Produit défectueux : quelle exonération du producteur en cas de faute de la victime ?
Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 juin 2021 concerne la possibilité pour un producteur de s’exonérer de sa responsabilité lorsqu’il est démontré une faute de la victime envers le produit. Par Quentin Charluteau, avocat chez Simmons & Simmons LLP.
LA RÉDACTION
\ 16h54
LA RÉDACTION
Les faits
En l’espèce, un incendie d’origine électrique s’était déclaré. L’expertise technique avait permis de déterminer que l’origine de celui-ci était une surtension du réseau électrique. La société en charge du réseau a donc été condamnée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Malgré ce défaut et la responsabilité reconnue, les juges du fond avaient considéré que le dommage lié à la surtension avait cependant été aggravé par la victime, qui disposait d’une installation électrique non conforme. En appliquant l’article 1245-12 du code civil qui dispose que « la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable », les juges d’appel avaient laissé à la victime 40 % de la charge financière occasionnée par le dommage.
La décision
La Cour de cassation sanctionne cette application de l’article 1245-12 en jugeant que la faute imputée à la victime n’avait pas causé le dommage et l’avait seulement aggravé. En d’autres termes, pour la Cour de cassation, la faute de la victime doit avoir été le déclencheur initial du dommage pour que la responsabilité du producteur puisse être écartée. En revanche, la simple participation de la faute de la victime à l’accroissement de l’étendue du dommage est insuffisante à exonérer, même partiellement, le responsable.
le commentaire
Cette position de la Cour de cassation témoigne d’une conception très stricte du lien causal : dans le traditionnel débat entre la théorie de l’équivalence des conditions (qui demande au juge de prendre en considération toutes les causes ayant conduit au dommage) et la théorie de la causalité adéquate (qui impose au juge de ne retenir que la cause la plus directe d’un dommage), c’est cette dernière qui l’a emporté devant la Cour de cassation. On pourra trouver la solution sévère, puisqu’elle revient, en pratique, à limiter très fortement la portée de la cause d’exonération prévue par l’article 1245-12. On pourra également juger que la distinction effectuée entre les fautes de la victime (la faute qui déclencherait le dommage versus la faute qui ne ferait que l’aggraver) est bien subtile et, surtout, ne ressort pas de la lettre du texte appliqué par la Cour de cassation, qui aurait ainsi ajouté une condition à l’article 1245-12 du code civil. Cependant, il faut garder à l’esprit que les dispositions du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux sont issues de la directive européenne du 25 juillet 1985, qui avait pour objectif de créer un régime de responsabilité autonome, favorisant l’indemnisation des victimes. En ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation répond à ces objectifs, puisque, d’une part, la règle qu’elle dessine concernant les conséquences de la faute de la victime dans le régime de la responsabilité du fait des produits diffère du droit commun (où toute faute de la victime peut exonérer partiellement le responsable) et, d’autre part, que l’application de cette règle est clairement en faveur d’une réparation des dommages des victimes.
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