question par les conditions d'exercice : nécessité de suivre<br />
une formation continue pour s'adapter à des program¬<br />
mes de plus <strong>en</strong> plus pointus, manque d'accompagnem<strong>en</strong>t<br />
dans cette remise à niveau, méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t im¬<br />
posées par des administratifs. Pour lutter contre cette<br />
« déprolessionnahsation », l'auteur suggère de r<strong>en</strong>forcer<br />
la responsabilité des <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong> créant des groupes de<br />
travail impliquant tous les protagonistes concernés.<br />
(Prix : 43.00 £).<br />
DEBEAUQUESNE, Martine, coord. ; GAUVAIN,<br />
Patrice, coord.<br />
Contribution de laformation continue au<br />
développem<strong>en</strong>t des technologies de l'information et de la<br />
communication : année scolaire 1998-1999.<br />
Paris : Ministère de l'Education nationale, de la<br />
recherche et de la technologie, 1999. 45 p.,<br />
graphiques, tableaux, annexes. »* 4<br />
Ce rapport repr<strong>en</strong>d les principaux résultats d'une <strong>en</strong>¬<br />
quête commandée par le Ministère pour l'année scolaire<br />
1998/99 et adressée aux recteurs d'académie. A partir des<br />
88 questionnaires reçus, représ<strong>en</strong>tant 86,5 % de la popu¬<br />
lation de référ<strong>en</strong>ce, ce rapport dégage les t<strong>en</strong>dances qui<br />
structur<strong>en</strong>t et caractéris<strong>en</strong>t la formation des <strong>en</strong>seignants<br />
du 1" et 2*' degré dans le domaine des nouvelles technolo¬<br />
gies de l'information et de la communication (NTIC). Il<br />
est complété par une étude relative aux formations d'ini¬<br />
tiative nationale (plan national de formation et université<br />
d'été).<br />
GLUNK, G<strong>en</strong>eviève.<br />
Contribution aufonctionnem<strong>en</strong>t des classes relais <strong>en</strong><br />
collège '.formation des interv<strong>en</strong>ants. Extrait du mémoire<br />
de DESS Cadres Pédagogiques de Formation d'Adultes.<br />
Nanterre : Université Paris X-Nanterre, 1999. 44 p.,<br />
tabl., bibliogr. p. 41-43. «* 23<br />
Cette étude, extraite d'un mémoire de DESS <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces<br />
de l'éducation, pose le problème du dispositif de forma¬<br />
tion à mettre <strong>en</strong> place pour l'équipe d'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t des<br />
classes-relais de collège, constituées d'un public à reso¬<br />
cialiser. L'analyse des besoins exprimés par le biais d'<strong>en</strong>¬<br />
treti<strong>en</strong>s et questionnaires auprès d'équipes éducatives et<br />
d'élèves de quatre sites (banlieue et province), fait appa¬<br />
raître la spécificité de cette structure : <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t îndi-<br />
vidualisé, recours aux nouvelles technologies,<br />
concertation <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>seignants, contact avec les familles,<br />
mise <strong>en</strong> place et respect des repères, etc. De ce contexte se<br />
dégag<strong>en</strong>t des ori<strong>en</strong>tations pour la formation socio-cogni¬<br />
tive et psychosociale des interv<strong>en</strong>ants et pour leur recru¬<br />
tem<strong>en</strong>t sur la base d'un profil à double compét<strong>en</strong>ce.<br />
Méthodes deformation des <strong>en</strong>seignants<br />
et desformateurs<br />
LOUGHRAN, Jeffrey John.<br />
Researching teaching : methodologies andpracticesfor<br />
understandingpedagogy.<br />
London ; Philadelphia : Falmer press, 1999. VII-256 p.,<br />
ill., notes bibliogr. Index. «* 22<br />
Il existe une t<strong>en</strong>sion constante <strong>en</strong>tre le peu de temps attri¬<br />
bué au professeur pour disp<strong>en</strong>ser ses cours et le temps, la<br />
compét<strong>en</strong>ce nécessaires pour transformer sa pratique à<br />
travers la recherche, de sorte que l'<strong>en</strong>seignant est souv<strong>en</strong>t<br />
t<strong>en</strong>té de considérer que ce dernier domaine ne lui est pas<br />
accessible, qu'il est réservé à des universitaires peu fami¬<br />
liers des salles de cours. A contrario, il est peu t<strong>en</strong>té de<br />
communiquer ses travaux à des théorici<strong>en</strong>s. Or, c'est bi<strong>en</strong><br />
aux <strong>en</strong>seignants eux-mêmes que la recherche devrait être<br />
destinée et ils devrai<strong>en</strong>t y participer. Les auteurs s'atta¬<br />
ch<strong>en</strong>t donc à montrer la richesse d'une théorie étroite¬<br />
m<strong>en</strong>t liée à la pratique ; <strong>en</strong> trois sections, ils expos<strong>en</strong>t<br />
successivem<strong>en</strong>t l'intérêt de t<strong>en</strong>ir compte du point de vue<br />
des étudiants (« Appr<strong>en</strong>dre à <strong>en</strong>seigner à travers la péda¬<br />
gogie »), celui de travailler <strong>en</strong> groupe (« Appr<strong>en</strong>dre à <strong>en</strong>¬<br />
seigner à travers une active collaboration »), et celui de<br />
t<strong>en</strong>ir compte de la matière <strong>en</strong>seignée (« Appr<strong>en</strong>dre à <strong>en</strong>¬<br />
seigner selon le contexte »), que ce soit la technologie,<br />
l'éducation physique ou l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t général, dont<br />
chacune pose des questions spécifiques. (Prix : 45 £).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANIE 185
Personnels non-<strong>en</strong>seignants<br />
BLANCHET, R<strong>en</strong>é, coord. ; WIENER, Céline, coord. ;<br />
ISAMBERT, Jean-Pol. coord.<br />
La revalorisation du rôle des chefs d'établissem<strong>en</strong>t<br />
de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t secondaire : rapport.<br />
Paris : Ministère de l'Education nationale, de la<br />
Recherche et de la Technologie, 1999. 67 p. « 23<br />
Pr<strong>en</strong>ant acte du malaise d'une partie des chefs d'établisse¬<br />
m<strong>en</strong>t et de la crise de recrutem<strong>en</strong>t que connaît ce corps,<br />
Claude Allègre et Ségolène Royal ont, <strong>en</strong> octobre 1998,<br />
demandé une mission de concertation et de réflexion.<br />
Ponctuant l'analyse de la situation, les tr<strong>en</strong>te-neufpropo¬<br />
sitions de la mission sont <strong>en</strong>suite reprises et organisées<br />
autour de cinq priorités : faciliter l'accomplissem<strong>en</strong>t des<br />
tâches (notamm<strong>en</strong>t dans les relations avec la hiérarchie -<br />
rectorat, inspection académique - et les collectivités loca¬<br />
les) ; moderniser le pilotage (déconc<strong>en</strong>tration, regroupe¬<br />
m<strong>en</strong>ts volontaires d'établissem<strong>en</strong>ts, réorganisation des<br />
instances de l'établissem<strong>en</strong>t) ; affermir le rôle et la consi¬<br />
dération du chef d'établissem<strong>en</strong>t ; favoriser l'accès à la<br />
fonction ; accompagner les carrières. (Prix : Gratuit).<br />
Personnels de Véducation<br />
et de la formation<br />
PERRET, Jacques-Adri<strong>en</strong>.<br />
Tr<strong>en</strong>te-cinq ans chez le Mammouth :paroles deproviseur.<br />
Paris : Créations du possible, 1999. 179 p. «^ 61<br />
L'auteur dresse le bilan de tr<strong>en</strong>te-cinq ans passés au sein<br />
de l'Éducation nationale comme professeur de CET, for¬<br />
mateur d'adultes et puis proviseur de lycée professionnel.<br />
Vivant plaidoyer pour une reconnaissance de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t technique, cet ouvrage est prétexte à de nombreuses<br />
réflexions issues de ces diverses expéri<strong>en</strong>ces. On y dé¬<br />
couvre l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t technique au quotidi<strong>en</strong> à travers<br />
ses méthodes pédagogiques basées sur la remotivation de<br />
l'élève, les problèmes liés à la diversité culturelle, la mise<br />
<strong>en</strong> place des stages <strong>en</strong> <strong>en</strong>treprise, la création des bacs pro,<br />
etc. La conception de la fonction de chef d'établissem<strong>en</strong>t<br />
y est exposée de façon très concrète, illustrée d'exemples<br />
comme l'élaboration du projet d'établissem<strong>en</strong>t, du règle¬<br />
m<strong>en</strong>t intérieur. Et si l'auteur déplore parfois les insuffi¬<br />
sances, contradictions et lourdeurs du fonctionnem<strong>en</strong>t<br />
de l'Éducation nationale, il offre <strong>en</strong> conclusion des pro¬<br />
positions pour l'amélioration du système éducatif.<br />
N - ORIENTATION, EMPLOI<br />
Ori<strong>en</strong>tation scolaire et professionnelle<br />
Relations <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t I milieu<br />
socioprofessionnel<br />
DEGENNE, Alain, ed. ; STOEFFLER-KERN,<br />
Françoise, ed. ; WERQUIN, Patrick, ed.<br />
Cheminem<strong>en</strong>ts deformation dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
supérieur etparcours d'insertion professionnelle.<br />
Marseille : CEREQ, 1999. 343 p., notes bibliogr.<br />
(<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>s : séminaire ; 141.) «s* 4<br />
Au-delà des constatations globales affirmant sèchem<strong>en</strong>t<br />
que les diplômes protèg<strong>en</strong>t du chômage, ces journées<br />
d'études ont cherché à éclairer l'articulation réelle <strong>en</strong>tre<br />
parcours de formation - y compris la reprise d'études -<br />
dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur (longueur du cursus, réo¬<br />
ri<strong>en</strong>tations, etc.), et insertion professionnelle. La con¬<br />
frontation des travaux des universités (<strong>en</strong>core trop rares)<br />
sur le dev<strong>en</strong>ir professionnel de leurs étudiants aux <strong>en</strong>quê¬<br />
tes nationales du CEREQ donne une grande variété d'ap¬<br />
proches de la question <strong>en</strong> fonction du niveau de diplôme,<br />
du DEUG à la thèse ; des filières d'études (sci<strong>en</strong>ces hu¬<br />
maines, IUT, sci<strong>en</strong>ces pour l'ingénieur), des parcours<br />
d'insertion professionnelle, mais aussi des différ<strong>en</strong>tes ré¬<br />
gions françaises et de leur situation au regard de l'emploi.<br />
(Prix: 150,00 FF).<br />
Emploi<br />
Travail - activité - emploi : une comparaison<br />
France-Allemagne.<br />
Paris : Ministère de l'emploi et de la solidarité, 1999.<br />
302 p. (Cahier travail et emploi.) *& 21<br />
Les 9 et 10 octobre 1997 s'est t<strong>en</strong>u à Paris, sous l'égide de<br />
la Mission animation de la recherche du Ministère de<br />
l'emploi et de la solidarité (Dares) et du groupem<strong>en</strong>t<br />
« Relations professionnelles, négociations et conflits »<br />
(GDR) un colloque, qui réunissait chercheurs français et<br />
allemands sur le thème des mutations du travail et de<br />
l'emploi dans les deux pays. La première partie de cet ou¬<br />
vrage est consacrée à une définition du travail et de sa<br />
crise : nouvelles ori<strong>en</strong>tations du travail, attitude de la jeu¬<br />
nesse face au travail et à la crise de l'emploi, transforma¬<br />
tion de l'emploi, précarité de la société salariale. Puis,<br />
dans une deuxième partie, sont analysés les changem<strong>en</strong>ts<br />
fondam<strong>en</strong>taux du travail : transformation des modes de<br />
production et d'organisation du travail, crise de la société<br />
et de la relation au travail, situation <strong>en</strong> Allemagne, et crise<br />
du système français. La troisième partie porte sur le<br />
temps de travail et le temps social : réduction du temps de<br />
186 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
travail et emploi, expéri<strong>en</strong>ces allemandes et françaises,<br />
politique du travail et de l'emploi, conditions de travail et<br />
modes de vie, temps de travail et organisation sociale.<br />
Enfin, dans une quatrième et dernière partie, sont redéfi¬<br />
nies, au regard du piège du progrès, les notions de « tra¬<br />
vail, emploi, activité ». Ces deux journées ont été placées<br />
sous l'angle d'une étude comparative <strong>en</strong>tre les deux pays.<br />
(Prix: 210,00 FF).<br />
HEINZ, Walter R. ed.<br />
From education to work : cross-nationalperspectives.<br />
Cambridge : Cambridge university press, 1999.<br />
X-352 p., ill., bibliogr. p. 319-343. Index. «* 1 1<br />
Les transformations structurales de l'économie interna¬<br />
tionale et du travail ont r<strong>en</strong>du de plus <strong>en</strong> plus-probléma~<br />
tique la transition de la période de formation à<br />
l'obt<strong>en</strong>tion d'un emploi, que ce soit pour les jeunes for¬<br />
més par la laculté ou pour ceux qui ont bénéficié d'une<br />
formation professionnelle. Leur vie a de fortes probabili¬<br />
tés d'être une succession de sous-emplois, d'emplois, de<br />
formations continues et de retours à la maison. Cet ou¬<br />
vrage, cont<strong>en</strong>ant des études empiriques, est basé sur des<br />
recherches longitudinales fournissant des données bio¬<br />
graphiques et des <strong>en</strong>quêtes issues de plusieurs protago¬<br />
nistes de poids dans l'économie internationale : les<br />
États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et l'Allemagne.<br />
11 permet d'étudier le dev<strong>en</strong>ir des cohortes qui ont quitté<br />
l'école durant le dernier quart de ce siècle d'un point de<br />
vue national, institutionnel et individuel, mettant <strong>en</strong> évi¬<br />
d<strong>en</strong>ce des inégalités sexuelles et sociales persistantes dès<br />
qu'il s'agit de bénéficier d'opportunités de formation et<br />
d'options de carrière. Finalem<strong>en</strong>t, seul un choix institu¬<br />
tionnel fait à un haut niveau semble susceptible de répartir<br />
plus justem<strong>en</strong>t ces opportunités. (Prix : 35 £).<br />
Emploi etformation<br />
AINLEY, Patrick, ed. ; RAINBIRD, Hel<strong>en</strong>, ed.<br />
Appr<strong>en</strong>ticeship : towards a new paradigm of learning.<br />
London : Kogan page, 1999. XII-21 lp., notes bibliogr.<br />
Index. (The future of education from 14+.) »* 12<br />
11 y a <strong>en</strong>core peu, l'appr<strong>en</strong>tissage était perçu comme un<br />
type dëTormation dépassé ; cep<strong>en</strong>dant, àlilumière dis"<br />
changem<strong>en</strong>ts v<strong>en</strong>us modifier les divisions traditionnelles<br />
concernant savoir^rtravailrilsemble^jpportun^eréap^<br />
précier la valeur des connaissances acquises dans un<br />
cadre professionnel au point, peut-être, de considérer<br />
toute forme d'instruction comme un appr<strong>en</strong>tissage.<br />
Ancré dans une perspective historique et internationale,<br />
l'ouvrage aborde de nombreuses disciplines comme<br />
l'anthropologie, la philosophie ou la sociologie pour<br />
mieux mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les forces de l'appr<strong>en</strong>tissage ;<br />
ce faisant, il pose les bases d'une théorie sociale de la pro¬<br />
duction du savoir et propose d'<strong>en</strong> tirer les conséqu<strong>en</strong>ces<br />
pour faire de l'appr<strong>en</strong>tissage une forme moderne<br />
d'instruction pour tous. (Prix : 59.95£).<br />
Preparingyouthfor the 21st c<strong>en</strong>tury : the transitionfrom<br />
education to the labour market. Proceedings ofthe<br />
Washington D.C. confer<strong>en</strong>ce, 23-24february 1999.<br />
Paris : OCDE, 1999. 458p., ill., notes bibliogr. «* 23<br />
Cet ouvrage regroupe l'<strong>en</strong>semble des interv<strong>en</strong>tions effec¬<br />
tuées à l'occasion de la Confér<strong>en</strong>ce organisée conjointe¬<br />
m<strong>en</strong>t par le Ministère du Travail et de l'Education<br />
américain et l'OCDE <strong>en</strong> février 1999 à Washington. Lors<br />
de la confér<strong>en</strong>ce précéd<strong>en</strong>te (1977), les experts avai<strong>en</strong>t<br />
prévu que le problème du chômage chez les jeunes serait<br />
résolu par la croissance économique, l'évolution démo¬<br />
graphique et des politiques de marché <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>antes.<br />
Or, vingt ans plus tard, il paraît opportun de s'interroger<br />
sur les raisons du chômage persistant <strong>en</strong> se plaçant dans<br />
uneperspective sociale et-économiquequi-intè-gr-eles1<br />
données de l'éducation. La quinzaine d'articles rassem<br />
blés ici tire les leçons des expéri<strong>en</strong>ces passées <strong>en</strong> mettant<br />
l'acc<strong>en</strong>t sur l'importance d'aider continuellem<strong>en</strong>t les plus<br />
désavantagés <strong>en</strong> leur proposant une éducation et des car¬<br />
rières adaptées et d'impliquer davantage les employés<br />
dans la conception et l'exécution des programmes, ce qui<br />
suppose de bi<strong>en</strong> connaître le marché local et de mettre<br />
continuellem<strong>en</strong>t les données à jour pour les évaluer ri¬<br />
goureusem<strong>en</strong>t. (Prix : 350,00 FF).<br />
Insertion, activité et mobilitéprofessionnelles<br />
Les emplois-jeunes, d'octobre 1997 à octobre 1998.<br />
Paris : la <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation française ; Ministère de<br />
l'emploi et de la solidarité, 1999. 151 p., ill. «« 4<br />
Cet ouvrage prés<strong>en</strong>te une analyse du programme « Nou¬<br />
veaux services, emplois jeunes » applicable dès octobre<br />
1997 et visant à favoriser l'emploi des jeunes et l'émer¬<br />
g<strong>en</strong>ce des nouvelles activités dans les collectivités territo¬<br />
riales, les associations, les établissem<strong>en</strong>ts publics,<br />
l'Education nationale et la Police nationale. Il fournit des<br />
données quantitatives et qualitatives. Alim<strong>en</strong>té par des<br />
<strong>en</strong>quêtes auprès des jeunes, des employeurs et des acteurs<br />
locaux, il donne des éclairages sur la mise <strong>en</strong> uvre du<br />
dispositif et sur l'émerg<strong>en</strong>ce de nouvelles activités. Il dé¬<br />
crit les caractéristiques des jeunes embauchés et les pro¬<br />
fils des employeurs et r<strong>en</strong>d compte de leurs opinions. Cet<br />
_o_uy_rage_a_é.té_annexé_au_rappor-t-r.emis_par_le_gouy-erne^_<br />
m<strong>en</strong>t au parlem<strong>en</strong>t début 1999. (Prix : 140,00 FF :<br />
21,34 EUR).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 187
O - ENVIRONNEMENT ÉDUCATIF<br />
Environnem<strong>en</strong>t pédagogique<br />
Alternance école-<strong>en</strong>treprise<br />
BERTHET, Thierry.<br />
Les régions et laformation profesionnelle.<br />
Paris : Librairie Générale de Droits et de<br />
Jurisprud<strong>en</strong>ce L.G.D.J. ; E.J.A., 1999. XII-231 p.,<br />
notes bibliogr. (Déc<strong>en</strong>tralisation et développem<strong>en</strong>t<br />
local.) "& 4<br />
Un bilan peut aujourd'hui être dressé de l'exercice par les<br />
Régions de leur compét<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> matière de formation<br />
professionnnelle. Regroupant des chercheurs issus de<br />
plusieurs disciplines (sci<strong>en</strong>ces politiques, économie, so¬<br />
ciologie, sci<strong>en</strong>ces de l'éducation et géographie), cette syn¬<br />
thèse collective décrit le fonctionnem<strong>en</strong>t du cadre<br />
régional de la politique de formation professionnelle, et<br />
caractérise les « déterminants de l'action publique régio¬<br />
nale ». Des perspectives sont ouvertes : la place de la for¬<br />
mation professionnelle des personnes handicapées, la<br />
théorisation des pratiques locales de formation, et une<br />
comparaison avec le Québec. (Prix : 190,00 FF).<br />
Vie de l'étudiant<br />
GRUEL, Louis ; GRIGNON, Claude.<br />
La vie étudiante.<br />
Paris : PUF, 1999. 195 p., ill, bibliogr. p. 193-195.<br />
(Politique d'aujourd'hui.) «^11<br />
Cette large <strong>en</strong>quête déjà m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> 1994, et qui sera r<strong>en</strong>ou¬<br />
velée <strong>en</strong> 2000, permet d'appréh<strong>en</strong>der toutes les facettes de<br />
la vie étudiante : financem<strong>en</strong>t des études, logem<strong>en</strong>t,<br />
transport, alim<strong>en</strong>tation, santé, conditions et habitudes de<br />
travail, loisirs, etc. Cette <strong>en</strong>quête a été réalisée à partir de<br />
questionnaires <strong>en</strong>voyés par l'intermédiaire des universi¬<br />
tés et des lycées et ayant recueilli au total 28 141 réponses.<br />
Son but est d'observer et de compr<strong>en</strong>dre de l'intérieur les<br />
effets de la « mécanique » scolaire, de voir par quels pro¬<br />
cessus les mécanismes de sélection command<strong>en</strong>t l'accès<br />
aux études supérieures et à la réussite. Les résultats de<br />
cette large étude ont été regroupés <strong>en</strong> trois chapitres : 1 )<br />
l'accès à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur, les coûts d'<strong>en</strong>trée, le<br />
financem<strong>en</strong>t des études et les niveaux de vie des familles ;<br />
2) l'évolution de la vie de l'étudiant, la prise <strong>en</strong> charge de<br />
son av<strong>en</strong>ir personnel et professionnel ; 3) la relation <strong>en</strong>tre<br />
les exig<strong>en</strong>ces liées au type d'études suivies et les condi¬<br />
tions de vie et de réussite. (Prix : 139,00 FF).<br />
Part<strong>en</strong>aire de Véducation<br />
Par<strong>en</strong>ts<br />
GAYET, Daniel. 1943.<br />
L'école contre les par<strong>en</strong>ts.<br />
Paris : <strong>INRP</strong>, 1999. 124 p. (Enseignants et<br />
chercheurs : synthèse et mise <strong>en</strong> débat.) «®- 22<br />
Entre l'école et les familles, le temps béni de la commu¬<br />
nion harmonieuse semble révolu. Aujourd'hui, les pa¬<br />
r<strong>en</strong>ts dénonc<strong>en</strong>t le système scolaire et son inefficacité et<br />
les <strong>en</strong>seignants condamn<strong>en</strong>t l'éducation familiale et son<br />
irresponsabilité. Une analyse des courants d'études por¬<br />
tant sur les relations école-familles et sur leur efficacité<br />
invite à explorer les solutions qui permettrai<strong>en</strong>t aux adul¬<br />
tes de collaborer <strong>en</strong>semble à la réussite des <strong>en</strong>fants. Les<br />
<strong>en</strong>seignants pourrai<strong>en</strong>t définir les conditions que requiert<br />
un travail continu avec les par<strong>en</strong>ts et l'instauration d'un<br />
vrai dialogue. Quant aux par<strong>en</strong>ts, au lieu de « consommer<br />
de l'école », ils pourrai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> qualité de citoy<strong>en</strong>s, aider à<br />
sa transformation et à son adaptation au monde mo¬<br />
derne. Cette analyse et ces propositions sont soumises à<br />
divers pratici<strong>en</strong>s qui réagiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction de l'exercice<br />
quotidi<strong>en</strong> de leur métier. L'auteur leur répond, s'explique<br />
sur des points de désaccord et prolonge la réflexion sur<br />
les aspects dominants des différ<strong>en</strong>ts comm<strong>en</strong>taires qu'ils<br />
ont émis. (Prix : 80,00 FF).<br />
P - MÉTHODES D'ENSEIGNEMENT<br />
ET ÉVALUATION<br />
Pédagogie<br />
Théories pédagogiques<br />
Théorici<strong>en</strong>s et pédagogues<br />
CHALMEL, Loïc.<br />
Lepasteur Oberlin.<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. 124 p.,<br />
bibliogr. p. 124. (Pédagogues et pédagogies ; 23.) «^ 4<br />
Cet ouvrage prés<strong>en</strong>te la p<strong>en</strong>sée et l' du pasteur<br />
Oberlin à partir de textes extraits de ses écrits. Il vécut au<br />
dix-huitième siècle, dans les Vosges. Son nom reste atta¬<br />
ché à un projet pédagogique novateur et progressiste re¬<br />
posant sur un certain nombre d'idées nouvelles comme<br />
l'éducation collective précoce à l'instar de Coménius, la<br />
pédagogie de l'éveil, la prise <strong>en</strong> compte du rythme biolo¬<br />
gique de l'<strong>en</strong>fant, l'importance du travail manuel, etc. Son<br />
projet économique et social a été à l'origine des « poêles à<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
tricoter », maisons d'écoles placées sous la responsabilité<br />
de « conductrices » qui jouai<strong>en</strong>t le rôle d'éducatrices ef¬<br />
fectuant des tâches de service public, auprès des jeunes<br />
<strong>en</strong>fants. Au c<strong>en</strong>tre d'un réseau d'influ<strong>en</strong>ces allant de<br />
l'Aulklàrung aux Lumières, le pasteur Oberlin visait, à<br />
partir d'une formation morale et religieuse, la construc¬<br />
tion d'une société plus juste et plus fraternelle relevant<br />
d'un christianisme social, sans contradiction avec les<br />
idéaux républicains. (Prix : 52,00 FF).<br />
Courants pédagogiques contemporains<br />
FONVIEILLE, Raymond.<br />
Face à la viol<strong>en</strong>ce : participation et créativité.<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. 178 p.,<br />
Index. (Éducation et formation : L'Éducateur.) " 6<br />
Raymond Fonvieille, disciple de Freinet, prés<strong>en</strong>te une pé¬<br />
dagogie c<strong>en</strong>trée sur l'institution éducative qu'il s'agit, non<br />
de rejeter, mais de rééduquer. Cette pédagogie institu¬<br />
tionnelle se situe dans la zone d'interfér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre le pé¬<br />
dagogique et le politique, comme <strong>en</strong> témoigne la<br />
référ<strong>en</strong>ce au concept politique d'autogestion. Pour l'au¬<br />
teur, la pédagogie institutionnelle ne se limite pas à la<br />
transformation des relations humaines, mais concerne<br />
égalem<strong>en</strong>t la transformation des cont<strong>en</strong>us du savoir<br />
considérés comme indisp<strong>en</strong>sables. Elle laisse une large<br />
place aux aspirations et a l'expression du vécu des jeunes.<br />
La description et l'analyse de séqu<strong>en</strong>ces pédagogiques,<br />
m<strong>en</strong>ées de 1962 à 1972 auprès de jeunes de 14 et 15 ans <strong>en</strong><br />
échec scolaire, permet au lecteur de saisir comm<strong>en</strong>t telle<br />
ou telle démarche et dispositif peuv<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>er à ce qui<br />
est désigné comme l'ess<strong>en</strong>tiel : la conquête d'une plus<br />
grande autonomie et la consci<strong>en</strong>ce que la liberté implique<br />
des responsabilités. Cet ouvrage dégage les lignes de force<br />
qui apparaiss<strong>en</strong>t majeures pour m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> une véri¬<br />
table éducation a la citoy<strong>en</strong>neté et une socialisation qui<br />
exclut le recours à la viol<strong>en</strong>ce. (Prix : 132,00 FF).<br />
STEINER, Rudolf.<br />
L 'éducation de l'<strong>en</strong>fant : un choix de confér<strong>en</strong>ces et d'écrits.<br />
Paris : Triades, 1999. 163 p., bibliogr. p. 165.<br />
(Triades-poche ; 1.) * 5<br />
Ce petit recueil sur « L'éducation de l'<strong>en</strong>fant » regroupe<br />
deux textes : l'un écrit <strong>en</strong> 1907, « L'éducation de l'<strong>en</strong>fant à<br />
la lumière de la sci<strong>en</strong>ce de l'esprit », l'autre écrit <strong>en</strong> 1919 :<br />
« Pour une école libre » et trois confér<strong>en</strong>ces : « Pourquoi<br />
une pédagogie anthroposophique » (1923), « Propos sur<br />
l'éducation » (1924) et « Les problèmes de l'adolesc<strong>en</strong>ce »<br />
( 1 922). Pour le lecteur qui souhaite s'initier à la sci<strong>en</strong>ce de<br />
l'esprit, l'auteur conseille la lecture de « Comm<strong>en</strong>t acqué¬<br />
rir des connaissances sur les mondes supérieurs » qui lui<br />
permettra de s'ouvrir à la perception d'un autre monde,<br />
un monde supras<strong>en</strong>sible qui dépasse largem<strong>en</strong>t le monde<br />
physique et qui, loin de l'éloigner du réel, lui permettra de<br />
connaître et de compr<strong>en</strong>dre les élém<strong>en</strong>ts de la nature hu¬<br />
maine. L'anthroposophie, c'est le nom qu'il a donné à<br />
cette sci<strong>en</strong>ce spirituelle, adaptée aux temps modernes et<br />
accessible à tous. Mais l'observateur du supras<strong>en</strong>sible ne<br />
s'adresse pas uniquem<strong>en</strong>t à ceux qui s'intéress<strong>en</strong>t au<br />
monde spirituel. 11 s'adresse à tout le monde, comme <strong>en</strong><br />
témoigne ce recueil. Ses propos sur l'éducation s'avèr<strong>en</strong>t<br />
être très actuels, et parfois même inatt<strong>en</strong>dus. Pour lui,<br />
trois périodes marqu<strong>en</strong>t l'éducation de l'<strong>en</strong>fant : la pre¬<br />
mière de la naissance à la septième année, la deuxième<br />
jusqu'à la quatorzième année et la troisième de la puberté<br />
à la vingtième année <strong>en</strong>viron. Pour chacune de ces étapes,<br />
l'auteur, véritable pédagogue, donne des conseils pré¬<br />
cieux qui permettront à l'éducateur (par<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants....) de mieux connaître les besoins de l'<strong>en</strong>fant pour<br />
que son éducation soit réussie. La pédagogie qui émane<br />
de l'anthroposophie n'a donc ri<strong>en</strong> de théorique ni d'utopique.<br />
Est évoquée égalem<strong>en</strong>t la création de l'école Wal¬<br />
dorf. (Prix : 60,00 FF).<br />
Didactique<br />
ALUBEKIFIO, Malundama.<br />
Préparer et évaluer une leçon.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 237 p., bibliogr.<br />
p. 229-234. « 11<br />
Deux préoccupations sont au c<strong>en</strong>tre de cet ouvrage : la<br />
préparation d'une leçon et l'évaluation ou la critique de<br />
celle-ci. La première partie traite de la mise <strong>en</strong> place de la<br />
fiche de préparation <strong>en</strong> tant que plan général de la leçon.<br />
Sont abordées les différ<strong>en</strong>tes étapes de la préparation (in¬<br />
troduction, développem<strong>en</strong>t, synthèse, application, éva¬<br />
luation et réflexions sur la leçon). Dans la deuxième<br />
partie, sont examinées les connaissances susceptibles<br />
d'influer positivem<strong>en</strong>t dans cette réflexion sur la leçon<br />
tant pour l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t que pour celui qui a la tâche<br />
d'<strong>en</strong>cadrer les <strong>en</strong>seignants. La réflexion sur une leçon<br />
doit aborder les niveaux suivants du processus <strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t - appr<strong>en</strong>tissage : niveau culturel, niveau conceptuel<br />
au s<strong>en</strong>s où le mode de p<strong>en</strong>sée des appr<strong>en</strong>ants peut être<br />
différ<strong>en</strong>t du mode de p<strong>en</strong>sée spécifique à la culture sci<strong>en</strong>¬<br />
tifique, niveau comportem<strong>en</strong>tal dans la mesure où la per¬<br />
sonnalité de l'appr<strong>en</strong>ant peut gêner son progrès, niveau<br />
constitué par la nature des fautes régulièrem<strong>en</strong>t commi¬<br />
ses, niveau de la perception du processus <strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t-appr<strong>en</strong>tissage, niveau constitué par la formation<br />
initiale reçue par l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Chacun de ces six ni¬<br />
veaux, étant susceptible de poser problème quand la le¬<br />
çon n'a pas été une réussite, sera examiné ou fera l'objet<br />
d'un chapitre particulier. (Prix : 130,00 FF).<br />
RA VESTEIN, Jean.<br />
Autonomie de l'élève et régulation du système didactique.<br />
Paris ; Bruxelles : De Boeck Université, 1999. 138 p.,<br />
bibliogr. p. 1 1 1-1 19. (Perspectives <strong>en</strong> éducation.) »* 14<br />
Dans les sci<strong>en</strong>ces de l'éducation, la question de l'auto¬<br />
nomie est souv<strong>en</strong>t articulée avec celle de la régulation des<br />
appr<strong>en</strong>tissages, via l'évaluation. Une première partie de<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 189
l'ouvrage aborde donc le cadre du questionnem<strong>en</strong>t insti¬<br />
tutionnel, c'est-à-dire l'école élém<strong>en</strong>taire française et<br />
t<strong>en</strong>te de montrer comm<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>fant est arrivé au c<strong>en</strong>tre du<br />
système éducatif. De cet exam<strong>en</strong> sera dégagée l'idée c<strong>en</strong>¬<br />
trale de l'ouvrage : la régulation des procédures d'appr<strong>en</strong>¬<br />
tissage des élèves. Une deuxième partie étudiera<br />
comm<strong>en</strong>t autonomie et régulation sont travaillées dans<br />
trois champs de recherche différ<strong>en</strong>ciés : sociologique,<br />
psychologique et didactique. A partir de ces différ<strong>en</strong>tes<br />
approches, des hypothèses seront énoncées sous forme<br />
de propositions : autonomie et homéostasie, autonomie<br />
et « objets à p<strong>en</strong>ser », autonomie et epistémologie des ob¬<br />
jets de savoir. Ces trois hypothèses, éprouvées dans la<br />
classe, montr<strong>en</strong>t que l'autonomie de l'élève ne se décrète<br />
pas, mais qu'elle est liée à l'organisation du système di¬<br />
dactique tout <strong>en</strong>tier. En annexes, quelques exemples de<br />
pratiques sont proposés. (Prix : 130,00 FF).<br />
Organisation pédagogique<br />
Pédagogie différ<strong>en</strong>ciée etgroupes de niveau<br />
GILLIG, Jean-Marie.<br />
Les pédagogies différ<strong>en</strong>ciées : origine, actualité,<br />
perspectives.<br />
Paris ; Bruxelles : De Boeck Université, 1999. 252 p.,<br />
bibliogr. p. 245-248. Index. (Portefeuille : pédagogie.)<br />
ts- 4<br />
Que recouvre exactem<strong>en</strong>t le terme « Pédagogie diffé¬<br />
r<strong>en</strong>ciée » ? Que différ<strong>en</strong>cie-t-on ? Les cont<strong>en</strong>us ? Le<br />
temps imparti à chaque élève ? Les méthodes pédagogi¬<br />
ques ? Le niveau des objectifs ? La pédagogie différ<strong>en</strong>ciée<br />
est-elle la solution aux problèmes de l'échec scolaire et de<br />
l'inégalité des chances devant l'école et la culture ? Dans<br />
la première partie de l'ouvrage, l'auteur retrace l'évolu¬<br />
tion des grands courants pédagogiques qui ont donné<br />
naissance à la notion de différ<strong>en</strong>ciation <strong>en</strong> pédagogie,<br />
puis il remet <strong>en</strong> question et critique certains comporte¬<br />
m<strong>en</strong>ts sociaux et pédagogiques ; il souligne notamm<strong>en</strong>t le<br />
dilemne qui taraude plus d'un <strong>en</strong>seignant : s'agit-il<br />
d'am<strong>en</strong>er le plus d'élèves possible à un niveau minimum<br />
moy<strong>en</strong> ou s'agit-il de donner le maximum de chances de<br />
réussite à chacun, auquel cas l'écart <strong>en</strong>tre les élèves les<br />
moins bons et les meilleurs s'accroîtra ? L'auteur dissipe<br />
des confusions et explique les <strong>en</strong>jeux de ses choix. La<br />
deuxième partie propose des textes fondateurs qui per¬<br />
mett<strong>en</strong>t de contextualiser et de mettre <strong>en</strong> perspective dif¬<br />
fér<strong>en</strong>ts aspects de la pédagogie différ<strong>en</strong>ciée ; les extraits<br />
sont accompagnés d'une réflexion théorique. Enfin, dans<br />
la troisième partie, des séqu<strong>en</strong>ces de travail <strong>en</strong> pédagogie<br />
différ<strong>en</strong>ciée sont décrites et analysées. Ces éclairages<br />
multiples sur les plans théoriques et pratiques intéresse¬<br />
ront particulièrem<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>seignants <strong>en</strong> formation ini¬<br />
tiale, les formateurs, les <strong>en</strong>seignants confirmés. (Prix :<br />
190,00 FF).<br />
Méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et méthodes<br />
de travail<br />
HUBER, Michel.<br />
Appr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> projets : la pédagogie du projet-élèves.<br />
Lyon : Chronique sociale, 1999. 192 p. (Pédagogie<br />
Formation : l'ess<strong>en</strong>tiel.) «s* 4<br />
Face à l'utilisation inflationniste du terme « projet », Mi¬<br />
chel Huber t<strong>en</strong>te de lever toute ambiguïté. Après avoir<br />
rappelé la g<strong>en</strong>èse et les fondem<strong>en</strong>ts théoriques de la péda¬<br />
gogie du projet, il précise les différ<strong>en</strong>tes étapes de cette<br />
pratique ainsi que les exig<strong>en</strong>ces méthodologiques indis¬<br />
p<strong>en</strong>sables à la conduite d'auth<strong>en</strong>tiques projets. A qui ap¬<br />
parti<strong>en</strong>t le projet ? Qui est l'initiateur du projet ?<br />
Comm<strong>en</strong>t ne pas déposséder les élèves du projet, com¬<br />
m<strong>en</strong>t redynamiser, recadrer le projet ? Enfin, quels pro¬<br />
jets pour quels effets ? Certains exemples de conduites de<br />
projets ont été choisis au sein de l'établissem<strong>en</strong>t scolaire,<br />
d'autres hors de l'école : projets m<strong>en</strong>és auprès d'adoles¬<br />
c<strong>en</strong>ts dans des banlieues, des c<strong>en</strong>tres de loisirs, des ONG.<br />
De nombreux outils (tableaux, schémas) sont proposés.<br />
Ce guide explicatif s'adresse aux éducateurs, aux <strong>en</strong>sei¬<br />
gnants ou aux formateurs désireux de mettre <strong>en</strong> uvre<br />
une pédagogie du projet efficace ou souhaitant approfon¬<br />
dir leur réflexion. (Prix : 98,00 FF).<br />
MARSHALL, Lorraine ; ROWLAND, Frances.<br />
A guide to learning indep<strong>en</strong>d<strong>en</strong>tly.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1998. 293 p.,<br />
notes bibliogr. Index. «®" 9<br />
Ce guide pratique et méthodologique, destiné à tous ceux<br />
qui appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t seuls, vise à la compréh<strong>en</strong>sion des méca¬<br />
nismes de l'appr<strong>en</strong>tissage et du travail intellectuel. On y<br />
découvrira comm<strong>en</strong>t planifier son programme de travail,<br />
développer des stratégies efficaces de mémorisation, ef¬<br />
fectuer des recherches docum<strong>en</strong>taires, utiliser les nouvel¬<br />
les technologies de recherche d'information, argum<strong>en</strong>ter<br />
à l'oral, maîtriser et réussir à l'écrit, etc. Illustré de nom¬<br />
breux exemples, et très concret, cet ouvrage s'adresse uti¬<br />
lem<strong>en</strong>t aux lycé<strong>en</strong>s, étudiants et adultes <strong>en</strong> formation<br />
initiale ou continue. (Prix : 10.99 £).<br />
Tutorat, conseils méthodologiques, aide au<br />
travail de l'élève<br />
AUGER, Marie-Thérèse ; BOUCHARLAT,<br />
Christiane.<br />
Elèves difficiles, profs <strong>en</strong> difficulté.<br />
Lyon ; Namur (Belgique) : Chronique sociale ;<br />
Erasme, 1999. 129 p., bibliogr. p. 127-129.<br />
(Pédagogie, formation : l'ess<strong>en</strong>tiel.) «sr 4<br />
Le malaise des <strong>en</strong>seignants est dev<strong>en</strong>u une réalité sociale.<br />
Les auteurs de l'ouvrage, une <strong>en</strong>seignante et une forma¬<br />
trice, s'appui<strong>en</strong>t sur leur expéri<strong>en</strong>ce pour proposer diffé-<br />
190 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
<strong>en</strong>tes approches des élèves et classes « difficiles ». Trop<br />
souv<strong>en</strong>t ces élèves viv<strong>en</strong>t une abs<strong>en</strong>ce de contraintes hors<br />
de l'école, et ont donc beaucoup de mal pour vivre les exi¬<br />
g<strong>en</strong>ces des <strong>en</strong>seignants. C'est par une relation où ils sont<br />
pris <strong>en</strong> compte <strong>en</strong> tant que personne, dans une relation<br />
plus « égalitaire », et où la négociation remplace les rap¬<br />
ports de force et l'usage du pouvoir qu'ils peuv<strong>en</strong>t,<br />
comme l'<strong>en</strong>semble des classes « difficiles », être am<strong>en</strong>és à<br />
des résultats positifs qui redonn<strong>en</strong>t confiance aux profes¬<br />
seurs comme aux élèves. En fin d'ouvrage, plusieurs mé¬<br />
thodes sont proposées. (Prix : 88,00 FF).<br />
Curriculum et programmes<br />
d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
Construction des curricula<br />
O'REILLY, Dave. ed. ; CUNNINGHAM, Lynne.<br />
ed. ; LESTER, Stan. ed.<br />
Developing the capablepractitioner : professional<br />
capability through higher education.<br />
London : Kogan page, 1998. 244 p., notes bibliogr.<br />
Index. «* 4<br />
Quelles formations l'Enseignem<strong>en</strong>t supérieur peut-il dis¬<br />
p<strong>en</strong>ser pour garantir le développem<strong>en</strong>t de compét<strong>en</strong>ces<br />
permettant d'acquérir une très grande souplesse d'adap¬<br />
tation et un haut degré d'autonomie ? Les contributions<br />
sont regroupées autour de quatre axes : 1) Elles précis<strong>en</strong>t<br />
les caractéristiques de ces compét<strong>en</strong>ces (adaptabilité,<br />
transférabilité, capacité à s'autoformer, aptitude à travail¬<br />
ler <strong>en</strong> équipe et à changer d'équipe) ; 2) Elles explor<strong>en</strong>t les<br />
modes d'évaluation qui permett<strong>en</strong>t de repérer et de me¬<br />
surer ces types de compét<strong>en</strong>ces ; 3) Elles s'intéress<strong>en</strong>t au<br />
décalage qui existe <strong>en</strong>tre les formations disp<strong>en</strong>sées<br />
jusqu'ici par la plupart des universités et les att<strong>en</strong>tes des<br />
<strong>en</strong>treprises. Dans cette perspective, des formations inno¬<br />
vantes sont décrites (UK, USA, Australie) ; 4) Enfin, elles<br />
s'attach<strong>en</strong>t à cerner les valeurs et concepts qui sous-t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
ces formations. Cet ouvrage peut intéresser des pro¬<br />
fesseurs de l'Enseignem<strong>en</strong>t supérieur, des formateurs, des<br />
décideurs et plus particulièrem<strong>en</strong>t des responsables char¬<br />
gés d'élaborer des curricula. (Prix : 239,00 FF : 32.50 £).<br />
TOOHAY, Susan.<br />
Designing coursesfor higher education.<br />
Buckingham : Op<strong>en</strong> university press, 1999. VI -2 16 p.,<br />
ill., bibliogr. p. 205-210. Index. «* 22<br />
Ce livre explique, non pas les techniques d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t,<br />
mais les décisions stratégiques qui sont prises avant<br />
même que le cours ne comm<strong>en</strong>ce : il met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les<br />
richesses et les difficultés liées à un travail réalisé <strong>en</strong><br />
équipe, c<strong>en</strong>sé satisfaire a la fois le personnel <strong>en</strong>seignant et<br />
les responsables à l'origine des stratégies de gestion de<br />
l'institution <strong>en</strong>seignante. 11 examine le rôle fondam<strong>en</strong>tal<br />
joué par les croyances et valeurs des universitaires lors de<br />
l'élaboration des cours et des U V et le confronte à l'expé¬<br />
ri<strong>en</strong>ce des étudiants, ce qui lui permet de montrer au lec¬<br />
teur les <strong>en</strong>jeux liés à la réalisation d'un cours ainsi qu'un<br />
modèle de p<strong>en</strong>sée clarifiant ses propres buts pédagogi¬<br />
ques. (Prix : 50 £).<br />
Évaluation<br />
Méthodes d'évaluation<br />
CHARDENET, Patrick.<br />
De l'activité evaluative à l'acte d'évaluation : approche<br />
théorique etpratique.<br />
Paris ; Montréal (Québec) ; Torino : L'Harmattan,<br />
1999. 159 p., bibliogr. p. 147-158. (Savoir et<br />
formation.) »*" 5<br />
Cet ouvrage sur l'évaluation associe une perspective an¬<br />
thropologique et une analyse fine des procédures évalua¬<br />
tives. L'auteur propose de considérer le sujet évalué<br />
comme producteur auth<strong>en</strong>tique des informations sur sa<br />
propre compét<strong>en</strong>ce. Cette conception de l'acte d'évalua¬<br />
tion, pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte interaction (au niveau de la rela¬<br />
tion) et autonomie (au niveau du système), se distingue<br />
de celle qui conçoit l'acte d'évaluation comme simple ins¬<br />
trum<strong>en</strong>tation sous lorme de techniques qui efface les in¬<br />
dividus sous prétexte d'objectivation. L'approche<br />
théorique se fonde sur l'activité langagière. Les actes<br />
d'évaluation s'organisant à partir de l'activité evaluative<br />
structurée par le langage, la possibilité d'évacuer le dis¬<br />
cours au profit d'une objectivation est ici questionnée. La<br />
mise <strong>en</strong> rapport de l'activité evaluative et de l'acte d'éva¬<br />
luation formel permet d'<strong>en</strong>visager un processus quali¬<br />
fiant dans lequel ni subjectivité ni objectivité ne sont<br />
convoqués, mais qui relève de l'interaction, impliquant<br />
une relation communicationnelle jamais définitive. Le<br />
point de vue développé dans ce livre peut intéresser toute<br />
personne chargée d'évaluer ou de concevoir des systèmes<br />
d'évaluation (formation, professeur, recruteur, cher¬<br />
cheur). (Prix : 90,00 FF).<br />
MASTERS, Geoffrey N. ; KEEVES, John P.<br />
Advances in measurem<strong>en</strong>t in educational research and<br />
assessm<strong>en</strong>t.<br />
Oxford : Pergamon, 1999. VII1-292 p., ill., notes<br />
bibliogr. Index. «* 31<br />
Depuis les années 60, de grands progrès ont été faits dans<br />
les procédures d'évaluation dans le champ de l'éducation<br />
et de la psychologie, notamm<strong>en</strong>t grâce au perfectionne¬<br />
m<strong>en</strong>t de la programmation. Ce livre prés<strong>en</strong>te ces progrès<br />
et les met <strong>en</strong> perspective, expliquant avec concision les<br />
idées théoriques qui les sous-t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t (il est fait m<strong>en</strong>tion<br />
des ouvrages auxquels se référer pour plus de détails). Il<br />
montre pourquoi il est important de continuer à amélio¬<br />
rer ces techniques d'évaluation, aussi bi<strong>en</strong> pour la re-<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURAN I E 19:
cherche que pour l'estimation correcte des performances<br />
des étudiants et des méthodes de formation. Destiné aussi<br />
bi<strong>en</strong> au chercheur qu'au pratici<strong>en</strong>, il souligne le fait que<br />
les progrès ne peuv<strong>en</strong>t être réalisés que sur le terrain, d'où<br />
l'importance d'une mise à jour continue. (Prix : 43.50 £).<br />
Réussite et échec scolaires<br />
PIOT, Thierry.<br />
L'accompagnem<strong>en</strong>t scolaire dans la ZEP de<br />
Cherbourg-Octeville : groupe de travail <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces de<br />
Véducation. L'évaluation des dispositifs scolaires et de<br />
formation : observer une ZEP.<br />
Ca<strong>en</strong> : Université de Ca<strong>en</strong> Basse-Normandie, 1999.<br />
91 p., tabl., annexes, bibliogr. p. 88-89. "S" 23<br />
Recherche commanditée par l'Observatoire de la réussite<br />
scolaire afin d'aider au pilotage et à l'évaluation de la ZEP<br />
de Cherbourg-Octeville et réalisée à partir de plus de<br />
deux mille questionnaires, de 1997 à 1999. L'axe de la re¬<br />
cherche portait sur la place et le rôle de l'accompagne¬<br />
m<strong>en</strong>t scolaire, sur le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre l'école et son<br />
<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t social et de leurs effets sur les résultats<br />
scolaires et sur la socialisation des <strong>en</strong>fants et des adoles¬<br />
c<strong>en</strong>ts. Après la prés<strong>en</strong>tation des caractéristiques sociolo¬<br />
giques de la ZEP, l'étude expose les activités périscolaires<br />
et de loisirs pratiquées <strong>en</strong> fin d'après-midi. Succèd<strong>en</strong>t <strong>en</strong>¬<br />
suite les modalités du travail scolaire à domicile et dans le<br />
cadre de structures d'accompagnem<strong>en</strong>t scolaire. La der¬<br />
nière partie retrace l'histoire et le descriptif de quelques<br />
sites d'accompagnem<strong>en</strong>t scolaire associatifs (projets pé¬<br />
dagogiques, animateurs, etc.).<br />
R - MOYENS D'ENSEIGNEMENT<br />
ET TECHNOLOGIE ÉDUCATIVE<br />
Moy<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, ressources<br />
docum<strong>en</strong>taires<br />
C<strong>en</strong>tres de docum<strong>en</strong>tation, bibliothèques<br />
LAVERDIÈRE, Richard, dir. ; FEDRIGO, Claudio,<br />
collab.<br />
Laformation docum<strong>en</strong>taire : actes du colloque de<br />
l'ABCDEF, Université Laval, Québec, 23-25 octobre 1995.<br />
Laval (Québec) : ABCDEF, 1998. 255 p., ill.<br />
(Prospectives francophones.) «^21<br />
L'Université Laval a t<strong>en</strong>u <strong>en</strong> 1995 à Québec le troisième<br />
colloque de l'Association des responsables des Bibliothè¬<br />
ques et des C<strong>en</strong>tres de <strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>ation universitaires et de<br />
recherche d'Expression Française (ABCDEF). La forma<br />
tion docum<strong>en</strong>taire fut le thème principal de ces journées<br />
dont les confér<strong>en</strong>ces ont ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t porté sur la valeur<br />
et l'importance de celle-ci, l'appr<strong>en</strong>tissage et les modes<br />
d'appropriation du savoir, la communication pédago¬<br />
gique, le rôle de formateur chez le bibliothécaire, ainsi que<br />
la méthodologie docum<strong>en</strong>taire à l'université. Les travaux<br />
ont égalem<strong>en</strong>t porté sur un tour d'horizon dans divers<br />
pays francophones, de la formation docum<strong>en</strong>taire vue<br />
sous divers contextes à l'intégration de celle-ci au sein de la<br />
formation universitaire : ont été analysées les situations<br />
dans plusieurs pays europé<strong>en</strong>s (Suisse romande, France,<br />
Belgique), <strong>en</strong> Amérique du Nord (Québec) et <strong>en</strong> Afrique<br />
francophone. La mission fondam<strong>en</strong>tale des bibliothèques<br />
et des c<strong>en</strong>tres de docum<strong>en</strong>tation étant de sout<strong>en</strong>ir et d'ai¬<br />
der dans leurs travaux les étudiants, les <strong>en</strong>seignants et les<br />
chercheurs, la maîtrise de l'information doit passer par le<br />
développem<strong>en</strong>t des inforoutes, le développem<strong>en</strong>t des ré¬<br />
seaux, celui de la formation continue aux métiers et techni¬<br />
ques de l'information et de la docum<strong>en</strong>tation et <strong>en</strong><br />
particulier le développem<strong>en</strong>t de la coopération franco¬<br />
phone <strong>en</strong>tre bibliothèques et c<strong>en</strong>tres de docum<strong>en</strong>tation <strong>en</strong><br />
matière de réseaux d'information. (Prix : 180,00 FF).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t à distance<br />
PETERS, Otto.<br />
Learning and teaching in distance education : analyses<br />
and interpretationsfrom an internationalperspective.<br />
London ; Sterling : Kogan page, 1998. VIII-248 p.,<br />
bibliogr. p. 227-236. Index. (Op<strong>en</strong> and distance<br />
learning series.) «^ 22<br />
Le livre, bâti sur l'expéri<strong>en</strong>ce de son auteur dans les do¬<br />
maines de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la recherche, est un pano¬<br />
rama qui intègre des aspects historiques, contemporains<br />
et futurs de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à distance. Se basant sur des<br />
études de cas europé<strong>en</strong>s, américains et asiatiques, il ex¬<br />
plore de nombreux paradigmes et examine l'impact de la<br />
numérisation sur ce mode de formation. Sont étudiés <strong>en</strong><br />
détail les méthodes d'inv<strong>en</strong>taire, les notions de distance et<br />
de proximité, trois concepts dits « constitutifs » (dia¬<br />
logue, structure, autonomie) appliqués à la pratique, la<br />
façon dont ces concepts modifi<strong>en</strong>t l'appr<strong>en</strong>tissage, l'in¬<br />
formation communiquée sous forme numérique (l'uni¬<br />
versité « virtuelle »), l'analyse des perspectives<br />
prochaines, la littérature. (Prix : 40 £).<br />
TAIT, Alan. ed. ; MILLS, Roger, ed.<br />
The converg<strong>en</strong>ce ofdistance and conv<strong>en</strong>tional education :<br />
patterns offlexibilityfor the individual learner.<br />
London : Routledge, 1999. XI- 192 p., ill., notes<br />
bibliogr. Index. (Routledge studies in distance<br />
education.) "®" 4<br />
Ce recueil d'articles écrits par des auteurs anglais,<br />
nord-américains et australi<strong>en</strong>s pose le problème des rap¬<br />
ports <strong>en</strong>tre la formation à distance et l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t tra-<br />
192 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
ditionnel. De nombreux facteurs ont contribué à les<br />
rapprocher : développem<strong>en</strong>t de nouvelles technologies<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage, impact de la formation continue,<br />
nombre croissant d'adultes « étudiant à temps partiel »,<br />
demande accrue des employeurs pour une formation<br />
plus adaptée a la vie professionnelle. Les quatorze chapi¬<br />
tres de l'ouvrage examin<strong>en</strong>t donc successivem<strong>en</strong>t l'im¬<br />
pact de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à distance sur les institutions<br />
conv<strong>en</strong>tionnelles, qui continu<strong>en</strong>t a le percevoir comme<br />
un mode secondaire d'accès au savoir ; ils se demand<strong>en</strong>t<br />
dans quelle mesure ce nouveau mode de savoir permettra<br />
d'atteindre plus d'étudiants ; s'il sera capable de répondre<br />
aux att<strong>en</strong>tes des étudiants concernés (notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
terme de flexibilité) ; Comm<strong>en</strong>t gérer <strong>en</strong> parallèle ces<br />
deux modes de formation. (Prix : 91$).<br />
S - ENSEIGNEMENT<br />
DES DISCIPLINES (1)<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des langues<br />
et de la littérature<br />
PETITJEAN, André, dir. ; PRIVAT, Jean-Marie, dir.<br />
Histoire de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dufrançais et textes officiels :<br />
actes du colloque de Metz.<br />
Metz : C<strong>en</strong>tre d'Etudes Linguistiques des textes et<br />
des discours ; C<strong>en</strong>tre de recherche de didactique du<br />
français, 1999. 368 p., notes bibliogr. (Didactique des<br />
textes; 9.) «* 13<br />
Ces communications (Actes du colloque de Metz) inter¬<br />
rog<strong>en</strong>t la discipline « français » à partir des textes officiels<br />
publiés depuis 1885. Elles sont réunies autour de quatre<br />
axes : - une réflexion discursive et une analyse institu¬<br />
tionnelle des textes officiels ; - l'observation et l'interpré¬<br />
tation du « français » depuis 1885 : les évolutions de la<br />
discipline (finalités, objectifs, matières, cont<strong>en</strong>us) ; -<br />
cette étude historique est spécifiée par l'étude des con¬<br />
traintes géographiques : les « modes d'arrangem<strong>en</strong>ts »<br />
<strong>en</strong>tre la langue nationale et les idiomes régionaux d'une<br />
part, les modes d'imposition et de transposition de la<br />
langue nationale aux pays colonisés et administrés par la<br />
France d'autre part ; - une analyse qui t<strong>en</strong>te de dégager<br />
les logiques qui justifi<strong>en</strong>t l'évolution du « professeur de<br />
Lettres » à P« Enseignant de français ». L'objectif de cet<br />
ouvrage est de contribuer à l'édification de l'histoire cul¬<br />
turelle de la France, de permettre au lecteur de capitaliser<br />
des savoirs sur l'évolution de la discipline « français » de¬<br />
puis 1885 et d'<strong>en</strong> dériver une compréh<strong>en</strong>sion des réussi¬<br />
tes et des difficultés, <strong>en</strong>fin de répondre aux propos<br />
nostalgiques sur l'école <strong>en</strong> les confrontant à la connais¬<br />
sance des réalités passées. (Prix : 130,00 FF).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t de la langue maternelle<br />
Appr<strong>en</strong>tissage de la communication orale<br />
FIOUX, Paule. dir. ; MARIMOUTOU, Joëlle A.<br />
coord.<br />
Appr<strong>en</strong>dre à communiquer <strong>en</strong> maternelle: une<br />
observation des pratiques <strong>en</strong> petite section à La Réunion.<br />
Travaux du dispositifde recherche-action de l'Académie<br />
de La Réunion.<br />
Saint-D<strong>en</strong>is Messag : Académie de la Réunion ;<br />
Université de La Réunion ; Région Réunion, 1999.<br />
238 p. Index, glossaire. «* 22<br />
Cet ouvrage est le résultat du travail d'<strong>en</strong>seignants de<br />
classe maternelle à La Réunion et de formateurs et uni¬<br />
versitaires. Il se prés<strong>en</strong>te comme un outil pédagogique à<br />
l'usage des <strong>en</strong>seignants de petite section de maternelle, <strong>en</strong><br />
proposant des stratégies qui permett<strong>en</strong>t aux élèves non<br />
francophones de mieux maîtriser le français.<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des langues étrangères<br />
Réussir <strong>en</strong> langues : un savoir à construire.<br />
Lyon : Chronique sociale, 1999. 300 p., bibliogr.<br />
p. 291-296. (Pédagogie, formation.) «* 23<br />
Les auteurs de ce livre, <strong>en</strong>seignants de langue du primaire<br />
à l'université et membres d'un groupe de recherche (le<br />
Secteur Langues du GFEN : Groupe Français d'Éducation<br />
Nouvelle) ont pour objet la mise <strong>en</strong> iuvre de pratiques<br />
nouvelles à partir d'un processus de réflexion collective<br />
sur la situation d'appr<strong>en</strong>tissage de la langue étrangère. La<br />
problématique de la recherche vise à organiser l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t de la langue vivante dans une approche fonc¬<br />
tionnelle alliant une perspective pragmatique à une<br />
dim<strong>en</strong>sion linguistique facilitant ainsi la communication<br />
et la découverte d'autres cultures. L'ouvrage propose des<br />
pistes de réflexion et des stratégies concrètes (expéri<strong>en</strong>¬<br />
ces, ateliers, projets culturels, jumelages, situations d'ap¬<br />
pr<strong>en</strong>tissage, etc.) dans différ<strong>en</strong>tes langues et à différ<strong>en</strong>ts<br />
niveaux. (Prix: 108,00 FF).<br />
Méthodes d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des langues<br />
étrangères<br />
HERRENBERGER, Annie, dir.<br />
Vers une pédagogie inter-langues : anglais, allemand,<br />
espagnol, portugais.<br />
Strasbourg : CRDP d'Alsace, 1999. 178 p. »* 22<br />
On connaît l'exist<strong>en</strong>ce des sections dites trilingues (créées<br />
<strong>en</strong> 1986) donnant aux élèves la possibilité d'appr<strong>en</strong>dre<br />
deux langues dès la 6" et des sections europé<strong>en</strong>nes (mises<br />
<strong>en</strong> place <strong>en</strong> 1992) fonctionnant à partir de la 6', de la 4' ou<br />
de la 2'" ' avec horaire r<strong>en</strong>forcé dans la langue choisie et<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t d'une discipline dans cette même langue<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 193
étrangère. Un groupe de recherche-formation de l'aca¬<br />
démie de Strasbourg, constitué de professeurs de langues<br />
vivantes et dirigé par Annie Herr<strong>en</strong>berger, professeur<br />
d'anglais, t<strong>en</strong>te d'aller plus loin dans la réflexion sur la<br />
transmission des langues vivantes, <strong>en</strong> s'investissant dans<br />
la pédagogie inter-langues, autour de quatre langues : an¬<br />
glais, allemand, espagnol, portugais. De ce fait, les projets<br />
inter-langues m<strong>en</strong>és dans les établissem<strong>en</strong>ts impliqu<strong>en</strong>t<br />
une approche différ<strong>en</strong>te de la manière de travailler : la<br />
connaissance de la pédagogie de l'autre, la préparation <strong>en</strong><br />
commun, le rapprochem<strong>en</strong>t des points de vue, l'harmo¬<br />
nisation des pratiques pédagogiques. Ce recueil, véritable<br />
outil de travail pour l'<strong>en</strong>seignant, se compose de trois<br />
parties : transferts inter-langues où sont passés <strong>en</strong> revue<br />
les parallélismes possibles et les interfér<strong>en</strong>ces-pièges ;<br />
méthodologie inter-langues et travail par thèmes in¬<br />
ter-langues suivies d'activités ludiques. (Prix : 90,00 FF).<br />
Alphabétisation<br />
Discours sur l'illettrisme : séminaire de recherche du<br />
GPLI, mercredi 27 mai 1998, Lycée Buffon-Paris.<br />
Paris : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, 1999.<br />
70 p. «sr 5<br />
Quatre interv<strong>en</strong>tions très variées sur le « Discours sur l'il¬<br />
lettrisme » émaill<strong>en</strong>t cette nouvelle publication du GPLI.<br />
Les discours sur l'illettrisme avant l'illettrisme : -<br />
«Dyslexie et méthode globale » par Jacques Fijalkow, il¬<br />
lustre les points de vue différ<strong>en</strong>ts sur les cont<strong>en</strong>us de ces<br />
deux notions génératrices de débats sans fin. - « Rhéto¬<br />
rique de ^illettrisme" » par Bernard Lahire, évoque la<br />
montée <strong>en</strong> puissance de ce problème, qui constitue quasi¬<br />
m<strong>en</strong>t une atteinte à l'ordre public. - « Paroles<br />
d'appr<strong>en</strong>ants » par Hugues L<strong>en</strong>oir, pour appréh<strong>en</strong>der et<br />
compr<strong>en</strong>dre l'autre, la diversité des situations, la place et<br />
le rôle du formateur. - « Politique et illettrisme, quels<br />
mots pour une démocratie ? » Par Jean- Yves Boullet, où<br />
est évoquée l'action publique locale dans la région<br />
Midi-Pyrénées. Les débats qui succèd<strong>en</strong>t aux exposés<br />
peuv<strong>en</strong>t être regroupés <strong>en</strong> deux types d'interv<strong>en</strong>tion : -<br />
des demandes de précision et des remarques sur certains<br />
points particuliers des exposés et des témoignages ; - des<br />
affirmations de positions ou de rev<strong>en</strong>dications.<br />
BERNARDO, Allan B. I.<br />
L'alphabétisation et la p<strong>en</strong>sée : contextes et effets<br />
cognitifs de l'alphabétisme.<br />
Paris : Montréal ; Hambourg : L'Harmattan ; Institut<br />
de l'Unesco pour l'Education, 1999. 175 p., bibliogr.<br />
p. 171-176. «s- 11<br />
Cette étude prés<strong>en</strong>te les résultats d'une recherche des¬<br />
tinée à étudier les effets, directs et médiats, de l'alphabéti¬<br />
sation sur cinq processus de p<strong>en</strong>sée : l'intellig<strong>en</strong>ce et<br />
l'organisation conceptuelle, la comparaison des<br />
concepts, le raisonnem<strong>en</strong>t et la formation d'explication,<br />
<strong>en</strong> t<strong>en</strong>tant de distinguer les effets de l'alphabétisation de<br />
ceux de la scolarisation. Elle a été m<strong>en</strong>ée dans cinq com¬<br />
munautés des Philippines où l'alphabétisation est une ac¬<br />
tivité marginale mais tout de même intégrée à différ<strong>en</strong>ts<br />
degrés dans d'autres pratiques. Trois variables ont été<br />
pris <strong>en</strong> compte : le mode d'alphabétisation, l'ampleur de<br />
l'intégration dans la vie collective des pratiques faisant<br />
appel à l'alphabétisme et le type de p<strong>en</strong>sée ou d'aptitude<br />
cognitive. Si elle ne permet pas de confirmer l'hypothèse<br />
développem<strong>en</strong>tale des répercussions directes de l'alpha¬<br />
bétisation sur le plan cognitif, elle met tout de même <strong>en</strong><br />
valeur quelques effets médiats, sur certaines fonctions de<br />
la p<strong>en</strong>sée, de l'intégration des capacités de lecture et<br />
d'écriture aux activités et pratiques collectives. Les résul¬<br />
tats de cette étude permett<strong>en</strong>t donc à l'auteur de préconi-<br />
ser certaines inflexions des programmes<br />
d'alphabétisation <strong>en</strong> les adaptant aux aspirations des ap¬<br />
pr<strong>en</strong>ants et aux contextes socioculturels, afin d'<strong>en</strong> assurer<br />
l'efficacité à cours et moy<strong>en</strong> terme. (Prix : 95,00 FF).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des sci<strong>en</strong>ces humaines<br />
et sociales<br />
FAVRE, Pierre, dir. ; LEGAVRE, Jean-Baptiste, dir.<br />
Enseigner la sci<strong>en</strong>cepolitique.<br />
Paris : L'Harmattan, 1998. 430 p., bibliogr.<br />
p. 373-421. (Logiques politiques.) «®- 4<br />
Il n'est pas habituel de traiter de problèmes pédagogiques<br />
à l'Université. Mais l'Université n'est plus celle des an¬<br />
nées 50. Trois types de questions se sont posés. Quel est le<br />
cont<strong>en</strong>u effectif des cours et des manuels de sociologie<br />
politique ou d'initiation à la sociologie politique au¬<br />
jourd'hui <strong>en</strong> France ? Ce livre y répond dans sa première<br />
et troisième parties. Quels rapports <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la<br />
sci<strong>en</strong>ce politique et le droit constitutionnel ? Faut-il don¬<br />
ner la priorité à un cours plus théorique de sociologie po¬<br />
litique ou à un cours plus informatif de « vie politique » ?<br />
Quelle place faut-il accorder à l'histoire dans l'approche<br />
politologue ? Faut-il introduire très tôt la dim<strong>en</strong>sion in¬<br />
ternationale ou peut-on se c<strong>en</strong>trer sur la France seule ?<br />
Ces débats sont repris dans la seconde partie du livre.<br />
Qu'essaie-t-on de faire lorsqu'on <strong>en</strong>seigne la sci<strong>en</strong>ce poli¬<br />
tique ? Que veut-on faire compr<strong>en</strong>dre ? A quels modes<br />
d'approche des phénomènes politiques veut-on faire ac¬<br />
céder les étudiants ? Toutes ces questions sont au cur<br />
des contributions réunies dans ce livre. La quatrième<br />
partie est constituée de docum<strong>en</strong>ts dont la diffusion est<br />
habituellem<strong>en</strong>t restreinte, alors qu'ils constitu<strong>en</strong>t des ré¬<br />
fér<strong>en</strong>ces à plusieurs titres. (Prix : 210,00 FF).<br />
194 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN EDUCATION, N° 49, 2000
Philosophie<br />
POUCET, Bruno.<br />
De l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie : Charles Bénard<br />
philosophe etpédagogue.<br />
Paris : Hatier, 1999. 155 p., bibliogr. p. 147-154.<br />
(Hatier formation : Le temps des savoirs.) «« 13<br />
L'objectifde cet ouvrage est de retracer les méandres de la<br />
naissance de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie <strong>en</strong> tant que<br />
discipline scolaire, à travers le parcours d'un professeur<br />
peu connu, Charles Bénard, dont l'une des principales<br />
contributions fut de faire introduire l'épreuve de disserta¬<br />
tion au baccalauréat. En effet, <strong>en</strong> juin 1 863, Victor Duruy,<br />
nommé ministre de l'Instruction publique, rétablit la<br />
classe de philosophie dans les collèges et les lycées. Cet<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t avait été supprimé <strong>en</strong> 1852 et remplacé par<br />
un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la logique. Le premier chapitre défi¬<br />
nit cette situation, explique le s<strong>en</strong>s de la décision ministé¬<br />
rielle et rappelle le cont<strong>en</strong>u de la réforme de 1863. Afin de<br />
mieux compr<strong>en</strong>dre la place de Charles Bénard dans l'his¬<br />
toire de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie <strong>en</strong> France, le<br />
deuxième chapitre relate la place de ce philosophe <strong>en</strong> tant<br />
que professeur, auteur et pédagogue. L'objet du troisième<br />
chapitre est de faire connaître ses conceptions dans le do¬<br />
maine de l'éducation et de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philo¬<br />
sophie. Les chapitres quatre et cinq permett<strong>en</strong>t<br />
d'approcher sa pratique pédagogique et de compr<strong>en</strong>dre<br />
ce qu'est la dissertation, la rénovation apportée par Char¬<br />
les Bénard. En conclusion, cet ouvrage pose le problème<br />
de la liberté et de la marge d'innovation des <strong>en</strong>seignants<br />
de philosophie dans un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de masse dép<strong>en</strong>¬<br />
dant de l'État. (Prix : 85,00 FF).<br />
POUCET, Bruno.<br />
Enseigner la philosophie : histoire d'une discipline<br />
scolaire, 1860-1990.<br />
Paris : CNRS éd., 1999. 438 p. * 13<br />
Ce livre est tiré d'une thèse de doctorat, sout<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> 1 996,<br />
<strong>en</strong> histoire de l'éducation à l'université de Pans V. L'ou¬<br />
vrage est divisé <strong>en</strong> quatre parties chronologiquem<strong>en</strong>t<br />
bi<strong>en</strong> distinctes, 1863-1879, 1880-1901, 1902-1939,<br />
1940-1990, qui éclair<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> la logique des transforma¬<br />
tions successives qui ont conduit de la conception disci¬<br />
plinaire d'une philosophie considérée <strong>en</strong> tant que sci<strong>en</strong>ce<br />
souveraine à celle d'une culture de la p<strong>en</strong>sée. Bruno Pou¬<br />
cet replace cette histoire dans l'évolution de l'<strong>en</strong>seigne¬<br />
m<strong>en</strong>t secondaire, c'est-à-dire le baccalauréat et les autres<br />
disciplines. L'auteur pose la question de la fonction d'une<br />
discipline d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t au sein des structures institu¬<br />
tionnelles et pédagogiques qui se transform<strong>en</strong>t profondé¬<br />
m<strong>en</strong>t. Enfin, au cours du XX* siècle, l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t perd<br />
progressivem<strong>en</strong>t de son importance jusqu'à la dispari¬<br />
tion, <strong>en</strong> 1965, du terme classe de philosophie, pour deve¬<br />
nir une discipline parmi d'autres. (Prix : 195,00 FF).<br />
Histoire etgéographie<br />
MARTINEAU, Robert.<br />
L'histoire à l'école, matière à p<strong>en</strong>ser.<br />
Paris ; Montréal (Québec) : L'Harmattan, 1999. 399 p.,<br />
ill. «f* 11<br />
Ce qui anime l'auteur, depuis plus de tr<strong>en</strong>te ans, c'est<br />
l'appr<strong>en</strong>tissage de la « p<strong>en</strong>sée historique » dans l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t de l'histoire à l'école. De 1988 à 1994, l'auteur a<br />
tait une recherche sur les <strong>en</strong>seignants d'histoire et il s'est<br />
aperçu que, pour am<strong>en</strong>er les élèves à appr<strong>en</strong>dre la p<strong>en</strong>sée<br />
historique, il fallait déjà que les <strong>en</strong>seignants ai<strong>en</strong>t les idées<br />
claires à propos de leur discipline, à propos de l'acte d'ap¬<br />
pr<strong>en</strong>dre et à propos de celui d'<strong>en</strong>seigner afin de pouvoir<br />
conduire sa pratique <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce. Ce livre est le résul¬<br />
tat de cette recherche, à la fois sur le terrain et de la ré¬<br />
flexion qui l'a accompagnée. (Prix : 210,00 FF).<br />
PEYROT, Jean, coord.<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l'histoire <strong>en</strong> Europe.<br />
Paris : Hachette Education, 1999. 158 p., notes<br />
bibliogr. (Pédagogies pour demain : Didactiques -<br />
2e degré.) »* 22<br />
L'ouvrage dresse un état des lieux établi vers 1993. 11 n'a<br />
pas l'ambition de dresser un tableau exhaustif de l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t de l'histoire <strong>en</strong> Europe. Ses auteurs ont une<br />
autre int<strong>en</strong>tion : quelques coups de projecteur sur les<br />
conceptions et les modalités actuelles et passées dans<br />
quelques pays exemplaires. Le livre est divisé <strong>en</strong> quatre<br />
parties : l'histoire dans la société, l'histoire dans l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnem<strong>en</strong>t ; mémoire vive, mémoire oubliée : histoire de<br />
soi, histoire des autres ; l'histoire dans la salle de cours ;<br />
histoire de l'Europe, Europe de l'histoire : les utopies réa¬<br />
lisables. (Prix : 110,00 FF).<br />
VERLHAC, Martine, coord.<br />
Histoire et mémoire.<br />
Gr<strong>en</strong>oble : CRDP de l'académie de Gr<strong>en</strong>oble, 1998.<br />
99 p., bibliogr. p. 97-99. (<strong>Docum<strong>en</strong>t</strong>s actes et<br />
rapports pour l'éducation.) ** 4<br />
C'est pour répondre à une demande des professeurs de phi¬<br />
losophie qu'un colloque public a été organisé à l'IUFM de<br />
Gr<strong>en</strong>oble. Philosophes et histori<strong>en</strong>s propos<strong>en</strong>t leur ré¬<br />
flexion sur la place de la mémoire dans l'histoire et com¬<br />
m<strong>en</strong>t transmettre la mémoire de l'histoire aux « nouveaux<br />
v<strong>en</strong>us » du monde selon l'expression d'Hannah Ar<strong>en</strong>dt.<br />
Paul Ric limitant son propos a la mémoire, traite des<br />
trois apones qui affect<strong>en</strong>t et constitu<strong>en</strong>t la problématique de<br />
la mémoire. Jeffrey A. Barash, nous dit que rapporter les<br />
mémoires individuelle et collective l'une à l'autre pose pro¬<br />
blème. Olivier Abel, se demande si l'on peut oublier l'irrépa¬<br />
rable et il propose quatre variations sur ce thème. H<strong>en</strong>ri<br />
Rousso, remarque que l'émerg<strong>en</strong>ce de la notion de mémoire<br />
dans l'historiographie est la marque d'une nouvelle préoc¬<br />
cupation dans le débat public français contemporain. Fran¬<br />
çois Bédanda, montre que s'est constitué, depuis le milieu<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANIE 195
des années 70, un véritable culte mémoriel. Les excès, l'abus<br />
de cette mémoire font que l'histori<strong>en</strong> se demande comm<strong>en</strong>t<br />
historiser la mémoire. (Prix : 80,00 FF).<br />
Économie et droit<br />
ENGWALL, Lars ; ZAMAGNI, Vera.<br />
Managem<strong>en</strong>t education in historicalperspective.<br />
Manchester ; New York : Manchester university<br />
press, 1998. XIII-177 p., ill., bibliogr. p. 157-171.<br />
Index. «* 22<br />
Ce livre retrace les principaux événem<strong>en</strong>ts historiques<br />
qui ont donné sa forme actuelle à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du ma¬<br />
nagem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant des exemples représ<strong>en</strong>tatifs euro¬<br />
pé<strong>en</strong>s et japonais. Si, à la fin du 19e siècle, les méthodes<br />
locales d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t étai<strong>en</strong>t déjà confrontées au para¬<br />
digme américain, ce n'est qu'à la fin de la Seconde Guerre<br />
mondiale que le modèle américain fut massivem<strong>en</strong>t ex¬<br />
porté : les auteurs analys<strong>en</strong>t donc les différ<strong>en</strong>tes réactions<br />
de chaque pays face au défi américain <strong>en</strong> se basant sur une<br />
quadruple typologie dont les termes sont discutés <strong>en</strong> in¬<br />
troduction (<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, pratique, consulting, re¬<br />
cherche) ; ils font par ailleurs une évaluation critique de<br />
l'efficacité du paradigme américain <strong>en</strong> conclusion.<br />
Comme le managem<strong>en</strong>t est de plus <strong>en</strong> plus représ<strong>en</strong>té<br />
dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur, cette approche compara¬<br />
tive se veut représ<strong>en</strong>tative des modes actuels de diffusion<br />
des modèles et des idées. (Prix : 35 £).<br />
Éducation artistique<br />
Artsplastiques<br />
ROUX, Claude.<br />
L'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l'art: laformation d'une discipline.<br />
Nîmes : J. Chambon, 1999. 262 p., bibliogr. p. 243-25.<br />
Index. (Rayon art.) «^13<br />
L'auteur, après avoir reçu une formation d'architecte, est<br />
actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>seignant <strong>en</strong> arts plastiques et formateur<br />
auprès d'<strong>en</strong>seignants <strong>en</strong> formation continue. Il prés<strong>en</strong>te ici<br />
un historique de cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t apparu comme tel <strong>en</strong><br />
1972, <strong>en</strong> retraçant la généalogie et l'évolution des rapports<br />
<strong>en</strong>tre l'Art et l'Ecole à partir du 15è siècle. Il s'interroge <strong>en</strong>¬<br />
suite sur la construction des cont<strong>en</strong>us de l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
des arts plastiques aujourd'hui, <strong>en</strong> examinant les textes<br />
institutionnels et <strong>en</strong> les accompagnant d'exemples et d'ob¬<br />
servations empruntés à son expéri<strong>en</strong>ce personnelle. Il pro¬<br />
pose <strong>en</strong>suite une didactique des arts plastiques qui<br />
reposerait davantage sur un éclairage des cont<strong>en</strong>us par<br />
l'<strong>en</strong>seignant, des modes d'appropriation et d'élaboration<br />
des savoirs par les élèves et des situations les plus propices<br />
à l'appr<strong>en</strong>tissage. Cet ouvrage, très bi<strong>en</strong> docum<strong>en</strong>té, pro¬<br />
pose <strong>en</strong> annexe les textes réglem<strong>en</strong>taires, des référ<strong>en</strong>ces bi¬<br />
bliographiques, un index des noms propres et un index des<br />
questions abordées. (Prix : 160,00 FF).<br />
Éducation physique et sportive<br />
SENERS, Patrick.<br />
L'EPS, son histoire, sa g<strong>en</strong>èse: deJules Ferry... à<br />
aujourd'hui, de la gymnastique... aux groupem<strong>en</strong>ts<br />
d'APSA, des manuels... auxprogrammes..., du « maître<br />
degymnastique »... au « professeur agrégé d'EPS ».<br />
Paris : Vigot, 1999. 276 p., bibliogr. p. 275-276.<br />
(Repères <strong>en</strong> éducation physique et sportive.) 13<br />
Une prés<strong>en</strong>tation historique du sport <strong>en</strong> France au XXe<br />
siècle permet de dégager quatre grandes périodes :<br />
1870-1918, une période militaire, avec une transition des<br />
militaires aux médecins, 1925-1958, une période médi¬<br />
cale, <strong>en</strong> passant des médecins aux pédagogues,<br />
1961-1967, une période pédagogique, de la pédagogie on<br />
passe à la didactique, <strong>en</strong>fin 1981-1990, une période didac¬<br />
tique, qui aboutit à l'EPS. Un deuxième chapitre porte sur<br />
les courants et les méthodes, les concepteurs et les acteurs<br />
de l'EPS. Puis sont prés<strong>en</strong>tés les textes officiels concer¬<br />
nant l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l'EPS, avec, <strong>en</strong>tre autres, les pro¬<br />
grammes et les exam<strong>en</strong>s scolaires. La formation des<br />
<strong>en</strong>seignants est abordée ainsi que les facteurs extérieurs,<br />
tels que le contexte politique, le contexte social, le<br />
contexte culturel, les sci<strong>en</strong>ces d'appui et l'évolution du<br />
système éducatif. Des questions-tests complèt<strong>en</strong>t chaque<br />
partie et donne à cet ouvrage les caractéristiques d'un ex¬<br />
cell<strong>en</strong>t outil de travail. (Prix : 98,00 FF).<br />
Éducation civique, politique, morale<br />
etfamiliale<br />
AUDIGIER, François, dir.<br />
L'éducation à la citoy<strong>en</strong>neté.<br />
Paris : <strong>INRP</strong>, 1999. 127 p. (Enseignants et<br />
chercheurs : synthèse et mise <strong>en</strong> débat.) «^ 23<br />
La citoy<strong>en</strong>neté se définit-elle comme l'appart<strong>en</strong>ance à<br />
une communauté politique ou est-elle <strong>en</strong>visagée de façon<br />
plus large à la fois dans son cont<strong>en</strong>u et dans les apparte¬<br />
nances auxquelles elle fait référ<strong>en</strong>ce ? L'éducation à la ci¬<br />
toy<strong>en</strong>neté doit-elle concerner l'<strong>en</strong>semble de la collectivité<br />
<strong>en</strong>seignante et éducative ou doit-elle être prise <strong>en</strong> charge<br />
par une discipline scolaire ? Pour explorer le champ de<br />
l'éducation à la citoy<strong>en</strong>neté, l'auteur trace les principaux<br />
aspects théoriques et pratiques qu'elle revêt <strong>en</strong> s'efforçant<br />
d'<strong>en</strong> respecter la diversité et d'<strong>en</strong> marquer les converg<strong>en</strong>¬<br />
ces. Six <strong>en</strong>seignants réagiss<strong>en</strong>t à ces propos et font part de<br />
leur réflexion autour de quatre thèmes : - citoy<strong>en</strong>neté à<br />
l'école, citoy<strong>en</strong>neté hors de l'école ; - effets interculturels,<br />
citoy<strong>en</strong>neté, nationalité ; - éducation à la citoy<strong>en</strong>neté et<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts disciplinaires ; - éducation à la citoy<strong>en</strong>¬<br />
neté et construction de l'id<strong>en</strong>tité personnelle. L'auteur ré¬<br />
pond aux questions qui lui sont posées et rappelle que<br />
l'éducation à la citoy<strong>en</strong>neté n'est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> un remède mi-<br />
196 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
acle pour pacifier les relations mais plutôt une perspec¬<br />
tive éducative qui donne du s<strong>en</strong>s à nos institutions et à<br />
nos <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts. (Prix : 80,00 FF).<br />
HICKS, David ; SLAUGHTER, Richard.<br />
Worldyearbook ofeducation 1 998 :futures education.<br />
London : Kogan Page, 1998. 292 p., bibliogr.<br />
p. 284-286. Index. «* 22<br />
Est-il possible d'assurer un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qui intègre le fu¬<br />
tur - ou plus exactem<strong>en</strong>t les futurs possibles - dans sa dé¬<br />
marche et ses cont<strong>en</strong>us ? Le premier groupe de<br />
contributions pose les bases épistémologiques d'un tel <strong>en</strong>¬<br />
seignem<strong>en</strong>t, qui traverse plusieurs disciplines : l'économie,<br />
la technologie, la philosophie, les sci<strong>en</strong>ces de la vie et de la<br />
terre. Deux courants sont prés<strong>en</strong>ts : l'un, c<strong>en</strong>tré autour de la<br />
connaissance des systèmes économiques et des réc<strong>en</strong>ts dé¬<br />
veloppem<strong>en</strong>ts technologiques, ayant pour objectif de plani¬<br />
fier, de prévoir, sans <strong>en</strong>visager de changem<strong>en</strong>t structurel de<br />
l'appareil économique ; l'autre, mettant <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les mo¬<br />
difications apportées par l'homme sur son milieu naturel et<br />
les conséqu<strong>en</strong>ces qui <strong>en</strong> découl<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>courageant des chan¬<br />
gem<strong>en</strong>ts politiques, sociaux, économiques. Le deuxième <strong>en</strong>¬<br />
semble de contributions propose des analyses descriptives<br />
de cours c<strong>en</strong>trés autour de la notion de développem<strong>en</strong>t du¬<br />
rable, pour chaque niveau d'étude (de la maternelle à l'uni¬<br />
versité). Les effets positifs de ces démarches sur la vision du<br />
monde qu'adopt<strong>en</strong>t les jeunes et sur l'implication des parti¬<br />
cipants sont mises <strong>en</strong> valeur. (Prix : 94 $).<br />
T - ENSEIGNEMENT<br />
DES DISCIPLINES (2)<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des sci<strong>en</strong>ces<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des mathématiques<br />
Didactique des mathématiques<br />
LAHANIER-REUTER, Dominique.<br />
Conceptions du hasard et <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des probabilités<br />
et statistiques.<br />
Paris : Presses universitaires de France, 1999. 236 p.,<br />
bibliogr. p. 229-236. (Éducation et formation :<br />
Recherches sci<strong>en</strong>tifiques.) »* 1 1<br />
Quand il est question de hasard dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
sci<strong>en</strong>tifique, nous observons que très souv<strong>en</strong>t les élèves<br />
utilis<strong>en</strong>t « le raisonnem<strong>en</strong>t naturel » alors que le profes¬<br />
seur souhaiterait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la logique mathématique.<br />
L'objet de cet ouvrage est d'étudier les différ<strong>en</strong>tes<br />
conceptions du hasard établies sur des modes de connais¬<br />
sance différ<strong>en</strong>ts, sci<strong>en</strong>tifiques ou de s<strong>en</strong>s commun. Dans<br />
la classe de mathématiques, ces conceptions peuv<strong>en</strong>t s'af<br />
fronter, parfois de façon conflictuelle, aussi la recherche<br />
<strong>en</strong>treprise ici a pour finalité l'élaboration de situations di¬<br />
dactiques destinées à apporter une régulation. Le premier<br />
chapitre traite des conceptions mathématiques du ha¬<br />
sard, le deuxième s'intéresse quant à lui aux conceptions<br />
du hasard dans l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t au lycée et à l'université,<br />
<strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces humaines. Le troisième chapitre permet<br />
d'étudier les lieux de construction et de transmission du<br />
s<strong>en</strong>s commun du hasard : presse, romans, dictionnaire-<br />
Dans le quatrième chapitre, vous trouverez une analyse<br />
de productions d'élèves de CM2, terminales et étudiants<br />
de lic<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation. La méthodologie<br />
utilisée pour interpreter les résultats lait appel aux instru¬<br />
m<strong>en</strong>ts statistiques que sont l'analyse implicative et l'ana¬<br />
lyse de similarité. Elles permett<strong>en</strong>t d'id<strong>en</strong>tifier des<br />
conceptions cohér<strong>en</strong>tes collectives. Le dernier chapitre<br />
est c<strong>en</strong>tré sur la compréh<strong>en</strong>sion et l'analyse du phéno¬<br />
mène didactique à travers le déroulem<strong>en</strong>t de situations<br />
didactiques élaborées. (Prix : 138,00 FF).<br />
Enseignem<strong>en</strong>t des techniques<br />
Technologie<br />
RAK, Ignace, dir.<br />
Pour <strong>en</strong>seigner la technologie <strong>en</strong> SEGPA et EREA.<br />
Paris : Delagrave, 1999. 319 p. "* 22<br />
Depuis 1999 et les mesures pour le collège de l'an 2000, la<br />
technologie fait partie des disciplines <strong>en</strong>seignées dans les<br />
SEGPA et les EREA. Cet ouvrage a pour but de répondre<br />
aux besoins de formation des professeurs qui sont char¬<br />
gés de mettre <strong>en</strong> uvre cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, quelle que soit<br />
la formation. Travailler avec ces jeunes <strong>en</strong> grande diffi¬<br />
culté exige une professionnalité spécifique. Aussi les au¬<br />
teurs, ayant travaillé dans ces sections particulières, lont<br />
état, à partir de la réalité et d'une lecture des textes, des<br />
adaptations psychopédagogiques et didactiques réalisa¬<br />
bles. Ils ont donc choisi de scinder leur ouvrage <strong>en</strong> trois<br />
parties. La première partie est destinée à connaître et à si¬<br />
tuer ces sections. Elle retrace leur évolution historique,<br />
leur situation dans le système de l'Adaptation Intégration<br />
Scolaire ( AIS), leurs structures, les personnels et leur for¬<br />
mation, les caractéristiques de la population accueillie et<br />
les pratiques pédagogiques. La deuxième partie, repre¬<br />
nant les textes officiels, montre par une série d'exemples<br />
concrets, l'organisation, la didactique spécifique à <strong>en</strong>visa¬<br />
ger pour cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t adapté, les plans de formation<br />
à <strong>en</strong>seigner et les planifications à établir. Enfin la troi¬<br />
sième partie propose une réflexion sur l'appr<strong>en</strong>tissage à<br />
l'information. En effet, les élèves doiv<strong>en</strong>t posséder des<br />
outils méthodologiques préalables à toute recherche d'in¬<br />
formation, cela afin de pouvoir, à partir de situa¬<br />
tions-problèmes technologiques, analyser le problème,<br />
l'évaluer, rechercher les informations, les trier et propo¬<br />
ser des solutions. (Prix : 1 19,00 FF).<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURANTE 197
Informatique et <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
SÉRUSCLAT, Franck.<br />
L'école républicaine et numérique ?<br />
Paris : Belin, 1999. 127 p. (Débats.) «* 23<br />
Quels sont les <strong>en</strong>jeux de l'introduction des outils numéri¬<br />
ques à l'école ? Quels sont les obstacles à surmonter pour<br />
que chaque élève ait accès aux nouvelles technologies, quel<br />
que soit son niveau d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ? Dans un premier<br />
temps, Franck Sérusclat livre les conclusions de deux rap¬<br />
ports rédigés à la demande de l'Office parlem<strong>en</strong>taire<br />
d'évaluation des choix sci<strong>en</strong>tifiques et technologiques, ba¬<br />
sés sur une longue <strong>en</strong>quête m<strong>en</strong>ée auprès d'<strong>en</strong>seignants<br />
ayant introduit les outils numériques dans leurs pratiques<br />
pédagogiques. Ces conclusions soulign<strong>en</strong>t les bouleverse¬<br />
m<strong>en</strong>ts induits par l'usage des nouvelles technologies tant<br />
dans les appr<strong>en</strong>tissages scolaires que dans le rapport au sa¬<br />
voir, à la culture, à l'<strong>en</strong>seignant. Dans un deuxième temps,<br />
l'auteur nous fait part de ses réflexions : le développem<strong>en</strong>t<br />
d'une « école numérique » apparaît comme étant une<br />
condition nécessaire pour éviter une fracture dramatique<br />
<strong>en</strong>tre ceux qui possèd<strong>en</strong>t l'usage facile des nouveaux outils<br />
de communication et les autres. Deux obstacles à ce déve¬<br />
loppem<strong>en</strong>t sont id<strong>en</strong>tifiés : le sous-équipem<strong>en</strong>t des établis¬<br />
sem<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> particulier des écoles élém<strong>en</strong>taires et<br />
préélém<strong>en</strong>taires, ainsi que le manque de politique efficace<br />
<strong>en</strong> matière de formation des <strong>en</strong>seignants. Cet ouvrage<br />
s'adresse aux pédagogues, aux responsables des équipe¬<br />
m<strong>en</strong>ts, aux décideurs. (Prix : 80,00 FF).<br />
U - ÉDUCATION SPÉCIALE<br />
NÈGRE, Pierre.<br />
La quête du s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> éducation spécialisée : de<br />
l'observation à l'accompagnem<strong>en</strong>t.<br />
Paris : L'Harmattan, 1999. 138 p., ill., bibliogr.<br />
p. 133-136. (Le travail du social.)
essai intéressera tous ceux qui réfléchiss<strong>en</strong>t au s<strong>en</strong>s de l'acte<br />
d'appr<strong>en</strong>tissage, au s<strong>en</strong>s de la vie et du vivant, au s<strong>en</strong>s de la<br />
maladie. (Prix: 130,00 FF).<br />
Handicaps<br />
GARDOU, Charles, dir.<br />
Connaître le handicap, reconnaître la personne.<br />
Ramonville Saint- Agne (31520) : Eres, 1999. 256 p.,<br />
bibliogr. p. 237-245. (Connaissances de l'Education.)<br />
«5<br />
L'<strong>en</strong>semble de ces articles, élaborés dans le cadre du Col¬<br />
lectif de recherches sur le handicap et l'éducation spécia¬<br />
lisée, s'attache à provoquer le passage de la connaissance<br />
du handicap à la reconnaissance de la personne qui vit<br />
une situation de handicap. La première partie de l'ou¬<br />
vrage, « La personne handicapée : d'objet à sujet » est<br />
constituée de réflexions sur le droit à l'autodétermination<br />
et au degré maximum d'autonomie possible pour les per¬<br />
sonnes handicapées. La deuxième partie, « Des int<strong>en</strong>tions<br />
aux actes », mesure le chemin parcouru comme celui qui<br />
reste à parcourir dans les domaines de la vie familiale, af¬<br />
fective et sexuelle, civique, dans les domaines de l'intégra¬<br />
tion professionnelle et scolaire. Comm<strong>en</strong>t mieux intégrer<br />
les jeunes handicapés dans le système scolaire, plus préci¬<br />
sém<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>seignants d'accueil et professionnels<br />
spécialisés peuv<strong>en</strong>t-ils coordonner leurs efforts de façon<br />
efficace ? Témoignages d'<strong>en</strong>seignants, paroles de person¬<br />
nes handicapées, récits d'expéri<strong>en</strong>ces de pratici<strong>en</strong>s so¬<br />
ciaux apport<strong>en</strong>t des élém<strong>en</strong>ts de réponse. Cet ouvrage<br />
s'adresse aux acteurs sociaux, aux médecins, aux cher¬<br />
cheurs, ainsi qu'aux personnes handicapées et à leurs<br />
proches, à ceux qui veul<strong>en</strong>t accompagner et non pas as¬<br />
sister. (Prix : 150,00 FF).<br />
Éducation spécialisée, prév<strong>en</strong>tion<br />
et rééducation<br />
THOMAS, Laur<strong>en</strong>t.<br />
Handicapés ou non, ilsjou<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble : pratiques<br />
d'intégration <strong>en</strong> c<strong>en</strong>tres de loisirs.<br />
Levallois- Perret : éditions Yves Michel, 1999. 139 p.<br />
(Acteurs sociaux.) * 61<br />
Cet ouvrage retrace le parcours militant de Laur<strong>en</strong>t Tho¬<br />
mas qui a créé l'association Loisirs Pluriel, destinée à fa¬<br />
voriser l'accueil et l'intégration des <strong>en</strong>fants handicapés au<br />
sein des activités de loisirs telles que séjours de vacances<br />
et c<strong>en</strong>tres de loisirs. Ce livre est <strong>en</strong> trois parties. 11 retrace<br />
dans un premier temps le parcours personnel de l'auteur<br />
qui, à travers des r<strong>en</strong>contres et des expéri<strong>en</strong>ces, a cons¬<br />
truit son <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans le combat pour une meilleure<br />
intégration des handicapés. La deuxième partie prés<strong>en</strong>te<br />
l'expéri<strong>en</strong>ce de l'association qu'il a créée, Loisirs Pluriel,<br />
les problèmes posés par les pratiques mises <strong>en</strong> place, et<br />
l'analyse des difficultés r<strong>en</strong>contrées. Enfin la troisième<br />
partie est davantage consacrée à un bilan de toute cette<br />
action et à un questionnem<strong>en</strong>t sur les problèmes sociolo¬<br />
giques <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drés par ces problèmes d'intégration des<br />
personnes handicapées. (Prix : 85,00 FF).<br />
Surdoués<br />
GOSSELIN, Brigitte ; GOSSELIN, Michel.<br />
Surdoué et échec scolaire.<br />
Paris : Le Sémaphore, 1999. 126 p. «* 6<br />
Pourquoi des <strong>en</strong>fants doués, même reconnus comme sur¬<br />
doués, se trouv<strong>en</strong>t-ils mis <strong>en</strong> échec dans le système sco¬<br />
laire ? Comm<strong>en</strong>t leur intellig<strong>en</strong>ce particulière devi<strong>en</strong>t-elle<br />
un handicap alors qu'ils devrai<strong>en</strong>t se retrouver parmi les<br />
meilleurs élèves ? Ce sont les principales questions que les<br />
auteurs, qui sont par<strong>en</strong>ts d'<strong>en</strong>fants intellectuellem<strong>en</strong>t<br />
précoces, ont soulevées dans ce livre. Ils relat<strong>en</strong>t les diffi¬<br />
cultés d'adaptation des <strong>en</strong>fants à un système qui ne les re¬<br />
connaît pas, qui t<strong>en</strong>te de les normaliser, et qui <strong>en</strong> fin de<br />
compte est discriminatoire à leur égard. Un état des lieux<br />
de l'école actuelle ainsi que le point sur les pédagogies dif¬<br />
fér<strong>en</strong>tes (Freinet, Decroly, Montessori, etc.) montr<strong>en</strong>t<br />
que l'école se révèle <strong>en</strong> inadéquation avec les besoins spé¬<br />
cifiques de ces <strong>en</strong>fants. Les auteurs parl<strong>en</strong>t des solutions<br />
qu'ils ont trouvées pour aider leurs <strong>en</strong>fants et p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t<br />
qu'une remise <strong>en</strong> cause du fonctionnem<strong>en</strong>t de l'institu¬<br />
tion scolaire ouvrirait d'autres perspectives dont pour¬<br />
rai<strong>en</strong>t profiter les <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> général. (Prix : 1 18,00 FF).<br />
TERRASSIER, Jean-Charles.<br />
Les <strong>en</strong>fants surdoués ou La précocité embarrassante.<br />
Paris : ESF, 1999. 128 p., graph. (Collection<br />
Référ<strong>en</strong>ces ; 1999.) «* 23<br />
Cette 4l édition ajoute une prés<strong>en</strong>tation de la nouvelle<br />
méthode du QI comp<strong>en</strong>sé que l'auteur utilise pour éva¬<br />
luer la précocité ou le retard d'un <strong>en</strong>fant et lui proposer<br />
<strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce le bon appr<strong>en</strong>tissage au bon mom<strong>en</strong>t. La<br />
2' édition de 1989 a fait l'objet d'un résumé dans la<br />
banque de données Emile 1. (Prix : 129,00 FF).<br />
X - ÉDUCATION EXTRA-SCOLAIRE<br />
Politique et actions culturelles<br />
BAUDELOT, Olga, coord. ; RAYNA, Sylvie, coord.<br />
Les bébés et la culture : éveil culturel et lutte contre les<br />
exclusions.<br />
Paris : <strong>INRP</strong> ; L'Harmattan, 1999. 310 p., bibliogr.<br />
p. 309. (Collection Cresas ; 14.) «« 22<br />
BIBLIOGRAPHIE GOURAN1E 199
Les actions d'éveil culturel qui ont été conduites dans le<br />
domaine de la petite <strong>en</strong>fance constitu<strong>en</strong>t-elles une forme<br />
de prév<strong>en</strong>tion précoce de l'inadaptation scolaire et de<br />
lutte contre les exclusions ? Telle était la problématique<br />
du colloque que l'<strong>INRP</strong> a organisé <strong>en</strong> décembre 1996 avec<br />
le souti<strong>en</strong> du Ministère des affaires sociales et de l'Institut<br />
de l'<strong>en</strong>fant et de la famille autour de la prés<strong>en</strong>tation d'une<br />
recherche conduite par son unité du C<strong>en</strong>tre de Recherche<br />
de l'Education Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire.<br />
L'ouvrage prés<strong>en</strong>te d'abord la politique actuelle d'éveil<br />
culturel de la petite <strong>en</strong>fance et sa mise <strong>en</strong> uvre à travers<br />
les exposés de représ<strong>en</strong>tants ministériels et de personna¬<br />
lités impliquées sur le terrain dans le cadre d'organismes<br />
nationaux ou d'associations (Enfance et musique,<br />
ACCES, le FAS, ATD Quart Monde). Une seconde partie<br />
analyse l'ori<strong>en</strong>tation prise par ces actions et les stratégies<br />
de part<strong>en</strong>ariat qu'elles ont suscitées. Les analyses psycha¬<br />
nalytiques, sociologiques et anthropologiques à propos<br />
du jeune <strong>en</strong>fant et de la culture exposées dans la troisième<br />
partie <strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t la réflexion. (Prix : 150,00 FF).<br />
Loisirs<br />
Lecture<br />
Littérature <strong>en</strong>fantine<br />
MERCIER-FAI VRE, Anne-Marie.<br />
Enseigner la littérature dejeunesse ?<br />
Lyon : IUFM de l'Académie de Lyon ; Presses<br />
Universitaires de Lyon, 1999. 147 p. (Collection<br />
IUFM.) « 21<br />
Pour former de futurs lecteurs, il semble que la littérature<br />
de jeunesse doit avoir sa place auprès des jeunes, et <strong>en</strong><br />
particulier dans le cadre scolaire. Dans cette optique, il<br />
faut, <strong>en</strong> premier lieu, se demander quels lecteurs former<br />
(âge et stade d'appr<strong>en</strong>tissage de la lecture souhaitable) ?<br />
Ensuite, il faut s'attacher à donner une définition valable<br />
de ce que l'on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par littérature de jeunesse. Pour ré¬<br />
pondre à ces questions, une équipe d'instituteurs-maî¬<br />
tres-formateurs et des formateurs de quatre c<strong>en</strong>tres de<br />
l'IUFM de Lyon a organisé des journées de réflexion avec<br />
des auteurs, des chercheurs et des pratici<strong>en</strong>s. Ces travaux<br />
ont permis de faire le point sur ce qui se lit, ce qui se fait, et<br />
ce qui s'écrit. De plus les chercheurs ont t<strong>en</strong>té de cerner ce<br />
qui, dans la littérature de jeunesse, permet de former chez<br />
l'être humain un goût durable pour la lecture. Tour à tour<br />
ont été analysés les divers thèmes abordés dans la littéra¬<br />
ture de jeunesse d'aujourd'hui, tels que la fiction, le cha¬<br />
grin, la poésie, le roman, le théâtre, le mythe. Les<br />
collections pour adolesc<strong>en</strong>ts sont traitées à part, considé¬<br />
rées comme littérature spécifique. (Prix : 100,00 FF).<br />
PERROT, Jean.<br />
Jeux et <strong>en</strong>jeux du livre d'<strong>en</strong>fance et dejeunesse.<br />
Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 1999. 414 p.<br />
(Bibliothèques ; 1999.) «sr 4<br />
A l'heure où les nouvelles technologies de l'information<br />
et de la communication cré<strong>en</strong>t des jeux de toutes sortes, la<br />
littérature pour l'<strong>en</strong>fance et la jeunesse développe une<br />
gamme incroyable d'objets nouveaux : livres-jeux, livres<br />
animés où l'image intervi<strong>en</strong>t sous différ<strong>en</strong>tes formes, -<br />
sans négliger le plaisir du texte - rivalisant avec les pro¬<br />
duits multimédia. Aussi, cette <strong>en</strong>quête, basée sur une syn¬<br />
thèse de diverses recherches sur la lecture du texte et de<br />
l'image, et sur une culture d'<strong>en</strong>fance dominée par l'esthé¬<br />
tique baroque, ancre son approche de la littérature d'<strong>en</strong>¬<br />
fance et de jeunesse sur la notion du jeu. C'est à une<br />
exploration progressive des théories utilisant le jeu qu'il<br />
sera procédé dans cette étude à travers la représ<strong>en</strong>tation<br />
d'un certain nombre d'ouvrages représ<strong>en</strong>tatifs de notre<br />
époque, allant de l'album au roman. Dans cette optique,<br />
un jeu de lecture-écriture, auquel le lecteur participe dans<br />
le deuxième chapitre, vise à l'impliquer dans l'explora¬<br />
tion des spécificités de l'imaginaire contemporain, tel<br />
qu'il se manifeste dans la culture et l'édition pour la jeu¬<br />
nesse. Enfin, cet ouvrage examinera les problèmes de l'ac¬<br />
cueil du public aux divers g<strong>en</strong>res et à la panoplie des<br />
nouveaux médiateurs de la lecture. Le problème de<br />
l'équilibre <strong>en</strong>tre culte du plaisir, consommation et créa¬<br />
tion artistique de qualité est posé. (Prix : 250,00 FF).<br />
Z - INSTRUMENTS GÉNÉRAUX<br />
D'INFORMATION<br />
Dictionnaires<br />
JARVIS, Peter.<br />
International dictionary ofadult and continuing<br />
education.<br />
London : Kogan page, 1999. 202 p. «^ 9<br />
Ce dictionnaire, composé de trois mille cinq c<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>¬<br />
trées, veut apporter les connaissances de base dans le do¬<br />
maine de la formation continue des adultes. On y<br />
trouvera les définitions de notions, concepts, organismes<br />
traitant de la formation continue. Y figur<strong>en</strong>t aussi quel¬<br />
ques théorici<strong>en</strong>s et pratici<strong>en</strong>s d'hier et d'aujourd'hui. Un<br />
système de r<strong>en</strong>vois d'un article à l'autre permet de relier<br />
les notions abordées. Cet ouvrage prés<strong>en</strong>te la seule vision<br />
de l'auteur, professeur <strong>en</strong> formation continue dans une<br />
université anglaise (ce qui explique des manques certains,<br />
notamm<strong>en</strong>t au niveau français). (Prix : 35 £).<br />
200 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
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ADRESSES D'ÉDITEURS 203
SUMMARIES<br />
Educational research contribution to the training<br />
of adults with a low schooling level<br />
by Véronique Leclercq<br />
This article describes the intellectual and professio¬<br />
nal developm<strong>en</strong>t occurring in education ol adults<br />
with little or no previous schooling. At first, the<br />
author was ori<strong>en</strong>ted towards practice and she pro¬<br />
gressively turned to educational research and didac¬<br />
tics of Fr<strong>en</strong>ch as a second language. This evolution is<br />
analysed. Besides, reflexive thinking about objects,<br />
methodologies, various approaches and research<br />
contexts provide an opportunity for the author to<br />
question complex relations betwe<strong>en</strong> educational<br />
sci<strong>en</strong>ces and a specific field of education, that is basic<br />
adult training. More g<strong>en</strong>erally, it gives the possibility<br />
of questioning conditions and functions of research<br />
devoted to adult education.<br />
Being a girl, a woman, a female teacher : on the way<br />
to equality<br />
by Michèle Babillot<br />
Being fully aware of inequalities, especially g<strong>en</strong>der ine¬<br />
qualities at school, <strong>en</strong>couraged me to think about my<br />
personal life, my career path, to find the various aspects<br />
of this concern. My g<strong>en</strong>der, my education, my schoo¬<br />
ling, my ori<strong>en</strong>tation, my <strong>en</strong>rollm<strong>en</strong>t in co-educational<br />
or single sex schools training led to start research on the<br />
problematics ol g<strong>en</strong>dered/social relationships, reading,<br />
visits to several European countries : all these elem<strong>en</strong>ts<br />
took part in the construction of an ideal of equality bet¬<br />
we<strong>en</strong> man and woman in the society, betwe<strong>en</strong> boys and<br />
girls at school. My job as an educational counsellor lets<br />
SUMMARIES<br />
me hope that school will have an important role to play<br />
in the construction of equality and will prepare m<strong>en</strong><br />
and wom<strong>en</strong> of the future.<br />
From the child of Republic to the hussar of Republic<br />
by Franck Chigné-Riboulon<br />
In neighbourhoods where social and economic situa¬<br />
tions become worse, teaching is more and more diffi¬<br />
cult, and a certain number of teachers get discoura¬<br />
ged. Firstly, the pupils attitude towards teachers (and<br />
other school personnel) can explain this situation.<br />
Nevertheless, teaching them the rules ofconduct with<br />
other people is not an impossible aim, ev<strong>en</strong> if it is<br />
oft<strong>en</strong> difficult. Each teacher can improve, or change<br />
this situation with perseverance, thoroughness and<br />
respect towards the pupils. Teaching citiz<strong>en</strong>ship is,<br />
may be, the beginning of education success through<br />
the mutual respect betwe<strong>en</strong> teacher and pupil.<br />
A new vision of school failure<br />
by Chantai Costa<br />
For the author, individual and professional paths are<br />
closely linked. As a teacher in a secondary vocational<br />
school (real estate business section), she soon<br />
became aware of the problem of school failure and its<br />
disturbing consequ<strong>en</strong>ces for youths, which led her on<br />
to practice a kind of institutional pedagogy suppor¬<br />
ted by counselling, official recommandations, pro¬<br />
ject work, cooperative work to help stud<strong>en</strong>t<br />
adjustem<strong>en</strong>t to the Institution and acquisition of<br />
basic knowledges necessary for an actual integration<br />
in society.<br />
205
Id<strong>en</strong>tity construct and relation to knowledge<br />
by Frédéric Haeuw<br />
Professional and personal id<strong>en</strong>tity is directly<br />
linked to relation to knowledge which actually<br />
means relation to oneself, to others, to the whole<br />
world. Each person grasps knowledge in one's own<br />
way, structuring one's id<strong>en</strong>tity which, in return,<br />
influ<strong>en</strong>ces one's reality grasp, through continual<br />
backwards and forwards motion str<strong>en</strong>gth<strong>en</strong>ing<br />
structures.<br />
From this assumption, the author outlines his profes¬<br />
sional career, remembering the ev<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong>counters,<br />
influ<strong>en</strong>ces which he had be<strong>en</strong> aware or unaware of,<br />
which were decisive mom<strong>en</strong>ts for his practician path<br />
and which may explain his commitm<strong>en</strong>t to training<br />
especially in the field of self-education and his eager¬<br />
ness to promote learning styles based on learners'<br />
autonomy and accountability.<br />
Finding a way betwe<strong>en</strong> dream and reality<br />
by Marie-Christine Presse<br />
Dormitory town... shanty town... halfway houses...<br />
university. Along suburbs, a path has be<strong>en</strong> marked<br />
out, on the occasion of <strong>en</strong>counters, readings. This<br />
path led me to writing a thesis and pres<strong>en</strong>ting it,<br />
which is, as B. Chariot says it, "one of the most beau¬<br />
tiful mom<strong>en</strong>t in life", a mom<strong>en</strong>t wh<strong>en</strong> dream and rea¬<br />
lity meet. Born in a trouble area, which left its lasting<br />
mark on me, I chose the side of audi<strong>en</strong>ces - adults and<br />
childr<strong>en</strong> - that were particularly withdrawn from trai¬<br />
ning opportunies. It was neither the result of chance<br />
or of necessity, I was merely faithful to the values that<br />
determined my professional and individual choices.<br />
If I had to do it again I would choose the same path,<br />
which combines the pleasure of researching, of tea¬<br />
ching and of reading.<br />
History contradictions : pioneers' experi<strong>en</strong>ce<br />
of school psychology and "maladjusted childr<strong>en</strong>"<br />
by Nathalie Bélanger<br />
This article pres<strong>en</strong>ts the origin of the problematics<br />
underlying the author's doctoral thesis, dealing with<br />
the experi<strong>en</strong>ce of earliest school psychologists in<br />
France (as soon as 1945) and their role in the field of<br />
"maladjusted youth". According to the initial Wallon<br />
project, school psychology was aiming at furthering<br />
child adjustm<strong>en</strong>t to school and conversely. In fact,<br />
school psychology was soon associated with youth<br />
maladjustm<strong>en</strong>t and education of childr<strong>en</strong> with spe¬<br />
cial needs. Through a sociological approach of school<br />
psychology emerg<strong>en</strong>ce and developm<strong>en</strong>t, we can try<br />
to understand whether school psychology develo¬<br />
ping during the 40's and 50's is the result of social<br />
request expressed by school or a claim created by<br />
school psychologists themselves.<br />
Academic id<strong>en</strong>tities and g<strong>en</strong>eration : a thesis path<br />
by Monique Landesmann<br />
Wh<strong>en</strong> describing the steps of her professional deve¬<br />
lopm<strong>en</strong>t leading to the pres<strong>en</strong>tation of a thesis, the<br />
author m<strong>en</strong>tions b<strong>en</strong>chmarks and obstacles she had<br />
to overcome.<br />
She particularly stesses her dual id<strong>en</strong>tity and linguis¬<br />
tic belonging : she is both a teacher/researcher at<br />
Mexico Autonomous University ("UNAM") and, for<br />
personal reasons, a postgraduate stud<strong>en</strong>t at Nanterre<br />
University (Paris X) writing her thesis in France but<br />
about a problem concerning Mexican university : viz<br />
id<strong>en</strong>tity problems of university teachers in bioche¬<br />
mistry at UNAM - a subject that was related to her<br />
personal concerns. The aim of her thesis is to recons¬<br />
truct the social path and the process of creation of<br />
academic id<strong>en</strong>tity of those teachers.<br />
From operating subject to exist<strong>en</strong>tial subject :<br />
writing a thesis, going beyond pre-established<br />
thought frameworks or learning how to construct<br />
the liberty to ask questions<br />
by Brigitte Lemius<br />
Doctoral stud<strong>en</strong>t path is punctuated with obstacles<br />
(professional, intellectual...) that are surpassed.<br />
Intermediate pieces of work (professional diary, refe¬<br />
r<strong>en</strong>ce-based theoritical analyses descriptions of<br />
classroom practice...) compose a kind of hypertext<br />
sustaining thought processes. Researcher position<br />
linked to the position of teacher/librarian in a school<br />
for handicapped childr<strong>en</strong> - in that case, childr<strong>en</strong> with<br />
motor handicaps - lead to reflection on hypertext<br />
writing by low level pupils who, because of their han¬<br />
dicap, repres<strong>en</strong>t an exemplary case. Interv<strong>en</strong>tions<br />
feed back questions premises and modify the initial<br />
construct of die object, which does not constitute a<br />
failure but, on the contrary, an opportunity fo thin¬<br />
king differ<strong>en</strong>tly.<br />
206 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000
In search of the multiple roots of non-religious ethic<br />
during the Third Republic<br />
by Laur<strong>en</strong>ce Loeffel<br />
Wh<strong>en</strong> I was <strong>en</strong>rolled for the preparation of a thesis in<br />
educational sci<strong>en</strong>ces at the <strong>en</strong>d of the year 1991, 1 had<br />
to face several difficulties to realize my project.<br />
Living in Paris, and being a full time teacher of philo¬<br />
sophy at the IUFM (Teacher Training Institute) in<br />
Beauvais, I had little time to conduct research. This<br />
research concerned an ignored field of knowledge :<br />
the foundation of non-religious ethic during the<br />
Third Republic. Many historians explored, long ago,<br />
the theme of secularization, especially secular control<br />
of school, but the issue of philosophical foundations<br />
of secular ethic at school was neglected by scholars.<br />
It's why I conducted this survey on the borders ol<br />
philosophy, history and archeology. I coud achieve<br />
this project thanks to my supervisor, Pr. Lelièvre,<br />
who was always ready to help me during the five<br />
years of research leading to my Ph D.<br />
Factors determining educational readings of<br />
teachers<br />
by Jean-Michel Drouet<br />
Teachers have be<strong>en</strong> accused of "educational illite<br />
SUMMARIES<br />
racy", though an active minority of them read int<strong>en</strong>¬<br />
sely. Trying to go beyond these statem<strong>en</strong>ts, this<br />
article takes into account actual educational practi¬<br />
ces and pres<strong>en</strong>ts the most relevant results of an<br />
inquiry on teachers reading in education. Based on<br />
the assumption that belonging to a network would<br />
be the strongest factor determining reading practi¬<br />
ces, it shows that these practices significantly differ<br />
according to the type of network concerned. They<br />
also seem to vary in relation to some of individual<br />
teacher characteristics more than in relation to his<br />
repres<strong>en</strong>tations and projects.<br />
Memories for the Future<br />
by Jean-François Garcia<br />
a new column, writt<strong>en</strong> under the heading "Memories<br />
for the future", aiming at <strong>en</strong>hancing the richness of<br />
the <strong>en</strong>tire collections of <strong>INRP</strong> library and resource<br />
c<strong>en</strong>ter, is in this issue, giving a comm<strong>en</strong>tary on an<br />
excerpt from the Buisson Dictionary published in<br />
191 1, which introduces a nineteeth c<strong>en</strong>tury educatio¬<br />
nalist - Joseph Jocotot, who is not well-known - and<br />
his educational philosophy contained in the famous<br />
axiom "all is in all".<br />
207
Nom ou établissem<strong>en</strong>t<br />
Adresse<br />
Localité<br />
Date<br />
PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES<br />
EN ÉDUCATION<br />
A retourner à<br />
<strong>INRP</strong> - PUBLICATIONS<br />
29, RUE D'ULM 75230 PARIS CEDEX 05<br />
Demande d'attestation de paiem<strong>en</strong>t D oui D non<br />
Code postal<br />
Signature ou cachet<br />
Montant de l'abonnem<strong>en</strong>t (3 numéros) Tarif valable du 01 -08-2000 au 31-07-2001<br />
France (TVA 5,5 153,00 F TTC 23,32 ¤<br />
Corse, DOM<br />
Guyane, TOM<br />
Étranger<br />
Le numéro (tarif France, TVA 5,5 %)<br />
Perspectives docum<strong>en</strong>taires <strong>en</strong> éducation<br />
148,07 F<br />
145,02 F<br />
1 93,00 F<br />
60,00 F<br />
22,57 ¤<br />
22,11 ¤<br />
29,42 ¤<br />
9,15 ¤<br />
Nb d'abon. Prix Total<br />
Toute commande d'ouvrages doit être accompagnée d'un titre de paiem<strong>en</strong>t libellé à l'ordre de l'Ag<strong>en</strong>t<br />
comptable de l'<strong>INRP</strong>.<br />
Cette condition s'applique égalem<strong>en</strong>t aux commandes émanant de services de l'État, des collectivités territoriales et des<br />
établissem<strong>en</strong>ts publics nationaux et locaux (texte de référ<strong>en</strong>ce : Ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, Direction de<br />
la Comptabilité publique, Instruction N° 90- 122-B 1 -M0-M9 du 7 novembre 1 990, relative au paiem<strong>en</strong>t à la commandepour l'achat<br />
d'ouvrages par les organismes publics).<br />
Une facture pro-forma sera émise pour toute demande. Seul, le paiem<strong>en</strong>t préalable de son montant <strong>en</strong>traînera l'exécution de<br />
la commande.
ETUDES<br />
Institut National de Recherche Pédagogique<br />
Service des publications<br />
2l), rue d'Ulm - 75230 Paris Cedex 05<br />
Tél. 01 46 34 91 56 - www.inrp.fr<br />
Itinéraire de recherche<br />
Sommaire<br />
VÉRONIQUE LECLERCQ / Les sci<strong>en</strong>ces do l'Éducation "au service" de la formation<br />
des adultes de faible niveau de scolarisation<br />
(Chemins de pratici<strong>en</strong>s<br />
MICHÈLE BABILLOT / Pille, femme, <strong>en</strong>seignante : sur les chemins de l'égalité<br />
FRANCK ChiGNIER-RïBOULON / De l'<strong>en</strong>fant de la République au hussard de la République<br />
CHANTAL COSTA / Un nouveau regard sur l'échec scolaire<br />
FRÉDÉRIC HAEUW / Construction id<strong>en</strong>titaire et rapport aux savoirs<br />
MARIE-CHRISTINE PRESSE / Entre le rêve et la réalité : trouver le chemin<br />
(Chemins de doctorants<br />
NATHALIE BÉLANGER / Les contradictions de l'histoire :<br />
l'expéri<strong>en</strong>ce des pionniers de la psychologie scolaire et T'<strong>en</strong>fance inadaptée"<br />
MONIQUE LANDESMANN / Id<strong>en</strong>tités académiques et génération : itinéraire de thèse<br />
BRIGITTE LemiuS / Du sujet opératoire au sujet exist<strong>en</strong>tiel : faire une thèse, se dégager<br />
des schémas de p<strong>en</strong>sée pré-établis ou appr<strong>en</strong>dre à construire la liberté de poser les questions<br />
LAURENCE LOEFFEL / La question du fondem<strong>en</strong>t de la morale laïque<br />
sous la Troisième République : une quête des origines à la frontière des g<strong>en</strong>res<br />
Communication docum<strong>en</strong>taire<br />
jEAN-MiCHEL DROUET / Les déterminants des diverses pratiques de lecture<br />
<strong>en</strong> Education des <strong>en</strong>seignants<br />
"Souv<strong>en</strong>irs du futur"<br />
JEAN-FRANÇOIS GARCIA / Joseph Jacotot. Extrait du Nouveau Dictionnaire<br />
de Pédagogie et d'Instruction Primaire de Ferdinand Buisson<br />
Innovations et recherches à l'étranger<br />
Nelly Rome<br />
Observatoire des thèses concernant Véducation<br />
Marie-Françoise Caplot<br />
BIBLIOGRAPHIE COURANTE<br />
Ouvrages et rapports<br />
Adresses d'éditeurs<br />
Summaries<br />
9'782734"206842<br />
ISSN 1148-4519<br />
2-7342-0684-6