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Xavier Peugeot, Stellantis Pro One : "Il faut apporter des réponses à des besoins spécifiques, sans compromis"

Publié le 1 février 2024

Par Jean-Baptiste Kapela
8 min de lecture
Stellantis Pro One n’a pas manqué le salon Hyvolution à Paris pour présenter l’arrivée de sa gamme de grands fourgons à hydrogène. Xavier Peugeot, vice-président de Stellantis Pro One, nous réaffirme les ambitions de l’entité spécialisée dans les véhicules utilitaires du groupe. Son mantra, proposer une solution électrique sans compromis.
Xavier Peugeot, vice-président de Stellantis Pro One
Xavier Peugeot, vice-président de Stellantis Pro One, au salon Hyvolution 2024. ©Le Journal des Flottes-Jean-Baptiste Kapela

Le Journal des Flottes : Pourriez-vous faire un état des lieux de la stratégie de Stellantis Pro One en matière d’hydrogène ? 

Xavier Peugeot : Il y a des éléments importants dans notre feuille de route zéro émission qu’il faut garder en tête. Dans un premier temps, il s’agit d’être prêts le plus tôt possible afin d'anticiper une certaine maturité des marchés pour prendre un leadership au moment venu. En prenant l'exemple de l'électrique, nous avions annoncé que l'ensemble de notre gamme de fourgons utilitaires auraient une version électrique avant fin 2021. Nous avons tenu parole. Et fin 2023, nous avions environ 40 % de parts de marché en Europe sur les VU à batterie. Avoir été prêts tôt, avec une gamme complète, et surtout une absence de compromis sur les performances, nous a permis d'atteindre cet objectif. Sur l'hydrogène, nous développons la même approche.  

 

JDF : La commercialisation du Peugeot e-Expert Hydrogen a débuté en 2021. Depuis, combien de fourgons compacts à hydrogène avez-vous commercialisés ? Est-ce satisfaisant ? 

X.P. : Nous avons lancé "concrètement" et j’insiste sur ce mot la commercialisation du Peugeot e-Expert Hydrogen en 2023, et cela nous a permis d'engranger plusieurs centaines de commandes. Cela semble peu, mais il faut attendre que le marché prenne sa maturité. Nous continuons donc de déployer notre feuille de route. Aujourd'hui, il y a environ 250 stations hydrogènes en Europe. Nous pensons qu’à horizon 2030, il y aura près d'une station tous les 250 kilomètres. Le développement de l'infrastructure sera déterminant. Sans nul doute que cela lèvera des freins, et nous nous attendons à une montée des volumes dans les années à venir.  

 

JDF : Parmi les centaines de fourgons compacts à hydrogène déjà immatriculés par Stellantis Pro One, est-ce qu’une typologie de client sort du lot ? 

X.P. : Comme nous l'avons vu dans nos études, la réponse hydrogène ne se substitue pas à la réponse électrique. Elle est complémentaire et elle répond à d’autres besoins. Globalement, environ 45 % des clients professionnels roulent moins de 300 kilomètres par jour. Plus de la moitié des conducteurs sont donc considérés comme des "gros rouleurs". Nous avons donc besoin de leur apporter des véhicules avec une autonomie plus grande. Certains clients ont aussi un besoin d'absence de rupture de charge et par conséquent d’une recharge rapide de cinq minutes. Actuellement, sans surprise, ce sont les compagnies de taxi qui sont nos premiers volumes makers de versions hydrogènes. 

 

JDF : La production des Peugeot e-Expert Hydrogen, des Opel Vivaro Hydrogen et des Fiat Professional e-Scudo Hydrogen est rapatriée en France. Quelle est la raison de ce choix ?  

X.P. : Une fois de plus, cela faisait partie de notre feuille de route. Il s’agit de réellement lancer l’industrialisation des fourgons compacts qui étaient, jusqu'à présent, produits de manière artisanale, sur mesure, dans notre usine de Rüsselsheim, en Allemagne. Dans un souci de volume, nous avons donc rapatrié toute la fabrication du Peugeot e-Expert en version hydrogène sur notre site d’Hordain, dans le nord de la France. Au passage, Hordain devient la seule usine au monde qui produit, sur un même véhicule, du thermique, de l'électrique et de l'hydrogène. Une ligne qui nous apporte de la flexibilité. Cela nous permet de réduire le coût ou encore d'augmenter les performances. Heureux d'avoir confirmé cette solution de fourgon compact à hydrogène, comme annoncé l'année dernière, nous renforçons cette première offre par une deuxième : un grand fourgon à hydrogène qui sera produit dans l'usine polonaise de Gliwice. Dans chacune de ces usines, nous prévoyons de produire 5 000 unités en 2024. 

 

JDF : Comment peut se concrétiser la réduction des coûts pour vos clients ? 

X.P. : L'année dernière, le coût du Peugeot e-Expert Hydrogen était, en brut, d'environ 130 000 euros HT et hors subvention. Aujourd'hui, il y a trois marchés qui se développent sur l'hydrogène : la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Si je prends l'exemple de l’Hexagone, il faut intégrer 4 000 euros de bonus écologique, plus des aides régionales ou de l'Ademe. Celles-ci varient selon la politique de chacune des régions. Mais si vous prenez l'exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les aides vont jusqu'à 37 000 euros par véhicule. Les prix peuvent donc beaucoup varier. Le fait d’avoir intégré le Peugeot e-Expert Hydrogen à Hordain réduit sensiblement nos coûts de production, ainsi nous pouvons diminuer le montant du véhicule pour le client. D'environ 130 000 euros, il est passé à près de 80 000 euros. Ces chiffres restent toutefois à prendre avec des pincettes, mais ils montrent le gain, la vitesse d'évolution des prix et donc la capacité de développement de ce marché. Ainsi, si je prends un loyer sur une base de 48 mois/100 000 km, cela revenait auparavant à 1 250 euros HT par mois. Cette année, avec le déploiement à Hordain, nous sommes plutôt autour des 850 euros. 

 

JDF : Dorénavant, Stellantis Pro One s’attaque à un deuxième segment en matière d’hydrogène avec la production des grands fourgons Peugeot e-Boxer Hydrogen, Citroën ë-Jumper Hydrogen, Opel Movano Hydrogen et Fiat Professional e-Ducato Hydrogen. Avez-vous constaté une forte demande ?  

X.P. : La logique est client. Elle relève de notre capacité à répondre à des besoins spécifiques sans compromis sur les performances. Il était donc naturel que cette offre de fourgons compacts soit complétée par celle d’un grand fourgon pour lequel nous pensons qu’il y a également une capacité de déploiement. L'objectif étant celui fixé par Carlos Tavares dans le plan Dare Forward 2030 qui est d’être neutre en carbone à l'horizon 2038. Le grand fourgon hydrogène est constitutif de notre feuille de route pour atteindre cet objectif. Là aussi, la production des grands fourgons à hydrogène s'ancre dans une logique de réduction des coûts. Nous avons deux sites de production pour ce grand fourgon qui sont à Atessa, en Italie, et maintenant à Gliwice, en Pologne. 

 

JDF : 5 000 unités en 2024, mais combien de véhicules produits anticipez-vous au-delà de cette année ?   

X.P. : En 2025, la production devrait être nettement supérieure aux 10 000 unités. Mais nous allons voir à quel degré le marché évolue. Comme à chaque démarrage de technologie, nous allons voir comment évolueront les infrastructures et le soutien du gouvernement. Si nous voulons faire avancer la décarbonation et apporter des réponses zéro émission, l'hydrogène fait partie de ces bonnes solutions. Ainsi, nous devons soutenir le déploiement de cet écosystème.

 

JDF : Stellantis Pro One lance la production de piles à combustible de fourgons de moyenne et grande tailles, pouvez-vous en dire plus ?  

X.P. : Nous avons une solution que nous appelons "midpower" qui est un peu différente de ce que font les autres. Nous avons d'un côté, une pile à combustible qui nous fait gagner en autonomie et de l'autre, une batterie type PHEB, qui nous permet d’avoir plutôt des pics de performance pour accélérer, avoir du couple, pour dépasser... etc. Ainsi, nous souhaitons avoir cette architecture spécifique avec ces deux technologies parce que cela nous paraît être la meilleure réponse pour ce que nous avons souhaité mettre en avant sur les deux fourgons. Vraiment, notre mantra, c’est l'absence de compromis sur les performances. Nos clients vont nous dire "c'est très bien le zéro émission, mais si vous me divisez la charge utile par deux, cela ne nous intéresse vraiment pas". Ils ont un besoin professionnel qu’il faut servir en priorité. Résultat, nous produisons en gardant la charge utile, le volume utile, et les éléments absolument structurants des attentes clients. Nous offrons une panoplie de réponses, zéro émission électrique, hydrogène et, en parallèle, du rétrofit. 

  

JDF : Vous avez un partenariat avec Toyota à Hordain. Connaissant l’appétence pour l’hydrogène de la marque nippone, un partenariat sur cette technologie est-il prévu ?  

X.P. : Toyota a sa propre réponse hydrogène et les produits que nous présentons ici sont réservés aux marques du groupe Stellantis. Une collaboration sur l'hydrogène n’est pas du tout au programme. Il est important de rappeler que l’entité Pro One de Stellantis est dédiée aux fourgons, aux Van, mais aussi aux pick-up. Nous regardons plutôt vers les États-Unis, où nous avons l'ambition d'y développer la marque RAM en proposant notre nouveau modèle de grand fourgon Promaster. Ce dernier sera aussi commercialisé en version hydrogène. Côté pick-up, nous avons déjà commencé à apporter les réponses électriques pour les light duty (les plus légers des pick-up) et pour les heavy duty, nous apporterons des réponses hydrogène dans un horizon de moins de trois ans. 

  

JDF : Quels sont les objectifs en matière d’hydrogène de Stellantis Pro One à plus long terme, à l'horizon 2030-2035  ?

X.P. : Nous pensons que l'hydrogène doit pouvoir représenter environ 20 % du marché à l'horizon 2030, si nos anticipations sont justes en termes de développement d'infrastructures et de déploiement d'aides. Ensuite, nous visons une croissance notamment aux États-Unis avec les pick-up de la marque RAM pour venir compléter notre offre. Mais notre volonté, c'est d’'offrir une panoplie de réponses concrètes zéro émission à nos clients, et d'assurer un renforcement du leadership de Stellantis. À ce jour, l'entité Pro One permet au groupe d'être leader sur ce segment en Europe, premier en Amérique du Sud, deuxième au Moyen-Orient et troisième aux États-Unis. Il faut nourrir la feuille de route du plan Dare Forward 2030, avec cette neutralité carbone à l'horizon 2038. 

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